Campagnes Solidaires 295

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Mensuel de la Confédération paysanne Campagnes solidaires N° 295 mai 2014 – 5,50 – ISSN 945863 Dossier L’Europe : un chantier à reprendre 1000 vaches Le porte-parole de la Conf’ en garde à vue ! OGM Une interdiction fragile et à portée limitée

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Le numéro 295 (mai 2014) de Campagnes Solidaires en lecture complète.

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  • Mensuel de la Confdration paysanneCampagnes solidaires

    N 295 mai 2014 5,50 ISSN 945863

    Dossier

    LEurope : un chantier reprendre

    1000 vaches Le porte-parole de la Conf en garde vue !OGM Une interdiction fragile et porte limite

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  • 2 \ Campagnes solidaires N 295 mai 2014 Les textes publis dans Campagnes solidaires peuvent tre reproduits avec indication dorigine lexception de ceuxde la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilit de leurs auteurs et pour lesquels un accord pralableest requis. Campagnes solidaires est imprim sur du papier recycl

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    Vie syndicaleActualitAgriculture paysanne Dcrypter lAnne internationale

    de lagriculture familiale

    Envie de paysans Une campagne sachve,

    une autre commence !

    Loi davenir Pas contrebandiers, paysans !

    Mthanisation Ne pas y aller plein gaz !

    OGM Une interdiction fragile et porte limite

    Europe / Pac Quand le technique lemporte sur le politique

    Point de vueFrdric Lemaire et Aurlie Trouv

    Une ncessaire remise plat des institutions europennes

    InternationalesAllemagne Si tu nes pas content, rentre chez toi !

    Cambodge Sucre amer pour lEurope

    Pologne Des paysans polonais en rsistance

    Agriculture paysanneBulgarie Les yaourts bulgares de la famille Danchev

    CourrierAprs lhiver

    TerrainTarn-et-Garonne Nutribio : la Conf soutient, ltat casse

    Charente Des fleurs contre la mutagnse

    Jura Encore dix hectares de perdus !

    Barn Images dpinal dans les Pyrnes

    AnnoncesCultureMarc Dufumier 50 ides reues sur lagriculture

    et lalimentation

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    Sommaire

    Aprs Les ls de la terre, le documentaire ddouard Ber-

    geon, actuellement encore dans les salles de cinma

    et que la Confdration paysanne accompagne ou a

    accompagn lors des projections-dbats organises

    en rgions, voici la sortie le 14 mai du film Il a plu sur

    le grand paysage, ralis par Jean-Jacques Andrien (1).

    Le film aborde la situation des producteurs de lait dans

    le Pays de Herve, au Nord de la Belgique, aux frontires

    des Pays-Bas et de lAllemagne. Recoupant, par bien

    des points, la ralit franaise, il pose lavenir de lagri-

    culture paysanne en Europe comme un vritable enjeu

    de civilisation.

    Pour envisager une projection :

    [email protected]

    (1) 35 mm 100 mn - 1,85 - Dolby SR France 2012 -Distribution : www.shellac-altern.org

    Dossier

    LEurope Un chantier reprendre

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  • Campagnes solidaires N 295 mai 2014 / 3

    Mensuel dit par: lassociation Mdia Pays104, rue Robespierre 93170 BagnoletTl. : 0143628282 fax: [email protected]anne.frwww.confederationpaysanne.frwww.facebook.com/confederationpaysanneTwitter: @ConfPaysanneAbonnements: [email protected] de la publication:Laurent PinatelDirecteur de la rdaction:Christian BoisgontierRdactrice en chef: Ccile KoehlerRdaction, secrtariat de rdaction: Benot DucasseMaquette: FasciculeDessins: SamsonDiffusion: Anne Burth et Jean-Pierre EdinComit de publication:Jo Bourgeais, Michel Curade, Vronique Daniel,Jean-Claude Moreau, Josie Riffaud, Genevive Savigny, Vronique LonImpression: Chevillon26, boulevard KennedyBP 136 89101 Sens CedexCPPAP n 1116 G 88580N 295 mai 2014Dpt lgal: parutionBouclage: 29 avril 2014

    Claude Cellier,paysan dans la Marne,

    secrtaire national

    LLes mesures dapplication de la nouvelle Politique agricole commune 2015-2020 sont peineboucles que dj de nouveaux fronts souvrent pour dfendre les droits des paysans dans uneconomie mondialise.Le 25 mai auront lieu les lections pour renouveler le Parlement europen. Les quelquesparlementaires opposs aujourdhui aux ngociations de laccord de libre-changetransatlantique entre lUnion europenne et les USA se disent trop peu nombreux pour y fairechec. Ils demandent toutes les organisations de la socit civile, comme nous, de nous yopposer, de faire de ce thme un enjeu important du choix de nos nouveaux reprsentants Bruxelles et Strasbourg. Il y a quelques mois, les grands partis de droite et de gauche (UMP etPS notamment) y taient favorables, plus attentifs la courbe des marchs spculatifs qulaspiration des citoyens . En mars, Barack Obama et Franois Hollande se sont mme promisdacclrer ces ngociations. Lexemple de lAlena, laccord de libre-change nord-amricain, neleur suffit pas apparemment : le bilan depuis 1992 est catastrophique, 5 millions demploisagricoles dtruits aux Mexique et aux USA, avec une rue des multinationales vers le moinsdisant social et environnemental, des conditions de travail dgrades des deux cts de lafrontire entre ces pays.

    Les promoteurs de ces accords visent la croissance pour plus demploi ? La pratique dmontredes effets inverses, ils confondent cration de richesses et concentration de richesses. Mme ledficit commercial agricole des USA en a pti, mais Obama ferme-t-il les yeux tant que lesmarchs financiers gardent leur fragile ligne de flottaison, et tant que les trusts amricainspeuvent engranger des profits dans les paradis fiscaux ?

    Dix mille lobbyistes conomiques Bruxelles, ce nest pas rien. Cela explique des choixpolitiques en faveur dintrts particuliers, aux dpens de lintrt gnral de notrecommunaut de citoyens europens.

    Tous nos engagements en faveur de lagriculture paysanne et en opposition lindustrialisation de lagriculture rpondent ces mmes enjeux. Nous voyons bien tout ce quesous-tend le projet des milles vaches chez nous, et toutes les confiscations de terres et demarchs par des multinationales, sur tous les continents. Cest partout lexclusion de personnessur qui les productivistes de tout poil spculent en dclarant : neuf milliards de bouches nourrir en 2050 justifient notre productivisme . Ils oublient seulement que ces neuf milliardsde personnes venir sont des femmes et des hommes qui demandent surtout tre acteurs deleur avenir.

    Le 17 avril a eu lieu la journe internationale des luttes paysannes. Avec la lutte pour garder laterre, il y a aussi la lutte pour garder le droit utiliser nos propres semences, celui dtre toutsimplement paysan, de dcider, de construire notre avenir. Nous partageons avec les 163 autresorganisations membres de la Via campesina ces combats de tous les jours. Donc de demain.

    On louvreDnoncer une Europe des lobbyistes,construire une Europe des citoyens !

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  • Vie syndicale

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    Crise ukrainienne : danger lexport !Les menaces conomiques sont le levier de toute crise diplomatique. En ce moment, le march agricole europen peut sattendre une sanc-tion de la part de la Russie. Il sagit du premier client de lUnion europenne en produits laitiers. Aujourdhui la Russie, demain une autre partiedu globe, chaque fois les producteurs seront victimes dune prtendue vocation exportatrice qui na pas pris en compte les risques.Les importations russes de lait slevaient en 2011 plus dun milliard deuros (contre 330 millions pour la Chine), principalement en prove-nance dAllemagne. Par effet domino, tous les pays europens, et en premier lieu la France, seraient touchs par une crise, avec une baisse desprix pays aux producteurs en perspective. La crise politique se transformera donc en crise de production, sachant quactuellement nous navonsaucun outil communautaire pour y faire face.Le march europen reste stable malgr les crises conomiques qui touchent plusieurs pays. Mais il nen est pas de mme des marchs dex-port. Ce sont eux qui provoquent la volatilit des prix et les crises associes. Celles-ci ayant pour consquence la disparition des producteurs etla concentration de la production.Tout miser sur lexport naura comme consquence que dacclrer la disparition des paysans coup de crises gopolitiques ou autres. Lestenants de la conqute du march mondial seraient inspirs dy rflchir deux fois avant de se lancer dans la croissance des exportations. Ilfaut durgence poser une organisation du march qui soit cohrente avec les besoins dans le cadre dune production relocalise.

    (communiqu du 16/4)

    La maison brleLe 13 avril, la Confdration paysanne participait

    la manifestation contre lexploitation de gaz

    de houille Divion (Pas-de-Calais), aux cts

    dorganisations telles Attac, les Amis de la Terre ou

    le Rseau Action Climat : Nos organisations

    sopposent lextraction de nouvelles sources

    dnergies fossiles et en appellent au bon sens

    des collectivits territoriales et du gouvernement pour

    renoncer dfinitivement ces projets inutiles

    et dangereux. Comme le montre un rcent rapport

    de lInstitut national de lenvironnement industriel

    et des risques (Ineris), le niveau des nappes phratiques,

    la qualit des eaux souterraines et de surface, la qualit

    de lair et des sols pourraient tre affects par

    lexploitation des gaz de couche. Le rapport pointe

    galement des risques accidentels comme la migration

    non-matrise de gaz vers la surface, inhrente

    lexploitation de gaz non conventionnels. Alors que

    la France accueillera en 2015 le sommet des Nations

    Unies sur le climat (COP 21), le gouvernement

    et les collectivits territoriales cautionneront-elles

    de nouveaux forages ptroliers et gaziers, au risque

    daccrotre encore davantage notre dpendance

    insoutenable aux nergies fossiles ?

    (extraits de lappel la manifestation)

    800 apiculteurs bloquent lentre

    de FranceAgriMer contre les nonicotinodes

    Prs de 800 apiculteurs ont manifest devant les locaux de FranceAgriMer,

    le 1er avril, demandant une extension du moratoire mis en place en 2013

    pour deux ans, suspendant lutilisation de trois nonicotinodes. Ce

    rassemblement tait organis par lUnaf (union nationale de lapiculture

    franaise), la FNOSAD (organisations sanitaires apicoles), le SNA (syndicat

    national dapiculture) et la Confdration paysanne, alors que se droulait

    un Conseil stratgique abeilles dans les locaux de FranceAgriMer. Assez des

    discours et des faux plans cophyto 2018 , a tempt Jean Sabench,

    responsable de la commission pesticides la Confdration paysanne.

    Selon lUnaf, le nombre de ruches en France est pass de 1,35 million en

    1995 1,25 million en 2013. Plus globalement, cest la politique de

    Stphane Le Foll, ministre de lAgriculture, qui est remise en question. Les

    abeilles ne sont pas le fer de lance de lagrocologie. Cest linverse : quand il y

    aura une vraie agrocologie, il y aura des abeilles , a dclar Jean Sabench.

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  • Le porte-parole nationalde la Confdration paysanne, Laurent

    Pinatel, tait convoqu le 19 avril la gendarmerie de Saint-Etienne,

    la suite de loccupation du chantier dela ferme usine des mille vaches, dans laSomme, le 11 septembre 2013. Il a t

    plac directement en garde vue.

    Je suis arriv comme convenu en trac-teur 9 heures la gendarmerie deSaint-tienne. Deux de mes voisins,Bernard et Jean-Claude, avaient tenu mac-compagner en tracteur galement, et cestdonc en cortge de quatre vhicules, etrapidement rejoint par une vache, que noussommes arrivs.

    50 personnes nous attendaient, au gros dela mobilisation plus de 200 personnes serontprsentes. Des paysans de la Loire bien sr,des consommateurs, des citoyens, des mili-tants associatifs ou politiques (EELV et PG)syndicalistes (CGT), mais aussi des paysansvenus du Rhne voisin, de la Haute-Loire etdu Puy-de-Dme. Et pas mal de mdias.

    Le major Magnier, chef de la brigade cri-minelle (oui !) dAbbeville, assist par un deses inspecteurs ma signifi immdiatementma mise en garde vue au motif que monADN a t retrouv sur les lieux du chantier.Ce nest qu 13h15 que les gendarmes ontreu lordre de me relcher et ont pu reprendrela route pour la Somme. Je nai riendclar . Pendant tout ce temps, lassocia-tion dopposants la ferme des mille vaches,Novissen, se mobilisait remarquablement Abbeville et la gendarmerie de Saint-Etiennerecevait les appels de soutiens des Conf-drations paysannes de France.

    Mais jai la nause ! Ltitia Peyrard, monavocate, est rvolte du traitement qui nousest rserv.

    Elle trouve scandaleux de voir la faondont on nous criminalise et la dmence desmoyens mis en uvre pour protger lespetits copains du pouvoir. Parce quau fond,il est bien l le souci. En dnonant la ferme-usine et lindustrialisation de lagriculture,nous avons mis les pieds dans le plat.

    Ce modle dagriculture est bien dans ladroite ligne de ce que veut le gouvernement:les gains de productivit et de croissancevont se faire lexport grce la cohabi-tation des deux agricultures, lune vitrine et paysanne et lautre industrielle !

    Ce que nous avons vcu avec Laetitia Pey-rard relve du surralisme. On a mis la bri-gade denqute criminelle et la brigadedenqute scientifique pour retrouver les

    auteurs dun tag (1) ! Il y a une vraie volontde criminaliser laction syndicale.

    Ramery, le promoteur de la ferme-usine,annonce sa premire traite pour dbut juillet.Les manifestants Saint-Etienne ont clai-rement revendiqu le fait que la Conf nedevait pas lcher et au contraire continuer se battre sur un dossier emblmatique, undossier ou tout, tout ce que nous refusonsse retrouve : accaparement des terres, prixdu lait, malbouffe, industrialisation, concen-tration, financiarisation

    Sinon lenqute est, daprs les gendarmes,close et le dossier dans les mains du pro-cureur qui va devoir se dterminer conti-nuer devant un tribunal ou pas.

    Ramery, lui, continue nLaurent Pinatel

    (1) Cf. la une du CS n 288 (octobre 2013).

    Le porte-parole de la Confdration paysanne en garde vue !

    Vie syndicale

    Campagnes solidaires N 295 mai 2014 / 5

    Vache folle : pas de coupable ?En aot 1996, la Confdration paysanne dposait une plainte contre X pour importation de farines animales. Cest la premire plainte

    qui a t dpose en France. Dautres ont suivi, jusqu leur jonction au ple sant publique de Paris. Aprs 17 ans de procdure, nous

    apprenons ce 15 avril que, selon le procureur, il ne sest rien pass ! On se dirige vers un non-lieu.

    Il ny a donc pas eu dimportations illgales de farines quon savait dj potentiellement contamines. Il ny a pas eu dabattages

    massifs de troupeaux. Il ny a pas eu de chute soudaine de la demande en viande. Il ny a pas eu de faillites de paysans.

    lheure o les farines animales tentent de revenir discrtement, ceux qui ont provoqu cette crise devraient en sortir blanchis.

    Pourtant, les crises sanitaires ne se sont pas arrtes l. Au contraire, on connat aujourdhui les drives qui y conduisent. Un non-lieu

    dans cette affaire serait un signal trs fort pour ceux qui ne sinquitent pas de jouer avec lavenir des paysans, lalimentation et donc

    la sant de tous : continuez, cest permis !

    (communiqu du 15/4)

    Laurent Pinatel sa sortie de garde vue, le 19 avril Saint-Etienne.

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  • Le ruraleur

    Zhen !Les apiculteurs et Confdrsont russi, devant le sige deFranceAgriMer, une manifes-tation de 800 personnes. Cartoujours, pour leurs abeilles, larduction drastique des pesti-cides et le retrait des insecti-cides nonicotinodes syst-miques est une question dtretues ou pas tues.

    Cette manifestation sestdroule le premier avril der-nier. Nallons pas imaginer queles autorits publiques auraientinterprt cette manifestationcomme un canular tlguidpar les abeilles ! Au contraire,on pourrait penser que les api-culteurs faisaient de lempoi-sonnement des abeilles le vrai-faux canular dun monde qui nesait pas vivre.

    Un reportage rcent (1) montreque limagination humaine nesavoue jamais vaincue, mmesi elle reste bien infrieure dansses rsultats ladaptabilitfcondante des abeilles. Ainsi,dans le Sud-Ouest de la Chine,Madame Zhen Xiuqiong grimpedans les pommiers et joue lerle de labeille malgr ses56 ans. laide dune baguettequelle plonge dans une petiterserve de pollen rcolt etsch, Madame Zhen pollinisechaque fleur des pommiersquelle prend en charge. Et siMadame Zhen le fait, cest quetout simplement aucune abeillene pourrait survivre dans le ver-ger quelle butine : les insec-ticides rpandus par elle-mmene permettent plus aux abeillesde survivre ! Dans ces condi-tions, pas question pour sonmari, pourtant apiculteur, delui prter des ruches.

    En France, notre calcul dunindice de frquence des trai-tements (IFT) ne prend pas encompte lensemble des utilisa-tions des nonocotonodes, parexemple celle du traitementdes semences. De l imaginerquil nous faudra imiterMadame Zhen, voil unedmarche acrobatique de MAE(mesure agrocologique) que leministre Stphane Le Foll nasrement pas envisage.

    (1) Arte et Le Monde , 24 avril 2014

    28 avril 2014

    Le

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    Actualit

    Agriculture paysanne Dcrypter lAnneinternationale de lagriculture familialeDepuis 1959, chaque anne,les annes internationalesdes Nations Unies sont ddies un ou plusieurs thmes. Cestlagriculture familiale qui est lhonneur en 2014 (1). Maispourquoi lagriculture familiale,pourquoi pas lagriculturepaysanne, par exemple ?

    Depuis le lancement officielde lAnne internationalede lagriculture familiale, New York, au sige des NationsUnies, le 22 novembre 2013, descomits nationaux se sont consti-tus dans une quarantaine de pays.Concrtement, tout au long delanne se droulent des rencontres,des manifestations de tous ordres,des salons, des marches, etc.

    La FAO, plus particulirementcharge de la coordination desactivits, prcise quil sagit de rehausser limage de lagriculturefamiliale et de la petite agricul-ture en focalisant lattention dumonde entier sur leur contributionsignificative lradication de lafaim et de la pauvret, lamlio-ration de la scurit alimentaire,de la nutrition et des moyensdexistence, la gestion des res-sources naturelles, la protectionde lenvironnement et au dve-loppement durable, en particu-lier dans les zones rurales. .

    Aprs une reconnaissance bien-venue de limportance de lagri-culture familiale, on retombe rapi-dement dans le jargon habitueldes Nations Unies. En effet, lob-

    jectif est de remettre lagriculturefamiliale au centre des politiquesagricoles, environnementales etsociales dans les programmes dac-tion nationaux, en identifiant leslacunes combler et les opportu-nits offertes afin de favoriser latransition vers un dveloppementplus quitable et plus quilibr .Les facteurs cls qui peuventcontribuer au dveloppement delagriculture familiale sont identi-fis : les conditions agrocolo-giques et les caractristiques ter-ritoriales, les politiquesenvironnementales, laccs au mar-ch, laccs la terre et aux res-sources naturelles, laccs la tech-nologie, aux services devulgarisation agricole et au cr-dit, les conditions dmogra-phiques, conomiques et socio-culturelles, la disponibilit dunenseignement spcialis. Vasteprogramme !

    Trois lignes dactionsEn somme, cette agriculture

    familiale qui, nous explique-t-on,nourrit 70 % de la populationmondiale, qui prserve la biodi-versit et lenvironnement, quicre des emplois, a besoin de tout!On peut donc supposer que desmoyens importants seront mobi-liss, mais la surprise est totalequand on en examine les lignesdaction proposes. Elles sontau nombre de trois : promotiondu dialogue dans les processus dedcision sur les politiques ; iden-tification, documentation et dif-

    fusion pour mieux tirer parti desenseignements et des rsultatspositifs des politiques existantes,au niveau national ou dautresniveaux, en faveur de lagricul-ture familiale ; communication,plaidoyer et sensibilisation. Toutcela est bien modeste au regard desenjeux et des objectifs prcdem-ment avancs.

    On ne peut alors que sinterro-ger. Premire question : do vientlinitiative de cette Anne interna-tionale de lagriculture familiale ?Le Forum rural mondial en est lepromoteur. Il se prsente comme une association sans but lucra-tif de caractre international et derayonnement mondial . Il est compos de personnes et dins-titutions, tant publiques que pri-ves, engages dans la recherchedun dveloppement durable etjuste, principalement dans ledomaine du dveloppementrural . Il finance aussi des projetsde coopration. Cette associationne en 1998, Gasteiz (Vitoria),au Pays Basque, est lie au secteurpatronal et la dmocratie chr-tienne locale. Lorganisation sestlance dans une campagne de troisans pour promouvoir cette annede lagriculture familiale. Elle esten charge de la coordination desactions de la socit civile.

    Deuxime question : pourquoilagriculture familiale, pourquoi paslagriculture paysanne par exemple?Dans les textes il est prcis que lagriculture familiale permet dor-ganiser la production agricole, fores-

    Le 24 fvrier, le directeurgnral de la FAO Jos Grazianoda Silva et celui dUnilever, Paul

    Polman (photo), se sontrencontrs Rome. Dans un

    communiqu, la FAO a annonctudier avec la multinationalenerlando-britannique, gant

    de l'agro-alimentaire, un accordde partenariat global visant

    unir les forces dans la luttecontre la faim avec un accent

    particulier sur l'appui aux petitsagriculteurs et l'agriculture

    familiale.

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    cobrvesSignal dalarme

    Le Groupe dexperts internatio-nal sur lvolution du climat(Giec) tire une nouvelle fois le signal dalarme. Selon son nou-veau rapport, publi dbut avril,la hausse des missions mon-diales de gaz effet de serre(GES) est de 2,2% par an depuis2000, alors quelle tait de 1,3%de 1973 2000 Les cons-quences ont dj souvent tdcrites: hausse du niveau desocans, pnurie deau et de nour-riture due la scheresse danscertaines rgions (Afrique, Asie),pour ne citer que ces exemples.Ce sont les populations les plusfragiles qui subiront les plusfortes consquences. Pour lesscientifiques, il faut une vraiervolution conomique: tripler,voire plus, les investissementsdans les nergies renouvelables,associ une capture et au stoc-kage du CO2, notamment par lareforestation.La lutte contre le rchauffementrclame une coopration inter-nationale sans prcdent ,insiste le Giec. Cette injonctionlemportera-t-elle sur les intrtsimmdiats, nationaux et privs?

    Le Snat adopte la loi davenir

    Le 15 avril, le Snat a adopten premire lecture la loi dave-nir agricole, par 175 voix pouret 125 contre (UMP), les cen-tristes sabstenant. Prs de 850propositions damendementsont t dbattues. Elles vontglobalement dans le sens dunelibralisation qui satisfait laFnsea, ce qui nest pas rassu-rant Ainsi louverture vers lesOGM dmange de plus en pluscertains parlementaires gauche. Le texte reviendra verslAssemble nationale enseconde lecture, une date nonarrte. Pour y perdre encorequelques plumes?

    Bio, moins viteAlors que la demande est forte,les conversions annuelles en biose rduisent fortement. Ainsien Pays-de-Loire, en 2013,3500 hectares ont bascul enbio, alors quon en comptabili-sait 15000 hectares en 2010.Mme constat lchelon natio-nal : en 2010, 4158 agriculteurset 169000 hectares taient pas-ss au bio; ils ntaient plus que1 290 agriculteurs pour57800 hectares en 2012, selonlAgence bio. La banalisation dubio, avec lentre en force desgrandes surfaces sur le crneau,aurait-elle un effet dissuasif, demme que certaines publica-tions dcrdibilisant ce mode deproduction?

    Actualit

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    tire, halieutique, pastorale ou aqua-cole qui, sous la gestion dunefamille, repose essentiellement surde la main-duvre familiale, aussibien les hommes que les femmes .Cest un terme relativement neutre qui ne dit rien sur la taille,sur la structure de la proprit, surles pratiques culturales

    Lambigut du termeAinsi il existe des agricultures

    familiales sous contrat, dpendanttotalement dune entreprise agro-alimentaire, voire dune multina-tionale. Cest le cas pour llevage,ou pour des productions tropi-cales comme le caf ou le cacao parexemple. Les producteurs nontaucune autonomie dans leur tra-vail. Cest la firme qui les fourniten intrants, pose ses conditionsde production et rachte, sousconditions, les produits. Il peut yavoir de trs grandes exploitationsindustrialises gres par unefamille, ou une agriculture fami-liale qui ne produit que pour lex-portation et peu de culturesvivrires. Cest une catgoriefourre-tout qui permet aux dve-loppeurs de suggrer une nces-saire modernisation , ce quesuggre la liste des facteurs cls prcdemment cits.

    Deux exemples viennent confir-mer lambigut du terme. La Com-mission europenne a organis fin2013 une confrence sur lagri-culture familiale. Dans la sancedouverture il ny avait aucun repr-sentant de lagriculture familiale,mais des fonctionnaires europenset un cadre suprieur dUnilever(2)

    qui a expliqu ce quil attendait decette campagne. Autre exemple,donn par la revue Nourrir lemonde, soigner la plante publiepar le Forum rural mondial et leProgramme rgional Fida Merco-sur (3) loccasion de cette Anneinternationale : dans le premiernumro, lvaro Ramos, coordina-teur rgional de ce programme,explique que lagriculture familialenest pas synonyme de pauvretrurale, cest une catgorie vaste ethtrogne qui comprend les fermierspauvres, mais aussi des producteursqui ont une trs forte capacit de tra-

    vail, dinnovation, dinvestissementet de management de leur systme deproduction et qui sont trs lis aumarch . Selon lui, pour luttercontre la pauvret rurale, il fautque les politiques publiques contri-buent renforcer les capacits,encouragent les partenariats privs deproduction, stimulent les associationset lmergence de technologie appro-pries qui apportent de la valeur ajou-te au produit et facilitent leur com-mercialisation . On est dans leregistre habituel du dveloppe-ment et de la modernisation agri-cole, loin de lagriculture paysanne.

    Celle-ci a repris des couleurs et dela consistance depuis que des mou-vements paysans comme la Viacampesina en ont fait leur fer delance. Cest sans doute pour cela queles promoteurs de cette Anne inter-nationale ont prfr mettre envaleur lagriculture familiale. Lagri-culture paysanne est revendiquepar ceux qui se battent contre lestraits de libre-change qui dtrui-sent le travail des paysans, contreles OGM, contre les accaparementsde terre qui enlvent leur outil devie des milliers de gens, contre desexperts qui prtendent dicter des

    manires de produire et contri-buent la destruction de la pla-nte. Ce sont toutes ces luttes quisont passes sous silence par cetteAnne internationale de lagricul-ture familiale. On pourrait parlerdune forme de strilisation desconflits politiques qui se nouentautour de lagriculture paysanne. LaVia campesina a dcid nanmoinsde participer cette Anne inter-nationale pour profiter dun espacede dbats. Esprons que sa voixsera entendue. n

    Silvia Prez-Vitoria, conomiste

    et sociologue, publication aux ditions

    Actes Sud, de deux ouvrages de

    rfrence : Les paysans sont de

    retour (2005) et La Riposte des

    paysans (2010). Article paru

    galement dans Lcologiste n 42,

    printemps 2014

    (1) 2014 est aussi lAnne internationale de lacristallographie, des petits tats insulaires endveloppement et de la solidarit avec lepeuple palestinien.(2) Unilever est une des plus grandes multina-tionales de lagro-alimentaire.(3) Le Mercosur, est un march commun quirunit actuellement lArgentine, le Brsil,lUruguay et le Venezuela (le Paraguay est sus-pendu). Cest la troisime zone conomiquede libre-change aprs lUnion europenne etlAlena (qui runit les tats-Unis, le Canada etle Mexique).

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  • cobrvesBeulin

    et les petits paysans loccasion du dbat sur la loidavenir au Snat, Xavier Beu-lin a t interview par AgraPresse. Sur la loi, il se rjouit desavances sur la dimension co-nomique. Sur sa double cas-quette de prsident de la Fnseaet de Sofiprotol, il est trs laise , Sofiprotol tant unoutil au service des agricul-teurs, cest bien connu la question: La Fnsea affirmevouloir garder des paysans surtout le territoire tout en favori-sant une restructuration (), ona du mal comprendre , ilrpond (extrait): Si vous regar-dez les chiffres de la filire conso-lide, depuis les annes soixante-dix, la Ferme France (!) na pasperdu demplois. Puis, plus loin:On veut dans tous les secteursavoir plus de PME solides, et danslagriculture on voudrait garderle petit paysan avec son bret surla tte et sa baguette sous lebras? Cest affligeant! On peutaussi dire : cest mprisant !

    Le Gaucho pas nocif!Les juges de la Rpublique ontune curieuse faon dapprhen-der les questions agricoles. Aprsle non-lieu sur la vache folle (cf.p.5), non-lieu galement sur leseffets de linsecticide Gaucho,prononc le 1er avril. Treize ansaprs les premires plaintes, lejuge na rien trouv concernantla destruction du cheptel api-cole: La communaut scienti-fique na pas dmontr lexis-tence dun lien de causalit .LUnion nationale des apicul-teurs de France (Unaf) a annoncquelle faisait appel.En France, le Gaucho est inter-dit sur Tournesol depuis 1999,et sur mas depuis 2004. LaCommission europenne en agalement interdit lusagedepuis dcembre 2013 sur 75cultures, dont colza, mas ettournesol. Ce non-lieu va relan-cer loffensive des craliershostiles linterdiction.

    Baisse des aides Pac En 2014, les aides directes Pac(DPU) baissent en moyenne de9 %. 3 % sont dus la baisse delenveloppe globale europenne,puis 3 % sont lis au renforce-ment de certaines productionsen difficults ou handicaps, etenfin 3 % sont affects au dve-loppement rural (second pilier).De sorte que pour certains bn-ficiaires moins favoriss jusque-l, la dotation 2014 sera en am-lioration. Tout en respectant uncart respectable avec les DPUprivilgis

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    8 \ Campagnes solidaires N 295 mai 2014

    Envie de paysansUne campagne sachve, une autre commence !La campagne Envie depaysans achve une annedinitiatives tous azimuts. Unenouvelle campagne dbute.

    La campagne Envie de pay-sans ! touche sa fin. Ce futun an riche dvnements,de crativit et de dynamiquespour soutenir laction (et lesactions) syndicale(s) de la Conf-dration paysanne et diffuserauprs dun large public le projetvhicul par lagriculture pay-sanne.

    Ferme Paris en mai-juin 2013,projections de films, confrences-dbats, animations dans les lycesagricoles, ftes paysannes, col-loques, campagnes sur le web etles rseaux sociaux, expos photo,infographies, pains perdus pay-sans, vidos, portraits paysans,fermes ouvertes, carte des maga-sins de producteurs : il y en a eupour tous les gots un peu par-tout en France.

    Une riche anne de campagnepour communiquer sur la Poli-tique agricole europenne (Pac),lagriculture et lalimentation. Unespace de rapprochement des pay-sans et des consommateurs, desruraux et des urbains, des expertset des moins initis, des lus poli-tiques et des citoyens.

    En un an, ce sont plus de 15000personnes qui se sont inscritesaux brves de campagne (1), etqui suivent ainsi rgulirementlactualit de la Confdration pay-sanne, des dizaines de milliers depersonnes qui ont particip auxdiffrents vnements, 400 000qui sont passs sur le site Inter-net ou qui ont t touches par lesrseaux sociaux, environ 60000qui ont visionn les vidos pro-duites cette anne, plusieurs mil-lions touches indirectement parles mdias

    Et ce nest que le dbut ! Eneffet, La Confdration paysannevient de se voir accorder de nou-veaux financements pour enclen-cher la suite de cette campagne ! chelle europenne qui plusest ! Cest donc reparti pour untour. Au programme: banquets etpique-niques paysans, participa-tion trois grands festivals demusique Solidays (Paris, 27-29 juin), Main Square (Arras,3-6 juillet) et Rock en Seine(Paris, 22-24 aot) colloques,

    vnements, films-confrences-interventions dans les coles etfermes en ville dans cinq payseuropens (Espagne, Portugal,Italie, France, Belgique), vidos,infographies

    Lide gnrale sera de conti-nuer sensibiliser de nouveauxpublics autour des enjeux soci-taux impacts par les politiquesagricoles, avec en particulier laPac rforme. Les axes princi-paux de cette campagne seront lamise en avant de lagriculturepaysanne et familiale dans uncadre plus gnral de relocalisa-tion de lagriculture. Elle sera pr-sente comme la seule alternativepertinente au libralisme mon-dialis, cause majeure de lin-dustrialisation de lagriculture etde la destruction des campagnes.Phnomne quil sera ais demettre en lumire au travers desngociations du projet daccordde libre-change entre les tats-Unis et lUnion europenne(Tafta) et de laction syndicalequi sy opposera !

    Cest donc reparti pour un an decampagne ! n

    Pierre-Alain Prvost,

    charg de campagne

    (1) fil dinformation du site Internet enviede-paysans.fr

    Actualit

    Et ce nest que le dbut!

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  • Loi davenir agricole Pas contrebandiers, paysans !

    Actualit

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    Les GDS reconnusLes groupements de dfensesanitaire (GDS) et la Fdra-tion nationale de lutte contreles organismes nuisibles (Fre-don) sont reconnus, par arrtdu 31 mars, comme orga-nismes vocation sanitaire(OVS). Ils deviennent danschaque rgion les interlocu-teurs uniques de ltat enmatire de veille sanitaire.Coop de France et les sec-tions porcine et avicole de laFnsea voulaient assurer sousleur coupe et par filire lesuivi de leurs cheptels. Ilsdnoncent larrt et mena-cent de ne pas participer aufinancement des instancesconcernes. Une mainmiseet des ressources qui chap-pent la Fnsea et complices.

    Parole(s)Le Conseil suprieur de lau-diovisuel (CSA) a dcid (Jour-nal officiel du 2 avril) de don-ner un temps de parole gal la TV et la radio la Conf-dration paysanne et la Coor-dination rurale. Le temps deparole de la Fnsea est deux foisplus lev, ce qui ne lempchepas de dnoncer une dcision purement politique . Selonelle, les missions d expres-sions publiques sont rser-ves aux organisations repr-sentatives des salaris et desemployeurs, or Confdra-tion paysanne et Coordinationrurale ne sont pas reprsenta-tives des employeurs . Nyaurait-il que des employeurs la Fnsea ?

    Amendes de la Commission

    europenneLa France est particulirementpingle par la Commissioneuropenne pour sa gestiondes paiements directs de laPac. Selon certaines informa-tions, cest un montant glo-bal de 1,2 1,3 milliard deu-ros que Bruxelles veutrcuprer auprs de la France.Le chiffre est vivementcontest par le ministre delAgriculture qui remet encause, et le fondement juri-dique, et le chiffrage de lacorrection financire. Pourlheure, la France doit djrembourser 238,9 millions,pour attribution indue daide la surface. Erreur dessatellites espions ou des agri-culteurs ?

    Jo Bourgeais

    Campagnes solidaires N 295 mai 2014 / 9

    Tel tait le mot dordre duneaction symbolique, organise Lyon le 4 avril pour interpellerles snateurs la veille de leurdbat sur le projet de loidavenir agricole et forestire(LAAF).

    Plus de soixante paysans sontrassembls ce 4 avril Lyon,des chanes aux pieds, pourrappeler aux lgislateurs que lespaysans veulent pouvoir continuer exercer leur mtier sans quonles considre comme des contre-bandiers ! Cinq bagnards remet-tent symboliquement la Directionrgionale des douanes des produitspotentiellement considrs commedes contrefaons: un pain au levainfermier, des fromages fermiers, unvin vinifi avec des levures indi-gnes, un purin dortie et dessemences paysannes. Tous ces pro-duits sont susceptibles de contenir desinformations brevetes, et donc dtresaisis et dtruits par les douanes, selonla loi sur les contrefaons publie auJournal Officiel en fvrier 2014 explique Guy Kastler, responsablede la commission semences de laConfdration paysanne. Maispeut-on mettre au mme niveau un

    faux polo Lacoste et un vin produit partir de levures que le vignerona lui mme reproduit dans soncuvage?

    Pour Vincent Rouz, secrtairegnral de la Confdration pay-sanne du Rhne, le constat estclair : Aujourdhui, 50 % dessemences en France sont dessemences de ferme, et 80 % lchellemondiale. Vous comprenez bien lin-tention des multinationales qui secachent derrire la loi. Sils peuventobtenir que lutilisation dune semencede ferme ou paysanne soit consid-re comme une contrefaon, cest100 % de la production qui est souscontrle et qui est payable , ana-lyse-t-il avant de conclure : Si onveut nous faire payer la reproductiondu vivant, nous sommes des contre-bandiers et fiers de ltre.

    Quen dit le Snat ?Dix jours plus tard, aprs qua-

    rante heures de dbat, le Snatadopte le projet de loi davenir(LAAF) sans amliorer le fragiledsquilibre construit prcdem-ment par les dputs: les semencesde ferme ne pourront pas tre sai-sies pour contrefaon, mais la loiCOV (1) qui interdit les mmes

    semences de ferme ou les soumetau paiement de royalties (pour 21espces drogatoires : la plupartdes crales, olagineux et espcesfourragres, les pommes de terre)est toujours l. La protection dubrevet ne sapplique pas en cas de prsence fortuite dune infor-mation gntique brevete (conta-mination gntique) dans dessemences, mais elle sapplique tou-jours en cas de reproduction laferme de ces semences, ou en casde prsence fortuite dans unanimal ou des prparations natu-relles (levains, levures).

    Par contre, la Confdration pay-sanne avait obtenu des dputs enjanvier le droit dchanger libre-ment dans le cadre de lentraidepaysanne des semences nappar-tenant pas une varit protgepar un COV : les snateurs ontrserv cette possibilit aux seulsmembres des GIEE, groupementsdintrt conomique et environ-nemental nouvellement crs parla loi. Guy Kastler explique: Pourchanger des semences, il faudra donccrer un GIEE qui devra tre agrpar le prfet de rgion lissue duneslection et sur proposition dune com-mission rgionale o la professionagricole sera majoritairement repr-sente par des vendeurs de semencescommerciales et de pesticides (coop-ratives et syndicat majoritaire). Cene sont donc que quelques dizainesde paysans qui pourront bnficier decette nouveaut ! Les snateursnont galement rien modifi en cequi concerne les prparations natu-relles non proccupantes (PNPP)qui restent de fait interdites par desprocdures dhomologation dis-proportionnes (obligation dau-torisation de mise sur le march),au profit des produits de bio-contrle brevets. Le projet deloi peut et doit donc encore vo-luer dici lt. n

    Samuel Richard,

    animateur de la Conf 69

    (1) Loi sur les certificats dobtention vgtale(COV), vote le 8 dcembre 2011.

    Le 4 avril Lyon, la Confdration paysanne manifestait derrire ses militants habillsen bagnards : rgulirement, des projets lgislatifs ou rglementaires les menacent dedevenir contrefacteurs sils utilisent leurs propres semences, levures, ferments ouautres prparations naturelles. Le but : les obliger acheter ces produits certifis etvendus par les filiales des grandes firmes pharmaceutiques ou agro-industrielles.

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  • Actualit

    O en est le dbat politique la Conf-dration paysanne sur la mthani-sation ? Qui veut sy immiscer aintrt connatre son manuel de biochi-mie sur le bout des doigts. Car argumentstechniques divers et varis sinfirment et/ouse confirment, sans quon puisse rellementen voir le bout. La mthanisation est pour-tant dj bien lance en France, et lambi-tion politique de lacclrer nest plus unsecret: le ministre de lAgriculture, StphaneLe Foll, tient son plan nergie Mtha-nisation Autonomie Azote qui prvoit 1000 mthaniseurs la ferme en 2020 .

    Or selon les territoires, les productions,les acteurs, les ralits des projets sontextrmement diffrentes. Ainsi mergent desdivergences de points de vue sur la gestionde lazote, la capacit produire de lner-gie, ou encore le risque sur lapport en car-bone des sols.

    Tous ces aspects sont videmment trsimportants pour comprendre les enjeuxagronomiques et environnementaux dunetelle technologie, mais leur comprhen-sion va de pair avec lanalyse du cadre poli-tique, conomique et social dans lequelelle sinscrit (ou va trs vite sinscrire).Et observer de prs ou de loin lagitationqui rgne autour de la mthanisation (indus-triels, pouvoirs publics, bureaux dtude,agriculteurs), on peut prdire sans dif-

    ficult que son dveloppement, sous uneforme ou sous une autre, ira bien plus viteque le dtricotage et laboutissement desconfrontations techniques.

    Prenons ainsi lexemple des agrocarbu-rants. Prsents leurs dbuts comme unerponse de substitution aux nergies fos-siles, vite ont t dmontrs leurs mfaitset dmonts les espoirs du dbut sur leursbienfaits environnementaux. Aujourdhui,il ny a (presque) plus personne pourremettre en cause leur impact ngatif surla souverainet alimentaire, les droits despaysans et des populations ou leur effet sur

    le phnomne daccaparement des terres.Si les dbats techniques continuent encoredans la petite sphre des industriels et desdcideurs, ils servent surtout aux acteursde la filire pour remettre en cause et emp-cher les avances politiques minimes surla question. lheure actuelle, comme pourbien dautres domaines, les agrocarburantsindustriels ont pris le dessus et lhuile vg-tale pure (HVP), sur laquelle la Confd-ration paysanne a port un regard positifcomme outil dautonomie sur les fermes,est ultra-minoritaire en France.

    Il en va de mme pour la mthanisation :comme il nest plus nier que des projetsde petite mthanisation la ferme ou desprojets collectifs conus intelligemmentont leur intrt, il est indniable que le

    dveloppement de la mthanisation enFrance fait porter un risque lagriculturepaysanne : lexemple du projet la ferme des1 000 vaches, dans la Somme, en est lesymbole (cf. CS n 288).

    En parallle des dbats techniques, il y aurgence pour la Confdration paysanne empcher que le processus de dveloppe-ment de la mthanisation remette en causeson projet politique. Cest cette priorit quia t acte par le comit national du syn-dicat en mars 2014, autour de quatre grandsprincipes :

    1 que soit dfini lchelle rgionale,avec tous les acteurs, un plan global demthanisation prenant en compte le com-plment en carbone partir de la seuledisponibilit en dchets ;

    2 que les fonds publics destins sou-tenir lagriculture ne permettent pas desubventionner les projets de mthanisa-tion ;

    3 que lutilisation de cultures ddieset intermdiaires soit interdite pour toutprojet (1) ;

    4 que la gouvernance des projets demthanisation soit clairement prdfinieet durablement assure par des agricul-teurs et/ou des collectivits, de faon garantir la scurit des utilisateurs dedigestat (2).

    La Confdration paysanne revendique lamise en place dun moratoire sur la mtha-nisation tant que les quatre points prc-dents ne sont pas encadrs, et demande lasuspension de tous les projets intgrantlutilisation de cultures ddies ou inter-mdiaires dans leurs procds.

    En empchant le dveloppement dunemthanisation industrielle destructrice, onpeut alors imaginer que les ambassadeursde lagriculture paysanne auront touteplace pour dvelopper une mthanisationpaysanne au service dun projet agricoleet dune transition nergtique intelli-gents. n

    Suzie Guichard, animatrice nationale

    (1) Cultures destines alimenter directement le mthani-seur. Le cas du mas est le plus emblmatique : en Alle-magne, on estime quen 2012, 820 000 hectares (sur2,5 millions) taient ddis la production dagro-nergie,en grande partie du mthane (source : Paysan breton).(2) Le digestat ( ne pas confondre avec le compost) est undes deux rsidus, au mme titre que le gaz, issu du proces-sus de mthanisation de la matire organique. Il sagit dunrsidu solide ou liquide pteux compos dlments orga-niques non dgrads et de minraux.

    Mthanisation Ne pas y aller plein gaz !La Confdration paysanne pose quatre grands principes pour encadrer la production de mthane la ferme et demande unmoratoire sur les projets en cours, le temps que la rflexion soit mene et ce cadrage act.

    10 \ Campagnes solidaires N 295 mai 2014

    Drive allemande : unit de mthanisation de Penkun, prs de la frontire avec la Pologne, 20 hectares,1 000 tonnes de mas par jour et 12 000 hectares cultivs ncessaires (source : Amis de la Terre)

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  • Actualit

    Campagnes solidaires N 295 mai 2014 / 11

    Le 15 avril , les dputs ont vot une loivisant interdire la mise en culturedes varits de mas gntiquementmodifi sur le territoire national .Victoire phmre ou durable ? Seulesnos mobilisations feront pencher labalance dans un sens ou dans l'autre.

    La loi vote le 15 avril lAssemblenationale interdit de semer le seulOGM aujourdhui autoris la culture,le mas de Monsanto MON 810. Mais leSnat doit encore la voter : elle ne sera doncapplicable quaprs la fin des semis de mas.

    Pour cette anne, linterdiction des cul-tures transgniques repose sur un arrt du14 mars, contest par lAGPM (1) devant leConseil dtat qui doit se prononcer enurgence : le fera-t-il avant ou aprs la findes semis ? Et la Commission europennea dj annonc sa volont dautoriserdautres cultures dOGM ds 2015 : faudra-t-il une nouvelle loi pour chaque nouvelleespce autorise ?

    Ensuite, cette loi ninterdit pas les impor-tations dOGM que nous mangeons tous lesjours transforms en ufs, viandes et autresproduits laitiers. Elle ninterdit pas nonplus les nouveaux OGM cachs et breve-ts qui envahissent nos champs : tourne-sol, mas et colza rendus tolrant aux her-bicides (VrTH, cf. CS n 294) Ntant pastiquets, ces produits passent inaperusauprs des consommateurs qui nen veu-lent pas.

    Cette loi est aussi contraire au droit euro-pen actuel. Pour comprendre sa porte,il faut revenir la loi OGM du 25 juin2008 qui transcrit ainsi un article de ladirective europenne 2001/18 (2) : Lesorganismes gntiquement modifis nepeuvent tre cultivs, commercialiss ou uti-liss que dans le respect de lenvironnementet de la sant publique, des structures agri-

    coles, des cosystmes locaux et des filiresde production et commerciales qualifiessans organismes gntiquement modi-fis . Cet article oblige de fait ltat interdire toute culture de mas OGM ris-quant de contaminer les mas populationet les ruches sans OGM quon peuttrouver dans toutes les zones o le mas estcultiv.

    Mais pour la seule dfense des apiculteurset de quelques agriculteurs bio, aucungouvernement nose affronter le lobby dumas industriel qui veut des OGM. Lesministres tentent de se rfugier derrire larglementation europenne. Problme : les mesures durgence ce niveau exigentla validation par une tude publie dansune revue scientifique officielle de lexis-tence dun risque grave pour la sant oulenvironnement.

    Au bon vouloir des firmesOr une telle tude ne peut pas tre ra-

    lise ni publie sans laccord du titulairedu brevet de lOGM, seul dtenteur dessemences de base indispensables sa ra-lisation. Le sort de Gilles-Eric Sralini quia contourn cette obligation (3) est instruc-tif : Monsanto ne le lui a pas reproch depeur de dvoiler au grand jour ce verroulgal toute contestation scientifique desOGM ; suite une vaste campagne decalomnies, la firme sest contente din-troduire un de ses anciens salaris chezlditeur de ltude qui la alors retire

    Les gouvernements ont pourtant un autremoyen dinterdire les OGM: faire appliquerleur demande du 5 dcembre 2008 de ren-forcer leur valuation en tenant comptedes impacts sur les systmes agraires. Mais

    la Commission europenne ne fait rienpour appliquer cette recommandation duConseil de lenvironnement. Au contraire,elle veut simplifier et acclrer les proc-dures dautorisation europennes. Enchange, elle propose aux tats de rviserla directive 2001/18 pour les autoriser interdire la culture de certains OGM sur leurterritoire, ce qui lgaliserait la loi fran-aise visant les mas transgniques. Mais ilsne pourront le faire quavec laccord delentreprise qui produit lOGM ou sur la basedarguments accepts par lOrganisationmondiale du commerce.

    Si lEurope a pu rsister aux sanctions delOMC, cest parce quelle na pas interditque la production de viande aux hormones,mais aussi son importation. Mais aucunpays ne pourra rsister la pression de sesagriculteurs victimes la fois de telles sanc-tions et de distorsion de concurrence face la libre circulation des OGM venant desautres pays autorisant leur culture.

    Deux mesures trs urgentes attendent lanouvelle ministre de lcologie, SgolneRoyal : refuser ce march de dupe et inter-dire les colza VrTH avant les semis daot.Il ne nous reste que quelques mois pour laconvaincre. n

    Guy Kastler,

    commission OGM

    de la Confdration paysanne

    (1) Association gnrale des producteurs de mas (Fnsea).(2) Larticle 26 bis qui dit que Les tats membres peuventprendre les mesures ncessaires pour viter la prsenceaccidentelle dOGM dans dautres produits .(3) Les travaux conduits par lquipe du biologiste Gilles-Eric Sralini, publis par la revue Food and chemical tech-nology le 19/9/2012, montrent que la consommationrgulire de mas NK603 de Monsanto a une incidencegrande pour la sant (cf. CS n 277).

    OGM Une interdiction fragile et porte limite

    OGM cachs au grand jourLe 9 avril, trois faucheurs volontaires compa-raissaient devant la cour dappel dOrlans pouravoir, aux cts de 119 autres militants ayantrevendiqu les faits, neutralis une parcelle exp-rimentale de tournesols muts, produits par lesfirmes Pioneer et Caussade, en juillet 2010 dansla rgion de Tours. Ces plantes sont exclues duchamp dapplication de la directive europennesur les OGM, mais les faucheurs et la Conf-dration paysanne jugent ces deux techniquesaussi dangereuses lune que lautre. La cour dap-pel dOrlans rendra son arrt le 24 juin.

    Les trois faucheurs volontaires poursuivis devant le palais de justice dOrlans le 9 avril, Fabien Houyez,Bruno Stree et Andr Puygrenier, paysan retrait et confdr en Charente.

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  • Le Parlement et le Conseil europendlguent la rdaction des aspects

    techniques des lois la Commission,donnant cette dernire plus de

    pouvoir, sans contrle dmocratique.

    Le 11 novembre dernier, une semaineavant le vote dfinitif de la nouvellePolitique agricole commune (Pac) parle Parlement europen, 23 tat membres(dont la France) troublaient lambiancefeutre des couloirs de Bruxelles. En cause :les actes dlgus de la nouvelle Pac.De quoi sagit-il ? Depuis 2009 et lentreen vigueur du trait de Lisbonne, la pro-cdure veut que le Conseil (runissant les28 chefs dtat ou de gouvernement) et leParlement adoptent conjointement toutenouvelle loi europenne, retranscrite en actes lgislatifs . Les deux instances peu-vent ensuite dlguer lorgane excutif delUnion, la Commission europenne, lardaction dactes dlgus qui compltentou modifient certains lments non essen-tiels dun acte lgislatif. Le but ? pargneraux 766 dputs et aux membres du Conseilla rdaction des aspects les plus techniquesdes lois votes. Ne bnficiant quasimentpas dadministration technique, le Parle-ment confie donc aux hauts fonctionnairesde la Commission la rdaction des textesde mise en uvre de toute nouvelle lgis-lation.

    ContradictionsDans la note adresse par les 23 tats

    membres la Commission, ceux-ci dnon-cent le fait que certains actes dlgus dela nouvelle Pac entraneraient une appli-cation de la lgislation en totale contra-diction avec les orientations politiques dela rforme. Pour exemple, et alors mmeque la Pac se veut plus verte et plusquitable, les aides actuelles lagriculturebiologique pourraient tre diminues deprs dun tiers si lon se conforme lactedlgu correspondant. De mme, lesaides linstallation des jeunes en agri-culture pourraient diminuer suite lamise en place de critres trs restrictifs pourceux qui sinstallent sous une forme soci-taire.

    Si le Parlement peut sopposer par la suite un acte dlgu, selon Daniel Guguen,professeur au Collge dEurope, les dlais

    trs courts pour exprimer un veto (deux mois),lobligation de runir une majorit absolue, latechnicit des dossiers et le nombre trs res-treint de dputs comptents pour cette pro-cdure () rendent le droit de veto du Par-lement virtuel sauf pour quelques cas sensiblesou mobilisateurs (1).

    Transfert de pouvoirEntre-temps, en janvier dernier, le Snat

    a command un rapport dinformationsur la place des actes dlgus dans lalgislation europenne . Les auteurs yexpriment une proccupation sur ce quia de plus en plus tendance apparatrecomme un transfert de pouvoir, insidieuxet mal contrl, la Commission euro-penne (2). Ils soulignent que de rcentesrsolutions renvoient trop souvent desactes dlgus, faisant de chaque actelgislatif une coquille vide , remplie parles services techniques de la Commission.Quant la nouvelle Pac, la Commissiona manifestement outrepass son pouvoir

    et sa comptence dlgue . Pour ledput europen Jos Bov, les servicestechniques de la Commission, qui adhrent une idologie librale, sont entrs ici en conflitavec ce qui a t dcid dmocratiquement .Les hauts fonctionnaires de la Commis-sion nauraient ainsi pas adhr la timidevolont de mettre en uvre une Pac plusredistributrice et plus verte, dtricotant ensous-main des accords politiques fruitsde trois ans de ngociation. Cest un pro-blme de fond du fonctionnement dmocra-tique europen, ajoute Jos Bov. On donnevia ces actes dlgus du pouvoir ladmi-nistration de lexcutif europen mais sansaucune transparence, ni contrle dmocra-tique. n

    Mickal Correia,

    article issu du n 433 (fvrier 2014)

    de Transrural initiatives

    (1) www.alienoreu.com/docs/Les actes dlgus.pdf Europolitics, 8 fvrier 2012.(2) www.senat.fr/rap/r13-322/r13-3221.pdf

    Europe / PacQuand le technique lemporte sur le politique

    Actualit

    12 \ Campagnes solidaires N 295 mai 2014

    Le trait de Lisbonne a donn la Commission, via les actes dlgus, le pouvoir de rdiger les textes demise en uvre de toute nouvelle lgislation. Sans aucune transparence, ni contrle dmocratique , selonJos Bov.

    Feu vert du Parlement europen aux actes dlgus de la rforme de la PacLe 7 avril, la Commission de lagriculture du Parlement europen a donn son feu vert ladop-tion des actes dlgus de la rforme de la Pac. Les rsolutions dobjection qui avaient tdposes ont toutes t rejetes. Lors de la dernire session, du 14 au 17 avril, le Parlementna pas vot dobjection. Pour que les actes dlgus soient rejets, il aurait fallu quune majo-rit absolue des 766 dputs europens vote en ce sens.

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  • LEurope Un chantier reprendrequelques jours du renouvellement du Parlement euro-pen, votre mensuel veut apporter sa contribution audbat lectoral. Les peurs, les dsesprances ne peuvent

    tre les balises guidant nos choix dans lisoloir, car ceux qui nousont prcds dans notre mouvance syndicale ont port sur lesfonds baptismaux les valeurs des premires coopratives et desgaec. Les pres fondateurs de la Communaut conomique euro-penne, Jean Monet et Robert Schumann, ont relay dans un espacemacroconomique, ce dsir du vivre ensemble, tournant la page plusieurs sicles de rglement des diffrents par les armes.

    La solidarit financire, la protection du march europen, lor-ganisation des productions vont tre terrasss trente ans plus tard.Labandon du contrle des changes, la libre circulation des capi-taux, linfluence de Milton Friedman (prix Nobel dconomie)consacrant la main invisible du march et les contraintes delorganisation mondiale du commerce (dont lUE a t actrice dansles rgles du jeu) vont voir svanouir toutes ambitions poli-tiques, au profit des nouveaux matres du monde.

    la Confdration paysanne, nous avons toujours affirm quele commerce est acceptable quand il sopre entre pays niveaude dveloppement comparable, sans dumping fiscal et social, etsans paradis fiscaux. Un commerce ingal est devenu destruc-teur et un moyen de chantage des transnationales pour dfaireles acquis sociaux et syndicaux. Les courants populistes, xno-phobes, nationalistes reprennent du service, surfant sur la crise,la dnonciation du bouc missaire.

    Nos propres lus politiques du moins trop dentre eux se ddouanent bon compte de leur mdiocrit. Lesexclusions multiples, les scandales alimentaires, lessuspicions quant aux consquences sur la sant,et la spculation sur les prix agricoles contrai-

    gnent une population plus nombreuse sortir de la torpeurconsumriste.

    Quatre grands acteurs et tmoins apportent leur contribution ces pages : Grard Choplin qui a accompagn trente annes desyndicalisme pour une autre agriculture, Genevive Savigny,actuelle reprsentante la Coordination europenne Via cam-pesina, Aurlie Trouv et Frdric Lemaire, deux conomistesmilitants dAttac.

    Berlin vient de connatre (en fvrier) une mobi-lisation de 30000 personnes rclamant uneautre agriculture et larrt des ngocia-tions de libre-change avec les tats-Unis, montrant le chemin suivrepour les peuples. Ainsi va lebalancier de lhistoire. Noussommes de moins en moinsseuls. Lavenir de lUE estforcment entre nosmains. n

    Christian Boisgontier

    Dossier

    Campagnes solidaires N 295 mai 2014 / I

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  • Si le navire Europe est aussi peu attrac-tif, cest peut-tre que sa destinationnest pas claire, ou que la destinationaffiche ne correspond pas la ralit.

    LUnion europenne est ne sur les cendresde deux guerres mondiales qui ont ravagle continent, coup ensuite en deux par la guerre froide entre le bloc atlantiqueet le bloc sovitique.

    Le premier moteur de la construction euro-penne a donc t stratgique : faire la paixentre la France et lAllemagne et faire face lempire sovitique, dont les chars et lesfuses taient 500 kilomtres de Stras-bourg. La premire initiative a t celle dela Communaut europenne de dfense,refuse en 1954 par le Parlement franais.On sest donc rabattu sur lconomique : lecharbon, lacier puis lagriculture, que lona mis en commun, pour imbriquer de plusen plus les conomies des six pays fonda-teurs (1).

    Le deuxime moteur, partir de 1985, at le lancement du march unique en1988, ralis en 1993. Ce qui avait t faitpour lagriculture, on le faisait maintenantpour toute lconomie. Lconomiqueconduirait ensuite au politique, vers unevraie Union europenne.

    Ctait sans compter sur lhistoire, quinavance jamais de faon linaire.

    La dmolition du Mur de Berlin en 1989,puis la chute de lempire sovitique, ontsurpris les Europens et cass le premiermoteur, stratgique. Lennemi den faceavait disparu.

    Cette victoire sans guerre du bloc atlan-tique a acclr la mise en uvre des poli-tiques nolibrales impulses depuis peupar les tats-Unis de Reagan et le Royaume-Uni de Thatcher. Ils navaient plus peur queleur politique jette les Europens dans lesbras de Moscou. Le nolibralisme a alorsdomin la scne partir des annes quatre-vingt-dix et deux mille, brisant le deuximemoteur: le march unique europen sest dis-sous dans la mondialisation, les frontiresconomiques ont quasi disparu. La cour dejeu de Unilever, GDF-Suez, Shell, Danone,etc ce nest pas lEurope, cest le monde.

    Et le navire va, sans que lon ait remplacles moteurs, au risque de schouer au pre-mier rcif. Lerreur majeure des dirigeantseuropens partir des annes quatre-vingt-dix est de navoir pas initi un dbat sur lenouveau sens donner lUnion euro-penne (UE) aprs la chute du Mur, quipuisse mobiliser les citoyens, et davoir laissles grandes firmes, de plus en plus multi-nationales dsormais, crire les rgles laplace des politiques et confisquer lEurope.

    Ds les annes quatre-vingt, le club de la Table Ronde Europenne (2) des indus-triels a plus que conseill la Commis-sion et naura de cesse que les propositionsde la Commission ressemblent trange-ment aux leurs : plus de march, moins d-tat, et pas dharmonisation fiscale ou sociale,ni de transparence du lobbying.

    Le lancement de la ngociation transat-lantique illustre parfaitement la mainmise dubusiness sur la dfinition des politiques et desaccords commerciaux. LUnion europenneest devenue la sienne, et les citoyens sendtournent. Dautant plus que les gouver-nements et parlementaires nationaux conti-nuent trop souvent daccuser Bruxelles quand ils ne veulent pas assumer les dci-sions prises avec leurs collgues europens.

    Pour que lUnion europenne deviennentre, il nous faut loccuper, nous la rap-proprier. Car elle reste encore un levier (3),o des politiques solidaires et durables sontpossibles, loin de ractions anti-europennessimplistes.

    Le 25 mai et tous les jours suivants, occu-pons lEurope. n

    Grard Choplin,

    formateur, rdacteur, consultant sur les questions

    agricoles, ancien charg de politique agricole

    la Coordination europenne Via Campesina

    (1) Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas.(2) Voir le film The Brussels business - version F :www.youtube.com/watch?v=NbXcPpM86Tk(3) Voir Hold-up Bruxelles Jos Bov & GillesLuneau, p 235 La Dcouverte, fvrier 2014, 17 euros.

    Dcryptage Se rapproprier une Europe confisqueAlors quune partie croissante de la lgislation scrit au niveau europen, que les ministres et dputs europens la co-dcident, llection du 25 mai doit marquer plus que jamais lintrt des citoyens. Ils ont entre leurs mains un levier o despolitiques solidaires sont encore possibles.

    Dossier

    Manifestation Montpellier, en mars 2014, contre le projet daccord de libre change entre lUnion europenneet les tats-Unis : le lancement de la ngociation transatlantique illustre la mainmise du business sur la dfi-nition des politiques et des accords commerciaux. LUE est devenue la sienne, et les citoyens sen dtournent.

    Dans ce livre, travers des cas concrets vcus au quo-tidien, Jos Bov livre la ralit des couloirs de Bruxelleset braque le projecteur sur les connivences dont bn-ficient, au plus haut niveau de lorganigramme admi-nistratif, les lobbyistes de lindustrie (voir CS n 293).

    II \ Campagnes solidaires N 295 mai 2014

    CS 295.qxd:CS actu 245.qxd 29/04/14 12:28 Page II

  • Au lieu de rduire la valeur de leuropour redonner de la comptitivit auxentreprises europennes, lUnioneuropenne laisse ses tats membrescreuser les dficits budgtaires et faireappel des emprunts colossaux.

    50milliards deuros pour le pactede comptitivit viennentdtre attribus aux entre-prises, mais le silence est le plus total surles diffrentiels montaires entre les grandesmonnaies (euro, dollar, yuan) rgissant leschanges internationaux.

    Notre monnaie, utilise dans 18 tatsmembres de lUnion europenne, est rva-lue 1,37 dollar contre 1 dollar sacration en 1999 , renchrissant de plusde 30 % tous nos produits quittant la zoneeuro. Petit avantage quand mme, notremonnaie adoucit le prix de la facture ner-gtique (ptrole et gaz) et de nos impor-tations contraintes de soja.

    La Banque centrale europenne, gardiennede lorthodoxie budgtaire, refuse dutiliserles leviers qui rduiraient la valeur de leuro,comme savent le faire les USA et les Chi-nois. Historiquement pourtant, le leviermajeur pour redonner un avantage com-ptitif et se protger des pays monnaiesfaibles tait la dvaluation.

    Un outil historique :la dvaluation

    Notre pays ne sen est pas priv : sous leFront populaire (dvaluation de 60 % dufranc Poincarr) ; sous de Gaulle (20 % dedvaluation en juin 1958, au lendemain delinvestiture, et 17,55 % en dcembre, ds

    lannonce du plan de stabilisation Pinay-Rueff ) ; sous la IVe Rpublique (60 % en1945, 45 % en 1948, 22 % en 1949).

    Mais loutil nest pas propre la France :les dvaluations des autres pays (la lire ita-lienne, la peseta espagnole et lescudo por-tugais) vont impacter lourdement la viti-culture, les fruits et lgumes, lindustrie dutextile et de la chaussure tricolore.

    Pour mettre un peu dordre dans la mai-son, la CEE (Communaut conomiqueeuropenne) invente en 1972 le serpentmontaire , contraignant les monnaies ne pas scarter dun tunnel de parits .Mais la trop forte rvaluation du mark faitnatre une nime mesure, le franc vert etles montants compensatoires mon-taires (MCM) contre lesquels notre orga-nisation syndicale sest mobilise. causede ces MCM, nos produits lexport devaientacquitter des pnalits pour ne pas dsa-vantager les pays monnaie forte (Alle-magne et Pays-Bas). Inversement, leurs pro-duits bnficiaient de ces MCM pour seretrouver comptitifs sur nos marchs.

    La cration de leuro apparat comme lou-til qui va mettre fin aux dsordres mon-taires, avec en contrepartie la contrainte des critres de Maastricht , dfinis en 1992,pour faire converger les conomies de la zoneeuro. Mais depuis, cette monnaie oppose leseuropistes et les souverainistes, car elleprive les dcideurs politiques de chaquetat membres du levier montaire. Le dfi-cit budgtaire et le recours colossal lem-prunt vont devenir loutil de la pseudo-comptitivit pour tous les pays.

    La France emprunte chaque jour 200 mil-lions deuros (le prix dun airbus), soit 70 mil-

    liards par an pour quilibrer son budget. Ladette cumule va atteindre 2 000 milliardsau cours de lanne 2014. Tous les pays dela zone euro sont lourdement endetts, etseules les balances commerciales (exc-dentaires ou dficitaires) rvlent les mieuxou moins bien portants.

    Paralllement, la situation particulire dela France, championne du monde delpargne des particuliers avec un montantsuprieur la dette du pays, traduit linef-ficience dans la collecte de limpt.

    La dette et la charge de la dette au curde la justification de la rigueur, de la luttecontre le cot du travail, et en contrepar-tie du ralentissement conomique , vont-elles conduire nos pays dans une impasse ?L encore, lhistoire nous rappelle quen1929, lAllemagne est en cessation de paie-ment, quen 1932 la dette franaise atteint150 % du PIB (90 % aujourdhui), et quen1934, ces deux pays nont pas assum leurdette lgard des tats-Unis.

    Plus rcemment, en aot 1982, le Mexiqueet une trentaine de pays latino-amricainset africains se sont dclars en faillite. En1998, la Russie a fait effacer 35 % de sa detteet lArgentine, en dfaut de paiement, aobtenu un effacement de 55 % de sa dette.

    Reste linflation puisque les conomistesaffirment quune inflation 6 % pendantcinq ans rduirait la dette de 20 %, mais cesont les classes sociales les moins favorisesqui seraient en premire ligne. Reste encorele protectionnisme europen limage dece que viennent de dcider plusieurs paysdAmrique du Sud pour lutter contre lesmonnaies dmesurment dprcies quesont le dollar et le yuan.

    quand un dbatcitoyen sur toutes cesquestions pour recons-truire une souveraineteuropenne ? n

    Christian Boisgontier

    Dossier

    Campagnes solidaires N 295 mai 2014 / III

    Leuro et la comptitivit

    Dix-huit pays de lUnioneuropenne, reprsentantprs de 324 millionsdhabitants, font partie de lazone euro depuis larrive dela Lettonie le 1er janvier2014. Cest aussi la monnaiede micro Etats europens :Andorre, Saint-Marin,Monaco et Vatican et, defait, la monnaie encirculation au Kosovo etMontngro, pourtant non-membres de lUE.

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  • Une des premires visions en dbar-quant laroport de Bruxelles estlimmense panneau lumineux van-tant les bienfaits de Syngenta pour les petitsproducteurs du Sud, o les enfants, librsdes corves du dsherbage, peuvent aller l cole. la gare du Midi, si lon arrive parle train, ce sont les nombreux mendiants,femmes, enfants, zonards, musiciens roms,tous humains marginaliss par un systmenolibral qui simpose en Europe. Le quar-tier des institutions europennes est partde cette ville, au demeurant trs sympa-thique.

    Depuis le dbut de mon mandat au comitde la Coordination europenne Via campe-sina en 2009, jai pu mesurer la difficultpour nos petites structures de se battreface des institutions fabriques pour lesgros joueurs.

    Le dossier de la Pac post 2014 a sansdoute t le plus prenant de ces derniresannes.

    Les ngociations pour la rforme ont com-menc ds la mise en place de la Commis-sion Barroso 2, le prsident restant le mme.ECVC a rpondu rapidement la consulta-tion publique des parties prenantes ,consultation informatique trs large menepar la Commission au printemps 2010, quiaboutit en juillet la premire dclarationpolitique de Dacian Ciolos, commissaire lAgriculture, lors dune grande confrenceo lon parle positivement des petites fermeset de valoriser toutes les agricultures en

    Europe. Cest un signe rel douverture, enrupture avec les positions trs entrepre-neuriales de lancienne commissaire,Marianne Fischer Boel.

    En novembre 2010, la Commission euro-penne publie un document prsentant lesobjectifs et trois scnarios pour la Politiqueagricole commune de lUnion europennepour la priode 2014-2020. ECVC, avec ses

    partenaires du rseau FoodSovCap (1) ,tout en apprciant les objectifs, proposeune option fonde sur la souverainet ali-mentaire, avec des outils de rgulation desmarchs pour obtenir des prix justes, enlieu et place du prsent cadre libral.

    Notre option a peu de chance daboutir,mais cest un positionnement fondamen-tal pour nos organisations membres, quenous dfendons devant les dputs du Par-lement europen qui, de leur ct, tra-vaillent la rdaction dun document surleur positionnement quant la future Pac.

    En novembre 2011, le Commissaire lagri-culture prsente les propositions lgisla-tives : la structure de la Pac reste assez sem-blable, avec les prix de march et lessubventions lhectare. lobjectif poli-tique dassurer la scurit alimentaire rpon-dent les mesures pour assurer la comp-titivit . Mauvais dpart! Le dveloppementrural, auparavant structur en trois axesaura six objectifs prioritaires. tonnant : bienque participant depuis plusieurs mois auxgroupes consultatifs sur le dveloppementrural, je nai jamais eu loccasion de discu-

    LEurope paysanneSemer des graines de politiques alternativesGrce un travail sans relche de rencontres de parlementaires, de rdaction damendements pour construire une politiqueagricole lgitime, durable et solidaire, la Coordination europenne Via campesina (ECVC) donne une voix aux petits et moyenspaysans. Aperu sur cinq annes passes au sein dECVC par Genevive Savigny, y reprsentant la Confdration paysanne

    IV \ Campagnes solidaires N 295 mai 2014

    Dossier

    ECVC, une force dactionLa Coordination europenne Via campesina a t cre le 26 juin 2009 partir des organi-sations paysannes regroupes jusque-l dans la CPE (Coordination paysanne europenne).Elle est compose de 26 organisations provenant de 17 pays, rassemblant plus de 100 000membres. Lobjectif essentiel de la Coordination est de renforcer le mouvement paysan euro-pen pour faire changer la politique agricole en dfendant le droit de souverainet alimen-taire. Avec des valeurs comme : la solidarit, la place de la concurrence, la justice sociale, lgalit des droits entre hommes et femmes, lutilisation durable des ressources naturelles, la sant des producteurs et des consommateurs, la diversit rgionale des produits et des agricultures.Sa reconnaissance au niveau europen, son appartenance au mouvement international de laVia campesina, et ses allis dans la socit civile lui donnent de relles possibilits daction.www.eurovia.org

    Arrive de la Good Food March Bruxelles, le 19 septembre 2012. La marche, partie le 25 aot, portait Bruxelles les revendications de 80 organisations citoyennes dont la Coordination europenne Via cam-pesina sur la rforme de la Pac.

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  • ter de cette proposition dans ces lieux derencontre entre la Commission et les par-ties prenantes. Il reste ce mystre de savoir o a se passe , o naissent les propo-sitions structurantes dont je verrai plus tardquelles changent peu une fois crites.

    Sensuit un long parcours du texte lgis-latif, qui passe de la Commission euro-penne au Parlement europen qui depuisle trait de Lisbonne codcide sur les sujetsagricoles et le Conseil europen agricole,qui runit une fois par mois les 28 ministresde lagriculture. Le texte est divis en quatrepropositions de rglements ports au niveauparlementaire par plusieurs rapporteurs quilsagira de rencontrer, de mme que les dif-frents groupes politiques.

    plusieurs reprises, nous proposerons desamendements la Comagri (commissionagricole du Parlement dont Jos Bov estvice-prsident) afin de gagner des amlio-rations pour les structures les plus modesteset lagriculture paysanne. Plafonnement desaides directes 100 000 euros la Conf-dration paysanne demande 45 000 et laCommission 300 000 , meilleure prise encompte des petites fermes : nous tentonsde nous concentrer sur des points cls dutexte et mobilisons toute notre nergiepour rencontrer les diffrents protagonisteset rdiger des propositions.

    Le texte est finalement adopt fin 2013,laissant une grande marge de manuvre auxtats, mais aussi la Commission euro-penne dans le cadre des actes dl-gus (voir p 12), dtails pas toujours

    techniques, que la Commission propose enbloc, aprs laccord politique prendre ou laisser par le Parlement europen et leConseil agricole.

    Tous les dtails comptent, toutes lesmesures peuvent, sous leffet damende-ments dfavorables ou de rdactions sub-tiles, se tourner en outils dexclusion ou aucontraire apporter quelques bnfices. Lesuivi de tous les textes (il ny a pas que laPac qui concerne les paysans) demande untravail considrable, et nous avons peu demoyens matriels et humains face aux lob-bies agroalimentaires et aux reprsentantsmajoritaires de lagriculture dentreprise(dont la Fnsea est affilie), le Copa-Cogeca,qui a tout fait pour que rien ne change danslinjustice historique de la politique agricolecommunautaire.

    Les alliances sont essentielles, tant pourrenforcer les capacits danalyse que pouraccrotre limpact des mobilisations. Desliens btis depuis plusieurs dcennies, desmobilisations comme la Good Food March lautomne 2012, ont permis davoir plus

    de visibilit et plus dimpact auprs desdputs notamment.

    Les institutions bruxelloises ne sont pasles seules o dfendre la cause paysanne.ECVC est galement actif au sein de la Viacampesina, Rome auprs de la FAO, au seindu Comit de scurit alimentaire, ou Genve au Conseil international des droitsde lhomme. Mais Bruxelles reste le centreo se prend lessentiel des dcisions quiconditionnent notre existence europenne.Cela mrite dy consacrer plus deffort etde constance. Car cette vertu est essen-tielle dans un milieu complexe, envahi delobbyistes aux intrts contraires et auxmoyens incomparables.

    Il reste que nous sommes reconnus commeinterlocuteurs pour reprsenter les paysanset que la Coordination europenne Via cam-pesina donne une voix aux petits-moyensproducteurs dont il est de plus en plus dif-ficile dignorer lexistence en Europe.

    Nous semons des graines, des graines dedoute sur les bienfaits des politiques sui-vies, des graines de politiques alternatives.Il faudra encore des mobilisations, dansles rgions comme au cur des institutions,et dans limmdiat, voter avec vigueurpour porter au Parlement des dput-e-spartageant nos valeurs, et parvenir mois-sonner. n

    Genevive Savigny,

    coordination europenne Via campesina

    (1)European movement for food sovereignty and anothercommon agricultural policy.

    Dossier

    Campagnes solidaires N 295 mai 2014 / V

    Assemble gnrale de la Coordination europenne Via campesina (ECVC) Evenstad (Norvge), les 3 et 4 mars 2014. Publication de la Dclaration dEvens-tad sur les sept mesures pour renforcer lagriculture familiale paysanne : www.eurovia.org

    Des mobilisationscomme la Good FoodMarch permettentdavoir plus de visibilitet plus dimpact auprsdes dputs.

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  • Marina est bulgare, prsidente deYouth. movement for dveloppe-ment of rural area in Bulgarie.Cette organisation, cre en 2007, est unedes plus actives de Bulgarie par son tra-vail avec les jeunes sur la politique, len-vironnement et lducation populaire. Elleest affilie au Mijarc (Mouvement inter-national de la jeunesse agricole et ruralecatholique), reprsent cette assemblegnrale dECVC par son prsident : OlivierDugrain.

    Je fais parti de lquipe europenne duMijarc depuis trois ans. Diffrentes thma-tiques y sont abordes : lagriculture et laruralit, la participation des jeunes ldu-cation, la religion et la spiritualit. Avec cesobjectifs :

    coordonner et se tenir inform des mou-vements du rseau ;

    faire du lobby politique : rencontrer etinterpeller des gens, notamment sur lesmigrations ;

    sentendre sur une position communeentre tous les membres du mouvement, enparticulier lanne dernire nous avons rfl-chi sur comment les jeunes sont moteursdes changements en politique .

    Nous arrivons nous faire entendre et tre reconnus en adhrant au Forum euro-pen pour la jeunesse.

    Nous nous intressons particulirementaux problmatiques vcues dans les pays delEst, migrations et accaparement de terres.Dans ces pays, limage du paysan est mau-vaise, il faut travailler l-dessus, en orga-nisant des changes, des partages entrepaysans.

    Le Mijarc a t la cration dECVC. Celien continue nourrir notre rflexion,notamment sur lagrocologie, la souve-rainet alimentaire, sans compter larichesse des partages au sein de ce rseaude paysans. On a envie dy apporter unedynamique jeune et dducation popu-laire. n JC

    Voil 23 ans que Federico, argentindorigine, a dcid de poser sesgutres en Espagne. Trs rapidement,il poursuit le chemin des luttes aux cts duSoc (Syndicat des ouvriers de la campagneandalouse).

    Il participe une communaut agricole deGrenade, accompagne les journaliers immi-grs dAlmria dans le rtablissement de leursdroits, porte le travail sur la souverainet ali-mentaire du syndicat, soutien les nombreusesluttes foncires de son organisation.

    Le Soc, cr la sortie de la dictature fran-quiste pour protger les ouvriers des nom-

    breuses latifundia, sintresse galement la situation des travailleurs migrants. Almria, des immigrs sont devenus res-ponsables syndicaux, et la lutte pour lesdroits du travail et sociaux (alimentation,logement) sest largie aux problmes desdroits administratifs (droits des trangers,carte de sjour).

    Mais laction du syndicat, cest aussi le par-tage et le droit dusage de la terre pour lesjournaliers. Aprs lexprience de Marinaleda(1200 hectares autogrs par les travailleurs),les luttes foncires sintensifient : Las Tur-quillas, la Rueda, Somonte, Almria

    Celles et ceux qui construisent notre Europe au quotidienTmoignages de paysans rencontrs lors de lassemble gnrale des 3 et 4 mars de la Coordination europenne Via campesina (ECVC) Evenstad (Norvge). Interviews par Judith Carmona et Romain Balandier, membres de la Confdration paysanne(1).

    VI \ Campagnes solidaires N 295 mai 2014

    Dossier

    Federico Pachecho : les luttes des travailleursrejoignent celles des petits paysans

    Andoni est leveur laitier dans le PaysBasque. Membre du syndicat basqueespagnol EHNE, il sige galementau comit excutif de la COAG, limportantsyndicat espagnol des agriculteurs et des le-veurs, pour lequel il est en partie libr (de la ferme).

    Si la COAG travaille galement avec leCopa-Cogeca (syndicalisme agricole euro-pen dont est membre la Fnsea), Andonidfend sans rserve lappartenance de sonsyndicat la Coordination europenne Viacampesina. Pour lui, il faut dnoncer sanslimite le modle libral. Lalternative, cestla souverainet alimentaire ! A ceux quipourraient douter de cet engagement, ilsuffit de rappeler la position ferme de laCOAG contre les cultures dOGM alors queson pays reste de loin le plus grand pro-ducteur dOGM dEurope.

    Ce nest pas la premire assemble gn-rale dECVC laquelle Andoni participe. Cestpour lui lopportunit danalyser les diff-rentes situations que vivent les paysans etles paysannes. Il sagit dadditionner lesefforts de millions dEuropens ceux de laVia campesina, et de sattaquer toutes lesinstitutions qui dtruisent les agricultures pay-sannes. Avec nos allis de lutte, nous devonstre garants de lemploi, de la qualit des ali-ments, de la biodiversit. n RB

    Andoni Garcia : additionnernos efforts

    Marina Grigorova : inciter une dynamique jeuneet dducation populaire

    Olivier et Marina

    CS 295.qxd:CS actu 245.qxd 29/04/14 12:29 Page VI

  • Campagnes solidaires N 295 mai 2014 / VII

    Dossier

    Jyoti est paysanne dans le Dorset (Sud-Ouest de lAngleterre). Elle lve2 vaches, 50 brebis, des cochons, despoules et produit des fruits et des lgumes.Elle fabrique du fromage et vend de laviande. La transformation est assure dansune cooprative de 52 producteurs et lavente par un magasin ambulant. Elle estprsidente de Land workers alliance.

    Notre organisation syndicale existe depuisdeux ans, cre par des militants issus demouvements cologistes, uvrant pour lasouverainet alimentaire. Adhrer la Coor-dination europenne Via campesina tait unbon moyen pour avoir un impact sur la poli-

    tique agricole et mettre en place une alter-native la voie dominante.

    Le syndicat majoritaire au Royaume-Unipromeut une agriculture industrielle qui nouscrase. Certains parlementaires font la pro-motion de lintensification durable et desOGM, disent que les fermes moyennes sontbonnes pour le muse Le chemin suivre,prtend ce syndicat, est celui des systmeslaitiers intensifs, avec des fermes gigan-tesques o la traite est robotise.

    Les grandes exploitations sont favorises parla politique europenne, et ses aides liesau nombre dhectares. La terre devient unobjet de spculation pour les plus riches : ils

    lachtent, la louent et accaparent la sub-vention.

    Une politique dsastreuse, mais nous avonsespoir de construire autre chose, notam-ment par notre lien avec la Coordinationeuropenne Via campesina. n JC

    Campagnes solidaires N 295 mai 2014 / VII

    Henrik Maa: jeune, mais dj militantindboulonnable

    Merete Furuberg : nos choixpolitiques en phase avec la Viacampesina tudiant en master agriculturebiologique et fils dun couple depaysans du centre de lAlle-

    magne, Henrik milite depuis quatreans au sein du groupe jeune dABL(syndicat allemand des petits agricul-teurs, environ 2 000 membres). Sonprojet : sinstaller et militer !

    lentendre, Henrik est pleinementen phase avec les actions de son syn-dicat. Il y a dabord les luttes contrelappropriation des semences parlagro-industrie : des actions de sensi-bilisation jusqu la Cour europennede justice, la dtermination est demise. ABL est galement engag sur laPac, les OGM, le projet daccord de librechange UE-USA, le dossier lait, len-seignement agricole, lautonomie desfermes

    Mais la force de lorganisation agri-cole, ce sont ses allis : une large coali-tion dacteurs sociaux, dcologistes,

    dlus et autres acteurs du territoire quidonne un lan aux mobilisations.

    Henrik explique qu ils ne peuventpas faire confiance un seul parti poli-tique, il faut agir de mme manire surchacun . Il partage la crainte grandis-sante de ses concitoyens dune drivedroitire du Parlement europen.

    Le lien entre ABL et ECVC connat unrenouveau avec lengagement desjeunes et leur intrt port autour deschanges europens sur lagrocolo-gie. Pour Henrik, ECVC est essentielpour peser au niveau des institutionseuropennes sur les discussions sur laPac ou la souverainet alimentaire.

    lvidence, le groupe jeune dECVC, dont est membre Henrik,tmoigne de la formidable rsistanceau dveloppement de lagricultureindustrielle et de la transmission desvaleurs de lagriculture paysanne enEurope. n RB

    Depuis trois ans, Merete Furuberg est prsidentede Norwegian Farmers and Smallholders Union,membre dECVC. Propritaire forestire, ellelve des moutons pour la laine et la viande, des chvresmohair et des lapins angora. Comme de nombreuxpaysans norvgiens, elle connat de gros problmesavec les prdateurs (loups, ours, lynx) : la totalit deson cheptel a t dcime il y a deux ans.

    Notre syndicat comporte environ 7 000 8 000membres.

    Nous consacrons beaucoup defforts laugmentationdes adhsions, nous faisons du bon travail et je crois ennos choix politiques en phase avec la Via campesina : pro-duire de la nourriture saine, prendre soin des animauxet des plantes.

    La manne ptrolire en Norvge induit des salaires etdes cots de production trs levs.

    Alors que notre pays produit de tout, la politiqueactuelle est dimporter de la nourriture pour avoir unealimentation de moins en moins chre n JC

    (1) Judith Carmona, paysanne dans les Pyrnes-Orientales, secrtairenationale, et Romain Balandier, paysan dans les Vosges, membre du Comitnational de la Confdration paysanne.

    Oliver et Jyoti Rodker(Land workers alliance)

    Jyoti Fernandez : lespoir de btir une autre politique

    Federico dfend le projet de loiagraire porte par son organisation : La terre est un bien public, qui doitrester en dehors du commerce et dela spculation pour tre confie des coopratives de travailleurs etpour des pratiques agricoles respec-tueuses de lagrocologie, la biodi-versit et la souverainet alimen-taire.

    Quant ECVC, ce doit tre le lieudune alliance forte entre les tra-vailleurs et les petits paysans en faveurde la transformation sociale ! n RB

    Merete Furuberg

    CS 295.qxd:CS actu 245.qxd 29/04/14 12:29 Page VII

  • Les successives rformes de la Pac ontvid de sa substance lenvie communede faire une Europe unie au service depaysans nombreux. Rformes aprsrformes, nous assistons la renationali-sation des politiques communes. Lvolutiongopolitique du nombre de pays membresde lUnion a chang la donne. Effective-ment, on ne ngocie pas de la mme faonla Pac 16 pays ou 28. Entre les nouveauxentrants et les historiques , les attentesne sont visiblement pas les mmes, lesbesoins non plus.

    Na-t-on pas perdu le fil de la construc-tion europenne au fur et mesure desrformes ?

    Fait-on aujourdhui des politiques au ser-vice de lintrt de chaque tat et de seslobbies, au service de lindustrie agroali-

    mentaire, de la finance? mergent-elles durapport de force politique entre chaque tatmembre ?

    Nous, la Confdration paysanne, nousrevendiquons des politiques au service despaysans, des humains ! Tout simplement.

    Les budgets monumentaux allous la Pacse doivent de rpondre aux attentes descitoyens, de prendre en compte la sant

    publique, de prserver lenvironnement. Etaussi dassurer un revenu correct aux pay-sans afin quils puissent tre nombreux animer et faire vivre les territoires.

    la veille des lections europennes, laveille de nouveaux mandats qui verront leseurodputs prparer la future Pac de 2020(et oui, dj) et se prononcer sur les accordsde libre-change (ALE) en cours de ngo-ciation, alors il est temps de nous projeter notre tour.

    Sans rgulation et protection des mar-chs, rendues impossibles avec les accordsde libre-change, il ne peut y avoir de vri-table politique agricole europenne. Parailleurs, cette politique ne pourra tre lgi-time et juste quavec une remise en causedes aides la surface et un plafonnementdes soutiens.

    Ces revendications historiques de la Conf-dration paysanne doivent tre enfin misesen place. Les eurodputs veulent-ils main-tenir une agriculture paysanne, qui seratoujours incompatible avec les ALE ? Lar-gent de la Pac doit-il continuer servir lesapptits sans fin de quelques agrimana-gers, ou alors tre plus justement reparti lensemble des paysans ?

    De mme, nous attendons une fortevolont de lUnion europenne pour la miseen uvre dune vritable politique au ser-vice des territoires.

    Si rien ne change, le tableau de lEuropeagricole dans quelques annes va tre triste pleurer.

    Comment peut-on imaginer faire une poli-tique agricole en massacrant les emploispaysans, en dtruisant des vies humainesdes travailleurs de la terre ?

    Comment peut-on supporter leseffroyables injustices de cette Europe au ser-vice du capitalisme acharn ?

    Comment peut-on encore envisager lave-nir en envoyant sur les routes europennesdes paysans migrants ou migrants versdautres contres que les leurs ?

    Va-t-on enfin prendre la problmatiquesous un angle global ?

    Il est temps, il est plus que temps maispas trop tard !

    Que veut-on au juste? Oui, que veut-on?On veut, forcment, des paysans heureux,des paysans nombreux, qui produisent desaliments de qualit, de bons produits aussi.On revendique que notre environnementsoit prserv, soit respect, tout comme lasant de nos concitoyens.

    Nous militons donc pour un changementde cap, un changement de Pac. Un