Cahiers Pedagogiques 415

74
N° 415 - Existe-t-il une vie scolaire ? juin 2003 édition au format PDF SOMMAIRE (cliquez sur un titre pour accéder directement à l’article) BILLET DU MOIS Pierre Madiot : Les « guerres de Troie » ont toujours lieu Paroles du CRAP : Quelle école aimons-nous ? ACTUALITÉ ÉDUCATIVE Odile Chenevez : Face à la guerre Entretien avec Michel Develay : Quelle formation initiale des enseignants ? Alain Legardez : Former des généralistes ou des spécialistes ? L’école de Charb DOSSIER ET CHEZ TOI ÇA VA ? Christine Vallin, Claudine Cordier, textes d’élèves, Khadidja Licir, Jean-Claude Voirpy, Lydie Jordi, Rémi Fossart de Rozeville, Denis Gruant FAITS ET IDÉES Marie Andrée Vanhove : Le quoi de neuf, un outil pour l’heure de vie de classe ? Scampa Paolo : Alphabétiser l’oreille DES LIVRES POUR NOUS Maurice Mazalto, Alain Picquenot, Jean-Jacques Paul, Ahmed Lamihi et Gilles Monceau, Jean Ecalle et Annie Magnan. Éditorial : Anouk Pantanella et Richard Étienne : La vie scolaire dans tous ses états .............................. 12 1 - De la caserne à la maison des lycéens Marc-Henry Broch : Dans l’histoire et aujourd’hui ..... 13 Clara Mourey : Un silence éloquent .......................... 15 Anne-Marie Gioux : La Vie [scolaire], mode d’emploi… .............................. 17 Collectif CPE de Brie Sénart : CPE, que du bonheur ! ............................................... 20 Olivier Genoux : Les atouts de l’internat ................... 22 Anouk Pantanella : Les dérives de la décentralisation ............................... 24 2. Violences et médiations Alain Abadie : CPE : Conseiller en Parole et en Écoute ..................... 27 Gardy Bertili : La violence est-elle nécessaire ? ........ 28 Nathalie Mikaïloff : Entre shérif et psy ...................... 30 Patrice Teissier : Très flamenco ! ............................. 32 Marie-Clotilde Pirot : « Toi, tu vas aller chez le CPE ! » ................................ 34 3. Entre éducation et pédagogie Christine Gibon-Alphand : Au cœur du projet d’établissement .............................. 37 Ahmed Bouhaba : Le CPE et la pédagogie ............. 40 Laure Laborde : Articuler éducation et pédagogie ..... 43 Alain Suran : Le choix du terrain ................................ 44 Alain Enjolras : Une radio dans la vie scolaire .......... 46 Olivier Boyer : Ouvrir une Fenêtre au quotidien ........ 48 Géraldine Marty : Je suis CPE au collège expérimental Clisthène… ........ 51 Loïc Clavier : La formation des CPE en IUFM ........... 55 Robert Ballion : La vie scolaire en question .............. 56 Bibliographie ........................................................... 57 Mini-dossier : Apprendre et vivre la démocratie à l’école .......................................................65 Jean-Michel Zakhartchouk : Analyse de pratiques et démocratie Guy Lavrilleux et Gérard Auguet : Démocratique ou démocratisante ? Florence Casticaut et Christian Frin : Démocratisation des savoirs ? Richard Étienne et Noëlle Villatte : Une politique démocratique dans un établissement scolaire Exemplaire réservé : YAZBEK NAJA

Transcript of Cahiers Pedagogiques 415

Page 1: Cahiers Pedagogiques 415

N° 415 - Existe-t-il une vie scolaire ?juin 2003 édition au format PDF

SOMMAIRE(cliquez sur un titre pour accéder directement à l’article)

BILLET DU MOISPierre Madiot : Les « guerres de Troie » onttoujours lieu

Paroles du CRAP : Quelle école aimons-nous ?

ACTUALITÉ ÉDUCATIVEOdile Chenevez : Face à la guerre

Entretien avec Michel Develay : Quelle formation initiale des enseignants ?

Alain Legardez : Former des généralistes ou desspécialistes ?

L’école de Charb

DOSSIER

ET CHEZ TOI ÇA VA ?Christine Vallin, Claudine Cordier, textes d’élèves, Khadidja Licir, Jean-Claude Voirpy, Lydie Jordi, Rémi Fossart de Rozeville, Denis Gruant

FAITS ET IDÉESMarie Andrée Vanhove : Le quoi de neuf, un outil pour l’heure de vie declasse ?

Scampa Paolo : Alphabétiser l’oreille

DES LIVRES POUR NOUSMaurice Mazalto, Alain Picquenot, Jean-Jacques Paul, Ahmed Lamihi et Gilles Monceau, Jean Ecalle et AnnieMagnan.

Éditorial : Anouk Pantanella et Richard Étienne : La vie scolaire dans tous ses états .............................. 12

1 -De la caserne à la maison des lycéensMarc-Henry Broch : Dans l’histoire et aujourd’hui ..... 13Clara Mourey : Un silence éloquent .......................... 15Anne-Marie Gioux :La Vie [scolaire], mode d’emploi… .............................. 17Collectif CPE de Brie Sénart :CPE, que du bonheur ! ............................................... 20Olivier Genoux : Les atouts de l’internat ................... 22Anouk Pantanella :Les dérives de la décentralisation ............................... 24

2. Violences et médiationsAlain Abadie :CPE : Conseiller en Parole et en Écoute ..................... 27Gardy Bertili : La violence est-elle nécessaire ? ........ 28Nathalie Mikaïloff : Entre shérif et psy ...................... 30Patrice Teissier : Très flamenco ! ............................. 32Marie-Clotilde Pirot :« Toi, tu vas aller chez le CPE ! » ................................ 34

3. Entre éducation et pédagogieChristine Gibon-Alphand :Au cœur du projet d’établissement .............................. 37Ahmed Bouhaba : Le CPE et la pédagogie ............. 40Laure Laborde : Articuler éducation et pédagogie ..... 43Alain Suran : Le choix du terrain................................ 44Alain Enjolras : Une radio dans la vie scolaire .......... 46Olivier Boyer : Ouvrir une Fenêtre au quotidien ........ 48Géraldine Marty : Je suis CPE au collège expérimental Clisthène… ........ 51Loïc Clavier : La formation des CPE en IUFM ........... 55Robert Ballion : La vie scolaire en question .............. 56

Bibliographie ........................................................... 57

Mini-dossier : Apprendre et vivre la démocratie à l’école .......................................................65

Jean-Michel Zakhartchouk : Analyse de pratiques et démocratieGuy Lavrilleux et Gérard Auguet : Démocratique ou démocratisante ?Florence Casticaut et Christian Frin : Démocratisation des savoirs ?Richard Étienne et Noëlle Villatte : Une politique démocratique dans un établissement scolaire

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 2: Cahiers Pedagogiques 415

Billet du mois

Billet du mois Les « guerres de Troie »

ont toujours lieuHector : Tu sais, quand on a découvert qu’un ami est menteur ? De lui tout sonne faux, alors, même ses vérités…[…]La lance qui a glissé contre mon bouclier a soudain sonné faux,Et le choc du tué contre la terre, et, quelques heures plus tard, l’écroule-ment des palais. Et la guerre d’ailleurs a vu que j’avais compris.Et elle ne se gênait plus… Les cris des mourants sonnaient faux.J’en suis là.

Jean Giraudoux, La guerre de Troie n’aura pas lieu.

Encore une guerre de finie. J’avoue que j’ai eu bien du mal, pendant cette période, à m’adres-ser sereinement aux élèves dans le cadre atemporel des règles de la rhétorique, de la dua-lité baudelairienne ou des mythes antiques revisités par nos dramaturges contemporains.

Dans ma classe de première, il y avait quelque chose qui ne fonctionnait plus, comme si,confrontés à la réalité d’un monde jeté dans l’aventure des luttes à mort, les usages del’école apparaissaient comme les conventions d’un univers parallèle à la fois proche et étran-ger. L’étude de la réactualisation par Giraudoux de la révolte contre l’absurde cruauté desbatailles s’est superposée, de façon exacte et distanciée, à la situation réelle qui apparais-sait tout aussi inconcevable que l’histoire racontée par le mythe. Cela en devenait incongruet presque indécent. Oui, la guerre aurait bien lieu. Personne n’en doutait. La vraie, pas cellede Troie qui, finalement, a conservé son statut d’allégorie lointaine. Certes, le « discours auxmorts » a fait son petit effet : l’Hector de Giraudoux y déclare que la guerre lui semble « larecette la plus sordide et la plus hypocrite pour égaliser les humains ». Mais l’enjeu du conflitqui se discutait à l’ONU avait envahi les écrans, les journaux, les consciences et paralysait laréflexion comme le fait la tyrannie de la fatalité quand le dénouement est aussi universel-lement annoncé.

Car, au-delà de la trouvaille médiatique qui a consisté à enrôler les journalistes pour qu’ilsassistent aux combats avec le point de vue du tireur – alors que d’autres, en face, s’effor-çaient de saisir les impacts –, la vraie nouveauté a été, cette fois, de traiter comme un grandshow le débat sur les raisons de la guerre. Jusqu’au sein des Nations unies, lieu où la pa-role de tous les États peut s’exprimer et peser chacune le poids d’un vote, les discours op-posés se sont mis en scène à l’intérieur d’un rituel planétaire dont tout le monde reconnaissaitles gestes en espérant vaguement une issue imprévue.

Vu de ma classe de première, le paradoxe était saisissant : les personnages de théâtre, étu-diés dans le cadre de la parenthèse scolaire, faisaient écho aux déclamations des acteurspolitiques qui se campaient dans des postures définitives. Les arguments des uns suren-chérissant sur les raisonnements des autres, tout, peu à peu, s’est mis à sonner faux. Lesvaleurs premières et les intérêts supérieurs tour à tour invoqués se sont entraînés dansune spirale de certitudes inébranlables jusqu’au trop-plein et à l’écœurement.

Tandis que, dans les livres, nous tentions de rejoindre les héros de nos mythes fondateurs,les acteurs du monde réel nous offraient de vains débats, nous gavaient de fausses raisons,invoquaient de nobles valeurs, cachaient chacun de vrais intérêts géopolitiques et écono-miques, et se revendiquaient qui du droit, qui du bien, pour jouer leur rôle sur la scène d’unaffrontement programmé.

La fiction en devenant plus humaine, la cruauté qu’Antonin Artaud voulait faire apparaîtredans la symbolisation théâtrale s’est transportée, après les préliminaires d’usage, dans lareprésentation du champ de bataille, jusqu’à la caricature.

Malgré cela, il faut revenir aux textes et inviter les élèves à construire des discours cohé-rents, argumentés, nuancés et sincères. Il me semble que c’est devenu plus difficile et queça ne va pas tellement s’arranger…

Pierre Madiot, professeur en lycée

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 3: Cahiers Pedagogiques 415

3les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Luc Ferry nous propose un grand débat sur l’école.Nous aurions mauvaise grâce à le refuser dès lors que,parmi dix réformes prioritaires, sont annoncés les

grands chantiers que sont la lutte contre l’illettrisme, contrela violence, et pour une meilleure formation des maîtres.Malheureusement, il suffit de parcourir le préambule de laLettre qu’il envoie aux enseignants pour commencer à avoirdes inquiétudes. Si l’école est en crise, laisse en effet en-tendre Luc Ferry, c’est parce que l’esprit de Mai 68 a trouvéson couronnement dans la loi d’orientation de 19891. Ainsi,en plaçant l’élève au centre du système, on aurait entraînél’école dans l’abandon de l’effort, dans la spontanéité d’uneexpression libérée de toute norme, dans un jeunisme délé-tère. Et Xavier Darcos de surenchérir sans nuances : « Unecertaine démagogie a voulu faire de l’école un lieu de vie, un es-pace ludique qui bannirait tout effort de l’élève en même tempsque disparaîtraient toutes les formes d’acquisition d’un savoirsolide, grammaire, dictées, calcul mental. » Voilà qui est expé-dié ! Nous avons le diagnostic et le remède… Et voilà pour-quoi votre enfant ne sait pas lire et pourquoi, de surcroît, ilinsulte ses maîtres. Revenons aux bons exercices d’autrefoiset l’école sera bien gardée…Passe que des pamphlétaires s’amusent à jongler avec ces slo-gans simplificateurs. Mais de telles affirmations sous la plumedes ministres consterneront plus d’un enseignant. Car, à vraidire, que signifie « mettre l’élève au centre » sinon que c’estl’élève qui doit apprendre, même si c’est le maître qui en-seigne ? S’il est capital de donner aux élèves la possibilité defaire état de leurs connaissances et de leurs représentations,c’est pour leur permettre de les faire évoluer et d’en acqué-rir de nouvelles. Qui a sérieusement prétendu que le savoirde l’élève devait se substituer à celui du professeur ?Les « idées simples » qui accréditent l’idée selon laquelle« l’école nouvelle » opposerait l’esprit critique à l’autorité nepeuvent mener qu’à l’impasse. Ce simplisme conforte eneffet ceux qui, croyant devoir choisir entre les deux, attri-buent aux uns le savoir, aux autres l’ignorance, et qui enté-rinent ainsi les situations d’échec scolaire.Enfin, les accusations de capitulation devant l’effort et devantles impératifs de l’apprentissage ne peuvent qu’être ressen-ties comme injurieuses par tous les enseignants pour qui laprise en compte de tous les élèves tels qu’ils sont est une né-cessité si l’on veut que ces derniers apprennent vraiment.

La loi d’orientation en questionLe quotidien des collèges et des lycées est un démenti à cesétranges affirmations selon lesquelles la pédagogie « nou-velle » aurait trahi les valeurs républicaines et ne penseraitqu’à détruire l’enseignement en ruinant « les lettres » et « lesmathématiques ». Les établissements expérimentaux, quecertains considèrent comme les pires exemples du laxismepost-soixante-huitard, sont souvent au contraire des lieux deforte exigence intellectuelle malgré le fait qu’ils accueillent

des jeunes en rupture scolaire. Dans nombre d’établisse-ments sensibles, des équipes réussissent à mettre en place desdynamiques d’apprentissage souvent exemplaires. On au-rait aimé que le ministre le rappelle ! Comme on aurait aiméqu’il évoque en termes plus positifs toute la richesse du tra-vail effectué à travers des dispositifs nouveaux comme les« travaux personnels encadrés » en lycée ou les « itinérairesde découverte » en collège. Mais le ministre laisse penserqu’au lieu d’innover il suffirait de décréter les vertus de l’au-torité et du travail afin de résoudre une crise qu’il croit pou-voir régler en lui trouvant un bouc émissaire !Enfin, la partie la plus importante de la loi d’orientation de1989 concernait la définition des missions de l’école ; elleinvitait chaque enseignant à s’insérer dans un établissementet dans une équipe de telle sorte que le travail dans sa « ma-tière » prenne sens par rapport à la complexité du savoiraussi bien que par rapport à la prise en compte de l’élèvedans la réalité de ses appartenances, des voies de son ac-cession à l’autonomie et de son devenir. Il est clair que lerecentrage « sur le savoir » tend à ramener les enseignantsà l’intérieur des limites étroites des contenus disciplinaires,ravalant le travail d’équipe, les tentatives de décloisonnementet la pédagogie au rang d’épiphénomènes aussi peu impor-tants que les élèves eux-mêmes.

Le doute au centre du systèmeMessieurs Ferry et Darcos craignent que l’école doute de sescapacités à relever le défi de l’école en ce début du XXIe siècle.En réalité ce sont leurs propres doutes qu’ils mettent aucentre du système, et la contre-réforme qu’ils imaginent estun considérable retour en arrière. Les ministres semblent sefaire les porte-parole d’un clan crispé sur la représentationpasséiste du maître légitimé par son seul savoir. Mais lesélèves se chargeront de rappeler, comme l’avait fait AntoineProst dans son Éloge des pédagogues 2, ce que comporte denaïf et d’irréaliste l’expression usuelle « transmettre un sa-voir » si l’on ne prend pas en compte les conditions de cettetransmission. Quand on se contente de faire savoir ce quel’on sait, l’élève apprend seulement qu’il est ignorant. Il y ad’autres perspectives plus motivantes et des méthodes plusefficaces. C’est justement parce que, malgré la loi de 1989,ces perspectives n’ont pas encore été adoptées pleinementque l’école n’a pas réussi aussi bien qu’elle aurait dû.En tentant d’évacuer la loi d’orientation de 1989, MessieursFerry et Darcos coupent court au débat. Est-ce vraiment cequ’ils souhaitent ?

Le bureau du CRAP, le 12 mai 2003.

1 Laquelle avait pourtant créé le Conseil national des programmes !2 Seuil, 1985.

Quelle école aimons-nous ?

P a r o l e sP a r o l e sP a r o l e sP a r o l e s d u C R A P

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 4: Cahiers Pedagogiques 415

« Faire de la classe unmilieu éducatif »L’association Vers la pédagogie insti-tutionnelle organise un stage nationalà Strasbourg du 2 au 9 juillet 2003.Intensif, éprouvant comme la classe,ce stage est organisé par des prati-ciens des techniques Freinet et de lapédagogie institutionnelle à l’inten-tion d’autres instituteurs, institu-trices, professeurs d’école. Ilaccueille aussi des éducateurs char-gés de classe et des maîtres de l’en-seignement spécialisé.

Renseignements auprès de : IsabelleRobin (avec une enveloppe timbréelibellée à votre adresse), 18, rue dela Matte 44600 Saint-Nazaire. 02 40 66 44 79 [email protected]

« Pratiques de lacoopérative »Le réseau « Techniques Freinet–pédagogie institutionnelle » organiseson dixième stage national du 8 au 13 juillet à Grans en Provence(Bouches-du-Rhône).Au programme :Entraînement à la maîtrise de la pro-duction, à l’organisation de la classecoopérative, à la pratique du travailen équipe et à la réflexion sur l’im-plication de chacun dans son travail.

Jean-Claude Colson, bât M1,Loubassane, 7, avenue du DrBertrand, 13090 Aix-en-Provence.

« L’approche centréesur la personne »Le comité des praticiens du Sud-Ouest dans « l’Approche centrée surla personne » organise une rencontreinternationale à Albi, du 24 au27 juillet 2003.L’Office de tourisme de la ville d’Albi,l’université d’Albi et l’Association rogérienne pour le counselling et lapsychothérapie sont partenaires decette rencontre.

Contact : Valérie et Sébastien Daix,05 62 26 29 05 [email protected]

« Écriture et création :s’émanciper ! »Le Secteur national poésie écrituredu GFEN organise du 27 au 30 Août2003 une université d’été à Saint-Nazaire.

Michel Ducom : 05 56 87 40 56,[email protected],[email protected]

La parole aux élèves de LPCyril Mennegun, réalisateur de Queltravail, documentaire donnant la pa-role aux élèves de l’enseignementprofessionnel, vient de débuter unetournée dans les académies deFrance. L’académie d’Amiens vientd’en faire l’expérience dernièrement.Aujourd’hui Cyril Mennegun tient à

4 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

A C T U A L I T É S É D U C A T I V E S

Patrice Bride rend compte de ce qu’il apu mettre en place dans le cadre de sonenseignement :Je suis professeur d’histoire au collège ElsaTriolet, situé dans le quartier des Minguettes,à Vénissieux (69). La quasi-totalité de mesélèves est d’origine immigrée récente, en pro-venance des cinq continents, avec une forteproportion d’origine du Maghreb. J’ai consa-cré au moins une heure dans toutes mesclasses à travailler sur l’actualité au Proche-Orient, à partir d’une carte de la régionconstruite avec les élèves, d’extraits d’une dé-claration de syndicalistes américains contrela guerre et d’un discours de Bush. Et avantce travail, je leur ai d’abord demandé de fairele point sur leur propre connaissance du sujet :1. Raconte par écrit tout ce que tu sais sur cequi se passe actuellement entre les États-Uniset l’Irak.2. Comment as-tu appris ce que tu sais sur lesujet ? (radio, T.V., famille, amis…)3. Quelle est ton opinion sur ces événements ?(si tu en as une…)4. Quelles sont les questions que tu te posesà propos de cet événement ?Les réactions les plus intéressantes sur le fondviennent d’une classe de troisième. La dis-tinction entre les questions 1. et 3. n’allait pasde soi, c’était un premier intérêt de ce travail.Voici quelques extraits de textes d’élèves, quime semblent représentatives :

Anne-Patricia :3. Mon opinion est que je suis ni pour nicontre la guerre. G. Bush parle souvent du11 septembre en disant que c’est les Irakiensqui ont fait ceci. Mais ce n’est pas les Irakiens.Mais je veux aussi que S. Hussein parte dupays parce qu’il torture les familles qui nesont pas de son avis, les gens n’ont pas le droitd’exprimer leur opinion.4. Il y a beaucoup de gens de tous les paysqui manifestent contre cette guerre maisG. Bush n’en tient pas compte. Pourquoi ?Il y a des boucliers humains en Irak, maisG. Bush lance des missiles. Pourquoi ?Mohamed :3. Mon opinion c’est que c’est injuste pourles Irakiens parce qu’il y a beaucoup de morts,mais pour les gouvernements ce n’est pas in-juste parce que Saddam est un dictateur.Tahar :3. Je pense que cette guerre va aggraverl’opinion des musulmans par rapport auxAméricains. Je pense que cette guerre est in-juste pour les civils irakiens. Je pense que lesAméricains font cette guerre pour avoir lepétrole irakien. Par la télé, j’ai vu que cetteguerre a provoqué une grande faille entrel’ONU et l’UE.

Patrice Bride, professeur d’histoire aucollège Elsa Triolet, Vénissieux (69).

Face à la guerreL’Irak a pendant ces deux derniers mois occupé les écrans, les rues, les consciences.Il y a eu l’angoisse liée à la chronique d’une guerre annoncée, à ces morts programméesqu’on nous disait inéluctables et nécessaires… Nécessaires !Il y a eu la réalité de cette guerre qui a, en définitive, pris de court tous ceux qui, jusqu’aubout, ont fait semblant de croire à une autre raison que la raison du plus fort.Dans nos classes, nos établissements, nous avons été confrontés aux questions de nosélèves, souvent démunis devant les images et les discours d’adultes aux prises avecleurs contradictions.Quelles réponses apporter ? Quels débats ? Dans quels cadres ?

INFOS - PUBLICATIONS

La fin de cette année scolaire est lourde d’actualité. La guerre, bien sûr, et ses échosdans nos écoles, la décentralisation, la lettre de Ferry, les retraites, les grèves. Il faudraitun dossier entier pour parler de tout.À propos de la décentralisation, rappelons que le n° 325 des Cahiers pédagogiques étaitconsacré à ce sujet et que trois mini-dossiers, en octobre, novembre et décembre, ten-teront de traiter la question de L’école et les élus.Par ailleurs, un dossier est en préparation sur le thème de la retraite.Enfin, sur le site des Cahiers pédagogiques, une importante contribution de JacquesGeorge fait l’analyse du rapport de la Cour des comptes sur le système éducatif.En braquant maintenant le projecteur d’une part sur la manière dont nous avons vécu laguerre avec nos élèves et d’autre part sur les IUFM, nous affirmons l’importance de cequi se passe au quotidien dans nos classes, là où se noue la complexité de notre tâched’enseignants, et l’importance de la formation initiale et continue. C’est avec cet arrièreplan qu’il nous paraît utile de considérer les mouvements qui agitent actuellement l’école.

P. M.

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 5: Cahiers Pedagogiques 415

montrer son film à un publicd’élèves, d’enseignants et de parentspour débattre des questions d’orien-tation qui sont souvent si difficiles.

Renseignements au 06 82 48 20 [email protected], www.cyrilmenngun.com

Rencontresinternationales du GFEN« Oser des émancipations soli-daires », les Rencontres internatio-nales de l’Éducation nouvelle sedérouleront du 10 au 13 juillet, àMalonne/Namur en Belgique.Avec la participation de MarôBarbieri (Brésil) enseignante, écri-vain de littérature de jeunesse ;Augustin Brutus (Inde) responsablede l’INDP (Intercultural Network forDevelopment and Peace) ; Bernard Defrance (France) ensei-gnant en philosophie, vice-présidentdu DEI (Défense des enfantsInternational-France) ; Nico Hirtt (Belgique), enseignant,écrivain, animateur APED (Appelpour une école démocratique) ;Gaston Mialaret, professeur émériteen sciences de l’éducation (co-fon-dateur de sciences de l’éducation en1967), président du GFEN à la suited’Henri Wallon.

www.lelien.org [email protected]

Le jardin : lieu dedécouverte, d’éducationet de partageÉcole et Nature, réseau nationald’éducation à l’environnement, orga-nise ses 20e Rencontres nationales du24 au 29 août 2003, Château deVaugrigneuse, Essonne, Île-de-France.Animateurs, enseignants, éducateursse retrouveront lors des ateliersd’échanges, de réflexion et de terrainpour partager et réfléchir à leurspratiques des jardins comme outilpédagogique.Les trois jours de rencontres serontsuivis de deux jours de forum sur lerôle de l’éducation à l’environne-ment dans les transformations sociales.

Demande de renseignements etinscription avant le 1er juillet 2003auprès de Maryline Lair, GRAINEÎle-de-France, 26, avenue Gounod,91260 Juvisy. tél. : 01 69 24 99 [email protected]

Le langage oral del’enfant scolariséLe « Laboratoire de linguistique etdidactique des langues étrangères etmaternelles », IUFM de Grenoble, etl’université Stendhal de Grenoble or-ganisent un colloque internationalles 23, 24 et 25 octobre 2003.Les programmes et les pratiques pé-dagogiques hésitent entre plusieursconceptions de l’enseignement de

5les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

A C T U A L I T É S É D U C A T I V E S

À Rennes, au lycée Jean Macé où en-seigne Marie-Christine Chycki, les ly-céens ont proposé d’organiser un débatdans l’ensemble du lycée. L’initiativeest partie du CVL (Conseil de la vie ly-céenne), organisme de concertation pa-ritaire mis en place depuis quelquesannées dans les lycées.Dans un premier temps, l’administration dulycée a voulu renvoyer le traitement du sujetaux cours, aux enseignants volontaires d’his-toire, d’instruction civique ou de philo, quipouvaient mieux mettre en perspective lacomplexité du sujet et éviter les approchestrop simplistes…Après discussion au CVL, les élèves ont endéfinitive fait admettre l’intérêt de créer unforum de discussion dans le lycée, à partir deleurs propres questions, pour faire entendreaussi leur propre parole.Le débat a donc pu se mettre en place, un midiau foyer… Las ! Ce jeudi-là était jour de grève,des atoss et des enseignants… Peu de mondedonc au rendez-vous. Une quinzaine d’élèvesquand même (mais guère plus que les élèvesélus du CVL) et une dizaine d’adultes (revenuspour la plupart en hâte de la manifestation pour« soutenir » l’initiative des élèves). Le débat apermis des échanges riches et – même si la sen-sibilité générale était « anti guerre » – de mettreau jour les ambiguïtés du pacifisme, le rôle per-vers d’une information faite essentiellementd’images susceptibles de manipulations…En marge du débat, un « drap d’expressionlibre », tendu au centre de la cour de récréa-tion sur une corde, a permis à l’ensemble deslycéens d’écrire, une question, une pensée,une émotion…

Marie-Christine Chycki, professeur en lycée, Rennes.

Odile Chenevez témoigne de son côté despossibilités d’action éducative par le biaisde la presse à l’école.« Pourquoi notre pétrole à nous se trouve-t-ilsous leur sable à eux ? »Ce pourrait être une question posée par unélève américain à un professeur… et c’est entout cas ce que demandait, en mars dernier,une pancarte dans une manifestation pacifistede New York. Combien d’enseignants améri-cains ont osé affronter cette question ? Maisnos petits Français de toutes familles d’esprit,de toutes religions – de tous fanatismes confon-dus ? – ne nous ont pas épargné non plus leursdérangeantes interpellations. Et si nous n’avonspas su apporter à chaque fois la réponseconstruite et validée, l’important est que nousn’ayons pas fui les questions, et qu’elles aientété formalisées et brassées.Cette année, la « Semaine de la presse » dansl’école tombait pendant la guerre… Ou plutôtune guerre est tombée sur la « Semaine de lapresse ». Mais il tombe toujours quelque chose

de l’actualité sur cette Semaine : des élections,une grève… Du 24 au 29 mars 2003, les yeuxdu monde, dans les objectifs des médias, étaienttournés vers l’Irak. Et les paquets de journauxqu’ont reçus les établissements inscrits1 étaientremplis de cette insoutenable guerre. Pour lesenseignants, cela supposait de travailler sansfilet, en temps réel, au même rythme que leursélèves. Prendre en compte une actualité aussibrûlante suppose de recevoir les questions desélèves, alors qu’on a une opinion mais pas decertitude, et qu’on est envahi comme les élèvesde ces discours de l’instant que déversent lesmédias. Certes, on s’appuie sur le socle desbonnes vieilles valeurs de l’école, sur les leçonsde l’Histoire, sur des auteurs visionnaires, etsur des convictions profondément ancréesquant aux droits des hommes et des peuples.N’empêche, l’Axe du Bien ou du Mal nous en-traîne loin du chemin de la Raison…Dans une guerre, quand l’enseignant a pourtoute conviction qu’aucun parti n’est juste, iln’a pas le droit de se taire. Quand il attend quecela finisse au plus vite – et quand c’est fini, cen’est pas encore fini –, l’enseignant sait qu’il ale devoir d’éclairer ses élèves. Quand le pétroleest protégé et que le patrimoine du berceau dela culture humaine est saccagé, chaque ensei-gnant, dans tous les pays du monde, sait au fondde lui-même que sa mission va être plus diffi-cile et peser plus lourd encore.Parmi tous les dispositifs que l’on peut mettreen place pour réagir, il en est un qui permet detravailler dans un cadre rassurant : analyser lamanière dont les médias ont traité cette guerre.Apprendre à comparer les discours, débusquerles conditionnels (« Sa majesté le condition-nel », comme ironise Daniel Schneidermandans Le Monde télévision), déconstruire lesmises en scène, observer les dispositifs d’an-tenne, le nombre de reporters et leur place,suivre jour après jour le travail d’une mêmeéquipe de télé, repérer les sources des imageset en comprendre l’impact sur le sens. Touteschoses que l’on peut apprendre à faire sans at-tendre une guerre, pour être mieux armé quandl’actualité s’emballe.Et parfois, laisser les élèves entendre d’autresvoix, ce que justement la « Semaine de lapresse » permettait. À Marseille, par exemple,une dizaine de classes de divers lycées ont par-ticipé à un forum-débat : « Médias et journa-listes : responsables ou coupables ? » Cetterencontre avec des journalistes, préparée enclasse, a soulevé chez les élèves les questionsles plus aiguës de la couverture de la guerre :redondances, désinformation, concurrence,mise en scène… Ils ont pu, sans intermédiaire,interpeller les producteurs d’information de latélé, de la presse écrite ou de la radio. Ils ont puaussi entendre la voix posée de Daniel Junqua,vice-président de Reporters sans frontières, ex-pliquer comment chaque jour il attendait avecinquiétude des nouvelles de son fils, Yves, jour-naliste reporter d’images pour France 2 dansune équipe basée à Bagdad.

INFOS - PUBLICATIONS

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 6: Cahiers Pedagogiques 415

À l’heure où l’actuel ministre de l’Éducation na-tionale envisage des changements dans la for-mation initiale, que pensez-vous de la façon dontsont définis les IUFM ?Les IUFM ne sont pas assimilés à des insti-tuts universitaires notamment sur le plan deleur structure : nomination du directeur parle Ministre et non par ses pairs ; sur le plande leurs missions : pas de possibilités de re-cherche en propre ; et sur le plan de leursmodes de recrutement : fréquemment par descommissions de spécialistes réellement indé-pendantes des universités proches. Ainsi, cesinstituts ne sont-ils pas réellement autonomes,et les formations dispensées ne sont pas irri-guées par la recherche. Comme de surcroîtles contenus de formation sont définis par desnormes nationales, l’émulation entre IUFMexiste peu.Dans la plupart des pays européens et auQuébec, la formation ne relève pas d’écolesprofessionnelles comme les IUFM, mais del’université (cf. le Québec et Genève entreautres). On peut pourtant reconnaître quelquesavantages à une formation placée sous la totaleresponsabilité de l’université :– pour l’instance de formation : une autonomiedes formations dispensées en relation avec lesexigences de l’employeur, des liens plus étroitsavec la recherche ;– pour l’université : une meilleure connaissancedu terrain qui pourrait ainsi être davantage ir-rigué qu’il ne l’est actuellement par la réflexion ;– pour le ministère : des possibilités de com-paraison des formations et de leurs impacts.Que répondriez-vous aux stagiaires IUFM quirevendiquent davantage de « concret » dans lesformations ?Il existe me semble-t-il trois manières d’en-visager la formation :

1) une formation construite à partir de l’épis-témologie des disciplines de référence et deleurs didactiques ;2) une formation conçue à partir des compé-tences professionnelles à maîtriser (être ca-pable de monter une séquence différenciée,être capable d’évaluer de manière formative,parvenir à dialoguer avec les parents…) ;3) une formation qui propose un mixte entreles deux et qui nécessiterait que les forma-teurs didacticiens et généralistes puissent, enfonction des besoins locaux, occuper la po-sition 1 ou la position 2.Allonger le temps du stage en responsabilité etsupprimer l’écriture d’un mémoire professionnelvous paraissent-ils deux mesures efficientes ?Comment voyez-vous la liaison théorie – pra-tique en formation ?Allonger le temps du stage en responsabilitémérite d’être considéré comme une voie deformation possible, à condition qu’un accom-pagnement par des formateurs ait lieu. Lesétudiants d’IUFM ont le sentiment qu’ilsconstruisent à cette occasion leur identité pro-fessionnelle, ce qui est vrai puisqu’à l’IUFMils sont encore sous un régime d’étudiants.Les modalités de cet allongement du tempspourraient prendre des formes diverses et lesmodalités de l’implication des stagiaires à cepropos pourraient être contractualisées (alleren stage pour…).Le mémoire professionnel constitue sansdoute une des avancées fortes de la formationen direction de la liaison plus étroite entrethéorie et pratique. Il serait vraiment dom-mage de le supprimer.Quant à la question de la symbiose théorie-pratique, celle-ci me paraît relever d’une al-ternance intégrative entre temps de stage ettemps à l’IUFM à travers, entre autres, la

l’oral dont les objectifs sous-jacentsflottent entre des pôles qui peuventsembler contradictoires :- centrer la pédagogie sur l’appren-tissage des structures linguistiquesou bien sur celui des habiletésconversationnelles ;- enseigner l’usage standard ou déve-lopper la capacité d’adapter son lan-gage à toutes les situations sociales ;- favoriser la pratique de la langueet de la communication ou favoriserla réflexion sur la langue et sur lacommunication.L’objectif général de ce colloque estde favoriser la réflexion autour de cesconceptions en suscitant les échangesentre trois communautés : les cher-cheurs du domaine de l’acquisition dulangage oral, les chercheurs en didac-tique de l’oral, les formateurs et lesacteurs du système éducatif.

http://www.grenoble.iufm.fr/kiosque/[email protected]

J’enseigne avecl’Internet en français-lettresUne publication fort utile qui, dansl’esprit de cette collection, donne despistes pour l’action et des référencespour la recherche d’outils et de possi-bilités d’échanges avec les collègues.L’un des auteurs, J.-E. Gadenne animele portail Weblettres et B. Sotirakisest formateur TICE en IUFM.On trouvera donc des séquences pé-dagogiques (correction de devoirspar l’Internet, utilisation de l’imagepour la rédaction d’un conte, l’utili-sation de bases de textes pourl’étude d’œuvres intégrales, la re-cherche dans un dictionnaire enligne), des outils (par exemple com-ment communiquer sur des listes dediffusion, comment travailler avec lapresse en ligne) et divers apportspour diversifier ses pratiques…

12€ (4€ port), cyber librairie :www.ac-rennes.fr/crdp CRDP de Bretagne, 92 rued’Antrain, 35003 Rennes cedex

Le processus dedécision dans lessystèmes éducatifsDans son dossier de mars, la Revueinternationale d’éducation de Sevreséditée par le CIEP invite des expertsà proposer leur lecture et leur ana-lyse des réformes éducatives menéesrécemment dans cinq pays a l’his-toire et au contexte très différents(l’Argentine, la Hongrie, le Japon,l’Espagne et la France).On peut constater certaines conver-gences dans les situations examinées :la question de l’équilibre entre lecentre et la périphérie ; de la régula-tion nationale et de l’égalité deschances ; du rôle des experts et de lacollectivité. Chaque pays cherche à lesrésoudre dans une démarche qui re-lève plus souvent du tâtonnement quedu projet à long terme.

6 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

A C T U A L I T É S É D U C A T I V E S

Mais lorsque, dans un lycée, le débat sur l’ac-tualité est une habitude, on ne s’interromptpas pour cause de guerre. Dans l’InstitutionNotre-Dame-La-Riche de Tours, paraît de-puis plusieurs années un quotidien lycéen surune feuille de format A4 photocopiée 2.Chaque élève peut quand il le souhaite y in-tervenir sur le sujet de son choix, avec signa-ture complète et mini-photo, dans le cadrelégal de la liberté de la presse. Voici ce qu’onpouvait lire dans La Fenêtre du 10 avril 2003 :De Pierre G : « J’ai été très touché de voir hiersoir le peuple irakien avouer enfin sa hainecontre l’abominable régime de Saddam Husseinet remercier en les embrassant les courageuxsoldats américains et britanniques… » Et Marc

W. de lui répondre : « On a surtout vu les mé-thodes peu orthodoxes de l’administration Bushpour liquider les crises. » Et même si les proposnous paraissent téléguidés, le fait de publier sonpoint de vue dans un billet demande de le mettreen forme, de l’argumenter, de se soumettre à lacritique des lecteurs.Tout citoyen doit apprendre à faire cela.

Odile Chenevez, Clemi Aix-Marseille.

1 Enfin, tous ceux qui ont reçu leur paquet, car cette année un dysfonc-tionnement du serveur informatique a provoqué la disparition de quelquescentaines d’inscriptions.2 Cf., dans le dossier ci-après, l’article d’Olivier Boyer : « Ouvrir uneFenêtre au quotidien »

Quelle formation initialedes enseignants ?

INFOS - PUBLICATIONS

Entretien avec Michel Develay

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 7: Cahiers Pedagogiques 415

La complexité du processus de déci-sion en éducation n’a rien pour sur-prendre si l’on considèrel’importance des enjeux véhiculéspar les systèmes éducatifs : identiténationale, transmission culturelle,progrès économiques…

<http://www.ciep.fr/ries/index.htm>,<http://www.ciep.fr/presse/RIES_32.pdf>, Sophie Blanquer, [email protected]

La maison desenseignantsLe site Internet de « la maison desenseignants » offre de nombreusesinformations professionnelles et uneimportante banque de ressources pé-dagogiques (dossiers, thèmes, pro-jets, sites Internet, etc.).Une source inépuisable de rensei-gnements et un outil précieux de coopération pédagogique.

lamaisondesenseignants.com

Jeune mémoireSerge Smulevic est un ancien élèvedes Beaux-Arts de Strasbourg.Déporté à Auschwitz III Monowitz, ilsurvit en échangeant des dessinscontre de la nourriture. En 1945, auretour, il dessine, pour témoignercette fois. (Voir ces dessins àl’adresse : http://www.memoire-juive.org/serge.htm).Des élèves de 3e ont entamé une cor-respondance avec cet ancien déportéet, ensuite, ont écrit des textes à pro-pos de ces dessins. C’est ce travail quiparaît sous le titre Jeune Mémoire.Quarante pages, neuf dessins en qua-drichromie, vingt-cinq textes d’élèves.

Prix public : 5€, édité par le foyersocio-éducatif du collège MauriceWajsfelner, 02880 Cuffies.http://www.memoire-juive.org/jeune_mémoire. htmPrésentation de la démarche :« L’aventure pédagogique de la mé-moire » : http://www.memoire-juive.org/aventure_mémoire.htm

« La jeunesse entreéducation etrépression »Dans le numéro 450-451 d’Après-Demain (Ligue des droits de l’homme),une analyse solide de la politique sé-curitaire appliquée aux jeunes.

40 pages, 8€. BP 258-07, 75327Paris cedex 07

Enseigner le judo aucollège et au lycéeMichel Calmet est formateur ensports de combat, mais aussi univer-sitaire après avoir enseigné en ZEP. Ilnous présente avec cet ouvrage ceque l’on peut faire dans le secon-daire autour du judo. Un parti pris :on peut enseigner les activités decombat en accord avec les objectifsde l’enseignement de l’EPS : apprendre à gérer sa vie physique,

7les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

A C T U A L I T É S É D U C A T I V E S

construction du mémoire professionnel, latenue d’un journal de bord, la contractualisa-tion et l’auto-évaluation des compétences pro-fessionnelles à maîtriser. Cette symbiose peutêtre présente à chaque occasion de formationdisciplinaire par les réflexions valorisées, l’usaged’une filmographie aboutie, l’analyse de pro-ductions ou de comportements d’élèves, l’ana-lyse de scripts de classes… Enfin, les groupesd’analyse de la pratique peuvent la dévelop-per, à condition qu’ils ne soient pas sous la res-ponsabilité de personnes non formées.L’interdisciplinarité représente-elle un enjeu dansun dispositif de formation d’enseignants ? Dansquelle mesure ?Le terme « interdisciplinarité » recouvre desréalités très diverses. Il peut s’agir d’activitésd’enseignement-apprentissage à partir de thé-matiques non disciplinaires (type travaux croi-sés), d’un travail en commun entre enseignantsde diverses disciplines sur une question pé-dagogique commune (la question de la lectureen 6e entre profs de diverses matières), d’uneréflexion intercatégorielle forcément interdis-ciplinaire entre CPE et prof ou infirmière etprof, etc. Sans doute faut-il l’encourager pouraider les stagiaires à relativiser leurs certitudeset à s’ouvrir à d’autres visions du métier.Comment verriez-vous l’introduction de la di-mension professionnelle dans les concours de re-crutement (Capes-Cerpe-Caplp) ?Cette dimension existe à travers l’évaluation dela pratique de classe par les formateurs et lespersonnels d’inspection. Elle n’a donc pas àêtre introduite. On peut s’interroger pour sa-voir s’il convient de la renforcer, et de quellemanière. L’analyse de productions d’élèves etde documents utilisés par des enseignants,l’analyse d’une séquence filmée en classe peu-vent permettre de la renforcer. Je pense que ladimension professionnelle implique l’analysede la conduite de classe d’un stagiaire par lui-

même (pour identifier ses compétences d’auto-analyse) et par une personne extérieure.Quelles idées-forces traduisent votre opinionlorsque vous dites que la formation doit aider àla fois à la construction d’une compétence pro-fessionnelle et à l’émergence d’une identité pro-fessionnelle (cf. « Peut-on former les enseignants »ESF 1994) ?On peut être compétent (savoir faire classe àl’école primaire ou au collège), sans possé-der le sentiment d’appartenir à une catégo-rie professionnelle déterminée (prof d’écoleou PCL). Les écoles normales construisaientsimultanément ces deux réalités : compétenceprofessionnelle et identité. Les IUFM meparaissent participer davantage à la construc-tion de compétences qu’à la constructiond’identités professionnelles (celles du CPE,du PCL, du PLP2, du professeur d’école sonttoutes différentes).L’identité professionnelle se définit par quatreattributs : une qualification (le diplôme), unecompétence, une culture d’appartenance (desobjets, des valeurs, des actions, des symboles)et une déontologie. L’identité professionnelledes instituteurs hussards noirs de la quatrièmeRépublique allait de soi (alphabétiser, faireexister le sentiment de république…). Je n’aipas l’impression que l’on se préoccupe beau-coup de faire exister une identité profession-nelle chez les étudiants d’IUFM aujourd’hui.Cela relève sans doute de décisions nationales(mieux définir les missions des enseignants)mais aussi d’initiatives locales. Pourtant, lecontact avec la culture artistique et scienti-fique, avec la recherche, avec les zones sen-sibles, avec le nouveau peuple scolaire peut yparticiper si on considère que ces lieux et cesréalités constituent aujourd’hui des élémentsforts d’une identité d’enseignant.

Propos recueillis par Christian Frin.

INFOS - PUBLICATIONS

À la suite du dossier Analysons nos pratiques professionnelles, paru en 1996, nousavons décidé de consacrer un nouveau numéro à cette modalité de formation ini-tiale et continue.L’accompagnement du début de carrière par l’analyse des pratiques est proposé parle ministère, qu’en est-il sur le terrain ? Quels obstacles et quelles ressources pourune intervention située à un moment crucial pour nos collègues débutants ?L’analyse des pratiques contribue-t-elle à l’amélioration des pratiques ? Quelleplace pour les enseignants dans cette inflation d’interrogations sur leurspratiques ? Sont-ils les seuls concernés ? Les proviseurs et principaux, entre autres,ne pourraient-ils pas bénéficier davantage de cette modalité qui permet à une pro-fession de construire ses repères pour l’action ? Quelles méthodes convient-il demettre à disposition des intéressés pour qu’ils s’en emparent comme d’autant d’ou-tils de leur perfectionnement professionnel ? Que sait-on des savoirs de pratiquesou d’action ? Quelle est la place du formateur, sa posture ? Qu’est-ce qui se faithors Éducation nationale ?Telles sont, pour l’essentiel, les questions auxquelles ce dossier tente d’apporterdes éléments de réponse.Dossier coordonné par Patricia Picques et Richard Étienne.

NO

TR

E P

RO

CH

AIN

NU

RO

N O T R E P R O C H A I N N U M É R O

N° 416, septembre 2003 : Analysons nos pratiques (2)

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 8: Cahiers Pedagogiques 415

développer des conduites motricesspécifiques, mais aussi contribuer àl’enrichissement culturel des élèves.Quatre-vingt-dix-neuf séquencesvidéo dans un DVD qui accompagnel’ouvrage fournissent des exemplesde réalisation très concrets.L’articulation « opposition/coopéra-tion » permet de travailler les exi-gences de solidarité (commentprogresser individuellement et col-lectivement) ainsi que la gestion del’hétérogénéité. L’auteur, comme lenote un IPR en préface, s’efforcemoins de former au judo qu’à la citoyenneté, à travers le judo.Un équilibre judicieux entre le« pourquoi », la réflexion sur les fina-lités, et le « comment » (fiches tech-niques, travail sur l’évaluation). Unouvrage de référence.

Publié par le CRDP d’Amiens.101 pages, 20€.

Mona, l’art pour les 7-11 ansUn nouveau magazine, fort bien fait,pour un éveil culturel des enfants. Desrubriques variées : « à la loupe », « unejournée au musée », « voyage dans letemps » (art et histoire de la vie quoti-dienne), « la vie d’artiste » (en bandedessinée), « je regarde mieux », etc.Le premier numéro (avril 2003) de cemensuel comprend notamment undossier « Pourquoi la Joconde est-ellesi célèbre ? » et une découverte de lavie mouvementée de Marc Chagall.

En kiosque. Abonnement : 11, ruedes Olivettes, BP 41005, 44018Nantes cedex 1 (38€).

Droits de l’enfantLe 4e rapport de Défense des enfantsinternationale (DEI)-France sur l’appli-cation de la Convention internationalesur les droits de l’enfant par la Franceen 2002 est désormais en ligne.Intitulé « Autorité, sécurité, respect,devoirs : les droits de l’homme del’enfant sont-ils liberticides ? », ilpasse en revue tout ce qui est signi-ficatif de l’application ou de la non-application de la CIDE en France etpar la France en 2002. Parmi lespoints abordés : l’absentéisme sco-laire, les centres éducatifs fermés,les mineurs étrangers.

<http://www.globenet.org/enfant>,<http://www.rosenczveig.com>

« Adolescence,souffrances etscolarité »Les 27 et 28 mars, l’ « Association desoutien scolaire des enfants maladesde Bordeaux » réunissait 250 congres-sistes autour du thème :« Adolescence, souffrances etscolarité ».Xavier Pommereau psychiatre au CHUde Bordeaux, (qui a répondu parailleurs à une interview sur le suicidedes jeunes dans Valeurs mutualistes,le magazine de la MGEN), MarieChoquet directrice de recherche à

8 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

A C T U A L I T É S É D U C A T I V E S

Il est de bon ton de décrier la partie « com-mune » de la formation professionnelledes enseignants, qui serait au mieux un

gadget et au pire du temps perdu… Maisque dirait-on d’une formation de médecinsqui ne connaîtraient que leur seul domainede spécialité ?Le mémoire professionnel, qui s’est imposéannée après année comme un irremplaçableoutil de la formation des enseignants dansl’alternance entre pratique de classe et ré-flexion distanciée, serait remis en cause dufait de sa « lourdeur » supposée et de son uti-lité prétendument douteuse… Les forma-tions médicales prétendent-elles pouvoir sepasser d’un mémoire de fin d’études ?Selon nos « réformateurs », en premièreannée les étudiants n’auraient que faire des« compléments d’âme » apportés dans lesIUFM, alors qu’en deuxième année les pro-fesseurs stagiaires n’auraient guère besoind’un recul critique pour éclairer leur pra-tique de classe – de ce « luxe inutile ». Toutela vérité du métier serait dans « la pratiquede la classe », à telle enseigne que l’expé-rience de terrain serait accrue de moitié(voire prolongée sur deux années), et que lesformations universitaires seraient diminuéesd’autant… Que penserait-on de formationsmédicales soit totalement coupées des mé-tiers de la santé, soit totalement déconnec-tées de la recherche médicale ?

Le nœud de cette mauvaise querelle, qu’il soitexplicite ou qu’il reste masqué, c’est bien lepeu de prix que l’on attache à la recherchescientifique et universitaire dans les sciencesde l’éducation et le soupçon de son inutilitépour la formation professionnelle des ensei-gnants… Autant la recherche médicale est so-cialement valorisée, autant les recherches enéducation sont encore dévalorisées.Que dirait-on en effet d’un projet de réformede formations médicales qui ferait fi de toutesles recherches dans le domaine médical ? Or,toutes les recherches (nationales et interna-tionales) en sciences de l’éducation conver-gent pour montrer qu’il ne peut exister devéritable formation sans l’éclairage des tra-vaux menés sur l’enseignement et sur l’ap-prentissage. Seul cet éclairage peut permettreà l’enseignant (en formation initiale ou conti-nue) de penser et repenser son métier en l’ap-prenant et en le pratiquant.Il n’est pas question de revendiquer quelqueimmobilisme d’autosatisfaction, mais bien derevendiquer les moyens de continuer. Noncertes qu’il n’y ait rien à réformer dans la for-mation des enseignants dans les IUFM, maisc’est bien au contraire à une refondation de cesjeunes institutions qu’en appellent les espritsclairvoyants… pas à leur démembrement.

Alain Legardez, professeur des universités ensciences de l’éducation, IUFM d’Aix-Marseille

Former des généralistesou des spécialistes ?

INFOS - PUBLICATIONS

➤ Ateliers thèmes : Évaluer sans démolir - Aider sans assister - Le travail en équipe - L’autorité dans la classe - Ma relation avec la classe

➤ Ateliers activités (après-midi) : Chansons de nos vies - De la représentation iconique -Théâtre et masque - À la découverte de la forêt

Des débats (notamment avec Claude Lelièvre sur le collège). Des échanges. Ouvert à tous,enseignants, formateurs, tout personnel du secteur éducatif.

237 euros (hébergement compris) + 22,87 euros d’adhésion au CRAP. Enfant 122 euros.Inscriptions : CRAP-Cahiers pédagogiques, 10, rue Chevreul, 75011 Paris. Tél. 01 43 48 22 30 – Fax 01 43 48 53 21 E-mail : [email protected]

Rencontre CRAP-Cahierspédagogique 2003

Du mardi 19 août, 16 h, au mardi 26 août, 12 h. À Rambouillet (78)

Face aux diffficultés du métier,que construisons-nous ?

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 9: Cahiers Pedagogiques 415

L’Inserm et responsable de l’unité« Santé de l’adolescent » ont soulignéce phénomène récent de l’augmenta-tion du mal-être des adolescents.Cela se traduit par la multiplicationalarmante des tentatives de suicide,des dépressions, des troubles ducomportement alimentaire : anorexieou boulimie, et des phobies scolaires.

Contact : Anne Brezillon05 56 79 56 88 [email protected]

La Petite Abeille et À toi la parolePlusieurs magazines à destinationdes scolaires sont réalisés par lesconseils généraux. Notons particu-lièrement, dans les Hauts-de-Seine,le magazine trimestriel gratuit des-tiné aux élèves de l’école primaire :La Petite Abeille, qui traite à chaquefois d’un thème comme« L’infiniment petit », « Les animauxde Jean de la Fontaine »,« L’aéronautique » ; et, dans le mêmedépartement, un autre magazinegratuit distribué aux collégiens : Àtoi la parole, qui contient quatrepages de « courrier des lecteurs » et,au milieu de nombreuses rubriquestrès diversifiées, un dossier comme« Les enfants de la démocratie ». Despublications attractives, denses etbien conçues qui apportent de l’in-formation et invitent à une réflexionouverte aussi bien sur les centresd’intérêt des adolescents que sur dessujets graves (le viol, l’alcool).Ce genre de magazines témoigned’une belle activité de la part deséquipes chargées des questions d’édu-cation dans les conseils généraux. Ilfaut leur rendre hommage tout ensouhaitant qu’elles bénéficient d’uneréelle indépendance vis-à-vis de leurscommanditaires dont les intérêts nesont pas que pédagogiques…

On peut se procurer des exem-plaires de La Petite Abeille (7,50€chaque numéro) et d’À toi laparole en écrivant à « À toi la pa-role/La petite abeille », 2 – 16 bdSoufflot, 95015 Nanterre cedex.

LibrioLibrio, qui est un des phénomènesnotables de l’édition de ces der-nières années et qui permet aux en-seignants de faire acheter à prixtrès bas des livres à leurs élèves,change en juin de maquette, de pa-pier, de prix (désormais 2€) etcontinue de s’ouvrir aux textes inédits les plus divers.On notera aussi la création de nou-velles séries thématiques : des bio-graphies, des « repères », des textessacrés (avec récemment la parutiond’extraits du Coran, dans la traduc-tion de Jacques Berque).Dans les meilleures ventes de Librio,il y a l’excellent « Paroles de poilus »à côté de classiques (Hugo,Shakespeare, Maupassant…), dansun catalogue de 500 titres environ.

9les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

A C T U A L I T É S É D U C A T I V E S

INFOS - PUBLICATIONS

Les Cahiers pédagogiques ont pris la (bonne) ha-bitude de s’interroger sur l’école dans les paysétrangers : l’Allemagne (n° 359) et les États-Unisd’Amérique (n° 392) ont été les deux premiers paysinterpellés par notre revue. Or, les deux culturesconcernées présentent de grandes différences avecla nôtre, ne serait-ce qu’au niveau linguistique. LeQuébec, lui, se trouve dans une situation à la foisproche et différente de la nôtre : le ciment de sonunité nationale est la langue française mais le bi-linguisme est inscrit dans les textes constitutionnelsau contraire de la France qui en fait la langue dela République. La laïcité a chez nous un siècled’existence et de reconnaissance alors qu’elle n’aémergé que récemment dans ce pays. Le rôle desparents semble bien plus important là-bas quedans un pays très centralisé où l’administrationrègne en maître absolu. La pédagogie québécoisejouit en France d’une réputation d’autant plusflatteuse que les querelles entre pédagogues etrépublicains battent leur plein.

Nous aimerions publier un dossier qui dépasse lesclichés habituels et souligne les enjeux actuels d’unedémarche éducative fondée sur la promotion dufrançais auprès d’une population immigrée qui est

largement invitée dans le pays à la condition qu’elleadopte cette langue sans la défigurer par les amé-ricanismes. Nous cherchons aussi à comprendre,grâce à un partenariat constant avec nos amis qué-bécois, comment les réformes ambitieuses qu’ilsont mises en place dans le primaire et dans le se-condaire se traduisent (ou non) dans la pratique dela classe au quotidien : démarche de projet, éva-luation mise au service des apprentissages, etc.Enfin, dans l’intention de favoriser une meilleureconnaissance réciproque, nous appelons ensei-gnants, étudiants et élèves à établir des compa-raisons entre les deux systèmes éducatifs sur tousles points importants : acquisition des connaissanceset des compétences, éducation à la citoyenneté,prise en compte du développement durable etpoints en débat dans la pédagogie, la didactique,l’organisation scolaire et l’enseignement au sensle plus large du terme.Faire parvenir vos projets d’articles, de témoi-gnages, de récits et de contributions pour le 15 oc-tobre 2003 à l’adresse suivante : Richard Étienne,61, rue de la Chasse-Aux-Papillons, F 34980 Saint-Gely-du-Fesc. (33) 04 67 84 05 [email protected]

L’école québécoise, une école commeles autres ou un exemple à suivre ?

APPEL À CONTRIBUTIONS

Le CEPMO recruteLe « Centre d’expérimentation pédagogique et maritime en Oléron » recherche desenseignants de lycée en histoire-géo, mathématiques, sciences physiques et espagnol.

CV + Lettre de motivation à adresser au plus vite à la Commission de recrutement, CEPMO, Maison Heureuse, Boyardville 17190 Saint-Georges d’Oléron tél : 05 46 47 23 57 Fax : 05 46 47 24 80 mail : [email protected]

L•’

•é

•c

•o

•l •e

• d

•e

•c

•h

•a

•r

•b

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 10: Cahiers Pedagogiques 415

Offre n°13 : La presse et l’écritureApprendre avec la presse (n° 357/358) + Écrire, un enjeu pour lesenseignants : 18,29 €

Offre n°18 : Après l’écoleL’école après l’école (n° 310) + École et familles (n° 339) : 6,86 €

Offre n°19 :Apprendre quoi et comment?Du bon usage des manuels (n° 369) + Les contenus de l’enseignement(n° 298) : 10,67 €

Offre n°20 : L’école ailleursL’école dans les DOM-TOM (n°355) + L’école allemande, un modèle?(n°359) + Apprendre des autres,l’éducation comparée (n°378) +L’enseignement aux USA (n°392) :20 €

Offre n°21 : La voie technique et professionnelleLycées agricoles + ATP 3 (n°289) + La voie technologique etprofessionnelle (n°295) + Les lycées professionnels (n°403) :13 €

Offre n°22 : Éducation artistique et sensorielleLe monde de l’art et l’école (n°371) + Des sens à la sensibilité : quelleéducation ? (n°374) + Musique !(n°394) : 20 €

Offre n°1 : Série « Apprendre 1 »Apprendre 1 (n° 280) + Apprendre 2(n° 281) + Apprendre 3 (n° 288) + Apprendre 4 (304/305) : 13,72 €

Offre n°2 : Série « Apprendre 2 »Aider à travailler, aider à apprendre(n° 336) + Apprendre (Hors série) + Apprendre à raisonner (344/345) :16,77 €

Offre n°3 :L’enseignement primaireLa maternelle (n° 352) + L’école rurale (n° 365) : 10,67 €

Offre n°4 : L’établissement…L’effet établissement (n° 354) + Lecollège (supp. 5) + Le temps del’élève (supp. 2) : 12,20 €

Offre n°5 : Les enseignantsNouveaux élèves nouveaux maîtres(n° 314/315) + Des enseignantssuffisamment solides (n° 342/343) :9,15 €

Offre n°6 : Le corpsApprendre par corps (n° 288) + EPS, réalités et utopies (n° 361) :9,15 €

Offre n° 7 : Droit et violenceViolences à l’école (n° 287) + Face à la violence (n° 375) + Le droit à l’école (n° 364) :18,29 €

Offre n° 8 : Zones difficilesQuand les élèves posent problème(n° 366) + ZEP, années 90 (n° 309) :10,67 €

Offre n° 9 :Faire face à la violenceOffre n° 7 + Offre n° 8 : 22,87 €

Offre n°10 :L’imaginaire et l’écriture du moiUn peu plus d’imagination (n° 349) +Lire et écrire à la première personne(n° 363) : 9,15 €

Offre n°12 : IntégrationÀ l’école, l’intégration (n° 296) + Le voile (supp. 1) + Les religions àl’école laïque (n° 323) : 10,67 €

Cahiers pédagogiques,BP 72402, 44324 Nantes CEDEX 3Tél. : 02 40523693 – Fax : 02 40507493

Ces offres, dans la limite des stocks disponibles, annu-lent et remplacent les précédentes. Elles sont valablespour la France métropolitaine. Pour les DOM-TOM etl’étranger, ajouter 3,05 € par commande pour les frais deport avion prioritaire.

POUR COMMANDER :

Offres spéciales

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 11: Cahiers Pedagogiques 415

11les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

dossierExiste-t-il une vie scolaire ?Coordonné par Anouk Pantanella et Richard Étienne

L’individu s’oppose à la collectivité, mais il s’en nourrit. Et l’important est bien moins de savoir à quoi il s’oppose que ce dont il se nourrit.André Malraux Le Temps du mépris

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 12: Cahiers Pedagogiques 415

12 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Anouk Pantanella et Richard ÉtienneEDITORIAL

La vie scolaire dans tous ses états

Un dossier sur la vie scolaire, voilà une idée qui pou-vait a priori paraître saugrenue, peut-être aussi légè-rement en décalage avec ce que les Cahiers apportent

en matière de réflexion sur la pédagogie en général, sur la di-dactique des disciplines en particulier ou sur les innovationsdans l’enseignement. Pourtant la vie scolaire existe bel etbien, mais comment la définir? Est-ce uniquement un lieu,un espace repérable par les élèves : le bureau où l’on va jus-tifier une absence, où l’on rencontre les surveillants, où l’onva chercher des craies, le cahier de textes ou d’appel de laclasse? Non, c’est aussi un lieu où l’on est convoqué pour s’ex-pliquer en cas de conflits avec un adulte ou avec un autreélève. Ici apparaît donc le conseiller principal d’éducation,omniprésent dans ce dossier et pour cause: il est le chef de ser-vice de la vie scolaire. Ainsi dans son bureau se rencontrentles familles et les enseignants, les élèves entre eux pour re-nouer des liens et dénouer des tensions, pour un rappel à larègle ou pour exprimer un malaise, une difficulté passagèredans leurs études… La vie scolaire est donc une zone de pas-sage quotidien pour les usagers de cette communauté, maiselle est aussi définie comme un temps: le temps en dehors dela classe où des adultes prennent en charge les élèves pour lademi-pension, les heures de permanence, l’internat ou lesactivités à l’intérieur de l’établissement: clubs, foyer socio-éducatif, maison des lycéens…Les témoignages recueillis pour ce dossier mettent l’accentsur ce qu’est cette vie scolaire, sur ce qu’elle transmet auxélèves en termes de savoir-être et de savoir-faire. Ils éclai-rent sur les apports de ces moments en dehors de la classe,sur l’encadrement par les CPE, leur rôle éducatif, et surcelui des surveillants. Les missions des CPE paraissent sou-vent floues, leur identité professionnelle difficile à clarifier.On a voulu montrer la multiplicité de leurs fonctions, maisaussi leur rôle pédagogique au sein des équipes.Certains articles nous racontent la réalité de terrain des CPE.Il est indéniable qu’ils ont appris à parler avec les élèves, doncà les écouter pour mettre en place des médiations entre desacteurs au bord de la crise de nerfs et de la violence comme l’éta-blissent Alain Abadie et Alain Suran. Confinés dans un bou-lot de shérif, les voilà qui réussissent, tant bien que mal, àrenouer les fils du dialogue, même si c’est au détriment desrondes dans les couloirs. Mais, parfois, la machine s’emballe etun professionnel comme Patrice Teissier risque sa vie en vou-lant faire respecter la loi du collège par une communauté quine lui reconnaît aucune légitimité. De tels cas posent la ques-tion de l’autorité qui est plus attribuée que reconnue à la viescolaire en général. Fondée sur la sanction, elle s’apparenteà un sale boulot, à une besogne de basse police.Cependant, des auteurs nous entraînent dans les mursd’un lycée ou d’un collège où est reconnu le rôle pédago-gique du CPE qui lui assigne des tâches précises, notam-ment le suivi de l’assiduité et de la ponctualité. Bien quel’exploitation de ces données relève d’une responsabilitécollective, ces tâches justifient cependant la présence ac-tive du CPE dans les conseils de classe et dans l’accom-pagnement scolaire des élèves.

Une des difficultés majeures pour le CPE est de se débar-rasser de l’héritage trop prégnant encore des surveillants gé-néraux dont la mission consistait pour l’essentiel à maintenirl’ordre et la discipline par les sanctions, à serrer la vis sco-laire. Il est vrai qu’il y a loin des idées généreuses qui orga-nisent une progression vers l’autonomie des élèves, vue parAnne-Marie Gioux, à l’ironie amère du collectif de CPEqui interpelle les profs, les chefs d’établissement, les parentset qui insiste sur les malentendus et les incertitudes de cettefonction. Car l’identité professionnelle du CPE est à géo-métrie variable et dépend pour l’essentiel de la personnalitémême de celui ou celle qui exerce cette fonction, de sonpoint d’ancrage préféré. Il est ainsi des CPE qui privilégientleur implication pédagogique auprès des enseignants et lesuivi social des élèves, d’autres qui s’attachent davantage àdévelopper les animations socio-éducatives, et d’autres en-core qui se perçoivent plus comme membres à part entièrede l’équipe de direction.Pourtant la vie scolaire est là pour permettre à une com-munauté d’élèves de réussir à vivre et à étudier ensemble.Ainsi être CPE à Clisthène pour Géraldine Marty semblel’aboutissement d’une réflexion différente sur le métier et surune redéfinition de ce que devrait être une vraie vie scolaireet de son utilité dans des projets pédagogiques innovants.Pour Alain Enjolras, son métier de CPE est de faciliter etd’accompagner les élèves dans un projet difficile mais aboutide radio lycéenne et il en mesure les retombées pédago-giques au niveau des apprentissages. De même Olivier Boyernous entraîne sur les traces d’une expérience passionnanted’un quotidien lycéen, La Fenêtre, vecteur d’animation dela vie éducative et pédagogique de tout un établissement.Mais la mariée n’est-elle pas un peu trop belle dans ce dossier?À peine arrivée à maturité, voici que la vie scolaire est au-jourd’hui mise à mal. Nos nouveaux ministres, d’un trait deplume, effacent les derniers restes du pionicat et d’un mêmemouvement mettent fin aux aides-éducateurs pour faire laplace aux assistants d’éducation ! Outre que le compte n’est pasbon puisque Bercy récupère des moyens dans une opéra-tion de passe-passe qui s’apparente plus à du bonneteau qu’àune volonté de tenir compte des nouveaux publics de l’école,on peut se demander si la main qui la caresse ne s’apprêtepas à briser la nuque de l’établissement public local d’en-seignement à travers sa vie scolaire que l’on démantèle.En Europe, la vie scolaire est une exception française tout àfait enviable et enviée. Elle représente un atout pédagogiquepour la réussite des élèves. Mais son indéniable utilité ne larend pas moins fragile, et elle peut être facilement remise encause et abîmée par tout gouvernement qui privilégie le quan-titatif au détriment de la qualité du service public…

Anouk Pantanella, CPE au lycée Raynouard de Brignoles (Var).Richard Étienne, sciences de l’éducation, université Paul Valéry,Montpellier.

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 13: Cahiers Pedagogiques 415

13les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Dans l’histoire et aujourd’huiMarc-Henry Broch

L’organisation des études et la vie des élèves ont évolué dans le temps. L’école a forgé au cours descinquante dernières années un ensemble de dispositifs qui permettent de penser à nouveau la viescolaire au moment où les incivilités grandissantes la rendent parfois impossible.

L’organisation des études dans lescollèges du Moyen Âge est àl’image de la vie monastique :

étude et prière scandent la journée quidébute tôt et finit tard.Les jésuites, dans leurs collèges, au XVIIe

réduisent à cinq les heures de cours jour-naliers et instaurent des vacances dont ladurée peut aller jusqu’à deux mois.S’ajoutaient à l’organisation du travailscolaire des activités ludiques ou cultu-relles. Certains collèges étaient réputéspour la qualité des représentations théâ-trales qu’ils donnaient. Les jésuites sui-vaient les adolescents au plus près pourmieux façonner leur individualité. Lerapport du maître à l’élève était privilé-gié. Le maître, détenteur du savoir, étaitaussi le prêtre et le confesseur.Par contre, les lycées napoléoniens ado-ptèrent une organisation et un régimeparamilitaire. Les loisirs furent bannispour longtemps des lieux de la scola-rité. L’emploi du temps est tout entierconsacré à l’étude. Les internats duXIXe sont des lieux de réclusion : sallesd’études sans air et sans lumière. Lerégime disciplinaire est minutieuse-ment rythmé par les battements dutambour : « Car on n’est pas seulement

prisonnier, on est gardé à vue. À septheures un quart, le tambour appelle auréfectoire. On s’y rend en procession, deuxpar deux, en silence. Car le silence est derigueur, il est de rigueur partout : silenceaux études, silence dans les couloirs, si-lence au réfectoire, silence aux dor-toirs… » 1 Des séditions éclatent sousla Restauration, on en compte vingt etune en 1870. Elles ne désarment pasavec l’avènement de la IIIe République :trois jours d’émeutes au lycée deToulouse en 1882.L’internat a joué un rôle importantpendant les deux tiers du XXe siècle.Sous la IVe République, les règles defonctionnement des lycées furent as-souplies sans changements notables.Ceci explique, en partie, l’éclosiond’écoles expérimentales qui mettaienten œuvre les théories de pédagoguesde l’éducation.

Une autre vie scolaireElles prônaient toutes la recherche dudéveloppement harmonieux de l’élève,mettaient l’accent sur la qualité de l’or-ganisation scolaire, la relation de proxi-mité entre les enseignants et les élèves,l’apprentissage de la responsabilité,l’ouverture sur le monde, la socialisa-

tion par l’apprentissage de la coopé-ration. Au plan pédagogique, les mili-tants de l’École nouvelle estimaientque les élèves étaient capables d’ap-prendre par eux-mêmes ; pour cela, ilfallait susciter l’intérêt des élèves etles guider dans leurs apprentissages.Ces pédagogues concevaient l’instruc-tion, l’éducation, la vie scolaire commeun tout au service du développement del’adolescent. La vie scolaire était pen-sée en relation avec la vie de l’élève. Ilsrejoignaient les jésuites dans la façond’accompagner les adolescents. Maisleur approche était laïque, elle visait àla fois le producteur et le citoyen.Cependant, il fallut le mouvement étu-diant de 1968 pour que s’opèrent deschangements significatifs avec la créa-tion dans tous les établissements dusecond degré des foyers sociaux édu-catifs et l’institution des déléguésélèves et parents.

Continuité entre éducation et instructionDès lors, les établissements scolairesfurent dotés d’outils permettant d’en-gager une politique éducative qui nesoit pas subordonnée à l’organisationde la discipline générale. Il devient pos-

1 - De la caserne à la maison des lycéens

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 14: Cahiers Pedagogiques 415

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

14 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Il faudrait éviter le recours systématique à lapédagogie de surplomb, manifester une attitude de

compréhension et d’ouverture à l’égard des élèves

sible, au sein de l’établissement, de dia-loguer avec les élèves par le truchementde leurs délégués en classe et au conseild’administration.Les foyers devaient permettre l’amé-lioration du climat relationnel dansl’établissement. De plus, les militantsde la FOEVEN, promoteurs de foyersdans les centres d’apprentissage, ainsique les autres courants pédagogiques,souhaitaient une transformation desméthodes pédagogiques afin d’instau-rer une continuité entre éducation etinstruction. Le projet d’établissement estle nouvel outil d’intégration de la viescolaire au dispositif d’instruction. Demême que l’élaboration par l’élève deson projet d’orientation le responsabi-lise vis-à-vis de ses apprentissages dèsla classe de cinquième.Différents dispositifs d’aide sont pré-vus, à tous les niveaux d’enseignement,pour amener les élèves à surmonterleurs difficultés scolaires. Organisés engroupes restreints, ils favorisent laproximité entre professeurs et élèves.L’heure de vie de classe permet au pro-fesseur principal de traiter les ques-

tions qui touchent à la vie pédagogiqueet à la vie du groupe classe. Il peut sen-sibiliser les élèves à la citoyenneté et àleur protection sanitaire. C’est un mo-ment privilégié pour réagir face auxcomportements violents 2.

La communauté scolaireLa notion de communauté scolaire esten relation avec la volonté de faire del’établissement un milieu éducatif com-plet. Cette communauté est représen-tée par un ensemble de partenaires :les parents d’élèves, les élèves, les per-sonnels et des entités comme le foyer.Au conseil d’administration, la com-munauté scolaire place les parents etles élèves au cœur des décisions àprendre sur plusieurs domaines pos-sibles : la pédagogie, l’orientation, l’ani-mation éducative, l’aménagement deslocaux, les horaires, etc.La circulaire de 1982, (« Objectifs pourla vie scolaire dans les collèges ») défi-nit la vie scolaire du double point devue de l’instruction et de l’éducation :« Il faut rechercher et créer des conditionsde vie scolaire qui permettent […] de

patibilité en termes de plages horaireset de disponibilités des personnes) ets’ajustent ou se complètent les objectifsdes projets.

Territoires séparésMais il y a loin de la théorie aux faits.Traditionnellement l’éducation de l’es-prit devait former l’honnête homme parle moyen de l’étude des grands textes etleur valeur d’exemple.Le souci d’ajouter une éducation pra-tique a introduit une certaine coupureentre les activités dont elle relève etl’enseignement des disciplines. La viescolaire a son corps d’inspection et sesconseillers principaux d’éducation.Cette spécialisation se traduit par unelimite quasi géographique entre les ac-tivités des professeurs dans la classeet celles qui se déploient en dehors dela classe.Un grand nombre de familles, pour desraisons multiples, reportent le soin del’éducation sur le système éducatif etn’assument plus le rôle qui leur revient.Avec le chômage, l’école n’est plus per-çue comme l’outil de la promotion so-

conduire simultanément, et de manièrecohérente, une action pédagogique et uneaction éducative complémentaire. 3 »La circulaire décline pour les différentsniveaux du collège les activités qui fa-vorisent l’apprentissage de la respon-sabilité. Le travail autonome est unmoyen, pour l’élève, d’expérimenter saresponsabilité ; par la suite, son projetpersonnel le conduit à prendre encharge son avenir. Le texte insiste enparticulier sur le rôle des parents.Cette circulaire donne de la vie scolaireune définition satisfaisante : « Donneraux élèves le sens du travail individuelou de groupe, de la vie collective et as-sociative, de la responsabilité et de l’en-gagement, qui conditionnent nonseulement la réussite scolaire mais la for-mation de la personnalité de chacun. »Tous les éléments sont en place pourl’élaboration et la réalisation de projetsspécifiques prenant en compte les ca-ractéristiques de la population d’élèvesaccueillis dans l’établissement. C’est auniveau de l’organisation scolaire que sedéterminent les articulations entre lesdifférents domaines d’activités (com-

ciale. Nombre d’élèves n’attendent plusrien d’elle et le manifestent ouverte-ment. Une partie des membres de lacommunauté scolaire tend à s’exclureelle-même du rôle qu’elle peut jouer.Les délégués au conseil d’administra-tion jouent un rôle généralement tropdiscret. Les délégués élèves sont sou-vent ressentis comme une menace dansles conseils de classe et peinent à par-ticiper au conseil d’administration. Lesdélégués des parents ont une partici-pation peu active au conseil de classe.

Échec pédagogique et violenceLe système éducatif est absorbé par desmissions prioritaires à caractère péda-gogique (lutte contre l’échec scolaire,orientation des élèves, etc.) qui mobi-lisent du temps et des moyens.Actuellement, les relations interindi-viduelles entre élèves, élèves et pro-fesseurs se dégradent nettement dansun nombre croissant d’établissements.L’introduction de comportements aso-ciaux se traduit par le recours systé-matique à la loi du plus fort et à l’usagede différentes formes de violence, com-promet gravement la tranquillité desélèves et perturbe les cours. L’école dela rue semble prendre le pas sur l’ins-titution scolaire.Les foyers sociaux éducatifs sontconcurrencés par les offres marchandeset l’habitude prise, dès l’école primaire,par nombre de parents d’inscrire leursenfants dans des clubs privés. La chargepédagogique des professeurs s’est ac-crue et leurs disponibilités pour l’ani-mation de clubs se trouvent limitées.L’élaboration des emplois du tempsprivilégie trop souvent les vœux desenseignants au détriment de l’équilibrede la journée de l’élève.Les cours consacrent la parole et le sa-voir du maître, ne laissant qu’une faibleparticipation de l’élève, de sorte queles journées se passent à écouter et àprendre des notes.L’évaluation des élèves est ressentiecomme un jugement sur la personneet se présente trop souvent comme unesanction. Même si, par le biais des aidespersonnalisées, les élèves peuvent êtreamenés à comprendre leurs erreurs,cette pratique ne se généralise pas.

Comment améliorer la vie scolaire ?Les établissements doivent repenserleur politique éducative et les projetsqui l’accompagnent.Ainsi, il faudrait éviter le recours sys-tématique à la pédagogie de surplomb,manifester une attitude de compré-hension et d’ouverture à l’égard des

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 15: Cahiers Pedagogiques 415

élèves. Même si l’expérience et le savoirleur font défaut, il convient de les trai-ter de façon qu’ils ne se sentent pas misen état d’infériorité.Il faut combattre aussi la tendance à re-jeter sur les acteurs de « la vie scolaire »les questions de discipline. Faire res-pecter le calme dans les couloirs et àl’entrée en classe ne peut être de la seuleresponsabilité des surveillants. Les éta-blissements doivent veiller à ce que lerecours aux sanctions ne soit pas la seuleréponse aux comportements d’incivi-lité et inventer des réponses éducatives.De même il n’est pas admissible quedes parents attendent que l’établisse-ment se substitue à leurs devoirs.Chaque élève devrait bénéficier du sou-tien pédagogique et non les seuls cas àproblème. La communauté scolaire neprend consistance que lorsque l’en-semble des acteurs se mobilise sur lesproblèmes importants à résoudre. Laconfrontation des points de vue suiviede la production de propositions ac-ceptées par tous est le seul moyen defaire agir tous les acteurs de façon com-plémentaire en faveur du développe-ment des personnalités adolescentes.Chaque élève devrait pouvoir trouverauprès des adultes aide, soutien etconseils mais aussi l’autorité dont ilsont besoin pour se construire.

Marc-Henry Broch, chef d’établissement honoraire.

Ouvrages de Marc-Henry BrochTravailler en équipe à un projetpédagogique, préface d’André dePeretti, Lyon, Chronique Sociale, 1996.

Professeur principal, Lyon, ChroniqueSociale, 2003.

15les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

1 - De la caserne à la maison des lycéens

1 L’Éducation de la bourgeoisie sous la république, Maneuvrier(1888).2 Voir les chapitres « Le suivi du groupe classe » et « De la vio-lence à l’école à la violence dans la classe » in Broch M.-H.,Professeur principal, Lyon, Chronique Sociale, 2002.3 Circulaire 82-230 du 2 juin 1982. RLR 523-3b.

Un silence éloquentClara Mourey

Près de trois cents professeurs ont été interrogés sur lesreprésentations et l’image qu’ils se font du CPE. Dix-septseulement ont répondu… Leurs réponses sont analysées et surtoutcommentées par les CPE du district de Noisy-le-Grand dans laSeine-Saint-Denis.

C’est l’heure de la récréation.Nous ne pouvons pas aller ensalle des professeurs car notre

bureau se remplit d’élèves et de col-lègues dès la sonnerie…Notre « salle des profs » à nous, c’est ceque l’on appelle « le point rencontre desCPE » et c’est seulement quatre fois paran ! Quatre fois où, entre pairs, nouséchangeons nos expériences, notre quo-tidien, nos soucis et essayons de tra-vailler ensemble pour produire uneréflexion, des projets communs dontnous devrons rendre compte, en find’année à monsieur le recteur.Cette année, entre collègues du districtde Noisy-le-Grand, dans le 93, nousavons voulu répondre à la question :« Le CPE est-il l’unique responsablede la discipline, du maintien de l’ordre,de la vie scolaire ? »

À croire que le bâton, pour encore trop de monde,serait l’essence de notre travail !

Pourquoi ?… Tout simplement parceque, malgré l’évolution dans les textesde nos missions et de celles des pro-fesseurs, nous sommes souvent atten-dus comme des spécialistes sur ceterrain-là, à croire que le bâton, pourencore trop de monde, serait l’essencede notre travail !Nous avons voulu vérifier la prégnancede cette image, en interrogeant nos col-lègues enseignants. Sur 277 professeursconsultés individuellement par écrit,seulement 17 nous ont répondu ! Pasvraiment représentatif… Mais avecquand même quelques réponses nousparaissant significatives.

Du chien de garde au magicien« Bien sûr que le CPE n’est pas l’uniqueresponsable de la discipline…Bien sûr que la discipline est l’affaire detous dans un établissement scolaire…Bien sûr que la discipline est une affaired’équipe… »

Il n’empêche que dans son quotidien,le CPE est souvent la roue de secoursde la discipline dans toutes les autresvraies disciplines. Paroles de profs : « LeCPE est le garant de la discipline, lesuperviseur des sanctions, le plus qua-lifié de tous [!] pour faire respecter lerèglement intérieur, il peut aussi êtreune menace [!] pour les élèves », etc.,Gardons le meilleur pour la fin : leCPE flanqué de ses surveillants devraiteffectuer régulièrement des « rondes »dans l’établissement !Caricature, réalité ? Peut-être un mé-lange des deux qui fait du CPE ce qu’ilest vraiment : de l’huile dans les rouages,une oreille attentive pour les élèves maisaussi pour les familles et les collèguesparfois désarmés devant certaines si-tuations. Le CPE peut-il assumer auquotidien l’ego surdimensionné que lui

fabriquent ses collègues ?Non et non, mais merci quand même !Il est comme les autres adultes des éta-blissements scolaires, seul il n’est rienet surtout il est tout prêt à partager savie scolaire pour la réussite des élèves.

Le CPE dans son histoireQuelques dates pour mémoire…On crée en 1847 la fonction de sur-veillant général. Super garde-chiourme,il doit faire régner l’ordre et la disci-pline, permettant ainsi aux autresmembres de l’établissement de se consa-crer aux tâches « nobles ». Dans les an-nées soixante, alors que le ministère del’Instruction publique était devenu en1937 celui de l’Éducation nationale, lafonction évolue et, tout en gardant sesanciennes missions, le surveillant géné-ral intervient dans l’animation éduca-tive avec l’apparition des FSE et il setransforme en 1970 en personnel d’édu-cation (CE - CPE).

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 16: Cahiers Pedagogiques 415

Mais c’est seulement dans les annéesquatre-vingt que la définition du mé-tier devient véritablement nouvelle(circulaire de 1982), le plaçant au centredu concept de « vie scolaire » alors ainsidéfini : « Placer les adolescents dans lesmeilleures conditions de vie individuelle etcollective et d’épanouissement personnel. »Ses responsabilités se répartissent entrois domaines :– Le fonctionnement de l’établissement :contrôle de l’assiduité, organisation duservice des personnels de surveillance,participation à l’application des me-sures assurant la sécurité des élèves.– La collaboration avec le personnel en-seignant : suivi des élèves, mise en placede projets…– L’animation éducative : relations avecles élèves sur le plan collectif et indi-viduel, organisation des temps de loi-sirs, organisation de la concertation etde la participation : délégués élèves,participation aux CA…Les années quatre-vingt-dix représen-tent encore une nouvelle étape mar-quant l’entrée en pédagogie du CPE :formation en IUFM comme les ensei-gnants, rôle à part entière dans le suiviet l’orientation des élèves…

Le surgé fait de la résistanceMalgré toutes ces avancées dans lesmissions et les statuts, dans l’incons-cient collectif, l’image du « surgé » colletoujours au CPE. Pourquoi ?Face aux phénomènes de violence, lademande sécuritaire s’est accrue et larecherche de responsables se fait plusmarquée : pourquoi pas alors un bon,un vrai « surveillant général bien mus-clé qui remettrait de l’ordre dans lamaison » ? Sans doute peut-on aussiparler de carences dans la formationinitiale des enseignants. Qu’en est-ilen effet de la réflexion en IUFM sur laconnaissance de l’adolescence, les re-lations avec les élèves et les familles, lerèglement des conflits, les missionséducatives du professeur ? Le désarroide certains enseignants face aux pro-blèmes actuels les pousse à se déchar-ger auprès des CPE.

Réconcilier disciplines et vie scolaireLoin de séparer ces deux termes, ilsemble plus constructif de les associerpour plus de cohérence et aider lesélèves à apprendre et à grandir.Un peu de sémantique… « Disciplines »renvoie à la fois aux matières enseignéesdans la classe et au respect de la règle

dans l’établissement. «Vie scolaire » ren-voie à une réalité tangible : le bureaudu CPE, mais aussi à une réalité plusfloue : l’ensemble des activités desélèves dans l’établissement. Le traite-ment des absences, des retards et autrescomportements en marge représentesouvent pour les enseignants l’essen-tiel de la mission du CPE. La porte dela classe symbolise la séparation dedeux mondes. Si l’on accepte de consi-dérer l’établissement comme une entitéréelle à l’intérieur de laquelle l’élèveapprend et apprend à vivre, le travail enéquipe devient une réalité et les ap-prentissages ne sont plus seulementcentrés sur les savoirs mais aussi surles savoir-être et savoir-faire. La disci-pline définie comme l’ensemble desrègles nécessaires à la vie commune ap-paraît alors sous-jacente dans toutes lesactivités des élèves. Elle est donc le co-rollaire d’une politique éducative co-hérente de l’établissement.Le CPE a une place fondamentale dansla définition de cette politique éduca-tive. En effet, le recul qu’il se doitd’avoir en toutes circonstances lui per-met d’enrichir les liens et le travaild’équipe au sein de la communautééducative. Permettre la réconciliation

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

16 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Phot

ogra

phie

CN

DP

- Jea

n-M

arie

Bea

umon

t - 5

346-

36

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 17: Cahiers Pedagogiques 415

de deux partis, faire des propositions etconseiller les adultes pour une plusgrande lisibilité et une plus grande co-hérence de la politique éducative, aiderles élèves à se recentrer sur l’école sontles vraies missions du CPE. Autrementdit, il contribue à élaborer un cadre quipermette à l’élève d’apprendre, de seresponsabiliser et de s’épanouir.La question soulevée a, bien entendu,fait débat au sein du groupe et a donnélieu à de nombreuses discussions au-tour des pratiques de chacun.Il y a autant de façons de « faire le CPE »qu’il y a de CPE, mais nous sommesunanimes au moins sur plusieurs points :– La volonté de reléguer le CPE à unrôle de chien de garde est vaine et sté-rile tant l’époque et surtout les élèvessont différents aujourd’hui.– Notre place dans l’établissement estavec les autres adultes pour aider lesélèves à développer leurs potentiels. Eneffet, le CPE a une réelle responsabilitédans l’organisation de « la chose édu-cative » au sein de l’établissement maisavec d’autres, et c’est la mise en com-mun de ces énergies, de ces compé-tences, de ces convictions diverses quipeut prétendre favoriser la construc-tion de la personnalité des jeunes quenous avons en charge.

Clara Mourey, CPE au collège Victor Hugo,coordinatrice des CPE du district de Noisy-le-Grand (93).

17les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

1 - De la caserne à la maison des lycéens

RÉFÉRENCESB. Defrance, Sanctions et discipline àl’école, Paris, Syros, 1993.

J.-P. Falcy, Être CPE aujourd’hui, Paris,ADAPT Snes, 2000.

C. Vitali, La Vie scolaire, Hachette-Éducation, 1997.

P. Prum, La Punition au collège, CRDPde Poitiers, 1991.

La Vie [scolaire],mode d’emploi…Anne-Marie Gioux

On observe ici – en vue transversale – une vaste maisond’éducation dont les habitants ignorent encore trop souvent laconfiguration générale du puzzle qui se construit, dont ils sontpourtant les créateurs pièce après pièce…

« On peut regarder une pièce d’un puzzlependant trois jours et croire tout savoir de saconfiguration et de sa couleur sans avoir le moinsdu monde avancé : seule compte la possibilité derelier cette pièce à d’autres pièces, […] seules lespièces rassemblées prendront un caractère lisible,prendront un sens… »Georges Perec, La Vie, mode d’emploi.

Pour que la description coïncideavec le foisonnement et les en-trelacs de la vie, il faut sans doute

plus de patience et de sens de l’obser-vation distanciée que chacun d’entreles locataires n’en peut déployer au quo-tidien… Mais au moins pouvons-nousessayer d’améliorer notre connaissancede l’édifice, et notamment de ses fon-dations, sur lesquelles pourrait reposerun projet partagé : la simple cohabita-tion se transformerait alors en un plande vie commune, une sorte d’histoiredont on pourrait même être fier…

Du vivre ensemble… à la maison deslycéensLes premiers textes officiels contem-porains qui évoquent la vie scolaireconcernent le rôle de l’école mater-nelle dans l’accueil des jeunes enfantsde deux ans au BO du 14 février 2002.Définie ainsi comme durée d’uneexpérience sociale spécifique, nul nepourrait penser que huit années plustard, au collège, la « vie scolaire » de-vienne un lieu vécu souvent commemarginal, ostracisé, passage obligépour vider les querelles, dénouer lesconflits, soigner le mal de tête et lemal-être, se réinsérer dans les présentsrecensés, se sentir réconcilié avec soi-même, sa famille, ses pairs, son ex ousa future, son prochain et son très loin-tain prof de math !

La vie scolaire, temporalité pleine desens personnel pour les enfants scolari-sés à l’école maternelle, semble s’êtretransformée en un lieu de passage etd’exil (loin de la classe), propice aux ex-piations de peine, en un bannissement oùs’exprime de façon paradoxale le besoinde socialiser les jeunes par un rappel à laloi, et la dérobade de trop d’adultes faceau quotidien de la difficile fonctiond’éducation… Très rapidement, au col-lège, on constate que la vie – et ce qu’elleporte d’espoirs, de luttes, de révoltes, depulsions – déborde le scolaire.Certes, l’école est un milieu de vie, etles élèves y apprennent les règles d’unesociété restreinte dont les principes seveulent propédeutiques de la vie adultequ’ils mèneront plus tard. Cependant,entre la vie dans l’école et apprendre lavie par l’école, il existe une nuance. Est-il possible de scolariser la vie ? Peut-onprogrammer en apports et expériencessuccessifs les continuités et les seuils,les étapes, les parcours d’une socialisa-tion par le fait scolaire ?C’est pourtant le but ambitieux que sedonne l’institution scolaire de notrepays : faire des lieux, temps et relationsscolaires – en sus des apprentissagesdisciplinaires – les bases d’expérienceset d’acquis du fonctionnement démo-cratique, préfiguré dans les situationsque vont vivre les élèves.Mais, dans le cloisonnement discipli-naire et/ou fonctionnel qui comparti-mente et organise la maison école – etnotamment dans le second degré –,quel locataire prend en charge les par-ties communes ? Comment apprendreà gérer la co-responsabilité éducativeau sein d’un établissement ?

Réalités du transversal

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 18: Cahiers Pedagogiques 415

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

18 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Il est sans doute difficile de luttercontre des habitus professionnels etdes traditions d’organisation du travailoù chacun a fini par trouver une formede satisfaction (pour les adultes, maisqu’en est-il pour les élèves ?)…C’est pourtant le choix de nombreuseséquipes : éviter ce fonctionnement ar-chaïque, accepter la didactisation dutransversal, pour donner du mêmecoup à la vie dans l’école un sens hu-main et social. Étage par étage, visitonsdonc les bases de l’édifice, et tentons deredonner du sens à ce qui n’est pas uneconstruction aléatoire.

Maternelle, cycle 1 : apprendre àvivre ensembleQuelques mots clefs : autonomie indi-viduelle, repères, règles de vie collec-tive, dialogue.L’enfant […] découvre que l’on peut ap-prendre non seulement à vivre avecd’autres, mais aussi à échanger et coopé-rer avec eux, tout en construisant sa place

Élémentaire, cycle 2 : du collectif aucommunautaireQuelques mots clefs : construction dela personne, point de vue général, rè-glement intérieur, sanction, contrat, li-berté, responsabilitéIl appartient aux enseignants de struc-turer la vie collective en explicitant lesrègles qui permettent son déroulementharmonieux. Les élèves commencent àaccepter de considérer leurs actions dupoint de vue de leurs camarades, sinondu point de vue général. Ils découvrentque les contraintes de la vie collective sontles garants de leur liberté, que la sanc-tion ne relève pas de l’arbitraire del’adulte… Ils apprennent à refuser laviolence, à maîtriser les conflits, à dé-battre des problèmes rencontrés en tenantleur place dans les réunions de régulationqui sont inscrites à l’emploi du temps. (BOdu 14 février 2002.)Bien que ciblés sur un niveau particu-lier, ces éléments de réflexion fournisaux enseignants de l’école primaire ne

au sein de la collectivité de la classe ou,même, de l’école… La vie de la classe per-met de créer toutes les occasions de facili-ter le développement de compétences decommunication verbale. (BO du 14 fé-vrier 2002.)Nous pouvons repérer des élémentsqui apparaissent comme autant depistes exploitables dans le cadre del’heure de vie de classe et de l’ECJS :La vie collective s’organise autour de dis-cussions qui permettent d’aborder des ques-tions concrètes à forte valeur sociale. Ceséchanges soutiennent les expressions per-sonnelles, l’émotion et les sentiments ytrouvent leur place, […] des notions oudes valeurs comme la vie, le respect del’autre. L’évocation de comportements po-sant problème est l’occasion de rappelerles règles que chacun doit respecter pourassurer le bon fonctionnement de l’écoleet réguler les conflits. Il importe de fairepercevoir le sens sous-jacent de chaque ex-périence et de permettre d’exercer les pre-miers rudiments de sens critique. (BO du14 février 2002.)Aucune de ces propositions ne paraîtraitincongrue pour des élèves de sixième oude seconde.

sont-ils pas utiles – en rappel ou ini-tiation – pour les collègues enseignantsdu collège ?Une autre forme de transversalité seraitsans doute à inventer, reposant sur laconnaissance fine et précise des acquisi-tions préalables des élèves (souhaitées,mais souvent en cours d’acquisition,comme toutes les connaissances).

Élémentaire, cycle 3 : de lacommunauté à la sociétéLe cycle 3 assume, dans les nouveauxprogrammes, la poursuite du travailsur le « vivre ensemble » en affirmant latransversalité de deux grands domainesgénéraux, la maîtrise du langage etl’éducation civique.L’éducation civique est l’autre pôle or-ganisateur d’une école qui se caractérisepar le fait que les savoirs s’y construisentcollectivement. Sans une conscience clairedes contraintes du « vivre ensemble »,l’élève ne peut découvrir les horizons quela confrontation avec autrui ouvre à cha-cun. C’est dans ses dernières annéesd’école primaire qu’il apprend véritable-ment à construire avec ses camarades etavec ses enseignants les relations de res-pect mutuel et de coopération réfléchie

qui permettent une première sensibilisa-tion aux valeurs civiques… (BO du14 février 2002.)Ce qui semble nouveau et transposableà d’autres degrés, c’est certainementcette notion de temps spécifiquementconsacré par chacun aux compétencestransversales des élèves… Pourquoi nepas prévoir systématiquement, dans unparcours de la sixième à la terminale,un passage par une responsabilité ausein de la société scolaire, d’un club oud’une association ? Des liens inéditspourraient se tisser entre l’obtentiondu BAFA et le temps d’animation enmilieu scolaire, par exemple, d’un ate-lier en autonomie, d’une production…Mais aussi, en délégation, en repré-sentation sur élection au sein d’ins-tances décisionnelles ?

Collège, lycée : un fonctionnementdémocratique ?Ces dernières années ont vu l’avancéedes apprentissages transversaux enégale dignité avec les savoirs classi-quement définis par référence à desdisciplines, de même que les habiletéstechniques et les savoir-faire prennentaussi une place légitime dans les par-cours scolaires.La cité et les apprentissages citoyensconstituent une référence permanentepour le collège et le lycée. Sans être ladémocratie, l’institution scolaire, sedoit, au nom des principes républi-cains qui la gouvernent, d’adopter unfonctionnement démocratique. C’estune des raisons pour lesquelles lesconseillers principaux d’éducationont à collaborer étroitement avecl’équipe de direction, avec les fa-milles, les jeunes eux-mêmes, maisaussi avec les autres membres de lasociété scolaire pour instaurer les dif-férentes modalités d’apprentissagesutiles aux élèves.Vivre des moments de dialogue –heures de vie de classe, atelier philo,forum de discussion dès la sixième –,car la langue et la pratique du débatsont la base de la vie démocratique.Vivre des moments de responsabilitédans la communauté scolaire : forma-tion des délégués élèves, prise de paroledans les différents conseils ou instancesde délibération et de décision.La Maison des lycéens constituel’aboutissement de ce parcours vers laresponsabilité.C’est en couplant ces deux axes (dia-logue et responsabilité) que l’ECJS sedéfinit comme une approche transver-sale de connaissances liées au « vivreensemble ».

Pourquoi ne pas prévoir systématiquement, dansun parcours de la sixième à la terminale, un

passage par une responsabilité au sein de la sociétéscolaire, d’un club ou d’une association ?

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 19: Cahiers Pedagogiques 415

Lieux et moments de paroleSi pour les élèves de l’école maternelleou de l’école élémentaire la vie scolairese superpose avec la vie du collectif, oule début d’une vie communautaire fé-dérée par la présence d’un maîtreunique, pour les adolescents la vie estsouvent définie en un ailleurs : leursgroupes d’appartenance se référent àd’autres réalités que celle du groupeclasse. P. Rayou, dans son ouvrage Lacité des lycéens (L’Harmattan, 1998), ana-lyse à partir d’enquêtes et entretiens lafaçon dont se structure, sociologique-ment et affectivement, le sentimentd’appartenance à une classe d’âge.Cependant, « socialiser » n’est pas assi-milable à « collectiviser », ni à « condi-tionner »… Pour maintenir le sens del’entreprise éducative, il est sans douteurgent que l’école soit aussi conçue et vécue comme un lieu d’écoute,d’échanges, de partage, de respect depersonne à personne.Dans ce cas, nous devons plus que ja-mais réfléchir aux deux questions sui-vantes :– Comment, par quelles conduites so-ciales marquant une appartenance pro-fessionnelle positive à un établissementd’éducation, les adultes montrent-ilsaux jeunes le chemin d’une société sco-laire qui réponde à leurs besoins, à leursdemandes ?– Pour répondre à ces besoins, à cettedemande, quelle formation transver-sale reçoivent les futurs enseignants ?Le « tronc commun » défini en 1992pour la formation des PE, des PLC,des PLP est-il réellement mis en place,et qui, à l’IUFM, assume la gestion desparties communes de l’édifice ?La référence universitaire de la for-mation des professeurs constitue-t-elleun obstacle plus qu’une facilitation ?Comment aborder la part éducativetransversale du métier d’enseignant ?Une formation commune aux CPE,aux chefs d’établissement, aux profes-seurs documentalistes, aux professeursde toutes disciplines permettrait peut-être de gommer l’aspect tayloriste dela répartition actuelle des tâches ausein des établissements secondaires…Et la conduite d’un projet de forma-tion commun permettrait peut-êtreaux uns et aux autres d’anticiper sur laconduite sociale du travail en équipe,qui apporte force et cohérence à l’ac-tion commune sur le terrain, par la ré-férence au réglement intérieur ou auprojet d’établissement…L’école bouge, tout nous incite à larendre plus vivante : dans cette évolu-tion, la langue est affirmée comme élé-

ment transversal partagé, entre toutesles disciplines, comme outil essentiel dupartage critique des idées. L’éducationcivique, juridique, sociale est située aucarrefour vivant de points de vue à dé-battre (et non comme somme figée desavoirs canoniques), les itinéraires dedécouvertes (IDD), les travaux person-nels encadrés (TPE), les projets pluri-disciplinaires à caractère professionnel(PPCP) montrent le chemin d’ap-proches nouvelles, faisant converger descritères méthodologiques, comporte-mentaux (autonomie, esprit critique,sens du travail d’équipe) et des savoirsdisciplinaires spécifiques.La conception encore trop souvent res-trictive et séparatiste de la vie scolairene peut que bouger aussi, car si lente-ment que bougent les esprits, le puzzles’assemble et se complète sans qu’onait encore la perception d’ensemble del’édifice que nous construisons. Nous

entamons vraisemblablement un cha-pitre nouveau de l’histoire didactiqueet institutionnelle de l’école : à nousd’en fournir les cohérences et les lignesde force, d’en établir le plan avec nosvoisins de palier, avec l’étage du des-sous et du dessus… Un nouveau moded’emploi de la vie scolaire comme mo-ment de vie à part entière est en coursd’élaboration, à chacun d’y participercomme auteur responsable.

Anne-Marie Gioux, IA-IPR EVS, Bordeaux.

19les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

1 - De la caserne à la maison des lycéens

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 20: Cahiers Pedagogiques 415

CPE, que du bonheur !Collectif CPE de Brie Sénart

Ce que l’on pourrait appeler l’ordinaire quotidien du CPE… Un énergique humour qui ne minimisepas pour autant les multiples problèmes auxquels il se doit de faire face…

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

Bonjour, bienvenue à collège land.Vous embarquez pour une jour-née de rêve sur une planète ex-

traordinaire, suivez pas à pas ElnaKsaafer et découvrez son merveilleuxmétier.8 h 00 : Elna, nouvellement nommée,va voir le chef d’établissement pour luidemander l’installation d’un panneaud’affichage à côté de son bureau.«Vous n’y pensez pas, répond le prin-cipal, je ne veux pas de trou dans mesmurs, et après tout est ce bien utile ? »« Mais comment voulez-vous que jetransmette toutes les informations surla vie du collège : planning des exa-mens, réunions des délégués, calen-drier des conseils de classe, activitésFSE et j’en passe… »« Bon, écoutez, je ne veux pas que l’ondégrade mes murs mais on doit bienpouvoir trouver un tableau à craie surpied. Vous serez ainsi en mesure de fairepasser vos informations et si cela marchevous aurez peut-être votre panneau, je

et de tenter d’y trouver une solution…la plus adaptée possible.10 h 45 : M. et Mme Jean Peuplu de-mandent à voir Mme Ksaafer : ils n’ontpas rendez-vous mais c’est urgent. Leurfils leur mène une vie infernale à la mai-son, ils n’ont plus aucune autorité sur luiet finissent même par en avoir peur…Mme Peuplu demande a Mme Ksaaferde trouver une solution au plus vite et…de confisquer à son petit les derniers bi-joux de valeur qu’il lui a volés afin de lesrevendre… Elna réussit à les convaincrede la nécessité absolue de rencontrer ra-pidement l’assistante sociale et leur ex-plique de quelle façon celle-ci pourrapeut-être les aider.11h20 : M. Jacques Septepa téléphoneà Elna et lui ordonne de lever la sanc-tion qu’elle a infligée à son fils. Celui-ci lui a affirmé que ce n’était pas luiqui avait « décoré » le mur des toilettes.« Certes… les inscriptions sur le murétaient toutes fraîches… Certes, il aété pris par la surveillante, le marqueur

verrai avec les élèves s’ils sont satisfaits.Tiens, pendant que je vous ai sous lamain, j’aimerais faire le point sur lesévénements d’hier. J’étais en réunion àl’extérieur et j’aime savoir ce qui se passedans mon collège. D’ailleurs il seraitbon que l’on se fixe un temps chaquematin pour se repasser le film des évé-nements de la journée, d’accord ? »8 h 50 : Elna répond au téléphone :Mme Jeuveuqueux exige queMme Ksaafer la CPE change sa fille declasse immédiatement car les profes-seurs de « Petite Chérie » sont extrême-ment désagréables avec elle, d’ailleursles camarades de « Petite Chérie », euxaussi, la harcèlent. Elna et Icimamanconviennent d’un rendez-vous au plusvite afin de cerner au mieux le problème

vert dans une main et le bouchon dansl’autre… Certes… son fils avait dufeutre plein les doigts… d’ailleurs… ila énormément taché son manteau, cefeutre ! D’ailleurs, il compte bienqu’on va le lui rembourser, ce man-teau, car c’est pas de sa faute à lui sil’établissement achète des feutres àencre débile d’aussi mauvaise qualité.Mais bon… Ça ne prouve rien ! »14h 00 : Elna est enfin arrivée à obte-nir un entretien avec une famille dontl’enfant pose de gros problèmes de viescolaire lorsqu’il n’est pas absent. Ilsème le désordre dans la classe et refusede travailler.Le principal a accepté de rencontrer lafamille pour donner encore plus depoids à l’entretien. Elna conduit donc

l’élève et ses parents au bureau du chefd’établissement. Elle introduit les vi-siteurs. Au moment où elle se prépareà entrer, le principal lui referme laporte au nez : « Merci, je n’ai plus be-soin de vous. Au fait, demain il y a unmouvement de grève, pouvez-vous ef-fectuer le pointage des grévistes ? »Elna répond alors : « Je suis au regretde vous rappeler que ceci n’entre pasdans mes fonctions, pas plus que de si-gnaler les professeurs retardatairescomme vous me l’avez déjà demandé. »« Oui, bon, on verra ça plus tard ! »Et la porte se referme sur Elna, inter-dite, qui ne participera donc pas à unetentative de résolution d’un problèmede vie scolaire.15h30 : Elna reçoit Mme Sam Daipassqu’elle avait convoquée afin de discu-ter des nombreuses absences de sa filleet de ses innombrables passages à l’in-firmerie en début d’après-midi (aprèsêtre allée vomir dans les toilettes depréférence…). Suite à plusieurs en-tretiens avec la jeune fille elle-mêmeet concertations avec l’infirmière et lemédecin scolaire, l’équipe hésite entreanorexie et/ou « dégustation de sub-stances diverses et variées » sur letemps du déjeuner ! Il semble en toutcas à Elna indispensable, après avoirprévenu la jeune de ses intentions et enlui expliquant sa vive inquiétude à sonsujet, de faire part à la maman de leursinterrogations.18h00 : La journée est loin d’être ter-minée : réunion en salle polyvalenteavec les parents des futurs 6 e.Tout est prêt. Les parents et leurs « fu-turs ex-CM2 » arrivent et s’installent.Le principal présente avec convictionet brio l’établissement, son fonctionne-ment et, sans laisser la parole à Elna, faitune présentation rapide, mais à son senstrès claire, de la fonction de celle-ci. Lesparents, intrigués par ce rôle inconnud’eux jusqu’ici, posent des questions :« Vous êtes la conseillère… d’orienta-tion… C’est donc vous qui allez orien-ter nos enfants après la 3 e ? »« En fait, vous êtes la surgé » ?Elna, agacée : « Non, depuis 1972 lesurgé a laissé place au CPE : conseiller

20 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Autant dire la « taupe » du chef d’établissementqui vient en salle des professeurs uniquement pour

tester la température avec fiches derenseignements sur chacun

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 21: Cahiers Pedagogiques 415

principal d’éducation, dont les fonctionspolyvalentes sont celles d’un éducateur,organisateur, médiateur, animateur…Tout ça dans la bonne humeur ! »

Vous les profs, vous savez ce quec’est un CPE ?Le CPE ancien « surgé » : pendant l’in-terclasse la sonnerie retentit, les élèvess’agitent et tardent à se mettre en rangdevant leur salle. Heureusement le pro-fesseur aperçoit le CPE et lui demanded’intervenir parce que ses élèves nesont toujours pas rangés… Grossièreerreur : d’une part, le CPE n’a plus nisifflet ni casquette, d’autre part, pour-quoi un professeur n’arriverait-il pasà faire ranger sa classe devant sa salle ?Et que faire des élèves exclus des coursque l’on doit punir sans même avoirune explication de la part du profes-seur ? Le bureau du CPE se transformealors dans l’imaginaire du prof en uncommissariat avec parcage des fautifsbien gardés par des escadrons de sur-veillants et sur-surveillés par le CPE…L’horreur.Le CPE : « sous-principal », « sous-pro-viseur » : autant dire la « taupe » du chefd’établissement qui vient en salle desprofesseurs uniquement pour tester latempérature avec fiches de renseigne-ments sur chacun. Résultat : suspicion,aucune transparence et une image duCPE totalement faussée, celle d’un re-présentant de l’administration. Alorsde nombreux profs, soit évitent le CPE,soit le cantonnent dans une fonctiond’administrateur des problèmes quo-tidiens (du carreau cassé à la bagarredans une salle de cours) en occultantl’essentiel : sa mission éducative au-près des élèves.Vie scolaire et CPE, le flou : Pas éton-nant qu’ils soient nombreux, les profs,à ne pas savoir définir nos missions.Surveillance générale, service adminis-tratif, prestataire de services, simplelieu…, la vie scolaire a du mal à se faireconnaître. C’est vrai aussi que les profsn’y viennent pas tous et certains n’y ontjamais mis les pieds… Il est urgent de ré-écrire clairement les missions du CPEafin que notre partenariat avec vous,chers collègues profs, soit enfin compriset reconnu… pour le plus grand bon-heur de nos élèves et de tous.

De quelques malentendus sur la fonction…Parce que je suis un concept assezvague pour les uns, un fantasme pourles autres, me voici tel qu’on me voitmais pas tel que je suis.Je suis une machine à distribuer desbillets multicolores… Guichetier, c’est

mon deuxième métier. Mes membrestentaculaires fournissent en mêmetemps billets de retard, d’absence, deretenue, menu du jour, double déci-mètre, pansements et bandages, coupsde gueule et réconfort… Le péda-gogue de la grande distribution. Les15, 17, 18 et 119 réunis : tous les nu-méros d’urgence !Pourtant jamais on ne me voit et il n’estpas d’usage de travailler avec moi !Homme invisible au don d’ubiquité.Tout le monde connaît le chemin quimène à moi quand il s’agit de changerde salle, d’emploi du temps, de prêterdes clés. Si c’est pas du travail, ça !Carpette diem.« Et comment ça se fait, madame, môs-sieu, que vous ne connaissiez pas parcœur l’emploi du temps de la Prunellede mes yeux ? Et comment ça se fait,madame, môssieu, que le prof de maths

de la Prunelle de mes yeux il a été mé-chant avec la Prunelle de mes yeux ? Etcomment ça se fait, madame, môssieu,que vous n’avez pas condamné à la chaiseélectrique l’individu qui a bousculé laPrunelle de mes yeux ? Et comment çase fait, madame, môssieu, que vous netravailliez pas tous les jours de sept àvingt et une heure, vous zêtes pas le ser-vice public par hasard, cékikivoupaye ? »Finalement, appelez-moi Dieu, et, s’ilvous plaît, Monsieur le ministre del’Éducation nationale, faites qu’à l’ave-nir on parle de moi dans les pro-grammes scolaires afin de rétablir lavérité et qu’on ne fasse plus de moi unterritoire occupé… de malentendus.« Edukenstein »

Les CPE du district de Brie Sénart.

21les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

1 - De la caserne à la maison des lycéens

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 22: Cahiers Pedagogiques 415

Les atouts de l’internatOlivier Genoux

Beaucoup d’anciens pensionnaires ont un rapport difficile à l’internat et souhaitent la disparition decet univers opprimant et barbare ; d’autres soulignent ses vertus socialisantes : ne s’agit-il pas du seulvéritable centre d’éducation fermée ? Toujours est-il que, depuis plusieurs années, le pensionnatredevient une des solutions envisagées pour réagir contre la stagnation de la réussite scolaire.

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

Si l’internat a joué un rôle impor-tant, voire essentiel, dans le pro-cessus de démocratisation de

l’école jusque dans la première moitiédu XX e siècle, il a connu une incontes-table décrue au cours des dernières dé-cennies. On a pu croire, à partir desannées soixante, que la trame beaucoupplus fine du réseau scolaire sur le terri-toire le rendait caduc. L’image négatived’un internat ancien a pu, de surcroît,accréditer son rejet.

Un regain d’intérêt pour unesolution désuèteSa fréquentation est aujourd’hui faible,surtout au niveau des collèges (0,32 %des collégiens dans le secteur public).Pourtant, de nouveaux besoins surgis-sent à tous niveaux, même s’ils ne sontpas toujours formalisés. Ainsi, la si-tuation sociale ou géographique del’élève engendre parfois de telles diffi-cultés que l’environnement familialn’est plus en mesure de lui apporterune éducation de qualité. L’internatpeut fournir des réponses à des pro-blèmes que l’école se doit de résoudreaujourd’hui, à condition de s’adapteraux besoins actuels.

Un lieu sécurisantL’internat peut tout d’abord ajouter ausystème actuel une plus-value éduca-tive en créant un contexte motivant,dans lequel les jeunes trouveront uneaide personnalisée et des outils de for-mation, sans lui inaccessibles. Les in-ternes pourront également y apprendreles règles de la vie en collectivité etprendre conscience de leur nécessitédans un État de droit. Ainsi, en res-ponsabilisant les élèves et en favorisantun travail pertinent sur l’autonomie,l’internat pourrait concourir à éviterque certains d’entre eux ne soient en-traînés dans la spirale de la délinquanceet de la déstructuration. Il renforce etcomplète les dispositifs institutionnelsexistants. L’école atteint en effet la li-mite de son efficacité quand, à sa sor-tie, le jeune se retrouve plongé dans unmilieu indifférent ou hostile aux va-leurs républicaines. Indéniablement,

l’internat peut contribuer à la démo-cratisation de l’enseignement. Outil decorrection des inégalités familiales, so-ciales ou territoriales, il réalise une priseen charge des jeunes dans de bonnesconditions. Il permet en outre de gar-der un maillage d’établissements dansdes zones en déprise démographique.Il peut enfin être une solution provi-soire en offrant, pendant le temps né-cessaire, une garantie de stabilité auxélèves dont les familles traversent unepériode difficile.Il convient toutefois d’éviter tout effetde balancier et tout excès d’optimisme.L’internat est un outil parmi d’autreset ne saurait à lui seul, bien entendu,résoudre tous les problèmes d’éduca-tion ou de société. D’autant que, pourêtre à la hauteur des enjeux actuels, ilfaudrait engager certaines évolutions.L’évidente désaffection de l’internatpar les parents depuis les annéessoixante-dix jusqu’à ces tout derniers

mois résultait à la fois d’une mauvaiseimage et d’une inadéquation entrel’offre éducative proposée et les besoinsréels. Ce qui impose de développer uninternat actualisé et de casser les an-ciennes représentations qui lui sont en-core attachées.

Un chantier de longue haleineSi l’on en juge par les premiers effetsmédiatiques du plan engagé depuis sep-tembre 2000 par le ministère de l’Édu-cation nationale, ce dernier objectifparaît à présent atteint. Plus personne,ni dans la presse, écrite ou audiovisuelle,ni dans l’opinion, n’évoque aujourd’huil’internat sous l’angle des maisons de cor-rection d’antan. Tout au contraire, on necompte plus les reportages qui le pré-sentent sous un jour positif, voire para-doxalement innovant. Pour réussir dansses missions, l’internat scolaire renou-velé ne saurait être réservé aux seulsjeunes ayant des difficultés scolaires,

22 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 23: Cahiers Pedagogiques 415

familiales ou comportementales. Pasplus qu’il n’est destiné à accueillir lesjeunes délinquants. Attractif, librementchoisi par les élèves comme par leursparents, lieu de brassage et de mixitésociale, l’internat doit apparaître commeune chance et ne plus être assimilé à unepunition. Pour cela, il serait sans doutesouhaitable d’adosser les internats à despôles spécifiques d’éducation dans lesétablissements concernés. La campagnelancée en 2001-2002 par le ministère del’Éducation nationale entre bien danscette logique. On s’est ainsi aperçu queparents et enfants pouvaient être de-mandeurs d’un internat renouvelé. Ils’agit cependant d’un chantier de longuehaleine. Les évolutions ne seront per-ceptibles que progressivement, du faitde l’importance des moyens à mobili-ser tant en termes d’investissements quede personnels. Il conviendra donc deveiller au cours des prochaines annéesà ne pas décevoir les attentes. Le planpluriannuel proposé dans ce rapportpourrait offrir une garantie nécessairecar il pérennise les efforts des différentspartenaires institutionnels : services del’État et collectivités territoriales.

Pour réussir l’internat renouveléAinsi il semble indispensable qu’une co-opération s’instaure entre les établisse-ments d’un même bassin d’éducation,d’une même académie voire d’académiesdifférentes. L’évolution du bâti (com-pétences des conseils généraux pour lescollèges, des conseils régionaux pour leslycées), le recrutement et la formationde personnels qualifiés (compétence del’État) sont des facteurs indissociablesd’une telle relance de l’internat. Ces élé-ments, auxquels il serait bon d’ajouterune révision des aspects réglementaires,sont indispensables à la réussite d’unetelle politique. Tous les partenairesconcernés (équipes éducatives, collecti-vités territoriales, élèves, parents) doi-vent y être associés, dans le respect descompétences de chacun. Dans le cadred’une volonté affichée au plan national,chaque région et chaque rectorat d’aca-démie pour les lycées, chaque départe-ment et chaque inspection académiquepour les collèges, décideront, en concer-tation, des évolutions à conduire. Cen’est qu’à ces conditions que l’internatscolaire public, maillon en expansion denotre système éducatif, élément pro-metteur et attendu, pourra servir d’atoutainsi que de cadre formateur et sécuri-sant pour la réussite scolaire et l’inté-gration sociale de nombreux jeunes.

Olivier Genoux, CPE dans un lycée du Nord.

23les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

1 - De la caserne à la maison des lycéens

Pénaliserl’absentéisme ?L’élève qui « sèche » l’école, du seul fait de ce comportement, ne porte tortqu’à lui-même en refusant d’acquérir, par les savoirs, les outils de sa liberté.Or, il est un principe fondamental du droit qui veut que nul ne puisse êtremis en cause pour un comportement qui ne porte tort, strictement, qu’à lui-même. Ainsi, même s’il ne s’agit que d’une avancée récente dans notre his-toire, on ne punit plus le suicide ou sa tentative, acte le plus grave qu’unindividu puisse commettre à l’égard de lui-même ; il est donc absurde depersister à punir des actes moins graves, dont l’absentéisme. Il ne peut yavoir loi et application de la loi que lorsque mon comportement implique au-trui, la loi autorisant alors l’articulation des libertés.

D’autre part, il est un autre principe en ce qui concerne la responsabilité desparents, à savoir que, s’ils peuvent être conduits à assumer les conséquencesciviles d’un acte délictuel ou criminel commis par leur enfant mineur, ils n’ensubissent cependant pas les conséquences pénales : si un mineur commet undélit ou un crime, ce ne sont pas les parents qui vont en prison ou paientl’amende. Pour ce double motif, il est donc absurde de créer un délit (ou unecontravention) d’absentéisme, dont les parents auraient à subir les consé-quences pénales. Il faut également rappeler que, si l’école est obligatoire, lesélèves ne sont cependant pas tenus à l’obligation de résultats : nul ne va enprison du seul fait qu’il est resté analphabète, ou se retrouve sans qualifica-tion après l’école.

Cependant, la scolarité a un coût pour la collectivité : en 2001, en moyenne,4310 € par écolier, 6 910 € par collégien, 8790 € par lycéen et 9530 € pourun élève de lycée professionnel. Si donc il est impossible de pénaliser l’ab-sentéisme, en revanche, il est possible d’en mesurer les conséquences « ci-viles », à savoir que, en échange de ce don d’école que nos sociétés ontdécidé de faire aux enfants, la présence à l’école (assortie de l’obligation demoyens, c’est-à-dire de s’efforcer d’y acquérir l’instruction sans pour autantêtre obligé à y parvenir) est obligatoire. Il est donc tout à fait possible de « res-ponsabiliser » les parents (et leurs enfants) sans pour autant les humilier : de-mander, en procédure civile et non pénale, et après épuisement de tous lesmoyens de conciliation préalable, le remboursement des sommes calculéesd’après le coût de la scolarité au prorata des absences injustifiées ; pour uncollégien, par exemple, cela représenterait 40 € environ par jour (qu’il est aussipossible de convertir en heures de travail d’intérêt général). Sortir des logiques« pénales » est évidemment nécessaire, ne serait-ce que pour éviter l’ab-surdité d’appliquer un même quantum à des taux et des causes d’absenceéventuellement très différents.

Tout ceci, évidemment, ne réglera pas la question de l’absentéisme, mais peutcontribuer à en faire apparaître, une fois qu’on a renoncé aux facilités de lapure et simple répression pénale, les véritables causes : nul doute qu’il y a lieuici de rapprocher les analyses produites lors d’un récent colloque du Conseilnational des programmes sur l’ennui à l’école de cette question de l’absence,c’est-à-dire du refus passif par certains élèves de ce don d’école (ce refus peutaussi être actif comme on le voit par l’augmentation des faits de violences di-rigés directement contre l’institution et ses représentants). On le sait, la ré-ponse de fond à la question que posent les absentéistes est à la fois pédagogiqueet institutionnelle : que se passe-t-il dans la classe qui provoque la fuite ? quese passe-t-il dans l’orientation qui provoque démissions et, parfois, violences ?Programmes, rythmes scolaires, méthodes pédagogiques, dispositifs d’orien-tation : peut-on continuer à ignorer ces questions ? Ce n’est que lorsque l’écoleretrouve du sens pour les enfants en déroute que l’on peut permettre un vrairetour à l’école, désiré et non imposé par la coercition et les chantages. C’estpossible : dynamisme pédagogique des équipes éducatives, pertinence desprojets d’établissement eu égard aux populations concernées, articulation avecles ressources locales, diversification des cursus et engagements proposés, au-tant de facteurs qui diminuent considérablement absentéisme, dépressions etviolences… y compris chez les éducateurs !

Bernard Defrance, professeur de philosophie, vice-président de la section françaisede Défense des Enfants International.

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 24: Cahiers Pedagogiques 415

Les dérives de ladécentralisation

Anouk Pantanella

Depuis l’annonce par le ministre de l’Éducation nationale à la rentrée 2002 de la suppression decinq mille six cents postes de surveillants et du non-renouvellement de vingt mille contrats d’aideséducateurs qui arrivent à échéance, l’inquiétude est grande dans les établissements scolaires.

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

Ce choix politique est intimementlié au projet de décentralisationqui prévoit entre autres que « les

régions prendront en charge l’orientationscolaire et l’information sur le métier ».Ainsi le gouvernement, dès 2004, en-tend transférer aux collectivités territo-riales les CO-Psy, les assistantes sociales,les médecins scolaires et les personnelstechniques et ouvriers (ATOSS).En ce qui concerne la vie scolaire, ils’agit maintenant d’installer dans lesétablissements des nouveaux person-nels : les assistants d’éducation, dont lestatut est très éloigné de celui de lafonction publique.Ils seront recrutés pour un contrat àdurée déterminée de 3 ans renouvelable(6 ans maximum) et les étudiants ne se-ront pas prioritaires pour ce type d’em-ploi. Leurs missions pour l’instant n’ontpas été clairement identifiées, mais l’onsait que leur service sera fortementalourdi : 35 heures hebdomadaires aulieu des 28 heures pour les surveillantsactuels et un service calculé sur la basede 46 semaines au lieu de 37.Ce recrutement sera local et effectuépar l’établissement évinçant les recto-rats de tout contrôle ainsi que les syn-dicats. Le risque est donc de voir desembauches effectuées au mépris del’équité et de la transparence, privantde fait des étudiants en situation socialeprécaire de la possibilité de bénéficierd’un poste de surveillant d’externat oude maître d’internat. Aucune négocia-tion ni discussion avec les représentantsdes personnels de l’Éducation natio-nale ni avec ses usagers n’ont été orga-nisées par le ministre. Ce transfert aulocal des compétences est une remiseen cause du caractère national des mis-sions éducatives et risque d’induire deprofondes inégalités entre les régionset dans les établissements eux mêmes.

Diversité des statuts et précaritéActuellement les services de la viescolaire gèrent des personnels aux sta-tuts divers : surveillants d’externat et

maîtres d’internat, aides-éducateurs(AE) et contrats emploi solidarité(CES). Cette disparité des contrats etdes missions rend souvent difficile lefonctionnement du service et il fautveiller scrupuleusement à respecter leshoraires et les rôles de chacun. La pré-carité des CES par exemple, qui effec-tuent 20 heures de travail hebdomadairepour un salaire de 458 € nets, est àprendre en compte dans la répartitiondes tâches quotidiennes. La difficultéest de ne pas induire au sein même dela vie scolaire d’inégalités en ce quiconcerne les fonctions de chacun etd’éviter que certains soient affectés àdes postes « subalternes ».Les postes existants répondent à desbesoins réels et la suppression annon-cée des 5 600 postes de surveillants nepeut qu’inquiéter. Leurs fonctions, ré-

gies par un texte de 1936, sont sansdoute à redéfinir et une réflexion surleurs missions (qui ont évolué au fil dutemps) s’avère nécessaire. Las ! Le pro-jet gouvernemental prévoit bien autrechose et ajoute des personnels au sta-tut nouveau qui devront cohabiter avecceux déjà existants.Le texte proposé concernant les assis-tants d’éducation soulève des interro-gations légitimes car ces nouveauxemplois ne paraissent pas appropriésau rythme de vie des étudiants :35 heures avec des activités d’encadre-ment périscolaires, c’est-à-dire pendantles vacances scolaires, quel temps res-tera-t-il aux étudiants pour poursuivreleurs études ? Cette création de nou-veaux statuts sonne bel et bien le glas dela fonction de MI-SE. La vie scolairedeviendra un secteur des établissements

24 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 25: Cahiers Pedagogiques 415

où la précarité des personnels freineracertainement les projets d’équipe et oùle flou des missions attribuées aux as-sistants d’éducation rendra difficiletoute projection vers le futur.Par ailleurs, si les MI-SE viennent àdisparaître à terme et se trouvent rem-placés par des personnels recrutés parles collectivités territoriales, la remiseen cause du statut même des CPE netardera pas et on peut craindre qu’ilsoit rapidement décentralisé et géré parles régions.Ce projet de décentralisation est dansl’ensemble très mal perçu par les per-sonnels de vie scolaire. Depuis la ren-trée 2002 les actions se sont multipliéesun peu partout en France : jours degrèves, semaines « vie scolaire morte »,manifestations des aides-éducateurs etdes surveillants, mais pour l’instant legouvernement n’est pas revenu sur sespositions ni ne semble prêt à négocier.La décentralisation des personnels auxcollectivités territoriales semble enroute, qu’en sera-t-il des missions despersonnels concernés ? Y aura-t-ilconvergence dans les missions de cha-cun ? Les fonctions de tous seront-elleslaissées telles quelles ? Quelles inci-dences à terme sur le terrain ?Quelques éléments de réponse…

Les premiers touchés : les CPELa gestion des CPE par les régions in-duirait une disparité au niveau des re-

crutements régionaux. La politique descollectivités territoriales variera en fonc-tion de la priorité qu’elles accorderontà l’éducatif et aux services de vie sco-laire des établissements. Ce qui semblese dessiner, c’est une diminution desvacances scolaires dans le cadre des pro-jets « école ouverte », nouveau chevalde bataille des ministres. En effet, si lesassistants d’éducation sont recrutésdans le but d’accueillir les élèves dansles établissements pendant les congésscolaires, les CPE en tant que person-nel d’encadrement de catégorie A se-ront les premiers sollicités pour êtreprésents et garantir le bon fonctionne-ment de ces activités péri-éducatives.Enfin, les conséquences au niveau durecrutement des CPE seront gravis-simes car il s’agira pour tout titulaire duconcours issu de la fonction publiqueterritoriale de démarcher lui-même lescollectivités pour trouver un poste. Illui faudra rencontrer les responsablesdes ressources humaines des régionsou des départements avec l’angoisse deperdre le bénéfice de ce concours aubout de deux ans si ses démarches res-tent infructueuses… Ce scénario quipeut paraître apocalyptique à certainsest cependant plausible car il faudrabien « aligner » le statut des personnelsd’éducation aux autres déjà gérés parles régions.Ainsi, il est à parier que la vie scolaireserait coupée des enseignants, du péda-

gogique et des projets des établisse-ments. Le mode actuel de recrutementdes CPE, un concours assimilé à unCAPES, et le fait que ceux-ci soientgérés par la DPE (la division des per-sonnels enseignants) garantissent au ser-vice vie scolaire une légitimité (mêmefragile) pédagogique et éducative.Si les CPE et les autres personnels devie scolaire sont « happés » par les ré-gions, on peut aisément imaginer quecela renforcera dans certains établisse-ments le cloisonnement entre les ser-vices. La vie scolaire risque de devenirun secteur administratif de plus où l’ondemanderait au personnel d’encadre-ment d’appliquer une politique régio-nale au mépris des lois qui régissentl’éducation nationale. ATOSS, CO-Psy,assistantes sociales, médecins scolaires,personnels de surveillance… Si les CPEse retrouvent eux aussi sur la liste des« régionalisés », pour le coup ce sont lesenseignants qui se sentiront isolés !

Les enseignants aussi sontconcernés…Dans un entretien accordé à EmmanuelDavidenkoff pour Libération en jan-vier 2003, Xavier Darcos prenait pourexemple le modèle éducatif anglais etsemblait très inspiré par une récentevisite effectuée dans un établissementlondonien. Il soulignait à cette occa-sion la diversité des tâches qui incom-bent aux professeurs britanniques :« Les personnes qui travaillent dans les

25les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

1 - De la caserne à la maison des lycéens

Contrats emploisolidarité (CES)

20 heures

1 an renouvelable

Assedic et EPLE

Secrétariat,surveillance,animation

Un établissement

Assistantsd’éducation

35 heures

3 ansrenouvelables

EPLE Contrat de droitpublic ?

Encadrement,surveillance etactivités en dehorsdu temps scolaire

980,98 €

Plusieursétablissements

Concours internes

À partir de 20 ans Bac + 2

Aides-éducateurs

35 heures

5 ans maximum

EPLE Contrat de droitprivé

Adaptation enfonction desbesoins émergentsde l’EPLE

947,57 €

Un établissement

Concours externesou concours 3e voie

18 à 26 ans Bac et bac + 2

Tableau comparatif des différents personnels affectés à la vie scolaire

Horaireshebdomadaires

Durée dans lafonction

Recrutement etcontrat

Fonctions

Rémunération

Lieu d’exercice

Concours del’Éducation nale

Niveau et âgerequis

MI-SE

32 heures MI28 heures SE

7 ans maximum

Rectorat

Surveillance etencadrement(demi-pension, couret portail, internat,permanence)

980,98 €

Un établissement

Concours externes

Bacà partir de 20 ans

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 26: Cahiers Pedagogiques 415

établissements scolaires sont tour à tourenseignant, assistante sociale, orientateur,travailleur social, intermédiaire vis-à-visdes familles ou du quartier. Cette poly-valence crée d’emblée un état d’esprit dif-férent ; j’ai senti des relations plusnaturellement respectueuses qu’en France,moins marquées par la hiérarchisation desrapports. De même, évidemment, que laprésence continue de tous les adultes, en-seignants compris : ces derniers passent32 heures et demie par semaine dans leurétablissement. Tout cela est, à l’évidence,efficace pour améliorer le comportementdes élèves. Quand je parle de rouvrir ledossier du métier d’enseignant, je pense àce genre de questions… »Ainsi les projets ministériels sont clai-rement annoncés. En changeant les sta-tuts des personnes ressources desétablissements, c’est-à-dire les CO-Psy,les assistantes sociales, le personnel desurveillance, leurs missions vont doncêtre totalement revues ainsi que leur

fonctionnement à l’interne : jours deprésence, horaires, permanences d’ac-cueil pour les élèves.On peut craindre une diminution de cetype de personnel et donc un change-ment radical de métier pour les ensei-gnants… Le pédagogique risque d’êtrerelégué à la portion congrue tant lesprofesseurs seront occupés par ailleurs !

Des vigiles en renfort ?Les CPE qui sont une exception euro-péenne en France, et l’Europe s’ac-commode mal de la diversité, severront donc transformés en « sous ad-joints » chargés, par exemple, des em-plois du temps, des examens, desstatistiques et des enquêtes pour laRégion (sic !), de l’organisation péda-gogique, etc. Néanmoins ils seront toutde même spécialisés dans le maintiende l’ordre et de la sécurité, à moins quele modèle anglo-saxon ne s’imposeaussi dans ce domaine et que des vi-

giles de sociétés privées ou des poli-ciers armés ne restent à demeure dansles établissements.C’est donc à une redéfinition des sta-tuts et des missions de tous les per-sonnels de l’Éducation nationale àlaquelle nous devons nous attendre. Laplus grande vigilance est de mise car ladécentralisation est en marche. L’Étatse déleste ainsi d’une partie de sa fonc-tion publique au mépris des lois quigarantissent une école républicaine,laïque et égalitaire pour tous.

Anouk Pantanella

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

26 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Photographie CNDP - Jean-Marie Beaumont - 5292-25

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 27: Cahiers Pedagogiques 415

27les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

CPE : Conseiller en Parole et en Écoute

Alain Abadie

Dénouer les situations de blocage, renouer le dialogue entre élèves et enseignants ? Une dimensionde la fonction de CPE, et pas des moindres, qui nécessite un espace d’écoute, du temps, del’énergie, et sans doute une autre conception du rôle de la communauté éducative.

2. Violences et médiat ions

Communication, Internet, mé-dias… Ces mots ont envahi notreépoque. Les établissements sco-

laires investissent dans le câblage enréseau, dans les ordinateurs connectéssur le Web… Tous ces médias para-doxalement empêchent l’immédiat dese produire. Il me suffit de conduire,dans le cadre d’un mémoire de maîtriseen sciences de l’éducation, un entretiensemi-directif avec Éliane, conseillèreprincipale d’éducation, pour concréti-ser l’impression que j’avais eue de l’im-mense soif de parole et d’écoute deslycéens, des adolescents.

Des problèmes,toujours des problèmesDans un bureau de vie scolaire débar-quent à tout moment les jeunes avecleurs problèmes : problèmes conflictuelsavec l’enseignant, problèmes familiaux,problèmes personnels, problèmes trèsintimes, problèmes avec les camaradesde classe, problèmes matériels, de trans-port par exemple…Lors de l’entrevue, Éliane me précisaque, depuis peu, elle expérimentait

l’entretien à trois : le professeur qui ades difficultés à communiquer, à dia-loguer, l’élève et elle-même.

Le CPE médiateurLaissons Éliane nous dire son expé-rience :« Une élève a débarqué dans mon bu-reau en criant, en pleurs. Elle était re-fusée de cours pour un retard. Elletrouvait que c’était inadmissible. Leprofesseur n’avait pas voulu l’écouteret enfin ça se passait très mal. J’aiconvoqué le professeur, à part. Il m’aexpliqué qu’elle était toujours en re-tard et qu’il n’était pas question qu’ellerentre comme ça, qu’il fallait qu’elles’excuse et qu’elle donne le motif.Quand je l’ai demandé à l’élève, ellem’a dit qu’elle était arrivée en retardparce que son petit frère s’était faitécraser devant elle. Elle a eu très peur.Il a fallu l’emmener à l’hôpital. Elle aété très choquée. Après, j’ai réuni leprofesseur et l’élève en question dansmon bureau. On a mis à plat cette si-tuation. Le professeur a regretté quel’élève ne se soit pas expliquée. Elle,

évidemment, a regretté qu’il ne l’aitpas écoutée. Et en fin de compte, on afini par se mettre d’accord. Le profes-seur a reconnu que c’était une bonneélève et qu’il pourrait être plus atten-tif. Et l’élève a admis qu’en effet elles’était emportée puisqu’elle se sentaitdans son droit et qu’elle avait été unpeu agressive. Elle s’est excusée. Leprofesseur lui a dit qu’il était contentde son travail. Tout le monde est re-parti de son côté. L’élève m’a suiviejusque dans le couloir en me disant : “Jevous remercie, je vous remercie !” Onest reparti sur de bonnes bases. »

Beaucoup de temps et d’énergie« Cela a pris du temps. Plus d’une heuredans mon bureau. Et avant il a fallu pré-venir l’élève, rencontrer le professeur, seconcerter tous les trois. Cette démarcheà l’air de convenir. Les professeurs sontplus sensibilisés et on a l’impressionqu’ils voient un peu mieux les pro-blèmes personnels des élèves. La dis-cussion à trois se fait beaucoup plusfacilement qu’au sein d’une classe de-vant les autres élèves. Car le professeur

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 28: Cahiers Pedagogiques 415

craint que “son autorité en prenne uncoup.” Il préfère régler le problème dansmon bureau. Voilà qui est nouveau. Jepense qu’on va vers ce genre de solu-tion. Bien sûr c’est une grosse dépensed’énergie de notre part mais on estobligé d’en arriver là parce que les pro-fesseurs ne savent pas gérer ces conflits. »Ceci est un exemple parmi beaucoupd’autres présentés par Éliane. Le pro-fesseur et l’élève n’arrivent pas à avoirune relation simple, à communiquer.Chacun est sûr d’avoir raison sans avoirà le démontrer à l’autre. Chacun se ren-ferme dans le mutisme par rapport àl’autre puis chacun va en parler à sonclan, l’un dans la salle des professeurs,l’autre dans la cour. Le CPE, commeÉliane, essaie tant bien que mal de re-coller les morceaux. Quand les liens dudialogue sont renoués, dans un lieu deparole autre que celui de la classe, alorsles sourires apparaissent.

« Dénapoléoniser »La classe basée sur la confrontationentre un seul adulte et plus de trenteadolescents me semble un des pointsles plus urgents à faire évoluer. À l’in-térieur y règne une ambiance sous hautepression. Les CPE comme Éliane fontun travail de cohésion entre les diffé-rents éléments de l’établissement maisjusqu’à quand ? À quel prix pour eux ?Éliane ajoute : « J’avais consulté un mé-decin pour des difficultés personnelleset il m’avait dit d’arrêter de prendre encharge tous les problèmes des autres.C’est pourtant une des facettes de mafonction qu’il m’est quasiment impos-sible d’ignorer ! »Le fonctionnement de la classe est à ré-inventer mais aussi toute l’organisationde l’établissement. Décentralisation, dé-concentration sont mises en place de-puis plus de quinze ans. Maintenant,c’est au sein même de l’établissementscolaire qu’il faut arriver à « dénapoléo-niser » les structures et les mentalités.Une des pistes pourrait être de suivre leconseil d’Éliane : « Il n’y a pas de secret,il faut travailler avec l’humain. »

Alain Abadie, proviseur adjoint.

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

28 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

La violence est-ellenécessaire ?Gardy Bertili

La violence et l’agressivité des élèves sont connotéesnégativement. Mais en situation éducative, ne doivent-elles pasêtre utilisées pour en faire des points d’appui, des leviers positifs ?

T oute personne, toute société,toute relation humaine seconstruisent sur la violence,

qu’elle soit manifeste, implicite ousymbolique. Pour l’élève, elle s’exprimesouvent comme une réponse aux frus-trations subies, à son sentiment ou àses impressions d’injustice, à ses diffi-cultés à exister. Personne ne peut nieraujourd’hui que l’école renvoie auxélèves une somme de violences sym-boliques dont elle n’a pas toujoursd’ailleurs conscience ou dont elle nemesure ni la portée ni les conséquencessur l’être en devenir.La construction de la personnalité, del’identité, passe par la violence puisqu’ily a confrontation à autrui et à la société.On ne peut se prétendre se construiretout seul, il y a toujours interaction etco-construction. Cette recherche de lapersonnalité, de l’identité, crée néces-sairement des conflits avec les autres etavec soi-même. L’adolescence en celaest un âge où « ça passe ou ça casse »parce qu’elle force à des enjeux quel’élève n’est pas forcément prêt à af-fronter d’autant plus qu’il ne les com-prend pas encore. L’adolescence estl’âge des angoisses identitaires, celui detoutes les révoltes et de tous les anti-conformismes, l’âge des contradictions(je veux m’affirmer mais cette affirma-tion passe par la dépréciation, la méses-time de soi). Et voilà que nous adultesnous le pressons, nous le sommons detout comprendre, de se situer, de choi-sir, de décider. L’école étant le pivot es-sentiel de la socialisation, elle doit segarder de pousser l’élève à se construiresur le déni et sur le dégoût de lui-même.L’agressivité de l’élève, enfant, ado-lescent ou jeune, nous saisit et nous dé-boussole, mais ce que nous oublionssouvent c’est que son agressivité, sonagitation, sa violence sont les signes deses troubles, de ses questionnements. Ilest tout aussi déboussolé et cherche ennous un appui. Or, pour toute réponse,et parce que nous ne savons pas lire et

décoder son agressivité, nous lui ren-voyons la violence symbolique de l’ins-titution en le sanctionnant de manièrepas toujours proportionnée et appro-priée mais, pire encore, en déversantnotre violence par le regard, le mépris,les mots. Souvent, les élèves témoi-gnent ce ressenti maladroitement enaffirmant : « Le professeur ne me res-pecte pas, il ne me capte pas, pourquoimoi je devrais lui manifester du res-pect, de la considération ? »

Propos banals ?Il serait démagogique de soutenirl’idée que rien ne doit être fait pouraider l’élève à contenir, à maîtriser sonagressivité, sa violence, car il appar-tient à l’école de socialiser, de formeret d’éduquer. Si la sanction a pour butde faire réfléchir l’élève sur son agres-sivité, sur ses modalités d’expression,alors elle peut être éducative. Mais dèsque la sanction vise à brimer, à brider,à engendrer la soumission, à générer del’aveu comme principe expiatoire, si lasanction est purgatoire, alors nousavons raté le coche et l’occasion decréer avec l’élève une co-constructionde son identité et de sa place à l’écoleet dans la société.D’aucuns pointeront la banalité de cepropos mais ne faut-il pas le répéterpuisque nous l’oublions trop souvent,l’agressivité est une recherche de re-lation, est une forme de contrat decommunication, un moyen de peser,de dire qu’on existe. L’agressivité d’unélève est rarement gratuite. On lapense ainsi parce que nous la prenonsau premier degré, parce que nousn’avons pas toujours ni le temps, ni lesdispositions intellectuelles et person-nelles (nous sommes tous obnubiléspar nos problèmes personnels, fami-liaux), ni l’envie de la comprendre, dela décortiquer parce que cette re-cherche risque de nous renvoyer ànotre vécu, à notre rapport à la société,à nos enfants, à nos collègues, à l’ins-

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 29: Cahiers Pedagogiques 415

29les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

2. Violences et médiations

titution et de nous pousser à l’intros-pection face à laquelle nous sommesaussi perdus car il n’est pas facile de seregarder, de s’objectiver, de recevoirses insuffisances ou son impuissance.L’agressivité d’un élève est rarementle signe d’une agression contre la per-sonne du professeur, du CPE ou duchef d’établissement. Et les élèvessouvent ne comprennent pas pour-quoi tel professeur reçoit mal leséchos de leur agressivité : « Ce n’étaitpas dirigé contre lui ou elle », s’éver-tuent-ils à nous dire. Leur agressivitédoit être plutôt interprétée commefonctionnelle, elle est leur façon derentrer en relation, donc elle sert.L’agressivité est souvent la contestationde l’institution scolaire. Ce n’est pas évi-dent pour un élève de subir une journéede classe ou de cours avec son rythme,avec son morcellement temporel, demême qu’il n’est pas évident pour luid’être évalué, surtout quand cette éva-luation pointe essentiellement ses in-suffisances, pointe tout ce qui ne va pas.L’évaluation sommative est rarementpositive et porte en elle toute la vio-lence du système éducatif. Face à cetteviolence endogène, l’élève se rebelle, serévolte parce qu’il veut exister dans l’in-terstice que lui laisse l’institution. Il veut« être respecté », dit-il, manière mal-adroite d’expliciter son affirmation desoi, mais aussi ses souffrances, sa soli-tude. Il ne s’agit nullement de négligerle plaisir, l’épanouissement que lesélèves peuvent tirer des savoirs qu’ilsacquièrent à l’école, mais sont-ils la ma-jorité à être dans ce cas ?L’agressivité constitue aussi d’une cer-taine manière un signe de bonneconstitution de l’élève, elle révèle qu’ilest tout de même capable de contesta-tion, de prendre ses distances et de nepas s’accrocher totalement à une si-tuation de dépendance dans laquelle ils’estime aliéné. Il ne se repère pas dansla césure que nous établissons entre sesdifférentes vies. Cette réalité, nous laprenons rarement en compte, commesi l’élève et la personne de l’élève nefaisaient qu’un tout le temps.Quand l’élève n’éprouve plus le plai-sir d’être sous l’autorité, d’être sousdépendance, il apparaît normal qu’ilveuille s’en défaire, qu’il dise qu’ilexiste ou qu’il veut exister. Quand cetteagressivité n’est pas comprise ou sim-plement interprétée comme mal être,comme insolence, comme délinquanceou comme décrochage, même si ellepeut être le signe de chacun de cesmaux, alors l’élève a tendance pour af-firmer et confirmer sa place, pour

contester l’institution, à accentuer sonagressivité, à sombrer dans la violence,à détruire, croyant ainsi se faire en-tendre et exister.

Des réponses ?Notre désarroi et notre impuissancepour répondre à l’agressivité de l’élèveviennent de l’absence de réponses et derecettes dont nous disposons. Mais enfaut-il ? Nous en cherchons parce quenous avons l’habitude dans l’école devouloir trouver face à une situation unecause unique, un événement déclen-cheur qui viendrait déresponsabiliserl’élève, le professeur, ou l’institution. Ilnous faut une explication et des réponsesdéfinitives. Quand nous n’avons pas desolution, nous sommes désemparés.Ce qui nous désespère et nous dé-boussole, c’est aussi notre croyance àune mission dont nous sommes inves-tis, et pour parvenir à la remplir nousnous investissons d’une autre, celle del’héroïsme. Chacun de nous dans soncorps de métier se croit être quelque

voire fœtale avec elle. Il est curieux deconstater avec quel empressement uncollègue défend un autre collèguequand un élève ou un parent contesteou critique. On se culpabilise d’avoiraccueilli ou reçu la parole critique del’élève ou du parent et on en vient às’imaginer qu’on s’expose nous aussi àsubir le même sort de la part d’un autrecollègue. Il nous faut défendre, proté-ger nos collègues parce qu’ils appar-tiennent à la même corporation quenous. Et cette appartenance crée et dé-veloppe chez nous le réflexe corpora-tiste. Ce réflexe m’aveugle, j’éprouvede l’empathie et j’ai du mal à aider. Sil’autre est agressé, je me sens agressé.L’agressivité signifie quelque chose ; ànous professionnels d’aider l’élève oule parent agressif à mettre en récit ceque signifie son agressivité. Si nouscherchons à comprendre, à créer lecontrat de communication, à faire dulien en faisant abstraction de nos re-présentations, de ce que nous croyonssavoir de et sur l’autre, de nos passions

part un Zorro, il veut changer l’école,changer l’élève, changer les parents,aboutir là où les autres ont échoué. Ilest curieux de voir en conseil de classecomment chacun s’empresse de direque, « dans ma matière ou avec moi,cet élève ne pose aucun problème »,une phrase qui renvoie à celui ou cellequi ose dire qu’il rencontre des pro-blèmes l’image d’un incapable, l’imagequ’il a raté sa mission de héros et enfinl’image de sa disqualification. Bien sûr,ceux qui affirment haut et fort que toutva bien, ce qui est sans doute vrai,même si certains tendent à masquerleurs difficultés, leurs manques, parpeur d’être pointés, démasqués, dis-crédités aux yeux de leurs collègues,n’ont pas conscience du tort qu’ils cau-sent à l’autre ?L’agressivité des élèves, nous la pre-nons souvent en pleine figure, nousnous sentons diminués, rabaissés. Bienque beaucoup aient conscience que cen’est pas leur personne qui est en cause,ils réagissent tout de même avec vio-lence en défendant, en protégeant l’ins-titution et en fusionnant dans unerelation passionnelle, obsessionnelle

qui nous raccrochent à l’institution,peut-être que nous parviendrons àcréer des micro-changements qui mo-difieront la posture de l’élève ou du pa-rent. Professeur ou CPE, nous ne nousdisqualifions pas en nous inscrivantavec l’élève ou avec le parent dans unedémarche de réflexion, de co-construc-tion, en le rendant acteur de sa pro-blématique avec l’école, avec lui-mêmeou entre nous et lui.

Gardy Bertili, conseiller principal d’éducation,lycée professionnel Jean Perrin,Saint-Cyr-l’École.

Notre désarroi et notre impuissance pourrépondre à l’agressivité de l’élève viennent del’absence de réponses et de recettes dont nousdisposons. Mais en faut-il ?

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 30: Cahiers Pedagogiques 415

Entre shérif et psyNathalie Mikaïloff

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

Combien de fois avons-noustrouvé à la porte de notre bureauun « renvoyé de cours », élève

comme tombé de la classe parce queson professeur attend de notre prise encharge un souffle d’air pur lui permet-tant de continuer son cours ? L’exclusubit une leçon de morale, tente d’ex-pliquer les raisons de son attitude, puisva en permanence… jusqu’au courssuivant. Si le passage par le bureau duCPE est un mauvais moment à passer,ou au contraire procure au « dur àcuire » un sentiment de fierté, celarisque de n’avoir aucun effet durable sila relation élève-CPE ne se transformepas en triangulaire élève-prof-CPE, oumieux élève-prof-CPE-parents.C’est un travail de longue haleine quiattend le conseiller d’éducation sou-haitant inscrire son action dans le longterme :1. Chercher à rencontrer le professeurconcerné en salle des profs, à la ré-création par exemple, si on réussit às’échapper de son bureau généralementassailli par les élèves lors de ces quinzeprécieuses minutes.2. Monter dans sa salle de classe pouren discuter avec lui, en espérant qu’ilsera disponible à ce moment-là.3. Lui laisser un petit mot dans son ca-sier : « J’ai bien reçu ton élève, j’envi-sage telle décision, qu’en penses-tu ? »Les recettes varient pour réussir à im-pliquer les enseignants dans notre ac-tion éducative, car rares sont ceux quiviennent d’eux-mêmes nous rencon-trer pour chercher une solution com-mune à leurs problèmes de disciplineou de refus de travail.Patience et persévérance : le CPE de-vient personne ressource lorsque sescollègues enseignants acquièrent le ré-flexe de venir à sa rencontre ; commencealors une collaboration fructueuse quipeut déboucher sur diverses actions, en-tretien avec les parents, heures de viede classe…

Huis clos et ciel ouvertLa différence majeure entre le CPE etl’enseignant réside dans le fait quecelui-ci est maître à bord de sa classe :c’est une pièce à huis clos qui se joueentre les élèves et lui, sa pédagogie nesera pas mise en doute par ses collègues.À l’inverse, l’action du CPE se déroule

à ciel ouvert, soumise à l’approbation ouà la désapprobation quotidienne desautres partenaires de l’établissement,membres de l’administration qui at-tendent une fermeté affichée, ensei-gnants qui désirent être soutenus,parents en attente de résultats.C’est ainsi que l’efficacité d’un CPE semesure trop souvent au nombre desanctions prises par celui-ci à l’égarddes élèves. Le travail souterrain effec-tué auprès des familles, de l’assistantesociale, des CO-Psy, de l’équipe médi-cale scolaire… tous partenaires éduca-tifs susceptibles d’intervenir en fonctiondes problèmes rencontrés, ne se quan-tifie pas immédiatement en termes derésultats obtenus, mais permet d’amé-liorer sensiblement la relation de l’élèveavec l’institution éducative dans le cadred’un projet personnel. Ce travail menésur le long terme demande beaucoupde temps et ne résonne pas immédia-tement au sein de l’établissement. Si leCPE ne montre pas les dents dans la

cour et les couloirs, tel un shérif garantde l’ordre, on se demande souvent cequ’il peut bien faire assis à son bureauen train de discuter ou de téléphoner !C’est là toute la difficulté de son métier :réussir à faire respecter le règlementintérieur par les élèves sans se trans-former en cerbère. Le rôle des sur-veillants est primordial pour assurer cetéquilibre. Celui des enseignants l’estaussi : le CPE est trop souvent appeléà l’aide dans des situations qui appar-tiennent à leur domaine.Consultons les registres de renvois decours dans nos établissements en fonc-tion des motifs invoqués : « mâche duchewing-gum », « a oublié son cahier »sont des comportements qui pour-raient trouver une solution immédiateau sein de la classe. Les professeurs quiréussissent à faire respecter une disci-pline de travail par leurs propresmoyens sont moins vite débordés parde réelles situations de crise dans leurclasse. Ce sont eux qui savent au mo-

30 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 31: Cahiers Pedagogiques 415

ment opportun faire appel à l’actionconjuguée du CPE. C’est grâce à euxaussi que le CPE ne se retrouve passubmergé par d’incessants petits pro-blèmes d’urgence à régler.

Nécessité d’une formation adéquateUn travail d’équipe, destiné à amélio-rer les conditions de travail dans l’éta-blissement et de réussite des élèves,nécessite une formation adéquate desenseignants et des membres de la di-rection. Les IUFM apportent une for-mation soutenue en matière de suivi desélèves aux futurs CPE, sans lien avecla formation des professeurs et des fu-turs chefs d’établissement. Il en résulteun sentiment de solitude et de décep-tion très courant chez les stagiaires CPEen responsabilité. Tous ces partenaireséducatifs devraient êtres formés selonla même éthique et se retrouver lors deséances communes ; les droits et les de-voirs des élèves sont l’affaire de tous.On éviterait ainsi les querelles inces-santes et éprouvantes autour de la légi-timité des heures de vie de classe, de laformation des délégués, des mesuresalternatives au conseil de discipline, etc.,autant d’initiatives éducatives permisespar décisions ministérielles mais sou-tenues principalement par l’action desCPE. Les collègues comprendraientainsi que le rôle du CPE n’est pas nonplus de se transformer en psychologueprêt à écouter la parole des élèves contrecelle des adultes.Le surveillant général est devenuconseiller principal d’éducation dans lestextes officiels. Dans combien de tempsle deviendra-t-il dans les mentalités ?

Nathalie Mikaïloff, CPE au collège Mignet, Aix-en-Provence (13).

31les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

2. Violences et médiations

S’entretenir avec lesélèves…

Daniel Picarda

L’entretien individuel est un des outils privilégiés de la vie scolairepuisqu’il permet de mettre la personne de l’élève au centre denos préoccupations éducatives. Et cependant l’usage de cet outilne va pas de soi et peut présenter quelques difficultés. « Le rôledu CPE n’est pas non plus de se transformer en psychologue »,écrit ci-dessus Nathalie Mikaïloff. Daniel Picarda semble d’un avisun peu différent…

Notre travail quotidien de CPEnous amène à avoir quantitéd’entretiens individuels avec les

élèves. C’est pour nous un outil de tra-vail essentiel. Beaucoup le ressententcomme un moment privilégié de l’exer-cice du métier : il ne s’agit plus d’or-ganiser le collectif, d’intervenir dansl’urgence pour soutenir une autoritédéfaillante ou pour désamorcer unconflit entre des élèves. Il ne s’agit plusde répondre à une sollicitation exté-rieure, de celles que nous vivons aumoins dix fois par heure (demandes derenseignement, coups de téléphone,bruits extérieurs…). C’est un momentqui nous appartient.

Dans l’urgenceCet entretien d’aide, d’explicitation, oude motivation, peut être initié par dessituations différentes. Parfois urgentes.Sylvia, dix-sept ans, fait le siège demon bureau un vendredi matin. Elle ales traits fatigués. Elle attend que jepuisse la recevoir tranquillement pourme dire qu’elle a passé la nuit chez unami, après avoir été mise à la porte parsa mère, suite à une bêtise ! En un quartd’heure, nous avons fait le tour de lasituation (vérifier qu’elle n’est pas endanger), réassuré son estime de soi (ellene va pas se mettre en danger) et fait letour des actions qu’elle pouvait menerauprès de ses parents.Éric arrive dans mon bureau suite à des« bavardages incessants » qui amènentson professeur à l’exclure de cours. Y a-t-il une situation particulière qui rendÉric moins réceptif au cours, quellesleçons peut-il retenir de cette exclusionau-delà du « j’étais pas le seul ! », où enest-il dans sa scolarité ? Autant de ques-tions que nous pourrons aborder pourle faire avancer, si je suis assez dispo-nible, en temps et en état d’esprit. S’ilm’énerve moi aussi, ça va être difficile !

Disponibilité est vraiment le maîtremot : un mot qui aide à se maîtriser, etau-delà des conditions matérielles, quiaide à se rendre réceptif à la situation.C’est plus facile lorsque le rendez-vousa été fixé quelques jours auparavant, etque l’un et l’autre nous avons pu nousy préparer. Après un conseil de classe,après un fait particulier, un mot glissépar un surveillant ou un professeurprincipal.

Etre entièrement làEtre entièrement présent à ce quel’autre dit, montre ou laisse passer delui. Et être attentif à ce que ça me fait,à mes associations d’idées. Les noter,les ranger. Les renvoyer aussi à l’inter-locuteur. : « Ce que tu me dis là, voilàce que ça me fait, voilà ce à quoi ça mefait penser, voilà les hypothèses que j’aienvie de formuler. » Bien évidemment,il faut se garder d’un angélisme qui vou-drait que cela soit possible à 100 % !On n’est jamais complètement dispo-nible à l’autre, mais c’est une tension,une posture physique et mentale quel’on doit adopter1. Évidemment encore,cela ne se fait pas de façon naturelle etimmédiate. Un travail sur soi, uneconnaissance minimale des mécanismesde transfert et de contre-transfert, parun vécu analysé, est indispensable.Cette posture permet à l’autre-élève dese saisir de ses propres paroles, de fairese connecter ses propres idées, de faireémerger un sens à sa situation.Il nous appartient d’aider ce jeune en luioffrant l’opportunité de l’apprentissaged’une parole sur soi : décrire ce qui sepasse (le factuel), évoquer ce qu’il res-sent (l’émotionnel), formuler des ques-tions et des hypothèses. Lui permettreen fait, à travers son histoire la plus sin-gulière, de formuler les questions qui lerattachent aux questions fondamentalesde l’humanité : l’amour, la mort, le

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 32: Cahiers Pedagogiques 415

désir… Si nous ne le faisons pas, oùpourra-t-il en faire l’apprentissage ?

Bâtir le réel avec les élèves ?Et nous voici à un endroit sensible : leconseiller que je suis travaille sur le réelet tente de bâtir ce réel avec les élèves.Ce n’est pas seulement mes capacitésqui sont en jeu. Il y a le danger de lais-ser de côté le « ici et maintenant » de laréalité de l’élève, et plus particulière-ment sa réalité scolaire, et de laisser leschoses se faire, se mettre en place, se ré-agencer. En oubliant vite que l’écolen’attend personne et oblige tout lemonde à se situer par rapport à sonmouvement : classe normale, retard,avance… Mais si on peut avoir un tantsoit peu prise sur le scolaire, et établir lesliens nécessaires avec les différents in-tervenants dans la scolarité, que dire dece que nous percevons de l’environne-ment de l’élève, avec lequel il doit faire,et qui est parfois si destructeur ! Quedois-je faire lorsque je comprends quela mère de Sabine ne peut accepter quesa fille réussisse parce qu’elle doit êtrela preuve vivante de l’échec de soncouple et la possibilité de culpabilisa-tion de son ex-mari qui l’a quittée ? J’aiaidé cette élève à qualifier la situationqui lui était faite. Première étape pours’en dégager, pour agir dessus ! Nousne sommes pas ici dans un cas de mal-traitance physique pour lequel nousconnaissons clairement nos obligationset nos possibilités d’action. C’est plussubtil. Qui dira qu’il y a maltraitancepsychique ou harcèlement destructeurdans tel cas, sans pour autant mettre lesresponsables dans une position d’accu-sés qui les ferait fuir automatiquement ?Leur dire, leur suggérer qu’ils ont euxaussi besoin d’aide ? Quel droit et quelstatut m’autorisent à le faire ? Où ensont par ailleurs les réseaux d’écoute,d’appui et d’accompagnement des pa-rents qui devaient être mis en place danschaque rectorat pour les parents d’élèves(BOEN n° 28 du 12 juillet 2001) ?S’il est vrai qu’on ne saurait installerde divan dans le bureau des CPE, et si,de même, on ne leur demande pas en-core d’arborer dans l’établissement uneétoile de shérif, leurs fonctions n’ont-elles pas quelque chose à voir avec cellesqui s’exercent sur d’autres scènes ?

Daniel Picarda, CPE dans l’académie de Paris.

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

32 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

1 Lire dans le n° 412 des Cahiers pédagogiques l’article deClaudine Blanchard-Laville « Rapport aux élèves, rapport auxsavoirs ».

Très flamenco !Patrice Teissier

Quand un CPE descend dans l’arène dès les premiers jours de sonpremier poste : ses démêlés avec une communauté gitane d’uneville du sud de la France.

Lundi 15 octobre 2001Nouvelle bagarre dans l’établissementà 12 h 30. Rien d’exceptionnel, puisquele matin même une élève a placé uncouteau sous la gorge d’un élève…Comme à l’accoutumée, pour me lais-ser le temps de la réflexion et par me-sure conservatoire, j’exclus les élèvespour la journée en prenant soin d’in-viter les parents à venir les chercherdans mon bureau.Le problème, aujourd’hui, c’est MichelG. (quinze ans). Il a agressé une enfantde douze ans avec des jets de pierre auvisage, et l’intervention du frère de lajeune fille a dégénéré en règlement decomptes. Profil : Michel n’a plus sesparents ; sa mère est morte dans un ac-cident de voiture et le grand-père ma-ternel de Michel, Jean G., a « liquidé »le gendre qu’il tient pour responsablede la mort de la mère. La famille G. estune famille tzigane manouche, respec-tée de tous les délinquants et qui a desdémêlés fréquents avec les services depolice…Je reçois donc le « parrain » comme il sefait nommer lui-même. Soixante et dixans environ, grand, élancé, visage aqui-lin. Immédiatement il parle à son petit-fils Michel en espagnol. Je les invite àcommuniquer en français. Jean G., legrand-père, se tourne vers moi, et melance : « C’est moi qui autorise Michelà se battre ». Après un bref rappel de laloi, du RI, j’ajoute sereinement que l’onne peut régler la violence par la vio-lence, jusqu’au moment où JeanG. m’interrompt : «Vous contestez monautorité », lance-t-il avec virulence…Je tente de garder mon calme, maisaprès ma réponse Jean contourne monbureau, je tente de me lever, il meplaque sur mon siège… Je me redresseet l’invite à sortir de mon bureau et àrencontrer la principale adjointe (leprincipal est hospitalisé)… Là, j’ai droità des menaces, des insultes : « Enculé,fils de pute, sale race… » devant desélèves, des surveillants. Je ne lui ré-ponds pas… Nous voilà dans le bureaude la principale adjointe où il réitère sesinsultes et ses menaces, me bousculantà nouveau, et devant la principale ad-

jointe qui lui demande de respecter unpérimètre de sécurité, il ajoute : « Danshuit jours, quinze tout au plus, tu esmort. » Les éclats de voix mobilisentles enseignants et c’est à partir de cetinstant que les événements se précipi-tent et s’aggravent…Dépôt de plainte au commissariat, leprocureur est saisi immédiatement del’affaire, le préfet nous contacte, lesprofs projettent une grève pour le len-demain. Une incroyable solidarité quime touche vraiment…Deux heures à peine après les faits laprincipale adjointe reçoit un appel desRenseignements généraux… Une tellemobilisation ne peut s’expliquer quepar un intérêt particulier porté à la fa-mille G… La police nationale faittoutes les sorties d’élèves jusqu’à dix-sept heures…

Mardi 16 octobre, 8 heuresLes profs refusent de prendre leursélèves, Mme le maire est dans l’établis-sement, le chef d’établissement du lycéede la commune aussi, le commissaire,des gendarmes, le préfet. À 7 h 45 unappel du procureur nous informe qu’ilmet en garde à vue Jean G.La tension est palpable dans le collège,les élèves impressionnés par l’arsenaldes moyens déployés. Je reste le plusserein possible et écoute avec attentionle discours tenu avec un micro dans lacour par ces intervenants extérieurs,assortis de cours banalisés où les en-seignants traitent l’affaire. La matinées’écoule dans un climat tendu.13 heures, nouvel élément : la protec-tion juridique des fonctionnaires m’estaccordée (appel du commissaire, dou-blé de celui du recteur d’académie), lapolice se trouve aux abords de l’éta-blissement à chaque heure de la journée,la tension monte dans la communautégitane, qui compose 30 % de mes ef-fectifs (300 élèves environ sur les 964inscrits). Un agent de police judiciairese rend dans mon bureau avec un cour-rier du procureur de la Républiquem’avertissant que l’affaire sera instruiteau tribunal de grande instance le 2 no-vembre 2001… La pression de la com-

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 33: Cahiers Pedagogiques 415

33les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

2. Violences et médiations

munauté pour que je retire ma plainteest maximale. Je refuse de me mettre àgenoux et de plier sous cette pression,question de déontologie et d’honneur.Mon collègue CPE à mi-temps, M. D.,m’a contacté au téléphone hier au soir,me demandant de reconsidérer ma po-sition. Selon lui, cette menace de mortn’est pas fictive, la rumeur est déjà ins-tallée dans la ville, amplifiée par la dé-marche des fédérations de parentsd’élèves…

Mercredi 17 octobre

Aujourd’hui, de nouveaux élémentssont survenus. À huit heures, M. D.,mon collègue CPE, a voulu m’apporterson aide, mais le résultat escompté n’estpas atteint… Il a pris l’initiative d’invi-ter un des membres de la famille G. dansson bureau, puis m’a invité à le rejoindreaussi. J’ai accepté, espérant que M.D. maîtriserait cette démarche…Il n’en fut rien. L’homme d’une qua-rantaine d’années, qui s’est présentécomme le plus modéré d’un clan, a euun discours bref, mais efficace… « JeanG. est respecté de tous, une condamnationen novembre ne saurait être acceptée parnotre communauté et, de surcroît, pour-rait le rendre malade puisqu’il est car-diaque. Si tu retires ta plainte, je te prometsd’essayer de stopper les événements pro-grammés. Sinon, je suis désolé, mais tu neconnaîtras pas le dénouement de l’af-faire… En plus, je crois que tu es marié…Le règlement à l’issue fatale n’aura bienévidemment pas lieu ici ni aux abordspuisque les flics y sont tout le temps… »« Mais tout ceci n’est pas une menace », a-t-il répété au moins quinze fois.Je suis resté sans voix. M. D. a invité cetype à sortir, lui disant qu’il le contac-terait pour lui donner ma réponse…Après le départ de cet individu, M.D. m’a à nouveau demandé de recon-sidérer ma position, de penser à monavenir, disant que rien ne valait la vie,pas même une carrière. Il m’a dresséune sorte de généalogie de cette tribuet des rites ancestraux qui la régis-sent… M. D. a aussi précisé qu’il étaitrespecté et toléré par cette commu-nauté sans que lui même se l’explique.Avant de me demander de garder le si-lence et de ne parler à personne de cetentretien privé…Je suis sorti de là, époustouflé, effrayépar la teneur de ces propos à froid etde la menace à l’encontre de ma femme.Je me suis enfermé un moment dansmon bureau, et n’ai répondu à aucunappel pendant au moins vingt minutes.J’ai finalement opté pour parler, je nepouvais pas garder pour moi ce genre

d’informations. Je suis allé voir la prin-cipale adjointe, qui a contacté le rec-teur, puis les Renseignements généraux.Une protection rapprochée m’a été pro-posée, et la principale adjointe était trèsen colère envers la démarche dange-reuse de M. D.J’ai finalement demandé à Magali mafemme d’aller séjourner chez sa mèrele temps que les événements se décan-tent. Je suis très angoissé par tout cela.

Vendredi 19 octobre

Magali revient demain et nous partonspour deux jours loin d’ici. La policem’a prévenu d’un rassemblement deplus de mille Gitans à l’occasion d’unmariage sur Tarascon ce week-end.Les informations de la journée sontplus brèves… La protection rappro-chée a débuté : véhicule banalisé… Lemaire de la commune et bien d’autresme confirment leur soutien. Le provi-seur du lycée de la commune est venuau collège pour prendre la températureet me donner quelques conseils deprudence.En outre, la principale adjointe a eu pourmission de me proposer, sous couvertde l’administration, une mutation si jetrouvais la situation trop oppressante.Mais ceci me semble être une fuite, doncj’ai décliné cette proposition.

De la même manière, on m’a proposéd’annuler les deux visites d’élèves enstage pour lesquels je m’étais engagé,chose inacceptable pour moi. Même sicela part d’une bonne intention, ça nefait qu’ajouter du stress à ma situation.J’ai en revanche accepté d’y être ac-compagné, puisqu’un des deux lieuxse situait en plein cœur de la ville.

Mardi 23 octobreLe week-end est terminé et je ne dé-plore qu’un geste lâche et sans relief dugars qui m’a envoyé deux textos viaInternet dimanche après-midi. L’und’eux disait ceci : « Tu avais un col-lègue de bon conseil, tu devrais revoirta position. »J’ai pris soin de sauvegarder ces mes-sages pour avertir la police. Hélas, laprovenance d’Internet ne permet pasde localiser l’origine de l’appel et ceséléments sont classés sans suite…Ce matin, arrivé dans l’établissement,je vois qu’un lapin décapité a été soi-gneusement déposé devant la porte del’appartement de fonction situé sur leparking.Ensuite, incident avec une mère d’élèvegitane qui s’en est pris à une prof d’EPS,la traitant d’incapable, de ne pas savoirnoter, et de favoriser du « racket orga-nisé ». Les professeurs d’EPS avaient

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 34: Cahiers Pedagogiques 415

en effet mis au point un projet « tri-plette » visant à encourager la solidaritéentre les élèves. Cet incident a lieu dansmon bureau. J’explicite et appuie les pa-roles judicieuses du professeur mais lamère d’élève se tourne vers moi disantdevant témoin : «Vous vous êtes pris uncoup de poing la semaine dernière, celane vous a pas servi de leçon… » Alors,je dis stop, j’invite la mère à quitter im-médiatement mon bureau sans releverl’inexactitude de ses propos. Elle refuse.Je me lève, l’enseignante aussi, et jeréitère mon ordre sur le pas de la porte.Elle refuse encore. Je demande à un sur-veillant d’être témoin de la situation, etje reste intransigeant sur ma décision :l’entretien est terminé et la mère repartvers les siens… Cet après-midi, la prin-cipale adjointe a contacté cette femme,exigeant des excuses qu’elle a refusé defaire. La principale adjointe décide doncde déposer plainte… Olé !Puis elle contacte le service juridiquedu rectorat car, sur ordre du principal(toujours hospitalisé), elle devait sub-stituer à ma plainte celle de l’institu-tion… La réponse est négative : ilfallait le faire avant que le dossier soitinstruit et que la date du procès soitfixée. Désormais il est juridiquementtrop tard.Les professeurs sont accablés par lesévénements et le ras-le-bol des annéesprécédentes les pousse à improviserune réunion en assemblée extraordi-naire pour le lendemain 13 heures.Pour ma part, je continue à découvrirdes choses incroyables. Le fameuxMichel G., à l’origine du conflit, est unmultirécidiviste. L’an dernier en avril,pour divers problèmes plus ou moinsgraves, il est passé en conseil de disci-pline… Il a été exclu, mais il est restéles deux derniers mois de l’année à lavie scolaire sous la responsabilité dessurveillants… Pression des G. oblige…De plus, il a été repris au collège et in-tégré à une classe pour la rentrée 2001.Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’igno-rais ces incidents…Autre découverte : mon collègue CPEm’informe que, l’an dernier, l’oncleG. s’est introduit dans l’établissement,s’est rendu directement en salle desprofs pour en frapper un… Mais nulleplainte… Ni du prof ni de l’institu-tion… Beaucoup d’éléments que j’ai dumal à comprendre, mais qui expliquenten partie la rage des enseignants et l’in-fluence de cette communauté tzigane…

À suivre...

Patrice Teissier, CPE.

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

34 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

« Toi, tu vas allerchez le CPE ! »Marie-Clotilde Pirot

Dans la culture de certains établissements, le CPE ne serait là quepour appliquer les punitions1, au point qu’on lui reprocheraitpresque de s’occuper d’autre, comme si en venant sur d’autresdomaines que celui de la sanction il sortait de son rôle ets’immisçait dans celui des enseignants. Qu’importe que les textesconstitutifs de la profession ne prononcent pas le mot de sanction,punition ou discipline, que les comportements des adolescentssoient l’affaire de toute la communauté éducative, la confusionreste dans les esprits, favorisée parfois par les CPE eux-mêmes.

Une fois la « condamnation » pro-noncée, son exécution n’inté-resse plus personne. Elle est en

charge de ce service qui accueille danssa permanence, sans avoir son avis àdonner, les exclus, quel que soit lenombre d’élèves qui tentent déjà d’ytravailler, qui garde les « collés » le mer-credi, qui encadre parfois des élèvescondamnés par un magistrat à des ré-parations. Les « gardiens » rejoignentles « punis » dans le sentiment d’êtredes exclus du corps social.Le travail d’application de la sanctionincombe à la vie scolaire. Et la sanc-tion doit être éducative. Une sanction,en effet, qui ne mène à aucun résultatest inutile et donc illégitime.Mais comment une sanction peut êtreéducative ? Je crois que nul ne le sait.Et comment apprend-on à punir ? Biensouvent on reproduit ce que l’on a vécu.

La sanction que l’on dit éducativeChacun improvise des devoirs « quidoivent amener à faire réfléchir ».Réfléchit-on sur ordre, à un momentdonné et sous la contrainte ? Et l’exer-cice qui consiste à poser par écrit ceque l’élève sait que l’adulte attend delui conduit-il l’individu vers sa matu-rité ? Peut-on sérieusement parier surl’amendement du sanctionné ?Une sanction éducative est une sanc-tion où les adultes savent ce qu’ils mon-trent, ce qu’ils construisent. Ce qui

implique qu’il faut y investir plus detemps par exemple que dans la formu-lation d’un sujet de rédaction plus oumoins moralisant.

Sanction et échecUn sentiment de culpabilité assailleune équipe éducative quand la puni-tion s’impose. Elle est vécue commeun échec de la prévention. Mais la pré-vention ne peut être totale, elle doitlaisser une marge de choix à l’enfant.Si des agressions subsistent alors quedes lieux d’écoute, de prévention exis-tent, qui est coupable ? Celui qui pré-vient insuffisamment ? La société oul’école avec leur violence symbolique ?L’agresseur ?La sanction est plutôt un deuil, celuide nos illusions de pédagogues. Il nousfaut abandonner cette idée que l’enfantest un être merveilleux et accepter de luifaire du mal dans une institution dontce n’est guère l’objectif.D’autre part, personne n’est tenu 2

d’avoir à supporter un seuil élevé deviolence ordinaire qui empêche devivre paisiblement, de travailler, d’êtreheureux. Accepter cela, c’est entérinerle fait qu’il existe des lieux où il est per-mis vivre à l’abri et dans de bonnesconditions, et d’autres lieux sociaux oùpersonne n’aurait droit à la sécurité, àun apprentissage de qualité. Et qu’ences lieux-là, au nom de la tolérance, ilfaudrait supporter les agressions et les

La violence de la sanction

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 35: Cahiers Pedagogiques 415

35les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

2. Violences et médiations

violences. On oublie aussi le besoin desvictimes d’être réconfortées et proté-gées pour qu’elles évitent de deveniragressives à leur tour, vis-à-vis desautres ou vis-à-vis d’elles-mêmes.Accepter l’inacceptable c’est se rési-gner à voir se multiplier les déviances,le mal-être, les destructions.

Jurisprudence et sanctionLa volonté de ne pas sanctionner n’estpas innocente. Ne pas réagir face à unacte agressif ou simplement déviantn’est pas sans conséquence. Un exempleen lycée. Des élèves « sèchent » les in-terrogations écrites lorsqu’il y a unrisque qu’elles soient mauvaises etqu’elles se traduisent par une note faibledans le livret scolaire. Si l’on tolèrelongtemps cette situation et qu’un jouron décide de réagir, ce jour-là on va àl’encontre d’une sorte de coutume, ouplutôt d’une jurisprudence d’établisse-ment : celle qui dit qu’il est légitime des’absenter pour éviter une chute desmoyennes. La réaction tardive devientalors un acte « illégal » quand bien mêmeelle n’est que l’application du règlementintérieur.Si l’absence de sanction peut créer desdroits que nous n’avions pas l’inten-tion d’accorder, l’application d’unesanction doit suivre certaines règles.

Sanction et fauteDeux enfants de sixième, lors d’une sor-tie scolaire, jouent avec le marteau desécurité et brisent la vitre de leur car.S’agit-il d’une faute ? En effet, nous nesavons pas si, en jouant, il est possiblede casser ces vitres avec le marteau adé-quat ou s’il faut plusieurs coups violentsavec intention de briser, ces vitres étantsolides, il est vrai. Pour le savoir, il fau-drait que nous en fassions le test et nousn’en avons pas les moyens. Dans cetteaffaire, devant notre incapacité à déter-miner le caractère répréhensible ou nonde l’acte, la décision de sanctionner aporté sur d’autres critères. Les argu-ments des professeurs ont tenu lieu depreuve de la faute. Suivant les difficul-tés qu’ils éprouvent en classe avec lesenfants, les sanctions requises vont dif-férer. La lourdeur de la sanction ici aété la conséquence de conflits antérieursavec les élèves. Des punitions sont tom-bées (du haut vers le bas) sur les deuxenfants, pour aboutir au départ de l’un,tant la vie lui était devenue difficile, età l’interdiction pour l’autre de redou-bler. On est passé de l’acte incriminé àla punition sans se donner la peine d’éta-blir avec exactitude la matérialité de lafaute et des faits reprochés.On ne doit pas punir par vindicte.

Sanction et règleLongtemps, la vengeance a été un droitet même un devoir. On devait vengerles morts ou laver un affront. C’est ladisparition de cette obligation socialepar l’imposition de la règle qui permetde s’arracher à la vindicte. Et le règle-ment intérieur détermine le régime dessanctions.Cette obligation d’observer les règlesn’est pourtant pas toujours respectée.Un élève est venu se plaindre un jourdans mon bureau de ce que son cartableavait été écrasé sur la gare routière parun car scolaire. Le professeur princi-pal et moi-même avons soupçonné quece cartable aurait été écrasé exprès parle chauffeur. En téléphonant à l’officierde police municipal responsable de lagare routière et à la compagnie de cars,je finis par apprendre qu’il s’agit d’unepratique mise au point par les chauf-feurs pour se faire respecter des élèvesles plus insupportables pendant lesvoyages quotidiens.Cette sanction est inacceptable. Car leconseil général a donné la possibilitéau chauffeur de retirer sa carte à unenfant et de la renvoyer aux servicescompétents. L’élève est alors privé detransport un jour, puis deux, etc., etles motifs de cette sanction lui sont si-gnifiés. La famille doit alors le conduire

elle-même à l’école ou le garder à lamaison, dans les deux cas ce n’est pastoujours facile à la campagne chez desfamilles peu aisées. Les parents sonten outre renvoyés à des responsabilitésqu’ils n’arrivent pas toujours à assu-mer il est vrai…Mais lorsque l’enfant a son cartableécrasé, il a peur et se voit imposer unrapport de force. Il doit ensuite se dé-brouiller, soit en allant en classe sans sesaffaires, soit en s’en faisant prêter parles surveillants, les enseignants, soit endemandant une aide au fond social.L’enfant est alors conduit à penser qu’ilest temporairement exclu de la sociétéordinaire de l’école.Car si la règle évite la vengeance, elleprésente aussi un autre atout. C’estparce qu’elle est appliquée que celui quiest sanctionné continue à faire partie dela collectivité, par sa soumission à la loi(même en cas d’exclusion de l’établis-sement). On lui laisse ainsi l’espoir des’amender et de se racheter. C’est enquoi la sanction peut être éducative.C’est pourquoi je trouve préoccupantque l’on fasse des entorses quotidiennesà la règle. Je constate souvent que desélèves se voient refuser, plus ou moinsexplicitement, le droit de redoubler pourraisons de discipline. Même si le re-doublement ne conduit pas toujours au

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 36: Cahiers Pedagogiques 415

succès, il est vrai. Mais l’interdiction deredoubler ne figure, comme punition,dans aucun règlement intérieur…Les chauffeurs de car appliquent la loidu plus fort, le conseil de classe imposeun pouvoir symbolique sur la scolaritéde l’enfant sans prendre en considéra-tion ses connaissances et ses compé-tences acquises. Parce qu’elle reprocheà un élève d’user de sa force ou de vio-lence, l’institution lui applique la mêmelogique, le frappe dans un registre oùelle a le pouvoir. Ce n’est plus éducatif.On entre dans le champ de la menaceet du rapport de force. L’adulte est unepersonne toute-puissante à qui l’enfantest soumis par la force et non du fait dela loi. Hors des règles, le message estclair pour les jeunes : « Je frappe parceque je possède l’arme. C’est à moi quetu dois obéir et non à la loi. » On exigela soumission d’une personne à uneautre, c’est la volonté ou le caprice del’adulte qui crée les normes.

La loi de la jungleAvec cette logique, chahuter certainsenseignants faibles, ce n’est donc pas unefaute puisqu’on ne risque rien. Ce quifonde le maintien en place d’une caté-gorie dominante et d’une catégorie do-minée. La logique de cette conduite estqu’il est impératif de faire partie d’unecatégorie dominante. L’enseignant peutdonner un travail ou une colle, le sur-

veillant de la copie, etc. Les catégoriesde personnels dépourvues de ce pou-voir (les agents en particulier) sont am-putées du droit au respect. Les élèvesretiennent ce message. Ainsi quand unélève physiquement faible veut fairepeur à un agent, il le menace d’une ven-geance exécutée par ses frères aînés, ouil menace de s’attaquer lui-même à sesjeunes enfants…Nous devons construire une grille decompréhension des rapports humainspour les adolescents. Si nous leur ap-pliquons la loi de la jungle, alors ilsl’appliquent à leur tour naturellemententre eux, en famille et en bande. Cestruggle for life qui nous fait peur n’estrien d’autre que l’image de la sociétéque nous leur avons transmise.Pour appartenir à la catégorie domi-nante, il faut imposer sa force symbo-lique, il faut faire la preuve que l’on estcapable de sévir à son tour et de punirsans remords. C’est une spirale infer-nale. Il y a un danger évident de mul-tiplication des sanctions car les adultesdoivent montrer en permanence qu’ilssont capables de punir. Il faut ici ducourage pour refuser de faire constam-ment cette démonstration de puissanceet sortir de ce cercle vicieux.Qu’enseignons-nous lorsque nous fai-sons usage de notre force et de notrepouvoir ? Face à celui à qui l’on prête le

pouvoir d’être « bon », « charitable », etc.,les autres sont en situation de soumis-sion, attribuant à un héros la capacité dene pas se tromper de cible, de savoir àcoup sûr qui sont les méchants, qui a ledroit de se défendre, qui est irrécupé-rable et qui est amendable. Ce recoursà une autorité qui sait tout conduit à l’in-fantilisation et ne forme pas les élèves àl’esprit critique et à la citoyenneté. Onne cherche pas à lui apprendre à argu-menter et fonder ses jugements. On nelui donne pas le droit à la parole, le droitd’être représenté ou de se présenter lui-même devant les instances où sa vie sco-laire se joue. On ne lui montre pas quela loi exige qu’il soit défendu en conseilde discipline, par exemple, par un tiersnon lié à l’institution, et que les règlesy soient strictement respectées…

Marie-Clotilde Pirot, CPE, chargée d’enseignement en sciences de l’éducation et encriminologie, Rennes 2, référente d’un GIR, IUFM de Vannes.

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

36 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

1 Les mots sanction, punition et peine sont utilisés ici commedes synonymes.2 Des professeurs ont même récemment invoqué « le droit deretrait » accordé par le code du Travail à celui qui constate queles conditions d’exercice de son métier mettent sa vie en dan-ger physique… [N.D.L.R.]

Phot

ogra

phie

CN

DP

- Jea

n-M

arie

Bea

umon

t - 5

346-

36

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 37: Cahiers Pedagogiques 415

37les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

3. Entre éducation et pédagogie

Au cœur du projetd’établissement

Christine Gibon-Alphand

Comment les CPE peuvent-ils s’impliquer dans la vie pédagogique de l’établissement ? Cet aspect deleur mission est souvent non reconnu comme tel par l’ensemble des personnels, sans doute parceque l’image de la pédagogie colle à celle de l’enseignant face à un groupe classe…

Le lycée Évariste Galois, situé en« zone violence », est un établis-sement polyvalent d’enseigne-

ment général, technique et professionnel.Il accueille environ mille élèves.Michel Collignon et moi sommes arri-vés ensemble au lycée à la rentrée 1998.Dès le début, nous avons ressenti l’im-pact important du projet d’établisse-ment sur le fonctionnement du lycée.Coordonnées par un groupe de pilo-tage composé d’enseignants motivés etde la proviseure, militante au CRAP,de nombreuses actions étaient en placemontrant une volonté d’aider les élèvesen difficulté et de prévenir la violence.Nous avons alors travaillé pourconstruire un « projet de vie scolaire » enharmonie avec la politique de l’établis-sement. Les domaines que nous avonsprivilégiés pour le suivi des élèves :– Une gestion rigoureuse et organiséedes absences et retards des élèves.– Le travail en partenariat avec diversmembres de la communauté scolaire.

– Une présence active dans de nom-breuses instances.– La mise en place d’outils et de do-cuments de suivi permettant de garderune mémoire de tous les éléments col-lectés au fil des mois.

Le suivi de l’assiduité et de laponctualitéAssiduité et résultats scolaires sont gé-néralement liés. Le CPE peut jouer unrôle non négligeable dans la réussitedes élèves.Quelles stratégies avons-nous déve-loppées sur ce thème ?Un partage des tâches au sein du ser-vice : les surveillants sont impliquésdans l’accueil des élèves, pour la ré-ception des justificatifs d’absence, lasaisie informatique, la relance des ab-sences non régularisées (convocationd’élèves ou appels téléphoniques auxfamilles), le suivi des retenues, etc.Ce système de délégation permet de res-ponsabiliser les surveillants en les im-

pliquant dans un véritable travaild’équipe, et de dégager du temps pourune réflexion plus approfondie de la partdes CPE : analyse des récapitulatifs d’ab-sences, des statistiques, mise en placed’actions éducatives, communication…Une attitude stricte par rapport à laponctualité : présence du CPE dans lehall d’entrée à la première heure tousles matins pour accueillir les retarda-taires, système de retenues le mercrediaprès-midi pour les élèves trop sou-vent en retard.Un traitement rigoureux de l’assiduité :système de double appel (cahier du pro-fesseur complété par une feuille d’appeljournalière par classe), entretiens avecles élèves absentéistes et leur famille,gradation des mesures de réparation,des punitions et sanctions concernantles absences sans motifs valables.

L’implication au sein des équipespédagogiquesNous avons mis l’accent sur un travailen partenariat avec les professeurs prin-

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 38: Cahiers Pedagogiques 415

cipaux. Nous les informons et nous lesconsultons aussitôt que nous avons desrenseignements importants sur unélève : problèmes de santé, difficultéssociales ou familiales, problèmes decomportement, retards et absences, etc.Nous leur faisons parvenir régulière-ment différents types de documents :récapitulatifs mensuels des absences etretards, des sanctions de la classe dontils sont responsables. Nous participonsà certaines réunions d’équipes péda-gogiques, notamment lorsqu’il s’agitde classes dans lesquelles ont été repé-rés des dysfonctionnements.Il nous arrive, à la demande de l’équipe,d’intervenir en classe seuls ou avecd’autres personnels de l’établissement,pour des régulations. Dans certains cas,nous recevons les élèves et/ou leur fa-mille lors d’un entretien avec le pro-fesseur principal. Chacun d’entre nouss’est investi ces dernières années dansplusieurs projets pédagogiques. Deuxexemples :Un projet de « journal téléphoné » dulycée. Des informations sont enregis-trées chaque jour sur le répondeur té-léphonique concernant la vie del’établissement : réunions, sorties sco-laires, professeurs absents, etc. C’est

un travail qui est pris en charge chaqueannée par la classe de terminale BEPmétiers du secrétariat (il entre dansleur parcours professionnel). Lesélèves, par binôme, assurent le suividu journal pendant une semaine com-plète. Ils prennent les informations au-près du CPE, les mettent en formepuis les enregistrent. Ce travail est en-cadré par un professeur qui contrôle lamise en forme du texte, et le CPE quisuit et vérifie la qualité de l’enregis-trement. Ce travail est évalué chaquesemaine. Cela demande une bonne co-ordination entre professeurs et CPE.Les élèves y participent avec plaisir. Ilest envisagé de l’introduire dans lePPCP (projet pluridisciplinaire à ca-ractère professionnel).Un projet de « mise en slogans et enimages du règlement intérieur » – idéedu chef d’établissement –, que j’ai co-ordonné, avec pour partenaires un pro-fesseur principal de seconde enseignantle français et un professeur d’éducationesthétique. Dans un premier temps, lesélèves de seconde générale ont travaillé,dans le cadre de leur cours de françaiset de l’heure de vie de classe, sur la miseen slogans du règlement. Cet exercices’intégrait pleinement au programmede français de la classe de seconde. Les

slogans ont ensuite été proposés à toutesles classes de BEP et de baccalauréatprofessionnel, qui les ont adaptés etillustrés durant les cours d’éducationesthétique. J’ai participé avec beaucoupde plaisir à la majorité des séances. Degrandes affiches très originales ont étéproduites et ont donné lieu à une ex-position. Ce projet a été financé par leconseil régional d’Île-de-France dansle cadre des subventions pour les ac-tions d’éducation à la citoyenneté.Certaines affiches ont été sélectionnéespuis imprimées pour un affichage per-manent dans divers lieux du lycée.C’est une expérience qui a motivé ungrand nombre d’élèves.

La commission d’accompagnementIl s’agit d’une instance de préventionvisant à aider certains élèves posant desproblèmes d’absentéisme, de compor-tement ou de manque de travail. Elleest présidée par le chef d’établissement,son adjoint ou le chef de travaux. Elleest composée de professeurs, d’élèves,de personnels administratifs et de viescolaire. Le CPE y joue un rôle impor-tant puisque c’est lui qui instruit et pré-sente le dossier à la commission, envoieles convocations, rédige le compterendu de la réunion, aide l’élève à écrire

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

38 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Projet de vie scolaire des CPE du lycée Évariste Galois (93) - Christine Gibon et Michel Collignon

Connaître et suivre les élèves

Suivre et agir sur l’assiduitéet la ponctualité des élèves

Suivre le comportement encours et hors des cours

S’impliquer au sein deséquipes pédagogiques

Faire vivre la commissiond’accompagnement

Participer à la commission desuivi des élèves en difficulté

Participer activement auxconseils de classe

Faire participer les élèvesà la vie de l’établissement

Impliquer des élèves dans laliaison collège/lycée : « lesambassadeurs »

Travailler le règlement inté-rieur avec les élèves

Organiser une campagnepour les élections

Créer la « Semainecitoyenne »

Former les délégués declasse de seconde

Faire vivre le Conseil de vielycéenne

Animer la Maison des ly-céens

Faire participer des élèves àla commission du Fonds so-cial lycéen

Communiquer, informer

Accueillir les nouveaux professeursIntervenir en assemblée générale

Accueillir les nouveauxélèves de seconde

Faire vivre l’information auprès des élèves et despersonnels

Le journal téléphoné et la« Semaine d’Évariste »

Organiser le service de lavie scolaire

Répartir les missions au seindu service

Impliquer les surveillantsdans la gestion des absences

Impliquer des surveillantsdans le soutien pédagogique

Organiser des réunions derégulation au sein del’équipe

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 39: Cahiers Pedagogiques 415

un engagement, à choisir son tuteur.Pendant la durée du contrat, générale-ment un mois, il est souvent en relationavec le tuteur et le professeur principalet suit le respect des engagements. Ilparticipe au bilan final.Nous mettons à disposition des ensei-gnants en salle des professeurs un clas-seur regroupant tous les comptesrendus de commissions.

La commission de suivi des élèves endifficultéPrésidée par le chef d’établissement,cette instance réunit l’assistante sociale,l’infirmière, un conseiller d’orientation,le représentant de la mission généraled’insertion basée dans notre lycée, lesprésidents de conseils de classe et lesCPE. Des informations sont échangéesen ce qui concerne les problèmes d’ab-sentéisme, de santé, sociaux, familiauxou de difficultés scolaires.Le groupe propose des mesures adap-tées à chaque cas. Un document desuivi est rempli par les CPE et trans-mis et commenté avec les professeursprincipaux pour décider de la mesurede suivi finale.Outre la participation à ce groupe, nousavons la volonté de travailler quoti-diennement en partenariat avec chacunde ses membres que nous rencontronsdès que nécessaire.

Les conseils de classeLe CPE, au conseil de classe, vient à lafois collecter des renseignements et enapporter. Nous avons conçu des feuillesde suivi de conseils sur trois ans pourchaque élève (2de, 1re, T), nous y notonsdes informations sur sa scolarité.À l’approche des conseils, nous rédi-geons une synthèse écrite sur chaqueclasse qui nous servira de support lorsde notre intervention au moment dutour de table général. Cette fiche com-porte plusieurs rubriques : bilan sur lesabsences avec notamment une analysedes statistiques trimestrielles, compa-raisons avec celles d’autres classes dumême type et avec celles des autres tri-mestres. Informations sur le type d’in-cidents qui se sont produits pendant letrimestre : nombre et motifs des exclu-sions de cours, des retenues, des exclu-sions temporaires du lycée, des passagesen commission d’accompagnement…Nous évoquons également le compor-tement de la classe en dehors des heuresde cours : CDI, études encadrées…Nous signalons enfin le nombred’élèves particulièrement impliquésdans la vie de l’établissement. Nousavons, à ce sujet, conçu une rubrique« vie scolaire » dans les bulletins tri-

mestriels dans laquelle nous valorisonstout type d’engagement : délégation declasse, au CA, au CVL, participationaux commissions d’accompagnement,à la commission du fonds social, à desactions comme celle des « ambassa-deurs » dans les collèges du secteur.Pendant le conseil, lors du traitementdes cas individuels, nous apportons notreéclairage sur le profil de certains élèves,sur leur scolarité durant les années an-térieures, sur certaines difficultés aux-quelles ils sont confrontés, et nousdonnons notre avis sur l’attribution dementions spécifiques comme les encou-ragements, les avis favorables pour lebaccalauréat ainsi que sur l’orientation.Après les conseils de classe, nous re-cevons certains élèves pour des entre-tiens de mise au point, de remotivation,ou pour aborder la question de leurorientation.

L’aide aux étudesNous avons mis en place une actiond’aide au travail personnel (ATP) pourles classes de seconde. C’est à une aide-éducatrice que nous en avons confié lacoordination. Elle-même, ainsi qu’unou deux surveillants volontaires (selonles années), prennent en charge desgroupes d’élèves d’une même classe

désignés par le professeur principal,ou recrutés sur la base du volontariat.Soixante-quinze élèves sur les onzeclasses de seconde y participent.Depuis deux ans, une formatriceIUFM intervient, dans le cadre d’une« aide négociée », pour déterminer avecles animatrices des ATP les objectifs,les modalités de travail et les contenusdes séances proposées aux élèves. Cesrencontres régulières, auxquelles par-ticipe généralement l’un des CPE, per-mettent de répondre de plus près àleurs besoins et aux difficultés qu’ellesrencontrent pour répondre ensuite auxproblèmes des élèves. La formatricejoue un rôle important dans le domainede la supervision des séances mais ellesait aussi écouter les surveillantes, va-loriser leur action, les encourager etdonner du sens à leur travail.Notons également qu’il est importantpour donner de la cohérence à ce dis-positif que les animatrices soient en re-lation régulière avec les professeursprincipaux, ce qui facilite le suivi desélèves.L’ATP peut prendre des formes va-riées en fonction de la composition desgroupes et des périodes de l’année. Ilpeut s’agir de soutien scolaire (prépa-

39les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

3. Entre éducation et pédagogie

La décentralisation… une affairequi nous concerne ! Tel était leprojet du numéro 325 qui souli-gnait qu’il y a au moins deux ma-nières d’envisager l’allégementdu contrôle central : celle qui estenvisagée par nos ministres, ren-voyer tous les problèmes d’inten-dance, d’accompagnement et desurveillance à des collectivitésterritoriales qui n’en ont pas lesmoyens et vont s’en débarrassersur le secteur privé, et celle quiconsiste à donner aux acteurs deterrain, aux établissements etaux écoles plus d’autonomie, deresponsabilité et de démocratielocale (Jacques Ardoino). Tout enrespectant une égalité entre lesélèves et les régions (RaymondRegrain et Jean-Pierre Obin).C’est souligner qu’il existe unedécentralisation de droite, libé-rale et laxiste, et une décentrali-sation de gauche, visant l’égalitéentre les futurs citoyens et la so-lidarité (Louis Legrand). Descontributions d’acteurs sur lesapports et limites de la premièredécentralisation viennent com-pléter un dossier d’une actua-lité… brûlante !

La décentralisation (Cahier n° 325)

Pour commander ce numéro,

voir page 71

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 40: Cahiers Pedagogiques 415

rer un contrôle, analyser ses erreurssur un devoir…), d’aide méthodolo-gique (gestion de l’emploi du temps,apprentissage des leçons, techniquesde synthèse ou de commentaire de do-cuments…) mais aussi et surtout d’untravail d’écoute et de dialogue.Les animatrices tentent de tirer les filsrouges qui permettent de mobiliser lesélèves sur leur travail scolaire et celapasse tantôt par une écoute individua-lisée, tantôt par des échanges et desconfrontations de points de vue entrepairs. Les séances sont donc axées surun recentrage permanent des élèvessur leur travail scolaire, sur la remoti-vation et sur l’accession à une meilleurelisibilité pour eux des attentes des en-seignants. D’ailleurs la formatrice uti-lise l’image du soufflet qu’il s’agit deregonfler quand les élèves sont dansdes périodes de découragement et dedémotivation.L’évaluation de ces ATP est difficile-ment quantifiable. Néanmoins, si par-fois certains élèves finissent parabandonner la fréquentation des ATPà la fin du deuxième trimestre, d’autresau contraire « s’accrochent », ne man-quent aucune séance et disent qu’ilsen apprécient les effets bénéfiques.Quelquefois même, des élèves sollici-tent les animatrices au-delà des mo-ments d’ATP et un système de tutorats’instaure alors de façon informelle.Au début de troisième trimestre, cin-quante-quatre élèves sont encore vo-lontaires pour poursuivre les séancesd’ATP, ce qui peut être considérécomme un des critères d’évaluation dece dispositif !Les CPE, acteurs de la socialisation, dela pédagogie, de la remédiation, sont bienau cœur des stratégies mises en œuvre,en collège et en lycée, pour mieux inté-grer, motiver, éduquer et instruire…

Christine Gibon-Alphand, CPE au lycée Évariste Gallois, Noisy-le-Grand (93).

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

40 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Le CPE et lapédagogie

Ahmed Bouhaba

S’impliquer activement dans les dispositifs pédagogiques desétablissements semble être une voie d’évolution pour le métier deCPE. L’auteur ici raconte son expérience en lycée professionnel àl’occasion du travail autour d’un des dispositifs de la réformepédagogique, les PPCP.

Traditionnellement, le CPE peutorganiser du soutien scolairesurtout en collège pour les

élèves en difficultés, en concertationavec les professeurs. Depuis quelquesannées, d’autres possibilités s’offrentà lui à travers les travaux personnelsencadrés (TPE) et les projets pluridis-ciplinaires à caractère professionnel(PPCP). Comment, dans le cadre deses fonctions et dans une vision évolu-tive de son champ d’action, le CPEpeut-il par exemple s’impliquer dansles PPCP ? L’expérimentation dont ilest question ici a été vécue comme unessai de décloisonnement entre péda-gogie et éducation.

Le CPE, membre de l’équipe éduca-tive, est impliqué depuis la circu-laire 1982 dans la pédagogie : « Encollaboration avec le personnel ensei-gnant, il suit la vie de la classe en par-ticipant au conseil des professeurs, auconseil de classe… Il est impliquédans la scolarité individuelle de l’élèveen collaboration avec le professeurprincipal, le conseiller d’orientationpsychologue. »De plus, selon le décret de 1996, il doitêtre associé au personnel enseignantpour assurer le suivi individuel desélèves et procéder à leur évaluation. Cequi a constitué en soi une petite révo-lution. En effet quand l’Éducation na-tionale se nommait ministère del’Instruction publique, l’accent étaitmis sur la fonction d’enseignement etles tâches nobles : la transmission dessavoirs. Le « sale boulot » était confié à

Que peut apporter le CPE dans les PPCP ?Les PPCP ou les TPE sont des moda-lités pédagogiques innovantes mais quinécessitent une organisation particu-lière. En effet, au cours de la réalisationde leurs projets, les élèves peuvent tra-vailler individuellement ou en groupe,dans ou hors la classe, dans ou hors lelycée pour la recherche d’informations.L’encadrement pédagogique n’im-plique pas la présence des professeursen continu. Cette pédagogie a bousculéle temps et l’espace scolaires.Pour le CPE, il peut y avoir deux atti-tudes. La première : les PPCP relèventde la pédagogie, je m’implique en pé-riphérie dans le cadre de la gestion dela surveillance et des mouvements desélèves à l’intérieur et à l’extérieur dulycée. La deuxième, qui est une attitudeplus volontariste : les PPCP constituentune nouvelle modalité d’acquisition des

des personnes non issues des univer-sités. Aujourd’hui, la logique est diffé-rente. Le CPE (exception française) aun parcours universitaire et le soucimajeur de l’institution éducative est decréer un lien fort entre enseignementet éducation comme deux dimensionsdu service public. L’éducation est aussiune mission des enseignants et ne s’ar-rête pas aux portes de la classe. Ce lienentre éducation et pédagogie devenantun espace commun entre l’ensembledes acteurs dans l’établissement, uneresponsabilité partagée, rend les rap-ports délicats entre les acteurs maisouvre aussi la voie à de multiplesinitiatives.

Cette implication pédagogique ne peut être quebénéfique pour l’image du CPE dans l’établissement

et un levier pour dynamiser la vie scolaire

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 41: Cahiers Pedagogiques 415

41les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

3. Entre éducation et pédagogie

savoirs, une démarche éducative qui de-vrait mobiliser plusieurs compétences,les mettre aux services des élèves. Donc,en tant que CPE cela m’intéresse et jem’implique en mettant mes compé-tences aux services des élèves et en col-laborant avec l’équipe des enseignantspour participer directement aux pro-cessus d’apprentissage. L’avenir estdans la coopération entre les CPE et lesprofesseurs. En s’appuyant sur ses mis-sions éducatives, le CPE peut s’impli-quer dans les nouvelles modalitésd’apprentissage. L’hypothèse princi-pale est que cette implication ne peutêtre que bénéfique pour l’image duCPE dans l’établissement et un levierpour dynamiser la vie scolaire.

En classe, pédagogie et éducation,une certaine harmonie

La classe de bac pro VR 1 ne faisait paspartie de mes classes en responsabilitéen tant que stagiaire. Lorsque je me suisprésenté au début du projet, j’ai expli-qué aux élèves et aux professeurs montravail de mémoire et l’opportunité pourmoi de travailler sur ce PPCP. Dès lors,j’étais considéré non pas comme un pro-fesseur mais comme le CPE qui s’inté-resse au projet 2 et qui peut apporter sonsoutien pour le faire aboutir.Pour les élèves, j’étais le CPE qui in-tervient dans un « cours » d’une ma-

nière concertée avec les professeurs aulieu d’intervenir à la demande d’un pro-fesseur pour un problème d’éducationou de discipline. La plus grande partiedes actions s’est déroulée sur le tempsscolaire, une autre partie comme lesmises au point, la transmission de cer-taines informations, etc., a eu lieu dansdes rencontres fortuites en dehors dutemps réservé au PPCP. Les élèves,même si après chaque séance je procé-dais à leur évaluation avec le professeur,ne m’ont jamais considéré comme unprofesseur en plus dans la classe. Il n’yavait pas cette crainte d’avoir une mau-vaise note qui est tout de même im-portante pour eux. Ils me faisaient partde leurs problèmes de rivalité et de dis-corde au sein de la classe ; ce qui m’apoussé à engager une médiation entreeux et à m’entretenir individuellementavec certains élèves pour rétablir un bonclimat de travail. D’autres doléancesconcernant des problèmes de leur viedans l’établissement m’ont été adres-sées en tant que CPE. Aussi, le fait queje les interpelle sur leur assiduité, surleur orientation et sur certains com-portements dans ou en dehors de laclasse n’a laissé aucun doute dans leuresprit sur mon statut et ma fonction,auxquels je suis attaché.Au niveau pédagogique, mon investis-sement dans ce PPCP m’a également

donné l’occasion de me pencher sur leréférentiel des bac pro VR et de fairele lien entre les actions menées et lescompétences qu’ils doivent atteindre àla fin de leur parcours. Je pense no-tamment à la prospection pour trouverles coordonnées des anciens élèves, à lacommunication pour faire connaîtrel’association aux élèves et aux profes-seurs, la prise de parole devant un au-ditoire, l’argumentaire, la préparationet l’organisation de manifestations, lagestion d’un budget… Cette possibi-lité pour les CPE de s’impliquer enpédagogie permet d’instaurer d’autrestypes de relations avec les élèves.

Un vrai partenariat avec lesprofesseursL’expérience de travail avec les en-seignants a été positive à différentsniveaux.À noter d’abord le climat de confiancequi s’est installé dès les premièresséances avec le professeur de gestion.On sait combien les professeurs sontattachés à leur autonomie pédagogiqueet apprécient d’être seuls « maîtres àbord » en classe. Pour ma part, à aucunmoment je n’ai eu le sentiment d’em-piéter sur cette autonomie. Est-ce lefait de travailler à deux ou à trois quiest l’essence même du PPCP, qui a fa-vorisé ce sentiment ? En tout cas, il est

Photographie CNDP - Jean-Marie Beaumont - 5287-20

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 42: Cahiers Pedagogiques 415

important de ne pas bousculer les pra-tiques des professeurs et de s’entrete-nir avec eux avant les séances sur lecontenu pédagogique. À ce niveau, jereconnais que j’avais une certaine au-tonomie et une liberté de fonctionne-ment tant en classe entière qu’engroupe. Une autre raison pourrait ex-pliquer ce climat de confiance, c’estl’ampleur du projet. En effet, menerun PPCP de cet ordre avec les élèvesn’est pas une tâche simple. Le profes-seur de gestion a sans doute vu dansmon implication un soutien pour lamener à bien.Le deuxième aspect positif est l’éta-blissement d’un rapport nouveau avecles professeurs. Travailler en classe dansun cadre pédagogique déterminé tissedes liens et rapproche les domaines dela pédagogie et celui de l’éducation.« Tout comme les professeurs ont uneresponsabilité éducative, le CPE peutprofiter de son implication dans la pé-dagogie pour impulser l’éducatif. »Cette conception trouve dans ce PPCPtoute sa signification. Il y a là un vraiterrain d’échanges et d’entente, unecertaine harmonisation s’est établieentre « la périphérie » (la cour) et « l’es-sentiel » (les cours). Je me suis senti lorsde mes interventions impliqué directe-ment dans la scolarité des élèves, dansce qui se joue au cœur des apprentis-sages en classe. Dès lors, la vision desprofesseurs du rôle du CPE ne s’arrêteplus au contrôle de l’absentéisme et aumaintien de la discipline.L’intérêt de l’implication du CPE dansce PPCP est double. D’une part, c’étaitune demande forte de l’établissement.La création d’une telle association dansun cadre pédagogique est un premierpas vers une dynamique citoyenne ausein même du lycée. C’est une initiativedes adultes qui a été peu à peu intégréeet portée par les élèves de bac pro VR.C’est aussi un premier pas vers l’ou-verture des élèves sur l’environnementsocial et économique à travers la créa-tion d’un réseau avec les anciens élèves.D’autre part l’implication du CPE dansce PPCP montre que le décloisonnemententre pédagogie et éducation est possibleet souhaitable à partir du moment où ily a une réelle et profonde conviction desdeux corps à travailler ensemble dansl’intérêt des élèves. Le PPCP, cette pé-dagogie innovante, le permet en toute sé-rénité et d’une manière réaliste. Cetteexpérience, pour avoir été réussie, meconduit à penser qu’on peut « fragiliser »la barrière, combien imaginaire, entre lesCPE et les professeurs : pédagogie etéducation, deux facettes d’un même pro-cessus de formation du citoyen.

Une expérience parallèleAu sein du même établissement, la CPEdu tertiaire a, en collaboration avec lesprofesseurs, initié, élaboré et conduitun projet d’action artistique. Elle s’estimpliquée directement dans ce projetà double facette. Un niveau éducatif :lutte contre la violence par un travailsur soi et la connaissance de l’autre ; etun niveau pédagogique : histoire del’art, du Brésil, compréhension des sonset élaboration d’instruments.Tout comme mon intervention dansle PPCP « création de l’association desélèves », cette expérience qui « bous-cule » les barrières entre pédagogie etéducation, trouve toute sa place dansla vie scolaire et les prérogatives desCPE. Ces actions peuvent, à monsens, être considérées comme des ac-tions de prévention, de réactions à cer-tains comportements des élèves et dedynamisation de la vie de l’élève dansl’établissement.La volonté de décloisonner éducationet pédagogie a trouvé une résonance

réelle et réaliste au cœur même de laVie scolaire. Les perspectives sont pro-metteuses pour impulser l’éducation aucœur même des apprentissages. Les re-tombées peuvent être considérables surla vie des élèves des lycées profession-nels. L’éducation n’est plus reléguée ausecond plan, elle est intrinsèque à laformation des futurs citoyens et le CPEa, à l’évidence, son rôle à jouer. Reste àsavoir si le CPE peut s’engager dansn’importe quel PPCP ou s’il doit choi-sir des projets qui ont une relation di-recte avec ses missions.

Ahmed Bouhaba, CPE, lycée professionnel régionalMéditerranée de Montpellier.

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

42 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

1 Baccalauréat professionnel vente-représentation.2 Création d’une association d’élèves au sein du lycée profes-sionnel Méditerranée à Montpellier.

Ma vie scolaire sans Vie scolaireDans le petit collège du Pas-de-Calais où j’étais, il y a longtemps, élève de sixièmepuis de cinquième, on ne voyait jamais le principal qu’à la distribution des prix,qu’il présidait en toge, ou quand il passait dans les classes proclamer les résultats siattendus des compositions. Le surveillant général se parait volontiers du titre desous-principal ; il était corse et inspirait la crainte. Son bureau était placé sur uncouloir de grande circulation, la porte en était souvent ouverte, et il n’était pasavare de punitions (« mon petit ami, vous me ferez deux heures de retenue »). Il yavait trois répétiteurs, dont deux étaient corses et venaient au collège en voiture,ce qui était encore rare parmi les professeurs ; l’un d’eux arborait un chapeau noirau large bord qui l’avait fait surnommer le gaucho. Je me souviens d’un articlemontrant que beaucoup de corses exerçaient des métiers de surveillance, dans leslycées, les prisons, les douanes, la gendarmerie, les phares, etc. Les répétiteurssurveillaient la permanence, l’étude de cinq à sept, la retenue du jeudi, où il fallaitécrire en tête de la copie Punition infligée par M… motif… tâche à accomplir…(copier les verbes irréguliers anglais – je les sais toujours – ou, pour le prof dedessin, « deux pages écrites, deux pages de dessin », etc.). Je n’ai pas souvenir qu’ilsaient jamais fait « répéter ». Leur fonction se bornait à surveiller.

Plus tard, je suis revenu dans le collège de mon enfance comme adjointd’enseignement non titulaire. L’ancien répétiteur qui n’était pas corse en étaitdevenu surveillant général. Je surveillais les retenues et les études. Il fallait mettreune note de conduite et une note d’application chaque soir à chaque élève del’étude ; au début, je mettais 18 au premier de la liste, et je tirais un trait verticaldans toute la colonne, puis, le surveillant général m’ayant enjoint de différencierles notes, je mettais alternativement 18 et 17. Un peu avant, j’avais fait un an dansun grand lycée de province. Aux surveillances s’ajoutait la tâche exaltante de veillerà ce que les élèves se mettent bien en rangs au pied de l’escalier quand la clocheavait sonné. Censeur et surveillant général se partageaient les temps de présence,leur souci majeur était l’ordre dans les couloirs. Le proviseur ne se montrait jamais.

Vie scolaire ? L’expression aurait semblé incongrue.

Jacques George

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 43: Cahiers Pedagogiques 415

43les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Articuler éducation et pédagogie

Laure Laborde

La vie scolaire animée dans les établissements par les « experts » de l’éducation que sont les CPEdoit être également le souci de l’ensemble des équipes éducatives. De même, les missions des CPE etdes personnels de la vie scolaire doivent s’articuler avec tous les aspects pédagogiques de la classe.

La dénomination de la fonctionde CPE et les instructions offi-cielles situent clairement la fi-

nalité de l’action du/de la CPE dansla dimension éducative. Le développe-ment et la reconnaissance de l’activitédes CPE se font plus aisément dans lecadre actuel, prévu par les instructionsofficielles, d’une reconnaissance de lamission éducative de l’établissement.C’est donc cette finalité qui est priori-taire et les CPE ne sont plus un simplemoyen au service de l’enseignement.Tout cela implique un fonctionnementen équipes et une mise en projet del’établissement. Cependant, les notionsde vie scolaire, le rôle et la qualifica-tion des CPE restent méconnus dansles établissements scolaires.

Un développement en margeLa création des conseillers (ères) d’édu-cation a coïncidé avec l’éclosion de lanotion de vie scolaire. À la fin des an-nées 1960 et au début des années 1970,la vie scolaire va s’instituer en margede la scolarité dans des dispositifs in-novants : le foyer socio-éducatif avecses différents clubs, le système repré-sentatif des élèves. La logique alors àl’œuvre consacre une parcellisation tay-lorienne du travail dans les établisse-ments : la vie scolaire concerne la viede l’établissement à l’exception de lavie de la classe.En 1982, on aura une définition insti-tutionnelle de la vie scolaire : la circu-laire qui précise les missions des CE etdes CPE la définit comme « le fait deplacer les adolescents dans les meilleuresconditions de vie individuelle et collec-tive, d’épanouissement personnel ». Lamême année, la circulaire rédigée parMaurice Vergnaud (« Objectifs pour lavie scolaire dans les collèges ») proposeune vision innovante de la vie scolaire :l’enjeu n’est pas de s’autonomiser maisde s’articuler à l’action pédagogiquedans l’espace du projet d’établissement.La circulaire insiste sur la responsa-bilité de l’élève, le développement deson autonomie, « qui conditionnent non

seulement la réussite scolaire mais la for-mation de la personnalité de chacun ».Afin de faire de la vie scolaire un sou-tien de l’action pédagogique, MauriceVergnaud accorde la primauté à la com-munication, à la création d’un « climatde communauté scolaire ».

La maturité, enfin ?Aujourd’hui, la notion de vie scolaireest arrivée à maturité. Elle ne peut êtreréduite au temps résiduel où les élèvesne sont pas pris en charge par un pro-fesseur dans le cadre d’un cours. L’unet l’autre temps (cours et hors cours)sont partie intégrante de la vie scolaire :le climat d’établissement conditionnece qui se passe dans la classe, et réci-proquement ce qui se passe dans laclasse retentit sur le climat général del’établissement.La vie scolaire intègre la variété des lieuxet des moments éducatifs y compris lesespaces et temps d’enseignement, l’en-semble des relations impliquant lesélèves et les adultes, la recherche de l’in-térêt collectif. Comme le souligneChristian Vitali1, elle est « une construc-tion collective », « une recherche d’adapta-tion et de cohérence ». Elle vise à mettreen synergie deux exigences complé-mentaires : l’organisation de la vie quo-tidienne dans l’établissement scolaire etl’élaboration d’un projet éducatif.Si la notion de vie scolaire concernetoute la communauté éducative2, quepeut apporter un CPE à un établisse-ment scolaire ? A-t-on besoin de spécia-listes de la vie scolaire, de responsablesde l’éducation citoyenne dans l’établis-sement ? La mission d’éducation ne re-lève-t-elle pas seulement de qualitéspersonnelles ?

Le CPE et le projet éducatifLe champ de l’éducation est commun àtous les professionnels de l’établisse-ment. Mais il repose sur des savoirs etdes savoir-faire dont la maîtrise place lesCPE en position d’experts. L’éducationn’est pas simplement une manière d’êtreavec les élèves : elle s’incarne dans une

dimension d’organisation et de mise enprojet de l’établissement.Le CPE joue un rôle stratégique dans« la mise en ordre de l’établissement commecommunauté régulée », dans « le domainedes valeurs et de leur traduction en pra-tiques sociales 3 ». Il lui appartient dedégager les points pertinents de sur-veillance, de combattre les dérives ab-sentéistes ou le manque de rigueurhoraire, de faire respecter le règlementintérieur. Une collectivité ne peut fonc-tionner correctement si les règles en vi-gueur sont massivement transgressées.Le CPE est particulièrement bien placépour améliorer les circuits d’informa-tion et pour participer à/ou initier desdémarches collectives4. Il est intéressantque le projet d’établissement développe« un axe vie scolaire »5 ne constituant pasun axe autonome mais privilégiant lesactions de type transversal (formationdu futur citoyen, amélioration des lieuxde vie et des conditions de travail aideaux devoirs, prise en charge de sa santé,charte, sanctions…).

Le CPE et le projet pédagogiqueLa centration sur l’établissement et surl’élève n’a pas fait oublier la classe. Ladifficulté des élèves pour donner du sensaux savoirs met la relation pédagogiqueau centre des préoccupations. Pour mapart, je suis convaincue que faire dela maîtrise de soi un objectif isolé,qu’attendre une pacification préalableavant de se lancer dans la construc-tion des connaissances et des compé-tences conduisent à une impasse. Parsouci d’efficacité, je me dois, en tant queCPE, de revendiquer une place dans leprojet pédagogique : je ne peux mecontenter de gérer les moments hors laclasse mais il me faut « développer uneintelligence de la pédagogie, faite de com-préhension des difficultés d’apprendre pourles uns et d’enseigner pour les autres »6.Je considère que l’articulation des ap-prentissages et de la socialisation, destemps de cours et des temps horscours, constitue un enjeu fort de la pro-

3. Entre éducation et pédagogie

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 44: Cahiers Pedagogiques 415

fession de CPE. Heures de vie declasse, formation des délégués, éduca-tion à l’orientation, actions citoyennes,projets pluridisciplinaires sont des mo-ments privilégiés pour participer à laconstruction de compétences trans-versales : savoir utiliser les sources d’in-formation et de conseil, se mettre àdistance de situations plus ou moinsfamilières, écouter, prendre la parolede façon respectueuse et maîtrisée…La mission d’un ou d’une conseillèreprincipale d’éducation est complexe :c’est précisément dans sa complexitéque résident sa difficulté et son attrait.Ma motivation est fortement soutenuepar l’implication des élèves, par laconstruction de collaboration avec lesprofesseurs, les surveillants, les aides-éducateurs, les chefs d’établissements,les personnels ATOSS. Je tiens à re-mercier les collègues qui partagentavec moi, avec nous, leurs projets, leursméthodologies, leurs objectifs, leurculture, leur savoir-faire.

Laure Laborde CPE, collège Michelet, académie de Créteil.

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

44 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

1 Vitali Ch., La Vie scolaire, Hachette, 1997.2 L’implication de tous les professionnels de l’établissementdans la vie scolaire est réaffirmée avec la reconnaissance de lamission de prévention comme mission essentielle de l’école (cf.circulaire du 1er juillet 1998 : « Prévention des conduites àrisques et Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté »).3 Ballion R., « Le conseiller principal d’éducation, auxiliaireéducatif ou pivot de l’établissement ? » in Conseiller d’éduca-tion, La revue de la vie scolaire, n° 126, 1997.4 Leïla, CPE, est-elle membre de l’équipe d’encadrement ou del’équipe pédagogique ? Par pragmatisme et sens des respon-sabilités, je réponds qu’elle appartient aux deux car une sincèrecollaboration est nécessaire avec l’équipe de direction et avecles enseignants.5 « Nous pensons indispensable, une fois le cap choisi, de lemaintenir comme sait le faire un navigateur malgré les tempêtesqu’il croise sur sa route. Mais, bien entendu, pour maintenir lecap, cela suppose, d’abord d’en avoir un, d’avoir fixé claire-ment l’objectif de la vie scolaire. C’est par rapport à lui que seferont la régulation et le pilotage, que se prendront les microdécisions contribuant à se diriger vers l’objectif choisi. »Bouvier A., Le Conseiller principal d’éducation au centre de lavie scolaire, Lyon, CRDP, 1999.6 Caré Cl., Le Conseiller principal d’éducation, La documenta-tion française, 1992.

Le choix du terrainAlain Suran

À force de vouloir jouer tous les rôles, le CPE risque bien de setrouver en contradiction avec sa nature profonde. L’auteur de cetexte, proviseur et ancien CPE, souligne les avantages indéniablesdu choix d’un rôle auquel pourrait se tenir le CPE qui risqued’être écrasé par l’incohérence des demandes qui lui sont faitespar les élèves, les professeurs et l’« administration ».

Conseiller principal d’éducation.Ne pourrait-on pas jeter aux or-ties le « principal » qui n’apporte

que confusion avec la fonction de di-rection en collège ? Déjà que pour lepublic, proviseurs et principaux…Nous aurions des conseillers, d’éduca-tion pour la vie scolaire, d’orientationpour le choix des études (c’est un beauterme, conseiller, un peu comme che-valier). Voilà qui nous offrirait un peude lisibilité.

Un métier impossible ?Le conseiller d’éducation – CPE pourl’heure – ne peut se réclamer d’une ma-tière tutélaire. Même avec licence oumaîtrise, il n’est pas oint, pas adoubé,pas capésien pour de vrai. Il ne peut s’ap-puyer, comme le chef d’établissement,sur un principe de hiérarchie aussi théo-rique que sacralisé. Il ne peut non pluss’affirmer comme le Robin des Bois dela discipline, le Lucky Luke du respect :il serait bien en peine, à lui seul, d’im-poser ordre et travail à tous ces élèves.

Évidemment, puisque celui-ci héritesouvent de ce que l’autre ne fait pas.Pour les professeurs, il en fait souventtrop… mais aussi pas assez.Évidemment, puisqu’il ose écouter lesélèves, et se place ainsi comme un jugeentre deux plaignants.Intenable ? Et pourtant, combien demémoires de stagiaires CPE se récla-maient du rôle privilégié qui leur étaitéchu ? S’il est un privilège des CPE, ilfaudra le chercher ailleurs que dans leurpositionnement au sein de l’institution.Mais si tout cela est vrai, et doit êtrepris en compte pour que chacun trouveune place satisfaisante, c’est en mêmetemps tout à fait insignifiant lorsqu’onle rapporte aux élèves. Si le métier deCPE est « impossible », ce n’est pasparce qu’il manque de sens, mais parceque nul ne peut les investir tous.

Premier recoursLe conseiller d’éducation est maîtredes registres. Les inscriptions pro-

Il n’est ni matheux émérite, ni sensiblelittéraire. Est-il seulement bon en EPS ?S’il est « cadre », il l’est souvent à plu-sieurs, avec pour seule troupe quelquessurveillants qui se querellent avec ce quinous reste d’aides-éducateurs. Il est im-pliqué dans la direction, ou tout aumoins dans la prévision et la régulationdes établissements, mais les professeursle voudraient souvent aux ordres, dis-pensateur automatique de colles et depunitions choisies dans l’arsenal de sanc-tions patiemment construit et officiel-lement décrit par le règlement intérieur.Pour le chef d’établissement, il n’enfait jamais assez.

noncées, c’est à lui qu’il revient de tra-duire en listes scrupuleusement tenuesà jour la masse des élèves. Il vérifie lesprésences. Il est comptable de sesclasses et les élèves lui doivent descomptes. Il décide ce qui est excusé, cequi est justifié, et inscrit son décret aubulletin. À ce titre, et pour tout ce quitouche à la discipline, il est le premierrecours. Il doit rapprocher les élèvesde ce qu’ils étaient autrefois (?), de cequ’ils devraient être (!) et les aider àvivre, dans leur temps scolaire. Il fautqu’il leur inspire confiance, sans leurlaisser croire qu’il pourrait tolérer l’in-acceptable, et que cette confiance co-existe avec celle que les professeurs lui

Pour le chef d’établissement, il n’en fait jamaisassez. Pour les professeurs, il en fait souvent trop…

mais aussi pas assez

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 45: Cahiers Pedagogiques 415

accordent. C’est vers lui que les pa-rents se tournent souvent, car il est dis-ponible, et c’est avec lui que les servicessociaux, médicaux, les instances spor-tives et culturelles vont coopérer.Ne pouvant tout tenir, tout réussir, c’està chaque conseiller de trouver ses pointsforts, son terrain préféré. En lycée, ilstravaillent le plus souvent à deux outrois, et l’on peut souhaiter que s’ins-taure entre eux une certaine complé-mentarité. Il faudra toutefois qu’ilsacceptent ce dont ces choix témoignent :de profondes divergences dans l’ap-proche du métier, voire dans l’ordre desvaleurs qu’ils portent. Il n’est pas si aiséde travailler au quotidien, en équipe –forcément en équipe –, avec des pointsde vue et des réflexes différents.

Visages de CPEMichèle a maintenu la tête hors de l’eaudes dizaines d’étudiants en action com-merciale, tétanisés par un professeurextraordinaire, efficace et volontariste,mais dont les méthodes de motivationà base de douches froides et de com-mentaires à l’emporte-pièce faisaientparfois quelques dégâts. En même

temps, elle était, pour une petite arméed’électromécaniciens bagarreurs et ap-prenants très épisodiques, à la fois laloi, la sanction, la confiance, la réfé-rence, la chaleur, la justice… David aporté un journal lycéen en amenant ri-gueur, conseils et moyens techniques,sans jamais s’immiscer dans le rédac-tionnel. Noël a passé des vacances dePâques à réaliser un programme d’ins-cription et de gestion de la base élèves,dix ans avant tout le monde, avec despuissances informatiques dignes depostes à galène. Élisabeth a réuni au-tour de la formation des délégués declasse parents, professeurs, infirmière etdirection pour un week-end prolongéen forêt. Celui-ci a réalisé de bout enbout, avec les élèves et presque sans ar-gent, une salle de foyer qui a modifiél’ambiance d’un gros lycée technique…Telle autre, en trouvant qui volait de-puis des mois, au sein de la classe, a per-mis que s’installe un climat fraternel àla place des soupçons, des ragots, des in-timidations et des coups.Il suffit : chacun pourrait accumulerdes exemples, plus ou mois aboutis,plus ou moins réussis, mais qui pour

l’essentiel appellent trois remarques :• C’est dans l’action concrète auprèsdes élèves que passe toute légitimité,pour les CPE peut-être plus encore quepour d’autres.• Toute action de ce type exige des par-tenaires, des accords, des appuis, et desa réalisation en commun naît laconfiance, si précieuse, vis-à-vis desélèves comme des professeurs.• Le cadre le plus naturel semble doncbien être celui d’une démarche de pro-jet, qui exige analyse, réflexion, miseen commun, « transparence » et éva-luation.Cette attitude sera d’autant plus aiséeque l’établissement dans son ensembleaura adhéré à un authentique projetd’établissement, et que sa part d’auto-nomie et sa capacité de mobilisation luiauront permis d’avancer dans ce sens.

Alain Suran, proviseur du lycée Simone Signoret,Vaux-le-Pénil (académie de Créteil).

[email protected]

45les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

3. Entre éducation et pédagogie

Photographie CNDP - Jean-Marie Beaumont - 5349-24

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 46: Cahiers Pedagogiques 415

Une radio dans la vie scolaireAlain Enjolras

Au lycée de l’Arc à Orange (Vaucluse), « Mix la radio étudiante » est née d’une demande forte desélèves, manifestée dès 1987. Elle a ouvert son antenne le 3 octobre 1996, après neuf ans depréparation sous la forme de club radio. Quels en sont les bénéfices pour l’animation de la vie dulycée et pour les apprentissages des élèves ?

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

Il a fallu obtenir du CSA (Conseilsupérieur de l’audiovisuel) l’auto-risation d’émettre. Très peu de fré-

quences sont disponibles, et quand unappel à candidatures est lancé uneconcurrence féroce s’instaure pour l’at-tribution entre les projets associatifsmais également avec les radios com-merciales. Cinq ans ont été nécessairespour persuader nos interlocuteurs de laviabilité du projet : faire exister uneradio en grandeur réelle dans un lycée.Mix la radio étudiante est une radio as-sociative de plein exercice, dans le res-pect du cahier des charges et de laconvention signée avec le CSA. Elleest gérée comme une mini-entrepriseen lycée. Son budget de fonctionne-ment est pour l’essentiel apporté parla subvention du Fonds de soutien àl’expression radiophonique.Comment analyser tout ce chemin par-couru du point de vue des missionsd’un CPE ?

Genèse de ce projet radioLes lycéens souhaitaient mettre enœuvre un média qui puisse leur per-mette de s’exprimer et d’apprendre àcommuniquer, et qui soit l’expressiond’une « culture lycéenne », car les radiosexistantes ne correspondaient pas àleurs attentes. Leur « désir » de radiopouvait être pris en compte dans lesprojets d’activités éducatives (PAE).Les années 1990 étaient marquées parla démarche de « pédagogie de projet ».Il était donc normal d’entendre la de-mande de ce petit groupe de lycéens –une dizaine –, et de les aider à forma-liser leur projet : quels objectifs, quelsmoyens (humains, financiers, matériels,techniques), quelles échéances vou-laient-ils se donner ?Ce qui m’a frappé au premier contacta été non seulement leur motivation,mais surtout leur conviction et leur dé-termination : ils parviendraient à créerleur radio, pour peu qu’on les aide etqu’on ne leur mette pas de bâtons dansles roues… La première tâche à ac-complir était de faire partager leur idéeet de convaincre : tant à l’intérieur de

la communauté scolaire qu’à l’extérieur.À ce stade j’étais loin de partager l’en-thousiasme des lycéens sur la faisabi-lité d’une telle entreprise. Le premiermérite de leur démarche était de créerun dialogue et des échanges autour deleur sollicitation, qui devenait plus pres-sante et réitérée à tous les niveaux (ad-ministration, enseignants, associationsde parents d’élèves). Leur énergie àprospecter et chercher a rapidementabouti : une radio associative locale, ré-cemment installée, Radio Garance, lesaccueillerait le mercredi après midipour deux heures, un professeur d’EPSavait accepté la responsabilité du

récemment mis en place, et propo-saient leurs émissions aux commerceslocaux et au bowling, mais « ce n’étaitpas vraiment de la radio ». L’équipedes pionniers de cette aventure auraitpu se démotiver, baisser les bras faceaux difficultés, ne pas se renouveler àchaque fin d’année : il n’en a rien été,les anciens sont revenus après leur en-trée dans les études supérieures, pourtransmettre le relais et l’enthousiasmeinitial. Quinze ans après certains sontencore là et sont de précieux consul-tants et formateurs.L’ampleur de la tâche, les difficultéscolossales à surmonter ont sans doute

groupe et pilotait l’expérience. Le foyersocio éducatif apportait son aide finan-cière. Le CPE avait bien joué son rôlede facilitateur des activités socio-édu-catives et avait mis en place les relaisnécessaires…

D’anciens élèves consultants etformateursL’histoire ne s’arrête pas là : la radiod’accueil dépose son bilan quelquesmois après et voilà nos journalistes etanimateurs orphelins. Ils n’acceptaientpas que leurs « productions » ne soientpas diffusées. Il fallait les aider, trou-ver à nouveau un « débouché hert-zien ». Ils sonorisaient le foyer-cafétéria

contribué dès le départ à créer cette os-mose entre adultes et élèves qui s’ob-serve encore aujourd’hui. Les rapportshumains au sein du groupe sont tou-jours ceux du respect et de la convi-vialité, de la reconnaissance mutuelle,climat tellement appréciable en cestemps. Réussir ensemble un projet dif-ficile, voilà bien là un ferment de l’amé-lioration du climat de la vie scolaire.

Quels acquis pour les apprentissagesdes élèves ?On a reproché au projet de détournerdes élèves des « apprentissages essen-tiels » mais seul le résultat de l’actionmenée a fait disparaître ces craintes.

46 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

La radio scolaire MIX

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 47: Cahiers Pedagogiques 415

Notamment avec la découverte, pourles enseignants engagés dans l’expé-rience, de toutes les retombées péda-gogiques de la radio. Quelles sont-elles ?Maîtrise de l’expression écrite et orale– Structuration du récit.– Travail de la voix : élocution, articu-lation, respiration.Formation à la déontologie du journa-lisme et de l’animation radio.– Traitement de l’information : élabora-tion d’un bulletin d’infos, revue depresse. Après ce travail les élèvesn’écouteront plus la radio ni ne regar-deront la télé de la même façon. Un ci-toyen libre est un citoyen informé etconnaissant les rouages du traitementde l’info.Apprentissage de l’interview.Fonctionnement en atelier, mise en pra-tique immédiate des savoirs et savoirsfaire acquis :– Travail d’équipe.

radio les rend acteurs de l’approche,de l’observation et de la restitution àl’antenne du monde extérieur.Cette démarche s’adresse bien à la for-mation globale de l’élève, celle-là mêmequi préoccupe le CPE, tout autant quele reste de l’équipe enseignante. Sansoublier de mentionner que la radio estune occasion de collaboration et decompréhension mutuelle entre CPE etprofesseurs.Les professeurs qui rejoignent l’équiperadio – ils sont plus de vingt-cinq sur untotal de cent trente collègues – acceptentde se former pour devenir producteursd’une émission et responsables d’uneéquipe. Ils découvrent les spécificitésdu langage radio, le fonctionnement desoutils de production (plate-forme in-formatique, appareils de reportages,etc.). Ils ne sont plus les détenteurs d’unsavoir exclusif, mais des médiateurs pré-cieux pour amener une production àson meilleur niveau : ils s’impliquentdans une relation d’aide par une critique

tion en ce sens, et notamment pourqu’un atelier artistique d’expressionradiophonique soit retenu au mêmetitre que le théâtre, la danse, le cinémaou les arts du cirque.

Alain Enjolras, CPE, lycée de l’Arc, Orange (84).

Pour toute information complé-mentaire, rendez-vous sur notresite Internet : http://www.radio-mix.com.Pour découvrir tout l’éventail desradios en milieu scolaire, se repor-ter au site de l’Association natio-nale des ateliers et radios en milieuscolaire (ANAREMS, à laquelleMix est adhérente) : http://crdp.ac-besancon.fr/rems- Site du CLEMI : (Centre de liaison de l’enseigne-ment et des moyens d’information)http://www.clemi.org

sans complaisance mais positive des ré-sultats. Le tout dans une atmosphèreparfois fébrile car la radio est le médiade l’instantané et il faut diffuser vingt-quatre heures sur vingt-quatre, troiscent soixante-cinq jours par an… Desqualités insoupçonnées et qui ne trans-paraissent pas dans la pédagogie au quo-tidien se révèlent à la radio. L’équiperadio se remarque par son ouverture aumonde extérieur, son sens du partage etdu travail en équipe.

Un futur atelier artistiqueradiophonique ?Les lycéens qui participent à cette ac-tivité périscolaire ont l’opportunité defaire une initiation au journalisme, à lacommunication et à l’animation radio,ainsi qu’aux technologies nouvelles(navigation sur Internet, traitement deson, montage numérique). Certains enont fait leur métier et réussissentbrillamment.Malheureusement, jusqu’à présent, au-cune reconnaissance officielle n’a puêtre obtenue pour que cet « enseigne-ment » soit évalué et que le travail desélèves soit pris en compte (option aubaccalauréat ou formation post-bac).L’équipe radio œuvre avec détermina-

– Osmose enseignants/élèves pourl’aboutissement d’une productionradio réussie, pour l’analyse des pro-ductions, etc.– Interventions de professionnels.Qualités et profil attendus des élèvespour les activités liées à la radio :– Curiosité intellectuelle.– Volonté de parfaire une solide cul-ture générale.– Savoir écouter et savoir parler.La radio est une expression à part en-tière, comme la peinture ou le cinéma.Le « son » peut engendrer une œuvreauthentique, qu’il faut situer dans laculture de l’écrit. En effet, par la radios’opère un retour à l’écrit et au texte, àmême de contrecarrer « l’accablante pré-emption de l’image sur l’apprentissage etsur l’imagination » (Alain Finkelkraut).Les enseignants ont répondu à cettesollicitation et ont compris dès ledébut l’attrait de la radio pour lesélèves, et l’exploitation pédagogiquequ’elle offrait.À une époque où certains observateursdéplorent le désert culturel et l’universconsumériste dans lequel nos adoles-cents sont plongés, la pratique de la

47les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

3. Entre éducation et pédagogie

Les professeurs ne sont plus les détenteurs d’unsavoir exclusif, mais des médiateurs précieux pouramener une production à son meilleur niveau

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 48: Cahiers Pedagogiques 415

Ouvrir une Fenêtre au quotidienOlivier Boyer

La Fenêtre est un quotidien lycéen. Le premier et le seul qui existe en France. Sept jours parsemaine et le mercredi pendant les vacances scolaires, il se propose d’être le vecteur des idées etopinions de la communauté éducative du lycée. Ce lieu d’échange et de débat est, par nature, unfacteur d’animation de la vie éducative et réussit de façon ponctuelle à intervenir sur les aspectspédagogiques de l’établissement.

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

La Fenêtre a publié plus de millecent cinquante numéros aux-quels s’ajoutent deux à trois

cents numéros spéciaux ou hors série.Son rythme de parution actuel est dedeux cent cinquante numéros par an.

Un contexte favorableL’institution Notre-Dame-La-Richeregroupe mille cinq cents élèves de lamaternelle au BTS. Depuis une dizained’années existe un service « animation »comprenant actuellement huit salariés.Ce foyer socio-éducatif poursuit unequadruple mission : être un lieu favo-risant l’initiative, l’autonomie, la prisede responsabilité et le travail en équipe.La presse scolaire est l’un des domainesd’intervention privilégiés par le foyer.En 1998-1999, par exemple, vingt-cinqjournaux ont vu le jour, certains pourun numéro d’autres existent encore.Depuis, les rédactions ont eu tendanceà se regrouper autour de publicationsà parutions fréquentes. Il existe encoresept ou huit journaux en activité.Notre-Dame-La-Riche est aussi un éta-blissement qui innove : des classes bi-

lingues dès le CP en passant par dessections européennes au collège et aulycée et des matières originales commel’option « journalisme » au lycée font del’établissement une structure prête à« prendre le risque » d’un journalcomme La Fenêtre.

La naissance de La FenêtreDébut mars 1996, la rédaction d’unmensuel qui existait à l’époque a fait unconstat : il était très difficile d’y aborderdes questions politiques ou des sujetsbrûlants d’actualité. Un article degauche ou de droite en janvier conno-tait politiquement le journal pendantun mois. Au fil de la discussion, est ap-parue la solution : plus le journal sorti-rait souvent moins, cette connotationserait apparente. Avec un journal quisortirait tous les jours, un article degauche le lundi verrait un article dedroite lui répondre le mardi et ainsi desuite. Le fait que cela n’ait jamais ététenté et que cela semblait impossible àréaliser finit par convaincre la rédactionde se lancer. Le 25 mars 1996, le premiernuméro de La Fenêtre vit le jour…

La Fenêtre aujourd’huiHuit lycéens sont « responsables de larédaction ». Ils sont cooptés par leurspairs à condition d’avoir été membreactif du comité de rédaction pendant aumoins un an et de posséder ce qu’ilsappellent le « LF spirit ». Les respon-sables de la rédaction réfléchissent à lastratégie et à l’avenir du journal, ils re-présentent le journal à l’extérieur… Ilsparticipent à des opérations excep-tionnelles. Ils sont aussi directeurs depublication des thématiques du samediet des numéros du dimanche ou desvacances qu’ils réalisent depuis leurdomicile.Le comité de rédaction accueille tousles volontaires qui le désirent. Ils onten charge la réalisation au jour le jourde La Fenêtre : mise en page, rédac-tion des articles…L’équipe Internet réalise le site et lemet à jour quatre à cinq fois par se-maine. Elle a aussi à gérer les abonnéspar Internet.Les correspondants de La Fenêtre sontdes lycéens suivant leur scolarité dansd’autres lycées. Actuellement, nousavons un lycéen d’un lycée public deTours qui participe aux débats de LaFenêtre, co-réalise avec un des respon-sables de la rédaction une thématiquedu samedi et diffuse La Fenêtre dansson lycée.Les journalistes occasionnels sontcelles et ceux qui proposent leur ar-ticle à la rédaction. Ce sont en généraldes élèves du lycée mais les enseignantsou membres de la direction ou du per-sonnel le font aussi. Les parents deslycéens écrivent parfois.Les « anciens de La Fenêtre » sont lesfondateurs et anciens « responsables dela rédaction » du journal. Ils intervien-nent encore en écrivant ou en étant pré-sents lors des opérations spéciales duquotidien. Ils réalisent « LF anciens »

48 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

La Fenêtre. Noter le pliage astucieux duquotidien lycéen

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 49: Cahiers Pedagogiques 415

et sont garants du « LF spirit »…Statistiques : 95 % des articles sont ré-digés par des élèves, 4 % par desadultes de l’établissement, 1 % par desparents.Comment est réalisée La Fenêtre ? Lesnuméros sortent du premier au der-nier jour de présence des lycéens (larédaction se réunit fin août au lycée).Depuis cinq ans, les journaux du lycéesont réalisés dans la salle de presse.Cette salle s’est constituée au fur et àmesure des dons et des concours ga-gnés par La Fenêtre. Elle est ouvertede 7 h 30 le matin à 19 heures le soir etd’accès libre aux membres des diffé-rentes rédactions.Dès 7 h 30, donc, des élèves peuventcommencer à « nettoyer » la maquette dela veille, commencer à saisir des articlesarrivés depuis la sortie du numéro pré-cédent et commencer à la mettre enpage. Jusqu’à midi, seuls ceux qui n’ontpas cours y travaillent. Entre 12 heureset 13 h 45, la maquette se finalise. Unecouverture et une bande dessinée sontréalisées. À 13 h 45, le numéro doit êtreprêt. Il sera ensuite distribué aux abon-nés par des membres de l’équipe d’ani-mation. Les numéros du samedi sontdistribués le vendredi soir, ceux du di-manche et des vacances sont envoyésaux abonnés par Internet ou distribuésle lundi ou au retour de vacances auxabonnés « papier ».Les numéros de LF hebdo sont réali-sés et distribués le jeudi, LF mensuellesort le premier mercredi du mois et estvendue à la criée sur le marché, prèsdu lycée. Les numéros « hors série »sortent en fonction des besoins.

La Fenêtre : un outil éducatif parnatureLa Fenêtre n’existe que par le débat.C’est son fond de commerce ! Pourpouvoir sortir tous les jours elle doitprovoquer des réactions chez le lecteur.Ces opinions sont souvent tranchées :« Je suis pour la peine de mort parceque… » « Je suis contre la peine de mortparce que… » Ces opinions sont si-gnées, souvent même il y a la photo del’auteur en haut à gauche de l’article :Dans La Fenêtre on assume ses idées.On accepte aussi celle des autres ou,plus précisément, on accorde aux autresle droit d’avoir une opinion différentede la sienne.Pour celles et ceux qui la réalisentchaque jour, il y a nécessité à accepterde travailler en équipe. Tout le mondene pense pas pareil dans l’équipe de ré-daction, loin s’en faut ! Mais le journaldoit sortir tous les jours, coûte que

coûte ! Si un numéro de la semaine nesort pas, La Fenêtre est morte (les nu-méros du week-end et des vacancespeuvent, eux, être « rattrapés »). Cetteobligation peut sembler étonnante maiscela fait partie du défi permanent deLa Fenêtre.

Il faut « remplir »Si l’actualité est brûlante, si le maté-riel fonctionne, pas de problème les ar-ticles arrivent en grand nombre. Si les

du matin pour réaliser une autre édi-tion. Ce jour-là les lycéens, souvent cri-tiques, voire médisants sur leur travail,faisaient la queue devant la salle de ré-daction pour recevoir les éditions, gra-tuites pour l’occasion.

La loi et les financesCelles et ceux qui écrivent dans LaFenêtre doivent aussi respecter la loi.Tout n’est pas autorisé : la diffamation,l’injure sont interdites, l’incitation aux

sujets manquent, il faut « remplir ».« Remplir », c’est le cauchemar de larédaction : il est 13 heures et La Fenêtreest vide ! C’est là que les responsableset le comité de rédaction doivent rem-plir leur mission : combler les vides. Sicela ne dure pas, tout va bien mais sicela dure plusieurs jours, plusieurs se-maines même, il faut le faire absolu-ment. La contrainte devient très forteet seul le souci de faire durer le jour-nal existe, seule la volonté de ne pasfaire s’arrêter ce que des dizainesd’élèves ont contribué à faire vivre per-dure. Quand l’informatique lâche, ilfaut trouver des solutions. Cela néces-site une capacité à l’initiative et uneprise de responsabilité constante. Lesélèves de la rédaction sont aussi auto-nomes. Le 11 septembre 2001 au soir,ils sont restés au lycée jusqu’à plus de22 heures pour réagir à l’événement.Le lendemain ils étaient là à 7 heures

délits, aux crimes, à la haine racialeaussi. Quand on veut évoquer le travaild’un enseignant d’une façon désobli-geante, quand on prône la consomma-tion de cannabis, quand on soutient lesthèses de l’extrême droite, on risquesouvent de devenir « hors-la-loi ». Laquestion du respect de la loi se pose ré-gulièrement à la rédaction.La Fenêtre, enfin, est une petite entre-prise. Toute édition qui sort des im-primantes est facturée au journal. Sansargent, La Fenêtre n’existe pas. Chaqueprojet – réaliser le calendrier annuel,sortir un numéro spécial, payer le trainà ceux qui se rendent à un concours dejournaux – doit être financé. Cettecontrainte n’est pas forcément appré-ciée par toute la rédaction…

Un outil pédagogiqueLa Fenêtre n’a pas vocation à servir desupport aux cours : son format, son

49les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

3. Entre éducation et pédagogie

Marc Wautier, élève de terminale S, de la rédaction de La Fenêtre

Débattre de l’actualité, de la politique enpermanence devait bien amener un jour à aborderles préoccupations des lycéens dans leur lycée

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 50: Cahiers Pedagogiques 415

rythme de parution, la nécessité de « col-ler » à l’actualité et son… aptitude à im-primer des fautes d’orthographe sontplutôt un obstacle ! Cependant, une oudeux fois par an, certains enseignants defrançais font faire des articles à leursélèves suite à la rencontre avec un écri-vain par exemple. Clarisse Pajot, ensei-gnante de lettres, insiste sur l’intérêt decette démarche : « En écrivant dans LaFenêtre, mes élèves doivent se faire com-prendre, ils sont forcés de “bien écrire” :leurs destinataires sont leurs pairs, il faut lespersuader. Ceci est différent avec leur pro-fesseur qui les comprendra de toute façon. »

Certains numéros spéciaux sont réali-sés dans le cadre d’une ou plusieursmatières. Par exemple le 11 novembredernier, on a réuni des témoignages etdes photos des archives familiales pourun travail sur la guerre 14-18 en his-toire. L’an passé un numéro spécial ensix langues a été réalisé avec le concoursde plusieurs enseignants à l’occasionde la journée européenne des langues.La Fenêtre a régulièrement réalisé desnuméros en anglais, en allemand, enespagnol, en polonais et même un enchinois (une trentaine en tout).

L’ECJS et le débatL’éducation civique juridique et so-ciale (ECJS) est une matière récenteau lycée. Elle doit permettre de fairecomprendre aux élèves le fonctionne-ment de la société et leur faire prendreconscience de leur condition de ci-toyens. La méthode utilisée est ledébat. La Fenêtre se prête ainsi parfai-tement à cette matière. Pour construireleur argumentation, des élèves utili-sent des articles du journal pour leursdossiers. Un travail sur la consomma-tion de tabac et de cannabis chez noslycéens a été publié dans le journal.L’an dernier un travail sur les élec-tions présidentielles avec un sondagesur les lycéens et la politique et unesimulation des deux tours des élec-tions présidentielles (les cinq lycéensont voté trois jours avant chaque tourofficiel) a été réalisé avec cinq classesde première. Cela a abouti à la réali-sation d’un numéro spécial de centvingt pages. Ce travail sur l’argumen-tation est essentiel pour La Fenêtre.Emmanuel Bertrand, professeur demathématiques et abonné depuis l’ori-gine, indique qu’« écrire dans LaFenêtre c’est s’obliger à coucher ses idéessur une feuille avec cette contrainte : “jedois être compris par les autres”, avectout ce qui en découle : le français doitêtre suffisamment élaboré pour être com-pris par tout le monde, l’argumentationdoit être structurée pour être entendue. Ilfaut aussi savoir utiliser différents niveauxde langage ». Valérie Czachor, profes-seur de mécanique, ajoute : « Pour ar-gumenter, il faut aussi connaître son sujet.La Fenêtre oblige donc les élèves à s’in-téresser à l’actualité. »

Discuter du contenu des cours ?Le débat est donc le moteur du journal.Débattre de l’actualité, de la politiqueen permanence devait bien amener unjour à aborder les préoccupations deslycéens dans leur lycée. Le plus aisé aété de critiquer le fonctionnement del’administration : de la qualité des repasaux problèmes de l’installation de ca-méras jusqu’aux manières d’agir de ladirection, tout a été débattu. La direc-tion a joué le jeu en répondant par écritaux questions et réflexions des élèves.Cette attitude a facilité l’étape suivante :discuter du contenu des cours…Cela a débuté cette année avec un longdébat sur le programme de philosophieen terminale. Là aussi les enseignantsde philosophie ont joué le jeu. Leurmatière s’y prêtant sans doute plus qued’autres. S’il était difficile de changer lesprogrammes officiels, un compromis acependant été trouvé : un café-philo est

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

50 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

La Fenêtreet la philosophieLa Fenêtre est un remarquable outil de communication entre élèves et en-seignants. Beaucoup d’articles appellent des réponses et le dialogue s’ins-taure parfois sur plusieurs semaines. Comme Socrate accoucheur des esprits,on peut dire que La Fenêtre est un journal maïeuticien.

Dans ces échanges, la philosophie est plus sollicitée que les matières scienti-fiques. En effet, les élèves n’envisagent pas de poser des questions du genre :« Monsieur, démontrez-nous la théorie de la relativité. » La réponse du phy-sicien est intuitivement évidente. « Fais bac + 5, et on en reparlera ! ». En re-vanche, les demandes des adolescents, en philosophie, ne manquent ni depertinence ni d’audace. « Démontrez-nous que l’homme est libre ! que Dieuexiste ! » Beaucoup d’articles font apparaître un questionnement de ce genre.La Fenêtre devient un vrai lieu – une agora – de communication et de dialogue.

Et la naissance d’un café-philo s’est imposée à partir d’un échange d’articlessur « liberté-déterminisme ». Tout cela devenait tellement complexe, qu’ilfallait se rencontrer… pour en discuter. Nous avons été stupéfaits de la richessedu débat et l’habitude est prise qu’un enseignant de philosophie soit à ladisposition de tous les élèves les jeudis vers 12 h 15. Son rôle ? Certainementpas de donner des réponses toutes faites. D’abord écouter, faire reformulerles questions, afin d’en écrire des libellés clairs dans La Fenêtre. Ensuite don-ner des pistes de lecture, faire entrevoir aux secondes et premières ce que serala philosophie en terminale. Car cette matière apparaît bien mystérieuse auxélèves qui n’y sont pas encore. Mettre la philosophie à disposition de tous :voilà un rôle dans lequel La Fenêtre est nettement impliquée.

Une autre piste est à développer dans ce journal. Il y a en effet parfois descritiques faites sur nos cours, des remarques astucieusement narquoises ouhumoristiques qui ne sont pas dites dans le cadre de la classe mais qui nepeuvent plus être ignorées à partir du moment où elles apparaissent dans lejournal. La Fenêtre révèle alors les pensées profondes des élèves. C’est trèsintéressant pour des professeurs de philosophie. Cela nous oblige à trouveroù le cours a pu choquer, où il y a eu rupture de la communication, qu’est-ce qui dans notre discours n’a pas été suffisamment compris. Contrairementà ce qu’on pourrait penser, cela nous rapproche beaucoup des élèves.

Ainsi, instrument de dialogue, lieu de communication, catalyseur d’une ca-fétéria philo, La Fenêtre est devenue créatrice de liens qui n’auraient pasexisté sans elle. Elle est maintenant indispensable et « se légitimise » par lefait qu’elle permet un espace totalement ouvert à toutes les réactions etémotions de nos élèves. Sans elle, il manquerait désormais un courant d’air.

Régine Mouveau, Alain Crinière, professeurs de philosophie, Tours.

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 51: Cahiers Pedagogiques 415

organisé chaque semaine en cafétéria. Ilpermet aux élèves de discuter philoso-phie hors du carcan officiel. Les autresmatières se prêteront-elles au jeu ?Nous verrons dans les années à venir…La Fenêtre a permis la création au lycéed’une option qui n’existe qu’à Notre-Dame-La-Riche : l’option « journa-lisme ». La présence dans le personnelet les familles de compétences spéci-fiques et l’ampleur qu’avait pris lapresse scolaire sous l’impulsion de LaFenêtre ont poussé la direction a créécette option. Celle-ci est depuis la ren-trée 1999 proposée en seconde de ma-nière facultative en « 3e option » et estle projet pédagogique de notre pre-mière littéraire. Trois heures par se-maine lui sont consacrées, elle est notéeet intégrée à la moyenne des lycéensqui l’ont choisie. Elle propose une ini-tiation à l’écriture et aux techniquesjournalistiques. L’application pratiqueconsiste à réaliser de décembre à maiun hebdomadaire d’information deproximité diffusé dans tout le quartierjouxtant le lycée.La Fenêtre est un outil que les élèvesse sont approprié et dans lequel ilsdébattent et s’intéressent à ce qui lesentoure. Certes, le fond, les propostenus et les idées défendues ne sontpas toujours parfaits, mais le droit àl’erreur n’est-il pas un droit que l’onpeut plus facilement assumer à l’écolequ’ailleurs ? Certes, l’orthographe etla syntaxe des articles laissent à dési-rer, cependant une trop grande qua-lité rédactionnelle ne risquerait-ellepas de faire fuir celles et ceux qui ontpeur de l’écrit ? La Fenêtre devien-drait alors le journal des seuls « bonsélèves », ce qui n’est pas sa vocation.

Olivier Boyer, animateur culturel, Notre-Dame-La-Riche, Tours.

51les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

3. Entre éducation et pédagogie

Je suis CPE aucollège expérimentalClisthène…Géraldine Marty

Être CPE à Clisthène, ce n’est pas réinventer une identitéprofessionnelle, c’est pouvoir enfin investir toutes les missionsdéfinies dans les textes et exercer le métier que j’ai choisi.

Je m’appelle Géraldine Marty, j’aitrente et un ans et je suis CPE àBordeaux au collège expérimental

Clisthène depuis septembre 2002, datede son ouverture. J’ai monté ce projetavec Jean-François Boulagnon (ancienprofesseur, ancien CPE, puis person-nel de direction) et nous en assumonsensemble la responsabilité et la direc-tion. Nous sommes tous les deux issusd’établissements sensibles en ZEP etformateurs. Notre dernière expériencede formateurs pour l’académie deBordeaux était la « prévention de la vio-lence ». Dans ce cadre, nous expliquions

d’enseignement et de formation l’en-semble d’une classe d’âge.C’est ainsi qu’est né Clisthène.

Une autre organisation de la vie etdes étudesPour un CPE, parler de son métier, quece soit à Clisthène ou ailleurs, c’est tou-jours parler d’une situation spécifiquecar les missions du CPE et ses priori-tés d’action changent en fonction duprojet et du type d’établissement. À lanotion d’identité professionnelle duCPE on pourrait presque substituercelle « d’identités professionnelles », et

aux équipes les invariants nécessairesau bon fonctionnement d’un établisse-ment scolaire (valoriser l’élève, mettreen place des repères fixes, associer lesparents, humaniser la relation, s’inscriredans l’environnement, faire évoluer lapédagogie, travailler en équipe…). Nousavons décidé d’aller au bout de notredémarche en créant l’établissement denos rêves, un établissement qui seraitnotamment une réponse aux problèmesque rencontre le collège unique. Il faut,selon nous, transformer la démocratisa-tion de l’accès à l’école en démocratisationde la réussite. Donner à tous les mêmeschances en faisant accéder aux savoirsfondamentaux des jeunes qui n’ont pastrouvé leur panoplie d’élève au piedde leur berceau et permettre un ap-prentissage du « vivre ensemble » dansla dignité et la coopération. Notre dé-marche est « militante » car il existe,selon nous, un enjeu démocratiquemajeur à faire passer par le même lieu

dans mon cas, CPE à Clisthène, parlerd’une situation spécifique est un eu-phémisme à deux titres : le caractèrecomplètement innovant de la structure– une expérimentation globale qui portetout à la fois sur la pédagogie, la struc-ture et l’organisation – et l’omnipré-sence de l’éducatif dans notre projet etnos pratiques. Comment pourrait-il enêtre autrement : ce sont deux CPE quiont pensé ce projet ! Parler de la placede la vie scolaire à Clisthène, c’est par-ler de Clisthène !Je ne peux donc faire un état des lieuxde mes pratiques professionnellesqu’après avoir présenté les objectifs denotre projet et son fonctionnementconcret. À Clisthène, nous avons troisgrands objectifs :1. Susciter l’intérêt, la motivation desélèves et réduire ainsi l’échec scolaire.2. Permettre un apprentissage véritablede la démocratie.

Il faut, selon nous, transformer la démocratisationde l’accès à l’école en démocratisation de la réussite

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 52: Cahiers Pedagogiques 415

3. Prévenir efficacement la violence.L’emploi du temps est mobile. Il respecteles rythmes chrono-biologiques et estcomposé de trois tiers temps pédagogiques :– Les disciplines générales classiquesle matin.– Les projets interdisciplinaires pourdonner du sens aux apprentissages.– Les ateliers trimestriels de 2 h 15l’après-midi, consacrés à la formationartistique, sportive et technologiquepour sortir du saupoudrage, prendreen compte la personnalité de l’élève, di-minuer la « hiérarchie des intelligences »entre savoirs utilitaires et culture abs-traite, préparer ainsi la diversité desréussites et une orientation positive.

Une vision éducative de lapédagogieLa journée commence par un tempsd’accueil du matin de 8 h 15 à 9 h 00.C’est un « sas anxiolytique » entre lededans et le dehors et un temps d’ins-tallation de l’état de vigilance pen-dant lequel les élèves sont accueillispar la moitié de l’équipe sur des pôlesdifférenciés que les élèves choisis-sent : « immersion silencieuse auCDI » sous la responsabilité de l’agentde service, petit déjeuner, salle infor-matique, danse, chorale, salle d’ac-cueil avec les animaux, ping-pong…L’adolescent rentre progressivementdans sa peau d’élève, se réveille à sonrythme grâce à ce temps de pré-ap-prentissage. La journée se terminerapar l’aide au travail.

Il y a des groupements d’élèves diversifiés,la classe n’étant plus l’unique grouped’appartenance :– Groupes de tutorat : une dizaine d’élèves(d’âge mixte et de toutes les classes) au-tour d’un adulte qui les accompagnependant une année de leur scolarité.– Groupes de projet dans les semaines in-terdisciplinaires : groupes de travail dequatre élèves mixtes à différents ni-veaux d’hétérogénéité (scolaire, mixitésociale, classes).

– Ateliers optionnels : théâtre, cuisine,météo, éducation aux médias, ateliershumanitaires, radio, jardinage, créationd’un CD-Rom sur la prévention de laviolence, chant, création musicale,« éducation à la différence », « créationde jeux »…L’éducation à la citoyenneté : nous sou-haitons donner une fécondité au rôletraditionnel de délégué en réorgani-sant l’établissement et la classe de tellesorte que tous les élèves aient – et passeulement les délégués – des respon-sabilités par le biais de rôles trimes-triels d’encadrement, d’entraide et deservices (ex : responsable des animaux,médiateur, responsable de la sécuritéau laboratoire, embellisseur du collège,accueil des nouveaux élèves et relationsavec les élèves malades, délégué aux re-lations avec les personnels de service,délégué aux relations avec les struc-tures de quartier…). Ce sont des rôlestournants, variés et complémentaires.Dans la classe, à chaque demi-journée,les élèves ont également des rôles tirésau sort (lecteur, répétiteur, mémoiredu cours précédent…).Les élèves participent à la vie matérielleet institutionnelle de l’établissement.Les temps forts de la vie du groupe detutorat donnent un exemple de l’im-plication des élèves :– Le temps de bilan hebdomadaire estun moment où l’on explicite l’institu-tionnel – pourquoi telle décision ou tellesanction a été prise –, où l’on entraîneles élèves à la prise de parole, à la prisede décisions et au débat argumenté.

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

52 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Une journée de CPE à ClisthèneVendredi 21 mars 2003

8 h 05/9 h 00 : temps d’accueil du matin.

9 h 00/10 h 30 : travail de remédiation en anglais avec une partie de laclasse de 5e.

10 h 30/11 h 15 : rédaction avec Jean-François du journal à destination desparents et finalisation des documents pour le « bilan » distribués à tous lestuteurs.

11 h 35/12 h 35 : temps de bilan avec mon groupe de tutorat.

12 h 35/13 h 30 : repas avec les collègues sur la table de jardin et ping-pong.

13 h 40 : je reçois trois élèves de mon groupe de tutorat pour leur per-mettre de rédiger l’auto-évaluation qui figurera sur leurs bulletins.

14 h 00/16 h 00 : travail à l’élaboration d’un protocole d’évaluation et deremédiation.

16 h 30/17 h 30 : aide au travail avec mon groupe de tutorat.

« J'ai monté ce projet avec Jean-François Boulagnon »

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 53: Cahiers Pedagogiques 415

Leurs requêtes et propositions remon-tent ensuite par le biais des déléguésdes groupes de tutorat et des tuteurs.– La participation aux tâches éducatives :partant du principe que tout est édu-catif, les groupes de tutorat (tuteurscompris) participent, par roulement,au nettoyage du lieu de vie et au servicede la collation du matin…Il y a bien d’autres choses encore dontje pourrais vous parler (le rapport auxfamilles, la place des nouvelles techno-logies, etc.), mais ce serait trop long etj’invite ceux qui sont intéressés àconsulter notre site Internet : www.ac-bordeau.fr/Etablissement/clistheneAlors, concrètement, comment cela setraduit-il pour moi en tant que CPE ?Qu’est-ce que je fais que je ne faisaispas avant ? Qu’est-ce que je ne faisplus ? Qu’est-ce que je fais différem-ment ? Qu’en est-il de mon identitéprofessionnelle ?

Les tâches que je ne fais plusJe ne suis plus « chef de service » del’équipe d’éducation et de surveillancepuisque nous n’avons pas de sur-veillants. Je ne suis plus l’unique « in-carnation du rappel à la loi » obligée degérer tous les problèmes de discipline,car le rôle de tuteur fait qu’il n’y a au-cune vacance de l’autorité. Quant à lagestion des problèmes de dégradationet de vol, ça ne fait vraiment plus par-tie de mon quotidien pour deux rai-sons : parce que c’est une responsabilitépartagée et assumée par tous et parcequ’il n’y a quasiment plus de problèmede ce type. Je n’ai pas non plus de pro-blème de gestion de l’absentéisme carnotre fonctionnement est le suivant :pendant le temps d’accueil, sous la sur-veillance d’un adulte et de deux élèvesresponsables, les élèves viennent, dèsleur arrivée, matérialiser leur présencesur un tableau. Les appels et la saisiesont ensuite faits par un des membresde l’équipe. Durant la journée, lecontrôle et la saisie des absences sontfaits directement dans les salles par lesadultes en charge des groupes. Noussommes en réseau et avons bâti un lo-giciel « maison ». L’absentéisme n’estvraiment pas un problème puisque nousn’avons eu aucune absence non justifiéedepuis le début de l’année !

Les tâches que je faisais et que je continue à faireLe suivi des élèves, la formation desdélégués (mais étendue à tous les élèveset assumée par tous les membres del’équipe), l’animation éducative (saufque pour les élections du FSE 21 élèvessur 87 se sont portés candidats !), des

heures de vie de classe, le travail sur lerèglement intérieur. Je participe éga-lement, comme tous les membres del’équipe, aux tâches habituellement as-surées par la vie scolaire : surveillancede la cour, portail, appels téléphoniquespour les absences, saisie des absences,accompagnement des élèves à la can-tine, prise en charge des élèves en casd’absence d’un enseignant…

l’élaboration d’un protocole de dia-gnostic et de remédiation qui complèteles évaluations nationales et permetd’aller au-delà dans la résolution desproblèmes. J’essaie de faire vivre letemps d’accueil du matin en cordon-nant les pôles et en proposant des « évé-nements » comme des invités surprise :un père d’élève conteur, un débat surle racisme avec un anthropologue, un

Les tâches que je ne faisais pas etque je fais maintenantCelles qui sont directement liées à mafonction.Dans le cadre de l’éducation à la ci-toyenneté et de l’animation éducativej’impulse et coordonne l’heure de bilanhebdomadaire de tous les groupes detutorat : informations à donner auxélèves, documents à distribuer, thèmede débat… Je cordonne également lesrôles éducatifs : de la sensibilisation desélèves à l’attribution des rôles en pas-sant par la formation des élèves. Dansle cadre du suivi des élèves, je travailledepuis le début de l’année avec un psy-chologue clinicien, une orthophoniste,la COP et Jean-François Boulagnon à

autre sur la dégradation des relationsfilles/garçons, une lecture de livre parla bibliothécaire du quartier, de la pein-ture sur jeans, un scénariste et un au-teur de bandes dessinées, etc. Jem’occupe également – avec l’aide édu-catrice – de la gestion d’un petit chep-tel d’animaux : cochons d’Inde, lapins,poissons. Ceci fait de moi la risée del’équipe, mais je l’assume car les ani-maux ont des effets particulièrementanxiolytiques sur les élèves. La réci-proque n’est pas vraie…J’accomplis aussi des tâches non spéci-fiques à ma fonction et que je partageavec les adultes de l’équipe. Commetous les membres de l’équipe, je parti-cipe à une réunion de concertation heb-

53les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

3. Entre éducation et pédagogie

Conseiller duprésidentBafodé, élève de 5e, est arrivé chez nous au début du deuxième trimestreaprès une cure d’amaigrissement. En raison de son histoire personnelle trèscompliquée et de son arrivée tardive, il est dans une opposition totale. Il y apeu de temps encore, il voulait partir de ce bahut de merde où les élèves sontdes bouffons prêts à participer à toutes les conneries qu’on leur propose (bi-lans hebdomadaires, etc.). Il s’est quand même porté candidat pour le FSE etn’a pas été élu. Il est venu me voir discrètement pour me demander s’il avaiteu un « score honorable ». Je lui ai dit que oui et il m’a alors demandé s’il exis-tait un rôle de conseiller personnel du président du FSE… et qu’il aimerait as-sumer cette tâche. Nous avons donc rajouté un nouveau rôle auquel De Perettin’avait certainement pas pensé. Nous étions ravis ! Depuis, il m’a proposé quetous les élèves candidats non élus puissent être « porte-parole » du FSE. Commej’objectais que peut-être ça ferait des « doublons », il m’a convaincue en di-sant qu’il « faut récupérer un maximum de cotisations pour avoir un budgetdécent et qu’il vaut mieux être nombreux pour passer dans les classes etconvaincre ». Bafodé s’est proposé de cordonner cette action. De plus, me dit-il, « quand on aura acheté de nouvelles raquettes de ping-pong, il faudra re-voir l’organisation du planning et si vous voulez je m’en occupe ».

L’absentéisme n’est vraiment pas un problèmepuisque nous n’avons eu aucune absence nonjustifiée depuis le début de l’année !

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 54: Cahiers Pedagogiques 415

domadaire. Mon statut de co-fondatricem’amène à animer et préparer cette ré-union avec Jean-François Boulagnon.Comme tous les tuteurs, j’anime, pourmon groupe de tutorat, l’heure de bilanhebdomadaire et encadre les tâches édu-catives (ménage du lieu de vie, collationdu matin). J’assure également le bilanpédagogique et éducatif des élèves auconseil de classe après avoir rempli leursbulletins et reçois ensuite les parentspour le leur remettre en mains propres.À Clisthène, aidés par leur tuteur, lesélèves font une auto-évaluation de leurtravail et de leurs compétences socialesqui apparaît ensuite dans le bulletin tri-mestriel. Accompagnés du délégué declasse et du groupe de tutorat, ils parti-cipent également à leur conseil de classe.Chacun d’entre nous participe autemps d’accueil du matin à raison dedeux fois par semaine et toute l’équipeaccueille deux fois par trimestre les pa-rents pour une réunion où nous tra-vaillons par commissions. La prochaineréunion se terminera par un grandrepas type « repas de quartier ».Je participe également à la direction col-légiale avec un enseignant et Jean-François Boulagnon. Les responsabilitéssont partagées au sein de cette direc-tion : je coordonne le volet élèves (suiviindividuel et collectif, éducation à la ci-toyenneté, animation éducative…),Jean-François le volet pédagogique et« personnels » et Vincent Guédé, pro-fesseur d’histoire-géographie, le volet« parents ». Dans le cadre de notre fonc-tionnement coopératif, d’autres res-ponsabilités sont ainsi partagées comme

les relations avec les structures de quar-tier assumées par Claude Lavallée, pro-fesseur de mathématiques.

Directement pédagogueAu plan pédagogique, comme mes col-lègues, j’anime chaque semaine unatelier. Puisque mon objectif est prio-ritairement l’éducation à la citoyen-neté, j’assure une « éducation auxmédias ». Dans le cadre des semainesinterdisciplinaires, j’ai à bâtir l’orga-nisation pédagogique de la semaine(trouver une problématique, trouverdes intervenants, faire les groupesd’élèves, bâtir les grilles d’évaluationde l’oral et de l’écrit), accompagnerles groupes dans leurs recherches etleurs productions et les évaluer.La classe de 5e est tellement faible quenous avons opté pour une pédagogiedifférenciée et des groupes de niveaux.La co-intervention est pratiquée dansde nombreux cours et je prends encharge un groupe en anglais. J’ai faitune séance d’éducation civique avec les6e et souhaite le faire régulièrement dèsque j’aurais un peu plus de temps.Comme tous les tuteurs, j’assure deuxheures d’aide au travail par semainepour mon groupe de tutorat.Certaines de mes tâches sont nouvelleset sont liées au lancement de la struc-ture et à mon statut de co-fondatrice.Je les citerai sans m’attarder même sielles me prennent beaucoup de temps :défendre le projet, effectuer diversesdémarches auprès du conseil général,du collège de rattachement, des syn-dicats, des chercheurs, etc., mettre en

place l’évaluation du projet,co-animer les conseils declasse, rédiger le journalhebdomadaire (L’Écrit de lachouette) à l’attention desparents, bâtir un conseilconsultatif de Clisthènepour palier le fait qu’en tantqu’annexe 1 nous n’avonspas de CA, réguler l’équipeadulte…

À Clisthène, je remplis donc toutes lesmissions assignées aux CPE avec l’im-mense satisfaction de voir le travailéducatif considéré comme primordialet intrinsèquement lié au pédagogique.J’ai investi la fonction pédagogique dumétier tout comme mes collègues en-seignants ont investi la fonction édu-cative et organisationnelle. Quel plaisird’échapper enfin au cloisonnement –des équipes comme des disciplines – etd’appartenir à une équipe d’adultesqui poursuit les mêmes objectifs ! Loind’altérer nos spécificités, cette poro-sité des fonctions nous confère effica-cité et cohérence. Il est certes trop tôtpour évaluer les bénéfices de notrestructure et nous ne trouverons pastout de suite notre point d’équilibrecar ce n’est que le lancement et leschantiers sont nombreux et complexes.Nous avons néanmoins le sentimentd’être dans le vrai, que nos hypothèsesthéoriques sont validées, et nous pre-nons un immense plaisir à travailler età être avec nos élèves. Pour ma part,je suis complètement en accord avecmes valeurs, avec ma conception del’école et de ses missions.

Géraldine Marty, collège expérimental Clisthène,Bordeaux.

DOSSIER Existe-t-i l une vie scolaire ?

54 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

1 Clisthène est en effet l’annexe expérimentale du collège LeGrand Parc à Bordeaux.

Clisthène, sous les barres de lacité du Grand Parc à Bordeaux

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 55: Cahiers Pedagogiques 415

55les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

La formation des CPE en IUFMLoïc Clavier

Dans les centres IUFM de Tours et de Nantes, l’opinion des stagiaires CPE sur leur formationapparaît comme très tranchée : pour eux, la formation reçue est « juxtapositive » et ne présentedonc aucun lien entre le terrain et l’IUFM. Ils disent n’y rien apprendre…

Ce constat fait par les stagiaires aété repris lors d’un colloque1 àl’Assemblée nationale auquel

j’ai participé par une communicationsur la formation par alternance enIUFM. Il est alors clairement ressortid’une table ronde axée sur les témoi-gnages des stagiaires qu’ils considé-raient leur formation comme trèssouvent inadaptée à une pratique deterrain. L’objectif de ma communica-tion était d’éclairer cet écart entre leressenti des stagiaires et les pratiquesde formation en IUFM.Les stagiaires CPE valorisent certainspoints de leur plan de formation et endélaissent d’autres. Par des démarchesindividuelles, ils s’adaptent au dispo-sitif. Pour autant, ces stratégies se dé-veloppent à l’abri des évaluations etdes contrôles institutionnels qui pour-raient mettre en péril la validation defin d’année…

L’évaluation modèle la formationJ’ai identifié dans les typologies de laformation par alternance deux élé-ments.Tout d’abord, le mode de contrôle trèssommatif des acquisitions impliqueun profil de formation impositif.L’évaluation formative au contraire,devrait amener des pratiques de for-mation participative. Le stagiaire y estsollicité sur la base des échanges encommun. L’évaluation « productionde sens » favorise des pratiques de for-mation liée à la recherche de l’éman-cipation du stagiaire. Le formateurattend de lui qu’il produise un savoir,le mémoire professionnel par exemple.Ensuite, la nature de la formation paralternance (juxtapositive quand aucunlien n’existe entre l’activité en centre etsur le terrain, associative lorsque la for-mation prend en compte l’activité pra-tique en l’évaluant, intégrative lorsquece qui est vécu en formation est réin-vesti sur le terrain et vice-versa) ne dé-termine pas forcément les stratégiesd’apprentissage. Les chercheurs quijusque-là ont travaillé sur une typologiede la formation par alternance ont tou-jours affirmé que la nature de la forma-

tion (juxtapositive, associative, intégra-tive) détermine le mode d’apprentissagechez le stagiaire (consommation de sa-voir, production de savoir).La recherche que j’ai menée m’a per-mis de compléter cette typologie en re-mettant en cause ce lien déterministeentre formation et stratégies d’ap-prentissage.

Deux parcoursJ’ai considéré que le stagiaire dévelop-pait des logiques d’agent, d’acteur oud’auteur dans le cadre de la formationen fonction de ce qu’il y apprend et dela manière dont on l’évalue. Ainsi, ilcombine deux parcours: l’un est struc-turant (la formation), l’autre fait émer-ger son identité (l’évaluation). Cetteidentité peut être envisagée comme uneprojection de soi dans l’avenir, une an-ticipation d’une trajectoire d’emploi.2L’évaluation sera donc moteur de saconstruction identitaire. Cela va ame-ner le stagiaire à valoriser certains élé-ments de sa formation plutôt qued’autres. Les stagiaires se posent troisinterrogations majeures :1. Que sera mon premier contact avecles élèves et comment vais-je gérer monfonctionnement sur l’année scolaire ?2. Comment dois-je faire pour être ti-tularisé ? Que me demande-t-on ?Comment puis-je m’adapter et ré-pondre à cette démarche ?3. Qu’est-ce que je deviens l’an pro-chain lorsque je serai titularisé ?Très rapidement ils vont bâtir des ré-ponses évolutives en fonction de leuridentité professionnelle (celle qu’ilsveulent privilégier pour être en facedes élèves, des parents d’élèves et deleurs collègues), de leur capacité à seprojeter dans l’avenir en fonction duplan de formation qu’on leur propose,de la certification qu’on leur impose etde l’équilibre en termes d’investisse-ment personnel qu’ils vont y mettre.À partir de ce moment, ils vont mettreen place des stratégies d’apprentissageliées à leur projet. Ce projet est majo-ritairement un projet de conforma-tion à celui de l’institution… dans sa

forme (la certification notamment).Cependant, il reste un espace de libertéentre l’imposition institutionnelle et laréalité du terrain. Les stagiaires vontl’investir et passent alors, selon les en-seignements et les exercices, à la par-ticipation et jusqu’à l’émancipation.Le dispositif IUFM (circulaire n° 91902du 2 juillet 1991), qui ne varie pas surles rythmes imposés, la culture profes-sionnelle demandée, la validation, estalors relativement mis en échec. Cetéchec est lié tout d’abord à l’éclatementde la formation (quatre lieux de stage,six à neuf personnes référentes, troistypes d’évaluation, etc.) et fragilise soncaractère associatif. La formation de-vient alors plutôt juxtapositive et sa di-mension institutionnelle s’avère trèsprégnante. L’évaluation est instituante,normative. Elle entre en contradictionavec une production de savoir, de senset d’identité.

Loïc Clavier, CPE au lycée professionnelBoulloche, Saint-Nazaire (44),formateur (CPE2) à l’IUFM Tours Fondettes.

3. Entre éducation et pédagogie

1 Colloque du 7 octobre 2000 « Les IUFM : 10 ans déjà ! » or-ganisé par la commission parlementaire de l’Éducation et pré-sidé par J.-M. Marchand, député du Maine-et-Loire.2 C. Dubar, La Socialisation, Armand Colin, 1991.

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 56: Cahiers Pedagogiques 415

La vie scolaire en questionRobert Ballion

L’impression première que melaisse la lecture de ce dossierd’analyses et de témoignages est

que la fonction de CPE soulève, chezceux qui l’assument, les mêmes inter-rogations, les mêmes craintes, le mêmesentiment d’amertume quant à l’in-compréhension dont elle fait l’objet,qu’il y a deux décennies, lorsqu’aprèsla circulaire de 1982 elle était censées’affirmer dans toute sa plénitude.Ces dernières années ont vu, à partir dela loi d’orientation de 1989, s’imposerprogressivement un élargissementconsidérable de l’action de l’école horsdu champ strictement pédagogique.Ces changements, visant à prévenir ouà gérer au mieux les conduites de dé-crochage et de violence scolaires, au-raient dû confirmer comme centrale lafonction des CPE à qui les textes pres-crivent non seulement d’être « présentsà tous les moments où les élèves ne sontpas pris en charge par les professeurs »pour « assumer pleinement leur rôle d’ani-mation » (circulaire du 31/05/1972)mais surtout d’exercer leurs responsa-bilités « dans le cadre général de la “viescolaire” qui peut se définir ainsi : placerles adolescents dans les meilleures condi-tions de vie individuelle et collectived’épanouissement personnel » (circulairedu 28/10/1982). Or, non seulement iln’en est rien, mais cette fonction, aulieu de trouver une place incontestée,est en péril. On évoque ici les mesuresprises concernant la nouvelle catégo-rie de personnels que seront les assis-tants d’éducation. On aurait pu de mêmes’inquiéter de ce que peut entraîner,pour le service éducatif, la volonté mi-nistérielle de « renverser la théorie del’élève au centre du système, pour placerle savoir au centre »… Car, selon le mi-nistre délégué à l’enseignement sco-laire, « la fonction principale de l’écoleest l’instruction publique. Les lycées nesont pas des lieux de vie » (Xavier Darcosle 27/11/2002). Et on peut se deman-der si le ministre délégué, lorsqu’ilévoque aussi la polyvalence des ensei-gnants, ne souligne pas l’effet pervers,

que Claude Caré rappelait en sontemps, de cette spécificité françaisequ’est l’existence d’un corps d’éduca-tion : « Ils sont les seuls en Europe à as-sumer cette mission spécifique. […] Cettespécialisation a permis à une majorité desenseignants de ne pas s’engager du toutsur ce terrain, à l’inverse de leurs homo-logues danois ou allemands. […] On of-frait au corps enseignant la possibilité dudésengagement. » (Rapport du grouped’inspection Établissements et Vie sco-laire, octobre 1992.)

Tout ce que les autres ne font pas…Cette interrogation est tactiquementcentrale dans l’éventualité, – assez im-probable mais qui sait… ? – d’une re-mise à plat des services et des fonctionsà l’occasion de la décentralisation et dela clarification des missions au sein del’établissement. Comme le faisait re-marquer C. Caré, le CPE exerce une« fonction à géométrie variable » et il estcommode pour une institution per-turbée de disposer d’une catégoried’agents qui font tout ce que les autresne peuvent ou ne veulent pas faire. LeCPE pourra-t-il être ce véritable pro-fessionnel, seul à « maîtriser une zoned’incertitude dans l’organisation » (défi-nition de l’expert par Michel Crozier),ou en fera-t-on simplement un agentoccupant un emploi et gérant un cer-tain nombre de tâches dont la réalisa-tion ne demande pas de qualificationsparticulières ?Au risque de choquer, je dirai que cepar quoi la fonction des CPE tire salégitimité n’est pas ce à quoi ils sont leplus attachés. « L’écoute » des élèves,assumer ainsi « héroïquement » la « mis-sion dont on est investi », « changer l’école,changer l’élève, changer les parents, abou-tir là où les autres ont échoué » (GardyBertili) est un travail de médiation quiles amène « à prendre en charge tous lesproblèmes des autres », parce que les pro-fesseurs ne « savent pas gérer lesconflits… » (Alain Abadie).Il n’est nullement question de minimi-ser l’importance de cette action pro-

fessionnelle des CPE, mais uniquementde suggérer que ce n’est pas l’argumentle plus efficient à avancer dans une lo-gique d’affirmation statuaire. Car c’estjustement là où la fonction enseignantedans notre pays peut faire l’objet deplus de critiques : la difficulté à conce-voir l’acte pédagogique à la fois commeun acte technique et une relation hu-maine. C’est dans ce domaine où le pro-grès est le plus attendu. Il n’est doncpas judicieux d’apparaître comme in-directement responsable de cet état defait en fournissant aux enseignants lapossibilité du désengagement.

Des médiateurs ?De plus les données statistiques inci-tent à relativiser le rôle de « médiateur »et de « confident » assumé par les CPE.Un quart d’entre eux (24,1 %) dit qu’ilsévitent d’intervenir et l’attitude la plusgénéralement partagée consiste à inci-ter l’élève à « s’adresser directement auprofesseur concerné ou au professeur prin-cipal » (89,3 %). (Robert Ballion, LaDémocratie au lycée, ESF éditeur, 1998.)À la question posée à dix mille lycéens,sur la possibilité pour eux, dans leurétablissement, de parler avec un adultede leurs problèmes personnels, 64 %répondent par l’affirmative. Et lorsquel’on demande avec qui ce contact peutêtre établi, les CPE n’arrivent qu’encinquième position… (R. Ballion, LesConduites déviantes des lycéens, HachetteÉducation, 2000.)

Une organisation scolaire défaillanteLes CPE exercent une action quicontribue à remédier aux dysfonc-tionnements organiques de l’appareilinstitutionnel. L’établissement sco-laire reste encore, et peu de progrèsont été réalisés en ce domaine, une or-ganisation segmentée, fragmentée.Alors que la nécessité d’articuler l’ac-tion professionnelle de ses diversagents, de définir une politique et unprojet communs, de globaliser la priseen charge des élèves, exigerait qu’ilfonctionne comme une organisationintégrée. Et le CPE, dans les établis-

56 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Regard sur le dossier

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 57: Cahiers Pedagogiques 415

sements « efficaces », tient le rôle quo-tidien de pivot fonctionnel, de miseen relation, de centralisation et de rap-pel de la globalité de l’acte éducatif.Il est le seul à pouvoir exercer cetteaction dans ce sens-là (le chef d’éta-blissement se situant à un autre ni-veau organisationnel).Maintenir l’ordre scolaire ne va pas plusde soi. Si tous les adultes sont, dansl’établissement, garants de cet ordre, ilest évident, sans évoquer le « syndromedu surgé », que les CPE en sont les spé-cialistes. Non seulement parce qu’ilsont une responsabilité organisationnelleet la charge de former ou d’informerles autres professionnels sur ces ques-tions, mais parce qu’aujourd’hui cetordre scolaire n’est plus le prolonge-ment naturel d’un ordre domestique etqu’il appelle une formalisation qui im-plique la possession de savoirs et desavoir-faire. Il n’y a qu’à songer, parexemple, à la judiciarisation du droitscolaire. Ces compétences devraientêtre idéalement maîtrisées par tous leséducateurs de la communauté scolaire.Mais elles gagnent néanmoins à voirleur prise en charge relever principale-ment d’une fonction précise, en l’oc-currence celle de CPE.

Robert Ballion, sociologue.

57les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Bibliographie

Ouvrages sur l’histoire de l’éducationCadilhon F., De Voltaire à JulesFerry. L’enseignement secondaireen Aquitaine aux XVIIIe etXIXe siècles, Bordeaux, 1995.

Caron J.-Cl., À l’école de laviolence. Châtiments et sévicesdans l’institution scolaire auXIXe siècle, Paris, Aubier, 1999.

Parias L.-H., Histoire générale del’enseignement et de l’éducation enFrance, tome 3 (Françoise Mayeur)et 4 (Antoine Prost), Paris, 1981.

Prum P., La Punition au collège,Poitiers, CRDP, 1991.

Ouvrages sur la vie scolaire et les CPEBallion R., La Démocratie au lycée.Paris, ESF éditeur, 1998.

Bouvier A., Éclairagesmétaphoriques sur l’établissementscolaire à l’usage des CPE, Lyon,CRDP, 1997.

Caré Cl., Le Conseiller principald’éducation, en quête d’image,Lille, CRDP, 1992.

Clavier L., Évaluer et former dansl’alternance. De la rupture auxinteractions, Paris, L’Harmattan,2001.

Collectif, Le Livre bleu desconseillers principaux d’éducation,Orléans, CRDP, 1999.

Delaire G., La Vie scolaire, principeset pratiques, Paris, Nathanpédagogie, 1997.

Dubet F., Martuccelli D., À l’école :sociologie de l’expérience lycéenne,Paris, Le Seuil, 1996.

Falcy J.-P., (dir.), Être CPEaujourd’hui, Paris, Adapt-Snes,2000.

Fert J.-M. La Professionnalisationdes conseillers principauxd’éducation, Paris, L’Harmattan,coll. «Défi formation», 1998.

Jourdan P., Délégué flash,Grenoble : CRDP, 1996.

Langanay J.-Y., Rebaud Cl.,L’Établissement scolaire : un jeucollectif !, Paris, Hachette 2002.

Masson Ph., Les Coulisses d’unlycée ordinaire. Enquête sur lesétablissements secondaires desannées 1990, Paris, PUF, 1999.

Obin J.-P., Les Établissementsscolaires entre l’éthique et la loi,Paris, Hachette, 1997.

Rémy R., Serazi P., Vitali Ch., LesConseillers principaux d’éducation,Paris, PUF, 2000.

Les revuesBarthélémy V., « Position des CPE etvie scolaire : vers la recherche d’unmode de fonctionnementcollégial ? », Revue française depédagogie, n° 133, 2000, p. 117-127.

Collectif, La Revue de la viescolaire, Caen, IUFM.

Payet J.-P., « Le “sale boulot”.Division morale du travail dans uncollège de banlieue », Les Annalesde la recherche urbaine, n° 75, 1997, p. 19-31.

Saux J., « Le jeu ambigu des statutset des rôles dans la communautééducative », Revue de la FOEVEN,n° 132-133, 1995, p. 22-28.

Soussan M., « Vie scolaire :approche socio-historique », Revuefrançaise de pédagogie, n° 83,1988, Paris, INRP.Bibliographie établie par RichardÉtienne

Articles complémentaires de cedossier sur notre site :http://www.cahiers-pedagogiques.com/Claude Echerbault : « Un espace desocialisation : l’internat »

Stéphane Auger : « L’autorité et lessurveillants »

Jean-Philippe Ritzler (entretienréalisé par Françoise Lorcerie) : « Le bizness »

Frédérique Idrissi : « Uneexpérience d’étude tutorée »

Un site pour les CPE en poste ou en formation :http://www.paris.iufm.fr/consulter/acces_sites/cpe/index.php3

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 58: Cahiers Pedagogiques 415

58 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

ET

CH

EZ

TO

I Ç

A V

A?

Retrouver ces moments passionnants où on échange pour de bon sur le métier tel qu’on le vit, où on parle de situations critiques, tendues oucomiques, de moments d’euphorie pédagogique (mais si !), de tel garçon ou fille qu’on sent comme un défi à relever (mais on voudrait biensavoir comment !), des propos sur le vif qui donnent à penser. Et aussi pourquoi pas de petites fictions, des rêves autour de l’école…

En mémoire…Il y a quelque temps disparaissait Joanny Martelin,« Monsieur » Martelin comme je l’ai toujours nommé enpensée. Un vrai « Monsieur », oui, érigé sur la force de sesfidélités, particulièrement sur la fidélité envers ceux qui,comme lui, avaient été déportés.C’est dans le cadre du concours national de la Résistanceque j’avais rencontré Monsieur Martelin. Nous étions plu-sieurs élèves de 3e (c’était en 1982) à avoir découvert dansles livres cette période ô combien trouble de la deuxièmeGuerre mondiale puis, ayant gagné le voyage offert par l’as-sociation, à nous être réellement approchés de Dachau,Mathausen. Pendant les années qui ont suivi, des soirées fu-rent organisées par l’association. Aux côtés de ses cama-rades, Monsieur Martelin ne ménageait pas ses efforts pourrécupérer de l’argent et pouvoir ainsi continuer à informeret sensibiliser les jeunes. On le disait volontiers tenace, oui,poussé par son besoin de dire et redire ce qu’il avait vécuen camp, de passer le flambeau aux générations suivantes,en hommage, disait-il, « à ceux qui n’en étaient pas revenus ».Lorsque je suis devenue professeur, c’est son témoignageque Monsieur Martelin accepta d’apporter en classe de 3e.C’est « Nuit et brouillard » de Jean Ferrat que je me fais main-tenant un devoir d’apprendre aux élèves ; autre témoignage.En 1988 eut lieu un voyage à destination de la Pologne et par-ticulièrement d’Auschwitz-Birkenau auquel participèrent,là aussi, des jeunes lauréats au concours de la Résistance etde nombreux anciens prisonniers et déportés. Un voyagequi reste gravé dans mon souvenir… Auschwitz : une vaste

plaine aujourd’hui plantée de quelques baraquements.Auschwitz plombé d’un silence lourd, comme chargé desderniers cris de ces hommes, femmes, enfants qui arrivaientpar wagons. « Arbeit macht frei », le travail rend libre : c’estdès le fronton du camp que l’inscription d’un cynisme ré-voltant chavire. Pour l’une des personnes de Chauffailles, dé-portée à Auschwitz lorsqu’elle avait douze ans je crois,repasser cette entrée pour la première fois après quarante ans,c’était un retour d’une douleur sans doute extrême, douleurque ses mots et ses larmes nous laissaient imaginer. Commentdécrire l’impression qui saisit dans ce qui reste des chambresà gaz ? Comment dire l’écœurement devant ces immenses vi-trines emplies de valises, de cheveux, devant cet amas dechaussures, certaines si petites qu’elles soulèvent le cœur,encore et encore ? Nausée devant ce qui symbolise tout ceque l’Homme peut détenir de plus bestial ; cruauté incon-cevable et pourtant « réalisée » là-bas…Lorsqu’un déporté s’éteint, il laisse notre mémoire collec-tive un peu orpheline, un peu plus fragile. À nous quin’avons pas vécu ce traumatisme dans notre chair, « dans nosos » comme le disait une ancienne déportée, il reste pour-tant la responsabilité de combattre ceux qui voudraientnous faire croire que les camps de la mort n’ont pas existéou qu’ils n’ont pas été aussi dramatiques qu’on a bien voulule dire. Il reste aussi à entretenir la petite flamme du sou-venir, de la connaissance de l’histoire, qui nous rappelleque la barbarie n’est jamais bien loin.

Christine Vallin

La démarche – volontaire – consiste à entretenir une cor-respondance avec un détenu incarcéré pour une longuepeine. L’écriture est le seul contact possible et le seul moyende communiquer. Au-delà du contenu, la plupart du tempsbanal et quotidien, c’est le rituel de l’échange et du cour-rier en lui-même qui est le plus important.Le rapport entre le métier d’enseignante et cette démarchede correspondance ? Il n’est pas simple à établir, d’autantmoins que, dans ma vie de tous les jours, je côtoie des en-fants de trois ans.M’est-il arrivé parfois de me demander si certains enfantsque j’avais tout-petits risquaient de se retrouver à m’écrireen tant que correspondants ? Répondre « jamais » seraitfaux, mais je me refuse à céder à ce déterminisme quiconsiste à dire que tout est joué si tôt.Y a-t-il de ma part une attitude un peu semblable dans lesdeux situations, d’enseignement et de correspondance ?Certainement. Tout d’abord, l’écoute. Celui qui est en face,petit ou adulte, n’a pas toujours les outils de communica-tion pour s’exprimer, que ce soit au niveau du langage pourun enfant – à deux ou trois ans, il faut souvent savoir dé-coder – ou de l’expression écrite pour un adulte qui n’aparfois que le strict rudiment. Ce dernier a déjà la volonté

et le courage de prendre une feuille ; certains se découra-gent et n’arrivent pas à franchir cette barrière. Quand ce pas-sage est franchi, pour beaucoup, les acquisitions scolairessont si faibles qu’il m’est arrivé de lire tout haut certainscourriers tant la transmission de la pensée tenait plus à laphonétique qu’à l’orthographe.Ensuite, la disponibilité, physique comme intellectuelle etmême affective. Dans les deux cas, il faut essayer d’arriversans arrière-pensée, sans a priori, et voir ce que l’autre peutapporter. Dans les deux cas, il faut sortir de son quotidienet de ses préoccupations personnelles pour « être » totale-ment avec l’autre. C’est à cette condition seulement qu’ilpeut y avoir un véritable échange.Enfin, l’humilité. On arrive avec son expérience, ses connais-sances, ses bonnes intentions, et on se rend compte qu’onest à côté de la plaque, que ça ne marche pas. Le détenuauprès de qui je pensais être devenue quelqu’un d’impor-tant ne répond plus ; je n’ai pas compris ce qu’il attendaitde moi, je n’ai pas su lui apporter ce dont il avait besoin, ou,tout simplement, je ne pouvais pas le lui apporter.

Claudine Cordier

La correspondance avec des détenus

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 59: Cahiers Pedagogiques 415

59les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

ET

CH

EZ

TO

I Ç

A V

A?

Il a prisSon styloIl a cherchéUne idéeMais quand il a trouvéUne idéeIls ont tous terminéLeur travailEt pas moi.

Je me suis levéJe me suis habilléJe suis allé à l’écoleJe me suis demandé ce queJe faisais ce matinJe me suis épanoui devant une filleJe l’ai trouvé belleJe lui ai demandé son nomJe lui ai demandéSi elle me trouvait beauJe lui ai demandéSi elle m’aimaitElle m’a giflé.

Il a pris une armeIl a chargé l’armeIl est parti pour la guerre

Sans une paroleSans se regarderIl est prêt à tout détruireEt il a été touchéC’est fini.

La tristesse et la joie

Fondre en larmesSe faire du malSe faire peurSe mettre en bouleSe lever du mauvais piedS’en donner à cœur joieSe faire des amisOuvrir son cœurTrouver l’espoirSe faire une raisonDans la vie il y aDe la tristesse et de la joie.

La fin de la vie

Se voiler la faceTrouver l’espoirSe jeter au feuSe donner la mortOuvrir son cœur

Voler de ses propres ailesAller au paradisSe faire des amisSavoir aimer les gensÊtre gentil avec euxUn jour ou l’autre toutLe monde mourra.

Les sept jours à l’école

Lundi pour dire à la maîtresse « on vadans le passé »Mardi pour dire aux chiffres « dansezsur nos cahiers »Mercredi pour dire « c’est la journéede repos »Jeudi pour dire aux livres « ouvrez-vous »Vendredi pour dire aux couleurs« sortez de vos tubes »Samedi pour dire aux éléphants « nevenez pas, c’est informatique »Dimanche pour dire à mon papa « ony va ? »Et sept jours de plus par semaine,Ma maîtresse,Pour vous dire que j’aime bienl’école !

Créations poétiques d’élèves

Textes d’élèves de CM2 en réponse à la question : « Ettoi, qu’est-ce qui te met en colère ? »Je déteste le temps qui passe. Par exemple, moi plus tarddans 60 ans j’aurai soixante-dix ans et après c’est la mort !C’est pour ça que j’aime pas ça. La mort c’est triste et onva y passer. Et dire que dans vingt ans peut-être je seraismaman et je serais mariée. Mais ce qui est dommage c’estque le temps ou les années passent de plus en plus vite etdire qu’on est déjà en 2002.Mais bon, c’est la vie !

Ça me met en colère de voir des personnes qui cassent lesvitres, qui font des tags, qui salissent l’immeuble.

Ce qui m’énerve c’est qu’on prend des animaux pour desboîtes de conserve. Je trouve ça pas juste. Exemple : onprend un chien et après on va en vacances, alors on ne saitplus quoi faire du chien et on l’abandonne.Il faut se dire que les animaux font partie de la famille.Aujourd’hui ça m’énerve et ça m’énervera toujours.Occupez-vous bien des animaux !

Ça m’énerve de me retrouver seul car je m’ennuie. C’estvraiment pas amusant de rester seul. Tu fais vraiment riendu tout. J’ai beau chercher, mais je ne trouve rien, jem’énerve. Et le pire c’est s’il pleut et que je suis seul.

Ce qui me met en colère c’est quand il y a des racistes quituent des personnes qui ne sont pas de la même couleurqu’eux. La couleur n’a rien à voir avec la bêtise. Je ne com-prends pas ça même si des fois je n’aime pas quand on semoque de ma couleur de peau.

BlagueDevoirs pour la maîtresse pendant les vacances.Lettre envoyée par un élève de CM2 à sa maîtresse :Prendre les copiesLes corrigerFaire attention aux fautesLes rangerPrendre d’autres copiesFaire la même choseÊtre à l’aiseSe coucher sur le canapéAllumer la télévisionÊtre bien tranquille et croire qu’il n’y aura plus d’école !

Textes des élèves de Dominique Chauvet

Je déteste

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 60: Cahiers Pedagogiques 415

60 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

ET

CH

EZ

TO

I Ç

A V

A?

Retrouver ces moments passionnants où on échange pour de bon sur le métier tel qu’on le vit, où on parle de situations critiques, tendues oucomiques, de moments d’euphorie pédagogique (mais si !), de tel garçon ou fille qu’on sent comme un défi à relever (mais on voudrait biensavoir comment !), des propos sur le vif qui donnent à penser. Et aussi pourquoi pas de petites fictions, des rêves autour de l’école…

Quand je venais de passer une nuit blanche au chevet de monfils malade ;quand les obligations professionnelles commençaient à peserun peu trop lourd et que j’avais envie de tout plaquer ;quand une mort subite me ravit farouchement mon frère ;quand je n’arrivais pas à me remettre de l’assassinat de notrevoisin par une bande de brutes sans foi ni loi ;quand, après tous ces coups durs et bien d’autres encore quiont jalonné ma vie, j’étais contrainte de rejoindre ma classe,le cœur n’y était pas, je l’avoue.J’appréhendais ce retour, craignant de ne pouvoir remplirma mission avec la même ardeur et le même dynamismequ’avant.Je me demandais si, en fin de journée, je n’allais pas repas-ser chez le médecin pour redemander un arrêt de travail.C’était sans compter sur les petites têtes brunes, fort astu-cieuses, qui m’attendaient. Il suffisait parfois d’un mot, unseul petit mot, à ces génies de l’improvisation, pour dé-clencher un fou rire dans la classe. Un fou rire contagieux,qui m’atteignait, malgré mon austérité résistante.Je riais. D’un rire au pouvoir magique, dont je ressentaisinstantanément les bienfaits. Je réalisais alors que ce

« pitre » venait de réussir ce qu’aucun « psy » n’aurait peut-être été capable de faire. Ce chérubin était arrivé, sanseffort, à me défaire de la morosité d’éteignoir que j’affi-chais quotidiennement. Après ce rire miraculeux, je mesentais revigorée, débarrassée de mon affliction, trans-portée par cette hilarité dans un monde fantastique, lemonde du rire, de la légèreté, de l’innocence, du pouvoirmagique des enfants.Le rire est alors devenu pour moi un stimulant précieux,aussi bien pour l’exercice de ma fonction d’enseignanteque pour envisager l’avenir et affronter la vie avec opti-misme, sans toutefois tomber dans la béatitude. Mes élèves,tout naturellement, avec une pointe de malice, beaucoupd’intelligence et une grande dose de tendresse, ont réussià me transmettre leur joie de vivre, leur bonne humeur etleur insouciance.À tous ceux-là, je voudrais exprimer ma gratitude pourm’avoir aidée à surmonter la cruauté de la vie et pour m’avoirempêchée peut-être de sombrer dans la dépression.

Khadidja Licir

Le rire salvateur

La fête du quartier bat son plein : les enfants récitent despoèmes de leur cru sur les planches de la scène bricolée parun parent en essayant de couvrir le bruit d’ouragan de l’or-chestre rock amateur voisin. Un homme rieur, portant un en-fant sur ses épaules, la trentaine et demi, s’approche de moi.– Vous ne seriez pas par hasard monsieur Pyvoir ?– Mais si… on se connaît ?– Oui, vous devez sûrement vous souvenir de moi, j’étaisdans votre classe au collège Allende, en quatrième… en se-conde langue.– Peut-être, si vous me rappelez votre nom.Là, je m’interroge toujours. Dois-je dire vous ? Ne vais-jepas donner l’impression de ne pas vouloir rétablir les pontsavec le passé ? À l’inverse, ai-je encore le droit à cette fa-miliarité du « tu » qui me place aussi au-dessus de lui, caril ne va certainement pas me tutoyer ?– Oui, c’est Antoine Marchal, vous savez bien, j’étais in-supportable avec mon copain Gaël, on a dû vous en fairebaver, on n’arrêtait pas.Ben non, pas de souvenir brûlant. Oui, son nom me ditquelque chose, associé à son copain, je les revois dans laclasse, au fond à gauche, rigolards et un peu provocateurs,des ados vivants, quoi, en bonne santé. Ceux qu’il faut fré-quemment remettre en place sous peine de les voir occupertout le terrain, mais dont l’avenir ne vous inquiète pas. Pascomme ces jeunes de maintenant, désabusés, meurtris parl’exclusion répétée et qui vous font payer cher leur désespoirpar un comportement volontairement destructeur.– Ah oui, je me souviens, alors, où en es-tu maintenant ?

Tiens, le « tu » m’est venu spontanément.– Vous voyez, j’ai un enfant et une compagne et je travaillecomme éducateur. Mais franchement, vous ne m’en vou-lez pas d’avoir été aussi pénible ? Quand je vous ai reconnu,j’ai failli ne pas oser vous saluer, mais je me suis dit que jedevais assumer, après tout, vous ne m’avez jamais sacqué,ni même vraiment puni.Il est déçu, je le vois bien, il n’était pas ma bête noire. Sonimage du David bravant le Goliath professoral s’effondre,va-t-il me faire le couplet du bon vieux temps ? Allez, je luifais le coup de l’écoute active :– Ah bon ?– Non, non. Faut dire que je n’avais pas choisi l’allemand,c’est ma mère qui voulait, moi j’aurais voulu espagnol, ques-tion de facilité. Mais ce n’était pas une raison pour êtreaussi désagréable…Non, je ne rentre pas dans le conflit des langues et je lelaisse poursuivre :– Et vous savez que la maîtresse de mon fils m’a dit qu’ilavait déjà son petit caractère– Ah bon, lui aussi ?– Oui, je crois que s’il insiste je le laisserai faire espagnol,ça épargnera un prof d’allemandEt tous deux de rire. Il ne sait pas le plaisir qu’il me fait.Quand je suis avec mes élèves d’aujourd’hui, j’essaie defaire en sorte que dans quinze ans ils ne changeront pas detrottoir pour m’éviter.

Jean-Claude Voirpy

Quinze ans après…

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 61: Cahiers Pedagogiques 415

61les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

ET

CH

EZ

TO

I Ç

A V

A?

Pourquoi n’ai-je pasaimé l’école ?Depuis mes débuts à l’école, mon père qui m’adorait a voulum’aider dans ma scolarité. Mais malheureusement pourmoi, il était né en Amérique centrale, et connaissait mieuxl’espagnol que le français. L’instituteur m’apprenait à écriredans la journée, mon père m’aidait le soir ; mais ce dernierconfondait les « v » et les « b », ce qui donnait « vache » aulieu de « bâche », donc punition de l’instituteur… et le soir,punition par mon père !Les années d’école ont passé. Dans les dernières années,l’instituteur m’avait placé à côté du premier de la classe, etj’en profitais pour copier, surtout les dictées. Cela n’a pasplu aux autres élèves, qui m’ont dénoncé à l’instituteur.Celui-ci a répondu, bien sûr, que ce n’était pas bien, maisqu’au moins j’apprendrai à écrire sans faire de fautes ! Il vasans dire que je n’étais pas noté…Un mauvais élève de soixante-quinze ans,

Rémi Fossart de Rozeville

Je suis artiste marionnettiste et, dans le cadre d’une forma-tion qui avait pour but de nous apprendre la pédagogie, afinde dispenser notre art à des élèves, je me suis retrouvée dansune école de ZEP.La directrice était une enseignante humaniste comme il y ena trop peu et à qui je voudrais rendre hommage : elle qui of-frait un gâteau d’anniversaire à un enfant dont les parentsétaient trop pauvres pour le faire, qui disait en parlant de sesélèves : « regardez comme ils sont beaux, serviables et bienélevés »…Elle leur faisait confiance et les respectait, savait aussise montrer sévère, mais toujours juste. Les enfants l’adoraient,les parents l’appréciaient et les grands frères la respectaient.J’ai d’abord proposé mes services de marionnettiste à uneinstitutrice de CP : tout s’est bien passé, mais je n’ai en finde compte qu’animé un atelier de marottes… J’appris trèsvite qu’il y avait une classe d’adaptation : douze élèves in-trovertis, mal dans leur peau, malhabiles ; un instit sévèreet incrédule que j’ai dû amadouer, qui, petit à petit, a prisconfiance, m’a laissé faire auprès de ses élèves. Il fallait leurapprendre les gestes les plus élémentaires : pliage, peinture,modelage, choix des couleurs, assemblage… À force d’en-couragements, de sourires, de compliments, d’explications,et beaucoup de persévérance de leur part, les marionnettesont été fabriquées.Les enfants laissèrent éclater leur joie, le maître incréduleles félicita et je n’aurais pas pu dire, de l’instit ou des élèves,qui était le plus fier du résultat. J’étais émerveillée de consta-ter que la réalisation d’un personnage, en plus de la dé-couverte des techniques manuelles, apporte à l’enfant unetelle confiance en lui, une telle joie de se savoir capable decréer quelque chose qui lui ressemble, qu’il met en mou-vement et à qui il fait dire ce qu’il n’ose pas dire.Le temps du stage en milieu scolaire était terminé, mais jeme sentais tellement bien dans cette école que j’y prolon-geais mon séjour ; j’y étais à ma place.

La troisième étape fut la classe-passerelle ; neuf garçons deonze, douze ans, réunis par deux points communs : violenceet insociabilité. Pour certains aussi, une grande vivacité d’es-prit, de l’humour et de touchantes attentions. LorsqueB. commença à m’expliquer pourquoi il avait choisi le nomde « Super Héros » pour le personnage qu’il voulait fabriquer,un silence de plomb s’installa : « Quand Super Héros étaitpetit, sa mère l’avait oublié à la crèche, et c’est la police quiest venu le chercher… » Puis, chacun expliqua pourquoi ilvoulait être pompier ou policier. Pour chacun, ce choix étaitl’expression d’un rêve, d’un désir qui ne pouvait pas se réa-liser – comme si leur avenir était déjà tout tracé – et qu’ilsvoulaient vivre à travers une marionnette à leur image, crééeet animée par eux.Je reste persuadée que chacun de ces enfants a un trésor aufond de son cœur, et que c’est à nous, adultes, de les guiderpour qu’ils le découvrent eux-mêmes. Je pense qu’à traversl’art ils apprendront à s’aimer, à se faire confiance, à déve-lopper leurs valeurs, à se respecter et à respecter les autres.Peut-être pensez-vous que pour moi aussi tout ceci est l’ex-pression d’un rêve, d’une utopie, mais je crois profondémenten ces gosses qui cachent derrière leurs airs de « petits durs »des montagnes de souffrance, de doute. Il n’est jamais troptard pour les écouter, leur faire confiance et les assurer deleur grande valeur.Je désire mettre à leur service mon savoir-faire artistique etles amener à découvrir eux-mêmes leur potentiel créatif.Je remercie les responsables de la formation, la directrice etles instituteurs de l’école, les enfants et tout particulièrementJimmy.

Lydie Jordi

Une artiste dans une école difficile

L’école, ce n’est pas rienL’école, ce n’est pas rien au cours de l’enfance… c’est untravail à plein temps.Toute cette période apporte plus que le contenu stricte-ment scolaire.L’apprentissage de la somme de connaissances nécessairespour cultiver l’homme s’accompagne, pour certains, d’unapprentissage plus fort et plus profond, celui des émotionset des sentiments. Ces ressentis que l’on apprend, seul, à dé-couvrir et à canaliser perturbent, troublent, rendent pro-fondément triste ou fou de joie. Que ce soit à n’importequel moment de la journée, en classe lorsque le professeurdonne, avec le sourire, une copie très bien notée, dans lacour sous le regard intéressé d’une jolie camarade ou bienau cours du chemin de retour vers la maison, rendu longet pénible par une très mauvaise note ou une punition à an-noncer aux parents…

Denis Gruant

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 62: Cahiers Pedagogiques 415

62 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Après leur en avoir expliqué le principe, je leur pro-pose de commencer. Personne ne s’inscrivant, jem’inscris.

Dans cette classe, est scolarisé Majid qui est ce que l’on ap-pelle un enfant bolide. Placé dans une famille d’accueil. Ilvient de Lille. Il a été exclu du collège précédent aprèsqu’une enseignante a porté plainte. Il est suivi par une édu-catrice judiciaire.Majid vient de la ville et considère les gens de la campagnecomme des arriérés. Il roule les mécaniques et multiplie lesremarques blessantes à l’encontre de ses camarades de classe,sous couvert de plaisanteries. C’est un garçon intelligentqui connaît les limites à ne pas dépasser pour aller au pénal.Maghrébin, il a par culture une estime tout à fait particu-lière pour les femmes. Or l’équipe pédagogique constituéeautour de cette classe-projet est essentiellement féminine !Bref, Majid est la peau de banane que des collègues bien in-tentionnés nous ont glissé dans la classe. (On va voir si celui-là aussi, vous allez l’emmener dans votre appariement…)Utilisant mon temps de parole, j’aborde les remarques bles-santes de Majid. Elles me gênent car elles portent atteinteà la dignité d’élèves dans la classe. Je ne pense pas qu’ellessoient foncièrement méchantes, mais j’insiste sur le fait quece genre de plaisanteries et leur caractère répétitif me dé-rangent sur le plan humain et ne contribuent pas à favori-ser une bonne ambiance dans la classe. S’en suit unediscussion où les avis sont partagés : certains trouvant qu’iln’y a pas là de quoi en faire un fromage. D’autres disantqu’effectivement s’il en rit, il en rit jaune. Une élève, Nelly,se fait la porte-parole d’une autre élève tenue de porter uncorset métallique et dont Majid se moque régulièrement. Nous étions un mercredi. Je ne revoyais plus les élèves avantlundi.Lundi, Nelly et un groupe d’élèves m’attendent : – « Madame, il y a un problème. Comme Nelly a osé donner sonopinion mercredi en vie de classe, Majid la harcèle depuis, ilmonte la classe contre elle en la traitant de fayotte et lui envoiedes menaces. »Ils me sortent une affichette : « Wanted la cervelle de Nelly ».– « Bon alors, comment on s’y prend ? Je fais la morale à Majid ?Je le punis ? On apporte l’affiche au CPE ? Ou bien on orga-nise un quoi de neuf pour poser le problème ? »– « Il vaut mieux organiser un quoi de neuf et que l’on s’ex-plique dans la classe. »

OK. J’accueille la classe plus tard dans l’après midi, l’am-biance est tendue. Majid et ses partisans savent que lesautres sont venus me trouver et ils s’attendent à une réac-tion contre eux. J’ai disposé les chaises en cercle. « Bon,vous entrez, pas besoin de cartable aujourd’hui. On fait un quoide neuf exceptionnel. » Deux clans se forment. Majid s’ins-talle en retrait affalé sur sa chaise, signifiant « de toute façon,je m’en fous de ce que vous allez dire… ».Je rappelle les règles du quoi de neuf… J’annonce qu’ex-ceptionnellement je tiendrai le rôle de secrétaire (pour moic’est une manière de me mettre en retrait et d’anticiper surma tendance à prendre trop vite la parole, ce que je ne pour-rai pas m’empêcher de faire quand même !). Cinq élèves,partisans de Nelly, s’inscrivent. Brouhaha. – Majid : « Ben ouais, on le savait que vous allez faire un quoide neuf sur mon dos ! » – Prof : « Eh bien inscrivez-vous et vous aurez droit à la pa-role, on pourra entendre votre point de vue. » – Majid : « À quoi ça sert ! De toute façon on aura tort et lesintellos raison. Et puis je m’en fous de ce que vous pensez, je faisce que je veux, c’est pas maintenant que je vais changer ! »– Prof : « Bon alors personne ne s’inscrit pour faire valoir unautre point de vue ? »Finalement une fille du groupe de Majid s’inscrit.On commence… Et très vite cela tourne à l’affrontement.Je demande à Majid de m’expliquer ce qui s’est passé de-puis mercredi et il se moque ouvertement de moi : « Ehbien, je suis rentré chez moi, j’ai mis mes pantoufles… J’ai faitcela parce que je m’ennuie et je suis comme ça, j’aime faire souf-frir les autres. » Je réagis avec des arguments lamentables :« Si tu joues à te foutre de moi, cela va être terminé rapidementpar une convocation chez le chef d’établissement… » C’est l’es-calade : il ne peut que s’enferrer dans son personnage, je nepeux pas perdre la face.Heureusement le gardien du temps nous fait remarquerque le temps de parole est écoulé ! Ouf, sauvés par le gong,et je mesure là tout l’intérêt de la technique. Elle permet unemise à distance, elle stoppe le processus d’escalade dans laviolence. La conversation reprend sur le même thème, maisavec d’autres interlocuteurs. Qui osent dire à Majid : « Onne peut pas être d’accord avec toi ! »La discussion est riche. Je laisse aller, soulignant l’importancede s’écouter. L’objectif n’est pas de trancher qui a tort, quia raison, mais de trouver une solution pour vivre ensemble.

FAITS & IDÉES

Le quoi de neuf, un outil pour l’heure de vie de classe ?

Je suis cette année pour la première fois professeur principal d’une 3e. Cette classe s’est constituée au-tour d’un projet d’appariement. Un objectif pour moi est donc de constituer un groupe classe solidaireet de favoriser une bonne ambiance de classe. Instituer un rituel du « quoi de neuf » est un moyen d’yparvenir. À la première heure de vie de classe, j’ai donc présenté à mes élèves le projet et ses objectifs.Dans le questionnaire de rentrée je leur avais demandé : L’heure de vie de classe, à quoi cela sert ? Qu’estce que vous en attendez ? Faites une proposition…

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 63: Cahiers Pedagogiques 415

63les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

L’heure s’est passée sur le fil du rasoir… Le lendemain, onfait cours. Je suis incapable de dire si le problème est résoluou pas… Mais je n’y fais pas allusion. À la fin de l’heure,je retiens Majid. Réaction de défense immédiate : « J’ai rienfait !» « Je n’ai pas dit que tu avais fait quelque chose, il fautque je te parle… » Et je lui parle de… l’appariement !J’ai promis un compte rendu… Comment le rédiger. Faireapparaître deux clans, c’est renforcer, installer la scissiondans la classe. Comment m’y prendre. Je décide de présen-ter dans un tableau : la question/ce qui pose problème/cequi ne pose pas problème. Certains aspects posant problèmeau groupe de Nelly et pas à celui de Majid, et réciproque-ment. Cela permet de transcender le clivage. Ce faisant je merends compte que l’échange a été prodigieusement riche.Depuis, le problème s’est réglé. J’ai envoyé un e-mail à Nellypour lui demander si moralement cela allait mieux. Julienest venu me remercier : « Maintenant cela va mieux dans laclasse. On n’est pas toujours d’accord, mais on se parle fran-chement sans représailles. »Majid s’investit dans le cours, il obtient des résultats mais jouesur le registre affectif. « Vous êtes cool comme prof… J’adorel’histoire-géo… Votre mari, il m’aime bien, il me serre la maindans la rue. » Sans cesse, je dois le ramener à la tâche : « En cours

on travaille, le reste on en parle si tu veux mais à un autre moment. »Il a lâché dans la classe : « Ouais, je joue les durs mais au fondj’ai un bon cœur ! » (lui qui faisait l’apologie de la brute etdu truand !).Les élèves qui étaient dans sa classe l’an dernier viennentm’expliquer : « Madame, cette année Majid c’est rien par rap-port à l’an dernier ! » « Eh bien on va l’aider à changer encore. »Nous avons enchaîné en vie de classe sur les élections de dé-légué. Majid est candidat et un élève a accepté d’être sonsuppléant pour qu’il puisse se présenter. La campagne, c’estdu sérieux. Quatre couples de candidats, droit de publicationdes programmes et professions de foi, droit au meeting (tempsde parole dans la classe). Le tout sans atteinte aux personnes.J’en profite pour traiter en éducation civique de l’engagementdu citoyen. Majid a été élu délégué et compte se présentercomme représentant des élèves au conseil d’administration. Affaire à suivre…

Marie-Andrée Vanhove, professeur d’histoire géographie en collège,

formatrice associée à l’IUFM Nord-Pas-de-Calais

FAITS & IDÉES

Une longue préhistoire et quelques millénaires idéo-graphiques ont été nécessaires pour que « l’homme deparoles »1 invente l’alphabet de l’histoire, pour qu’il

se rende compte que ses propres paroles sont segmentables encomposants phoniques élémentaires, pour qu’il apprenne enbref à les épeler avant d’en concevoir la transcription2. Cettedurée donne la mesure de la difficulté cognitive d’ordre « pho-nologique » qu’un enfant rencontre face à un principe d’en-codage d’une si pourtant limpide simplicité : un petit son, unepetite lettre. Car cette équation élémentaire ne peut fonc-tionner sans une connaissance explicite de chacun de sestermes. Pour pouvoir lier des sons à des lettres encore faut-il en effet au préalable prendre conscience de l’existence oralede ces petits sons qui rarement se font entendre seuls, presquetoujours si liés à d’autres qu’ils sont.

L’inconscience phonologiqueLa compréhension du mécanisme alphabétique suppose lacompréhension du mécanisme phonologique. Mécanisme,il est important de bien le souligner, qui s’exprime d’ailleursaussi bien sur le plan acoustique qu’articulatoire. Il concerne

autant l’oreille que la bouche. C’est du reste l’acquisition decette « conscience » articulatoire qui permet aux sourds d’ap-prendre à parler et à lire. Il suppose de savoir explicitementreconnaître et isoler dans les paroles « parlées » les compo-sants phoniques élémentaires. Or si le fait d’être locuteur im-plique l’effective expertise phonologique pratique – si unenfant distingue/ma/de/ta/et sait les produire différents,c’est qu’il repère a fortiori une différence entre/m/et/t/–cette manifeste capacité de distinction et de manipulationphonologique reste toutefois totalement inconsciente. Onparle en effet sans avoir besoin de prêter attention aux moyensépelés employés dans l’énonciation d’autant plus que l’onparle en coarticulant les sons et non en les épelant. Mais lireet écrire « en alphabet » ce n’est toutefois plus produire in-consciemment du langage, c’est le reproduire sciemment. Lalecture, silencieuse ou à haute voix, est en effet une repro-duction volontaire de la parole. C’est un décodage attentifd’instructions épelées pour produire un flux sonore coarti-culé. La reproduction linguistique suppose ainsi une acti-vité volontaire et attentive de formulation du message sonore

Alphabétiser l’oreilleOn nous montre ici que pour bien apprendre à lire avec les yeux il estbon de passer par l’éducation de l’oreille en faisant procéder le jeuneenfant à des exercices phonologiques qui le conduisent tout simple-ment… à épeler les mots.

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 64: Cahiers Pedagogiques 415

FAITS & IDÉES

64 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

dans laquelle la connaissance explicite des éléments de base,et non plus la seule performance, est indispensable.

Parler les parolesIl incombe par conséquent d’alphabétiser l’oreille et labouche et non pas exclusivement l’œil et la main. Car l’anal-phabète, le jeune enfant donc, méconnaît la réalité seg-mentée de sa propre parole. Concentré sur le sens etnaturellement habitué à coarticuler, il n’entend littérale-ment pas tout ce qu’il dit. Pour lui chaque parole forme unbloc phonique indivis qu’il est incapable de segmenter ex-plicitement. C’est le célèbre syncrétisme de la Gestalt. Plusou moins « agglutinante » selon la classe sociale 3, la coarti-culation – qui fait que, sauf parfois pour les mots voyelles,l’on ne parle pas en mode « épelé » en séparant par un si-lence chaque son élémentaire des mots pas plus que l’on nedétache habituellement les uns des autres les mots desphrases. Ceci est une gêne pour l’audition des sons élé-mentaires et l’entendement du principe alphabétique. D’oùla difficulté qui se pose parfois à l’enfant à ses débuts d’ap-prentissage. Comment en effet peut-il reproduire une pa-role qu’il « pressent » monolithique et insécable à partir d’unconglomérat disloqué qui ne lui dit rien ? Il ne comprendpas toujours rapidement que sont représentés là alphabé-tiquement les éléments phonologiques qu’il énonce agglo-mérés. Pour lui les sons élémentaires n’ont aucune réalitéphonique indépendante. Dans le sens propre du terme,l’école les lui fait entendre trop peu. Discréditée parce quemanifestement fautive en lecture, la forme phonique épelée,sorte de parole au ralenti, se voit indûment dénier toute va-leur propédeutique pour l’apprentissage de la lecture et del’écriture. En cela, la lecture et l’écriture des chiffres satis-font bien mieux l’enfant, et là ni échec d’apprentissage nianalphabétisme de « retour » massifs 4. En définitive, jeuneMonsieur Jourdain bavard, l’enfant fait de la phonologiesans le savoir. Or lire et écrire « en alphabet » c’est faire dela phonologie en le sachant ! C’est apprendre intentionnel-lement à combiner, en lecture, et à séparer, en écriture, deséléments sonores qui existent individuellement ! Et lameilleure façon de le lui faire savoir c’est de lui faire « maïeu-

tiquement » parler les paroles comme on les lui fera écrire :c’est de le faire parler comme on ne le fera surtout pas lire :en mode épelé ! C’est symétriquement aussi de lui faire pro-duire du coarticulé à partir d’un message prononcé en épelépar le maître. Des centaines d’exercices purement phoniquessont à ce titre envisageables : redire un mot entendu en luienlevant le premier (/cage-age/) ou le dernier son (/mai-son-maize/), enlever les sons l’un après l’autre comme unrobot cassé qui entendant/train/reproduit/rain/, enten-dant/rain/reproduit/ain/et entendant/ain/se tait avec ledoigt sur la bouche cousue, ajouter un son prédéfini audébut (/age-page/) ou à la fin du mot (/cha-chappe/), battreles mains autant de fois qu’un mot a de phonèmes, ré-arti-culer un mot entendu en épelé, produire des rimes et desallitérations. Ainsi on lui fera établir un rapport d’oreille etde bouche entre la forme épelée (qui est la forme écrite) etla forme parlée standard d’un mot 5. Ainsi on lui enseignerapour son plus grand profit le fonctionnement phonologiqueavant de le confronter où en même temps qu’on le confron-tera à un alphabet qui en est l’illustration.Apprendre à épeler l’oral c’est en somme apprendre à lire !

Scampa Paolo, SSLMIT Forlì, université de Bologne.

FAITS & IDÉES

1 Claude Hagège, 1985, L’Homme de paroles.2 Le monde « alphabétique » à ce titre ne sera jamais assez redevable envers ce ou ces géniesinconnus du lointain passé qui les premiers en ont fait le constat et nous l’ont légué dans toutesa lumineuse clarté.3 Une majeure distinction phonique dans les classes sociales favorisées, une élocution moins ag-glutinante et plus démarcative pourrait en grande partie expliquer la bien meilleure réussite sco-laire en lecture de leurs enfants pourtant novices et analphabètes tout autant que les autres.4 Fait universel remarquable, les analphabètes de « retour » tout comme les mauvais lecteurssont presque tous des bons chiffreurs. Ils peinent pour lire « vingt-deux » mais pas pour lire« 22 » ! L’écriture idéographique dispense en effet le lecteur de conscience phonologique.5 Cette mise en rapport entre mode épelé et mode coarticulé n’a rien d’automatique. Les « mau-vais » lecteurs, jeunes ou adultes, ne sont-ils pas justement ceux qui épellent l’écrit sans savoirépeler l’oral ? Ceux qui, extraordinairement, ne parviennent pas à reconstruire la prononciationnormale des mots depuis une épellation qu’ils semblent savoir produire pourtant ? C’est que l’épel-lation de l’écrit n’amène pas à prendre conscience du fait que l’oral puisse s’épeler. Ce sont deuxchoses tout à fait différentes.

BIBLIOGRAPHIEAlegria J.,1991, « Mécanismes spécifiques de la lecture : l’identification des mots écrits »,in Les Entretiens Nathan, Actes I, Nathan, p. 51-67.

Breton N., 2000, « Pour une réussite éducative : éveiller les élèves à l’écrit dès la maternelle », Vie pédagogique, n° 115, avril-mai.

Denhière G., Maroub Y., Terriou G., Tapiero I., 1994, « Le savoir-lire et le non savoir-lire : diagnostic, simulation et remédiation », in Évaluer le savoir-lire, Montréal, Éditions Logiques, p. 199-244.

Fayol M., Gombert J.E., Lecocq P., Sprenger-Charolles L., Zagar D., 1992, Psychologie cognitive de la lecture, Paris, PUF.

Fijalkow J., 1986, Mauvais Lecteurs, pourquoi ? Paris, PUF.

Giasson J., 1995, La Lecture. De la théorie à la pratique, Montréal, Gaëtan Morin.

Gombert J.E., 1990, Le Développement métalinguistique, Paris, PUF, Psychologie d’Aujourd’hui.

Grondin I., Givard L.,1997, L’Alphabet, un jeu d’enfant, Montréal, Guérin.

Martinez J.-P., 1993, « L’entrée dans l’écrit des enfants d’âge préscolaire », in La Réussite des enfantsdès l’entrée dans l’écrit, Sherbrooke, Éditions CRP.

Melançon J., Ziarko H., 2000, « Manipuler les sons de la langue orale pour apprendre à lire », Québecfrançais, hiver 2000, n° 116, p. 40-43.

Tardif J., 1992, Pour un enseignement stratégique. L’apport de la psychologie cognitive, Montréal,Éditions Logiques.

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 65: Cahiers Pedagogiques 415

65les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Analyse de pratiques et démocratie

Jean-Michel Zakhartchouk

L’analyse des pratiques est entrée, aujourd’hui, dans l’ère périlleuse de l’institutionnalisation. Lesdiscours officiels la prônent, l’encouragent, l’incluent même de façon obligatoire dans la formationinitiale en IUFM. Dans ce contexte, il est important, pour les militants de la première heure de cetinstrument d’élucidation et de professionnalisation de notre travail enseignant, de réfléchircollectivement sur ce qu’il apporte et dans quelles conditions.

L’atelier animé par KristelGodefroy et Michel Tozzi a sur-tout envisagé une des modalités

d’analyse, le GEASE (groupe d’entraî-nement à l’analyse des situations édu-catives), qu’il fallait d’abord vivreensemble avant de l’examiner à partirde la problématique de l’atelier. En fait,de quoi parlons-nous exactement ?S’agit-il de dire que le GEASE, et l’ana-lyse des pratiques en général, sont « dé-mocratiques » au sens où le pouvoirserait partagé, la parole circulerait li-brement ? Est-cet ici la « forme » quinous intéresse le plus ? Qu’en est-il alorsde la place de l’animateur, garant d’undispositif relativement contraignant ?Qu’en est-il de la gestion du temps ? Il

faut du temps pour faire vivre la dé-mocratie. Or, l’institutionnalisation etla généralisation de l’analyse de pra-tiques va faire qu’on risque d’avoirmoins de temps pour tel groupe,puisque ce sera intégré à un cursus deformation global. Alors, le souci d’or-thodoxie ne condamnerait-il pas l’ana-lyse de pratiques à rester marginale ? Ily a sans doute des conditions minimalesà respecter, mais elles ne se confondentpas avec les conditions optimales. Lefonctionnement démocratique dans lasociété doit bien souvent composer avecle manque de temps, de toutes façons !Et qu’en est-il de la nécessité de fairerespecter par le groupe des objectifsdéfinis à l’avance ? Le souci de liberté

de parole par exemple ne va-t-il pasaller à l’encontre de ces objectifs, parmoments ? Qu’est-ce qui doit primer ?L’autogestion du groupe n’a-t-il pasdes limites, qu’on retrouve d’ailleurs(de manière encore plus criante) à uneéchelle plus grande ?

Le GEASE, un outil qui favorise ladémocratie ?En tant que dispositif pédagogique, leGEASE n’est pas « démocratique », pasplus que l’aide individualisée ou l’éva-luation formative. Mais il participed’un grand mouvement qui tente deconcilier un individualisme moderne,inséparable de la démocratie, et les exi-gences de l’échange et de la coopéra-

Les jeudi 24 et vendredi 25 octobre 2002 se tenait le colloqueorganisé par le CRAP-Cahiers pédagogiques. Nous avons fait écho,dans le numéro 409 (décembre 2002) à cet événement. Dans ledossier 410 (« À quoi sert l’école ? »), un article de Jean-Yves Rochexreprenait les propos qu’il avait tenus lors de sa conférence.

Voici, ci-dessous, l’essentiel des réflexions qui ont été échangées aucours des ateliers.

Apprendre et vivre la

démocratie à l’école

L’école doit aujourd’hui articuler, pour tous les élèves, un rapport plus démocratique auxsavoirs (acquisition de connaissances et préparation à la vie professionnelle) et un rapport pluscoopératif à la loi.

Dans une perspective d’instruction républicaine, de socialisation et de formation du citoyen,l’objectif de ce colloque était d’identifier, d’analyser, de diffuser pour les valoriser des pratiquesdémocratiques scolaires.

Nous entendons par là des démarches d’apprentissage pédagogiques et didactiques, desprocédures de fonctionnement, des processus de régulation, des dispositifs et outils qui favorisentl’accès de chacun à la connaissance, à la parole et au pouvoir.

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 66: Cahiers Pedagogiques 415

MINI-DOSSIER Apprendre et vivre la démocratie à l’école

66 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

tion. En permettant des analyses col-lectives, en donnant à chacun plus delucidité sur son métier, en développantl’autonomie de chacun, cette techniqueoutille pour la pratique de la démocra-tie ; dès lors, on pourrait en envisagerdes formes dérivées et adaptées avecles élèves. On peut craindre une sur-valorisation de ce qui ne reste qu’unetechnique. En aucun cas, comme le no-tait Philippe Perrenoud lors d’uneécole d’été inter-IUFM, l’analyse depratiques ne doit nous conduire à nousdispenser de la nécessaire réflexionthéorique sur notre activité d’ensei-gnant, à l’aide de lectures sociologiquespar exemple. Ce qui peut ressortir d’ungroupe de pairs ne se situe pas sur lemême plan et ne doit pas faire « concur-rence » à cette réflexion théorique. Unereligion de l’analyse de pratiques, oùcelle-ci serait au centre, au risque d’ou-blier sa fonction, serait une dérivenombriliste en quelque sorte, mêmes’il s’agirait d’un nombril collectif.L’analyse de pratiques a besoin d’éclai-rages divers, qui ne peuvent tomber duciel et n’ont pas grand-chose à voir avecla « démocratie » formelle.Alors, la question est plutôt : quellessont les conditions requises pour quel’analyse des pratiques joue le rôled’outil démocratique ? La place desanimateurs, à cet égard, est capitale :ceux-ci doivent se comporter en mo-destes professionnels et résister auxtentations charismatiques. Mais ce quireste décisif et incontournable, c’estd’inscrire au cœur de cette analyse unretour réflexif sur le dispositif lui-même. Les participants de l’atelier nes’en sont pas privés, avec rudesse par-fois. La mise en abyme est précisémentun outil de démocratie, puisque les plusbeaux dispositifs ne doivent pas échap-per à l’œil acerbe de la critique et de lamise en distance qui évite les fascina-tions et les enfermements. Le « labeldémocratie » n’est jamais définitif ettoujours interrogeable…

Jean-Michel Zakhartchouk

Démocratique oudémocratisante ?Guy Lavrilleux et Gérard Auguet

S’interroger sur la problématique « Classe démocratique, classedémocratisante ? », c’est tenter de définir ce que serait le passaged’une situation passive (mise en place, par l’enseignant, d’uneapproche et d’une pratique respectant, y compris dans ladissymétrie des postures maître/élèves, les conditionsdémocratiques de rapport à l’apprentissage) à une situation active(institution volontariste d’une approche et d’une pratiqueautorisant l’élève à se construire et à construire ses apprentissagesdans une relation politique aux autres et au savoir).

Les expériences rapportées du-rant l’atelier comme dans lequotidien des établissements

montrent qu’il est plus facile de réfé-rer des pratiques démocratiques dansl’à-côté des situations de cours. Ainsi peut-on trouver des lieux et desmoments où l’enseignant sait, sans tropde peine, mettre en place les conditionsd’une participation démocratique à lavie du groupe classe. L’heure de vie declasse, notamment, peut être cette oc-casion. On y permet que chacun puisseexprimer sa différence : les prises depositions, les opinions émises peuvents’y confronter dès lors que les condi-tions minimales du débat y sont insti-tuées. Les moments de bilan, à l’issued’une séquence d’apprentissage ou àl’issue d’un trimestre, peuvent êtred’autres occasions .

Des pratiques démocratiques en coursReste posée la question d’une pratiquedémocratique durant le cours.Les représentations divergent sur cesujet, un accord se fait cependant surl’idée qu’il n’y a pas lieu de penser qu’ilexiste des contenus d’enseignement plusdémocratiques que d’autres. Sinon, laréflexion en philosophie, E.C.J.S. ouéducation civique se prétendrait, à tort,plus facilement démocratique que cellenécessitée en technologie, mathéma-tiques ou sciences physiques. Lesmêmes contenus peuvent à l’évidenceêtre présentés de manière parfaitementdogmatique.Si la notion d’égalité, non plus, ne

saurait être prise en compte tellequelle puisque l’enseignant détient unstatut différent de celui de l’élève, c’estsans doute beaucoup plus sur la no-

tion de respect des différences que peutse fonder une attitude démocratiqueen classe.C’est en effet la forme même donnéeaux conditions de l’apprentissage quiapparait comme véritablement démo-cratisante. Serait démocratisante toutedémarche permettant l’instaurationd’un rapport personnalisé, réflexif etnon dogmatique aux conditions d’ac-cession au savoir.

Des pratiques démocratisantesL’atelier a mis en évidence trois ques-tions qui peuvent apparaître commetrois axes transversaux d’un travail surdes pratiques démocratisantes : Quelleplace est accordée à la parole (à ne pasconfondre avec l’oral) ? Quelle accep-tation des conflits ? Quelles pratiquesd’évaluation ? Les débats ont ajouté laprise en compte nécessairement diffé-renciée du rapport au savoir.Se dégagent alors quelques proposi-tions d’action :– adopter une posture d’enseignant -faisant droit à la différence en n’envi-sageant pas la classe comme un toutavec lequel il n’y aurait de relation quecollective ;– créer du lien social en construisant laloi de la classe (les règles de vie) de ma-nière interactive, c’est à dire en accep-tant de différencier les états réels desélèves. (Ex : travailler les rituels de miseau travail en autorisant chaque élève à sesituer et lui permettre une marge deprogression, depuis l’attitude de refusde travail à celle du « métier d’élève »attendu, en passant par des attitudesintermédiaires délibérément acceptéespar l’enseignant) ;

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 67: Cahiers Pedagogiques 415

67les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Apprendre et vivre la démocratie à l’école

– donner à l’élève l’occasion d’assurersa liberté d’acteur en lui proposant desactivités à réaliser seul et sans aide desorte qu’il puisse s’autoriser à agir ;– inscrire les apprentissages dans dessituations de travail en groupes en ré-partissant les tâches pour que la sommedes travaux individuels soit supérieureà l’addition des travaux de chacun ;– mettre en relation les tâches et savoirsavec les pratiques sociales de référenceen instaurant de manière systématiquedes temps de réflexion, individuelle etcollective, sur le sens des activités et dessavoirs abordés et leur utilité horscontexte scolaire immédiat ;– construire un rapport clair à l’ap-prentissage et au rôle de l’erreur enpermettant à l’élève de savoir, à toutmoment, s’il est dans un moment d’ap-prentissage, moment où les erreurs sontles bienvenues, s’il vit un moment d’éva-luation permettant de déterminer cequi a été construit et ce qu’il reste à ex-pliciter, ou s’il s’agit, enfin, d’un mo-ment de contrôle qu’une note viendrasanctionner.On voit que si l’on veut que l’école nesoit pas seulement un lieu d’appren-tissage de la domination qui ne laissed’autre choix à l’élève qu’une violenceréactionnelle à l’inculcation de la peur,l’enseignant doit se battre pour en faireun lieu d’émancipation en articulant au-tonomie, responsabilité, coopération,solidarité, voire lutte collective. Autantde valeurs démocratisantes quand ellesse réalisent en actes et ne restent paspure utopie.

Guy Lavrilleux et Gérard Auguet

Démocratisation dessavoirs ?Florence Casticaut et Christian Frin

Y a-t-il des savoirs élitistes (le latin obligatoire pour tous de la 6e àla 3e , avec le cheval et le violon ?) et d’autres qui seraient desfacteurs de démocratisation ? Et existe t-il des modes d’accès auxsavoirs plus démocratisants que d’autres ?

Quels critères de choix de savoirsnous paraissent se dégager desprogrammes ?

Nous avons tenté de les repérer dans lesprogrammes de quatre disciplines(EPS ; français ; histoire-géographie ;mathématiques), pour le cycle 3 et lecollège. En français, les nouvelles injonctionsdes programmes insistent davantagequ’avant sur l’autonomie de l’élève àtravers le travail de lecture et d’écri-ture mais aussi à travers celui de l’oral.Par exemple, inciter à la lecture per-sonnelle d’un nombre conséquentd’œuvres (dix par an dans le cycle 3 etsix par an au collège) est apparue pourcertains de l’ordre de l’inaccessiblealors que pour d’autres elle serait fon-damentale pour la démocratisation dela culture. La lecture de types de textesdiversifiés (presse, littérature, poésie,texte informatif...) et la contributiondes élèves à des débats sur leurs inter-prétations participent également decette recherche démocratique. À l’écrit comme à l’oral, on retrouve lavolonté de dépasser l’imitation pours’appuyer sur la variété des inventions(créations, suite de textes, critiques…).En particulier, la prise en compte réelleet réaffirmée de l’oral comme objet d’en-seignement pour que l’élève débatte, ar-gumente, réalise des comptes rendus etdes témoignages semble favorable à l’ap-propriation de ce qui se joue dans une si-tuation de communication. Les programmes de mathématiques res-tent plus opaques au citoyen non spé-cialiste ! Seules l’intention de développerla pensée rationnelle et la volonté d’uncontinuum des cursus (du cycle 3 à laclasse de troisième) apparaissent expli-citement. La question des « savoirs ma-thématiques démocratisants » est icidavantage reliée à la problématique del’accès à la classe suivante (voire à cellede l’ascension sociale). Cependant, cer-

tains contenus (statistiques, outil infor-matique…) sont évoqués comme d’unegrande utilité pour les élèves dans leurinsertion sociale future.L’absence, dans les programmes, d’unedimension épistémologique qui pour-rait permettre aux élèves de mieuxcomprendre cette discipline est re-grettable. En histoire et géographie, la question dela déontologie de l’enseignant est for-tement posée au regard des valeurs àtransmettre : créer un sentiment d’ap-partenance du local au mondial, ou-vrir aux autres cultures, développerl’esprit critique.En éducation physique et sportive, ce nesont ni les activités en elles-mêmes quiimportent ni les performances réali-sées, mais leur contribution aux objec-tifs énoncés , comme si l’EPS était unediscipline « transversale » : contribuerau développement de la personne,transmettre des valeurs, former à la ci-toyenneté, favoriser les autre appren-tissages. Ce qui semble démocratisantdans le cadre de l’EPS ce sont les pra-tiques de différenciation pédagogiqueet les pratiques d’activités qui appa-raissaient autrefois réservées à l’élite.

Que pourrait être alors un « savoirdémocratisant » ?Un savoir serait démocratisant s’ilcontribue à construire un socle com-mun de connaissances pour tous, à fa-voriser l’ascension sociale du plus grandnombre et à développer la citoyennetéde chacun. Les critères pour choisir descontenus plus démocratisants pour-raient être les suivants :– leur continuité dans le cursus ;– leur dimension épistémologique ;– leur confrontation avec l’inattendu ;– leur caractère non-dogmatique ;– leur dimension d’appartenance ;– leur ouverture aux autres cultures ;

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 68: Cahiers Pedagogiques 415

– leur dimension méthodologique ;– leur référence à des concepts expli-cites ;– leur valeur intrinsèque ;– leur facilité de différenciation.L’écart peut cependant être vaste entrel’objectif assigné à une discipline et lesmodes d’accès aux contenus (le carac-tère dogmatique des pratiques d’ensei-gnement peut faire obstacle à l’objectif).

Comment penser l’accès au savoirpour tous ?

Faut-il réorganiser complètement lescontenus d’enseignement pour quel’école soit « utile » au plus grandnombre ? Ou travailler opiniâtrementl’appropriation des savoirs, sans re-noncer ? On peut opposer ici deux visions ; cellede Philippe Perrenoud et celle de Jean-Yves Rochex. Le premier propose deredéfinir les contenus de programmesen termes de compétences à développer,afin que les enseignants s’appuient surl’analyse des situations rencontréesréellement par leurs élèves et non sur

la transmission de savoirs définis paren « haut ». Pour cela, six axes de tra-vail sont alors à prendre en compte : – Construire la transposition didac-tique des savoirs en définissant les com-pétences nécessaires à développer chezl’élève pour qu’il puisse résoudre la si-tuation.– Alterner les découpages disciplinairesavec des actions pluridisciplinairespour les mettre en relation proche. (Cf.TPE, travaux croisés, IDD…).– Inscrire les compétences dans descycles d’études. (Cf. école primaire).– Reconnaître l’erreur, accepter l’écheccomme un processus.– Inventer de nouvelles évaluations (ni-veau minimum à viser), non compéti-tives, qui valorisent les réussites et quicomportent des bilans individualisésde compétences (Cf. portfolio).– Prendre en compte les individuali-tés et les personnes en différenciant lesenseignements.J.-Y. Rochex affirme que l’école doit re-fuser l’enfermement dans l’identitairede l’élève pour offrir à tous le même sa-

voir. Son rôle est donc davantage deconduire l’élève au dépassement de sonidentité première. Ce processus d’éman-cipation est nécessaire à la prise deconscience de nos déterminismes so-ciaux, de ce qui nous a construits. La notion d’« indétermination » est eneffet pour Rochex indispensable à l’éla-boration de soi ; l’école doit être le lieuoù on se déprend de son milieu (rap-port particulier au savoir) afin d’accé-der à l’universel (relation au savoir). En contrepoint, J.-P. Astolfi plaide l’idéede construire des savoirs « engageants ».Afin de favoriser l’implication de l’élèvedans la situation didactique, il préconisede construire des savoirs qui résonnentpour l’élève et mobilisent son énergie.La dimension « défi » du savoir, son coté« extra-ordinaire », doivent permettre de« mettre le pied dans la porte » : l’élèveaccepte d’aller voir ! La « saveur » du sa-voir est dépendante de « l’appel » exercépar les pratiques dans la classe !

Florence Casticaut et Christian Frin

68 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Une politique démocratiquedans un établissement scolaireRichard Étienne et Noëlle Villatte

L’établissement scolaire n’est pas un lieu démocratique mais une subdivision administrative. Yconstruire une politique démocratique suppose une certain nombre d’opérations successives ouparallèles. La première est de repérer des démarches démocratiques déjà mises en place. Après cetemps consacré à des témoignages, des récits et des échanges de pratiques, nous avons interrogé lenoyau démocratique de ces pratiques et tenté de repérer limites et enjeux de telles initiatives.

L’atelier réunit quinze participants,d’origines diverses puisqu’onpeut y trouver des chefs d’éta-

blissement, des professeurs, des éduca-teurs, des conseillers en innovation, desconseillers principaux d’éducation(CPE) ou d’orientation-psychologues(CO-P), des chargés de mission, des pa-rents, des professeurs-documentalistesmais pas de raton-laveur, ce qui est rareen démocratie ! Après un tour de table,chacun se met à rédiger une situation declasse ou d’établissement qui lui paraît ca-ractéristique d’une démarche démocratique.

Puis c’est la lecture au voisin avec laconsigne d’améliorer le récit pour mieuxle partager. L’inventaire prouve que ladémocratie se niche partout dans l’éta-blissement. Mais tout n’est pas rose pourles démocrates en herbe, comme le montrece récit d’un CPE.CVL, par Antoine EichingerAprès les élections, le CPE organise unepremière rencontre avec les représentantsdes élèves siégeant aux CA (conseil d’ad-ministration) et CVL (conseil de la vielycéenne). Il propose un ordre du jour :

1) Élection du vice-président du CVL. Lacandidature d’une seule élève est retenue.2) Dans un deuxième temps, il suggère unmode de fonctionnement pour l’année encours (réunions régulières, un horaire et unlieu). À la question posée, « À quoi sertun CVL ? », il donne quelques pistes : pré-paration du CA, consultation de la base,se limiter à une ou deux actions au maxi-mum mais ayant un retentissement sur lacommunauté scolaire.C’est à ce moment-là qu’une lycéenne,membre du CVL de l’année précédente,

MINI DOSSIER Apprendre et vivre la démocratie à l’école

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 69: Cahiers Pedagogiques 415

69les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

Apprendre et vivre la démocratie à l’école

éclate de rire et le tourne en dérision eninsistant sur le peu de résultats de cetteinstance. Le CPE, plutôt embarrassé,tente d’atténuer les propos de la demoi-selle en évoquant quelques réussites. Lasonnerie permet au CPE de clore laséance. Puis, pensif, quelque peu décou-ragé, il sort de la salle… et va s’inscrireau colloque des Cahiers pédagogiquesayant pour thème « Apprendre et vivre ladémocratie à l’école ».Presque tous les récits confirment cettedifficulté de faire vivre la démocratiedans l’établissement scolaire. Maispresque tous soulignent aussi la né-cessité de passer à de nouvelles règlesdémocratiques dans la classe et dansl’établissement. Le rôle du chef d’éta-blissement apparaît primordial : c’estpar son volontarisme mais aussi parson style qu’il détermine et autorise lesmutations, d’où l’importance de sonrecrutement et de sa formation. Maisune hirondelle ne fait pas le printemps. Ily a des conditions à réunir pour amé-liorer la vie démocratique et elles pas-sent aussi bien par une politiqued’établissement que par une volonté dedialogue, même si le rappel à la loi et àla mission première de l’établissement(l’instruction) n’est jamais inutile.Nous tombons tous d’accord sur lesouhait d’une évolution de la vie sco-laire qui s’étende à l’ensemble de l’éta-blissement et sur une évolution de lamission et des pratiques professoralesqui ne se limitent pas à la transmissionpure et dure des connaissances.

Enjeux et limites Beaucoup de questions subsistent, àcommencer par celle du temps scolairetout entier consacré aux apprentissages,ce qui rend parfois peu crédible la dé-marche démocratique. Si elle permet derepérer les conflits et les contradictions,elle ne bénéficie pas d’un espace où ellepourrait prouver son efficacité dans larésolution des problèmes. Pourtant, touss’accordent pour souligner l’importancede cet exercice dans la distinction entrece qui est négociable (processus démo-cratique) et ce qui ne l’est pas (le cadreou, si l’on préfère, la loi).C’est que le travail collectif s’apprend,lui aussi, car il est à la base de la vie dé-mocratique, d’où l’idée de stages d’éta-blissement pour produire le règlementintérieur et le projet d’établissementou participer à leur élaboration. D’oùl’idée également de recourir à des in-tervenants extérieurs compétents dansl’accompagnement de cette démarche.Enfin, se posent les perpétuels pro-blèmes de toute démocratie : queléquilibre entre participation et délé-

gation ? quelle reconnaissance des ten-sions, conflits et désaccords dans despratiques démocratiques ? quellesconséquences de la visée démocratiquesur le fonctionnement des instancestraditionnelles : conseil de classe,conseil d’administration et conseil dela vie lycéenne ?

Richard Étienne et Noëlle Villatte

Bibliographie

Erratum

Amiel M., La Règle… il faudrait peut-être qu’on m’explique. CRDPCréteil,1999.

Baillon R., La Démocratie à l’école.Paris, ESF, 1998.

Gather Thurler M., Innover au cœurde l’établissement scolaire. Paris, ESF,2001.

Tozzi M. ,Étienne R., Quelle identitéprofessionnelle pour notre métier ?Montpellier, CNDP, coll. « Documentspour l’éducation », 2000.

Pathuret J.-B., Vers une socialisationdémocratique. Théétète éditions,1998.

Équipe Escol (Bautier, Charlot,Rochex), « Zones difficiles : le pari del’exigence », in Romian : Pour uneculture commune. Hachette Éducation, 2000.)

Charlot B , Bautier E, Rochex J.Y.,École et savoir dans les banlieues… etailleurs. Armand Colin, 1992.

Lahire B., Culture écrite et inégalitésscolaires. Presses Universitaires deLyon, 1993.

Zakhartchouk J.-M., L’Enseignant, unpasseur culturel, Paris, ESF, 1998.

Perrenoud P., Construire descompétences dès l’école. Paris, ESF1999.

Publications du CRAP-Cahierspédagogiques :

« Prendre la parole. Apprendre laparole. Apprendre par la parole ».Actes de l’UE CRAP 2000, MEN DESCOL.

« La démocratie à l’école », Cahierspédagogiques n° 319, décembre 1993.

« Éduquer à la citoyenneté », Cahierspédagogiques n° 340, janvier 1996.

« L’effet-établissement », Cahierspédagogiques n° 354, mai 1997.

« Apprentissages et socialisation »,Cahiers pédagogiques n° 367-368,octobre, novembre 1998.

« L’autonomie de l’enseignant »,Cahiers pédagogiques n° 384, mai2000.

« L’odyssée des réseaux », Cahierspédagogiques n° 396, décembre 2001.

Dans le n° 412 les extraits du livre de Chantal Cambronne-Desvignesont été publiés aux Éditions « Le bord de l'eau », BP 61, 33360 Latresne.

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 70: Cahiers Pedagogiques 415

Des Livres pour nous…

Diriger unétablissementscolaireMaurice Mazalto, L’Harmattan,2002, 148 pages, 13€

L e sous-titre du livre en donne laclé : L’éducation nouvelle au quoti-dien. L’éducation nouvelle, ce n’est

pas seulement la classe, ni l’école pri-maire, ce peut être aussi l’établisse-ment, le lycée. Ce livre alerte montre leproviseur qu’était M. Mazaltoconfronté à toute une série de situa-tions, classiques ou inédites, un incen-die, une grève de lycéens, une élèveanorexique, des problèmes affectifs etsexuels, des rapports bloqués entre uneélève et son père, etc. Situations diffi-ciles, qui mettent à l‘épreuve les prin-cipes. Pas de solutions toutes faites,mais le souci de travailler en équipe aulieu de laisser des intervenants spéciali-sés découper l’élève en tranches, lesouci d’écouter la parole de l‘élève, dedissiper le malentendu qui pèse sou-vent sur la fonction de délégué-élève. Ilfaut lever le tabou qui écarte le chefd’établissement de la sphère pédago-gique. Le « contrat élève-assistance » – un jeune adulte référent encadre cinqà sept élèves de la même classe, volon-taires, pour les aider à dominer leur tra-vail, à trouver aide méthodologique etsoutien psychologique si nécessaire –fait tomber spectaculairement lenombre des redoublements.

Certaines des idées de l’éducation nou-velle sont reprises dans le Protocoled’accord relatif aux personnels de di-rection (B.O. spécial du 03.01.2002) ?Vive la récupération. JacquesDemeulier, directeur des Ceméa dont

M. Mazalto est un militant, parle danssa préface d’un « rationalisme appli-qué, conduisant même à une poétiquede la direction ». Les deux dimensionséclairent ce livre suggestif, et la pra-tique du métier de chef d’établisse-ment.

Jacques George

Il fait moins noirquand quelqu’unparleCoord. Alain Picquenot, CRDPBourgogne, 2002, 15 €

Mais pourquoi donc la psychana-lyse constitue-t-elle une réfé-rence forte et relativement

présente aujourd’hui dans le mondede la pédagogie ?

Parce qu’à durcir ses représentationsde l’élève comme sujet épistémique, ladidactique oublie qu’apprendre et sesocialiser ça ne se passe pas en labora-toire, mais au sein d’un tissu de rela-tions conscientes et inconscientes ?

Parce que la sociologie, à se centrer es-sentiellement sur la réalité, omet la di-mension symbolique que revêt touteactivité humaine ?

Parce que la philosophie et sa fille, laréflexion éthique, posent des ques-tions qui trouvent des éléments de ré-ponse dans une manière d’être àautrui pour laquelle la psychanalysepeut apporter des éclairages ?

Ou plus simplement parce que la so-ciété en général redécouvre que com-prendre le jeu des relations entre

personnes conduit à interroger les mé-canismes de transfert, de contre-trans-fert, de projection que nombre derevues aujourd’hui vulgarisent ?

Pour toutes ces raisons à la fois et parcequ’il existe aujourd’hui des équipes derecherche en sciences de l’éducation re-connues, par les enseignants de terrain,pour leurs éclairages des problèmesrencontrés sur le terrain des questionsd’apprentissage, d’enseignement, deformation, cet ouvrage est le bienvenu.

Plus encore, il est opportun et heureuxcar il permet de retrouver sous lemême toit des auteurs de référencedans le domaine de la psychanalyse etde son usage pour la chose éducative.Dans l’ordre des articles : J.-C. Filloux(« Psychanalyse et pédagogie »), D. Quef (« Propos sur autorité et pouvoirdans la relation éducative »), J. Natanson (« Le désir d’enseigner :entre savoir et pouvoir »), C. Blanchard-Laville (« Plaisirs et souffrances des ensei-gnants »), M. Natanson (« Il fait moinsnoir quand quelqu’un parle »), J. Lévine(« Le refus d’oublier »), F. Hatchuel, C. Blanchard-Laville (« Le rapport au sa-voir. Point de vue psychanalytique »), A. Cordié (« L’échec scolaire dans sa di-mension individuelle »), J. Moll (« Lesphénomènes de groupe et leur influencesur les apprentissages »), J. Pain (« Del’entre deux à l’entre lieux, la vie analy-tique du CPE »), F. Sala (« Éducation, ma-nagement et psychanalyse : des liaisonsheureuses »), B. Pechberty(« L’inconscient de l’établissement sco-laire »), F. Imbert (« Imaginaire et sym-bolique. Repères pour les enseignants »),M. Cifali (« Travail de notre subjectivité,pour une dignité des actes »). F. Clerc enpost-face évoque pédagogie et éduca-tion : « Le retour de Laïos ». Le tout estcoordonné par A. Picquenot.

M. Develay

Le cerveau et la pensée.La révolution dessciences cognitivesÉditions Sciences humaines,sous la direction de J.-F.Dortier, 500 pages, 23 €On sait que certains qui parlent abon-damment de l’école, se vantent deleur ignorance dans le domaine dessciences cognitives, préférant brocar-der le jargon et faire l’apologie du« bon sens ». Et pourtant, un ensei-gnant aujourd’hui peut-il ignorer ces

recherches sur la pensée humaine quiont révolutionné nos conceptions del’intelligence, de la conscience, etdonc forcément ont des répercussionssur l’apprentissage. Ce livre est unesomme impressionnante qui nousfournit de nombreuses pistes de ré-flexion, même si on ne peut en dé-duire l’action pédagogique. Parmi lescontributeurs, on relèvera les noms duprésident du conseil national des pro-grammes, Jean-Didier Vincent, JPChangeux, Boris Cyrulnik, AntonioDamasio, Francisco Varela, AlainLieury, et bien d’autres grands nomsde ces domaines passionnants qu’onse doit d’explorer.

Regards croisés surl’éducationL’Harmattan, 2002, 252 pages, 23 €Ces regards croisés, entre autres deCharles Hadji, Jean Houssaye,Françoise Cros, Cécile Albert, sont unHommage au Professeur GuyAvanzini. Ils portent sur les travaux decelui-ci, notamment sur l’épistémolo-gie des sciences de l’éducation, les fi-nalités et les valeurs, la médiation etl’accompagnement.

70 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

L I V R E S E N B R E F

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 71: Cahiers Pedagogiques 415

Des Livres pour nous…

Administrer,gérer, évaluer lessystèmeséducatifs. Uneencyclopédie pouraujourd’huiJean-Jacques Paul (dir.),ESF, 1999, 360 pages, 27,14€

Ce livre stimulant rappelle que laréflexion sur le système éducatifne peut se dispenser, sauf angé-

lisme certes plus confortable, deprendre en considération le coût detoutes les mesures souhaitables, et dese demander si l’on obtient bien desressources mobilisées la plus grandeefficacité possible. Une recherche de1992 montrait qu’une scolarisationprécoce en maternelle, à deux ans, en-traîne une progression plus rapide desenfants, non pas au CP mais au CE, etsupérieure, pour un même coût sup-plémentaire, à celle qui résulteraitd’une réduction de cinq élèves dunombre d’élèves par classe primaire : ily a là un choix à faire. Mais en sachantque cette scolarisation précoce n’a paspar elle-même d’influence sur les diffé-rences d’origine sociale entre les en-fants et que son avantage disparaîtraitpeut-être si l’entrée à deux ans étaitgénéralisée, avec la constitution declasses d’âge homogène.

Travailler sur le rapport coût-efficacitén’est pas, comme certains le disenttrop vite, sacrifier au libéralisme etfaire rentrer l’éducation dans l’écono-mie de marché : même si l’enseigne-ment est à financement public, et,

souhaitons-nous, doit le rester, ses be-soins se heurtent à d’autres besoins,logement, emploi, santé, etc. LesCahiers l’avaient relevé en 1978(n° 160) en posant des « Questions à(la) gauche », toujours valables.

Une bonne partie du livre est consa-crée aux définitions, concepts, mé-thodes, indicateurs utilisés, mais ennotant que « l’analyse économiquestandard souffre de deux défauts.D’une part, elle est dans l’incapacitéde préciser quel devrait être le partageoptimum entre diverses sources de fi-nancement dans une situation donnée,en particulier en raison du fait qu’unepartie des avantages de l’éducationsont difficiles à mesurer et incertainsparce que futurs. D’autre part, en rai-sonnant uniquement en termes d’in-vestissement, elle néglige lesproblèmes d’équité qui devraientpourtant être au cœur de la réflexionsur l’éducation ». C’est sur la perspec-tive assignée à l’efficacité (quellespriorités, y compris budgétaires, àl’égalité des chances et à la luttecontre l’échec scolaire ?) que le débatdoit porter, et non sur le principe derecherche de l’efficacité.

Seulement quelques éléments. La rela-tion entre coût et efficacité est loind’être automatique. Dans les facteursde progrès d’une classe, ce sont les ca-ractéristiques personnelles des élèves(et leur niveau initial) qui pèsent leplus, mais, à côté, un « effet-maître »,« mesure indirecte de l’efficacité péda-gogique personnelle des enseignants »l’emporte de beaucoup sur la taille, leniveau et l’hétérogénéité des classes,le niveau de formation et l’anciennetédes enseignants. Dans la mesure oùl’essentiel des coûts d’un établissementn’est pas supporté par son budgetpropre (les traitements relèvent de

l’État, les installations des collectivitéslocales), il y a une tendance à ne pastenir compte du coût induit par ses dé-cisions d’organisation, par exemple lesredoublements.

Le livre fournit beaucoup de donnéessur différents pays et sur les comparai-sons de résultats. L’efficacité d’un sys-tème d’éducation n’est pasdirectement liée au nombre d’annéesde scolarité ni à la dépense nationalepour l’éducation. Pour les temps quiviennent, sans doute faut-il miser da-vantage sur le continuum entre forma-tion initiale, formation continue etauto-formation ; « ceci implique biensûr que la formation initiale apprennede plus en plus à apprendre ». Ons’aperçoit maintenant que le lien entreéducation et croissance n’est pas auto-matique (déjà, le développement del’école primaire obligatoire était pos-térieur à la révolution industrielle) etque le modèle occidental n’est pas leseul possible.

Ce livre convaincra que l’enseignementaussi demande une analyse éco-nomique ; là où la revendication deplus de moyens s’impose, elle gagneen force de conviction si elle s’appuieaussi sur une argumentation en termesd’efficacité.

Jacques George

De Marivaux et du LoftCatherine Henri, Éditions P.O.L., 2003, 14 €Ce livre, sous-titré « petites leçons delittérature au lycée », tranche heureu-sement sur nombre de ces écrits oùs’étalent pessimisme, recherche de« coupables » à ce qui ne va pas etsurtout mépris des élèves. On apprécieen particulier le chapitre « Perles » oùla professeure de français d’un lycéeparisien ordinaire exprime son refusd’exploiter ces fameuses perles quifont le bonheur des médiocres. Et lors-qu’elle évoque l’IUFM (à travers ses

contacts avec des stagiaires), elleavoue qu’elle n’en a que des échos quisont peut-être des « clichés ».Comment ne pas partager, de toutefaçon, le refus des dogmatismes etd’une certaine langue de bois ?Comment ne pas refuser comme l’au-teure une approche techniciste destextes ou au contraire moralisatrice ?

Ce qui est en fait intéressant dans celivre, c’est le témoignage d’une prati-cienne, qui met sa culture (qu’on de-vine ample et solide) au service de sonenseignement pour trouver sans cessedes subtiles passerelles entre l’universlittéraire et celui de ses élèves, sans ja-

mais renoncer à « enseigner la littéra-ture ». On savourera les rapproche-ments entre La Dispute de Marivaux etle Loft, ou le détour par Platon, lapeinture du Titien ; le recours à Saint-Simon pour parler de l’actualité ouétablir des correspondances avec levécu douloureux de certains élèves.Ainsi, le dialogue avec les grands au-teurs devient possible, même si la réus-site n’est pas toujours au rendez-vous,comme le note l’auteure avec luciditéet modestie.

Jean-Michel Zakhartchouk

L I V R E S E N B R E F

71les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 72: Cahiers Pedagogiques 415

Des Livres pour nous…

Institution etimplication.L’œuvre de RenéLourauSous la direction d’Ahmed Lamihiet Gilles Monceau,Paris, Éditions Syllepse, 2002,212 pages, 20,50€

Ce livre nous propose une entréedans l’œuvre de René Lourau(1933-2000), sociologue, profes-

seur en sciences de l’éducation et ensciences politiques, fondateur avecGeorges Lapassade de l’Analyse insti-tutionnelle. Œuvre parfois ardue oudéroutante elle fournit cependantles indispensables questionnements àélaborer pour ceux que l’immersiondans l’institution Éducation natio-nale interroge.

En effet, très critique à l’égard de l’É-cole dite « traditionnelle », RenéLourau, fonde en 1964, avec d’autres(l’instituteur Raymond Fonvieille, leschercheurs Georges Lapassade etMichel Lobrot…), le Groupe de péda-gogie institutionnelle qui se réfère àRousseau, s’inspire de Freinet et pra-tique la pédagogie autogestionnaire. Ilexpliquait déjà en 1965, étant profes-seur de lettres au lycée techniqueDorian à Paris, dans un article du nu-méro 55 des Cahiers pédagogiques,« Une expérience de pédagogie insti-tutionnelle », comment il fallait repla-cer la pédagogie dans son contextesocial. Ainsi, écrivait-il : « Le milieu so-cial éducatif est constitué par deux or-ganisations apparemment distinctesmais en réalité étroitementimbriquées : l’institution externe, do-maine des adultes, des règlements, desprogrammes, des administrateurs, despédagogues ; et l’institution interne,domaine du travail scolaire, lieu del’éducation proprement dite, où serencontrent les enseignants et les en-seignés, autrement dit : la classe. »

Enraciné dans cette pratique d’ensei-gnant au lycée, puis à l’université, sonparcours de chercheur restera centrésur l’analyse de l’institution qui doitprendre en compte ce qui la traversemême inconsciemment : le politique,l’économique, le culturel… Parti del’école, il travaillera le concept d’insti-tution dans d’autres domaines : l’en-treprise, l’Église, le syndicalisme…, etélaborera une pratiqued’intervention : la socianalyse. Tout aulong de son œuvre il gardera présent àl’esprit que toute recherche, commetout enseignement, ne peut se fairequ’en analysant les différentes implica-tions dans lesquelles chacun est

plongé, faisant de la notion d’implica-tion un concept essentiel, précurseurde nos « analyses de pratiques » plusrécentes.

L’ouvrage, sous la direction d’AhmedLamihi et Gilles Monceau, présente les19 livres publiés par René Lourauentre 1969 et 1997. L’ensemble estriche, comme l’œuvre elle-même, les19 auteurs de ce collectif (enseignants,chercheurs) ayant travaillé, échangé,cheminé, à un moment ou à un autrede leur parcours d’étudiant ou de pro-fessionnel, aux côtés de René Lourau.De styles variés, les articles permettentde se diriger dans l’œuvre, certains ymêlant aussi leurs propres implica-tions, comme par exemple BernardElman parlant du lycée autogéré deParis ou Bernard Defrance de ses coursde philosophie ; d’autres encore pro-longent une réflexion propre à partirdu livre qu’ils présentent.

Ce livre est donc à la fois un hom-mage rendu au chercheur et unecontinuité donnée à son travail, maissurtout il est une invitation à l’adressede nouveaux étudiants et/ou prati-ciens désireux de rencontrer ces écritsafin d’approfondir leur réflexion surleurs pratiques.

Claudine Baylion

L’apprentissagede la lecture.Fonctionnementet développementcognitifsJean Ecalle et Annie Magnan,Armand Colin (Collection U),2002, 320p., 23€

Chacun se croit autorisé à émettredes avis sur l’apprentissage de lalecture, de fustiger la « méthode

globale » ou de vouer aux gémoniesles ennemis de l’innovation… et à pro-duire des ouvrages qui ne sont en finde compte que des rationalisations depréjugés. Le livre de Jean Ecalle etAnnie Magnan adopte une tout autreapproche. Deux spécialistes de la psy-chologie cognitive du développementy passent en revue avec rigueur des re-cherches récentes sur l’apprentissagede la lecture, les unes expérimentales,d’autres conduites en contexte sco-laire. Ils apportent ainsi des éclairagessur des questions aussi controverséeset importantes que le développementdes habiletés phonologiques et leursliens avec la lecture, le développement

des processus de reconnaissance desmots écrits, les prédicteurs de réussiteen lecture-écriture, lecture et surdité,les effets des méthodes, les effets descontextes et des représentationsenfantines de la lecture…

Ce livre de référence est à consulterplutôt qu’à lire linéairement ; un indexy aide. Autant dire qu’il serait impos-sible d’en résumer le contenu, car sonintérêt tient à la précision des syn-thèses de recherches qui y sont présen-tées. On peut cependant y repérerquelques fils rouges.

Les travaux disponibles montrent lerôle central des habiletés phonolo-giques en lecture, qu’il s’agisse decompréhension ou de reconnaissancede mots. Mais les modèles théoriquesd’inspiration connexionniste – ceuxqui rendent le mieux compte actuel-lement de l’ensemble des données –n’opposent pas voie directe (c’est-à-dire l’accès direct au sens d’un motdans le lexique mental du lecteur) etvoie indirecte (c’est-à-dire l’assem-blage phonologique). Ils insistent aucontraire sur l’interactivité de diversprocessus et sur l’activation simulta-née d’informations phonologiques,orthographiques et sémantiques dansla reconnaissance des mots écrits.Ainsi, affirment les auteurs dans leurconclusion, le débat entre les ap-proches idéo-visuelle et phonique pa-raît désuet et dénué de toutfondement théorique. Les recherchescentrées sur les effets respectifsd’une méthode phonique et d’uneméthode idéo-visuelle sur diversescompétences liées à la lecture-écriture ne fournissent d’ailleurs pasde résultats tranchés.

Un autre fil concerne la nécessairerencontre de recherches venuesd’horizons disciplinaires divers. Lesconnaissances antérieures des enfantsjouent en effet un rôle majeur dansl’apprentissage. D’où l’importance parexemple du contexte familial et éduca-tif et de « l’exposition à l’écrit ».Certains modèles théoriques exposésdans l’ouvrage mettent l’accent surl’analogie et donc sur le rôle des trai-tements implicites. Il est donc extrême-ment probable que tous les enfants nes’y prennent pas de la même manièrepour apprendre à lire et qu’il ne peutpas y avoir une seule méthode adap-tée à tous les élèves.

Signalons aussi la remarquable préfacede Jean-Émile Gombert. Un ouvragetrès utile donc, à faire figurer en plu-sieurs exemplaires dans toutes les bi-bliothèques d’IUFM…

Jacques Crinon

72 les cahiers pédagogiques n° 415, juin 2003

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 73: Cahiers Pedagogiques 415

Numéros disponibles & prix (port compris)

Les «Retours sur…» :Retours sur… Ia question du voile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5,34 €Retours sur… le temps de l’élève . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5,34 €Retours sur… la pédagogie différenciée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6,10 €Retours sur… l’éducation à la citoyenneté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6,10 €Retours sur… le collège . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6,10 €

396 L’odyssée des réseaux .................................................................................8,80 €397/398 Changer l’école primaire .........................................................................11,20 €399 La médecine dans l’école ...........................................................................8,80 €400 Osez l’oral ............................................................................................................8,80 €401 Débattre en classe ..........................................................................................8,80 €402 Des grandes œuvres pour tous .............................................................8,80 €403 Les lycées professionnels ..........................................................................8,80 €404 Quoi de neuf à la doc ?

Des pistes pour changer le collège .....................................................8,80 €406 Faire la classe au quotidien .....................................................................8,80 €407 ZEP-REP, l’éducation prioritaire .............................................................8,80 €408 Savoir, c’est pouvoir transférer ? .........................................................8,80 €409 Expérimenter en sciences ..........................................................................8,80 €410 À quoi sert l’école ? .......................................................................................8,80 €411 Quand les élèves se mettent en danger .........................................8,80 €412 Souffrances de profs ....................................................................................8,80 €413-414 Pratiquer les TPE, les IDD, les PPCP .............................................11,20 €415 Existe-t-il une vie scolaire ? .....................................................................8,80 €

280 Apprendre 1 ........................................................................................................4,57 €281 Apprendre 2 ........................................................................................................3,81 €283 Syndicalisme et pédagogie ......................................................................3,81 €284-285 Langues vivantes ............................................................................................5,34 €286 Ce qui a changé dans les collèges .......................................................4,12 €287 Violences à l’école ..........................................................................................4,12 €288 Apprendre 3 (Apprendre par le corps) .............................................4,12 €289 Lycées agricoles + ATP 3 .............................................................................4,12 €294 Arts plastiques ..................................................................................................4,12 €295 La voie technologique et professionnelle .....................................4,57 €296 À l’école, l’intégration .................................................................................4,12 €297 Enseignant, chercheur, formateur .......................................................4,12 €298 Les contenus d’enseignement ...............................................................4,12 €299 Culture mathématique et enseignement .......................................4,12 €301 Audiovisuel .........................................................................................................4,12 €302 Éthique et pédagogie ..................................................................................4,12 €307 Éducation à la santé ......................................................................................4,12 €308 Enseigner l’économie ...................................................................................4,12 €309 Les ZEP, années 90 ..........................................................................................4,12 €310 L’école après l’école .......................................................................................4,12 €313 La culture littéraire ........................................................................................4,12 €314-315 Nouveaux élèves, nouveaux maîtres ................................................5,34 €317 Les modules en seconde ............................................................................4,12 €318 Éducation à la consommation ................................................................4,12 €323 Les religions à l’école laïque ...................................................................4,12 €325 La décentralisation ........................................................................................4,12 €327 Les premiers pas dans le supérieur ....................................................4,12 €329 Français-Philosophie .....................................................................................4,12 €334 Les sciences de l’éducation : quel intérêt…? ...............................4,12 €335 La formation des enseignants. l. Les enjeux ...............................4,12 €336 Aider à travailler, aider à apprendre (ATP 4) ...............................4,57 €339 École et familles : quel partenariat? ..................................................4,57 €342-343 Des enseignants suffisamment solides ...........................................5,34 €344-345 Apprendre à raisonner? ..............................................................................6,10 €347 La pédagogie coopérative ........................................................................4,12 €348 La technologie pour tous ..........................................................................4,12 €349 Un peu plus d’imagination! ....................................................................4,12 €350-351 Innover, encore .................................................................................................6,10 €352 L’école maternelle ..........................................................................................5,34 €353 Les langues anciennes .................................................................................4,12 €354 L’effet-établissement ....................................................................................4,12 €355 L’école dans les DOM - TOM ...................................................................4,12 €357-358 Apprendre avec la presse ..........................................................................6,10 €359 L’école allemande, un modèle? .............................................................4,12 €361 L’EPS, réalités et utopies ............................................................................8,80 €362 À l’heure d’internet + CD Rom ...........................................................10,40 €363 Lire et écrire à la première personne ................................................8,80 €364 Le droit à l’école ..............................................................................................8,80 €365 L’école rurale, une école d’avenir .........................................................8,80 €366 Quand les élèves posent problème ....................................................8,80 €367-68 Apprentissages et socialisation .........................................................11,20 €369 Du bon usage des manuels ......................................................................8,80 €370 Faut-il avoir peur de l’autoformation?.............................................8,80 €371 Le monde de l’art et l’école .....................................................................8,80 €372 Filles et femmes à l’école ..........................................................................8,80 €373 Décrire dans toutes les disciplines ......................................................8,80 €374 Des sens à la sensibilité : quelle éducation? ....................................8,80 €375 Face à la violence ............................................................................................8,80 €376/377 Quelle pédagogie pour les lycées? (N° spécial)..................................9,60 €378 Apprendre des autres, l’éducation comparée ................................8,80 €379 Mémoire, histoire et vigilance ...............................................................8,80 €380 Notre métier, notre identité ....................................................................8,80 €381 L’intelligence, ça s’apprend?....................................................................8,80 €382 La bande dessinée ..........................................................................................8,80 €383 L’administration tue-t-elle la pédagogie? .....................................8,80 €384 L’autonomie de l’enseignant ..................................................................8,80 €385 Travailler aussi en grand groupe

+ Comment faire avec les réformes? ................................................8,80 €386 Esprit critique, es-tu là? .............................................................................8,80 €387 Les examens .......................................................................................................8,80 €388/389 Écrire pour apprendre ...............................................................................11,20 €390 Peut-on être « conseiller » pédagogique? .....................................8,80 €391 L’école et l’exclusion ..................................................................................10,40 €392 L’enseignement aux USA ...........................................................................8,80 €393 Accompagner, une idée neuve en éducation .................................8,80 €394 Musique ! ..............................................................................................................8,80 €395 L’éducation toujours nouvelle

Comment fait-on avec les réformes (2 dossiers) ............................8,80 €

Cahiers pédagogiques, Vente au numéro, BP 72402, 44324 Nantes CEDEX 3.Tél. 0240523693 • Fax. 02405074 93http://www.cahiers-pedagogiques.comE-mail : [email protected]

Comment régler votre commande?• Par chèque postal ou par chèque bancaire (saufEurochèques) pour les commandes U. E et DOM TOM.• Par virement administratif (pour établissements et institutions).• Par mandat postal international ou virement à notrecompte bancaire Crédit Mutuel pour les commandes horsU.E. (Caisse de Crédit Mutuel Paris 3e - 4e, le Marais-Bastille).Code banque : 10278 - Code guichet : 06041 N° de compte : 00028882940 - Clé RIB : 67.

Offres dans la limite des stocks disponibles, ces prix sont valables pour la Francemétropolitaine. Pour les DOM TOM et l’étranger ajouter 3,05 € par commandepour les frais de port en prioritaire.

Autres publications :Actes du colloquedu cinquantenaire des Cahiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13,72 €Une idée positive de l’école . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21,34 €Écrire, un enjeu pour les enseignants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12,35 €Éducation en mouvements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5,34 €Comprendre les énoncés et les consignes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11,43 €La règle… il faudrait peut-être qu’on m’explique . . . . . . . . . . . . . . . 12,96 €Quels temps pour l’enfant et l’adolescent? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14,64 €Élèves actifs, élèves acteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15,60 €Les TPE, vers une autre pédagogie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15,60 €Classes relais, l’école interpellée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15,60 €Croisements de disciplines au collège . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15,60 €Accompagner les PPCP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15,60 €Élèves, professeurs, apprentissages, l’art de la rencontre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15,60 €Élèves à problèmes ou problème(s) de l’école ? . . . . . . . . . . . . .9,15 €

Complétez votre collection

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA

Page 74: Cahiers Pedagogiques 415

Pour correspondre avec les Cahiers pédagogiques...Pour toute correspondance concernant :Rédaction en chef et rubriques :Françoise Carraud, 1, place Croix-Paquet 69001 Lyon. Tél. : 04 72 07 83 16.Fax : 04 72 07 83 16 E-mail : [email protected]

Pierre Madiot, 34, allée des Consuls, 44350 Guérande. Tél. : 024024 0592 Fax : 02402451 09. E-mail : [email protected]

Les communiqués : Pierre Madiot, 34, allée des Consuls, 44350 Guérande. Tél. : 024024 0592 - Fax : 0240245109. E-mail : [email protected]

Des livres pour nous : Jean-Michel Zakhartchouk, 2, rue Ambroise Paré,60180 Nogent-sur-Oise. E-mail : [email protected]

Actualité éducative : Marie-Christine Chycki, 2A, rue Poullain Duparc,35000 Rennes. Tél. : 02997919 21.

Et chez toi ça va? : Florence Lenoble, hameau de Pech Salamou, 11240 Donazac. Tél. : 04 68 69 52 74. [email protected]

Tire-livres : Anette Charbonnier-de Marchi, 03800 Bègues. Tél. : 047090 2161.

Faits & idées : Raoul Pantanella, chemin de Ste-Anne, 83170 Camps-la-Source. E-mail : [email protected]

Adhésion au CRAP : 25 €Abonnement + adhésion :- France : 76,90 €- CEE : 92,90 €

- DOM-TOM : 85,90 €- Étranger hors CEE : 108,90 €Tout abonnement qui nous parvient avant le 25du mois vous permettra de recevoir les Cahierspédagogiques dès le mois suivant. Envoyez vos noms et adresse complèteaccompagnés d’un chèque au secrétariat duCRAP-Cahiers pédagogiques, 10, rue Chevreul,75011 Paris. Pour les établissements publics, nousacceptons un bon de commande et le paiementpar mandat administratif.

Pour contacter les correspondants académiques du CRAPAix-Marseille Nicole BERREBY-HARTMANN, 29, rue Lulli, 13001 MARSEILLE. Tél. : 0491330622.

[email protected]

Besançon Jean-Michel FAIVRE, 6, rue de l’Église, 25115 POUILLEY-LES-VIGNES. Tél. : 03 81559141. [email protected]

Bordeaux Marie-France RAVIER, 508, avenue Cronstadt, 33000 BORDEAUX. Tél. : 05580623 71. [email protected]

Grenoble Françoise FAYE, Ecole du Revol, 38380 SAINT-LAURENT-DU-PONT. Tél. : 04765521 44. [email protected]

Ile-de-France Odile SOTINEL, 4, rue de la Gerbe d’or, 95490 VAUREAL. Tél. : 0134 [email protected]

Lille Marie-Christine PRESSE, 6, rue de la Coignée, 62000 ARRAS. Tél. : [email protected]

Lyon Roxane CATY-LESLÉ, 38, rue des Sources, 69130 ÉCULLY. Tél. : 04 [email protected]

la Martinique Roger ÉBION, Gros Raisins, 97228 SAINTE-LUCE. [email protected]

Montpellier Catherine DUPUY, 3, rue Braille, 34070 Montpellier. Tél. : 0467069996.

Nancy Laurent NEMBRINI, 18, avenue des Sources, 55000 BAR LE DUC. Tél. : 03297913 [email protected]

Nantes Marie-Hedwige DENIS, 76, rue du Château d’eau, 44400 REZÉ. Tél. : [email protected]

Nice Hervé DUPONT, 128, avenue de la Lanterne, Les Glycines, 06000 NICE. Tél. : 04937159 33. [email protected]

Rennes Marie-Christine CHYCKI, 2A, rue Poullain Duparc, 35000 RENNES. Tél. : 02997919 21. [email protected]

Réunion Jean CHATILLON, 70, rue de Caen, 97400 St-DENIS-DE-LA-RÉ[email protected]

Rouen Marie-Claude GRANGUILLOT, 1, rue de la Glacière, 76000 ROUEN. Tél. : 02355209 75. [email protected]

Strasbourg Catherine RAFFIN, 17, rue des Vosges, 67202 WOLFISHEIM. Tél. : 03887841 [email protected]

Toulouse Cécile LAHARIE, 21, rue des Auques, 81200 AUSSILLON. Tél. : 0563985125.cé[email protected]

Allemagne Françoise-Emma TEYSSEYRE, Urdenbacher, allée 43, D40593, [email protected]

Belgique Martine LOISEAU, 126, Chaussée d’Ixelles, 1050 BRUXELLES. Tél. : 0032(0) 25123660. [email protected]

PAO : Marc Pantanella • Photogravure et Impression :Groupe Horizon (Gémenos).N° d’inscription à la CPPAP : 53302 • ISSN 008-042 X •Tirage : 5700 exemplaires.

10, rue Chevreul, 75011 Paris. Tél. : 01 43 48 22 30 – Fax : 01 43 48 53 21Site internet : http://www.cahiers-pedagogiques.com - Email : [email protected]

Directeur de publication :Richard Étienne

Rédacteurs en chef :Françoise CarraudPierre Madiot

Comité de rédaction :Michèle Amiel • Odile BrouetÉlisabeth Bussienne • Odile ChenevezMarie-Christine ChyckiJacques Crinon • Isabelle de PerettiRichard Étienne • Hélène ÉveleighJacques George • Kristel GodefroyAlain Jaillet • Monique LafontFlorence Lenoble • Françoise LorcerieRaoul Pantanella • Christophe Roiné Élizabeth Thuriet • Michel TozziNoëlle Villatte •Jean-Michel Zakhartchouk

Bureau du CRAP :Présidente : Élisabeth Bussienne Vice-président : Jacques George Secrétaire générale : Odile SotinelSecrétaire gén. adj. : Édith MiquetTrésorière : Jacqueline TaillandierTrésorier adjoint : Daniel PicardaAutre membre : Jean-Michel Zakhartchouk

Les

cahie

rs p

édago

giq

ue

s

Les Cahiers pédagogiques sont éditéspar le Cercle de recherche et d’actionpédagogique (CRAP), association loi1901. Les membres de l’équipe derédaction sont des praticiens quiexercent dans tous les secteurs del’école (primaire, secondaire, supérieur,formation ; enseignement, vie scolaire,documentation, direction...).

Nos prochains numéros :Analysons nos pratiques (416)

Poésies poésie (417)Premiers pas dans l’enseignement (418)

SOMMAIRESOMMAIRE

Exe

mpl

aire

rés

ervé

: Y

AZ

BE

K N

AJA