CANADA RÉGIE DE L'ÉNERGIE

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CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE MONTRÉAL NO : R-3636-2007 RÉGIE DE L'ÉNERGIE ÉNERGIE LA LIÈVRE S.E.C., Demanderesse -el- HYDRa-QUÉBEC, Mise en cause ONGLET 2

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CANADA

PROVINCE DE QUÉBECDISTRICT DE MONTRÉAL

NO : R-3636-2007

RÉGIE DE L'ÉNERGIE

ÉNERGIE LA LIÈVRE S.E.C.,

Demanderesse

-el-

HYDRa-QUÉBEC,

Mise en cause

ONGLET 2

lES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFSAU CANADA

Procédureetpreuve

Yves Ouellette

Avocat et professeurà la Faculté de droitde l'Université de Montréal

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Les Editions Thémis

Table des matières

Rem erciem cn ts ..... .......... ....... ...... ............. ......... .......... ............. VII

IntroductionRemarques sur la notion de tribunaldo 0 ofa ministrati .................................................................................. i

1. Le problème de terminologie......................................................2

2. Le statut de cour d'archives ........................................................8

3. La distinction entre un tribunal administratifet une cour intërieure de justice................................................. 9

Première partie.La p rocéd u re ....... ...... ......... ...... ......... ..... ................... .......... ........ 20

Plan de la partie ....................................................................................22

Chapitre préliminaire.Les compétences des tribunaLlxad min is tra tifs................................................................................... 23

Section 1.La compétence de révision des décisionso °t" 1 d l' d 0 0 "ini ia es e a minlstratlOn...................................................26

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LES TRlflUNAUX ADMINISTRATIFS AU CANADA

Sous-section 1.La nature du recours: une question

d'interprétation ........ .... ....... ....... ..... ....... ........ ....... .... ........ ..... 2 7

Sous-section 2.Le cadre juridique des recours...........................................28

Sous-section 3.Le rôle du tribunal administratif.......................................30

Section 2.Le cas particulier du recours devant leTribunal administratif du Québec......................................33

Sous-section i.Le cadre du recours...............................................................35

Sous-section 2.Le rôle du tribunal................................................................40

Section 3.La compétence initiale de régulation .................................44

Sous-section i.La compétence générale de surveilance ..........................46

Sous-section 2.Les compétences expresses extensibles .............................48

Paragraphe 1.La compétence pour assortir uneautorisation de conditions .................................................48

Paragraphe 2.La compétence pour approuver des tarifsjustes et raisonnables .........................................................49

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Chapitre préliminaire.Les compétences des tribunaux administratifs

Il est difficile d'analyser les règles de procédure des tribunaux admi-nistratifs sans un exposé sommaire de leurs compétences principales.

Le Canada se distingue par le grand nombre de ses tribunaux admi-nistratifs et la diversité de leurs compétences. La création de tribunauxspécialisés oeuvrant dans des domaines connexes, comme les relations detravail et les droits de la personne, risque même d'entraîner des apparen-ces de chevauchement de compétences. À titre de créature de la loi, cestribunaux spécialisés sont dotés de compétences étroites, ne disposentpas d'une compétence de droit commun' et on a considéré quel'inconvénient d'avoir à morceler un dossier ne peut en soi conférer à untribunal administratif une compétence qui n'est pas expressément ouimplicitement autorisée par la loi2. À cet égard, ces tribunaux adminis-tratifs ressemblent aux cours inférieures dites (( législatives ))3: ils ne

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Procureur général du Québec c. Slanec, (\ 933) 54 I3R. 230, 241.MacNeIl c. Canada (Procureur général), (1994) 3 C.F. 261 (C.A.).Re Service Employees International Union, Local 204 and BroadwayManor Nursing Home, (1985) 48 O.R. (2d) 225 (C.A.).

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24 LES TRIBUNAUX ADMINISTRA TrFS AU CANADA

disposent que d'une compétence d'attribution4, mais contrairemcnt auxcours inférieures de justice, ils n'ont pas de juridiction inhérentes.

Il arrive aussi qu'un même tribunal administratif détiennent descompétences en vertu de sa loi constitutive et en vertu d'une autre loi, oumême en vertu d'une loi fédérale et d'une loi provinciale. La pluralitédes sources législatives de compétence peut être cause de difficultésd'interprétation, que l'on peut souvent résoudre en analysant soigneuse-ment les libellés des tcxtes6 et en distinguant au besoin entre la loidominante, soit la loi constitutive de l'organisme, et la loi complémen-taire incorporant par référence la loi dominante, ou en tenant compte dcl'histoire législative 7. Il serait cependant périlleux de suggérer cn cettcmatière une méthode d'interprétation unique et universelle.

Dans un arrêt récent, des juges de la Cour suprême du Canada ontexprimé l'avis qu'il faut présumer que les organismes administratifscroient agir dans les limites des pouvoirs qui leur sont conférés par la loiet la cour a jugé que les tribunaux administratifs ne sont pas tenus, pourdes motifs de commodité, de préciser la source exacte de leur compé-

4 JJ Newberry Canadian Ud. c. Régie des rentes du Québec, (1986) R.J.Q.1884 (CA.); Supermarchés Jean Labrecque Inc. c. Labour Court, (1988)43 D.L.R. (4th) 1, 19 (C.S.C), (1987) 2 R.CS. 219; Canada (Procureurgénéral) c. Nkrumah, L 1 988) 1 CF. 557; St-Onge-Mondor c. Syndicat desenseignantes et enseignants de la banlieue de Québec, J.E. 92-469(T.D.P.Q.); École Peter Hall Ine. c. Rossignol, J.E. 95-2115 (C.Q.); Sidbec-Dosco (lspat) Ine. c. Commission d'appel en matière de lésionsprofessionnelles, (1996) CA.L.P. 1318 (CS.); Béliveau St-Jacques c.Fédération des employées et employés de services publics Inc., (1996) 136D.L.R. (4th) 129 (CS.C.); Nova Scotia (Workers' Compensation Board) c.O'Quinn, (1997) 143 D.L.R. (4th) 259 (N.S.CA.); Cooper c. Canada(Hum an Rights Commission), (I997) 140 D.L.R. (4th) 193 (CS.C).Sur le concept de juridiction inhérente des cours, voir H. JACOB, (( TheInherent Jurisdiction orthe Court )), (1970) 23 Current Legal Problems 23.Re Martin and County of Brant, (1970) i O.R. 1 (CA.); Re Gloucesterlroperties Ud. and the Queen, (1981) 1 16 D.L.R. (3d) 596 (B.CS.C.).

National Telephone Company c.Postmaster-General, (1913) A.C 546; ReCanadian lacijìc Transport Co. and Chairman of the Motor CarrierCommission, (1980) D.L.R. (3d) 384,392 (B.CCA.); Re Carling O'KeefeLtd. and Public Utilities Board of Manitoba, (I975) 52 D.L.R. (3d) 723(Man. CA.); Toutant c. Pigeon, J.E. 96- 1 370 (CQ.); Robillard c. Cour duQuébec, J.E. 96-1905 (C.S.).

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LA PROCÉDURE 25tence8. La décision, qui vise un organisme qui tient ses pouvoirs d'uneloi fédérale et d'une loi provinciale, paraîtra complaisante à ceux quipensent que la motivation en droit et en fait des décisions des tribunauxadministratifs s'impose pour faciliter l'exercice par les cours de leurpouvoir de surveillance9; les autres y verront la manifestation de la poli-tique de pragmatisme de la cour.

Il n'existe pas de modèle unique de tribunal administratif au Canada,comme il n'existe pas de régime unique de compétence. Il serait vain detenter de dresser une liste complète de ces tribunaux administratifs et deleurs compétences tant en raison de leurs multiples étiquettes officielles,commission, régie, comité, conseil, bureau, tribunal, qu'en raison del'incertitude même de la notion de tribunal administratif. Ce qu'il estpermis d'appeler le modèle américain des (( Regulatory Agencies )) acertes inspiré au début du siècle la constitution des premiers organes derégulation économique au CanadalO. D'autres organismes sont fonction-nellement semblables aux (( special tribunals )) créés au Royaume-Uniavec l'avènement de l'état providence et des grandes réformes socialesdes années vingt. Ces organismes ont au moins en commun de constituerla réponse moderne à l'inadaptation des institutions étatiques tradition-nelles, administratives ou judiciaires, pour satisfaire aux besoinsmodernes de régulation économique et de correction des lacunes bureau-cratiques. Après ces précautions d'usage, on peut recenser au moins troisprincipaux types de compétence: la révision des décisions initiales del'administration, la compétence initiale de régulation et certaines com-pétences accessoires et communes aux missions de révision et derégulation.

8 Colombie-Britannique (Milk Board) c. Grisnich, r i 9951 2 R.C.S. 895.Voir la Partie Ill, Chapitre I1r.Jamie ßENIDICKSON, (( The Canadian Board of Railway Commissioners :Regulation, Policy and Legal Process at the Turn-of-the-Century n, (I 991)36 R.D. McGill 1223.

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nonce des annulations pour des motifs de forme ou de compétence, lais-sant souvent l'administré dans l'incertitude sur le mérite du cas. Lerecours en révision d'une décision initiale de l'Administration devant untribunal administratif est conçu pour obtenir, avec un minimum de tech-nicalités, une réponse finale à une question concrète, non pourphilosopher sur des questions de droit abstraites. Le tribunal administratifjoue alors le rôle de correcteur des écarts des fonctionnaires et de pro-

tecteur des citoyens: il doit remédier aux lacunes de l'Administration etexerce une forme de contrôle hiérarchique.

Section 3.La compétence initiale de régulation

Une grande partie de l'industrie des communications, des transports,de l'énergie, de l'agriculture, des valeurs mobilières et même des alcoolset des jcux est assujettie au Canada à la surveillance ou à la régulationd'organes autonomes spécialisés qui sont considérés comme des tribu-naux administratifs au sens nord-américain. Même dans une économie demarché, l'État a voulu encadrer la Iibcrté économique pour prévenir lesabus de position de monopole, protéger les épargnants ou les consom-mateurs ou assurer la primauté de l'intérêt général par une participationdu public à l'élaboration des politiques et contrebalancer ainsi les domi-nations politiciennes, économiques et tcchnocratiques.

Il ne faut pas confondre les notions de régulation et de réglementa-tion87. Celle-ci comporte essentiellement l'établissement en vertu d'unedélégation de la loi de nonnes ayant force dc loi. La régulation peut cer-tes impliquer le pouvoir d'adopter des normes, des politiques, mais aussil'cxercice dans un cadre souvent quasi judiciaire dc pouvoirs discrétion-naires pour procurer des avantages, comme des autorisationsadministratives, ou imposer des charges. La fonction de régulation,d'abord cmpruntée au début du siècle à dcs institutions américainescommc le Interstate Commerce Commission pour encadrer l'industrie

87 Raoul P. BARBE, Les organismes québécois de régulation des entreprisesd'utilité publique, Montréal, Wilson et Latleur, 1980, p. 4.

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des chemins de fer88, inclut donc mais déborde la simple fonction quasijudiciaire89.

Les organismes dc régulation prennent, comme les ministères, desdécisions initiales. Alors que les tribunaux de révision ou d'appel ontpour rôle d'aider à administrer des normes juridiques objectives et pré-existantes après enquête, les organismes de régulation appliquent desnormes législatives tantôt objectives mais souvent très subjectives,comme la notion d'intérêt général ou de (( tarif juste et raisonnable )),souvent après audience faisant une large place aux interventions du pu-blic et des groupes de pression. Ces organes sont enfin souvent habilitéspar la loi à se doter d'experts ou de personnel de recherche qui procèdentà des analyses hypothétiques ou techniques.

Les compétences des organismes de régulation, réglementaires ouquasi réglementaires'J, consultatives, administratives, quasi judiciaires,sont fort variécs et il n'y a pas lieu de tcnter d'en rendrc compte dans cctouvrage91. Devant cette mosaïque de compétences, allant de la délivranceet du retrait d'autorisation administrative, au contrôle du financement, dela cession ou de la fusion d'entreprises et à l'cxamen dcs plaintes desconsommateurs, l'interprète peut relever l'existence de deux principalescatégories de problème: la portée des mandats législatifs libellés en ter-mes généraux et celle des mandats libellés en tcrmes spécifiques.

88 J. BENIDICKSON, loc. cit., note 10.Pierre ISSAL YS et Denis LEMIEUX, L'action gouvernementale: précis dedroit des institutions administratives, Cowansville, lèditions Yvon Blais,1997, p. 342 et suiv.Horsemen 's Benevolent & Protective Assn. of Alberta c. Alberta RacingCommission, (1990) 63 D.L.R. (4th) 609 (Alta. C.A.); Prospect lnvestmentsLtd. c. New Brunswick (Uquor Licensing Board). (199 i) 48 Adrnin. L.R.LOS (N.B.Q.B.); Ainsley Fïnancial Corp. C. Ontario (SecurilIesCommission), (199S) 121 D.L.R. (4th) 79 (Ont. C.A.).Voir les travaux de la Commission de réfomie du droit du Canada consacrésà certaines grandes agences lëdérales comme le Conseil de la radiodiffusionet des télécommunications canadiennes (1981), l'Office national del'énergie (I977), la Commission de contròle de l'énergie atorn ique (1976)etc.

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Sous-section i.La compétence générale de surveilance

On trouve fréquemment dans la loi constitutive d'un organisme derégulation une disposition attribuant une compétence générale de sur-veillance. Les libellés peuvent varier d'une loi à l'autre et aucun n'estsacramentel, le législateur s'exprimant dans les termes d'un mandat gé-néral de surveillance ou de contrôle de certaines entreprises ou d'uneindustrie92. Une disposition habilitante de ce genre n'est pas un ornementmais recelle un potentiel insoupçonné de compétence. Dans une sociétéqui adhère à la proposition que ce qui n'est pas défendu est permis93,

l'organe de régulation ne disposerait en principe que des compétencesexplicites énumérées dans la loi. Mais l'ajout d'une compétence généralede surveillance a pour effet d'élargir l'autorité de l'organisme et de luipermettre de rendre des ordonnances sur des sujets omis ou non expres-sément prévus par la loi, sous réserve de l'obligation de l'organismed'exercer sa discrétion conformément à la finalité de la loi. En vertud'une longue tradition jurisprudentielle remontant aux années 20, lacompétence générale de surveillance, interprétée largement, a permis àdes organismes d'exercer leur mandat de régulation même en l'absencede textes spécifiques et de rendre des ordonnances sur diverses questionsreliées à leur mandat, mais qu'il était diffcile pour le législateur de pré-voir dans l'abstrait94. C'est ainsi, par exemple, que l'ancêtre desorganismes de régulation au Québec, l'ancienne Commission des servi-ces publics, se vit reconnaître compétence, même en l'absence de texte

92 Voir la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et dela pêche, L.Q. 1990, c. 13, art. 5; voir aussi l'ancienne Loi de la Régie destransports, S.R.Q. 1964, c. 228, art. 3.Commission de contrôle des permis d'alcool du Québec c. DistributionsKinéma Ltée, (1976) C.S. 1432, 1441, confirmé par (1977) C.A. 308; Jean-Rock Dumont c. La Reine, (1977) C.A. 114.Morrissey (Wm.F.) Ltd c. Ontario Racing Commission, (1960) R.C.S. 104;Dumont Express (/962) Ltée c. Perron, (1974 J C.A. 67; Twentieth C'enturyExplorations Ltd. c. Commission des valeurs mobilières du Québec, (1975)C.S. 687; Capital Cities Communications lnc. c. Canadian Radio-Television Commission, (1978) 81 D.L.R. (3d) 609 (C.sC.); CKOY Ltd c.La Reine, (1979) 1 R.C.S. 2; Motor Transport Board of Manitoba c.Purolator Courrier Ud, (1982) i 26 D.L.R. (3d) 385 (C.S.C.); R.I'.BARBE, op. cit., note 87, p. 127 et suiv.

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LA PROCÉDURE 47spécifique, pour ordonner à une municipalité de raccorder son serviced'aqueduc à celui d'une municipalité voisine95.

Le mandat général de surveillance n'est évidemment pas indéfini-ment extensible au bon plaisir de l'organisme administratif et ce n'estpas un chèque en blanc. La large discrétion qu'il comporte doit être exer-cée de façon conforme à la finalitc de la loi et non pour desconsidérations étrangères à l'esprit de la loi, si louables soient-elles96.

La détermination du cadre d'un mandat général de survcillance peutsouvent nécessiter des analyses soignécs des textes. Le mandat d'un or-ganisme de contrôle de l'industrie de l'énergie lui permet-il d'exercer sadiscrétion en prenant en considération l'impact d'une demande ou d'unprojet sur lenvironnement97? S'étend-il à la compétence pour contrôlerle contenu des enveloppes et des messages publicitaires ou éditoriaux quiaccompagnent les factures expédiées aux abonnés par l'entreprise régle-mentée9B.

La compétence générale de surveillance constitue un outil précieuxpour un organisme de régulation et ceux qui n'en sont pas pourvus souf-frent d'une infirmité juridique importante, qu'il faut tenter alors decompenser par une interprétation large de la doctrine de la compctenceimplicite99 ou des compétences explicites extensibles.

95 Nadeau c. Corporation du Village de Mont-Joly, (\92\) 30 B.R. 563.Re Athabasca Tribal Council and Amoco Canada Petroleum Co., (\98\)\24 D.LR. (3d) \ (C.S.C.).New Brunswick (Minister of the L-nvironment) c. Canadian Pacife Ltd.,(1993) \05 D.L.R. (4th) 533 (N.B.Q.B.); Re Electric Power and TelephoneAct (P.El) ss. 6 and 26, (1994) \09 D.L.R. (4th) 300 (P.E.i.S.C.A.);Québec (Procureur général) c. Canada (Ojjìce National de L 'f;nerKie),(\994) \ R.C.S. \59.

Pacife Cas and Electric Co. c. Public Utilities Commission of CalifÒrnia,\ 06 S.Ct. 903 (1986).Commission de transports du Québec c. Maski-Tours inc., (1994) R.J.Q.2124 (C.A.).

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Sous-section 2.Les compétences expresses extensibles

Sous cette rubrique, il convient de retenir deux catégories de com-pétence, fréquentes dans les lois constitutives d'organismes derégulation, et dont la portée a été interprétée largement: la compétencepour assortir un permis ou une autorisation de conditions et celle pourfixer des tarifs justes et raisonnables.

Paragraphe i.La compétence pour assortir une autorisation de conditions

Les auteurs Issalys et Lemieux écrivent que le permis relève des ac-tivités de police de l'administrationlOO et qu'il sert aussi commetechnique de rcgulation économique en vertu d'habilitations législativescomportant une discrétion pour agir dans l'intérêt public.

Selon le droit commun, le pouvoir de délivrer un permis n'inclut pascelui de l'assortir de conditions obligatoires, en l'absence de dispositionexpresse, mais l'organe rcgulateur pourrait tout de même requérir alorsd IQIes assurances ou promesses .

Mais lorsque la loi prend la peine d'autoriser le régulateur à assortirle permis de conditions, cette compétence est alors interprétée large-mentlO2. À titre d'exemple, on a jugc que cette catégorie de compétences'étend alors à celle de fixer, comme condition à un permis délivrc à uneentreprise de câblodistribution, des frais ou honoraires d'installationpayables par les abonncslO3. Cette compétence n'inclut évidemment pas

100 P. ISSAL YS et D. LEMIEUX, op. cil., note 89, p. 625.R. c. l~dmonton Licensing Justices, ex parte Baker, LI 9831 2 Ail E.R. 545(Q.B.D.).ln re North Coast Air S'ervices Limited, ri 972) C.F. 390 (C.A.F.); Re CTVTelevision Network Ltd. and Canadian Radio-Television andTelecommunications Commission, (1982) 134 D.L.R. (3d) 193 (C.S.c.);

Québec (Procureur général) c. Canada (Offce national de l'Energie).précité, note 97.

Re Canadian Broadcasting League and Canadian Radio-Television andTelecommunications Commission. (1983) 138 D.L. R. (3d) 513 (C.A.F.);Canadian Motion Picture Distributors Assn c. Partncrs of Viewer's Choice

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LA PROCÉDURE 49celle de rendre des ordonnances ayant pour effet de modifier la loilO4 ouétrangères à la finalité de la loi 105 ou inconstitutionnelles 106.

En cas de déclaration d'illégalité d'une condition, la divisibilité de lacondition et des permis pourra se poser. Les règles concernant la divisi-bilité des règlements pourront ajouter un éclairage utile cn faisant lesadaptations nécessaireslO7. Si la condition illégale peut être considérée

comme indissociablc du permis, parce que ce dernier, amputé de la con-dition, deviendrait substantiellement différent dans ses effets, lacondition et le permis seront alors invalidés par la cour lOS.

Paragraphe 2.La compétence pour approuver des tarifs justes et raisonnables

De même, les textes attribuant une compétence pour approuver oufixer des tarifs justes et raisonnables font depuis longtemps l'objetd'interprétations bienveillantes, dictées sans doute par des considérationsd'ordre pratique. L'empirisme est ici élevé au rang de doctrine juridique.Il faut dire que le caractère juste et raisonnable d'un tarif s'analyse

comme une question d'opinion, non comme une question de droit, ctqu'au surplus, les Cours ne se sentent pas bien placécs pour évaluer laméthodologie des régulateursiOJ. ii s'agit d'un domainc où la politique de

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Canada, (1996) 137 D.L.R. (4th) 56!, (1996) 42 Admin. L.R. (2d) 280(CAF.).Ocean Beach Hotel c. British Columbia (General Manager, Liquor Controland Licensing Branch), (1991) 77 D.L.R. (4th) 577 (B.CCA.).Vair Urbanetics Ltd c. Ontario New Home Warrant

y f'rogram, (1997) 141D.L.R. (4th) 160 (Ont. Div. CL), en appeL.

Rio Hotel Ltd c. New Brunswick (Liquor Licence Board), (1988) 44 D.L.R.(4th) 663 (CS.C); Entreprises Claude et Hughes Marquis Inc. c. Régie despermis d'alcool du Québec, (1987) R.J.Q. 1369 (CS.).Woolwich Equitable Building Society c. ln

land Revenue Commissioners,(1991) 4 Ail E.R. 92 (B.L.); IÆmoyne (Ville) c. Besselte, (1996) 129 D.L.R.(4th) 697 (C.A. Québec); R. c. Secretary of5'tate for Transport, ex parteGreater London Council, (1985) 3 Ail E.R. 300 (Q.B.D.).

10R R. c. North lIertfordl'hire District Council, ex parte Cobbold, (1985 J 3 AilEK 486 (Q.B.D.).Canadian National Railways Co. c. Bell Telephone Company of Canada,r (939) R.CS. 308; Union Gas Company of Canada Ud c. Sydenham Gas

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50 LES TRlBUNAUX ADMINISTRATIFS AU CANADA

l'optimisme judiciaire à l'égard des tribunaux administratifs est à sonsommet et cette catégorie de compétence expresse a été interprétéecomme comportant implicitement celle de contrôler l'usage des structu-res de soutènement d'une compagnie de téléphonello. Mais on ~ourra sedemander si cette compétence permet de modifier un contrat Il ou des'ingérer dans le contrat d'abonnement téléphonique ou électriquell.

Les organismes de régulation forment une classe bien particulière detribunaux administratifs. Ils n'utilisent pas uniquement la technique quasijudiciaire de l'audience mais aussi bien d'autres procédés de nature ad-ministrative, recherches statistiques et économiques, analyseshypothétiques, faisant appel aux règles de l'art et débouchant sur despolitiques et des décisions à caractère institutionneL Leur discrétion estlarge et leur mandat varié: stabiliser les marchés, contrôler la productionet les prix, protéger les consommateurs. Il est donc important que l'objetde ces lois y soit clairement énoncél13 afin de faciliter le travail des coursdans leur rôle de régulateur du droit et d'interprète.

Section 4.Les compétences accessoires

Les compétences accessoires de chacun des tribunaux administratifsvarient à linfÏni et il serait hasardeux de tenter d'en présenter un inven-taire complet. Certaines de ces compétences accessoires sont communes

& Petroleum Co., (1957) R.C.S. 186; Memorial Gardens Association Ltd. c.Colwood Cemetery Co., (1958) R.CS. 353; Northwestern Utilities Ltd. etthe Public Utilities Board de la province de l'Alberta c. Ville d'Edmonton,(1979) 1 R.CS. 684; Trans Mountain Pipe Line Co. c. Offce national del'énergie, (1979) 2 CF. 118,121 (C.A.F.); Nova c. Amoco Canada, (1981)2 R.CS. 437.

British Columbia Telephone Co. c. Shaw Cable Systems (B.C.) Ltd., (1995)2 R.C.S. 739.

Saskatchewan Power Corporation c. TransCanada Pipelines Ltd., L 1981) 2R.CS. 688.Halifax Harbour Services Ltd. c. Maritime Telegraph and Telephone Co.,(1981) iis D.LR. (3d) 335 (N.S.S.CA. Div.).

Voir la Loi sur la Régie de l'énergie, L.Q. 1996, c. 61, art. 5.

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LA PROCÉDURE 51

à la vaste majorité des organismes. Par leur importance juridique et pra-tique, certaines méritent d'être étudiées: la compétence pour assigner etcontraindre des témoins et la compétence implicite.

Sous-section i.La compétence pour assigner et contraindre les témoins

Le pouvoir de convoquer une personne à témoigner est de naturecoercitive et judiciairell4. C'est un attribut indispensable d'une cour dejustice. En common law, un tribunal administratif (comme une commis-sion d'enquête) n'a pas le pouvoir de contraindre une personne àtémoigner: ce n'est pas une cour; il n'a pas de

juridiction inhérente et sasituation à cet égard est la même qu'un simple administré. Toute com-pétence en cette matière doit lui être conférée par la loi liS.

Lorsque le tribunal administratif ou l'organismc utilise ce pouvoirlégal d'assigner un témoin, il devient alors un tribunal au sens de la Loisur la preuveli6 et de l'article 846 du Code de procédure civile du Qué-b 117ec .

Il existe plusieurs techniques législatives pour confércr à un tribunaladministratif le pouvoir exceptionnel d'assigner un témoin. Une des pluscourantes est d'incorporer dans la loi constitutive du tribunal la législa-tion sur les commissions d'enquête car ces législations confèrent à leurtour aux commissaires, en ce qui conccrne la procédure d'examen destémoins, (( tous les pouvoirs d'un juge de la Cour supérieure siégeant en

118terme)) .

114 Lignes aériennes Canadien Pacifìque Ltée c. Association canadienne despilotes de lignes aériennes, (1993) 3 R.C.S. 724.Procureur général du Québec et Keable c. Procureur général du Canada,(1979) 1 R.C.S. 218, 244 U. Pigcon).l,oi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985) c. C-5, art. 37.Procureur général du Québec et Keable c. Procureur général du Canada.précité, note i 15; Commission des droits de la personne e. Procureurgénéral du Canada, (1982) 1 R.C.S. 215; Bisai!on c. Keable, (1983) 2R.C.S. 60.

À titrc d'exemple, art. 74, aL. 1, dc la Loi sur la justice administrative,précitéc, note 41 : (( 74. Le Tribunal et ses mcmbres sont invcstis despouvoirs et de l immunité dcs commissaires nommés en vcrtu de la Loi sur

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52 LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS AU CANADA

Dans la province de Québec, le pouvoir d'un juge de la Cour supé-rieure en la matière inclut, aux termes du Code de procédure civile,notamment celui d'assigner des témoins par voie de subpoena, celuid'ordonner l'exclusion des témoins, de requérir les services d'un inter-prète et de contraindre à témoigner une personne présente dans la salled, d' 119au ience .

Même si certains textes précisent que le tribunal administratif peutalors exiger la production de documents, l'attribution d'un pouvoird'assigner des témoins inclut celui de les obliger à produire les docu-. d" b d ¡20ments in iques au su poena uces tecum .

Il arrive qu'un organisme ne soit pas habilité par la loi à assigner destémoinsl2; si ces derniers ne sont pas disposés à témoigner volontaire-ment, il est alors loisible à l'organisme de demander l'aide de la Coursupérieure qui, en vertu de sa juridiction inhérente, a alors compétencepour assigner le témoin devant le tribunal administratifi2.

Convoquer une personne par subpoena à témoigner contre son gré enpublic devant une cour ou un tribunal administratif est un acte coercitifqui ne doit pas être posé abusivement ni à la légère, car il peut constituerune atteinte à la vie privée, surtout si la convocation s'accompagne d'unordre de produire des documents nominatifs ou d'ordre financier.

119

les commissions d'enquète (c. C-37), sauf du pouvoir d'ordonnerl'emprisonnement. ))Radio-Canada c. Commission de police du Québec, 1 l 9791 2 R.C.S. 618.Re International Union of Operating Engineers Local 955 and HenusetBras. Ltd, (1975) 49 D.L.R. (3d) 288 (Alta. S.C.).Pierre-Pierre c. Finlay, II99l) R.J.Q. 1947 (C.S.); Rubia c. Association of

Registered Nurses ofNewfoundland, (1997) 39 Admin. L.R. (2d) 143 (Nfld.S.e.).Currie c. Chief Constable of Surrey, i 1982) 1 Ali E. R. 89 (Q.8.D.); Maleyc. Parent, r i 9721 C.S. 229. Au Québec, on procède par voie de requêteselon l'article 20 c.p.c.

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125,

LA PROC(ôDURE 53

Les rè:Nles ordinaires de la preuve concernant les privilèges de com-mon lawI et, le cas échéant, celles du droit écrit pourrait trouver

1. . 124app ication

La compétence d'un tribunal administratif pour assigner une per-sonne à témoigner ou à produire des documents dans le cadre d'unepréenquête ou en dehors du cadre d'une audience formelle dépendra dulibellé des textes et de leur interprétation, mais on peut croire que toutélargissement de ce pouvoir coercitif exigera un texte clair ou nettementimplicite12. La marche à suivre pour permettre à un tribunal provinciald'obtenir le témoignage d'une personne qui réside hors de la provincedoit aussi être fixée par la loi 126.

ii peut arriver que le tribunal administratif refuse de délivrer unsubpoena demandé par une partie, ou qu'à l'inverse la délivrance d'unsubpoena soit irrégulière. Que peut faire alors le justiciable? Le droit enla matière n'est pas toujours aussi clair qu'on le souhaiterait.

Il est d'un grand intérêt pratique que ces questions et déterminationspréparatoires trouvent une solution rapide au sein même du tribunal ad-ministratif. On peut croire que la loi attribuant à un organisme lespouvoirs d'un juge de la Cour supérieure en ce qui regarde la procédure

126

Voir Partie II, Chapitre II, Section 3.Voir aussi au Québec, la Loi sur l'accès aux documents des organismespubhcs et Sur la protection des renseignements personnels, L-R.Q.,c. A-2.1, art. 53 et 171, qui permettent la communication de renseignementsou documents exigés par assignation d'un organisme exerçant des fonctionsquasi judiciaircs. Fraternité des polIcIers de Rock Forest c. Marcheterre,J.E. 85-101 1 (C.S.); Augustus c. Gosset, J.E. 90-941 (C.S.).LiRnes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Association canadienne despIlotes de lIgnes aériennes, précité, note 114; voir aussi Tremblay c. Séguin,(19801 C.A. 15; Ontario (Ministry ofCommunity and S'ocIal Services) c.Children 's Aid Society of Kingston (CIty) and Frontenac (County), (i 99 1)47 Admin. L.R. 114 (Ontario Pay Equity Hearings Tribunal); Québec

(Procureur général) c. Commission des droIts de la personne du Québec,(1994) R.JQ. 2026 (C.S.).Ontario SecurIties CommIssion c. Bennett, (1991) 77 D.LR. (4th) 576 (Ont.C.A.); voir aussi au Québec les articles 426 et 282 c.p.c., cn Ontario, la Loisur les assiRnations inlerprovinciales de témoins, L.R.O. 1990, c. L. 12;Québec c. Ontario (."'ecurIties Commission), (1993) 97 D.L.R. (4th) 144(Ont. C.A.).

54 LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS AU CANADA

d'examen des témoins s'interprète comme comportant par nécessaireimplication le pouvoir d'un juge de la Cour supérieure pour annuler unsubpoena, ou la compétence implicite pour modifier le subpoena ouréviser la décision de le refuser, l'organisme ayant compétence pourdéterminer les documents dont il a besoin pour effectuer l'enquête12.

En cas de refus du subpoena demandé équivalant à refus de recevoirune preuve pertinente, le mandamus pourrait être envisagé128, mais lacour pourrait juger qu'elle ne doit pas contrôler ce genre de décision

interlocutoire lorsque la décision finale de l'organisme peut faire l'objetd, L ' 129un appe a unc cour .

Le subpoena délivré abusivement peut poser des problèmes de droitadministratif et de droit constitutionneL. La société ne tolère pas que lesenquêtes criminelles soient menées par des policiers armés de subpoenaet les canadiens sont libres, en vertu de la common law, de ne pas répon-dre aux enquêteurs des services de policeL30. La société acceptecependant qu'un nombre insoupçonné de technocrates soient habilitéspar la loi à délivrer des assignations duc es tecum et qu'en pratique, cel-les-ci soient même souvent accordées sur demande en liasse.

Le témoignage forcé d'un individu sur sa propre conduite ne cessepas d'être une atteinte à sa liberté et à son intimité parce qu'il est renduen contexte non criminel et la finalité non criminelle d'une assignation' . d' .11 . 131 L' d . bl dn est pas toujours ai eurs certaine. enca rement raisonna e u

pouvoir technocratique d'assignation s'avère certes complexc, mais dansl'application des articles 7, 8 ct 13 de la Charte canadienne, l'idée selonlaquelle une cnquête administrative ou quasi judiciaire est moins mena-

127 New Brunswick Telephone Co. c. Kenny, (1989) 55 D.L.R. (4th) 711(N.B.C.A).R. c. Alberta Board of Industrial Relations, (1969) 6 D.L.R. (3d) 83 (Alta.S.c.); Re Moore and Civil Service Commission, (1982) 125 D.L.R. (3d) 502(N.B.Q.B.)Carter c. Phillips, (1989) 54 D.L.R. (4th) 189 (Ont. C.A.).Moore c. La Reine, (1 979j 1 R.C.S. 195. Sur la responsabilité disciplinaireou civile pouvant découler de l'obtention d'un subpoena irrégulier, voirMoore-Stewart c. Law Society of British Columbia, (1989) 54 D.L.R. (4th)482 (B.C.C.A.); Re Yoner, (1970) 7 D.L.R. (3d) 185 (B.C.S.C.).S'tarr c Floulden, i 1990j 1 R.C.S. 1366; i)'tromberg c. Law Society ofSaskatchewan, (1996) 36 Adrnin. L.R. 182 (Sask. Q.8.), (1996) 132 D.L.R.(4th) 470 (Sask. Q.£3).

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13 i

LA PROCÉDURE 55çante qu'une en9iuête criminelle semble bien reçue comme une conces-sion à l'efficacité 32.

Le célèbre énoncé de Mme la juge Wilson dans l'arrêt Singh13 àl'effet que la commodité administrative ne justifie pas de restreindre lesdroits protégés par la Charte fait manifestement l'objet d'une applicationsélective.

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Le pouvoir d'assignation attribué par la loi à des commissionsd'enquête ad hoc non décisionnelles commande aussi une réflexion entenant compte des usages et pratiques de ces commissions. Il est ilIu-soirel34 de penser que, dans un grand nombre de cas, l'objectif louable dela manifestation de la vérité peut être atteint sans mettre en péril la répu-tation des témoins et que des conclusions de fait nominatives de la natured'un blâme n'ont pas de conséquences importantes sur les droits despersonnes et ne constituent pas un jugement d'un deuxième type, maissans appel13. D'ailleurs, l'observateur peut constater que dans les faits,la procédurc de ces enquêtes passe rapidement du modèle inquisitoire ausystème contradictoire et, en pratique, la Charte n'a guère contribué àcorriger plusieurs années de mauvaises habitudes 1.16.

Enfin, l'assignation devant une cour ou un tribunal administratif d'unélu pour sonder son processus mental ou ses intcntions lors d'une déci-sion ou d'un vote pose le problème de la pertinence dc cette informationct commandc de ce fait de la retenue137 ri en est de même de

132 Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes etrecherches), (1990) i R.C.S. 425; Re Leard, (1994) i 14 D.L.R. (4th) 135(Ont. C.A.); British Columbia Securities Commission c. Branch, (1995) 2R.C.S. 3; Del Zotto c. Canada, (1997) 143 D.L.R. (4th) 340 (C.A.F.).Singh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1985) iR.C.S. 177.

Louis BLOOM-COOPER, (( Public Inquirics )), (1993) Current Legallroblems 204.

Saulnier c. Commission de police du Québec, (1976) 1 R.C.S. 572.Phillips c. Nouvelle-Écosse (¡;nquête Westray), (1995) 2 R.C.S. 97; Canada(Procureur général) c. Canada (Commission d'enquête sur le ~ystèmed'approvisionnement en sang au Canada). J.E. 97-1824 (C.S.e.).Re Ontario Adult l,'ntertainment Bar Association and Metropolitan Toronto,(1996) 129 D.L.R. (4th) 81 (Ont. Div. CL); Re Consortium Developments(Clearwater) Ltd. and Corporation of the City of Sarnia, (1997) 30 O.R.(3d) 1 (C.A.).

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56 LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS AU CANADA

l'assignation d'un juge ou d'un membre du tribunal administratif, quisoulève au surplus la question du secret du délibéréI38.

Un subpoena doit donc pouvoir être modifié ou retiré sommairementpar la direction du tribunal administratif ou il a été accordé, soit en vertude compétence expresse ou de droit commun du tribunal pour réexaminerdes décisions 13, soit en vertu de ses pouvoirs en vertu de la loi pour agir

comme juge de la Cour supérieure en ce qui concerne la procédured'examen des témoinsl40, notamment lorsqu'il a été demandé à des finsvexatoires ou qu'il constitue un abus de procédure, lorsqu'un documentrequis n'est pas pertinent ou que la quantité de pièces demandées est,dans les circonstances, démesuréel41. Cette procédure )?ourra souvents'avérer plus simple que le recours en révision judiciaire 42, sauf lorsquese pose une question reliée à l'interprétation de la CharteI43.

Sous-section 2.La compétence pour réprimer l'outrage au tribunai144

Il ne faut pas confondre le concept de compétence implicite aveccelui de juridiction inhérente. Les cours d'archive disposent d'une juri-diction inhérente qui repose sur l'idée qu'il est de l'essence d'une courqu'elle soit dotée, même en l'absence de textes précis, des pouvoirs né-

!J9

lJ8 Re Agnew and Ontario Association of Architects, (i 988) 64 O.R. (2d) 8(Div. CL). Voir aussi infra, Chapitre V, Section L.

Sur le réexamen, voir Partie III, Chapitre III.Manitoba Society of Seniors Inc. c. Manitoba, (1988) 48 D.L.R. (4th) 681(Man. C.A.).University of Pennsylvania c. Equal Employment Opportunity Commission,110 S.Ct. 577 (1990); Duhamel c. Rivard, (1992) R.J.Q. 1217 (C.A.);Daishowa inc. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, (1993)R.J.Q. 175 (C.S.); Montambeault c Brazeau, J.E. 93- 184 (C.A.).Voir Cartier c. Phillps, (1989) 54 D.L.R. (4th) 189 (Ont. C.A.).

Moysa c. Alberta (Labour Relations Board), (1989) 60 D.L.R. (4th) 1(C.S.C.), voir aussi Canadian Broadcasting Corporation c. Regan, (1997)144 D.L.R. (4th) 456 (N.S.C.A.).Sur la théorie et la notion d'outragc au tribunal, voir Robcrt W.MACAlJLA y ct James L.H. SPRAGUE, Practice and Procedure BeforeAdministrative Tribunals, voL. 3, Toronto, Carswell, 1997, IL 29A.

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i1;

LA PROCEDURE 57cessaires pour exercer son autorité, assurer le bon déroulement de la pro-cédure et faire exécuter ses jugements et ordonnances 145. Cette juridictioninhérente s'exerce sommairement; elle complète la compétence qu'unecour de justice détient en vertu de la loi ou du droit commun, le caséchéant. Les principaux domaines de la juridiction inhérente d'une coursupérieure sont la régulation de la procédure en cas de vacuum laissé parles textes, le contrôle de l'abus de procédurel46, la répression de l'outrageau tribunail47 et l'assistance aux tribunaux administratifs 148, mais elle ne

permet évidemment pas à la cour de contrevenir à la loil49. Il serait pé-rilleux de dresser la liste de toutes les situations où est susceptible detrouver application la doctrine de la juridiction inhérente des cours 150.

Les tribunaux administratifs sont dépourvus de juridiction inhé-rentel51. C'est là un de leurs importants traits distincts par rapport auxcours de justice, en même temps qu'une infirmité juridique importante:ils n'ont pas compétence, selon le droit commun, pour rcprimer l'outrageau tribunal 'aussi bien in facie que ex facie15 puisque ce ne sont pas descours. Pour forcer l'exccution de leurs décisions et ordonnances, les tri-

145 COMMISSION DE RÉFORME DU DROIT DU CANADA, L'outrage autribunal, Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services Canada,\977.

146 Re Olympie Towers Ltd and Sherman, (1980) 97 D.L.R. (3d) 197 (e.S.e.);Paul NORMANDIN, (( Les pouvoirs inhérents de la Cour supérieure et ladoctrine "fiJrum non conveniens" )), (1987) 47 R. du B. 469.The King c. Alman, (1765) 97 E.R. 94 (K. B.); R. c. Vaillancourt, (1981) 35N.R. 597 (C.S.e.).Currie c. Chief Constable of Surrey, précité, note \22; General Motors duCanada c. Pételle, (i 986) R.J.Q. 708 (e.S.).

149 1G over c. Glover, (198\) \13 D.L.R. (3d) 16\ (Ont. e.A.); A ttorney-General of Canada c. Delaurier, (\979) 93 D.L.R. (3d) 434 (Man. Q.B.);Droit de lafamille - 314, ( 1986) R.J.Q. 2855 (e.S.).

Voir Keith MASON, (( The Inherent Jurisdiction orthe Court )), (1983) 57Australian L.J 449.

Société Radio-Canada c. Commission de police du Québec, (1979) 2 R.C.S.618; Tremblay c. Séguin, précité, note 125; Juteau c. Commission desaffaires sociales, (1987) R.J.Q. 16\0 (e.S.); Chester c. Canada (NationalParole Board), (1989) 37 Admin. L.R. 27 (B.e.e.A.), (1989) 48 e.c.e.(3d) 506 (ß.e.e.A.).

Badry c. Director of Public Prosecutions of Mauritius, (\982) 3 Ali E.R.973 Ce. privé).

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58 LES TRJRUNAUX ADMINISTRATIFS AU CANADA

bunaux administratifs ont alors besoin de l'aide des cours de justice et laloi prévoit généralement à cette fin une procédure de dépôt oud'homologation de leurs décisions ou ordonnances au tribunal compé-tent15.

Même si la répression n'est pas considérée comme faisant partie dela culture d'une majorité de tribunaux administratifs, la loi peut les décla-rer susceptibles d'être outragésl54 et leur conférer compétence pourréprimer l outrage ln facie15, mais cette catégorie de compétence a étéinterprétée de façon particulièrement restrictive dans le cas d'un témoinjournalistel56. Dans un arrêt controversé de 1992, la Cour suprême a jugéà la majorité qu'un texte législatif clair peut modifier le droit commun etmême conférer au Tribunal de la concurrence compétence pour enquêteret réprimer un outrage ex facie15, compétence souvent considéréecomme appartenant exclusivement à une cour supérieure.

Une décision quasi judiciaire déposée à la cour pour fins de son exé-cution forcée ne cesse pas d'être l'acte du tribunal administratif, maiselle commande alors obéissance au même titre qu'un jugement de cour,sous peine de poursuite pour outrage au tribunal civil ou même pénal158.

La compétence pour réprimer l'outrage au tribunal constitue une ca-ractéristique essentielle et un attribut d'une cour de justice. Ce genre decompétence discrétionnaire n'est pas indispensable à la vaste majoritédes tribunaux administratifs, qui ne sont pas placés dans des conditions

155

153Loi sur la justice administrative, précitée, note 41, art. 156; Loi sur

l'exercice des compétences légales, L-R.O. 1990, c. S-22, art. 19.154

Loi sur lajustice administrative, précitée, note 41, art. 157.

Société Radio-Canada L Commission de police du Québec, précité,note 151; Di lorio c. Warden of the Common ,lail of Montreal, (1977) 73D.L-R. (3d) 491 (C.S.e.).Pacife Press Ltd c. British Columbia (Chief

Coroner), (1997) 147 D.L-R.(4th) 339 (ß.e.S.e.).Chrysler Canada Ltd. c. Canada (Tribunal de la concurrence), (1992) 2R.e.s. 394.

UN.A. c. Alberta (Attorney General). (1992) 3 W.W.R. 481 (e.S.C.); voirJohn L LASKIN, (( Enforcement Powers of Administrative Agencies )),dans Special Lectures of the Law Society of Upper Canada, Toronto,Carswell, 1992, p. 191, à la page 223 et suiv.

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157

15R

LA PROCÉDURE 59optimales pour l'exercerl59. Un législateur cohérent et prenant le viragede la déjudiciarisation des tribunaux administratifs devrait traiterl'outrage à un tribunal administratif comme une infraction pénale, devantêtre réprimée soit par les juridictions pénales, soit pas la Cour supérieureen vertu de sa juridiction inhérente pour venir en aide aux tribunaux ad-.. 'f: 160ministrati s .

Sous-section 3.La compétence implicite

S'agissant d'abord des autorités chargées d'administrer des lois, lajurisprudence reconnaît que les compétences de ces administrations doi-vent être interprétées (( d'une manière aussi réaliste qu'il est nécessairepour permettre aux organismes administratifs dc fonctionner efficace-1 1 16¡ Cd" ,ment pour autant que es textes e permettent)) . ette erl1ere reserve

prend de l'importance lorsqu'il s'agit d'étendre à des tribunaux adminis-tratifs cette politique judiciaire de pragmatisme.

Cette doctrine de la compétence implicite, fondée sur des considéra-tions d'efficacité, a connu en contexte quasi judiciaire un début decarrière assez difficile'62. Certes la common law reconnaît depuis long-temps aux tribunaux administratifs une compétence implicite pourcontrôler sommairement les abus de procédure: même cn l'absence detexte, un tribunal peut et doit, comme une Cour de justice, écarter un re-cours avant même la présentation de la preuvc s'il jugc que, quelle que

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161

General Motors du Canada c. Pételle, précité, note 148; Association despoliciers provinciaux du Québec c. Gilbert, J.E. 94-466 (C.S.).

160R. c. Clarke, ex parte Crippen, (1908- 1 0) Ali E.R. 915 (K.B.)_

Jacobs c. Offce de stabilisation des prix agricoles, (1 982j 1 R.C.S. 125;Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, (1982) 2 R.C.S. 2;Cinnamond c. British Airports Authority, (1980) 2 Ali E.R. 368 (C.A.); Re S& M Laboratories Ltd. and The Queen in Right of Ontario, (1980) 99D.L.R. (3d) 160 (Ont. c.A.); Villetard's Eggs Ltd. c. Canada (Offce decommercialisation des oeufs). (1995) 2 C.F. 581 (C.A.F.).British Columbia Electric Railway Co. c. Vancouver, Victoria and EasternRailway and Navigation Company and Corporation of the City ofVancouver, (1914) A.C. 1067, 1070, 1074 et 1075.

162

60 LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS AU CANADA

soit la preuve, il serait injuste de procéder, soit parce que le recours estmanifestement mal fondé, tardif ou autrement abusit63.

Le réexamen de plein droit par le tribunal administratif de ses pro-pres décisions constitue un important second valet de la doctrine de lacompétence implicite, analysé au Chapitre III de la Partie III du présentouvrage.

En dehors de ces deux catégories de situation, les limites de la com-pétence implicite d'un tribunal administratif pour exercer les pouvoirsnécessaires à l'exercice efficace de son mandat s'apprécient cas par caset selon les contextes. On peut constater que les cours interprètent main-tenant largement les législations visant les droits de la personne etl'équité salarialel(,., ainsi que les compétences attribuées aux agences de' 1 0 . 'd 'd 165 L'. 166regu ation, tant en matiere e proce ure que sur e mente .

Certains organismes, notamment ceux qui sont mandatés pour inter-venir dans le secteur des relations de travail, sont dotés par la loi de

16) Commission des relations du travail du Québec c. Cimon Ltée, l1971)R.C.S. 981; R. c. Chief Constable, ex parte Merril!, (1989) 1 W.L.R. 1077,1085 (C.A.); Bennett c. British Columbia (Securities Commission), (1991)82 D.L.R. (4th) 129 (B.C.S.C.); Sawatsky c. Norris, (1992) 93 D.L.R. (4th)238 (OnL Div. CL); Nisbett c. Manitoba (Hum

an Rights Commission),(1993) 101 D.L.R. (4th) 744 (Man. C.A.); R. c. Chief

Constable, ex parteHay, (1996) 2 AIl E.R. 711 (Q.B.D.). Voir la Section 5, Sous-section 2, duChapitre IV traitant du retard abusif à procéder.

164 Action Travail des Femmes c. Canadian National Rai/way Co., (1987) 76N.R. 16 i (C.S.c.); Université de la Colombie-Britannique c. Berg (1993) 2R.C.S. 353; Liquor Control Board (Ont.) and Parker c. Karumanchiri,(1988) 25 a.A.C. 16 i (Div. CL); Dartmouth (City) c. Nova Scotia (Pa

yEquity Commission), (1995) i 19 D.L.R. (4th) 182 (N.S.C.A.); voir aussi ReLodger 's International Ltd. and () 'Brien, (1983) i 45 D. L.R. (3d) 293(N.B.C.A.)

165 Canada (Directeur des enquêtes et recherches en vertu de la Loi relativeaux enquêtes sur les coalitions) c. Newfoundland Telephone Co., ri 987) 2R.C.S. 466; American Airlines lnc. c. Canada (Tribunal de la Concurrence),(1989) 2 C.F. 88 (CAF.), (1989) 89 N.R. 241 (C.A.P.).

Bel! Canada c. Canada (CR. TC), i 1989) 1 R.C.S. 1722; Quchec (Attor-ney-General) c. Canada (National Fnergy Board), (1994) 112 D.L.R. (4th)129, (1994) 20 Admin. L.R. (2d) 79 (C.S.C.); Centra Gas Alherta lne. c.Three Hills (Town). (1994) 109 D.L.R. (4th) 661 (Alta Q.B); Commissiondes transports du Québec c. Maski-Tours inc., (1994j R.J.Q. 2124 (C.A.).

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LA PROCEDURE 61

certaines compétences accessoires, comme des (( pouvoirs nécessaires àla réalisation des objets de la loi ))167, de (( tous les pouvoirs nécessaires àl'exercice de leur juridiction )) 168, ou de la compétence pour rendre desordonnances de sauvegarde des droits des parties 169

La diversité des libellés et des contextes suggère que ces textes flousdevraient être interprétés cas par cas, mais en ayant à l'esprit qu'un orga-nisme administratif n'a pas de juridiction inhérente, mais qu'il est enprincipe maître de sa procédure sous réserve des règles de droit 170. Sousle couvert d'exercer cette catégorie de compétence incertainc et acces-soire, un tribunal risque de céder en toute bonne foi à la tentation derepousser les limites de ses attributions et de se comporter comme unecour de justicel7 exerçant une juridiction inhérente.

L'étendue de la compétence des tribunaux pour rendre des ordon-nances réparatrices sous l'autorité de textes flous donne lieu à unejurisprudence aussi abondantc que complexe et imprévisible17 dans l'étatde confusion actuelle en matière de normes de contrôle judiciaire.

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167 Code canadien du travail, L.R.C. (1985), c. L-2, art. 121; Syndicat desemployés de production du Québec et de l'Acadie c. Conseil canadien desrelations du travail, (i 984) 2 R.C.S. 412; Lignes aériennes CanadienPacijÌque Ltée c. Association canadienne des pilotes de liRnes aériennes,précité, note 114.

Code du travail, L.R.Q., c. C-27, art. 124; Désormeaux c. Tribunal dutravail, J.E. 84-587 (C.A.); Juteau c. Commission des affaires sociales,précité, note 151; Villeneuve c. Tribunal du travail, J.E. 88-171 (C.A.);Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Lucie Charland,(i 99 1) 8 Recueil des décisions de la Commission de la fonction publique567.Entreprises H. Pépin (/991) lnc. c. Tribunal du travail, (1993) R.J.Q. 2230(C.S.); Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec c.Commission de laronctionpublique du Québec, (1993) R.J.Q. 2876 (C.S.).Sur l'ordonnance de sursis, voir aussi Canada (Procureur général) c.Nkrumah, précité, note 4; Barcelo c. Commission de la santé et de lasécurité du travail, J.E. 97- 147 1 (C.A.).

Voir infra, Chapitre 1, Section iV, Sous-section 1.Juteau c. Commission des ajJaires sociales. précité, note 151.Action Travail des Femmes c. Canadian National f?ailway Co.. précité,note i 64; Royal Oak Mines lnc. c. Canada (Labour Relalions Board),(1996) 133 D.L.R. (4th) 129 (C.S.C.); CU!'£.. Local 301 c. Montreal(City), (1997) 144 D.LR. (4th) 577 (C.S.c.); Murphy c. Canada, (1994) 1

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62 LES TRIIUNAUX ADMINISTRATIFS AU CANADA

Même en l'absence de ces textes flous, la jurisprudence reconnaîtcependant aux tribunaux administratifs une compétence implicite quidécoulerait de l'objet de la loi ou de l'économie des compétences expli-cites17 et on a affirmé que les cours doivent éviter de stériliser lespouvoirs des organismes de régulation par des interprétations formalis-tesl74. La menace de stérilisation n'est pas imminente; ce serait plutôtl'extension exubérante de la doctrine de la compétence implicite dans ledomaine du droit constitutionnel qui risque de conduire à l'érosion dupouvoir judiciaire du fait des juges et à l'établissement d'un stade préli-minaire et préparatoire à la création, sans débat public, d'un régime defacto de dualité des ordres de juridiction17.

Dans certains cas, la doctrine de la compétence implicite en matièrede procédure se confond avec la règle de l'autonomie des tribunaux ad-ministratifs par rapport au droit judiciaire et permet de combler leslacunes et insuffisances de la loi 176, par opposition à des questions à ca-ractère substentiel, comme la compétence pour ordonner le paiementd'aide financière aux intervenants qui nécessite une autorisation ex-

177presse

Enfin, la jurisprudence reconnaît aux tribunaux administratifs undroit limité de se porter à la défense, non pas de leurs décisions, mais deleur compétence strIcto sensu, lorsqu'elle est contestée devant une cour

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C.F. 710 (C.A.); Ross c. Conseil scolaire du district n° 15 du Nouveau-Brunswick, (1996) 1 R.C.S. 825.Réseau de télévision CTV Ltée c. Canada (Commission du droit d'auteur),(1993) 2 C.F. 115 (C.kF.); MacNeil c. Canada (Procureur général),précité, note 2.Bell Canada c. Canada (CR. TC), précité, note 166, 1756.Voir Yves OUELLETTE, (( De quelques inter-relations entre la Chartecanadienne et le droit administratif)), dans Mélanges Jean Beetz, Montréal,Éditions Thémis, 1995, p. 839; Cooper c Canada (Human RightsCommission), précité, note 4.Re Interprovincial Pipe Line Ltd. and National Energy Board, (1977) 78D.L.R. (3d) 401 (C.A.F.); Re Donaldson Inquest, (1994) Ii i D.L.R. (4th)III (Ont. Ct. (Gen. Div.)); Canada (Directeur des enquètes et recherchesen vertu de la l,ai relative aux enquètes .lur les coalitiom) c. NewfoundlandTelephone Co., précité, note 165.Reference Re National Energy Board Ac/, (1986) 29 D.L.R. (4th) 35(C.A.F.).

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LA PROCÉDURE 63de justice 178. Il ne s'agit pas là, à vrai dire, d'une compétence décision-nelle, mais de la reconnaissance de la qualité pour ester en justice, maisdans un cadre étroit seulement afin de préserver la confiance du publicdans l'impartialité de l'organisme et dans la bonne image de la justicenon judiciaire. Même en ce cas, le procureur représentant le tribunaladministratif a alors le devoir de faire preuve (( de retenue et de ré-

179serve ))

La théorie de la compétence implicite a pris une place importante endroit administratif moderne, voire même inquiétante. Elle pourrait mêmes'étendre aux commissions d'enquête. Une approche pragmatique dumandat des enquêteurs et des textes qui les encadrent devrait tenircompte de plusieurs facteurs: les inconvénients d'obliger une personne àtémoigner en public sur sa propre conduite, les conséquences du blâmeou de conclusions de fait nominatives sur la carrière des personnes180,

l'absence de compétences expresses pour faire ou sembler faire des dé-terminations de responsabilité civile ou pénalel81, le fait que les témoinspuissent être perçus par l'opinion publique comme des accusés sans bé-néfice de toutes les garanties procédurales du formalisme judiciaire, lefait que les normes et standards d'impartialité sont alors modulés à la

178 Re Canada Labour Relations Board and Tram'air Ltd., (1976) 67 D.L.R.(3d) 421 (C.S.C.); Central Broadcasting Co. c. Canada Labour RelationsBoard, (\ 976) 67 D.L.R. (3d) 538 (C.S.c.); Re Castel and CriminallnjuriesCompensation Board, (1979) 89 D.L.R. (3d) 67 (Man. C.A.); Ferguson BusLines Ltd c. A TU, Loc. 1374, (1990) 68 D.L.R. (4th) 699 (C.AF); Bibeaultc. McCaffrey, (1984) 7 D.L.R. (4th) 1 (C.S.c.); Dairy Producers Co-operative Ltd. c. Saskatchewan (Human Rights Commission), (1994) 109D-LR. (4th) 726 (Sask. Q.8.).

179 Lancup c. Commission des affaires sociales du Québec, précité, note 64;François AQUIN et Daniel CHÉNARD, (( Les tribunaux administratifsdevant les cours supérieures: Études des principes juridiques applicables àleur qualité pour agir )), (1986) 16 R.D. Us. 781; Lafontaine c. Commissiond'appel en matière de lésions professionnelles du Québec, J.E. 94-1170

(C.A.).Re Nelles and Grange, (1984) 46 O.R. (2d) 210 (C.A.); Starr c. Houlden,précité, note 13 i .R. c. Surrey Coroner, ex parte Campbell, r 1982) 2 AIl E.R. 545 (Q.8.); R.c. North Humberside and ,"'cunthorpe Coroner, ex parte ./amieson, L i 994) 3AIl E.R. 972 (C.A.).

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64 LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS AU CANADA

baisse ou appliqués avec flexibilitél82, lc libellé de chaque loil83 qui peutpermcttre ou envisager qu'une personne soit blâmée publiquement dansle rapport, le fait que de telles conclusions de blâme sont sans appel 184, le

fait que le législateur a certainement voulu que les enquêtes aient unecertaine utilitél85 sociale, politique ou médiatique.

Conclusion du chapitre

Même si les tribunaux administratifs sont dépourvus de juridiction dedroit commun et de juridiction inhérente et n'ont qu'unc compétenced'attribution, la seulc lecture des textes législatifs ne rend pas toujourscomptc fidèlement de toute l'étenduc de leurs pouvoirs et, en cette ma-tière, il ne faut pas sous-cstimer le rôle créateur des cours de justice. Uneinterprétation libérale des textes conférant aux organes de régulation unecompétence générale de surveillance et même de certaines compétencesspécifiques extensiblcs a eu pour efTet d'élargir considérablement le po-tentiel de créativité et d'influence de ccs organismes. Au surplus, lajurisprudence a développé une doctrine de la compétence implicite quipermet souvent de combler les déficicnces dcs textes. Quant aux disposi-tions conférant une compétcnce de révision des décisions initiales, ilssont souvent source de difficulté d'interprétation quant à la portée et aucadre de ces rccours hybridcs.

S'il est possible de tirer des conclusions générales de l'examcn decompétenccs aussi variées, c'est qu'alors que les textes régissant les tri-bunaux administratifs devraient pouvoir être administrés avec unminimum de tcchnicalités, ils sont encore trop souvent sourced'incertitude et de conflit, parcc quc les législateurs comprennent sou-vent mal la di/Térence entre une cour de justice et un tribunaladministratif. Lorsque se pose alors le défi d'interprétcr ces textcs, unemesurc dc pragmatisme judiciaire peut quelquefois convenir, mais seu-lement dans la mcsure où les textes le permettent, puisque les tribunauxadministratifs n'ont, cn principe, qu'une compétence d'attribution.

!H2 Beno c. Canada (Commission of lnquiry into f)eployment 0/ CanadianForces to Somalia), (1997) 146 D.L.R. (4th) 708 (C.AF).Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d'enquète sur le:,ystème d'approvisionnement du sang au Canada), préciIé, note 136.Saulnier c. Commission de police du Québec, précilé, note 135.R. c. Coroner o/Sussex, (19881 i W.L.R. l194 (Q.B.).

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