CARACTERISATION DES LESIONS...
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Service d’Imagerie Médicale
Hôpital Abderrahmane Mami Ariana Tunisie
CARACTERISATION DES LESIONS SURRENALIENNES PAR LA TDM CHEZ LES PATIENTS PORTEURS
D’UN CANCER BRONCHO-PULMONAIRE
S. Hantous-Zannad, S. Bourkhris, I. Ridène, H. Romdhane, A. Zidi, I. Baccouche, K. Ben Miled M’rad
Les incidentalomes surrénaliens sont définis comme des nodules ou
des masses surrénaliennes de découverte fortuite lors d’un examen
d’imagerie réalisé pour une indication sans rapport avec une
pathologie surrénalienne. Leur prévalence est élevée, de l’ordre de
2 à 10 % sur les séries autopsiques.
Dans un contexte néoplasique 40 à 50 % des lésions surrénaliennes
sont des adénomes.
En dehors de l’adénome, la tumeur surrénalienne la plus fréquente est
la métastase surrénalienne.
Les métastases surrénaliennes sont essentiellement secondaires aux
carcinomes épithéliaux principalement le cancer bronchopulmonaire
puis celui du rein et enfin les autres (sein, mélanome etc.).
L’adénome comme les autres tumeurs bénignes non
hyperfonctionnelles d’observation plus rare (myélolipomes, kystes) ne
requiert aucune sanction thérapeutique si sa nature peut être établie
avec certitude.
Le rôle essentiel de l’imagerie est d’établir de manière aussi fiable,
peu invasive et peu coûteuse que possible, la nature bénigne ou
maligne d’un nodule surrénalien.
Notre propos est ici de faire le point sur la caractérisation
scannographique des nodules surrénaliens découverts dans le bilan
d’extension des cancers bronchopulmonaires (CBP).
Etude rétrospective d’une série de 146 patients.
Colligés entre septembre 2007 et février 2008.
Soit un total de 292 surrénales.
Un scanner 16 coupes thoracoabdominopelvien avec injection de
produit de contraste a été réalisé dans le cadre du bilan d’extension
d’un cancer broncho-pulmonaire (CBP) chez tous nos patients.
Les glandes surrénales ont été étudiées avant injection de produit
de contraste.
La quantité de produit de contraste injectée était de 70 à 80 cc.
Une surrénale était considérée hypertrophiée lorsque l’épaisseur
des bras dépassait 5 mm.
Cette hypertrophie était considérée homogène lorsque les contours
étaient lisses , ou nodulaire lorsqu’ils étaient bosselés.
Les masses surrénaliennes étaient définies à partir d’une taille de 3
cm.
Le nodule était défini par une lésion arrondie < 3 cm au sein d’une
surrénale normale ou hypertrophiée. Des mesures de densité des nodules
surrénaliens découverts ont été réalisées avant injection de produit de
contraste, à 1 minute et à 15 minutes de l’injection.
Cette mesure était réalisée sur une coupe centrale de la lésion. La région
d’intérêt (ROI) était placée sur la lésion surrénalienne, englobant les deux
tiers de la surface de la lésion.
Un calcul du pourcentage de lavage absolu ou « Wash out » a été réalisé
pour chaque nodule surrénalien.
Etaient considérées malignes les masses supérieures à 3cm, de densité
spontanée élevée de rehaussement hétérogène et de contours flous, les
nodules ou masses apparus secondairement et les nodules avec
wash out < 60%.
281 surrénales ont été étudiées, 11 nodules surrénaliens
indéterminés ayant été exclus. Les résultats étaient les suivants :
206 surrénales normales soit 73,3%.
27 masses surrénaliennes soit 9,6%.
18 nodules malins soit 6,4%.
14 hypertrophies nodulaires soit 4,8%.
8 hypertrophies homogènes soit 2,8%.
8 nodules bénins soit 2,8%.
Lésions bénignes
Lésions malignes
La densité spontanée des nodules surrénaliens malins
s’échelonnait entre 17 et 37 UH.
Deux nodules bénins (25%) présentaient une densité spontanée <10
UH. La densité spontanée des 6 autres nodules surrénaliens bénins
s’échelonnait entre 17 et 38 UH.
12 des nodules malins (67%) s’associaient à un cancer broncho-
pulmonaire évolué stade IV. Deux de ces cancers étaient des
carcinomes micro cellulaires.
Adénome surrénalien bilatéral du corps de la surrénale droite (A) et du bras externe de la surrénale gauche (B), chez un patient porteur d’un CBP T4N2M1. Ces nodules présentent des densités spontanées supérieures à 10 UH et un Wash out supérieur à 60 %.
T=0, densité=22,6 UH T=1 min, densité=56,8 UH T=15 min, densité=34,8 UH
T=0, densité=18 UH T=1 min, densité=50,3 UH T=1 min, densité=25,7 UH
Wash out=64%
Wash out=76%A
B
T=0, densité= 34,3 UH T=1, densité= 85,1 UH T=15, densité= 50,7 UH
Adénome surrénalien du corps de la surrénale droite chez un patient porteur d’un CBP T4N2M1. Ce nodule présente une densité spontanée supérieure à 10 UH et un Wash out supérieur à 60 %.
Wash out=67,7%
T=0, densité= 6 UH T=1, densité= 23,9 UH T=15, densité= 8 UH
Wash out=88%
Adénome surrénalien du bras interne de la surrénale droite chez un patient porteur d’un CBP T4N0M1. Ce nodule présente une densité spontanée <10UH et un Wash out supérieur à 60 %.
T=0, densité= 36,1 UH T=1, densité= 61,7 UH T=15, densité= 52,3 UH
Wash out=32,8%A
T=0, densité= 36,5 UH T=1, densité= 59,8 UH T=15, densité= 51,8 UH
Wash out=32,3%
Métastases surrénaliennes bilatérales du bras interne de la surrénale droite (A) et du bras externe de la surrénale gauche (B) chez une patiente porteuse d’un CBP T4N2M1. Ces nodules présentent des densités spontanées supérieures à 10 UH et un Wash out inférieur à 60 %.
B
L’objectif du bilan d’extension du cancer broncho-pulmonaire est la
classification TNM.
La recherche de métastase (M) doit inclure l’étude des surrénales à la
recherche de nodules ou masses.
Dans cette population de patients oncologiques 40 à 50% des
nodules sont des adénomes et non des métastases.
Cette différenciation est donc cruciale car la présence d’une
métastase surrénalienne péjore le pronostic et modifie la stratégie
thérapeutique.
Une technique rigoureuse s’impose donc dans l’analyse des nodules
surrénaliens.
La TDM doit être hélicoïdale et utiliser des coupes de 3 à 5 mm
d’épaisseur .
Sans et avec injection de produit de contraste à la phase dynamique
(peu importe entre la phase artérielle ou portale) puis tardive.
Les mesures de densité doivent être réalisées sur une coupe centrale
de la lésion pour éviter tout effet de volume partiel sur les bords qui
pourrait artificiellement abaisser la densité.
La région d’intérêt (ROI) doit être placée sur la lésion surrénalienne,
englobant les deux tiers de la surface de la lésion pour obtenir une
moyenne la plus représentative de la lésion.
TECHNIQUE TDM
La coupe intéressée doit être intercalée entre deux coupes
comportant du tissu surrénalien.
Une hétérogénéité de la lésion doit faire réfuter la validité de la
mesure. Il faut écarter les zones de calcifications et les bords pour
minimiser les effets de volume partiel et éviter les effets de dispersion
de l’échantillonnage.
Une ROI mal placée peut conduire à des erreurs. Trop grande, elle
abaisse la valeur mesurée en raison de l’inclusion de la graisse
adjacente du rétropéritoine environnant. Trop petite, elle entraîne des
erreurs d’échantillonnage de pixel et peut ne pas représenter la
véritable valeur de densité de la lésion entière.
TECHNIQUE TDM
Aspect TDM normal des glandes surrénales: (A,B) coupes axiales passant par les surrénales droite et gauche, (C) reconstruction coronale passant par la surrénale gauche.
A B C
-Coupe centrale de la lésion évitant l’effet de volume partiel.
- Lésion homogène sans calcification.
- ROI englobant les deux tiers de la surface de la lésion.
NODULE SURRENALIEN DROIT
La découverte d’un nodule surrénalienimpose sa caractérisation en se basant sur des critères morphologiques et dynamiques.
DEMARCHE DIAGNOSTIQUE
CRITERES MORPHOLOGIQUES:
La taille:
Ce critère est souvent mis en défaut, la taille ne permettant pas de
différencier les lésions entre elles.
Contours et homogénéité:
Les contours flous sont souvent des lésions malignes, cependant,
ils peuvent témoigner d’une hémorragie récente au sein d’une lésion
bénigne.
De même, l’hétérogénéité est un mauvais critère car elle affecte les
lésions malignes autant que les lésions bénignes de grande taille.
CRITERES MORPHOLOGIQUES:
Unilatéralité ou bilatéralité:
Le caractère bilatéral des lésions n’est pas discriminant puisqu’il
s’observe à la fois avec les lésions bénignes et malignes. La fréquence
du caractère bilatéral des métastases est de 30 à 50 % tandis que celui
des adénomes serait de 15 %.
VALEUR DE LA DENSITÉ SPONTANÉE:Les valeurs de densité d’atténuation de 10 UH ou moins indiquent une
présence suffisante de lipides intracytoplasmiques pour que la lésion
soit considérée comme bénigne et qu’aucun suivi supplémentaire ne
soit exigé.
Si la densité est supérieure à 10 UH, la lésion est alors indéterminée.
Le seuil de 10 UH est le seuil diagnostique retenu d’après une analyse
de dix grandes séries de la littérature comportant 495 lésions dont 261
adénomes, 178 métastases, 22 corticosurrénalomes et 21
phéochromocytomes.
Il s’agit d’un compromis entre une sensibilité acceptable (71 %) et une
spécificité presque parfaite (98 %).
Dans certains « adénomes pauvres en lipides » ( 40 % des
adénomes), la quantité de lipides est insuffisante pour abaisser la
densité en dessous du seuil. Pour ces adénomes il est nécessaire
de recourir à d’autres moyens diagnostiques notamment l’injection
de contraste.
CALCUL DU « WASH OUT »:
Le « wash out » (ou lavage vasculaire) est la mesure des densités
permettant d’estimer la quantité de produit de contraste rémanent
dans la lésion.
Cette mesure est essentielle car elle permet de distinguer les lésions
entre elles.
Le substratum anatomique de cette théorie repose sur l’analyse des
vaisseaux à l’échelon capillaire.
CALCUL DU « WASH OUT »:
Les lésions tumorales malignes, inflammatoires ou infectieuses
(tuberculose) sont le siège d’une néoangiogenèse anarchique.
Cette néoangiogenèse faite de vaisseaux anarchiques dont les
cellules endothéliales sont disjointes permet une extravasation du
produit de contraste dans l’espace intercellulaire.
La mesure de la densité tardive va refléter la quantité de contraste
retenu dans ces espaces intercellulaires traduisant ces phénomènes
de perméabilité capillaire des lésions malignes.
L’adénome corticosurrénalien est caractérisé par une structure
vasculaire dense mais qui ne permet pas la diffusion du produit de
contraste dans l’interstitium.
Le renouvellement sanguin va contribuer à la dispersion du
contraste dans le reste de l’organisme.
Ce phénomène va se traduire par la diminution de la densité sur les
phases tardives par rapport à la phase précoce parenchymateuse.
Aucune lésion maligne ou inflammatoire n’a cette structure
vasculaire particulière, donc aucune lésion maligne ne risque d’être
classée à tort comme bénigne d’où l’excellente spécificité.
Sur le plan pratique :
Il est nécessaire de mesurer la densité au temps dynamique dont la valeur est
désignée par la lettre E (« Enhanced » pour « rehaussé ») et de la comparer au
temps tardif désigné par la lettre D (« Delayed » pour « tardif ») et si l’on en
dispose à la valeur du temps sans injection U (« Unenhanced » pour « sans
injection »). La sensibilité et la spécificité sont les meilleures à 15 minutes.
La quantification du « lavage » à 15 minutes se fait par les formules suivantes :
• Lavage absolu : (E – D)/(E – U) × 100 (le seuil de bénignité doit être > 60 %),
spécificité : 96 %, sensibilité : 88 % ;
• Lavage relatif (si l’on ne dispose pas de la valeur U) : ([E-D]/E) × 100 (le seuil de
bénignité doit être >40 %), spécificité : 100 %, sensibilité : 96 %.
La mesure de la densité au temps tardif peut également s’effectuer à 10 mn de
l’injection en admettant comme seuil de bénignité pour le lavage absolu 52% (5).
Sur le plan pratique :
Deux autres critères permettent également d’approcher la nature du
nodule :
Si la valeur de la densité à 15 minutes est inférieure au seuil de 37
UH, alors ces lésions sont presque toujours bénignes (sensibilité >
95 %, spécificité > 99 %) (3).
Si la densité spontanée est supérieure à 43 UH en dehors de
lésion hémorragique ou calcifiée, le nodule est très suspect de
malignité (5).
La différenciation entre métastase et nodule surrénalien bénin au cours des
bilans d’extension des cancers broncho-pulmonaires est cruciale du fait des
répercussions pronostiques et thérapeutiques.
Dans notre population seuls 16 % des lésions surrénaliennes ont été
considérées malignes.
Le protocole de l’examen TDM au cours des bilans d’extension des cancers
broncho-pulmonaires doit inclure une acquisition sans injection de produit de
contraste centrée sur les surrénales.
Selon la présence ou non d’un nodule surrénalien et la mesure de sa densité
spontanée nous pourrons décider de l’intérêt d’une deuxième acquisition
centrée sur les glandes surrénales au temps tardif de l’injection de produit de
contraste (10 ou 15 mn) avec calcul du « wash out » (voir algorithme).
Lorsqu’il persiste un doute diagnostique et que l’attitude
thérapeutique risque d’être modifiée, d’autres explorations pourront
être indiquées: IRM, PET scan, ou biopsie surrénalienne en dernier
recours.
TDM SPC
Densité > 10UHDensité ≤ 10 UH
APC Wash out (15mn)Stop Bénin
> 60%< 60%
BéninMalin
Algorithme
STOP
BIOPSIE
IRM/ PET scan
1-Boland GW, Hahn PF, Pena Constantino, Mueller PR. Adrenal masses : characterization with delayed contrastenhanced CT. Radiology 1997;202:693-6.
2- Hoeffel C et al. Imagerie des incidentalomes surrénaliens. J Radiol 1998; 79 : 837-848.
3- Mignon F., Mesurolle B. Tumeurs non sécrétantes de la surrénale et incidentalome. EMC (Elsevier SAS, Paris), Radiodiagnostic - Urologie-Gynécologie, 34-540-A-10, 2006.
4- Khaled M. Elsayes et al.: Adrenal masses MR Imaging Features withPathologic Correlation. RadioGraphics 2004; 24:73–86.
5- Blake M A et al. Distinguishing benign from malignant adrenal masses : multidetector row CT protocol with 10 minute delay.Radiology 2006(238): 578-85.
6- Benitah N.et al : Minor morphologic abnormalities of adrenal gland at CT: prognostic importance in patients with lung cancer. Radiology 2005; 235: 517-22.