Carnet de voyage.

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Colonel Patrick BAUTHEAC Commandant Manuel KREMER Capitaine Michel CORREARD Adjudant/Chef Jean-Marie GUZENGAR Caporal/Chef Pascal BERGER Carnet de voyage-Mission Israël - Décembre 2010-Michel Corréard 1

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Carnet de voyage de la mission Feux de Forêts en ISrael. Décembre 2010.

Transcript of Carnet de voyage.

Colonel Patrick BAUTHEAC

Commandant Manuel KREMER

Capitaine Michel CORREARD

Adjudant/Chef Jean-Marie GUZENGAR

Caporal/Chef Pascal BERGER

Carnet de voyage-Mission Israël - Décembre 2010-Michel Corréard 1

MISSION ISRAEL

DU VENDREDI 3 DECEMBRE au JEUDI 9 DECEMBRE 2010

Le Jeudi 2 Décembre 2010, un violent feu de forêt s’est déclaré sur le Mont Carmel, Commune de Haïfa en Israël.

Le mont Carmel est une montagne côtière en Israël surplombant la mer Méditerranée. La ville de Haïfa se trouve en partie à flanc du mont Carmel, quelques petits villages, Nesher, Tirat Carmel et le Kibboutz Beit Oren. De même on trouve sur mont Carmel, la prison de détenus sécuritaires de Damon.

Selon la Bible, le prophète Elie y résidait, d'où son autre nom de « mont St Élie », en arabe مار جبل ,إلياس Jabal Mar Elyas. C'est sur le mont Carmel, qu'affrontant les prêtres de Baal au nom du Dieu d'Israël, Elie accomplit les miracles destinés à prouver aux Israélites l'inanité de leurs croyances idolâtres ou syncrétistes. Après sa victoire, les prêtres de Baal furent mis à mort.

Un ordre religieux de l'Eglise catholique romaine, l’ordre du Carmel (Carmes et Carmélites), a été fondé sur le Mont Carmel au XIIème siècle par Saint Berthold (mort en 1195), pèlerin ou peut-être croisé, qui, avec quelques autres, s'est mis à vivre en ermite en terre Sainte sur le Mont Carmel comme l'avait fait avant eux le prophète Elie. Cet ordre a été organisé vers 1209 par Saint Albert Avogadro, patriarche latin de Jérusalem qui lui a donné une règle prescrivant la plus grande pauvreté, la solitude et le régime végétarien. Cet ordre est, mondialement, l'un des plus importants ordres catholiques.

Les Carmélites pensent qu'une communauté d'ermites juifs vivait sur le Mont Carmel du temps d'Elie, mais nul n'en a trouvé aucune preuve jusqu'à nos jours.

Une partie du Mont Carmel

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Jeudi 2 décembre

Je suis de garde au CODIS34 pour 24 heures. Entre deux cafés et des passages au centre de traitement de l’alerte voisin, je lis régulièrement les informations nationales et internationales au travers d’Internet et des sites d’informations généralistes. Une habitude ancrée chez moi depuis fort longtemps.

Dans le courant de l’après-midi, je découvre la dépêche de l’agence ‘’ Guysen ‘’ en langue française sur les moments forts en Israël. En lettres rouges sur fond blanc, l’annonce d’un départ de feu sur le Mont Carmel attire mon attention. Je connais bien cet endroit Biblique qui est aussi un parc national forestier en Israël. J’imagine mes amis d’Haïfa au contact du feu et connaissant leurs faibles moyens disponibles dans la lutte contre les feux de forêts, je suis quelque peu inquiet.

Au fil des heures, les dépêches annoncent bien la prévisible catastrophe. Je parcours les sites liés à Israël et je me rends compte de la gravité de ce feu peu ordinaire.

Je cite ici la chaîne Israël7.com en langue française :

‘’ Un gigantesque incendie s’est déclaré jeudi à l’entrée de la localité druze d’Ossefiya, près de Haïfa, et il s’est vite propagé en direction du Kibboutz Bet Oren et d’autres localités avoisinantes. Craignant que le feu n’atteigne des habitations, les pompiers, aidés de nombreux policiers, ont évacué les familles dont les maisons étaient menacées par les flammes. L’ampleur du sinistre était telle que la fumée recouvrait même certains quartiers de Haïfa.

En outre, un autobus bloqué par le feu s’est renversé près du Kibboutz Bet Oren. On déplore quarante et un morts: certains ont péri dans l’accident et d’autres ont été tués par le feu dans d’autres foyers. Une cinquantaine de personnes serait blessée. Pour les autorités, il s’agit sans aucun doute d’une des catastrophes les plus dramatiques qu’ait connue le pays.

Des mesures de précaution ont été prises, notamment dans la prison de Damon qui se trouve près d’Ossefiya, et dans plusieurs villages avoisinants risquant eux aussi d’être touchés par le feu. Une dizaine d’équipes de sapeurs pompiers ont tenté de maîtriser les flammes, avec l’aide de canadairs survolant la région. Des renforts venus de la région de Beer-shev’a, dans le sud, ont apporté leur concours. Pour le maire de Haïfa, si l’incendie s’étend encore, on pourrait parler de « catastrophe nationale ».

De son côté, la police a fermé quelques routes dans le secteur et a appelé les automobilistes à emprunter des voies secondaires. Le Maguen David Adom a pour sa part élevé l’état d’alerte au niveau maximum.

Le Nord, comme on le sait, est souvent le théâtre de grands incendies qui ravagent régulièrement la végétation et met en danger les habitations. Le mois dernier, le feu a détruit près de 13 000 dunams (1 dunam : 1 000 m2) d’arbres, de végétations et de buissons naturels dans le sud du plateau du Golan. A l’époque, il a fallu envoyer sept équipes de pompiers, accompagnées de dizaines de bénévoles, et quatre canadairs pour en venir à bout.

Fin de citation.

En fin d’après-midi, devant la gravité de ce sinistre hors normes, je reste très préoccupé pour mes camarades au contact du feu. Je passe un coup de téléphone à mon ami Ehud, pompier professionnel sur Haïfa. Il me confirme la notion de gravité, la mort de deux pompiers dont un jeune volontaire de 16 ans et les blessures subies par Dani Hayat, formateur sauvetage en eaux vives, que j’ai déjà reçu par deux fois dans l’Hérault pour des stages SAV. Dani a été transporté sur le centre hospitalier. Il est brûlé à plus de 50% sur les bras, le dos et le visage.

Je téléphone au COZ Valabre pour vérifier si un détachement est prévu pour partir en soutien. Rien dans l’immédiat.

Je continue à appeler mes amis là-bas. Avishay me donne quelques informations rapidement. Ce feu est d’une gravité exceptionnelle. Il y a déjà 41 morts. A l’échelle de la France, cela représenterait près de 450 personnes décédées sur un feu de forêt. Inimaginable et inacceptable de nos jours.

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La violence du feu

Le temps passe et je suis toujours en face de mon écran pour prendre le maximum d’informations. N’y tenant plus, j’appelle un de mes amis pilote de canadairs français. Il me précise qu’un détachement est prévu en cette fin de soirée pour un soutien à l’Etat d’Israël. Il est vrai que monsieur Benjamin "Bibi" Netanyahu, premier ministre de l’Etat d’Israël, vient de lancer un appel à l’aide internationale. J’en suis à ronger mon frein.

Je vais avoir du mal à dormir. J’appelle encore mes amis qui en sont à limiter les dégâts, à protéger les habitations et à procéder aux évacuations plus ou moins consenties.

Je rejoins ma chambre vers 22h30. J’ai du mal à m’endormir.

Vendredi 3 Décembre

Il est 3h30 heures du matin. J’ouvre un œil et me décide à rejoindre le CODIS. Un tour rapide pour une douche, je me rase et aux alentours de 4 heures j’assiste au changement de tiers dans la salle opérationnelle.

Je me jette sur les informations et elles sont de plus en plus alarmantes. Aucune amélioration sur le front en Israël. Plusieurs pays ont confirmé leur aide. Les Grecs seront les premiers à rejoindre Israël, suivis par la Turquie. J’ai la confirmation du décollage d’un DASH et la préparation de 2 CL 415 Canadairs voire deux de plus. Vers 8 heures, toujours aucune information sur un possible détachement. Je contacte une fois de plus mes amis en Israël qui sont à bout de nerfs devant ce sinistre. Les seuls avions disponibles sur zone sont les ‘’ Trushs Turbines ‘’ chargés de l’épandage agricole en Galilée et chargés en retardant pour ce feu. Une convention permet de les utiliser en bombardiers d’eaux ponctuels. Ils font un bon travail mais devant la puissance de ce sinistre, ils ne sont que des fourmis.

Je rentre à mon domicile vers 8h30 où m’attend le montage d’un meuble issu d’une chaîne de magasin Suédois bien connue pour développer un stress permanent et tenace. Qu’à cela ne tienne, j’ai la journée pour me battre contre la vis manquante ou la cheville oubliée dans le pack. Prenons la vie du bon côté.

Entre la mise en place d’une réglette et la prise de mesure, je surfe sur Internet pour rechercher des informations sur le feu du Mont Carmel.

Les nouvelles ne sont pas bonnes. Hélas…

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Il est environ 10h30 lorsque je reçois un coup de téléphone du secrétariat du Colonel Christophe Risdorfer qui souhaite me parler.

Je cite :

‘’ Michel, il y a une mission pour Israël en préparation ! Serais-tu disposé à partir ? ‘’

Je réponds bien entendu par l’affirmative et le Colonel me demande de prendre contact avec le COZ Valabre et le Lt Colonel Saludas en charge du projet.

Le téléphone retentit à nouveau et c’est le COZ Valabre qui me précise les éléments afin de me préparer à la mission d’assistance.

J’ai du mal à y voir clair dans tout ce que je dois préparer. Je passe un coup de fil à mon épouse pour l’informer du prochain départ. Je me précipite vers le sac de transport et jette à l’intérieur mes affaires de rechange et de toilette. En cas de problèmes, j’irai chez mes amis ou acheter des bricoles dans un magasin.

Le coup de téléphone suivant vient encore du COZ où l’officier en charge du départ me précise toute la procédure. Je dois être sur Marseille Provence vers 14 heures pour un vol à destination de Tel Aviv via Paris Roissy. Le chef de détachement sera le Colonel Patrick Bauthéac, DDSIS06, accompagné du Cdt Manuel Kremer, de l’A/C Jean-Marie Guzengar et du C/C Pascal Berger, tous trois de l’USIC7.

Le commandant Gilbert Arnal, chef du service prévision du SDIS34, et mon chef de service par la même occasion, organise, durant ce temps, mon accompagnement en voiture légère vers Marseille.

Arrivé au SDIS34, je n’ai plus qu’à compléter le plein d’essence, récupérer du matériel dans mon bureau et c’est le départ vers l’aéroport.

Tout au long du trajet, j’informe ma famille et mes proches amis de la mission. Tous sont heureux de cette action. Ma qualité de président de l’Association Sapeurs-Pompiers France Israël n’est peut être pas étrangère au choix de l’Etat-Major de zone. Je ne peux que m’en féliciter.

Nous arrivons vers 14 heures sur Marseille Provence. Le vol est prévu pour 16 heures. Je prends contact avec mes compagnons de voyage, le Colonel Bauthéac nous rejoint et j’en profite pour sortir la cartographie d’Israël afin d’expliquer la topographie du feu et le parcours que nous accomplirons pour parvenir sur les lieux du sinistre. L’Ambassade de France en Israël nous prendra en charge dès notre arrivée sur Ben Gourion Airport.

Le temps d’avaler un café sur un coin de table et nous nous dirigeons vers la salle d’embarquement. Le contrôle est rapide avec toutefois, et comme d’habitude, les alarmes qui se déclenchent sur notre passage. Nous enlevons rapidement ceinturons et bottes de feu pour certains et nous pouvons prendre quelques instants de détente avant le décollage par un passage au duty-free. Le temps d’indiquer à mes compagnons de mission la façon de travailler des Israéliens et je les rassure également sur la logistique repas car c’est un sport national en Israël, nous ne risquons pas de mourir de faim. Ce qui amène un sourire sur le visage du commandant Kremer et de ses hommes qui avaient pris le soin d’emporter des rations OTAN. On ne sait jamais en effet.

Le transfert sur Charles de Gaulle se fait par d’interminables couloirs de la nouvelle aérogare et quelques moments plus tard nous sommes à bord de l’Airbus qui nous conduira, au travers de la méditerranée via les Alpes vers la terre promise.

Le vol se déroule sans anicroches. Il fait nuit et nous n’apercevons que des lumières au survol des grandes régions d’Europe du Sud.

Nous verrons fugacement, lors de notre longue finale sur l’aéroport, quelques lueurs sur le Nord du pays. Nous en conclurons que le feu n’est pas terminé. Loin s’en faut.

Notre appareil se pose aux alentours de minuit trente sur Ben Gourion, nous passons le contrôle passeport où les préposées sont toujours aussi souriantes. Humour bien sûr.

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Les bagages sont récupérés rapidement car porteur de l’affichette ‘’ Priorité ‘’. Merci Air France. A la sortie du terminal, le chargé de sécurité de l’Ambassade nous attend accompagné d’un officier de l’Armée de l’Air Israélienne, Heyl Ha'Avir, plus connue sous l’acronyme d’IAF. Après une rapide concertation, nous décidons de nous faire transporter directement sur le PC Feu installé sur le parking de l’université d’Haïfa, fermée pour la circonstance aux étudiants.

Nous avons environ une heure de route par la ‘’ Higway Number 6 ‘’. Nous ne voyons plus de lueurs dans le nord du pays. Peu de circulation également, nous sommes en plein cœur du Shabbat, jour férié et sacré en Israël.

Notre arrivée sur le PC Feu passe inaperçu. Nous trouvons une organisation telle que je l’avais décrite à mes compagnons de voyage. C’est l’armée qui supervise le feu et qui organise tout. Pour faire comprendre aux lecteurs, imaginons une journée ‘’ portes ouvertes ‘’ avec toutes les forces disponibles sur une mission feu. Je me dois d’énumérer ce que nous avons pu identifier rapidement durant la nuit.

Un poste de commandement pompier composé d’un engin PC ;

Accolé à cet engin, une grande tente de type barnum ouverte sur deux côtés avec à l’intérieur des écrans d’ordinateurs, des écrans de contrôle des drones d’observation, des tables engorgées de téléphones… et une foule de militaires de l’armée de terre, Tsahal et de l’IAF, difficilement imaginable en France dans un PC de crise. Tous armés cela va de soi ;

Une tente plus petite avec le même dispositif technique et des personnels que j’identifie comme la branche réserviste de TSAHAL ;

L’inévitable point de ravitaillement logistique ;

Tout près, la tente et le PC (offert par le Conseil Général des Bouches du Rhône) de la ville d’Haïfa, gestionnaire de l’alimentation générale du site et lieu de diverses réunions ;

La monstrueuse installation de la Magen David Adom ou MADA, service du secours à personnes en Israël. Trois écrans géants diffusant des images du feu et reprenant le positionnement de toutes les ambulances de MADA dans le pays, des dizaines d’ordinateurs, une salle de repos et un nombre conséquent de personnes ;

La tente de la police avec tout autant d’installations techniques ;

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Le barnum de la délégation russe arborant fièrement le drapeau de la Russie ;

Les forestiers de la protection des Parcs Nationaux ;

L’association KKL, protecteurs de la forêt également ;

Une immense salle de presse avec batteries d’ordinateurs, écrans géants et cafétéria accolée ;

Des ‘’ hummers ‘’ de Tsahal avec paraboles de transmissions, des engins spéciaux pour la gestion des transmissions ;

Une structure associative prévue pour le rechargement des téléphones portables et réparations diverses ;

Un coin du site est occupé par les fournitures alimentaires en attente de distribution ;

Des sanitaires de chantier ;

Et pour clore le tout, nous aurons droit le lendemain à une association chargée des massages pour ceux qui en ont besoin…

Dire que nous sommes sur une autre planète est un euphémisme. Une telle situation est irréaliste en France sauf peut-être en temps de guerre. Ce que je n’ai jamais connu.

Le Colonel Bauthéac et le Cdt Kremer arrivent à prendre langue, après une attente de quelques minutes (On attend toujours en Israël, c’est aussi un sport national) avec un officier de l’IAF afin d’une part de nous présenter et d’autre part, avoir une situation du feu pour la venue prochaine des aéronefs français.

Je me déplace vers le PC pompiers afin de vérifier si des connaissances ne sont pas présentes dans le véhicule. Je n’identifie aucun de mes contacts. Il règne une ambiance de folie dans cet endroit, peu propice à une réflexion de fond. Je connais assez bien les Israéliens et je n’en suis pas surpris. Ici tout le monde connaît le vieil adage : ‘’ Deux Juifs, trois idées ‘’. Un fourgon d’incendie se gare sur le coté et le jeune Amit, fils du Cdt Momi Lubiner, en descend. Ce sera le premier pompier de mes relations que je verrai sur le feu. Nous poursuivons une rapide visite du secteur PC pour nous faire une idée de l’organisation et surtout savoir quelle sera notre place.

Il est temps de partir sur l’hôtel prévu pour nous par IAF. Le ‘’ Nof Tabor Hôtel ‘’ est situé dans la plaine de la bataille d’Armagueddon à 40 minutes de route d’Haïfa entre le carrefour de Megiddo et Nazareth.

Moderne et parfaitement fonctionnel, il sera notre base arrière pour ce séjour. Je partagerai ma chambre avec le Cdt Manuel Kremer. Il est prés de trois heures du matin et nous devons dormir un peu car le réveil est fixé à 6 heures pour un départ vers 7h00 en direction de la base militaire de Ramat David. Nous avons le temps de fermer les yeux. Je suis serein. Je suis en Israël. Mais là-bas, sur le Mont Carmel, le feu fait toujours rage.

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Samedi 4 Décembre

Réveil par le téléphone de l’Hôtel. Premier debout, je fonce dans la salle de bain pour me doucher et me raser. Shabbat certes mais je n’aime pas être mal rasé pour une mission.

Un tour dans le bâtiment voisin pour le petit déjeuner, copieux et sans surprise pour moi. Mes compagnons découvrent la nourriture israélienne, variée et abondante. Attention aux kilos !!

Le minibus d’IAF est devant l’hôtel et nous embarquons pour la base de Ramat David à une dizaine de minutes de route. La Base aérienne est localisée au sud-est de Haïfa, près de Megiddo et la frontière avec la Cisjordanie. C’est l’une des plus ancienne base de l’Air Force, certainement la première. On trouve encore un mur d’escalade destiné aux troupes anglaises qui durant la seconde guerre mondiale s’entraînaient ici avant de monter au front en Syrie lors du malheureux malentendu entre les forces françaises libres et les légalistes du Maréchal Pétain.

C’est aussi le nom d’un kibboutz fondé en 1926 par des immigrants juifs originaires de Russie, de Roumanie et de Pologne Ils s'installent sur les lieux d'un ancien verger abandonné, irrigué par trois sources d'eau naturelle des alentours. En 1933, un groupe du mouvement Gordonia originaire de Pologne les rejoint. Le kibboutz sera matériellement construit grâce aux dons financiers de Juifs anglais, qui sont à l'origine de l'appellation du kibboutz.

Nous attendons un peu à l’entrée surveillés par de jeunes militaires armés d’un fusil d’assaut avec chargeur engagé. Pas de plaisanteries saugrenues, ce n’est ni le lieu ni le moment.

Nous passons les deux contrôles et nous arrivons dans une première salle de repos où sont regroupés les pilotes et mécaniciens grecs. Le contact est établi avec le ‘’ squadron leader ‘’ de la base et les personnels qui nous proposent du café et des friandises. Le DASH français est posé de l’autre côté de la base, les pilotes sont encore au lit, ils récupèrent de leur nuit car arrivés vers 3h30 du matin après un long vol sur la méditerranée.

Les questions fusent nous concernant et c’est avec plaisir que nous parlons de la France et de nos spécialités en feux de forêts.

Il est inutile de préciser que les photos sont interdites, de même que l’utilisation d’une connexion Internet. Le Colonel Bauthéac qui comptait envoyer des messages au COGIC se fait très gentiment rappeler les interdits en vigueur.

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L’attente se prolonge et les discussions vont toujours bon train. L’Israélien est le peuple le plus bavard de la terre. Cela tombe bien, moi aussi.

Le soleil est déjà très haut dans le ciel lorsque nous voyons arriver les pilotes du DASH dans une voiture de location, accompagné par un militaire. Nous échangeons les mondanités habituelles puis nous sommes pris en charge pour traverser la base et rejoindre le ‘’ loundge ‘’ qui va nous servir de base toute la journée.

Nous passons sur les routes internes de la base et arrivons au Sud de l’immense base où se trouve une partie des alvéoles de chasseurs bombardiers F16. Ils sont à l’ombre de bunker en béton, silencieux et armés jusqu’aux dents de divers missiles et bombes guidées laser. A mon grand regret, mais je m’en doutais, pas de photo de ces avions de combats. J’aurai également la chance d’observer des hélicoptères blackhawks en livrée camouflée et un C130 qui se posera à la tombée de la nuit.

Nous nous installons dans la patience pour cette fin de matinée. La mission se précise. Elle est enfantine, le DASH doit décoller pour débuter les largages sur le feu. Mais ceci ne peut se faire qu’après un briefing militaire et la prise en charge d’un pilote F16 de la base en place du milieu. La communication en Israël est identique à la France et monsieur Christophe Bigot, Ambassadeur de France , accompagné de ses collaborateurs, arrive sur notre lieu d’attente avec une foule de journalistes tant israéliens que français. La presse ici est d’une totale liberté et s’auto-censure seulement pour d’éventuels problèmes de sécurité.

Nous sommes, bien entendu, invités régulièrement à prendre une légère collation dans la salle prévue à cet effet. De plus, en ces jours de fête de Hannoukha, il est de tradition d’offrir des beignets. Les femmes des pilotes et des personnels vivant sur la base ne manquent pas d’amener en permanence ces succulents gâteaux.

Monsieur l’Ambassadeur coordonne l’activité des journalistes et ici ce n’est pas un travail de tout repos. Les techniciens ont pu monter un raccord spécial pour remplir le DASH et il faudra compter 25 minutes pour charger les 10 tonnes d’eau dans le ventre de l’appareil. La pression utilisable n’est pas assez forte pour accélérer la manœuvre.

Nous assistons au briefing du squadron leader qui recommencera son exposé pour les pilotes de canadairs.

Un briefing de guerre, totalement différent de la gestion de l’espace aérien français lors d’un feu de forêts. En France, nous utilisons la règle des cinq nautiques, 5000 pieds d’interdiction. Pour le Mont Carmel, il y aura deux secteurs parfaitement identifiés mais nécessitant des procédures radios différentes pour les largages et pour les écopages.

Maintenant il est temps de débuter les séquences de largages, le feu est proche et les rotations devraient être rapides. Les pilotes sont assaillis par les journalistes qui leur posent des questions sur la mission et sur ce qu’ils ont vu ou plutôt entrevu.

Le DASH met en route, referme la porte de la carlingue et roule sur la piste principale de Ramat David escorté visuellement d’une nuée de cameramen et photographes qui, eux, ont le droit de filmer…mais seulement d’un seul côté de la base.

J’aurai bien voulu être avec les pilotes. Hélas, l’organisation de l’armée israélienne l’empêche. Il est inutile, de surcroit, de créer un incident diplomatique fâcheux. Nous poursuivons donc notre mission de dégustation de beignets fourrés à la confiture. Le Colonel Bauthéac est en liaison permanente avec le COGIC et l’ambassadeur est tout à fait intéressé par nos missions en France. Cela nous permet des échanges très enrichissants.

Le DASH revient assez vite de sa première passe sur le feu et nous confirme que la situation, sans être grave, est délicate.

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Il y aura un total de cinq largages pour cet après-midi de samedi. Le dernier vol se fera avec des journalistes français qui doivent envoyer des images de la présence française en Israël. Ce qui est somme toute assez logique.

Nous avons confirmation de l’arrivée prochaine de deux canadairs, suivis par deux autres dans la nuit.

Nous allions nous préparer à rentrer et surtout trouver un conducteur et nous apprenons qu’un repas d’accueil est prévu sur la base en présence de toutes les équipes étrangères et les personnels de garde en ce jour de Shabbat.

Vers 19 heures, nous nous dirigeons vers la salle de réception. Le buffet, copieux, est en place et tout le monde se range en ordre les uns derrière les autres pour récupérer assiettes et nourriture. J’aperçois une fontaine à chocolat et j’aurai plaisir à découvrir la gourmandise de quelques membres de la délégation française. J’en tairai les noms par pure discrétion professionnelle bien entendu.

En sortant pour assouvir un besoin naturel, je croise les équipages des canadairs. Je leur souhaite la bienvenue et les dirige in petto vers le buffet tout en leur expliquant les us et coutumes de la gastronomie locale.

Vers 22h30 lorsque nous regagnons l’hôtel tout en précisant notre besoin de conducteur et de véhicule pour le lendemain.

Le Colonel estime que notre présence n’est plus nécessaire sur le tarmac de la base, si ce n’est pour poursuivre les dégustations de beignets.

Au lit donc après une douche salvatrice et un rangement de nos effets personnels laissés en suspens lors de notre arrivée le matin même.

La télévision passe en boucle les images et reportages sur le feu. Malgré notre méconnaissance de la langue hébraïque, nous subodorons des règlements de comptes et polémiques ardues sur ce terrible sinistre. Sans compter les chaines diffusant les mêmes programmes débiles qu’en France. Or donc, la lumière est rapidement éteinte.

Dimanche 5 Décembre

J’ai du mal à dormir en ce dimanche. Je me lève vers 4h00 et erre dans les couloirs de l’hôtel. Je fais quelques pas à l’extérieur en attendant le jour. Vers 6h00, je regagne la chambre pour me préparer. La nuit fut courte.

Ici le dimanche est un jour ordinaire. Le lundi pour nous. Le bus des pilotes et notre voiture nous attendent, le temps de nous sustenter avec un copieux petit-déjeuner.

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Le Colonel avait envisagé de prendre place à bord du DASH ou d’un Canadair pour un tour du feu. Obtenir un hélicoptère tenait de la gageure. Donc rendez-vous pour le chef de mission sur la base et nous l’attendons après le vol de 30 minutes, pour le récupérer et nous diriger vers le PC Feu.

Nous suivons le bus prévu pour les équipages et patientons sagement à l’entrée de la base, le temps que les gardes vérifient le bien fondé de notre présence.

Nous arrivons à entrer et nous recevons l’appel du Colonel qui nous informe que sa mission n’aura pas lieu. Tous les avions sont ‘’armés ‘’ avec des pilotes de F16 pour accompagner les largages et déterminer les choix tactiques.

En résumé, le drone voit une fumée, le pilote israélien confirme, la demande part sur l’état-major de Tel Aviv et l’accord revient au PC Feu et au représentant de l’IAF à bord de l’avion. Difficilement compréhensible ? Rassurez-vous, je n’ai rien compris à la méthode et je ne pense pas être le seul. Welcome in Israël !

Nous récupérons donc le Colonel et roulons sur Haïfa. Mes compagnons peuvent apprécier la conduite sportive des locaux et leur fâcheuse habitude à user, voir abuser, de l’avertisseur sonore. Nous arrivons sains et saufs au PC après avoir emprunté une route en lacets sur le flanc est du Carmel, et qui nous permet de découvrir une forêt assez dense et non entretenue.

L’absence de débroussaillement a dû, à n’en pas douter, être une composante supplémentaire dans la rapidité de propagation du feu.

Nous arrivons au PC FEU. Le temps de garer le véhicule et nous voici à nouveau devant une forte représentation d’uniformes de couleur kaki avec quelques taches de gris, couleur des chemises de travail des pompiers locaux.

J’identifie rapidement mon ami Oren Shishistky. Pompier sur la caserne de Petah Tikva, il est un spécialiste de la communication et doit avoir un poids non négligeable dans d’autres domaines car je sais qu’il peut dénouer nombre de situations délicates.

Nous nous embrassons chaleureusement et je lui présente mes compagnons de mission. Je lui demande s’il est possible d’avoir un interlocuteur pour présenter la situation au chef de mission.

Il me regarde dans les yeux et me dit en riant :

‘’ Rien n’est impossible pour Michel !’’ Bel hommage de sa part. Il faudra que je surveille mes chevilles.

Nous patientons, comme toujours, quelques minutes et un pompier ou plutôt un spécialiste des transmissions vient, cartes à l’appui, expliquer la situation au Colonel Bauthéac et au Commandant Kremer.

Durant cette présentation, je parcours le plateau PC FEU à la recherche d’autres connaissances ou informations pouvant nous être utiles.

J’entre dans le PC MADA et un paramédic parlant français m’explique l’organisation de leur structure. J’y amènerai plus tard la délégation car le PC de MADA vaut le déplacement.

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Après cet intermède plutôt productif, nous prenons la décision d’entamer des reconnaissances sur le feu afin d’en bien comprendre les enjeux.

Nous reprenons la voiture et nous nous dirigeons vers un endroit où se trouvent stationnés de nombreux véhicules d’incendie, des pompiers prenant un repos bien mérité ainsi qu’une représentation conséquente de jeunes militaires tout aussi fatigués.

Je rencontre quelques-uns de mes amis et je présente un officier supérieur d’Haïfa au Colonel Bauthéac. L’officier est très occupé et promet de parler avec nous plus tard dans la journée. J’entends crier mon prénom. Je me retourne et mes amis me sautent dans les bras… Dounga, Osher, Tomer, Vanono et bien d’autres encore. Ils me confirment tous la dureté du combat et l’extrême état de fatigue dans lequel ils se trouvent.

Nous quittons à regret nos amis pour nous diriger vers le point le plus haut du carmel afin d’observer le sinistre et les largages des aéronefs présents sur zone.

Les routes sont gardées par la police israélienne qui toutefois est assez tolérante avec nous. Nous faisons une première halte mais la vision sur le feu n’est pas favorable. Nous poursuivons jusqu’à l’embranchement de la route de Bet Oren. Sur un espace aménagé, des engins lourds sont stationnés. Il s’agit de bulldozers de l’armée sur porte char en attente ou en fin de mission.

Notre conducteur s’avance pour solliciter le passage sur la route du Kibboutz. Ce sera un refus catégorique, la police n’ayant pas terminée son enquête et les prélèvements d’usage. Nous revenons sur nos pas et nous sommes tenus de prendre une autre route pour accéder au PC FEU. La police est inflexible. Pas d’incident diplomatique, nous obtempérons et prenons la route Est pour contourner le massif.

Nous pouvons stationner sur un parking où se trouvent de nombreux journalistes et cameramen. Dans la vallée face à nous débute le ballet des Canadairs et du DASH. Nous sommes observés comme une denrée rare avec nos uniformes français, et petit à petit, les personnes présentes viennent nous poser des questions. Il en sera de même pour les journalistes et photographes.

Des envoyés spéciaux d’une chaîne canadienne nous questionnent sur les avions présents. Il est simple pour nous d’expliquer que ce sont des avions fabriqués au Canada. Mal nous en prend car la préposée nous fait plus penser au service communication de la firme Bombardier qu’autre chose. C’est le Colonel Beauthéac qui s’y colle. Avec brio.

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Les largages se succèdent les uns derrière les autres. Nous sommes en contact radio avec les aéronefs. Les français assurent le spectacle avec leur efficacité coutumière.

Je place ici un article paru dans l’hebdomadaire Hamodia…

Pendant quatre jours, le parc national du Carmel a focalisé l'attention et les préoccupations de millions d'Israéliens choqués par le plus important incendie de l'histoire du pays et par la mort de 42 victimes. Hamodia a voulu palper l'atmosphère qui a régné au cours de ces terribles journées et s'est rendu sur place peu avant que le feu ne soit maîtrisé.

Un pachyderme doté de grâce. Fascinée, la petite foule massée le long de la route de crête observe le gigantesque avion se faufiler entre les collines dévastées avant de larguer ses 80 000 litres de liquide retardant. Le supertanker Evergreen, un Boeing 747 modifié pour la lutte contre les incendies semble défier les lois de la gravité. Mais ce dimanche 5 décembre, pour la petite foule postée tout le long de la route de crête qui surplombe la partie sinistrée du Mont Carmel, ce sont les bimoteurs jaunes et rouges de la Sécurité civile française qui sont à l’honneur. Toute la journée, les cinq Canadairs se sont livrés à une ronde incessante et spectaculaire : en file indienne, ils plongent vers la mer au large de 'Haïfa, touchent la surface de l’eau afin d’« écoper » et remplir leurs réservoirs, piquent plein est, virent au dessus de Carmel et survolent en le frôlant un wadi où le feu est encore actif, et ainsi de suite.

« Mechougaïm ! Ils sont fous », souffle, admiratif, Noam Aloni, 15 ans, à son père Moché devant les acrobaties des pilotes français. Originaires de Modiin, ils sont venus voir de leurs yeux à quoi ressemble une « catastrophe nationale ».

Cinq Français dans la ruche du PC de crise

Le colonel Patrick Beauthéac sourit. « Ils se font plaisir », a-t-il le temps d’expliquer en désignant la noria française survoler en rase-motte le PC de crise installé sur un parking de l’Université de 'Haïfa, avant que le bruit des hélices ne couvre le son de sa voix. Il faut imaginer un village de tentes bardées d’écrans de télévisions et de matériels de transmissions, chacune occupée par l’un des services d’urgence israéliens : pompiers, Maguen David, police, armée, etc…

Et au milieu de cette mer d’uniformes, bourdonnante comme une ruche, cinq pompiers français. Emmenés par le colonel Bauthéac, ils sont chargés de coordonner au sol l’action des pilotes envoyés dans le cadre de l’aide accordée par Paris. L’occasion pour ces professionnels du secours d’admirer l’efficacité du système israélien. « On ne sent pas de tirage entre les différents services. C’est fluide, réactif », admet-il. « Ici l’armée commande toutes les opérations. Chez nous, ce sont les pompiers ».

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Il faut dire que « chez lui » - le département des Alpes-Maritimes dont il dirige les services de secours - est un autre monde : 1 350 pompiers professionnels, 3 000 volontaires et 500 administratifs pour un département d’un million d’habitants. Et la polémique sur le manque de moyens des pompiers israéliens, qu’en dit-il ? C’est son adjoint, le capitaine Michel Correard qui répond : « Effectivement l’équipement est un peu vétuste. Mais face au feu, ce qui compte, c’est d’avoir de l’estomac, et ça nos collègues israéliens n’en manquent pas ». Un sujet qu’il connaît bien, puisque cet héraultais jovial est également président de l’association sapeurs-pompiers France-Israël (ASPFI) qui chaque année organise des stages de perfectionnement pour des délégations israéliennes.

Au cou du capitaine Correard, pend une étoile de David. Il regarde autour de lui ému : « Quand même, cette solidarité qu’on ressent, ça fait chaud au cœur ».

De retour au PC FEU, j’apprends qu’un second PC est installé le long de la route numéro 4, reliant Haïfa et Tel Aviv. Sur ce secteur se trouvent mes amis Avishay et Ehud. Deux pompiers qui pourront nous donner un maximum d’informations sur le sinistre et les moyens engagés.

Nous décidons de nous y rendre. Le temps pour notre conducteur de trouver la route et nous passons non loin de la route Ouest de Bet Oren. La vision des collines brûlées nous laisse augurer du drame qui s’est déroulé plus haut.

Les largages se poursuivent et Israël découvre le stationnement anarchique des véhicules en bord de route, délaissés par les passagers occupés à photographier ou regarder les largages. Au passage, nous confirmons qu’il s’agit bien d’avions français. Il n’y a pas de mal à se faire plaisir.

Nous apercevons du coin de l’œil le monstrueux 747 d’Evergreen qui se présente pour faire sa passe de largage. Pas le temps de nous arrêter pour regarder cette ineptie. Et je ne me cacherai pas de dire ce que je pense de cet avion à mes amis Israéliens : ‘’ Il va commencer à larguer sur le Carmel et finira au Sud Liban ‘’ !! Du grand n’importe quoi mais ici tout ce qui vient des USA est bon pour le pays ! Il y a des jours je ne supporte plus l’Amérique !

Mais il faut bien comprendre qu’ici les Etats-Unis sont les premiers ‘’ financeurs ‘’ de l’Etat et la communauté juive américaine est très influente. De fait, selon mes informations non recoupées, donc sujettes à caution, il semblerait que ce soir le Maire de New-York, Michael Bloomberg qui aurait commandé le 747 ! Rien d’étonnant du reste.

Le PC FEU Ouest, tel que nous le nommerons, est tout aussi encombré que celui de l’université. Gardé par l’armée, il nous faut montrer patte blanche avant de pénétrer sur le site. Nous stationnons notre voiture un peu à l’écart. Je ne reconnais pas grand monde. Les personnels sont au repos et en cours de restauration.

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Une association prodigue des massages et distribue du collyre pour les yeux et de la pommade pour les lèvres. Je m’approche du véhicule PC mais je ne vois pas mes amis.

Dans un recoin entre deux engins, des pompiers sont en discussion. L’un d’entre eux se tourne vers moi et me reconnaît. Shalom Tzaban est pompier sur Ashkelon. Il est venu en stage SAV en Juin 2010.

Embrassades et effusions. Je lui demande où se trouve Avishay. Il me répond qu’il est dans un avion de l’armée et indique les points pour les largages des aéronefs. Assez surprenant pour un sous-officier sans formation feux de forêts. Pour ma part, je ne suis pas gêné car Avishay est un brillant élément et s’arrache souvent les cheveux devant l’inertie de sa hiérarchie. Il est un des membres fondateurs de l’unité Rescue Team, en charge du sauvetage en eaux vives.

Nous restons quelques minutes et nous repartons vers le PC EST Université.

Ici règne ce que l’historien Martin Levi van Creveld, auteur d’un ouvrage faisant autorité sur TSAHAL, appelle le chaos organisé. Tout semble inorganisé mais en fait chacun trouve sa place. Chacun d’entre nous trouve de quoi alimenter un rapport ultérieur sur l’efficience des services de secours et l‘implication de l’armée dans la gestion du sinistre.

De fait, TSAHAL est maître d’œuvre dès lors qu’il s’agit d’une catastrophe majeure, de plus située à quelques encablures du Sud Liban où règne en maître le Hezbollah, ennemi juré de l’Etat d’Israël.

Si en France, les pompiers sont les seuls responsables devant les Maires et le Préfet, ici cette notion administrative n’existe pas. Il est donc impossible d’obtenir une entrevue avec un COS en encore moins avec un DOS.

Nous déambulons donc sur le site tout en restant en contact visuel avec les Canadairs qui passent à la verticale du PC à basse altitude et déclenchent à chaque survol de vigoureux : ‘’ Vive la France ‘’ !

La nuit tombe assez vite et nous nous rendons dans la cafétéria de la salle de presse afin de rédiger le compte rendu de la journée. Une table est vite phagocytée et le commandant Kremer se met immédiatement à l’ouvrage. La salle des journalistes est bondée car un secrétaire d’Etat tient une conférence de presse sur la réunion des ministres de ce matin dans les locaux du gouvernement.

La valse des beignets continue, agrémentée ça et là de boisson à base de cola ou de café pour ceux qui surveillent leur ligne.

A l’extérieur de la tente presse, les chaînes de télévision font leurs plateaux en direct et interrogent les autorités sur la gestion du feu et le nécessaire avenir des services d’incendie et de secours locaux.

Nous sommes prêts à envoyer par Internet le message de situation journalière. Je m’absente un moment pour aller ‘’ vadrouiller ‘’ prés du PC de secteur Pompier. Sur le stand de la mairie d’Haïfa, le Général Shimon Romah, patron des pompiers ou plutôt inspecteur tel que nous les connaissions avant la départementalisation des SDIS en France, tient une réunion avec les principaux chefs de corps des différentes villes présentes sur le feu. Je reconnais le patron de la caserne, ici on dit Station, d’Herzlia. Commune relativement riche en terme de finances et dont les pompiers sont dotés des matériels les plus modernes sauf, bien entendu, d’engins dédiés aux feux de forêts.

Shimon m’aperçoit du coin de l’œil. Je le laisse poursuivre sa conférence tenue en plein air, situation totalement irréaliste en France. Faire une réunion au milieu de la foule et des journalistes est un exercice dangereux mais cela ne semble pas inquiéter le Général. Le ton monte quelquefois et Shimon est obligé d’user de son stylo en tapant sur la table pour ramener le silence.

Je me dirige vers la salle presse pour prendre en charge le Colonel Bauthéac en lui expliquant que nous avons une chance minime d’avoir un entretien avec le Général. Il me suit et nous attendrons une vingtaine de minutes la fin de la réunion.

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Shimon s’approche de moi et me salue par de chaleureuses tapes dans le dos. Je connais Shimon depuis maintenant cinq ans et je ne manque jamais de lui rendre une visite lors de mes séjours en Israël. De plus, il est à la base de la formation des SAV en France et un de ses farouches défenseurs.

Les présentations entre le Colonel Bauthéac et Shimon sont faites. Nous ne pouvons obtenir d’entrevue ce soir car le Général doit se rendre chez le ministre de l’intérieur.

Nous lui arrachons une réunion pour le lendemain matin au même endroit. J’en prends bonne note et nous serons au rendez-vous à la première heure.

La nuit est tombée, les messages sont partis à destination de la France. Osher et Tomer de la Station de Petah Tikva nous rejoignent et parlent avec nous du vécu sur ce feu. Je fais des allers retours entre la cafétéria et la salle de presse où sont diffusées en continu des images et des émissions en direct sur le feu. Très instructif dans la gestion des médias. Connaissant leur puissance en Israël, les autorités ont tout intérêt à les ‘’chouchouter ’’. Ce qui est d’ailleurs le cas.

Osher me fait signe de le suivre. Les bougies d’Hannoukha vont être allumées et il me demande d’y participer. Ce que je fais avec grand plaisir. J’ai toujours une Kippa dans la poche de ma veste d’uniforme et je m’en coiffe.

Le chandelier est installé dans la cafétéria et tout le monde se presse autour de l’officiant. Il commence les prières et allume les premières bougies. Je suis appelé pour la quatrième et c’est un honneur et une fierté pour moi de le faire. Mes compagnons observent et prennent des photos.

Une fois terminée, nous décidons de regagner l’hôtel. La fatigue commence à se faire sentir. Nos informations laissent augurer l’arrivée de la pluie pour cette nuit. Tant mieux. Bien que le feu soit pour nous considéré comme éteint, les Israéliens souhaitent nous garder quelques temps de plus. Ils n’ont aucun moyen pédestre pour noyer les derniers brûlots et le travail se fera par avion ou hélicoptère.

Le retour sur Tabor se fait dans le silence. Nous sommes tous très fatigués.

Un tour sous la douche et c’est le moment de détente que nous savourons devant une bière offerte par les dirigeants de l’hôtel à tous les équipages présents.

Bien agréable début de soirée.

Nous nous dirigeons vers le restaurant. Ce soir ce sera léger. Il vaut mieux. Je sens mon ceinturon rétrécir. Ce doit être la douche. En fait, je suis gourmand, c’est là que le bât blesse.

Au retour du repas, chacun s’égaye dans les locaux de l’hôtel. Les pilotes se réunissent en terrasse pour parler de tout et de rien. Les Grecs d’un côté et les français de l’autre. Je décide de me coucher rapidement pour récupérer un peu de sommeil. Rien n’y fait. Je me dirige vers la terrasse et participe aux conversations.

Je présente aux pilotes encore debout, les différentes facettes de l’Etat d’Israël, les us et coutumes et l’histoire de ce peuple. Les pilotes présents me posent des questions, j’essaie d’y répondre avec mes quelques connaissances. Le débat est très enrichissant.

Il est tard lorsque je m’allonge pour un sommeil que je souhaite profond. La pluie me réveille dans la nuit. Tant mieux me dis-je. Sauf pour les rangers et les chaussettes laissés à l’air libre sur la fenêtre afin de ne pas polluer la chambre.

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Lundi 6 Décembre

Ce qui devait arriver arriva. Les chaussettes sont trempées et les chaussures ont pris l’eau légèrement. Rien de bien grave au demeurant.

Nous nous sommes levés assez tôt et après les ablutions matinales, nous rejoignons sous une fine pluie le restaurant voisin pour le petit-déjeuner du matin. Avalé rapidement, chambre rangée et nous voilà avec notre nouveau conducteur, qui à l’identique de la veille, ne parle ni un mot d’anglais et encore moins de français. Mes vagues notions d’hébreu devront assurer l’interface.

Nous partons directement pour l’université où nous trouvons un PC en cours de démontage. Toutes les composantes de commandement ou de logistique rangent leurs matériels. La pluie de la nuit a ralenti fortement les fumées et ce qu’il reste doit être traité par les hélicoptères bombardiers d’eau. Nous arrivons tôt et faisons immédiatement le siège du PC Pompier dans l’attente du Général qui est en cours de briefing journalier. Avishay est enfin devant moi et je peux le serrer dans mes bras. Ehud nous rejoindra plus tard. Dani de Netanya est là aussi, de même que d’autres pompiers qui me saluent vigoureusement. Notre attente sera brève et Shimon nous prie de nous installer avec lui dans le véhicule PC. Par chance, un israélien parlant français est à nos côtés et servira d’interprète. Il s’agit en fait d’un officier de police chargé de l’identification criminelle.

Shimon débute l’entretien par des remerciements qui sont traduits au fur et à mesure, puis vient le tour du Colonel Bauthéac. Les échanges sont empreints d’une grande amitié. Shimon parle de l’association que je préside et des formations dispensées en France pour les pompiers d’Israël.

Un gâteau arrive sur la table avec une inscription en Hébreu : ‘’ Toda ‘’, ce qui signifie Merci !

Shimon demande ensuite au Colonel de lui parler de son département. J’en profite pour m’éclipser diplomatiquement et je vais parler avec Avishay des formations prévues en Juin 2011.

La pluie n’a pas apporté l’humidité nécessaire et il reste encore de nombreuses fumées sur le terrain. L’entretien avec Shimon est terminé et je le remercie vivement de ce moment important pour nous.

Avishay et Ehud devisent ensuite avec le Colonel.

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Avishay nous propose de faire le tour du feu en passant par son origine et ensuite par la pénétrante de Bet Oren, toujours gardée par la police. Nous devons tenter notre chance et Avishay est assez persuasif. Lui-même et Ehud montent dans leur engin de marque américaine et nous partons vers le village Druze d’Ossifia, lieu de départ de l’incendie.

Nous rejoignons le village et un pompier israélien qui doit prendre en charge Ehud car ces derniers vont parfaire les extinctions de brûlots. Nous abordons la route de Bet Oren et la police nous laisse passer après un court palabre.

Nous descendons la route où mes amis ont connu l’enfer.

Après d’autres contrôles, nous passons devant la prison de Damon. Cette fameuse unité d’incarcération qui provoquera indirectement le drame de l’autobus et la mort de deux pompiers. Nous apercevons le kibboutz de Bet Oren perché sur une colline. Le feu a traversé les constructions en ravageant la moitié des constructions.

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Nous poursuivons la progression et nous arrivons là où le drame s’est déroulé.

Nous avons tenté de comprendre pourquoi l’autobus s’est engagé dans ce couloir de la mort mais aussi pourquoi et qui surtout a pris la décision d’évacuer la prison de Damon.

Rien ne justifiait, dans le système de lutte français, l’évacuation de la prison. Un ou deux véhicules auraient été suffisants pour assurer la protection du lieu. Il est inutile pour nous de lancer une quelconque polémique. Les choix de l’un ou de l’autre ne sont pas à blâmer en l’absence d’une commission d’enquête sur ce sinistre.

Simplement, il convient de garder à l’esprit que le feu est plus puissant que nous ; la lutte est quelquefois inutile car le monstre est trop puissant. Il faut le laisser faire tout en se protégeant. Il gagne de temps à autre, pour notre malheur.

Le résultat, hélas, est là. Devant nous. Il n’y a plus cette sinistre carcasse d’autobus, il n’y a plus de trace de carcasses brûlées, le silence est pesant.

Les techniciens refont la route, les poteaux électriques et téléphoniques seront bientôt debout.

Il est facile de comprendre ce qu’ont pu vivre les personnes présentes ce jour là, à ce moment là. Sur l’image ci-dessous, on peut voir l’autobus coincé par un mur de flammes. Les occupants tenteront de s’en échapper en dévalant le vallon sur leur droite.

Le feu les rattrapera rapidement et ils perdront la vie en essayant de remonter vers le kibboutz de Bet Oren.

Où étaient les pompiers ? Ils n’étaient pas loin. Ils se sont précipités pour aider, pour tenter de sauver le maximum de monde. Deux d’entre eux y laisseront la vie, un troisième est grièvement brûlé.

Aujourd’hui mon ami Dany, de la caserne d’Afula, est toujours hospitalisé dans un état grave. Les nouvelles ne sont pas très bonnes. Les images ci-dessous donnent une vision apocalyptique de la situation.

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Déjà sur le bas-côté, un simple ‘’ monument ‘’ vient rappeler qu un drame atroce s’est déroulé en ces lieux.

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Avishay nous explique ce qui s’est passé. Les pompiers et l’unité GRIMP remonteront dans la nuit, une à une depuis le vallon réduit en cendres, les victimes décédées.

Parmi ces dernières, il y avait deux frères d’armes.

Nous poursuivons la route dans la vallée pour rejoindre le village de Tirat Karmel, touché par les flammes. De là, nous pénétrons dans une colonie de vacances qui fut totalement cernée par les flammes. Une piste ceinture le lieu et le débroussaillement est visible sur une bande circulaire de 3 mètres à l’extérieur du domaine. Est-ce ceci qui permit que les bâtiments ne furent pas touchés ?

Nous faisons une halte impromptue sur le bas-côté d’une petite route. Dans le lointain, un important panache de fumée se développe. Trois Pumas ‘’ Cougar ‘’ de l’armée de l’Air Suisse sont en l’air, équipés de ‘’ Bambi Bucket ‘’. Ils sont déroutés sur cette fumée et la traitent rapidement par plusieurs largages.

Nous commençons à être optimistes pour les jours suivants.

Un arrêt au PC Ouest pour prendre une légère collation et récupérer de l’eau et nous voilà repartis sur les routes. Le ciel est encore parcouru par des hélicoptères bombardiers d’eau. Le feu semble totalement éteint, hormis des fumerolles dans des vallons inaccessibles. Ce sera le travail de l’unité de protection civile grecque qui embarque dans des bus pour rejoindre leur lieu de travail.

La journée tire à sa fin et nous prenons la décision de rentrer sur l’hôtel pour récupérer un peu de la fatigue accumulée ces derniers jours.

Les informations nous arrivent rapidement. Le Colonel nous expose le programme de demain mardi.

En premier lieu, nous partirons vers 7h00 sur Jérusalem pour une réception de toutes les délégations étrangères à la Présidence de l’Etat en présence de Monsieur Shimon Pérès et du Premier ministre Benyamin Netanyahu. Ensuite, ce sera une réception dans un grand hôtel de Jérusalem et un repas offert par le ministère des affaires étrangères d’Israël en présence de monsieur Danny Ayalon, vice-ministre.

Une courte balade dans la vieille ville et le retour sur Tel Aviv est prévu pour nous avec une soirée organisée par monsieur Christophe Bigot, Ambassadeur de France. Nous devrions dormir en Hôtel sur Tel Aviv. Ce qui facilitera le déplacement pour reprendre l’avion le mercredi matin à 8h00.

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Je reçois en cette fin de journée, deux coups de téléphone. Le premier émane d’Hubert Allouche, Président du CRIF Languedoc-Roussillon, qui, avec une forte émotion, me remercie de notre action et du concours que nous avons pu apporter à Israël. Cet appel me fait très chaud au cœur.

Le second me surprend un peu.

Il s’agit du Rabin Betzelel Lévy, du consistoire central et aumônier des sapeurs-pompiers des Yvelines et des Pompiers de Paris. Mon ami et membre de l’association que je préside, Franck Louvier, lui a donné mon numéro.

Il me demande si je peux retarder mon retour dans le sud à jeudi matin pour pouvoir participer à une grande réception à la synagogue de la Victoire à Paris le mercredi soir. Je suis très honoré de cette invitation et nous parlons rapidement des contraintes engendrées par cette requête. Le Président Joël Mergui du consistoire central doit appeler le ministère de l’intérieur français pour solliciter l’accord de ma venue. J’informe aussitôt le Colonel Bauthéac de cette demande et il me délivre son blanc seing sans réserve.

Je suis donc dans l’attente de l’autorisation officielle du ministère. Dans la soirée, le Colonel recevra une information du COGIC à cet égard validant la demande.

En ce soir de détente, nous décidons de prendre un moment entre nous. Nous faisons un saut dans le petit supermarché jouxtant l’hôtel, nous en ramènerons de quoi organiser un apéritif léger. Moment simple mais Ô combien nécessaire.

La nouvelle nous est apportée par notre chef de mission. La réception à l’ambassade de France est annulée et nous devrons revenir, après la visite de Jérusalem, sur l’hôtel. Ce qui nous ferait lever vers 3h00 ou 4h00 du matin et une heure et demi de bus pour être à 5h30 sur Ben Gourion. Nous estimons cette option peu agréable. Mais que faire ?

Je propose au Colonel de m’en occuper. Il est d’accord pour que je tente de trouver une solution et surtout un hébergement dans le secteur de l’aéroport.

Je passe un coup de téléphone à Ehud pour lui demander si l’option de dormir sur l’Etat-Major de Rishon le Zion est envisageable.

Quelques moments plus tard, c’est Oren qui m’appelle. Nous dormirons sur la caserne de Petach Tikva à 15 minutes de l’aéroport. Un véhicule viendra nous chercher à Jérusalem après la visite et nous conduira le lendemain matin pour prendre l’avion de retour. Et c’est un ordre du chef de corps !

Affaire conclus. Cinq lits nous attendent à la caserne ainsi qu’une petite réception entre amis. Aie les kilos.

Le repas terminé, nous regagnons nos chambres pour une bonne nuit de sommeil, du moins je l’espère pour moi. Je repense encore à cette forêt détruite par le feu et au courage de mes amis pompiers.

Je parcours en vitesse la presse locale. Journaux, télévisions et radios s’en donnent à cœur joie pour dénoncer l’incurie du gouvernement et des ministres en charge des pompiers. Insuffisance en personnels, matériels vétuste, tout y passe…

Le traumatisme sera difficile à effacer.

Je range mes affaires dans la chambre, sans rien oublier, et je m’endors en regardant la télévision israélienne qui n’a rien à envier à la nôtre pour les navets et les programmes insipides.

Mardi 7 décembre

Nous sommes debout assez tôt. L’autobus part vers 7h00. On ne fait pas attendre le Président. Le tour obligatoire à la douche est effectué et nous partons rapidement vers le petit-déjeuner. Ce sera peut-être le dernier de la mission. Je n’exagère pas en tout cas sur les plats, la journée risque d’être chargée. En nourriture...

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Nous montons dans le bus et prenons la direction de Jérusalem. La circulation se densifie aux abords de la route numéro 1, celle qui rejoint la ville sainte. Cette route fut le théâtre, lors de la guerre d’indépendance, de violents combats entre les troupes de la Haganah et les forces arabes. Des carcasses de véhicules servant au ravitaillement de la ville assiégée sont placées telles des statues le long de la route, afin de rappeler aux automobilistes la dureté des affrontements.

Nous passons non loin du célèbre bar dédié à Elvis Presley. Je ne peux m’y arrêter cette fois-ci. Ce sera pour le mois d’Août prochain.

Nous entrons en ville en passant sous le pont du tramway bientôt en fonction et, par un dédale de rues, nous arrivons dans le quartier des ministères et de la Présidence. Tout le monde descend et la troupe bigarrée se dirige dans la plus belle indiscipline vers l’entrée de service.

Nous sommes en avance et de beaucoup d’ailleurs. Notre accompagnateur de l’IAF nous propose d’aller dans le théâtre voisin afin de soulager quelques vessies ne demandant qu’à travailler. Dans le hall de cet établissement moderne, il y a une foule d’enfants accompagnés de leurs parents. Les fêtes d’Hannoukha donnent lieu à des réjouissances parsemées de spectacles pour enfants dans tous les lieux d’Israël.

Les gens nous demandent qui nous sommes et devant nos explications nous remercient de notre action. Le temps de fumer une cigarette et nous sommes devant la grille d’entrée de la Présidence. Les services de sécurité sont en place. Armés jusqu’aux dents et tenant fermement leur fusil d’assaut. Pas de bêtises je vous prie.

Le temps d’enlever tout ce qui peut sonner et le parc de la Présidence s’offre à nous. Ho surprise ! Des tables de gâteaux et de sucreries, des boissons à bases de citron et de jeu d’orange nous attendent. Je picore légèrement ça et là de délicieux gâteaux secs, une ou deux olives et je poursuis ma découverte du jardin. J’aperçois dans un coin de table ce qui ressemble à des beignets fourrés de crème pâtissière. Vais-je me laisser tenter ? Hélas oui ! Ce qui fait rire le commandant Kremer et ses hommes. Je n’ai pas tenu longtemps avant de céder à la tentation.

Nous pénétrons dans la salle d’honneur de la présidence. Nous patientons un moment. Le Colonel de Barisy, attaché militaire, me tend son portable en me demandant de lire le message. Le ministère français valide ma présence demain mercredi à la grande synagogue de la victoire.

Le Président Pérès et le 1er Ministre entrent dans la salle. Les discours sont courts, empreints de chaleur et de remerciements sincères.

Chaque chef de délégation est appelé par un officiant, et se voit remettre un diplôme accompagné d’un souvenir. Pour les français, c’est le chef de détachement Canadair qui reçoit le tout.

Nous quittons la salle à l’issue des ces marques de reconnaissance pour le travail accompli et reprenons le bus en direction de l’hôtel ‘’ Crowne Plaza ‘’. J’ai connu cet hôtel en novembre 2005 lors de mon 1er

séjour. Accompagné du Commandant Gilbert Arnal, nous étions les invités du Général Shimon Romah.

La salle est immense et les tables sont installées devant une petite estrade prévue semble t-il pour les discours. Ces derniers seront très courts. Ce qui nous change de la France où le concours du discours est une véritable épreuve… Pour ceux qui écoutent surtout.

Là aussi les cadeaux sont au rendez-vous. Chaque chef de délégation reçoit un diplôme attestant qu’un arbre est planté en leur nom dans la forêt du Carmel. Et chaque personne présente reçoit un sac avec des produits de beauté.

Nous prenons les bus pour nous rendre sur ‘’ Mamilla ‘’, le plus moderne centre commercial ‘’ Mall ‘’ de Jérusalem. Un guide francophone nous accompagne et nous annonce que nous irons sur le St Sépulcre. Pour moi, il n’en est pas question et à la descente de ce volumineux moyen de transport je dis au guide mon intention d’aller au Kotel.

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Il n’est pas d’accord en regard du temps nécessaire. Je persiste en assurant que je serais à l’heure dite au rendez-vous.

Plusieurs pilotes et mécaniciens Canadairs m’emboîtent le pas, dont mon ami Jean-Paul. Nous marchons très rapidement vers le mur occidental. Un passage de sécurité et nous voilà face au mur. A ce moment de mon écriture, je préfère garder comme un jardin secret les émotions ressenties par mes amis et par moi-même devant ce mur de pierre.

Nous avons encore le temps de rejoindre le St Sépulcre.

Entre deux ruelles sombres et trois renseignements glanés à la volée, nous arrivons à temps pour visiter l’église. Nous retrouvons nos amis devant l’entrée de ce bâtiment chargé d’histoire. Il y a foule, comme tous les jours dirais-je.

Je fais découvrir rapidement les lieux à mes compagnons et il est temps de regagner le bus stationné au bas de la porte de Jaffa. La délégation française récupère ses bagages, quelques adieux rapides et nous voilà installés prés d’un arrêt de bus à attendre notre conducteur pour la caserne de Petach Tikva. Il nous faut par contre aller chez un médecin ou dans une pharmacie. Notre Adjudant/Chef a une énorme inflammation à une dent. Chez nous, on appelle ça une ‘’ bouffigue ‘’ ! Mais une sérieuse !

Osher arrive et nous embarquons dans le mini bus aux couleurs des sapeurs-pompiers. Nous expliquons notre souhait pour l’adjudant/chef. Osher passe deux à trois coups de téléphone et il nous amène, après avoir passé un check-point à la sortie de Jérusalem, chez un dentiste de Petach Tikva. Ce dernier reçoit immédiatement notre compagnon, ne peut pas grand-chose pour lui. Une radio, une ordonnance et il refuse d’être payé. Pour ce que vous avez fait sur le Carmel nous dit-il. Nous allons vers la pharmacie et c’est Osher qui paye les médicaments. Rien à faire pour l’en dissuader.

L’arrivée sur la caserne me permet de voir enfin mon ami Momi Lubiner, qui est considéré comme un patriarche dans la profession et respecté par tous. Momi est un autre pilier des formations SAV en Israël et responsable en titre des unités spécialisées GRIMP et SAV. Dans un coin, il y a aussi Uri Orbach, nom de code : Uri the Best ! Il fait partie des équipes de sauveteurs aquatiques et il est le cuisinier des groupes qui viennent se former en France. Les israéliens n’acceptent que leur nourriture habituelle. Impossible de leur concocter de la cuisine traditionnelle française.

Nous nous installons dans nos chambres et gagnons, après une douche salvatrice, la terrasse où nous pouvons observer la préparation du traditionnel barbecue. Un moment plus tard, ce sera l’allumage des bougies et cette fois encore, j’aurai l’honneur d’y participer. Momi est l’officiant et je suis à tout près de lui.

Avant de passer à table, Uri nous raconte l’horreur de l’accident du bus et la remontée des corps des victimes sous la lumière des projecteurs. Je n’ai aucun mal à comprendre le choc psychologique subi par mes amis. Nous passons à table et nous profitons de ce moment pour les échanges de cadeaux.

C’est David, le Chef de Corps accompagné de son épouse, qui débute en offrant au Colonel et à moi-même un fanion monté sur socle des pompiers de Petach Tikva. Le Colonel Bauthéac prend ensuite la parole pour remercier l’ensemble des pompiers présents de leur accueil et offre à David son casque F2. J’en ferai de même avec le mien que j’offrirai à mon ami Oren.

La soirée se passe d’agréable façon et nous allons nous coucher vers 23h00. La nuit sera courte mais suffisante pour des gens habitués comme nous.

Mercredi 8 Décembre

Le réveil est prévu pour 5h15 avec un départ immédiat. Il faut que l’un d’entre nous règle son téléphone en réveil. Je me refuse à dévoiler le nom de celui qui prit la responsabilité de la sonnerie mais en tout état de cause c’est le caporal/chef Pascal Berger qui viendra, en douceur, vers 5h20 nous réveiller. Le préposé avait omis de régler son téléphone à l’heure locale. Par chance et avec toute la discipline en vigueur au sein des forces armées, nous n’avons pas eu à subir de quolibets narquois.

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Du coup, pas le temps de me raser, ni de me doucher et la petite troupe fonce vers l’aéroport. Osher nous laisse devant l’entrée principale. Il est temps de nous quitter. Devant nous un groupe d’étudiants en Yéshiva qui nous applaudit et nous demande à faire des photos. Ce que nous acceptons bien volontiers.

Passage au contrôle favorisé grâce au port de la tenue et passage au duty-free avec, cerise sur le gâteau, cinq invitations pour le petit déjeuner au loundge Air France. L’uniforme il n’y a pas à dire, ça aide ! Je dormirai un peu durant le vol. A peine vais-je voir les îles grecques. L’annonce du commandant du bord nous angoisse : ‘’ Tempête de neige sur Paris ! ‘’

L’aventure n’est pas terminée semble-t-il.

A notre arrivée, il commence à neiger doucement sur Roissy. Les adieux se font rapidement car le Colonel a 15 minutes pour prendre sa correspondance vers Nice. Les trois personnels de l’UISC ont un délai plus long pour Marseille. En fait, leur vol sera annulé et ils descendront dans le sud avec le TGV. Comme quoi la SNCF peut tout faire.

Pour ma part, je déambule dans les couloirs froids et vides de l’un des aérogares pour récupérer mes bagages. Passons.

A la sortie, je retrouve Betzelel. Nous allons attendre deux pompiers israéliens qui participeront à la cérémonie de ce soir. Amos et Barak Sillam sont frères, l’un travaille sur Haïfa l’autre sur Netanya. Ils parlent tous les deux français. Nous prenons la voiture sous un déluge de neige qui colle à la route. J’appréhende la circulation dans Paris. Nous allons sur Sarcelles pour une collation au domicile de Betzelel où nous serons chaleureusement accueillis par son épouse et deux de ses sept enfants. Les présentations sont faites et entre une bonne et chaude soupe et un autre plat chaud, nous parlons avec les aînés curieux de ce drame qui s’est déroulé en Israël. Les plus jeunes enfants reviennent de l’école et nous continuons d’expliquer ce qui s’est passé. A l’extérieur, la neige tombe à gros flocons. Il va bientôt être impossible de circuler dans les rues de Paris et sur les routes de l’île de France.

Betzelel prend la décision d’aller en gare RER. Sinon, nous n’arriverons jamais à la synagogue.

La course contre la montre commence.

La sortie de parking en voiture ne pose pas de problèmes majeurs, ensuite c’est direction la gare RER. Beaucoup de monde sur les quais. L’arrivée du RER est retardée puis nous montons avec tous nos bagages relativement volumineux. Il nous faudra quatre stations pour arriver à destination. Tout eu long du parcours, nous sommes coincés, ‘’ esquichés ‘’ comme des sardines. Impossible de bouger le petit doigt dans cette foule compacte. Vive les transports en commun parisiens.

Le terminus pour nous est salvateur. Nous sautons dans un taxi pour nous rendre à la synagogue. Nous y serons à l’heure.

Nous montons au dernier étage pour arranger notre tenue et pour moi me raser dans un coin de lavabo. Par chance, j’y arrive sans me couper. Malgré l’eau froide.

Franck Louvier vient d’arriver et nous nous saluons chaleureusement. Dans la grande salle de prières je retrouverai son épouse, Lucia. Betzelel me présente le Président Joël Mergui du consistoire et le grand rabbin de France. J’ai également le plaisir de faire la connaissance de madame Nicole Guedj, Présidente de la fondation ‘’ les casques rouges ‘’ et de Claudine Germé, secrétaire du Président Mergui.

Nous sommes installés aux places d’honneur et la cérémonie peut commencer. Je préfère pour ces instants forts donner le compte rendu paru dans la newsletter du consistoire.

Carnet de voyage-Mission Israël - Décembre 2010-Michel Corréard 25

Soirée de prières et de recueillement en mémoire des victimes de l'incendie du Mont Carmel et en hommage aux combattants du feu.

Cérémonie exceptionnelle à la Grande Synagogue de La Victoire, à l'invitation du Grand Rabbin de France, du Grand Rabbin de Paris et du Président du Consistoire, et en présence notamment de l'Ambassadeur d'Israël en France SE Yossi GAL et Nicole GUEDJ, Présidente de la Fondation France Israël.

Spécialement venus d’Israël, Amos et Barak Sillam, deux pompiers israéliens, sont venus témoigner de la catastrophe humaine et écologique de l’incendie du Mont Carmel

Avec des flammes de 20 mètres de haut, doublées de fortes rafales de vent, ces pompiers professionnels n’avaient jamais connu un tel embrasement et ne disposaient pas de moyen adaptés ni suffisants pour combattre un sinistre majeur.L’émotion était palpable dans l’assistance à l’évocation des circonstances tragiques où le jeune Elad Riban, un jeune volontaire de 16 ans, a trouvé la mort en portant secours aux passagers du bus encerclé par les flammes.Le Capitaine Michel Corréard, officier du Service Départemental d’Incendie et de Secours de l’Hérault a codirigé les opérations françaises de soutien à Israël, gérant au sol le travail des 5 bombardiers d’eau envoyés par la France. De cette mission, il retient l’accueil fantastique des Israéliens tous solidaires contre les flammes en même temps qu’ils célébraient Hanoukka et les cris de « Vive la France » à chaque largage d’eau sur le mont Carmel. C’est un message d’espoir qu’il a délivré peu avant de participer à l’allumage de la 8e bougie de Hanoukka.

Un message d’autant plus fort, qu’il émane d’un représentant de la France, d’un ami d’Israël et d’un pompier : « Israël pleure aujourd’hui ses morts, mais il se relèvera et tirera leçon de ce qui s’est produit et la forêt repoussera encore plus belle qu’avant ».

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Cérémonie émouvante organisée notamment avec l'aide du Président de la Communauté de La Victoire Jacques CANET et le Rabbin de la Communauté de La Victoire, Mosché SEBBAG, avec le soutien du LIBI et du KKL.

La cérémonie est terminée. Je dois maintenant regagner l’hôtel situé à coté des Folies Bergères. Je n’aurai pas le temps d’aller voir ces magnifiques danseuses. Quel dommage…

Franck et Lucia m’invitent à diner. Le temps de déposer mes bagages et nous sommes installés dans un restaurant casher du boulevard Montmartre. Ce sera salade, pizza et beignets d’Hanoukka. La fatigue est là et à mon retour à l’hôtel, je ne mettrai pas longtemps à m’endormir.

Jeudi matin, Rémy, le chauffeur du Président Mergui me prendra en charge afin de me conduire sur Roissy. Les péripéties sur l’aéroport continuent. Plus de deux heures de retard. J’arriverai dans l’après-midi vers 14h00 sur Montpellier et c’est avec grand plaisir que je verrai mes compagnons de bureau venus m’attendre, Gilbert Arnal et Michel Rico.

Je serai chez moi vers 16h00. Fin de mission.

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En ce samedi 18 Décembre 2010, je termine ce carnet de voyage lorsqu’un appel me provient d’Israël. Au cœur du shabbat ce ne peut être qu’une mauvaise nouvelle. Shai, de Kyriat Arba m’informe que notre ami Dani Hayat est décédé des suites de ses brûlures. Je prends le choc en pleine poitrine. Quelques minutes plus tard, Uri et Avishay transgresseront également les règles pour me prévenir de ce drame. Dani était venu en France à deux reprises, il était un des piliers du sauvetage en eaux vives en Israël.

Sur le feu du Carmel, il s’est porté au secours des passagers du bus pour tenter l’impossible. Il y a laissé sa vie. Il est mort en héros. Dani était marié, père de deux jeunes enfants, son épouse était enceinte de 8 mois. Nous ne l’oublierons jamais.

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