Cannes Journal de bord JOUR 2 / I Daniel Blake

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69e Festival de Cannes COMPETITION JOURNAL DE BORD Retrouvez-nous chaque jour à Cannes avec un film à l’honneur dans notre journal de bord. JOUR 2 I DANIEL BLAKE / KEN LOACH Habitué de la croisette et déjà primé par une palme d’or en 2006 avec LE VENT SE LÈVE, Ken Loach revient en sélection avec I DANIEL BLAKE, mesurant toute l’absurdité du modèle « social » anglo- saxon.

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Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, charpentier, est amené à postuler auprès des servies sociaux pour bénéficier de subventions suite à un arrêt cardiaque. Il rencontre Rachel, mère célibataire, elle aussi empêtrée dans les aberrations administratives.

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69e Festival de Cannes

COMPETITIONJOURNAL DE BORD Retrouvez-nous chaque jour à Cannes avec un film à l’honneur dans notre journal de bord.

JOUR 2

I DANIEL BLAKE / KEN LOACH Habitué de la croisette et déjà primé par une palme d’or en 2006 avec LE VENT SE LÈVE, Ken Loach revient en sélection avec I DANIEL BLAKE, mesurant toute l’absurdité du modèle « social » anglo-saxon.

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WELFARE STATE « Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, charpentier, est amené à postuler auprès des servies sociaux pour bénéficier de subventions suite à un arrêt cardiaque. Il rencontre Rachel, mère célibataire, elle aussi empêtrée dans les aberrations administratives ».

Les films parlent parfois mieux que de longues enquêtes sociologiques pour déconstruire leurs objets d’étude. Pourtant ce dernier film de Ken Loach nous fait très vite penser au terme employé par Serge Paugam sur « la carrière du chômeur ». Demandé des subventions est un travail à part entière qui nécessite d’adopter un comportement socialement admis, entre l’acceptation de l ’ h u m i l i a t i o n f a c e a u x a u t o r i t é s bureaucratiques et la posture du demandeur d’emploi enthousiaste face à son recruteur.

Cet aspect est le leitmotiv d’un film qui s’asphyxiera par sa mise en scène à force de vignettes parfois superflues et d’un final au forceps prévisible et larmoyant. Pour le reste, la mécanique inflexible de l’administration est mise en exergue sans grande innovation, on est loin des frasques d’un BRAZIL, mais il ne s’agit pas de la caméra de Terry Gilliam. L’humour acerbe est donc bienvenu et le broyage humain qu’est la politique actuelle à

l’égard des plus faibles est justement tourné en dérision (on rit tout de même jaune).

I, DANIEL BLAKE s’il n’a rien d’un grand film ou d’un pamphlet révolutionnaire reste tout de même nécessaire à une époque où le mythe de « l’assistanat » à la peau dure et la cure d’austérité détruit des pans entiers des systèmes sociaux, de plus en plus suspicieux à l’égard de ceux qui en bénéficient. Tout cela au nom de la rigueur et d’une crise imaginaire qui renforce la domination de ceux qui ont déjà tout.

Administration devenue entreprise et gérée comme telle, excluant ceux qui ne suivent pas le rythme infernal imposé par la transition numérique, tout cela est un cauchemar dont on peut rire jusqu’à un certain point ; celui du non-retour.

Ken Loach nous parle d’un système à bout de souffle, qui alimente la réserve de chômeurs disponibles pour imposer une pression sur des travailleurs souhaités dociles et reconnaissants. Le film se suffit à lui-même, sans fioritures, direct comme une missive lancée dans la foule à l’heure de l’urgence politique. On ne peut qu’apprécier cette mise au point salutaire à défaut du grand geste de cinéma escompté.

Jordan More-Chevalier

Publié le 13/05/16Photo couverture : Clément Guégan