Cancerology

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Université Paris-VI Cancérologie DCEM3 2002 - 2003 Service de radiothérapie - Professeur Baillet Mise à jour : 6 janvier 2004

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Université Paris-VI

Cancérologie

DCEM3

2002 - 2003

Service de radiothérapie - Professeur Baillet

Mise à jour : 6 janvier 2004

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Sommaire

Sommaire3 Sommaire

13 Partie I : Cancérologie générale

15 Chapitre 1 : Généralités cliniques

15 1.1 Fréquence du cancer15 1.1.1 Epidémiologie descriptive16 1.1.2 Epidémiologie analytique16 1.1.3 Variations dans le temps et dans I’espace17 1.1.4 Des points essentiels sur le plan épidémiologique18 1.2 Diagnostic18 1.2.1 Le diagnostic positif19 1.2.2 Le diagnostic d’extension22 1.2.3 L’observation22 1.2.4 Les aspects psychologiques23 1.2.5 Le contexte familial et socio-économique23 1.3 Le TNM23 1.4 Les principes de traitements24 1.5 Le pronostic25 1.6 La surveillance27 1.7 Les marqueurs27 1.8 Les résultats28 1.9 Les essais randomisés

29 Chapitre 2 : Prévention, dépistage, cancers professionnels

29 2.1 Définitions29 2.2 La prévention primaire31 2.2.1 Exposition professionnelle32 2.2.2 Exposition médicale32 2.2.3 Exposition générale33 2.3 Prévention secondaire et prévention tertiaire : dépistage des lésions

précancéreuses et des cancers localisés asymptomatiques35 2.4 Les cancers professionnels

37 Chapitre 3 : Biologie du cancer

37 3.1 Un nouveau modèle biologique

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Sommaire

37 3.2 Histoire naturelle du développement des tumeurs solides38 3.3 La cellule cancéreuse : vision globale38 3.3.1 Caractères généraux de la cellule cancéreuse39 3.3.2 Anomalies biochimiques40 3.4 Modes de propagation des tumeurs41 3.5 Mécanismes moléculaires de l’oncogènése41 3.5.1 Oncogènes43 3.5.2 Anti-oncogènes ou gènes suppresseurs de tumeur44 3.5.3 Les gènes de réparation de l’ADN44 3.5.4 Apoptose46 3.5.5 Télomérases47 3.5.6 Néoangiogénèse tumorale - facteurs de régulation48 3.6 Génétique et cancer48 3.6.1 Introduction48 3.6.2 Exemple 1 : cancers colorectaux et génétique50 3.6.3 Exemple 2 : génétique et cancers du sein et de l’ovaire

53 Chapitre 4 : Anatomie pathologique

53 4.1 La cellule cancéreuse53 4.1.1 Critères cytologiques de malignité (atypies cytonucléaires)53 4.1.2 Signification des atypies cytonucléaires :54 4.1.3 Différenciation cellulaire54 4.2 Le tissu cancéreux55 4.2.1 Différenciation tumorale55 4.2.2 Stroma56 4.2.3 Malignité56 4.3 Reconnaître la malignité d’une tumeur57 4.4 Nomenclature57 4.5 Schéma évolutif des lésions anatomopathologiques : progression58 4.5.1 Etats et lésions précancéreux58 4.5.2 Angiogenèse59 4.5.3 Place des lésions précancéreuses dans la maladie cancéreuse60 4.5.4 Invasion60 4.5.5 Mode de développement tumoral60 4.6 Métastases60 4.6.1 Voies de dissémination61 4.6.2 Sièges et facteurs de survenue61 4.6.3 Aspects anatomo-pathologiques62 4.6.4 Métastases ganglionnaires62 4.6.5 Métastases viscérales62 4.6.6 Les métastases dans la maladie cancéreuse63 4.6.7 Influence sur le pronostic63 4.7 Prélèvements63 4.7.1 Prélèvements cellulaires64 4.7.2 Prélèvements Tissulaires

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Sommaire

65 4.7.3 Tissu frais65 4.7.4 Macroscopie65 4.7.5 Immunohistochimie66 4.8 Apport de l’anatomopathologie au diagnostic des tumeurs67 4.8.1 Acquisition du tissu pour le diagnostic68 4.8.2 Apport de la cytologie68 4.8.3 Examens extemporanés69 4.8.4 Apport pour le pronostic69 4.8.5 Différenciation et histopronostic70 4.8.6 Apport pour le traitement

71 Chapitre 5 : Bases de la radiothérapie

71 5.1 Introduction71 5.2 Bases biologiques72 5.3 Téléradiothérapie76 5.4 Curiethérapie76 5.5 Radiothérapie métabolique76 5.6 Indications77 5.7 Nouvelles techniques79 5.8 Aspects cliniques pratiques79 5.8.1 Les moyens pour donner la dose à l’endroit souhaité82 5.8.2 Les unités de la radiothérapie82 5.8.3 La dosimétrie87 5.8.4 La dose clinique88 5.8.5 Les doses utiles88 5.9 Pour en savoir plus

91 Chapitre 6 : Principes de la chimiothérapie anti-tumorale

91 6.1 Cibles biologiques92 6.2 le modèle de Skipper92 6.3 Les cellules en prolifération93 6.4 La courbe de croissance gomperzienne93 6.5 La théorie de Goldie-Coldman93 6.6 Mécanisme de résistance94 6.7 Mécanismes d’action95 6.8 Classifications des cytotoxiques95 6.9 Principe d’association des cytotoxiques96 6.10 Indication de la chimiothérapie96 6.11 Dose-intensité97 6.12 Prise en charge des effets secondaires de la chimiothérapie98 6.13 Perspectives

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Sommaire

101 Chapitre 7 : Principe de la prise en charge psychologique du patient cancéreux

101 7.1 Le cheminement du patient cancéreux101 7.1.1 L’annonce du diagnostic102 7.1.2 Les traitements102 7.1.3 La surveillance102 7.1.4 La rechute102 7.1.5 La phase palliative103 7.2 Les problèmes psychologiques rencontrés103 7.2.1 La dépression103 7.2.2 L’anxiété104 7.2.3 Les systèmes de défense104 7.3 L’attention au malade105 7.4 Conclusion

107 Partie II : Localisations

109 Chapitre 8 : Cancer du testicule

109 8.1 Anatomopathologie109 8.1.1 rappel anatomique et histologique109 8.1.2 Etiologie110 8.1.3 Etude macroscopique110 8.1.4 Extension110 8.1.5 Etude histologique112 8.1.6 Quelques pièges sont à signaler112 8.1.7 Pour la pratique on retiendra112 8.2 Epidémiologie113 8.3 Diagnostic114 8.4 Bilan pré-thérapeutique115 8.5 Voies de dissémination métastatique115 8.6 Classification par stades115 8.7 Classification pronostique116 8.8 Traitement117 8.8.1 Séminomes purs117 8.8.2 Tumeurs non séminomateuses118 8.9 Surveillance118 8.10 Séquelles du traitement119 8.11 A retenir

121 Chapitre 9 : Cancers du col utérin

121 9.1 Anatomie

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Sommaire

121 9.2 Epidémiologie122 9.3 Facteurs de risque de cancer du col123 9.4 Anatomopathologie123 9.4.1 Rappel histologique125 9.4.2 Les prélèvements étudiés au laboratoire d’anatomie pathologique126 9.4.3 Lésions précancéreuses du col utérin127 9.4.4 Carcinome épidermoïde invasif du col utérin

143 Chapitre 10 : Cancers de l’endomètre

143 10.1 Epidémiologie143 10.2 Facteurs de risque144 10.3 Anatomopathologie144 10.3.1 Rappel histologique144 10.3.2 Prélèvements144 10.4 Lésion précancéreuse145 10.5 Adénocarcinome de l’endomètre145 10.5.1 Macroscopie145 10.5.2 Histologie146 10.5.3 Signes cliniques146 10.5.4 Examens complémentaires147 10.5.5 Extension de la maladie147 10.5.6 Classifications148 10.5.7 Facteurs pronostiques148 10.5.8 Traitement chirurgical149 10.5.9 Radiothérapie149 10.5.10 Place de la chimiothérapie150 10.5.11 L’hormonothérapie150 10.5.12 Indications thérapeutiques150 10.5.13 Survies151 10.5.14 Surveillance151 10.5.15 Points essentiels

153 Chapitre 11 : Cancer du sein

153 11.1 Epidémiologie153 11.2 Facteurs étiologiques154 11.3 Anatomopathologie mammaire154 11.3.1 Rappel anatomique et histologique154 11.3.2 Place de l’anatomie pathologique156 11.3.3 Types de cancer du sein159 11.4 Diagnostic159 11.4.1 Circonstances de découverte159 11.4.2 Diagnostic positif160 11.4.3 Diagnostic différentiel

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Sommaire

161 11.5 Bilan préthérapeutique161 11.5.1 Bilan d’extension163 11.5.2 Etat général, antécédents, recherche de contre-indication à tel ou tel

traitement163 11.5.3 Sur le plan psychologique163 11.6 Eléments pronostiques164 11.7 Moyens thérapeutiques164 11.7.1 La chirurgie165 11.7.2 La radiothérapie167 11.7.3 Les traitements médicaux169 11.8 Indications thérapeutiques des formes non métastasées169 11.8.1 Pour les tumeurs égales ou inférieures à 3 cm.169 11.8.2 Pour les tumeurs supérieures à 3 cm170 11.8.3 Le traitement médical adjuvant171 11.8.4 Formes métastasées171 11.8.5 Résultats172 11.9 Indications thérapeutiques des formes métastasées173 11.10 Compréhension de la place actuelle des traitements conservateurs dans le

traitement locorégional du cancer du sein176 11.11 Points essentiels

179 Chapitre 12 : Le cancer de l’ovaire

179 12.1 Généralités, épidémiologie180 12.2 Anatomopathologie180 12.2.1 Rappel histologique180 12.2.2 Classification histologique des tumeurs ovariennes181 12.2.3 Tumeurs épithéliales183 12.2.4 Facteurs pronostiques184 12.3 Circonstances de découverte. Bilan paraclinique initial184 12.4 Classification. Pronostic185 12.5 Stratégie thérapeutique dans le cancer de l’ovaire185 12.5.1 Chirurgie186 12.5.2 Chimiothérapie187 12.5.3 Autres traitements187 12.6 Conclusion

189 Chapitre 13 : Cancers bronchiques non à petites cellules

189 13.1 Epidémiologie des cancers bronchiques191 13.2 Etiologie191 13.2.1 Tabagisme192 13.2.2 Autres causes193 13.3 Biologie du CBNPC194 13.4 Anatomopathologie

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Sommaire

194 13.4.1 Carconome de type épidermoïde195 13.4.2 Adénocarcinome196 13.5 Stades anatomo-cliniques197 13.6 Apports de l’examen anatomopathologique197 13.6.1 Apport diagnostique198 13.6.2 Apport pronostique198 13.7 Circonstances de découverte199 13.7.1 Signes thoraciques200 13.7.2 Signes Extra-thoraciques200 13.8 Diagnostic201 13.8.1 Examen clinique201 13.8.2 Les radiographies pulmonaires de face et de profil202 13.8.3 Le scanner thoracique202 13.8.4 La fibroscopie bronchique202 13.8.5 Au terme du bilan, deux situations sont possibles204 13.9 Bilan d’évaluation : extension, opérabilité204 13.9.1 Bilan d’extension : il comporte deux volets204 13.9.2 Bilan d’opérabilité205 13.10 Evolution, pronostic206 13.11 Traitement206 13.11.1 Principes207 13.11.2 Indications208 13.11.3 Traitements symptomatiques209 13.12 Conclusion en 10 points clés

211 Chapitre 14 : Cancers bronchiques à petites cellules

211 14.1 Epidémiologie212 14.2 Anatomopathologie212 14.2.1 Rappel histologique212 14.2.2 Formes macroscopiques212 14.2.3 Définition histologique des CPC213 14.2.4 Place des CBPC dans la classification de l’OMS (1999)213 14.2.5 Diagnostics différentiels des CPC214 14.2.6 Stades anatomocliniques214 14.2.7 Apport de l’anatomopathologie214 14.3 Eléments de biologie tumorale215 14.4 Diagnostic : il est toujours histologique215 14.4.1 Circonstance de découverte217 14.4.2 Principaux syndromes paranéoplasiques220 14.5 Diagnostic positif220 14.5.1 Radiographie pulmonaires220 14.5.2 TDM thoracique220 14.5.3 Fibroscopie bronchique221 14.6 Bilan pré-thérapeutique221 14.6.1 Bilan extension

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Sommaire

221 14.6.2 Bilan du terrain et d’opérabilité221 14.7 Evolution et facteurs pronostiques222 14.8 Traitement223 14.8.1 CBPC localisé223 14.8.2 CBPC disséminé223 14.8.3 Cas particulier224 14.9 Conclusion en 10 points clés

225 Chapitre 15 : Cancer de l’œsophage

225 15.1 Généralités225 15.1.1 Cancer épidermoïde de l’œsophage : définition, fréquence, facteurs

épidémiologiques et étiologiques226 15.1.2 Adénocarcinome de l’œsophage : définition, fréquence, facteurs

épidémiologiques et étiologiques226 15.1.3 Anatomie226 15.2 Anatomopathologie226 15.2.1 Rappel histologique226 15.2.2 Classification simplifiée des cancers de l’œsophage227 15.2.3 Les carcinomes primitifs228 15.2.4 Apport de l’anatomopathologiste228 15.2.5 A retenir229 15.3 Circonstances révélatrices du cancer de l’œsophage et la place de l’endoscopie230 15.4 Bilan d’extension et d’opérabilité et du terrain d’un cancer de l’œsophage230 15.4.1 L’extension loco-régionale230 15.4.2 Synthèse du bilan d’extension231 15.5 Traitement du cancer de l’œsophage231 15.5.1 Chirurgie232 15.5.2 Radiothérapie sans chimiothérapie concomitante232 15.5.3 Chimiothérapie sans radiothérapie concomitante232 15.5.4 Radiochimiothérapie concomitante233 15.5.5 Traitements endoscopiques233 15.6 Pronostic du cancer de l’œsophage en fonction de son extension

235 Chapitre 16 : Les cancers colorectaux

235 16.1 Epidémiologie des cancers colorectaux235 16.2 Rappel histologique235 16.2.1 Lésion précancéreuse236 16.2.2 Définition des sujets à risque237 16.2.3 Formes macroscopiques : aspects endoscopiques238 16.2.4 Formes histologiques238 16.2.5 Apport de l’anatomopathologie239 16.3 Diagnostic239 16.3.1 Signes cliniques

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Sommaire

239 16.3.2 Bilan clinique initial240 16.3.3 Bilan paraclinique240 16.3.4 Bilan d’extension240 16.4 Facteurs pronostiques et classification242 16.5 Traitements des cancers coliques localisés242 16.5.1 La chirurgie243 16.5.2 La radiothérapie243 16.5.3 La chimiothérapie adjuvante243 16.6 Traitements des cancers rectaux localisés243 16.6.1 La chirurgie244 16.6.2 Place de la radiothérapie et de la chimiothérapie245 16.7 Traitements des cancers colorectaux métastatiques245 16.8 Surveillance des patients traités pour un cancer colorectal246 16.9 Pronostic246 16.10 Dix points essentiels sur cancer colique248 16.11 Dix points essentiels sur cancer du rectum non métastatique

251 Chapitre 17 : Cancer de l’estomac

251 17.1 Epidémiologie252 17.2 Etiologie252 17.2.1 Environnement252 17.2.2 Infectieux252 17.2.3 Génétique253 17.3 Anatomie254 17.4 Anatomie pathologique254 17.4.1 Rappel anatomique et histologique254 17.4.2 Classification simplifiée des cancers gastriques254 17.4.3 L’adénocarcinome et ses variantes256 17.4.4 Apport de l’anatomopathologie256 17.4.5 A retenir256 17.5 Diagnostic257 17.6 Classification258 17.7 Le traitement chirurgical du cancer de l’estomac258 17.7.1 Les techniques et indications258 17.7.2 Le terrain259 17.7.3 Les différentes interventions259 17.7.4 Indications dans un cancer résécable260 17.7.5 Les autres indications260 17.8 Les résultats261 17.9 Facteurs pronostiques261 17.10 Traitement des formes métastatiques

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Sommaire

263 Chapitre 18 : Cancers des voies aéro-digestives supérieures

263 18.1 Généralités263 18.1.1 Introduction264 18.1.2 Anatomopathologie264 18.1.3 Rappel anatomique265 18.1.4 Les progrès récents (dans les 10 dernières années) sont liés265 18.2 Cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx266 18.2.1 Anatomopathologie268 18.2.2 Diagnostic270 18.2.3 Traitement273 18.2.4 Surveillance274 18.2.5 Résultats274 18.3 Cancers de l’oropharynx275 18.3.1 Diagnostic positif276 18.3.2 Diagnostic d’extension276 18.3.3 Traitement278 18.3.4 Surveillance278 18.3.5 Résultats279 18.4 Cancers du rhinopharynx (ou cavum)281 18.4.1 Anatomopathologie283 18.4.2 Diagnostic284 18.4.3 Traitement284 18.4.4 Surveillance284 18.4.5 Résultats285 18.5 Cancers du larynx et de l’hypopharynx287 18.5.1 Anatomopathologie291 18.5.2 Diagnostic292 18.5.3 Traitement294 18.5.4 Surveillance294 18.5.5 Résultats294 18.6 Cancers de la cavité aérienne de la face295 18.6.1 Diagnostic296 18.6.2 Traitement296 18.7 Points essentiels

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Cancérologie générale

Partie I

Cancérologie générale

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Cancérologie générale

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Généralités cliniques

Chapitre 1

Généralités cliniquesAuteur : F. Baillet

1.1 Fréquence du cancer

1.1.1 Epidémiologie descriptive

1.1.1.1 Taux de mortalité

Le cancer est responsable de 26 % des décès en France, 31 % chez l’homme, 21 % chez la femme.Il est la 1ère cause de décès chez l’homme (maladies cardiovasculaires 29 %) et la 2ème chez la fem-me après les maladies cardiovasculaires (38 %). Il est la 1ère cause de décès chez la femme entre20 et 60 ans. Ces pourcentages de décès sont connus en France parce que la déclaration des causesde décès est obligatoire.En 1993, il y a eu 137 848 décès déclarés par cancer en France (84 202 chez l’homme et 53 746chez la femme).

1.1.1.2 Taux de morbidité ou taux d’incidence

La fréquence des cancers est moins bien connue que la mortalité par cancer parce qu’il n’y a pasde déclaration obligatoire de cette maladie. Globalement en 2002, il y a environ 250 000 nouveauxcancers par an et 150 000 décès. L’estimation est faite à partir des taux de décès, des statistiquesdisponibles (Sécurité Sociale, registres des cancers dans certains départements).Les taux de mortalité et de morbidité sont exprimés plus précisément en taux brut (qui est le tauxpour 100 000 habitants) et en taux standardisé qui tient compte en plus de la répartition des âges(pour permettre des comparaisons car la fréquence des cancers varie avec l’âge et les répartitionsselon les âges varient selon les pays et les régions).La fréquence des cancers augmente régulièrement en France en même temps qu’augmente l’âgemoyen de la population. De plus la fréquence augmente par la découverte de petits cancers à unstade très précoce grâce aux moyens de détection actuels, en particulier des épithéliomas in situ du

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Généralités cliniques

sein et des micros cancers de la prostate. Ces cancers surtout lorsqu’ils surviennent chez des sujetsâgés, n’étaient pas comptabilisés autrefois car très souvent ils n’ont pas le temps de se développersuffisamment pour entraîner des signes cliniques et le décès des malades. A cause de ce fait, et àcause des progrès des traitements, le nombre de cancers augmente actuellement plus vite que lesdécès par cancer

1.1.2 Epidémiologie analytique

Elle cherche à retrouver les causes ou les facteurs favorisant l’apparition des cancers en mettant enrelation la fréquence de certains cancers avec certaines habitudes alimentaires, intoxications (alco-ol, tabac), activités professionnelles (cancers professionnels...), certains comportements, modes devie.Elle s’appuie en particulier sur les différences de fréquence de certains cancers dans le temps etdans l’espace en recherchant les causes apparentes.Elle s’appuie sur des enquêtes rétrospectives ou prospectives auprès de certaines populations per-mettant de définir des populations à risque d’avoir tel ou tel cancer.

Exemples typiques

1. Les enquêtes rétrospectives dans les cancers des cavités aériennes de la face ont débouché surles travailleurs du bois avec reconnaissance d’une maladie professionnelle indemnisable etmise au point de méthodes préventives efficaces contre les particules de bois, en particuliercelles dont les dimensions se sont révélées les plus dangereuses.

2. Les enquêtes rétrospectives dans les cancers du cavum en Chine ont permis de trouver 3 co-facteurs, à savoir l’infection par le virus d’Epstein-Barr, les infections pharyngées à répéti-tion, l’alimentation riche en poisson séché.

3. Les enquêtes prospectives réalisées chez des fumeurs ont bien confirmé la relation du tabacavec le cancer bronchique, et ont permis en plus de découvrir la relation du tabac avec le can-cer de la vessie.

1.1.3 Variations dans le temps et dans I’espace

1.1.3.1 Dans le temps

Globalement la fréquence des cancers augmente avec l’espérance de vie de la population considé-rée. En France le taux standardisé d’incidence était de 300 (pour 100 000 habitants) dans la période1978-1982 et il était, 15 ans plus tard, de 350. On a enregistré 80000 décès par cancer en 1954 et135 000 40 ans plus tard, et ceci malgré une diminution de la mortalité grâce à l’amélioration dudiagnostic et du traitement. L’augmentation des décès est due à l’important accroissement de la po-pulation de plus de 50 ans dans la période considérée.En France, lors des 30 dernières années, les cancers des bronches, de la prostate et du sein ont aug-menté de fréquence alors que diminuaient les cancers de l’estomac et du col de l’utérus. Par contre,

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Généralités cliniques

les décès par cancer du sein ont peu augmenté, principalement parce que le diagnostic est devenuplus précoce et parce que le traitement est devenu plus efficace. Les cancers du col de l’utérus sontnon seulement devenus moins fréquents, mais en plus, la mortalité a diminué de façon importanteà cause des diagnostics précoces par dépistage. Les cancers bronchiques ont augmenté de fréquen-ce chez les fumeurs en même temps que la consommation de tabac augmentait alors que la fréquen-ce des cancers bronchiques chez les non-fumeurs est restée stable.Aux USA, les décès par cancer bronchique chez la femme ont augmenté de façon importante desorte qu’ils ont dépassé les décès par cancer du sein à partir de 1990. Avec un décalage dans letemps, une évolution du même type s’observe en France mais les décès par cancer bronchique res-tent encore loin des décès par cancer du sein.En France, comme ailleurs, le cancer de l’estomac a diminué de fréquence. On attribue cette évo-lution à la diminution de la prise d’aliments salés et fumés grâce à la généralisation de remploi duréfrigérateur.

1.1.3.2 Dans l’espace

Dans les pays développés, si la fréquence globale des cancers est du même ordre dans chaque paysil peut y avoir des différences importantes concernant les localisations. Par exemple, sur la période78-82, on a estimé le taux standardisé d’incidence des différents cancers en France et on les a com-paré à ceux du Royaume-Uni. On a obtenu ainsi chez les hommes (pour 100 000 habitants) un tauxpour les cancers ORL de 47,6 en France et de 9,2 au R.U., et pour les cancers bronchiques 45,4 enFrance et 72 au R.U. les mêmes localisations chez les femmes ont donné pour les cancers ORL 4,1en France et 3,1 au R.U, et pour les cancers bronchiques 3,7 en France et 19 au R.U. (à l’époquel’alcoolisme était plus important chez les hommes en France et le tabagisme chez les hommes etchez les femmes au R.U).Au Japon, le cancer de l’estomac est le plus fréquent et sa fréquence diminue chez les Japonais dela Côte Ouest des USA avec les modifications des habitudes alimentaires.Dans les pays en voie de développement les cancers sont beaucoup moins fréquents car la propor-tion des 50 ans et plus est faible. Par exemple pour un cancer en Inde il y en a 4 aux USA. Par con-tre leur gravité est en général plus grande car le diagnostic est habituellement tardif et les moyensthérapeutiques insuffisants.

1.1.4 Des points essentiels sur le plan épidémiologique

Le cancer est d’abord lié à l’âge. Il est exceptionnel avant 35 ans (il est cependant la 2ème causede mortalité chez l’enfant et chez le jeune adulte après les morts violentes). Sa fréquence augmenterégulièrement ensuite. Cette augmentation à partir de 35 ans fait apparemment du cancer une ma-ladie du vieillissement alors qu’avant 35 ans les cancers sont de types « embryonnaires » ou pro-ches des cancers expérimentaux en particulier de cause virale.Pour beaucoup de cancers au delà de 35 ans, il y a comme une « usure » de tel ou tel organe exposéà une cause « d’irritation » pendant des années. C’est le cas pour les 2 principales causes connuespar les statistiques : l’alcool et le tabac qui sont responsables d’environ 25 % des cancers ob-servés (bronches, ORL, vessie). Par ailleurs, à ce sujet, il faut indiquer que la persistance de l’in-toxication alcoolotabagique grève les résultats des traitements.

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Généralités cliniques

1.2 Diagnostic

1.2.1 Le diagnostic positif

1.2.1.1 Les signes révélateurs

Ils sont très variables selon la localisation et on insiste sur l’absence fréquente de corrélation ana-tomoclinique.Trois éléments sont particulièrement suspects :

— l’hémorragie (y compris sous anticoagulants),— les troubles fonctionnels récents persistant au-delà de 2 à 3 semaines (telle la dysphonie dans

le cancer du larynx) et en tout cas une évolution vers l’aggravation, éventuellement entrecou-pée de paliers mais sans véritable amélioration,

— l’apparition d’une tuméfaction.

Assez souvent (10 - 15 % des cas) c’est l’examen systématique du médecin qui découvre la tumeuralors que le malade vient pour un autre motif.Enfin, certains cancers sont découverts par dépistage systématique de masse ou par un dépistageorienté sur une population à risque.

1.2.1.2 Les arguments en faveur du diagnostic

Il est utile de faire un diagnostic « précoce » car les résultats sont bien meilleurs dans le groupe despetites tumeurs (T1-T2) que dans le groupe des tumeurs plus évoluées, diagnostiquées plus tardi-vement (T3-T4).Les arguments locaux sont cliniquement l’infiltration associée dans les cas typiques à une ul-cération et à un bourgeonnement hémorragique. Une ulcération, avec ou sans bourgeonnement, estsurtout suspecte si elle s’accompagne d’une infiltration. Une ulcération traumatique ou infectieusese répare rapidement seule ou avec un traitement antibiotique. Une ulcération qui persiste au delàde 10 jours est suspecte.Des signes spécifiques existent pour certaines localisations. Exemples : une tuméfaction du seinavec rétraction cutanée est un cancer du sein, une sinusite douloureuse et hémorragique est un can-cer des cavités aériennes de la face jusqu’à preuve du contraire...Les arguments locaux existent en endoscopie pour les organes accessibles à ce moyen d’investi-gation. L’infiltration se manifeste par une rigidité. Au moindre doute, on profite de l’examen pourfaire des biopsies. En imagerie, existent également des arguments locaux. L’infiltration, l’envahis-sement se manifestent par des diminutions de mobilité et par des « lacunes » ou des opacités à con-tours irréguliers.Des signes spécifiques existent également en imagerie pour certaines localisations. Exemples :l’opacité stellaire avec microcalcifications en amas au même endroit et un peu à distance dans lecancer du sein, l’opacité en TDM ou IRM du cerveau plus ou moins régulière mais avec nécrose

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en son sein dans le glioblastome...Les arguments liés au contexte tiennent compte de l’âge, d’une éventuelle intoxication alcoolotabagique, d’un contexte familial d’orientation (par exemple plusieurs cancers du sein dans la fa-mille alors qu’on a une petite tuméfaction mammaire avec image peu éloquente), d’une originegéographique particulière, d’une pathologie prédisposante (par exemple antécédents de polypescoliques pour les cancers du colon et du rectum).Les arguments biologiques ne sont habituellement d’aucun secours lorsque le diagnostic n’est pasd’emblée évident. Une VS élevée au delà de 40 à la 1ère heure est rarement observée dans ces si-tuations et elle peut être élevée pour d’autres raisons. Les marqueurs ne sont élevés que lorsque lestumeurs sont importantes ou lorsqu’elles ont diffusé c’est à dire lorsque la masse tumorale est im-portante sauf pour le PSA dans le cancer de la prostate, l’Alpha FP et la Bêta HCG dans le cancerdu testicule, la calcitonine dans le cancer médullaire de la thyroïde.

1.2.1.3 Les arguments de certitude

Ils sont histologiques ou cytologiques à la suite de biopsies au bistouri, de biopsies à l’aiguille, oude ponctions à l’aiguille fine. Ils reposent sur l’aspect malin des cellules et l’envahissement des tis-sus normaux. Ils permettent la certitude médicale et précisent la variété, notion utile pour le pro-nostic et le traitement. Enfin l’intérêt est également médicolégal. Il y a cependant des situationsexceptionnelles au cours desquelles le traitement peut être entrepris sans certitude histo cytologi-que représentées essentiellement par les tumeurs médiastinales compressives avec syndrome cavesupérieur sans élément périphérique biopsiable et les tumeurs du tronc cérébral.

1.2.1.4 Les diagnostics différentiels

Pour chaque localisation tumorale existent des diagnostics différentiels, c’est-à-dire des patholo-gies qui peuvent plus ou moins prêter à confusion avec un cancer. Le plus souvent, ce sont des dys-plasies ou des tumeurs bénignes. En pratique il faut les connaître pour ne pas se laisser égarer etdiminuer ainsi la fréquence des diagnostics tardifs.

1.2.2 Le diagnostic d’extension

Le bilan d’extension par la clinique, l’imagerie, l’endoscopie et les constatations chirurgicales aune importance capitale pour le pronostic et le traitement.Cliniquement on précise le siège de la tumeur et les dimensions en cm en faisant des schémas etdes photographies si possible. Parfois la distinction entre infiltration inflammatoire et infiltrationtumorale est difficile à faire. Un réexamen après un court traitement antibiotique et anti inflamma-toire permet en général de faire le partage.Pour l’extension régionale ganglionnaire, on procède avec la même précision. Le dessin sur la peaudes limites ganglionnaires permet des photographies utiles. On recherche enfin d’éventuelles loca-lisations à distance directement accessibles à l’examen clinique : ganglionnaires, cutanées, hépati-ques, pleurales. On recherche aussi des signes fonctionnels pouvant traduire la présence demétastases osseuses (douleurs), pleuro pulmonaires (toux, gêne respiratoire), cérébrales (maux de

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tête, ralentissement idéomoteur, petits troubles aphasiques), ganglionnaires intra abdominales(douleurs, troubles digestifs).L’imagerie a un intérêt majeur pour le bilan d’extension. Elle fait appel selon les circonstancesaux radiographies simples ou numérisées, à la tomodensitométrie (TDM ou scanner) à l’IRM, àl’échographie abdominale, aux autres examens radiologiques spécialisées en cas de besoin, et enfinaux examens scintigraphiques principalement représentés par la scintigraphie osseuse. Le TEPdonne des renseignements très spécifiques et sensibles. Ces examens permettent de préciser l’ex-tension tumorale locale et régionale. Les problèmes posés par l’interprétation des résultats sont va-riables selon les localisations et doivent être étudiés dans les chapitres consacrés aux localisationsparticulières. Dans certains cas, en cas de doute, on peut utiliser la ponction cytologique sous scan-ner.Le bilan d’extension permet de bien définir le problème carcinologique à résoudre. S’il est bien faitet à temps, il augmente les chances de succès. Le bilan d’extension est adapté à la situation appa-rente du malade. Des recommandations sont faites pour chaque localisation tumorale. On ne faitpas tout à tout le monde. Des examens trop nombreux par esprit de système perturbent la vie dumalade et coûtent cher aux assurances maladie.L’endoscopie permet de mesurer l’extension en surface des tumeurs accessibles à ce moyen d’in-vestigation et éventuellement à des organes de voisinages (arbre trachéo-bronchique pour les can-cers de l’œsophage, vessie pour les cancers de l’utérus par exemple).En cas d’intervention chirurgicale, le CRO et le CRH donnent des informations utiles sur lesstructures envahies et sur l’extension éventuelle au delà de la zone d’exérèse chirurgicale. On saitsi l’exérèse est histologiquement complète ou non et s’il existe un envahissement ganglionnai-re régional ou non (N+ ou N-). On précise alors le nombre de ganglions envahis comparative-ment au nombre de ganglions identifiés et s’il existe des ruptures capsulaires et/ou des foyersnéoplasiques en dehors des ganglions.L’aide apportée par les prélèvements histologiques et cytologiques est importante. Il s’agit deprélèvements sur des zones suspectes à l’examen clinique, à l’endoscopie, en peropératoire oumême en imagerie (ponction sous scanner) ou de prélèvements systématiques.La recherche de 2èmes cancers (appelés également 2èmes localisations) est systématique pourcertaines localisations : foyers multifocaux dans le même organe pour un cancer de vessie, un can-cer de l’œsophage ou un cancer du colon et 2èmes cancers de la sphère ORL pour les cancers ORLpar exemple.

1.2.2.1 L’étude de l’évolutivité

L’évolutivité est une notion qui a été mise en évidence et systématisée dans le cancer du sein oul’on distingue avec une gravité croissante : la simple croissance rapide, l’inflammation locale (auniveau de la tumeur) et l’inflammation régionale (au niveau du sein). L’intérêt pronostique et thé-rapeutique de cette notion est important dans le sein. L’inflammation est une notion impossible àutiliser pour les tumeurs profondes et elle doit être distinguée de la simple inflammation d’origineinfectieuse pour toutes les tumeurs des muqueuses qui s’accompagnent constamment ou presqued’une ulcération. En pratique donc, en dehors du sein, c’est la notion de croissance rapide qui dé-finit à elle seule la « poussée évolutive ». Sa valeur pronostique est retrouvée pour chaque locali-sation dès lors qu’elle est mesurée. C’est pour cette raison que la tumeur doit être mesuréeprécisément dès le premier examen et remesurée ultérieurement en profitant du temps du bilan.

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Souvent c’est par le malade seulement qu’on apprend en l’interrogeant que l’anomalie a doublé en1 ou 2 mois.

1.2.2.2 L’étude du terrain

Ce terrain est, avec la taille de la tumeur et l’envahissement ganglionnaire, un élément de pronos-tic important. Il modifie souvent le traitement théorique prévu par le stade du cancer. La ma-ladie en effet est souvent observée chez des personnes âgées (plus de 70 ans) et, pour les cancersen rapport avec l’alcool et le tabac, l’âge physiologique est souvent supérieur à l’âge physique. Destares sont possibles (cirrhose, artérite, coronaropathies, bronchoemphysèmes, polynévrite). Les an-técédents pathologiques et les pathologies associées sont donc recherchés soigneusement.Dans l’étude du terrain, il faut préciser le poids actuel et noter le poids « habituel » pour comparai-son (en notant également la taille). Les pertes de poids de 10 % par rapport au poids habituel sontun signe de gravité.Une appréciation globale de l’état général du malade est donnée par les indices de performance tell’Indice de Karnofsky ou le Performans Status (OMS).

Indice de Karnofsky

Performans status (maintenant plus utilisé bien que moins précis)

100 % Etat général normal, aucune symptomatologie.

90 % Symptomatologie minime.

80 % Activité normale avec quelque effort.

70 % Incapable d’avoir une activité normale mais peut se soigner seul.

60 % A besoin d’aide de temps en temps, est capable de subvenir à la plupart de ses besoins. Au lit ou en fauteuil moins de la moitié de la journée.

50 % A besoin de beaucoup d’aide. Au lit ou en fauteuil plus de la moitié de la journée. Fait sa toilette seul.

40 % Ne peut plus se soigner seul. Nécessite une aide et des soins spéciaux.

30 % Hospitalisation nécessaire, incapable de faire sa toilette, mange seul.

20 % Traitement intensif nécessaire, doit être nourri.

10 % Moribond.

0 Capable d’une activité identique à celle précédant la maladie sans aucune restrictio-tion.

1 Activité physique diminuée mais malade ambulatoire et capable de mener un travail. Toute activité physique pénible est exclue.

2 Malade ambulatoire et capable de prendre soin de lui même mais incapable de tra-vailler. Alité ou en chaise moins de 50 % de son temps de veille.

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1.2.3 L’observation

Son importance est capitale. Pour le traitement initial et pour la surveillance, on se réfère toujoursà l’observation initiale. A chaque rechute ou événement majeur, l’observation est mise à jour, com-plétée aussi soigneusement que lors de l’observation initiale. Elle doit donc contenir les élémentsindispensables que sont :

• la description écrite des lésions avec schémas (dimensions en cm) et photos si les lésionss’y prêtent,

• la description des signes fonctionnels et d’une éventuelle évolutivité,• l’appréciation du terrain (antécédents, état actuel)• les documents d’imagerie (si nécessaire les documents les plus importants sont dupliqués),• le compte rendu anatomopathologique ou cytologique,• les éléments biologiques utiles (en particulier les marqueurs s’il y en a),• les éventuelles constatations chirurgicales avec un double du compte rendu opératoire

(CRO) et de l’analyse anatomopathologique des pièces opératoires (CRH),• les informations données au malade sont notées dans un but pratique et médico légal.

1.2.4 Les aspects psychologiques

La crainte du cancer, d’une évolution fatale après une « longue et pénible maladie » est présentechez tous les malades à des niveaux variables selon les personnalités et selon l’état de la maladie.L’information doit être loyale, adaptée, utile (une trace qu’elle a été donnée doit exister dans l’ob-servation comprenant l’exposé des risques importants des traitements). Toutes les précautions doi-vent être également prises pour que le malade ait confiance dans la médecine et dans l’équipesoignante qui s’occupe de lui. Il ne faut certainement pas brusquer l’information. Il faut éviter dedécourager le malade en donnant des informations trop dures à entendre et sans ouverture vers uneévolution « favorable » à un titre ou à un autre (au maximum la guérison sans séquelles, au mini-mum des traitements symptomatiques efficaces). La gravité des craintes, la fragilité de certainespersonnalités, fait qu’il peut être nécessaire de faire appel à un médecin de formation psychiatriqueou à un psychologue, de préférence entraînés à ce contexte clinique particulier. En pratique, etquelque soit l’importance du temps consacré aux problèmes techniques, il faut laisser un temps li-bre pour la relation médecin-malade, assez long pour que le malade puisse s’exprimer et pourqu’un climat de confiance puisse s’établir.

3 Capable seulement de quelques soins, alité ou en chaise de plus de 50 % de son temps de veille.

4 Incapable de prendre soin de lui-même, alité ou en chaise en permanence.

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1.2.5 Le contexte familial et socio-économique

La maladie, par sa gravité potentielle, déstabilise non seulement le malade, mais également ses pro-ches (nouvelle répartition des rôles dans la famille, anxiété). Et les relations professionnelles sontplus ou moins interrompues. Des problèmes économiques peuvent survenir, sources d’inquiétudepour tous. Si la famille est souvent un soutien, elle peut aussi être effondrée et être un poids pourle malade. Il est impossible de traiter un cancer en ignorant ces problèmes. L’assistante sociale aun rôle capital dans l’estimation de la situation socio économique du malade. Son intervention aun intérêt pratique (permettre au malade de faire valoir ses droits) et psychologique (il se sent sou-tenu).

1.3 Le TNM

Le TNM est un système de classement reposant sur l’extension tumorale locale, régionale (gan-glionnaire) et métastatique. Il a été établi pour permettre des comparaisons en particulier interna-tionales. Il était initialement exclusivement clinique afin d’être applicable par toutes les équipes(classement simple à faire, peu coûteux). Son succès, les progrès de la cancérologie, le désir de fai-re des comparaisons plus fines, ont fait introduire dans le classement certaines données de l’ima-gerie et les constatations anatomopathologiques.Les classements ont varié dans le temps de sorte qu’il est nécessaire de préciser l’année du TNMchoisi pour décrire une population tumorale. Les dimensions centimétriques de T et de N sont deplus en plus prises en compte au détriment des autres critères. D’une certaine façon, le TNM ré-sume l’observation mais ne la remplace pas. A lui seul, il ne peut permettre de poser les indica-tions de façon correcte.Le T va de 1 à 3 ou 4 selon l’extension locale révélée par le bilan clinicoradiologique. Le pT va de1 à 3 ou 4 et tient compte de l’extension tumorale constatée par l’examen anatomopathologique dela pièce opératoire.Le N va de N0 à N3 selon la taille et le siège des adénopathies. N- et N+ sont utilisés en l’absenceou en présence d’un envahissement ganglionnaire à l’analyse anatomopathologique des ganglions.Le M correspond à l’existence (M1) ou non (M0) de métastases.Pour les comparaisons, on peut regrouper les cas en stades selon le schéma habituel suivant :

Stade I : T1N0M0Stade II : T1 N1 M0 et T2 N0 ou N1Stade III : T1 N2 T2 N2 T3 N0 ou N1 ou N2Stade IV : T4 et/ou N3 et/ou M positif.

1.4 Les principes de traitements

Il a pour but d’être le plus efficace possible, le mieux toléré possible (en particulier avec le moins

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de séquelles possibles) et enfin d’être le moins cher possible. Ce dernier aspect ne doit pas être né-gligé et semble destiné à avoir une importance croissante.Globalement, la survie à 5 ans est passée de 25-30 % il y a 30 ans à 40 % voire plusCe progrès a été obtenu autant par le diagnostic précoce et le dépistage que par la plus grande ef-ficacité des traitements.L’efficacité est définie par la possibilité de guérison mais aussi par la possibilité d’obtenir un effetpalliatif valable.

Les moyens

On estimait il y a quelques années que l’influence des différentes méthodes thérapeutiques se ré-partissait approximativement de la façon suivante (De Vita et Coll.) :Pour 100 cancers

— 22 étaient guéris à 5 ans par chirurgie— 12 par radiothérapie— 6 par chirurgie + radiothérapie— 4 par chimiothérapie +/- chirurgie +/- radiothérapie.

On fait actuellement plus de chimiothérapie et on a gagné 5 % de plus à 5 ans.Les traitements sont devenus plus conservateurs et il y a plus de chirurgies réparatrices.La chirurgie peut être curative, conservatrice ou radicale (non conservatrice) ou radicale avec ré-paration. Elle peut être palliative.La radiothérapie peut être curative ou palliative faisant appel à la radiothérapie externe, à la cu-riethérapie en sources scellées (c’est à dire sans contamination possible de l’organisme) ou à la cu-riethérapie en sources non scellées (exemple de l’I131 pour le cancer de la thyroïde).Les traitements médicaux spécifiques du cancer, chimiothérapie, hormonothérapie, immunothé-rapie, sont utilisés dans un but curatif soit seuls, (exceptionnellement pour une tumeur non métas-tasée), soit en association avec les traitements loco régionaux dans le but de traiter la maladieinfraclinique à distance de la tumeur primitive. Ce traitement est alors adjuvant s’il est fait après letraitement loco-régional et néoadjuvant (ou premier) s’il est fait avant. Lorsqu’il est néoadjuvant,il est utilisé également dans le but de faciliter le traitement loco-régionaI.Les différents traitements spécifiques du cancer sont de plus en plus intriqués d’où l’aspect plu-ridisciplinaire de la cancérologie.Il y a enfin les traitements médicaux non spécifiques du cancer : inhibiteurs de la résorption os-seuse, correcteurs ou protecteurs des effets adverses des traitements (Amifostine pour la radiothé-rapie et les dérivés du platine, Setrons pour les vomissements chimio ou radio induits par exemple).

1.5 Le pronostic

Le pronostic est lié à :

• L’existence ou non d’une extension métastatique qui, sauf exceptions, indique que le malade

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ne pourra pas guérir (les exceptions sont les lymphomes malins, les cancers du testicule, cer-taines métastases isolées ou très peu nombreuses et groupées accessibles à une chirurgied’exérèse).

• En l’absence d’extension métastatique décelable les principaux facteurs pronostics sont dansl’ordre :

— la taille de la tumeur (plus encore la taille en cm que le T du TNM). S’y associe l’exten-sion aux organes de voisinage ce qui définit habituellement le T4. Ce sont les tumeurs degrande taille qui en sont en général responsables. Cette extension à une valeur pronosti-que en ce sens que le traitement chirurgical devient plus difficile dans ce cas. A noter queles petites tumeurs à cheval sur plusieurs structures sont classées T4. Elles ont cependantun « bon » pronostic en rapport avec leur taille. C’est bien la taille de la tumeur le facteurpronostic principal, mais, à taille égale, l’envahissement d’un organe de voisinage est unélément de pronostic défavorable supplémentaire.

— L’état général. Il est lié à l’existence de la tumeur, aux conséquences nutritionnelleséventuelles de celle-ci (obstacle sur la voie digestive), à l’âge, aux antécédents patholo-giques, à l’intoxication alcoolotabagique, à une situation économique insuffisante etc…

— L’extension ganglionnaire . Elle est d’autant plus fréquente que la taille de la tumeur estgrande. Les deux facteurs pronostics sont donc habituellement liés. Cependant l’exten-sion ganglionnaire est bien un facteur pronostic en soi. En effet, à taille tumorale égale,le pronostic est toujours plus défavorable en cas d’extension ganglionnaire. Le nombrede ganglions envahis est un élément pronostic (particulièrement bien étudié dans le can-cer du sein), de même que la taille du plus gros ganglion . La grosse adénopathie palpa-ble, en général plus ou moins fixée (par le volume et par l’extension en profondeur horsdu ganglion) est un élément de mauvais pronostic.

— La notion de poussée évolutive. Cette notion n’est pas applicable à toutes les tumeurs caril faut avoir la possibilité de définir une croissance rapide (impossible à définir pour unetumeur qu’on vient de découvrir) ou une inflammation locale ou régionale (impossible àutiliser pour toutes les tumeurs ulcérées des muqueuses qui sont nécessairement plus oumoins surinfectées). Lorsqu’elle peut être reconnue, la poussée évolutive accompagnepresque toujours des tumeurs de grande taille avec adénopathie. Elle ajoute une gravitésupplémentaire au pronostic.

— Le caractère indifférencié, ou peu différencié de la tumeur pour les épithéliomas et lessarcomes à l’anatomopathologie.

— La persistance ou non de l’intoxication alcoolotabagique , pour les cancers ORL.

1.6 La surveillance

En cours de traitement, on contrôle, d’une part, la tolérance et d’autre part l’évolution du can-cer.La surveillance des traitements médicaux concerne essentiellement la situation hématologique etpour la radiothérapie la tolérance cutanéomuqueuse. Pour la chimiothérapie, le risque infectieuxdomine et pour la radiothérapie, le risque de radiomucite domine (avec selon le siège de la région

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irradiée des dysphagies, des diarrhées, des cystites, des rectites... le risque immédiat le plus fré-quent étant la déshydratation et la dénutrition). La surveillance permet d’adapter le traitement àla tolérance.L’évolution du cancer est surveillée (mensurations des tumeurs, dosages des marqueurs) pour con-trôler l’efficacité du traitement avec éventuellement une adaptation de celui ci en fonction del’efficacité. Par exemple, une chimiothérapie première inefficace sera remplacée par une autre plustoxique mais éventuellement plus active. Telle tumeur trop grosse pour bénéficier d’une chirurgieconservatrice d’emblée aura ou n’aura pas, dans certains cas, un traitement conservateur selon laqualité de la réponse au traitement médical ou à la radiothérapie.La surveillance après traitement a pour but de déceler les rechutes locorégionales et métasta-tiques à un stade clinique précoce afin que le traitement ait le plus de chance possible d’obtenir unrésultat significatif curatif ou palliatif. Elle repose sur la clinique, l’imagerie, éventuellement l’en-doscopie et les marqueurs biologiques. Si un marqueur est élevé initialement, la surveillance dutaux en cours d’un traitement prolongé ou après traitement est très utile pour déceler une nouvellerechute ou un échappement au traitement médical.Les problèmes diagnostiques et thérapeutiques liés aux rechutes sont fréquents puisqu’ils concer-nent 60 % des malades. La fréquence des consultations de surveillance s’adapte à l’évolution con-nue de la maladie. La surveillance est en général assurée à la fois par le spécialiste d’organe et lecancérologue avec habituellement des consultations alternées. Il est nécessaire que ce dernier suivele malade pour bien mesurer les conséquences de son traitement sur le plan de l’efficacité et de latolérance. La surveillance après traitement concerne en effet aussi les séquelles et complications.L’étude à postériori des conditions techniques du traitement permet parfois de modifier les traite-ments ultérieurs pour diminuer ou supprimer les séquelles et les complications. Cette même étudeà postériori peut concerner les rechutes de la maladie. La surveillance régulière des maladesaprès traitement est indispensable pour analyser les résultats et faire des progrès. C’est unedes raisons qui ont amené à la création des Centres Anti-Cancéreux (Centres de Lutte Contre leCancer : dans ces institutions, la surveillance ultérieure est assurée systématiquement avec lesmoyens nécessaires pour assurer le suivi).La surveillance soulève quelques problèmes psychologiques. Le malade doit en comprendre l’in-térêt et l’accepter. Certains malades en rémission complète ont en effet tendance à rejeter tout con-tact avec l’équipe soignante parce qu’ils désirent oublier leur maladie. D’autres sont angoisséslongtemps avant la consultation de crainte que l’on trouve quelque chose et par le rappel de leurmaladie. Certains n’arrivent pas à se réadapter dans la vie normale. D’autres qui ont bien fait facependant le traitement, qui parfois même ont continué de travailler pendant celui-ci, font un syndro-me dépressif « paradoxal » lorsque le traitement est fini, alors qu’ils sont en rémission complète.Heureusement, beaucoup de malades sortent renforcés de l’épreuve, en particulier les alcoolo-ta-bagiques qui ont cessé leur intoxication à cette occasion. Si une rechute survient, le risque d’unecrise de confiance éloignant le malade de l’équipe soignante est important. Dans ce cas, le maladepeut demander avis ailleurs ce qui n’est pas nécessairement la meilleure solution. Il peut aussi nepas se faire traiter. Pour éviter la plupart de ces écueils, il faut instaurer et maintenir un climat deconfiance réel en expliquant, entre autre, dès le début, qu’un risque de rechute ultérieur existe jus-tifiant des consultations de surveillance à long terme.

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Généralités cliniques

1.7 Les marqueurs

Les marqueurs servent plus à la surveillance après traitement initial qu’au diagnostic initial.Les plus courants sont :L’alpha-fœtoprotéine (AFP) dans les carcinomes hépatocellulaires et les cancers du testicule (ensachant que ce marqueur peut être élevé dans les cirrhoses hépatiques et les hépatites toxiques ouinfectieuses).L’antigène carcino-embryonnaire (ACE) dans les carcinomes du colon, du sein, du pancréas, del’ovaire (en sachant que ce marqueur peut être élevé chez les fumeurs, dans les pancréatites, lescirrhoses hépatiques, les colopathies inflammatoires).Les phosphatases acides prostatiques dans les adénocarcinomes de la prostate ont été détrônéespar le PSA.L’antigène prostatique spécifique (PSA) dans le cancer de la prostate (en sachant que ce mar-queur peut être élevé en cas de prostatite ou d’adénome prostatique).Le CA 15/3 dans l’adénocarcinome mammaire.Le CA 125 dans l’adénocarcinome ovarien (en sachant qu’il peut être augmenté dans toutes lescauses d’irritation péritonéale et dans la grossesse).Le CA 19/9 dans les adénocarcinomes pancréatiques et du colon (en sachant que ce marqueur peutêtre augmenté dans les pancréatites et les colites).Le SCC dans les épithéliomas épidermoïdesLa gonadotrophine chorionique sous unité bêta (Bêta HCG) dans les cancers du testicule et lechoriocarcinome placentaire (en sachant que ce marqueur est augmenté dans la grossesse).La Neuron Specific Enolase (NSE) dans les cancers bronchiques à petites cellules et les neuro-blastomes.Une immunoglobuline monoclonale dans le myélome (en sachant que ce marqueur peut être aug-menté en cas de gammapathie monoclonale isolée).Les catécholamines et leurs métabolites dans le phéochromocytome.Pour les marqueurs qui peuvent être augmentés lors d’une pathologie bénigne, la différence habi-tuelle est que, d’une part, le marqueur est à un faible taux et que, d’autre part, il n’augmente pasrégulièrement contrairement à ce qu’on observe avec la pathologie maligne correspondante.

1.8 Les résultats

Les critères de jugement sont :

• La survie qui est représentée par la survie globale, elle-même mesurée par méthode directe,la méthode actuarielle ou la méthode de Kaplan-Meyer (ces 2 dernières méthodes permettentde calculer la survie sans que tous les malades aient atteint les délais étudiés). D’autres sur-vies peuvent être étudiées telles que la survies sans rechute (ou survies un 1ère rémission) quea l’avantage de faire apparaître plus rapidement des différences entre les traitements mais dontles résultats ne sont pas nécessairement confirmés ultérieurement par la survie globale. La sur-vie sans maladie évolutive correspond à la survie en état de guérison apparente.

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Page 28: Cancerology

Généralités cliniques

• Les « causes » de décès lesquels sont soit avec évolution loco régionale, soit avec métastases,soit avec les deux, soit en rapport avec une « autre cause » (sans rapport avec le cancer traité),ou avec une cause inconnue.

• La qualité de la survie qui est beaucoup moins souvent analysée car plus difficile à étudier(séquelles diverses). Elle est cependant de plus en plus souvent prise en compte.

• Les rechutes locales, régionales et métastatiques dont on précise les dates de survenue, le siè-ge, le type, le traitement, les résultats.

Ces études sont souvent gênées par les malades dits « perdus de vue ». Ce sont ceux qui n’ont pasété revus par les médecins. Pour la survie, ces « perdus de vue » ne posent problème que lorsqu’ilssont nés à l’étranger (les réponses aux lettres aux mairies de naissances sont alors très aléatoires).Pour les études prospectives et surtout pour les essais thérapeutiques, les malades qui risquent par-ticulièrement d’être « perdus de vue » sont en général exclus car les informations sur la survie ris-quent d’être insuffisantes.

1.9 Les essais randomisés

Lorsqu’il n’y a pas de supériorité connue évidente entre 2 attitudes thérapeutiques différentes, onentreprend volontiers un essai randomisé pour savoir laquelle est la meilleure des deux. Ces essaissont légalement encadrés (Loi Huriet) pour protéger le malade. On vérifie la validité de l’étude, oninforme correctement le malade et on couvre les risques de l’étude par une assurance particulière.Le malade est libre de participer ou non. En cancérologie beaucoup de progrès thérapeutiques sontmodestes de telle sorte qu’ils ne peuvent être reconnus que par la méthode des essais randomisés.Même ainsi les différences sont parfois si modestes que, pour la même comparaison, certains essaisdonnent une différence et d’autres non, de sorte que ce sont souvent des méta analyses, qui repren-nent les résultats individuels des différents essais pour les étudier ensemble, qui permettent de con-clure.

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Page 29: Cancerology

Prévention, dépistage, cancers professionnels

Chapitre 2

Prévention, dépistage, cancers professionnelsAuteurs : J.Y. Follezou, F. Baillet

2.1 Définitions

D’une façon générale la prévention des cancers regroupe l’ensemble des mesures qui permettentde prévenir l’apparition d’une tumeur maligne ou le développement d’une tumeur localisée asymp-tomatique.On distingue ainsi trois types de prévention :

1. La prévention primaire, qui a pour objectif l’éradication des causes des cancers ;2. La prévention secondaire, dont l’enjeu est le dépistage et le traitement des états

précancéreux ;3. La prévention tertiaire, qui a pour but le dépistage et le traitement du cancer à un stade lo-

calisé et asymptomatique.

La prévention secondaire et la prévention tertiaire, qui relèvent de pratiques très similaires sont lo-giquement regroupées sous le qualificatif de dépistage.

2.2 La prévention primaire

Elle consiste à soustraire l’individu aux facteurs cancérigènes identifiés. Ceux-ci sont principale-ment de trois types : des substances chimiques, les radiations ionisantes et certains virus.Le tableau 1 présente des facteurs dont la carcinogénécié pour l’Homme a été établie.Les stratégies de prévention dépendent en premier lieu du type d’exposition qui peut être profes-sionnel, médical ou général (environnement et comportement)

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Prévention, dépistage, cancers professionnels

Tableau 1 Facteurs dont la cancérogénicité pour l’Homme est établie (donné à titre indicatif)

Facteur d’exposition Localisation

Aflatoxines Foie

Agents alkylants Vessie. Leucémies

Aluminium (production) Poumon. Vessie

Amiante, erionite et talc contenant des fibres asbestiformes

Poumon. Plèvre. Péritoine

Amines aromatiques Vessie

Arsenic Foie. Poumon. Vessie

Benzène Leucémies

Bis-chlorométhyle-éther et chlorométhyl-méthyl-éther

Poumon

Boissons alcoolisées Bouche. Pharynx. Larynx. Œsophage. Foie. Sein

Caoutchouc (industrie) Leucémie. Vessie

Chique (bétel plus tabac) Bouche

Chlornaphazine Vessie

Chlorure de vinyle Foie

Chrome Poumon

Contraceptifs oraux combinés Foie

Contraceptifs oraux séquentiels Endomètre

Fabrication de l’alcool isopropyl Nez

Fonderie fer et acier Poumon

Gaz moutarde Poumon

Hydrocarbures polycycliques Peau. Larynx. Bouche. Poumon. Rein. Vessie

Immunosuppresseurs (azathioprine Ciclospo-rine)

Lymphomes non hodgkiniens.Maladie de Kaposi. Foie. Peau

Magenta (fabrication) Vessie

8-Méthoxypsoralène + UV Peau

Nickel Sinus nasal. Ethmoïde. Poumon

Œstrogènes post ménopause Endomètre

Œstrogènes (exposition in utero) Vagin. Col. Testicule

Phénacétine Rein

Poussière de bois Sinus nasal. Ethmoïde

Poussière de cuir Leucémie

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Prévention, dépistage, cancers professionnels

2.2.1 Exposition professionnelle

Tableau 2 Liste des cancers professionnels reconnus en France et agent(s) ou source(s) d’exposition (donné à titre indicatif)(D’après Abadia, 1990 et Hill, 1994)

Radiations ionisantes Os. Peau. Sein. CerveauLeucémie Foie

Radon (mines d’urarnium, de fer) Poumon

Rayonnement ultra violet Peau. Lèvre

Stéroïdes : anabolisants Foie

Tabac Bouche. Larynx. PharynxPoumon. Œsophage

Virus hépatites B et C Foie

Virus HTLV-1 Leucémie

Papillomavirus Col de l’utérus

Localisation tumorale Agent ou source d’exposition

Peau (épithélioma) Arsenic et ses composés minéraux Brais, goudrons et huiles de houille. Dérivés du pétrole.Huiles anthracéniques.Suies de combustion du charbon

Os (sarcome) Rayonnements ionisants

Ethmoïde Bois. Nickel

Bronchopulmonaire Acide chromique. Amiante. Arsenic. Bis chlorométhyl éther. Chromate de zinc. Chro-mates et bichromates alcalins ou alcalino-ter-reux. Nickel.Rayonnements ionisants (inhalation).Oxydes de fer.

Plèvre Amiante (mésothéliome et autres)

Péricarde Amiante (mésothéliome primitif)

Péritoine Amiante (mésothéliome primitif)

Vessie Amino 4 diphényle. Benzidine et homolo-gues. Bêta naphtylamine. Dianisidine.4 Nitro diphényle.

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Prévention, dépistage, cancers professionnels

Le tableau 2 donne la liste des cancers professionnels reconnus en France et les agents ou sourcesd’exposition identifiés.La prévention de ces cancers consiste à soustraire les individus exposés au contact des agents con-nus.Elle est d’ordre réglementaire, c’est à dire qu’elle est fixée par la loi et les décrets qui en découlent.Elle doit être doublée d’une surveillance médicale régulière, à visée de dépistage, les mesuresd’éradication causale les plus strictes et les mieux appliquées n’étant jamais infaillibles.

2.2.2 Exposition médicale

Certains traitements médicaux sont cancérigènes (voir tableau 1 page 30). Pour l’essentiel il s’agitdes radiations ionisantes, des œstrogènes, des agents anticancéreux et de certains immunosuppres-seurs et de la phénacétine.Ces traitements ne doivent évidemment être mis en œuvre que lorsque le bénéfice attendu est lar-gement supérieur aux risques encourus.

2.2.3 Exposition générale

Elle comprend des facteurs de l’environnement et des facteurs comportementaux.Les facteurs de l’environnement sont essentiellement regroupés sous le terme de pollutions. Celles-ci peuvent être industrielles, individuelles (automobile) ou alimentaires (ingrédients cancérigènes).Les mesures préventives sont également d’ordre réglementaire.Les facteurs comportementaux concernent des attitudes, conscientes ou non, d’exposition à des ris-ques cancérigènes. A l’échelle mondiale, il s’agit avant tout de la consommation de tabac et d’al-cool.Il s’agit également de pratiques sexuelles, via certaines maladies sexuellement transmissibles quiconstituent un facteur de risque (hépatites B et C, VIH, HTLV, Herpès virus, Papilloma virus).Des facteurs nutritionnels peuvent favoriser l’apparition de certains cancers. Des enquêtes épidé-miologiques ont permis de mettre en évidence des facteurs alimentaires qui semblent prédisposerà la cancérisation.Ainsi, une alimentation riche en graisses saturées augmenterait le risque de cancer colo-rectal. Laconsommation de fibres pourrait diminuer le risque de ce cancer. L’ingestion régulière de fruits etde légumes riches en bêta-carotène est associée à un risque réduit de cancer. L’obésité est liée à unrisque accru.

Cérébrale (glioblastome) N méthyl et N-éthyl N’nitroN nitrosoguanidine.N méthyl et N éthyl N nitrosourée.

Foie (angiosarcome) Arsenic et dérivés.Chlorure de vinyle

Leucémies BenzèneRayonnements ionisants

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Prévention, dépistage, cancers professionnels

Enfin, l’hyper exposition solaire constitue un facteur étiologique majeur du mélanome malin.La prévention en matière de risque comportemental s’appuie fondamentalement sur l’informationconcernant ces risques.Pour certains facteurs des mesures spécifiques peuvent accompagner ou renforcer l’effortéducatif : traitement médical de l’obésité, vaccination contre l’hépatite B, utilisation des préserva-tifs.Depuis quelques années des essais de chimioprévention ont été entrepris, le plus souvent ciblés surdes populations présentant un risque particulier. Ils font essentiellement appel à des antioxydants(vitamines C et E, sélénium, bêta-carotène), à des facteurs potentiels de différenciation cellulaire(acide rétinoïque) ou a des hormones (anti-œstrogènes).

2.3 Prévention secondaire et prévention tertiaire : dépistage des lésions précancéreuses et des cancers localisés asymptomatiques

Il faut distinguer le dépistage de masse et le dépistage dans des populations présentant un ris-que particulier (dites population à risque).Le premier s’adresse à la population générale, sans autres précisions que l’âge et le sexe.Le second concerne des individus identifiés comme présentant un facteur de risque particulier autreque le sexe et l’âge. Les principales populations à risque sont listées dans le tableau 3.

Tableau 3 Exemple de populations à risque élevé de cancers(D’après C. Hill, 1994)

Caractéristiques des sujets à risque Type de cancer attendu

Professions particulières Voir tableau 2

Cancer du sein chez mère ou sœur Sein

Asbestose Bronches, mésothéliome

Dysplasies de l’œsophage Œsophage

Fumeurs Bronches

Volumineux polype(s) adénomateux Colorectal

Polypose colique familiale Colorectal

Antécédents familiaux de cancers colorec-taux (parents, fratrie)

Colorectal

Kératose actinique Peau

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Prévention, dépistage, cancers professionnels

Le dépistage chez les sujets à risque a un coût social relativement peu élevé, car il s’adresse à unepopulation numériquement faible et, sauf exception, fait appel à des examens peu onéreux.En revanche, le dépistage de masse, qui s’adresse à la population générale est d’un coût social éle-vé.Les principales lésions précancéreuses sont regroupées dans le tableau 4.

Tableau 4 Lésions précancéreuses les plus fréquentes

De nombreux programmes de dépistage de certaines lésions précancéreuses et de cancers localisésasymptomatiques ont été réalisés pour une grande variété de tumeurs : poumon, col de l’utérus,sein, colon-rectum, estomac, vessie, mélanome, ovaire, neuroblastome.A l’heure actuelle, le cancer du col de l’utérus et le cancer du sein sont les seules tumeurs pourlesquelles l’efficacité du dépistage a été démontrée. Les études sur le dépistage du cancer colo-rec-tal semblent apporter des résultats prometteurs.Si le dépistage de ces états engage la responsabilité de la société dans son ensemble, elle engageégalement au premier chef celle des médecins et, en particulier, des généralistes.L’anamnèse et l’examen clinique sont les éléments de base élémentaires du dépistage des cancers.A ce propos il faut comprendre que lorsque l’on parle de cancer asymptomatique ce vocable inclutdes signes cliniques passés inaperçus, voire indétectables par le patient lui même.Pour un certain nombre de tumeurs un consensus concernant le dépistage dans la population géné-rale est en voie d’émergence.Concernant le cancer du col de l’utérus des frottis cervico-vaginaux annuels (permettant de dépis-ter des lésions précancéreuses ou des cancers débutants) peuvent être recommandés dès l’âge del’activité sexuelle.Pour le cancer du sein, outre l’auto-examen et l’examen clinique régulier, la réalisation de mam-mographies tous les trois ans à partir de la quarantaine constituent sont des démarches raisonnablesdont le bénéfice est démontré.Pour le cancer colo-rectal, la recherche de sang dans les selles pourrait être faite à partir de la cin-quantaine, à un rythme annuel. La réalisation d’une colonoscopie (tous les trois ou cinq ans), à par-tir de cinquante ans, a également été proposée.Pour le cancer de la prostate, le toucher rectal (annuel à partir de cinquante ans) demeure le gesteclé du dépistage. L’intérêt du dosage du PSA est en cours d’évaluation et semble intéressant.On sait désormais qu’il existe des gènes de prédisposition à certains cancers. Cinq à dix pour centdes cancers surviennent quand ces gènes sont présents, bien que l’étude familiale ne permettent pas

Albinos Peau

Cancers cutanés baso-cellulaires Autres baso-cellulaires

Dysplasie intra-épithéliale du col Col utérin

Dysplasies du col utérinAdénomes colo rectauxDysplasies de l’œsophageLeucoplasies épithéliales buccalesCertaines mastopathies bénignesKératoses.

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Prévention, dépistage, cancers professionnels

de les soupçonner… Ainsi, en dépit d’une pénétrance génique très incomplète le cancer peut êtreconsidéré comme la maladie héréditaire la plus fréquente !Le dépistage de ces gènes, notamment pour le cancer du sein et de l’ovaire n’est pas encore de pra-tique courante mais devrait s’étendre rapidement dans les toutes prochaines années.

2.4 Les cancers professionnels

On estime qu’environ 10 % des salariés sont exposés à des cancérogènes reconnus comme tels .Onestime également que 5 % des cancers observés en France sont d’origine professionnelle et quemoins de 10 % de ceux- ci sont indemnisés essentiellement par absence de déclaration.Parmi les cancers professionnels, ceux provoqués par l’amiante sont ceux qui provoquent le plusde décès : 2000 en 1996 (750 mésothéliomes et 1200 cancers bronchiques). L’amiante fait partiedes cancérogènes certains pour l’homme classés comme tels par le Centre International de Recher-che sur le Cancer de Lyon (CIRC). Il figure comme d’autres produits cancérogènes sur les tableauxde maladie professionnelle du régime général ou du régime agricole de Sécurité Sociale comme :

• L’arsenic• Le bischloro-méthyl éther• Les dérivés du chrome• Les goudrons, suies et dérivés du charbon et de sa combustion• Les rayonnements ionisants• Les amines aromatiques• Les oxydes de fer• Les poussières de bois• Les huiles minérales dérivées du pétrole• Les poussières de cobalt associées au tungstène.

Pour ces produits la prise en charge (frais liés aux soins et rente en cas d’invalidité) ne se fait quepour des activités professionnelles définies avec une durée d’exposition minimum et selon un délaide prise en charge. Le médecin décrit la maladie dans un certificat et le malade, dans les 2 ans quisuivent, demande la reconnaissance de la maladie professionnelle à son organisme de Sécurité So-ciale. Lorsque les conditions de reconnaissance pour ces produits ne sont pas remplies (par exem-ple activité professionnelle non sur la liste) l’imputabilité doit être reconnue par une Commissionspéciale le « Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles » (CRRMP) qui dé-cide s’il y a « un lien essentiel et direct » entre la maladie et le travail. Cette commission examineégalement les cas concernant les cancérogènes reconnus par le CIRC et non inscrits sur les tableaux(par exemples les brouillards ou vapeurs d’acide sulfurique pur ou en mélange), ou tout autre si-tuation où l’on suspecte médicalement une relation entre un éventuel cancérogène, un cancer et uneactivité professionnelle particulière.Toutes ces déclarations permettent non seulement d’aider les victimes mais aussi d’entreprendredes actions de prévention particulièrement utiles. De plus ces déclarations permettent de découvriret de reconnaître (avec des délais plus ou moins longs) de nouvelles maladies professionnelles. Lemédecin, quelque soit son activité, doit donc être vigilant pour faire reconnaître les maladies pro-

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Prévention, dépistage, cancers professionnels

fessionnelles.

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Biologie du cancer

Chapitre 3

Biologie du cancerAuteur : S. Taillibert

3.1 Un nouveau modèle biologique

La modélisation du processus de cancérogenèse comporte trois étapes :Une première étape d’initiation consiste en une dysrégulation génomique (multiples évènementsmineurs) aboutissant à une dysrégulation majeure. Il en résulte une transformation cellulaire.Une deuxième étape de promotion est le résultat d’un faisceau d’interactions entre cytokines (fac-teurs de croissance) et leurs récepteurs. Il en résulte une perte de l’homéostasie tissulaire et l’émer-gence de clones cellulaires transformés.La troisième étape d’invasion locale est à l’origine du phénomène de dissémination métastatique,elle résulte d’interactions entre le stroma et l’épithélium.

3.2 Histoire naturelle du développement des tumeurs solides

Quatre phases caractérisent l’évolution naturelle des tumeurs solides : une phase pré-clinique, unephase infraclinique, une phase clinique et une phase terminale.

1. La phase préclinique résulte de la présence d’une anomalie génomique acquise ou transmise,incapable à elle seule de transformer une cellule normale en cellule cancéreuse, mais qui ré-duit le nombre de phénomènes acquis nécessaires à la transformation cellulaire.

2. La phase infraclinique comporte une étape d’initiation aboutissant à une transformation cel-lulaire (acquisition d’un phénotype de cellule maligne). Il s’agit d’une étape acquise par ac-tion conjointe sur le génome d’agents carcinogènes (initiateurs = mutagènes) et d’agentscocarcinogènes (promoteurs : non mutagènes, facteurs de croissance-like).L’étape de promotion entraîne l’apparition d’une émergence d’un phénotype cellulaire tumo-ral indépendant des contrôles tissulaires. L’étape de promotion est associée à une étape de

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Biologie du cancer

progression infraclinique lente initiale puis exponentielle.Ces 2 étapes sous-tendent 2 notions capitales :La notion de promoteur : facteurs de croissance, phénomènes d’autocrinie et de paracrinie,interactions cellulaires et angiogénèse.Une notion d’hétérogénéité tumorale avec expression d’un phénotype tumoral particulier.

3. La phase clinique apparaît lors du développement de plus 109 cellules tumorales. Une pro-gression métastatique apparaît après une première phase d’invasivité locale. Le phénomènemétastatique résulte de multiples étapes toutes limitantes :

— croissance de la tumeur primitive (angiogénèse)— invasion (sécrétion d’enzymes protéolytiques et migration cellulaire)— survie dans la circulation générale— arrêt dans les organes cibles (adhésion spécifique à l’endothélium vasculaire et aux

membranes basales)— extravasation (sécrétion d’enzymes protéolytiques et migration cellulaire)— croissance dans l’environnement tissulaire spécifique au sein de l’organe cible, de la mé-

tastase primaire (récepteurs aux facteurs de croissance, phénomènes d’autocrinie)— métastases secondaires

4. La phase terminale est le résultat d’un échappement thérapeutique. Les cellules tumoralessont caractérisées par une autonomie de croissance, une adaptabilité métabolique cellulaire,des phénomènes de pharmacorésistance.

3.3 La cellule cancéreuse : vision globale

La cellule cancéreuse possède les caractéristiques phénotypiques suivantes :

1. perte de l’inhibition de contact2. perte de la dépendance vis à vis de l’ancrage3. indépendance par rapport aux facteurs de croissance4. immortalité5. tumorégénicité

3.3.1 Caractères généraux de la cellule cancéreuse

Caractères résiduelsla cellule garde un certain degré de différenciation caractéristique du tissu originel

Caractères morphologiques acquisAnomalies du noyau : volumineux, multiples, nucléoles visibles, hyperploïdieAnomalies de la taille des cellules : hétérogènesAnomalies cytoplasmiques : augmentation du rapport cyto-nucléaireAnomalies de la membrane cytoplasmique : perte de l’inhibition de contact, modification

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Biologie du cancer

de l’adhésivité, modifications des antigènes de surface.Caractères dynamiques acquis

Taux élevé, autonome, anarchique et indéfini de mitosesMort cellulaire par hypoxie

3.3.2 Anomalies biochimiques

Moindre différenciation (diminution des activités de synthèse, de sécrétion, d’excrétion).Synthèse de substances en quantité et de qualité anormales : Immunoglobulines,Hormones (syndromes paranéoplasiques).Troubles de l’induction enzymatique.

Notion de croissance tumorale

La tumeur comporte 3 compartimentsLe compartiment des cellules en division,Le compartiment des cellules quiescentes,Le compartiment de cellules incapables de se diviser (mort cellulaire).

3 paramètres définissent la cinétique de croissance tumoraleLe coefficient de prolifération tumorale (nombre de cellules engagées en division),Le coefficient de perte cellulaire,La durée du cycle cellulaire (paramètre de moindre importance).

Les phases du cycle cellulaire se répartissent en moyenne de la façon suivante :M : moins de 2 heuresG1 : moins de 3 joursS : 8 à 12 heuresG2 : quelques heuresG0 : très variable, plus une tumeur est différenciée, plus le temps de doublement est long.

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Biologie du cancer

La courbe de croissance tumorale suit une courbe de type Gompertzienne (figure)

Seuil de détection : 1 g = 109 cellules = 30 doublements cellulaires.Lors du décès : 1012 cellules = 1 kg = 10 doublements de plusLa phase pré-clinique est 3 à 4 fois plus longue que la phase clinique.Exemple : pour les cancers du sein la phase préclinique peut atteindre 8 ans.

3.4 Modes de propagation des tumeurs

Une phase d’extension locale initiale est observée. Les cellules cancéreuses adoptent des carac-téristiques de mobilité accrue, de perte de l’inhibition de contact, de moindre cohésion intercellu-laire.Des substances favorisant cette progression sont sécrétées. Il s’agit de facteurs d’angiogénèse, defacteurs toxiques induisant une nécrose tissulaire, de facteurs protéolytiques à l’origine d’une des-truction de l’élastine et du collagène, d’une activation des phénomènes de lyse locale.L’extension régionale résulte de facteurs mécaniques (compression tumorale sur les organes devoisinage), de modifications de la vascularisation régionale. L’extension régionale est liée à la na-ture du tissu d’origine (stroma péritumoral, réaction inflammatoire).Une progression locale peut se propager anatomiquement le long des gaines des nerfs, des vais-seaux, des aponévroses.L’extension métastatique repose le plus souvent sur les deux voies de dissémination décrites ci-dessous.

• Dissémination lymphatique : les cellules tumorales atteignent le premier relaisganglionnaire,puis le canal thoracique et enfin la circulation sanguine.

• Dissémination hématogène : cette voie est particulièrement fréquente pour les sarcomes, ainsique pour beaucoup de carcinomes (poumon, colo-rectal, estomac, rénal, prostate, endocri-nien).

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Biologie du cancer

Parmi les grandes voies de dissémination hématogènes :

— grande circulation à partir du poumon— poumon à partir du système cave— foie à partir du système porte

Cette multiplicité de voies de dissémination reflète celle des sites métastatiques.Autres voies de dissémination :

— séreuses (cancer de l’ovaire, cancer du colon)— anatomiques le long des conduits naturels (uretère, vessie)

3.5 Mécanismes moléculaires de l’oncogènése

3.5.1 Oncogènes

3.5.1.1 Définition

Tout gène cellulaire, appelé proto-oncogène (c-onc), susceptible de devenir, par suite d’une modi-fication qualitative ou quantitative, un gène transformant , c’est-à-dire un gène capable de conférerexpérimentalement le phénotype cancéreux (transformation) à une cellule normale eucaryote.L’altération d’un allèle est suffisante pour entraîner une activation anormale.Les oncogènes sont répartis en 6 grandes classes en fonction des oncoprotéines pour lesquels ilscodent :

1. les facteurs de croissance (assurent une boucle de régulation autocrine),Exemple : proto-oncogènes codant pour les protéines de la famille FGF (fibroblast growthfactor)

2. les récepteurs transmembranaires de facteurs de croissanceExemple : le proto-oncogène erb B code pour le récepteur à l’EGF (epidermal growth factor)

3. les G-protéines ou protéines membranaires liant le GTPExemple : proto-oncogènes de la famille ras

4. les tyrosines protéine-kinases membranaires5. les protéine-kinases cytosoliques6. les protéines à activité nucléaire : contrôlent la transcription de gènes cibles en interagissant

avec l’ADN.Exemple : proto-oncogène erbA codant pour le récepteur aux hormones thyroïdiennes, lesproto-oncogènes fos , jun et c-myc

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Biologie du cancer

3.5.1.2 Mécanismes d’activation des oncogènes

Ils sont multiples :

Intégration viraleExemple 1 : HBV :Mécanisme d’intégration-chimérisme.Insertion du DNA viral au niveau d’un gène régulateur aboutissant à un gène chimère àl’origine de la synthèse d’une protéine hybride.Exemple 2 : HTLV I et II, HPV :Insertion au hasard du virus qui possède ses propres séquences activatrices.

Mutation ponctuelledans une séquence codante pour un proto-oncogène aboutissant à une modification fonc-tionnelle de l’oncoprotéine. Les mutations faux-sens entraînant la substitution d’un acideaminé par un autre, sont capables d’activer des proto-oncogènes en oncogènes, en touchantpar exemple un site catalytique ou en entraînant une activation substitutive de la protéine.Exemple : mutation faux-sens et activation de la famille ras aboutissant à un blocage enconformation active, liée au GTP.

DélétionLes délétions, qui aboutissent le plus souvent à une perte de fonction, peuvent parfois en-traîner une activation anormale si elles touchent une région régulatrice.Exemple : l’activation du proto-oncogène erb B qui code pour le récepteur à l’EGF peut ré-sulter de la délétion de la partie extra-membranaire et le domaine kinase intracytoplasmi-que est alors actif de façon constitutive.

Réarrangement structuralDes altérations chromosomiques (translocations, inversions…) peuvent avoir pour consé-quence moléculaire la formation d’un gène hybride généré par la fusion de régions codantesentraînant la synthèse de protéines chimériques non fonctionnelles.Exemple : Les translocations t2 ; 13)(q35 ; q14) et t(1 ; 13)(p36 ; q14) sont constammentobservées dans les rhabdomyosarcomes alvéolaires.

Amplification géniqueL’amplification correspond à une augmentation anormale du nombre de copies du gènedans la cellule, les copies surnuméraires se trouvant alors, soit sous forme intégrée dans unchromosome, soit sous forme de minichromosomes surnuméraires, les chromosomes dou-ble-minute (DM). Cette amplification entraîne généralement une augmentation du niveaude l’expression du gène.Exemple : Les proto-oncogènes c-myc et N-myc sont souvent amplifiés dans les tumeurssolides.

Dérégulation de l’expression, stabilisation d’un m RNAcodant pour une oncoprotéine :Les proto-oncogènes, lors de translocations chromosomiques, peuvent être déconnectés deleur environnement moléculaire normal et placés sous le contrôle inapproprié d’autres sé-quences à l’origine d’une modification de leur expression.

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Biologie du cancer

3.5.2 Anti-oncogènes ou gènes suppresseurs de tumeur

DéfinitionCes gènes sont aptes à inhiber la croissance cellulaire lorsqu’ils sont introduits par trans-fection dans les cellules tumorales. Cette propriété s’explique par la capacité de ces gènesà réguler négativement le cycle cellulaire et à induire l’apoptose ou mort cellulaire pro-grammée.Action cellulaire récessive : une altération des 2 allèles est nécessaire à l’obtention d’uneperte d’activité.2 étapes sont nécessaires :1ère étape somatique (cancer sporadique) ou germinale (cancer héréditaire : facteur deprédisposition)2ème étape : somatique

Mécanisme d’actionLes anti-oncogènes agissent principalement en phase G1/S. Cette transition G1/S est sousla dépendance des facteurs de transcription de la famille E2F qui contrôlent l’expression degènes indispensables à la phase S de synthèse de l’ADN. Les protéines de la famille E2Fexistent soit sous forme libre, soit sous forme inactive complexée à la protéine RB. L’apti-tude de la protéine RB à fixer les facteurs de transcription E2F dépend de son état de phos-phorylation. En effet, lorsque la protéine RB est non phosphorylée, elle est active et peutfixer les facteurs E2F, il en résulte un blocage de la transition G1/S. Lorsque la protéine RBest phosphorylée, elle devient inactive et est incapable de fixer la protéine E2F qui, libérée,permet la transition G1/S. La phosphorylation de RB est elle-même sous la dépendance decomplexes protéiques jouant le rôle de verrous moléculaires au niveau de la transition entreles différentes phases du cycle. Ces complexes sont composés d’unités régulatrices, les cy-clines, et d’unités catalytiques, les kinases dépendantes de cyclines ou CDK (Cyclin De-pendant Kinase). L’association de ces deux unités constitue le complexe actif.Les complexes cyclines/CDK sont eux-mêmes régulés par des protéines inhibitrices (p16,p15, p18, p19 et p21, p57 et p27), qui agissent en se fixant sur les CDKs, et donc en empê-chant la constitution du complexe actif. Le gène p21, inhibiteur universel de CDK, est ré-gulé par la protéine p53 au niveau transcriptionnel. Les gènes RB, p16 et p53 interviennentsur la même voie biologique, qui régule la transition G1/S.La protéine p53 régule la transcription de nombreux gènes dont certains (bax) régulentl’apoptose.

Altérations des gènes suppresseurs de cancersLes altérations moléculaires à l’origine de la perte de fonction des gènes suppresseurs dansles tumeurs solides sont variées. Il peut s’agir de mutations ponctuelles, de délétions, d’in-sertions, d’anomalies de méthylation des promoteurs inhibant la transcription.La voie biologique contrôlant le cycle cellulaire au niveau de la transition G1/S et passantpar les gènes suppresseurs p53, p16 et RB, est la voie la plus fréquemment altérée dans lescancers.Par exemple, l’inactivation constitutionnelle du gène suppresseur RB est à l’origine des for-mes héréditaires de rétinoblastome et représente également un facteur de risque génétiquepour le développement d’ostéosarcomes. Chez l’adulte, les mutations somatiques de RBsont observées dans les cancers du sein ou du poumon à petites cellules. Le mélanome ma-lin familial peut résulter de mutations constitutionnelles de p16 ou de CDK et les mutations

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somatiques de p16 sont très fréquemment retrouvées dans les tumeurs solides. Les muta-tions somatiques de p53 représentent l’altération moléculaire la plus fréquemment obser-vée dans les tumeurs solides et les mutations constitutionnelles de ce gène constituent labase moléculaire du syndrome de Li-Fraumeni, syndrome prédisposant à un très large spec-tre de tumeurs incluant en particulier des sarcomes des tissus mous, des ostéosarcomes, destumeurs du système nerveux central, des cancers du sein et des corticosurrénalomes. Lesaltérations constitutionnelles de BRCA1 sont à l’origine des formes héréditaires de cancersdu sein et de l’ovaire. Les mutations somatiques de bax ont été identifiées dans des tumeursdu colon.

3.5.3 Les gènes de réparation de l’ADN

Il s’agit de la 3ème catégorie de gènes dont l’altération intervient dans la cancérogenèse.Ils interviennent indirectement dans ce processus.Les systèmes de réparation sont répartis en 2 catégories en fonction de l’origine de la mutation.

3.5.3.1 Système de réparation des mésappariements (mismatch repair)

Intervient lorsque les mutations de l’ADN résultent d’erreurs de la réplication (dérapage de l’ADNpolymérase ou DNA polymerase slippage)Il comprend les gènes hMSH2, hMLH1, hPMS1, hPMS2, hMSH6Implication clinique : l’altération constitutionnelle de ces gènes est à l’origine du cancer colorectalfamilial non associé à une polypose colique, ou syndrome HNPCC (Hereditary non Polyposis Co-lorectal Cancer), ou syndrome de Lynch qui représente une des premières cause de cancer colorec-tal héréditaire touchant exclusivement l’adulte.

3.5.3.2 Système de réparation NER (Nucleotide Excision Repair)

Il s’agit d’un système de réparation de mutations induites par des carcinogènes environnementaux(UV, carcinogènes chimiques).Implication clinique : l’altération constitutionnelle des gènes du système excision-resynthèse pré-dispose à des maladies caractérisées par une hypersensibilité aux rayonnements UV tel le Xeroder-ma Pigmentosum. Cette pathologie à transmission autosomique récessive est caractérisée par uneprévalence élevée de tumeurs cutanées dès l’âge de 4 ans.

3.5.4 Apoptose

DéfinitionIl s’agit de la mort cellulaire programmée, processus hautement régulé aboutissant à la des-truction cellulaire de façon organisée et indépendante de tout phénomène d’inflammation.Critères morphologiques : condensation de la chromatine à la périphérie, le long de la

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Biologie du cancer

membrane nucléaire fragmentation du noyau, éclatement de la cellule en de nombreusesvésicules ou corps apoptotiques.Critères électrophorétiques : échelle d’ADN typique par la fragmentation caractéristique del’ADN en brins dont la dimension est un multiple de 180-200 pb.Il y a 3 sous-catégories d’apoptose :

— type I : causé par corticoïdes ou irradiation— type II : apoptose provoquée par le TNF— type III : apoptose causée par lymphocytes T cytotoxiques

Mécanisme de survenueL’apoptose survient dans de nombreuses situations « physiologiques » telles que :embryogenèse, suppression de facteurs de croissance, régulation hormonale de l’homéos-tasie, équilibre immunitaire, érythropoïèse, renouvellement cellulaire et sénescence.L’apoptose est un processus physiologique lent appartenant à un programme de « suicidealtruiste », contrairement à la mort cellulaire nécrotique.

Mise en jeu moléculaireUn signal de déclenchement de l’apoptose survient initialement, celui-ci peut être extra-cellulaire, dépendre de l’environnement cellulaire immédiat ou de l’état de différenciation.Suite à ce signal, 2 phases sont observées :

— une phase de préengagement, réversible, permettant d’observer une augmentation dela concentration cytoplasmique de seconds messagers (Ca2+, IP3, AMPc),

— une deuxième phase d’engagement, irréversible, aboutissant à une activation des en-donucléases, avec stimulation de la synthèse d’ARN et de protéines. L’apoptose abou-tit à une destruction totale par fragmentation de la librairie génomique, il s’agit d’uneétape retardée mais irréversible vers la mort cellulaire.

Contrôle génétique et rapport avec le cycle cellulaire

La famille bcl-2

• Gène bcl-2Il s’agit d’un gène de résistance à l’apoptose dans l’espèce humaine, surexpri-mé dans 70 % des cancers du sein et 30 à 60 % des cancers de la prostate.

• Gènes bcl-x

— Bcl-xl code pour une protéine à activité anti-apoptotique.— Bcl-xs code pour une protéine tronquée pro-apoptotique.

• Gène bax

— code pour une protéine se complexant avec les protéines bcl-2 :— Le complexe Bcl-2/bax est anti-apoptotique.— Le complexe Bax/bax est pro-apoptotique.

Le mode d’action des protéines de la famille bcl-2 n’est toujours pas connu préci-sément.

Autres

• protéine Fas/Apo-1 (récepteurs TNF, NGF)

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Biologie du cancer

• famille ICE (cystéines protéases)

Implication en pathologie humaineLe cancer résulte d’un défaut de mort cellulaire des cellules transformées par inhibition del’apoptose.Exemples :Lorsque l’oncogène HER2/neu est surexprimé, (25 % des cancers du sein) une résistance àl’apoptose induite par le TNFα est observée.Pour le cancer du sein, des mutations p53 sont observées dans 58 % des cancers familiauxet 13 % des cancers sporadiques. Le bcl-2 semble associé aux tumeurs « récepteurs hormo-naux positifs », N1. Son expression est inversement corrélée à celle de p53. Son expressionest corrélée au grade, à Ki 67, et à l’expression de REGF.L’index apoptotique (AI) est corrélé à un grade élevé, à une aneuploïdie, à un index mi-totique élevé, à une phase S élevée, à des récepteurs hormonaux négatifs, à une surexpres-sion de p53 mutée. Cependant, l’index apoptotique n’est pas un facteur pronosticindépendant dans le cancer du sein.

3.5.5 Télomérases

Les télomérases sont responsables du pouvoir prolifératif indéfini des cellules tumorales. Une ac-tivité télomérase est retrouvée dans 85 % des cancers humains.En culture, le potentiel prolifératif des cellules normales est limité (processus de sénescence), alorsque celui des cellules cancéreuses n’est pas limité. Les télomères sont des régulateurs du nombrede réplications programmées pour une cellule. Les télomères sont des complexes de DNA et deprotéines constituants l’extrémité des chromosomes et les protégeant de la dégradation et des fu-sions termino-terminales.Dans les cellules « normales », les télomères se raccourcissent progressivement de division cellu-laire en division cellulaire. Ce phénomène serait lié à l’incapacité des DNA-polymérases à répli-quer les extrémités ADN linéaires des chromosomes eucaryotes.Les télomères des cellules cancéreuses gardent une longueur stable, impliquant que ces cellules ontacquis la capacité de restaurer et de maintenir la stabilité des séquences télomériques grâce aux té-lomérases.Chez l’humain, l’activité télomérase est absente dans la majorité des lignées cellulaires, à l’excep-tion des lignées tumorales et de lignées à capacité mitotique constante. Les télomérases jouent unrôle crucial dans l’immortalisation des cellules. La sous-unité catalytique hTERT semble avoir unrôle prédominant, cette protéine fait partie de la famille des transcriptases reverse. Cette sous-unitéest exclusivement exprimée dans les cellules et tissus présentant une activité télomérase au contrai-re des autres sous-unités plus ubiquitaires. L’activation de hTERT est une étape critique de la pro-gression tumorale et joue un rôle dans la transformation maligne de cellules humaines.hTERT pourrait dans l’avenir être une cible thérapeutique à prendre en compte.

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3.5.6 Néoangiogénèse tumorale - facteurs de régulation

IntroductionUne étroite corrélation a été observée entre croissance tumorale et angiogénèse. Celle-cisemble nécessaire aux apports nutritifs et aux apports d’oxygène indispensables dans lacroissance tumorale. Le processus de néoangiogénèse résulte d’un déséquilibre entre fac-teurs proangiogéniques et facteurs antiangiogéniques. Des protéases, sécrétées par les cel-lules tumorales ou originaires du stroma (exemples : uPA = activateur du plasminogène detype urokinase, métalloprotéinases) participent au phénomène d’angiogenèse. Ce dernierdébute par une perte de l’inhibition de contact des cellules endothéliales qui vont migrerpuis proliférer puis se réorganiser architecturalement pour former des néovaisseaux (rôledes facteurs de croissance et de facteurs chimio-tactiques). Le mouvement des cellules en-dothéliales dépend de facteurs chimiotactiques (existence d’un gradient de concentrationde ces facteurs de l’origine à la cible de la migration). Certains récepteurs à la surface descellules endothéliales interagissent avec des récepteurs stromaux (rôle des intégrines) dansle mouvement des cellules endothéliales également.

Les facteurs de croissancejouent un rôle prépondérant dans la prolifération des cellules endothéliales :

• VEGF :Il s’agit d’un puissant inducteur de l’angiogénèse in vivo, son action est médiée par2 récepteurs endothéliaux de type Tyrosine Kinase :

— R flt-1 (tissus normaux)— R VEGF-R2 = ex flk-1 (tissus tumoraux)

L’expression du VEGF est médiée par l’hypoxie.• FGF :

Le bFGF stimule in vitro la prolifération des cellules endothéliales.• PDGF :

Le PDGF stimule la sécrétion d’agents mitogènes endothéliaux par les cellules stro-males.

• EGF/EGF-R :Il régit la boucle autocrine de la croissance endothéliale. Il facilite la sécrétion deVEGF par les cellules stromales.

Les facteurs de transcriptionUne hyperexpression de proto-oncogènes c-jun et c-myc est également observée à l’origined’une activation des cellules endothéliales.Une expression intratumorale endothéliale de c-ets-1 est à l’origine de l’activation des pro-moteurs de protéases (uPA, stromélysine1, collagénase I et IV). Cette expression est éga-lement impliquée dans la régulation d’inhibiteurs de l’angiogénèse.

Inhibition de l’angiogenèseIl existe des inhibiteurs naturels de l’angiogénèse tels que PAI1, PAI2, TIMP1 et 2.Cette voie biologique est l’objet du développement d’agents thérapeutiques à activité antiangiogénique (anticorps anti récepteur du VEGF, oligonucléotides antisens du VEGF oudu bFGF). Certains schémas de chimiothérapie ont une activité antiangiogénique (action

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sur les cellules endothéliales des néovaisseaux), tels que l’administration hebdomadaire deTaxol (paclitaxel).

3.6 Génétique et cancer

3.6.1 Introduction

Le cancer résulte d’une altération génétique, et présente un caractère de maladie génétique « ausens moléculaire du terme ». Mais les altérations sont le plus souvent restreintes aux cellules tu-morales, et le cancer est donc une maladie génétique somatique représentant un exemple de mosaï-que (présence dans un même organisme de tissus génétiquement différents mais provenant dumême zygote). Le cancer n’est le plus souvent pas une maladie génétique au sens « mendélien »du terme dans la mesure où celui-ci n’est pas héréditaire. Dans les formes sporadiques, les anoma-lies impliquées dans la cancérogenèse sont restreintes aux cellules tumorales : elles sont dites so-matiques.Les formes héréditaires de cancer de transmission autosomique dominante représentent 1 à 5 % descancers.Certains éléments permettent d’évoquer une forme héréditaire : lorsque les sujets sont apparentésau premier degré, lorsque 2 générations successives au minimum sont atteintes, lorsque plusieurstumeurs primitives sont développées chez un même individu, lors de l’existence d’un syndromemalformatif associé à un cancer, et lors d’une précocité de survenue d’un cancer.Les formes héréditaires sont secondaires à une anomalie présente dans toutes les cellules de l’or-ganisme et donc constitutionnelle. Puisque cette anomalie est présente dans les gamètes, cette al-tération est également dite germinale.Les formes héréditaires résultent essentiellement de l’inactivation constitutionnelle de gènes sup-presseurs mais elles sont parfois secondaires à une activation constitutionnelle de proto-oncogènesou à une inactivation constitutionnelle des gènes de réparation de l’ADN.Deux exemples de cancers comportant une composante héréditaire dans certains cas sont décritsci-dessous.

3.6.2 Exemple 1 : cancers colorectaux et génétique

La probabilité d’être atteint d’un cancer colorectal au cours de la vie est de 5 %. Les cancers colo-rectaux sont en majorité sporadiques. Le principal facteur de risque de développer un cancer colo-rectal est lié à la présence d’un antécédent familial de cancer colo-rectal. Le risque relatif de déve-lopper un cancer colorectal pour les apparentés de premier degré d’un malade atteint de cancercolo-rectal est significativement supérieur à 1. Le risque relatif est modulé par deux facteursprincipaux : l’âge du cas index et le nombre de malades au sein de la famille. Deux syndromes pré-disposent fortement au risque de cancer colo-rectal, il s’agit de la polypose adénomateuse familiale(PAF) et du cancer colorectal héréditaire sans polypose (HNPCC) qui sont des maladies à trans-

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Biologie du cancer

mission autosomique dominante. Le risque cumulé au cours de la vie de développer un cancer co-lorectal lorsqu’un sujet est porteur d’une altération de l’un de ces gènes est supérieur à 80 % enl’absence de traitement préventif. Ce risque concerne au plus 5 % des familles de sujets ayant euun cancer du colon, et le diagnostic aura été fait dans plus de la moitié des cas avant 45 ans.

1. La polypose adénomateuse familiale (PAF)

Diagnostic génétiquemutation constitutionnelle du gène APC dans 90 % des PAF.

Diagnostic clinique chez le cas index

— polypose adénomateuse colique et rectale diffuse— manifestations extra-coliques : adénomes duodénaux, polypose fundique glandu-

lo-kystique, hypertrophie de l’épithélium pigmentaire rétinien, ostéomes, tu-meurs desmoïdes, médulloblastomes, hépatoblastomes, cancers de la thyroïde.

Conseil génétiqueUne analyse moléculaire est proposée aux sujets cliniquement atteints afin de caracté-riser la nature des anomalies génétiques associées à leur pathologie.Dans les familles des sujets atteints, la stratégie de dépistage s’appuie sur le diagnosticgénétique afin de restreindre la surveillance aux sujets porteurs de la mutation. Dansles familles où la mutation n’a pas été identifiée, il n’est pas possible de baser la priseen charge médicale des apparentés des patients sur un test génétique prédictif.

Recommandations internationales pour les apparentés au premier degréLe pronostic est dominé par le risque de dégénérescence des polypes coliques.

• coloscopies annuelles à partir de l’âge de 11 ans, jusqu’à l’âge de 40 ans (âge oùl’expressivité de cette maladie atteint un niveau proche de 1).

• gastroscopies/3ans à partir de l’âge de 20 ans.Il n’existe pas de traitement curatif médicamenteux à l’heure actuelle. Le traite-ment est essentiellement chirurgical (colectomie totale +/- conservation rectumet surveillance par rectoscopie en cas de conservation rectale).

2. Le cancer colorectal héréditaire sans polypose (SYNDROME HNPCC)

Diagnostic génétiquealtérations des gènes MMR (MisMatch Repair), impliqués dans la réparation des mé-sappariements de l’ADN : MSH2, MLH1, PMS1, PMS2, MSH6.

Diagnostic clinique : 3 critères d’Amsterdam (1991)La réunion des trois critères est nécessaire à l’établissement du diagnostic d’HNPCCsur une base clinique.

• Nombre : au minimum 3 sujets atteints• Parenté : 1er degré, sur 2 générations• Age : au moins un cas diagnostiqué avant l’âge de 50 ans

→ Syndrome HNPCC-site spécifique = Syndrome de Lynch I :Cancers colorectaux exclusivement +/- polypes adénomateux ou hyperplasiques→ Cancer Family Syndrome = Cancer Family Syndrome (CFS) = Sd de

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Lynch II :Cancer colon et/ou rectumCancer endomètre ++Cancer voies urinaires excrétrices, estomac, voies biliaires, intestin grêle, ovaire.Syndromes associés : kératoacanthome, cancer spino-cellulaire, kyste sébacé, glio-blastomes (Syndrome de Turcot).

Conseil génétiqueUne analyse moléculaire est proposée aux sujets cliniquement atteints afin de caractériserla nature des anomalies génétiques associées à leur pathologie.Dans les familles des sujets atteints, la stratégie de dépistage s’appuie sur le diagnostic gé-nétique afin de restreindre la surveillance aux sujets porteurs de la mutation. Dans les fa-milles où la mutation n’a pas été identifiée, il n’est pas possible de baser la prise en chargemédicale des apparentés des patients sur un test génétique prédictif.Une mutation constitutionnelle de l’un des gènes MMR est observée dans 50 à 70 % descas d’HNPCC répondant aux critères d’Amsterdam.L’altération des gènes MMR entraîne une instabilité du génome dans les cellules tumorales.Cette instabilité est visible dans la région des microsatellites avec mise en évidence d’unphénotype RER+ (Replication Error) dans 92 % des tumeurs. La probabilité de trouver unemutation constitutionnelle sur l’un des gènes MMR est proche de 10 % dans les familles oùles critères d’Amsterdam ne sont pas au complet. Dans cette situation, l’établissement dustatut RER des cellules tumorales (adénome ou cancer) est un examen complémentaire uti-le, qui peut être proposé dès que le critère d’âge ou les deux critères de nombre et de paren-té, sont présents.L’existence d’un phénotype RER+ pourra conduire à une recherche d’altération génétiqueconstitutionnelle chez ces malades au même titre que ceux issus des familles où les 3 critè-res d’Amsterdam sont présents.

Recommandations internationales pour les apparentés au 1er degré

— coloscopies/2ans à partir de 25 ans ou 5 ans avant l’âge du diagnostic familial le plusprécoce,

— pas de limite d’âge de fin de surveillance,— échographie endovaginale annuelle +/- frottis aspiratif après 30 ans.

3.6.3 Exemple 2 : génétique et cancers du sein et de l’ovaire

Caractéristiques généralesLe cancer du sein présentant une incidence élevée dans la population générale, il faut dis-tinguer les formes héréditaires familiales et la survenue de concentrations familiales fortui-tes de cancer du sein.

Les altérations moléculaires constitutionnelles3 gènes de prédisposition principaux sont décrits dans les cancers du sein familiaux.

— BRCA1 (chromosome 17)50 % des familles de « cancer du sein seul »

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90 % des familles de « cancers sein et ovaire »— BRCA2 (chromosome 13)

corrélation avec envahissement ganglionnaireSyndrome du « cancer du sein seul » et « cancers du sein et de l’ovaire »Cancer du sein chez l’homme

— BRCA3 (chromosome 8)Familles de cancer du sein seul

Fonction des protéines BRCA1 et BRCA2Rôle physiologique dans le contrôle négatif du cycle cellulaire lors des cassures double brind’ADN.

Altérations somatiques présentes dans les cancers du sein et de l’ovaire

— activation d’oncogènes par mécanisme d’amplification : MYC, cerbB2, cycline D1— inactivation de gènes suppresseurs de tumeur : p53, BRCA2, Rb— instabilité générale du génome traduisant des erreurs de réplication de l’ADN

Conseil génétiquePlus de 200 mutations différentes du gène BRCA1 et 80 du gène BRCA2 ont été réperto-riées. Plus de 80 % des mutations conduisent à une protéine absente ou tronquée non fonc-tionnelle.L’identification d’une mutation inactivatrice permet de retenir l’origine génétique d’unehistoire familiale. Quelques mutations faux-sens ont été rapportées. Un test de prédisposi-tion ne peut être proposé à une personne indemne que si la mutation responsable de l’his-toire familiale a été identifiée à partir de l’étude préalable d’un apparenté atteint.Dans une famille dans laquelle la mutation a été identifiée, un résultat négatif c’est à direla non détection de cette mutation, signifie l’absence de prédisposition du parent non por-teur. C’est actuellement le principal bénéfice attendu de la pratique de ces tests. Un résultatpositif s’accompagne d’un risque tumoral mammaire élevé chez les femmes et à un risquede transmission de 50 % à chaque enfant chez un parent, que ce soit un père ou une mère.Le risque tumoral mammaire est déjà de 3 % avant l’âge de 30 ans, de 13 % entre 30 et39 ans, de 24 % entre 40 et 49 ans. Le risque de tumeur controlatérale est estimé à 60 % àl’âge de 70 ans. Se trouve ainsi posé le difficile problème de la mastectomie prophylactiquecomme alternative à un suivi clinique et mammographique débuté très précocement.

PréventionAttitude consensuelle (FNCLCC) :

— à partir de 20 ans : surveillance clinique bi-annuelle— à partir de 30 ans : mammographie annuelle— débuter la surveillance 5 ans avant le diagnostic le plus précoce dans la famille— une mastectomie peut être proposée : décision collégiale incluant la patiente— difficulté de la prévention ovarienne : ovariectomie proposée à partir de l’âge de 40

ans.

NB : la mastectomie prophylactique bilatérale en cas de mutation BRCA1 ou 2 n’est pasconsensuelle, d’autant plus qu’elle n’assure pas une protection à 100 %. La prévention ova-rienne est difficile. La place du dosage du CA 125 et de l’échographie pelvienne endovagi-

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Biologie du cancer

nale reste mal définie en prévention primaire, du fait d’une sensibilité et d’une spécificitémédiocres. Une surveillance gynécologique et sénologique régulière est préconisée en as-sociation avec l’autopalpation mammaire mensuelle. Certains auteurs recommandent uneovariectomie à partir de 40 ans dans les familles BRCA1, cette attitude ne fait pas l’objetd’un consensus à l’heure actuelle.

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Anatomie pathologique

Chapitre 4

Anatomie pathologiqueAuteur : P. Fouret

4.1 La cellule cancéreuse

4.1.1 Critères cytologiques de malignité (atypies cytonucléaires)

— Anomalies des noyaux :

• Taille : augmentation, inégalité (anisocaryose)• Structure : chromatine irrégulièrement répartie (mottes), hyperchromatisme• Forme : contours irréguliers, membrane nucléaire épaissie• Nombre : multinucléation• Nucléole : augmentation de taille, multiplicité, anomalies de forme• Mitoses : augmentation de nombre, anomalies de forme (mitoses tripolaires, asymétri-

ques).

— Anomalies des cytoplasmes :

• Diminution de taille : augmentation du rapport nucléocytoplasmique• Basophilie

4.1.2 Signification des atypies cytonucléaires :

Présentes au niveau de la plupart des tumeurs malignes.Peuvent s’observer en dehors des tumeurs malignes : leïomyomes, viroses, après irradiation, chi-miothérapie, intoxication par la colchicine… nécroseLes critères de malignité ne sont pas nécessaires au diagnostic de certaines tumeurs malignes.Exemple 1 : adénocarcinome de bas grade des sinus de la face.

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Anatomie pathologique

Exemple 2 : tumeurs musculaires lisses ⇒ augmentation du nombre de mitoses sans atypies (leïo-myome/leïomyosarcome).Critères de malignité : contexte +++Il y a des degrés ou grades dans les atypies :

— Marquées : grade nucléaire élevé— Modérées : difficultés à les affirmer, à les rapporter à un processus cancéreux (« overlap »).

L’aspect des noyaux est influencé par les conditions techniques : délais de fixation, le type de fixa-tion (congélation, type de fixateur, durée de fixation), etc.

4.1.3 Différenciation cellulaire

Cellules indifférenciées ⇒ cellules différenciées = acquisition de caractères distinctifs morpholo-giques et/ou fonctionnelsDifférenciation cellulaire :

1. cultures cellulaires (agents différenciants)2. embryogenèse3. renouvellement tissulaire.

Processus physiologique étroitement contrôlé, qui peut cependant se modifier en dehors de toutprocessus tumoral (métaplasie).Différenciation cellulaire tumorale : acquisition de caractères distinctifs par les cellules tumorales.

• microscopie standard :

1. limites cellulaires,2. abondance, coloration, contenu, forme des cytoplasmes,3. emplacement, densité et aspect des noyaux…

• marqueurs histochimiques, immunohistochimiques, ultrastructuraux.

La différenciation des cellules tumorales fait partie de la différenciation tumorale.

4.2 Le tissu cancéreux

Tumeur : tissu néoformé caractérisé par une prolifération cellulaire incontrôlée.Notion de tissu :

1. hétérogénéité : cellules proliférantes et des cellules d’accompagnement (stroma)2. aspect histopathologique particulier : à la base du diagnostic +++ des tumeurs = types tumo-

raux précis définis par des critères morphologiques (microscopiques).

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Anatomie pathologique

Tissu tumoral :

— Aspect des cellules tumorales (microscopie standard et autres techniques)

• Atypies• Différenciation cellulaire

— Les relations des cellules tumorales entre elles : cellules cohésives, glandes…— Le stroma— Les relations avec le tissu pré-existant

4.2.1 Différenciation tumorale

Ressemblance du tissu tumoral à un tissu normal adulte ou embryonnaire (tumeur embryonnaire).Méthodes d’étude :

1. Microscopie standard : globes cornés d’un carcinome épidermoïde bien différencié2. Histochimie : sécrétion alcianophile des adénocarcinomes mucosécrétants3. Immunohistochimie : HMB45 dans les mélanomes4. Microscopie électronique : grains de neurosécrétion dans un carcinome neuroendocrine.

Concerne :

1. Cellules tumorales2. Architecture du tissu3. Stroma

Cancers différencié, peu différencié, Cancer anaplasique, Carcinome indifférencié

4.2.2 Stroma

Composition :

1. Fibroblastes2. Capillaires néoformés3. Fivres de callagène ou élastiques4. Cellures inflammatoires

Aspects particuliers :

1. Riche en fibres (linite)2. Adaptatif (endocrine)3. Inflammatoire (UCNT, lymphome B riche en cellules T)4. Métaplasie osseuse5. Calcosphérites

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Anatomie pathologique

6. Dépôt d’amylose (carcinomes médullaires de la thyroïde).

Le stroma peut être un élément diagnostic : stroma myxoïde d’un adénome pléomorphe de la pa-rotide. Il est parfois trompeur (UCNT). Influence pronostique possible dans certains cas. Cible detraitements adjuvants.

• Eprouvés : BCG thérapie• En cours d’expérimentation : anti-angiogènes

4.2.3 Malignité

Une tumeur maligne :

1. Détruit le tissu pré-existant2. Récidive3. Donne des métastases

Donc, malignité = comportement évolutif +++Malignité ⇒ traitements lourds souvent combinés :

• Local : chirurgie et/ou radiothérapie• Général (maladie systémique) : traitements adjuvants (chimiothérapie le plus souvent).

Nuances dans l’opposition tumeurs bénignes/tumeurs malignes :

1. Tumeur à malignité potentielle2. Tumeur bénigne agressive et récidivante3. Tumeur à malignité locale

Degrés dans la malignité :

1. Circonstances de découverte2. Type tumoral3. Différenciation/histopronostic4. Extension tumorale

4.3 Reconnaître la malignité d’une tumeur

A. Tumeur plus ou moins différenciée :

• Malignité :

1. Moins bonne différenciation2. Critères cytologiques de malignité (atypies)

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Anatomie pathologique

3. Relations avec le tissu pré-existant :

— Dépassement de la basale— Franchissement d’une capsule— Dispersion désordonnée des cellules tumorales— Foyers secondaires— Atteintes périnerveuses— Embols néoplasiques

• Mais lésions trompeuses pseudotumorales (pseudotumeurs). Exemple : hyperplasiemalphighienne sur les berges d’une perte de substance.

B. Tumeur d’un type particulier ne présentant pas de signes de malignité, mais dont on sait qu’ils’agit d’une tumeur maligne. Exemple : certains carcinomes des glandes salivaires.

C. Métastase : seul critère parfois. Seules les tumeurs malignes donnent des métastases.Exemple : tumeur de la corticosurrénale.

4.4 Nomenclature

Classification histopathologique ⇒ entités anatomocliniques >100 types de tumeurs différents.Classification OMS pour chaque appareil ou organe. Exemples : tumeurs des voies biliaires, de lavessie, etc.Racine : différenciation. Exemples : adéno = glande ⇒ adéno- = tumeur glandulaire ; angio = vais-seau ⇒ angio- = tumeur vasculaire ; etc.Suffixes :

— ome : tumeur bénigne. Exemple : adénome.— matose : tumeurs multiples ou diffuses. Exemple : angiomatose.— carcinome : tumeur maligne épithéliale. Exemple : adénocarcinome.— sarcome : tumeur maligne conjonctive. Exemple : angiosarcome.— blastome : tumeur de blastème. Exemple : néphroblastome.

Lymphome et mélanome sont toujours malins.Tératome, gliome : pas de signification pronostique en soi.

4.5 Schéma évolutif des lésions anatomopathologiques : progression

1. Absence de lésion visible2. Lésion précancéreuse et cancer au stade non invasif

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3. Stade d’invasion locale4. Dissémination métastatique

4.5.1 Etats et lésions précancéreux

Condition (état) précancéreuse. Exemple : gastrite chronique.Lésions précancéreuses :

• Tissu caractérisé par un ensemble lésionnel (+/- bien codifié selon le tissu) traduisant un pro-cessus cancéreux plus ou moins manifeste mais sans envahissement ou à un stade limité

— Atypies : degrés— Mitoses/apoptose— Troubles de la différenciation— Différents marqueurs (+/-).

• Terminologie :

— Dysplasies précancéreuses épithéliales ou non épithéliales— Cancer in situ :

• Carcinome in situ (CIS)• Néoplasies germinales testiculaires intratubulaires

— Néoplasies intra-épithéliales— Hyperplasie atypique

4.5.2 Angiogenèse

1. Indispensable dès qu’une tumeur (primitive ou secondaire) atteint 2 mm (greffe de cellules tu-morales chez la souris)

2. Densité de néovascularisation : corrélée à l’agressivité tumorale (sein, prostate, mélanome,ovaire, estomac, colon)

3. Débute dès le stade de lésion précancéreuse avant l’invasion

• Modèles expérimentaux• Cancers humains : néoplasies intra-épithéliales du col utérin

Balance entre des facteurs angiogènes et anti-angiogènes :

— Cellules tumorales— Macrophages— Molécules enrobées dans la matrice extracellulaire

Les capillaires tumoraux sont différents des capillaires normaux et ressemblent aux capillaires dubourgeon charnu.

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4.5.3 Place des lésions précancéreuses dans la maladie cancéreuse

1. Précèdent le cancer invasif et/ou disséminé Exemple : néoplasies intraépithéliales du col uté-rin

2. Parfois fortement associés au cancer invasif Exemple : néoplasies intraépithéliales prostati-ques (haut grade)

3. Parfois deux maladies apparemment différentes :

— Cancer invasif d’emblée— CIS d’autre part :

— Glande mammaire :

• Carcinome canalaire in situ = s’étendant dans le quadrant, progression lente• Carcinome lobulaire in situ (souvent diffus) = facteur de risque d’apparition

d’un carcinome canalaire invasif dans le sein ispilatéral (à distance) ou contro-latéral

— Urothélium vésical : très mauvais pronostic, indépendant d’une tumeur papillaireassociée.

Tissu Lésion précancéreuse

Col utérin Néoplasies intraépithéliales

Col utérin (endocol) Adénocarcinome in situ

Urothélium CIS

Glande mammaire CCIS et CLIS, hyperplasie atypique

Bronches CIS

Larynx Dysplasies/CIS

Foie (cirrhose) Dysplasie hépatocellulaire

Moelle hématopoiétique Dysplasie hématopoiétique

Estomac, colon (adénome) Dysplasies

Prostate Néoplasies intraépithéliales

Ovaire Tumeur à limite de la malignité

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4.5.4 Invasion

1. Tissu limité par une membrane basale2. Tissu non limité par une membrane basale : d’emblée invasif, mais peut être confiné au tissu

d’origine.

Carcinome intramuqueux, Carcinome micro-invasif, MicrocarcinomeEtapes de l’invasion :

— franchissement de la membrane basale (+++) ou dépassement du tissu d’origine— dispersion des cellules tumorales— élaboration d’un stroma avec angiogenése (2 mm)— envahissement de proche en proche des structures tissulaires pré-existantes— accès au réseau vasculaire (embols tumoraux) d’où la possibilité de métastases— extension à un autre organe par contiguïté

4.5.5 Mode de développement tumoral

1. Organe plein :

— nodule plus ou moins limité — infiltration (suit les zones de moindre résistance)

⇒ destruction, refoulement, compression ⇒ symptomatologie2. Organe creux :

— végétation (exophytique) = polype sessile/pédiculé + tumeur villeuse— infiltration

⇒ sténose, perforation ⇒ symptomatologie Exemple = adénocarcinome colique.

L’extension locale initiale est particulièrement importante pour le traitement :

— chirurgical : la tumeur est-elle résécable ?— radiothérapie : ciblage de la radiothérapie ; extension à une région faiblement vascularisée

(exemple : loge hyo-thyro-épiglottique) ⇒ inefficacité de la radiothérapie.

4.6 Métastases

4.6.1 Voies de dissémination

1. Lymphatique : carcinomes +++ (sarcomes)

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2. Sanguine : sarcomes +++ et carcinomes3. Cavitaire : cavités pleurale, péritonéale, méningée, articulaire Exemples : adénocarcinome

ovarien, gastrique ⇒ cavité intrapéritonéale4. Iatrogène : trajets de ponction. Exemples : mésothéliome, ostéosarcome.

4.6.2 Sièges et facteurs de survenue

— Siège (de la tumeur primitive) : drainage lymphatique et sanguin.

• Connaissance de la voie de drainage lymphatique :

— Curage ganglionnaire adapté— Ganglion sentinelle— Métastase dans un ganglion : blocage lymphatique— Richesse en lymphatiques : métastases ganglionnaires +++

• Circulation porte ⇒ siège hépatique (adénocarcinome colique)• Circulation générale : foie, reins, poumons, cerveau (carcinome bronchique)• Veines prostatiques : rachis lombaire (adénocarcinome prostatique).

— Type histologique : cancers lymphophiles (exemple sein, thyroïde) ou non lymphophiles(exemple carcinome adénoïde kystique des glandes salivaires) : dépend de facteurs plus oumoins connus (molécules de surface ⇒ « homing »)

— Degré de différenciation : exemple = carcinome neuro-endocrine bien différencié (peu métas-tatique) versus moyennement ou peu différencié (très métastatique)

— Extension locale : profondeur de l’infiltration (exemple mélanome) = indice de Breslow, taillede la tumeur (exemple carcinome canalaire invasif du sein).

4.6.3 Aspects anatomo-pathologiques

Macroscopie : unique/multiples, nodule/infiltration (exemple : lymphangite carcinomateuse pul-monaire).

— avec modification de l’organe cible (exemple os = lytique ou condensant : poumon, prostate,rein, sein, thyroïde)

— sans modification de l’organe cible

Microscopie :

— Aspect identique à la tumeur primitive— Différenciation— Dédifférenciation— Contingent particulier d’une tumeur complexe.

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4.6.4 Métastases ganglionnaires

1. facteur de gravité = dépassement de la capsule ganglionnaire +++2. seul l’examen microscopique peut déterminer la staging ganglionnaire réel (pN) : nombre,

taille, siège des métastases3. une métastase ganglionnaire peut provoquer une adénopathie ou non (métastase partielle)4. une adénopathie n’est pas synonyme de métastase (blocage lymphatique, hyperplasie, granu-

lome tuberculoïde).

4.6.5 Métastases viscérales

Diagnostic différentiel :

1. tumeur primitive (exemple foie : bile, antigène hépatocellulaire = carcinome hépatocellulaireversus corticosurrénalome)

2. seconde localisation ? ? = carcinogénèse de champs (2ème cancer du même type : carcinomeépidermoïde bronchique et ORL) ⇒ composante intra-épithéliale (CIS associé) ?

4.6.6 Les métastases dans la maladie cancéreuse

— Synchrone ou métachrone— Micrométastase :

• cellules tumorales détectées par des méthodes anatomopathologiques = coupes sériées(standard ou immunohistochimie)

• ou autres méthodes

Signification ? Exemple : cellules d’adénocarcinomes mammaires dans la moelle hémato-poiétique.

— Métastase révélatrice : cancer primitif ? Exemple : métastase d’un adénocarcinome

• Orientation : siège mais métastases éloignées (exemple métastase dans un ganglion sus-claviculaire d’un cancer sousdiaphragmatique).

• Aspect microscopique : cellules claires ? ⇒ rein.• Mucosécrétion (histochimie) ⇒ exclut l’origine rénale.• Recherche systématique d’une origine prostatique, thyroïdienne car traitements spécifi-

ques ⇒ immunohistochimie : PSA (antigène spécifique de prostate), thyroglobuline. • A défaut : adénocarcinome d’origine indéterminée.

Parfois pas de tuméfaction décelable au niveau de la tumeur primitive (exemples : carcinome lo-bulaire du sein, carcinomes épidermoïdes de l’amygdale).

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4.6.7 Influence sur le pronostic

En général, mauvais pronostic ; conception actuelle = micrométastases dormantes ⇒ traitementprophylactique.Exemples :

1. chimiothérapie adjuvante dans les cancers du sein2. curage ganglionnaire prophylactique dans des mélanomes de profondeur intermédiaire.

Le pronostic de certains cancers est lié principalement :

— à la récidive locale et aux métastases ganglionnaires régionales.Exemple : carcinome épider-moïdes ORL

— d’autres aux métastases viscérales. Exemples : adénocarcinomes thyroïdiens bien différen-ciés, carcinomes mammaires.

Parfois accessibles au traitement chirugical : métastase hépatique unique d’un adénocarcinome co-lique.

4.7 Prélèvements

Interaction entre anatomopathologiste et clinicien (chirurgien, oncologue, généraliste ou spécialis-te).Il est indispensable d’avoir :

— Renseignements cliniques : c’est une faute de ne pas les transmettre de façon complète et pré-cise sur la feuille de demande d’examen anatomopathologique

— Orientation des pièces opératoires.

4.7.1 Prélèvements cellulaires

Recueil en suspension dans un milieu liquide :

— Naturel (urine, LCR, sécrétions bronchiques)— Ecoulement (fistule)— Epanchement (pleurésie, ascite)

Isolement à partir de leur contexte tissulaire

— Recueil mécanique à la surface d’une muqueuse (frottis cervical, brossage de la muqueusebronchique)

— Ponction-aspiration (cytoponction d’un nodule mammaire)

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— Apposition (ganglion lymphatique, tumeur, biopsie).

Impératifs techniques :

1. Lames propres, dégraissées2. Eviter les écrasements et les entassements3. Rapidité de fixation (déssication ou laque)

4.7.2 Prélèvements Tissulaires

Biopsies

— à l’aiguille ou au trocard (différents diamètres exprimés en G)— pinces (endoscopies)— chirugicales :

1. partielles2. biopsie-exérèse

Impératifs

1. Eviter écrasements, cautérisation2. Fixation immédiate dans le fixateur adéquat ou à l’état frais ⇒ laboratoire dans les

meilleurs délais3. Renseignements cliniques suffisants.

Pièces opératoires(> biopsie-exérèse). Exemple (sein) : quadrantectomie, mastectomieImpératifs

1. Elle doit parvenir entière, non ouverte2. Renseignements adéquats :

— Identification détaillée de la pièce— But de l’intervention : diagnostic, curative (site primaire ou métastase) ou pallia-

tive, reconstructive, réduction de la masse tumorale— Siège de la tumeur— Diagnostic suspecté ou démontré (histologies antérieures)— Traitements antérieurs (actes chirurgicaux, radiothérapie, chimiothérapie, autres,

protocoles)— Contexte général : condition précancéreuse, facteurs de risque de cancer (tabac)— Points d’intérêt à rechercher

3. Repérage : épinglage sur la pièce, encrage, clip, hameçon, documents radiographiques(mammographie : calcifications)

4. Fixation : volume suffisant, en général formol,

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Anatomie pathologique

4.7.3 Tissu frais

Avantages :

1. Photographies réalistes2. Choix du fixateur ⇒ différents fixateurs : aspect des cellules, histochimie, immunohistochi-

mie, microscopie électronique3. Prélèvements pour congélation : histochimie, immunohistochimie, biologie moléculaire, re-

cherche4. Appositions (très utile pour le diagnostic des lymphomes).

Inconvénients :

1. Délais d’acheminement2. Risque d’abîmer la pièce quand elle est prélevée à l’état frais3. Risque d’épuiser ou de consommer le matériel tumoral : si congélation ⇒ anomalies des

noyaux. Problème = petites tumeurs +++4. Conditions éthiques (cadre légal, accord des patients).

Donc, réflexion antérieure au prélèvement et contact du service d’anatomie pathologique : quellepathologie ?Exemple : tumeur testiculaire après 50 ans (50 % = lymphomes)

4.7.4 Macroscopie

Temps majeur de l’analyse des pièces opératoires = examen minutieux, orienté, standardisé

— Buts : (taille, siège, nombre, rapports, extension)— effectuer un nombre suffisant de prélèvements repérés pour l’examen microscopique.

En pratique la taille d’un prélèvement ne peut excéder 2,5 sur 2 cm.En pathologie tumorale, un temps très important de l’examen macroscopique est l’examen desmarges d’exérèse après encrage de la tranche de section opératoire :

• soit perpendiculairement à cette marge : distance précise (pb = rétractions)• soit par rasage de la pièce ou au pourtour de la cicatrice d’intervention : à plat (dans ce cas

toute tumeur dans le prélèvement est considérée comme marge positive)

4.7.5 Immunohistochimie

Principe :

— réactivité spécifique d’un antigène ou épitope présent dans le tissu avec un anticorps de réac-tivité connue

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— révélation par marquage fluorescent ou colorimétrique— présence ou absence de telle molécule au niveau :

1. des cellules tumorales2. du stroma3. ou de cellules du tissu pré-existant.

Cette technique a eu un impact majeur sur le diagnostic des tumeurs

1. De nombreux types de tumeurs expriment des molécules plus ou moins spécifiques (transcrip-tome tumoral)

2. Les épitopes sont très souvent conservés dans le matériel tumoral inclus en paraffine.3. La sensibilité et la spécificité de la technique est généralement bonne4. De nouveaux marqueurs sont analysés

Avantages :

1. Peu de matériel tissulaire ou cellulaire2. Analyse à l’échelle cellulaire

Inconvénients : pas quantitative, faux négatifs, positivités aberrantes, …Utilité :

1. Malignité : monoclonalité (chaîne légère kappa ou lambda)2. Type tumoral : carcinome indifférencié de type nasopharyngien (cytokératine +, vimentine -,

ALC -, EBV +) ; calrétinine : mésothéliome.3. Origine d’une métastase d’un adénocarcinome : thyroïde (thyroglobuline), prostate (PSA)4. Extension :

• Cellules endothéliales (CD31) autour d’un nodule tumoral : embol.• Cellules tumorales d’un mélanome (HMB45) noyées dans des cellules inflammatoires :

profondeur de l’infiltration.• Cellules basales (cytokératine de haut poids moléculaire) autour de cellules atypiques

dans la prostate : néoplasie intra-épithéliale prostatique.• Détection de micrométastases d’un carcinome (cytokératine) ou d’un mélanome

(HMB45) sur coupes sériées de ganglion.

5. Pronostic et réponse au traitement (récepteur aux œstrogènes pour les adénocarcinomesmammaires + recherche).

4.8 Apport de l’anatomopathologie au diagnostic des tumeurs

Tumeur maligne ⇒ traitement lourd, pronostic péjoratif… Donc nécessité d’une preuve.

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Anatomie pathologique

Actuellement la preuve est toujours histopathologique (sauf leucémies) : tissu cancéreux d’un typedéterminé examiné sur coupes de prélèvement(s) tissulaire(s) techniqués(s) de manière conven-tionnelle (coupes après inclusion en paraffine) par un médecin anatomopathologiste dans un labo-ratoire agréé.Cette preuve est conservée pendant au moins 10 ans au laboratoire« Tumeur maligne » n’est pas un diagnostic anatomopathologique : nécessité d’un diagnostic pré-cis = type tumoral répondant à des critères histopathologiques reconnus (OMS)⇒ mise en place d’une stratégie pour acquérir le tissu pour le diagnostic +++

4.8.1 Acquisition du tissu pour le diagnostic

1. Produit d’aspiration à l’aiguille : cellules.

— Avantages : rapide (heures), peu chère, vérifie qu’un prélèvement est contributif, indo-lore

— Inconvénients : pas suffisant pour entreprendre un geste chirurgical majeur (% erreursinévitables de la cytologie), ne peut déterminer le caractère invasif +++, nécessite un sa-voir technique (la ponction) et un cytopathologiste compétent +++, faux négatifs.

2. Biopsie à l’aiguille : la quantité de tissu doit être suffisante. Pour certaines tumeurs traitées enpremière intention par chimiothérapie, la biopsie initiale peut être le seul matériel diagnostic+++ Exemple : carcinome mammaire

— Avantages : rapide (résultat urgent en 12 à 24 heures si cela est nécessaire), preuve ducancer

— Inconvénients :

1. Difficultés pour certaines pathologies (tumeurs des tissus mous et tumeurs osseu-ses)

2. Faux négatifs3. Ecrasement si prolifération cellulaire fragile4. Taille : si CIS, peut-on exclure une invasion ?5. Déplacement de lésions ou d’épithélium normal : faussement invasif

⇒ Si doute : biopsie chirurgicale

3. Biopsie chirurgicale : la biopsie-exérèse est le procédé de choix pour la plupart des tumeurs

— Avantages : matériel suffisant, repérage— Inconvénients : invasif, la biopsie-exérèse n’est pas recommandée pour les sarcomes

(nécessité d’une marge large de 1 à 2 cm).

4. Produits de résection endoscopique (prostate, vessie) ou de curetage (utérin) :

— Avantages : matériel abondant, traitement— Inconvénients : +/- orientables, ne permettent pas de savoir si la résection a été complète

(la résection complète dans ce cas est un terme clinique)

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Anatomie pathologique

4.8.2 Apport de la cytologie

Jamais suffisante pour le diagnostic initial d’une TM. Grande valeur comme adjoint du diagnostictissulaire :

1. Cytoponction d’un nodule isolé : si la ponction est négative permet d’éviter à une interventionchirurgicale Exemples : Nodules thyroïdiens froids +++ : diminution importante du nombred’interventions

2. Valeur de dépistage. Exemples : dépistage de néoplasie intraépithéliale du col utérin par frot-tis cervicovaginaux, dépistage d’un CIS par la cytologie urinaire.

3. Orientation en cas d’épanchement, de syndrôme méningé : cellules suspectes ⇒ explorationscomplémentaires adaptées

4. Cancer connu : dans ce cas la cytologie est idéale pour confirmer une métastase, une récidive.

4.8.3 Examens extemporanés

Examen extemporané : pratiqué sur des coupes à congélation du tissu frais en cours d’intervention. Indication : quand le résultat anatomopathologique peut modifier le geste opératoire.Circonstances :

1. Programmé. Exemple : tumeur mammaire ⇒ ponction : cellules suspectes.Intervention : confirmation du diagnostic ⇒ mastectomie

2. Découverte en per-opératoire d’une « tumeur »

Il est toujours suivi par un examen selon les techniques standardRésultats attendus :

1. Prélèvement contributif : oui, il y a suffisamment de tissu pour permettre un diagnostic2. Malignité : oui, il s’agit d’une tumeur maligne3. Type tumoral : carcinome épidermoïde infiltrant4. Extension : tumeur à moins de 0,5 cm de la marge antéro-interne

Cet examen a des limites :

1. taille de la tumeur2. pathologie (lymphomes, sarcomes)3. tissu (os, tissu adipeux)4. échantillonage5. aspects trompeurs ⇒ (erreurs) ⇒ ou ambigus ( ?)6. technique

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Anatomie pathologique

4.8.4 Apport pour le pronostic

En dehors de l’état général du patient, le pronostic d’une tumeur dépend essentiellement dans lagrande majorité des cas

1. du type tumoral2. de l’extension du cancer +++

Exemple : facteurs pronostiques du carcinome infiltrant du sein

1. nombre de ganglions atteints +++ (curage de niveau I-II avec au moins 10 ganglions)2. taille de la composante invasive de la tumeur +++

• corrélée au statut gg, mais facteur pronostic indépendant• corrélée au risque de métastases viscérales et à leur délai de survenue• facteur majeur dans les cancers N0 : survie sans récidive d’environ 90 % à 20 ans pour

les canalaires <1 cm

3. quadrants internes (ganglions mammaires internes)4. grade histologique (score de Scarf et Bloom)5. atteintes vasculaires sanguines ou lymphatiques6. type histologique (médullaire vrai, tubulaire, colloïde muqueux)7. statut des récepteurs (immunohistochimie)8. grade nucléaire.

Etude anatomopathologique de la pièce opératoire = moyen le plus efficace de prédire le pronostic⇒ certaines interventions sont pratiquées essentiellement pour le staging anatomopathologique :pTNM (UICC).

4.8.5 Différenciation et histopronostic

Des tumeurs de même type tumoral au même stade peuvent avoir une agressivité très différente ⇒utilité d’un grading histologique permettant de distinguer ces tumeurs.Différents grading :

1. Différenciation. Exemple : adénocarcinome de prostate ⇒ score de Gleason basé sur la diffé-renciation des deux composantes principales de la tumeur

• Bien différencié : Gleason <7 = bon pronostic• Moyennement ou peu différencié : Gleason >7 = pronostic plus péjoratif

2. Nucléaire. Exemple : grading de Fuhrman des cancers du rein3. Grading plus complexes associant des critères différents :

Exemple 1 : carcinomes neuroendocrines dits bien différenciés/moyennement ou peu différenciés :mitoses, nécrose.Exemple 2 : carcinome infiltrant du sein ⇒ score de Scarf et Bloom : glandes/massifs, mitoses, né-

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Anatomie pathologique

crose.Inconvénients de ces scores : nécessite une certaine expertise, variabilité inter-observateur.

4.8.6 Apport pour le traitement

1. Bilan pré-opératoire : résécabilité ?

— Biopsies étagées (cancer bronchique)— Ponction d’un nodule (métastatique ?)— Examen d’un liquide d’épanchement— Score de Gleason + % de cancer dans les biopsies + niveaux de PSA sériques = probabi-

lité d’une atteinte extracapsulaire dans les adénocarcinomes de prostate (indication opé-ratoire).

2. Bilan per-opératoire : examen extemporané

— Tissu tumoral, malignité, type de la tumeur— Marges d’exérèse

3. Bilan post-opératoire

— pTNM et staging— Indications de traitements adjuvants— Regroupements homogènes des patients (essais thérapeutiques)— Dépassement capsulaire ganglionnaire : radiothérapie à fortes doses— Etat des marges opératoires : geste complémentaire (reprise chirugicale, radiothérapie)

guidé par le repérage de la zone atteinte.

4. Facteurs prédictifs de la réponse aux traitements. Exemple : cancer canalaire infiltrant du sein⇒ statut des récepteurs aux œstrogènes

— Prédit la réponse aux traitements antihormonaux (tamoxifène, raloxifène)— Plus efficace que le dosage biochimique.

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Bases de la radiothérapie

Chapitre 5

Bases de la radiothérapieAuteurs : J.J. Mazeron, F. Baillet

5.1 Introduction

La radiothérapie est l’utilisation thérapeutique des radiations ionisantes. Ses origines remontent audébut du siècle, après la découverte des rayons X par W. Röntgen (1895), de la radioactivité par H.Becquerel (1896) et du radium 226 par P. et M. Curie (1898). La radiothérapie est principalementutilisée en cancérologie, pour traiter en combinaison ou non avec la chirurgie et/ou la chimiothé-rapie, la tumeur primitive et les adénopathies satellites et souvent certaines métastases (osseuses etcérébrales surtout). Elle est utilisée chez les deux tiers des cancéreux. La radiothérapie modernes’est développée à partir de 1950 avec l’avènement des appareils de haute énergie (télécobalts, ac-célérateurs linéaires) et le remplacement du radium 226 par des radioéléments artificiels (iridium192 et césium 137).Trois techniques sont actuellement pratiquées :

— la téléradiothérapie ou radiothérapie transcutanée ou radiothérapie externe qui utilise desfaisceaux de radiations pénétrant les tissus à travers la peau,

— la curiethérapie , qui consiste à implanter des sources radioactives scellées dans la tumeur (en-docuriethérapie ou curiethérapie interstitielle), ou encore à son contact, dans une cavité natu-relle (plésiocuriethérapie ou curiethérapie endocavitaire), ou dans un conduit naturel(curiethérapie endoluminale),

— la radiothérapie métabolique , qui utilise des radioéléments administrés sous forme liquide.

5.2 Bases biologiques

L’action des radiations ionisantes dans les tissus est d’abord physique, puis chimique, enfin biolo-gique. Les particules incidentes provoquent l’ionisation (éjection d’un électron par effet Comptonprincipalement ou par effet photoélectrique) ou l’excitation (passage d’un électron sur une orbited’énergie supérieure) des atomes cellulaires. Les rayonnements non chargés (photons, neutrons)

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sont indirectement ionisantes, les particules chargées directement ionisants (électrons, protons).Les électrons ainsi libérés brisent les molécules en formant des radicaux libres, élément instablescapables de léser les molécules nobles de la cellule, en particulier les acides nucléiques responsa-bles de la division cellulaire et de la synthèse des protéines. Les lésions sont sublethales en cas derupture d’un brin d’ADN et en général lethales en cas de rupture de 2 brins. Les dégâts occasionnésà la cellule sont d’autant plus graves que la cellule est bien oxygénée, car la combinaison des radi-caux libres avec l’oxygène donne lieu à la formation de molécules hyperoxygénées hautementréactives (peroxydes, par exemple). A l’inverse l’hypoxie augmente la radiorésistance cellulaire.Ces lésions nucléaires peuvent soit provoquer la mort de la cellule (mitotique ou apoptotique), soitêtre réparées plus ou moins complètement. Les tissus sains ont en règle une capacité de restaurationet de prolifération plus grande que les populations tumorales entre les séances d’irradiation. C’estpour bénéficier de cet effet différentiel que la dose totale est fractionnée et étalée dans le temps : ilest ainsi classique de délivrer 5 traitements de 2 Gy par semaine, soit 10 Gy par semaine.Une radiothérapie a pour objectif de délivrer une dose suffisante au volume-cible tumoral tout enépargnant les organes critiques voisins. La dose absorbée est exprimée en grays (1 Gy = 1 J/kg dematière). Les doses nécessaires au contrôle de la maladie sont de 20-35 Gy pour un séminome tes-ticulaire, 30-45 Gy pour un lymphome, 65-75 Gy pour un carcinome et de 70-80 Gy pour un sar-come. Les tumeurs de volume limité sont plus radiosensibles (il y a plus de stérilisations à doseségales si la tumeur est petite) et les doses ci-dessus peuvent être réduites si le cancer résiduel aprèschirurgie est infraclinique ou pour traiter des extensions régionales non macroscopiques de la tu-meur).L’irradiation occasionne dans les tissus sains des réactions précoces qui sont réversibles en quel-ques semaines : radiodermite aïgue , marquée par un érythème, une desquamation et une épilation,radiomucite aiguë , se traduisant par un énanthème, des fausses membranes, des douleurs, hypo-plasie médullaire , lorsque le volume irradié est important, aboutissant à une diminution dans lesang du nombre des leucocytes des plaquettes et des hématies etc... En fait, ce sont les réactionstardives, qui peuvent survenir au bout de plusieurs mois ou années, et sont peu réversibles, qui sontle vrai facteur limitant de la radiothérapie : radio dermite chronique , marquée par une peau fine,sèche, atrophique, couperosée, myélite radique, néphrite chronique, fibrose pulmonaire, péricar-dite et myocardite radiques, xérostomie, grêle radique, vessie et rectite radiques, plexite etencéphalite radiques . Ce risque de complication conduit à fixer une dose limite pour chaque tissu :70 Gy pour la peau, 45 Gy pour la moelle épinière, 55 Gy pour le tronc cérébral, 15 Gy pour lesreins, 20 Gy pour les poumons, de 30 à 60 Gy pour l’intestin grêle (selon le volume irradié) 40 Gypour le cœur. A partir de 40 Gy une diminution chronique de la sécrétion salivaire est possible (etil est souvent nécessaire de donner plus, cf cancers ORL). Le risque de vessie et de rectite radiquesexiste au-delà de 65 Gy. La dose de 55 Gy ne doit pas être dépassée au niveau du plexus brachialet 50 Gy au niveau du cerveau en entier. Certains organes sont particulièrement radiosensibles :une irradiation ovarienne à une dose de 12 Gy suffit pour provoquer une castration définitive ; unecataracte peut apparaître dès 2 Gy et est constante à 7 Gy (en dose unique).

5.3 Téléradiothérapie

Les appareils de radiothérapie superficielle utilisent des tubes à rayons X produisant des photons

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X de 300 kV maximum ; leurs faibles énergies font qu’ils ne sont plus utilisés que pour des cancerscutanés (maximum de dose à a surface, faible rendement en profondeur).

Figure 1 Télécolbalt et table de traitement1. Statif ; 2. Bras ; 3. Tête ; 4. Collimateur ; 5. Socle de la table ; 6. Fût de la table ; 7. Plateau de

la table.

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Figure 2 Tête de télécobalt avec son système de collimation1. Protection en plomb ; 2. barillet porte source en tungstène qui tourne pour mettre la source en

position de traitement (A) ; 3. Protection en uranium appauvri ; 4. Source de cobalt 60 en position arrêt faisceau ; 5. Lampe de simulation ; 6. Pré-collimateur ; 7. Support mobile ; 8. Collimateur ;

9. Prolongateurs amovibles ; 10. Axe du faisceau du rayonnement.

Les appareils de télécobalt contiennent une source faite de disques empilés de 1 à 2 cm de diamètrede cobalt 60 qui émet des photons γ de 1,25 MeV : les propriétés de leurs faisceaux (maximum dedose à 4 mm sous la surface, rendement en profondeur relativement élevé) en font des appareilsbien adaptés au traitement des tumeurs de la tête et du cou, du sein et des membres. Ils tendentmaintenant à être remplacés par des accélérateurs linéaires fournissant des photons X de 4-6 MeV.

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Figure 3 Accélérateur linéaire et coupe de la têtePhotographie d’un accélérateur linéaire et coupe de la tête avec son système de déviation et de

collimation

Les accélérateurs linéaires produisent des électrons d’énergie comprise entre 6 et 25 MeV, quisont libérés par un canon à électrons, puis accélérés par un champ de haute fréquence alternatif pro-duit par un magnétron ou un klystron ; l’interposition dans le faisceau d’une cible en tungstène con-duit à la production de photons X d’énergie maximale 25 MeV. Les caractéristiques des photonsX de 10 MeV ou plus (maximum de dose à plusieurs cm sous la surface cutanée, rendement en pro-fondeur très élevé) en font des appareils adaptés au traitement des tumeurs du thorax, de l’abdomenet du pelvis. Les propriétés balistiques des électrons font qu’ils peuvent être utilisés pour traiter desvolume-cibles superficiels, particulièrement s’ils sont situés devant un organe-critique (moelle épi-nière par exemple).Les cyclotrons sont des machines complexes et coûteuses, produisant des particules lourdes, quiprésentent un intérêt biologique (neutrons) ou balistique (protons).Tous les appareils ont un collimateur dont les mâchoires mobiles délimitent le faisceau et en déter-minent les dimensions ; leur forme, rectangulaire ou carrée, peut être modifiée par des caches stan-dardisés ou personnalisés, placés sous le collimateur. Les derniers accélérateurs sont munis decollimateurs multilames qui permettent d’avoir des faisceaux de forme complexe sans collimateuradditionnel.La radiothérapie moderne suppose en outre un environnement technique important :

— un tomodensitomètre , pour repérer le volume tumoral et les organes critiques,— un conformateur , qui permet le tracé des contours cutanés dans des plans transverses ou sa-

gittaux,

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— un simulateur , appareil de radiodiagnostic qui permet le centrage des faisceaux (il simulel’appareil de traitement en permettant de voir ce qui sera irradié par chaque faisceau),

— un système informatique , pour faire la dosimétrie, c’est à dire visualiser la distribution spatialede la dose et calculer les temps de traitement.

La radiothérapie est effectuée par plusieurs faisceaux convergents dont les dimensions, la positionet la pondération sont déterminées pour délivrer une dose homogène à la tumeur et protéger les or-ganes critiques : par exemple une porte d’entrée antérieure, une postérieure et deux latérales, droiteet gauche. La qualité de la contention de la région irradiée est enfin essentielle ; le positionnementet l’immobilisation du malade sont assurés par des accessoires indispensables à une bonne repro-ductibilité du traitement ; faisceaux lasers, craniostats, masques thermoformés, cadre stéréotaxi-que, etc.

5.4 Curiethérapie

Elle utilise des sources d’iridium 192 ou de césium 137 suffisamment miniaturisées pour autoriserle chargement différé. Des tubes sont implantés au bloc opératoire sous anesthésie, puis les sourcesy sont chargées après le contrôle radiologique de l’application et la dosimétrie. L’implantation destubes peut donc se faire avec toute la minutie désirée puisqu’elle se fait en atmosphère non radioac-tive. Le chargement des sources de rayonnement peut être manuel ou automatisé par un projecteur.La disposition des sources obéit à un système prévisionnel, tel que le système de Paris.La curiethérapie se fait à bas (0,4-2 Gy/h) ou haut débit de doses (> 12 Gy/h = HDR = High DoseRate). Dans le premier cas il s’agit d’une irradiation continue, dans le cadre d’une hospitalisationdans une chambre à parois munies de protections ; dans le deuxième cas, le traitement est fraction-né, ne nécessite pas d’hospitalisation, mais un projecteur de sources radioactives. La curiethérapiepeut être exclusive ou compléter une irradiation externe à dos modérée. Elle s’adresse à des cancersde petit volume, bien limités et techniquement accessibles : utérus, cavité buccale, oropharynx,peau, sein, vessie, etc...

5.5 Radiothérapie métabolique

Technique peu répandue, elle fait le plus souvent appel à l’iode 131 dans certaines formes de can-cers de la thyroïde ; une dose de 100 mCi (millicurie) peut être renouvelée plusieurs fois.

5.6 Indications

La radiothérapie est impliquée dans le traitement des deux tiers environ des cancers et de la moitié

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de ceux qui sont curables. Le pourcentage de survivants à long terme donné par la radiothérapieseule (De Vita) est de 27 % alors que la chirurgie est responsable de 50 %, la chirurgie + la radio-thérapie de 14 %, la chimiothérapie de 3 % et la chimiothérapie + un autre traitement de 6 %.Elle peut être utilisée soit exclusivement, soit en combinaison avec la chirurgie ou la chimiothéra-pie. Elle est dite :

— préopératoire, si elle précède une exérèse chirurgicale, dans le but de la rendre possible, de lafaciliter ou de la limiter,

— postopératoire, si elle fait suite à une résection de la tumeur primitive et/ou des adénopathiessatellites, dans le but d’éradiquer les îlots tumoraux macroscopiques ou microscopiques lais-sés en place ;

— conservatrice lorsqu’elle remplace une thérapeutique mutilante : mammectomie, laryngecto-mie totale, amputation abdomino-périnéale, cystectomie totale, etc...

Si la radiothérapie est le plus souvent employée à visée curative pour traiter la tumeur primitive etles premiers relais ganglionnaires, elle est aussi utilisée pour traiter des métastases ou des tumeurslocalement trop avancées pour pouvoir espérer une guérison, dans un but cytoréducteur, décom-pressif, antalgique ou hémostatique. La dose est alors souvent délivrée en un petit nombre de frac-tions (par exemple 30 en 10 fractions et 12 jours), pour obtenir une action plus rapide au prix d’undérangement minimal du malade.

5.7 Nouvelles techniques

La radiothérapie fait actuellement l’objet de nombreux développements.La radiothérapie corporelle totale est destinée à préparer une allogreffe de moelle osseuse pourtraiter certaines formes de leucémies ou d’aplasies. Une dose de 10 Gy est délivrée à l’ensemblede l’organisme en une seule séance, avec protection des poumons à 8 Gy.La radiothérapie cutanée totale par des électrons de 4 MeV est utilisée pour traiter le mycosis fun-goïde et quelques autres lymphomes cutanés. Une dose de 30 Gy est délivrée à l’ensemble du re-vêtement cutané en 12 fractions étalées sur 6 semaines.La radiothérapie peropératoire consiste à irradier une tumeur profonde (rectale, pancréatique,etc...) par électrons au cours d'une intervention chirurgicale, après avoir éloigné les organes criti-ques (intestins, rein, etc...). Elle permet donc de délivrer au volume-cible une dose supplémentairetout en épargnant ces organes critiques.La radiothérapie multifractionnée (plusieurs fractions par jour espacées d’au moins 6 heures) per-met d’augmenter la tolérance des tissus sains, donc l’efficacité locale en augmentant la dose totaleou en raccourcissant la durée totale du traitement (radiothérapie accélérée). Elle donne des résultatslocaux supérieurs à l’irradiation monofractionnée classique dans certaines formes de carcinomesépidermoïdes de la sphère oto rhino laryngologique.La radiochimiothérapie , c’est à dire l’administration concomitante de radiothérapie et de chimio-thérapie, notamment par dérivés du Platine, a été développée pour des carcinomes épidermoïdesdu pharynx, des bronches, de l’œsophage et du canal anal. Les résultats sont supérieurs à ceux del’irradiation classique exclusive, localement et en terme de survie.

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La radiothérapie par mini faisceaux (irradiation en condition stéréotaxique par de multiples petitsfaisceaux convergents vers une cible de petit volume) permet le traitement de malformations arté-rio-veineuses ou de tumeurs cérébrales de dimensions limitées, mais inextirpables. Utilisée avecun cadre de stéréotaxie chirurgical en séance unique elle est habituellement appelée radiochirurgie.La radiothérapie par neutrons peut améliorer le contrôle de tumeurs mal oxygénées. Elle a un in-térêt dans le traitement de cancers de la parotide et des sarcomes des parties molles.La radiothérapie par protons permet de délivrer une dose élevée dans un volume limité tout enprotégeant les tissus sains limitrophes (grâce au pic de Bragg). Elles sont essentiellement utiliséespour traiter les mélanomes, de la choroïde, et les chordomes et chondrosarcomes de la base du crâ-ne.La radiothérapie conformationnelle et en modulation d’intensité (IMRT) représentent les derniersprogrès en matière de radiothérapie externe. Ces progrès sont liés à ceux de l’imagerie et de l’in-formatique. Dans ces deux cas on définit exactement sur une console où apparaît l’imagerie en po-sition de traitement les contours de la tumeur, les zones où une extension ganglionnaire estpossible, les organes protéger avec les doses maxima qu’ils peuvent recevoir. Le programme dedosimétrie calcule la meilleure façon de procéder en définissant les faisceaux, les collimations etles pondérations pour la radiothérapie conformationnelle. Dans la modulation d’intensité les lamesdu collimateur multilame s’interposent plus ou moins dans le faisceau pour moduler la dose selonce qui est souhaité.

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Figure 4 Exemple de radiothérapie conformationnelle pour un cancer bronchique1. Volume cible compris dans une isodose d’enveloppe entourant strictement les contours de la tumeur plus une marge de sécurité de 1,5 cm calculés automatiquement ; 2. Moelle ; 3. Poumon

gauche ; 4. Poumon droit.

5.8 Aspects cliniques pratiques

5.8.1 Les moyens pour donner la dose à l’endroit souhaité

En radiothérapie externe on dispose d’une gamme d’appareils permettant de distribuer la doseau mieux. Schématiquement on a pour 1 faisceau direct entrant dans les tissus perpendiculairementà la peau :

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Par exemple pour des électrons de 12 MeV la dose est maximum à la peau, la dose 80 % est à 4 cmde profondeur et la dose 10 % à 6 cm. Il est donc possible avec des électrons de 12 MeV de traiterune tumeur située entre 1 et 4 cm, placée devant une région à préserver située à 7 cm de profondeur.

photons

50 KV

100 KV

200 Kv

Co60(1,25MeV)

Accélérateurd linéaire de 10à 15 MeV

Electrons(3) de 6 a 25 MeV

Profondeur de la dose maximun de la dose 50 %

Peau

Peau

Peau

Peau

2 - 3 cm

Peau

5 mm

3 cm

6 cm

10 cm

15 - 20 cm

80 % à =x cm (1)10 % à =y cm (2)

(1) x =Energie en MeV

3(2) y Energie en MeV=

2(3) Ce type de rayonnement permet d’irradier une cible placée devant une région à protéger

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Figure 5 Rendements en profondeur de différents types de rayonnement1 Cobalt 60 ; 2 Photons de 10MeV ; 3 Electrons de 20MeV ; 4 Pic de Bragg pour protons de

200MeV ; 5 Pic de Bragg étalé en interposant successivement des applicateurs pour donner de l’épaisseur à la dose maximum ; 6 Zone traitée par les protons

En curiethérapie en sources scellées (c’est à dire sans contamination possible de l’organisme) ona :

• L’Iridium 192 (Ir 192) qui se présente sous forme d’un fil très fin de 3 à 5/l0ème de mm, sou-ple, résistant, permet l’utilisation d’un matériel vecteur non radioactif sous formes d’aiguilleset surtout de tubes plastiques souples. Ces caractéristiques ont permis d’étendre les indica-tions de la curiethérapie à des zones anatomiques complexes telles que la région vélo-glosso-amygdalienne. L’énergie des photons étant de 0,34 MeV une radioprotection efficace parécran est possible. La CDA (couche de demi-atténuation par le plomb) est de 0,2 cm. Un pan-neau de 2 cm de plomb suffit donc pour ramener la dose au 1/1000è et protéger l’entourage.Le seul inconvénient est la période (T) qui est de 74 jours ce qui oblige en pratique à renou-veler le stock de fils tous les 2 mois.Par comparaison le radium (Ra 226), qui a été à l’origine de la curiethérapie en sources scel-lées, a une décroissance négligeable (T = 1620 ans), se présente sous forme de poudre enfer-mée dans des tubes ou des aiguilles (aucune souplesse) et surtout ne permet aucune protectionefficace par écran mobile (photons de 1,4 MeV avec CDA de plomb de 1,2 cm d’où une épais-seur de plomb de 12 cm pour ramener la dose au 1/1000è). C’est pour cette dernière raisonque l’emploi de Radium est maintenant interdit en France pour la curiethérapie.

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• Le deuxième corps radioactif utilisé en curiethérapie en sources scellées est le Césium 137qui se présente sous forme de billes ou d’aiguilles. Presque exclusivement utilisé pour la cu-riethérapie gynécologique, il a l’avantage d’avoir une période de 30 ans et l’inconvénientd’avoir des photons de 0,66 MeV avec une CDA de plomb de 0,6 cm (radioprotection efficacepar panneaux ayant une épaisseur de 6 cm de plomb). Son emploi tend à diminuer.

5.8.2 Les unités de la radiothérapie

Le gray : Dose absorbée correspondant à 1 Joule/KgLe rad : Ancienne unité de dose absorbée dans le système CGS (centimètre, gramme, seconde)100 rads = 1 gray. Le gray est devenu l’unité de référence à l’occasion de l’abandon du systèmeCGS au profit du système MKS (mètre, kilogramme, seconde).Le röentgen : Dose d’exposition dans l’air. Etait autrefois utilisé en thérapeutique lorsque la doseétait mesurée à partir de la dose dans l’air à l’entrée des faisceaux (a l’aide d’un dosimètre placédans le faisceau). Sa valeur est proche de celle du rad.Le curie : Quantité de radioactivité correspondant à la radioactivité d’1 gramme de radium. Lessources de cobalt 60 sont mesurées en curies et les fils d’iridium 192 en millicuries par cm.Le becquerel : est devenu l’unité officielle de radioactivité. Il correspond à 1 désintégration parseconde.

5.8.3 La dosimétrie

En radiothérapie externeA l’exception des tumeurs cutanées, pratiquement toutes les tumeurs sont situées à une pro-fondeur telle que plusieurs portes d’entrée sont nécessaires pour avoir une irradiation sélec-tive de la tumeur. La répartition de la dose pour 1 faisceau d’accélérateur linéaire de10 MeV est donné figure 6.

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Figure 6 Exemple de rendement en profondeur d’un faicseau de 10 MeV

On se rend compte que pour traiter une tumeur de la région hypophysaire par exemple ilfaut utiliser 4 faisceaux orthogonaux comme le montre la figure 7 (technique des feux con-vergents).

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Figure 7 Exemple de dosimétrie avec 4 faisceaux convergents de 10 MeVLe 100 % est au centre, au point d’intersection des 4 faisceaux, au point de référence ICRU (point

de référence internationale pour l’expression de la dose).

L’addition des doses des 4 faisceaux convergents permet de définir la dose 100 % au pointde rencontre du centre des 4 faisceaux. C’est la dose à ce point qui doit être utilisée pourles comparaisons internationales (point ICRU). Pour ce cas, la dose de 55 Gy en fraction-nement et étalement classiques est donnée sur une isodose d’enveloppe entourant large-ment la tumeur : l’isodose 95 %. Les doses en dehors du volume traité sont visibles grâceau tracé des isodoses en pourcentage.La dose au point ICRU est de (55/95) × 100 = 57,89 Gy

En curiethérapie en sources scelléesla dose décroît très rapidement à courte distance des sources comme le montre la figure 8.

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Figure 8 Répartition de la dose autour d’une ligne de curiethérapieIl y a décroissance rapide de la dose selon la loi de l’inverse du carré de la distance

L’avantage est que la dose, est très faible en dehors du dispositif de curiethérapie contrai-rement à ce qui existe avec la radiothérapie externe. L’inconvénient par contre est que ladose est très inhomogène à l’intérieur du dispositif. On a en effet inévitablement des zones« chaudes » le long des lignes radioactives, sources possibles de nécrose, et des zones« froides » dans les régions les plus éloignées des lignes radioactives, sources possibles denon stérilisation tumorale ou de récidive. En pratique on utilise des lignes radioactives pa-rallèles et équidistantes et on essaie d’avoir des écartements faibles de 10 à 15 mm maxi-mum.

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Figure 9 Exemple de curiethérapie pour un cancer du sein avec 5 lignes radioactivesLa dose est exprimée en Gy/j. Le trait plein correspond à l’isodose de référence. Le trait

discontinu extérieur donne le siège de l’isodose dont la valeur est égale à 50 % de la dose minimum à l’intérieur du dispositif radioactif (première isodose continue entourant le dispositif : trait discontinu intérieur). Pour ce cas habituel la valeur de l’isodose de référence est égale à 85 %

de la dose minimum à l’intérieur. Les traits pleins à l’intérieur autour des fils radioactifs correspondent à l’isodose dont la valeur est égale au double de celle de l’isodose de référence. A ce niveau la dose est toxique. On veille donc à ce que ces « manchons d’hyperdosage » aient un

diamètre inférieur à 1 cm.

Dans l’exemple de la figure 9 correspondant à un surdosage par curiethérapie d’une tumeurdu sein non opérée le siège des principales isodoses est indiqué. On a, de dehors en dedans,le siège de l’isodose dont la valeur est égale à 50 % de celle de l’isodose de référence, l’iso-dose de référence (siège de la dose prescrite laquelle est la dose minimum en bordure duvolume traité), la première isodose circulaire entourant le dispositif (correspondant à ladose minimum à l’intérieur du dispositif qui sert, dans cet exemple, à définir l’isodose deréférence laquelle a une valeur égale à 85 % de la précédente) et enfin, entourant chaqueligne radioactive l’isodose dont la valeur est égale au double de celle de l’isodose de réfé-rence. Elle définit le « manchon d’hyperdosage » qui doit être petit pour réduire le risquede nécrose (inférieur à 1 cm).En cas de plésiocuriethérapie pour cancer de l’utérus (les sources radio actives sont au con-tact des tissus mais ne les pénètrent pas), la position des sources est imposée par l’anatomie.L’isodose de référence est choisie de telle sorte qu’une partie des paramètres soit engobéedans le volume traité et que la dose à la vessie et au rectum ne soit pas trop importante. Lafigure 10 donne un exemple de curiethérapie pour cancer du col de l’utérus.

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Figure 10 Exemple de plésiocuriethérapie pour un cancer du col de l’utérus

5.8.4 La dose clinique

La dose « biologique » et en particulier la dose « clinique » dépendent de la dose physique en graymultipliée par un certain nombre de facteurs de correction (F).Dose clinique = dose physique × F.T. × F.V. × F.Q. × F.I.

• Le facteur T ou facteur temps est en pratique le plus important. Une radiothérapie ne peutêtre définie seulement par la dose totale. Par exemple pour une même dose totale les résultatsne seront pas les mêmes selon que l’irradiation sera faite avec 5 séances hebdomadaires de2 Gy ou avec 3 séances hebdomadaires de 3,3 Gy. Par ailleurs 30 grays donnés en 10 séanceset 12 jours correspondent approximativement sur le plan clinique à 45 Gy avec 5 fois 1,8 Gyhebdomadaires. La même équivalence approximative existe pour 23 Gy en 4 séances et 17jours avec 5 Gy les jours 1 et 3, et 6,5 Gy les jours 15 et 17. Le facteur temps classique cor-respond à une dose donnée au rythme de 1,8 Gy à 2 Gy par séance 5 fois par semaine.Une dose totale ne définit donc une radiothérapie que si on indique, en même temps les para-mètres du facteur temps à savoir le fractionnement et l’étalement (nombre de séances et nom-bre de jours entre le début et la fin du traitement). Habituellement quand on ne le précise pas(ex : radiothérapie après mastectomie de 45 Gy) c’est qu’il s’agit d’un facteur temps classi-que.

• Le facteur V ou facteur volume, remarqué dès le début de l’utilisation de la radiothérapie, aune grande importance pratique. A doses égales en effet la tolérance des tissus sains diminueavec l’augmentation du volume irradié. C’est la raison pour laquelle pour toute radiothéra-pie à doses élevées (doses entières ou doses « curatives ») il est le plus souvent nécessairede réaliser une ou plusieurs réductions du volume traité.

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• Le facteur Q, ou facteur de qualité, tient compte du fait qu’à dose égale l’effet biologiquevarie selon la nature du rayonnement (on parle d’EBR = Efficacité Biologique Relative). Cecia été utile lors du passage des irradiations par 250 KV (biologiquement plus actives à doseségales de 5 à 10 %) aux irradiations par télécobalt. Actuellement ce facteur ne joue pas en pra-tique sauf pour les exceptionnelles irradiations par neutrons pour lesquelles un même effetbiologique est obtenu avec une dose 2 fois 1/2 inférieure à celle du télécobalt (qui sert de ré-férence).

• Le facteur I, ou facteur individuel, correspond au fait que certains individus réagissent moinsou plus que d’autres pour une même dose. Dans l’ensemble, pour une même dose, les autresfacteurs de correction étant identiques, les réactions sont très semblables d’un malade àl’autre. Les malades « réagissant trop » sont peu nombreux mais justifient cependant une sur-veillance attentive en cours d’irradiation pour adapter le traitement à l’importance des réac-tions.

5.8.5 Les doses utiles

La dose pour la maladie infraclinique est de 50 Gy en fractionnement classique.La maladie infra-clinique correspond à la maladie non cliniquement détectable autour de latumeur et dans la « région » en particulier dans les ganglions de drainage. Elle est souventprésente après chirurgie apparemment « complète » (c’est la maladie résiduelle infraclinique) :

• Cette dose divise par 3 ou 4 la fréquence des récidives dans le volume irradié.• Elle est bien tolérée dans un grand volume.• Elle peut être nuancée selon la gravité : 45-50 Gy pour les « bons cas » et 55, 60, voire

65 Gy, pour les « mauvais cas » (N+ avec ruptures capsulaires multiples en ORL parexemple).

• Elle peut être nuancée aussi selon la variété anatomopathologique. Pour les aires gan-glionnaires ilio lombaires d’un séminome elle est de 20 à 25 Gy, pour le canal rachi-dien d’un médulloblastome de 30 Gy, pour un lymphome malin de 30 à 35 Gy, pourun sarcome des parties molles de 55 Gy.

La dose pour la maladie macroscopiquePour les épithéliomas la dose est de 70 à 75 Gy en fractionnement classique pour lestumeurs de la tête et du cou et de 60 à 65 Gy pour les tumeurs du tronc (dose maximum,tolérée en fractionnement classique). Pour les séminomes la dose est de 30 à 35 Gy, pourles tumeurs cérébrales de 55 à 60 Gy, pour les lymphomes de 35 à 45 Gy, pour les sarcomesdes parties molles de 55 à 80 Gy.

5.9 Pour en savoir plus

F. BAILLET - Radiothérapie : principes, indications, effets secondaires. Encycl. Med. Chir. 2-

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Page 89: Cancerology

Bases de la radiothérapie

0150, 8 p, 1999.J.J. MAZERON, T. LOCOCHE, A. MAUGIS. Techniques d’irradiation des cancers. Vigot Edit.,331 pages, 1992.

2002 - 2003 Cancérologie - Service de radiothérapie - Pr. Baillet 89/298

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Bases de la radiothérapie

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Principes de la chimiothérapie anti-tumorale

Chapitre 6

Principes de la chimiothérapie anti-tumoraleAuteur : O. Rixe

6.1 Cibles biologiques

La découverte des agents anti-cancéreux a le plus souvent été fortuite. C’est le cas des premiersagents mis en évidence comme les moutardes azotées (découverte fortuite sur les travaux portantssur les gaz de combat) ou l’actinomycine D (recherche sur les antibiotiques). Ces agents ont alorsété identifiés pour leur toxicité médullaire chez l’animal, suggérant une activité anti-proliférative.A l’inverse d’autres médicaments ont fait l’objet d’une recherche plus rationnelle :

— Le 5 Fluoro-Uracile a été conçu pour « piéger » l’une des enzymes clés de la synthèse del’ADN (la thymidylate synthétase).

— Les travaux du National Cancer Institute de Bethesda ont permis de lancer des campagnes decriblages (screening) de plus de 40000 composés par an sur un système de lignées cellulairesétablies in vitro. Si la démarche sur la molécule elle-même n’est pas rationnelle (tout composépouvant être testé, qu’il soit d’origine synthétique ou naturelle), la méthodologie pour isolerun composé cyto-toxique actif est très élaborée.

— La synthèse au laboratoire d’analogues de molécules déjà identifiées, afin d’en améliorer l’in-dex thérapeutique (diminution des effets secondaires, augmentation de l’activité anti-tumora-le) est une troisième voie de recherche ciblée.

La plupart des agents anti-cancéreux inhibent des enzymes nécessaires à la synthèse de l’ADN,exerçant leur activité maximale durant la phase S. C’est le cas des anti-métabolites, mais égale-ment, mais également des anthracyclines. Les poisons du fuseau bloquent la cellule en phase M.Les agents alkylants, le cisplatine, la bléomycine, agissent durant l’ensemble des phases du cycle.Les agents cycle-dépendants sont des molécules qui interagissent de façon covalente avec l’ADN,alors que les molécules phase-dépendants interagissent avec les enzymes impliquées dans la syn-thèse de l’ADN. Ces notions sont à l’origine de rationnels pharmacologiques, l’activité de cesagents phase-dépendants étant augmentée par la durée d’administration de la molécule : l’inhibi-

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Principes de la chimiothérapie anti-tumorale

tion durable des enzymes clés est à l’origine d’une cytotoxicité accrue.L’ensemble de ces molécules ne sont pas dirigées sur une cible moléculaire spécifique de la cellulecancéreuse. Leur activité est liée à une différence de cinétique de croissance cellulaire entre les cel-lules cancéreuses et les cellules bénignes. Les cellules cancéreuses, ou du moins une importantefraction, croient rapidement et sont sensibles au poison dirigé contre ces cellules en réplication.

6.2 le modèle de Skipper

Cette théorie a été établie sur le modèle murin de la leucémie L1210.Les cellules sont en croissance logarithmique (ou exponentielle). Toutes les cellules sont en divi-sion sans cellule en phase de repos (G0), avec un temps de doublement constant. Plusieurs « lois »ont été élaborées à partir de ce modèle :

— La mort de la souris survient lorsque les cellules malignes ont atteint un nombre critique oudépassent une fraction du poids de la souris. Le temps de survie des animaux est ainsi lié aunombre de cellules tumorales injectées à la souris.

— Les cellules détruites par le médicament suivent une cinétique de premier ordre. Ainsi unedose fixe de médicament va tuer un pourcentage constant de cellules tumorales, quelle quesoit la masse tumorale initiale. Une molécule qui détruit 99 % de la tumeur va détruire cettefraction indépendamment de la taille tumorale initiale. De cette relation linéaire, la curabilitéva donc dépendre de la masse tumorale initiale, de l’activité de la drogue et du nombre d’ad-ministration du médicament.

Ce modèle présente malheureusement de nombreuses limites. Dans les tumeurs solides humaines,de nombreuses cellules sont en phase de repos (phase G0) et le temps de doublement peut varierentre des cellules au sein d’une même tumeur. La courbe de croissance cellulaire dans ces tumeurssuit non pas une croissance linéaire mais une croissance gompertzienne.Ces lois de Skipper ne s’appliquent que pour des cellules situées dans le compartiment en prolifé-ration.

6.3 Les cellules en prolifération

Le modèle de skipper suggère qu’une tumeur peut être guérie à un stade précoce par la chimiothé-rapie. Seules les tumeurs germinales et le lymphome de Burkitt s’appliquent à ce modèle. Les mi-cro-métastases de nombreuses tumeurs sont rarement composées de telles cellules en phase deprolifération.Une fraction de cellules au sein d’une tumeur est en phase de prolifération, déterminant la crois-sance de la tumeur. Une telle population est la cible de la chimiothérapie. La détermination de cettefraction proliférante peut se définir expérimentalement par la mesure de l’index de thymidine tri-tiée, ce qui n’est pas applicable à la pratique clinique courante. La mesure au microscope de l’index

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Principes de la chimiothérapie anti-tumorale

mitotique (élément pris en compte dans le grade SBR du cancer du sein par exemple) est un élé-ment déterminant pour apprécier l’efficacité d’une chimiothérapie adjuvante (dans les cancers dusein et les sarcomes notamment).

6.4 La courbe de croissance gomperzienne

Les tumeurs humaines suivent une courbe de croissance très différente de la croissance linéaire ob-servée par Skipper dans la leucémie L1210. Le volume tumoral résulte d’une population en expan-sion et d’une population en régression témoin de population quiescente et de mort cellulaire.La prolifération tumorale entraîne des défauts de vascularisation de la tumeur aboutissant notam-ment à une anoxie de la cellule ralentissant son cycle cellulaire et/ou l’entraînant dans une phasede non-prolifération (phase G0) voire dans la mort cellulaire et la nécrose.Les cellules non proliférantes deviennent ainsi temporairement résistantes à la chimiothérapie. Lescellules non proliférantes sont moins sensibles notamment en raison d’un allongement du tempspermettant la réparation des dommages survenus sur l’ADN. La courbe gomperzienne représenteune sigmoïde comportant plusieurs temps :

— Le premier temps est lent en raison du faible nombre de cellules en division.— Le deuxième temps est la phase de croissance la plus rapide permettant l’acquisition du volu-

me tumoral maximal.— Puis survient un plateau lié à l’anoxie de nombreuses cellules et à la nécrose spontanée.

6.5 La théorie de Goldie-Coldman

Dans de nombreuses situations cliniques, une résistance à la chimiothérapie va apparaître.La théorie de Goldie et Coldman repose sur le fait qu’au moment du diagnostic la plupart des tu-meurs possèdent des clones résistants.Pour un gramme de tumeur, soit 109 cellules, le taux de mutation par gène est probablement de 10-5 : 104 clones sont potentiellement résistants à une drogue donnée dans cette tumeur.La résistance à deux drogues survient alors dans moins de une cellule sur 105x105 soit 1010 cellu-les.Ceci est la base de l’intérêt d’utilisation de plusieurs drogues dans un protocole de chimiothérapie.

6.6 Mécanisme de résistance

Plusieurs types de résistance à la chimiothérapie ont été observés dans la pratique clinique :

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Principes de la chimiothérapie anti-tumorale

— La résistance intrinsèque survient d’emblée lors de l’administration des premières séances dechimiothérapie, sans phase de sensibilité initiale. De nombreuses tumeurs sont ainsi d’embléerésistantes : c’est le cas du mélanome, de nombreux sarcomes et de tumeurs cérébrales notam-ment.

— La chimio-résistance acquise : après une phase initiale de grande chimio-sensibilité, apparaîtsecondairement une progression de la maladie témoignant d’une résistance acquise. C’est lecas de nombreuses tumeurs solides comme les cancers du sein et de l’ovaire.

Les mécanismes moléculaires expliquant ces phénomènes de résistances ont été mis en évidenceces 20 dernières années. Les plus importants sont les suivants :

— La surexpression de protéines membranaires, comme la gp170, sont des pompes entraînant unflux du cytotoxique du milieu intracellulaire vers le milieu extracellulaire. La concentrationintracellulaire du médicament est donc diminuée, réduisant ainsi son efficacité. Le gène MDRcodant pour la gp170, est amplifié dans la cellule cancéreuse ayant acquis une résistance,aboutissant à la surexpression de cette protéine membranaire. Cette protéine de membrane estretrouvée sur certains tissus sains notamment sur les cellules de Kupfer jouant un rôle physio-logique dans la détoxification de l’organisme.

— Chacune des cibles des médicaments anti-cancéreux peut se modifier subissant des modifica-tions qualitatives ou quantitatives. Cette cible peut en effet muter, elle n’est alors plus recon-nue par le cytotoxique (modification qualitative). La cible peut également être produite engrande quantité dans la cellule cancéreuse (modification qualitative) en raison d’une amplifi-cation du gène codant pour cette cible. Dans le premier cas le médicament ne reconnaît plussa cible, dans le second cas la quantité de médicament est insuffisante pour entraîner une cy-totoxicité significative. Ceci est retrouvé pour les vinca-alcaloïdes et les modifications quali-tatives sur leur cible, la tubuline, qui en raison d’une mutation sur son site de liaison, n’estplus reconnue par ces médicaments. Les cibles contre lesquelles sont dirigés les anti-métabo-lites, comme la thymidylate synthétase pour le 5FU et la DHFR pour le méthotrexate peuventsubir des modifications qualitatives et/ou quantitatives.

— Les phénomènes de réparation de l’ADN peuvent être dérégulés aboutissant ainsi à la réduc-tion de la cytotoxicité par réparation accélérée des lésions crées sur l’ADN, grâce notammentà l’amplification de gènes codant pour des protéines de réparation dont le niveau est nettementamplifié.

6.7 Mécanismes d’action

L'ensemble des constituants cellulaires peuvent être la cible des cytotoxiques :

— L’ADN est la principale cible, avec la création de ponts inter ou intra-brins sur la double hé-lice.

— Les protéines du cytoplasme, notamment la tubuline, peuvent être endommagées par les cy-totoxiques, ce qui est à l’origine de perturbations de la structure de la cellule et des échangesénergétiques intracellulaires.

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Principes de la chimiothérapie anti-tumorale

— Les mitochondries, les protéines membranaires sont également des cibles des cytotoxiques.

6.8 Classifications des cytotoxiques

6.9 Principe d’association des cytotoxiques

L’association de deux ou de plusieurs produits a été construite de façon empirique ou rationnelle.Les principales règles d’association reposent sur :

— La théorie de Goldie et Coldman, permettant de réduire le nombre de clones résistants.— L’utilisation de drogues à mécanismes d’action distincts permettant de créer des lésions sur

des cibles cellulaires différentes, réduisant ainsi l’acquisition de phénomènes de résistance.— L’utilisation de drogues à mécanisme de résistance cellulaire non croisée.— Un profil de toxicité différent, permettant d’éviter des effets secondaires sévères et limitant.

FAMILLE CHEF DE FILE ANALOGUE CIBLE EFFETSSECONDAIRES

INDICATION RESISTANCE REMARQUE

Anthracyclines Adriamycine Farmorubicine ADN (intercalation)

Toposomérase II

CardiotoxicitéNeutropénieAlopécie

SeinAutres

↑ réparation ADN↑gp 170modification de la Topoisomérase II

Dose Max. < 500 mg/m2

Alkylant Cyclophosphamide Ifosfamide ADN NeutropénieToxicité vésicale

SeinPoumon

↑réparation de l’ADN

Sels de Platine Cisplatine OxaliplatineCarboplatine

ADN (Alkylation)Protéines cytoplasm.Mitochondrie

NéphrotoxicitéNeuropathie périph.AnémieNausées-Vomisse-ments

Très large

Oxaliplatine : can-cer colique

Multifactorielle Oxaliplatine et Carboplatine : non néphrotoxiques

Vinca-alcaloïdes Vincristine Vinorelbine Tubuline : inhibe la polymérisation

Neurotoxicité Poumon, Sein Mutation sur la tubu-line

Taxanes Paclitaxel Docetaxel Tubuline : inhibe la dépolymérisation

NeurotoxicitéAlopécieNeutropénie

SeinOvaire

Mutation sur la tubu-line

Inhibiteurs de Topoisomerase I

CPT-11 Topoisomérase I Diarrhées Colon Mutation sur Topo I

Inhibiteurs de Topoisomérase II

Etoposide Topoisomérase II Neutropénie PoumonTesticule

Mutation sur Topo II↑gp 170

Antimétabolites 5FU

Methotrexate

Capecitabine Inhibe la TS

Inhibe la DHFR

MuciteDiarrhées

MuciteNeutropénieNephrotoxicité

ColonSein

SeinOstéosarcome

↑ TS

Mutation et ↑ DHFR

Nitosourées BCNU CCNUFotémustine

Alkylation Thrombopénie T. CérébralesMélanome

↑ réparation

Divers Bléomycine Intercalant Toxicité Pulmo-naire

Poumon, testicule Dose Max. < 150 mg/m2

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Principes de la chimiothérapie anti-tumorale

6.10 Indication de la chimiothérapie

La chimiothérapie peut être administrée avec le traitement à but curatif d’une maladie :

— A titre néoadjuvant : la chimiothérapie est administrée avant le traitement local qu’il soit chi-rurgical et/ou radiothérapique. Le but de ce traitement est d’une part de réduire le volume tu-moral afin de favoriser un traitement conservateur, d’autre part de lutter contre les micro-métastases à distance.

— La chimiothérapie adjuvante : elle est administrée après le traitement local, en cas de risquede récidive sur un mode métastatique. Elle s’adresse donc à la maladie infra-clinique. Elle estprescrite en présence de facteurs de mauvais pronostic définis notamment sur la taille tumo-rale, le statut ganglionnaire et les critères histo-pronostiques

La chimiothérapie peut être palliative : elle est administrée devant une maladie métastatique. Sonbut est d’obtenir une rémission partielle ou complète, afin de prolonger la survie du patient et deréduire les symptômes liés à la maladie. En phase métastatique, seules les tumeurs germinales peu-vent faire l’objet d’un traitement à visée curatrice.

6.11 Dose-intensité

La théorie de Hryniuk a permis de retrouver une relation linéaire entre la dose de chimiothérapieadministrée et la réponse au traitement.En pratique, cette théorie peut être suivie :

— En augmentant la dose lors d’une, voire 2 cures de chimiothérapie. C’est le cas des intensifi-cations de dose où la dose est multipliée par 5 ou par 10 par rapport au traitement convention-nel. Ce traitement expose à une toxicité médullaire sévère et définitive, imposant unprélèvement de cellules souches hématopoïétiques et leur ré-injection au décours immédiat decette intensification. Ce concept est actuellement abandonné dans le traitement des tumeurssolides en raison de l’absence de preuve de son efficacité par rapport à une chimiothérapieconventionnelle.

— La dose-intensité peut être augmentée en rapprochant l’intervalle entre deux cycles de chimio-thérapie. Ce concept est actuellement utilisé, notamment dans le cancer du sein, en contour-nant notamment la toxicité médullaire des médicaments grâce à l’administration de facteursde croissance (G-CSF).

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Principes de la chimiothérapie anti-tumorale

6.12 Prise en charge des effets secondaires de la chimiothérapie

Les principaux effets secondaires de la chimiothérapie sont les suivants :

Nausées, vomissementsLes vomissements aigus, notamment lié au cisplatine, sont actuellement bien contrôlés grâ-ce à l’administration d’anti-HT3 (Sétron) et des corticoïdes. Les nausées/vomissements tar-difs survenant vers le troisième-quatrième jour, sont malheureusement difficile à contrôler(prescription de corticoïdes).

Toxicité hématologique

• La neutropénie survient en général vers le 8ème - 10ème jour. Elle expose à un risqueinfectieux. Elle peut être prévenue par l’administration de G-CSF, administré par voiesous cutanée pendant 5 à 10 jours au décours immédiat de la chimiothérapie. Une neu-tropénie fébrile nécessite une hospitalisation en urgence, pour la réalisation de prélè-vement infectieux (hémoculture, ECBU) et la mise en route d’une antibiothérapieintraveineuse à large spectre.Devant une neutropénie sans fièvre , un maintien à domicile est le plus souvent possi-ble, avec une surveillance médicale répétée associée à une antibiothérapie orale.

• L’anémie : elle peut être prévenue par l’administration d’érythropoïétine associée àune supplémentation en fer et en acide folinique. En cas d’anémie sévère et mal tolé-rée, une transfusion globulaire est nécessaire.

• La thrombopénie : elle entraîne un risque vital en cas de thrombopénie inférieure à20.000/mm3. Elle nécessite alors une hospitalisation pour transfusion plaquettaire. Iln’existe pas de facteur de stimulation de la lignée plaquettaire.

Toxicité muqueuseElle peut survenir sous forme de mucite et de stomatite, mais peut toucher l’ensemble dutube digestif.Elle est liée à une atteinte directe du médicament sur les muqueuses éventuellement asso-ciée à une infection fongique et/ou herpétique.Le traitement repose sur l’administration de bains de bouche associant bicarbonate, anti-septique et antifongique. Un traitement anti-herpétique et anti-fongique est souvent asso-cié.En cas de dysphagie sévère, le patient doit être hospitalisé pour une réhydratation et renu-trition parentérale.

Toxicité cardiaqueLa toxicité myocardique est liée essentiellement aux anthracyclines. Elle survient pour unedose cumulée d’environ 500 mg/m2 d’Adriamycine. Elle nécessite une surveillance répétéede la fraction d’éjection ventriculaire par échographie cardiaque ou fraction d’éjection iso-topique. Il convient de ne pas dépasser cette dose cumulée, ou d’utiliser des médicamentscardio-protecteurs en association.

Toxicité neurologiqueIl s’agit essentiellement d’une neuropathie périphérique, liée au cisplatine, aux taxanes et

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Principes de la chimiothérapie anti-tumorale

aux vinca-alcaloïdes. Il convient de pratiquer une surveillance clinique régulière éventuel-lement associée à un électromyogramme. Il n’existe pas de traitement préventif ni curatifde cette toxicité et le médicament en cause doit être arrêté.

Toxicité rénaleElle est principalement liée à l’administration du cisplatine. Il convient d’associer une hy-perhydratation lors d’administration de ce médicament, de maintenir au décours de la chi-miothérapie un bon état d’hydratation et de ne pas associer d’autres médicamentsnéphrotoxiques.

Les autres toxicités sont plus rares.

6.13 Perspectives

Les progrès apportés par la biologie ont permis d’identifier des phénomènes moléculaires assezspécifiquement observés dans les cellules cancéreuses par rapport aux tissus sains. C’est le ration-nel pour une chimiothérapie ciblée, spécifiquement dirigée contre la tumeur ou son environnement.De nombreuses molécules sont ainsi en développement ou déjà commercialisées. Les axes les plusavancés sont :

— Les inhibiteurs des récepteurs à l’EGF (Epidermal Growth Factor). Il s’agit de 4 classes derécepteurs membranaires ayant une activité de phosphorylation, induisant une cascade d’évè-nements aboutissant à des signaux nucléaires de prolifération. Deux stratégies ont été déve-loppées pour inhiber ces récepteurs : l’utilisation d’anticorps monoclonaux (c’est le cas del’Herceptine, anticorps monoclonal anti EGFR de classe II ou HER-2, ayant démontré son ac-tivité dans le cancer du sein), ou de petits peptides inhibiteurs du récepteur (comme l’IRESSAdirigé contre l’EGF-R (classe I), ayant une activité dans le cancer bronchique). Ces moléculesont démontré une activité importante au prix d’une toxicité très réduite et font l’objet de nom-breux essais thérapeutiques.

— Les inhibiteurs de Métalloprotéases (MMP). Les MMP sont impliquées dans l’une des étapesclés du phénomène métastatique, l’invasion. Ces protéines sont présentes dans le stroma péri-tumoral, permettant la digestion des tissus péri-tumoraux et la diffusion vers les vaisseaux. Denombreux inhibiteurs spécifiques ont été développés, et sont actuellement à l’étude, utilisésseuls ou en association à la chimiothérapie.

— Les inhibiteurs de l’angiogénèse. La néovascularisation péri-tumorale est également une ciblepharmacologique anticancéreuse, permettant de réduire le volume tumoral, la diffusion versla paroi des vaisseaux et l’inhibition de la prolifération des cellules endothéliales. De nom-breuses molécules sont à l’étude (anticorps ou peptides), comme la Thalidomide.

Ces thérapeutiques « intelligentes » nécessitent une validation dans leur efficacité dans les mala-dies avancées utilisées seules ou en association, mais surtout dans les formes localisées pour rédui-re les rechutes métastatiques.L’apport des nouveaux outils de la biologie moléculaire permettra d’établir une cartographie pré-cise des tumeurs, répertoriant les altérations moléculaires observées chez chacun des patients ; les

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Principes de la chimiothérapie anti-tumorale

thérapeutiques ciblées pourront ainsi être individuellement adaptées, renforçant leur activité.

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Principe de la prise en charge psychologique du patient cancéreux

Chapitre 7

Principe de la prise en charge psychologique du patient cancéreuxAuteurs : F. Baillet, A. Renard

Le patient cancéreux nécessite une prise en charge psychologique d’autant plus que le cancer estune maladie mettant en jeu, à plus ou moins long terme, le pronostic vital, qu’il s’accompagne leplus souvent de traitements pénibles et que, dans l’imaginaire collectif, son image est déplorable.Cette prise en charge doit s’effectuer tout au long de la maladie par le corps médical et l’équipesoignante. De ces constatations sont nées la psycho-oncologie qui consiste à inscrire le souci duconfort moral du patient et de la qualité relationnelle avec lui comme faisant partie intégrante duprojet de soins en cancérologie. L’objectif est de prévenir et de réduire autant que possible la souf-france psychologique du patient permettant ainsi d’améliorer sa qualité de vie, son adhérence autraitement, et ses relations familiales ou amicales. La prise en charge psychologique implique deconnaître quelques notions spécifiques au patient cancéreux.

7.1 Le cheminement du patient cancéreux

Le patient cancéreux se trouve confronté tout au long de sa maladie à plusieurs étapes traumatisan-tes. A chaque étape une prise en charge psychologique est nécessaire.

7.1.1 L’annonce du diagnostic

L’annonce d’un cancer est perçue par le patient et son entourage comme un choc traumatique. An-noncer un cancer à un patient entraîne un écroulement de l’illusion de l’immortalité. Le mot cancerest associé dans notre inconscient à la mort, la maladie, la souffrance, la mutilation, l’isolement,l’incurabilité, l’ennemi intérieur. La communication d’un diagnostic de cancer implique donc detenir compte de la souffrance psychologique qu’elle entraîne. Le malade doit percevoir qu’on est

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Principe de la prise en charge psychologique du patient cancéreux

sensible à cet aspect de la question, qu’on est, d’une certaine façon, à ses côtés pour l’aider à sur-monter l’épreuve. De la qualité de cette prise en charge dépendra la qualité de la relation médecinmalade et la compliance au traitement.

7.1.2 Les traitements

Les traitements cancérologiques sont fréquemment mal vécus en raison des effets secondaires phy-siques qu’ils impliquent et de la souffrance morale associée.L’exemple de la chirurgie du cancer du sein permet de comprendre qu’une simple mastectomie estvécue par les femmes comme une perte de la féminité, de la maternité, de la sexualité. Il faudradonc au moment de l’intervention prendre en compte la souffrance physique que cela impliquemais aussi la souffrance morale. De même la chimiothérapie est associée par les patients à l’alopé-cie, le passage à l’état de malade, aux vomissements. C’est pourquoi des effets secondaires dispro-portionnés au traitement reçu devront faire rechercher une souffrance psychologique (risque derefus de terminer le traitement, de fuite…).

7.1.3 La surveillance

Paradoxalement, après le traitement initial, alors que le malade n’a plus ni tumeur ni traitement,celui-ci peut être victime de troubles anxio-dépressifs importants. Il n’a plus en effet à lutter contreles diverses difficultés quotidiennes rencontrées pendant le traitement, il n’a plus d’équipe s’occu-pant de lui, il est seul devant un avenir inconnu et plus ou moins menaçant (surveillance nécessai-re…) et en général incompris : tout le monde doit être satisfait, soignants et malade, puisque letraitement est fini et qu’il a été efficace…Ultérieurement les consultations de surveillance sont plus ou moins traumatisantes rappelant aumalade qu’il n’est peut-être qu’en sursis (syndrome de Damoclès).

7.1.4 La rechute

L’annonce d’une rechute est une étape traumatisante pour le patient qui se trouve confronté de nou-veau à la maladie. L’anxiété et un sentiment de découragement sont fréquents avec une crise deconfiance dans la médecine, dans l’équipe soignante (surtout si elle n’a pas clairement parlé de cerisque au début), et bien sûr dans son avenir propre.

7.1.5 La phase palliative

Il s’agit probablement d’un des moments les plus difficiles de la relation médecin malade. Il existeune difficulté pour le médecin à avouer la situation d’échec, une difficulté pour le malade et/ou lafamille à l’accepter (« ce qu’un médecin n’a pas envie de dire à un malade qui n’a pas envie del’entendre »). C’est dans cette phase de la maladie que les soins dits de confort (physique et psy-

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Principe de la prise en charge psychologique du patient cancéreux

chologique) sont primordiaux. Le médecin pourra se faire aider par l’unité mobile d’accompagne-ment. Il s’agit d’équipes spécialisées prenant en charge les patients en phase palliative dontl’objectif est d’apporter un maximum de confort tant au plan physique que moral. Il peut aussi con-fier le malade à une Unité de soins palliatifs.

7.2 Les problèmes psychologiques rencontrés

La maladie cancéreuse doit être envisagée comme une crise entraînant souvent des perturbationsdu comportement ou des troubles de l’humeur (50 % de troubles anxio-dépressifs dans le cours dela maladie). Pour cette raison des psychiatres et des psychologues intégrés au sein de l’équipe decancérologie ou du réseau de cancérologie (psycho-oncologues) sont nécessaires pour seconder lescancérologues et l’équipe soignante. Leur présence est obligatoire dans les « centres de référencede cancérologie » (Circulaire Ministère Santé 3.1998) devenus « sites spécialisés et sites haute-ment spécialisés de cancérologie ». Les conséquences psychologiques dépendent de l’importancedes agressions physiques et psychiques subies par le malade et de sa personnalité avec sa proprehistoire personnelle.

7.2.1 La dépression

La dépression en cancérologie est souvent sous-estimée (1 cas sur 2 n’est ni repéré ni pris en char-ge). On estime trop facilement qu’il est « normal » qu’un patient cancéreux soit triste et plusieurssymptômes de la dépression peuvent être confondus avec ceux de la maladie cancéreuse et les ef-fets secondaires des traitements, en particulier l’asthénie, l’anorexie, l’amaigrissement, et l’insom-nie. En réalité la dépression est fréquente puisqu’elle survient au cours de l’évolution chezapproximativement 25 % des malades.Cette dépression doit être repérée par le médecin, confirmée et prise en charge par le psychiatreavec, si nécessaire, prescription médicamenteuse. Certaines phases de la maladie constituent dessituations à risque de dépression comme l’annonce du diagnostic, la fin du traitement, la rechute etla phase palliative. Il est nécessaire de connaître les signes de la dépression et d’y être attentif afinde pouvoir poser le diagnostic rapidement. Toute la difficulté réside à reconnaître les singes de ladépression et à ne pas les attribuer à la maladie cancéreuse ou à des réactions normales face au can-cer. On s’appuie en pratique sur l’importance disproportionnée des troubles psychologiques.A l’inverse il ne faut donner des antidépressifs à des malades seulement parce qu’ils sont tristes ouparce qu’ils pleurent…

7.2.2 L’anxiété

L’anxiété est elle aussi souvent méconnue en cancérologie. Pourtant il faut savoir y penser pourmieux la prendre en charge. Des troubles anxieux doivent être évoqués devant les symptômes clas-siques de l’anxiété mais aussi devant des abus de somnifères ou de tranquillisants, devant des effets

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Principe de la prise en charge psychologique du patient cancéreux

secondaires au traitement disproportionnés, devant des patients agressifs.

7.2.3 Les systèmes de défense

Le malade porteur de cancer utilise pour se protéger psychologiquement, pour rendre tolérables sasituation objective, des systèmes de défenses conscients et inconscients qu’il faut respecter le plussouvent car ils permettent au malade de « tenir », de contenir l’angoisse envahissante qui le mena-ce.

La phase de sidérationIl s’agit d’une phase où le patient est comme KO. La nouvelle qu’il entend (annonce du dia-gnostic de cancer, de rechute) entraîne un effet traumatique tel que le patient reste sansréaction alors qu’il a le sentiment que le monde s’écroule, que sa vie bascule… La sidéra-tion entraîne une période réfractaire où les explications du médecin sont peu ou non enten-dues avec un risque d’incompréhensions ultérieures (« pourtant je lui ai bien expliqué »).

Le déniIl s’agit d’un mode de défense consistant en un refus par le sujet de reconnaître la réalitéd’une perception traumatisante. Le déni est un mécanisme inconscient permettant de dimi-nuer l’angoisse de mort mais il empêche le dialogue avec l’équipe soignante.

La passivitéElle consiste à se laisser guider par le médecin sans se poser de question.

L’hyperactivitéLe patient tente de mener de front sa maladie, sa vie privée, sa vie professionnelle. Il peuts’agir le plus souvent d’une fuite en avant.

7.3 L’attention au malade

A tous les stades de la maladie le malade a besoin de sentir qu’on s’intéresse à lui en tant que per-sonne et pas seulement en tant que problème cancérologique à résoudre. Il a besoin de s’exprimerdonc d’être écouté. L’information ne doit pas être à sens unique. Ecoute et dialogue permettentd’établir un climat de confiance indispensable au traitement et à la surveillance. Les différents mé-decins et tous les membres de l’équipe soignante sont tous concernés par cette démarche où il n’ya pas de petit rôle. Ils doivent être solidaires, donnant des informations (surtout pas contradictoi-res).Il faut également tenir compte de l’entourage du malade, en particulier bien réaliser que pour safamille le cancer est aussi très grave. Celle-ci en effet est le plus souvent tenaillée par l’inquiétude,déstabilisée. Cela peut être à l’origine de réactions familiales qui paraissent inappropriées. Parailleurs le malade se fait souvent beaucoup de souci pour sa famille même s’il n’en parle pas. Il nefaut donc pas hésiter à s’intéresser à cette question d’autant que des solutions peuvent être trouvées,en particulier avec l’aide du service social. Ce type de démarche permet au malade de sentir qu’ons’intéresse vraiment à lui en tant que personne.

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Principe de la prise en charge psychologique du patient cancéreux

Les difficultés psychologiques sont donc à prévenir, à déceler et à traiter au besoin. Ecouter le ma-lade, l’inciter à s’exprimer est un bon moyen pour prévenir et déceler ces difficultés en n’oubliantpas que le malade sans problème qui ne dit rien n’est pas forcément celui qui a le moins besoind’aide psychologique.Enfin les informations données, tout en étant exactes, ne doivent pas être décourageantes (il ne fautpas décourager le malade). Il faut souligner le côté positif de la situation qui va, au mieux d’unequasi-certitude de guérison, au pire à l’affirmation que les traitements symptomatiques à notre dis-position sont très efficaces.

7.4 Conclusion

Actuellement, la prise en charge d’un malade doit être globale (la maladie mais aussi la personne).Grâce à cette vision globale du patient celui-ci peut enfin trouver un interlocuteur à qui il peut con-fier ses angoisses, son impuissance et même ses espérances. Un des rôles du médecin est d’écouteret d’être attentif à la détresse psychologique du patient.

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Principe de la prise en charge psychologique du patient cancéreux

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Localisations

Partie II

Localisations

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Localisations

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Cancer du testicule

Chapitre 8

Cancer du testiculeAuteurs : O. Rixe, A. Delcourt, J.J. Mazeron, A. Haertig

Il s’agit de tumeurs très particulières en cancérologie. Elles sont très sensibles aux traitements mé-dicaux (chimiothérapie et radiothérapie) et sont curables à un stade très avancé, même métastati-que. Tous patients et stades confondus, la probabilité de survie à 5 ans est de 80 %.

8.1 Anatomopathologie

8.1.1 rappel anatomique et histologique

La pulpe testiculaire, située normalement dans les bourses, apparaît beige, rénitente, très homogènemacroscopiquement. Elle s’entoure d’une première enveloppe, fibreuse épaisse et un peu rigide ;l’albuginée, et d’une autre enveloppe plus externe, fine et souple de type séreux (deux feuillets en-tourant une cavité virtuelle) : la vaginale.Histologiquement, on distingue les tubes séminifères, qui renferment les cellules de la lignée ger-minale et le tissu interstitiel conjonctif, très lâche, qui entoure les vaisseaux, les nerfs et les îlotsglandulaires endocrines de Leydig.Par l’intermédiaire du rete testis, les tubes séminifères sont en continuité avec les voies spermati-ques extratesticulaires : dans l’épididyme (qui coiffe le pôle supérieur du testicule), puis dans lecanal déférent le long du cordon spermatique.

8.1.2 Etiologie

La plupart des cancers testiculaires surviennent le plus souvent sans facteur de risque connu, et re-présentent, toutes variétés confondues, 2 % des cancers chez l’homme. Ce taux monte à 10 % encas de cryptorchidie, opérée ou non dans l’enfance. Rappelons que c’est chez l’adulte jeune queces cancers sont les plus fréquents, avec un pic de 25 à 29 ans, âge auquel ils arrivent au 2è rangdes cancers (après les hémopathies).On peut parfois observer des lésions de cancer in situ, sous forme de cellules atypiques volumineu-ses à noyau irrégulier et hyperchromatique occupant la bordure des tubes séminifères où elles se

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Cancer du testicule

substituent aux cellules normales. Ces lésions - capables d’évoluer vers la plupart des cancers in-vasifs dits « de la lignée germinale » - sont très caractéristiques autour de la plus fréquente d’entreelles : le séminome.

8.1.3 Etude macroscopique

Dans un testicule augmenté globalement de volume ou de volume normal, on observe en règle fa-cilement le foyer tumoral, d’aspect très différent du reste de la pulpe :

— un ou plusieurs nodules plus fermes, arrondis ou mal limités— soit compact blanc- grisâtre, soit hétérogène avec des secteurs solides et d’autres kystiques,

et avec assez souvent des plages de nécrose et d’hémorragie.

Quelques aspects macroscopiques particuliers peuvent suggérer une variété tumorale (ex : nom-breux kystes et aspect très hétérogène du tératome, ex : aspect très hémorragique du choriocarci-nome) mais jamais de l’affirmer sans étude histologique complète, surtout si on se souvient de lagrande fréquence des tumeurs multitissulaires complexes dans le testicule.

8.1.4 Extension

L’extension locale à partir de ces nodules est appréciée selon des repères précis, regroupés dans laclassification TNM en stades anatomiques : pT1 (intratesticulaire), pT2 (extension aux enveloppestesticulaires et/ou emboles néoplasiques vasculaires, pT3 (extension de la tumeur au cordon), pT4(extension au scrotum).La pièce d’orchidectomie élargie comprend normalement le testicule entier avec ses enveloppes,l’épididyme entier et un segment de cordon de longueur variable (6 à 10 cm environ). On fera unprélèvement systématique de chacun de ces organes, en particulier à la limite de résection chirur-gicale et des coupes étagées du cordon. Du foyer tumoral, quel que soit son aspect apparemmentmonomorphe ou non, de nombreux échantillons sont indispensables en raison du caractère souventmulti tissulaire de ces tumeurs (par ex : 6 minimum pour un foyer de 2 cm de diamètre).

8.1.5 Etude histologique

Elle est déterminante dans ces tumeurs pour le choix du traitement adéquat. Rappelons ici que labiopsie préopératoire d’une masse testiculaire inconnue, possiblement tumorale, de même que laponction à l’aiguille fine, sont proscrites du fait d’un risque prouvé de dissémination tumorale. Labiopsie extemporanée au cours de l’intervention d’orchidectomie est licite mais peu informative :elle ne pourra que confirmer la nature tumorale ou non du petit territoire biopsié mais ne permettrapas de préciser la variété exacte et donc le pronostic de la tumeur du patient.Avec l’O.M.S. nous distinguerons les tumeurs dites germinales, issues des cellules de la lignée ger-minale (95 % environ des tumeurs du testicule), et les rares tumeurs non germinales.

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Cancer du testicule

8.1.5.1 Les tumeurs germinales

Elles présentent différents types tissulaires de base, pouvant chacun être l’unique constituant de latumeur qui est alors dite pure ou bien unitissulaire (environ 50 % des tumeurs germinales). Ou bienplusieurs de ces types peuvent s’associer entre eux dans des proportions variables pour former unetumeur dite germinale complexe ou multitissulaire (autour de 50 % ou de 50 à 60 %).Les types histologiques de base les plus importants se répartissent comme suit par ordre defréquence :

Leurs caractères morphologiques les distinguent assez facilement les uns des autres :

— séminome : nappe uniforme de grosses cellules arrondies rappelant les gonies et stroma fibro-lymphocytaire (parfois histiocytaire).

— carcinome embryonnaire : cellules épithéliales immatures à l’architecture +/- différenciée(nappes, papilles, tubes) et stroma variable.

— tératome : mosaïque multitissulaire soit mature (voire organoïde) soit immature ou mixte.— choriocarcinome : cellules d’allure trophoblastiques (syncytio- et cytotrophoblaste) et stroma

avec lacunes sanguines.

L’immunomarquage sur coupes déparaffinées par la méthode des immunopéroxydases apportequelques données (ex : phosphatase alcaline placentaire positive dans le séminome, bêta H.C.G.très positive dans le choriocarcinome, alpha-fœtoprotéine positive dans la tumeur du sac vitellin).L’évolution spontanée n’est lente que pour le séminome. Elle est particulièrement rapide pour lechoriocarcinome pur, dont les métastases peuvent être révélatrices.Les métastases ganglionnaires sont généralement lombo-aortiques puis sus-diaphragmatiques ; lesmétastases viscérales surtout pulmonaires, puis multiviscérales.L’évolution sous traitement a transformé ce pronostic avec l’action spectaculaire de la radiothéra-pie sur le séminome, de la chimiothérapie sur les autres tumeurs germinales (primitives ou métas-tatiques).

8.1.5.2 Les tumeurs non germinales

Elles sont variées, beaucoup plus rares. Citons, sans être exhaustifs :

Tumeurs germinales pures(unitissulaires)

Tumeurs germinales complexes(multitissulaires)

Séminome Carcinome embryonnaire + tératome

Carcinome embryonnaire Séminome + toute autre tumeur germinale

Tératome Choriocarcinome + toute autre tumeur germinale

Choriocarcinome, Tumeur du sac vitellin, Polyembryome

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Cancer du testicule

— la tumeur à cellules de Leydig, plus souvent bénigne (90 %) que maligne,— parmi les tumeurs des annexes testiculaires : le mésothéliome de la vaginale, de pronostic ré-

servé,— les tumeurs secondaires, non exceptionnelles, mais survenant souvent chez les sujets âgés :

localisations testiculaires de lymphomes malins ou d’hémopathies, métastases de carcinomessurtout régionaux (prostate, vessie), plus rarement lointains (mélanome, poumon)

8.1.6 Quelques pièges sont à signaler

Certains sont propres aux tumeurs testiculaires, notamment la notion de « famille de tumeurs »dans les tumeurs germinales (ex : 10 % de leurs métastases peuvent avoir un type histologique ap-partenant à ce groupe, mais différent de celui de la tumeur germinale primitive).D’autres sont liés au vocabulaire employé pour nommer ces tumeurs (ex : le séminome ou le téra-tome dans l’ovaire, désignés du même nom, représentent des tumeurs à potentiel évolutif diffé-rent). Rappelons ici que le tératome morphologiquement mature est toujours à potentialité malignechez l’homme ; il est bénin chez la femme.Enfin de rares tumeurs germinales de siège extra-gonadique existent (par ex. dans le médiastin).

8.1.7 Pour la pratique on retiendra

— Biopsie préopératoire d’une masse testiculaire supposée tumorale proscrite : nécessité d’uneorchidectomie élargie d’emblée.

— Age de survenue des tumeurs primitives caractéristique : l’adulte jeune.— Macroscopie : soit peu caractéristique soit insuffisante pour affirmer un type histologique

précis— Histologie fréquence prépondérante des tumeurs primitives germinales, soit pures (un seul

type histologique) soit complexes (deux ou plusieurs types associés) d’où la nécessité de nom-breux prélèvements sur une même tumeur + prélèvements systématiques des tissus apparem-ment sains pour déterminer l’extension locale du cancer.

— Bonne réponse au traitement, radiothérapie (séminome pur) ou chimiothérapie (autres tu-meurs germinales) même au stade de métastases.

8.2 Epidémiologie

• 1 à 2 % des cancers de l’homme• 75 % sont diagnostiqués entre 20 et 40 ans• Les facteurs étiologiques restent peu connus :

— La cryptorchidie est le principal facteur de risque (risque relatif vers 5). L’influence del’orchidopxie et de sa date optimale de réalisation restent controversées.

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Page 113: Cancerology

Cancer du testicule

— Les formes familiales sont rares— Les formes bilatérales restent exceptionnelles (2 %). Il existe cependant un risque relatif

de cancer métachrone de 28 % par rapport à une population du même âge sans antécé-dent.

8.3 Diagnostic

• Circonstances de découverte :

— Consultation pour augmentation du volume testiculaire— Examen clinique systématique— Devant une maladie déjà métastatique :

• Lâcher de ballons sur une radiographie de thorax• Douleurs abdominales liées aux adénopathies rétropéritonéales• Adénopathie sus-claviculaire.

— Gynécomastie

• Examen clinique :

— induration localisée (pas de signe d’uréthrite), non douloureuse, ou— dans les formes avancées, une grosse bourse déformée ne permettant pas de retrouver les

repères anatomiques habituels — l’échographie permet de confirmer rapidement le diagnostic clinique

• Diagnostic différentiel :

— hydrocèle, épididymite : intérêt de l’échographie— torsion du cordon : douleur +++— exceptionnellement, la tuberculose épididymo-testiculaire.

En pratique il existe deux groupes :

— Les tumeurs séminomateuses : 40 %— Les tumeurs germinales non séminomateuses : 60 %

Le séminome pur :

— âge habituellement plus tardif— l’immunohistochimie est négative avec les anticorps marquant l’α-FP et la β-HCG.

Toute lésion non douloureuse du testicule doit être considérée comme un cancer et doit nécessité une exploration chirurgicale.

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Cancer du testicule

Les tumeurs non séminomateuses (= TGNS) :

— les carcinomes embryonnaires : constitués de cellules épithéliales représentent des embau-ches embryonnaires, associés à de nombreuses atypies cytonucléaires ; c’est une forme histo-logique de mauvais pronostic

— le choriocarcinome : il existe deux composantes (synciciotrophophoblaste et cytotrophoblas-te), associées à des remaniements nécrotiques et hémorragiques

— le tératome : tumeur souvent kystique on distingue :

— le tératome immature— le tératome mature, tumeur « bénigne » n’ayant qu’un risque d’évolution loco régionale

(compression des structures avoisinantes).

Plusieurs types histologiques peuvent s’associer.L’étude immunohistochimique (anticorps anti αFP et β-HCG) doit obligatoirement être réalisée.En cas d’association avec un séminome, c’est la lignée non séminomateuse qui fait le pronostic etguide la thérapeutique +++.

8.4 Bilan pré-thérapeutique

Avant tout geste chirurgicalDosage des marqueurs :

— α-FP, souvent associées au carcinome embryonnaire mais non spécifique (élévationen cas d’hépatite, cirrhose, hépatocarcinome…)

— β-HCG, souvent associée au choriocarcinome— LDH+++, liée à la masse tumorale mais non spécifique, c’est un facteur pronostique

très important (voir tableau de classification)

Bilan pré-opératoire usuel,Radiographie du thoraxAuto-conservation de sperme (si réalisable rapidement). La spermatogenèse est très altéréechez ces patients (jusqu’à 10 % d’azoospermie)

Après orchidectomieDosage des trois marqueurs , hebdomadaire +++Imagerie :TDM thoracique et abdominaleTDM cérébrale en cas d’anomalie à l’examen clinique

Avant chimiothérapieBilan biologique, notamment pour évaluer la fonction rénaleEFR en cas d’administration de BléomycineAuto-conservation de sperme si non réalisée avant l’orchidectomie

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Cancer du testicule

8.5 Voies de dissémination métastatique

Par voie lymphatique et hématogène :

• Lymphatique : le premier relais atteint en fréquence est latéro-aortique, au niveau des veinesrénales +++ puis iliaque primitif et iliaque externe. Elle peut également être à l’origine de mé-tastases médiastinales et sus-claviculaires (à gauche par l’intermédiaire du canal thoracique)

• Hématogène : par la veine spermatique puis la veine cave inférieure, elle est responsable es-sentiellement des localisations pulmonaires +++ (plus rarement cérébrales, hépatiques, voireosseuses).

8.6 Classification par stades

8.7 Classification pronostique

La classification internationale est la seule actuellement retenue.Elle est basée sur :La concentration initiale des marqueursLa présence de métastases viscérales extra-pulmonairesLe site initial tumoral (médiastinal ou non).

Stade I Tumeur localisée au testicule (imagerie et marqueurs normaux ou normalisés)

Stade II

2a2b2c

Métastase ganglionnaire lombo-aortique exclusive

Adénopathie de moins de 2 cmAdénopathie comprise entre 2 et 5 cmAdénopathie de plus de 5 cm

Stade III Extension supra-diaphragmatique et viscérale

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Cancer du testicule

8.8 Traitement

• Orchidectomie : c’est le premier temps thérapeutique.Orchidectomie élargie par voie inguinale après clampage premier du cordon (voie transcrotaleinterdite)

Pronostic favorableTumeur non séminomateuse

Tumeur testiculaire ou rétropéritonéale etAbsence de métastases viscérales non pulmonaires etα-FP < 1000ng/ml, -HCG < 5000 UI/l, LDH < 1.5 N

SéminomeTous sites initiaux et

Pas de métastases viscérales non pulmonaires etMarqueurs normaux.

Pronostic intermédiaireTumeur non séminomateuse

Tumeur testiculaire ou rétropéritonéale etAbsence de métastases viscérales non pulmonaires

Et α-FP ≥1000 < 100 000 ng/ml,Ou β-HCG ≥ 5000 < 50 000 UI/l,

ou LDH ≥ 1.5 < 10 N

SéminomeTous sites initiaux et

Pas de métastases viscérales non pulmonaires etMarqueurs normaux

Pronostic défavorableTumeur non séminomateuse

Tumeur médiastinale ouMétastases viscérales autres que pulmonaires

et α-FP > 100 000 ng/ml,ou β-HCG > 50 000 UI/l,

ou LDH > 10 N

SéminomePas de patient dans cette catégorie

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Cancer du testicule

8.8.1 Séminomes purs

— Stade I : irradiation exclusive des aires lombo-aortiques et iliaques primitives homolatéralesde 20 à 25 Gy.

— Stade II de faible volume (stade IIa) : irradiation du même volume que précédemment, à ladose de 35 Gy

— Autres stades : Chimiothérapie, 4 cures de protocole EP

Les masses résiduelles après chimiothérapie sont opérées si > 3 cm (alternative : surveillance ra-diologique étroite suivie d’une chirurgie différée si lésions persistantes > 3 cm).

8.8.2 Tumeurs non séminomateuses

Stade ITumeurs limitées aux testicules avec normalisation des marqueurs dans un délai d’environun mois.Trois attitudes peuvent être proposées :

— curage ganglionnaire lombo-aortique (risque de 10 % d’éjaculation rétrograde, peuutilisé en Europe)

— 2 cures de chimiothérapie (protocole BEP)— surveillance : marqueurs et radiographie de thorax tous les mois, TDM abdominale

tous les 2 mois pendant un an.

La décision est prise selon :

— l’observance du patient— le taux de carcinome embryonnaire et l’existence d’embols vasculaires sur la pièce

d’orchidectomie +++

Stades II et IIIChimiothérapie après orchidectomie.La classification pronostique permet de définir le nombre de cures :

— pronostic favorable ou intermédiaire : 3 cures de BEP (ou 4 EP)— pronostic défavorable : 4 cures de BEP

Protocole Dose Jour

BEP Bléomycine 30 mg/m2 J2, J9, J16

Etoposide 100 mg/m2 J1 à J5

Cisplatine 20 mg/m2 J1 à J5

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Cancer du testicule

S’assurer de la normalisation des marqueurs sous chimiothérapieMasses résiduelles : l’exérèse chirurgicale est obligatoire +++ :

— en cas de nécrose et de persistance de tératome mature : fin de traitement et début de la sur-veillance

— en cas de lésions cancéreuses persistantes : poursuite de la chimiothérapie.

8.9 Surveillance

Elle comprend l’examen clinique, le dosage des marqueurs, des radio de thorax et un TDM abdo-mino-pelvien.Tous les 3 mois pendant 2 ans puis tous les 6 mois jusqu’à 5 ans puis tous les ans.

8.10 Séquelles du traitement

Elles ont nettement diminué grâce aux meilleures indications de la chimiothérapie, la réduction dunombre de cures, l’amélioration des techniques de radiothérapie (et la diminution des doses).

• Complications précoces :

— elles sont essentiellement liées à la chimiothérapie : nausées, vomissements, réactionshématologique, néphrotoxicité du cisplatine.

• Complications tardives :

— atteinte pulmonaire liée à la bléomycine (atteinte interstitielle, surveillance de la DL-CO+++)

— neuropathie périphérique liée au cisplatine— seconds cancers : essentiellement gastrique et lié à l’irradiation— leucémies induites par le VP16— troubles de la fertilité induits par la chimiothérapie— éjaculation rétrograde liée au curage lombo-aortique— retentissement psychologique des traitements chez les sujets jeunes.

EP Etoposide 100 mg/m2 J1 à J5

Cisplatine 20 mg/m2 J1 à J5

Protocole Dose Jour

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Cancer du testicule

8.11 A retenir

• Cancer de pronostic très favorable• Séminomes/ tumeurs germinales non séminomateuses• 3 marqueurs pour les TGNS +++• Radiothérapie pour les séminomes : doses et volumes à connaître• Alternatives thérapeutiques des TGNS de stade I• Protocole BEP des stades II et III (TGNS)• Chirurgie des masses résiduelles (TGNS• Complications tardives des traitements.

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Cancer du testicule

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Cancers du col utérin

Chapitre 9

Cancers du col utérinAuteurs : G. Noël, C. Genestie, A. Votadoro

9.1 Anatomie

L’utérus a la forme d’une poire dont l’extrémité renflée, aplatie de haut en bas, est dirigée vers lehaut, alors que l’extrémité rétrécie regarde vers le bas et présente une concavité antérieure. La par-tie supérieure ou corps de l’utérus possède une face antérieure et une face postérieure. Le Fundus,bombé dépasse l’abouchement des trompes. Le col utérin représente la partie effilée de la poire.Dans l’utérus non gravide celui-ci occupe à peu près le 1/3 inférieur de l’utérus. De forme cyclique,il est dirigé vers le bas et vers l’arrière et pénètre le 1/3 supérieur du vagin, c’est la partie vaginaledu col. La partie supra-vaginale du col est entourée de tissus sous péritonéal auquel il est attaché.Le col présente une lèvre antérieure et une lèvre postérieure. Autour du col se présentent les culsde sac vaginaux. L’isthme est la zone de transition entre le col et le corps utérin.L’utérus est un organe centro-pelvien situé en arrière de la vessie, en avant du rectum et au-dessousde l’intestin grêle et au-dessus du vagin.L’utérus est amarré à la paroi pelvienne par trois paires de ligaments : les larges, latéralement, lesligaments ronds en avant et les ligaments utéro-sacrés en arrière.Anatomo-pathologiquement, l’exocol est recouvert d’une muqueuse malpighienne, l’endocold’une muqueuse glandulaire. La frontière est appelée la zone de jonction.

9.2 Epidémiologie

Il s’agit du deuxième cancer dans le monde. Dans les pays en voie de développement, il représente80 % des cas de cancer. C’est aussi le cancer le plus fréquemment cause de décès.Région à haute incidence : Amérique Latine, Afrique sub-Saharienne, Asie du sud-est.Région à faible incidence : Europe de l’Ouest, Amérique du Nord, Chine.Les populations rurales de ces régions ont une incidence plus importante.Dans les pays de moindre incidence, la mortalité a diminué ces 40 dernières années du fait du dé-pistage associé à une diminution des facteurs de risque. Cependant la fréquence des cancers in situ

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Cancers du col utérin

est en augmentation.L’âge moyen au diagnostic est de 51 ans, le pic de fréquence est situé entre 48 et 55 ans.Une augmentation de l’incidence des adénocarcinomes du col utérin et des cancers du col utérinlié au papillomavirus (chez les femmes de moins de 50 ans) a été remarquée.Il existe des différences raciales aux Etats Unis : incidence : blancs 7,6/100 000 femmes/an, noirs :12/100 000 femmes/an, mortalité : blanc : 2,2/100 000 femmes/an, noir : 5,7/100 000 femmes/an.

9.3 Facteurs de risque de cancer du col

Bas niveau socio-économiquePrécocité des rapports sexuels (< 18 ans) du fait de l’immaturité de la zone de jonctionNombreux partenaires (de la femme ou du conjoint)Grossesses précoces et nombreusesProstitutionInfections viralesHPV de type 2papillomavirus (16, 18, 31, 33, 35, 39)

HPV et cancer du col utérinDans une recherche systématique de l’ADN des HPV par PCR dans un groupe de 146 pa-tientes suivies par Nagakawa (1996), les différences suivantes ont été mises en évidence :

— sur 146 patientes présentant un cancer du col18 % HPV 1638 % HPV 1832 % HPV autres11 % pas de HPV

— âge moyen d’apparition du cancer du colHPV 16 55 ansHPV18 46 ansHPV autres 63 anspas d’HPV 58 ans

— adénocarcinome en fonction de l’HPVHPV 16 13 %HPV autres 9 %HPV 18 52 %pas de HPV 29 %

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Cancers du col utérin

9.4 Anatomopathologie

9.4.1 Rappel histologique

Figure 11 Structure du col de l’utérus

Le col utérin comporte deux parties : l’exocol et l’endocol (figure 11).

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La zone de passage entre ces deux parties se nomme la zone de jonction.

ExocolC’est la portion du col visible à la partie haute du vagin.Il est revêtu d’un épithélium malphighien (épithélium pavimenteux stratifié) non kératinisé.Cet épithélium est identique et en continuité avec l’épithélium de revêtement du vagin.L’exocol comporte à sa partie centrale l’orifice externe.

Endocol ou canal endocervicalIl relie l’orifice externe à l’isthme utérin.Il est revêtu d’un épithélium glandulaire simple mucrosécrétant. Cet épithélium s’invaginedans le chorion sous jacent réalisant les glandes endocervicales.

Zone de jonctionC’est la zone de transition entre l’épithélium malpighien exocervical et l’épithélium glan-dulaire endocervical. Cette transition se fait de manière abrupte. Elle se situe à l’orifice ex-terne.Durant la période d’activité génitale, sous l’influence de facteurs hormonaux, il y a une ten-dance physiologique à l’éversion de l’épithélium glandulaire. Cette zone éversée va subirune métaplasie malpighienne, c’est à dire un remplacement de l’épithélium glandulaire parun épithélium malpighien d’architecture normale.

Figure 12 la zone de jonction1 zone de jonction « normale », située à l’orifice externe ; 2 éversion de l’épithélium glandulaire endocervical réalisant un ectropion ; 3 Métaplasie malpighienne de la zone éversée remplacement

de l’apithélium glandulaire par un épithélium malpighien

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Cancers du col utérin

9.4.2 Les prélèvements étudiés au laboratoire d’anatomie pathologique

9.4.2.1 Examen cytologique

Frottis cervicovaginalLe frottis est un examen cytologique, c’est à dire qu’il permet d’analyser des cellules, sans organi-sation architecturale tissulaire.Le frottis a pour but de recueillir des cellules au niveau du cul de sac vaginal postérieur, de l’exocolet de l’endocol.

1. Réalisation des frottisIl est réalisé à l’aide d’une spatule ou d’une petite brosse. En général 2 prélèvements sontréalisés : exocol, endocol.Le prélèvement est ensuite étalé sur une lame. La lame est fixée, la fixation ayant pour but depréserver l’état morphologique des cellules. La lame fixée est ensuite colorée, la colorationutilisée est la coloration de Papanicolaou. Puis la lame est examinée au microscope. Il est im-portant de réaliser le frottis sur la zone de jonction.Si elle n’est pas visible, il faut utiliser une brossette pour aller dans l’endocol.

2. RésultatsL’examen cytologique permet d’apprécier :

— Les cellules épithéliales.On précise la nature des cellules épithéliales (cellules malpighiennes, cellules glandulai-res).On recherche des cellules épithéliales dystrophiques, des cellules modifiées par une in-fection virale (HPV, Herpes), des cellules dysplasiques ou des cellules tumorales.

— La présence de cellules inflammatoires et leur nature (polynucléaires neutrophiles, lym-phocytes, macrophages…)

— La présence d’agents pathogènes (mycoses, trichomonas…)— La flore bactérienne (flore de Doderlein).

Le frottis cervicovaginal est un examen fondamental dans le dépistage du cancer du col utérin.La découverte de cellules suspectes, dysplasiques, ou de cellules tumorales doit être confir-mée par l’examen histologique d’un prélèvement biopsique.

9.4.2.2 Prélèvements pour examen histologique

1. BiopsieElle est réalisée lorsque le frottis a montré des anomalies cytologiquesElle se fait sous contrôle de la vue ou sous colposcopie, à l’aide d’une pince qui ramènent despetits fragments.Ces fragments sont fixés dans le formol et techniqués selon les techniques classiques de rou-tine en anatomie pathologique (inclusion en paraffine, coupe à 4 microns, coloration HAS).

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2. ConisationIl s’agit d’une exérèse chirurgicale réalisée au niveau du col, dans le cadre des lésions viraleset dysplasiques. Cette pièce de résection intéresse l’exocol et l’endocol. Elle a une forme co-nique, à sommet endocervical et à base exocervicale, d’où le nom de conisation.Après fixation, cette pièce est incluse en totalité au laboratoire.A l’examen histologique, on précisera :

— la présence ou non d’une infection virale de type HPV (voir infra)— la présence ou non d’une dysplasie et son type (voir infra)— la qualité de l’exérèse (complète ou non)

3. Colpohystérectomie élargie avec annexectomie bilatérale et lymphadénectomieElle est réalisée dans les cancers invasifs du col.La pièce comporte :

— une collerette vaginale— le col et l’utérus avec du paramètre— les deux annexes (trompes et ovaires)— des curages ganglionnaires iliaques

Au laboratoire, après fixation de nombreux prélèvements sont réalisés selon un protocole précis.A l’examen histologique il est important de préciser l’extension de la tumeur en particulier aux pa-ramètres, et la présence ou non de métastases ganglionnaires.

9.4.3 Lésions précancéreuses du col utérin

Le cancer invasif du col utérin est précédé par une série de modification intra-épithéliale qui cons-tituent les lésions précancéreuses.Les lésions précancéreuses intra-épithéliales sont appelées lésions intra-épithéliales de bas ou hautgrade, dysplasie ou CIN. Elles débutent le plus souvent à la jonction et s’étendent le long du canalendocervical et de l’exocol.L’HPV ou le papillomavirus est un virus à ADN, dont plus de 70 types sont identifiés. Certainstypes HPV donnent uniquement des lésions bénignes (condylome). D’autres types HPV favorisentle développement des lésions précancéreuses. Ils sont dits oncogènes et correspondent principale-ment aux HPV16 et 18.Classification histologique des dysplasies (classification de Ralph Richart).Les lésions dysplasiques se caractérisent par une désorganisation de l’architecture de l’épithéliummalpighien avec perte de la maturation et de la stratification habituelle, des atypies cytonucléaireset des mitoses. La membrane basale de l’épithélium est toujours respectée. Absence d’infiltrationdu chorion sous-jacent.La classification histologique en trois grades (CIN1, CIN2, CIN3) est fonction de la hauteur del’épithélium impliquée par les anomalies décrites ci-dessus (CIN = Cervical Intra epithelial-Neo-plasia).

— CIN1 ou dysplasie légère : modifications ne dépassant pas le 1/3 inférieur de l’épithélium.— CIN2 ou dysplasie modérée : modifications ne dépassant pas le 1/3 moyen de l’épithélium.

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— CIN3 ou dysplasie sévère : modifications atteignant toute la hauteur de l’épithélium.

9.4.4 Carcinome épidermoïde invasif du col utérin

Le carcinome épidermoïde du col utérin est le cancer le plus fréquent. Il se développe à partir del’épithélium de surface, envahit le chorion cervical, après avoir franchi la membrane basale.On distingue :

Carcinome épidermoïde micro-invasifOn parle du carcinome épidermoïde micro-invasif, lorsque l'invasion du chorion par la pro-lifération tumorale maligne ne dépasse pas 5 mm en profondeur et 7 mm en largeur, sur leprélèvement histologique.

Carcinome épidermoïde invasifL’invasion du chorion s’étend au delà de 5 mm en profondeur.La tumeur est cliniquement une tumeur végétante ou ulcérée, infiltrée. L’extension est lo-cale, locorégionale (métastases ganglionnaires iliaques) et générale (métastases pulmonai-res, hépatiques, osseuses...).A l’examen histologique, il s’agit d’un carcinome épidermoïde, « qui tend à reproduire defaçon plus ou moins parfaite la structure de l’épithélium malpighien ». Selon le degré dematuration et de différentiation, on distingue à l’examen histologique des formes bien,moyennement ou peu différenciées, kératinisant ou non.Facteurs pronostiques du carcinome épidermoïde invasif du col :

— Grade histologique (bien, moyennement ou peu différencié, kératinisant ou non)— Taille de la tumeur— Taille de l’infiltration en profondeur de la paroi cervicale— Présence d’embols carcinomateux— Qualité de l’exérèse chirurgicale— Ganglions métastatiques— Stade +++++

NB : Le rôle de la présence ou de l’absence de l’HPV dans le devenir des patientes est ac-tuellement très discuté dans la littérature. Il n’existe pas actuellement de consensus.

Mots clés :

— Lésions précancéreuses : CIN 1, 2, 3— Rôle de l’HPV 16 et 18 dans les lésions précancéreuses (virus dit oncogène)— Carcinome épidermoïde micro-invasif : infiltration en profondeur <5mm et en largeur <7mm— Carcinome épidermoïde infiltrant : plus fréquent, facteurs pronostiques : stade (++++) ; infil-

tration en profondeur de la paroi cervicale, différentiation, embols carcinomateux, qualité del’exérèse chirurgicale, ganglions métastatiques.

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9.4.4.1 Dépistage

Le cancer du col est dépistable. Le dépistage permet un gain de survie. Il met en évidence des sta-des précancéreux (dysplasies) et des cancers à des stades précoces.RMO thème 1993-XIII (controversé) :

— 1er frottis dès les premiers rapports sexuels— 2ème frottis à un an d’intervalle— si normal ----> tous les 3 ans— si anormal ---> à nouveau 1 par an— 1 par an de 35 à 60 ans si femmes à risque— arrêt du dépistage à 55 ans— un frottis ininterprétable doit être refait

9.4.4.2 Technique de dépistage

2ème partie de cyclefaire les prélèvements avant le TV enlever l’excès de mucus,2 prélèvements : col, jonction exo-endocolétaler en une fois sans écraser ni touiller le prélèvement, fixer immédiatement

9.4.4.3 Classification de Papanicolaou

Classe I : toutes les cellules observées sont normales dans les limites de la préparation.Classe II : présence de cellules anormales mais non suspectes d’appartenir à un cancer du col. Pré-sence de cellules dystrophiques secondaires à une carence hormonale, infections diverses avec ousans mise en évidence de germes pathogènes.Classe III : classiquement, c’est l’incertitude avant de parler de cellules malignes. Frottis à refaire.Classe IV : présence de cellules « atypiques » « suspectes de malignité ».Les frottis suspects font rechercher un cancer invasif ou une dysplasie (CIN cf avant). Ces dyspla-sies apparaissent entre 20 et 30 ans.Leur fréquence augmente en fonction des facteurs de risque. Elles risquent d’évoluer spontanémentvers un cancer invasif.

9.4.4.4 Evolution des CIN

% de lésions régressant

% de lésions persistant

% de lésion évo-luant vers un carci-

nome in situ

% de lésions évo-luant vers un carci-

nome invasif

CIN 1 57 32 11

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Tout CIN doit conduire à une colposcopie pour contrôler la zone de la lésion et la biopsier.

9.4.4.5 Traitements des CIN

la première étape consiste dans le choix entre abstention et traitement.la deuxième étape : choix entre exérèse et destruction de la lésionla troisième étape : choix de la méthode de destruction ou d’exérèse.Si la zone de jonction pavimentocylindrique n’est pas visible ou s’il existe une dissociation cyto-colpohistologique, le risque de sous évaluer la lésion doit entraîner l’exérèse de la lésion (par co-nisation chirurgicale ou à l’anse diathermique).CIN 1 : abstention le plus souvent, environ 50 % de disparition spontanée (surveillance à 6 mois,si persistance : destruction) ou destruction par vaporisation au laser CO2 d’embléeCIN 2 ou 3 : risque d’aggravation dans 45 % des cas. Exérèse soit par conisation à l’anse soit co-nisation par chirurgie diathermique. Ne pas utiliser la vaporisation car pas d’anapath !!!

9.4.4.6 Histoire naturelle du cancer du col de l’utérus

La plupart des cancers naissent au niveau de la zone de jonction. Les cancers du col utérin progres-sent vers le bas (col et vagin) vers le haut (endocol et corps utérin) et latéralement vers les paramè-tres.La propagation se fait aussi par voie sanguine et lymphatique. L’atteinte des organes de voisinage(vessie et rectum) se fait plus tardivement.Dès le stade invasif, le cancer du col peut présenter une extension vers les aires ganglionnaire, ellese fait de façon descendante et ascendante à partir des ganglions iliaques externes, obturateurs puishypogatriques et la chaîne iliaque primitive et lombo-aortique. Le risque d’atteinte ganglionnaireest d’autant plus importante que le stade de la maladie est élevé.

9.4.4.7 Circonstances de diagnostic

Les lésions non invasives sont elles-mêmes asymptomatiques. Il s’agit d’une découverte des frottisde dépistage.Les lésions invasives elles peuvent être également découvertes par des frottis et des biopsies de lé-sions dysplasiques suspectes. Le symptôme révélateur habituel est la métrorragie provoquée. Ra-rement la tumeur est révélée par un syndrome algique.Les lésions tumorales ont macroscopiquement un aspect bourgeonnant, ulcéré, infiltré et induré.Il est nécessaire de faire un examen sous anesthésie générale. Une mesure de la lésion doit être fai-te, et il faut effectuer des biopsies à la pince déposées immédiatement dans du liquide de Bouin.Les biopsies peuvent être guidées par la colposcopie (épreuve à l’acide acétique et test de Schiller

CIN 2 43 35 22

CIN3 32 56 30

Tout CIN 1.7

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au Lugol). Le test de Shiller décèle une plage blanchâtre, à contours nets, non centré par le col ausein de la coloration brun acajou normaleOn effectue ensuite :

— TV : analyse des culs de sac et du vagin— TR : recherche d’une infiltration des paramètres +++ et éventuellement du rectum.— cystoscopie : observation de la vessie à la recherche d’un envahissement— une rectoscopie peut être effectuée en cas de crainte d’un envahissement du rectum (envahis-

sement très rare).

9.4.4.8 Examens complémentaires

Bilan biologique de base (fonctions hématologiques, hépatique, et rénale)UIV : indispensable pour rechercher une dilatation des voies urinaires hautes.Scanner : peu intéressant pour l’étude des paramètres, intérêt pour les ganglions, la recherche demétastases hépatiques et pulmonaires.IRM : étudie relativement bien la zone tumorale et permet une bonne mesure de la taille tumorale.Autres : radio pulmonaire, échographie hépatique...

9.4.4.9 Modalités d’extension du cancer du col utérin

Extension par contiguïtéhaut : utérusbas : vaginavant : vessiearrière : rectum (rarement)latéral : paramètre

Extension lymphatiqueIliaque externe, obturateur, hypogastrique, iliaque primitif, lombo-aortique, ganglions de laconcavité sacrée.Envahissement lié à la taille de la T

— 5 % si T >1 cm— 15 % si T entre 1 et 3 cm— 30 % si la T entre 3 et 5 cm— 50 % si la T > 5 cm.

Envahissement ganglionnaire en fonction du stade :

Stade envahissement ganglionnaire iliaque

envahissement ganglionnaire lombo-aortique

Stade I 15 % 6 %

Stade II a 30 % 14 %

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Cancers du col utérin

Extension métastatiqueprincipalement vers le foie et les poumons

Classification (FIGO 1994)C’est la classification la plus répandue

Stade 0in situ

Stade Ilocalisé au col

• IA : micro-invasifIA1 : envahissement minime du stroma > 3 mm de profondeur et < 7 mm desurfaceIA2 : envahissement >= 3 mm en profondeur mais < à 5 mm, < 7 mm en sur-face

• IB : lésion dépassant IA2IB1 : lésion < 4 cmIB2 : lésion > 4 cm

Stade IIextension au delà du col sans atteindre les parois pelviennes, sans extension au 1/3inférieur du vaginII A : pas d’atteinte des paramètresII B : atteinte des paramètres

Stade IIIextension à la paroi pelvienne et/ou au 1/3 inférieur du vagin ou responsable d’unehydronéprose ou d’un rein muetIII A : extension au 1/3 inférieur du vaginIII B : extension à la paroi pelvienne ou rein muet

Stade IVIV A : envahissant la vessie et/ou le rectum et/ou au delà du petit bassinIV B : métastases à distance

Classification TNMT1 : tumeur limitée au col

T1Apréclinique, diagnostic microscopiqueT1A1 : envahissement minime du stroma < 3 mm de profondeur et < 7 mm de sur-faceT1A2 : envahissement >= 3 mm en profondeur mais < à 5 mm, < 7 mm en surface

T1Blésion dépassant T1A21B1 : lésion < 4 cm

Stade II b 22 %

Stade III 60 %

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Cancers du col utérin

IB2 : lésion > 4 cm

T2 : extension au delà du col sans atteindre les parois pelviennes, sans extension au 1/3 in-férieur du vagin

T2Apas d’atteinte des paramètres

T2Batteinte des paramètres

T3 : extension à la paroi pelvienne et/ou au 1/3 inférieur du vagin ou responsable d’une hy-dronéprose ou d’un rein muet

T3Aextension au 1/3 inférieur du vagin

T3Bextension à la paroi pelvienne ou rein muet

T4 : envahissant la vessie et/ou le rectum et/ou au delà du petit bassinN0 : pas de ganglionsN1 : métastase(s) ganglionnaire(s)M0 : pas de métastasesM1 : métastases à distance

9.4.4.10 Facteurs pronostiques

Classification FIGO (ou TNM)Statut ganglionnaireN- : survie à 5 ans : 80 à 90 %N+ : survie à 5 ans : 45 à 60 %Retentissement sur les voies urinaires hautes et en particulier en cas de rein muetStérilisation après curiethérapie première en l’absence de stérilisation la survie passe de 85 à 70 %.Différenciation : la survie est moins bonne pour les tumeurs les plus indifférenciées.

9.4.4.11 Traitements chirurgicaux

Colpohystérectomie avec lymphadénectomie ou intervention de Wertheim (CHL).Elle comprend : exérèse du col, du corps, du dôme vaginal, des paramètres, et curage ganglionnaireiliaque primitif et iliaque externe +/- annexectomie.

9.4.4.12 Radiothérapie externe

Accélérateur linéaire d’énergie de 15 MeV ou plus.Volume cible : col, utérus, 2/3 supérieur du vagin, paramètres et ganglions iliaques.Irradiation lombo-aortique discutée (efficacité et complications)Organes critiques : face antérieure du rectum, face postérieure de la vessie, sigmoïde, grêle, têtefémorale.

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Cancers du col utérin

Champs d’irradiation : 4 champs, 2 latéraux et 2 antéropostérieurs.Dose : 1,8 Gy × 5 /semaine.Tous les champs traités le même jour.45 Gy sur tout le pelvis.En cas de surimpression sur une lésion du col en place, un petit volume de surimpression par depetits faisceaux est effectué à la dose de 25-30 Gy. Si une curiethérapie est faisable, elle doit êtreeffectuée pour la surimpression au niveau du col utérin car plus efficace.

9.4.4.13 Curiethérapie

Elle est pré ou post-opératoire. En pré-opératoire : elle permet une fonte tumoraleEn post-opératoire : elle permet l’irradiation de la cicatrice vaginale (diminution du risque de réci-dive locale).On utilise 2 ou 3 sources d’Iridium 192 ou de Cesium 137 avec moule personnalisé ou standard.En pré-opératoire, la curiethérapie délivre 60 à 65 Gy. En post-opératoire, 50 Gy sont délivrés. Enassociation à la radiothérapie externe, une dose de 25 à 30 y est délivrée après les 45 Gy délivréspar la radiothérapie externe.

9.4.4.14 Place de la chimiothérapie

• Actuellement pas d’intérêt en terme de survie en néo-adjuvant seul. La fonte tumorale qu’ellepeut obtenir n’empêche pas les récidives locales ou métastatiques.

• Intérêt pour le traitement des grosses tumeurs (≥ 4 cm) en concomitant avec la radiothérapieet pour le traitement des formes métastatiques où on utilise une association de cisplatine oude carboplatine et de 5 FU.

La chimiothérapie concomitante à la radiothérapie ou radiochimiothérapie. Elle est indiquée dès lestade II pour les tumeurs ≥ 4 cm. Elle permet d’augmenter le contrôle local et la survie des patien-tes.Elle utilise soit le cisplatine ou le carboplatine toutes les 3 semaines, à la dose de 100 mg/m2 ou defaçon hebdomadaire à la dose de 40 mg/m2. L’ajout de 5-fluoro-uracile toutes les 3 semaines à ladose de 1000 mg/m2 par jour pendant 5 jours ne permet pas d’augmenter ni le contrôle local ni lasurvie mais augmente la toxicité immédiate.

9.4.4.15 Complications

Chirurgie

Cisplatine 100 mg/m2 J1

5FU 1000 mg/m2 J1 à J5

ou carboplatine AUC (area under curve) 4 ou 5 ou6 J1

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Cancers du col utérin

— mortalité : 0 à 1,5 % (embolie, infection, hémorragie)— fistule urétéro-vaginale : 1-3 %— fistule vésico-vaginale : 0-2 %— troubles mictionnels : mictions impérieuses, incontinence d’effort

RadiothérapieEn cours de radiothérapie

— irritation vésicale— diarrhée (irradiation de l’intestin grêle)

Tardive entre la 1ère et 3ème année

— atrésie vaginale— rectite radique— grêle radique— vessie radique

Chimiothérapie

— aplasie fébrile— nausées-vomissement— insuffisance rénale

9.4.4.16 Indications thérapeutiques

Indications stades 0 et IA1Conisation puis examen histologique sur coupes sériées de 500 mm.Si passe en zone saine : pas de traitement complémentaire.Si non : nouvelle conisation (femme jeune désirant des enfants) ou colpohystérectomieélargie.

Indications stades IA2+IB+IIA

Si la tumeur fait moins de 4 cm de grande dimension

— Dans ce type de stade, il est intéressant de commencer par une lymphadénec-tomie afin de connaître le statut ganglionnaire. En cas de ganglion métastati-que, l’indication est une radiothérapie exclusive, radiothérapie seule ouassociée à une curiethérapie de surimpression après 45 Gy donnés sur le pel-vis. En cas d’absence d’envahissement lymphatique, une curiethérapie peutêtre faite à la dose de 60-65 Gy suivie 6 semaines après par une chirurgie.

— Si la lymphadenectomie première ne peut pas être faite, on commence par unecuriethérapie à la dose de 60-65 Gy, et chirurgie six semaine après. Si les adé-nopathies sont négatives, aucun traitement complémentaire. Si les ganglionssont positifs, une radiothérapie externe complémentaire sur le pelvis est effec-tuée à la dose de 45 Gy en protégeant le volume de curiethérapie initialementtraité.

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Cancers du col utérin

— En cas de chirurgie première, sur la tumeur et les ganglions (indication souhai-table si ≤ 2 cm) une radiothérapie est effectuée. En l’absence de ganglion en-vahi, curiethérapie du fond vaginal à la dose de 50 Gy. Si des ganglions sontenvahis, radiothérapie externe exclusive à la dose de 45 Gy sur le pelvis pluscomplément de 20 Gy sur le fond vaginal.

— Pour les femmes jeunes, unetransposition ovarienne peut être effectuée avanttout geste thérapeutique (dans certaines équipes, elle est effectuée dans lemême temps que la lymphadénectomie par voie cœlioscopique, dans d’autredans le même temps opératoire que la chirurgie sur la tumeur et les ganglions).

Si la tumeur du col fait plus de 4 cm de grande dimensionle traitement doit commencer par une radiothérapie externe à la dose de 45 Gy enconcomitant de la chimiothérapie. La chirurgie est effectuée 1 mois après la fin dela radiothérapie mais n’est pas obligatoire s’il ne reste pas de reliquat tumoral. Ilfaut alors terminer par une curiethérapie.

Indications stade IIB-IIIRadiothérapie externe à la dose de 45 Gy (+/- surimpression de 10-15 Gy sur un paramètreou un ganglion manifestement envahi) + curiethérapie sur le reliquat du col (25-30 Gy). Laradiothérapie externe est faite avec chimiothérapie concomitante.En cas de dilatation rénale ou de rein muet, une pose de sonde JJ ou une néphrostomie doitêtre faite.

Indications stades IVExterne avec chimiothérapie concomitante.Radiothérapie +/- curiethérapie.

9.4.4.17 Résultats

Survies à 5 ansStades I et IIA : 70-90 %Stades IIB :N- : atteinte des paramètres : 60-65 %N+ : atteintes des paramètres : 20-35 %Stades IIIB : 25-48 %Survies à 5 ans des patientes traitées par hystérectomie totale et lymphadénectomie pour stades IB(pour information)

Séries nombre de patientes survie à 5 ans (%)

Webb et Symmons 205 90

Zander et al 747 84.5

Delgado et al 645 80

Fuller et al 295 86

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Cancers du col utérin

Survie à 5 ans des patientes traitées par hystérectomie totale et lymphadénectomie pour stades IIA(pour information)

Survies à 5 ans des patientes traitées pour stades IB-IIA par radiothérapie exclusive en fonction dela taille tumorale (pour information)

9.4.4.18 Rechutes

Engager un traitement si possible.Rechute principalement centro-pelvienne

• si pas de radiothérapie antérieure : radiothérapie• si radiothérapie antérieure

— chirurgie d’exentération pelvienne

Lee et al 237 86.1

Alvarez et al 401 85

Averette et al 866 90.5

total 3396 85.7

Séries nombre de patientes survie à 5 ans (%)

Webb et Symmons 72 62.5

Fuller et al 136 72

Lee et al 106 71.7

Van Negell et al 43 79

Averette et al 95 65.7

total 452 69.7

Taille (cm) stade IB (%) stade IIA (%)

<1 100 100

1-1.9 93 100

2-2.9 98 75

3-3.9 83 66

>=4 76 61

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Cancers du col utérin

— chirurgie de dérivation (urinaire, colique)

• Si rechute métastatique : chimiothérapie (de préférence dans des essais thérapeutiques)

Sites de rechute des stades IB-IIA (pour information)

Fréquence et site de rechute en fonction du stade de la maladie (pour information)

9.4.4.19 Surveillance

Elle comporte un examen gynécologique et général, une UIV ou une échographie rénale. Un scan-ner ou une IRM pelvienne.Les examens iconographiques sont effectués annuellement ou en cas de signe d’appel.Examen gynécologique et biologique : tous les 3 mois les 2 premières années, tous les 6 mois les3 suivantes et tous les ans jusqu’à 10 ans.

9.4.4.20 Résumé

Tableau 5 Classifications des cancers du col utérin. Traitement en fonction de la

Séries nombre de patientes

rechute pel-vienne centrale (%)

rechute pelvienne latérale (%)

rechute pel-vienne à dis-tance (%)

Webb et Symmons

610 2.7 6.1 7.5

Kenter et al 213 3.2 2.8 7.5

Total 823 2.9 5.2 7.5

Stades nombre de patientes

rechutes pel-viennes (%)

rechutes pel-viennes et métastatiques (%)

Rechutes à distance (%) seule

IB 374 1.6 7.5 8.8

IIA 124 3.2 13.7 18.5

IIB 314 11.5 11.1 15

III 271 17.7 26.9 19.9

IVA 18 11.1 61.1 22.2

2002 - 2003 Cancérologie - Service de radiothérapie - Pr. Baillet 137/298

Page 138: Cancerology

Cancers du col utérin

classification

Classification TNM

Classification FIGO

Description

T1 I Carcinome limité à l’utérus

T1a IA Carcinome microinvasif diagnostiqué par la seule histolo-gie

Traitement

T1a1 IA1 Invasion stromale <= 3 mm et <= 7 mm d’extension

horizontale

Conisation ou hystérecto-mie simple en fonction de

l’âge

T1a2 IA2 Invasion stromale > 3 mm et <= 5 mm et <= 7 mm d’extension horizontale

Hystérectomie

T1b Lésion cliniquement visible, limitée au col ou lésion microscopique > T1a2/IA2

T1b1 IB1 Lésion <= 4 cm Curiethérapie utéro-vagi-nale 65 Gy + LCHE ou

LCHE + Curiethérapie vagi-nale 50 Gy

T1b2 IB2 Lésion > 4cm Chimiothérapie concomi-tante à RTE pelvienne 45 Gy + curiethérapie utéro-vagi-

nale 25-30 Gy hystérectomie simple + curage ganglion-

naire

T2 II Tumeur s’étendant au delà du col sans atteindre les parois pelviennes ou le 1/3 inférieur du vagin

T2a IIA Sans envahissement du paramètre

<= 4 cm : curiethérapie utéro-vaginale 60 Gy +/-

LCHE> 4 cm : chimiothérapie con-comitante à RTE pelvis 45 Gy + curiethérapie utéro-

vaginale 30 Gy +/- hystérec-tomie simple + curage gan-

glionnaire

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Page 139: Cancerology

Cancers du col utérin

T2b IIB Envahissement du paramè-tre

Proximal

distal

<= 4 cm : curiethérapie utéro-vaginale 65 Gy +/-

LCHE> 4 cm : chimiothérapie con-comitante à RTE 45 Gy pel-

vis + curiethérapie utéro-vaginale 30 Gy + RTE para-mètre 10 Gy +/- hystérecto-

mie simple + curage ganglionnaire

RTE 45 Gy pelvis + curiethérapie utérovaginale 25-30 Gy + RTE paramètre

10 Gy

T3 III Tumeur s’étendant au delà du col avec atteinte des parois pelviennes et/ou du 1/3 inférieur du vagin et/ou responsable d’une hydronéphrose ou d’un rein muet

T3a IIIA Extension au 1/3 du vagin sans atteinte de la paroi

RTE + chimio concomitante 45 Gy pelvis + curiethérapie utérovaginale 30 Gy + RTE

paramètre 10 Gy

T3b IIIB Extension à la paroi pel-vienne et/ou hydronéph-

rose ou rein muet

RTE + chimio concomitance 45 Gy pelvis + volume

réduit 20 Gy

T4 IVA Tumeur envahissant la muqueuse vésicale ou du

rectum et/ou s’étendant au delà du pelvis

RTE + chimio concomitante 45 Gy pelvis + pelvis volume réduit 20 Gy

M1 IVB Métastases à distances Chimiothérapie

N0 Pas d’envahissement gan-glionnaire

N1 Envahissement ganglion-naire

Avant chirurgie : RTE + chi-mio concomitante 45 Gy

pelvis +/- curiethérapie +/- RTE paramètre 10 Gy +/-

LCHEAprès chirurgie (pN1) : RTE

45 Gy pelvis avec protec-tion du volume de curiethé-

rapie

2002 - 2003 Cancérologie - Service de radiothérapie - Pr. Baillet 139/298

Page 140: Cancerology

Cancers du col utérin

9.4.4.21 10 points essentiels du cancer du col de l’utérus

Auteurs : Racadot Sévérine, Gutierrez Maya, Nazac André 28/04/03

1. Epidémiologie : deuxième cancer dans le monde / âge moyen = 51 ans, mais pas exceptionnelavant 30 ans

2. Facteurs de risque : HPV (HumanPapillomaVirus) en particulier HPV 16 et 18, bas ni-veau socio-économique, précocité des rapports sexuels, nombreux partenaires, grossessesprécoces et nombreuses, tabac

3. Dépistage : réalisation de frottis cervico-vaginal, tous les 1 à 3 ans (en fonction des facteursde risque) : 2 parties : exocol, endocol. Zone de jonction +++

4. Histologie : biopsies dirigées sous colposcopie qui permettent ainsi le diagnostic du type(carcinome épidermoïde ou adénocarcinome), du degré d’infiltration et la différenciation.

5. Lésions précancéreuses intra-épithéliales du col de l’utérus = lésions intra-épithéliales de basou haut grade, = dysplasie légère (CIN 1 et 2), sévère (CIN 3 et cancer in situ)

6. Extension du cancer du col de l’utérus : par contiguïté (paramètres, vagin, vessie, utérus, rec-tum (plus rare) ; lymphatique (iliaques externes, obturateurs, hypogastriques, iliaques primi-tifs, lombo-aortiques, ganglions de la concavité sacrée), voie sanguine (foie, poumons).

7. Examens : clinique et para-clinique :

a. Signes fonctionnels : métrorragies, douleurs pelviennes, dyspareunie, leucorrhées…b. examen gynécologique : schéma daté avec description de la tumeur, recherche de l’at-

teinte des culs de sacs vaginaux, des paramètres.c. bilan biologique : marqueurs tumoraux (SCC), fonction rénale, hématologique, hépati-

qued. bilan morphologique : UIV (recherche d’une dilatation des voies urinaires hautes),

scanner abdomino-pelvien (adénopathies ?) ou mieux : IRM abdomino-pelvienne +++(bilan d’extension loco régional), Scanner thoracique (si recherche d’ADP lombo-aorti-ques).

8. Classification de la tumeur en stades : FIGO 1995Stade I : localisé au col avec IA (microinvasif) et IB (infiltrant) et IB1 (col<4 cm) et IB2(col>4 cm) / Stade II : extension au delà du col sans atteindre les parois pelviennes et le tiersinférieur du vagin / Stade III : extension à la paroi pelvienne et/ou au tiers inférieur du vaginou hydronéphrose ou rein muet / Stade IVA : envahissement des organes adjacents ; StadeIVB : métastases à distance.

9. TraitementChirurgie : Conisation chirurgicale (pour les stades IA 1) / Colpohystérectomie élargie avecannexectomie bilatérale et lymphadénectomie (= Wertheim). La pièce comporte : une colle-rette vaginale, le col et l’utérus avec du paramètre, deux annexes (trompes et ovaires), des cu-rages ganglionnaires iliaques.Complications : fistule urétéro-vaginale, fistule vésico-vaginale, troubles mictionnels (mic-tions impérieuses, incontinence urinaire)Radiothérapie externe : accélérateur linéaire d’énergie de 15 MeV ou plus, volumes cibles(col, utérus, 2/3 supérieur du vagin, paramètres, ganglions iliaques ; organes critiques (rec-tum, vessie, sigmoïde, grêle, tête fémorale), 4 faisceaux d’irradiation (2 latéraux et 2 antéro-postérieurs). Dose totale : 45 à 50 Gy, dose par fraction de 2 Gy.

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Page 141: Cancerology

Cancers du col utérin

Complications : aiguës (diarrhée car irritation de l'intestin grêle ; irritation vésicale), tardives(atrésie vaginale, rectite, grêle, vessie radique)Curiethérapie utéro-vaginale pré-opératoire à bas débit avec un moule personnalisé pourpermettre une fonte tumorale, nécessitant une hospitalisation ou curiethérapie post-opéra-toire à haut débit en externe pour permettre une irradiation de la cicatrice vaginale. Les dosesde curiethérapie sont différentes si une radiothérapie pelvienne est associée.Chimiothérapie en association avec la radiothérapie (cisplatine +/- 5 FU) permet d’aug-menter le contrôle local et la survie. La chimiothérapie est également utilisée en métastatique.Complications : aplasie fébrile, nausées, vomissement, insuffisance rénaleIndicationsStades IA 1 : (micro-invasif du stroma < 3 mm en profondeur et < 7 mm en surface) :conisation ; si passe en zone saine pas de traitement complémentaire, si non soit nouvelle co-nisation, soit colpohystérectomie élargie en fonction de l’âge de la patiente.Stades IA 2 (micro-invasif du stroma entre 3 et 5 mm en profondeur et < 7 mm en surface) etIB 1 (< 2 cm) : chirurgie première. En l’absence de ganglion envahi : curiethérapie du fondvaginal ; si des ganglions sont envahis : radiothérapie pelvienne, puis complément de dose parcuriethérapie du fond vaginal.Stades IB 1 (entre 2 et 4 cm) : intérêt de la lymphadénectomie première afin de connaître lestatut ganglionnaire. En l’absence d’envahissement lymphatique : curiethérapie utéro-vagina-le première, puis chirurgie 6 semaines après. En cas d’envahissement ganglionnaire ou decontre indication chirurgicale : radio-chimiothérapie exclusive ou avec une curiethérapieutéro-vaginale première.Si la lymphadénectomie première n’est pas réalisée : curiethérapie utéro-vaginale première,puis chirurgie 6 semaines après. Si les ganglions sont négatifs : pas de traitement complémen-taire, si les ganglions sont positifs : radiothérapie externe.Stades IB 2 (> 4 cm) et II A (atteinte au maximum des deux tiers supérieur du vagin) : le trai-tement doit commencer par une radio-chimiothérapie concomitante pour réduire le volume tu-moral. Ensuite plusieurs possibiblités : soit une chirurgie soit une curiethérapie utéro-vaginalepuis une chirurgie, soit une curiethérapie utéro-vaginale seule.Stades IIB (atteinte des paramètres) : radio-chimiothérapie première, puis curiethérapieutéro-vaginale, puis complément de dose d’irradiation sur les paramètres.Stades III : radiochimiothérapie avec complément de dose d’irradiation sur les paramètres ouun ganglion envahi. En cas de dilatation rénale ou de rein muet : pose d’une sonde JJ ou denéphrostomie.Stades IV : radiochiomiothérapie avec traitements symptomatiques non spécifiques

10. Survie à 5 ans : Stades I et IIA : 70 à 90 % / Stades IIB et N- = 60 à 65 % / Stades IIB et N+= 20 à 35 % / Stades III B = 25 à 48 %

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Cancers du col utérin

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Cancers de l’endomètre

Chapitre 10

Cancers de l’endomètreAuteurs : G. Noël, C. Genestie, A. Votadoro, J.P. Lefranc

10.1 Epidémiologie

La fréquence du cancer du corps utérin est évaluée à 15/100 000 femmes/an. Il s’agit d’un cancerde la femme âgée où la fréquence est évaluée entre 65-69 ans à 85/100000 femmes/an. L’incidencemaximale est entre 60 et 70 ans. Il est exceptionnel avant 35 ans. Toutefois c’est un cancer moinsfréquent que le cancer du col.La fréquence est en augmentation du fait de l’augmentation de l’espérance de vie des femmes.75 % des patientes sont ménopausées lors du diagnostic.

10.2 Facteurs de risque

Nulliparité ou grossesse tardive.Avortements nombreux.Obésité si associé à un diabète et à la nulliparité.Risque × 3 si excès pondéral entre 10-22 kg.Risque × 9 si excès de poids > 25 kg.Le risque est plus important pour les femmes de grande taille.Hyperplasie atypique de l’endomètre.Ménopause tardive : Risque Relatif multiplié par 2 chez les femmes dont la ménopause survientaprès 52 ans.Traitement hormonal substitutif par œstrogène seul.Prise de tamoxifène pour cancer du sein.Le rôle favorisant des œstrogènes a été démontré dans le cancer du corps utérin (fenêtre œstrogé-nique c’est à dire la période pendant laquelle la patiente est sous l’action des œstrogènes). Cettefenêtre œstrogénique est augmentée du fait de l’absence de grossesse, lors de la puberté précoce etd’une ménopause tardive. Chez la femme ménopausée, les œstrogènes sont représentés par l’ostro-ne qui est une molécule cancérigène. Elle provient de l’aromatisation de l’androsténédione dans

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Cancers de l’endomètre

les surrénales et les tissus adipeux. La production dépend donc du poids et de la taille. D’autre part,chez les obèses le taux d’œstrogène est plus important du fait de la diminution de la sex hormonebinding globuline.

10.3 Anatomopathologie

10.3.1 Rappel histologique

On distingue l’endomètre et le myomètre.L’endomètre tapisse la cavité utérine, renfermant des glandes endomètriales qui se distribuent dansle chorion cytogéne. L’endomètre varie selon le cycle hormonal.Durant la phase œstrogénique ou proliférante, les glandes se multiplient, bordées par un revêtementpluristratifié fait de cellules basophiles. Le chorion cytogéne est dense œdémateux et les vaisseauxsont fins.Durant la phase progesteronique ou phase sécrétoire, les glandes sont contournées et bordées parun revêtement mucosècrètant. Le chorion cytogène se décidualise.Les vaisseaux ont une paroi fibreuse épaisse.Le myomètre est un tissu musculaire.

10.3.2 Prélèvements

Frottis endométrialBiopsie endométriale : curetage ou pipelleHystérectomieCurage ganglionnaire (iliaque)

10.4 Lésion précancéreuse

Hyperplasie glandulaire de l’endomètre avec atypiesFacteur de risque : identique à celui du cancer de l’endomètreMacroscopie : l’endomètre est épaissi. Aucun critère macroscopique ne permet de différencier leshyperplasies.Histologie :La classification de l’hyperplasie glandulaire de l’endomètre est basée sur l’architecture (simpleou complexe) et sur les atypies des cellules (avec ou sans atypies).L’hyperplasie glandulaire simple correspond à l’augmentation des glandes endométriales à la lu-mière tantôt ectasique tantôt rectiligne ou « angulaire », mais toujours séparées par un chorion cy-

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Page 145: Cancerology

Cancers de l’endomètre

togène abondant.L’hyperplasie glandulaire complexe correspond à l’augmentation du nombre de glandes, disposéesde façon anarchique laissant souvent persister une faible quantité de chorion cytogéne entre elles.Les glandes sont bordées soit par des cellules régulières (hyperplasie glandulaire sans atypie) oupar des cellules irrégulières au noyau augmenté de volume hyperchromatique, (hyperplasie glan-dulaire avec atypie).Seul l’hyperplasie glandulaire avec atypie est considérée comme une lésion précancéreuse des adé-nocarcinomes de type endométrioïde.L’hyperplasie glandulaire simple ou complexe sans atypie est du à un hyper-œstrogénie et est cor-rélée grâce à un traitement par la progestérone.Certaines études montrent en effet que moins de 2 % des hyperplasies glandulaires sans atypie évo-luent vers un cancer, tandis qu’environ 30 % des hyperplasies glandulaires avec atypies évoluentvers un adénocarcinome de type endométrioïde.L’hyperplasie glandulaire avec atypies serait le précurseur d’environ 40 % des cancers de type en-domètrioïde de l’endomètre. Cependant, tous les adénocarcinomes ne sont pas précédés d’une hy-perplasie glandulaire avec atypie.

10.5 Adénocarcinome de l’endomètre

Le cancer de l’endomètre évolue localement, pouvant s’étendre aux organes voisinant et dans lepéritoine, disséminant dans les vaisseaux sanguins et lymphatique.

10.5.1 Macroscopie

La lumière de la cavité utérine est comblée d’une tumeur hémorragique jaune, remaniée. La taillede l’utérus est soit augmentée soit normale.La pièce communiquée doit être toujours orientée.Des prélèvements systématiques sont réalisés :

— Cornes, isthme, et paramètres afin d’évaluer d’une part l’extension de la tumeur et les limitesd’exérèse chirurgicale

— Tumeur et myomètre afin d’apprécier l’extension de la tumeur dans le myomètre.

Les curages iliaques : nombre de ganglions

10.5.2 Histologie

Type histologique :Adénocarcinome endométrioïdeAdénocarcinome séreux

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Cancers de l’endomètre

Adénocarcinome à cellules clairesAdénocarcinome mucineuxAdénocarcinome squameuxAdénocarcinome indifférencié

L’adénocarcinome de type endométrioïde est le plus fréquent (trois quarts des cas).L’adénocarcinome à cellules claires est de plus mauvais pronostic. Les femmes sont en généralplus âgées (67 versus 59 ans).Adénocarcinome séreux : évolution semblable à celle des tumeurs épithéliales de l’ovaire.

Grade histologiqueLe grade est coté en I, II et II, réalisé en fonction de la différenciation et des atypies cyto-nucléaires.Les autres facteurs pronostiques sont :Infiltration du myomètre (mois de la moitié, plus de la moitié)Présence d’embols carcinomateuxExtension dans le col, les cornes et les paramètresGanglions (nombre de ganglions individualisés, nombre de ganglions métastatiques avecou sans rupture capsulaire).

ConclusionHyperplasie glandulaire avec atypies de l’endomètre : lésion précancéreuseAdénocarcinome de type endométrioïde : le plus fréquent.Facteurs pronostiques : type histologique, grade histologique, infiltration du myométre(<1/2, >1/2), embols carcinomateux, extension, ganglions métastatiques avec ou sans rup-ture capsulaire.

10.5.3 Signes cliniques

Saignement utérins (métrorragies) dans 90 à 95 % des cas. C’est le maître symptôme chez les fem-mes ménopausées : pertes de sang rouge ou brun souvent peu abondantes.Les douleurs sont rarement le signe princeps : elles signent une évolution avancée de la maladie.Rarement, il est noté une annexite ou une pyométrie ou une hydrorrhée.L’examen clinique est le plus souvent normal avec au spéculum un écoulement par l’endocol.Les métastases sont souvent exceptionnellement révélatrices.

10.5.4 Examens complémentaires

Les frottis cervico-vaginaux doivent être effectués de principe mais leur rendement est faible.Ne pas faire d’hystérosalpingographie si on pense à un cancer de l’endomètre.L’échographie endovaginale permet de bien évaluer le volume tumoral, la taille de l’utérus.Hystéroscopie et curetage (sous anesthésie générale ou non) montre en général une tumeur bour-geonnante, hypervascularisée et nécrotique et appréciera son extension muqueuse à l’endocol. Ilss’associent éventuellement à une cystoscopie et une rectoscopie à la recherche d’un envahissementtumoral.

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Cancers de l’endomètre

Radiographies du thorax : à la recherche de métastases.L’urographie intraveineuse : recherche une dilatation rénale ou un rein muet qui traduit une com-pression urétérale par l’envahissement des paramètres ou par un bloc ganglionnaire.Le scanner abdomino-pelvien est fait pour évaluer la dissémination ganglionnaire et/ou hépatiqueet la dissémination locale.L’IRM si besoin précise l’extension tumorale notamment au myomètre.L’examen clinique général et le bilan biologique recherchent une contre-indication chirurgicale.

10.5.5 Extension de la maladie

L’extension locale se fait d’abord à la surface interne du corps utérin vers le col et l’isthme, puisen profondeur dans le myomètre jusqu’à la séreuse. L’extension se fait ensuite vers les organes pel-viens et en premier le vagin, les annexes et la cavité péritonéale. L’extension lymphatique en pas-sant par les vaisseaux des ovaires, du mésosalpynx et le ligament rond atteint les même relaisganglionnaires que dans le cancer du col utérin (iliaques internes, iliaques primitifs, puis lombo-aortiques parfois inguinaux).L’extension ganglionnaire est d’autant plus fréquente que l’atteinte du myomètre est importante,que le siège de la tumeur est isthmo-cervicale et que le grade histologique est de type III.L’extension métastatique se fait principalement vers les poumons et le foie.

10.5.6 Classifications

Classification TNMTis : in situT1 : limité au corps utérinT1a : Tumeur limitée à l’endomètre (la muqueuse)T1b : Invasion s’étendant à moins de la moitié du myomètreT1c : Invasion dépassant la moitié du myomètre en épaisseurT2 : extension au colT3 : extension extra-utérine/ limitée au petit bassin (séreuse, annexes, vagin)T4 : extension à la muqueuse vésicale et/ou rectale/ en dehors du petit bassinN0 : pas d’adénopathieN1 : adénopathieM1 : métastases

Classification FIGOStade 0 : in situ (aspect histologique)Stade I : limité au corps utérinIA : limité à l’endomètreIB : ≤ 50 % du myomètreIC : > 50 % du myomètreStade II : envahissement du colStade III : extension en dehors de l’utérus mais en dedans du pelvisIIIA : annexes

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Cancers de l’endomètre

IIIB : paroi rectale et/ou vésicaleStade IV : extension en dehors du pelvis, du rectum, de la vessieIVA : organe pelvien (muqueuse)IVB : extension à distance

Grade histologiquegrade I : tumeur très différenciéegrade II : tumeur moyennement différenciéegrade III : tumeur totalement indifférenciée

10.5.7 Facteurs pronostiques

Age< 60 ans : survie à 5 ans 90 %> 60 ans : survie à 5 ans 70 %Augmentations des stades avancés, des formes peu différenciées et des formes plus pénétrantesdans le myomètre avec l’âge.OpérabilitéNon opérables : survie à 5 ans proche de 0 % (non opérable du fait de la tumeur ou d’autres patho-logies)StadeSurvies à 5 ans : I : 75 % ; II : 50 % ; III : 30 % ; IV : 10 %Indice de KarnofskyGrade histologique : le grade 3 est de mauvais pronosticEnvahissement ganglionnaire : survie 2 à 3 fois moindre en cas d’envahissementInfiltration du myomètreSurvies à 5 ans : < 1/3 myomètre : 90 % ; tout le myomètre : 60 %La cytologie péritonéale : la survie à 5 ans passe de 84 % en cas de cytologie négative à 50 % encas de cytologie positive.L’atteinte du col n’est pas un facteur pronostic.

10.5.8 Traitement chirurgical

Hystérectomie totale : avec annexectomie bilatérale par voie abdominale ou vaginale, cette derniè-re moins traumatisante chez les malades fragiles en évitant toute effraction à la pièce opératoiresource de dissémination cellulaireImportance de la préparation par cœlioscopie pour l’annexectomie +/- curage ganglionnaire iliaqueexterne.Intervention suffisante pour les petites tumeursPresque toujours réalisable même chez les patientes fragilesHystérectomie élargie : résèque le paramètre maximal + collerette vaginale, +/- lymphadénecto-mie iliaque si l’état général de la patiente le permet.Autres interventions palliatives : colostomie, urétérostomie de décharge...

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Page 149: Cancerology

Cancers de l’endomètre

10.5.9 Radiothérapie

La curiethérapie vaginale permet de limiter les rechutes au niveau du dôme vaginal qu’elle soitfaite en pré ou en post-opératoire.Radiothérapie externe permet de limiter les rechutes pelviennes.Les deux méthodes sont utilisées principalement en post opératoire pour réduire le risque de rechu-te locorégionale.

Radiothérapie externeAccélérateur linéaire d’énergie de 15 MeV ou plus.Volume cible : col, utérus, 2/3 supérieur du vagin, paramètres et ganglions iliaques irradia-tion lombo-aortique discutée (efficacité et complications).Organes critiques : face antérieure du rectum, face postérieure de la vessie, sigmoïde, grêle,tête fémorale.Champs d’irradiation : 4 champs, 2 latéraux et 2 antéropostérieurs.Dose : 1,8 Gy × 5/semaine.Tous les champs traités le même jour.45 Gy sur tout le pelvis, 70 Gy si radiothérapie exclusive, le complément à partir de 45 Gyse fait par des champs réduits.

CuriethérapieElle peut se faire en pré ou post opératoire. L’intérêt de la curiethérapie pré-opératoire estd’obtenir une fonte tumorale, la dose utilisée est de 20 à 30 Gy. En post opératoire, il s’agitde diminuer les rechute au niveau de la cicatrice vaginale. Elle utilise un moule personna-lisé ou un applicateur standard. Deux ou trois sources d’iridium 192 ou de Cesium 137 ysont placées. Le temps d’application dépend de la dosimétrie prévisionnelle.

10.5.10 Place de la chimiothérapie

Actuellement la chimiothérapie n’a pas d’intérêt en terme de survie en néo-adjuvant.Elle permet une fonte tumorale mais ne permet pas de diminuer le taux de rechute locale ou métas-tatique. Elle est principalement utilisée chez les femmes métastatiques pouvant supporter ce typede traitement.Le protocole le plus utilisé est le protocole CEP, il permet d’obtenir 1/3 de réponse objective (ré-ponse complète ou réponse partielle cependant ces réponses sont de courte durée).Le protocole comprend :

Cisplatine 60 mg/m2 J1

Endoxan 500 mg/m2 J1

Epirubicine 50 mg/m2 J1

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Cancers de l’endomètre

10.5.11 L’hormonothérapie

Elle repose sur les progestatifs (Farlutal®, Prodasone®). Les taux de réponse sont faibles mais latolérance est bonne.

10.5.12 Indications thérapeutiques

La chirurgie reste l’arme essentielle. Elle doit être la plus complète possible.Stades IHystérectomie extrafaciale simple avec annexectomie bilatérale + curage iliaque.La place de la lymphadenectomie externe se discute notamment en fonction du terrain.En cas de facteurs de risque de rechute loco-régionale : radiothérapie externe 45 Gy + curiethéra-pie 20 GyStades IISi possible colpohystérectomie élargie avec annexectomie et curage ganglionnaire pelvien puis cu-riethérapie du fond vaginal 50 Gy + curage iliaque.En cas de facteurs de risque de rechute loco-régionale : radiothérapie externe 45 Gy + curiethéra-pie 20 Gy.Stades IIIColpohystérectomie élargie avec annexectomie et curage ganglionnaire pelvien puis radiothérapieexterne 45 Gy + curiethérapie 20 Gy.En cas d’envahissement ganglionnaire surimpression par radiothérapie 10 Gy sur les zones gan-glionnaires initialement envahies.Stade IVChirurgie si possible puis curiethérapie du fond vaginal 50 Gy, le risque de complication pelviennedu à la radiothérapie fait qu’elle n’est pas proposée de façon systématique.En cas de tumeur inopérable, quelque soit le stade (sauf si métastases à distance) radiothérapieexclusive : radiothérapie externe (45 Gy) et curiethérapie (30 Gy)Formes métastatiques :Chimiothérapie ou hormonothérapie.

10.5.13 Survies

Stades ISurvie globale à 5 ans 60 à 95 %Stades IISurvie globale à 5 ans 50 à 75 %Stades IIISurvie globale à 5 ans 27 à 50 %Stades IVSurvie globale à 5 ans 0 à 10 %

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Cancers de l’endomètre

10.5.14 Surveillance

Elle recherche des rechutes locales et métastatiques. Elle est basée sur l’examen clinique et surl’IRM ou le scanner pelvien en cas de signe d’appel.Ces rechutes ont lieu principalement dans les 3 premières années.La consultation doit avoir lieu tous les 3 mois les deux premières années, tous les 6 mois les troissuivantes et tous les ans les 5 suivantes.

10.5.15 Points essentiels

1. Le cancer de l’endomètre est un adénocarcinome.2. Il s’observe principalement chez la femme ménopausée, volontiers sur un terrain fait d’obé-

sité, de diabète, de nulliparité ou de grossesse tardive.3. Une cause médicamenteuse possible : le Tamoxifene4. Le maître - symptôme : la métrorragie5. Le risque d’envahissement ganglionnaire iliaque est lié au degré d’envahissement du myomè-

tre (si plus de la moitié de l’épaisseur).6. L’hystéroscopie avec curetage permet de voir et biopser la tumeur7. Le TDM abdomino-pelvien permet de faire un bilan d’extension et l’IRM, au besoin, permet

de voir l’extension de la tumeur dans le myomètre8. Le T1 correspond à une tumeur limitée au corps de l'utérus

T1a sans dépasser l’endomètreT1b sans dépasser la moitié de l’épaisseur du myomètreT1c dépassant la moitié du myomètre

Le T2 correspond à une tumeur envahissant le colLe T3 correspond à une tumeur atteignant la séreuse, les annexes ou le vaginLe T4 correspond à une tumeur atteignant la vessie ou l’intestin.

9. Le traitement premier est l’hystérectomie + ou - annoxectomie et curage selon l’extension etle terrain (souvent fragile)

10. La radiothérapie est une curiethérapie seule du fond vaginal à la dose de 50 Gy s’il n’y a pasd’envahissement ganglionnaire ou si l’envahissement ne dépasse pas la moitié interne dumyomètre ; dans le cas contraire on fait une radiothérapie externe pelvienne de 45 Gy + uncomplément de curiethérapie de 20 Gy.

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Cancers de l’endomètre

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Cancer du sein

Chapitre 11

Cancer du seinAuteurs : F. Baillet, C. Genestie, G. Auclerc, J. Blondon, A. Votadoro

11.1 Epidémiologie

En France le taux brut de fréquence du cancer du sein est de 92 nouveaux cas pour 100 000 fem-mes/an et le taux brut de mortalité de 27 pour 100 000. Cela donne environ 27 000 nouveaux caspar an et environ 8500 décès par an. Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers féminins. Ilatteint environ une femme sur onze et est responsable de 18 % des décès par cancer chez la femme.Le nombre de cas diagnostiqués augmente d’environ 2 % par an mais le nombre de décès par can-cer du sein n’augmente que de 1 %.Plus de 50 % des cancers sont observés après 65 ans et près de 10 % avant 35 ans.On diagnostique de plus en plus de cancers du sein dans tous les pays. Il s’agit d’un cancer dont lafréquence augmente partout. Sa fréquence est cependant variable selon les pays. Elle est par exem-ple moins importante en Extrême-Orient. On attribue cela au fait que le volume moyen des seinsest plus petit chez les femmes dans ces pays.Dix pour 100 des cancers du sein sont bilatéraux mais rarement simultanément.

11.2 Facteurs étiologiques

Il existe d’abord des facteurs génétiques en rapport avec des gênes connus BRCA 1, 2 ou 3 (BRCAde BReast CAncer). Il s’agit d’un fait d’observation connu de longue date que l’existence de can-cers du sein chez les ascendants et chez les collatéraux augmentait le risque d’apparition de cancerchez la femme. Le risque est d’autant plus important que les cas sont nombreux, proches (mère,sœur plutôt que grand-mère et cousine germaine). Ces cancers surviennent volontiers à un âge pré-coce. La connaissance du risque familial permet d’assurer un dépistage du cancer du sein ciblé, etdans les cas les plus graves, ceux avec un risque proche de 100 %, d’envisager une chirurgie pré-ventive… Des consultations génétiques ont été établies pour confirmer le risque par la découvertedes gênes anormaux, pour en mesurer la gravité (ceci est encore en partie dans le domaine de larecherche) et prévenir les femmes éventuellement concernées par ces gênes, et les hommes qui

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Cancer du sein

peuvent en être porteurs et les transmettre à leurs filles. Toute cette activité s’accompagne de pro-blèmes psychologiques et familiaux délicatsLes facteurs hormonaux sont représentés par des règles précoces (avant 12 ans), une ménopausetardive (après 50 ans), l’absence de grossesse ou une grossesse tardive (après 35 ans). Avec chacunde ces facteurs le risque relatif est de 1,5.L’obésité et les facteurs alimentaires. L’obésité s’accompagne d’un risque accru de survenue d’uncancer du sein. Cela va de pair avec un excès de graisse dans l’alimentation. L’augmentation durisque semble en rapport avec la production d’œstrogènes au niveau du tissu conjonctif.Les mastopathies hyperplasiques épithéliales avec atypies cellulaires et non pas les mastoses fi-brokystiques simples non proliférantes. Le risque relatif est de 4 à 5. A un stade de plus on est de-vant un épithélioma in situ dont la malignité est très réduite puisqu’il ne donne ni envahissementganglionnaire ni diffusion métastatique, par contre, sans traitement, il évolue dans 50 % des casvers le type « cancer infiltrant » qui, lui, a tous les caractères de la malignité.

11.3 Anatomopathologie mammaire

11.3.1 Rappel anatomique et histologique

Deux structures existent : les canaux excréteurs et le tissu conjonctif.Les canaux excréteurs s’ouvrent individuellement au niveau du mamelon par des pores. 9 à10 galactophores proximaux existent. Ils se divisent par dichotomie (deux par deux) et se terminentdans les lobules par les acini.

a. les canaux ont deux couches cellulaires interne et externe, délimitées en dehors par une mem-brane basale. La couche externe renferme des cellules myoépithéliales (contractile). La cou-che interne est faite de cellules mucosécrétantes.

b. le tissu conjonctif renferme des vaisseaux sanguins lymphatiques et du collagène.

L’ensemble se modifie selon le cycle hormonal :

— Grossesse : augmentation du nombre et de la taille des acini (lobule lactescent)— Ménopause : diminution des canaux et du tissu conjonctif

11.3.2 Place de l’anatomie pathologique

Quels sont les prélèvements que le pathologiste peut être amené à examiner ?Cytologie (seules les cellules sont analysées) :Lors d’un écoulement mammaire, le matériel est étalé sur une lame : fixé puis coloré par la tech-nique de Papanicolaou.Lors de la découverte d’un nodule, ce dernier peut-être ponctionné par une aiguille sous contrôle

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Cancer du sein

échographique s’il est de petite taille. Les cellules sont ramenées grâce à une aspiration manuelle.Histologie

a. BiopsieLors de la découverte d’un nodule du sein, une biopsie peut-être ralisée soit en consultation àl’aide d’un pistolet où l’on obtient des fragments de petite taille (carotte de 5 mm) soit au blocopératoire, il s’agit alors d’une biopsie chirurgicale de plus grande taille.Intérêt :

— diagnostic— s’il s’agit d’un carcinome infiltrant, le grade histopronostique et les récepteurs hormo-

naux sont réalisés. Si la tumeur est inflammatoire (PEV) ou de grande taille, le diagnosticde malignité étant posé, une chimiothérapie première peut-être débutée.

b. TumorectomieIl s’agit d’un acte chirurgical, réalisé au bloc opératoire.Indication :

— microcalcificationsUn repérage radiologique est réalisé en préopératoire, permettant de placer un hameçonau contact des microcalcifications (repérage orthogonal). L’hameçon guide le chirurgienau cours de l’intervention.Une tumorectomie pour microcalcifications doit être adressée au laboratoire d’une partorientée et d’autre part avec un examen radiologique de la pièce, mettant ainsi en éviden-ce les microcalcifications.

— nodule palpableDevant un nodule palpable, un examen extemporané est souvent demandé.Le but de l’examen extemporané est de modifier le déroulement d’une intervention.Si le nodule correspond à une tumeur bénigne, l’intervention est arrêtée. Si le nodule cor-respond à un carcinome, le curage axillaire est réalisé. Une reprise en périphérie de latumorectomie est faite si les limites chirurgicales sont incomplètes. Une mammectomiepeut être faite si le cancer est de grande taille ou bifocal.Déroulement de l’examen extemporané : La pièce est adressée au moment de l’interven-tion. Elle doit toujours être orientée et accompagnée des renseignements cliniques et ra-diologiques.Deux analyses sont faites :

— l’une macroscopique (étude à l’état frais de la pièce) : permettant de préciser la cou-leur, la taille, la consistance du nodule et les limites chirurgicales grâce à l’orienta-tion de la pièce.

— l’autre histologique : au sein du nodule est prélevé un fragment de petite taille(5 mm), congelé rapidement et coupé au cryostat puis coloré au bleu de toluidine.

On ne réalise pas d'examen extemporané en l'absence de nodule palpable ou visible ra-diologiquement et si la taille du nodule est inférieure à 10 mm sauf si une microbiopsiefaite au préalable est revenue positive.

c. Mastectomie

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Cancer du sein

d. Curage axillaire

11.3.3 Types de cancer du sein

Types de Cancer du seincancer in situ : La prolifération épithéliale maligne est dans la lumière soit du canal galactophori-que, il s’agit alors d’un carcinome intracanalaire. Soit des acini situés dans les lobules, il s’agitalors d’un carcinome intra lobulaire (cf rappel histo). Mais la membrane basale est toujours respec-tée. ABSENCE D’INFILTRATION.cancer infiltrant est un cancer envahissant le tissu mammaire, évoluant localement puis métasta-sant (premier relais : ganglions axillaires).

11.3.3.1 Carcinome in situ

Carcinome intracanalaireCirconstance de découverte : microcalcifications à la mammographie, en augmentationcroissante due au dépistage.Prélèvement : le plus souvent il s’agit d’une tumorectomie sans nodule palpable. Le patho-logiste doit encrer d’afin d’apprécier les limites chirurgicales et inclure la pièce en totalitéafin d’évaluer la taille des lésions.Quels critères histologiques doivent être mentionnés dans le compte rendu histologique ?

La taille histologique des lésions de carcinome intracanalaireLe grade nucléaire de HollandPrésence ou absence de nécrose au sein de la prolifération épithéliale intra-

canalaireLes limites d’exérèse chirurgicale

Définition du grade nucléaire de Holland :Le grade est réalisé en fonction de l’aspect des noyaux des cellules carcinomateuses. Si lesnoyaux sont de petites tailles, réguliers entre eux, comportant une chromatine fine, le gradeest coté en I. Si les noyaux sont de taille variable (pléomorphes), à la chromatine grumelée,le grade est de III.Ces différents critères histologiques permettent d’adapter le traitement.Le carcinome intracanalaire peut évoluer vers un cancer infiltrant.

Carcinome intralobulaireDe plus souvent de découverte fortuite, la fréquence est d’environ de 5 %.Les acini des lobules renferment une prolifération épithéliale faite de cellules monomor-phes, élargissant la lumière et réalisant ainsi l’image d’un sac de billes.

11.3.3.2 Carcinome infiltrant

Les prélèvements adressés au pathologistes sont soit une tumorectomie-curage axillaire soit unemastectomie-curage axillaire.Un examen extemporané est souvent demandé lors des tumorectomies avec nodule palpable, afin

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Cancer du sein

d’apprécier les limites d’exérèse chirurgicale et d’affirmer la malignité si en peropératoire le dia-gnostic n’a pu être posé.L’examen extemporané est réalisable si la taille du nodule est d’au moins de 10 mm.Il peut enfin s’agir de l’examen d’un ganglion sentinelle.Quels critères histologiques doivent être mentionnés dans un compte rendu ? :

Le type histologiqueLe grade histopronostique de Scarff Bloom et Richardson (SBR)La présence de carcinome intra canalaireLe caractère Erb 2 (Epidermal Receptor 2Les récepteurs hormonauxLa tailleLa qualité des limites d’exérèse chirurgicaleLes embols carcinomateuxLe nombre de ganglions examinés et le nombre de ganglions envahis avec ou sans

rupture capsulaire.

Type histologiqueDifférents types histologiques existent :

— adénocarcinome canalaire infiltrant— adénocarcinome lobulaire infiltrant— adénocarcinome tubuleux— carcinome mucineux ou colloide muqueux— carcinome adénoïde kystique— carcinome aporicrine— carcinome médullaire— une particularité : la maladie de Paget

Le plus fréquent est l’adénocarcinome canalaire infiltrant (75 %).Macroscopiquement, la tumeur correspond à une lésion stellaire et mal limitée. A l’histo-logie, les cellules carcinomateuses s’agencent en travées, en massif et en formation glan-dulaire. L’anisocaryose et le nombre de mitoses sont variables.Le carcinome lobulaire représente, selon les séries, 4 % à 11 %, des cancers infiltrants.Macroscopiquement, la tumeur est indurée mal limitée. Les cellules carcinomateuses sontagencées en file indienne, avec un aspect en cible autour des canaux galactophoriques. Lesnoyaux sont réguliers. Le nombre de mitoses est faible.L’adénocarcinome tubuleux est de bon pronostic. Les cellules carcinomateuses s’agen-cent uniquement en formations glandulaires. Les noyaux sont réguliers et le nombre de mi-toses est faible.Le carcinome médullaire est une tumeur maligne de bon pronostic. Cinq critères histolo-giques doivent être présents afin de poser le diagnostic. La tumeur est limitée.Le stroma est riche en lymphocytes ou « lymphoïde ». L’architecture est de type syncitiale(>75 %). Il n’existe pas de glandes ou de lésions de carcinome intracanalaire.La maladie de Paget du mamelon :CDD : écoulement sanglant ou eczéma du mamelon. L’analyse histologique met en éviden-ce des cellules carcinomateuses au sein du revêtement malpighien du mamelon. Les cellu-

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Cancer du sein

les sont de grandes tailles, polygonales, au cytoplasme abondant clair, au noyau irrégulieret d’architecture lentigineuse. La maladie de Paget du sein témoigne d’un cancer infiltrantou d’un carcinome intracanalaire du sein. Il s’agit d’une propagation de cellules carcino-mateuses au mamelon.

Le grade histopronostique de Scarff Bloom et Richardson (SBR)Le grade SBR comprend trois grades I II III, obtenu par l’addition de trois critères architec-ture, atypies cytonucléaires et nombre de mitoses. Les trois critères sont cotés en 1,2 et 3 :

— architecture :

1. la tumeur comprend que des tubes2. partiellement tubulaires3. la tumeur ne comprend aucun tube

— atypies cytonucléaires :

1. noyaux réguliers monomorphes2. atypies modérées3. noyaux pléomorphes avec atypies marquées

— nombre de mitoses : le nombre de mitoses est recherché sur 20 champs au fort gros-sissement en périphérie de la tumeur. Le nombre de mitose le plus important par grandchamp est retenu.Si le nombre est de 1 ou 0 : le critère est coté en 1Si le nombre est de 2 : le critère est coté en 2Si le nombre est de 3 ou plus : le critère est coté en 3

L’addition des trois critères permet de réaliser le grade :Grade I : 3,4,5Grade II : 6,7Grade III : 8,9Le grade SBR est réalisé sur tous les types histologiques de cancer infiltrant sauf le carci-nome médullaire

La présence de carcinome intracanalaireOn doit préciser :

— localisation du carcinome intracanalaire : en périphérie ou au centre du foyer infiltrant— évaluer le pourcentage du carcinome intracanalaire par rapport au nodule— le grade nucléaire— la présence ou l’absence de nécrose au sein du carcinome intracanalaire

Les récepteurs hormonauxréalisés par une étude immunohistochimique, à l’aide d’anticorps monoclonaux. Le mar-quage est nucléaire. Si plus de 10 % des cellules sont marquées, le récepteur est considérépositif. L’intensité est également évaluée mais n’est pas considérée comme un facteur pro-nostique.

La tailleentre la taille histologique et macroscopique : la plus grande est reportée.

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Cancer du sein

La qualité des limites d’exérèse chirurgicalecorrespond à la distance en mm entre le cancer et la limite chirurgicale la plus proche

Les embols carcinomateuxprésents ou absents

Le nombre de ganglions axillairesexaminés et le nombre de ganglions envahis avec ou sans rupture capsulaire. Il en faut clas-siquement au minimum 10. En fait un nombre moins important semble suffire (6 gan-glions), au minimum on se contente d’un ganglion s’il s’agit du ganglion sentinelle et s’ilest négatif.

Au total, ces critères sont des facteurs pronostiques anatomopathologiques. Les plus importantssont l’envahissement ganglionnaire, la taille de la tumeur primitive, le grade SBR.

11.4 Diagnostic

11.4.1 Circonstances de découverte

En général il s’agit de la découverte par la malade d’une tuméfaction non douloureuse d’un sein.De plus en plus souvent il s’agit d’une découverte de mammographie systématique.Cet examen est en effet maintenant souvent réalisé à cause d’un facteur de risque particulier ou parprincipe ou dans le cadre d’une campagne de dépistage. Il est par ailleurs de plus en plus perfor-mant pour déceler de petites lésions.Ailleurs c’est l’examen systématique d’un médecin qui découvre la lésion soit dans le cadre d’unexamen général soit dans le cadre d’un examen orienté (ganglion palpé dans l’aisselle, anomaliesosseuses révélées par des douleurs faisant craindre des métastases etc…)En pratique on observe moins de tumeurs localement évoluées qu’auparavant (moins de T3-T4moins de T2 supérieurs à 3 cm) et plus de tumeurs infracliniques. Les deux raisons principales sont,premièrement, que les femmes hésitent moins à consulter précocement en cas d’anomalie suspecte(elles sont plus informées qu’il peut s’agir d’un cancer et elles savent que pris tôt ce cancer peutguérir plus facilement avec moins de risque d’avoir un traitement mutilant) et, deuxièmement, quedes mammographies peuvent maintenant être réalisées partout facilement.

11.4.2 Diagnostic positif

• Arguments cliniques

— Cette tuméfaction dure et indolore est un cancer s’il y a une rétraction cutanée visiblespontanément ou provoquée par l’examen.

— Son association à une adénopathie axillaire, surtout si le ganglion est dur et mesure plusde 1 cm.

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Cancer du sein

— Beaucoup plus rarement l’existence d’une poussée inflammatoire avec rougeur et cha-leur locales associées à la tuméfaction ou l’existence d’un envahissement cutané (infil-tration « en peau d’orange », ulcération).

• Arguments radiologiques

La mammographie (3 incidences : face, profil, prolongement axillaire)

— Dans sa forme typique, avec ou sans tumeur palpable, le cancer infiltrant se ma-nifeste par une opacité stellaire ou à contours spiculés, entourée d’un halo clairet associé à des micro-calcifications groupées en amas à la fois au niveau del’opacité et un peu de distance. L’opacité est plus petite que la tumeur palpable.Avec un pareil tableau le diagnostic est quasi certain.

— Les signes radiologiques sont souvent incomplets. L’opacité reste évocatrice sises contours sont irréguliers. Les micro calcifications sont parfois peu nombreu-ses ou très petites, ou les deux obligeant à les rechercher « avec une loupe ».

— Pour les carcinomes in situ ou note l’existence de micro calcifications linéaires,polymorphes.

L’échographieElle peut donner des arguments en faveur du cancer devant certaines images mammo-graphiques ambiguës. Elle permet dans tous les cas de repérer les kystes liquidiens.

L’IRML’IRM, compte tenu de sa relative rareté en France, n’est pas utilisée en routine pourle diagnostic de cancer du sein. Elle permet de particulièrement bien définir la tumeuret ses contours.

• Arguments cyto-histologiquesLa biopsie est l’élément de base du diagnostic. Elle est réalisée soit à l’aiguille (microbiopsiespar aiguilles à biopsie) soit chirurgicalement en extemporané c’est-à-dire avec lecture immé-diate et traitement chirurgical immédiat. Dans ce dernier cas un examen anatomopathologiqueplus approfondie est réalisé secondairement (technique prenant du temps) qui non seulementconfirme le diagnostic extemporané, mais précise l’histopronostique (classification de Scarff,Bloom et Richardson) permet de doser les récepteurs hormonaux etc…Beaucoup plus rarement c’est la cytologie , faite par une personne entraînée qui réalise l’en-semble de la procédure (ponction, étalement, fixation, coloration, lecture) qui permet de por-ter le diagnostic, de donner un cytopronostic et de doser les récepteurs hormonaux. En cas dedoute (éléments cytologiques douteux où caractères clinico-radiologiques très évocateurs decancer avec une cytologie négative) on réalise systématiquement une biopsie.En cas de très petit foyer les ponctions sont réalisées avec repérage stéréostaxique. Souventdans ces cas seule l’exérèse permet de faire le diagnostic (exérèse avec repérage radiologiqueen préalable).

11.4.3 Diagnostic différentiel

• Le kyste mammaire donne une image mammographique à contours réguliers (une image ré-

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gulière peut quand même être un cancer). Mais l’opacité est liquidienne à l’échographie. Laponction trouve le liquide, l’évacue et permet une analyse cytologique qui confirme la béni-gnité.

• L’adénofibrome se rencontre chez la femme jeune. L’image est à contours réguliers. Elle esthomogène en mammographie et en échographie.

• Les calcifications bénignes sont typiquement grosses, peu nombreuses, éparses.Elles ne sont pas groupées. Peu nombreuses mais relativement groupées et surtout si elles sontpetites (presque des micro calcifications) elles peuvent engendrer le doute. Dans ce cas onpeut réaliser l’exérèse de la zone suspecte dans un but d’examen anatomopathologique oubien on surveille avec des mammographies comparatives : si les images changent avec en par-ticulier plus de petites calcifications, l’anomalie doit être considérée comme cancéreuse jus-qu’à preuve anatomopathologique du contraire.

11.5 Bilan préthérapeutique

11.5.1 Bilan d’extension

11.5.1.1 Sur le plan locorégional

• On précise le siège de la tumeur et ses dimensions en cm (pas uniquement la plus grande di-mension). Un schéma et une photographie en position couchée (en position de traitement)avec repérage du centre de la tumeur par rapport au centre du mamelon (coordonnées géogra-phiques).

• On recherche une éventuelle extension cutanée (peau d’orange, infiltration avec ulcération) etune éventuelle extension en profondeur (tumeur mobile avec les pectoraux à la manœuvre deTillaux, ou fixée à la paroi thoracique).

• On précise s’il y a des adénopathies cliniques leur taille et leur siège. En cas de doute sur lecaractère pathologique ou non d’une adénopathie axillaire (ganglion mou de moins de 1 cm),si un geste chirurgical n’est pas d’emblée envisagé on peut réaliser une ponction cytologique.

• On note des signes éventuels d’inflammation locale au niveau de la tumeur, ou régionale auniveau du sein dont la valeur pronostique est grande lorsqu’ils existent.

• Sur les mammographies on recherche un éventuel deuxième foyer dans le sein homolatéral etdans l’autre sein.

11.5.1.2 A distance

On recherche des métastases à distance pour les cancers infiltrants d’1 cm ou plus.Au minimum, pour tous les cas, afin d’avoir un élément comparatif, on réalise des radiographiespulmonaires et une échographie abdomino pelvienne. Pour les tumeurs de plus de 3 cm, les tu-meurs SBRII ou III ou avec cytopronostic 2 ou 3, les tumeurs avec adénopathie clinique ou à l’exa-

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Cancer du sein

men anatomopathologique (curage ou cytologie) et les tumeurs évolutives, on réalise un examenTDM thoracique et abdominal, une scintigraphie osseuse et, si on peut, un PET. En cas d’anomaliesuspecte à la scintigraphie on la précise par TDM et éventuellement IRM.

11.5.1.3 Sur le plan biologique

On précise le SBR si cela n’a pas été fait, On précise également qu’elle est le taux de récepteurshormonaux aux œstrogènes et à la progestérone. On note le taux de CA15-3, qui peut être élevé encas de tumeur importante ou déjà métastasée.A la fin du bilan d’extension on peut classer le cas selon la classification TNM (2002) :T is : tumeur in-situ (non infiltrante)T1 : tumeur de 2 cm ou moins

T1 mic : ≤ 0,1 cmT1a : de 0,5 cm ou moins et plus de 0,1 cmT1b : de 1 cm ou moins et plus de 0,5 cmT1c : de 2 cm ou moins et plus de 1 cm

T2 : tumeur de moins de 5 cm, >2 cmT3 : tumeur de plus de 5 cmT4 : tumeur avec extension à la paroi thoracique ou à la peau, ou tumeur inflammatoire

T4a : extension à la paroi thoraciqueT4b : œdème (incluant peu d’orange), ulcération de la peau ou nodules cutanés sa-

tellitesT4c : T4a + T4bT4d : cancer inflammatoire

N0 : pas d’adénopathie axillaireN1 : adénopathie homolatérale axillaire mobileN2a : adénopathie homolatérale axillaire fixéeN2b : adénopathie mammaire interne cliniqueN3a : adénopathie infraclaviculaireN3b : adénopathies cliniques axillaire et mammaire interneN3c : adénopathie sus-claviculaireCes éléments se regroupent en stades :Stade 0 TisN0Stade I T1N0Stade IIA T0N1

T1N1T2N0

Stade IIB T2N1T3 N0

Stade IIIA T0N2T1N2T2N2T3N1 N2

Stade IIIB T4 quelque soit le NStade IIIC N3 quelque soit le T

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Cancer du sein

Stade IV métastases (M1)quels que soient le T et le N

11.5.2 Etat général, antécédents, recherche de contre-indication à tel ou tel traitement

• On précise l’âge, le poids, la situation du malade en fonction des critères de l’état général dela classification de Karnofsky ou de ceux du Performans Status de l’OMS.

• On précise les antécédents pathologiques et les affections associées éventuelles, en particuliercelles qui peuvent gêner le traitement (anesthésie, chimiothérapie avec anthracycline etc…)

11.5.3 Sur le plan psychologique

• On s’informe de l’existence possible de cancers du sein dans la famille ou dans l’entouragede la malade pour savoir quelle représentation du cancer du sein elle peut avoir et pour con-seiller éventuellement une consultation génétique.

• On explique à la malade le traitement, ses contraintes, les bénéfices qu’on peut en espérer, lescomplications éventuelles. On explique également la nécessité de la surveillance à long termeà cause du risque de rechute. On note enfin dans le dossier que ces informations ont été don-nées.

11.6 Eléments pronostiques

Les principaux critères pronostiques pour les cancers infiltrants présentés en taux de survie à5 ans sont les suivants.Critères cliniques

Age inférieur à 35 ans = mauvais pronosticBonne réponse à la chimiothérapie première = bon pronostic

T1 85-90 % N0 80 %

T2 75-80 % Np (adénopathie clinique) 65 %

T3 60-70 % Pev0 75 %

T4 40-60 % Pev 2 et Pev3 50 % (15 % avant la chimiothérapie)

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Critères anatomopathologiques

Tous ces différents critères pronostiques sont liés : c’est dans la catégorie des T1 qu’il y a le plusde SBRI, de N0 et de N-. Cependant chacun des critères pronostiques indiqué à une valeur pronos-tique en soi si tous les autres facteurs pronostiques sont égaux.

11.7 Moyens thérapeutiques

11.7.1 La chirurgie

11.7.1.1 La chirurgie radicale

La chirurgie radicale, non conservatrice, est représentée par la mastectomie simple type Patey. As-sociée à une exérèse des pectoraux l’intervention prend le nom de Halstedt, autrefois très pratiquée,qu’on ne réalise plus qu’en cas d’envahissement de ces muscles.La mastectomie simple est maintenant souvent associée à une reconstruction mammaire. Cette re-construction est réalisée en prenant du tissu au niveau des muscles du grand dorsal ou du granddroit de l’abdomen et avec parfois l’aide d’une prothèse incluse. Cette reconstruction est d’autantplus volontiers faite que la femme est jeune et désireuse d’avoir une compensation anatomique àla perte de son sein. Elle est faite en un temps si possible, sinon dans un deuxième temps (tissus nepermettant pas la reconstruction immédiate, qualité de l’exérèse douteuse demandant d’attendre lerésultat de l’analyse histologique de la pièce opératoire, important risque de récidive locale…)

11.7.1.2 La chirurgie conservatrice

Le terme habituellement utilisé est celui de tumorectomie pour signifier qu’on enlève la tumeur etpas le sein. Dans cette intervention on enlève en fait la tumeur plus une partie de tissus sains autourcar les limites effectives de la tumeur ne coïncident pas avec les limites macroscopiques de la tu-meur. D’autres noms sont parfois employés tels que « quadrantectomie » ou « segmentectomie ».Il s’agit de nuances concernant les tissus apparemment sains enlevés.Elle n’est réalisée que si la tumeur n’est pas trop grande comparativement à la taille du sein afinque le résultat, en terme de conservation de la forme, soit satisfaisant. En France on considère quecette chirurgie est possible jusqu’à 3 cm.

SBRI 90 % N- 90 %

SBRII 80 % N+ 60-70 %

SBRIII 70 %

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11.7.1.3 Le curage axillaire

Il est associé à la mastectomie ou à la tumorectomie. Il est inutile en cas d’épithélioma in situ ouen cas de tumeur infiltrante ≤ 0,5 cm. L’atteinte des relais ganglionnaires supérieurs sans atteintedes premiers relais inférieurs est exceptionnelle. Si les premiers relais ne sont manifestement pasenvahis le curage s’arrête aux relais inférieurs et moyens réduisant ainsi le risque ultérieur de« gros bras » par lymphœdème. Pour les malades T1N0 est maintenant parfois utilisée la techniquedu ganglion sentinelle qui permet de repérer le 1er ganglion de drainage du relais inférieur et d’enfaire l’exérèse et l’examen anatomopathologique. S’il est négatif on ne pratique pas de curage.

11.7.1.4 Pour les métastases

La chirurgie orthopédique peut être nécessaire en cas de fracture et en cas de menace de fracture,la neuro-chirurgie en cas de compression médullaire ou de métastase cérébrale unique. Ces inter-ventions sont pratiquement toujours complétées par une radiothérapie des régions opérées.

11.7.2 La radiothérapie

La radiothérapie :

— réduit la fréquence des récidives loco-régionales après chirurgie (fréquence divisée par 3 ou4).

— permet les traitements conservateurs— a une action modeste sur la survie (mais non négligeable : 5 à 10 % en plus à 5 ans si correc-

tement faite)— a un intérêt palliatif pour les métastases osseuses et cérébrales.

Technique

• Pour le traitement locorégional

A. Les doses

— Pour la maladie infraclinique, dans le sein à distance du foyer tumoral, au niveaude la paroi thoracique après mastectomie, au niveau des aires ganglionnaires satel-lites, la dose est de 45 à 50 Gy en fractionnement classique de 5 × 1,8 à 5 × 2 Gypar semaine.

— Pour la maladie infraclinique à risque accru de récidive à savoir la zone de tumo-rectomie la dose est de 60 Gy (45+15 ou 50+10)

— Pour la maladie macroscopique tumeur mammaire en place (T) et adénopathie cli-nique non opérée (Np), les doses sont de :T = 65 à 70 GyNp = 65 Gy

B. Les volumes à irradier

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1. Le sein en entier + la paroi thoracique si traitement conservateur2. La paroi thoracique et la cicatrice si mastectomie3. Les aires ganglionnaires satellites : axillaire, sus-claviculaire et mammaire interne.

On n’irradie pas ces volumes si la tumeur est entièrement dans les quadrants exter-nes et que le curage axillaire négatif. On n’irradie pas le creux axillaire s’il est N-ou N+ avec peu de ganglions envahis. L’irradiation du creux axillaire n’est faitequ’en cas d’envahissement massif du creux axillaire.

4. La zone de tumorectomie + une marge de sécurité autour 5. La tumeur en place + une marge de sécurité autour6. La ou les adénopathies en place

C. Technique de réalisationElle se fait en 2 temps1er temps : Radiothérapie large pour la maladie infracliniqueVolumes 1. et 2. = faisceaux tangentiels de photons (de telecobalt ou d’accélérateur li-néaire de 5 MV)Volumes 3. =

— Axillaire : faisceaux antéro postérieurs par photons comme précédemment— Sus-claviculaire : faisceau antérieur unique par photons comme précédemment— Mammaire interne : faisceau antérieur unique avec dose donnée par moitié par pho-

tons comme précédemment et par moitié par électrons de 10 MeV

2ème temps : Radiothérapie dite de « surdosage »Elle concerne des volumes réduits.Volumes 4. et 5. = faisceaux tangentiels réduits de photons comme précédemment oufaisceau antérieur unique d’électrons de 10 MeV ou curiethérapie. Cette dernière métho-de est la plus efficace sur le plan anti-tumoral : elle est recommandée en cas de tumeuren place ou en cas de tumorectomie à résection histologiquement incomplète ou à risqueparticulièrement élevé de récidive (foyers multiples, fort contingent intra-canalaire,comedocarcinome…).Volume 6. = faisceau direct d’électrons 10 MeV

D. Organes à protéger. Complications possiblesOrganes à protéger

— Cœur et poumons sont à irradier au minimum par les faisceaux tangentiels, la dosi-métrie le permet.

— Tête humérale et thyroïde sont protégées par des briques— Le médiastin est peu irradié par le faisceau direct mammaire interne grâce à la com-

binaison photons-électrons.

Complications

— La plus fréquente est le lymphœdème du membre supérieur ou « gros bras ». Lerisque est surtout important si on combine curage axillaire puis radiothérapie de larégion axillaire. Pour prévenir cette complication on n’irradie que les envahisse-ments massifs du creux axillaire. Les récidives après chirurgie seule sont rares (éga-

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les ou inférieures à 4 %). Dans les cas habituels, il est donc inutile et dangereux decompléter le curage par une radiothérapie. La prévention consiste également à évi-ter les efforts violents ou prolongés avec le membre concerné et le traitement éner-gique de toute infection à son niveau.

— La plexite radique. Cette complication, rare et grave, justifie de ne pas dépasser50 Gy au niveau du plexus brachial.

— Les complications cardio-respiratoires à long terme. Dans les essais randomisés an-ciens ou avec une technique de radiothérapie insuffisante, ces complications, liéesà l’irradiation parasite du cœur et des poumons, ont annihilé les bénéfices en termede survie apportés par l’efficacité carcinologique de la radiothérapie.

— La périarthrite de l’épaule. Son risque est réduit par une bonne protection de l’épau-le pendant la radiothérapie.

— Une radiofibrose séquellaire avec une éventuelle déformation du sein plus ou moinsdouloureuse et des télangiectasies cutanées peut traduire une dose excessive de ra-diothérapie. Une bonne technique doit permettre de l’éviter.

• Pour les métastasesOn utilise habituellement une dose de 30 Gy en 10 séances et 12 jours dans un volume large.

11.7.3 Les traitements médicaux

11.7.3.1 Traitements médicaux spécifiques

• La chimiothérapieElle est utilisée dans 3 circonstances :

— en situation métastatique— en adjuvant (après les traitements loco-régionaux)— en néo-adjuvant c’est-à-dire d’emblée, de première intention avant tout traitement local.

Pour éviter des résistances croisées, on utilise des associations avec des produits efficaces enmonothérapie avec des mécanismes d’action différents et, si possible, sans toxicités cumula-tives. Le protocole le plus standard en France, en l’absence de contre-indication cardiaque, estle FEC qui combine Fluoro-uracile, Epirubicine (Farmorubicine°) et Cyclophosphamide (ouEndoxan°).Aux Etats-Unis, l’Adriamycine (Adriblastine°) est souvent utilisé à la place de l’Epirubicine,tous deux appartenant à la famille des anthracyclines à risque toxique sur le myocarde. Ce ris-que est dose-dépendant ce qui limite la dose cumulée d’Adriamycine à 500/550 mg/m2 etd’Epirubicine à 800/850 mg/m2 . En cas de risque cardiotoxique ou chez les sujets fragiles ouâgés, le protocole CMF est encore utilisé (substitution de l’anthracycline par du Méthotrexa-te).Plus récemment, l’arrivée de la Vinorelbine (Navelbine) et surtout des taxanes (Paclitaxel ouTaxol° et Docétaxel ou Taxotère°) a modifié l’évolution en particulier dans les formes métas-tatiques.

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Dans les tumeurs surexprimant l’oncogène C-erbB2 (soit environ 1 cancer sur 4), l’utilisationd’un anticorps monoclonal spécifique (Trastuzumab ou Herceptin°) permet dans les formesmétastatiques de 20 à 40 % de réponse et augmente l’efficacité des chimiothérapies (taxanes).

• L’hormonothérapieElle s’adresse aux cancers dits hormonosensibles (50 à 60 % des cas) à savoir qui possèdentdes récepteurs hormonaux (RH) cytoplasmiques et nucléaires aux œstrogènes (RE+) et/ou àla progestérone (RP+) ce qui est particulièrement le cas dans les tumeurs bien différenciées.Ces RH interviennent comme des protéines régulatrices du tissu mammaire sur lequel les œs-trogènes ont un effet prolifératif par l’intermédiaire d’une stimulation de la synthèse de diversfacteurs de croissance (EGF, TGF, protéases, etc...).Les anti-œstrogènes sont des produits qui entrent en compétition avec les œstrogènes sur lessites récepteurs et bloquent la synthèse cellulaire.Une autre voie est d’essayer de réduire au maximum la quantité d’œstrogènes arrivant au ni-veau des cellules cancéreuses. Chez les femmes préménopausées, plus des 3/4 proviennent dela sécrétion ovarienne d’où l’intérêt de la castration qu’elle soit chirurgicale, radiothérapiqueou médicale par les analogues de la LH-RH (dans ce cas, elle est temporaire et mieux suppor-tée psychologiquement). Une autre façon de réduire le taux d’œstrogènes circulants est l’em-ploi d’anti-aromatases qui inhibent l’action de l’aromatase, enzyme permettant latransformation, dans le catabolisme du cholestérol des tissus périphériques (muscles, graisse,foie mais aussi tumeur mammaire elle-même), de l’androstènedione et de la testostérone res-pectivement en estrone et estradiol. Les principaux anti-aromatases non stéroïdiens sont le Lé-trozole (Fémaraº), l’Anastrozole (Arimidexº) et, pour les stéroïdiens l’Exemestane(Aromasineº).

11.7.3.2 Traitements médicaux non spécifiques

Les bisphosphonates agissent sur la résorption osseuse ostéoclastique et n’ont d’intérêt qu’en casde métastases osseuses avérées (ou d’hypercalcémie maligne)Les antiémétiques type sétrons sont des antagonistes des récepteurs 5 HT3 de la sérotonine (sécré-tée par les cellules entérochromaffines situées essentiellement dans la muqueuse du tractus gastro-intestinal) agissant sur le centre des vomissements cérébral et particulièrement efficaces dans leschimiothérapies émétisantes types sels de platine.Les facteurs de croissance sont des hormones synthétiques qui stimulent la production médullairedes cellules souches leucocytaires (G-CSF : Granocyteº, Neupogenº) en cas de leucopénie induitepar la chimiothérapie et érythrocytaire (érythropoïétine recombinante ou EPO : Eprexº, Neo-recor-monº) en cas d’anémie (hémoglobine < 12 g/ml) induite par les sels de platine et autres chimiothé-rapies.Les cytoprotecteurs sont essentiellement représentés par l’Amifostine (Ethyolº) qui protège de fa-çon sélective les tissus sains du fait de la présence à la surface des cellules saines de phosphatasesalcalines membranaires (absentes sur les cellules tumorales) qui transforment l’Amifostine en sonmétabolite actif qui est un dérivé thiol. Ce métabolite protège des toxicités rénales, hématologiquesdes chimiothérapies mais s’avère aussi être un radioprotecteur (en captant les radicaux libres et enfavorisant la réparation des lésions de l’ADN par le don d’hydrogène) particulièrement intéressantpour prévenir les hyposialies dans les cancers ORL.L’autre cytoprotecteur est le Dexrazoxane (Cardioxaneº) qui protège de la cardiotoxicité des

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anthracyclines ; il agit comme agent chélateur du fer et du cuivre et comme anti-radicaux libres.

11.8 Indications thérapeutiques des formes non métastasées

11.8.1 Pour les tumeurs égales ou inférieures à 3 cm.

Tumorectomie + curage axillaire (mais pas de curage si ou carcinome in situ) puis radiothérapielarge : sein, aires ganglionnaires si N+ à l’exception du creux axillaire. La chaîne mammaire inter-ne est irradiée en cas de tumeur située dans les quadrants internes même si le curage axillaire estN-. Puis radiothérapie de surdosage de la zone de tumorectomieSi résection « insuffisante » ou « limite » : reprise chirurgicale conservatrice ou non et surdosagepar curiethérapie si traitement conservateur après (ou éventuellement sans reprise chirurgicale).Idem si foyers multiples dans pièce opératoire.

11.8.2 Pour les tumeurs supérieures à 3 cm

• Si poussée évolutive ou tumeur de grande taille (supérieure à 7 cm) = chimiothérapie 1ère plusou moins hormonothérapie.

• En l’absence de poussée évolutive et en cas de tumeur égale ou inférieure à 7 cm = chimio-thérapie 1ère plus ou moins hormonothérapie ou radiothérapie 1ère plus ou moins hormono-thérapie.

• Que le traitement ait commencé par une chimiothérapie première seulement ou une radiothé-rapie première ou les deux, la décision pour le traitement ultérieur dépend de la réponseobservée :

— Si le reliquat est supérieur à 3 cm = mastectomie + curage,— Si le reliquat est égal ou inférieur à 3 cm = tumorectomie + curage,— S’il n’y a pas de reliquat clinique = on termine par une radiothérapie exclusive (avec si

possible un surdosage par curiethérapie).

• Une autre attitude consiste à mener la radiothérapie à son terme (précédée éventuellement dechimiothérapie et si possible avec curiethérapie de surdosage).S’il persiste à la fin un reliquat il peut être traité par tumorectomie ou mastectomie selon sataille. C’est cette dernière façon de faire qui donne le plus haut taux de conservation mammai-re. Pour les formes inflammatoires certains réalisent une mastectomie quel que soit le reliquat.

• On rappelle que l’attitude classique ancienne pour ces cas était la mastectomie + curage d’em-blée (précédée de chimiothérapie, de radiothérapie ou des deux en cas de poussée évolutiveou de tumeur de grande taille) et suivie de radiothérapie en l’absence de radiothérapie pré opé-ratoire. Les malades encore traitées de cette façon peuvent bénéficier éventuellement, secon-

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dairement, d’une reconstruction.

11.8.3 Le traitement médical adjuvant

11.8.3.1 La chimiothérapie

Elle a progressivement pris une place considérable, puisque actuellement elle est indiquée chez lamajorité des patientes. Ainsi une chimiothérapie adjuvante (anthracyclines, taxanes,...) doit béné-ficier à toutes les patientes chez lesquelles ne se retrouvent pas associés plusieurs facteurs :

• tumeur < 1 cm ou in situ• SBR 1• N- (curage ganglionnaire négatif)• RH+ (récepteurs hormonaux positifs)• > 35 ans

Le traitement habituel classique est le protocole FEC100 (Farmorubicine à 100mg/m2) à raisond’une cure toutes les 3 semaines pour un total de 6.Le bénéfice de la chimiothérapie est très significatif.

11.8.3.2 L’hormonothérapie

Elle s’adresse à toutes patientes avec récepteurs hormonaux positifs (RH+) et consiste en 5 ans deTamoxifène à la dose de 20 mg par jour. Les comparaisons de durées : 2 ans versus 5 ans ont mon-tré un bénéfice net en faveur de 5 ans ; par contre, la comparaison 5 contre 10 ans n’a retrouvéaucun intérêt à 10 ans voire un léger effet délétère.Les effets secondaires sont rares, ne nécessitant d’arrêter le Tamoxifène que dans moins de 3 %des cas. Il s’agit essentiellement de prise de poids (3-4 kg), thrombo-embolies, bouffées de chaleur,hyperplasie de l’endomètre avec petite augmentation du risque de cancer de l’endomètre. A l’in-verse, le Tamoxifène exerce un effet bénéfique sur le capital osseux, voire cardiaque (par l’inter-médiaire d’une action positive sur le cholestérol).Le bénéfice de 5 ans de traitement, avec 15 ans de recul, existe de la même façon qu’il y ait ou nonatteinte ganglionnaire, ménopause ou non avec une réduction du risque annuel de :

— rechute de 39 %— décès de 24 %

Avant 50 ans 50 à 69 ansRéduction du risque de rechute

35 % 20 %

Réduction du risque de mortalité

27 % 11 %

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— atteinte controlatérale de 53 %.

Ce bénéfice existe même en cas de chimiothérapie adjuvante associée (le Tamoxifène est habituel-lement donné après la chimiothérapie).La castration (chirurgicale ou radiothérapique) s’adresse aux femmes préménopausées RH+.La méta-analyse avec 15 ans de recul montre un bénéfice important en l’absence de chimiothérapieavec une réduction du risque annuel de :

— rechute de 25 %— décès de 24 %

La castration médicale adjuvante par analogue de la LH-RH est en cours d’évaluation soit seulesoit en association au Tamoxifène.Le bénéfice de l’hormonothérapie persiste voire augmente avec le recul sur les courbes compara-tives de survie.

11.8.4 Formes métastasées

L’hormonothérapie est indiquée en cas de RH+ ou, en l’absence de renseignement sur les RH,chez les patientes dont la métastase est apparue tardivement avec une évolution lente.Les indications sont les lésions cutanées ou ganglionnaires ou osseuses ; le Tamoxifène classique-ment utilisé en premier est désormais supplanté par les anti-aromatases stéroïdiens (Arimidexº, Fé-maraº) plus efficaces et mieux tolérés ce d’autant qu’il a été donné en adjuvant sur 5 ans et arrêtédepuis moins d’un an ; en cas d’échappement, on utilisera, outre le Tamoxiféne, l’Aromasine et lesprogestatifs.La chimiothérapie est indiquée chez les patientes non-hormonosensibles (RH-) ou échappant àtoutes les hormonothérapies ou dont la métastase a un profil d’évolution rapide : foie, lymphangiteou lâcher de ballons pulmonaire, sein inflammatoire,...En cas de chimiothérapie adjuvante par anthracyclines (FEC), sera plutôt utilisée une associationà base de taxane et/ou vinorelbine ; le choix sera aussi fonction de l’état générale de la patiente etde ses constantes métaboliques. L’arrivée de chimiothérapies orales efficaces (Capécitabine ouXéloda, vinorelbine orale) permet aussi des traitements à domicile privilégiant la qualité de vie.Les bisphosphonates en association à la chimiothérapie (en perfusion) ou à l’hormonothérapie(per os) s’adressent aux hypercalcémies (qui sont devenues rares) et surtout aux métastases osseu-ses qu’elles soient lytiques ou condensantes avec une bonne action antalgique et surtout un effetpréventif partiel sur l’apparition de nouvelles métastases osseuses.Globalement, grâce aux combinaisons des divers traitements médicaux, la survie moyenne des for-mes métastatiques dépasse les 2 ans.

11.8.5 Résultats

• Tumeurs égales ou inférieures à 3 cmAprès tumorectomie + radiothérapie (association concernant 75 % de l’ensemble des malades

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porteuses de cancer du sein) les récidives locorégionales sont égales ou inférieures à 10 % etles résultats esthétiques sont presque toujours satisfaisants. Le taux de conservation mammai-re est de 90 %. Les rares récidives sont traitées par mastectomie de rattrapage avec souventune reconstruction (surtout selon le souhait ou non de la malade).

• Tumeurs supérieures à 3 cmLe taux de conservation mammaire varie selon le moment où l’on décide de la suite du trai-tement conservateur ou non :

Après ces traitements les résultats esthétiques sont variables et dépendent principalement dela taille initiale de la tumeur. Ils dépendent aussi de la qualité de la radiothérapie, en particulierdes paramètres de la curiethérapie.En matière de survie on ne constate pas de différence entre les traitements à visée conserva-trice et les traitements non conservateurs, que les comparaisons soient randomisées ou non.

11.9 Indications thérapeutiques des formes métastasées

S’il s’agit d’un cancer d’emblée métastasé le traitement locorégional associé au traitement géné-ral est entrepris secondairement et fait appel en général toujours à une radiothérapie exclusive.Le plus souvent les métastases apparaissent secondairement :

• La radiothérapie est indiquée en cas de métastases osseuses dans un but antalgique ou plas-tique.

Sur le plan antalgique l’indication est portée si la douleur résiste au traitement général spécifiqueet si elle est localisée. On ne traite que 1 ou 2 foyers en même temps. Des douleurs résiduelles detype mécanique peuvent persister après radiothérapie au niveau des vertèbres. Elles peuvent dispa-raître grâce à une vertébroplastie.Sur le plan plastique la radiothérapie permet l’arrêt de l’évolution tumorale en zone irradiée avecles doses indiquées et une certaine recalcification se produit lentement.En cas de métastase d’un os long, et surtout d’un os porteur, l’effet plastique est insuffisant si lacorticale est franchement atteinte. Plutôt que de courir le risque d’une fracture, il est alors préféra-

Après chimiothérapie première seulement 50 %

Après le premier temps de radiothérapie externe large 60 %

Après chimiothérapie première puis premier temps de radiothérapie externe large

60 %

Après radiothérapie externe à dose complètes (1er temps puis surdosage) 70 %

Après chimiothérapie première (ou non) puis radiothérapie externe large puis surdosage par curiethérapie

90 %

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ble de commencer par un traitement orthopédique. Que le traitement orthopédique soit réalisé pourune fracture ou pour une menace de fracture, il est nécessairement suivi de radiothérapie.Les métastases cérébrales sont traitées de l’encéphale en totalité sans attendre pour éviter l’appa-rition de déficits neurologiques ou l’évolution vers le décès d’origine neurologique. Exceptionnel-lement avec ce cancer on peut observer une métastase unique à traiter par chirurgie si son siège lepermet ou par radiochirurgie (stéréoradiothérapie en séance unique) si la taille le permet.

11.10 Compréhension de la place actuelle des traitements conservateurs dans le traitement locorégional du cancer du sein

Note informative annexe par F. BailletEn 1894, Halstedt, chirurgien américain, met au point la mastectomie radicale qui s’impose commetraitement standard compte tenu que les tumorectomies s’accompagnaient alors de récidives loca-les environ 1 fois sur 2. Ces récidives n’étaient pas étonnantes car l’analyse histologique minu-tieuse des pièces de mastectomie a montré qu’il y a des foyers à distance du foyer tumoralprincipal dans 40 % des cas. Ces foyers constituent la maladie résiduelle infraclinique intra mam-maire qui justifient l’irradiation de base à 50 Gy du sein en entier en cas de traitement conservateur.Il faut savoir que même la mastectomie radicale ne réduit pas à zéro le risque de récidive localeliée à la maladie résiduelle. Il y a encore 10 à 25 % de récidives locales après mastectomie, pour-centage variable selon l’importance de l’envahissement ganglionnaire. Les mastectomies super-ra-dicales essayées pour réduire ce risque n’ont abouti qu’à créer des séquelles plus importantes chezles malades. Elles ont permis cependant de connaître la fréquence des envahissements ganglion-naires axillaires, sus-claviculaires et mammaires internes. C’est l’utilisation de la radiothérapie ex-terne qui va réduire de façon importante ce risque. La bonne dose pour y arriver, la dose de 50 Gyde la radiothérapie de base a été bien définie par G.H. Fletcher, radiothérapeute américain dans lesannée soixante. Cette dose divise par 3 ou 4 le risque de récidive, que le traitement chirurgical soitradical ou conservateur. C’est cette radiothérapie externe complémentaire qui a permis d’abandon-ner la mastectomie radicale de Halstedt au profit de la mastectomie de Patey pratiquement seuleutilisée maintenant, intervention beaucoup moins mutilante puisqu’elle préserve les muscles pec-toraux.En 1929, G. Keynes, chirurgien anglais, compare les résultats qu’il obtient par des tumorectomiesassociées à des implantations d’aiguilles de radium (curiethérapie) à ceux qu’il obtient par mastec-tomies. Il observe 2 fois moins de récidives avec les mastectomies mais sans influence sur la sur-vie, ce qui sera confirmé 39 ans plus tard. En 1937, V. Peters, radiothérapeute canadienne, compareles résultats qu’elle obtient par des tumorectomies associées à des radiothérapies externes par200 KV (radiothérapie externe de l’époque par tubes à rayons X) du sein et des aires ganglionnairesà ceux qu’elle obtient avec des mastectomies. Elle obtient moins de récidives avec la mastectomiemais sans influence non plus sur la survie jusque 30 ans après le traitement initial. Il ressortait deses 2 études que, contrairement à ce qu’on pensait initialement, il y avait peu ou pas de risquepour la survie à faire un traitement conservateur même si les récidives étaient plus fréquen-

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tes.En 1949, F. Baclesse, radiothérapeute français, entreprend des radiothérapies externes pré-opéra-toires dans le but d’améliorer les résultats de la chirurgie et, dans certains cas, de rendre opérablesdes tumeurs initialement inopérables. Cette démarche était logique dans la mesure où le cancer dusein manifestait une indiscutable radiosensibilité quand, pour une raison ou une autre, on était ame-né à irradier par 200 KV des tumeurs mammaires. Ayant découvert que 1/3 des tumeurs irradiéesétaient stérilisées à l’examen de la pièce opératoire, et dans la mesure où cette radiothérapie pré-opératoire ne rendait pas plus difficile la chirurgie, ce radiothérapeute a érigé en système le princi-pe de l’irradiation-test suivie, selon l’importance de la réponse, d’une mastectomie si la tumeur res-tait importante, d’une tumorectomie si elle devenait petite, et d’un complément de radiothérapieexterne si elle avait disparu.Puis, dans les années cinquante - soixante, sont apparus les photons de haute énergie (télécobalts,betatrons puis accélérateurs linéaires). Il devenait possible de mettre la dose que l’on voulait oùl’on voulait, en particulier dans le sein. Les réactions cutanées en cours de traitement n’étaient plusun obstacle et les séquelles cutanées, quasi inévitables avec le 200 KV (dépigmentation, télangiec-tasies) disparaissaient. Parallèlement, sous l’action de B. Pierquin, radiothérapeute français, le ra-dium était remplacé par l’iridium (Ir 192) qui permettait de traiter de plus grands volumes qu’avecle radium, avec une meilleure géométrie, une dosimétrie plus précise et plus reproductible. R. Cal-le, radiothérapeute français, prenait la suite de F Baclesse en utilisant la radiothérapie-test avec letélécobalt, à la dose de 55 Gy, pour les tumeurs de plus de 3 cm impossibles à traiter d’emblée partumorectomie irradiation. Pour les tumeurs de 3 à 7 cm, il obtenait ainsi 50 % de conservationmammaire là où les autres avaient 100 % de mastectomies. Il réalise une comparaison appariéeavec des cas identiques traités par mastectomie d’emblée au Mémorial Hospital de New-York : unefois de plus, on constate qu’il n’y a pas de différence de survie. A la même époque, J.M. Spitalier,chirurgien français, et R. Amalric, radiothérapeute français, traitent, à Marseille, les mêmes cas parradiothérapie gamma jusqu’à dose complète. Il s’agit alors de tentatives de radiothérapies ex-clusives et non plus seulement de radiothérapies-tests. S’il persiste une tumeur palpable en finde traitement, une chirurgie est réalisée. Le taux de conservation atteint alors 70 % pour destumeurs de 3 à 7 cm. A la même époque B. Pierquin utilise la curiethérapie par Ir 192 en surdo-sage pour les mêmes cas et le taux de conservation atteint le chiffre de 90 %, mais au prix de bonsrésultats esthétiques ne dépassant pas 50 %. Pour améliorer ces derniers, il passe à la radiothérapie-test de 45 Gy suivie de tumorectomie avec surdosage d’Ir 192 à doses faibles. L’efficacité localeest alors la même et les résultats esthétiques améliorés. Pour notre part, nous adoptons le principede la radiothérapie menée systématiquement à son terme avec un surdosage par Ir 192 mais avecdes doses inférieures qui seront plusieurs fois réduites. Pour les mêmes cas (tumeurs de 3 à 7 cm)le taux de conservation reste alors à 90 % mais les bons résultats esthétiques passent à moyen terme(5 ans) de 50 % à 80 %. La constatation de la plus grande efficacité de la curiethérapie comparati-vement à la radiothérapie externe, en technique de surdosage pour le traitement de tumeurs en pla-ce, n’était pas étonnante. Dans toutes les localisations tumorales où la comparaison a pu être faite,la même constatation a été faite. D’ailleurs, cette supériorité a été démontrée dans un essai rando-misé réalisé à l’Institut Curie comparant radiothérapie externe et curiethérapie de surdosage chezdes malades n’ayant plus de tumeur palpable après radiothérapie externe. Une désescalade des do-ses s’est produite avec amélioration des résultats esthétiques et fonctionnels sans diminution del’efficacité anti-tumorale. Au début de l’utilisation des photons de haute énergie, en effet, certainscroyant bien faire, ont donné des doses très élevées comme le permettait la tolérance en cours detraitement mais avec des séquelles en particulier à type de fibrose ou de rétraction du sein sans amé-

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liorer de façon notable l’efficacité antitumorale. Comme les super chirurgies les super radiothéra-pies n’ont rien apporté d’utile. Contrairement à ce que l’on pensait depuis le début de l’utilisationde la radiothérapie dans le cancer du sein, ce cancer n’est pas particulièrement radiorésistant. Iln’est pas nécessaire de dépasser 50 Gy pour la maladie infraclinique à distance du foyer tu-moral (G. Fletcher) et, pour une tumeur laissée en place, il n’est pas nécessaire de dépasser70 Gy en doses totales. Avec ces modifications de doses, les séquelles esthétiques et fonctionnel-les ont presque disparu.Toujours à la même époque, 3 essais, cette fois-ci randomisés, ont comparé aux USA, en France eten Italie le traitement conservateur par chirurgie + radiothérapie à la mastectomie, suivie plus oumoins de radiothérapie (B. Fisher, D. Sarrazin, U. Veronesi) : là non plus aucune différence de sur-vie n’a été trouvée. L’essai de B. Fisher a confirmé, en plus, les données de G.H. Fletcher à savoirqu’en cas de chirurgie passant bien au large de la tumeur une radiothérapie post-opératoire de50 Gy divise par 3 ou 4 le risque de récidive locale (à partir de la maladie infraclinique intra-mammaire).A partir des années 1980, se développe la chimiothérapie adjuvante. C. Jacquillat, en 1980, a l’idéede l’utiliser en premier pour agir le plus tôt possible sur le risque métastatique. A sa suite, d’autresfont de même. Tous constatent de fréquentes régressions importantes et même des réponses clini-ques complètes dans environ 15 % des cas. Pour des tumeurs initialement inaccessibles à une tu-morectomie, il devenait possible de faire un traitement conservateur à la place d’une mastectomie.Le dogme de la mastectomie systématique pour les tumeurs de plus de 3 cm était ébranlé à nou-veau. Le traitement conservateur des tumeurs de grande taille n’était plus une façon exceptionnellede traiter, n’existant que dans quelques équipes seulement. Mais pour le traitement conservateur,la chimiothérapie première apportait-elle quelque chose de plus que la radiothérapie-test ? Un essairéalisé à l’Institut Curie a montré que la chimiothérapie première n’apportait rien de plus par rap-port à la radiothérapie-test. Actuellement les indications sont donc, pour les tumeurs de plus de3 cm, soit une chimiothérapie première, soit une radiothérapie-test première, soit les 2, puisune décision selon le résultat obtenu. Certains cependant sont restés attachés à l’indication d’unemastectomie d’emblée, suivie ou non d’une reconstruction mammaire immédiate ou différée.En 1990, grâce à un diagnostic plus précoce et grâce à une application systématique du traitementconservateur par chirurgie plus radiothérapie aux tumeurs égales ou inférieures à 3 cm, plus des 3/4 des femmes ont bénéficié en France d’un traitement conservateur alors qu’il n’y en avait qu’untiers aux USA.En 1987, une méta-analyse des essais randomisés concernant 17 000 patientes a montré que la ra-diothérapie associée à la chirurgie n’améliorait pas la survie. Reprise en 1995 avec 20 000 patien-tes, la méta-analyse a montré que les récidives locorégionales étaient divisées par 3 avec laradiothérapie, que les décès par cancer du sein étaient diminués mais que les décès d’autres causesétaient augmentées d’autant. Des études éliminant les séries les plus anciennes qui n’irradiaient pasde façon correcte ont montré que la radiothérapie donnait une amélioration de la survie d’environ10 %. Contrairement à ce que l’on pensait autrefois, le cœur n’est en effet pas radiorésistant. Avecle temps, les effets de la radiothérapie sur le cœur deviennent néfastes. Cette dernière doit donc êtrebien conduite pour préserver au maximum cœur et poumons.Au total les traitements conservateurs sont devenus plus fréquents et de meilleure qualité et lescomplications sont devenues exceptionnelles. Enfin, bien réalisé comme il l’est maintenant, le trai-tement locorégional a une action favorable, modeste mais réelle, sur la survie.

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11.11 Points essentiels

1. Le cancer in situ est canalaire (galactorique) ou intralobulaire, il n’est pas infiltrant, il ne don-ne pas de localisations à distance ganglionnaire ou métastatique. Non traité il devient infiltrantdans 50 % des cas.Le cancer infiltrant qu’il soit canalaire (forme la plus fréquente) ou lobulaire ou d’une autreforme est à risque métastatique.

2. Le risque métastatique en cas de cancer infiltrant est suffisamment faible pour ne pas justifierune chimiothérapie adjuvante si :

— T ≤ 0,5 cm ou T > 0,5 cm et < 1 cm N- (pas d’envahissement ganglionnaire histologique)— SBR I— Récepteurs hormonaux positifs— Age > 35 ans

3. En présence d’une tuméfaction d’un sein les signes cliniques en faveur du cancer sont : l’at-traction cutanée ou l’envahissement cutané, la présence d’une adénopathie axillaire, accessoi-rement la dureté et le caractère indolore de la tuméfaction.

4. Les signes radiologiques en faveur d’un cancer sont : opacité à contours irréguliers typique-ment spiculés (image stellaire) avec microcalcifications en amas au niveau et un peu à distan-ce de l’opacité.

5. Le T1 est une tumeur de 2 cm ou moins (avec T1 mic ≤ 0,1 cm/ T1a > 0,1 cm ≤ 0,5 cm/ T1b< 0,5 cm ≤ 1 cm/ T1c > 1 cm ≤ 2 cm).Le T2 est une tumeur > 2 cm ≤ 5 cmLe T3 est une tumeur > 5 cmLe T4 est une tumeur avec atteinte de la peau ou de la paroi thoracique ou tumeur inflamma-toireN0 Pas d’adénopathie palpableN1 Adénopathie axillaire homolatérale mobileN2a Adénopathie axillaire homolatérale fixéeN2b Adénopathie mammaire int. cliniqueN3a Adénopathie infraclaviculaireN3b Adénopathie axillaire et mammaire int.N3c Adénopathie sus-claviculaire

6. L’analyse histologique d’un prélèvement pour cancer du sein doit préciser :

— Le type histologique (infiltrant ou non et la variété)— Le grade SBR— La présence ou non de plusieurs foyers in situ ou infiltrants— Les récepteurs hormonaux— Le caractère Erb 2

Et en plus, sur une pièce d’exérèse :

— La taille de la tumeur— La qualité des limites d’exérèse (avec la distance en mm entre la tumeur et les berges de

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Cancer du sein

l’exérèse apparemment complète)— La recherche d’embols carcinomateux

7. Le traitement locorégional des tumeurs égales ou inférieures à 3 cm est la tumorectomie avecexploration chirurgicale du creux axillaire (curage ou étude du ganglion sentinelle suivie ounon de curage) sauf pour les cancers in situ et les cancers infiltrants égaux ou inférieurs à0,5 cm pour lesquels le curage est inutile. Cette tumorectomie est suivie d’une radiothérapiedu sein de 50 Gy avec un complément sur la zone de tumorectomie de 15 Gy et, si envahisse-ment ganglionnaire axillaire, une radiothérapie des régions sus-claviculaire et mammaire in-terne aux doses de 50 Gy.

8. Le traitement locorégional des tumeurs de plus de 3 cm n’est plus systématiquement une mas-tectomie d’emblée. Des traitements conservateurs par tumorectomie suivie de radiothérapieou par radiothérapie seule sont entrepris selon la qualité de la réponse après un traitement pre-mier par chimiothérapie et/ou radiothérapie externe (chirurgie conservatrice si reliquat≤ 3 cm, radiothérapie seule si pas de reliquat et mastectomie si reliquat > 3 cm).

9. L’hormonothérapie est inutile en l’absence de récepteurs hormonaux. Elle peut suffire commetraitement adjuvant dans les formes de bon pronostic après la ménopause (T1T2 < 3 cm N0SBR I). Elle peut suffire comme traitement palliatif de formes métastasées peu évolutives dela femme après la ménopause. L’hormonothérapie est faite soit par Tamoxifene soit par Anti-aromatases soit par Analogues de la LH-RH.

10. La chimiothérapie fait appel aux Anthracyclines (en ne dépassant pas les doses toxiques pourle cœur), aux Taxanes, et accessoirement à la Vinorelbine aux dérivés du platine, au Fluorou-racyl, au Cyclophosphamide. Elle est utilisée à titre palliatif dans les formes métastasées sauflorsque la maladie est hormonosensible et que l’âge rend difficile la tolérance à la chimiothé-rapie. Il en est de même pour la chimiothérapie adjuvante, en précisant qu’il n’y a pas d’indi-cation de chimiothérapie dans les formes à très faible risque métastatique (cf 2.).

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Le cancer de l’ovaire

Chapitre 12

Le cancer de l’ovaireAuteurs : J.B. Méric, O. Rixe, D. Khayat, C. Genestie, J.P. Lefranc

12.1 Généralités, épidémiologie

Ce chapitre traitera principalement des tumeurs épithéliales primitives de l’ovaire ; les tumeursgerminales seront brièvement abordées.Les tumeurs de l’ovaire sont :

— Au cinquième rang des néoplasies féminines (incidence moyenne 10/100 000 dans les paysindustrialisés soit 5000 nouveaux cas par an en France) avec un pic de fréquence chez les fem-mes de 60 à 70 ans.

— La troisième cause de décès par cancer chez la femme en France.

On leur reconnaît :

• Les facteurs de risque suivants :

— Antécédents familiaux de cancer de l’ovaire (RR=2 à 3,5)— Antécédent personnel de cancer de l’ovaire (RR=4)— Antécédent personnel de cancer du sein (RR=4)— Nulliparité

• Les facteurs protecteurs suivants :

— Multiparité— Prise de contraceptifs oraux— Alimentation riche en végétaux

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Le cancer de l’ovaire

12.2 Anatomopathologie

12.2.1 Rappel histologique

L’ovaire est revêtu par un épithélium pavimenteux ou cubique simple.L’ovaire comprend deux zones : la corticale et la médullaire.

Zone corticaleépaisse, située à la périphérie, elle comporte :* des follicules ovariens contenant les ovocytes* le stroma ovarien

Zone médullairesituée au centre de l’ovaire, faite d’un tissu conjonctif lâche. Elle contient des nerfs, desvaisseaux sanguins et lymphatiques.

Figure 13 Schéma d’une coupe d’ovaire

12.2.2 Classification histologique des tumeurs ovariennes

La complexité des tumeurs ovariennes tient à la multiplicité des types lésionnels rencontrés, con-séquences d’une embryogenèse complexe.La classification histologique de l’OMS est la plus utilisée.Elle distingue plusieurs groupes de tumeurs primitives ovariennes en se basant sur les corrélations

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Le cancer de l’ovaire

morphologiques existant entre l’aspect histologique de la tumeur et l’aspect histologique des cons-tituants de l’ovaire normal.

Tumeurs épithéliales communes

— Les tumeurs séreuses— Les tumeurs mucineuses— Les tumeurs endométrioïdes— Les adénocarcinomes à cellules claires— Les tumeurs de Brenner— Les tumeurs mixtes épithéliales— Les carcinomes indifférenciés

Tumeurs du mésenchyme et des cordons sexuels

— Les tumeurs à cellules de la Granulosa et stromales

A. Tumeurs de la GranulosaB. Tumeur du groupe fibro-thécal

— Les tumeurs de Sertoli-Leydig— Tumeur des cordons avec tubules annelés— Gynandroblastome

Tumeurs germinales

— Le dysgerminome— La tumeur du sinus endodermique— Le carcinome embryonnaire— Le polyembryome— Le choriocarcinome— Le tératome immature— Le tératome mature— Le tératome monodermique

A. goitre ovarienB. carcinoïde

— Les tumeurs germinales mixtes— Les tumeurs germinales associées à des éléments du mésenchyme et des cordons

sexuels.

12.2.3 Tumeurs épithéliales

Les tumeurs épithéliales sont les plus fréquentes des tumeurs ovariennes : elles représentent 2/3 destumeurs ovariennes primitives.Macroscopiquement, il s’agit de tumeur kystique et papillaire, volontiers bilatérales.

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Le cancer de l’ovaire

Le préfixe « cystadéno » est utilisé lorsqu’une tumeur épithéliale présente un aspect kystique. Unecavité kystique unique est dite « uniloculaire », lorsqu’il y a plusieurs cavités on parle d’aspectkystique « multiloculaire ».L’adjectif papillaire est ajouté lorsque la tumeur présente une architecture papillaire, c’est à diredessinant des projections bordées de cellules épithéliales et centrées par un axe conjonctif

12.2.3.1 Tumeurs séreuses

1. Cystadénome papillaire séreux à la limite de la malignité (tumeur borderline).Bilatéraux dans 30 % des cas.Variété tumorale particulière à l’ovaire, ces tumeurs se situent entre les lésions morphologi-quement bénignes et les tumeurs malignes.Elles doivent être individualisées en raison de leur fréquence, de leur âge de survenue (infé-rieur à celui des tumeurs malignes) et surtout de leur excellent pronostic par rapport à celuides tumeurs malignesMacroscopiquement, il s’agit habituellement de tumeurs kystiques, pourvues de végétationsendokystiques et parfois exokystiques.Aucun critère macroscopique ne permet de les différencier d’une part d’un cystadénome pa-pillaire bénin et d’autre part des tumeurs malignes ou cystadénocarcinomes.Histologiquement, les cellules qui bordent la paroi des kystes et les papilles reflètent le carac-tère proliférant de la lésion.On observe des pluristratifications du revêtement épithélial, des touffes faites de cellules épi-théliales desquamant dans la lumière du kyste, des atypies cytonucléaires et des mitoses.Il n’existe aucune infiltration du stroma+++.Dans 20 % à 40 % des cas, la tumeur est associée à des localisations extra-ovariennes, sousforme d’implants péritonéaux, qu’il ne faut pas confondre avec des lésions de carcinose péri-tonéale.Le diagnostic de tumeur borderline ne doit être porté que sur l’analyse de la tumeur ovarienne,qu’il y ait ou non des localisations extra-ovariennes.Le pronostic des tumeurs séreuses à la limite de la malignité est très bon.

2. Tumeurs séreuses malignesCe sont des adénocarcinomes ou des cystadénocarcinomes habituellement papillaires.Ces tumeurs sont souvent bilatérales, volumineuses, partiellement kystiques, tapissées de vé-gétations et fréquemment remaniées par des phénomènes nécrotiques et hémorragiques.Ce sont des tumeurs infiltrantes ou invasives, pouvant réaliser tous les aspects entre un adé-nocarcinome bien différencié d’architecture papillaire et une tumeur peu différencié d’archi-tecture où prédomine des secteurs solides.

12.2.3.2 Tumeurs mucineuses

Ces tumeurs sont caractérisées par une prolifération de cellules mucosécrétantes, rappelant l’épi-thélium endocervical ou intestinal.Elles sont moins fréquentes que les tumeurs séreuses.

1. Tumeurs mucineuses à la limite de la malignité ou Cystadénome papillaire à la limite de la

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Le cancer de l’ovaire

malignité (borderline).Elles correspondent au même concept que leurs homologues séreuses. Les papilles nombreu-ses sont revêtues par des cellules mucosécrétantes, plus ou moins atypiques, et réalisant denombreuses touffes desquamant dans la lumière des kystes.Il n’y a pas d’invasion du stroma ++++Comme pour les tumeurs séreuses, les tumeurs mucineuses à la limite de la malignité peuvents’accompagner d’implants péritonéaux.Le pronostic est bon.

2. Tumeurs mucineuses malignesMoins fréquentes que les tumeurs séreuses malignes, les adénocarcinomes et cystadénocarci-nomes mucineux ne différent en rien macroscopiquement de ceux-ci.Ils réalisent le plus souvent une tumeur mi-kystique, mi-solide, remaniée par des zones de né-crose et d’hémorragie.L’aspect histologique est celui d’une tumeur maligne, infiltrante, mucosécrétante.Tous les aspects sont possibles entre une tumeur bien différenciée et une prolifération tumo-rale peu différenciée.

12.2.3.3 Tumeurs endomètrioïdes

Cette variété de tumeurs regroupe toutes les tumeurs dont la morphologie ressemble aux tumeursde l’endomètre.La majorité des tumeurs endomètrioïdes de l’ovaire sont des tumeurs malignes.Ces adénocarcinomes et cystadénocarcinomes sont des tumeurs de la femme âgée.Elles sont bilatérales dans 30 % des cas.Histologiquement, la tumeur est identique à un adénocarcinome de l’endomètre.Dans 20 % des cas, il s’y associe un adénocarcinome de l’endomètre.

12.2.3.4 Tumeurs indifférenciées

Ce sont des tumeurs malignes épithéliales trop peu différenciées pour permettre de les inclure dansune des variétés précédentes.

12.2.4 Facteurs pronostiques

Le stadeLe type histologiqueLe grade histsologique basé sur l’architecture et les atypies cytonucléaires.

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Le cancer de l’ovaire

12.3 Circonstances de découverte. Bilan paraclinique initial

Les signes cliniques initiaux les plus fréquents sont :

— L’apparition d’une ascite— Une douleur pelvienne— La perception d’une masse pelvienne— Plus rarement, un syndrome occlusif

Ces signes témoignent d’une extension déjà importante dans la cavité abdomino-pelvienne. En ef-fet, à un stade plus précoce le cancer de l’ovaire est le plus souvent asymptomatique.Dans 25 % des cas, la tumeur est de découverte fortuite lors d’une échographie pelvienne.L’examen à réaliser en cas de suspicion d’une tumeur ovarienne est l’échographie pelvienne trans-pariétale et transvaginale.Les critères échographiques de malignité d’une masse ovarienne sont :

— Masse tissulaire— Paroi épaissie ou irrégulière pour les masses kystiques— Contenu hétérogène— Végétations intra- ou extra-kystiques— Aspect multiloculé

Le bilan d’extension tient compte de l’histoire naturelle du cancer de l’ovaire qui se dissémine pré-férentiellement au niveau loco-régional, par contiguïté (utérus, trompes, annexe contro-latérale),par voie péritonéale et par extension lymphatique (premier relais para-aortique).On réalise donc :

— Un scanner abdomino-pelvien,— Une radiographie thoracique : la découverte d’un épanchement pleural nécessite une ponction

à visée diagnostique pour trancher entre un épanchement inflammatoire réactionnel à une ex-tension péritonéale, et une pleurésie carcinomateuse.

— Un dosage du CA-125, non spécifique, mais très sensible, reflet de l’atteinte séreuse (périto-néale)

Les autres examens seront orientés par la clinique, mais ne sont pas systématiques.

12.4 Classification. Pronostic

La classification de référence est celle de la Fédération Internationale de Gynécologie-Obstétrique(FIGO), qui est une classification clinique per-opératoire.

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Le cancer de l’ovaire

Stade DescriptionI Tumeur limitée aux ovairesI A Tumeur limitée à un seul ovaire avec capsule intacteI B Tumeur des 2 ovaires avec capsules intactesI C Rupture capsulaire, ou végétation(s) tumorale(s) à la surface ovarienne Ou cytolo-gie du liquide d’ascite ou de lavage péritonéal positifII Tumeur étendue au pelvisII A Extension à l’utérus et/ou aux trompesII B Extension aux autres organes pelviensII C Extension pelvienne avec cytologie du liquide d’ascite ou de lavage péritonéal po-sitifIII Métastases péritonéales au-delà du pelvis et/ou adénopathies Métastatiques régio-nalesIII A Métastases péritonéales microscopiquesIII B Métastases macroscopiques ≤ 2 cmIII C Métastases macroscopiques > 2 cm et/ou adénopathies métastatiques RégionalesIV Métastases à distancePour décrire au mieux la maladie on y adjoint une classification jugeant de la qualité d’exérèse,facteur pronostique important :Exérèse complète : pas de résidu macroscopiqueExérèse optimale : résidu de moins de 2 cmExérèse sub-optimale : résidu de plus de 2 cmSimple biopsie.Le pronostic est fonction du stade FIGO :

Survie à 5 ansStade I 75 %Stade II 50 %Stade III 20 %Stade IV 5 %En moyenne, le taux de survie à 10 ans est de 20 %. En effet, la plupart des cancers de l’ovaire sontdécouverts à un stade avancé (75 % au stade III ou IV), chez des patientes souvent âgées.

12.5 Stratégie thérapeutique dans le cancer de l’ovaire

12.5.1 Chirurgie

La chirurgie est indiquée dans tous les cas :

— à visée diagnostique— à visée pronostique

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Le cancer de l’ovaire

— à visée thérapeutique : réduction tumorale la plus complète possible, le résidu tumoral post-opératoire étant corrélé à la probabilité de survie.

On distingue différents temps opératoires

— Laparotomie médiane large— Examen clinique puis extemporané de l’annexe suspecte— Inventaire lésionnel avec classification FIGO (notés dans le compte-rendu opératoire)— Hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale, omentectomie— Lymphadénectomie iliaque et para-aortique— Exérèse de toute lésion visible resécable, parfois au prix d’une segmentectomie digestive— Lavage péritonéal avec analyse cytologique du liquide— Biopsies péritonéales à l’aveugle en l’absence de carcinose visible— Bilan des masses résiduelles laissées en place

Cette chirurgie première avec réduction tumorale constitue un consensus.Elle est discutée :

— en cas de stade I A bien différencié donc après une chirurgie complète de stadification en casde désir de grossesse : on peut proposer une chirurgie plus limitée conservant l’utérus et l’an-nexe controlatérale en informant la patiente des risques de rechute et de la nécessité aprèsgrossesse d’une totalisation (annexectomie contro latérale + hystérectomie).

— en cas de carcinose péritonéale massive ne permettant pas une chirurgie optimale en raisondes multiples adhérences : on peut alors débuter la séquence thérapeutique par une chimiothé-rapie, suivie d’une chirurgie de réduction tumorale dans un second temps.

La chirurgie de second-look n’est plus pratiquée en routine (intérêt non démontré, morbidité éle-vée).

12.5.2 Chimiothérapie

Elle est indiquée dans presque tous les cas. Seules les tumeurs de stade I A et bien différenciées(grade 1) ne relèvent pas de ce traitement.La chimiothérapie

— doit débuter moins de 1 mois et demi après la chirurgie— doit comporter un sel de platine— est administrée en IV pour un minimum de 6 cycles à 21 jours d’intervalle.

La référence est actuellement un taxane, le Paclitaxel (nom commercial : Taxol) et un sel de plati-ne, le Carboplatine (Paraplatine), le Paclitaxel ayant remplacé le cyclophosphamide (Endoxan)La surveillance durant chimiothérapie se fait par le dosage de CA 125 et par scanner abdomino-pelvien en cas de résidu macroscopique.Le cancer de l’ovaire est très chimio-sensible.En cas de rechute, une nouvelle chimiothérapie sera entreprise, à base de platine en cas de rechute

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Le cancer de l’ovaire

à plus de 6 mois, sans platine en cas de rechute précoce. Ces rechutes sont par contre plus chimio-résistantes, notamment en cas de survenue précoce par rapport au traitement initial.D’autres méthodes existent, notamment la chimiothérapie par voie intra-péritonéale.

12.5.3 Autres traitements

La place de la radiothérapie est très réduite. La radiothérapie abdominale totale parfois pratiquéene peut être utilisée qu’à doses faibles pour ne pas être toxique (irradiation des structures digesti-ves). Ces doses ont une efficacité réduite.Comme dans toute maladie cancéreuse, de nouveaux traitements sont à l’essai (vaccinothérapie,nouvelles molécules de chimiothérapie, etc…). Ces approches sont pour l’instant en évaluation.

12.6 Conclusion

Points forts à retenir :

— Troisième cause de décès par cancer chez la femme en France.— Intérêt de l’anatomopathologie, distinction des tumeurs « borderline ».— 75 % de diagnostics à un stade avancé.— Moins de 20 % de survie à 10 ans tous stades confondus.— La chirurgie est indispensable.— La réduction tumorale maximale améliore le pronostic.— La chimiosensibilité est grande, la chimiothérapie incontournable.— Les sels de platine et les taxanes ont permis d’améliorer la survie.

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Le cancer de l’ovaire

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Cancers bronchiques non à petites cellules

Chapitre 13

Cancers bronchiques non à petites cellulesAuteurs : M. Gatineau, F. Charlotte, E. Jauffret, M. Riquet, F. Baillet

Véritable fléau mondial, en constante progression depuis 50 ans, les cancers bronchiques (CB) sontessentiellement dus au tabac et gardent un pronostic catastrophique malgré les réels progrès réali-sés dans la compréhension de la cancérogenèse et ceux faits en thérapeutique ces dernières années.

13.1 Epidémiologie des cancers bronchiques

Quelques chiffres, tirés du Centre Internationale de Recherche sur le Cancer (CIRC), suffisent àdonner le vertige. En effet, dans le monde, en l’an 2000, il y a eu :

Concernant les cancers bronchiques, on a relevé :

• 12 % des cancers sont des CB mais les CB sont responsables de 17 % des décès par cancer• 73 % sont des hommes, 27 % des femmes → Sex ration mondial = 3/1

10 055 551 nouveaux cas de cancer et

Mortalité = 62%6 208 279 déces par cancer

1 238 861 nouveaux cas de CB et

Mortalité = 89%

1 103 119 décès liés auxCB

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Cancers bronchiques non à petites cellules

• Répartition mondiale :

— 38 % en Asie de l’Est— 18 % en Europe— 16 % en Amérique du Nord— 12 % en Europe de L’Est

• 224 317 nouveaux cas de CB en Europe de l'Ouest

Pour la France les chiffres sont aussi préoccupants :

• Soit une incidence de :

— 54/100 000 habitants pour les hommes— 13/100 000 habitants pour les femmes.

A côté des chiffres bruts, des tendances inquiétantes sont enregistrées :

• Les données récentes montrent une nette augmentation de la proportion de femmes, consé-quence directe de leur entrée massive dans le tabagisme. Aux Etats unis, par exemple, 45 %des nouveaux cas de CB surviennent chez les femmes. Le cancer bronchique est ainsi de-venu la première cause de mortalité par cancer chez les femmes en 1987, aux USA, devant lecancer du sein.

• En France, on devrait assister au même phénomène dans 20 ans. En effet, alors que le taba-gisme affichait un sex-ratio homme/femme de 3 voire 4 dans les années 1970, il est désormaisde 1 chez les moins de 20 ans.

• L’incidence des cancers bronchiques a tendance à diminuer chez les hommes dans les paysqui sont entrés historiquement le plus tôt dans le tabagisme (Etats-Unis d’Amérique, Grande-Bretagne) en raison des grandes campagnes d’incitation à l’arrêt effectuées depuis trente ansdans ces pays.

• Cependant l’incidence mondiale devrait encore croître à cause de la proportion de plus en plusgrande de fumeurs dans les pays émergeants les plus peuplés comme la Chine et l’Union In-dienne où on note près de 50 % de fumeurs dans les populations adultes masculines urbaines.

On distingue deux grands types pronostiques et thérapeutiques de CB :

• les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) : 85 %• les cancers bronchiques à petites cellules (CBPC) : 15 %

26743 nouveaux cas en France en l’an 2000

25454 décès dus auxCBMortalité = 89 %

86 % sont des hommes et 14 % des femmes Sex ratio = 6/1

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Cancers bronchiques non à petites cellules

Cette distinction est rendue nécessaire car ces 2 types de cancer ont des caractéristiques totalementdifférentes (cf . cours CBPC, chapitre 14) : origine, temps de doublement, fréquence des métasta-ses, sensibilité à la chimiothérapie et à la radiothérapie. Ainsi, les cancers bronchiques non à petitescellules (CBNPC) ont une origine malpighienne, un temps de doublement plus lent de l’ordre dequelques mois, sont peu sensibles aux cytotoxiques, le traitement curatif reposant sur la chirurgie.On distingue trois grands groupes de CBNPC :

— les carcinomes épidermoïdes : 40 %— les adénocarcinomes : 40 %— les carcinomes à grandes cellules : 20 %

Leur pronostic global les réunit. Il est effroyable : il n’y a que 10 % des malades en vie à 5 ans.

13.2 Etiologie

Une seule est responsable de 90 % des cancers bronchiques : le tabac.

13.2.1 Tabagisme

— Facteur de risque essentiel suspecté dès le début du siècle et clairement reconnu dans les an-nées 50.

— Responsable de :

— 99 % des cancers épidermoïdes, — 95 % des CBPC— 90 % des carcinomes à grandes cellules et— 70 % des adéno-carcinomes

— Plus de 2000 carcinogènes identifiés, dont les hydrocarbones polycycliques (Benzopyrène) etles Nitrosamines.

— Le risque lié au tabagisme dépend :

— de la durée,

— de la quantité quotidiennne,— du type de tabac— de l’âge de début,— de l’inhalation ou non.

— Le facteur le plus important est la durée : le risque varie comme la puissance 4 de la durée (×16) ; alors qu’il double si la quantité double.

— Le Paquet-Année (PA : nombre de paquets/jour × durée en année) est une représentation pra-tique mais mauvaise du risque.Par exemple pour 20 PA : un demi-paquet par jour pendant 40 ans est beaucoup plus

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« risqué » en terme de cancer bronchique qu’un paquet par jour pendant 20 ans.— Le risque relatif global est de 15 : fumer augmente de 1500 % le risque de développer un

cancer bronchique.Il n’y a pas de valeur seuil en dessous duquel le risque est nul.

— L’arrêt du tabac diminue le risque mais ne le ramène jamais au risque du non-fumeur.— On constate une légère diminution du tabagisme chez les plus de 40 ans, mais celui-ci reste

constant voire en recrudescence chez les plus jeunes.— Le tabagisme passif augmente le risque de 35 % et serait responsable de 2 à 3000 morts

pour cancer bronchique par an aux Etats Unis.

13.2.2 Autres causes

Les autres causes sont secondaires mais certaines expositions professionnelles donnent lieu àune réparation :

• Non professionnelles :

a. Radiations Ionisantes Naturelles : Essentiellement, le Radon 222 provenant de la dé-gradation du Radium 226 et de l’Uranium 238. C’est un gaz que l’on trouve dans le sol,les roches, les nappes d’eau souterraines. A concerné autrefois les travailleurs des minesd’uranium. Risque relatif controversé de l’ordre de 1,15.

b. Pollution atmosphérique : vraisemblable, une étude récente montrant une associationsignificative entre le taux de pollution et le taux de cancers bronchiques dans six villesaméricaines, difficile à quantifier mais probablement faible. Les benzopyrènes, le dioxy-de de souffre et les oxydes de fer sont incriminés.

• Professionnelles :

— 8 causes reconnues donnent lieu à une réparation au titre de maladie professionnelle (cf.tableau 6) avec un délai de prise en charge (durée entre le début de l’exposition profes-sionnelle et le diagnostic) toujours supérieur à 30 ans.

— L’amiante est le risque professionnel le plus fréquent. Ses effets se multiplient à ceuxdu tabac. Toutes les fibres d’amiante sont en cause. Depuis 1996, il n’est plus nécessaired’apporter une « preuve clinique » d’exposition à l’amiante (asbestose, plaques pleuralesbilatérales plus ou moins calcifiées ou plaques péricardiques, pleurésie exsudative,épaississements pleuraux bilatéraux), grâce à la création du tableau 30bis.

— D’autres expositions sont reconnues cancérigènes par le CICR mais ne donnent pas lieuà réparation : gaz moutarde, béryllium, Cadmium, silice, cobalt, laines de roche, fibresde verre…

Tableau 6 Expositions professionnelles exposant au risque de cancer bronchique et donnant

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lieu à réparation

13.3 Biologie du CBNPC

• Le gène K-Ras : des mutations au codon 12 sont retrouvées dans environ 25 % des CBNPCopérés, presque toujours des adénocarcinomes. Ces mutations semblent corrélées à un plusmauvais pronostic.

• La Protéine c-erbB2 (ou HER2neu) est retrouvée hyper-exprimée dans 30 % des adénocar-cinomes. Cette protéine est un récepteur à des facteurs de croissance et favorise la multiplica-tion cellulaire.

• La protéine Bcl 2, impliquée dans la résistance à l’apoptose, est retrouvée hyper-expriméedans 25 % des CBNPC.

• La télomérase est une enzyme responsable de l’allongement des télomères, dont l’activité est

Substances res-ponsable

n° tableau délai de prise en charge (années)

durée d’expo-sition mini-mum (années)

précisions

Rayonnements ionisants dont Radon

6 30 tous les métiers exposant de près ou de loin aux rayonnements ionisants

Acide chlonique 10 ter 30 liste limitative : fabrication ou con-ditionnement d’acide chromique ou de chromate de Zinc

Houille 16 bis 30 10 liste limitative : travaux en cockerie, usine à gaz, fabrication de l’alumi-nium, fonderie et ramonage

Arsenic 20 bis et 20 ter 40 liste limitative : travaux de pyromé-tallurgie, fabrication de pesticides arsenicaux ou d’anhydride arsénieux

Amiante 30et 30 bis(pas de lésions associées)

35 10 sauf si lésions béni-gnes

liste limitative : mines d’amiante, travaux de fabrication de matériau à base d’amiante (amiante- ciment, amiante -textile, frein...etc) applica-tion ou destruction de produit conte-nant l’amiante : calorifugeage, déflocage, travaux d’isolation utili-sant de l’amianteplus besoin de lésions bénignes associés depuis 1996 (30 bis)

Nickel 37 ter 40 liste limitative : grillage de matte de nickel

Oxyde de fer 44 bis 30

Bis(chloromé-thyl)ether

81 40 liste limitative : travaux de fabrica-tion de bis(chlorométhyl)ether (85 % CPC)

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en général quasiment nulle dans les cellules normales. Elle est fréquemment (> 50 %) retrou-vée augmentée dans les CBNPC agressifs (et les CBPC) empêchant ainsi le raccourcissementchromosomique survenant au cours de la division cellulaire et donc l’apoptose.

• Les protéines suppresseurs de tumeurs :

1. la protéine Rb est modifiée dans 20 à 30 % des CBNPC, responsable d’une activation ducycle cellulaire.

2. La protéine p53 est anormale dans 50 % des CBNPC, protéine responsable de l’apop-tose p53-dépendante et de l’arrêt du cycle cellulaire.

3. d’autres anomalies sont relevées : citons les diminutions d’expression des protéines p16et p15, l’inhibition de la progression du cycle cellulaire, des altérations fréquentes desrégions chromosomiques 9p ou 3p.

13.4 Anatomopathologie

13.4.1 Carconome de type épidermoïde

• Lésion précancéreuseLa métaplasie malpighienne est le remplacement de l’épithélium bronchique de type respira-toire fait de cellules caliciformes et de cellules ciliées par un épithélium pavimenteux stratifiéappelé malpighien. Il ne s’agit pas d’une lésion précancéreuse. Une anomalie de maturationappelée dysplasie peut survenir sur un épithélium métaplasique et est considérée comme unelésion précancéreuse. Elle se caractérise par une désorganisation architecturale et des anoma-lies cytonucléaires des cellules malpighiennes. On distingue les dysplasies légères, moyen-nes ou sévères. La dysplasie sévère peut être considérée comme un carcinome in situ (ouintra-épithélial). Dans ce cas, il n’y a pas de rupture de la lame basale et d’infiltration tumoraledu chorion.

• Formes macroscopiquesCe type tumoral se manifeste le plus souvent par un bourgeon endobronchique, proximalfacilement accessible par fibroscopie. Il s’agit parfois d’une masse péribronchique proximalepar infiltration du tissu pulmonaire avoisinant Les masses pulmonaires périphériques sontbeaucoup plus rares. La tumeur peut être excavée en son centre par une nécrose. Dans ce caselle ne doit pas être confondues cliniquement acec un abcès pulmonaire.

• Formes histologiquesCette prolifération tumorale rélise des massifs pleins ou excavés par une nécrose centrale. Ilsont constitués de cellules de grandes tailles qui ressemblent plus ou moins à des cellules mal-pighiennes. On retrouve notamment des ponts d’union intercellulaires et une production dekératine par les cellules tumorales sous la forme d’une dyskératose (kératinisation de cellulesisolées) ou d’une parakératose (cellule kératinisée à noyau pycnotique). Selon le degré de dif-férenciation, on distingue les tumeurs bien, moyennement et peu différenciées et selon le de-gré de kératinisation, des formes kératinisantes, non ou peu kératinisantes.

• Colorations spéciales

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Les techniques par le PAS, le PAS-amylase et le bleu alcian sont négatifs car les cellules tu-morales des carcinomes épidermoïdes ne sont pas mucosécrétantes.

• Diagnostics différentiels

— Métastases d’un carcinome épidermoïde : en cas de nodule périphérique, il peut s’agird’une métastase. Le bilan à la recherche d’une tumeur primitive est facile car correspon-dant à des sites d’accès facile : tumeurs ORL buccales, œsophage, col utérin.

— Carcinome à grandes cellules : c’est un carcinome indifférencié non mucosécrétant,non kératinisant. Il n’y a pas de pont d’union entre les cellules tumorales.

13.4.2 Adénocarcinome

• Lésion précancéreuseL’hyperplasie adénomateuse atypique est une forme de lésion précancéreuse que l’on retrou-ve fréquemment en périphérie des adénocarcinomes. Elle est caractérisée par une hyperplasieavec des anomalies cytonucléaires discrètes des pneumocytes tapissant les parois alvéolaires.

• Formes macroscopiquesIl s’agit soit d’un nodule intra-parenchymateux ou plus rarement d’une masse bronchiqueproximale. Il existe une forme macroscopique particulière réalisant un aspect pneumoniquequi correspond histologiquement à la forme bronchiolo-alvéolaire.

• Formes histologiquesIl existe quatre sous-types architecturaux selon la classification de l’OMS :

— Acineux : Les cellules tumorales forment de petits amas au sein desquels on retrouve depetites cavités. Il existe une stroma-réaction fibreuse.

— Papillaire : Les cellules tumorales recouvrent des expansions conjonctives en doigt degant appelées papilles qui sont situées dans des cavités creusées dans des massifs tumo-raux.

— Solide à sécrétion mucineuse : Les cellules tumorales sont disposées en nappes ou enmassifs sans agencement particulier dans un stroma fibreux.

— Bronchiolo-alvéolaire (pur, non-invasif) : Dans cette forme, les cellules tumorales ta-pissent les parois alvéolaires en respectant l’architecture globale du tissu pulmonaire. Ilexiste deux formes : localisée, périphérique, d’évolution lente chirurgicale et une formediffuse bilatérale réalisant un syndrome alvéolaire avec une hypersécrétion de mucus parles cellules tumorales. Il faut préciser qu’une tumeur bronchiolo-alvéolaire comportantune composante invasive, c’est-à-dire caractérisée par la présence d’un foyer fibreux dé-truisant les parois alvéolaires et contenant des cellules carcinomateuses, doit être consi-dérée comme un sous-type mixte.

— Mixte : Combinaison de plusieurs sous-types histologiques.

• Colorations spéciales et immunohistochimieLes techniques par le PAS, le PAS-amylase et le bleu alcian permettent de mettre en évidenceune mucosécrétion dan le cytoplasme des cellules tumorales des adénocarcinomes, ce qui per-met de les différencier des carcinomes épidermoïdes qui ne sont pas mucosécrétants.En immunomarquage, les cellules tumorales expriment la cytokératine (CK) 7 mais pas la cy-

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tokératine 20.• Diagnostics différentiels

— Métastases :en cas de tumeur isolée périphérique, il est souvent difficile de différencier une tumeurprimitive d’une métastase. Parfois des signes d’appel et/ou un bilan d’extension permet-tent de rattacher la tumeur pulmonaire à un site primitif. L’immunomarquage peut êtreutile pour certains types de métastases : les cellules tumorales des métastases d’adéno-carcinomes coliques sont CK7- et CK20+. Les cellules tumorales des carcinomes à cel-lules claires du rein sont CK7- et CK20-. De plus les cancers primitifs sont TTF-1positifs (marqueurs spécifiques thyroïdiens et pulmonaires non à petites cellules)

— Carcinomes à grandes cellules :c’est un carcinome indifférencié non mucosécrétant.

13.5 Stades anatomo-cliniques

Tableau 7 Classification TNM 1997

TNM Description

Tx Tumeur ne pouvant être évaluée ou présence de cellules tumorales dans un produit d’expectoration sans tumeur visible en radiologie ou en fibroscopie

T0 Absence de tumeur primitive

Tis Carcinome in situ

T1 Tumeurs ≤ 3 cm entourée par du poumon et de la plèvre

T2 Tumeur > 3 cm ou envahissement de la bronche principale à plus de 2 cm de la carène ou envahissement de la plèvre viscérale ou atélectasie ne concernant pas tout le poumon

T3 Envahissement de la paroi thoracique, diaphragme, plèvre médiastinale ou du péricarde ou envahissement de la bronche principale à moins de 2 cm de la carène sans l’enbahir ou atélectasie concernant le poumon

T4 Envahissement du médiastin, cœur, et gros vaisseaux, trachées, œso-phage, vertébres, carène ou autres nodules dans le même lobe ou enva-hissement pleural ou péricardique

Nx Aires ganglionnaires régionales non évaluées

N0 Absence de ganglions métastatiques régionaux

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On regroupe les différents éléments de la classification TMN en stades de valeur pronostiques dif-férentes.

Tableau 8 Stades tumoraux

13.6 Apports de l’examen anatomopathologique

13.6.1 Apport diagnostique

En cas de carcinome épidermoïde, le diagnostic anatomopathologique est le plus souvent réalisépar fibroscopie bronchique ± prélèvements cytologiques (aspiration et brossage bronchiques) enraison du caractère le plus souvent proximal de la tumeur.

N1 Ganglions métastatiques péribronchiques homolatéraux, hilaires homo-latéraux

N2 Ganglions métastatiques médiastinaux homolatéraux ou sous carénaires

N3 Ganglions métastatiques médiastinaux controlatéraux, hilaires controla-téraux, scalène homo ou controlatéraux, sus claviculaire

Mx Présence de métastases viscérales non évaluée

M0 Absence de métastases viscérales

M1 Présence de métastases viscérales

Stades TNM

IA T1N0M0

IB T2N0M0

IIA T1N1M0

IIB T2N1M0T3N0M0

IIIA N2M0 quel que soit le TT3N1M0

IIIB N3M0 quel que soit le TT4M0 quel que soit le N

IV métastases

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En cas de d’adénocarcinome, le diagnostic peut être réalisé par fibroscopie bronchique ± prélève-ments cytologiques (aspiration et brossage bronchiques). Cependant, en raison du caractère péri-phérique de la tumeur, une ponction ou une biopsie transpariétale à l’aiguille sous contrôlescannographique est souvent nécessaire pour parvenir au diagnostic. Une thoracotomie exploratri-ce à visée diagnostique est parfois nécessaire en cas d’échec des examens précédemment cités. Unexamen extemporané est souvent pratiqué pour s’assurer que les prélèvements ont bien été effec-tués en zone tumorale.

13.6.2 Apport pronostique

En cours d’intervention chirurgicale pour carcinome épidermoïde, un examen extemporané estpratiqué si la tumeur est proche de la limite de résection bronchique pour s’assurer de l’absenced’envahissement tumoral de cette limite.Après l’intervention chirurgicale, l’étude de la pièce opératoire permet de préciser la taille de latumeur, l’extension à la plèvre, la topographie et le nombre d’adénopathies tumorales, ce qui per-mettra d’établir la classification TNM d’intérêt pronostique.

13.7 Circonstances de découverte

• Le diagnostic est toujours histologique.• Tout symptôme thoracique ou extra-thoracique chez un fumeur doit faire évoquer la possibi-

lité d’un cancer bronchique et faire pratiquer : un examen clinique complet, une radiogra-phie thoracique de face et de profil et, en cas d’anomalie, une endoscopie bronchique.

• 10 à 15 % des CBNPC surviennent chez des non-fumeurs• 10 % des CBNPC sont asymptomatiques.• Les circonstances sont variables :

— Signes thoraciques :

• Respiratoires• extension

— Médiastin— Paroi

— Signes extra-thoracique :

• Généraux• Métastases• Paranéoplasiques

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13.7.1 Signes thoraciques

13.7.1.1 Signes Fonctionnels respiratoires

— Toux persistante ou modification de la toux chez un bronchopathe chronique— Hémoptysie, quelle que soit son abondance— Dyspnée ou majoration de la dyspnée— Infections pulmonaires traînantes ou répétées dans le même territoire

13.7.1.2 Signes fonctionnels témoignant déjà d’une extension

Soit vers le médiastin :

— Trachée : dyspnée inspiratoire, toux, wheezing.— Nerf récurrent gauche : dysphonie avec voix bitonale par atteinte du nerf récurrent

qui vient « cravater » par en dessous la crosse aortique.— Nerf sympathique : Syndrome de Claude-Bernard-Horner (myosis, ptôsis, énoph-

talmie) par compression homolatérale.— Nerf phrénique : hoquet ou dyspnée par paralysie d’une hémicoupole diaphragmati-

que.— Vaisseaux : Syndrome cave supérieur par compression, thrombose ou envahisse-

ment de la veine cave supérieure (vertiges, malaises, bourdonnements d’oreille,céphalées, voire obnubilation, bouffissure de la face et des paupières, circulation vei-neuse collatérale thoracique supérieure, œdème en pèlerine, cyanose du visage et dela partie supérieure du thorax majorée lors de la toux, turgescence jugulaire).

— Œsophage : dysphagie de type néoplasique, progressive, aux solides puis aux liqui-des.

— Péricarde : troubles du rythme, péricardite symptomatique ou non.

Soit vers la paroi :Le maître-symptôme est la douleur par atteinte de la plèvre pariétale ou la paroi osseuse.Un cas particulier est représenté par le syndrome de Pancoast-Tobias.Le syndrome de Pancoat-Tobias associe dans sa forme typique (Pancoast 1924, Tobias1932) :

• Une tumeur de l’apex, exceptionnellement bénigne (indispensable)• Des signes radiculaires (atteinte du plexus brachial inférieur) : début par une douleur

postérieure de l’épaule, puis radiculaires C8 - D1 : des atteintes sensisitives puis mo-trices avec hypotrophie des loges musculaires (thénar et hypothénar) se voient tardi-vement.

• Des signes sympathiques : le syndrome de Claude-Bernard-Horner (ptosis, myosis,énophtalmie)

• Des signes osseux : une lyse costale de l’arc postérieur des 1ère, 2ème et parfois 3ème

côte, d’abord au niveau de l’articulation costo-vertébrale puis s’étendant à toute la

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côte et la vertèbre.

13.7.2 Signes Extra-thoraciques

• Altération de l’état général (AEG avec amaigrissement, asthénie, anorexie)• Tous les signes fonctionnels en rapport avec les métastases :

— Ganglionnaires : adénopathies sus-claviculaires— Cérébrales : signes neurologiques— Osseuses : douleurs, fractures— Hépatiques : ictère, douleur— Cutanés : nodules sous-cutanés.

• Les syndromes paranéoplasiques

— Hypercalcémie maligne (épidermoïdes) par sécrétion tumorale d’un peptide analoguede la PTH (parathormone). Biologiquement, les phosphatases alcalines sont normales, laphosphorémie basse et la scintigraphie osseuse normale, contrairement aux hypercalcé-mies des métastases osseuses.

— Hippocratisme digital (HD) isolé ou dans le cadre d’une ostéo-arthropathie pneumi-que hypertrophiante de Pierre-Marie-Bamberger qui associe :

• HD : ongle déformé en verre de montre, strié, doigts en baguette de tambour, hy-pertrophie des doigts, boudinés.

• Douleurs articulaires inflammatoires au niveau des doigts.• Troubles vasomoteurs locaux : cyanose, ondulation, paresthésie• Signes radiologiques : aposition péricostée diaphysaire, déminéralisation emphy-

saire.• Essentiellement dans les CBNPC (80 %) notamment les épidermoïdes (75 %).

Autres causes : fibrose pulmonaire et suppuration pulmonaire profonde surtout.

— Embolies pulmonaires et phlébites récidivantes (épidermoïdes)— Manifestations dermatologiques : Acanthosis Nigricans (adénocarcinome), dermato-

myosite.

13.8 Diagnostic

Evoqué sur des données anamnestiques et cliniques, le diagnostic est toujours histologique et ladémarche diagnostique doit répondre à deux questions :

1/ est-ce un cancer ?2/ le patient est-il opérable ?

Le diagnostic doit être évoqué devant les anomalies cliniques sus-citées chez un fumeur et fairepratiquer en premier lieu trois examens clés :

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1. Des radiographies de thorax face-profil (RT).2. Un scanner thoracique (avec des coupes hépatiques et surrénaliennes) si anomalies sur la RT

ou signes cliniques évocateurs.3. Une endoscopie bronchique.

13.8.1 Examen clinique

— Le plus souvent normal.— L’interrogatoire évalue l’intoxication tabagique, les antécédents pulmonaires, l’état général

(index de Karnofsky, Performance Status et perte de poids).L’examen physique recherche tous les signes précités, notamment ceux témoignant d’une at-teinte loco-régionale ou métastatique (examen neurologique, adénopathies surtout sus-clavi-culaires, douleurs osseuses,…)

13.8.2 Les radiographies pulmonaires de face et de profil

Le plus souvent anormales, elles permettent de détecter

• une opacité hilaire ou juxtahilaire : dense, homogène, à limite externe arrondie et nette ou aucontraire floue avec des prolongements « en patte de crabe » dans le parenchyme, et à limiteinterne confondue avec le médiastin.Parfois associée à des troubles de ventilation ou des adénopathies satellites intrabronchiquesou latérotrachéales.

• une opacité systématisée , liée à des atélectasies par trouble de ventilation : dense, homogène,classiquement triangulaire à base externe, rétractile (attraction du médiastin et de la coupolediaphragmatique, pincement costal), segmentaire ou lobaire, voire pulmonaire. Parfois c’estune hyperclarté systématisée, liée à une sténose bronchique à clapet réalisant un emphysèmeobstructif, stade fugace avant l’obstruction complète.

• une opacité arrondie périphérique , dense, homogène souvent à contours irréguliers,spiculés : la taille (plus de 4 cm) et surtout l’évolutivité sont des facteurs capitaux d’orienta-tion vers un diagnostic de cancer d’où l’importance de l’obtention de clichés anciens.

• une image excavée , par nécrose intratumorale, surtout dans les cancers épidermoïdes, (impor-tance de l'épaisseur et de l'irrégularité de la paroi endocavitaire en faveur du diagnostic de can-cer) ou par suppuration pulmonaire liée à une sténose bronchique.

• divers : épanchements pleuraux, opacité alvéolaire, ascension de coupole, lyse costale (ana-lyse complète du cliché thoracique), déplacement ou élargissement du médiastin.

Parfois le cliché thoracique est normal mais il faut savoir pousser les investigations chez les sujetssymptomatiques (TDM).

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13.8.3 Le scanner thoracique

Examen clé, il permet :

• de préciser la taille et la localisation de la tumeur ainsi que ses rapports avec les structuresvoisines,

• de rechercher des adénopathies médiastinales• de rechercher une autre localisation pulmonaire, hépatique ou surrénalienne.

L’IRM thoracique n’est pas réalisée sauf dans des cas très particuliers : évaluation des rapports tu-meur-aorte/cœur, tumeurs de l’Apex, suspicion d’atteintes vertébrales de contact.

13.8.4 La fibroscopie bronchique

La fibroscopie bronchique est le troisième examen clé. Elle est fréquemment normale (50 %). C’estdans les formes proximales qu’elle donne les meilleurs résultats.On peut voir :

1. des bourgeons endobronchiques, irréguliers, fragiles, saignant au contact ;2. une sténose irrégulière ;3. une compression extrinsèque ;4. un élargissement d’un éperon ;5. une infiltration de la muqueuse.

• En pratique, toutes les lésions doivent être biopsiées, ainsi que l’éperon d’amont, en règlelobaire voire trachéal (carène).

• Des brossages dirigés, des biopsies distales, voire transbronchiques sont discutés selon lescas : absence de lésion visible ou sténose circonférencielle, recherche de lymphangite carci-nomateuse. Dans tous les cas, les aspirations bronchiques seront analysées en cytologie.

• Si les prélèvements sont non contributifs et la fibroscopie évocatrice, il faut refaire immédia-tement une fibroscopie.

• Dans les opacités périphériques, le rendement est moins bon mais des brossages ou biopsiesdistales dirigées sous amplificateur de brillance donnent des résultats positifs dans deux tiersdes cas. Toutefois, il ne faut pas oublier que le diagnostic de certitude est exclusivement his-tologique et que les brossages ou les aspirations n’apportent que des résultats cytologiques quipeuvent s’avérer suffisants dans un contexte évocateur.

Inversement, si la fibroscopie est normale, tout dépend de la clinique et du TDM :

13.8.5 Au terme du bilan, deux situations sont possibles

a. Soit le diagnostic histologique est obtenu et on poursuit le bilan fonctionnel et d’extensionpour répondre à la deuxième question : le patient est-il opérable ?

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Cancers bronchiques non à petites cellules

b. Soit le diagnostic n’est pas fait :

• parfois (en cas de faible probabilité maligne, patient à l’état précaire) une surveillancestricte tous les 2 mois est licite afin de juger de l’évolutivité en cas de petit nodule pul-monaire.

• Sinon, dans la plupart des cas, il faut poursuivre les investigations afin de répondre àla première question : est-ce un cancer ? : il y a en fait deux situations distinctes selonque le patient est opérable ou non : il faut donc faire le bilan d’opérabilité à la fois de latumeur (extension) et du patient (fonctionnel).

— Si le patient est opérable (bilans fonctionnel et d’extension compatibles) alors ungeste chirurgical d’exérèse carcinologique s’impose, le plus souvent par thoraco-tomie diagnostic et thérapeutique, parfois vidéo chirurgie.

— Si le patient est inopérable (bilans fonctionnel ou d’extension incompatibles), ilfaut obtenir le diagnostic en réalisant :

1. Une ponction pulmonaire transthoracique sous scanner : n’est proposéequ’aux patients inopérables pour lesquels le diagnostic histologique par endos-copie n’a pas été obtenu. En effet, si la spécificité est excellente (proche de100 %). Sa sensibilité n’est que de 80 à 90 % : un résultat négatif laisseraitéchapper 10 à 20 % de cancers. Ce résultat est inacceptable et n’évite pas lathoracotomie exploratrice chez un patient opérable.

2. Une médiastinoscopie, en cas d’atteinte médiastinale. En fait elle est rarementdiagnostique, sauf lors de formes essentiellement médiastinales (CBPC), nonopérables et à exploration endobronchique négative (c’est-à-dire : pas de dia-gnostic). Elle est surtout utilisée pour le bilan d’extension lorsqu’il existe undoute à propos d’une adénopathie en vue d’un traitement chirurgical curateur(tumeur d’un côté et ganglion suspect de l’autre par exemple).

3. Ponction d’une métastase accessible : adénopathie, métastases cérébrales,cutanées, osseuses.

Place des marqueurs tumoraux :

— ACE : Antigène Carcino-Embryonnaire,— NSE : Neurone Specific Enolase (en faveur CBPC),— Cyfra 21.1 (en faveur CBNPC épidermoïde)

Leur rôle n’est jamais diagnostique. Ils sont parfois utiles dans le suivi de l’évolution (NSEet CBPC surtout). Rarement réalisés en pratiques.

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Cancers bronchiques non à petites cellules

13.9 Bilan d’évaluation : extension, opérabilité

13.9.1 Bilan d’extension : il comporte deux volets

13.9.1.1 Locorégional

— Clinique : recherche une atteinte médiastinale, des adénopathies, des douleurs osseuses.— Radiographie pulmonaire et TDM thoracique apprécient l’extension locorégionale.— Une médiastinoscopie permet parfois de lever le doute sur une atteinte ganglionnaire médias-

tinale controlatérale à la tumeur et contre indiquant la chirurgie thoracique.— Fibroscopie bronchique : extension locale (éperons ++).— Fibroscopie œsophagienne que si dysphagie ou tumeur trachéale infiltrative.— Examen ORL au moindre doute.— ECG et échographie cardiaque si suspicion péricardite.— Ponction pleurale et Biopsie pleurale en cas de pleurésie.

13.9.1.2 Extension à distance : les métastases

— Clinique : douleurs osseuses, signes neurologiques, ictère.— Scanner abdominal : peut être remplacé par l’échographie abdominale et des coupes surré-

naliennes lors du TDM thoracique à la recherche de métastases hépatiques et surrénaliennes.— Scanner cérébral : systématique (certaines équipes ne le font aux cancers épidermoïdes que

s’il existe des symptômes).— Scintigraphie osseuse : seulement si signes (douleur, hypercalcémie).— Biopsie ostéomédullaire : très facultatif même pour les CBPC en dehors de protocole d’étude

thérapeutique

13.9.2 Bilan d’opérabilité

Le terrain : parmi les facteurs pronostiques, l’indice de Karnofsky est un indice pronostique ma-jeur (péjoratif quand < 70 %) ; de même que la perte de poids. Sur ces terrains fragilisés (tabac,parfois alcool), il faut rechercher et traiter les tares associées, foyers infectieux dentaires, ORL, dia-bète, insuffisance rénale, insuffisance hépatique. L’âge n’est pas à lui seul une contre indicationchirurgicale.Exploration fonctionnelle respiratoire : le VEMS prévisible post-opératoire doit être supérieurà 30 % de la théorique (environ 1000 mL) dans des conditions optimales, avec gaz du sang.La scintigraphie pulmonaire de perfusion est souvent utile afin d’évaluer au mieux le VEMSpost-opératoire : c’est parfois du côté du cancer que se situe la perte fonctionnelle maximum).

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Cancers bronchiques non à petites cellules

Bilan fonctionnel cardiaque : ECG, échographie selon symptômes.Au terme de ce bilan, on classe la tumeur selon la classification internationale TNM (cf. tableau 7page 196). Cette classification est regroupée en stades qui sont beaucoup plus souvent utilisés pourguider le traitement et évaluer le pronostic (cf. tableau 8 page 197). Cette classification repose enfait sur l’opérabilité des patients : en effet la pierre angulaire du traitement curateur reste lachirurgie : seuls les patients opérés ont un espoir de guérison important.La barrière théorique chirurgicale se situe au delà des stades IIIa.

— Les stades I, II, IIIa sont opérables et doivent l’être si le terrain le permet.— Les stades IIIb doivent être discutés au cas par cas.— Les IV sont inopérables

Les stades IIIa et IIIb peuvent bénéficier de traitements néo-adjuvants.

13.10 Evolution, pronostic

Le pronostic global est effroyable : de l’ordre de 10 % de survie à 5 ans avec, il faut bien le dire,peu de progrès en 20 ans. Il est ainsi devenu la 1ère cause de mortalité chez les hommes de plus de50 ans aux USA.Cette survie dépend essentiellement :

1. Du stade de la maladie (T : tumeur et N : ganglion)2. De l’état général du patient3. De l’âge du patient4. Du traitement qui a pu être appliqué (lequel dépend de 1, 2 et 3.)

Tableau 9 Survie post-chirurgical selon stade

Globalement 25 % des malades sont opérés et 25 % des opérés sont en vie à 5 ans.Les autres facteurs de bon pronostic sont inconstamment retrouvés :

— CYFRA 21.1 bas— Absence de métastases hépatiques.— Sexe féminin.— Absence de néo-angiogénèse importante.— Absence de mutation dans les gènes K-RAS.

Stades Survies à 5ans

I 60 à 70

II 30 à 40

III 10 à 15

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Cancers bronchiques non à petites cellules

Les facteurs pronostiques résultent d’analyse statistique de nombreuses variables.Les deux tiers des patients ont déjà une tumeur inopérable lors du diagnostic.La survie spontanée moyenne est de 3 à 6 mois pour les CBNPC métastatiques.

Tableau 10 Survie globale selon traitements possibles

13.11 Traitement

13.11.1 Principes

Il y a globalement trois armes thérapeutiques spécifiques pour le traitement des cancers bron-chiques non à petites cellules : la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie.

13.11.1.1 Chirurgie

Trois types :

1. lobectomie (exérèse d’un lobe pulmonaire), voire bilobectomie,2. pneumonectomie,3. « Wedge resection » (résection atypique péritumorale réalisée quand l’état respiratoire est li-

mite).

Dans tous les cas la chirurgie doit comprendre un curage ganglionnaire.La chirurgie ne doit être envisagée que dans un but curateur, d’où une extrême rigueur dans les in-dications. Les complications sont importantes (VEMS -20 % dans les lobectomies, dans les pneu-monectomies -50 %), voire fatales (1 à 3 % dans les lobectomies ; 5 à 8 % dans lespneumonectomies, chez les patients de plus de 70 ans).En fait, seul un patient sur quatre sera opéré.

Pour 100 malades porteurs de CBNPC on a : Survies à 5 ans

10 métastasés d’emblée traités par chimiothérapie ≈ 0 %

25 malades opérésa ± radiothérapie

a. 25 % en vie à 5 ans

≈ 6,5 %

65 traités par radiothérapieb ± chimio

b. 5 % en vie à 5 ans (plus pour certaines radio-chimio simultanées)

≈ 3,5 %

Total ≈ 10 pour 100

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Cancers bronchiques non à petites cellules

13.11.1.2 Radiothérapie

La dose administrée doit être au moins égale à 60 Gray (Gy) en cas de lésions macroscopiques (surla tumeur et les adénopathies) et de 45 Gy sur le médiastin supérieur et moyen. Elle se fait classi-quement en une séance de 2 Gy par jour, cinq jours par semaine pendant 6 semaines (soit30 séances sur 6 semaines). Appliquée aux malades inopérables, non métastasés d’emblée, elle nedonne qu’une survie d’environ 5 % à 5 ans. En post opératoire en cas de N+ médiastinal on utilisehabituellement une dose de 45-50 Gy.De nouvelles modalités de radiothérapie se sont développées comportant notamment : radiothéra-pie hyperfractionnée c’est-à-dire avec plusieurs séances par jour avec une dose moindre à chaqueséance, radiothérapie conformationnelle (en trois dimensions), radiothérapie en association, con-comitante, à la chimiothérapie. Le but est à chaque fois d’augmenter la dose ou l’effet biologiquesur la tumeur et/ou de diminuer les effets secondaires sur le tissu non tumoral.

13.11.1.3 Chimiothérapie

Elle est de nécessité dans les formes métastasées pour son action sur les symptômes et sur la survie(quelques mois). Dans les formes localisées opérables d’emblée son utilité n’est pas démontrée.Par contre elle est utile en association avec la radiothérapie dans les formes inopérables d’emblée.Certaines de ces formes peuvent d’ailleurs devenir opérables secondairement.De nombreux produits sont utilisés : les traitements associent le plus souvent 2, 3 ou 4 drogues avecle plus souvent des médicaments appartenant à la famille des sels de platine. Cependant il est dé-sormais possible, grâce aux nouvelles molécules, d’utiliser des associations sans ces sels de platine

• Le traitement symptomatique est un volet fondamental de la prise en charge globale des pa-tients atteints de cancers, particulièrement pulmonaires, dans la mesure où ceux-ci sont pourla plupart incurables. La prise en charge de la douleur, l’oxygénothérapie, le support nutrition-nel, le soutien psychologique, l’aide sociale font partie intégrante du traitement au même titreque des traitements comme le laser ou la curiethérapie à haut débit de dose endobronchique,la cryothérapie ou les prothèses endobronchiques. Ce sont des traitements essentiellementpalliatifs essentiels (parfois curatif pour la curiethérapie dans les cancers in situ ou les recou-pes bronchiques envahies).

13.11.2 Indications

13.11.2.1 « Opérable »

Stades I, II, IIIaC’est-à-dire patient et tumeur opérables : ils doivent être opérés et de façon complète, soit lobec-tomie et curage ganglionnaire, soit pneumonectomie et curage ganglionnaire. Les résections atypi-ques ne sont faites que si la fonction ventilatoire est limite.En cas de N+ médiastinal une radiothérapie post opératoire est en général indiquée car elle réduitla fréquence des récidives locorégionales avec un certain gain possible en matière de survie globa-

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Cancers bronchiques non à petites cellules

le.Les IIIa peuvent bénéficier d’un traitement néo-adjuvant.

13.11.2.2 « Inopérable »

Stades I, II, IIIa : chez un patient en mauvais état général ou ayant une fonction ventilatoire limite :on discutera une radiothérapie ± une chimiothérapie, voire une chimiothérapie seule ou une abs-tention de traitement spécifique.Stades IIIb : localement avancé. Association de chimiothérapie et de radiothérapie soit enmême temps (concomitant), soit décalés dans le temps (séquentielle ou alternée). La chimiothéra-pie est en général à base de sels de platine et la radiothérapie est utilisée seule si l’état général nepermet pas la chimiothérapie. Certains bons répondeurs peuvent être proposés à la chirurgie.Stades IV : métastatique. La chimiothérapie prolonge la survie de quelques mois, mais surtoutaméliore la qualité de vie des patients en diminuant les symptômes et les journées d’hospitalisationet également le coût du traitement pour la société. Elle ne se conçoit que si l’état général est satis-faisant (patient assez autonome et ambulatoire). Cette chimiothérapie est essentiellement faite de2 ou 3 médicaments dont le plus souvent un de sels de platine mais les nouvelles molécules per-mettent de se passer des sels de platine.

13.11.3 Traitements symptomatiques

Aussi importants que les précédents : 90 % des patients vont décéder dans les 5 ans.

— Lutte contre la douleur indispensable. Il n’est pas concevable de souffrir avec les moyens ànotre disposition :

• Radiothérapie antalgique des lésions osseuses,• Morphine (en sous-cutané ou per os , Moscontin® ou Skenan®), • Rivotril®, voire Laroxyl® dans les douleurs neurogènes.• Soutien psychologique, anxiolytiques, anti-dépresseurs.

— Désobstruction bronchique (laser, cryothérapie, curiethérapie à haut débit de dose).— Soutien psychologique.— Vomissements ou nausées (Antiémétiques avec les sétrons : inhibiteurs des récepteurs 5HT3

à la sérotonine : Kytril®, Zophren®, Navoban® mais aussi les corticoïdes en association)— Hypercalcémie (Clastoban, Aredia en plus de l’hydratation et des diurétiques).— Syndrome cave supérieur : corticoïdes, anticoagulants, radiothérapie voire prothèse endovas-

culaire.— Dispositifs d’injections intraveineuses implantables de type « Port-à-cath® »— Lésions cérébrales : radiothérapie, corticoïdes.

Enfin la chimiothérapie dans les formes avancées inopérables fait partie intégrante du traitementpalliatif

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Cancers bronchiques non à petites cellules

13.12 Conclusion en 10 points clés

26 000 cancers bronchiques/an85 % non à petites cellulesTabacFemmeSymptôme + fumeur = RPBilan opérabilité/extension : opérable ?RadiothérapieChimiothérapie (sels de platine)Traitement symptomatique10 % à 5 ans globalement.

Traitements des cancers bronchiques non à petites cellules

STADE I/IIVEMS prévisiblesupérieur à 1 litre

STADE IIIaVEMS prévisiblesupérieur à 1 litre

STADE IIIbSTADE IVVEMS prévisible

supérieur à 1 litre

Chirurgie

Chirurgie Radiothérapieet

Chimiothérapie

Chimiothérapie

radiochimio) ?Rôle d’un traitement néo-adjuvant(chimio ou radio chimio) ?

Rôle d’un traitement néo-adjuvant(chimio ou

Rôle de la chimiothérapie et de la radiothérapieadjuvante ?

Radiothérapie pour N+ médiastinauxPlace de la chirurgie dans les formes

devenues opérables ?

Traitement symptômatique

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Cancers bronchiques non à petites cellules

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Cancers bronchiques à petites cellules

Chapitre 14

Cancers bronchiques à petites cellulesAuteurs : M. Gatineau, E. Jauffret

Les cancers bronchiques sont la première cause de décès par cancer dans le monde. Ils sont respon-sables de 17 % des 6,2 millions de décès imputable à un cancer dans le monde en l’an 2000 (selonl’Association Internationale de Recherche sur le Cancer). Voir la section « Epidémiologie des can-cers bronchiques » page 189.Parmi les différents types de cancer bronchique on distingue le cancer bronchique à petites cellules(CBPC) qui représente 15 à 20 % de l’ensemble des cancers bronchiques.Le CBPC se différencie des autres cancers bronchiques par un ensemble de caractéristiques :

— Tumeur d’origine neuro-endocrine.— Un temps de doublement extrêmement rapide de l’ordre de 30 jours.— Un pouvoir métastatique très important, par voie lymphatique et sanguine, rendant inutile une

approche thérapeutique chirurgicale.— Une très grande sensibilité à la chimiothérapie et à la radiothérapie.— Une forte probabilité de rechute.

Ce sont ces caractéristiques qui font l’originalité de ces cancers et les classent à part parmi lesautres cancers bronchiques.

14.1 Epidémiologie

Le CBPC représente 15 à 20 % de l’ensemble des cancers bronchiques primitifs. Il existe une di-minution de l’incidence depuis quelques années, essentiellement liée aux progrès en anatomopa-thologie. En effet, l’utilisation systématique de l’immuno-histochimie (utilisation d’anticorpsspécifiques pour différents types de cancers bronchiques) a permis de reclasser certains CBPC enCBNPC.Il y a en France 5000 nouveaux cas par an, dont deux tiers sont déjà métastatiques au moment dudiagnostic.C’est le cancer bronchique le plus directement lié au tabagisme (95 %) après le cancer épidermoïde

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Cancers bronchiques à petites cellules

(99 %). Les autres causes impliquées dans le développement du CBPC sont les mêmes que pour leCBNPC (voir cours CBNPC) et donc éventuellement reconnues dans le tableau des maladies pro-fessionnelles.Le sexe-ratio ne se distingue pas des autres cancers bronchiques (3 hommes pour 1 femme) mais,comme pour les CBNPC, ce rapport devrait tendre vers 1, à mesure que le tabagisme des femmessera égal à celui des hommes.L’âge moyen au moment du diagnostic est entre 50 et 60 ans.

14.2 Anatomopathologie

14.2.1 Rappel histologique

Les cancers bronchiques à petites cellules (CPC) sont des tumeurs développées à partir des cellulesneuroendocrines qui sont dispersées à l’état normal dans tout l’épithélium bronchique.

14.2.2 Formes macroscopiques

Il s’agit de tumeurs à développement proximal, hilaires avec extension médiastinopulmonaire.Beaucoup plus rarement elles se présentent sous la forme d’un nodule pulmonaire périphérique.Le CPC hilaire se développe à partir de la muqueuse des troncs bronchiques et s’étend le long desaxes bronchiques de façon hilifuge, infiltrant les parois avec rétrécissement irrégulier des lumières.Il envahit les ganglions lobaires, hilaires et médiastinaux. Cette extension explique l’élargissementdes éperons bronchiques et les aspects de compression extrinsèque observés lors de l’endoscopie.Le CPC périphérique est de type nodulaire. Il tend à combler les espaces alvéolaires sans entraî-ner de lésions septales. A la coupe, les tumeurs sont blanchâtres et très friables en raison d’un stro-ma fibreux très grêle.

14.2.3 Définition histologique des CPC

Critères histologiques, histochimiques, immunohistochimiques et ultrastructuraux des CBPC dé-finis par l’OMS (1999)

• Nappes de petites cellules sans architecture endocrinoïde• Cytoplasme étroit• Chromatine finement granuleuse• Nucléoles non visibles• Index mitotique élevé• Coloration de Grimelius positive

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Cancers bronchiques à petites cellules

• Immunohistochimie : chromogranine +, synaptophysine+• Microscopie électronique : grains neuroendocrines intracytoplasmiques

14.2.4 Place des CBPC dans la classification de l’OMS (1999)

Les CPC ne doivent pas être confondus avec les autres tumeurs neuroendocrines : carcinomes neu-roendocrines à grandes cellules ou carcinoïdes typiques et atypiques.

Classification OMS simplifiée

1. Carcinome épidermoïde2. Carcinome à petites cellules

• Variante : CPC composite : CPC + CBNPC

3. Adénocarcinome4. Carcinome à grandes cellules

• Variante : Carcinome neuroendocrine à grandes cellules (CNEGC) : Architectureendocrinoïde, chromatine claire, marqueurs neuroendocrines positifs

• Variante : CNEGC composite : CNEGC + adénocarcinome ou carcinome épidermoï-de. Un CNEGC avec composante de CPC est considéré comme un CPC.

5. Tumeurs carcinoïdes

• Carcinoïde typique : mitoses<2/10 champs (G=×400), pas de nécrose, absence de pléo-morphisme des noyaux (5 à 15 % de métastases ganglionnaires).

• Carcinoïde atypique : 2<mitoses<10/10 champs (G=400), nécrose focale, pléomor-phisme des noyaux (40 à 50 % de métastases ganglionnaires, 20 % métastases à distan-ce).

14.2.5 Diagnostics différentiels des CPC

1. Carcinomes épidermoïdes ou adénocarcinomes peu différenciés : les marqueurs neuroen-docrines sont négatifs.

2. Carcinomes à grandes cellules : c’est un carcinome indifférencié non mucosécrétant, nonkératinisant. Il n’y a pas de pont d’union entre les cellules tumorales. Les marqueurs neuroen-docrines sont négatifs.

3. Carcinome neuroendocrine à grandes cellules : à la différence des CPC l’architecture estendocrinoïde et les noyaux contiennent une chromatine claire.

4. Lymphomes : les lymphomes expriment l’antigène commun leucocytaire mais pas les mar-queurs neuroendocrines ni la cytokératine (marqueur des cellules épithéliales).

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Cancers bronchiques à petites cellules

14.2.6 Stades anatomocliniques

A la différence des CBNPC, la classification TNM est généralement utilisée, car la chirurgie n’apas de place dans le traitement des CBPC. On distingue les formes limitées au thorax (susceptiblede bénéficier d’un traitement local, la radiothérapie) et les formes disséminées (où le traitement lo-cal n’a pas d’intérêt). Cette classification repose en fait sur la possibilité technique de réaliser uneradiothérapie ou non :

• Stade limité au thorax (1/3 des cas) :Tumeur limitée au thorax avec adénopathie hilaire homolatérale, adénopathies médiastinalehomo- ou controlatérales, adénopathies sus-claviculaires homo- ou controlatérales. L’ensem-ble des lésions peut être pris dans un seul champ de radiothérapie. Le traitement repose surl’association radio-chimiothérapie.

• Formes disséminées (2/3 des cas) :Lésions hilaires ou pulmonaires bilatérales, envahissement pleural et/ou métastases. Le trai-tement repose sur la chimiothérapie seule.

14.2.7 Apport de l’anatomopathologie

• Apport diagnostique : en cas de CPC médiastinopulmonaire, le diagnostic anatomopatholo-gique est le plus souvent réalisé par fibroscopie plus rarement par médiastinoscopie ou biopsieganglionnaire périphérique. En raison de l’absence fréquente de bourgeon tumoral, l’endos-copie bronchique doit comporter de multiples biopsies étagées et être associée à des prélève-ments cytologiques (aspiration et brossage bronchiques). Une thoracotomie ou unevidéochirurgie exploratrice à visée diagnostique est parfois nécessaire en cas d’échec des exa-mens précédemment cités. Un examen extemporané est souvent pratiqué pour s’assurer queles prélèvements ont bien été effectués en zone tumorale.

• Apport pronostique : la place de la chirurgie est limitée dans ce type de tumeur mais en casd’intervention chirurgicale généralement dans les formes localisées, l’étude de la pièce opé-ratoire permet de préciser la taille de la tumeur, l’extension à la plèvre, la topographie et lenombre d’adénopathies tumorales, ce qui permettra d’établir le stade anatomoclinique. L’ana-lyse anatomopathologique permettra également de préciser les effets sur la tumeur d’uneéventuelle chimio- ou radiothérapie première (nécrose tumorale, fibrose).

14.3 Eléments de biologie tumorale

Dans un tissu sain, la destruction cellulaire naturelle est équilibrée par la prolifération cellulaire defaçon à assurer un renouvellement équilibré. Au cours du processus tumoral, cet équilibre estrompu : la prolifération cellulaire dépasse les besoins du renouvellement.On admet que ce déséquilibre est dû :

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Cancers bronchiques à petites cellules

• soit à une activation d’oncogène (gène codant pour une protéine favorisant la proliférationcellulaire),

• soit à une inhibition d’anti-oncogène (gène codant pour une protéine régulant négativementla prolifération cellulaire).

Un certain nombre d’anomalies chromosomiques ont été mises en évidence par les études cytogé-nétiques. Trois zones sont particulièrement fréquemment atteintes et contiennent la séquence d’ungène impliqué dans le contrôle négatif de la prolifération.

1. Délétion du chromosome 3p, retrouvé dans 90 % des CBPC et où se situe le gène FHIT co-dant pour une protéine dont le rôle n’est pas bien connu, mais impliqué dans la réplication

2. Délétion du chromosome 13q, porteur du gène de susceptibilité au rétinoblastome (Rb), ano-malie trouvée dans 90 % des CBPC. Le gène Rb code pour une protéine Rb régulant négati-vement le cycle cellulaire.

3. Altérations du chromosome 17q, siège du gène codant pour la protéine p53.Cette protéine aux multiples facette à un rôle majeur dans la régulation du cycle cellulaire (ar-rêt du cycle), dans la réparation des lésions de l’ADN et dans l’apoptose. Elle est présentesdans 90 % des CBPC.

A côté des anomalies cytogénétiques, on trouve en immunohistochimie (IHC) :

1. Une hyper expression de la protéine oncogénique c-myc.2. Une réactivation de l’activité télomérasique.3. Une absence d’expression de la protéine Rb4. Une hyperexpression de la protéine p53 (les mutations du gène inactivent la protéine p53 mais

la rendent stable, permettant sa visualisation en IHC).5. L’expression de facteurs de croissance par la cellule tumorale et de leurs récepteurs sur la

cellule tumorale, créant ainsi une boucle de croissance autocrine, comme par exemple, le GRP(Gastrin-Related Peptide) et l’IGF I et II (Insulin-like Grouth Factor).

14.4 Diagnostic : il est toujours histologique

14.4.1 Circonstance de découverte

Tous les signes décrits pour les CBNPC peuvent se rencontrer dans le CBPC. Cependant, les ca-ractéristiques de cette tumeur font que deux points lui sont particuliers :

• La rapidité d’évolution et le siège tumoral « central » donnant volontiers un tableaubruyant marqué par l’importance de signes fonctionnels et généraux, la découverte systéma-tique par radiographie étant très rare.

• La fréquence des syndromes paranéoplasiques

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Cancers bronchiques à petites cellules

Ainsi, comme pour le CBNPC on trouve des :

1. Signes fonctionnels respiratoires : particulièrement importants avec fréquence du whee-zing, de la toux, de la dyspnée, des douleurs.

2. Signes fonctionnels d’atteinte médiastinale : souvent au premier plan en raison de la loca-lisation préférentielle centrale ou médiastinale de ces tumeurs. Tous les signes décrits pour lesCBNPC sont possibles notamment : dysphonie et toux bitonale (récurrent gauche et trachée),dysphagie (œsophage), hoquet (nerf phrénique) et surtout syndrome cave supérieur (SCS).Le syndrome cave supérieur

• Installation progressive, rapide.• 15 % des CBPC. 50 à 80 % des SCS sont dû à un cancer bronchique.• Au début vertiges, malaise au relevé de la tête, bourdonnements d’oreilles.• Puis bouffissure du visage (matin++) et empâtement des creux sus-claviculaires.• A un stade évolué :

— Cyanose de la face et de la partie supérieure du thorax, aspect violacé des lèvres,des lobes d’oreilles, du nez, augmentant à la toux.

— Œdème en pèlerine : œdème de la face, du cou, de la partie supérieure du thorax etdes membres supérieurs.

— Turgescence des jugulaires, circulation veineuse collatérale de la partie supérieureet médiane du thorax.

— Majoration des signes du début avec céphalées, troubles visuels, somnolence.

3. Les signes fonctionnels d’atteinte pariétale sont plus rares, la tumeur étant rarement péri-phérique.

4. Les signes extra-thoraciques sont également fréquents :

— Soit signes généraux (cf. cours CBNPC, chapitre 13)— Soit des signes d’atteinte métastatique (20 %). Deux patients sur trois ont déjà une forme

métastatique au moment du diagnostic. Ce sont :

— Os (40 %) : douleurs, fractures spontanées,— Foie (25 %) : ictère, douleur de l’hypochrondre droit,— Médullaire (30 %) : pâleur, asthénie, malaise, purpura, infection.— Central (20 %) : signes neurologiques, céphalées, vomissements, crise comitiale.— Surrénales (20 %) : douleurs lombaires.

5. Les syndromes paranéoplasiques sont très fréquents dans le CBPC (15 à 20 %)

Définition : il s’agit de la survenue de signes cliniques, biologiques ou radiologiques au cours del’évolution d’un cancer mais qui sont indépendants du processus métastatique (c’est-à-dire non liéà un phénomène physique d’envahissement ou de compression par le cancer).Aucun syndrome paranéoplasique n’est spécifique d’un cancer particulier mais leur fréquence estnettement plus élevée dans les CBPC. Le mécanisme de survenue implique généralement :

• soit une sécrétion par la tumeur d’un peptide agissant à distance.• soit par une réaction auto-immune (similarité d’antigènes tumoraux et d’antigènes normaux).

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Cancers bronchiques à petites cellules

Les syndromes paranéoplasiques sont très nombreux (cf. tableau 11).

14.4.2 Principaux syndromes paranéoplasiques

Tableau 11 Principaux syndromes paranéoplasiques observés dans les cancers bronchiques

14.4.2.1 Syndromes endocriniens

Le syndrome de Schwartz-Bartter

— par sécrétion inappropriée d’ADH (Anti-Diuretic Hormone) : si ADH— 50 % des patients atteints de CBPC ont un taux élevé d’ADH, généralement asymptomatique.— 1 à 5 % ont des signes :

— neurologiques : troubles de la vigilance, confusion, épilepsie voire coma en cas d’instal-lation rapide

— biologiques : hyponatrémie, et augmentation de l’osmolalité urinaire

— le traitement repose sur la restriction hydrique et surtout la chimiothérapie.

Syndromes générauxFièvre (non infectieuse)Anorexie, amaigrissementEndocardite aseptique

Syndromes musculairesPolymyositeDermatopolymyosite

Syndromes hématologiquesHyperleucocytose neutrophileHyperéosinophilieThrombocytémieCIVD

Syndromes endocriniensHypercalcémieHyperglycémieGynécomastieSyndrome de Schwartz-BartterSyndrome de CushingHyperthyroïdie

Syndromes ostéo-articulairesHippocratisme digitalOstéoarthropathie hypertrophiantepneumique de Pierre-Marie-BambergerHypercalcémie

Syndromes rénauxSyndrome néphrotiqueGlomérulonéphrite

Syndromes cutanésAcanthosis nigricansThrombophlébites récidivantes migratri-cesIchthyose acquiseVascularite

Syndromes neurologiquesPolynévrite de Wyburn-MassonNeuropathie de Denny-BrownSyndrome de Lambert-EatonDégénérescence cérébelleuse rétinienneSyndrome des Auto-Ac anti-HU

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Cancers bronchiques à petites cellules

Le syndrome de Cushing

— par sécrétion d’ACTH par la tumeur ou d’un de ces précurseurs (pro-ACTH, pro-opioméla-nocortine).

— surtout présent dans les carcinoïdes bronchiques.— 1à 5 % des CBPC.— les signes sont ceux d’une maladie de Cushing, mais plus frustes :

— asthénie, amyotrophie, perte de poids, œdèmes des membres inférieurs, HTA, mélano-dermie.

— biologiquement : hyperglycémie, alcalose, hypokaliémie.— mauvais pronostic, notamment du fait d’une plus grande probabilité d’infection et de la

mauvaise sensibilité de la tumeur à la chimiothérapie.— traitement : souvent peu amélioré par la chimiothérapie, il fait aussi appel à l’aminoglu-

téthimide, le Ketoconazole ou la métopyrone, voire la « suppression » des surrénales(chirurgie ou embolisation artérielle).

L’hypercalcémie , plus souvent dans les cancers épidermoïdes, (cf. cours CBNPC).

14.4.2.2 Syndromes neurologiques

Les caractéristiques de ces syndromes sont particulières :

— assez rares, moins de 5 % des patients atteints de CBPC,— les troubles neurologiques sont en fait le plus souvent liés à une hyponatrémie (si ADH),— en général, lié à une réaction auto-immune (réactivité croisée entre les épitopes tumoraux et

du tissu nerveux),— les signes neurologiques peuvent précéder l’apparition de la tumeur ou sa rechute, parfois de

plusieurs mois voire années,— signes indépendants du volume tumoral,— la maladie neurologique évolue pour son propre compte.

Le syndrome de Lambert-Eaton

— 2 % des CBPC qui en est la cause la plus fréquente.— Précède le CBPC le plus souvent.— Tableau clinique :

— fatigabilité proximale musculaire d’abord aux membres inférieurs puis supérieurs— myalgies et paresthésies parfois,— amyotrophie, aréflexie,— dysautonomie cholinergique : sécheresse cutanée, xerostomie, impuissance.

— diagnostic : EMG (électromyographie) : phénomène de facilitation— cause : réaction auto-immune (présence d’IgG anti-canaux Ca2+ voltage-dépendant).— induit une diminution de la libération d’acétylcholine (Ach) au niveau de la membrane présy-

naptique.

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Cancers bronchiques à petites cellules

— traitement : celui du CBPC, mais aussi chlorhydrate de guanidine (augmente la libérationd’Ach) et le 3-4-diaminopyridine (prolonge l’action des Ca2+ voltage-dépendant).

— les inhibiteurs calciques et anesthésiques contenant de la succinylcholine (Celocurine®) ag-gravent la maladie.

Syndrome anti-HU et apparenté

— regroupés sous le terme polyencéphalomyélites subaigues (PEMS). Ce sont :

• l’encéphalite limbique.• la rhombencéphalite.• la dégénérescence cérébelleuse.• la myélopathie subaiguë.• la neuropathie sensitive de Denny-Brown

— Moins de 0,5 % des CBPC qui sont responsables de 80 % de ces syndromes— Présence d’anticorps anti-epitopes communs à la tumeur et aux neurones— Trois principaux :

• Anti-HU ou ANNA-1 (anti-neuronal nuclear antibody type I)• Anti-Ri ou ANNA-2• Anti-Yo ou PCA-1 (Purkinje cell antibody type I)

— précède souvent l’expression clinique et la découverte de la tumeur— pronostic mauvais, évolution indépendante avec parfois des rémissions du syndrome grâce au

traitement du CBPC.

Neuropathie gastro-intestinalePseudo-obstruction gastro-intestinale avec

— nausées, vomissements, constipation ou diarrhées, perte de poids.— Rare, essentiellement dans les CBPC liés à un trouble de la motilité intestinale— atteinte auto-immune du système nerveux intrinsèque intestinal

Rétinopathie associée au cancer

— le CAR syndrome (cancer-associated retinopathy) est rare, associé au CBPC qu’il précède leplus souvent

— clinique : baisse rapide de l’acuité visuelle— liée à une réaction croisée entre les épitopes tumoraux et ceux des cellules des couches gan-

glionnaires de la rétine— mauvais pronostic, le traitement du CBPC étant rarement efficace sur la rétinopathie. Les cor-

ticoïdes peuvent l’améliorer.

14.4.2.3 Syndromes cutanés et ostéo-articulaires

L’hippocratisme digital

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Cancers bronchiques à petites cellules

— isolé ou intégré dans un syndrome de Pierre-Marie-Bamberger (ostéoarthropathie, hypertro-phiante pneumique, cf. cours CBNPC)

— % sont dus au CBPC.

Acanthosis Nigricans

— hyperkératose de la peau, hyposudation, hyperpigmentation diffuse, hirsutisme, obésité

14.4.2.4 Tromophlébites récidivantes

14.5 Diagnostic positif

14.5.1 Radiographie pulmonaires

Une opacité médiastino-hilaire à la limite externe irrégulière, avec élargissement du médiastin estl’aspect le plus évocateur. On observe également volontiers des troubles ventilatoires (atélectasie),un épanchement pleural, une lyse osseuse costale.

14.5.2 TDM thoracique

Précise les lésions notamment l’atteinte médiastinale.Comme pour le CBNPC, le diagnostic positif est toujours histologique : il est donc nécessaire d’ob-tenir un prélèvement tumoral pour examen anatomopathologique le plus souvent par fibroscopiebronchique

14.5.3 Fibroscopie bronchique

L’aspect évocateur est celui d’une sténose circonférencielle irrégulière proximale des axes bron-chiques par une compression extrinsèque avec infiltration de la muqueuse. Tous les aspects sontcependant possibles (cf. cours CBNPC, chapitre 13).Au terme de ce bilan, en cas d’absence de diagnostic, la démarche est la même que pour les CB-NPC (cf. cours CBNPC).

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Cancers bronchiques à petites cellules

14.6 Bilan pré-thérapeutique

Deux points fondamentaux pour comprendre le bilan pré-thérapeutique :

1. Il est le même (à un examen près) que pour les autres formes de cancer bronchique.2. La chirurgie est inutile mais non nuisible, signifiant qu’une tumeur pulmonaire opérable, dont

le type histologique n’est pas connu chez un patient fonctionnellement opérable doit êtreopéré : le raisonnement est donc le même que pour les CBNPC.

Le bilan comporte donc :

14.6.1 Bilan extension

— Loco-régional (cf. cours CBNPC).— Métastatique avec pratique systématique de la scintigraphie osseuse. Les hyperfixations étant

peu spécifiques (présence dans 50 % mais ostéolyse seulement dans 10 % des cas), les ano-malies suspectes doivent être confirmées par des clichés radiologiques standards, un scannerou une IRM

14.6.2 Bilan du terrain et d’opérabilité

Si le bilan du terrain (index de Karnofsky, tares associées) est toujours de mise, le bilan d’opéra-bilité ne sera réalisé que si le diagnostic de CBPC n’est pas fait.Cependant, en cas de CBPC localisé, des EFR voire une scintigraphie pulmonaire de perfusion seraréalisée en raison de l’indication de radiothérapie médiastinale et de la toxicité pulmonaire poten-tielle de celle-ci.

14.7 Evolution et facteurs pronostiques

La durée médiane de survie spontanée des patients non traités à partir du diagnostic est très courtede l’ordre 4 à 6 semaines. L’apparition des traitements cytotoxiques a permis d’allonger de façonsubstantielle cette durée de survie. En effet ces tumeurs sont extrêmement sensibles à la chimio-thérapie et la radiothérapie et la quasi-totalité répondent de façon souvent spectaculaire à la chi-miothérapie. C’est même un élément diagnostic et en cas de non-réponse, il convient de faire relireles lames histologiques par l’anatomopathologiste. Malheureusement les différentes polychimio-thérapies sélectionnent avec le temps des clones résistants parmi les milliards de cellules qui com-posent la tumeur, rendant quasi inéluctable la récidive tumorale. Les chiffres restent donc mauvaispuisque les cas de rémission à long terme (5 ans) y sont très rares, moins de 15 % pour les CBPClocalisés et nul en cas de CBPC métastatiques. On entend d’ailleurs par long terme le plus souvent

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Cancers bronchiques à petites cellules

les taux de survie à 2 ans (métastatiques) ou 3 ans (localisés). La durée actuelle médiane de survieest de 9 mois en cas de CBPC disséminé et de 16 à 18 mois en cas de CPC localisé.Plusieurs facteurs pronostiques existent :Indiscutables

• Bon indice de performance statuts (état de forme du patient, état général)• Sexe féminin (bon)• Age < 70ans (bon)• Stade tumoral : local (bon) métastatiques surtout osseux et cérébral (mauvais)• Taux de LDH normal (bon)

Autres discutés

1. Arrêt du tabac2. Race caucasienne3. Envahissement médiastinal4. Pancytopénie5. Taux élevé de NSE (Neuron Specific Enolase) (mauvais) et leur chute après la 1ère cure de

chimiothérapie (bon)

14.8 Traitement

La particularité évolutive essentielle du CBPC est sa vitesse d’évolution marquée par des temps dedoublement tumoral (multiplication par deux du volume tumoral) extrêmement courts de l’ordrede 1 à 2 mois. Au niveau évolutif ce type de cancer se situe entre les leucémies et les tumeurs so-lides (cancer du sein, digestif, CBNPC…etc). Par conséquent, étant donné le caractère« leucémoïde » des CBPC, la chirurgie n’a pas de place dans le traitement de ces tumeurs. Ellen’est cependant pas nuisible lorsqu’elle est réalisée dans un but diagnostic, d’où l’approche iden-tique devant des opacités pulmonaires suspectes dont le diagnostic histologique n’est pas fait, opé-rables (patients et tumeurs) : la chirurgie. En cas de CBPC, l’attitude sera la même que si la tumeurn’avait pas été opérée.Trois notions à garder en tête :

1. La chimiothérapie est la base du traitement de tous les CBPC.2. La polychimiothérapie est supérieure en terme de survie que la monochimiothérapie.3. L’association radiothérapie-chimiothérapie est supérieure à chacun de ces traitements utilisés

seuls. Pour des formes localisées la survie à 2 ans est, à partir de 12 essais randomisés, de17 % par chimiothérapie seule et de 23 % par radiochimiothérapie. La survie à 5 ans des ra-diochimiothérapies pour ces formes localisées reste modeste entre 5 et 10 %.

De nombreux protocoles de chimiothérapies ont été développés. Parmi ceux-ci deux semblentmeilleurs que les autres :

• EP : Sels de platine (Cisplatine ou Carboplatine)- Etoposide (VP16)

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Cancers bronchiques à petites cellules

• CP : Sels de platine (Cisplatine)- Camptothécine (CPT11)

Deux situations différentes : cancer localisé ou disséminé.

14.8.1 CBPC localisé

Le traitement comportera une association de :

— chimiothérapie pour lutter contre la tumeur primitive et d’éventuelles micrométastases— radiothérapie pour augmenter le contrôle local

Les modalités d’administration sont très variées et continuellement discutées parmi la communautéscientifique. Il semble se dégager deux points :

— la radiothérapie doit être réalisée assez précocément dans le traitement— il faut utiliser des drogues radiosensibilisantes de type Etoposide et Dérivés du platine.

L’irradiation prophylactique cérébrale (IPC) consiste à irradier le cerveau (18 à 24 Gy) des patientsatteints de CBPC localisé au thorax qui ont eu une réponse complète (disparition de la tumeur) soustraitement (chimio et radio). Cette stratégie augmente la survie sans métastase cérébrale des pa-tients mais également la survie globale bien que de façon très modeste.

14.8.2 CBPC disséminé

La polychimiothérapie est la pierre angulaire du traitement. Celle-ci est réalisée sous forme de cy-cle ou cure de 3 à 4 semaines que l’on répète en général 6 fois.L’IPC est controversée mais parfois réalisée chez les patients métastatiques en rémission complète.

14.8.3 Cas particulier

— Patients en mauvais état général ou âgésDu fait de l’extrême sensibilité de ces tumeurs à la chimiothérapie (plus de 90 % des CBPC« répondent » à la chimiothérapie), l’indication de traiter est très large même chez des pa-tients en très mauvais état général, celui-ci étant dû à la tumeur le plus souvent. La chimiothé-rapie peut considérablement améliorer l’état de ces patients. On utilisera alors desmédicaments un peu mieux tolérés ou à plus faible dose.

— Syndrome cave supérieurC’est une urgence thérapeutique car le risque de thrombose de la veine cave supérieure estgrand. Il comporte :

1. oxygénothérapie si besoin2. Corticothérapie à fortes doses

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Cancers bronchiques à petites cellules

3. Anticoagulation efficace4. Traitement de la cause : chimiothérapie et radiothérapie.

— Syndrome neurologique d’atteinte métastatique : convulsion, confusionL’administration intra-veineuse de fortes doses de corticoïdes permet le plus souvent d’amé-liorer la situation clinique, permettant au patient de réaliser dans de bonnes conditions l’irra-diation encéphalique urgente. On associe des anticonvulsivants comme le valproate desodium en cas de convulsion.Traitement symptomatique (cf. cours CBNPC).

14.9 Conclusion en 10 points clés

— 26 000 Cancers bronchiques/an— 15 % à petites cellules— Tabac— Clinique bruyante— Syndromes paranéoplasiques— Pas de chirurgie— Radio et chimiosensibilité extrême— Résistance secondaire— Urgence thérapeutique— Médiane 9 mois si diffus, 16 mois si localisés

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Cancer de l’œsophage

Chapitre 15

Cancer de l’œsophageAuteurs : J.M. Simon, J.J. Duron, C. Hoang

Pour information :Consultation possible du Polycopié National publié par la Collégiale des hépato-gastroentérologues : http://www.snfge.asso.fr

15.1 Généralités

15.1.1 Cancer épidermoïde de l’œsophage : définition, fréquence, facteurs épidémiologiques et étiologiques

Le cancer épidermoïde de l’œsophage, comme les autres cancers de la sphère aéro-digestive supé-rieure, se développe à partir de l’épithélium malpighien. Son incidence est relativement élevée enFrance, avec 5 000 nouveaux cas par an, particulièrement dans les régions de l’Ouest où le rôle pri-mordial de l’alcool et du tabac a été démontré, ce qui explique sa prédominance masculine (sex-ratio : 12).Le cancer de l’œsophage occupe le 3e rang en fréquence parmi les cancers digestifs après le cancercolorectal et le cancer gastrique. Le cancer de l’œsophage est responsable de 4 % des décès parcancer et représente la 4e cause de mortalité par cancer chez l’homme après le cancer du poumon,du colon, du rectum et de la prostate.Dans les régions de très forte incidence (Asie, Afrique du Sud) où les facteurs carentiels semblentintervenir, la répartition est identique selon le sexe.On connaît d’autre part certains états pathologiques de l’œsophage prédisposant à ce type decancer : œsophagite caustique, achalasie du cardia.Association à d’autres cancers des voies aéro-digestives supérieures :10 % : hypopharynx9 % : oropharynx4 % : cavité buccale0 % : larynx

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Cancer de l’œsophage

15.1.2 Adénocarcinome de l’œsophage : définition, fréquence, facteurs épidémiologiques et étiologiques

Sa prévalence est environ 20 fois inférieure à celle du cancer épidermoïde. Le seul facteur étiolo-gique bien démontré est l’existence d’un endo-brachy-œsophage (EBO) ou œsophage de Barrett,processus de réparation de l’œsophagite peptique.On admet que l’adénocarcinome se développe chez environ 10 % des sujets atteints d’endo-bra-chy-œsophage. Son incidence est en augmentation dans plusieurs pays dont la France. Les hommessont 10 fois plus exposés que les femmes. Dans la plupart des cas, l’endo-brachy-œsophage n’étaitpas connu avant que le cancer se développe.

15.1.3 Anatomie

Segment du tube digestif reliant l’hypopharynx à l’estomac.Tube musculaire de 25 cm de longueur (de C6 à D11), de 15 à 40 cm des arcades dentaires.3 régions anatomiques : cervicale, thoracique et abdominale.Rapports anatomiques : organes médiastinaux (aorte, trachée, bronches souches, plèvre, nerfs ré-currents, péricarde).Drainage lymphatique :

• Cervical : chaînes jugulaires internes et récurrentielles• Thoracique : ganglions latéro-trachéaux, inter-trachéo-bronchiques et médiastinaux posté-

rieurs• sous-diaphragmatique : ganglions du cardia, chaîne coronaire stomachique

15.2 Anatomopathologie

15.2.1 Rappel histologique

La paroi œsophagienne est constituée de quatre couches :La muqueuse, constituée d’un épithélium malpighien non kératinisée reposant sur une musculairemuqueuse à laquelle font suite une sous-muqueuse puis une musculeuse et une adventice (sans sé-reuse).

15.2.2 Classification simplifiée des cancers de l’œsophage

Les tumeurs malignes primitives sont pour la plupart des carcinomes, avec deux principales

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Cancer de l’œsophage

variétés : le carcinome épidermoïde (>80 %) et l’adénocarcinome (20 %), ce dernier en nette aug-mentation.Les tumeurs malignes non épithéliales sont exceptionnellesLes tumeurs secondaires correspondent à des extensions de cancers de voisinage (larynx, cardia,arbre trachéo-bronchique…) ou à des métastases (voies aériennes supérieures, poumon, sein…).

15.2.3 Les carcinomes primitifs

15.2.3.1 Facteurs favorisants

Ce sont les conditions précancéreuses et les lésions précancéreuses.

— Conditions précancéreuses : c’est principalement l’œsophagite chronique, secondaire à uneagression locale. En Occident, l’alcool et le tabac sont les toxiques les plus incriminés dans lasurvenue d’un carcinome épidermoïde. Le reflux gastro-œsophagien (à l’origine d’une œso-phagite peptique) favorise la survenue d’un adénocarcinome au 1/3 inférieur de l’œsophage.Beaucoup plus rarement, une sténose caustique (plus de 30 ans après l’ingestion de causti-que), un mégaœsophage, un diverticule, une maladie de Plummer-Vinson favorisent la surve-nue d’un carcinome épidermoïde.

— Lésions précancéreuses : Ce sont les dysplasies de haut grade survenant sur une muqueusemalpighienne ou sur une muqueuse glandulaire. Cette dernière correspond rarement à desfoyers d’hétérotopie gastrique (au 1/3 supérieur de l’œsophage) et très souvent à une métapla-sie gastrique et ou intestinale secondaire à une œsophagite peptique : c’est l’endobrachyœso-phage ou muqueuse de Barrett.

15.2.3.2 Macroscopie

Les sièges préférentiels des carcinomes primitifs œsophagiens sont par ordre décroissant les tiersinférieur, moyen, supérieur.La tumeur est habituellement ulcéro-bourgeonnante et infiltrante, supérieure à 1 cm de grand axe ;plus rarement, elle est polypoïde ou sténosante ou superficielle (plaque, dépression) ; dans plus de10 % des cas, il existe un ou plusieurs foyers carcinomateux à distance du foyer principal.

15.2.3.3 Méthodes diagnostiques

Les examens histo-cytologiques sont les compléments indispensables des explorations radiologi-ques et endoscopiques : cytologie à la brosse lorsqu’il existe un bourrelet inflammatoire péri-tu-moral, biopsies multiples, sur les berges de la tumeur si elle est ulcérée, et biopsie à distance de lalésion principale pour recherche d’éventuels foyers microfoyers.A un stade précoce, ce qui est rare, le cancer peut être détecté à l’aide de colorations vitales : bleude toluidine, lugol.Les pièces d’œsophagectomies sont fixées dans du formol à 10 % pendant au moins 24 heures. La

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Cancer de l’œsophage

détection des ganglions lymphatiques est facilitée par la fixation du tissu adipeux péri-œsophagiendans le liquide de Bouin.

15.2.3.4 Microscopie

Il existe principalement deux variétés de carcinomes :Les carcinomes épidermoïdes qui sont le plus souvent bien différenciés, kératinisant ou non, et plusrarement moyennement ou peu différenciés.Les adénocarcinomes se développent surtout dans le 1/3 inférieur de l’œsophage à partir de la mu-queuse d’un endobrachyœsophage et plus rarement à partir de glandes muqueuses ou de foyersd’hétérotopie (cf plus haut). Il n’est pas possible de faire le diagnostic différentiel avec un adéno-carcinome étendu à l’œsophage.Les autres variétés de carcinomes sont exceptionnelles : carcinome adénosquameux, carcinome àpetites cellules.

15.2.3.5 Extension

L’extension locale se fait de proche en proche à partir de la muqueuse avec infiltration progressivedes couches pariétales sous-jacentes et parfois foyers de carcinome in situ à distance de la tumeurinvasive.L’extension régionale concerne la plèvre, la trachée, les bronches et les poumons, l’aorte, le péri-carde…L’extension ganglionnaire est fréquente avec atteinte des ganglions latéro-tumoraux, du cardia, dela coronaire stomachique, trachéo-bronchiques.Les métastases viscérales, rares, siègent principalement dans les poumons, le foie, le rachis dorsal.

15.2.4 Apport de l’anatomopathologiste

Outre le diagnostic de cancer œsophagien et sa classification pTNM, la surveillance des conditionspré-cancéreuses pourrait permettre un dépistage précoce en objectivant la présence de lésions pré-cancéreuses (dysplasies).Les difficultés pour affirmer une dysplasie en muqueuse glandulaire ont incité à rechercher desmarqueurs d’évolutivité de la muqueuse de Barret : cytométrie en flux, altération du gène suppres-seur de tumeur P53, index de prolifération, surexpression de certains facteurs de croissance et decertains oncogènes. Leur étude a pour but d’optimiser la stratégie de surveillance des endobra-chyœsophages.

15.2.5 A retenir

Le cancer œsophagien est principalement un carcinome épidermoïde chez le sujet alcoolo-tabagi-que.

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Cancer de l’œsophage

Sur endobrachyœsophage, c’est un adénocarcinome.Une preuve histologique du cancer est indispensable avant tout traitement. La gravité de ce cancerest essentiellement liée à son extension loco-régionale.

15.3 Circonstances révélatrices du cancer de l’œsophage et la place de l’endoscopie

Homme d’âge moyen 65 ans, avec un long passé de consommation alcoolique et tabagique.Tout signe d’appel œsophagien ou thoraco-respiratoire peut révéler un cancer de l’œsophage ; ils’agit très souvent alors d’une forme invasive de mauvais pronostic.La dysphagie est le symptôme dominant, habituellement élective pour les solides, d’apparition ré-cente et d’évolution progressive entraînant un état de dénutrition.Les autres symptômes, rarement isolés et plus tardifs, sont la traduction d’une lésion évoluée oud’une complication : douleur thoracique, infection broncho-pulmonaire par fausse route ou fistuli-sation de la tumeur dans l’arbre respiratoire, dyspnée inspiratoire par compression trachéale, dys-phonie par atteinte des récurrents (gauche le plus souvent), syndrome de Claude Bernard Hornerpar lésion du sympathique cervical, compression cave ou péricardique. L’hémorragie massive parérosion de gros vaisseaux et l’anémie d’origine inflammatoire ou par saignement occulte sont ra-res.En l’absence de tout symptôme, le diagnostic peut être porté à un stade de début chez les sujetsatteints d’une néoplasie ORL ou à l’occasion d’une endoscopie pour une autre cause.Quelles que soient les circonstances de découverte, le diagnostic impose la réalisation d’une en-doscopie et de prélèvements biopsiques qui précisent le type histologique.Le transit avec opacifiant permet de préciser l’étendue de la lésion et sa topographie : lacune dansla lumière œsophagienne, typiquement en trognon de pomme, parfois information sur l’envahisse-ment des organes de voisinage.Aspects endoscopiques du cancer de l’œsophageDans les formes évoluées, l’aspect est généralement très caractéristique : ulcération plus ou moinsanfractueuse à fond blanchâtre, entourée d’un bourrelet irrégulier dur au contact de la pince, lésionvégétante irrégulière friable et hémorragique obstruant plus ou moins la lumière ou rétrécissementinfranchissable.L’endoscopie doit mesurer dans tous les cas la distance entre le pôle supérieur de la lésion néopla-sique et la bouche de Killian et rechercher un ou des nodules de perméation ou un foyer de dyspla-sie en amont de la tumeur.Les lésions limitées sont de diagnostic plus difficile mais doivent être bien connues car elles per-mettent le diagnostic au stade de cancer non invasif, seule forme susceptible de guérir. Il peut s’agird’une plage de muqueuse discrètement surélevée ou au contraire érodée, d’un simple dépoli avecchangement de coloration et de brillance de la muqueuse, ou d’un petit nodule.Il est toujours nécessaire d’obtenir une confirmation anatomopathologique de plusieurs prélève-ments biopsiques ou d’un frottis réalisé à partir des éléments du brossage d’une sténose infranchis-sable.

2002 - 2003 Cancérologie - Service de radiothérapie - Pr. Baillet 229/298

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Cancer de l’œsophage

15.4 Bilan d’extension et d’opérabilité et du terrain d’un cancer de l’œsophage

15.4.1 L’extension loco-régionale

Elle est recherchée par :

— l’examen ORL qui recherche principalement une atteinte récurrentielle et dépiste une lésionnéoplasique concomitante des voies aériennes supérieures.

— l’endoscopie trachéo-bronchique (pour les cancers des tiers supérieur et moyen) qui permetd’affirmer une extension à l’arbre respiratoire lorsqu’elle montre un aspect végétant ou infil-trant ou une fistule, ou seulement un simple refoulement trachéal ou bronchique qui ne préju-ge pas de l’envahissement pariétal

— l’appréciation de l’extension pariétale et médiastinale par la tomodensitométrie manque deprécision lorsqu’il s’agit de différencier le simple contact d’une tumeur avec un organe mé-diastinal et l’envahissement de celui-ci.

— L’écho-endoscopie permet un bilan plus précis ainsi qu’une meilleure précision de l’exten-sion dans les différentes couches pariétales. Elle permet de distinguer les lésions purementsous-muqueuses (Tl), des lésions infiltrant la musculeuse (T2), la graisse médiastinale (T3)ou les organes de voisinage (T4). Elle peut aussi préciser l’existence d’adénopathies sans tou-tefois affirmer à coup sûr leur envahissement cancéreux.⇒ Sensibilité tumorale : 71 à 98 % en absence obstruction⇒ Sensibilité ganglionnaire : 85 à 95 % mais spécificité faible 50 à 60 %

— L’extension lymphatique est recherchée par l’examen physique (ganglion de Troisier).L’échographie pour la recherche d’adénopathies cervicales et cœliaques, et l’écho-endosco-pie pour la recherche d’adénopathies médiastinales ne sont pas pratiquées dans tous les cen-tres.

— Les métastases viscérales sont recherchées par une radiographie pulmonaire de face et deprofil, une échographie hépatique et un examen tomodensitométrique thoracique et abdomi-nal.

15.4.2 Synthèse du bilan d’extension

La synthèse du bilan d’extension est faite actuellement dans le cadre de la classificationTNM. Il s’agit d’une classification anatomopathologiqueTis : Carcinome in situ = intra-muqueuxT1 : Envahissement de la lamina propria ou sous muqueuseT2 : Envahissement la musculeuseT3 : Envahissement de l’adventiceT4 : Envahissement des structures adjacentes ou organes de voisinageTx : La tumeur primitive ne peut être évaluée.

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Cancer de l’œsophage

N0 : Pas de signe d’atteinte ganglionnaireN1 : Métastases ganglionnaires régionales

• Pour les tumeurs intrathoraciques, les ganglions sus-claviculaires et cœliaques sont considé-rés comme des métastases (M1)

• Pour les tumeurs de l’œsophage cervical, les ganglions sus-claviculaires sont considérés com-me des ganglions régionaux (N1)

NX : renseignements insuffisants.M0 : Pas de métastase à distanceM1 : Métastase à distance.

Le bilan d’opérabilité consiste à apprécier :

— le retentissement nutritionnel, jugé surtout sur l’amaigrissement ;— l’âge ;— la fonction hépatique (TP) ;— la fonction respiratoire (EFR, gazométrie) ;— la fonction cardiaque.

15.5 Traitement du cancer de l’œsophage

15.5.1 Chirurgie

Le traitement à visée curative est basé classiquement sur l’exérèse chirurgicale.La technique standard est l’œsophagectomie transthoracique subtotale avec curage ganglionnaireet plastie gastrique si possible :L’exérèse complète de la tumeur doit passer 5 cm au-dessus du pôle supérieur de la tumeurComprendre l’ablation des tissus péri-tumoraux et un curage lymphatique.Différentes voies d’abord sont possibles (avec ou sans thoracotomie) et le remplacement de l’œso-phage réséqué est généralement réalisé au moyen d’une plastie gastrique.Le traitement chirurgical n’est possible que chez les malades capables de supporter cette interven-tion (âge, état général, fonctions respiratoire, cardiaque et hépatique) et dont la tumeur ne comportepas d’envahissement des structures adjacentes ni de métastases.Le traitement chirurgical est une option recommandée pour les petites tumeurs localisées à la paroiœsophagienne.Ce traitement reste une option pour les tumeurs franchissant la paroi œsophagienne (atteinte del’adventice ou T3, atteinte ganglionnaire ou N1.La chirurgie n’est pas recommandée pour les tumeurs envahissant les organes médiastinaux (T4)ou avec des métastases à distance (M).

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Cancer de l’œsophage

15.5.2 Radiothérapie sans chimiothérapie concomitante

En cas de contre-indication à une chimiothérapie concomitante, la radiothérapie exclusive est re-commandée pour le traitement des cancers de l’œsophage avancés ou inopérables.La radiothérapie préopératoire ou postopératoire n’est pas indiquée pour le traitement des cancersde l’œsophage dans l’état actuel des connaissances.

15.5.3 Chimiothérapie sans radiothérapie concomitante

La chimiothérapie postopératoire n’est pas indiquée pour le traitement adjuvant des cancers del’œsophage dans l’état actuel des connaissances.La chimiothérapie préopératoire (cisplatine - 5FU) a permis d’améliorer la survie dans un essai thé-rapeutique récent, par rapport à la chirurgie exclusive (Lancet 2002 ; 359 : 1727-33).

15.5.4 Radiochimiothérapie concomitante

15.5.4.1 Exclusive

L’association d’une chimiothérapie et d’une radiothérapie concomitante (radiochimiothérapie) ex-clusive apparaît actuellement supérieure à la radiothérapie exclusive pour le traitement non chirur-gical des cancers de l’œsophage.Une radiothérapie délivrant 50 Gy ou 60 Gy en 5 à 6 semaines, associée à 4 cures de cisplatine5 FU toutes les 4 semaines peut être considéré comme le traitement standard des sujets inopérables.La radiochimiothérapie concomitante constitue également une alternative à la chirurgie chez lessujets opérables pour traiter les tumeurs franchissant la paroi œsophagienne.

15.5.4.2 Préopératoire

La radiochimiothérapie concomitante préopératoire n’a pas fait la preuve de sa supériorité sur lachirurgie seule, dans les cancers épidermoïdes opérables, en terme d’amélioration de la survie.En ce qui concerne les adénocarcinomes de l’œsophage opérables, une étude récente a montrél’efficacité de la radiochimiothérapie concomitante en terme d’amélioration de la survie (N Engl JMed 1996 ; 335 : 462-467).Une radiochimiothérapie préopératoire peut être proposée car elle augmente les taux de résécabilitéet permet même d’obtenir (dans un tiers des cas) une stérilisation tumorale préopératoire et sur lespièces d’exérèse.

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Cancer de l’œsophage

15.5.5 Traitements endoscopiques

— La radiothérapie endoluminale (curiethérapie) et la destruction tumorale par photocoagulationlaser peuvent être envisagées à titre de traitement curatif dans les formes superficielles ne dé-passant pas la sous-muqueuse (avec un risque de 10 % de laisser évoluer des métastases gan-glionnaires).

— Différentes méthodes thérapeutiques à visée palliative ont pour but de restaurer et de main-tenir une filière œsophagienne suffisante et d’éviter la mise en place d’une gastrostomie. Cesméthodes sont essentiellement endoscopiques : dilatations endoscopiques itératives, intuba-tion endoscopique trans-tumorale, désobstruction par photocoagulation ou électrocoagula-tion. On peut aussi entreprendre à titre palliatif une radiothérapie et/ou une chimiothérapie enassociation ou non avec une méthode endoscopique. Ces méthodes sont proposées en cas decontre indication chirurgicale ou dans les formes d’emblée très évoluées ainsi que dans les ré-cidives. Elles permettent d’améliorer la qualité de la survie.

15.6 Pronostic du cancer de l’œsophage en fonction de son extension

Toutes formes confondues, la survie des patients atteints d’un cancer de l’œsophage est inférieureà 10 % à 5 ans.Elle dépend de l’extension pariétale. L’envahissement ganglionnaire joue également un rôleimportant : 25 % de survies à 5 ans en l’absence et 10 % de survies à 5 ans en présence d’un enva-hissement ganglionnaire.En présence de métastases (les ganglions sus-claviculaires et cœliaques sont considérés comme desmétastases), la survie à 5 ans est nulle.

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Cancer de l’œsophage

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Les cancers colorectaux

Chapitre 16

Les cancers colorectauxAuteurs : M. Gasowski, I. Brocheriou, J.C. Vaillant

16.1 Epidémiologie des cancers colorectaux

Les cancers colorectaux représentent les cancers les plus fréquents tout sexe confondu (premiercancer chez la femme = cancer du sein, premier cancer chez l’homme = cancer de la prostate).Il existe 33 500 nouveaux cancers colorectaux par an en France dont 35 % de cancers rectaux et65 % de cancers coliques avec une localisation préférentielle au niveau du sigmoïde (60 %). Lenombre de décès par cancers colorectaux est de 15 à 16 000 par an.Age moyen au diagnostic = 70 ansLa France se situe parmi les régions à risque élevé de cancers colorectaux comme le sont les autrespays d’Europe de l’Ouest, les USA et l’Australie.Le taux d’incidence des cancers colorectaux a augmenté régulièrement jusqu’en 1990 et tend ac-tuellement à se stabiliser.Tout stade confondu le taux de survie à 5 ans est de 40 %.

16.2 Rappel histologique

La paroi intestinale est constituée de 4 couches

• la muqueuse : l’épithélium qui s’invagine pour former les glandes de Lieberkühn et le chorion• la sous-muqueuse : tissu conjonctif riche en vaisseaux• la musculeuse : couche circulaire interne et couche longitudinale externe• la sous-séreuse et la séreuse

16.2.1 Lésion précancéreuse

Registre de la Côte d’Or :80 % des cancers contiennent des reliquats adénomateux

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Les cancers colorectaux

20 % des cancers se développent de novo⇒ lésion précancéreuse : ADENOME = tumeur épithéliale bénigne comportant des degrés va-riables de dysplasie.Filiation adénome-cancer :

1. Observations épidémiologiques et cliniques

• Haute prévalence des adénomes = Haute prévalence des cancers• Répartition colorectale des adénomes se superpose à celle des cancers• Survenue des adénomes précède de 9 ans la survenue des cancers• Foyers carcinomateux retrouvés dans les adénomes• Risque de survenue d’un cancer est lié au nombre d’adénomes• Le dépistage des adénomes et leur exérèse diminue l’incidence du cancer

2. Altérations génétiques

Critères morphologiques d’un adénome influençant le risque de survenue de cancer :

• taille• composante villeuse• degré de dysplasie

— taillele risque de cancer est ×6.6 chez les sujets porteurs d’un adénome > 1 cm signes de dégé-nérescence dans 0.3 % adénome < 1 cm, 28 % adénomes > 2 cm25 % des adénomes ayant atteint 1cm deviendront des cancers

— composante villeuseadénome villeux pur : 40 % de cancérisationadénome tubulo-villeux : 20 % de cancérisation

— degré de dysplasiedysplasie de degré croissant (légère, moyenne et sévère)anomalies architecturales (adossement)anomalies nucléaires (anisocaryose, stratification, mitoses)anomalie cytoplasmique (perte de la mucosécrétion)intervalle de temps moyen entre la découverte d’un adénome et le cancer = 9 ans.⇒ effraction de la membrane basale et invasion du chorion.adénomes plans (dysplasie sévère survient rapidement).

16.2.2 Définition des sujets à risque

Risque très élevé : cancers héréditaires autosomiques

• polypose adénomateuse familiale < 1 % des cancers colorectaux• Cancers colorectaux héréditaires sans polypose = Syndrome de Lynch (= HNPCC :

hereditary non polyposis colon cancer) =1-5% des cancers colorectaux. Pour faire lediagnostic de ce syndrome il faut 3 critères :

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Les cancers colorectaux

• Au moins 3 sujets dans une famille sont atteints d’un cancer colorectal dont l’ununi aux deux autres par un lien du premier degré.

• Chez un des malades, le diagnostic est porté avant 50 ans.• Deux générations successives sont atteintes.

Surveillance de ces patients : pour les PAF = rectosigmoïdoscopie annuelle de la puberté àl’âge de 40 ans ; pour les HNPCC = coloscopie tous les 2 ans dès l’age de 25 ans, examengynéco avec écho endovaginale annuel après 30 ans.

Risque élevé

• Parents du 1er degré de sujets atteints d’un cancer colorectal risque ×2• ATCD familial d’adénome colorectal > 1 cm ×2• ATCD personnel de cancer colorectal ×2• Rectocolite ulcérohémorragique ×14.8 pancolite ×2.8• Maladie de Crohn controversé• Cancers de l’ovaire, du corps utérin et du sein ×2

Surveillance de ces patients à risque élevé = coloscopie de dépistage chez tout apparentédu premier degré d’un malade atteint de cancer colorectal avant 60 ans puis tous les 5 ans.Si antécédent personnel d’adénomes > 1 cm ou à contingent villeux = coloscopie à 3 anspuis 5 ans après.

16.2.3 Formes macroscopiques : aspects endoscopiques

Siège des cancers colo-rectaux

• 50 % rectosigmoïde• 15 % caecum• 15 % colon ascendant et angle colique droit• 13 % colon descendant et angle colique gauche• 8 % colon transverse

dans 2-5 %, il existe une seconde localisation colique.Taille

50 mm en moyenneAspect

• ulcéro-infiltrante• ulcéro-végétante avec un gros bourrelet tumoral en périphérie• végétante pure rare• linite colique

Variation en fonction du siègecolon droit : tumeur volumineuse, bourgeonnante peu ulcéréecolon transverse, descendant et sigmoide : tumeur circonférentielle en virole,sténosant, peu végétante mais très infiltrante

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Les cancers colorectaux

Complications

• sténose, perforation• polypes associés

16.2.4 Formes histologiques

Adénocarcinome (= forme commune)

80 % adénocarcinome lieberkühnien en fonction de degré de ressemblance avec les glandesde lieberkuhn de la muqueuse colique normale, évaluation du degré de différenciation.10 % adénocarcinome mucineux ou colloïde muqueux : plages étendues de mucus.

Formes histologiques particulières

• carcinome en bague à chaton• carcinome épidermoïde• carcinome adénosquameux• carcinome à petites cellules• tumeur maligne indifférenciée

cancer anal : carcinome épidermoïde

16.2.5 Apport de l’anatomopathologie

Diagnostic positif ++++Examen d’une biopsie colique : (Il faut 3 niveaux de coupes et des colorations HES et PAS)un adénome :

• taille• caractère sessile ou pédiculé• type• degré de dysplasie• état de l’axe du polype et de la base d’implantation

un cancer :

• type• degré de différenciation• mucosécrétion• infiltration

Examen macroscopique d’une pièce opératoire

• pièce fraîche ou fixée• taille de la pièce opératoire : longueur et circonférence

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Les cancers colorectaux

• taille de la tumeur : hauteur, largeur, épaisseur• distance de la tumeur par rapport aux limites d’exérèse• aspect macroscopique de la tumeur : bourgeonnant, ulcérant, infiltrant, plan• recherche de lésions associées : adénomes, ulcération, perforation, colite inflammatoire, di-

verticules…• prélèvements ganglionnaires : 8 gg minimum.

Examen histologique d’une pièce opératoire

• type histologique selon la classification de l’organisation mondiale de la santé (OMS)• adénocarcinome avec le degré de différenciation• carcinome colloïde muqueux (> 50 % de composante colloïde)• degré d’infiltration pariétale• état des limites de résection chirurgicale : longitudinales et circonférentielles• extension ganglionnaire : nombre de ganglions examinés, siège, aspect• envahissement vasculaire• engainement tumoral périnerveux• lésions associées : polypose, adénomes, diverticules, colite inflammatoire (RCH, Crohn)

⇒ Facteurs histopronostiques

• Niveau d’invasion de la tumeur dans la paroi• Extension ganglionnaire• Caractère complet ou non de l’exérèse chirurgicale

Intérêt dans la stratégie thérapeutique post-chirurgicale.

16.3 Diagnostic

16.3.1 Signes cliniques

Tableau souvent peu spécifique :Y penser devant des douleurs abdominales, des troubles du transit, des rectorragies et un syndromerectal (pour le cancer du rectum), des complications (comme une occlusion ou une perforation surtumeur), une anémie, une hépatomégalie…Les 3 symptômes les plus fréquents = douleur, troubles du transit et hémorragies.

16.3.2 Bilan clinique initial

Interrogatoire : recherche d’une perte de poids, de maladies associées, d’antécédents d’adéno-mes, d’autres cas familiaux de cancer colorectal ou d’autres cancers

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Les cancers colorectaux

Examen clinique : le toucher rectal (pour une tumeur rectale) = permet d’évaluer sa taille, sa fixi-té, sa distance par rapport au sphincter.Recherche d’adénopathies périphériques, d’une hépatomégalie.

16.3.3 Bilan paraclinique

Coloscopie pour toutes les tumeurs et rectoscopie pour les tumeurs du rectum = examen de réfé-rence, permet l’évaluation clinique de la lésion et de faire des biopsies, de rechercher des lésionsassociées.Echoendoscopie rectale : indispensable dans les tumeurs rectales pour évaluer l’extension en pro-fondeur de la tumeur et la présence d’adénopathie.Siège des cancers colorectaux : dans 50 % des cas rectosigmoïde, 15 % caecum, 15 % colon ascen-dant, 12 % colon descendant et 8 % colon transverse.Opacification colique (lavement)« A froid » : le lavement baryté, permet (en cas d’image typique) le diagnostic d’un cancer coliquechez un malade pour lequel une coloscopie est impossible ou dangereuse. Il a une valeur localisa-trice parfois supérieure celle de la coloscopie.« En urgence » (occlusion) il permet le diagnostic de la cause d’une occlusion colique et déterminele siège de la tumeur.Dans 2 à 5 %, il existe une seconde localisation colique.

16.3.4 Bilan d’extension

Radiographies pulmonaires, échographie abdominale + dosage de l’ACE.

16.4 Facteurs pronostiques et classification

Importance du nombre de ganglions envahis (plus il y a de ganglions envahis plus le pronostic estmauvais) et de l’envahissement en profondeur.Classifications de DUKES et d’ASTLER COLLER (anciennes classifications encore souventutilisées)

DUKES

Stade AAtteint la muqueuse ± la musculeuse sans la dépasserPas d’atteinte ganglionnaire

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Les cancers colorectaux

Classification TNM 1998 (celle recommandée actuellement)

Stade B L’atteinte dépasse la musculeuse : séreuse ou tissu périrectalPas d’atteinte ganglionnaire

Stade C Atteinte ganglionnaire

ASTLER COLLER

Stade A Atteint la muqueuse mais pas la musculeusePas d’atteinte ganglionnaire

Stade B B1 = atteint la musculeuse sans la dépasserB2 = atteint la séreuse ou le tissu périrectalPas d’atteinte ganglionnaire

Stade C Atteinte ganglionnaireC1 = B1 + atteinte ganglionnaireC2 = B2 + atteinte ganglionnaire

Tis : intra épithélial

T1 : envahit la sous muqueuse

T2 : envahit la musculeuse

T3 : la sous séreuse et/ou le tissu péri-rectal

T4 : structure de voisinage

N1 : 1 à 3 ganglions régionaux

N2 : 4 ganglions ou plus

M0 : pas de méta

M1 : présence de métastase

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Les cancers colorectaux

16.5 Traitements des cancers coliques localisés

16.5.1 La chirurgie

C’est le traitement curatif. La mortalité est inférieure à 1 % en électif (intervention à froid, avecbonne préparation), avec une morbidité spécifique (abcès, fistules) inférieure à 5 %. La chirurgierepose sur l’exérèse de la tumeur (avec des marges de colon sain), des vaisseaux et du mésocoloncontenant les canaux et les ganglions lymphatiques. Le curage doit aller des ganglions épicoliquesaux ganglions principaux. Il faut au moins 8 ganglions prélevés afin d’avoir une bonne évaluationdu stade de la maladie.La chirurgie doit se faire si possible sur colon préparé (régime sans résidu pendant une semaineet lavement colique). L’acte chirurgical doit être encadré par une antibioprophylaxie (risque infec-tieux++).2 principes de cette chirurgie carcinologique sont à respecter :

• Les vaisseaux doivent être liés en premier avant la mobilisation de la tumeur pour prévenirle risque d’embols néoplasiques vers le foie.

• On applique le « No touch » = exclusion endoluminale et péritonéale de la tumeur (ligaturede part et d’autre de la tumeur qui est entourée d’une compresse).

Le type de résection est conditionné par la vascularisation du colon et par le drainage lym-phatique. Du point de vue artériel, le cadre colique est divisé en 2 colon droit vascularisé par l’ar-tère mésentérique supérieure et le gauche par la mésentérique inférieure. La vascularisationveineuse est superposable aux artères. Pour le colon droit, les ganglions sont situés sur le bord droitde la veine mésentérique supérieure. Pour le colon gauche, il existe un pédicule lymphatique ac-cessoire, au contact de la veine mésentérique inférieure, drainant le 1/3 supérieur du colon ascen-dant. Il s’agit donc suivant la localisation :

• Colectomie D : exérèse du colon droit, de la dernière anse iléale et de la moitié droite du grandépiploon et anastomose iléotransverse (curage = tous les ganglions mésocoliques jusqu’aubord droit de la veine mésentérique supérieure).

• Colectomie G : avec anastomose colorectale (curage = toutes les chaînes ganglionnaires gau-ches).

• Sigmoïdectomie : avec anastomose colorectale (curage = toutes les chaînes ganglionnaires ducolon pelvien).

• Colectomie angulaire gauche• Colectomie totale

Le rétablissement de continuité se fait habituellement en 1 temps sauf pour les cancers diagnosti-qués devant une complication (perforation ou occlusion) où il se fait dans un second temps.Dans environ 20 % des cas, l’acte chirurgical se fait dans un contexte d’urgence (occlusion, perfo-ration, lésion surinfectée) révèle la tumeur. Les gestes chirurgicaux sont alors différents.

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Les cancers colorectaux

• Colostomie latérale première en amont de l’obstacle (sur baguette) dans un contexte d’occlu-sion. Dans un second temps il pourra y avoir résection et rétablissement de la continuité.

• Résection sans anastomose (type Hartmann) surtout faite pour les perforations sur sigmoïde.• Colectomies segmentaires avec anastomose dans le même temps mais cela nécessite des équi-

pes entraînées.

16.5.2 La radiothérapie

Elle n’a pas d’indication dans les cancers du colon.

16.5.3 La chimiothérapie adjuvante

Elle n’a pour le moment montré son efficacité en terme de survie que dans les stades C ou N1-N2(= si envahissement ganglionnaire).Pour les stades B (sous séreuse atteinte ou dépassée) le bénéfice de la chimiothérapies est vraisem-blable. Les études sont encore en cours, mais il n’y a pas, pour le moment, de bénéfice prouvé àfaire un traitement adjuvant.La chimiothérapie de référence est une association de 5 fluorouracile et d’acide folinique par voieveineuse tous les 15 jours pendant 6 mois après la chirurgie.

16.6 Traitements des cancers rectaux localisés

Le bilan préthérapeutique doit pouvoir répondre à 2 questions : peut-on conserver le sphincter, fautil associer une radiothérapie ?L’impératif carcinologique doit primer sur l’impératif fonctionnel (préservation de l’appareilsphinctérien anal). Même si on décide initialement d’une tentative de conservation d’organe,il faut toujours prévenir le patient du risque de stomie définitive.

16.6.1 La chirurgie

Seul traitement curatif.Même préparation que pour le cancer colique. Prise en charge par une infirmière stomathérapeute(risque de stomie définitive). La mortalité est inférieure à 5 %, le taux de morbidité spécifique (fis-tules, abcès) est de 5 à 15 %.L’intervention doit retirer l’organe, le pédicule mésentérique inférieur et le tissu cellulo-lymphati-que périrectal (ou « mésorectum »). Le mésorectum est limité latéralement par les lames sacro-recto-génito-pubiennes, en avant par l’aponévrose prostato-périnéale chez l’homme, le fasciarecto-vaginal chez la femme, et en arrière par le fascia présacré.

2002 - 2003 Cancérologie - Service de radiothérapie - Pr. Baillet 243/298

Page 244: Cancerology

Les cancers colorectaux

Les différentes techniques sont :

• Amputation abdomino-périnéale (AAP) : résection par voie abdominale du bas sigmoïde, durectum pelvien avec le mésorectum et par voie périnéale du canal anal, de l’appareil sphinc-térien, d’une partie des releveurs de l’anus et de la peau péri-anale. La colostomie définitiveest sous péritonéale.

• Résection antérieure du rectum : exérèse par voie abdominale du rectum et du mésorectum.L’anastomose est colorectale (ACR) ou coloanale (ACA).

• Intervention d’Hartmann (pas de rétablissement de continuité).• Exérèse locale par voie transanale : réservée à quelques cas très localisés par des équipes

ayant l’expérience.

Pour les résections avec ACR ou ACA on peut confectionner un réservoir colique afin de diminuerle nombre de selles et les phénomènes d’impériosité.Le type d’exérèse dépend principalement de la distance entre le pôle inférieur de la tumeur et lamarge anale, évaluée cliniquement ou à l’écho endoscopie et surtout estimée durant l’intervention.Il faut au moins 2 cm de tissus sains pour faire une chirurgie carcinologiquement correcte.Pour des tumeurs situées à plus de 6 cm de la marge anale on peut faire une résection antérieureavec ACR.Pour les tumeurs situées à moins de 4 cm de la marge anale (ou moins de 2 cm du bord supérieurde l’appareil sphinctérien), la conservation du sphincter n’est pas possible et il faut une amputationabdominopérinéale avec colostomie iliaque G définitive. Le pelvis est comblé par une épiplooplas-tie.Entre 4 et 6 cm, la conservation sphinctérienne est possible. La radiothérapie pré-opératoire peuten faisant régresser la taille de la tumeur permettre une conservation sphinctérienne dont l’innocui-té pour le moment n’est pas formellement démontrée. De toute façon c’est en per opératoire que ladécision est réellement prise.La qualité de l’exérèse chirurgicale est fondamentale pour le risque de récidive locale : on doitavoir obtenu une marge distale d’au moins 2 cm, une résection de tout le mésorectum et avoir pré-levé au mois 8 ganglions.La chirurgie est suffisante à elle seule pour les T1 et les T2 avec une survie à 5 ans de 100 à 85 %.Les taux de récidives locorégionales après traitement conservateur sont de l’ordre de 10 % pour leséquipes entraînées à ce type de chirurgie (elles vont jusqu’à 20-30 % pour les équipes non entraî-nées). Les taux de récidives locorégionales après amputation abdomino périnéale sont égalementde 10 %.

16.6.2 Place de la radiothérapie et de la chimiothérapie

Pour les tumeurs localement évoluées = T3, T4 ou, quelque soit le T en cas d’atteinte ganglion-naire à l’échoendoscopie, une radiothérapie est indiquée afin de diminuer le risque de récidive lo-cale. Les récidives locales sont douloureuses et le plus souvent inaccessibles à tout traitementspécifique. Même les traitements antalgiques ont souvent une efficacité insuffisante. D’où l’intérêtde la radiothérapie pour réduire ce risque de récidive. Celle-ci est mieux tolérée (à court terme età long terme) en pré opératoire qu’en post-opératoire (rectite, colite et entérite radiques). Si elleaméliore la survie sans rechute son utilité pour la survie globale reste discuté, sauf si elle est asso-

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Les cancers colorectaux

ciée à une chimiothérapie.La tendance actuelle en France est de pratiquer chez ces patients ayant une tumeur localement évo-luée une association de radiochimiothérapie simultanée préopératoire qui pourrait encore augmen-ter les chances de survie avec une meilleure tolérance qu’en post-opératoire.La radiothérapie classique en pré-opératoire délivre 50 Gy pendant 5 semaines (2 Gy par séance)au niveau du pelvis par 3 faisceaux avec un accélérateur de haute énergie.Les effets secondaires aigus de la radiothérapie : la dermite, la cystite, la rectite sont observés encours d’irradiation.A long terme, ils sont principalement représentés par des troubles du transit.La chimiothérapie classique en cas de traitement concomitant est le 5 Fluorouracile en perfusioncontinue pendant tout le temps de l’irradiation.Au total :

• Pour les T1 et les T2 : le traitement est chirurgical et le type de chirurgie dépend de lalocalisation initiale de la tumeur.

• Pour les T3, T4 ou N+ : on débute par une radiothérapie ou une association de radiochi-miothérapie simultanée puis on opère. Le geste chirurgical dépend de la localisation parrapport à la marge anale après radiothérapie.

16.7 Traitements des cancers colorectaux métastatiques

En phase métastatique, l’espérance de vie est de l’ordre de 2 ans et la chimiothérapie n’est que pal-liative.Quand les métastases ne sont pas opérables on propose une chimiothérapie qui comportera aumoins une association de 5 Fluorouracile et d’acide folinique. Afin d’augmenter les taux de répon-ses mais aussi la survie on y associe de l’Oxaliplatine ou de l’Irinotecan. Ces protocoles de chimio-thérapie se font habituellement tous les 15 jours et on évalue la réponse tous les 3 mois.Effets secondaires principaux de ces drogues :

5 Fluorouracile = diarrhée, mucite, syndromes pied-mainOxaliplatine = neurotoxicité, toxicité hématologiqueIrinotecan = toxicité hématologique, toxicité digestive, syndrome cholinérique

aigu.

16.8 Surveillance des patients traités pour un cancer colorectal

La recherche de récidives est faite systématiquement.

2002 - 2003 Cancérologie - Service de radiothérapie - Pr. Baillet 245/298

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Les cancers colorectaux

Les 3 premières années tous les 4 mois pour les stades C et tous les 6 mois pour les stades B avec :examen clinique en particulier TR ou examen de la cicatrice périnéale, radiographies pulmonairesF+P, écho abdomino-pelvienne et écho-endoscopie pour les tumeurs du rectum + coloscopie tousles ans pendant 3 ans, + surveillance régulière de l’ACE.

16.9 Pronostic

Quatre vingt pour cent des malades décédant d’un cancer colorectal ont des métastases hépatiques.Dans 25 à 30 % des cas, ces métastases hépatiques sont synchrones de la tumeur primitive (dia-gnostic simultané ou dans les 3 mois). Des métastases hépatiques métachrones apparaissent dansla même proportion le plus souvent (2 cas/3) dans les 3 premières années. Seules 10 % de ces mé-tastases hépatiques sont résécables par hépatectomie partielle (la transplantation hépatique est con-tre indiquée), 25 % d’entre eux sont en vie à 5 ans après la résection hépatique.Pour les tumeurs localement résécables mais d’emblée métastatiques avec des métastases égale-ment résécables : on propose une résection à visée curatrice du rectum plus ou moins radiothérapie,puis une phase de chimiothérapie et dans un second temps une exérèse des métastases si cela estpossible.Survie à 5 ans après résection de la tumeur primitive :

• pTis (in situ) = 100 %• pT1 (A) et pT2N0M0 (B1) = 85 - 100 % à 5 ans (la chirurgie seule suffit)• pT3N0M0 (B2) = 65 - 75 %• pTx quel qu’il soit N1-2M0 (C1-C2) =

• pTN quelqu’ils soient M1 (D) = 0 à 5 ans.Résécabilité métastase 10 % des cas survie à 5 ans = 25 %

Survies à 5 ans sans chirurgie (T4 et M1) : 0 à 5 ans.

16.10 Dix points essentiels sur cancer colique

Auteurs : Racadot Séverine, Gutierrez Maya, Mansourbakht Touraj28/04/03

25 % - 50 % à 5 ans

(N2) (N1)

≥ 4 ganglions < 4 ganglions

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Les cancers colorectaux

1. Epidémiologie des cancers colo-rectaux : les plus fréquents tout sexe confondu (premier can-cer chez la femme : cancer du sein et chez l’homme : cancer prostate). 33 500 nouveaux caspar an en France (35 % cancers rectaux et 65 % cancers coliques) / Age moyen au diagnostic :70 ans.

2. Lésion précancéreuse : Adénome = tumeur épithéliale bénigne comportant des degrés varia-bles de dysplasie. La survenue d’un adénome précède de 9 ans la survenue d’un cancer. Im-portance de la taille de l’adénome : si > 1 cm = risque de 25 % pour qu’il devienne un cancer.Importance de la composante villeuse de l’adénome qui est associée à un risque plus élevé decancérisation. Importance du degré de dysplasie de l’adénome.

3. Sujets à risque très élevé : cancers héréditaires autosomiques :Polypose adénomateuse familiale (PAF) (< 1 % cancers colo-rectaux).Cancers colo-rectaux sans polypes : Syndrome de Lynch (= HNPCC ou hereditary non poly-posis colon cancer) (1 à 5 % cancers colo-rectaux)Surveillance : PAF : rectosigmoïdoscopie annuelle dès la puberté ; HNPCC : coloscopie tousles 2 ans dès 25 ans (+ examen gynéco avec échoendovaginale dès 30 ans).

4. Sujets à risque élevé : parents du premier degré atteint d’un cancer colo-rectal (×2), ATCDfamilial d’adénome colorectal > 1 cm (×2) ; ATCD personnel cancer colo-rectal (×2) ; recto-colique ulcéro-hémorragique (×14,8) ; pancolite (×2,8) ; cancers de l’ovaire, du corps utérinet du sein (×2). Surveillance par une coloscopie avant 60 ans si ATCD de parent du premierdegré atteint, puis tous les 5 ans. Si ATCD personnel d’adénomes > 1 cm ou à contingentvilleux : coloscopie à 3 ans puis tous les 5 ans.

5. Signes cliniques : troubles du transit, douleurs abdominales, rectorragies, anémie,hépatomé-galie, complications (occlusion, perforation tumorale)…

6. Examens para-cliniques morphologiques : coloscopie totale, TDM abdomino-pelvien (foie,adénopathies pelviennes), RP, bilan biologique, ACE.Siège des cancers colo-rectaux : 50 % rectosigmoïde, 15 % caecum, 15 % colon ascendant,12 % colon descendant, 8 % colon transverse.Histologie : obtenue par une biopsie : adénocarcinome lieberkünien (80 % des cas), adéno-carcinome mucineux ou colloïde muqueux (10 % des cas).

7. Classification TNM (UICC 1998), avec T1 = la tumeur envahit la sous-muqueuse sans la dé-passer, T2 = la tumeur envahit la musculeuse sans la dépasser, T3 = la tumeur envahit à tra-vers la musculeuse, la sous-séreuse et le tissu péricolique non péritonéalisé ou le tissupérirectal ; T4 = la tumeur perfore le péritoine viscéral et/ou envahit les organes de voisinage,N0 = absence de métastase ganglionnaire ; N1 = métastases ganglionnaires < ou = 3 ; N2 =métastases ganglionnaires > 3 ; M0 = absence de métastases ; M1 = présence de métastases.

8. Traitement curatif = chirurgical : avec une exérèse de la tumeur (avec des marges de tissusain), des vaisseaux et du mésocolon contenant les canaux et les ganglions lymphatiques. Lachirurgie doit être carcinologique. Il faut au moins 8 ganglions prélevés. Les vaisseaux doi-vent être liés en premier avant la mobilisation de la tumeur pour prévenir le risque d’embolsnéoplasiques vers le foie. « No touch » = exclusion endoluminale et péritonéale de la tumeur(ligature de part et d’autre de la tumeur qui est entourée d’une compresse). Le type de résec-tion est conditionné par la vascularisation du colon et par le drainage lymphatiqueFacteurs histopronostiques : niveau d’invasion de la tumeur dans la paroi, extension ganglion-naire, caractère complet ou non de l’exérèse.Traitement adjuvant à la chirurgie (c’est à dire après la chirurgie) : pas de radiothérapiemais chimiothérapie à base de 5 Flurouracile (5 FU) et d’acide folinique s’il y a un enva-

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Les cancers colorectaux

hissement ganglionnaire. Une cure de chimiothérapie tous les 15 jours et pendant 6mois.(risque de rechute 50Effets secondaires : diarrhée, mucite, syndrome pied-main.

9. Traitement du cancer colique métastatique : Métastases les plus fréquentes : hépatiques, puispulmonaires. Si possible : traitement chirurgical des métastases, sinon chimiothérapie afinéventuellement de rendre ces dernières opérables. Chimiothérapie tous les 15 jours avec éva-luation tous les 3 mois. Drogues utilisées : 5FU, Oxaliplatine, Irinotécan.

10. Surveillance : régulière et tous les 3 mois les 2 premières années puis tous les 6 mois pendant3 ans et tous les ans à vie. La surveillance comprend un examen clinique (TR ou examen dela cicatrice périnéale), une RP, une échographie abdomino-pelvienne, une surveillance régu-lière de l’ACE et une coloscopie tous les ans pendant 3 ans.Survie globale tout stade confondu à 5 ans = 40 % (stade I =85 à 95 %, stade II = 60 à 80 %,stade III = 30 à 60 % )

16.11 Dix points essentiels sur cancer du rectum non métastatique

Auteurs : Racadot Séverine, Gutierrez Maya, Mansourbakht Touraj28/04/03

1. Epidémiologie : cf. cancer colique2. Signes cliniques : rectorragies, syndrome rectal, troubles du transit, douleurs abdominales,

anémie, hépatomégalie, complications (occlusion)…3. Examen clinique avec un schéma daté avec un toucher rectal recherchant la distance de la

tumeur par rapport au plan des releveurs de l’anus4. Examens para-cliniques morphologiques : rectoscopie avec biopsies (adénocarcinome rec-

tal), échoendoscopie rectale (recherche d’adénopathies péri-rectales et du degré d’infiltrationde la tumeur), coloscopie totale (recherche d’un cancer colique), TDM abdomino-pelvien(foie, adénopathies pelviennes), RP, bilan biologique.

5. Classification TNM (UICC 1998), avec T1 = la tumeur envahit la sous-muqueuse sans la dé-passer, T2 = la tumeur envahit la musculeuse sans la dépasser, T3 = la tumeur envahit à tra-vers la musculeuse, la sous-séreuse et le tissu péricolique non péritonéalisé ou le tissupérirectal ; T4 = la tumeur perfore le péritoine viscéral et/ou envahit les organes de voisinage,N0 = absence de métastase ganglionnaire ; N1 = métastases ganglionnaires < ou = 3 ; N2 =métastases ganglionnaires > 3 ; M0 = absence de métastases ; M1 = présence de métastases

6. Traitement curatif = chirurgical : l’intervention doit retirer l’organe, le pédicule mésentéri-que inférieur et le tissu cellulo-lymphatique périrectal (= mésorectum). La chirurgie doit êtrecarcinologique, c’est à dire qu’il faut au moins 2 cm de tissus sains et 8 ganglions prélevés. Ilfaut également une exérèse de tout le mésorectum. Il s’agit si la tumeur est située à moins de2 cm du plan des releveurs d’une amputation abdomino-périnéale avec une résection parvoie abdominale du bas sigmoïde, du rectum pelvien avec le mésorectum et par voie périnéale

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Les cancers colorectaux

du canal anal, de l’appareil sphinctérien, d’une partie des releveurs de l’anus et de la peaupéri-rectale. Si la tumeur est située à plus de 2 cm du plan des releveurs , on réalise une résec-tion antérieure du rectum : exérèse par voie abdominale du rectum et du mésorectum.L’anastomose est colorectale ou coloanale (conservation de l’appareil sphinctérien). S’il n’ya pas de rétablissement de la continuité, il s’agit d’une intervention de Hartmann. Quant àl’exérèse par voie transanale, elle est réservée à quelques cas très localisés. Pour les tumeursT1 et T2, le traitement est chirurgical et le type de chirurgie dépend de la localisation initialede la tumeur.

7. Radiothérapie pré-opératoire : elle permet de diminuer le risque de récidive locale en par-ticulier dans la concavité présacrée. Elle est réservée aux tumeurs classées T3 / T4 ou N+.Radiothérapie externe pelvienne : accélérateur linéaire d’énergie de 15 MeV ou plus, volumescibles (rectum, mésorectum, concavité présacrée) ; organes critiques (vessie, sigmoïde, grêle,tête fémorale), 4 faisceaux d’irradiation (2 latéraux et 2 antéro-postérieurs) ou 3 faisecauxd’irradiation (2 latéraux et 1 postérieur). Dose totale : 50 Gy en 25 fractions et 5 semaines (do-se par fraction de 2 Gy) avec une intervention chirurgicale 6 semaines après. Autre schémapossible : 25 Gy en 5 fractions et 5 jours (dose par fraction de 5 Gy) et une intervention chi-rurgicale 8 jours après. Plusieurs études sont en cours concernant l’intérêt de l’associationd’une chimiothérapie à la radiothérapie avant l’intervention chirurgicale.Complications : aiguës (diarrhée car irritation de l’intestin grêle ; irritation vésicale, dermite),tardives (atrésie vaginale, rectite, grêle, vessie radique). La radiothérapie est réalisée en pré-opératoire car elle est mieux tolérée.

8. Traitement adjuvant à la chirurgie (c’est à dire après la chirurgie) : chimiothérapie à base de5 Flurouracile (5 FU) si les tumeurs sont classées N+. S’il n’y a pas eu de radiothérapiepréopératoire : radio-chimiothérapie concomitante si tumeurs classées T3 ou T4

9. Surveillance : régulière et tous les 3 mois les 2 premières années avec un examen clinique (TRou examen de la cicatrice périnéale), RP, échographie abdomino-pelvienne et écho-endosco-pie, puis tous les 6 mois pendant 3 ans puis tous les ans à vie.

10. Survie globale à 5 ans : pTin situ = 100 % ; pT1 et pT2 N0 M0 = 85 à 100 % ; pT3 N0 M0 =65 à 75 % ; pTx (quel qu’il soit) N1 M0 = 50 % ; pTx (quel qu’il soit) N2 M0 = 25 %.

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Les cancers colorectaux

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Cancer de l’estomac

Chapitre 17

Cancer de l’estomacAuteurs : E. Jauffret, J.P. Chigot, J. Taieb, C. Hoang

17.1 Epidémiologie

Cancer très fréquent dans le monde, ayant même dans certaines régions un caractère endémique,et ce particulièrement en Asie, avec une incidence de près de 1/1000 habitants au Japon. Il est éga-lement fréquent en Amérique du Sud et en Europe de L’Est.On note une baisse très nette de l’incidence de ce cancer en Europe (et donc en France) depuis 20ans pour les formes distales ; alors que l’incidence des adénocarcinomes du cardia et de la partietoute proximale de l’estomac est légèrement en hausse.En Europe son incidence varie selon les pays et le sex-ratio est de 2 à 3 hommes pour une femme.En France, l’incidence est de 12/100 000 habitants chez les hommes et de 4/100 000 chez les fem-mes. Il s’agit d’un cancer du sujet âgé, son âge moyen de survenue étant de 70 ans.En Europe, il s’agit de la quatrième cause de mortalité par cancer.Pathologies prédisposantes :Antécédent de :

• gastrite chronique atrophique (rôle d’Hélicobacter Pylori +++)• gastrectomie partielle (cet antécédent devient rare avec l’abandon de cette chirurgie)• Maladie de Biermer (par gastrite chronique atrophique)• Maladie de Ménétrier (ou gastrite chronique hypertrophiante : la muqueuse s’épaissit de fa-

çon considérable)• Polyadénome gastrique

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Cancer de l’estomac

17.2 Etiologie

17.2.1 Environnement

Les facteurs de risques alimentaires ou environnementaux comme le tabac jouent très probable-ment un rôle majeur.Le tabac et le reflux gastro-œsophagien sont probablement des facteurs de risque important dansles cancers du cardia (RR=4.2 pour les fumeurs).Le sel ainsi que les aliments salés, fumés ou frits (alimentation asiatique) sont incriminés dans lagenèse des cancers de l’estomac.La consommation de viandes rouges favoriserait également la survenue d’un cancer de l’estomacalors qu’un régime riche en fibre et pauvre en graisse a un rôle protecteur.Le rôle pathogène de l’alcool n’est pas formellement démontré.

17.2.2 Infectieux

Helicobacter pylori (HP) est un facteur de risque certain de cancer de l’estomac distal (mais pasdu cardia), en favorisant le développement de la gastrite chronique atrophique par les altérationsde la muqueuse qu’il provoque. Mais cela ne veut pas dire que toutes les personnes infectées parHP développeront un cancer gastrique.Les personnes infectées par le HP ont un risque relatif voisin de 2 de développer un cancer de l’es-tomac par rapport aux personnes non infectées.

17.2.3 Génétique

Il existe des cas familiaux de cancers de l’estomac. En cas d’antécédent familial de cancer de l’es-tomac, le risque de développer un cancer de l’estomac est multiplié par 3 pour les apparentés.On retrouve par ailleurs les cancers de l’estomac dans les syndromes de LYNCH de type 2 (syn-drome de Lynch ou syndrome HNPCC Hereditary Non Polyposis Colon Cancer : adénocarcinomedu rectum ou du colon qui se transmet de façon autosomique récessive, et qui n’est pas associé àune polypose. On distingue le Type 1 ou isolé et le Type 2 : associé à d’autres adénocarcinomes,comme l’endomètre, l’estomac, la vessie, l’ovaire, les voies biliaires)Les cas où une origine génétique peut être suspectée représentent 5 % des cancers de l’estomac.Pour les autres cas ils découlent d’une anomalie du comportement alimentaire ou de l’environne-ment qui peut être dépistée et traitée ou corrigée.

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Cancer de l’estomac

17.3 Anatomie

Figure 14 Anatomie de l’estomac(schéma tiré de Cancer De Vita)

L’estomac naît à la jonction gastro-œsophagienne et se finit au pylore. On comprend facilementlorsque l’on regarde la proximité des organes de voisinage qu’un cancer de la grande courbure (parexemple) puisse envahir le hile splénique et la queue du pancréas. Les autres organes de voisinagesusceptibles d’être envahis sont le pancréas en arrière le colon transverse en bas, les surrénales, lediaphragme, le foie et le hile hépato-biliaire à droite.La vascularisation de l’estomac est très riche, ainsi que le système lymphatique qui double le sys-tème artério-veineux. Cela explique la grande fréquence de l’envahissement ganglionnaire consta-tée lors de l’examen histologique des curages ganglionnaires.

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Cancer de l’estomac

17.4 Anatomie pathologique

17.4.1 Rappel anatomique et histologique

L’estomac est une poche qui débute au cardia. Il comprend une portion verticale qui correspond aucorps (2/3 de l’organe) et une portion horizontale ou antre qui se termine par le pylore.Histologiquement, la poche gastrique comporte quatre tuniques : 1- la muqueuse constituée d’unépithélium de surface cylindrique mucosécrétant qui s’invagine en cryptes et des glandesspécialisées : cardiales, fundiques ou antrales. Entre les cryptes et les glandes spécialisées, il existeun chorion ou lamina propria. 2- la sous-muqueuse, tissu conjonctif. 3- la musculeuse. 4- la séreuse(avec une sous séreuse).

17.4.2 Classification simplifiée des cancers gastriques

Les cancers primitifs sont essentiellement d’origine épithéliale. L’adénocarcinome et ses variantesreprésentent 90 % de ces cancers. Les tumeurs endocrines sont rares et le plus souvent de bas gradede malignité. Les autres carcinomes sont exceptionnels.Parmi les tumeurs non épithéliales, il faut retenir les lymphomes du MALT qui sont souvent defaible grade de malignité.Les sarcomes et autres cancers non épithéliaux sont exceptionnels.Les tumeurs secondaires correspondent à l’extension d’un cancer d’organe de voisinage (œsopha-ge, pancréas, côlon, foie) ou à des métastases, le plus souvent de cancers du sein, du poumon oud’un mélanome.

17.4.3 L’adénocarcinome et ses variantes

17.4.3.1 Facteurs favorisants

Ils correspondent aux conditions précancéreuses, aux lésions précancéreuses et aux facteurs exo-gènes.Les conditions précancéreuses sont la gastrite chronique atrophique, l’ulcère chronique, le moi-gnon de gastrectomie, l’adénome et la maladie de Ménétrier. Les facteurs de risque exogènes sontla présence d’Helicobacter pylori (à noter que cet agent infectieux est également associé à la pré-sence de lymphomes du MALT) et certains facteurs alimentaires : sel, nitrates…

17.4.3.2 Macroscopie

Les adénocarcinomes siègent par ordre décroissant dans l’antre, le corps et le cardia. Dans cettedernière localisation, il est difficile de les différencier des adénocarcinomes œsophagiens.

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Cancer de l’estomac

Les formes diffuses sont encore plus rares.Les cancers gastriques sont habituellement invasifs et plus rarement superficiels.Les cancers invasifs se présentent sous trois formes : ulcéro-végétante et infiltrante qui est la plushabituelle, végétante ou infiltrante.Les cancers superficiels ont été classés en trois types par les auteurs japonais : - type I exophytique,- type II surélevé, plat ou déprimé et - type III excavé.Enfin, il faut distinguer les carcinomes associés à un ulcère chronique.

17.4.3.3 Méthodes diagnostiques

Les prélèvements biopsiques lors de l’examen endoscopique doivent être multiples. En cas de can-cer sur ulcère ou de cancer ulcériforme, ils doivent être réalisés sur les berges de la perte de subs-tance en cas de cancer superficiel, les prélèvements doivent être encore plus nombreux.Les pièces opératoires sont des gastrectomies totales ou partielles. Elles sont fixées en formol à10 % pendant au moins 24 heures. L’étude des ganglions lymphatiques est facilitée par la fixationdes petits et grands épiploons dans le liquide de Bouin.A noter les cas particuliers de cancers peu infiltrants où il est souhaitable que la lésion soit repéréepar le chirurgien et où plus d’une vingtaine de prélèvements sont nécessaires.

17.4.3.4 Microscopie

Toutes les classifications ont pour but de préciser le pronostic de ces cancers en fonction des don-nées anatomopathologiques. La plus utilisée est celle de l’OMS.La classification de l’OMS précise le degré de différenciation de la tumeur (bien, moyennement oupeu différenciée en fonction de son architecture et de l’importance des anomalies cytologiques).Elle précise également l’importance de l’extension pariétale.La forme commune est un adénocarcinome bien ou moyennement différencié plus ou moins mu-cosécrétant. Les formes particulières sont les adénocarcinomes colloïdes muqueux (mucineux) etla linite plastique qui est une variété d’adénocarcinome peu différencié, de très mauvais pronostic.Les autres facteurs histopronostiques sont les envahissements vasculaires et nerveux.

17.4.3.5 Extension

La diffusion locale varie avec les formes macroscopiques. L’extension aux organes de voisinageest souvent rapide (pancréas, côlon, foie, vésicule) et peut poser des problèmes de diagnostic surl’origine de la tumeur. L’essaimage par voie lymphatique atteint les ganglions régionaux du terri-toire de drainage de la tumeur ou peut être plus diffuse.Les ganglions régionaux sont situés le long de la petite et de la grande courbure, le long des artèresgastrique gauche, hépatique commune, splénique et cœliaque et correspondent aussi aux ganglionshépato-duodénaux.L’atteinte des autres ganglions intra-abdominaux comme les ganglions rétro-pancréatiques, mé-sentériques, para-aortiques ou plus à distance (adénopathie sus-claviculaire gauche de Troisier) estclassée comme métastase à distance.La diffusion métastatique atteint le péritoine et par ordre décroissant de fréquence le foie, les pou-

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Cancer de l’estomac

mons, la plèvre, les surrénales, les ovaires, etc…Les deux critères histologiques les plus importants au plan pronostique sont l’envahissement de laséreuse (T3) et l’envahissement ganglionnaire.50 à 60 % des patients sont T3 et 60 à 70 % des patients sont avec envahissement ganglionnairemacroscopique ou histologique (N+) au diagnostic.L’extension tumorale est précisée par la classification pTNM. Elle s’applique uniquement aux car-cinomes.

17.4.4 Apport de l’anatomopathologie

Il permet le diagnostic de cancer et précise sont type ainsi que la surveillance des conditions pré-cancéreuses pour la détection d’une dysplasie dont le diagnostic peut être difficile. Il permet d’ap-précier le pronostic par la classification pTNM et par certaines voies de recherche : anomalies ducontenu en ADN, recherche de la mutation du gène suppresseur de tumeur P53, étude de l’adhésionintercellulaire avec l’anticorps CD44, études de certains oncogènes et facteurs de croissance.

17.4.5 A retenir

— Le cancer gastrique est principalement un adénocarcinome.— Il est surtout développé sur une gastrique chronique atrophique.— Helicobacter pylori est un important facteur de risque.— Le diagnostic nécessite une fibroscopie avec prélèvements biopsiques multiples.

Devant toute ulcération ou ulcère chronique, de nombreux prélèvements biopsiques doiventêtre réalisés sur les berges de la perte de substance.

— Le pronostic de l’adénocarcinome est lié à son degré d’envahissement pariétal et ganglionnai-re lymphatique si la résection est à visée curative.

17.5 Diagnostic

La sémiologie clinique du cancer gastrique est non spécifique. Les signes d’appels peuvent être :

— un syndrome dyspeptique— des vomissements— un syndrome ulcéreux— une complication hémorragique ou perforative— une anorexie isolée ou une altération de l’état général— une anémie— un syndrome paranéoplasique (phlébite…)— une manifestation liée à une localisation métastatique— Il faut penser au cancer de l’estomac (ainsi qu’aux autres cancers digestifs) devant la décou-

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Cancer de l’estomac

verte d’une adénopathie sus-claviculaire gauche (Troisier) ou axillaire gauche à l’examen cli-nique.

L’endoscopie permet de localiser, d’estimer la taille et de préciser l’aspect de la tumeur. Le dia-gnostic repose sur les biopsies multiples réalisées pendant l’endoscopie.En cas d’ulcère gastrique, les biopsies doivent être dirigées et multiples afin de ne pas méconnaîtreun cancer sous-jacent (toute ulcération gastrique nécessite 10 à 12 biopsies sur ses berges pour éli-miner un cancer). De plus un contrôle endoscopique avec répétition des biopsies en cas de lésionpersistante est indispensable 8 semaines après le début du traitement.Une fois le diagnostic établi le bilan d’extension ainsi que le bilan d’opérabilité sont réalisés.

Examen clinique : Recherche d’une adénopathie sus-claviculaire gauche et/ou d’une adénopathieaxillaire gauche, d’une ascite, d’une masse palpable, d’une hépatomégalie.

Examens complémentaires :

SanguinsBilan hépatique, ionogramme sanguinDosage des marqueurs ACE et Ca19-9. Le CA 125 et les βHCG peuvent être élevés maisde façon plus rare et ne doivent pas être demandés en pratique courante. Les marqueurs tu-moraux n’ont aucune valeur diagnostique mais ont parfois une certaine utilité dans le suivides patients.

ImagerieScanner thoraco-abdominal

Le but de ces examens étant essentiellement d’éliminer une localisation métastatique pulmonaire,hépatique, péritonéale (ascite) ou autre qui contre indiquerait un geste chirurgical. Même le scan-ner est assez peu informatif sur le degré d’envahissement de la paroi gastrique ou sur l’extensionganglionnaire.Une écho-endoscopie peut améliorer la précision du bilan d’extension locorégional (précise le de-gré d’envahissement pariétal au niveau gastrique et le degré d’envahissement des ganglions périgastriques), néanmoins cet examen n’est pas systématique.

17.6 Classification

La classification TNM est la plus utilisée. Elle est anatomopathologique. Il s’agit d’un pTNM

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Cancer de l’estomac

NB : Pour appliquer correctement cette classification il faut plus de 15 ganglions à l’analyse his-tologique.

17.7 Le traitement chirurgical du cancer de l’estomac

17.7.1 Les techniques et indications

Les indications et les modalités du traitement chirurgical du cancer de l’estomac dépendent du ter-rain, du siège et du stade de la tumeur.

17.7.2 Le terrain

Comme toujours en cancérologie il est important de bien peser les indications opératoires en ap-préciant les facteurs de risques et les chances de guérison.

Tumeur Primitive (T)

Tx InconnuTis Atteinte intra-épithélialeT1 Atteinte de la sous-muqueuseT2 Atteinte musculeuse ou sous-séreuseT3 Atteinte SéreuseT4 Atteinte des structures adjacentes

Adénopathies Régionales (N)

Nx InconnuN0 Pas d’envahissementN1 Envahissement de 1 à 6 ggN2 Envahissement de 7 à 15 ggN3 Envahissement de plus de 15 gg

Métatases à distance (M)Mx InconnuM0 Pas de métastasesM1 Métastases à distance

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Cancer de l’estomac

Outre le risque anesthésique déterminé selon la classification ASA il importe de tenir compte del’age de la complexité de l’acte chirurgical envisagé, de sa morbidité et de l’espérance de vie.

17.7.3 Les différentes interventions

L’exérèse gastriqueLa gastrectomie est l’intervention la plus pratiquée. Il peut s’agir d’une gastrectomie des 4/5èmes avec anastomose gastro-jéjunale (une anastomose gastro-duodénale est contre-indi-quée en raison du risque d’envahissement en cas de récidive loco-régionale), d’une gastrec-tomie totale avec anastomose gastrojéjunale en Y.Dans certains cas on peut être amené à pratiquer une résection œsophagienne associée à lagastrectomie : soit œso-gastrectomie polaire supérieure avec anastomose œso-gastriquesoit une œsogastrectomie totale avec anastomose œso-jejunale. Dans les deux cas une dou-ble voie d’abord, abdominale et thoracique est nécessaire. Dans les œso-gastrectomies ilfaut associer une pyloroplastie en raison de la section des pneumogastriques.Une splénectomie voire une splénopancréatectomie associée est parfois nécessaire.

Les curages ganglionnairesLes atteintes ganglionnaires sont fréquentes dans les cancers de l’estomac et peuvent siégerà différents niveaux :

— Au niveau des ganglions juxta-gastriques infra et supra-pyloriques, gastro-épiploïquesle long de la grande courbure, les ganglions de la petite courbure et péricardiaux.

— Au niveau des ganglions péri-gastriques situés le long de l’artère coronaire stomachi-que, de l’artère hépatique commune, de l’artère splénique, du tronc cœliaque dans lehile de la rate.

— Au niveau des ganglions à distance dans la racine du mésentère, le pédicule hépatique,l’axe aortique voire extra-abdominaux (Troisier)

La topographie des adénopathies est bien sur importante et plus elles sont distantes de latumeur moins le pronostic est bon. C’est au point que des adénopathies à distance sont con-sidérées comme de véritables métastases.Leur nombre est également important et c’est lui qui est pris en compte dans la classifica-tion TNM sus citée.Le curage des ganglions juxta-gastriques est dénommé D1. Le curage emportant les gan-glions périgastriques est appelé D2. En cas de spléno-pancréatectomie associée il s’agitd’un curage D3. Dans tous les cas pour être valable et interprétable un curage doit emporterau moins 15 ganglions.

17.7.4 Indications dans un cancer résécable

Pour affirmer qu’un cancer est résécable une laparoscopie est parfois utile pour faire un « stagging» complet.En effet l’écho-endoscopie et la tomodensitométrie ne permettent pas toujours d’apprécier l’attein-te ganglionnaire voire péritonéale.

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Cancer de l’estomac

Dans un cancer de la portion horizontale de l’estomac il faut faire une gastrectomie des 4/5èmes etdans un cancer du corps et de la grosse tubérosité il faut faire une gastrectomie totale. Une splénec-tomie voire une spléno-pancreatéctomie peut se discuter en cas de cancer de la grosse courbure.De nombreuses discussions persistent sur l’étendue du curage. Les auteurs japonais recommandentun curage étendu D2 systématique. Aux Etats-Unis et en Europe, l’allongement de la survie n’a pasété prouvé mais il mérite sans doute d’être pratiqué chez les sujets jeunes. Dans les autres cas onse contente d’un curage D1. Le curage D3 (avec spléno-pancreatéctomie) n’est que rarement indi-qué. Il augmente la morbidité et n’a jamais fait la preuve de son efficacité sur la survie des patients.Dans un cancer du cardia à extension œsophagienne prédominante il faut faire une oesogastrecto-mie polaire supérieure. Si l'extension est surtout gastrique il faut faire une œsogastrectomie totaleemportant les 6 derniers centimètres de l'œsophage abdominal. Si le cancer est strictement localiséau cardia on a le choix entre la gastrectomie totale ou polaire supérieure. La résection digestive doitêtre accompagnée en fonction de son type d'un curage médiastinal inférieur (résections œeso-gas-trique) soit d'un curage D2 (gastectomie totale).

17.7.5 Les autres indications

En cas de cancer sur moignon de gastrectomie, il faut, si cela est possible, faire une degastro-gas-trectomie totale.Dans les linites une gastrectomie totale doit être pratiquée.Certains cancers initialement non résécables peuvent le devenir après chimiothérapie. En cas decancer non resécable mais entraînant une sténose gastrique totale une dérivation peut se discuter.Malheureusement quelle qu’en soit le type elle est rarement efficace.Enfin en cas de métastase hépatique unique, éventualité rare, une exérèse peut être pratiquée.

17.8 Les résultats

La chirurgie reste la seule chance de guérison des cancers gastriques. Les traitements complémen-taires n’ont qu’un faible rôle d’appoint.Dans les cancers respectant la séreuse et sans adénopathies (T1-2 N0M0) aucun traitement com-plémentaire n’est indiqué.Dans les cancers résécables atteignant la séreuse et/ou avec adénopathies (T3 et/ou N+M0) certainsessais semblent montrer une amélioration du pronostic avec une chimiothérapie pré et/ou post opé-ratoire.Dans les cancers non résécables, chimiothérapie et radiothérapie permettent une amélioration de lasurvie et permettent parfois une intervention secondaire.Globalement la survie à 5 ans après une chirurgie curative est de 40 % pour l’adénocarcinome del’estomac distal, de 20 % à 5 ans pour l’adénocarcinome du cardia et de 10 % dans le cas particulierdes linites. En l’absence de chirurgie carcinologique curative elle est de 0 %En cas de résection la survie dépend du stade évolutif (niveau de l’atteinte pariétale et adénopa-thies) du caractère palliatif ou à visée curative de la gastrectomie de l’étendue du curage pour cer-

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Cancer de l’estomac

tains.La chimiothérapie néoadjuvante est en cours d’évaluation. Plusieurs essais de chimiothérapie ad-juvante ont été effectués, avec des résultats contradictoires, de sorte qu’il n’y a pas actuellementde consensus sur ce sujet. Néanmoins depuis 2001 suite aux résultats d’une grande étude multicen-trique, l’attitude générale est de proposer une chimioradiothérapie concomitante adjuvante aux pa-tients opérés. Le critère pronostique majeur reste pour l’ensemble des patients une exérèsemicroscopiquement complète.

17.9 Facteurs pronostiques

Le taux global de survie à 5 ans est de 15 % et de 8,5 % à 10 ans. Il passe à plus de 30 % de survieà 5 ans pour les patients opérés et atteint 50 % pour les meilleures séries hospitalières.Les facteurs pronostiques les plus importants sont : l’existence de métastases à distance, l’envahis-sement ganglionnaire (nombre et localisation), le degré d’envahissement pariétal, la localisationtumorale initiale.

Tableau 12 Critères de non résécabilité

17.10 Traitement des formes métastatiques

De nombreuses drogues cytotoxiques ont une activité anti-tumorale vis à vis des cancers gastriquesévolués (cisplatine, taxanes, 5FU, irinotécan, épirubicine). La chimiothérapie systémique est doncindiquée dans les cancers de l’estomac inopérables, elle permet de faire passer les médianes de sur-vie de 5 à 9 mois et probablement d’améliorer la qualité de vie de ces patients

Critères préopératoires Critères peropératoires

Tumeur volumineuse > 7cmEnvahissement des structures adjacentesExtension ganglionnaire cœliaque ou hépatiqueMétastases à distance

Extension loco-régionale (pancréas, aorte, ganglions cœliaques ou du pédicule hépa-tique)Métastase à distanceCarcinose péritonéale

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Cancer de l’estomac

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

Chapitre 18

Cancers des voies aéro-digestives supérieuresAuteurs : F. Baillet, P. Fouret, J.C. Bertrand, G. Lamas

18.1 Généralités

18.1.1 Introduction

Les cancers des voies aéro digestives supérieures (VADS) sont des cancers fréquents en France oùils représentent environ 10 % de l’ensemble des cancers, mais avec une grande différence entre leshommes (90 % des cas) et les femmes (10 %). A noter cependant que la fréquence chez la femmeest en augmentation constante depuis 30 ans. Chez l’homme ce sont les quatrièmes cancers en fré-quence après ceux de la prostate, des bronches, du colon et du rectum. Il y a environ 17 000 nou-veaux cancers par an et 10 500 décès.Dans 90 % des cas ces cancers sont en rapport avec une intoxication alcoolo-tabagique. Font ex-ception les cancers du cavum (virus d’Epstein Barr), les cancers des cavités aériennes de la face(travailleurs du bois, ébénistes, menuisiers), certains cancers du larynx qui peuvent être en rapportavec un surmenage vocal chronique, certains cancers de la cavité buccale qui sont en rapport avecdes dysplasies (lichen).Les localisations cancéreuses des VADS sont souvent multiples de façon synchrone (en mêmetemps) ou métachrone (de façon décalée dans le temps). Pour les cancers des VADS habituels,c’est-à-dire à l’exception des cancers du cavum et des cavités aériennes de la face, la recherche sys-tématique d’un 2ème cancer avec biopsies des zones douteuses permet de trouver une 2ème locali-sation dans environ 20 % des cas. L’avenir des malades porteurs initialement de ces mêmes cancersdes VADS habituels reste menacé non seulement par une récidive de la tumeur primitive mais éga-lement par l’apparition secondaire d’un 2ème cancer des VADS, bronchique ou œsophagien. Au-delà de 5 ans le risque de 2ème cancer devient plus important que le risque de récidive de la tumeurinitiale.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

18.1.2 Anatomopathologie

Dans plus de 90 % des cas il s’agit d’épithéliomas épidermoïdes. Dans la moitié des cancers descavités aériennes de la face il s’agit d’épithéliomas glandulaires (adénocarcinomes) et dans la moi-tié des cancers du cavum (rhinopharynx) de carcinome indifférencié de type nasopharyngien (UC-NT).Enfin au niveau de l’Anneau de Waldeyer là où se trouvent des formations lymphoïdes, à savoir lecavum, les amygdales et la base de la langue, on peut observer des lymphomes malins. Historique-ment ces derniers ont été les premiers à être guéris, dans 30 % des cas, grâce à la radiothérapie par200 KV parce qu’ils étaient peu profondément situés et qu’une dose totale de 40 Gy suffit pour lesstériliser localement.Les détails de l’anatomopathologie sont donnés avec les principales localisations.

18.1.3 Rappel anatomique

L’anatomie concernée par les cancers des VADS est complexe. Selon le siège initial et les structu-res envahies le diagnostic, le traitement et le pronostic varient. Les différentes localisations sontregroupées en cancers de la cavité buccale (25 % des cas), cancers de l’oropharynx (25 %), cancersdu larynx (25 %), cancers de l’hypopharynx (15 %), cancers du cavum (7 %), cancers des cavitésaériennes de la face (3 %).Les schémas ci-joints permettent de représenter l’anatomie concernée par ces cancers.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

18.1.4 Les progrès récents (dans les 10 dernières années) sont liés

— à ceux de l’imagerie (TDM et IRM) qui permettent d’avoir une meilleure connaissance desextensions,

— à ceux de la chirurgie qui est souvent moins mutilante et plus réparatrice (chirurgies conser-vatrices du larynx, buccopharyngectomies transmaxillaires conservatrices, curages ganglion-naires cervicaux conservant les organes de voisinage non atteints, pertes de substancecompensées par lambeaux…),

— à ceux de la radiothérapie qui est localement devenue plus efficace à l’égard des tumeurs degrande taille soit en modifiant le facteur temps (plus de fractions avec un temps de traitementtotal plus court ou avec une dose totale plus élevée) soit en l’associant à la chimiothérapie pardérivés du platine. Dans ce dernier cas on améliore en plus la survie.

— à ceux de la chimiothérapie qui, utilisée en premier, a permis de sélectionner parmi les cancersnormalement traités par chirurgie radicale non conservatrice ceux qui pouvaient bénéficierd’une radiothérapie exclusive (cancers du larynx et de l’hypopharynx).

18.2 Cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx

Ils représentent la moitié des cancers ORL.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

18.2.1 Anatomopathologie

La cavité buccale comprend la langue mobile et le plancher de la bouche où sont la plupart des can-cers, et par, ailleurs, les gencives, les faces internes de joue, la muqueuse de recouvrement de labranche montante du maxillaire inférieur (RBMI) et de la voûte palatine.La langue comprend la portion mobile (cavité orale) en avant du V lingual et la base de langue quifait partie de l’oropharynx. L’oropharynx comprend de plus l’amygdale et la loge amygdalienne,le pilier antérieur du voile, le palais mou et la paroi oropharyngée latérale et postérieure.Les lymphatiques sont nombreux, et se drainent dans les ganglions sous-mentaux et sous maxil-laires (portion mobile et plancher), dans les ganglions jugulaires supérieurs, moyens, inférieurs etsus-claviculaires. Les lymphatiques du mur pharyngé postérieur se drainent dans les ganglions ré-tropharyngés.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

18.2.1.1 Etiologie

Les cancers de la cavité buccale sont précédés dans environ 10 % des cas par des lésions précan-céreuses. Il peut s’agir :

— de lésions blanches ou leucoplasies (lichen) = plaque blanchâtre ne se détachant pas par grat-tage liée au plan histologique à une accumulation de kératine (kératose) en surface. Les leu-coplasies inhomogènes et de la face ventrale de la langue sont suspectes. La classification deslésions est controversée. La présence de dysplasie ou d’un CIS (carcinome in situ) impliqueun risque significatif de progression vers le carcinome épidermoïde infiltrant.

— de lésions rouges ou érythroplasie = plaque rouge, souvent étendue, moins fréquente maisplus inquiétante que les leucoplasies, correspondant à un épithélium atrophique recouvrant unréseau vasculaire télangiectasique. La lésion intra-épithéliale précancéreuse correspond à unedysplasie sévère/CIS et comporte un risque élevé de progression. Dans 50 % des cas, la lésionintra-épithéliale est déjà associée un carcinome épidermoïde infiltrant.

18.2.1.2 Formes macroscopiques

Il s’agit de tumeurs exophytiques ou endophytiques (plus péjoratives).

18.2.1.3 Forme histologique commune

Il s’agit de carcinomes épidermoides infiltrants (95 % des cas). Certains éléments seraient pluspéjoratifs : l’atteinte nerveuse ou vasculaire, la profondeur de l’infiltration tumorale, l’infiltrationsous forme de travées grêles.Certaines variétés de carcinome épidermoide peuvent être observées dans la cavité buccale oul’oropharynx :

— carcinome verruqueux : son aspect est analogue au carcinome verruqueux laryngé. Il se pré-sente parfois sous la forme d’une nappe papillomateuse hyperkératosique (« papillomatoseorale floride ») ; le diagnostic repose sur l’examen en totalité de la tumeur, car cette tumeur àmalignité locale peut s’associer à un carcinome épidermoïde infiltrant ;

— carcinome sarcomatoïde (cancer à cellules fusiformes)— carcinome basaloïde— carcinome adénosquameux.

18.2.1.4 Formes histologiques particulières

Ce sont les tumeurs à point de départ non muqueux :

— tumeurs des glandes salivaires (tumeurs muco-épidermoïdes, carcinomes adénoïdes kysti-ques)

— tumeurs osseuses (ostéosarcomes en particulier)— métastases des tissus mous ou osseuses.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

18.2.1.5 Extension

Les cancers de la portion mobile de la langue et du plancher de la bouche ont, par comparaisonavec les autres cancers de la cavité buccale, une plus grande tendance à donner des extensionsganglionnaires : 15 à 75 % des cas selon le stade d’extension de la tumeur au site primaire (T). Lessites les plus souvent atteints sont II, puis I, III et IV. Les métastases sont bilatérales dans 25 % descas. L’atteinte ganglionnaire est le facteur pronostic majeur.Les cancers de la base de langue sont classés dans les cancers de l’oropharynx. Ce sont des tumeursagressives et silencieuses, découvertes à des stades avancés (90 % sont des stades III ou IV) Ellespeuvent infiltrer les vallécules, la loge hyo-thyro-épiglottique, et le reste du larynx (modificationde la voix) ou s’étendre au mur pharyngé latéral et aux nerfs crâniens (otalgie). Les métastases gan-glionnaires sont fréquentes même pour les T1 (70 % cas), souvent bilatérales (30 % cas), souventrévélatrices. Les extensions ganglionnaires intéressent en règle les niveaux II et III, et plus souventles niveaux IV, et V que les autres localisations. Par contre, l’os mandibulaire est rarement atteint.Les cancers de l’amygdale sont souvent avancés et s’étendent vers la base de langue et le mur pha-ryngé latéral. Les métastases ganglionnaires sont fréquentes même pour les stades précoces.Les cancers du pilier antérieur de l’amygdale tendent à être superficiels et s’étendent sur une largezone vers le palais mou, la muqueuse buccale.Les cancers du palais mou peuvent rester à un stade précoce en s’étendant de façon très superfi-cielle vers le palais dur et les piliers. Les métastases ganglionnaires sont volontiers bilatéralesquand la tumeur s’étend au delà du plan médian.Les cancers du mur pharyngé s’étendent vers le nasopharynx, le fascia prévertébral, les sinus piri-formes et le mur hypopharyngé postérieur. Les métastases ganglionnaires sont fréquentes, intéres-sent les niveaux II et III ainsi que les ganglions rétropharyngés. Elles sont souvent bilatérales.

18.2.1.6 Apport de l’examen anatomo-pathologique

Il est essentiel pour établir le diagnostic de la tumeur.Au niveau de la pièce opératoire, il précise l’extension locale (pT), et notamment le statut des mar-ges d’exérèse, et régionale (pN), ce qui détermine le pronostic. Par exemple environ 25 % des mar-ges d’exérèse sont envahies en per-opératoire en cas de chirurgie initiale pour les cancers de basede langue à des stades avancés.L’examen histologique est essentiel pour déterminer à quel stade en est une dysplasie précancéreu-se (dysplasie de grade peu élevé, dysplasie sévère, épithélioma in situ ou épithélioma déjà infil-trant).Ces lésions précancéreuses lorsqu’elles sont découvertes doivent être surveillées et traitées avantla progression vers le carcinome épidermoïde invasif.

18.2.2 Diagnostic

18.2.2.1 Diagnostic positif

Les signes révélateurs sont une gêne plus ou moins douloureuse là où se trouve l’anomalie, des cra-

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

chats sanglants, rarement une otalgie ou une adénopathie isolée.Ces troubles fonctionnels ont ou une caractéristique importante : celle de persister. Une durée au-delà d’une quinzaine de jours les rend suspects.L’examen, par la vue et la palpation, permet de trouver un bourgeonnement et/ou une ulcérationqui saigne habituellement au contact et s’accompagne d’une infiltration sous jacente.Comme diagnostic différentiel il y a l’ulcération traumatique ou infectieuse. Dans ces cas il n’y apas d’infiltration véritable et les anomalies disparaissent rapidement avec des traitements locaux etdes antibiotiques et la suppression de l’agent vulnérant (dent délabrée, crochet de prothèse).Le fait de trouver une leucoplasie ou une érythroplasie doit faire rechercher à leur niveau une zonesuspecte.La biopsie, faite au moindre doute, permet seule de faire le diagnostic.

18.2.2.2 Diagnostic d’extension

Sur le plan local, on précise le siège, l’étendue de l’induration (en centimètres) et l’aspect macros-copique. Ces caractéristiques sont écrites et complétées par un schéma. Au niveau de la cavité buc-cale les anomalies peuvent être aussi photographiées. L’infiltration est parfois mieux définie aprèsun traitement antibiotique de quelques jours. Pour les tumeurs s’étendant près des structures osseu-ses un bilan radiologique est nécessaire pour rechercher une éventuelle extension : TDM (scanner)voire IRM.Sur le plan régional, on recherche une adénopathie cervicale. Si on en trouve une ou plusieurs onen précise la taille, le siège, la mobilité, on en fait une description écrite avec des schémas et sipossible des photos (polaroïds) pour la suite du traitement. Le diagnostic différentiel habituel estcelui d’une sous-maxillite qui est une tuméfaction oblongue allongée d’avant en arrière, aplatietransversalement que l’on n’arrive pas à faire rouler sur le maxillaire. L’exploration clinique desaires ganglionnaires est complétée par un TDM.A distance, on recherche d’éventuelles métastases qui existent rarement d’emblée sauf pour les tu-meurs de grande taille (au minimum radiographies pulmonaires et échographie hépatique). Ellespeuvent être pulmonaires, hépatiques ou osseuses.On recherche par ailleurs une deuxième localisation cancéreuse par un examen systématique soi-gneux des VADS (par endoscopie) avec en plus fibroscopie œsophagienne et bronchique.Enfin on précise les antécédents du malade et on étudie son état général : amaigrissement (poidsactuel comparativement au poids habituel), index de performance (OMS, Karnofsky). Souvent onse trouve devant un malade ayant un âge physiologique supérieur à son âge légal. Les pathologiesvasculaires et hépatiques lorsqu’elles sont associées peuvent rendre difficile la thérapeutique.Le TNM est appliqué à la fin de l’examen.Classification TNM 2002 (cavité buccale + oropharynx)Elle est basée sur la clinique et l’imagerie.T1 : T ≤ 2 cmT2 : 2 cm < T ≤ 4 cmT3 : T > 4 cmT4 : Envahissement de structures adjacentes (muscles extrinsèques de la langue : hyoglosse, sty-loglosse, génioglosse, palatoglosse ; mais également à l’os).N0 : Pas d’adénopathie régionaleN1 : Adénopathie métastatique unique unilatérale, ≤ 3 cm

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

N2a :Adénopathie métastatique unique unilatérale, > 3cm ≤ 6 cmN2b : Adénopathies métastatiques homolatérales multiples, ≤ 6 cmN2c : Adénopathies métastatiques bilatérales ou controlatérales ≤ 6 cmN3 : Adénopathie métastatique > 6 cmM0 : Absence de métastase viscéraleM1 : Présence de métastase(s) viscérale(s)Stades I : T1N0

II : T2N0III : T1N1, T2N1, T3N0 et N1IV : T4N0N1, tous T N2 et N3

18.2.3 Traitement

18.2.3.1 Méthodes

a. La chirurgie de la tumeur primitive. Elle est plus ou moins conservatrice de la fonction se-lon l’extension des lésions. Elle peut être limitée ou étendue et alors avec réparation par lam-beau comblant la perte de substance. Elle peut s’accompagner d’exérèse osseuse avecinterruption ou non de la continuité. Dans ce dernier cas la séquelle principale est une pertede la mastication et accessoirement une modification de l’esthétique du visage. Des tentativessont souvent faites pour essayer de compenser cette interruption avec des prothèses et desgreffes qui ne sont pas toujours couronnées de succès et qui supportent plus ou moins bien lafréquente radiothérapie associée.Cette chirurgie s’accompagne d’une analyse histologique de la pièce : la résection est satis-faisante, non satisfaisante ou limite. Dans les deux derniers cas un traitement complémentaireest nécessaire : reprise chirurgicales si possible ou radiothérapie.La chirurgie ganglionnaire est exploratrice et thérapeutique. L’importance des exérèses estfonction de l’importance de l’extension ganglionnaire. Autrefois le curage était radical systé-matique en cas d’envahissement ganglionnaire enlevant non seulement les aires ganglionnai-res mais le sterno-cléïdo-mastoïdien, la jugulaire interne, et la branche externe du spinal.Maintenant on réalise des curages fonctionnels préservant les organes ci-dessus chaque foisque possible. Cette chirurgie est suivie également d’une analyse histologique qui précise lenombre de ganglions identifiés, le nombre de ganglions envahis, leur siège, s’ils sont en rup-ture capsulaire ou non (N-, N+, RC- ou RC+). Une radiothérapie externe complémentaire estindispensable en cas de N+ multiple ou en cas de RC+.

b. La curiethérapie de la tumeur primitive est faite par Iridium 192 à la dose de 65 Gy. Avecun faible écartement des lignes (10mm), elle est la technique la plus efficace localement parmiles techniques d’irradiation mais est contre-indiquée si la tumeur est au contact de l’os. En ef-fet, avec cette technique, il y a nécrose osseuse à partir de 50 Gy au niveau de l’os.

c. La radiothérapie externe est faite à la dose de 70 Gy en étalement classique de 5x 2 Gy aupoint ICRU par semaine au niveau de la tumeur primitive. Pour les grandes tumeurs (T3-T4N2-N3) on utilise maintenant des radiothérapies modifiées plus efficaces localement : bi-frac-tionnées avec dose totale augmentée, accélérées, ou surtout avec traitement radio-sensibili-sant.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

Il peut y avoir combinaison de la radiothérapie externe et de la curiethérapie. Dans ce cas, oncommence par 40 y de radiothérapie externe et on termine par 30 Gy par curiethérapie.La radiothérapie externe au niveau des adénopathies cliniquement palpées et précisées par leTDM, est faite selon les mêmes modalités que pour la tumeur primitive. Ces doses élevéessont appliquées à un volume réduit correspondant aux adénopathies plus une marge de sécu-rité d’où l’importance d’un repérage initial correct car les adénopathies se modifient beaucoupvoire disparaissent après le 1er temps d’irradiation large des aires ganglionnaires ou mêmeaprès une chimiothérapie première (néo-adjuvante).L’ensemble des aires ganglionnaires peut être irradié pour traitement de la maladie infra-cli-nique avec des différences de dose selon l’importance supposée de celle-ci. La dose est de 40Gy pour les N0, 50 Gy pour les formes avec adénopathie(s) clinique(s), 40 Gy pour les N-pour lesquels on peut également se contenter de surveillance, 50 Gy pour les N+ RC- et 60Gy pour les N+ RC+.La radiothérapie peut donner des complications qui doivent être, autant que possible, pré-venues et traitées.

• La radio nécrose est une complication classique, non exceptionnelle de la curiethérapie.Les facteurs favorisant la nécrose sont des lignes très écartées, un volume traité impor-tant, un débit horaire élevé, la persistance de l’intoxication alcoolo-tabagique, une dénu-trition et, pour la nécrose osseuse, un dispositif radioactif au contact de l’os. En tenantcompte de ces facteurs, on peut pratiquement faire disparaître le risque de nécrose. Lors-que celle-ci est installée, elle ne doit pas être confondue avec une récidive. Dans ce do-maine il ne faut pas faire de biopsie à tort et à travers car s’il s’agit d’une nécrose, labiopsie agrandit la perte de substance et risque de prolonger les troubles. Un traitementantibiotique permet en général de mieux examiner la région anormale et de constaterqu’il n’y a pas d’infiltration véritable.Une radionécrose osseuse peut également compliquer une radiothérapie externe, en par-ticulier si une dent en mauvais état a été laissée dans le volume irradié ou si secondaire-ment une dent initialement en bon état s’est altérée (carie sur hyposialie sans traitementfluoré préventif). L’avulsion d’une dent en zone irradiée expose à cette complication.Pour en réduire le risque il faut encadrer l’avulsion par un traitement antibiotique systé-matique.Pour diminuer ce type de complication une mise en état de la bouche est nécessaire avantd’entreprendre une radiothérapie concernant la cavité buccale. Elle consiste à enlever lesdents en mauvais état qui seront dans le volume irradié et, ailleurs, les dents non récupé-rables, les chicots. Le tout doit être fait rapidement, idéalement lors de l’endoscopie,pour ne pas retarder le début du traitement.Le traitement des nécroses fait appel aux antibiotiques au long cours, aux antalgiques, àune bonne nutrition, à l’arrêt de l’intoxication alcoolo-tabagique, à la pentoxyfilline (To-rental 400) et enfin si nécessaire à l’oxygénothérapie hyperbare ou plus simplement aucarbogène. En dernier recours, si tous les traitements sont inefficaces, ce qui est rare, onpeut réaliser l’exérèse de la zone nécrotique, muqueuse et/ou osseuse en passant au large.

• La diminution de la sécrétion salivaire est liée au fait que les glandes salivaires se trou-vent dans le volume irradié très souvent : au moins 50 % en cas d’irradiation des airesganglionnaires, 80 % en cas de tumeurs de l’oropharynx et 100 % en cas de tumeurs dela cavité buccale ou du cavum. Eviter cette complication est difficile sur le plan techni-

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

que. Si les doses n’ont pas été trop élevées, la salive revient progressivement en 6 à 12mois. Outre le désagrément, cette diminution entraîne une pathologie dentaire fréquente(constitution de caries). Cette dernière complication est devenue maintenant presqueinexistante grâce à une prophylaxie fluorée systématique consistant à la mise en place degel fluoré dans des gouttières (faites sur mesure) pendant quelques minutes tous les jourstant que la salive reste anormale.La réalisation de caches personnalisés interposés dans les faisceaux d’irradiation permetde réduire le volume de glandes salivaires irradié dans certains cas. De même l’utilisationde la technique de la radiothérapie conformationnelle. Enfin l’emploi d’Amifostine(Ethyol) juste avant les séances de radiothérapie réduit la fréquence des complicationssalivaires.

d. Les associations radio-chirurgicalesOn a très souvent chirurgie sur la tumeur et les aires ganglionnaires (T + N), puis radiothérapieexterne sur les mêmes structures à doses adaptées au résultat de l’analyse histologique de lapièce opératoire. Si la résection est histologiquement insuffisante quelque part, on applique àce niveau une dose de radiothérapie exclusive (dose entière). Il arrive parfois également quela chirurgie ait été utilisée seule et que, pour cause de récidive, on face appel à la radiothérapiedans un but de rattrapage. Elle se fait dans ce cas à doses entières.La chirurgie peut être aussi de rattrapage après échec d’une radiothérapie à doses entières surT + N. Dans ce domaine des progrès importants ont été faits grâce à l’utilisation des lambeaux.La chirurgie est devenue plus efficace avec une mortalité et morbidité postopératoires rédui-tes.

e. La chimiothérapieElle est surtout réalisée à base de dérivés du Platine (Cisplatine et Carboplatine) avec du 5 FU.En première ligne cette chimiothérapie peut donner 20 à 40 % de réponses cliniques complè-tes. Ces réponses complètes incitent à faire une thérapeutique conservatrice lorsque initiale-ment était prévue une chirurgie non conservatrice.En post-opératoire, à titre systématique, en adjuvant, pour réduire la fréquence des récidiveset des évolutions à distance, la chimiothérapie s’est révélée inefficace.Cette chimiothérapie est également utilisée pour les formes métastasées ou récidivées ainsique le Methotrexate seul (USA). Au long cours la chimiothérapie est difficile à supportercompte tenu du terrain.On a vu qu’une chimiothérapie à dose réduite est associée à la radiothérapie de façon conco-mitante pour augmenter l’efficacité de la radiothérapie externe des tumeurs de grande taille.

18.2.3.2 Indications

a. Pour les T1-T2 à distance des structures osseuses, on utilise la curiethérapie ou la chirurgie.b. Pour les T1-T2 proches de l’os, on utilise la chirurgie.c. Pour les T3-T4, on utilise la chirurgie si elle est localement possible, et dans ce cas on la fait

suivre de radiothérapie externe car l’exérèse peut être considérée comme systématiquement «limite », sinon on utilise une radiothérapie externe (radio-chimiothérapie concomitante).Dans cette catégorie, on a intérêt à commencer le traitement par une chimiothérapie premièreet en cas de réponse complète, on peut remplacer la chirurgie initialement prévue par une ra-diothérapie externe (radio-chimiothérapie concomitante).

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d. Enfin si l’état général du malade le rend inopérable (tares, âge), on réalise une radiothérapieexterne (radio-chimiothérapie concomitante avec doses de chimiothérapie adaptées ou radio-thérapie externe seule).

e. Pour les aires ganglionnaires, en pratique, l’attitude décidée est celle qui correspond au trai-tement de la tumeur primitive :

— s’il y a une chirurgie pour la tumeur primitive, on réalise un curage, — s’il y a une radiothérapie externe de la tumeur primitive on réalise une radiothérapie ex-

terne des aires ganglionnaires,— s’il y a une curiethérapie de la tumeur primitive on a le choix entre le curage systémati-

que ou la simple surveillance en cas de N0.

Les résultats sont alors identiques mais il faut être certain que le malade viendra bien en con-sultation de surveillance, ce qui est parfois hasardeux compte-tenu du contexte alcoolo-tabagique : dans le doute, la prudence est de réaliser un curage systématique. En cas d’adé-nopathie palpable on préfère remplacer la curiethérapie par la chirurgie qui traite alors la tu-meur et les aires ganglionnaires.

18.2.4 Surveillance

Une surveillance régulière est réalisée en recherchant une récidive tumorale ou ganglionnaire dont90 % des cas surviennent dans les 2 premières années. Mais également on recherche l’apparitiond’une deuxième localisation aux VADS, œsophagienne ou bronchique. Ces deuxièmes localisa-tions continuent d’apparaître au delà des 3 premières années avec une fréquence pratiquementidentique quelque soit le délai écoulé en sachant que ces deuxièmes localisations sont cependantmoins fréquentes chez les sujets ayant cessé toute intoxication alcoolo-tabagique. Enfin on peuttrouver une autre pathologie associée en rapport avec le vieillissement prématuré que provoquel’intoxication alcoolo-tabagique et les complications classiques de l’alcoolo-tababagisme (foie,système nerveux, artères).Cette surveillance est importante car elle permet de déceler, éventuellement à temps, une récidiveou une deuxième localisation susceptible de bénéficier d’un traitement efficace. Elle permet éga-lement d’inciter le malade à cesser toute intoxication alcoolo-tabagique, ce qui a pour effet de ré-duire la fréquence des récidives, des deuxièmes localisations et des complications. La surveillanceporte également sur les complications que l’on décèle et que l’on traite autant que possible.Fréquemment ces malades ont besoin d’un soutien psycho-social pour améliorer leur situation per-sonnelle (arrêt des intoxications), familiale et sociale.Cette surveillance est volontiers faite par 3 médecins, le généraliste qui se trouve en situation deproximité et qui réadresse au spécialiste ou au cancérologue le malade en cas de symptomatologieanormale, le cancérologue qui a contribué au traitement loco-régional et le spécialiste d’organesou le chirurgien. Cette surveillance à plusieurs donne une sécurité au médecin généraliste et permetau spécialiste de bien juger les résultats obtenus y compris dans le détail des complications.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

18.2.5 Résultats

(survie, pronostic, qualité de vie)La survie à 5 ans est approximativement :Selon T :T1-T2 : 45 %T3-T4 : 15-20 %Selon N :N0 : 40 %Np : (adénopathies palpables) 20 %N- : 50 %N+ : 25 %N+ RC- : 30 %N+ RC+ : 15 %.La qualité de vie dépend des séquelles des traitements. Il peut y avoir une gêne à la phonation, à lamastication, à la déglutition, une réduction du goût, un manque de salive gênant, des douleurs, unemodification de l’aspect extérieur etc… Toutes ces difficultés ont été volontiers considérées long-temps comme étant le prix à payer pour la guérison. On attache maintenant de plus en plus d’im-portance à ces séquelles dans le but d’en réduire la fréquence. Les progrès récents se sont faits plusen terme de qualité de survie qu’en taux de survie globale.

18.3 Cancers de l’oropharynx

Par ordre de fréquence, ils siègent principalement dans la région amygdalienne (loge amygdalien-ne, pilier antérieur, pilier postérieur) puis dans la base de la langue et enfin dans la paroi postérieurede l’oropharynx

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

18.3.1 Diagnostic positif

Les signes révélateurs sont une dysphagie et parfois une adénopathie ou une otalgie unilatérale. Le

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

tableau peut être celui d’une « angine » unilatérale, traînante, non fébrile.Le diagnostic est orienté par l’aspect des lésions bourgeonnantes, hémorragiques, surtout infiltran-tes.A noter que la base de langue nécessite un examen au miroir et qu’elle se palpe bien.La biopsie donne le diagnostic d’épithélioma épidermoïde. Dans 15 % des cancers de l’amygdaleil s’agit d’un lymphome malin et dans 5 % des cancers de la base de la langue également.

18.3.2 Diagnostic d’extension

Il se fait comme pour les cancers de la cavité buccale. Souvent les lésions sont vélo-amygdaliennesou glosso-amygdaliennes. Elles peuvent s’étendre en avant dans la cavité buccale au niveau duRBMI et de la langue mobile.Les lésions de la base de la langue sont souvent situées dans les sillons glosso-amygdaliens et glos-so-épiglottiques (ou vallécules) et de là s’étendent plus ou moins sur les structures avoisinantes :régions amygdaliennes latéralement, épiglotte et larynx en arrière au niveau de l’épiglotte. Commepour la cavité buccale, on réalise des schémas, une description écrite. On recherche des métastases,des deuxièmes localisations, on apprécie les antécédents et l’état général…Le TNM est le même que pour la cavité buccale sauf pour le T4 où il y a en plus l’atteinte du muscleptérygoïde, du larynx, du cavum.

18.3.3 Traitement

18.3.3.1 Région amygdalienne

Méthodes

a. Chirurgie T : elle est représentée par l’électro-chirurgie locale qui est alors suivied’une radiothérapie à la dose de 70 Gy car le plus souvent la résection est de qualitédouteuse, et la chirurgie radicale qui est représentée par la bucco-pharyngectomietransmaxillaire (BPTM) avec ou sans résection de l’angle de la mâchoire selon le de-gré d’extension tumorale en profondeur (cette résection était souvent réalisée autrefoisafin d’avoir un accès à la région à traiter ; maintenant on utilise une ouverture de lamâchoire au niveau de la symphyse mentonnière ce qui permet d’avoir un jour suffi-sant et de ne pas laisser de séquelles).

b. Chirurgie N : l’attitude est la même que pour la cavité buccale. L’importance du cu-rage est adaptée à l’importance des lésions et l’analyse histologique est faite de lamême façon.

c. Radiothérapie T : il s’agit soit d’une radiothérapie externe exclusive aux doses de 70Gy ou d’une combinaison de radiothérapie externe à la dose de 40 Gy et de curiethé-rapie à la dose de 30 Gy. Cette combinaison est localement plus efficace que la radio-thérapie externe classique seule et elle préserve plus les glandes salivaires, mais il nefaut pas que les lésions soient trop étendues pour qu’elle puisse être réalisée.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

d. Après la chirurgie T + N il y a la radiothérapie post-opératoire adaptée en dose auxdécouvertes histologiques.

e. Il y a également la chirurgie de rattrapage après radiothérapie à doses entières. Cettechirurgie a bénéficié des progrès de la chirurgie de reconstruction avec lambeau. Ceciétant dit, l’expérience a montré qu’elle était moins efficace et plus risquée en situationde rattrapage qu’en chirurgie première. Il faut donc si possible faire le bon choix d’em-blée.

f. Chimiothérapie : mêmes notions que pour les cancers de la cavité buccale à savoirchimiothérapie première par CDDP + 5 FU pour les tumeurs à traiter de façon radicaleet pas de chirurgie radicale si réponse complète après chimio première.

Indications

T

a. Les T1-T2 sont traités par électrochirurgie + radiothérapie externe à dosescomplètes ou radiothérapie externe + curiethérapie.

b. Les T3-T4 sont traités par chirurgie radicale si cela est possible localementpuis radiothérapie externe à doses adaptées aux constatations histologiques. Sicela n’est pas possible à cause de l’extension on réalise une radio-chimiothé-rapie concomitante.

NSi une chirurgie est décidée au niveau de la tumeur primitive, on réalise un curage.Si, par contre, le traitement local est une radiothérapie externe, on l’applique égale-ment au niveau des aires ganglionnaires.

18.3.3.2 Autres régions : base de langue et paroi postérieure de l’oropharynx

Méthodes

a. La chirurgie au niveau des tumeurs de la base de la langue et des vallécules : pour lestumeurs situées latéralement dans la base de la langue, la chirurgie est du même typeque pour la région amygdalienne. Pour les tumeurs situées en arrière, on réalise unesub-glossectomie avec laryngectomie horizontale sus-glottique ou laryngectomie to-tale. Cette dernière intervention est nécessaire s’il n’y a pas possibilité de reprise de ladéglutition après chirurgie laryngée partielle.Au niveau de la paroi postérieure de l’oropharynx, on ne peut réaliser qu’une électro-chirurgie locale.

b. La radiothérapie T est faite par radiothérapie externe à doses entières, ou pour lestumeurs de la base de la langue T1T2 et les petits T3 par radiothérapie externe + cu-riethérapie. Cette association est classiquement la plus efficace et elle donne moins deséquelles salivaires.

c. Pour la radiothérapie et chirurgie N : mêmes remarques que pour la région amyg-dalienne.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

Indications

Base de langue

a. Pour les T1-T2 et petits T3 dans la base de la langue : radiothérapie externe+ curiethérapie.

b. Pour les T1-T2 et petits T3 centrés sur le sillon glosso-amygdalien : mêmetraitement ou chirurgie type BPTM suivie de radiothérapie selon les constata-tions histologiques de la pièce.

c. Pour les T1-T2 et petits T3 centrés sur les vallécules : chirurgie + radiothé-rapie externe post-opératoire. La chirurgie est une sub-glosso-laryngectomiehorizontale sus-glottique ou totale. Si cette intervention est indiquée avec la-ryngectomie totale, il faut commencer par une chimiothérapie première et laremplacer par une radiothérapie externe en cas de réponse complète (radio-chimiothérapie concomitante).

d. Pour les T3-T4 selon les possibilités locales et le terrain chirurgie radicalemutilante (sub-glosso-laryngectomie totale). Dans ce cas on fait précéder letraitement d’une chimiothérapie et on remplace la chirurgie par une radiothé-rapie externe s’il y a une réponse complète. Dans les autres cas on fait une ra-diothérapie externe. Dans tous ces cas la radiothérapie externe est une radio-chimiothérapie concomitante.

Tumeurs de la paroi postérieure de l’oropharynxOn réalise une électro-chirurgie + radiothérapie externe post-opératoire pour lesT1-T2 et les petits T3 et une radiothérapie externe pour les autres tumeurs (radio-chimiothérapie concomitante).

18.3.4 Surveillance

(comme pour la cavité buccale)

18.3.5 Résultats

(survie, pronostic, qualité de vie)Pour les cancers de la région amygdalienne, la survie à 5 ans est de 25 à 30 % pour l’ensemble descas avec 50 % pour les T1-T2 et 15 % pour les T3-T4.Pour les cancers de la base de la langue, la survie à 5 ans est de 20 % pour l’ensemble avec 40 %pour les T1T2 et 10 % pour les T3T4.Les rechutes isolées peuvent être rattrapées par chirurgie ou par curiethérapie de rattrapage, la sur-vie à 5 ans de ces rattrapages est de 15 à 20 %. Malheureusement, les rechutes à la fois tumoraleset ganglionnaires sont pratiquement irrécupérables, car témoins d’une agressivité très importante.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

18.4 Cancers du rhinopharynx (ou cavum)

Ces cancers, classiquement rares en France, ont une fréquence qui augmente. La cause en est l’aug-mentation de la population originaire d’Afrique du Nord et d’Asie. En effet ils surviennent surtoutchez les sujets originaires du Maghreb ou d’Asie du Sud-Est. Ils sont relativement fréquents dansle pourtour du bassin méditerranéen hors Maghreb. C’est en Chine du Sud qu’ils sont les plus nom-breux. Le virus d’Epstein-Barr est à l’origine de la variété indifférenciée de ce cancer mais le can-cer n’apparaît qu’à l’occasion d’un certain nombre de circonstances locales favorisantessupplémentaires : infections locales répétées et habitudes alimentaires (poisson séché en Asie). Cecancer s’accompagne donc d’une augmentation des anticorps anti EBV.Pour le diagnostic de la maladie et pour la surveillance, la recherche et le dosage des anticorpsn’ont qu’une valeur indicative.Sur le plan du terrain, il y a pratiquement autant de femmes que d’hommes et aucune relation avecl’intoxication alcoolo-tabagique habituellement rencontrée dans les autres cancers ORL (à l’excep-tion des cancers des cavités aériennes de la face).

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18.4.1 Anatomopathologie

18.4.1.1 Rappel anatomique et histologique

Le rhinopharynx est situé en arrière des choanes postérieures, au contact de la base du crâne (sphé-noide, occipital), et en avant des premières vertèbres. La paroi latérale est le lieu d’abouchementde la trompe d’Eustache près de laquelle s’observe la fossette de Rosenmüller.Le drainage lymphatique se fait à tous les niveaux du cou en suivant la veine jugulaire et le nerfspinal accessoire (chaînes ganglionnaires jugulaires et spinales) ; un drainage médian intéresse lesganglions rétropharyngés de Rouvière.La muqueuse est bordée d’un épithélium variable : respiratoire ou de type pavimenteux non kéra-tinisé ou intermédiaire. Elle contient des glandes séromuqueuses et par places une population lym-phoïde abondante.

18.4.1.2 Formes macroscopiques

Les cancers du nasopharynx sont souvent infiltrants. La muqueuse peut paraître normale alors quel’infiltration tumorale s’est déjà étendue au delà du nasopharynx (adénopathies tumorales sans pri-mitif connu). La première biopsie est alors positive dans 70 % des cas.

18.4.1.3 Forme histologique commune

Il s’agit de carcinomes non glandulaires infiltrants que l’OMS a classé en trois types (1978).

1. carcinome épidermoide kératinisant (type1)2. carcinome épidermoïde non kératinisant (type 2)3. carcinome indifférencié de type nasopharyngien (UCNT en anglais) ou lymphépithéliome

(type 3).

Le carcinome épidermoïde kératinisant est lié à l’exposition tabagique. Il est moins sensible à laradiothérapie que le carcinome indifférencié.Le carcinome indifférencié est lié à des facteurs génétiques et à l’infection par le virus Ebstein-Barr. La moyenne d’âge est plus basse que pour le carcinome épidermoïde kératinisant avec unedistribution bimodale (2ème et 6ème décade). L’aspect histologique est particulier (grandes cellu-les tumorales aux limites indistinctes, pourvues de noyaux de grande taille, clairs, renfermant degros nucléoles, associées à des lymphocytes abondants). Le diagnostic peut être aidé par la détec-tion sur coupes de marqueurs épithéliaux et de marqueurs liés à l’infection par EBV, soit l’anti-gène LMP1 par immunohistochimie, soit les ARN EBER par hybridation in situ.

18.4.1.4 Extension

A partir de la fossette de Rosenmüller, l’extension se fait vers la trompe d’Eustache (otite, hypoa-cousie) vers l’espace parapharyngé et le muscle ptérygoide (trismus), en haut vers la base du crâne

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(déficit des nerfs crâniens), notamment le sinus caverneux, et en bas le long des vaisseaux jugulaireet carotidien.Les métastases ganglionnaires sont très fréquentes pour le carcinome indifférencié (80 à 90 %cas) et souvent bilatérales. Ganglion en arrière de l’angle de la mâchoire et les ganglions rétropha-ryngés sont fréquemment intéressés.Le carcinome épidermoide kératinisant est moins souvent métastatique, mais il a tendance à réci-diver localement.

18.4.1.5 Formes particulières

a. LymphomesCe sont les tumeurs non épithéliales les plus fréquentes. Il s’agit souvent d’un lymphome si-nonasal et nasopharyngien, en règle d’architecture diffuse et le plus souvent constitués degrandes cellules, souvent immunoblastiques, de haute malignité.Le lymphome T angiocentrique, principalement responsable de lésions nécrosantes sinonasa-les, peut intéresser le rhinopharynx (otite moyenne, mastoïdite) sous forme d’une muqueuseépaissie et ulcérée. Les biopsies doivent être profondes pour être contributivesCertains lymphomes T s’accompagnent d’une hyperplasie malpighienne importante pseudo-tumorale.

b. Tumeurs épithéliales glandulairesAdénomes pituitaires ectopiques (rares)Adénocarcinomes (< 2 % carcinomes) :

— Type salivaire— Bas grade : groupe hétérogène caractérisé par une faible agressivité

c. Tumeurs des tissus mousAngiofibrome (adolescent de sexe masculin)Tumeurs à différenciation musculaire striée : rhabdomyome et rhabdomyosarcome(2ème localisation après l’orbite)Hystiocytofibromes

d. DiversParagangliome (nerf vague)ChordomeAutres

18.4.1.6 Apport de l’examen anatomo-pathologique

Il est indispensable pour le diagnostic. La congélation d’une partie des prélèvements est nécessairesi un lymphome est soupçonné. Le diagnostic se pose le plus souvent entre :

• Carcinome indifférencié/lymphome non hodgkinien et maladie de Hodgkin• Carcinome indifférencié/ carcinome non kératinisant• Lympome/pseudolymphome (pseudotumeur liée à une hyperplasie lymphoïde)

Le diagnostic est aidé par l’immunohistochimie et l’hybridation in situ.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

18.4.1.7 Pour la pratique, on retiendra

a. Le nasopharynx est essentiellement le siège de carcinomes indifférenciés et de carcinomesépidermoïdes kératinisants et de lymphomes.

b. Le carcinome indifférencié (carcinome indifférencié de type nasopharyngien) survientchez des sujets jeunes. Il est lié au virus Epstein-Barr et très sensible à la radiothérapie. Il seprésente souvent comme des adénopathies cervicales bilatérales sans primitif connu. Le dia-gnostic est établi par l’examen anatomopathologique des adénopathies ou de la muqueuserhinopharyngée qui peut avoir un aspect macroscopique normal.

c. Les lymphomes rhinopharyngés sont souvent des lymphomes diffus à grandes cellules, dehaute malignité.

18.4.2 Diagnostic

18.4.2.1 Diagnostic positif

Les signes révélateurs sont variables selon l’extension de la tumeur. Les signes peuvent être ORLdans près de la moitié des cas avec sensation d’obstruction nasale, hémorragie nasale, ou signesotologiques : douleurs, écoulement, infection.Ils peuvent être neurologiques avec atteinte d’une ou plusieurs paires crâniennes en particulier leIII, le IV, le V le VI, le IX, le X, le XI. Enfin il peut s’agir d’une adénopathie cervicale apparem-ment isolée (environ 40 % des cas), exceptionnellement de métastases à distance.Les éléments de suspicion en cas d’adénopathie sont le siège haut et postérieur (adénopathie spi-nale haute ou sous-mastoïdienne) et le terrain particulier (malades originaires d’Afrique du Nordou d’Asie).L’examen en milieu spécialisé permet de voir l’anomalie et de la biopsier. Il s’agit d’un UCNTdans 50 % des cas en France (la quasi totalité des cas en Afrique du Nord), d’épithéliomas épider-moïdes dans 35 à 40 % et de lymphomes malins dans 10 à 15 % des cas.

18.4.2.2 Diagnostic d’extension

Il se fait par la clinique et l’imagerie. Sur le plan clinique, on recherche l’atteinte des paires crâ-niennes et des adénopathies. L’atteinte du III, du IV et du VI traduit un envahissement du sinuscaverneux, celle du V du foramen ovale, celle du IX, X et du XI du trou déchiré postérieur. Onprécise également l’extension locale dans le cavum et l’oropharynx.L’imagerie (TDM + IRM) permet de bien voir l’extension au niveau de la base du crâne et dans larégion intra-crânienne éventuellement. Cela permet de traiter de façon précise les extensions parradiothérapie. On recherche enfin systématiquement des métastases mais pas de 2èmes localisa-tions qui n’existent pas dans ce cancer. L’état général est le plus souvent bon et il n’y a en généralpas d’antécédents pathologiques (pas d’alcoolo tabagisme). On applique le TNM qui est lesuivant : T1 envahissement d’une paroi du cavum, T2 envahissement de plus d’une paroi, T3 ex-tension dans l’oropharynx ou les fosses nasales, T4 atteinte de la base du crâne ou des nerfs crâ-niens. Les T4 représentent près de 40 % des malades à cause de l’évolution à bas bruit de cancer

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au début et de la proximité des organes de voisinage.Le TNM (2002) est :T1 : tumeur limitée au nasopharynxT2 : tumeur étendue aux tissus mous de l’oropharynx ou des fosses nasalesT3 : tumeur envahissant les structures osseuses ou les cavités aériennes de la face (T4 avant TNM1997)T4 : tumeur avec extension intracrânienne, atteinte des nerfs crâniens, envahissement de la fosseinfratemporale, de l’orbite ou de l’hypopharynxN0 à N3 comme cavité buccale ou oropharynx

18.4.3 Traitement

Au niveau de la tumeur primitive, le traitement est la radiothérapie externe aux doses de 70 Gy,avec chimiothérapie concomitante pour les stades III et IV. La curiethérapie peut être utilisée encomplément après une irradiation externe à doses complètes ou en rattrapage en cas de petite réci-dive superficielle. A noter que, dans le domaine de ce cancer, des réirradiations externes à dosesentières ont été faites pour rattraper des récidives locales malgré les risques potentiels de ces réir-radiations. Entreprises d’abord en Chine, ces réirradiations sont maintenant utilisées pour traiterdes récidives pas trop étendues. Des résultats inespérés ont ainsi été obtenus qui devraient être amé-liorés avec la technique conformationnelle. Il faut noter qu’il n’y a pas de chirurgie possible sur latumeur primitive ni en traitement initial ni en rattrapage.Les aires ganglionnaires, sont traitées par radiothérapie externe en même temps que la tumeurprimitive. La chirurgie est utilisée en cas de reliquat ou de récidive ganglionnaire.La chimiothérapie est également à base de Cisplatine et de 5 FU mais on y associe une anthracy-cline. En néoadjuvant cette chimiothérapie peut faire disparaître les lésions et elle est capabled’améliorer la survie « sans rechute » mais pas la survie globale.

18.4.4 Surveillance

Lors de la surveillance, on recherche les récidives locales ou ganglionnaires et les métastases.

18.4.5 Résultats

Les UCNT sont plus radiosensibles que les épidermoïdes de sorte qu’il y a 2 à 3 fois moinsd’échecs locaux avec les UCNT, par contre, ils donnent plus de métastases (2 à 3 fois plus). Lasurvie des UCNT est un peu meilleure que celle des épidermoïdes.La survie d’ensemble est de 45 % à 5 ans avec près de 60 % de survie à 5 ans pour l’ensemble desT1T2T3 et 20 % pour les T4. Bien que la survie de ces T4 soit faible, il faut remarquer cependantque ce sont de loin les T4 qui donnent les meilleurs résultats de tous les cancers ORL.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

18.5 Cancers du larynx et de l’hypopharynx

Ces deux cancers sont en rapport avec l’intoxication alcoolo-tabagique sauf quelques cancers dularynx en rapport seulement avec le tabac ou le surmenage vocal qui prennent alors naissance auniveau de l’étage glottique. Bien qu’ils soient dans des structures très liées anatomiquement, ils ontun comportement et un pronostic différents. Les cancers de l’hypopharynx sont exclusivement enrapport avec l’intoxication alcoolo-tabagique, sont plus lymphophiles et ont une survie moitiémoindre.

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Cancers des voies aéro-digestives supérieures

18.5.1 Anatomopathologie

18.5.1.1 Rappel anatomique et histologique

A. Le larynxLe larynx est une structure tubulaire complexe qui est divisée en deux compartiments (cfschémas) :

a. sus-glottique : bandes ventriculaires, épiglotte et replis ary-épiglottiquesb. glotto-sous-glottique : cordes vocales et région sous-glottique.

Cette division en compartiments, d’origine embryologique, est liée à des ligaments et mem-branes fibro-élastiques, très denses et fortement attachés au niveau de la commissure antérieu-re. Elle est importante car l’extension locale et régionale des cancers et leur traitement endépendent. Néanmoins, dans la profondeur des ventricules, l’espace paraglottique met encommunication les deux compartiments.Les aires de drainage ganglionnaire sont :

a. pour la glotte : les lymphatiques sont rares ;b. étage sus-glottique : les lymphatiques (système sus-ventriculaire) sont nombreux et se

drainent vers le haut et latéralement, au travers de la membrane thyro-hyoïdienne dansles ganglions cervicaux profonds supérieurs ;

c. étage sous-glottique : les lymphatiques (système sous-ventriculaire) se drainent en bas etlatéralement dans les ganglions cervicaux profonds inférieurs et les chaînes récurrentiel-les.

Le réseau lymphatique superficiel ou muqueux s’étend des deux côtés, alors que chaque côtéchaque réseau profond est indépendant de l’autre.La muqueuse laryngée est bordée d’un épithélium de type respiratoire sauf au niveau du bordlibre des cordes vocales qui est bordé d’un épithélium pavimenteux non kératinisé.

B. L’hypopharynxL’hypopharynx comprend les sinus piriformes, la paroi pharyngée postérieure et la région ré-tro-cricoidienneLes sinus piriformes ont des rapports étroits avec le larynx : la paroi interne du sinus formela face pharyngée du repli aryépiglottique ; la paroi latérale est en dedans de la partie posté-rieure du cartilage thyroïde qui est souvent ossifié à ce niveau (moindre résistance que la par-tie cartilagineuse).Les lymphatiques sont nombreux et se drainent à tous les étages des ganglions profonds ducou.Le drainage de la région rétrocricoide se fait notamment dans les ganglions paratrachéaux etthyroïdiens, tandis que celui du sinus piriforme et du mur pharyngé postérieur intéresse lesganglions rétropharyngés de Rouvière (en haut de la chaîne jugulaire profonde).Le plan muqueux est bordé d’un épithélium pavimenteux non kératinisé.

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18.5.1.2 Etiologie

La plupart des cancers laryngés sont invasifs d’emblée.Au niveau de la corde vocale sont décrites des lésions précancéreuses. Par définition, ce sont deslésions intraépithéliales (ne franchissant pas la membrane basale) associées à un risque de progres-sion tumorale (survenue d’un carcinome épidermoïde invasif).Plusieurs classifications sont utilisées, ce qui témoigne des difficultés d’interprétation histologi-que. Les lésions de grade peu élevé ont une signification ambiguë : nombre d’entre elles sont deslésions réactionnelles. Les lésions de grade élevé, plus facilement reconnaissables, progressentdans environ 10 % des cas vers le carcinome invasif.Le carcinome in situ (CIS) comporte des atypies cytonucléaires sévères et/ou une désorganisationtissulaire complète. Il est souvent associé à des foyers de carcinome épidermoïde infiltrant dans lamuqueuse de voisinage.

18.5.1.3 Formes macroscopiques

Les cancers peuvent être :

— exophytiques (épiglotte sus-hyoidienne, corde vocale) sous la forme de bourgeons, voire depolypes.

— endophytiques = ulcérés et/ou infiltrants (épiglotte sous-hyoïdienne, repli ary-épiglottique, si-nus piriforme).

La forme endophytique est considérée comme de plus mauvais pronostic car souvent très étendue.L’infiltration peut se faire sous un plan muqueux d’aspect normal. C’est l’aspect habituel des mé-tastases et des tumeurs neuroendocrines.

18.5.1.4 Aspects histologiques

a. Forme histologique commune : carcinome épidermoïde infiltrant = 95 % des cas.La différenciation épidermoïde est caractérisée par la présence de kératine et/ou de grandescellules en cadre réunies par des ponts d’union. La différenciation épidermoïde est focale dansles carcinomes épidermoïdes peu différenciés.L’infiltration tumorale se fait sous formes de travées épaisses ou grêles, et peut donner lieu àdes envahissements vasculaires et périnerveux.Certains auteurs ont cherché établir un histopronostic basé sur un grade de différenciation ouun grade nucléaire. Mais ces grades sont peu employés car le facteur pronostic majeur (en de-hors de l’état général du patient) est l’extension du cancer.

b. Variantes.Carcinome épidermoïde verruqueux : hyperkératosique (verruqueux), il est caractérisé parun aspect histologique particulier (absence d’atypies cytonucléaires, envahissement sous for-mes de prolongements à limites nettes) ; son diagnostic est difficile, voire impossible surbiopsie ; il s’agit d’une tumeur à malignité locale qui est associée dans environ 25 % des casà un carcinome épidermoïde infiltrantCarcinome épidermoïde microinvasif : le diagnostic posé par l’examen histologique de la tu-

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meur en totalité repose sur une infiltration de moins de 2 mm à partir de la surfaceCarcinome épidermoïde sarcomatoïdeCarcinome épidermoïde basaloïdeCarcinome adénosquameuxCarcinome épidermoïde papillaire (CIS)

c. Autres tumeurs :Carcinomes neuroendocrinesTumeurs des glandes salivaires accessoires (carcinome adénoïde kystique)SarcomesMétastases (mélanome, adénocarcinome rénal)

18.5.1.5 Extension

Du fait de la division du larynx en compartiments, il est important de distinguer :

a. Cancers glottiques : Les petites tumeurs (T1-T2) de la corde vocale, se présentant sous formede bourgeons des 2/3 antérieurs, sont fréquentes car symptomatiques. Elles sont souvent as-sociées à des lésions de dysplasie ou de carcinome in situ, souvent étendues à la corde con-trolatérale, parfois précessives dans un contexte de laryngite chronique du fumeur. Ladécouverte précoce et la pauvreté du réseau lymphatique glottique expliquent la rareté desenvahissements ganglionnaires. Un traitement local limité est possible. Le pronostic est trèsbon en l’absence d’envahissement sous-glottique occulte vers le cartilage cricoide, en arrièrenotamment. L’évolution est compliquée par la survenue de secondes localisations pharyngo-laryngées ou bronchiques.Des tumeurs à des stades localement avancés sont possibles. Le cancer envahit le muscle thy-roarythénoïde et l’espace paraglottique. L’accès au réseau lymphatique (système sous ventri-culaire) augmente le risque d’envahissements ganglionnaires.Localement, le cancer est contraint par le cône élastique et le cartilage thyroïde à s’étendrevers le bas dans la membrane cricothyroïdienne avec atteinte possible des cartilages cricoïdeou thyroïde et, finalement, issue dans les parties molles du cou. Vers le haut, il est rare que seproduise une atteinte transglottique au travers de la commissure antérieure, mais le cancerpeut s’étendre par l’espace paraglottique vers loge hyo-thyro-épiglottique. Ces tumeurs trans-glottiques sont de très mauvais pronostic.

b. Cancers sus-glottiques : Ces tumeurs s’étendent vers l’avant dans la loge hyo-thyro-épiglot-tique, qui est peu vascularisée, épargnant souvent l’os hyoïde. Sauf dans les cas les plus avan-cés avec atteinte totale de la loge hyo-thyro-épiglottique, puis de la base de langue, la marged’exérèse est souvent large pour les localisations épiglottiques sus-hyoïdiennes. De même, lerespect du cartilage thyroïde et de la barrière fibro-élastique entre la glotte et la sus-glotte per-mettent de réaliser des laryngectomies partielles horizontales supra-glottiques avec une marged’exérèse inférieure suffisante de 2-3 mm pour les localisations épiglottiques sous-hyoïdien-nes. Mais la richesse du réseau lymphatique est à l’origine d’envahissements ganglionnairesfréquents, souvent bilatéraux pour la localisation épiglottique. La récidive est plus souventganglionnaire que locale, d’où la nécessité d’un traitement des aires ganglionnaires. La loca-lisation aryépiglottique se rapproche de la localisation du sinus puriforme.

c. Cancers hypopharyngés : Ce sont des tumeurs silencieuses découvertes à des stades très sou-

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vent avancés localement et régionalement. Les tumeurs de la paroi externe du sinus piriformeont tendance à envahir le cartilage thyroïde en arrière, et celles de la paroi interne se propagenttout de suite à l’espace paraglottique, puis à tout le larynx en dedans. Les envahissementsganglionnaires sont très fréquents (75 % cas), homolatéraux. Les métastases ganglionnairesoccultes (rétropharyngées) sont fréquentes, de même que les métastases viscérales (25 % descas) et les autres localisations concomitantes (skip lésions œsophagiennes).Les tumeurs du mur pharyngé postérieur peuvent envahir insidieusement jusque la base ducrâne et comportent en règle des envahissements ganglionnaires bilatéraux.Les tumeurs isolées de la région rétrocricoide sont rares, envahissent les nerfs laryngés, peu-vent donner des métastases œsophagiennes (skip lésions) et des envahissements ganglionnai-res occultes (paratrachéaux ou thyroïdiens).

18.5.1.6 Apport de l’examen anatomo-pathologique

Le diagnostic repose toujours sur l’examen histologique de biopsies qui doivent être larges et étu-diées sur de nombreux plans de coupe.Des biopsies multiples permettent de documenter une extension ou une seconde localisation.L’examen anatomo-pathologique des pièces opératoires détermine avec certitude :

— l’extension tumorale locale : atteinte des cartilages (pT4), statut des marges d’exérèse,— l’extension régionale au niveau des curages ganglionnaires lymphatiques : nombre, siège,

taille, atteinte extracapsulaire.

Le bilan de l’extension au niveau de la pièce opératoire est un bon moyen d’évaluer le pronostic.La pratique d’examens extemporanés peut guider l’intervention chirurgicale (recoupes peropéra-toires).L’examen anatomo-pathologique est également important pour juger la réponse histologique auxtraitements non chirurgicaux et faire le diagnostic des récidives.

18.5.1.7 Pour la pratique, on retiendra

1. Les cancers laryngés et hypopharyngés sont essentiellement des carcinomes épidermoïdesinfiltrants développés à partir de l’épithélium de surface.

2. La division du larynx en compartiments, le drainage lymphatique et le caractère symptomati-que de l’atteinte glottique permettent d’opposer :

— les cancers des cordes vocales le plus souvent diagnostiqués à un stade précoce (petitetumeur sans envahissement ganglionnaire), voire intra-épithélial, accessibles à un traite-ment local limité, de bon pronostic en l’absence de secondes localisations ;

— les cancers des autres sites, souvent découverts à des stades avancés, avec des métasta-ses ganglionnaires fréquentes, de pronostic beaucoup plus sévère que les précédents.

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18.5.2 Diagnostic

18.5.2.1 Diagnostic positif

Les signes révélateurs habituels sont la dysphonie pour le larynx et la dysphagie pour l’hypopha-rynx. Au moment où le médecin fait le diagnostic, les lésions ont pu évoluer assez pour que la dys-phagie de l’hypopharynx s’associe à une dysphonie par atteinte du larynx et réciproquement. Aumaximum, on peut arriver jusqu’à la dyspnée avec parfois même trachéotomie en urgence commepremier geste médical. Ces stades évolués sont liés à la négligence de beaucoup de malades alcoo-liques et aux antécédents de laryngite chronique des fumeurs qui ne s’alarment pas assez vite de-vant l’aggravation de la dysphonie.Les tumeurs de la marge laryngée (épiglotte sus-hyoïdienne, replis ary-épiglottiques) se révèlenten général par une dysphagie. Dans tous les cas on peut avoir une expectoration sanguinolente.Exceptionnellement il s’agit d’une adénopathie révélatrice d’un tout petit cancer sans symptoma-tologie fonctionnelle.Les éléments de suspicion sont dans les deux cas, la persistance du trouble. Une dysphonie qui dureplus de deux semaines impose un examen ORL. Une dysphagie accidentelle ne doit pas durer nonplus plus de deux semaines. Le fait que la dysphagie s’associe à une dysphonie et réciproquement,sont des éléments hautement suspects de même que la présence d’une adénopathie.Très souvent en laryngoscopie indirecte, on voit la lésion on la voit mieux en fibroscopie. De toutefaçon la laryngoscopie directe est indispensable pour faire le bilan exact des lésions et la biopsie.L’histologie est toujours de type épithélioma épidermoïde.

18.5.2.2 Diagnostic d’extension

L’extension locale est appréciée par la fibroscopie et la laryngoscopie directe. L’extension visibleest notée et on s’intéresse aussi particulièrement à la mobilité du larynx qui traduit si elle est dimi-nuée ou surtout supprimée une infiltration du mur pharyngolaryngé. C’est en pratique l’élément leplus important pour le traitement et le pronostic. Cette mobilité s’apprécie le malade n’étant passous anesthésie générale.On recherche aussi des adénopathies fréquentes dans le cancer l’hypopharynx (3/4) assez fréquen-tes dans le cancer larynx sus-glottique et des 3 étages (1/2), éventuellement des métastases,d’autres localisations et on apprécie l’état général. Le scanner (et l’IRM) est utile pour rechercherune extension en particulier dans la loge hyothyroépiglottique qui n’est pas accessible à l’examenclinique et au niveau des cartilages.On apprécie l’état cérébral si se discute une chirurgie partielle à la suite de laquelle le malade doiten effet être capable de réapprendre à déglutir sans faire de fausses routes. De toutes façons on pré-cise l’état général et les antécédents.Une observation complète peut donc être faite avec les descriptions, les schémas, les radios, l’ap-préciation de l’état général. Le TNM peut être appliqué. Il est assez complexe et dépend du siègede la tumeur, des structures envahies et de la mobilité persistante ou non du larynx. Lorsque cettemobilité est conservée, on est dans le cadre des petites tumeurs T1T2, lorsqu’elle est atteinte, onest dans le cadre des T3 et si, en plus, l’extension se fait en dehors du pharyngolarynx, ou s’il y adestruction cartilagineuse on est dans le cadre du T4. La classification N est la même que précé-

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demment (cf cavité buccale, oropharynx, rhinopharynx).TNM (2002) :

HypopharynxT1 T ≤ 2 cm ne concernant qu’un site (sinus piriforme, région rétro-cricoïdienne ou paroipostérieure)T2 T > 2 cm ≤ 4 cm et/ou invasion de 2 sites ou d’un site adjacent mais sans fixation del’hémilarynx correspondantT3 T > 4 cm et/ou fixation de l’hémilarynx correspondantT4 T avec invasion des cartilages ou des tissus avoisinants hors larynxN0 à N3 comme tous les cancers ORL

LarynxIl est divisé en 3 parties : la glotte, la sus-glotte et la sous-glotte

• La glotteT1 T limitée à 1 ou 2 cordesT2 Idem mais avec diminution de la mobilité d’une corde et/ou extension à la sus-glot-te et/ou la sous glotteT3 T avec corde fixée et/ou extension à l’espace paraglottique ou érosion du cartilagethyroïde.T4 T avec extension à travers le cartilage thyroïde aux organes de voisinage.

• La sus glotteT1 T limitée à un site avec mobilité normale (épiglotte suprahyoïdienne, épiglottesoushyoïdienne, repli aryépiglottique, bande ventriculaire)T2 T étendue à plus d’un site (cf ci-dessus) ou à un site adjacent mais sans fixation dela cordeT3 T avec corde fixée et/ou extension à l’espace paraglottique ou pré épiglottique ouérosion du cartilage thyroïde.T4 T avec extension à travers le cartilage thyroïde aux organes de voisinage.

• La sous glotteT1 T limitée à la sous glotteT2 T étendue à une (ou aux) corde(s) vocale(s)T3 T avec corde fixéeT4 T avec extension à travers le cartilage thyroïde aux organes de voisinage.

N0 à N3 comme tous les cancers ORL

18.5.3 Traitement

18.5.3.1 Méthodes

a. Chirurgie TElle peut être :

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• non conservatrice , il s’agit de la laryngectomie totale ou de la pharyngolaryngectomietotale qui est une pharyngectomie partielle associée à une laryngectomie totale, la pha-ryngolaryngectomie totale circulaire qui est une hypopharyngectomie totale avec laryn-gectomie totale et réparation par lambeau et/ou montage digestif.

• conservatrice , Dans ce cas on ne pratique l’exérèse que d’une partie plus ou moins gran-de, de l’ensemble pharyngolaryngé. Cette chirurgie comprend selon les situations et lesextensions des tumeurs : la cordectomie, les laryngectomies partielles qui sont horizon-tales enlevant la partie sus-glottique ou verticales et les laryngectomies sub-totales plusou moins reconstructives (ces dernières interventions peuvent poser des problèmes defausses routes), les pharyngectomies partielles et enfin les pharyngolaryngectomies par-tielles qui, pour de petites tumeurs, enlèvent à la fois une partie de l’hypopharynx et unepartie du larynx. Les indications de ces chirurgies conservatrices sont des tumeurs limi-tées sans troubles de la mobilité laryngée.

b. Chirurgie NLes aires ganglionnaires sont traitées par chirurgie s’il y a une indication de chirurgie au ni-veau de la tumeur primitive, et elles sont suivies de radiothérapie en cas d’envahissement gan-glionnaire et elles sont traitées par radiothérapie si l’indication au niveau de la tumeurprimitive est une radiothérapie. Pour les tumeurs de la corde vocale sans troubles de la mobi-lité il n’y a ni chirurgie ni radiothérapie des aires ganglionnaires car il n’y a pas d’envahisse-ment ganglionnaire.

c. La radiothérapie externe exclusive est réalisée aux doses de 70 Gy sur la tumeur primitiveet les éventuelles adénopathies. Elle est surtout utilisée pour les T1-T2 par principe ou parceque la chirurgie partielle n’est pas possible à cause du siège des lésions ou à cause de l’âge(impossibilité de réapprendre à déglutir ), et en cas de réponse complète après chimiothérapiepremière quelque soit le T initial. Elle est également utilisée en post-opératoire à doses pro-phylactiques.

d. Les associations radio-chirurgicales comprennent d’une part les traitements par chirurgie auniveau de la tumeur et des aires ganglionnaires suivis de radiothérapie externe et d’autre partles radiothérapies externes suivies de chirurgie de rattrapage, en cas d’échec immédiat ou se-condaire. Cette chirurgie de rattrapage est relativement facile à réaliser et donne de bons ré-sultats pour le larynx puisque plus d’un malade sur deux peut être récupéré par cette chirurgie.Pour l’hypopharynx, la chirurgie de rattrapage est beaucoup moins efficace.

e. La chimiothérapie à base de Cisplat. + 5FU peut donner en néo-adjuvant des réponses com-plètes jusque dans 30 à 40 % des cas et permettre ainsi de remplacer une chirurgie mutilanteinitialement prévue par une radiothérapie exclusive (une radiochimiothérapie). En associationconcomitante avec la radiothérapie elle permet d’obtenir de meilleurs résultats.

18.5.3.2 Indications

a. Pour les T1-T2, on réalise une chirurgie conservatrice si elle est possible, suivie d’une radio-thérapie externe en cas d’envahissement ganglionnaire ou de résection incomplète ou limite.Si la chirurgie conservatrice n’est pas possible, on fait une radiothérapie externe. A noter quel’on peut faire également une radiothérapie externe là où une chirurgie conservatrice seraitpossible, les deux méthodes donnant des résultats pratiquement identiques. En cas de chirur-gie partielle conservatrice, on peut commencer le traitement par une chimiothérapie première

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et remplacer cette chirurgie qui n’est pas toujours anodine (problèmes de déglutition et dephonation) par une radiothérapie externe.

b. Pour les T3-T4 on réalise classiquement une chirurgie radicale suivie de radiothérapie externesi cette chirurgie est possible, sinon on utilise une radiothérapie externe seule. Dans ces cason doit commencer le traitement par une chimiothérapie première afin de remplacer la chirur-gie mutilante par une radiothérapie exclusive en cas de réponse complète.

Pour les cas particuliers des cancers T1 de la glotte, on peut réaliser avec des résultats carcinologi-ques excellents (plus de 90 % de succès) une cordectomie ou une radiothérapie externe limitée aularynx. La radiothérapie est préférée à chaque fois que la voix doit être conservée (avocat, chanteurou préférence du malade). En effet la cordectomie entraîne une modification de la voix alors quela radiothérapie permet un retour à la normale.

18.5.4 Surveillance

(comme la cavité buccale et l’oropharynx)

18.5.5 Résultats

(survie, pronostic, qualité de vie)La survie globale pour les cancers du larynx est de 55 % à 5 ans et celle des hypopharynx de 25 %.Pour les deux localisations, la survie diminue si la T augmente, s’il existe une adénopathie palpa-ble, s’il y a un envahissement ganglionnaire et surtout s’il y a un envahissement ganglionnaire avecrupture capsulaire (15 % de survie à 5 ans dans ce cas).Les malades avec laryngectomie totale ont une vie presque normale s’ils ont une bonne voix œso-phagienne ce qui est loin d’être constant. Cette mutilation est très mal acceptée chez la femme desorte qu’il faut en tenir compte dans les indications.Les malades traités par radiothérapie exclusive, de même que certains malades traités par chirurgiepartielle, peuvent avoir un œdème laryngé qui doit être surveillé, traité avec éventuellement tra-chéotomie provisoire (ou non) afin d’éviter un épisode dyspnéique éventuellement mortel.

18.6 Cancers de la cavité aérienne de la face

Ces cancers ne sont pas en rapport avec l’intoxication alcoolo-tabagique. Souvent, on retrouve uneexposition prolongée aux particules de bois surtout pour les adénocarcinomes. Pour les travailleursdu bois, il s’agit d’une maladie professionnelle. Des normes de sécurité sont maintenant appliquéesqui éliminent les poussières de bois sur les lieux de travail.Les adénocarcinomes prennent leur point de départ au niveau du sinus ethmoïdal et les épithélio-mas épidermoïdes au niveau du sinus maxillaire. Les deux histologies sont à peu près à égalité defréquence.

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18.6.1 Diagnostic

18.6.1.1 Diagnostic positif

Les signes révélateurs sont dans la forme caractéristique ceux d’une sinusite douloureuse et hémor-ragique. Il y a donc : écoulement nasal, douleurs ou accroissement des douleurs sur fond de sinusitechronique et surtout apparition de sang. Mais d’autres signes révélateurs sont possibles selon le dé-veloppement de la tumeur. Il peut s’agir de troubles oculaires par atteinte surtout de l’orbite, ou desnerfs oculomoteurs (en particulier une diplopie), plus rarement par atteinte des voies optiques, detroubles dentaires par irritation de la racine des dents ou par envahissement gingival. Il peut s’agird’une voussure de la joue, d’une atteinte des paires crâniennes en cas de développement en haut eten dehors vers la base du crane. Exceptionnellement, il s’agit d’une symptomatologie de tumeurcérébrale par développement principal dans la boite crânienne à partir de l’ethmoïde.L’argument diagnostique radiologique est la présence d’une destruction osseuse au TDM (scan-ner). Cette destruction est pratiquement pathognomonique du diagnostic. La biopsie se fait sur lesbourgeons inflammatoires non spécifiques qui peuvent égarer le diagnostic et qui peuvent majorerl’extension apparente en radiologie (l’IRM aide à la distinction).

18.6.1.2 Diagnostic d’extension

Il repose sur la clinique à la recherche d’une voussure de la joue, d’une voussure de la voûte pala-tine ou de la gencive homolatérale, d’une diplopie par refoulement du globe oculaire homolatéralou par paralysie des nerfs oculo-moteurs, d’une paralysie des autres nerfs crâniens et en particulierd’une atteinte du nerf sous orbitaire.L’examen par scanner (surtout pour l’os), complété par l’examen par IRM (surtout pour les partiesmolles), permet de bien voir l’extension des lésions, en particulier, l’extension en haut et en arrièrevers la base du crane qui rend le malade inopérable. L’extension en haut à travers la lame cribléen’est pas une contre-indication chirurgicale systématique. Elle nécessite seulement une interven-tion à double équipe, neurochirurgicale et ORL. L’extension au niveau de la cavité orbitaire estégalement bien précisée. Dans 50 % des cas la cavité orbitaire est concernée soit par atteinte seu-lement de la paroi, soit par extension intra-orbitaire. Le traitement doit venir à bout de ces exten-sions tout en conservant la vision. Dans les deux tiers des cas, les lésions sont ethmoïdo-maxillairesquelque soit l’histologie.Sur le plan ganglionnaire, il n’y a que très rarement des ganglions palpables à l’examen initial.Dans l’évolution, on n’observe que 15 % d’envahissement ganglionnaire clinique. Une extensionmétastatique est recherchée qui risque d’autant plus d’exister que la tumeur est de grande taille.L’état général est habituellement bon car il n’y a pas d’intoxication alcoolo-tabagique. On préciseles antécédents. Une observation précise est réalisée avec, au besoin, duplicata des documents ra-diologiques significatifs (la clinique est ici peu informative de sorte que l’imagerie a une grandeimportance).

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18.6.2 Traitement

Le traitement est une chirurgie première chaque fois que possible. Cette chirurgie est une chirurgie« à la demande », elle s’étend plus ou mois loin selon les extensions. Elle est systématiquementsuivie d’une radiothérapie de tout le volume initialement pathologique à doses élevées (70 Gy)comme si la tumeur n’avait pas été enlevée, sauf pour le cas rare de la petite tumeur avec exérèselarge où une dose plus faible peut être réalisée. Cette attitude est liée au fait que la qualité de l’exé-rèse n’est pratiquement jamais tout à fait certaine. La radiothérapie traite les extensions intra-orbi-taires en préservant autant que possible la fonction de l’œil en en ne dépassant pas 55 Gy sur lesvoies optiques.Si le malade n’est pas opérable, le traitement est réalisé par 70 Gy en radio-chimiothérapie. Il n’ya pas de traitement systématique des aires ganglionnaires en cas de N0.La surveillance recherche une récidive locale, une rechute ganglionnaire ou métastatique. L’exa-men local est assez souvent facilité par la perte de substance post-chirurgicale qui donne un joursur les parois de la zone d’exérèse. Le scanner et l’IRM permettent également de contrôler l’étatdu malade. De cette façon des récidives « au début » peuvent être rattrapées efficacement.La survie globale à 5 ans est de 40 %.

18.7 Points essentiels

1. Les cancers de la cavité buccale, de l’oropharynx et de l’hypopharynx sont liés, sauf rares ex-ceptions, à une intoxication alcoolotabagique. Les cancers de la cavité buccale peuvent sur-venir sur des dysplasies (leucoplasie et érythroplasies). Les cancers du larynx sont en rapportavec le tabagisme (+ ou - associé à l’alcoolisme) mais aussi au surmenage vocal.

2. Les cancers de la cavité buccale, de l’oropharynx, de l’hypopharynx et du larynx sont des épi-théliomas épidermoïdes.

3. Le bilan d’un cancer de la cavité buccale, de l’oropharynx, du larynx et de l’hypopharynxcomprend un examen endoscopique de l’ensemble de la sphère ORL pour rechercher une 2ème

localisation. Il en est de même dans la surveillance après traitement pour la même raison.4. Classification TNM des cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx :

T1 : T ≤ 2cmT2 : 2 cm < T ≤ 4 cmT3 : T > 4 cmT4 : Envahissement de structures adjacentes (muscles extrinsèques de la langue : hyoglosse,styloglosse, génioglosse, palatoglosse ; mais également à l’os).Et pour N et M (classification valable pour les localisations tumorales ORL) :N0 : Pas d’adénopathie régionaleN1 : Adénopathie métastatique unique unilatérale, ≤ 3cmN2a : Adénopathie métastatique unique unilatérale, > 3cm ≤ 6cmN2b : Adénopathies métastatiques homolatérales multiples, ≤ 6cmN2c : Adénopathies métastatiques bilatérales ou controlatérales ≤ 6cmN3 : Adénopathie métastatique > 6 cm

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M0 : Absence de métastase viscéraleM1 : Présence de métastase(s) viscérale(s)

5. Classification TNM des cancers de l’hypopharynxT1 T ≤ 2 cm ne concernant qu’un site sans trouble de la mobilitéT2 2 cm < T ≤ 4 cm et/ou concernant 2 sites de l’hypopharynx ou adjacent sans trouble de lamobilitéT3 T > 4 cm et/ou fixation de l’hémilarynx correspondantT4 Invasion des cartilages ou des tissus avoisinants hors larynx

6. Classification TNM des cancers du larynxT1 Glotte : T limitée à la glotte sans trouble de la mobilitéSus-glotte : T limitée à un site sans trouble de la mobilitéSous-glotte : T limitée à la sous glotte sans trouble de la mobilitéT2 Glotte : T limitée à la glotte avec diminution de la mobilité et/ou extension à la sus glotteet/ou à la sous glotteSus-glotte : T étendue à plus d’un site ou à un site adjacent sans fixation de la cordeSous-glotte : T étendue à l’étage glottiqueT3 Glotte : T avec corde fixée et/ou extension à l’espace paraglottique et/ou érosion du car-tilage thyroïdeSus-glotte : T avec corde fixée et/ou extension à l’espace paraglottique ou pré épiglottique et/ou érosion du cartilage thyroïdeSous-glotte : T avec corde fixéeT4 Glotte, Sus-glotte, Sous-glotte : T avec extension à travers le cartilage thyroïde aux orga-nes de voisinage

7. Pour les cancers de la cavité buccale, de l’oropharynx et de l’hypopharynx le traitement initialest la chirurgie si le terrain le permet et si l’extension permet a priori une exérèse carcinolo-giquement complète, et une intervention avec peu ou pas de séquelles fonctionnelles. La ra-diothérapie est réalisée secondairement là où était la tumeur soit par nécessité si l’exérèse aété incomplète à l’examen anatomopathologique, ou par principe pour réduire le risque de ré-cidive locale si l’exérèse est « limite » ou si la tumeur était de grande taille. Les aires gan-glionnaires sont également irradiées si elles sont envahies. La radiothérapie seule est utiliséesi le terrain ou l’extension ne permettent pas la chirurgie. Si la chirurgie est possible mais mu-tilante on peut commencer par une chimiothérapie première et remplacer la chirurgie mutilan-te par la radiothérapie en cas de réponse macroscopiquement complète. Dans ces cas laradiothérapie est une radiochimiothérapie simultanée. Elle peut aussi être entreprise d’em-blée, et la chirurgie secondairement en cas d’échec, mais il faut faire le diagnostic à tempsavant qu’une extension plus ou moins à bas bruit rende l’exérèse impossible.

8. Pour les T1 de la glotte qui guérissent dans 90 à 95 % des cas (avec un éventuel traitement derattrapage qui peut être une laryngectomie totale) la radiothérapie permet de mieux préserverla voix que la chirurgie partielle.Pour les T1-T2 du larynx on peut entreprendre une chirurgie partielle si le siège et l’extensiondes lésions le permet. Ces cas peuvent être traités aussi par radiothérapie exclusive (radiochi-miothérapie de préférence). Les T1-T2 mal placés ou trop étendues pour bénéficier d’une chi-rurgie partielle sont traités par radiothérapie exclusive (radiochimiothérapie de préférence).Pour les T3 on commence par une chimiothérapie : s’il y a disparition tumorale et remobili-sation du larynx on réalise une radio-chimiothérapie, dans le cas contraire une laryngectomietotale. Pour les T4 on réalise une laryngectomie totale. En cas de laryngectomie totale et en

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cas d’envahissement ganglionnaire au curage on réalise une radiothérapie post-opératoire.9. L’arrêt de l’intoxication alcoolo-tabagique réduit le risque de récidive locale pour les cancers

de la cavité buccale, de l’oropharynx et de l’hypopharynx.10. Les tumeurs des cavités aériennes de la face sont des épithéliomas épidermoïdes ou glandu-

laires (adénocarcinomes). Elles peuvent être secondaires à une exposition prolongée aux par-ticules de bois (et être éventuellement reconnues comme maladies professionnelles). Lessignes révélateurs sont soit une sinusite hémorragique, soit une diplopie ou une atteinted’autres paires crâniennes, soit une voussure de la joue ou d’une gencive supérieure ou desdouleurs dentaires supérieures. Le traitement est soit une exérèse à la demande si l’extensionle permet sans curage systématique en l’absence d’adénopathie palpable, suivie d’une radio-thérapie systématique à dose élevée, soit une radiochimiothérapie exclusive si l’exérèse estimpossible pour raison locale ou générale.

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