Campagnes Solidaires 295

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Mensuel de la Confédération paysanne Campagnes solidaires N° 295 mai 2014 – 5,50 – ISSN 945863 Dossier L’Europe : un chantier à reprendre 1000 vaches Le porte-parole de la Conf’ en garde à vue ! OGM Une interdiction fragile et à portée limitée

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Le numéro 295 (mai 2014) de Campagnes Solidaires en lecture complète.

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Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

N° 295 mai 2014 – 5,50 € – ISSN 945863

Dossier

L’Europe : un chantierà reprendre

1000 vaches Le porte-parole de la Conf’ en garde à vue !OGM Une interdiction fragile et à portée limitée

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2 \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceuxde la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable

est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé

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Vie syndicaleActualitéAgriculture paysanne Décrypter l’Année internationale

de l’agriculture familiale

Envie de paysans Une campagne s’achève,

une autre commence !

Loi d’avenir « Pas contrebandiers, paysans ! »

Méthanisation Ne pas y aller plein gaz !

OGM Une interdiction fragile et à portée limitée

Europe / Pac Quand le technique l’emporte sur le politique

Point de vueFrédéric Lemaire et Aurélie Trouvé

Une nécessaire remise à plat des institutions européennes

InternationalesAllemagne « Si tu n’es pas content, rentre chez toi ! »

Cambodge Sucre amer pour l’Europe

Pologne Des paysans polonais en résistance

Agriculture paysanneBulgarie Les yaourts bulgares de la famille Danchev

CourrierAprès l’hiver

TerrainTarn-et-Garonne Nutribio : la Conf’ soutient, l’État casse

Charente Des fleurs contre la mutagénèse

Jura Encore dix hectares de perdus !

Béarn Images d’Épinal dans les Pyrénées

AnnoncesCultureMarc Dufumier 50 idées reçues sur l’agriculture

et l’alimentation

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Sommaire

Après Les fils de la terre, le documentaire d’Édouard Ber-

geon, actuellement encore dans les salles de cinéma

et que la Confédération paysanne accompagne ou a

accompagné lors des projections-débats organisées

en régions, voici la sortie le 14 mai du film Il a plu sur

le grand paysage, réalisé par Jean-Jacques Andrien (1).

Le film aborde la situation des producteurs de lait dans

le Pays de Herve, au Nord de la Belgique, aux frontières

des Pays-Bas et de l’Allemagne. Recoupant, par bien

des points, la réalité française, il pose l’avenir de l’agri-

culture paysanne en Europe comme un véritable enjeu

de civilisation.

Pour envisager une projection :

[email protected]

(1) 35 mm – 100 mn - 1,85 - Dolby SR – France – 2012 -Distribution : www.shellac-altern.org

Dossier

L’Europe Un chantier à reprendre

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Mensuel édité par: l’association Média Pays104, rue Robespierre – 93170 BagnoletTél. : 0143628282 – fax: 0143628003campsol@confederationpaysanne.frwww.confederationpaysanne.frwww.facebook.com/confederationpaysanneTwitter: @ConfPaysanneAbonnements: [email protected] de la publication:Laurent PinatelDirecteur de la rédaction:Christian BoisgontierRédactrice en chef: Cécile KoehlerRédaction, secrétariat de rédaction: Benoît DucasseMaquette: FasciculeDessins: SamsonDiffusion: Anne Burth et Jean-Pierre EdinComité de publication:Jo Bourgeais, Michel Curade, Véronique Daniel,Jean-Claude Moreau, Josie Riffaud, Geneviève Savigny, Véronique LéonImpression: Chevillon26, boulevard KennedyBP 136 – 89101 Sens CedexCPPAP n° 1116 G 88580N° 295 mai 2014Dépôt légal: à parutionBouclage: 29 avril 2014

Claude Cellier,paysan dans la Marne,

secrétaire national

LLes mesures d’application de la nouvelle Politique agricole commune 2015-2020 sont à peinebouclées que déjà de nouveaux fronts s’ouvrent pour défendre les droits des paysans dans uneéconomie mondialisée.

Le 25 mai auront lieu les élections pour renouveler le Parlement européen. Les quelquesparlementaires opposés aujourd’hui aux négociations de l’accord de libre-échangetransatlantique entre l’Union européenne et les USA se disent trop peu nombreux pour y faireéchec. Ils demandent à toutes les organisations de la société civile, comme nous, de nous yopposer, de faire de ce thème un enjeu important du choix de nos nouveaux représentants àBruxelles et Strasbourg. Il y a quelques mois, les grands partis de droite et de gauche (UMP etPS notamment) y étaient favorables, plus attentifs « à la courbe des marchés spéculatifs qu’àl’aspiration des citoyens ». En mars, Barack Obama et François Hollande se sont même promisd’accélérer ces négociations. L’exemple de l’Alena, l’accord de libre-échange nord-américain, neleur suffit pas apparemment : le bilan depuis 1992 est catastrophique, 5 millions d’emploisagricoles détruits aux Mexique et aux USA, avec une ruée des multinationales vers le moinsdisant social et environnemental, des conditions de travail dégradées des deux côtés de lafrontière entre ces pays.

Les promoteurs de ces accords visent la croissance pour plus d’emploi ? La pratique démontredes effets inverses, ils confondent création de richesses et concentration de richesses. Même ledéficit commercial agricole des USA en a pâti, mais Obama ferme-t-il les yeux tant que lesmarchés financiers gardent leur fragile ligne de flottaison, et tant que les trusts américainspeuvent engranger des profits dans les paradis fiscaux ?

Dix mille lobbyistes économiques à Bruxelles, ce n’est pas rien. Cela explique des choixpolitiques en faveur d’intérêts particuliers, aux dépens de l’intérêt général de notrecommunauté de citoyens européens.

Tous nos engagements en faveur de l’agriculture paysanne et en opposition àl’industrialisation de l’agriculture répondent à ces mêmes enjeux. Nous voyons bien tout ce quesous-tend le projet des milles vaches chez nous, et toutes les confiscations de terres et demarchés par des multinationales, sur tous les continents. C’est partout l’exclusion de personnessur qui les productivistes de tout poil spéculent en déclarant : « neuf milliards de bouches ànourrir en 2050 justifient notre productivisme ». Ils oublient seulement que ces neuf milliardsde personnes à venir sont des femmes et des hommes qui demandent surtout à être acteurs deleur avenir.

Le 17 avril a eu lieu la journée internationale des luttes paysannes. Avec la lutte pour garder laterre, il y a aussi la lutte pour garder le droit à utiliser nos propres semences, celui d’être toutsimplement paysan, de décider, de construire notre avenir. Nous partageons avec les 163 autresorganisations membres de la Via campesina ces combats de tous les jours. Donc de demain.

On l’ouvreDénoncer une Europe des lobbyistes,construire une Europe des citoyens !

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Vie syndicale

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Crise ukrainienne : danger à l’export !Les menaces économiques sont le levier de toute crise diplomatique. En ce moment, le marché agricole européen peut s’attendre à une sanc-tion de la part de la Russie. Il s’agit du premier client de l’Union européenne en produits laitiers. Aujourd’hui la Russie, demain une autre partiedu globe, à chaque fois les producteurs seront victimes d’une prétendue « vocation exportatrice » qui n’a pas pris en compte les risques.Les importations russes de lait s’élevaient en 2011 à plus d’un milliard d’euros (contre 330 millions pour la Chine), principalement en prove-nance d’Allemagne. Par effet domino, tous les pays européens, et en premier lieu la France, seraient touchés par une crise, avec une baisse desprix payés aux producteurs en perspective. La crise politique se transformera donc en crise de production, sachant qu’actuellement nous n’avonsaucun outil communautaire pour y faire face.Le marché européen reste stable malgré les crises économiques qui touchent plusieurs pays. Mais il n’en est pas de même des marchés d’ex-port. Ce sont eux qui provoquent la volatilité des prix et les crises associées. Celles-ci ayant pour conséquence la disparition des producteurs etla concentration de la production.Tout miser sur l’export n’aura comme conséquence que d’accélérer la disparition des paysans à coup de crises géopolitiques ou autres. Lestenants de la conquête du marché mondial seraient inspirés d’y réfléchir à deux fois avant de se lancer dans la croissance des exportations. Ilfaut d’urgence poser une organisation du marché qui soit cohérente avec les besoins dans le cadre d’une production relocalisée.

(communiqué du 16/4)

La maison brûle…Le 13 avril, la Confédération paysanne participait

à la manifestation contre l’exploitation de gaz

de houille à Divion (Pas-de-Calais), aux côtés

d’organisations telles Attac, les Amis de la Terre ou

le Réseau Action Climat : « Nos organisations

s’opposent à l’extraction de nouvelles sources

d’énergies fossiles et en appellent au bon sens

des collectivités territoriales et du gouvernement pour

renoncer définitivement à ces projets inutiles

et dangereux. Comme le montre un récent rapport

de l’Institut national de l’environnement industriel

et des risques (Ineris), le niveau des nappes phréatiques,

la qualité des eaux souterraines et de surface, la qualité

de l’air et des sols pourraient être affectés par

l’exploitation des gaz de couche. Le rapport pointe

également des risques accidentels comme la migration

non-maîtrisée de gaz vers la surface, inhérente

à l’exploitation de gaz non conventionnels. Alors que

la France accueillera en 2015 le sommet des Nations

Unies sur le climat (COP 21), le gouvernement

et les collectivités territoriales cautionneront-elles

de nouveaux forages pétroliers et gaziers, au risque

d’accroître encore davantage notre dépendance

insoutenable aux énergies fossiles ? »

(extraits de l’appel à la manifestation)

800 apiculteurs bloquent l’entrée

de FranceAgriMer contre les néonicotinoïdes

Près de 800 apiculteurs ont manifesté devant les locaux de FranceAgriMer,

le 1er avril, demandant une extension du moratoire mis en place en 2013

pour deux ans, suspendant l’utilisation de trois néonicotinoïdes. Ce

rassemblement était organisé par l’Unaf (union nationale de l’apiculture

française), la FNOSAD (organisations sanitaires apicoles), le SNA (syndicat

national d’apiculture) et la Confédération paysanne, alors que se déroulait

un Conseil stratégique abeilles dans les locaux de FranceAgriMer. « Assez des

discours et des faux plans écophyto 2018 », a tempêté Jean Sabench,

responsable de la commission “pesticides” à la Confédération paysanne.

Selon l’Unaf, le nombre de ruches en France est passé de 1,35 million en

1995 à 1,25 million en 2013. Plus globalement, c’est la politique de

Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, qui est remise en question. « Les

abeilles ne sont pas le fer de lance de l’agroécologie. C’est l’inverse : quand il y

aura une vraie agroécologie, il y aura des abeilles », a déclaré Jean Sabench.

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Le porte-parole nationalde la Confédération paysanne, Laurent

Pinatel, était convoqué le 19 avrilà la gendarmerie de Saint-Etienne,

à la suite de l’occupation du chantier dela ferme usine des mille vaches, dans laSomme, le 11 septembre 2013. Il a été

placé directement en garde à vue.

Je suis arrivé comme convenu en trac-teur à 9 heures à la gendarmerie deSaint-Étienne. Deux de mes voisins,

Bernard et Jean-Claude, avaient tenu à m’ac-compagner en tracteur également, et c’estdonc en cortège de quatre véhicules, etrapidement rejoint par une vache, que noussommes arrivés.

50 personnes nous attendaient, au gros dela mobilisation plus de 200 personnes serontprésentes. Des paysans de la Loire bien sûr,des consommateurs, des citoyens, des mili-tants associatifs ou politiques (EELV et PG)syndicalistes (CGT…), mais aussi des paysansvenus du Rhône voisin, de la Haute-Loire etdu Puy-de-Dôme. Et pas mal de médias.

Le major Magnier, chef de la brigade cri-minelle (oui !) d’Abbeville, assisté par un deses inspecteurs m’a signifié immédiatementma mise en garde à vue au motif que monADN a été retrouvé sur les lieux du chantier.Ce n’est qu’à 13h15 que les gendarmes ontreçu l’ordre de me relâcher et ont pu reprendrela route pour la Somme. Je n’ai « riendéclaré ». Pendant tout ce temps, l’associa-tion d’opposants à la ferme des mille vaches,Novissen, se mobilisait remarquablement àAbbeville et la gendarmerie de Saint-Etiennerecevait les appels de soutiens des Confé-dérations paysannes de France.

Mais j’ai la nausée ! Lætitia Peyrard, monavocate, est révoltée du traitement qui nousest réservé.

Elle trouve scandaleux de voir la façondont on nous criminalise et la démence desmoyens mis en œuvre pour protéger lespetits copains du pouvoir. Parce qu’au fond,il est bien là le souci. En dénonçant la ferme-usine et l’industrialisation de l’agriculture,nous avons mis les pieds dans le plat.

Ce modèle d’agriculture est bien dans ladroite ligne de ce que veut le gouvernement:les gains de productivité et de croissancevont se faire à l’export grâce à la cohabi-tation des deux agricultures, l’une « vitrine »et paysanne et l’autre industrielle !

Ce que nous avons vécu avec Laetitia Pey-rard relève du surréalisme. On a mis la bri-gade d’enquête criminelle et la brigaded’enquête scientifique pour retrouver les

auteurs d’un tag (1) ! Il y a une vraie volontéde criminaliser l’action syndicale.

Ramery, le promoteur de la ferme-usine,annonce sa première traite pour début juillet.Les manifestants à Saint-Etienne ont clai-rement revendiqué le fait que la Conf’ nedevait pas lâcher et au contraire continuerà se battre sur un dossier emblématique, undossier ou tout, tout ce que nous refusonsse retrouve : accaparement des terres, prixdu lait, malbouffe, industrialisation, concen-tration, financiarisation…

Sinon l’enquête est, d’après les gendarmes,close et le dossier dans les mains du pro-cureur qui va devoir se déterminer à conti-nuer devant un tribunal ou pas.

Ramery, lui, continue… n

Laurent Pinatel

(1) Cf. la une du CS n° 288 (octobre 2013).

Le porte-parole de la Confédération paysanne en garde à vue !

Vie syndicale

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Vache folle : pas de coupable ?En août 1996, la Confédération paysanne déposait une plainte contre X pour importation de farines animales. C’est la première plainte

qui a été déposée en France. D’autres ont suivi, jusqu’à leur jonction au pôle santé publique de Paris. Après 17 ans de procédure, nous

apprenons ce 15 avril que, selon le procureur, il ne s’est rien passé ! On se dirige vers un non-lieu.

Il n’y a donc pas eu d’importations illégales de farines qu’on savait déjà potentiellement contaminées. Il n’y a pas eu d’abattages

massifs de troupeaux. Il n’y a pas eu de chute soudaine de la demande en viande. Il n’y a pas eu de faillites de paysans.

À l’heure où les farines animales tentent de revenir discrètement, ceux qui ont provoqué cette crise devraient en sortir blanchis.

Pourtant, les crises sanitaires ne se sont pas arrêtées là. Au contraire, on connaît aujourd’hui les dérives qui y conduisent. Un non-lieu

dans cette affaire serait un signal très fort pour ceux qui ne s’inquiètent pas de jouer avec l’avenir des paysans, l’alimentation et donc

la santé de tous : continuez, c’est permis !

(communiqué du 15/4)

Laurent Pinatel à sa sortie de garde à vue, le 19 avril à Saint-Etienne.

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Le ruraleur

Zhen !Les apiculteurs et Confédérésont réussi, devant le siège deFranceAgriMer, une manifes-tation de 800 personnes. Cartoujours, pour leurs abeilles, laréduction drastique des pesti-cides et le retrait des insecti-cides néonicotinoïdes systé-miques est une question d’êtretuées ou pas tuées.

Cette manifestation s’estdéroulée le premier avril der-nier. N’allons pas imaginer queles autorités publiques auraientinterprété cette manifestationcomme un canular téléguidépar les abeilles ! Au contraire,on pourrait penser que les api-culteurs faisaient de l’empoi-sonnement des abeilles le vrai-faux canular d’un monde qui nesait pas vivre.

Un reportage récent (1) montreque l’imagination humaine nes’avoue jamais vaincue, mêmesi elle reste bien inférieure dansses résultats à l’adaptabilitéfécondante des abeilles. Ainsi,dans le Sud-Ouest de la Chine,Madame Zhen Xiuqiong grimpedans les pommiers et joue lerôle de l’abeille malgré ses56 ans. À l’aide d’une baguettequ’elle plonge dans une petiteréserve de pollen récolté etséché, Madame Zhen pollinisechaque fleur des pommiersqu’elle prend en charge. Et siMadame Zhen le fait, c’est quetout simplement aucune abeillene pourrait survivre dans le ver-ger qu’elle « butine »: les insec-ticides répandus par elle-mêmene permettent plus aux abeillesde survivre ! Dans ces condi-tions, pas question pour sonmari, pourtant apiculteur, delui prêter des ruches.

En France, notre calcul d’unindice de fréquence des trai-tements (IFT) ne prend pas encompte l’ensemble des utilisa-tions des néonocotonoïdes, parexemple celle du traitementdes semences. De là à imaginerqu’il nous faudra imiterMadame Zhen, voilà unedémarche acrobatique de MAE(mesure agroécologique) que leministre Stéphane Le Foll n’asûrement pas envisagée.

(1) Arte et « Le Monde », 24 avril 2014

28 avril 2014

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Actualité

Agriculture paysanne Décrypter l’Annéeinternationale de l’agriculture familialeDepuis 1959, chaque année,les années internationalesdes Nations Unies sont dédiéesà un ou plusieurs thèmes. C’estl’agriculture familiale qui est àl’honneur en 2014 (1). Maispourquoi l’agriculture familiale,pourquoi pas l’agriculturepaysanne, par exemple ?

Depuis le lancement officielde l’Année internationalede l’agriculture familiale, à

New York, au siège des NationsUnies, le 22 novembre 2013, descomités nationaux se sont consti-tués dans une quarantaine de pays.Concrètement, tout au long del’année se déroulent des rencontres,des manifestations de tous ordres,des salons, des marches, etc.

La FAO, plus particulièrementchargée de la coordination desactivités, précise qu’il s’agit de« rehausser l’image de l’agriculturefamiliale et de la petite agricul-ture en focalisant l’attention dumonde entier sur leur contributionsignificative à l’éradication de lafaim et de la pauvreté, à l’amélio-ration de la sécurité alimentaire,de la nutrition et des moyensd’existence, à la gestion des res-sources naturelles, à la protectionde l’environnement et au déve-loppement durable, en particu-lier dans les zones rurales. ».

Après une reconnaissance bien-venue de l’importance de l’agri-culture familiale, on retombe rapi-dement dans le jargon habitueldes Nations Unies. En effet, l’ob-

jectif est de « remettre l’agriculturefamiliale au centre des politiquesagricoles, environnementales etsociales dans les programmes d’ac-tion nationaux, en identifiant leslacunes à combler et les opportu-nités offertes afin de favoriser latransition vers un développementplus équitable et plus équilibré ».Les « facteurs clés qui peuventcontribuer au développement del’agriculture familiale sont identi-fiés : les conditions agroécolo-giques et les caractéristiques ter-ritoriales, les politiquesenvironnementales, l’accès au mar-ché, l’accès à la terre et aux res-sources naturelles, l’accès à la tech-nologie, aux services devulgarisation agricole et au cré-dit, les conditions démogra-phiques, économiques et socio-culturelles, la disponibilité d’unenseignement spécialisé. » Vasteprogramme !

Trois lignes d’actionsEn somme, cette agriculture

familiale qui, nous explique-t-on,nourrit 70 % de la populationmondiale, qui préserve la biodi-versité et l’environnement, quicrée des emplois, a besoin de tout!On peut donc supposer que desmoyens importants seront mobi-lisés, mais la surprise est totalequand on en examine les « lignesd’action » proposées. Elles sontau nombre de trois : promotiondu dialogue dans les processus dedécision sur les politiques ; iden-tification, documentation et dif-

fusion pour mieux tirer parti desenseignements et des résultatspositifs des politiques existantes,au niveau national ou à d’autresniveaux, en faveur de l’agricul-ture familiale ; communication,plaidoyer et sensibilisation. Toutcela est bien modeste au regard desenjeux et des objectifs précédem-ment avancés.

On ne peut alors que s’interro-ger. Première question : d’où vientl’initiative de cette Année interna-tionale de l’agriculture familiale ?Le Forum rural mondial en est lepromoteur. Il se présente comme« une association sans but lucra-tif de caractère international et derayonnement mondial ». Il est« composé de personnes et d’ins-titutions, tant publiques que pri-vées, engagées dans la recherched’un développement durable etjuste, principalement dans ledomaine du développementrural ». Il finance aussi des projetsde coopération. Cette associationnée en 1998, à Gasteiz (Vitoria),au Pays Basque, est liée au secteurpatronal et à la démocratie chré-tienne locale. L’organisation s’estlancée dans une campagne de troisans pour promouvoir cette annéede l’agriculture familiale. Elle esten charge de la coordination desactions de la société civile.

Deuxième question : pourquoil’agriculture familiale, pourquoi pasl’agriculture paysanne par exemple?Dans les textes il est précisé que« l’agriculture familiale permet d’or-ganiser la production agricole, fores-

Le 24 février, le directeurgénéral de la FAO José Grazianoda Silva et celui d’Unilever, Paul

Polman (photo), se sontrencontrés à Rome. Dans un

communiqué, la FAO a annoncéétudier avec la multinationalenéerlando-britannique, géant

de l'agro-alimentaire, un accordde partenariat global « visant à

unir les forces dans la luttecontre la faim avec un accent

particulier sur l'appui aux petitsagriculteurs » et à l'agriculture

familiale.

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ÉcobrèvesSignal d’alarme

Le Groupe d’experts internatio-nal sur l’évolution du climat(Giec) tire – une nouvelle fois –le signal d’alarme. Selon son nou-veau rapport, publié début avril,la hausse des émissions mon-diales de gaz à effet de serre(GES) est de 2,2% par an depuis2000, alors qu’elle était de 1,3%de 1973 à 2000… Les consé-quences ont déjà souvent étédécrites: hausse du niveau desocéans, pénurie d’eau et de nour-riture due à la sécheresse danscertaines régions (Afrique, Asie),pour ne citer que ces exemples.Ce sont les populations les plusfragiles qui subiront les plusfortes conséquences. Pour lesscientifiques, il faut une vraierévolution économique: tripler,voire plus, les investissementsdans les énergies renouvelables,associé à une capture et au stoc-kage du CO2, notamment par lareforestation.La lutte contre le réchauffement«réclame une coopération inter-nationale sans précédent »,insiste le Giec. Cette injonctionl’emportera-t-elle sur les intérêtsimmédiats, nationaux et privés?

Le Sénat adopte la loi d’avenir

Le 15 avril, le Sénat a adoptéen première lecture la loi d’ave-nir agricole, par 175 voix pouret 125 contre (UMP), les cen-tristes s’abstenant. Près de 850propositions d’amendementsont été débattues. Elles vontglobalement dans le sens d’unelibéralisation qui satisfait laFnsea, ce qui n’est pas rassu-rant… Ainsi l’ouverture vers lesOGM démange de plus en pluscertains parlementaires àgauche. Le texte reviendra versl’Assemblée nationale enseconde lecture, à une date nonarrêtée. Pour y perdre encorequelques plumes?

Bio, moins viteAlors que la demande est forte,les conversions annuelles en biose réduisent fortement. Ainsien Pays-de-Loire, en 2013,3500 hectares ont basculé enbio, alors qu’on en comptabili-sait 15000 hectares en 2010.Même constat à l’échelon natio-nal : en 2010, 4158 agriculteurset 169000 hectares étaient pas-sés au bio; ils n’étaient plus que1 290 agriculteurs pour57800 hectares en 2012, selonl’Agence bio. La banalisation dubio, avec l’entrée en force desgrandes surfaces sur le créneau,aurait-elle un effet dissuasif, demême que certaines publica-tions décrédibilisant ce mode deproduction?

Actualité

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / 7

tière, halieutique, pastorale ou aqua-cole qui, sous la gestion d’unefamille, repose essentiellement surde la main-d’œuvre familiale, aussibien les hommes que les femmes ».C’est un terme relativement« neutre » qui ne dit rien sur la taille,sur la structure de la propriété, surles pratiques culturales…

L’ambiguïté du termeAinsi il existe des agricultures

familiales sous contrat, dépendanttotalement d’une entreprise agro-alimentaire, voire d’une multina-tionale. C’est le cas pour l’élevage,ou pour des productions tropi-cales comme le café ou le cacao parexemple. Les producteurs n’ontaucune autonomie dans leur tra-vail. C’est la firme qui les fourniten intrants, pose ses conditionsde production et rachète, sousconditions, les produits. Il peut yavoir de très grandes exploitationsindustrialisées gérées par unefamille, ou une agriculture fami-liale qui ne produit que pour l’ex-portation et peu de culturesvivrières. C’est une catégoriefourre-tout qui permet aux « déve-loppeurs » de suggérer une néces-saire « modernisation », ce quesuggère la liste des « facteurs clés »précédemment cités.

Deux exemples viennent confir-mer l’ambiguïté du terme. La Com-mission européenne a organisé fin2013 une conférence sur l’agri-culture familiale. Dans la séanced’ouverture il n’y avait aucun repré-sentant de l’agriculture familiale,mais des fonctionnaires européenset un cadre supérieur d’Unilever(2)

qui a expliqué ce qu’il attendait decette campagne. Autre exemple,donné par la revue « Nourrir lemonde, soigner la planète » publiéepar le Forum rural mondial et leProgramme régional Fida Merco-sur (3) à l’occasion de cette Annéeinternationale : dans le premiernuméro, Álvaro Ramos, coordina-teur régional de ce programme,explique que l’agriculture familialen’est pas synonyme de pauvretérurale, « c’est une catégorie vaste ethétérogène qui comprend les fermierspauvres, mais aussi des producteursqui ont une très forte capacité de tra-

vail, d’innovation, d’investissementet de management de leur système deproduction et qui sont très liés aumarché ». Selon lui, pour luttercontre la pauvreté rurale, il fautque les politiques publiques contri-buent à « renforcer les capacités,encouragent les partenariats privés deproduction, stimulent les associationset l’émergence de technologie appro-priées qui apportent de la valeur ajou-tée au produit et facilitent leur com-mercialisation ». On est dans leregistre habituel du développe-ment et de la modernisation agri-cole, loin de l’agriculture paysanne.

Celle-ci a repris des couleurs et dela consistance depuis que des mou-vements paysans comme la Viacampesina en ont fait leur fer delance. C’est sans doute pour cela queles promoteurs de cette Année inter-nationale ont préféré mettre envaleur l’agriculture familiale. L’agri-culture paysanne est revendiquéepar ceux qui se battent contre lestraités de libre-échange qui détrui-sent le travail des paysans, contreles OGM, contre les accaparementsde terre qui enlèvent leur outil devie à des milliers de gens, contre desexperts qui prétendent dicter des

manières de produire et contri-buent à la destruction de la pla-nète. Ce sont toutes ces luttes quisont passées sous silence par cetteAnnée internationale de l’agricul-ture familiale. On pourrait parlerd’une forme de « stérilisation » desconflits politiques qui se nouentautour de l’agriculture paysanne. LaVia campesina a décidé néanmoinsde participer à cette Année inter-nationale pour profiter d’un espacede débats. Espérons que sa voixsera entendue. n

Silvia Pérez-Vitoria, économiste

et sociologue, publication aux éditions

Actes Sud, de deux ouvrages de

référence : « Les paysans sont de

retour » (2005) et « La Riposte des

paysans » (2010). Article paru

également dans L’Écologiste n° 42,

printemps 2014

(1) 2014 est aussi l’Année internationale de lacristallographie, des petits États insulaires endéveloppement et de la solidarité avec lepeuple palestinien.(2) Unilever est une des plus grandes multina-tionales de l’agro-alimentaire.(3) Le Mercosur, est un marché commun quiréunit actuellement l’Argentine, le Brésil,l’Uruguay et le Venezuela (le Paraguay est sus-pendu). C’est la troisième zone économiquede libre-échange après l’Union européenne etl’Alena (qui réunit les États-Unis, le Canada etle Mexique).

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ÉcobrèvesBeulin

et les petits paysansÀ l’occasion du débat sur la loid’avenir au Sénat, Xavier Beu-lin a été interviewé par AgraPresse. Sur la loi, il se réjouit desavancées sur la dimension éco-nomique. Sur sa double cas-quette de président de la Fnseaet de Sofiprotéol, il est « trèsà l’aise », Sofiprotéol étant unoutil au service des agricul-teurs, c’est bien connu…À la question: «La Fnsea affirmevouloir garder des paysans surtout le territoire tout en favori-sant une restructuration (…), ona du mal à comprendre », ilrépond (extrait): «Si vous regar-dez les chiffres de la filière conso-lidée, depuis les années soixante-dix, la Ferme France (!) n’a pasperdu d’emplois». Puis, plus loin:«On veut dans tous les secteursavoir plus de PME solides, et dansl’agriculture on voudrait garderle petit paysan avec son béret surla tête et sa baguette sous lebras? C’est affligeant!» On peutaussi dire : c’est méprisant !

Le Gaucho pas nocif!Les juges de la République ontune curieuse façon d’appréhen-der les questions agricoles. Aprèsle non-lieu sur la vache folle (cf.p.5), non-lieu également sur leseffets de l’insecticide Gaucho,prononcé le 1er avril. Treize ansaprès les premières plaintes, lejuge n’a rien trouvé concernantla destruction du cheptel api-cole: « La communauté scienti-fique n’a pas démontré l’exis-tence d’un lien de causalité ».L’Union nationale des apicul-teurs de France (Unaf) a annoncéqu’elle faisait appel.En France, le Gaucho est inter-dit sur Tournesol depuis 1999,et sur maïs depuis 2004. LaCommission européenne en aégalement interdit l’usagedepuis décembre 2013 sur 75cultures, dont colza, maïs ettournesol. Ce non-lieu va relan-cer l’offensive des céréaliershostiles à l’interdiction.

Baisse des aides Pac En 2014, les aides directes Pac(DPU) baissent en moyenne de9 %. 3 % sont dus à la baisse del’enveloppe globale européenne,puis 3 % sont liés au renforce-ment de certaines productionsen difficultés ou handicaps, etenfin 3 % sont affectés au déve-loppement rural (second pilier).De sorte que pour certains béné-ficiaires moins favorisés jusque-là, la dotation 2014 sera en amé-lioration. Tout en respectant unécart respectable avec les DPUprivilégiés…

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8 \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

Envie de paysansUne campagne s’achève, une autre commence !La campagne « Envie depaysans » achève une annéed’initiatives tous azimuts. Unenouvelle campagne débute.

La campagne « Envie de pay-sans ! » touche à sa fin. Ce futun an riche d’événements,

de créativité et de dynamiquespour soutenir l’action (et lesactions) syndicale(s) de la Confé-dération paysanne et diffuserauprès d’un large public le projetvéhiculé par l’agriculture pay-sanne.

Ferme à Paris en mai-juin 2013,projections de films, conférences-débats, animations dans les lycéesagricoles, fêtes paysannes, col-loques, campagnes sur le web etles réseaux sociaux, expos photo,infographies, “pains perdus” pay-sans, vidéos, portraits paysans,fermes ouvertes, carte des maga-sins de producteurs : il y en a eupour tous les goûts un peu par-tout en France.

Une riche année de campagnepour communiquer sur la Poli-tique agricole européenne (Pac),l’agriculture et l’alimentation. Unespace de rapprochement des pay-sans et des consommateurs, desruraux et des urbains, des expertset des moins initiés, des élus poli-tiques et des citoyens.

En un an, ce sont plus de 15000personnes qui se sont inscritesaux « brèves de campagne » (1), etqui suivent ainsi régulièrementl’actualité de la Confédération pay-sanne, des dizaines de milliers depersonnes qui ont participé auxdifférents événements, 400 000qui sont passés sur le site Inter-net ou qui ont été touchées par lesréseaux sociaux, environ 60000qui ont visionné les vidéos pro-duites cette année, plusieurs mil-lions touchées indirectement parles médias…

Et… ce n’est que le début ! Eneffet, La Confédération paysannevient de se voir accorder de nou-veaux financements pour enclen-cher la suite de cette campagne !À échelle européenne qui plusest ! C’est donc reparti pour untour. Au programme: banquets etpique-niques paysans, participa-tion à trois grands festivals demusique – Solidays (Paris, 27-29 juin), Main Square (Arras,3-6 juillet) et Rock en Seine(Paris, 22-24 août) – colloques,

événements, films-conférences-interventions dans les écoles etfermes en ville dans cinq payseuropéens (Espagne, Portugal,Italie, France, Belgique), vidéos,infographies…

L’idée générale sera de conti-nuer à sensibiliser de nouveauxpublics autour des enjeux socié-taux impactés par les politiquesagricoles, avec en particulier laPac réformée. Les axes princi-paux de cette campagne seront lamise en avant de l’agriculturepaysanne et familiale dans uncadre plus général de relocalisa-tion de l’agriculture. Elle sera pré-sentée comme la seule alternativepertinente au libéralisme mon-dialisé, cause majeure de l’in-dustrialisation de l’agriculture etde la destruction des campagnes.Phénomène qu’il sera aisé demettre en lumière au travers desnégociations du projet d’accordde libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne(Tafta) et de l’action syndicalequi s’y opposera !

C’est donc reparti pour un an decampagne ! n

Pierre-Alain Prévost,

chargé de campagne

(1) fil d’information du site Internet enviede-paysans.fr

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Et… ce n’est que le début!

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Loi d’avenir agricole« Pas contrebandiers, paysans ! »

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Les GDS reconnusLes groupements de défensesanitaire (GDS) et la Fédéra-tion nationale de lutte contreles organismes nuisibles (Fre-don) sont reconnus, par arrêtédu 31 mars, comme orga-nismes à vocation sanitaire(OVS). Ils deviennent danschaque région les interlocu-teurs uniques de l’État enmatière de veille sanitaire.Coop de France et les sec-tions porcine et avicole de laFnsea voulaient assurer sousleur coupe et par filière lesuivi de leurs cheptels. Ilsdénoncent l’arrêté et mena-cent de ne pas participer aufinancement des instancesconcernées. Une mainmise…et des ressources qui échap-pent à la Fnsea et complices.

Parole(s)Le Conseil supérieur de l’au-diovisuel (CSA) a décidé (Jour-nal officiel du 2 avril) de don-ner un temps de parole – égal– à la TV et à la radio à la Confé-dération paysanne et à la Coor-dination rurale. Le temps deparole de la Fnsea est deux foisplus élevé, ce qui ne l’empêchepas de dénoncer une décision« purement politique ». Selonelle, les émissions d’« expres-sions publiques » sont réser-vées aux organisations repré-sentatives des salariés et desemployeurs, « or Confédéra-tion paysanne et Coordinationrurale ne sont pas représenta-tives des employeurs ». N’yaurait-il que des employeurs àla Fnsea ?

Amendes de la Commission

européenneLa France est particulièrementépinglée par la Commissioneuropéenne pour sa gestiondes paiements directs de laPac. Selon certaines informa-tions, c’est un montant glo-bal de 1,2 à 1,3 milliard d’eu-ros que Bruxelles veutrécupérer auprès de la France.Le chiffre est vivementcontesté par le ministère del’Agriculture qui remet encause, et le fondement juri-dique, et le chiffrage de lacorrection financière. Pourl’heure, la France doit déjàrembourser 238,9 millions,pour « attribution indue »d’aide à la surface. Erreur dessatellites espions ou des agri-culteurs ?

Jo Bourgeais

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / 9

Tel était le mot d’ordre d’uneaction symbolique, organisée àLyon le 4 avril pour interpellerles sénateurs à la veille de leurdébat sur le projet de loid’avenir agricole et forestière(LAAF).

Plus de soixante paysans sontrassemblés ce 4 avril à Lyon,des chaînes aux pieds, pour

rappeler aux législateurs que lespaysans veulent pouvoir continuerà exercer leur métier sans qu’onles considère comme des contre-bandiers ! Cinq bagnards remet-tent symboliquement à la Directionrégionale des douanes des produitspotentiellement considérés commedes contrefaçons: un pain au levainfermier, des fromages fermiers, unvin vinifié avec des levures indi-gènes, un purin d’ortie et dessemences paysannes. « Tous ces pro-duits sont susceptibles de contenir desinformations brevetées, et donc d’êtresaisis et détruits par les douanes, selonla loi sur les contrefaçons publiée auJournal Officiel en février 2014 »explique Guy Kastler, responsablede la commission semences de laConfédération paysanne. Maispeut-on mettre au même niveau un

faux polo Lacoste et un vin produità partir de levures que le vignerona lui même reproduit dans soncuvage?

Pour Vincent Rouzé, secrétairegénéral de la Confédération pay-sanne du Rhône, le constat estclair : « Aujourd’hui, 50 % dessemences en France sont dessemences de ferme, et 80 % à l’échellemondiale. Vous comprenez bien l’in-tention des multinationales qui secachent derrière la loi. S’ils peuventobtenir que l’utilisation d’une semencede ferme ou paysanne soit considé-rée comme une contrefaçon, c’est100 % de la production qui est souscontrôle et qui est payable », ana-lyse-t-il avant de conclure : « Si onveut nous faire payer la reproductiondu vivant, nous sommes des contre-bandiers et fiers de l’être. »

Qu’en dit le Sénat ?Dix jours plus tard, après qua-

rante heures de débat, le Sénatadopte le projet de loi d’avenir(LAAF) sans améliorer le fragiledéséquilibre construit précédem-ment par les députés: les semencesde ferme ne pourront pas être sai-sies pour contrefaçon, mais la loiCOV (1) qui interdit les mêmes

semences de ferme ou les soumetau paiement de royalties (pour 21espèces dérogatoires : la plupartdes céréales, oléagineux et espècesfourragères, les pommes de terre)est toujours là. La protection dubrevet ne s’applique pas en cas de« présence fortuite » d’une infor-mation génétique brevetée (conta-mination génétique) dans dessemences, mais elle s’applique tou-jours en cas de reproduction à laferme de ces semences, ou en casde « présence fortuite » dans unanimal ou des préparations natu-relles (levains, levures…).

Par contre, la Confédération pay-sanne avait obtenu des députés enjanvier le droit d’échanger libre-ment dans le cadre de l’entraidepaysanne des semences n’appar-tenant pas à une variété protégéepar un COV : les sénateurs ontréservé cette possibilité aux seulsmembres des GIEE, groupementsd’intérêt économique et environ-nemental nouvellement créés parla loi. Guy Kastler explique: « Pouréchanger des semences, il faudra donccréer un GIEE qui devra être agréépar le préfet de région à l’issue d’unesélection et sur proposition d’une com-mission régionale où la professionagricole sera majoritairement repré-sentée par des vendeurs de semencescommerciales et de pesticides (coopé-ratives et syndicat majoritaire). Cene sont donc que quelques dizainesde paysans qui pourront bénéficier decette nouveauté ! » Les sénateursn’ont également rien modifié en cequi concerne les préparations natu-relles non préoccupantes (PNPP)qui restent de fait interdites par desprocédures d’homologation dis-proportionnées (obligation d’au-torisation de mise sur le marché),au profit des produits de « bio-contrôle » brevetés. Le projet deloi peut et doit donc encore évo-luer d’ici l’été. n

Samuel Richard,

animateur de la Conf’ 69

(1) Loi sur les certificats d’obtention végétale(COV), votée le 8 décembre 2011.

Le 4 avril à Lyon, la Confédération paysanne manifestait derrière ses militants habillésen bagnards : régulièrement, des projets législatifs ou réglementaires les menacent dedevenir contrefacteurs s’ils utilisent leurs propres semences, levures, ferments ouautres préparations naturelles. Le but : les obliger à acheter ces produits certifiés etvendus par les filiales des grandes firmes pharmaceutiques ou agro-industrielles.

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Actualité

Où en est le débat politique à la Confé-dération paysanne sur la méthani-sation ? Qui veut s’y immiscer a

intérêt à connaître son manuel de biochi-mie sur le bout des doigts. Car argumentstechniques divers et variés s’infirment et/ouse confirment, sans qu’on puisse réellementen voir le bout. La méthanisation est pour-tant déjà bien lancée en France, et l’ambi-tion politique de l’accélérer n’est plus unsecret: le ministre de l’Agriculture, StéphaneLe Foll, tient à son plan « Énergie Métha-nisation Autonomie Azote » qui prévoit« 1000 méthaniseurs à la ferme en 2020 ».

Or selon les territoires, les productions,les acteurs, les réalités des projets sontextrêmement différentes. Ainsi émergent desdivergences de points de vue sur la gestionde l’azote, la capacité à produire de l’éner-gie, ou encore le risque sur l’apport en car-bone des sols.

Tous ces aspects sont évidemment trèsimportants pour comprendre les enjeuxagronomiques et environnementaux d’unetelle technologie, mais leur compréhen-sion va de pair avec l’analyse du cadre poli-tique, économique et social dans lequelelle s’inscrit (ou va très vite s’inscrire…).Et à observer de près ou de loin l’agitationqui règne autour de la méthanisation (indus-triels, pouvoirs publics, bureaux d’étude,agriculteurs…), on peut prédire sans dif-

ficulté que son développement, sous uneforme ou sous une autre, ira bien plus viteque le détricotage et l’aboutissement desconfrontations techniques.

Prenons ainsi l’exemple des agrocarbu-rants. Présentés à leurs débuts comme uneréponse de substitution aux énergies fos-siles, vite ont été démontrés leurs méfaitset démontés les espoirs du début sur leursbienfaits environnementaux. Aujourd’hui,il n’y a (presque) plus personne pourremettre en cause leur impact négatif surla souveraineté alimentaire, les droits despaysans et des populations ou leur effet sur

le phénomène d’accaparement des terres.Si les débats techniques continuent encoredans la petite sphère des industriels et desdécideurs, ils servent surtout aux acteursde la filière pour remettre en cause et empê-cher les avancées politiques minimes surla question. À l’heure actuelle, comme pourbien d’autres domaines, les agrocarburantsindustriels ont pris le dessus et l’huile végé-tale pure (HVP), sur laquelle la Confédé-ration paysanne a porté un regard positifcomme outil d’autonomie sur les fermes,est ultra-minoritaire en France.

Il en va de même pour la méthanisation :comme il n’est plus à nier que des projetsde petite méthanisation à la ferme ou desprojets collectifs conçus intelligemmentont leur intérêt, il est indéniable que le

développement de la méthanisation enFrance fait porter un risque à l’agriculturepaysanne : l’exemple du projet la ferme des1 000 vaches, dans la Somme, en est lesymbole (cf. CS n° 288).

En parallèle des débats techniques, il y aurgence pour la Confédération paysanne àempêcher que le processus de développe-ment de la méthanisation remette en causeson projet politique. C’est cette priorité quia été actée par le comité national du syn-dicat en mars 2014, autour de quatre grandsprincipes :

1 – que soit défini à l’échelle régionale,avec tous les acteurs, un plan global deméthanisation prenant en compte le com-plément en carbone à partir de la seuledisponibilité en déchets ;

2 – que les fonds publics destinés à sou-tenir l’agriculture ne permettent pas desubventionner les projets de méthanisa-tion ;

3 – que l’utilisation de cultures dédiéeset intermédiaires soit interdite pour toutprojet (1) ;

4 – que la gouvernance des projets deméthanisation soit clairement prédéfinieet durablement assurée par des agricul-teurs et/ou des collectivités, de façon àgarantir la sécurité des utilisateurs dedigestat (2).

La Confédération paysanne revendique lamise en place d’un moratoire sur la métha-nisation tant que les quatre points précé-dents ne sont pas encadrés, et demande lasuspension de tous les projets intégrantl’utilisation de cultures dédiées ou inter-médiaires dans leurs procédés.

En empêchant le développement d’uneméthanisation industrielle destructrice, onpeut alors imaginer que les ambassadeursde l’agriculture paysanne auront touteplace pour développer une méthanisationpaysanne au service d’un projet agricoleet d’une transition énergétique intelli-gents. n

Suzie Guichard, animatrice nationale

(1) Cultures destinées à alimenter directement le méthani-seur. Le cas du maïs est le plus emblématique : en Alle-magne, on estime qu’en 2012, 820 000 hectares (sur2,5 millions) étaient dédiés à la production d’agro-énergie,en grande partie du méthane (source : Paysan breton).(2) Le digestat (à ne pas confondre avec le compost) est undes deux résidus, au même titre que le gaz, issu du proces-sus de méthanisation de la matière organique. Il s’agit d’unrésidu solide ou liquide pâteux composé d’éléments orga-niques non dégradés et de minéraux.

Méthanisation Ne pas y aller plein gaz !La Confédération paysanne pose quatre grands principes pour encadrer la production de méthane à la ferme et demande unmoratoire sur les projets en cours, le temps que la réflexion soit menée et ce cadrage acté.

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Dérive allemande : unité de méthanisation de Penkun, près de la frontière avec la Pologne, 20 hectares,1 000 tonnes de maïs par jour et 12 000 hectares cultivés nécessaires (source : Amis de la Terre)

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Actualité

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / 11

Le 15 avril , les députés ont voté une loivisant à interdire « la mise en culturedes variétés de maïs génétiquementmodifié sur le territoire national ».Victoire éphémère ou durable ? Seulesnos mobilisations feront pencher labalance dans un sens ou dans l'autre.

La loi votée le 15 avril à l’Assembléenationale interdit de semer le seulOGM aujourd’hui autorisé à la culture,

le maïs de Monsanto MON 810. Mais leSénat doit encore la voter : elle ne sera doncapplicable qu’après la fin des semis de maïs.

Pour cette année, l’interdiction des cul-tures transgéniques repose sur un arrêté du14 mars, contesté par l’AGPM (1) devant leConseil d’État qui doit se prononcer enurgence : le fera-t-il avant ou après la findes semis ? Et la Commission européennea déjà annoncé sa volonté d’autoriserd’autres cultures d’OGM dès 2015 : faudra-t-il une nouvelle loi pour chaque nouvelleespèce autorisée ?

Ensuite, cette loi n’interdit pas les impor-tations d’OGM que nous mangeons tous lesjours transformés en œufs, viandes et autresproduits laitiers. Elle n’interdit pas nonplus les nouveaux OGM cachés et breve-tés qui envahissent nos champs : tourne-sol, maïs et colza rendus tolérant aux her-bicides (VrTH, cf. CS n° 294)… N’étant pasétiquetés, ces produits passent inaperçusauprès des consommateurs qui n’en veu-lent pas.

Cette loi est aussi contraire au droit euro-péen actuel. Pour comprendre sa portée,il faut revenir à la loi OGM du 25 juin2008 qui transcrit ainsi un article de ladirective européenne 2001/18 (2) : « Lesorganismes génétiquement modifiés nepeuvent être cultivés, commercialisés ou uti-lisés que dans le respect de l’environnementet de la santé publique, des structures agri-

coles, des écosystèmes locaux et des filièresde production et commerciales qualifiées“sans organismes génétiquement modi-fiés” ». Cet article oblige de fait l’État àinterdire toute culture de maïs OGM ris-quant de contaminer les maïs populationet les ruches « sans OGM » qu’on peuttrouver dans toutes les zones où le maïs estcultivé.

Mais pour la seule défense des apiculteurset de quelques agriculteurs bio, aucungouvernement n’ose affronter le lobby dumaïs industriel qui veut des OGM. Lesministres tentent de se réfugier derrière laréglementation européenne. Problème : les« mesures d’urgence » à ce niveau exigentla validation par une étude publiée dansune revue scientifique officielle de l’exis-tence d’un risque grave pour la santé oul’environnement.

Au bon vouloir des firmesOr une telle étude ne peut pas être réa-

lisée ni publiée sans l’accord du titulairedu brevet de l’OGM, seul détenteur dessemences de base indispensables à sa réa-lisation. Le sort de Gilles-Eric Séralini quia contourné cette obligation (3) est instruc-tif : Monsanto ne le lui a pas reproché depeur de dévoiler au grand jour ce verroulégal à toute contestation scientifique desOGM ; suite à une vaste campagne decalomnies, la firme s’est contentée d’in-troduire un de ses anciens salariés chezl’éditeur de l’étude qui l’a alors retirée…

Les gouvernements ont pourtant un autremoyen d’interdire les OGM: faire appliquerleur demande du 5 décembre 2008 de ren-forcer leur évaluation en tenant comptedes impacts sur les systèmes agraires. Mais

la Commission européenne ne fait rienpour appliquer cette recommandation duConseil de l’environnement. Au contraire,elle veut simplifier et accélérer les procé-dures d’autorisation européennes. Enéchange, elle propose aux États de réviserla directive 2001/18 pour les autoriser àinterdire la culture de certains OGM sur leurterritoire, ce qui « légaliserait » la loi fran-çaise visant les maïs transgéniques. Mais ilsne pourront le faire qu’avec l’accord del’entreprise qui produit l’OGM ou sur la based’arguments acceptés par l’Organisationmondiale du commerce.

Si l’Europe a pu résister aux sanctions del’OMC, c’est parce qu’elle n’a pas interditque la production de viande aux hormones,mais aussi son importation. Mais aucunpays ne pourra résister à la pression de sesagriculteurs victimes à la fois de telles sanc-tions et de distorsion de concurrence faceà la libre circulation des OGM venant desautres pays autorisant leur culture.

Deux mesures très urgentes attendent lanouvelle ministre de l’Écologie, SégolèneRoyal : refuser ce marché de dupe et inter-dire les colza VrTH avant les semis d’août.Il ne nous reste que quelques mois pour laconvaincre. n

Guy Kastler,

commission OGM

de la Confédération paysanne

(1) Association générale des producteurs de maïs (Fnsea).(2) L’article 26 bis qui dit que « Les États membres peuventprendre les mesures nécessaires pour éviter la présenceaccidentelle d’OGM dans d’autres produits ».(3) Les travaux conduits par l’équipe du biologiste Gilles-Eric Séralini, publiés par la revue Food and chemical tech-nology le 19/9/2012, montrent que la consommationrégulière de maïs NK603 de Monsanto a une incidencegrande pour la santé (cf. CS n° 277).

OGM Une interdiction fragile et à portée limitée

OGM « cachés » au grand jourLe 9 avril, trois faucheurs volontaires compa-raissaient devant la cour d’appel d’Orléans pouravoir, aux côtés de 119 autres militants ayantrevendiqué les faits, neutralisé une parcelle expé-rimentale de tournesols mutés, produits par lesfirmes Pioneer et Caussade, en juillet 2010 dansla région de Tours. Ces plantes sont exclues duchamp d’application de la directive européennesur les OGM, mais les faucheurs – et la Confé-dération paysanne – jugent ces deux techniquesaussi dangereuses l’une que l’autre. La cour d’ap-pel d’Orléans rendra son arrêt le 24 juin.

Les trois faucheurs volontaires poursuivis devant le palais de justice d’Orléans le 9 avril, Fabien Houyez,Bruno Stree et André Puygrenier, paysan retraité et confédéré en Charente.

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Le Parlement et le Conseil européendélèguent la rédaction des aspects

techniques des lois à la Commission,donnant à cette dernière plus de

pouvoir, sans contrôle démocratique.

Le 11 novembre dernier, une semaineavant le vote définitif de la nouvellePolitique agricole commune (Pac) par

le Parlement européen, 23 État membres(dont la France) troublaient l’ambiancefeutrée des couloirs de Bruxelles. En cause :les « actes délégués » de la nouvelle Pac.De quoi s’agit-il ? Depuis 2009 et l’entréeen vigueur du traité de Lisbonne, la pro-cédure veut que le Conseil (réunissant les28 chefs d’État ou de gouvernement) et leParlement adoptent conjointement toutenouvelle loi européenne, retranscrite en« actes législatifs ». Les deux instances peu-vent ensuite déléguer à l’organe exécutif del’Union, la Commission européenne, larédaction d’actes délégués qui complètentou modifient « certains éléments non essen-tiels » d’un acte législatif. Le but ? Épargneraux 766 députés et aux membres du Conseilla rédaction des aspects les plus techniquesdes lois votées. Ne bénéficiant quasimentpas d’administration technique, le Parle-ment confie donc aux hauts fonctionnairesde la Commission la rédaction des textesde mise en œuvre de toute nouvelle légis-lation.

ContradictionsDans la note adressée par les 23 États

membres à la Commission, ceux-ci dénon-cent le fait que certains actes délégués dela nouvelle Pac entraîneraient une appli-cation de la législation en totale contra-diction avec les orientations politiques dela réforme. Pour exemple, et alors mêmeque la Pac se veut plus « verte » et pluséquitable, les aides actuelles à l’agriculturebiologique pourraient être diminuées deprès d’un tiers si l’on se conforme à l’actedélégué correspondant. De même, lesaides à l’installation des jeunes en agri-culture pourraient diminuer suite à lamise en place de critères très restrictifs pourceux qui s’installent sous une forme socié-taire.

Si le Parlement peut s’opposer par la suiteà un acte délégué, selon Daniel Guéguen,professeur au Collège d’Europe, « les délais

très courts pour exprimer un veto (deux mois),l’obligation de réunir une majorité absolue, latechnicité des dossiers et le nombre très res-treint de députés compétents pour cette pro-cédure (…) rendent le “droit de veto” du Par-lement virtuel sauf pour quelques cas sensiblesou mobilisateurs » (1).

Transfert de pouvoirEntre-temps, en janvier dernier, le Sénat

a commandé un rapport d’informationsur « la place des actes délégués dans lalégislation européenne ». Les auteurs yexpriment « une préoccupation sur ce quia de plus en plus tendance à apparaîtrecomme un transfert de pouvoir, insidieuxet mal contrôlé, à la Commission euro-péenne » (2). Ils soulignent que de récentesrésolutions renvoient trop souvent à desactes délégués, faisant de chaque actelégislatif « une coquille vide », remplie parles services techniques de la Commission.Quant à la nouvelle Pac, « la Commissiona manifestement outrepassé son pouvoir

et sa compétence déléguée ». Pour ledéputé européen José Bové, « les servicestechniques de la Commission, qui adhèrent àune idéologie libérale, sont entrés ici en conflitavec ce qui a été décidé démocratiquement ».Les hauts fonctionnaires de la Commis-sion n’auraient ainsi pas adhéré à la timidevolonté de mettre en œuvre une Pac plusredistributrice et plus verte, détricotant ensous-main des accords politiques fruitsde trois ans de négociation. « C’est un pro-blème de fond du fonctionnement démocra-tique européen, ajoute José Bové. On donnevia ces actes délégués du pouvoir à l’admi-nistration de l’exécutif européen mais sansaucune transparence, ni contrôle démocra-tique. » n

Mickaël Correia,

article issu du n° 433 (février 2014)

de Transrural initiatives

(1) www.alienoreu.com/docs/Les actes dlgus.pdf Europolitics, 8 février 2012.(2) www.senat.fr/rap/r13-322/r13-3221.pdf

Europe / PacQuand le technique l’emporte sur le politique

Actualité

12 \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

Le traité de Lisbonne a donné à la Commission, via les actes délégués, le pouvoir de rédiger les textes demise en œuvre de toute nouvelle législation. « Sans aucune transparence, ni contrôle démocratique », selonJosé Bové.

Feu vert du Parlement européen aux actes délégués de la réforme de la PacLe 7 avril, la Commission de l’agriculture du Parlement européen a donné son feu vert à l’adop-tion des actes délégués de la réforme de la Pac. Les résolutions d’objection qui avaient étédéposées ont toutes été rejetées. Lors de la dernière session, du 14 au 17 avril, le Parlementn’a pas voté d’objection. Pour que les actes délégués soient rejetés, il aurait fallu qu’une majo-rité absolue des 766 députés européens vote en ce sens.

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L’Europe Un chantier à reprendreÀquelques jours du renouvellement du Parlement euro-

péen, votre mensuel veut apporter sa contribution audébat électoral. Les peurs, les désespérances ne peuvent

être les balises guidant nos choix dans l’isoloir, car ceux qui nousont précédés dans notre mouvance syndicale ont porté sur lesfonds baptismaux les valeurs des premières coopératives et desgaec. Les pères fondateurs de la Communauté économique euro-péenne, Jean Monet et Robert Schumann, ont relayé dans un espacemacroéconomique, ce désir du vivre ensemble, tournant la pageà plusieurs siècles de règlement des différents par les armes.

La solidarité financière, la protection du marché européen, l’or-ganisation des productions vont être terrassés trente ans plus tard.L’abandon du contrôle des changes, la libre circulation des capi-taux, l’influence de Milton Friedman (prix Nobel d’économie)consacrant «la main invisible du marché» et les contraintes del’organisation mondiale du commerce (dont l’UE a été actrice dansles règles du jeu) vont voir s’évanouir toutes ambitions poli-tiques, au profit des nouveaux maîtres du monde.

À la Confédération paysanne, nous avons toujours affirmé quele commerce est acceptable quand il s’opère entre pays à niveaude développement comparable, sans dumping fiscal et social, etsans paradis fiscaux. Un commerce inégal est devenu destruc-teur et un moyen de chantage des transnationales pour défaireles acquis sociaux et syndicaux. Les courants populistes, xéno-phobes, nationalistes reprennent du service, surfant sur la crise,la dénonciation du bouc émissaire.

Nos propres élus politiques – du moins trop d’entre eux –se dédouanent à bon compte de leur médiocrité. Lesexclusions multiples, les scandales alimentaires, lessuspicions quant aux conséquences sur la santé,et la spéculation sur les prix agricoles contrai-

gnent une population plus nombreuse à sortir de la torpeurconsumériste.

Quatre grands acteurs et témoins apportent leur contributionà ces pages : Gérard Choplin qui a accompagné trente années desyndicalisme pour une autre agriculture, Geneviève Savigny,actuelle représentante à la Coordination européenne Via cam-pesina, Aurélie Trouvé et Frédéric Lemaire, deux économistesmilitants d’Attac.

Berlin vient de connaître (en février) une mobi-lisation de 30000 personnes réclamant uneautre agriculture et l’arrêt des négocia-tions de libre-échange avec les États-Unis, montrant le chemin à suivrepour les peuples. Ainsi va lebalancier de l’histoire. Noussommes de moins en moinsseuls. L’avenir de l’UE estforcément entre nosmains. n

Christian Boisgontier

Dossier

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / I

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Si le navire Europe est aussi peu attrac-tif, c’est peut-être que sa destinationn’est pas claire, ou que la destination

affichée ne correspond pas à la réalité.L’Union européenne est née sur les cendres

de deux guerres mondiales qui ont ravagéle continent, coupé ensuite en deux par la« guerre froide » entre le bloc atlantiqueet le bloc soviétique.

Le premier moteur de la construction euro-péenne a donc été stratégique : faire la paixentre la France et l’Allemagne et faire faceà l’empire soviétique, dont les chars et lesfusées étaient à 500 kilomètres de Stras-bourg. La première initiative a été celle dela Communauté européenne de défense,refusée en 1954 par le Parlement français.On s’est donc rabattu sur l’économique : lecharbon, l’acier puis l’agriculture, que l’ona mis en commun, pour imbriquer de plusen plus les économies des six pays fonda-teurs (1).

Le deuxième moteur, à partir de 1985, aété le lancement du marché unique en1988, réalisé en 1993. Ce qui avait été faitpour l’agriculture, on le faisait maintenantpour toute l’économie. L’économiqueconduirait ensuite au politique, vers unevraie Union européenne.

C’était sans compter sur l’histoire, quin’avance jamais de façon linéaire.

La démolition du Mur de Berlin en 1989,puis la chute de l’empire soviétique, ontsurpris les Européens et cassé le premiermoteur, stratégique. L’ennemi d’en faceavait disparu.

Cette victoire sans guerre du bloc atlan-tique a accéléré la mise en œuvre des poli-tiques néolibérales impulsées depuis peupar les États-Unis de Reagan et le Royaume-Uni de Thatcher. Ils n’avaient plus peur queleur politique jette les Européens dans lesbras de Moscou. Le néolibéralisme a alorsdominé la scène à partir des années quatre-vingt-dix et deux mille, brisant le deuxièmemoteur: le marché unique européen s’est dis-sous dans la mondialisation, les frontièreséconomiques ont quasi disparu. La cour dejeu de Unilever, GDF-Suez, Shell, Danone,etc… ce n’est pas l’Europe, c’est le monde.

Et le navire va, sans que l’on ait remplacéles moteurs, au risque de s’échouer au pre-mier récif. L’erreur majeure des dirigeantseuropéens à partir des années quatre-vingt-dix est de n’avoir pas initié un débat sur lenouveau sens à donner à l’Union euro-péenne (UE) après la chute du Mur, quipuisse mobiliser les citoyens, et d’avoir laisséles grandes firmes, de plus en plus multi-nationales désormais, écrire les règles à laplace des politiques et confisquer l’Europe.

Dès les années quatre-vingt, le club de la« Table Ronde Européenne » (2) des indus-triels a plus que « conseillé » la Commis-sion et n’aura de cesse que les propositionsde la Commission ressemblent étrange-ment aux leurs : plus de marché, moins d’É-tat, et pas d’harmonisation fiscale ou sociale,ni de transparence du lobbying.

Le lancement de la négociation transat-lantique illustre parfaitement la mainmise dubusiness sur la définition des politiques et desaccords commerciaux. L’Union européenneest devenue la sienne, et les citoyens s’endétournent. D’autant plus que les gouver-nements et parlementaires nationaux conti-nuent trop souvent d’accuser « Bruxelles »quand ils ne veulent pas assumer les déci-sions prises avec leurs collègues européens.

Pour que l’Union européenne deviennenôtre, il nous faut l’occuper, nous la réap-proprier. Car elle reste encore un levier (3),où des politiques solidaires et durables sontpossibles, loin de réactions anti-européennessimplistes.

Le 25 mai et tous les jours suivants, occu-pons l’Europe. n

Gérard Choplin,

formateur, rédacteur, consultant sur les questions

agricoles, ancien chargé de politique agricole

à la Coordination européenne Via Campesina

(1) Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas.(2) Voir le film « The Brussels business »- version F :www.youtube.com/watch?v=NbXcPpM86Tk(3) Voir « Hold-up à Bruxelles » – José Bové & GillesLuneau, p 235 – La Découverte, février 2014, 17 euros.

Décryptage Se réapproprier une Europe confisquéeAlors qu’une partie croissante de la législation s’écrit au niveau européen, que les ministres et députés européens la co-décident, l’élection du 25 mai doit marquer plus que jamais l’intérêt des citoyens. Ils ont entre leurs mains un levier où despolitiques solidaires sont encore possibles.

Dossier

Manifestation à Montpellier, en mars 2014, contre le projet d’accord de libre échange entre l’Union européenneet les États-Unis : le lancement de la négociation transatlantique illustre la mainmise du business sur la défi-nition des politiques et des accords commerciaux. L’UE est devenue la sienne, et les citoyens s’en détournent.

Dans ce livre, à travers des cas concrets vécus au quo-tidien, José Bové livre la réalité des couloirs de Bruxelleset braque le projecteur sur les connivences dont béné-ficient, au plus haut niveau de l’organigramme admi-nistratif, les lobbyistes de l’industrie (voir CS n° 293).

II \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

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Au lieu de réduire la valeur de l’europour redonner de la compétitivité auxentreprises européennes, l’Unioneuropéenne laisse ses États membrescreuser les déficits budgétaires et faireappel à des emprunts colossaux.

50milliards d’euros pour le pactede compétitivité viennentd’être attribués aux entre-

prises, mais le silence est le plus total surles différentiels monétaires entre les grandesmonnaies (euro, dollar, yuan) régissant leséchanges internationaux.

Notre monnaie, utilisée dans 18 Étatsmembres de l’Union européenne, est rééva-luée à 1,37 dollar – contre 1 dollar à sacréation en 1999 –, renchérissant de plusde 30 % tous nos produits quittant la zoneeuro. Petit avantage quand même, notremonnaie adoucit le prix de la facture éner-gétique (pétrole et gaz) et de nos impor-tations contraintes de soja.

La Banque centrale européenne, gardiennede l’orthodoxie budgétaire, refuse d’utiliserles leviers qui réduiraient la valeur de l’euro,comme savent le faire les USA et les Chi-nois. Historiquement pourtant, le leviermajeur pour redonner un avantage com-pétitif et se protéger des pays à monnaiesfaibles était la dévaluation.

Un outil historique :la dévaluation

Notre pays ne s’en est pas privé : sous leFront populaire (dévaluation de 60 % dufranc Poincarré) ; sous de Gaulle (20 % dedévaluation en juin 1958, au lendemain del’investiture, et 17,55 % en décembre, dès

l’annonce du plan de stabilisation « Pinay-Rueff ») ; sous la IVe République (60 % en1945, 45 % en 1948, 22 % en 1949).

Mais l’outil n’est pas propre à la France :les dévaluations des autres pays (la lire ita-lienne, la peseta espagnole et l’escudo por-tugais) vont impacter lourdement la viti-culture, les fruits et légumes, l’industrie dutextile et de la chaussure tricolore.

Pour mettre un peu d’ordre dans la mai-son, la CEE (Communauté économiqueeuropéenne) invente en 1972 le « serpentmonétaire », contraignant les monnaies àne pas s’écarter d’un « tunnel de parités ».Mais la trop forte réévaluation du mark faitnaître une énième mesure, le franc vert etles « montants compensatoires moné-taires » (MCM) contre lesquels notre orga-nisation syndicale s’est mobilisée. À causede ces MCM, nos produits à l’export devaientacquitter des pénalités pour ne pas désa-vantager les pays à monnaie forte (Alle-magne et Pays-Bas). Inversement, leurs pro-duits bénéficiaient de ces MCM pour seretrouver compétitifs sur nos marchés.

La création de l’euro apparaît comme l’ou-til qui va mettre fin aux désordres moné-taires, avec en contrepartie la contrainte des« critères de Maastricht », définis en 1992,pour faire converger les économies de la zoneeuro. Mais depuis, cette monnaie oppose leseuropéistes et les souverainistes, car elleprive les décideurs politiques de chaqueÉtat membres du levier monétaire. Le défi-cit budgétaire et le recours colossal à l’em-prunt vont devenir l’outil de la pseudo-compétitivité pour tous les pays.

La France emprunte chaque jour 200 mil-lions d’euros (le prix d’un airbus), soit 70 mil-

liards par an pour équilibrer son budget. Ladette cumulée va atteindre 2 000 milliardsau cours de l’année 2014. Tous les pays dela zone euro sont lourdement endettés, etseules les balances commerciales (excé-dentaires ou déficitaires) révèlent les mieuxou moins bien portants.

Parallèlement, la situation particulière dela France, championne du monde del’épargne des particuliers avec un montantsupérieur à la dette du pays, traduit l’inef-ficience dans la collecte de l’impôt.

La dette et la charge de la dette – au cœurde la justification de la rigueur, de la luttecontre le coût du travail, et en contrepar-tie du ralentissement économique –, vont-elles conduire nos pays dans une impasse ?Là encore, l’histoire nous rappelle qu’en1929, l’Allemagne est en cessation de paie-ment, qu’en 1932 la dette française atteint150 % du PIB (90 % aujourd’hui), et qu’en1934, ces deux pays n’ont pas assumé leurdette à l’égard des États-Unis.

Plus récemment, en août 1982, le Mexiqueet une trentaine de pays latino-américainset africains se sont déclarés en faillite. En1998, la Russie a fait effacer 35 % de sa detteet l’Argentine, en défaut de paiement, aobtenu un effacement de 55 % de sa dette.

Reste l’inflation puisque les économistesaffirment qu’une inflation à 6 % pendantcinq ans réduirait la dette de 20 %, mais cesont les classes sociales les moins favoriséesqui seraient en première ligne. Reste encorele protectionnisme européen à l’image dece que viennent de décider plusieurs paysd’Amérique du Sud pour lutter contre lesmonnaies « démesurément dépréciées » quesont le dollar et le yuan.

À quand un débatcitoyen sur toutes cesquestions pour recons-truire une souverainetéeuropéenne ? n

Christian Boisgontier

Dossier

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / III

L’euro et la compétitivité

Dix-huit pays de l’Unioneuropéenne, représentantprès de 324 millionsd’habitants, font partie de lazone euro depuis l’arrivée dela Lettonie le 1er janvier2014. C’est aussi la monnaiede micro Etats européens :Andorre, Saint-Marin,Monaco et Vatican et, defait, la monnaie encirculation au Kosovo etMonténégro, pourtant non-membres de l’UE.

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Une des premières visions en débar-quant à l’aéroport de Bruxelles estl’immense panneau lumineux van-

tant les bienfaits de Syngenta pour les petitsproducteurs du Sud, où les enfants, libérésdes corvées du désherbage, peuvent aller àl ‘école. À la gare du Midi, si l’on arrive parle train, ce sont les nombreux mendiants,femmes, enfants, zonards, musiciens roms,tous humains marginalisés par un systèmenéolibéral qui s’impose en Europe. Le quar-tier des institutions européennes est à partde cette ville, au demeurant très sympa-thique.

Depuis le début de mon mandat au comitéde la Coordination européenne Via campe-sina en 2009, j’ai pu mesurer la difficultépour nos petites structures de se battreface à des institutions fabriquées pour lesgros joueurs.

Le dossier de la Pac post 2014 a sansdoute été le plus prenant de ces dernièresannées.

Les négociations pour la réforme ont com-mencé dès la mise en place de la Commis-sion Barroso 2, le président restant le même.ECVC a répondu rapidement à la consulta-tion publique des « parties prenantes »,consultation informatique très large menéepar la Commission au printemps 2010, quiaboutit en juillet à la première déclarationpolitique de Dacian Ciolos, commissaire àl’Agriculture, lors d’une grande conférenceoù l’on parle positivement des petites fermeset de valoriser toutes les agricultures en

Europe. C’est un signe réel d’ouverture, enrupture avec les positions très entrepre-neuriales de l’ancienne commissaire,Marianne Fischer Boel.

En novembre 2010, la Commission euro-péenne publie un document présentant lesobjectifs et trois scénarios pour la Politiqueagricole commune de l’Union européennepour la période 2014-2020. ECVC, avec ses

partenaires du réseau « FoodSovCap (1) »,tout en appréciant les objectifs, proposeune option fondée sur la souveraineté ali-mentaire, avec des outils de régulation desmarchés pour obtenir des prix justes, enlieu et place du présent cadre libéral.

Notre option a peu de chance d’aboutir,mais c’est un positionnement fondamen-tal pour nos organisations membres, quenous défendons devant les députés du Par-lement européen qui, de leur côté, tra-vaillent à la rédaction d’un document surleur positionnement quant à la future Pac.

En novembre 2011, le Commissaire à l’agri-culture présente les propositions législa-tives : la structure de la Pac reste assez sem-blable, avec les prix de marché et lessubventions à l’hectare. À l’objectif poli-tique d’assurer la sécurité alimentaire répon-dent les mesures pour « assurer la compé-titivité ». Mauvais départ! Le développementrural, auparavant structuré en trois axesaura six objectifs prioritaires. Étonnant : bienque participant depuis plusieurs mois auxgroupes consultatifs sur le développementrural, je n’ai jamais eu l’occasion de discu-

L’Europe paysanneSemer des graines de politiques alternativesGrâce à un travail sans relâche de rencontres de parlementaires, de rédaction d’amendements pour construire une politiqueagricole légitime, durable et solidaire, la Coordination européenne Via campesina (ECVC) donne une voix aux petits et moyenspaysans. Aperçu sur cinq années passées au sein d’ECVC par Geneviève Savigny, y représentant la Confédération paysanne

IV \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

Dossier

ECVC, une force d’actionLa Coordination européenne Via campesina a été créée le 26 juin 2009 à partir des organi-sations paysannes regroupées jusque-là dans la CPE (Coordination paysanne européenne).Elle est composée de 26 organisations provenant de 17 pays, rassemblant plus de 100 000membres. L’objectif essentiel de la Coordination est de renforcer le mouvement paysan euro-péen pour faire changer la politique agricole en défendant le droit de souveraineté alimen-taire. Avec des valeurs comme :• la solidarité, à la place de la concurrence,• la justice sociale,• l’égalité des droits entre hommes et femmes,• l’utilisation durable des ressources naturelles,• la santé des producteurs et des consommateurs,• la diversité régionale des produits et des agricultures.Sa reconnaissance au niveau européen, son appartenance au mouvement international de laVia campesina, et ses alliés dans la société civile lui donnent de réelles possibilités d’action.www.eurovia.org

Arrivée de la Good Food March à Bruxelles, le 19 septembre 2012. La marche, partie le 25 août, portait àBruxelles les revendications de 80 organisations citoyennes – dont la Coordination européenne Via cam-pesina – sur la réforme de la Pac.

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ter de cette proposition dans ces lieux derencontre entre la Commission et les par-ties prenantes. Il reste ce mystère de savoir« où ça se passe », où naissent les propo-sitions structurantes dont je verrai plus tardqu’elles changent peu une fois écrites.

S’ensuit un long parcours du texte légis-latif, qui passe de la Commission euro-péenne au Parlement européen – qui depuisle traité de Lisbonne codécide sur les sujetsagricoles – et le Conseil européen agricole,qui réunit une fois par mois les 28 ministresde l’agriculture. Le texte est divisé en quatrepropositions de règlements portés au niveauparlementaire par plusieurs rapporteurs qu’ils’agira de rencontrer, de même que les dif-férents groupes politiques.

À plusieurs reprises, nous proposerons desamendements à la Comagri (commissionagricole du Parlement dont José Bové estvice-président) afin de gagner des amélio-rations pour les structures les plus modesteset l’agriculture paysanne. Plafonnement desaides directes à 100 000 euros – la Confé-dération paysanne demande 45 000 et laCommission 300 000 –, meilleure prise encompte des petites fermes : nous tentonsde nous concentrer sur des points clés dutexte et mobilisons toute notre énergiepour rencontrer les différents protagonisteset rédiger des propositions.

Le texte est finalement adopté fin 2013,laissant une grande marge de manœuvre auxÉtats, mais aussi à la Commission euro-péenne dans le cadre des « actes délé-gués » (voir p 12), « détails » pas toujours

techniques, que la Commission propose enbloc, après l’accord politique à prendre ouà laisser par le Parlement européen et leConseil agricole.

Tous les détails comptent, toutes lesmesures peuvent, sous l’effet d’amende-ments défavorables ou de rédactions sub-tiles, se tourner en outils d’exclusion ou aucontraire apporter quelques bénéfices. Lesuivi de tous les textes (il n’y a pas que laPac qui concerne les paysans) demande untravail considérable, et nous avons peu demoyens matériels et humains face aux lob-bies agroalimentaires et aux représentantsmajoritaires de l’agriculture d’entreprise(dont la Fnsea est affiliée), le Copa-Cogeca,qui a tout fait pour que rien ne change dansl’injustice historique de la politique agricolecommunautaire.

Les alliances sont essentielles, tant pourrenforcer les capacités d’analyse que pouraccroître l’impact des mobilisations. Desliens bâtis depuis plusieurs décennies, desmobilisations comme la Good Food Marchà l’automne 2012, ont permis d’avoir plus

de visibilité et plus d’impact auprès desdéputés notamment.

Les institutions bruxelloises ne sont pasles seules où défendre la cause paysanne.ECVC est également actif au sein de la Viacampesina, à Rome auprès de la FAO, au seindu Comité de sécurité alimentaire, ou àGenève au Conseil international des droitsde l’homme. Mais Bruxelles reste le centreoù se prend l’essentiel des décisions quiconditionnent notre existence européenne.Cela mérite d’y consacrer plus d’effort etde constance. Car cette vertu est essen-tielle dans un milieu complexe, envahi delobbyistes aux intérêts contraires et auxmoyens incomparables.

Il reste que nous sommes reconnus commeinterlocuteurs pour représenter les paysanset que la Coordination européenne Via cam-pesina donne une voix aux petits-moyensproducteurs dont il est de plus en plus dif-ficile d’ignorer l’existence en Europe.

Nous semons des graines, des graines dedoute sur les bienfaits des politiques sui-vies, des graines de politiques alternatives.Il faudra encore des mobilisations, dansles régions comme au cœur des institutions,et dans l’immédiat, voter avec vigueurpour porter au Parlement des député-e-spartageant nos valeurs, et parvenir à mois-sonner. n

Geneviève Savigny,

coordination européenne Via campesina

(1)European movement for food sovereignty and anothercommon agricultural policy.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / V

Assemblée générale de la Coordination européenne Via campesina (ECVC) à Evenstad (Norvège), les 3 et 4 mars 2014. Publication de « la Déclaration d’Evens-tad » sur les sept mesures pour renforcer l’agriculture familiale paysanne : www.eurovia.org

Des mobilisationscomme la Good FoodMarch permettentd’avoir plus de visibilitéet plus d’impact auprèsdes députés.

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Marina est bulgare, présidente deYouth. movement for développe-ment of rural area in Bulgarie.

Cette organisation, créée en 2007, est unedes plus actives de Bulgarie par son tra-vail avec les jeunes sur la politique, l’en-vironnement et l’éducation populaire. Elleest affiliée au Mijarc (Mouvement inter-national de la jeunesse agricole et ruralecatholique), représenté à cette assembléegénérale d’ECVC par son président : OlivierDugrain.

« Je fais parti de l’équipe européenne duMijarc depuis trois ans. Différentes théma-tiques y sont abordées : l’agriculture et laruralité, la participation des jeunes à l’édu-cation, la religion et la spiritualité. Avec cesobjectifs :

• coordonner et se tenir informé des mou-vements du réseau ;

• faire du lobby politique : rencontrer etinterpeller des gens, notamment sur lesmigrations ;

• s’entendre sur une position communeentre tous les membres du mouvement, enparticulier l’année dernière nous avons réflé-chi sur « comment les jeunes sont moteursdes changements en politique ».

Nous arrivons à nous faire entendre et àêtre reconnus en adhérant au Forum euro-péen pour la jeunesse.

Nous nous intéressons particulièrementaux problématiques vécues dans les pays del’Est, migrations et accaparement de terres.Dans ces pays, l’image du paysan est mau-vaise, il faut travailler là-dessus, en orga-nisant des échanges, des partages entrepaysans.

Le Mijarc a été à la création d’ECVC. Celien continue à nourrir notre réflexion,notamment sur l’agroécologie, la souve-raineté alimentaire, sans compter larichesse des partages au sein de ce réseaude paysans. On a envie d’y apporter unedynamique jeune et d’éducation popu-laire. » n JC

Voilà 23 ans que Federico, argentind’origine, a décidé de poser sesguêtres en Espagne. Très rapidement,

il poursuit le chemin des luttes aux côtés duSoc (Syndicat des ouvriers de la campagneandalouse).

Il participe à une communauté agricole deGrenade, accompagne les journaliers immi-grés d’Alméria dans le rétablissement de leursdroits, porte le travail sur la souveraineté ali-mentaire du syndicat, soutien les nombreusesluttes foncières de son organisation.

Le Soc, créé à la sortie de la dictature fran-quiste pour protéger les ouvriers des nom-

breuses latifundia, s’intéresse également àla situation des travailleurs migrants. ÀAlméria, des immigrés sont devenus res-ponsables syndicaux, et la lutte pour lesdroits du travail et sociaux (alimentation,logement…) s’est élargie aux problèmes desdroits administratifs (droits des étrangers,carte de séjour…).

Mais l’action du syndicat, c’est aussi le par-tage et le droit d’usage de la terre pour lesjournaliers. Après l’expérience de Marinaleda(1200 hectares autogérés par les travailleurs),les luttes foncières s’intensifient : Las Tur-quillas, la Rueda, Somonte, Alméria…

Celles et ceux qui construisent notre Europe au quotidienTémoignages de paysans rencontrés lors de l’assemblée générale des 3 et 4 mars de la Coordination européenne Via campesina (ECVC)à Evenstad (Norvège). Interviewés par Judith Carmona et Romain Balandier, membres de la Confédération paysanne(1).

VI \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

Dossier

Federico Pachecho : les luttes des travailleursrejoignent celles des petits paysans

Andoni est éleveur laitier dans le PaysBasque. Membre du syndicat basqueespagnol EHNE, il siège également

au comité exécutif de la COAG, l’importantsyndicat espagnol des agriculteurs et des éle-veurs, pour lequel il est en partie « libéré »(de la ferme).

Si la COAG travaille également avec leCopa-Cogeca (syndicalisme agricole euro-péen dont est membre la Fnsea), Andonidéfend sans réserve l’appartenance de sonsyndicat à la Coordination européenne Viacampesina. Pour lui, il faut « dénoncer sanslimite le modèle libéral. L’alternative, c’estla souveraineté alimentaire ! » A ceux quipourraient douter de cet engagement, ilsuffit de rappeler la position ferme de laCOAG contre les cultures d’OGM alors queson pays reste de loin le plus grand pro-ducteur d’OGM d’Europe.

Ce n’est pas la première assemblée géné-rale d’ECVC à laquelle Andoni participe. C’estpour lui l’opportunité d’analyser les diffé-rentes situations que vivent les paysans etles paysannes. « Il s’agit d’additionner lesefforts de millions d’Européens à ceux de laVia campesina, et de s’attaquer à toutes lesinstitutions qui détruisent les agricultures pay-sannes. Avec nos alliés de lutte, nous devonsêtre garants de l’emploi, de la qualité des ali-ments, de la biodiversité. » n RB

Andoni Garcia :« additionnernos efforts »

Marina Grigorova : inciter une dynamique jeuneet d’éducation populaire

Olivier et Marina

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Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / VII

Dossier

Jyoti est paysanne dans le Dorset (Sud-Ouest de l’Angleterre). Elle élève2 vaches, 50 brebis, des cochons, des

poules et produit des fruits et des légumes.Elle fabrique du fromage et vend de laviande. La transformation est assurée dansune coopérative de 52 producteurs et lavente par un magasin ambulant. Elle estprésidente de Land worker’s alliance.

« Notre organisation syndicale existe depuisdeux ans, créée par des militants issus demouvements écologistes, œuvrant pour lasouveraineté alimentaire. Adhérer à la Coor-dination européenne Via campesina était unbon moyen pour avoir un impact sur la poli-

tique agricole et mettre en place une alter-native à la voie dominante.

Le syndicat majoritaire au Royaume-Unipromeut une agriculture industrielle qui nousécrase. Certains parlementaires font la pro-motion de l’intensification durable et desOGM, disent que les fermes moyennes sontbonnes pour le musée… Le chemin à suivre,prétend ce syndicat, est celui des systèmeslaitiers intensifs, avec des fermes gigan-tesques où la traite est robotisée.

Les grandes exploitations sont favorisées parla politique européenne, et ses aides liéesau nombre d’hectares. La terre devient unobjet de spéculation pour les plus riches : ils

l’achètent, la louent et accaparent la sub-vention.

Une politique désastreuse, mais nous avonsespoir de construire autre chose, notam-ment par notre lien avec la Coordinationeuropéenne Via campesina. » n JC

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / VII

Henrik Maaß: jeune, mais déjà militantindéboulonnable

Merete Furuberg : « nos choixpolitiques en phase avec la Viacampesina »Étudiant en master agriculture

biologique et fils d’un couple depaysans du centre de l’Alle-

magne, Henrik milite depuis quatreans au sein du « groupe jeune » d’ABL(syndicat allemand des petits agricul-teurs, environ 2 000 membres). Sonprojet : s’installer… et militer !

À l’entendre, Henrik est pleinementen phase avec les actions de son syn-dicat. Il y a d’abord les luttes contrel’appropriation des semences parl’agro-industrie : des actions de sensi-bilisation jusqu’à la Cour européennede justice, la détermination est demise. ABL est également engagé sur laPac, les OGM, le projet d’accord de libreéchange UE-USA, le dossier lait, l’en-seignement agricole, l’autonomie desfermes…

Mais la force de l’organisation agri-cole, ce sont ses alliés : une large coali-tion d’acteurs sociaux, d’écologistes,

d’élus et autres acteurs du territoire quidonne un élan aux mobilisations.

Henrik explique qu’« ils ne peuventpas faire confiance à un seul parti poli-tique, il faut agir de même manière surchacun ». Il partage la crainte grandis-sante de ses concitoyens d’une dérivedroitière du Parlement européen.

Le lien entre ABL et ECVC connaît unrenouveau avec l’engagement desjeunes et leur intérêt porté autour deséchanges européens sur l’agroécolo-gie. Pour Henrik, ECVC est essentielpour peser au niveau des institutionseuropéennes sur les discussions sur laPac ou la souveraineté alimentaire.

À l’évidence, le « groupe jeune »d’ECVC, dont est membre Henrik,témoigne de la formidable résistanceau développement de l’agricultureindustrielle et de la transmission desvaleurs de l’agriculture paysanne enEurope. n RB

Depuis trois ans, Merete Furuberg est présidentede Norwegian Farmers and Smallholders Union,membre d’ECVC. Propriétaire forestière, elle

élève des moutons pour la laine et la viande, des chèvresmohair et des lapins angora. Comme de nombreuxpaysans norvégiens, elle connaît de gros problèmesavec les prédateurs (loups, ours, lynx…) : la totalité deson cheptel a été décimée il y a deux ans.

« Notre syndicat comporte environ 7 000 à 8 000membres.

Nous consacrons beaucoup d’efforts à l’augmentationdes adhésions, nous faisons du bon travail et je crois ennos choix politiques en phase avec la Via campesina : pro-duire de la nourriture saine, prendre soin des animauxet des plantes.

La manne pétrolière en Norvège induit des salaires etdes coûts de production très élevés.

Alors que notre pays produit de tout, la politiqueactuelle est d’importer de la nourriture pour avoir unealimentation de moins en moins chère… » n JC

(1) Judith Carmona, paysanne dans les Pyrénées-Orientales, secrétairenationale, et Romain Balandier, paysan dans les Vosges, membre du Comiténational de la Confédération paysanne.

Oliver et Jyoti Rodker(Land workers alliance)

Jyoti Fernandez : l’espoir de bâtir une autre politique

Federico défend le projet de loiagraire portée par son organisation :« La terre est un bien public, qui doitrester en dehors du commerce et dela spéculation pour être confiée àdes coopératives de travailleurs etpour des pratiques agricoles respec-tueuses de l’agroécologie, la biodi-versité et la souveraineté alimen-taire. »

Quant à ECVC, ce doit être le lieud’une alliance forte entre les tra-vailleurs et les petits paysans en faveurde la transformation sociale ! n RB

Merete Furuberg

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Les successives réformes de la Pac ontvidé de sa substance l’envie communede faire une Europe unie au service de

paysans nombreux. Réformes aprèsréformes, nous assistons à la renationali-sation des politiques communes. L’évolutiongéopolitique du nombre de pays membresde l’Union a changé la donne. Effective-ment, on ne négocie pas de la même façonla Pac à 16 pays ou à 28. Entre les nouveauxentrants et les « historiques », les attentesne sont visiblement pas les mêmes, lesbesoins non plus.

N’a-t-on pas perdu le fil de la construc-tion européenne au fur et à mesure desréformes ?

Fait-on aujourd’hui des politiques au ser-vice de l’intérêt de chaque État et de seslobbies, au service de l’industrie agroali-

mentaire, de la finance? Émergent-elles durapport de force politique entre chaque Étatmembre ?

Nous, à la Confédération paysanne, nousrevendiquons des politiques au service despaysans, des humains ! Tout simplement.

Les budgets monumentaux alloués à la Pacse doivent de répondre aux attentes descitoyens, de prendre en compte la santé

publique, de préserver l’environnement. Etaussi d’assurer un revenu correct aux pay-sans afin qu’ils puissent être nombreux àanimer et faire vivre les territoires.

À la veille des élections européennes, à laveille de nouveaux mandats qui verront leseurodéputés préparer la future Pac de 2020(et oui, déjà) et se prononcer sur les accordsde libre-échange (ALE) en cours de négo-ciation, alors il est temps de nous projeterà notre tour.

Sans régulation et protection des mar-chés, rendues impossibles avec les accordsde libre-échange, il ne peut y avoir de véri-table politique agricole européenne. Parailleurs, cette politique ne pourra être légi-time et juste qu’avec une remise en causedes aides à la surface et un plafonnementdes soutiens.

Ces revendications historiques de la Confé-dération paysanne doivent être enfin misesen place. Les eurodéputés veulent-ils main-tenir une agriculture paysanne, qui seratoujours incompatible avec les ALE ? L’ar-gent de la Pac doit-il continuer à servir lesappétits sans fin de quelques agrimana-gers, ou alors être plus justement reparti àl’ensemble des paysans ?

De même, nous attendons une fortevolonté de l’Union européenne pour la miseen œuvre d’une véritable politique au ser-vice des territoires.

Si rien ne change, le tableau de l’Europeagricole dans quelques années va être tristeà pleurer.

Comment peut-on imaginer faire une poli-tique agricole en massacrant les emploispaysans, en détruisant des vies humainesdes travailleurs de la terre ?

Comment peut-on supporter leseffroyables injustices de cette Europe au ser-vice du capitalisme acharné ?

Comment peut-on encore envisager l’ave-nir en envoyant sur les routes européennesdes paysans migrants ou émigrants versd’autres contrées que les leurs ?

Va-t-on enfin prendre la problématiquesous un angle global ?

Il est temps, il est plus que temps… maispas trop tard !

Que veut-on au juste? Oui, que veut-on?On veut, forcément, des paysans heureux,des paysans nombreux, qui produisent desaliments de qualité, de bons produits aussi.On revendique que notre environnementsoit préservé, soit respecté, tout comme lasanté de nos concitoyens.

Nous militons donc pour un changementde cap, un changement de Pac. Une Pac quiamorce enfin l’indispensable transition agri-cole vers des pratiques plus respectueusesdes hommes, des sols, de la nature et ducadre de vie.

Alors, il est temps. Il est temps que les élusécoutent et entendent la demande desconcitoyens, respectent la volonté despeuples pour une agriculture qui emploie,préserve et produise… slogan ancien de laConfédération paysanne, mais plus quejamais d’actualité !

Nous croyons à la force démocratique.Nous avons confiance en nos institutions,à condition que les élus que nous manda-tons pour nous représenter et exercer ennotre nom l’exercice du pouvoir soientdignes de notre confiance…

Alors, chiche, on va y arriver : une Europeau service des femmes et des hommes quila composent. On prend date et on enrecause ? n

Laurent Pinatel, paysan dans la Loire

et porte-parole de la Confédération paysanne

PerspectivesPolitiques agricoles européennes : stop ou encore ?L’Europe : joli projet, formidable ambition. Certes, mais qu’attendons-nous réellement de l’Europe, nous, paysans ?

VIII \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

Dossier

Nombreux sont les paysans qui militent pour un changement de cap, un changement de Pac. Ils veulentune agriculture qui emploie, préserve et produise… slogan ancien de la Confédération paysanne, plus quejamais d’actualité !

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En 2014, les élections européennes sedérouleront sur fond de crise sociale etéconomique sans précédent en Europe

et dans un contexte de défiance généraliséeà l’égard des institutions européennes.

Cette défiance se traduit par d’intensesdébats dans les mouvements sociaux : faut-il « en finir avec l’Europe »? Faut-il rompreavec l’euro? Désobéir aux institutions euro-péennes tout en essayant de préserver l’in-tégration européenne? Les débats sont âpreset les divergences s’expriment sur les solu-tions à apporter à la crise ; par contre la cri-tique sans concession des institutions euro-péennes fait, elle, consensus.

Bien avant la crise consécutive à la crisefinancière de 2008, la Commission, le Par-lement et le Conseil, qui forment le « tri-angle institutionnel » européen, étaient déjàdécriés pour leur caractère non-démocratiqueet leur porosité aux intérêts privés.

Dans l’Union européenne, c’est la Com-mission, instance non élue et sous influencedes lobbies industriels, qui a le pouvoird’initiative législative, c’est-à-dire de proposerdes lois (directives ou règlements) dans sesdomaines de compétences dont le péri-mètre s’est étendu au fil des traités. Cespropositions sont amendées et adoptéespar le Conseil des ministres de l’Union euro-péenne (qui rassemble les ministres concer-nés des États membres), seul ou en codé-cision avec le Parlement européen, selon lesdomaines. Pour la Politique agricole com-mune, le Conseil des ministres et le Parle-ment co-décident, de par la signature dutraité de Lisbonne, en 2007.

Le Parlement européen, élu au suffrageuniversel depuis 1979 (à l’origine c’est uneassemblée consultative), peut donc inter-venir dans le processus législatif même s’ildispose de pouvoirs circonscrits. S’il a per-mis des victoires importantes, comme lerejet du traité anti-contrefaçon (ACTA) en2012, il fait lui aussi l’objet d’un lobbyingforcené de la part de l’industrie européenne.Il arrive que le Parlement se fasse le vec-teur des intérêts des industriels, comme cefut le cas lors de l’adoption de la directive

Reach sur l’enregistrement des pro-duits toxiques, dont la portée a étélargement réduite notamment par leParlement européen.

À ces institutions s’ajoute la Cour de jus-tice de l’UE, qui arbitre les conflits de pou-voir et juge de la conformité de la loi desÉtats à la législation européenne. Ses déci-sions sont obligatoires et exécutoires. Soninterprétation des traités peut être décisiveet ses arrêts ont marqué l’évolution du droiteuropéen, souvent en faveur de la libéra-lisation des économies et parfois au détri-ment des droits syndicaux.

La Banque centrale européenne (BCE)est, depuis le traité de Maastricht, respon-sable de la politique monétaire européennede manière indépendante des Étatsmembres et des gouvernements. Son seulmandat: lutter contre l’inflation. Elle est diri-gée par un directoire d’experts (souventd’anciens banquiers) sous la responsabilitédu Conseil des gouverneurs des banquescentrales des États membres.

Enfin, c’est le Conseil européen, qui ras-semble chefs d’État et de gouvernement, quiarrête les grandes décisions et orientationspolitiques pour l’Europe et détient, seul, lepouvoir d’engager le processus de modi-fier les traités.

Montée en puissanceSi la critique de ces institutions ne date

pas d’hier, la crise que traverse l’Europedepuis 2009 a contribué à lui donner unnouveau souffle. On a assisté en cinq ansseulement à leur montée en puissance, enparticulier de la Commission et de laBanque centrale européenne. Elle ne s’estpas accompagnée d’une démocratisation,au contraire, mais d’une mise sous tutellede la démocratie.

Celle-ci s’exprime dans les mécanismes decontrôle des budgets nationaux qui s’ac-compagnent de sanctions pour les gou-vernements qui ne mettraient pas en œuvredes politiques d’austérité et de compétiti-vité suffisamment drastiques. Cette « gou-vernance économique européenne » confère

par ailleurs à la Commission des pouvoirsde contrôle exorbitants.

Les parlements deviennent-ils de simpleschambres d’enregistrement? C’est déjà clai-rement le cas dans les pays surendettés pla-cés sous la tutelle de la Troïka (BCE, Com-mission et FMI). Ces trois instancesnon-élues imposent, au nom de la crise dela dette, des politiques désastreuses à despays comme la Grèce, le Portugal ou l’Ir-lande. Au sein du Conseil européen, l’illu-sion de la collégialité disparaît : les pays lesplus puissants imposent leurs vues aux plusfaibles.

La BCE, enfin, a acquis un pouvoir consi-dérable en ces temps de crise de l’euro.Outre sa participation à la mise sous tutellede plusieurs États de la zone euro, elle dis-pose à sa guise de la politique monétaire.D’un côté, elle châtie les États, jugés dépen-siers De l’autre, elle déverse sur les banquesdes flots intarissables de liquidités dontcelles-ci bénéficient sans conditions nicontreparties, quand bien même une par-tie de ces liquidités contribue à la spécu-lation sur les dettes souveraines… Mais laprévenance sans faille de la BCE à l’égardde la finance n’est pas tout à fait un hasard,puisque le président de la BCE, Mario Dra-ghi, est un ancien de la banque contro-versée Goldman Sachs.

Pour certains, on assiste à un changementde nature de la construction européenne avecla crise. Une sorte de mue autoritaire ettechnocratique qui n’a pour objectif quede maintenir un ordre économique sansavenir. Pour sortir de cette crise, faut-il sor-tir de l’Union européenne ou de l’euro, ouy désobéir pour les refonder? Une chose estsûre : aucun changement ne sera possiblesans une remise à plat radicale des institu-tions européennes actuelles. n

Une nécessaire remise à platdes institutions européennesLa crise que traverse l’Europe depuis 2009 a contribué à renforcer l’emprisedes institutions européennes. Cette montée en puissance ne s’est pourtantpas accompagnée d’une démocratisation de ces institutions ; au contraire,elle participe d’une véritable mise sous tutelle de la démocratie. Point de vuede deux économistes militants d’Attac, Frédéric Lemaire et Aurélie Trouvé,co-auteure de l’ouvrage « Que faire de l’Europe ? Désobéir ou reconstruire ».

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / 13

Point de vue

Le livre « Quefaire de l’Eu-rope ? Déso-béir pourreconstruire »est disponiblepour les comi-tés locaux etadhérent-e-sd’Attac. Prixunitaire public :14 euros –8 euros pourles commandesà partir de5 exemplaires(+ frais de port).Commande àenvoyer à :

[email protected]

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L’Allemagne, leader européendu secteur agroalimentaire, est de plusen plus critiquée pour le prix socialde sa réussite économique que payentdes milliers de travailleurs, venantsouvent de l’Est européen.

Appelons-la Silvia. Cette ancienneemployée moldave d’un abattoir dela région d’Oldenburg (Basse-Saxe)

préfère rester anonyme, de peur qu’on lareconnaisse : « On commençait le travail à4 heures du matin et on finissait normalementà 16 heures, mais il arrivait souvent qu’onreste jusqu’à 19 heures à cause d’un problèmematériel. Nous devions alors attendre la fin desréparations pour rattraper le temps perdu. Jepartais de chez moi de nuit et rentrais de nuit,je travaillais six jours par semaine, je faisaistout mécaniquement, c’était vraiment… del’esclavage. »

Effectuées à un rythme soutenu et defaçon répétitive, les manutentions sollici-tent à l’excès articulations et muscles. Lasanté de Silvia s’est peu à peu dégradée, jus-qu’au jour où elle ne fut plus capable detravailler : « Le matériel était tellement défec-tueux que la quasi-totalité des produits nousrevenait. Nous devions donc effectuer le doublede travail par jour, nous portions des chargesde viande très lourdes, parfois 20 kg, parfoisplus. Je faisais les choses automatiquement.Rapidement, tu ne ressens pas la douleur sur

le coup, les douleurs arrivent plus tard (…)C’est ainsi que je suis tombée malade. »

Une autre employée d’un grand abattoirconfie qu’elle n’avait pas pu se rendre chezle médecin alors qu’elle souffrait à la che-ville à la suite d’une mauvaise chute : « Jesuis tombée des escaliers et me suis tordu lacheville, j’ai demandé à mon chef d’équipe sije pouvais aller voir un médecin. Commeunique réponse, on est venu m’apporter unechaise pour que je continue à travailler… Celaa duré des heures… » La peur de perdre letravail, d’être renvoyé dans son pays, rendcette main-d’œuvre très docile : « Dès quel’on posait des questions sur le temps de tra-vail, c’était synonyme de problèmes. Parexemple, nous ne pouvions jamais connaîtrenotre emploi du temps à l’avance. Je ne savaisque la veille si je travaillais le lendemain oupas. Tous les soirs, nous allions voir si notrenom était inscrit sur le tableau. Si quelqu’unavait le malheur de protester ou de faire uncommentaire, tu pouvais être sûr que le len-demain ton nom n’était plus inscrit sur letableau et que tu pouvais rester chez toi. »

Les employés embauchés par les sous-traitants travaillent beaucoup plus que leurscollègues directement recrutés par l’abat-toir. Ils sont rarement payés pour toutes lesheures travaillées et se voient préleverdiverses sommes sur leurs salaires (com-mission, transport, logement…). Une autreouvrière raconte : « En Lettonie, j’ai vu uneannonce dans un journal pour aller travailleren Allemagne. J’ai dû payer mille euros à l’en-treprise sous-traitante. À l’abattoir, je tra-vaillais entre douze et quatorze heures parjour mais toutes les heures, surtout celles tra-vaillées de nuit, ne m’étaient pas payées. Nousvivions à quinze dans un appartement prévupour quatre, je devais payer 185 euros direc-tement au sous-traitant pour ce logement. Dèsque j’ai perdu mon travail, j’ai dû quitterimmédiatement l’appartement… »

Des contrôles ont lieu pour vérifier laconformité des logements, mais commenous l’explique Audra Brinkhus du réseauMida (1) : « Il y a des contrôles de la région,mais les entreprises sont prévenues une semaineen avance. Alors, bien sûr, qu’ils ne trouventjamais rien! Quand ils viennent, ils sont quatre,et dès leur départ, on retrouve vingt personnesdans l’appartement. »

Les quelques travailleurs saisonniers agri-coles rencontrés, bien que directement

embauchés par une entreprise de maraî-chage, n’ont pas une meilleure situation.Vasile (prénom fictif) a obtenu un contratde trois mois. Venu de Roumanie, il tra-vaille dans une entreprise avec laquelle ila signé un contrat de travail pour qua-rante heures par semaine payées 7,20 eurosbrut de l’heure. Pourtant, il n’est payé enmoyenne que 1,34 euro net de l’heure,car il est en fait rémunéré par caisse delégumes triés. « Il m’est impossible de tra-vailler plus rapidement car je n’ai aucuncontrôle sur la vitesse de passage des légumes.Les autres années, ça ne se passait pas commeça, on était payé à l’heure pour tous les tra-vaux. Je me suis déjà plaint auprès de la direc-tion mais ils m’ont répondu : si tu n’es pascontent, rentre chez toi ! »

Introduction d’un salaire minimum : le début de la fin du dumping social allemand ?

Souvent montrée du doigt suite à denombreux scandales, l’industrie de laviande allemande a conclu un accord surla mise en place progressive d’un salaireminimal. Il sera de 7,75 euros de l’heurebrut le 1er juillet 2014, pour atteindre8,75 euros en décembre 2016. L’initiativevoit le jour alors que le gouvernement aprévu d’introduire un salaire minimumgénéralisé de 8,50 euros brut de l’heure àpartir du 1er janvier 2015.

L’établissement d’un salaire minimumest une avancée, mais cette mesure n’estmalheureusement pas suffisante pour obte-nir l’amélioration des conditions de vie etde travail des travailleurs saisonniers. Celane réglera pas le problème des heures sup-plémentaires non payées, des prélève-ments exorbitants sur le salaire par lessous-traitants…

Nombre d’observateurs attentifs doutentde l’efficacité pour réduire la pauvreté etles inégalités de revenu en Allemagne. Lesmoyens de contournement (mini-jobs,économie souterraine…) sont nombreux.Selon certaines estimations comme cellesde l’institut socio-économique WSI(2), il serapossible de contourner cette mesure et decréer de nouveau un secteur à très bassalaire. Si le gouvernement cède aux pres-sions du patronat, des dérogations pour-raient ainsi être mises en place pour cer-

Allemagne« Si tu n’es pas content, rentre chez toi ! »

14 \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

Internationales

Les travailleurs détachésSelon la Commission européenne, un tra-vailleur est considéré comme « détaché »s’il travaille dans un État membre de l’UEparce que son employeur l’envoie provisoi-rement poursuivre ses fonctions dans cet Étatmembre. Cette catégorie ne comprend pasles travailleurs migrants qui se rendent dansun autre État membre pour y chercher unemploi et qui y travaillent.

Agriculture et migrantsDepuis fin février, Cindy Thommerel tra-vaille en Allemagne dans le cadre d’un par-tenariat entre la Confédération paysanneet l’association Échanges et Partenariats surla question des travailleurs agricoles sai-sonniers migrants. Une autre mission estmenée actuellement dans ce cadre aux Pays-Bas, dont nous rendrons compte dans un pro-chain numéro.

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tains employés comme les retraités, lesétudiants, les chômeurs longue durée, lessaisonniers, etc. Deux millions de tra-vailleurs pourraient donc ne pas profiterdu salaire minimum.

Beaucoup parlent également d’un sys-tème mafieux, comme nous l’explique l’avo-cat Johannes Brinkhus qui propose ses ser-vices aux travailleurs le samedi après-midià Cloppenburg : « D’après les témoignages,nous savons que certaines sociétés de presta-tions paient leurs employés en liquide. Lesemployés signent un reçu où n’apparaît pas lemontant versé. Des sommes monstrueuses sontainsi détournées. »

Mise en place d’une cellulede conseil mobilepour travailleurs « mobiles »

En réaction aux scandales relayés dans lapresse, les autorités régionales ont décidéde s’investir pour l’amélioration des condi-tions de travail et de vie des travailleursétrangers. Un service de conseil mobile aété mis en place en octobre 2013, financépar le ministère de l’Économie, du Travailet des Transports de Basse-Saxe. Il est sur-tout destiné aux travailleurs étrangersembauchés dans le cadre de contrats deprestations (travailleurs détachés), maiss’adresse également aux travailleurs agri-coles saisonniers.

Des cellules de conseil existent déjà auniveau national, à travers le programmeFaire Mobilität (six centres de conseil en Alle-magne), mais la particularité de ce centrede conseil est d’être mobile.

Daniella Reim, conseillère, se rend plu-sieurs fois par semaine, avec son minibus,auprès des travailleurs. Certains l’appel-

lent pour prendre rendez-vous, mais sontravail consiste également à distribuer destracts traduits en plusieurs langues sur lesparkings des abattoirs, afin d’informer lesemployés de l’existence de cette cellule deconseil. D’ici quelques semaines, elle serarejointe par un-e autre conseiller-e parlantle bulgare. « Ça nous permettra d’être plusefficaces sur le terrain et je me sentirai plusrassurée, car ce n’est pas toujours évident de

faire seule ce travail. On se ne sait jamais cequi peut arriver, sur qui on va tomber… Il nefaut pas oublier que nous avons affaire à desréseaux mafieux… » n

Cindy Thommerel,

(cf. encadré)

(1) « Réseau pour la dignité humaine au travail », regrou-pant 14 organisations régionales, allant du syndicat augroupe religieux.(2) Sous la tutelle de la fondation allemande Hans-Böckler : http://www.boeckler.de/pdf/p_wsi_disp_184.pdf

Internationales

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / 15

De gauche à droite : Matthias Brümmer, président du syndicat allemand de l’industrie alimentaire NGG pourla région d’Oldenburg, Cindy Thommerel (auteure de l’article), Christina Noll, étudiante à l’université d’Ol-denburg et Daniella Reim, conseillère au sein de la cellule de conseil mobile d’Arbeits & Leben.

Un abattoir à Mannheim, en Allemagne : 60 à 80 % de la main-d’œuvre des grands abattoirs allemands vient d’Europe de l’Est.

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Le 26 février 2001, le Parlement euro-péen approuve l’initiative « Tout saufles armes », une proposition de la

Commission accordant aux pays les pluspauvres un accès au marché de l’Unioneuropéenne libre de toutes taxes doua-nières ou de quotas. Des conditions parti-culières sont imposées pour le riz, la bananeet le sucre, dont la libéralisation sera pro-gressive. Les droits de douane et quotas surle sucre, en particulier, ne sont ainsi tota-lement éliminés qu’en 2009. En plus d’êtreexemptées de droits, les entreprises sucrièrespeuvent vendre leur production à un prixminimum garanti trois fois supérieur au prixdu marché.

Il n’en faut pas plus pour que les requinsdu commerce mondialisé se jettent sur leCambodge, au climat propice pour la cul-ture de la canne à sucre. Ils peuvent ainsiprofiter pleinement de l’initiative euro-péenne. Simple et efficace.

Bien sûr, ça ne se fait pas sans dégâtshumains, ni sans la complicité de l’État. En2001, un cadre législatif est établi en matièrefoncière par le gouvernement cambodgien.Mais les règles sont très mal respectées. Lepoint de la loi le plus détourné est la possi-bilité pour l’État de louer des terrains qui luiappartiennent via des concessions foncièreséconomiques (CFE) pour une période maxi-male de 99 ans. Le but de cette dispositionest de permettre aux populations d’acquérirles terres vacantes, maisl’État, corrompu,accorde ces concessionsmajoritairement à depotentats locaux etgroupes agro-indus-

triels, le plus souvent chinois ou thaïlandais,mais aussi britanniques ou américains. Résul-tat : des paysans qui cultivaient le riz sur cesterres, dans un pays dont la populationdépend encore largement de l’agriculturevivrière, sont expulsés pour faire place à degrandes exploitations, souvent sucrières.

En 2006, les exploitations de sucre decanne au Cambodge sont quasi inexistantes.Mais en 2012, plus de 100000 hectares deterres sont cédés par le gouvernement à desentreprises sucrières. La valeur des expor-tations de sucre bondit de 51000 dollarsen 2009 à près de 14 millions en 2011 (1).La quasi totalité de ces exportations est des-tinée à l’Union européenne.

Un rapport de force détestableDans les provinces de Koh Kong, Kam-

pong Speu et Oddar Meanchey, 75 000hectares de terres ont été accordés auxindustriels ces dernières années pour laproduction de sucre. 12000 personnes ontperdu leurs moyens de subsistance. Deuxvillages ont été entièrement détruits : « Ilsont tout brûlé… y compris le riz… », raconteYem Ry, témoin des exactions dans la pro-vince d’Oddar Meanchey.

Les paysans tentent quand même de résis-ter. Ainsi, plus de 200 d’entre eux pour-suivent en 2012 la compagnie Tate & Lyleen Grande-Bretagne, après que celle-ci lesa forcés à quitter leur terre et leur domicile.

Mais le rapport de force est détestable.Arrestations arbitraires, menaces, violencesdes forces de l’ordre et hommes de main desentreprises : « Ils nous menacent avec leursarmes, nous empêchant d’aller là où les trac-teurs démolissent nos terres. J’ai essayé d’yaller, ils ont tiré », témoigne Pet Nim. Ayanttout perdu, certaines familles se retrouvent– ironie du sort – obligées de travailler dansles plantations de sucre pour survivre.

Pour Peuples solidaires, l’Union euro-péenne a pourtant les moyens de luttercontre ce désastre en lançant une enquêtesur les violations de droits humains liées àla production et l’exportation du sucrecambodgien vers l’Europe, et en suspen-dant les avantages consentis aux produitsagricoles du Cambodge tant que durerontces violations. Malgré les appels de nom-breuses organisations de la société civile ence sens, malgré deux résolutions d’urgencevotées par le Parlement européen, malgréles preuves des violations, malgré les témoi-gnages accablants… la Commission euro-péenne ne réagit pas encore. C’est pourquoil’ONG Peuples solidaires mène depuis l’au-tomne 2013 une campagne afin d’inter-peller Karel de Gucht, commissaire euro-péen au commerce, et lui demander defaire cesser ce scandale (2). n

Benoît Ducasse

(1) Source : www.grotius.fr(2) www.peuples-solidaires.org/appel-urgent-cambodge

16 \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

Internationales

Le 25 mars, dans leslocaux de Sciences Po àParis, la première année

de la campagne Envie depaysans, portée par la

Confédération paysanne,s’achevait par une

conférence au cours delaquelle Katia Roux,

chargée de mission àl’ONG Peuples solidaires,

témoignait de la situationau Cambodge et de

l’accaparement par desmultinationales du sucre

de plus de 100 000hectares de terres

agricoles.

Cambodge Sucre amer pour l’EuropeL’initiative « Tout sauf les armes » veut encourager la croissance des pays les plus pauvres en leur accordant un accès privilégié au marché européen. Mais dans certains cas, les conséquences sur les populations locales sont dramatiques.Comme au Cambodge.

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Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / 17

Depuis juin 2013, des paysans del’Est de la Pologne, près de la fron-tière avec l’Ukraine, bloquent un

forage de Chevron. Sur les terres de la com-mune de Zurawlow, ils ont dressé un cam-pement et ont baptisé leur mouvement derésistance du nom d’« Occupy Chevron »,en référence aux activistes qui avaientoccupé des places dans les cités améri-caines en 2011.

Leur lutte est devenue emblématique desanti-gaz de schiste en Europe parce que laPologne est aujourd’hui l’un des princi-paux territoires de prospection des com-pagnies minières et pétrolières.

C’est dans ce contexte qu’est sorti enFrance, le 26 mars, Holy Field Holy War,film sur la résistance des paysans polo-nais de Zurawlow. Un an avant le débutde la lutte d’Occupy Chevron, le docu-mentariste Lech Kowalski avait longue-ment filmé les paysans de cette région trèsrurale. Ils racontent leur désarroi et leurimpuissance face à l’arrivée d’une agricul-ture industrielle qui pollue leur environ-nement direct par son usage excessif d’en-grais, ses épandages gargantuesques delisier, ses rejets de produits toxiques. Toutautour d’eux, l’air empeste désormais, etles abeilles meurent à petit feu.

Le fait accompliLa société paysanne, dans ce contexte

déstabilisant, voit un jour apparaître unnouvel ennemi : la colonne de camionsvibreurs, mise en branle par des sous-trai-tants locaux de Chevron. L’événement prendvite la forme d’une catastrophe : riverainsmis devant le fait accompli, chantage à l’ar-gent promis par le pétrolier, absence desautorités polonaises, et incivilités multiplesdes opérateurs du forage, comme danscette scène quand ils tentent de pomper sansautorisation l’eau d’un champ.

Le film s’achève par une scène d’antho-logie : une réunion d’information entre rési-dents et un représentant de Chevron quitourne au vinaigre. D’abord silencieux,presque passif, le public comprend peu àpeu à quel point il se fait rouler dans la farinepar le pétrolier. Une voix de protestations’élève, puis une autre, encore une autre.

En Pologne, une cinquantaine de foragesont déjà été réalisés. Une première extrac -tion, à titre expérimental, a été conduite en

juillet 2013. En mars 2014, le gouverne-ment polonais a décidé d’exonérer d’impôtsjusqu’en 2020 les activités d’extraction degaz de schiste. Les réserves du pays sontparfois estimées à entre 800 et 2000 mil-liards de mètres cubes, mais ces chiffres sontcontestés tant les évaluations pétrolièresont été contredites par les faits.

Une compagnie basée à Dublin, San Leon– financée notamment par le milliardaireGeorge Soros – a annoncé en début d’an-née être sur le point d’entamer la produc-tion du gaz de schiste en Pologne dans lebut de le vendre, ce qui serait une première.Elle a installé un puits de forage dans le bas-sin baltique, au Nord du pays. Elle comptecommencer à exploiter ce gisement dèsjuillet prochain. « Si vous pouvez prouver quel’exploitation du gaz de schiste en Pologne estpossible, cela ouvrira les portes dans d’autrespays », a déclaré son président à Reuters.

La perspective d’exploiter ce gaz nonconventionnel, dont les forages s’avèrentnéfastes pour l’environnement (émissionde gaz à effet de serre, pollution de nappesphréatiques, destruction de paysages…)mais lucratives pour ses exploitants auxÉtats-Unis, fait l’objet d’une âpre batailleen Europe. La Commission européennemultiplie les décisions favorables au recoursau gaz de schiste : en janvier, elle a refuséd’établir un moratoire, et elle vient

d’exempter les forages de toute obligationd’étude d’impact. Gunther Oettinger, lecommissaire européen à l’Énergie, ne ratepas une occasion de manifester son sou-tien au gaz de schiste. Chaque semaine oupresque, une tribune paraît dans les médiaseuropéens, sous la plume d’un patron,d’un scientifique ou d’un élu pour vanterles mérites des hydrocarbures à extraire dela roche mère. La bataille politique desgaz de schiste fait rage. n

Jade Lindgaard, journaliste

article complet sur : www.mediapart.fr

(Gaz de schiste : le film de la bataille de Pologne)

Mediapart est un journal d’information numérique,

indépendant et participatif.

(1) Que l’on pourrait traduire par « Terre sacrée, guerresainte ».

NDLR : Le gouvernement polonais a délivré au total unecentaine de licences de prospection de gaz de schiste. Maissi plusieurs géants comme Chevron ou ConocoPhillipspoursuivent les explorations, les recherches en Pologne ontété abandonnées ou suspendues par Total, Exxon, Talismanet Marathon Oil. L'Eldorado annoncé n'est pas encoretrouvé, ni prouvé.

Internationales

Des paysans polonais en résistanceEn pleine bataille européenne autour des gaz de schiste est sorti en salle le 26 mars Holy Field Holy War (1), film de LechKowalski sur la résistance de paysans polonais contre les projets de forage de la multinationale Chevron.

Jusqu’à 300 paysans sont venus sur le site occupé contre Chevron. Des soutiens de toute la Pologne etd’autres pays sont venus. De nombreux journalistes étrangers également. José Bové, vice-président de lacommission agriculture et développement rural au Parlement européen, s’est rendu sur place en novembredernier, pour le centième jour d’occupation.

Holy Field Holy War, un film de Lech Kowalski,sortie en salle le 26 mars Production Revolt,105 minutes – www.lechkowalski.com/fr –Une précédente version du film a été diffu-sée sur Arte en 2013 sous le titre La Malé-diction du gaz de schiste.

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Le yaourt n’est pas qu’un clichéen Bulgarie. C’est aussi la réalitéde paysans qui tentent de vivre de leurmétier dans le plus pauvre paysde l’Union européenne.

Dans le centre des Rhodopes, là oùles montagnes sont les plus hautesde Bulgarie et les grands pins les

principaux résidents, est niché sur unepetite colline un village nommé Momchi-lovtsi.

Ici, dans les Balkans, l’élevage de brebisétait au cœur de l’organisation sociale et cul-turelle. Cela remonte à la civilisation desThraces dont le territoire s’étendait entrela mer Noire à l’est, la rivièreStrouma à l’ouest, les Car-pates septentrionales au nordet la mer Égée au sud, et seserait épanouie entre 2000 et300 ans avant Jésus Christ.

En 1930, Momchilovtsicomptait encore 20000 mou-tons. Aujourd’hui, il n’en resteplus que 800, dont 500 appar-tiennent aux Danchev.

La famille est une des plusanciennes du village. On y estéleveur de père en fils. Pour-tant, cette transmission a bienfailli se rompre : Stoicho a faitun détour avant de revenir aupays. Diplôme de vétérinaireen poche, il a travaillé unedizaine d’années dans un labo-ratoire. Puis il est parti étudierl’agronomie pour se lancerdans la culture de pommes deterre, autre tradition de larégion favorisée par le climatde moyenne altitude.

2008, c’est la crise, le prix des pommesde terre s’effondre, Stoicho rachète un vieuxkolkhoze aux abords du village et démarreun élevage de brebis. 50 hectares de pâtu-rages semi-sauvages constituent l’écrind’une bâtisse étroite et longue, aux pierresapparentes et à la charpente en bois. Le pay-san choisit quatre races différentes pourprofiter de leur complémentarité : des Kara-kachan (race bulgare à la laine longue)pour leur rusticité et leur lait, des Cigay (racebulgare aux pattes noires) pour leur viande,des Ile-de-France (race française à la têteblanche) pour leur viande et des Suffolk(race anglaise) pour leur lait et leur viande.

L’exploitation se démarque de l’élevagetraditionnel bulgare car la famille Danchevest propriétaire de la totalité du cheptel etd’une grande partie des pâturages. Un éle-veur possédant en moyenne entre deux etdix têtes, il est beaucoup plus fréquent decroiser un troupeau de plusieurs dizainesde moutons conduit par un berger choisipar les différents propriétaires. En été, leséleveurs profitent ainsi du rassemblementdes bêtes pour les faire pâturer sur deszones d’herbages collectives. L’hiver, chaquepropriétaire récupère ses moutons pour lesnourrir dans sa bergerie.

Autre particularité de la ferme, elle est cer-tifiée bio depuis 2010, l’une des rares à l’être

en Bulgarie. C’est sous la pression du filsaîné Dimitar, biologiste de 24 ans, que lecap a été passé. Ici, on trait à la main… les400 brebis ! De toute façon, les Karaka-chan, race semi-sauvage en voie de dispa-rition, ne supporte pas les machines à traire.Pour la transformation, les Danchev pro-fitent des conseils du grand père, véritablebibliothèque vivante de savoirs, grâce àqui ils ont pu démarrer rapidement la pro-duction de fromage.

Autre spécialité : le lait aigre, plus com-munément appelé yaourt bulgare. Il restecollé à l’assiette quand on la retourne. Safabrication remonte à l’Antiquité, et il estréputé pour être à l’origine de la longévité

des Bulgares. À l’origine de ce yaourt, labactérie Lacto bacillius bulgaricus. Japonaiset Chinois ont déjà visité les Danchev pourdécouvrir le secret de fabrication et impor-ter ce produit miracle dans leurs pays.Mais c’est la grand-mère qui détient larecette artisanale, et le secret du goût si par-ticulier et savoureux de ce yaourt« magique », encore meilleur accompagnéd’une confiture de fraises sauvages, autreproduit de la région.

Enfin, la famille vend également locale-ment de la viande pour les deux grandesfêtes orthodoxes de début d’année, la Pâqueset la Saint-Georges, où il est de coutumede manger de l’agneau.

Leur prochain défi : rénover et améliorerle bâtiment de la ferme grâce à un finan-cement de la Pac dédié à la modernisationdes exploitations. Au programme, répara-tion de la charpente, reconstruction d’uneantenne qui s’était écroulée et installationd’une fromagerie moderne avec un espacedédié à la vente… n

Paula Schmidt et Nicolas Dabard

Agriculture paysanne

18 \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

Bulgarie Les yaourts bulgares de la famille Danchev

Au Sud de la Bulgarie, près de la frontière grecque, la ferme de la famille Danchev, au cœur des beaux paysages des Rhodopes.

Paula Schmidt et Nicolas Dabard sont deux

jeunes Européens qui, en 2012, à 25 et 29 ans,

ont parcouru l’Est de l’Europe paysanne, en

vélo, durant six mois. Ils ont tenu un blog

dont est extrait cet article : http://esterre.org

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Dans mon île, les oiseaux de mer, épuisés par la succes-sion des tempêtes, viennent s’échouer par centaines,morts pour la plupart, sur les plages. Les poissons,

dérangés par les fortes houles, restent cachés dans les grandsfonds et mes voisins pêcheurs n’ont pour ainsi dire plus derevenu depuis le début de l’année. Les arbres, déboussolés parun hiver qui restera dans les statistiques comme un des pluschauds jamais enregistré, explosent leurs bourgeons depuis ledébut du mois de février. Les rivières, saturées du trop plein depluie, charrient une eau chargée des pesticides et autresintrants distribués avec générosité sur les bassins versants. Il està parier que nous aurons à subir des arrêtés de fermeture de lapêche de nos coquillages.

Depuis la fin de la dernière guerre, nous sommes prisonniersd’une logique économique que nous n’avons pas choisie.Depuis longtemps, ce système ne respecte plus l’intégralité desindividus.

Nos aïeux ont accepté de quitter leurs terres natales, d’aban-donner leur ruralité et d’apprendre la « modernité » au sein descités. Ainsi s’est installée l’idée reçue du travail disponible, auservice d’une voie industrielle, vite kidnappée par les profits dela bourse. Nos grands-parents ont dû faire des efforts surhu-mains pour apprendre à vivre dans leur nouveau cadre de vie,en déconnexion totale avec leurs racines terriennes.

Nous, petits-enfants de ces expatriés du progrès, sommesretournés vers cette terre qui était leur berceau. Nous y avonstrouvé des hameaux à l’abandon. Nous y avons initié des pra-tiques agricoles innovantes, embryons d’un renouveau rural,magma de luttes sociétales toujours d’actualité. Nous n’avonsmalheureusement pas réussi à enrayer totalement la grandevague de la désertification de nos campagnes. Dans de tropnombreux endroits, la nature est abandonnée. Dans beaucoupd’autres, elle est assassinée, soumise aux délires des « exploi-teurs- exploitants ».

Et pourtant, nous sommes restés toujours autant dépendantsd’elle, ainsi qu’aux premiers jours de l’humanité. Comments’étonner qu’un simple épisode de mauvais temps engloutisse

des villages entiers, alors que plus personne n’entretient l’ar-rière-pays ? Comment même s’étonner des conséquences tou-jours plus fortes des phénomènes météo alors que nous avonssupprimé les haies, coupé les forêts, comblé les fossés, drainéles zones humides, nivelé les talus ? Comment s’apitoyer sur lesort d’immeubles bâtis en front de mer qui menacent de seretrouver sur la plage ? Alors même que ces événements drama-tiques nous soulignent la futilité de notre technologie face auxforces de la nature, nous répondons primes d’assurance, urba-nisation débridée, digues artificielles…

C’est notre terre, la terre de nos aïeux et celle que nous laisse-rons à nos petits-enfants, que nous sommes en train dedétruire. Nous devons demander simplement qu’elle soit enfinrespectée puisqu’elle est le support même de nos vies.

La Confédération paysanne refuse de croire que le petit pay-san est devenu inutile. La crise est telle, qu’aujourd’hui nouspourrions presque dire que même s’il ne produit que pour lui-même et sa famille, il connaîtrait un destin plus digne que celuidu chômeur, du RMIste, de l’intérimaire ou de l’habitant desgrandes citées impersonnelles.

Combien de temps faudra-t-il encore aux gouvernants de cemonde pour réaliser que leurs choix ont pour conséquence ladisparition des jardiniers de la terre ? S’ils ne se réveillent pasvite, nous serons tous, demain, tributaires d’une nourritureimposée par quelques multinationales. Alors, nous ne maîtrise-rons plus rien de nos destins.

À l’heure où nos débats internes ouvrent la voie à un « troi-sième souffle » nécessaire pour donner du poids à nos luttes, ilme semble nécessaire de se réapproprier le lien spirituel quinous relie à cette terre à laquelle nous sommes tous fiers d’ap-partenir. Sans quoi aucune lutte, même la plus honnête, n’a dechance de pouvoir changer en profondeur les rapports del’homme avec son environnement. Voilà, pour moi, la seulevéritable porte d’entrée de l’agroécologie. C’est, au final, la sur-vie de toutes les formes de la vie qui en dépend ! n

Jean-François Périgné,

paysan de la mer sur l’île d’Oléron (Charente-Maritime)

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / 19

Après l’hiver Février 2014, prés et champs sous l’eauprès de Royan (Charente-Maritime).

Courrier

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Le 1er avril, la Confédération paysanneest venue, avec le Modef, porter sonsoutien aux 45 grévistes de Nutribio,

près de Montauban. La société du groupecoopératif Sodiaal produit là des laits infan-tiles. La semaine précédente, les négocia-tions annuelles obligatoires avaient capoté :les salariés réclamaient une augmentationde 30 euros bruts par mois, tandis que ladirection, de son côté, ne leur lâchait pasplus de 23 euros.

« On est venu apporter notre soutien à dessalariés qui veulent vivre de leur travail. Lespaysans luttent contre les dérives de l’indus-trie alimentaire, qu’elle soit coopérative ounon. La notion de coopérative s’est dévoyée aufil du temps pour devenir une coopérationcapitaliste. Nous, on est des petits paysans quiessaient de se structurer pour vendre locale-ment et vivre du produit de leur travail. Nous

défendons le commerce de proximité avec lemaintien de l’emploi local. On est en quête desens pour notre survie et pour défendre une agri-culture intelligente », commentaient d’unemême voix Alain Moles et Christian Bon-neville, tous deux porte-parole de la Confé-dération paysanne.

« On travaille dans une coopérative, mais onvoit bien que l’humain n’y est plus. L’entreprisea réalisé de bons résultats en 2013. On veut

notre petite part du gâteau »,témoignait FabienLemaire, délégué CGT.

Peine perdue : au boutde dix jours de grève, à3 heures du matin le5 avril, 50 CRS disper-sait violemment le piquetde grève. « On a lâchéprise, c’était notre seule

option et on ne voulait pas d’affrontement,témoignait un syndicaliste CGT de Nutri-bio Montauban On ne peut pas résister à laforce. On a le sentiment d’avoir été traitéscomme des casseurs alors que notre mouve-ment était pacifique. Pour nous, c’est unéchec, mais on ressent un profond dégoûtpour les pouvoirs publics qui défendent les plusforts et la dictature de l’argent. » n

Source : La Dépêche du Midi

Tarn-et-GaronneNutribio : la Conf’ soutient, l’État casse

Charente Des fleurs contre la mutagénèse

Terrain

20 \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014L

Avec des bouquetsde colza plein lesmains, non pas

tant pour que ça passemieux, mais pour entrerdirectement dans le vif dusujet : le 2 avril, une délé-gation de la Confédérationpaysanne et du collectifanti-OGM et pesticides dela Charente a envahi le hall de laDirection départementale des ter-ritoires (DDT), à Angoulême.

Objectif : dénoncer les méfaits dela mutagénèse et faire remonter leursinquiétudes au ministère de l’Agri-culture. Leurs craintes portent sur lescolzas tolérants aux herbicides. Leurutilisation à grande échelle rendraplus résistantes à terme les mau-vaises herbes censées être éradiquéeset il y a, selon eux, « un risque cer-tain de catastrophe écologique ».

L’an passé, 1000 hectares de colzamodifié ont été plantés dans l’Hexa-gone. Ils seront 17 000 hectarescette année. « Bien qu’on ne disposed’aucune donnée officielle, il y en a très

probablement déjà en Charente,redoute Christophe Fragnaud,porte-parole de la Confédérationpaysanne. Et si c’est le cas, la dissé-mination des pollens, en ce moment,va favoriser la contamination. »

Le collectif et le syndicat deman-dent l’interdiction de la mise enculture des colzas tolérants auxherbicides, mais aussi une modifi-cation de la loi réglementant lesOGM, « pour que la mutagénèseintègre le cadre législatif et soit ainsiévaluée et expertisée, au même titreque la transgénèse qui seule actuel-lement est ciblée par le texte deloi ». n

Source : La Charente Libre

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A

Jura Encore dixhectares de perdus !

La Confédération paysanne était le 5 avril sur le par-king du nouveau centre commercial Leclerc de Cham-pagnole. Ce centre vient d’ouvrir, construit sur un ter-

rain à l’origine consacré aux activités agricoles. Les paysansse sont mobilisés pour dire leur opposition devant l’ac-cumulation des centres commerciaux qui ne conduisentqu’à la destruction des terres agricoles. Comme le rappe-lait Dominique Bouillet dans Campagnes solidaires endécembre 2011 : « Dix hectares de bonnes terres agricolessont sacrifiées, alors que la cité de 8700 habitants détientle record du mètre carré de grandes surfaces par habitant(340 m² pour 1000 habitants, au lieu de 140 en moyenneen France). »

Ce 5 avril, Marie Maisonneuve, jeune paysanne à Saint-Maur, expliquait aux personnes venues débattre avec lesmanifestants, que Champagnole avait de nombreusesfriches industrielles à valoriser, l’implantation du centreLeclerc aurait pu se faire facilement sur l’un de ces sites àl’abandon.

Le maire de Champagnole était présent pour rappeler quetoutes les prescriptions du permis de construire avaientété respectées et que « la présence d’un hypermarché sur lesecteur de Champagnole correspondait bel et bien à un besoin ».Le directeur du magasin a rappelé que ses achats de pro-duits se feraient majoritairement sur la région et qu’il avaitla volonté de référencer un maximum de petits produc-teurs locaux.

Deux logiques difficiles à concilier. n Source : Le Progrès

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Terrain

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Tél. : 0143628282 – [email protected] informations contenues dans la présente demande ne seront utilisées que pour les seules nécessités de gestion et pourront donner lieu à l’exercice du droit individuel d’accès de l’association

dans les conditions prévues par la délibération N° 80 du 1/4/80 de la CNIL.

Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

Ou avec le mandat de prélèvements sepa ci-dessousà retourner en y joignant un relevé bancaire (RlB) ou postal (RIP)

au 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

Béarn Images d’Épinal dans les Pyrénées

S’abonner à Campagnes solidaires, c’est participer à l’émergence d’« autres mondes possibles »

Le 16 avril, la Confédération paysannedu Béarn s’est invitée sur le tournaged’une publicité de la fromagerie des

Chaumes (Saint-Albray, Saint-Agur…).« Cette pub, tour-née dans le cadreidyllique d’uneprairie avec vueimprenable surles montagnes dela vallée d’Ossauvante les méritesdu fromage le“Brebiou”, avecune caméra qui sepromène aumilieu d’un trou-peau de brebisLacaunes ! »,indique la Conf’.

Or, le syndicatsouhaite « dénoncer la stratégie commer-ciale de cet industriel (Groupe Bongrain) etl’utilisation de l’image des montagnes et dupastoralisme béarnais pour faire la promo-

tion d’une race de brebis exogène » et deson élevage intensif.

La fromagerie des Chaumes encourage ledéveloppement des élevages de race

Lacaune, interdite dans le cahier des chargesde l’AOP Ossau-Iraty. Ce dernier n’accepteque les races locales (basco-béarnaise,manechs à têtes noires ou rousses), adap-

tées et en lien avec le terroir. Pour le Béarnet le Pays Basque, la Lacaune est une raceindustrielle, élevée majoritairement en sys-tème hors-sol, sans pâturer à l’extérieur. Ce

n’est donc pascette race quel’on peut aperce-voir dans nosmontagnes l’étéet qui entretientnos estives. Noussommes loin del’image d’Épinalprésentée par lapub.

Le syndicatsoupçonne sur-tout l’industrielde favoriser l’ins-tallation de bre-bis de race

Lacaune, « dont la concentration de la pro-duction dans quelques gros élevages inten-sifs est très dangereuse pour l’avenir denos fermes ». n Source : Sud-Ouest

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IBAN

N° 295

Ou sur le site de la Confédération paysanne : www.confederationpaysanne.fr

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Association bénéficiaire : Média pays – Numéro national d’émetteur : FR96ZZZ492109

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Annonces

22 \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

Emploi - stages - formation

Offres• Ile-de-France - La Confédérationpaysanne recrute en CDD de12 mois, un-e chargé-e de gestionet de coordination d’un projet euro-péen : réalisation des événementsnationaux (fermes en ville, banquetspaysans, interventions dans desécoles, participation festivals, etc.),communication (site, réseauxsociaux, etc.), animation du comitéde pilotage, réalisation de comptesrendus réguliers pour la Commissioneuropéenne, rédaction rapportsfinaux - Connaissance indispensabledu milieu agricole, des institutionset des politiques agricoles, maîtrisede l’anglais et espagnol - BAC + 5 :agriculture, sciences po, communi-cation, relations internationales -CDD de 12 mois basé à Bagnolet àpourvoir immédiatement - Salairede base: 3080 euros bruts par mois- Candidatures avant le 12 mai à l’at-tention de Marie-Noëlle Orain, à :[email protected]• Yonne - Paysan, 33 ans, rechercheouvrier motivé pour l’accompagnersur sa ferme en polyculture-éle-vage bio, secteur Puisaye - 170 hec-tares, avec 50 mères charolaises,engraissement, vente directe etdiverses céréales - Permis Edemandé - Possibilité apprentis-sage/parrainage, voire associationpar la suite - Logement sur placeenvisageable - 06788123 49• Aveyron (Sud) - Exploitation de2 associés en ovins lait, avec uneréférence de 500 hl pour Société desCaves de Roquefort en bio, 160 hec-tares (dont 60 hectares de par-cours), 300 brebis laitières -Recherche associé cause futurdépart à la retraite de l’un des asso-ciés - 0565998706Demandes• Bourgogne, Centre - JH 26 a, enformation CS agriculture bio, venteet transformation de produits fer-miers à Château-Chinon, rechercheun emploi sur une ferme, de préf bio- Forte attirance pour ovin laitier avtransf, mais ouvert à toute propo-sition - Exp 4 saisons en élevage

ovin - J’ai le désir de m’impliquersur une exploitation à moyen, longterme - Projet installation ou reprise- Dispo courant mai - 0622299365- [email protected]

Association - installationtransmission

Offres• Charente - Nous sommes deuxfutures exploitantes en cours demontage d’un projet de reprised’exploitation familiale (ancienne-ment polyculture-élevage aujour-d’hui maraîchage, transformation etapiculture). Nous souhaitons pour-suivre les activités de maraîchageet de transformation ainsi que l’api-culture, mais aussi retrouver l’éle-vage et la production céréa-lières/légumineuses sur la ferme,avec à terme un accueil tout public.Nous proposons donc à un-e éleveur-veuse intéressé de s’associer avecnous sur cette exploitation de 72 hec-tares dans le Nord-Charente (proxi-mité de Confolens). Nous réfléchissonsactuellement au mode de rachat dufoncier. Si ce projet vous intéresse:[email protected] [email protected]• Pyrénées-Orientales - Vends fermecaprine transfo from, 65 chèvres à650 litres, 10 hectares, bâtiments,matériel, clientèle, 315 000 euros,SAU 64 hectares - 06 70 95 44 24• Allier - Ferme en bio pratiquantla biodynamie, 3 associés, dans lesbocages bourbonnais, élevage lai-tier vaches, chèvres et brebis sur85 hectares, cherche associè-e oucouple pour nous permettre de res-pirer un peu et pour partager la viepaysanne - Possibilité de logementsur place, pas d’âge limite, expé-rience et diplôme ne sont pas indis-pensables, le plus important, c’estla motivation - 06 45 29 07 83 -0470569668• Mayenne - Vends corps de fermeavec grande maison d’habitation(dont 2 studios), bâtiments d’ex-ploitation (hangar et écurie), 5 hec-tares terres certifiées bio, groupées(dont ½ hectare de vergers pommesde table), puits - Possibilité projetd’accueil ou ferme pédagogique,dans cadre reposant et agréable - [email protected] 0243061264

• Dordogne - Terres maraîchères àvendre : 2,3 hectares de SAU, irri-gable avec le matériel pour 1,5 hec-tare (pompes, tuyaux, sprinklers) -Plus de matériel mais réseau decommercialisation à reprendre :2 marchés, 60 paniers par semainelivrés - Possibilité d’hébergement enattendant de trouver une habitationproche - Conversion AB possible -0553 57 47 26• Dordogne - Vignoble à trans-mettre. 5,4 hectares de vignes(rouges et blancs) à louer à partirde fin 2014 - Possibilité de louer lechai pour démarrer - Ensemble dumatériel de viticulture et de vinifi-cation à vendre - Production ven-due en majorité au négoce, unepartie embouteillée et vendue surles marchés - Possibilité d’adhérerà la cuma et au groupement d’em-ployeurs - A terme, un terrain àbâtir attenant pourra être venduau repreneur pour construire habi-tation et bâtiments d’exploitation- Stage parrainage souhaité -0553 57 47 26• Dordogne - 15 hectares de terresà louer, groupées mais pas d’unseul tenant - Une partie pourrait êtreutilisée pour du maraîchage - Desterrains constructibles pourraientêtre vendus à proximité - Les pro-priétaires souhaitent favoriser uneinstallation en AB - 0553574726• Dordogne - Ferme maraîchère àvendre - 6 hectares environ, culti-vés en AB depuis 6 ans, une mai-son d’habitation, un hangar, unséchoir à tabac, 2200 m2 tunnelsfroids, une source et réseau d’irri-gation ASA, ensemble du matérielde culture/stockage/commerciali-sation, commercialisation en cir-cuit court (marchés, magasins deproducteurs) - 230 000 euros -0553 57 47 26• Isère - Recherche associés pourferme caprine de 80 têtes cornues,30 hectares - certifiée AB, trans-formation du lait et vente directe -Au 1/01/14, deux associés rejoi-gnent Vincent : le gaec de la Combedu Lin est créé mais la recherche denouveaux associés se poursuit - Enattendant : construction de bâti-ments plus ergonomiques, arrivéede poules pondeuses, évocationd’autres projets (pain…) - Ce quiest certain : aspiration à travaillerensemble ou en l’absence de l’autre,partager un outil de travail pérenneet viable économiquement, don-nant la liberté de prendre du temps- [email protected] -0684 18 99 58

• Yonne - Recherche jeune ou col-lectif pour reprendre exploit. poly-culture-élevage et maraîchage -25 hectares - étudie toute propo-sition - possible élevage de chèvreset vente directe - possibilité stageet formation - Possibilité logementgratuit - 06 32 07 69 73 -0386454381• Béarn - Ferme à transmettre,25 hectares de SAU dont 24,5 hec-tares en prairies - Deux bâtimentscomprenant stabulation libre et lieude stockage pour le fourrage et lematériel - Pas de maison d’habita-tion - 0559302836• Ain - Exploitation vendant la tota-lité de sa production en ventedirecte recherche un-e associé-epour remplacement - Troupeau de42 vaches limousines (15 génisseset 15 veaux vendus/an), 70 porcsproduits et vendus/an,5000 volailles de Bresse produiteset vendues/an - L’exploitation dis-pose de son abattoir de volailles etde sa salle de découpe de viandeà la ferme - La production est com-mercialisée sur les marchés locauxet à la ferme - SAU : 99 hectares -Autonomie en alimentation - Ouvertà définir un projet commun selonsouhait du candidat - 0474309416ou 0607100534• Ariège - Un collectif intergéné-rationnel rachète une ferme(46 hectares, 24 hectares de SAU)en polyculture-élevage - Les buts :sortir la terre de la propriété privée,expérimenter la vie collective, l’au-tonomie, la pluriactivité (maraî-chage, petits élevages, apiculture,arboriculture, artisanat, pain…),l’autoconstruction, l’accueil (séjouret festif) - Cherche un-e paysan-ne(éleveur-se de vaches) en démarchebio/biodynamie, en vue d’une asso-ciation dans une dynamique col-lective - 0 561 645 977 - [email protected]• Gers - En vue retraite, louons enpriorité 8 hectares de vigne (Côtesde Gascogne), vente de la récolteen vendange fraîche, plus éven-tuellement 3 hectares de terre, dont50 ares irrigables - Nous conservonsla maison d’habitation - Une serre(46 x 9,60) peut être utilisée commebâtiment d’exploitation - Accom-pagnement possible - 0562063461 (HR)• Vendée - Gaec 2 associés en pro-duction laitière bio recherche asso-cié-e - Système herbager pâturage

et foin (séchage en grange) - Trans-formation fromagère diversifiée(atelier récent), - Polyvalence sou-haitée : transformation, élevage (etou) cultures vente directe (particu-liers et restauration collective)tâches administratives [email protected]• Aveyron - Recherche associé, pourun remplacement dans un gaec àtrois associés - 120 vaches allai-tantes, une centaine d’hectares - Seprésenter de la part de la Conf’ àFrançois Lafon au 0565657833• Mayenne - Urgent : gaec cherchecandidats à la reprise en lait bio+ transformation fromagère -Départ progressif des 2 associésactuels : dans un an et 6 ans envi-ron - 20 km d’Alençon - 115 hec-tares sur 2 sites dont 60 hectarespâturables - 65 vaches laitièresmontbéliardes et normandes+ 60 génisses de renouvellement -350000 l quota lait, 220000 l ven-dus à Lait Bio du Maine et 130000 ltransformés - Mécanisation Cumaimportante, bâtiments récents ouactualisés, maison d’habitationrénovée - Ouverts à tout projet [email protected] -0681536707 - 0243031921• Creuse - Cherchons repreneurpour ferme laitière, cause départretraite - 60 hectares, 210000 litresde quota, collecté par Biolait - Sta-bulation pour vaches et génisses -Hangars de stockage, dépendances,maison d’habitation sur place - Pos-sibles projets diversification - Pay-sage, nature et biodiversité pré-servés - 05 55 65 01 40 [email protected]• Lot - Jardin maraîcher à reprendre,sorti de terre il y a 2 ans sur un ter-rain certifié bio d’1,4 hectare, enlocation - 3000 m2 de planches per-manentes et 275 m2 de serres - Lelieu se prête à la diversification :pépinière, poules, verger… - Outilde travail à vendre (uniquementdans le cadre de la reprise de l’ac-tivité) : 2 serres, 1 tunnel (hangar),système d’irrigation goutte à goutteet micro-aspersion couvrant3000 m2, tracteur, rotavator, vibro-culteur, houe maraîchère… -06 08 04 85 82 - 05 65 37 68 23 - [email protected]• Morbihan - Recherche urgent sitepour se réinstaller - Notre cheptel :

5 truies, 1 verrat + les petits à venir,les 2 chevaux, et les 3 enfants -Notre objectif est de vendre1 cochon/semaine au détail, trans-formés et vendus par nos soins, noscochons sont élevés en plein airintégral, naissance et engraisse-ment - Nous cherchons un endroitoù s’installer avec un petit budget,donc location totale, location-vente,vente d’un bâtiment et 4 hectareset sans maison d’habitation -0689120946

Animaux - VégétauxMatériel

• Orne - Vend chiots Border collie,nés le 18 mars - Parents excellents(agiles et intelligents) au travail surtroupeaux de bovins (les parents dela mère travail sur ovins) - Il restedeux mâles et deux femelles(200 euros) - Photos sur demande- 06 84 98 05 48 [email protected]

Vacances

• Lozère - Comme chaque année,du 15 juin au 15 septembre, il estpossible à prix modéré de camperou de louer le gîte à la ferme duCambonnet, adhérente à Nature etProgrès et à la Conf’, à Saint-Etienne-Vallée-Française - En bor-dure du Gardon - 06 58 30 18 58 [email protected] -http://cambonnet.blog4ever.com

Divers

• Sarthe - Paysan, 46 ans, éleveuren bio (esprit agriculture familialepaysanne) cherche compagne asso-ciée (même esprit) pour construireensemble une vie de couple tendreet complice et partager projets auquotidien - 02 43 95 66 00 -0652137990• Toutes régions - Paysan trèsproche de la retraite dispo pouraider fermière, région et situationindifférente - 03 86 47 12 81• Rhône-Alpes - Activité à reprendre+ lieu de vie pour 157 000 euros -Fournil bio de 30 m2 en activitédepuis 2009 (avec four à bois et eaude source), clientèle fidélisée, mai-son de 80 m2, matériaux sains, sur1500 m2 de terrain, CU de 300 m2

donc possibilité d’agrandissementet de développement - A 100 mètresdu bourg, 3 petites villes offrantservices, culture, tous commerces à8 et 12 km, 30 minutes de Roanne,1h30 de Lyon - 0652623646

Les petites annonces sont payantes, sauf celles qui concernentl’emploi, les recherches et propositions d’installation, et touteautre demande à but non lucratif.Tarif : 8,5 € les six lignes + 1,5 € par ligne supplémentaire (30 caractères par ligne).Pour les tarifs publicitaires, contacter :Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLETTél. : 0143628282

La guerre des grainesLa guerre des graines est le nom d’un documentaire qui sera diffuséle mardi 27 mai prochain sur France 5, dans l’émission présentée parCarole Gaessler, « Le monde en face ».Réalisé par Stenka Quillet et Clément Montfort, il traite du problèmedes semences en France et dans le monde. « C’est un documentairede très bonne qualité, très argumenté et de ce fait plutôt militant »,pour Marie Durand, paysanne en Loire-Atlantique qui y a participé.À ne pas rater !Plus d’infos :http://latelelibre.fr/2014/04/05/blog-la-guerre-des-graines

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LE CRÉDIT MUTUEL, PARTENAIREDES AGRICULTEURS.Fidèle à ses valeurs de solidarité et de proximité, le Crédit Mutuel place ses clients au coeur de ses préoccupations et de ses actions. Partenaire des agriculteurs et viticulteurs, il est à votre écoute pour vous conseiller et vous proposer une large gamme de produits et services adaptés à vos besoins et à ceux de votre famille. Financements souples, avances de trésorerie, gestion d’épargne : le Crédit Mutuel s’engage à vos côtés.

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Un agronomedémonte

les idées reçues

Pour son savoir et son indé-pendance d’esprit, nousconnaissons la réputa-

tion de Marc Dufumier, agro-nome et professeur émérite àAgro ParisTech. Aiguillonné parun esprit de vulgarisation,esprit qui respecte le lecteursans l’abreuver de galimatias,l’expert se fait humble etrépond à « 50 idées reçues surl’agriculture et l’alimentation ».

50 propositions sont étudiées sous l’aspect du « Vrai » ou du« Faux ». Elles concernent ce qu’il y a dans nos assiettes et ce qui,en amont, a pu amener cela. Par exemple : « La plupart de nostomates n’ont plus de goût » ou « L’agriculture industrielle vend desproduits bon marché », ou encore « Nos races animales sont en voiede disparition »… sont passées au test de la vérification. Les réponsessont claires et distinguent ce qui est scientifiquement démontré dece que les statistiques, en l’état actuel, sont capables ou pas d’enfaire une vérité avérée.

Si nous en doutions encore, ce livre très attrayant ne renforceraque le fait de considérer Marc Dufumier comme un allié de nos convic-tions, ou tout au moins de nos explorations. Clairement engagé pourune agriculture saine et sans pesticide, voire bio, indépendante desgrands groupes agroalimentaires ou semenciers, il avance sur le ter-rain des idées reçues, soit pour les déminer (en fait l’agricultureindustrielle coûte très cher, en fait les OGM ne sont pas un gage deprogrès…) soit pour les expliquer (par exemple, c’est bien l’eau quiviendrait à manquer pour nourrir correctement l’humanité…). Lesconfédérés avertis liront des explications simples à des faits relati-vement complexes, tandis que les néophytes auront la satisfactionde s’y retrouver dans des manipulations plus ou moins honnêtes. À lire,puis à offrir à votre cousine citadine ! n

Jean-Claude Moreau,

paysan dans l’Indre

« 50 idées reçues sur l’agriculture et l’alimentation », Marc Dufumier,Allary Éditions, 18,90 euros.

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / 23

Culture

À 68 ans, MarcDufumier est agronome.Enseignant-chercheur, il

a dirigé de 2002 à saretraite en 2011 la

chaire d’agriculturecomparée et de

développement agricoled’AgroParisTech,

succédant ainsi à cetteresponsabilité à René

Dumont et MarcelMazoyer.

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Terre(s) !Le 17 avril est la Journée internationale des luttes paysannes, animée tout autour de la pla-

nète par la Via campesina, réseau mondial de 164 organisations paysannes et rurales de73 pays.

En Provence, cette année, paysans et autres citoyens se sont retrouvés à l’appel de la Confé-dération paysanne et de l’Ardear(1) de Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca), pour labourer et mettreen culture quatre hectares de terres agricoles incultes à Lauris, dans le Vaucluse.

« Par cette action symbolique, nous réinvestissons les terres en friche et dénonçons l’acca-parement et la rétention de terres agricoles à des fins de spéculation », explique le syndicatdans son communiqué de presse. « Le béton n’est pas le seul à manger de la terre agricoleen France et particulièrement en Paca. Des milliers d’hectares sont confisqués à l’agriculturepar des propriétaires privés et laissés en friche à des fins spéculatives. Ce sont par exemple800 hectares à Tourves (Var) ou 1 000 hectares à Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône)qui ne sont pas exploités, alors que dans le même temps la région perd 9 000 hectares deterres agricoles par an.

Dans le Lubéron, 30 % des exploitations ont disparu en dix ans et la surface agricole a régresséde 17 %. Par ailleurs, la moitié des 2 000 agriculteurs du Parc du Lubéron a plus de 55 ans.Certaines communes n’auront bientôt plus de paysans. Dans un contexte de foncier agri-

cole qui se raréfie et se renchérit, quatre hectares de terres détournés de l’agriculture, ce sont 160 quintaux de blé ou2 000 bottes de luzerne à l’année ou 1 000 bottes de sainfoin confisqués aux paysans qui habitent et nourrissent le village.

La loi d’avenir agricole, adoptée par le Sénat le 15 avril, doit maintenant passer en seconde lecture à l’Assemblée nationale. Pour mettre unfrein au changement de destination des sols agricoles, la Confédération paysanne propose dans un amendement d’augmenter à 25 % la taxa-tion des plus-values réalisées par la vente de terrains agricoles devenus constructibles. Face à la force financière de certains, cette loi d’avenirdoit parallèlement doter les paysans du droit d’accéder au foncier et renforcer leur droit d’usage.

C’est le 17 avril 1996 que 21 paysans du Mouvement des Sans Terres, au Brésil, furent assassinés parce qu’ils réclamaient l’accès au foncier etune réforme agraire. Ce 17 avril est l’occasion de réclamer l’accès à la terre agricole pour les paysans qui s’installent ici comme ailleurs dans lemonde, contre toutes les formes de spoliation qui en confisquent l’usage agricole et alimentaire. » n

(1) Association régionale pour le développement de l’emploi agricole et rural.

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