Cahier Louis Bachelier n°14

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DANS LA TÊTE DES INVESTISSEURS ET DES ÉPARGNANTS AVEC LE CONCOURS DE GUY KAPLANSKI LUC ARRONDEL HIPPOLYTE D’ALBIS MILO BIANCHI YANNICK VIOSSAT N°14 Juillet 2014 LES CAHIERS

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Dans la tête des investisseurs et des épargnants

Transcript of Cahier Louis Bachelier n°14

  • DANS LA TTE DES INVESTISSEURS ET DES PARGNANTSAvec le concours deGuy KAplAnsKiluc ArrondelHippolyte dAlbis

    Milo biAncHiyAnnicK viossAt N14 Juillet 2014

    LES CAHIERS

  • LES CAHIERS LOUIS BACHELIER 32 LES CAHIERS LOUIS BACHELIER

    Les gens heureux sont-ils desinvestisseurs optimistes ?Daprs un article de Guy Kaplanski

    La crise accrot-elle la peur du risque ?

    Par Luc Arrondel

    Vivre plus implique-t-il de travailler plus ?

    Thorie des jeux : la simplicit aboutit-elle la complexit ?

    Par Hippolyte dAlbis

    Par Yannick Viossat

    Les entreprises nont pas intrt jouerla transparencePar Milo Bianchi

    PUBLICATION DE LINSTITUT LOUIS BACHELIERPalais Brongniart28 place de la Bourse - 75002 PARISTl. 01 73 01 93 40www.institutlouisbachelier.orgwww.louisbachelier.org

    CHEFS DE PROJETCyril ArmangeLoc Herpin

    [email protected]@institutlouisbachelier.org

    DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONJean-Michel Beacco

    RDACTEUR EN CHEFPhilippe [email protected]

    JOURNALISTECoralie [email protected]

    PARTENAIRESChaire Les particuliers face aux risques

    CONCEPTION GRAPHIQUE, COUVERTURE ET RALISATIONGal NicoletLa Cote Bleue10-12 place Vendme - 75001 ParisTl. 01 44 76 85 85www.lacotebleue.fr

    IMPRIMEURKava42, rue Danton - 94270 Le Kremlin-BictreTl. 06 14 32 96 87

    Dans la tte Des investisseurs et Des pargnantsAvec le concours deGuy KAplAnsKiluc ArrondelHippolyte dAlbis

    Milo biAncHiyAnnicK viossAt n14 Juillet 2014

    LES CAHIERS

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    SOMMAIREINSTITUT

    www.institutlouisbachelier.org

    CRATION DQUIPES SCIENTIFIQUES DEXCELLENCE

    LInstitut Louis Bachelier constitue un dispositif unique runissant, autour de partenariats industriels, les meilleures quipes de recherche en conomie et mathmatiques ; en atteste la labellisation LABEX (Laboratoire dExcellence) obtenue par lInstitut Louis Bachelier dans le cadre de son projet Finance et Croissance Durable.

    Cration de programmes de recherche en lien direct avec lindustrie financire : 30 chaires et initiatives de recherche ont t cres sous lgide de lInstitut Europlace de Finance (EIF) et de la Fondation du Risque (FDR) depuis 2007, regroupant plus de 200 chercheurs.

    Gestion et montage de projets R&D innovants en collaboration avec le Ple Finance Innovation.

    Contribution et soutien lmergence de nouvelles formations aux niveaux licence, master et doctorat en phase avec les besoins de la Place de Paris.

    Coopration avec des universits et centres de recherche franais, europens, amricains et asiatiques.

    VALORISATION DE LA RECHERCHE

    LInstitut Louis Bachelier assure la diffusion la plus large et la plus efficace des rsultats issus de ses programmes de recherche auprs notamment des autorits de rgulation franaises et europennes.

    Revue trimestrielle Les Cahiers Louis Bachelier qui prsente des travaux de recherche issus de ses chaires et initiatives de recherche dans un langage accessible un large public.

    Publication de discussion papers visant clairer les pouvoirs publics ainsi que les professionnels de la finance sur des sujets dactualit.

    Portail de la Recherche en Finance en partenariat avec lAGEFI. Rseau communautaire de la recherche en finance :

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    ESPACE DE RFLEXION ET DE DBATS LCHELLEEUROPENNE

    LInstitut Louis Bachelier est un vritable lieu de rencontre et de mise en relation destin favoriser les interactions entre le monde de la recherche et les acteurs conomiques.

    Financial Risks International Forum : cette manifestation annuelle a pour objectif de prsenter les meilleurs travaux de recherche internationaux et dchanger, par le biais de dbats et de tables rondes, sur les proccupations des acteurs conomiques.

    Les Semestres Thmatiques : organiss sous forme de confrences, de sminaires et de cours, les semestres thmatiques visent favoriser les changes entre acadmiques et professionnels sur une problmatique commune.

    La journe des chaires : organise annuellement, cette manifestation a pour but de confronter les travaux raliss dans le cadre des chaires et initiatives de recherche de lInstitut Louis Bachelier.

    Les Matinales Scientifiques : ont pour objet de faire le point sur les derniers dveloppements de la recherche en finance travers les projets de recherche soutenus par lInstitut Europlace de Finance.

    PROMOUVOIR, PARTAGER ET DIFFUSER LA RECHERCHE EN FINANCE

    Cr en septembre 2008, lInstitut Louis Bachelier (ILB) est un centre de recherche en rseau de dimension internationale qui a pour objet de promouvoir, partager et diffuser la recherche et lenseignement franais en finance.

    29%

    19%

    41%

    11% Axe 1 : Finance et Dveloppement Durable

    Axe 2 : Finance des Transitions Dmographiques et Economiques

    Axe 3 : Risques & Rgulation

    Axe 4 : Finance Comportementale

    RPARTITION DES 30 CHAIRES ET INITIATIVES DE RECHERCHE SELON LES QUATRE AXES STRATGIQUES DU LABEX FINANCE ET CROISSANCE DURABLE

    FONDATION DU RISQUE

    PARTENAIRES

    DITOLes modles conomiques ou dautres disciplines sont construits sur la base dhypothses forc-ment rductrices et en mme temps suffisam-ment sophistiques pour permettre au modle davoir un pouvoir explicatif et/ou prdictif lev. Le modle idal est parcimonieux en rgles et en paramtres et riche en conclusions en relation troite avec la ralit observe.Il nglige ncessairement certains phnomnes jugs secondaires et de ce fait explique de manire forcment imparfaite les observations : aucun modle nest parfait. Il arrive cependant que face la beaut du modle, sa simplicit, son fort pouvoir prdictif, on en arrive considrer que cest le modle qui est parfait et la ralit qui est imparfaite. Ainsi en est-il de la loi dite des gaz parfaits en ther-modynamique : ce nest pas la loi qui dcrit imparfaitement le comportement des gaz, cest au contraire le gaz qui devient parfait lorsquil obit cette loi.De la mme manire, les modles conomiques standards ont institu la rationalit sur la base de la capacit suppose de lindividu prendre en compte toutes les informations disponibles, en dduire toutes les conclusions possibles et en infrer des anticipations qui sont ajustes dans le temps mais restent indfiniment compatibles les unes avec les autres. Lindividu est ensuite suppos, sur cette base, maximiser froidement, une fonction dutilit ou de gain prenant en compte et pondrant conformment ses anticipations toutes les dates et tous les scna-rios futurs. Ce paradigme a permis de produire un grand nombre de conclusions oprationnelles et dintuitions qui ont rendu possibles de nombreuses avances notamment en finance et en assurance. A tel point que lon a fini par considrer comme irrationnel tout individu ou tout march dont le comportement ou le fonc-tionnement ntait pas conforme aux hypothses ou aux prdiction de la thorie.La finance comportementale adopte la dmarche inverse : elle part des compor-tements observs et des traits mis en exergue notamment par psychologues et sociologues pour intgrer ces biais dans lanalyse conomique.La Chaire Les particuliers face au risque : analyse et comportement des marchs de la Fondation du Risque, soutenue par Groupama, adopte cette approche et explore sur une base tant empirique que thorique les comportements individuels et la manire dont les marchs les intgrent, les rpercutent et les alimentent.Ce numro, prsente quelques uns des travaux dvelopps dans ce cadre. Alors que Guy Kaplanski et ses co-auteurs sintressent leffet des motions sur la prise de dcision et notamment sur les comportements financiers, Luc Arrondel et Andr Masson analysent, sur la base dune grande enqute mene entre 2007 et 2011, la manire dont la crise a modifi les comportements financiers des m-nages. Hippolyte dAlbis et ses co-auteurs sintressent quant eux un autre facteur impactant les comportements : la longvit. Quels sont les liens entre lon-gvit et ge de dpart la retraite ? Yannick Viossat dune part et Milo Bianchi et Philippe Jehiel dautre part, sintressent au degr de sophistication des indivi-dus sur un plan thorique pour les premiers et sur un plan oprationnel pour les seconds. Lagent rationnel est suppos sophistiqu dans le sens o il identifie parfaitement la pertinence des informations et prend en compte toutes les actions (lorsquil a la possibilit de les observer ou de les infrer) des autres agents. Dans la ralit, les individus vont adopter des comportements plus nafs. Leurs perfor-mances sont-elles pour autant infrieures ? Cest la question quaborde Yannick Viossat. Bianchi et Jehiel adoptent un point de vue dual en valuant limpact du niveau de sophistication des investisseurs sur leur comprhension du rapport financier des entreprises et in fine sur leur valuation de lentreprise. La manire de prsenter et de rdiger ces rapports devient alors un puissant outil dorientation des analyses et des valuations.

    Elys Jouini

  • 4 LES CAHIERS LOUIS BACHELIER LES CAHIERS LOUIS BACHELIER 5

    Lhumeur gnrale de linvestisseur joue sur sa vision du march finan-cier. Plus il est heureux, plus il est optimiste quant aux retours dinves-tissement.

    Sil anticipe de meilleures perfor-mances, linvestisseur achte plus dactions. Le prix des actions est donc en partie li des facteurs non conomiques, notamment aux sentiments des investisseurs.

    retenir

    Dans un monde parfaitement ration-nel, les dcisions seraient prises uniquement sur la base de chiffres et de faits. Mais, en ralit, les inves-tisseurs sont des tres humains qui se laissent parfois influencer par leurs sentiments La littrature aca-dmique (Baker et Wurgler, 2007) dfinit les sentiments des investis-seurs comme tant lensemble des croyances sur les cash-flows et les risques futurs non justifis par les faits. Comment ces sentiments impactent-ils les plans dinvestisse-ment ?

    Guy Kaplanski, Haim Levy, Chris Veld, et Yulia Veld-Merkoulova se sont penchs sur cette question afin de connatre le rel effet des motions sur les comportements financiers. Ils ont tudi le lien entre des vnements extrieurs influant gnralement le moral (la mto, les rsultats sportifs) et lhumeur gnrale de lindividu ; ainsi que la relation entre ces vnements et les anticipations de linvestisseur quant

    la volatilit et la rentabilit du mar-ch.

    Pour ce faire, les auteurs ont inter-rog des investisseurs actifs sur les marchs actions et ont explor lin-fluence de cinq paramtres : lhumeur gnrale de la personne la mto la dpression saisonnire les rsultats de lquipe sportive

    prfreet le jour de la semaine : le fait

    dtre en week-end, par exemple, modifie-t-il les anticipations ?

    Lhumeur joue sur la vision du marchLes rsultats de lenqute confir-ment certaines ides populaires. La mto a ainsi un fort impact sur lhumeur gnrale : plus lindividu juge quil fait beau, meilleur est son moral. De mme, les personnes souffrant de dpression saisonnire sont particulirement abattues du-rant lautomne et lhiver. Or, lorsquon est de mauvaise humeur, on est plus

    Les gens heureux sont-ils des investisseurs optimistes ?La dcision dacheter ou vendre une action est base sur un ensemble de faits et perspectives conomiques lis au secteur et lentreprise. Mais dautres facteurs entrent-ils en jeu ? Des vnements non conomiques influencent-ils les dcisions dinvestissement ? Dans quelle mesure les motions et les sentiments peuvent-ils modifier les comportements financiers ? Telles sont les problmatiques abordes dans cet article.

    pessimiste, et inversement Les retours estims par les personnes se dclarant de bonne humeur ap-paraissent systmatiquement sup-rieurs ceux des personnes de mauvaise humeur.

    Afin danalyser plus prcisment limpact du bien-tre de lindividu sur ses comportements financiers, les auteurs ont cr un indice, lIndividual Sentiment Index (ISI) qui regroupe les diffrentes variables motionnelles ( savoir, le temps, la dpression saisonnire et les rsul-tats sportifs). Ils dmontrent ainsi que cet in-dice a une r p e rc u s -sion posi-tive sur les a n t i c i p a -tions des rendements du march boursier, et une rper-cussion ngative sur la perception des risques. Autrement dit, si lin-vestisseur se sent bien, il aura une vision optimiste du march financier : valorisant les gains potentiels et minimisant les risques. Ces rsul-tats sont en ligne avec de prc-dentes tudes, notamment celles de Nygren, Isen, Taylor et Dulin (1996) qui montraient que les motions positives conduisaient plus dopti-misme quant aux probabilits de gains futurs.

    Un investisseur optimiste est un in-vestisseur lachat

    Plus heureux, linvestisseur a une vision optimiste des marchs. Reste savoir si ce regard positif se traduit dans les faits, et donc dans les plans dinvestissement.

    La rponse est positive. Ses esp-rances de retours tant plus le-ves, linvestisseur est incit ache-ter plus dactions. Par contre, leffet des anticipations du risque sur les achats ou ventes dactions savre

    peu significatif, laissant penser que les investisseurs prennent leurs d-cisions dabord en fonction de leurs anticipations de performance.De plus, les sentiments impactent aussi bien les comportements sur le march domestique que sur les marchs trangers : le bien-tre de lindividu influe positivement sur la vision du march boursier nerlan-dais, comme celle du march am-ricain. De mme, la perception des rendements est plus optimiste, tant court terme qu long terme.A noter enfin que si les sonds se disent de meilleure humeur le sa-

    medi, ils ne changent pas pour autant leurs compor-tements finan-ciers le week-end. De ce point de vue, le

    jour de la semaine apparat comme peu pertinent.

    Des actifs lis aussi des facteurs non conomiques

    De nombreuses expriences en la-boratoire ont montr que les inves-tisseurs prenaient des dcisions parfois irrationnelles, voire contra-dictoires avec lutilit espre. Ltude, base sur un panel din-vestisseurs actifs sur les marchs, confirme limportance des motions dans les dcisions dinvestissement. Plus linvestisseur est heureux, plus il anticipe de bonnes performances et moins il anticipe de risque. Aussi, le prix des actions est en partie corrl des facteurs non conomiques comme les conditions mtorolo-giques, la saison ou encore les v-nements sportifs.Si certains de ces rsultats taient attendus, lintensit du phnomne est surprenante. Les anticipations des personnes de bonne humeur sont systmatiquement suprieures aux autres, et lcart est toujours significatif.

    Plus linvestisseur est heureux, plus il anticipe de bonnes performances du march boursier

    Les facteurs non conomiques, comme la mto, les rsultats sportifs, ou le sentiment de bien-tre, ont une vritable influence sur les dcisions dinvestissement.

    Il est important dvaluer leur impact afin de mieux comprendre le comportement des investisseurs.

    Recommandations

    Ltude est fonde sur un panel reprsentatif de la population nerlandaise. En octobre 2010, 7 428 personnes ont t interroges sur leur portefeuille dinvestissement. La recherche sest ensuite centre sur les 929 individus possdant des actions. Trois vagues de questionnaires leur ont t envoyes en novembre 2010, fvrier 2011 et juin 2011. Chaque membre du panel a report ses attentes concernant les retours potentiels et les risques des bourses nerlandaise et amricaine, pour le mois suivant ainsi que pour la prochaine anne. Les sonds ont galement t interrogs sur leur humeur gnrale, les rsultats de leur quipe sportive prfre et leur perception de la mto. Ils indiquaient par ailleurs sils souffraient de dpression saisonnire.

    Mthodologie

    Allais, M. Le Comportement de lHomme Rationnel Devant le Risque : Critique des Postu-lats et Axiomes de lcole Amri-caine. Econometrica, 21 (1953), 503546.

    Kamstra, M. J.; L. A. Kramer; and M. D. Levi. Winter Blues: A SAD Stock Market Cycle. The Ameri-can Economic Review, 93 (2003), 324343.

    Nygren, T. E.; A. M. Isen; P. J. Tay-lor; and J. Dulin. The Influence of Positive Affect on the Decision Rule in Risk Situations: Focus on Outcome (and Especially Avoi-dance of Loss) Rather than Pro-bability. Organizational Behavior and Human Decision Processes, 66 (1996), 5972.

    Pour allerplus loin...Pour allerplus loin...

    Daprs larticle Do Happy People Make Optimistic Investors? de Guy Kaplanski, Haim Levy, Chris Veld, et Yulia Veld-Merkoulova.

    Retrouvez larticle de Guy Kaplanski

    sur www.louisbachelier.org@

  • LES CAHIERS LOUIS BACHELIER 76 LES CAHIERS LOUIS BACHELIER

    Depuis la chute de Lehmann Brothers, les Franais font preuve de plus de pru-dence dans leurs placements financiers. Une srie denqutes (Pater), ralises entre 2007 et 2011, a mesur lvolution des comportements. Le nombre daction-naires dclars a ainsi diminu de 40 % entre dcembre 2008 et juin 2012, tandis que les dpts sur le livret A ont progres-s denviron 30 %1. Les mnages eux-mmes se dclarent plus prvoyants. A la question Diriez-vous que depuis la crise financire, vous tes devenus plus prudent, moins prudent, ou vous navez pas chang ?, 48 % des personnes interroges se disaient plus prcaution-neuses en 2009. Cette proportion est monte 54 % en 2011, mme si ces volutions doivent tre nuances selon les diffrentes catgories sociales de la population. Face ces constats, il est tentant de conclure que la crise rend les particuliers plus averses au risque. Mais

    cette conclusion nest-elle pas un peu rapide ? Existe-t-il dautres facteurs expli-catifs ces changements dattitude ? Grce cinq vagues denqutes, Luc Arrondel et Andr Masson ont tudi lim-pact de la crise sur les comportements patrimoniaux des Franais. Ils ont ana-lys les volutions en matire dpargne au cours du temps et ont cherch les fac-teurs explicatifs de ce changement.

    Trois facteurs cls

    Les choix en matire dpargne d-pendent de trois grands types de fac-teurs. Tout dabord, les ressources disponibles de lindividu. Il sagit videm-ment de son patrimoine mais aussi de son capital sant, son niveau dduca-tion, ses connaissances financires Ensuite, la perception de lenvironne-ment et les anticipations vis--vis du futur. Cette catgorie regroupe des l-

    La crise accrot-elle la peur du risque ?Les Franais investissent de moins en moins en Bourse, prfrant des placements plus srs, comme le livret A. Cette volution sest accentue depuis les crises successives des subprimes et des dettes souveraines. Est-ce dire que la crise rend les pargnants plus averses au risque ? Sinon, comment expliquer les modifications des comportements financiers ? Luc Arrondel et Andr Masson ont analys ces volutions, grce une grande enqute mene entre 2007 et 2011.

    ments conomiques (volution de salaire, risque de chmage, montants de la future pension de retraite), tout comme les anticipations en matire dtat de sant ou desprance de vie, voire mme celles concernant les volutions du systme de protection sociale.Enfin, les prfrences de lindividu lgard du risque et du temps. Ces fac-teurs renvoient au degr daversion au risque et la prfrence pour le prsent (la faon dont un individu pondre le bien tre futur par rapport son bien tre pr-sent). Les prfrences de lpargnant influent en effet sur les arbitrages entre consommation et pargne.

    Une mesure du risque controverse

    Un des points rgulirement discu-ts dans la littrature acadmique est la mesure de laversion au risque. Traditionnellement, les tudes lvaluent via des critres quantitatifs, comme les chelles de risque la Likert (sur une chelle de 0 10, la personne auto-va-lue sa propension prendre des risques), ou via des questions sur des choix din-vestissements financiers virtuels. La mthode de scoring utilise par les cher-cheurs est diffrente puisquelle inclut des mesures qualitatives afin de dessiner un portrait psychologique de lpar-gnant. Via des questions portant sur les diffrents aspects de la vie (consomma-tion, travail, sport, et ctera), les auteurs valuent les prfrences des sonds lgard du risque et du temps.

    Des prfrences identiques

    Les rsultats de lenqute montrent que, pour une majorit de mnages, les res-sources disponibles taient encore peu touches par la crise en 2011. La baisse des revenus ne peut donc pas justifier les changements des comportements financiers. Lexplication vient elle, dans ce cas, dune plus grande allergie au

    risque ? Les mthodes de mesures tradi-tionnelles, souvent sensibles lenviron-nement conomique, vont dans ce sens puisquelles indiquent une augmentation de laversion relative au risque. Mais les scores, mis au point par Luc Arrondel et Andr Masson, donnent une vision contradictoire. Selon cet outil, les par-gnants ont toujours la mme attitude lgard du risque. Ils sont globalement aussi tolrants quavant la crise : ni plus, ni moins, indique ltude. Quant la pr-frence temporelle, elle est galement reste stable : le got pour lpargne na gure volu.

    Mais des anticipations plus pessimistes

    La nouveaut est ailleurs, dans la per-ception de lavenir. Les individus sont devenus beaucoup plus pessimistes, en particulier aprs la crise des dettes souveraines de 2011. Ils revoient leurs anticipations la baisse : alors que les personnes interroges tablaient sur une progression de leurs revenus de 3 % en 2007, elles anticipaient une stagnation en 2011. De mme, le rendement moyen anticip sur le march boursier passe de 5,6 % en 2007 0 % en 2011. Plus pessimistes lgard de la bourse, les Franais sen loignentLa plus grande prudence des par-gnants dans leurs placements financiers sexplique ainsi par leur perception plus sombre de lenvironnement conomique, et non par un changement des prf-rences vis--vis du risque. Pourquoi in-vestir dans des actions si on est persuad quelles ne rapporteront rien ? La vision plutt noire du contexte conomique se-rait, pour les auteurs, la premire cause du rejet des produits risqus. Reste donc redonner un peu doptimisme la population. Sil est en effet trs difficile dinfluencer le degr daversion au risque dun individu, des mesures pourraient tre prises afin de scuriser lenvironne-ment conomique, fiscal et social.

    Depuis la crise de 2008, les Fran-ais se montrent beaucoup plus prudents dans leurs placements financiers. Ils dlaissent la Bourse au profit des livrets dpargne, plus scuriss.

    Les particuliers ne sont pas deve-nus plus averses au risque pour autant. Ils se montrent par contre plus pessimistes.

    Anticipant des rendements moindres pour les actions, ainsi quune stagnation de leurs revenus, les mnages ont modifi leurs com-portements en consquence.

    retenir

    Borghans, L. Duckworth, A. L.; Heckman, J. J. et ter Weel, B. (2008). The Economics and Psy-chology of Personality Traits, Journal of Human Resources, 43(4): 972-1059.Barsky, R.B., Kimball, M.S., Jus-ter, F.T. et Shapiro, M.D. (1997), Preference Parameters and Be-havioral Heterogeneity: An Expe-rimental Approach in the Health et Retirement Survey, Quarterly Journal of Economics, 112(2), p. 537-580.

    Dohmen T., Falk A., Huffman D., Sunde U., Schupp J. et Wagner G. (2011), Individual Risk Attitudes: New Evidence from a Large, Re-presentative, Experimentally, Vali-dated Survey, Journal of the Eu-ropean Economic Association, 9(3), p. 522-550.Guiso, L. et Sodini, P., (2012). Household Finance: An Emer-ging Field, CEPR Discussion Pa-pers 8934, C.E.P.R. Discussion Papers.

    Luc Arrondel

    Luc Arrondel est directeur de recherche au Centre National de Recherche Scientifique (CNRS), chercheur et professeur associ lcole dconomie de Paris (PSE - Paris School of Economics). Il est galement consultant scientifique la Banque de France.Economiste, ses recherches portent sur les aspects thoriques et empiriques des comportements individuels dpargne. Ses travaux concernent plus prcisment lac-cumulation, la composition et la transmission du patrimoine des mnages, mais aussi la mesure des prfrences et des anticipa-tions des pargnants.Expert auprs de lInsee pour la conception et lexploitation des enqutes Patrimoine, il ralise en parallle depuis une quinzaine dannes (avec Andr Masson), les enqutes PATER (Patrimoine et prfrences face au temps et au risque).

    BIOGRAPHIE

    Dbute en 1998 par lInsee, lenqute Pater (Patrimoine et prfrences vis--vis du temps et du risque) a t relance par Luc Arrondel et Andr Masson en 2007 : plus de 3600 mnages ont t interrogs. Outre linformation recueillie habituellement dans les enqutes patrimoniales, Pater met laccent sur les questions qualitatives et subjectives visant mesurer les prfrences de lindividu en matire dpargne (aversion au risque, prfrence pour le prsent, altruisme), ainsi que les anticipations concernant ses ressources futures. Les prfrences de lindividu sont ainsi mesures par une mthode originale de scoring (Arrondel et Masson, 2014) partir de loteries, mais aussi en fonction des attitudes, des opinions, des comportements dans diffrents domaines de la vie (sant, professionnel, loisirs, consommation, retraite).

    MthodologieLa question de lorientation de lpargne vers des investissements long terme est rgulirement au cur des dbats politiques. Ltude prsen-te permet de voir quels leviers peuvent tre utiliss pour influencer les choix des pargnants.

    Sil est trs difficile de changer le degr daversion au risque des indivi-dus, les pouvoirs publics peuvent intervenir afin de scuriser lenviron-nement, et rassurer ainsi les pargnants.

    Garantir la prennit du systme de retraite, assurer la stabilit de la politique fiscale, sont autant dlments qui contribuent une percep-tion optimiste de lavenir.

    Recommandations

    Daprs larticle de Luc Arrondel et Andr Masson Mesurer les prfrences des pargnants : comment et pourquoi (en temps de crise) ?, et un entretien avec Luc Arrondel.

    1. Source : tude trimestrielle SoFia ralise par Tns-Sofres auprs de 12 000 panelistes (dont ceux des enqutes Pater)

    @

    Pour allerplus loin...Pour allerplus loin...

    Retrouvez larticle de Luc Arrondel

    sur www.louisbachelier.org

  • The Leading Interdisciplinary Forumon Market Microstructure

    Paris, 8th To 11th December 2014

    ORGANISING COMMITTEE

    Maison de la Chimie28 Rue Saint-Dominique75007 Parishttp://market-microstructure.institutlouisbachelier.org

    visit the websiteto register and discover the program

    MARKET MICROSTRUCTURE OPTIMAL TRADING

    HIGH FREQUENCY TRADING MARKET IMPACT

    REGULATION STATISTICS OF FREQUENCY DATA

    ORDER BOOK MODELLING MARKET DESIGN

    Jean-Philippe BOUCHAUD

    Thierry FOUCAULTFrdric ABERGEL

    Charles-Albert LEHALLE

    Mathieu ROSENBAUM

    MMS2014_doublePage.indd 1-2 22/06/2014 16:32:06

  • Retrouvez, en vido, linterview dHippolyte dAlbis

    sur www.louisbachelier.org

    Vido

    LES CAHIERS LOUIS BACHELIER 1110 LES CAHIERS LOUIS BACHELIER

    Retrouvez larticle dHippolyte dAlbis

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    Le recul de lge de la retraite est souvent prsent comme inluctable. Nous vivons plus longtemps, en consquence, nous devons travailler plus longtemps. Lhistoire contem-poraine est pourtant en contradiction avec cette vision.Ainsi, au cours du XXme sicle, lge de dpart la retraite a baiss dans les pays dvelopps tandis que lesprance de vie a augment. Aux Etats-Unis, par exemple, lesprance de vie la naissance pour un garon tait de 50 ans en 1900. Elle est mon-te 70 ans au milieu du sicle, avant datteindre les 80 ans dans les annes 90. En parallle, le taux dactivit des hommes de 65 ans et plus na cess de diminuer, passant de 60 % en 1900, 20 % en 1990. Une situation qui peut sembler contradictoire. Ltude mene par Hippolyte dAlbis et ses co-auteurs tente dexpliquer ce paradoxe. Les chercheurs sint-ressent aux liens entre longvit et ge de dpart la retraite, et se penchent plus gnralement sur les diffrents motifs qui influencent cette dcision.

    Pourquoi un individu choisit-il darrter son activit professionnelle ? Sur quels facteurs appuie-t-il sa dcision ? Les auteurs identifient trois l-ments principaux : le systme public de retraite en vi-

    gueur, avec lensemble de ses inci-tations et pnalits,

    le niveau de richesse,et lesprance de vie.Dans un premier temps, ils ont labor un modle permettant dvaluer de fa-on thorique limportance relative de ces trois facteurs sur lge de dpart en retraite. Ils poursuivent actuelle-ment leur tude par des tests empi-riques sur des donnes amricaines. En effet, le systme amricain se prte mieux lanalyse. Il est plus simple que son homologue franais et com-porte moins de rgimes spcifiques.

    Baisse de mortalit : un impact qui va-rie selon les ges

    Le premier critre valu est celui de la longvit. Dun point de vue thorique, leffet dun allongement de la dure de

    Hippolyte dAlbisHippolyte dAlbis est professeur de sciences conomiques luniver-sit Paris 1 et lEcole dconomie de Paris ; il est membre de lInsti-tut universitaire de France et des chaires Transitions conomiques, transitions dmographiques et Les particuliers face au risque. Aprs avoir soutenu sa thse en dcembre 2003, il a t recrut luniversit de Toulouse 1, o il est rest jusqu son recrutement Paris en septembre 2011. Il a reu, en 2012, le prix du meilleur jeune conomiste dcern par le Cercle des Economistes et Le Monde. Ses recherches portent sur lanalyse conomique des phnomnes d-mographiques tels que le vieillisse-ment de la population, la fcondit et limmigration. Elles bnficient du soutien du Conseil Europen de la Recherche (ERC starting grant).

    Vivre plus implique-t-il de travailler plus ?Alors que la rforme des systmes de retraite est au cur des dbats politiques, ltude dHippolyte dAlbis se penche sur les facteurs qui influencent lge de dpart la retraite. Comment un individu prend-il sa dcision ? Sur quels lments se base-t-il ? Une meilleure esprance de vie entrane-t-elle ncessairement un recul de lge de la retraite ? La rponse est complexe et croise les analyses dmographique et conomique.

    Daprs larticle dHippolyte dAlbis, Sau-Him Paul Lau et Miguel Snchez-Romero Mortality transition and differential incentives for early retirement, et un entretien avec Hippolyte dAlbis.

    vie est double. Dune part, lhorizon de consommation est prolong. Lindividu est donc incit rduire ses dpenses chaque ge, et travailler plus long-temps pour compenser lallongement de sa dure de vie. Il sagit dun effet de planification, qui a un impact plu-tt dpressif sur la consommation. Dautre part, vivant plus vieux, chaque individu va bnficier plus longtemps de ses revenus. De ce fait, il y a ga-lement un effet positif sur la richesse. Lobjectif de la recherche est de dter-miner quel effet domine. Il en ressort que limpact varie selon lge qui bnficie dune baisse de morta-lit. Si la proba-bilit de survie samliore un ge jeune, leffet revenu lemporte. Elle cre un effet de richesse car lallon-gement de la dure de vie concerne la priode active. Au contraire, si la survie samliore aprs lge de la re-traite, elle nimpacte pas le niveau de revenu. Les individus sont donc incits allonger leur vie professionnelle afin de financer une retraite plus longue. Leffet planification prvaut.

    Entre conomie et dmographie

    Par cette dmonstration, larticle fait le lien entre volution conomique et transition pidmiologique, dite aussi transition sanitaire1. Le dbut de la transition est essentiellement marqu par la baisse de la mortalit infantile ; tandis quau fil des annes, les gains desprance de vie sobtiennent sur les populations adultes, puis ges. Lge de dpart la retraite aura donc tendance avancer en dbut de tran-sition sanitaire, puis reculer. Or, au cours du XXme sicle, la baisse de mortalit a touch les populations jeunes comme les plus ges. Aussi,

    selon les chercheurs, les effets pla-nification et revenu se sont annuls. Une hypothse qui se vrifie sur les donnes amricaines. Le seul facteur de hausse de lesprance de vie na quun trs faible impact sur le moment du dpart en retraite.

    Moins de pnalit, plus de croissance

    Le facteur longvit tant sans effet, les chercheurs se sont ensuite pen-chs sur linfluence du systme public de retraite. En utilisant leur modle

    sur les donnes a m r i c a i n e s , ils ont effectu une projection des dparts en retraite avec un systme inchan-g depuis 1935.

    Autrement dit, le rgime pris en consi-dration ne comporte aucune pnalit ni incitation lie la dure de la vie active. Le rsultat est plutt surprenant puisque lge de dpart la retraite nvolue quasiment pas. Les systmes de bonus/malus, mis en place par les Etats pour encourager les actifs tra-vailler plus longtemps, seraient donc inefficaces Toutefois, les conclu-sions de ltude ne concernent pas la soutenabilit du rgime. Si les pnali-ts influencent peu les dcisions des travailleurs, elles sont utiles dun point de vue conomique. Enfin, lanalyse porte sur la corr-lation entre retraite et croissance. Elle a notamment tudi les cons-quences dune croissance nulle, donc dune stagnation des revenus. Cette hypothse a t intgre au modle. Ltude montre alors un recul de lge du dpart la retraite. En priode de ralentissement conomique, les indivi-dus travaillent plus longtemps afin de compenser leur perte de revenu. Des conclusions qui laissent prsager dun allongement de la priode dactivit.

    La hausse de lesprance de vie a peu dimpact sur le moment du dpart en retraite

    Ltude prsente sappuie sur la thorie du cycle de vie. Lindividu effectue ses choix de faon rationnelle. Il dcide de partir la retraite en fonction dun arbitrage entre consommation et pargne. Les chercheurs ont, dans un premier temps, labor un modle reprsentant ce comportement. Ils ont ensuite test sa robustesse en se basant sur des donnes amricaines. Rsultat : 90 % des prvisions du modle concordent avec les donnes relles, et la moyenne des prvisions est proche des donnes observes. Le modle a enfin pu tre utilis pour effectuer des projections et tester la sensibilit de certains facteurs sur lge des dparts en retraite.

    Mthodologie

    BIOGRAPHIE

    Limpact de la baisse de la mortalit sur lge de la retraite varie au cours de la transition pidmiologique.

    La rduction de la priode active constate au cours du XXme sicle est cohrente. Elle ne rsulte pas dun systme de retraite ineffi-cace.

    Le niveau de croissance a un impact trs fort sur lge de la re-traite. Une priode de prosprit conomique permet davancer les dparts en retraite. Une rcession, au contraire, conduit prolonger la priode dactivit.

    retenir

    D. E. Bloom, D. Canning, R. K. Mansfield, M. Moore, Demogra-phic change, social security sys-tems, and savings, Journal of Monetary Economics 54 (2007), 92-114.

    D. L. Costa, The Evolution of Re-tirement, University of Chicago Press, Chicago, 1998.

    J. Gruber, D. A. Wise, Social se-curity and retirement: An inter-national comparison, American Economic Review Papers and Proceedings 88(2) (1998), 158-163.

    Il est ncessaire daborder la problmatique de la retraite, via une vision interdisciplinaire.

    Structures dmographiques et conomiques sont troitement lies, mme si les modifications dmographiques nimpliquent pas toujours une volution conomique linaire. Il serait intressant de mener une tude similaire avec des donnes franaises.

    Recommandations

    @

    Pour allerplus loin...Pour allerplus loin...

    1. Priode de baisse de la mortalit qui accompagne la transition dmographique. Elle saccom-pagne dune amlioration de lhygine, de lalimentation et de lorganisation des services de sant et dune transformation des causes de dcs. Source Ined

  • LES CAHIERS LOUIS BACHELIER 1312 LES CAHIERS LOUIS BACHELIER

    Milo Bianchi

    Milo Bianchi est matre de conf-rences lEcole dEconomie de Toulouse (TSE) et membre de lIns-titut dconomie Industrielle (IDEI). Ses thmes de recherche portent sur lconomie financire, lcono-mie comportementale et le corpo-rate finance. Titulaire dun Doctorat dconomie de la Stockholm School of Economics, il est gale-ment diplm du Massachusetts Institute of Technology, de lUni-versity College London et de la Bocconi University Milan.

    performances. Bien que les informa-tions ngatives soient notifies, elles reoivent moins dattention de la part des investisseurs.

    et dargent

    La seconde contrainte est dordre financire. Les investisseurs dispo-sant dun capital limit, ils ne peuvent pas investir dans toutes les socits. Ils choisissent celles qui leur assurent le meilleur bnfice de transaction. En consquence, le prix de laction nest pas dtermin par lensemble des investis-seurs, mais s e u l e m e n t par ceux qui ont mis sur cette firme. Une situation qui favorise les entre-prises. Cette double limitation des ressources, en temps et en argent, gnre un effet positif sur leur valorisation. Les cours sont influencs la hausse, parfois bien au-dessus de la valeur fonda-mentale.Face ces imperfections de march, les auteurs ont souhait valuer lim-pact du niveau de sophistication des investisseurs sur leur approche du rapport financier et sur leur valuation de la socit. Le niveau de sophisti-cation est mesur ici par le nombre dinformations traites. Ltude sou-ligne que plus les investisseurs traitent dinformations, plus leur valuation de lentreprise est proche de la valeur relle. Toutefois, bien que la sophis-tication des investisseurs amliore la justesse du processus de formation des prix, et donc le fonctionnement du march, elle ne suffit pas assu-rer son efficience. Lvaluation faite par les investisseurs demeure en effet suprieure la valeur fondamentale.

    La concurrence ne fait pas tout

    Les travaux des chercheurs ont enfin port sur les effets de la concurrence. Une concurrence plus forte conduit-elle une apprciation du prix des actions plus juste ? La thorie lib-rale laffirme, larticle prsent tend prouver le contraire. Quel que soit leur nombre sur le march, les entreprises nont pas intrt communiquer de faon transparente. La transparence conduit tablir le prix des actions au niveau de la valeur fondamentale, tandis quun rapport financier plus

    opaque amne les investisseurs survaluer lentre-prise. Les socits ne tirent donc aucun avantage com-muniquer de faon claire et prcise. Le niveau de concur-rence ne change

    rien cet tat de fait. Il ne peut, lui seul, assurer une bonne formation des prix. La thorie librale sur lefficience des marchs repose sur une parfaite rationalit des acteurs. Larticle pr-sent prouve que la ralit est bien diffrente. Les investisseurs disposent dun temps et dun capital limits pour raliser leurs oprations. Dans ces conditions, leur analyse est biaise. Les socits en sont conscientes et optent dlibrment pour une pr-sentation complexe de leurs rsul-tats afin de masquer les mauvaises performances. Simple et centre sur les informations essentielles, ou au contraire dense et complexe, la stra-tgie de communication financire utilise a une influence directe sur le cours de bourse.

    BIOGRAPHIE

    La stratgie de communication finan-cire choisie par les entreprises a un rel impact sur le comportement des investisseurs. Un rapport financier complexe et opaque permet dinfluen-cer la hausse le cours de laction, en dissimulant les mauvaises perfor-mances.

    Disposant dun capital et dun temps limits, les investisseurs ne traitent pas toutes les informations et se focalisent sur les lments positifs.

    La concurrence ne suffit pas rsoudre cette imperfection du march.

    retenir

    Hirshleifer, D. and Teoh, S. H. (2003), Limited attention, information disclo-sure, and financial reporting, Journal of Accounting and Economics 36(1-3), 337-386.Scheinkman, J. A. and Xiong, W. (2004), Heterogeneous beliefs, spe-culation and trading in financial mar-kets, in R. A. Carmona, E. inlar, I. Ekeland, E. Jouini, J. A. Scheinkman and N. Touzi, eds, Paris-Princeton Lectures on Mathematical Finance 2003, Springer Berlin / Heidelberg, pp. 223-233.

    Hong, H. and Stein, J. C. (2007), Di-sagreement and the stock market, Journal of Economic Perspectives 21(2), 109128.Tversky, A. and Kahneman, D. (1971), Belief in the law of small numbers, Psychological Bulletin 76(2), 105 110.

    Les entreprises nont pas intrt jouer la transparence

    Les entreprises cotes doivent se conformer un certain nombre de rgles, notamment en matire de transmission dinformation au mar-ch. Elles sont ainsi tenues dtablir chaque anne un rapport financier de leur activit. Les socits bnfi-cient toutefois dune marge de libert dans la prsentation de ce document. Elles peuvent donner plus ou moins de dtails, rpartir les lments dans de nombreuses sous-parties ou offrir une synthse plutt concise. Dans leur tude, les auteurs sinter-rogent sur limpact de la stratgie de reporting financier sur les investis-seurs. A-t-elle une influence sur leur comportement ? Par ricochet, la com-munication financire peut-elle jouer sur le niveau des cours ? Les inves-tisseurs les plus sophistiqus sont-ils moins sensibles que les autres ces mthodes de marketing ?

    Une question de temps

    Pour raliser ses transactions, chaque investisseur value la valeur dune

    entreprise sur la base des informa-tions fournies. Si le cours de laction est infrieur son estimation, il achte des titres ; dans le cas contraire, il vend. Mais cette estimation nest pas effectue de faon parfaitement ra-tionnelle. Elle est en ralit biaise deux niveaux. Tout dabord, elle sef-fectue sous une contrainte de temps. Aussi, face un document dense et complexe, les investisseurs ntudient pas avec attention lensemble des lments fournis. Chacun dentre eux se focalise sur un chantillon dinfor-mation, qui peut varier dun individu lautre. Or, le chercheur dmontre que les investisseurs sont plus attentifs aux bonnes nouvelles. Ils recherchent en effet les transactions les plus ren-tables, et doivent donc allouer leurs capitaux aux meilleures entreprises. Une information positive a ainsi plus dimpact sur leur comportement, et par l mme sur le prix de laction, quune information ngative. Dans ces conditions, une prsentation longue et opaque des rsultats financiers permet de dissimuler les mauvaises

    Chaque investisseur sappuie sur les informations fournies par une socit pour en estimer la valeur. Toutefois, ses ressources en temps et en capitaux tant limites, son analyse peut tre biaise. Dans ce contexte, les entreprises sont-elles incites complexifier leurs rapports financiers pour influencer les croyances des investisseurs ? Quelles sont les consquences sur le niveau des cours des actions ?

    Ltude se base sur la thorie de lquilibre gnral qui traite des dcisions dinvestissement et de la formation des prix. Elle sappuie galement sur la thorie des jeux. Les auteurs considrent un march compos de X entreprises. Ils font lhypothse que chaque investisseur ne peut acheter ou vendre quune seule action. Linvestisseur choisit donc le titre qui devrait tre le plus rentable. Ignorant la valeur fondamentale des entreprises, il lvalue par le biais des informations fournies dans le rapport financier. Grce leur modle, Milo Bianchi et Philippe Jehiel mesurent limpact de la stratgie de communication financire sur lvaluation faite par les investisseurs.

    MthodologieLapprciation de la valeur dune entreprise par les investisseurs est une question complexe. De nombreux paramtres entrent en ligne de compte.

    Une vigilance accrue des investisseurs vis--vis des rapports financiers serait videmment bnfique.

    Il est galement possible daccrotre les contraintes de reporting des socits. Mais le sujet de la communica-tion financire est aussi li la politique de rmunration des dirigeants.

    Dautres tudes ont dmontr que plus les managers taient intresss aux performances de lentreprise, plus ils taient incits manipuler les cours.

    Recommandations

    Daprs un entretien avec Milo Bianchi et larticle Financial reporting and market efficiency with extrapolative investors de Milo Bianchi et Philippe Jehiel.

    Retrouvez larticle de Milo Bianchi

    sur www.louisbachelier.org@

    Une prsentation complexe des rsultats financiers permet de dissimuler les mauvaises performances

    Pour allerplus loin...Pour allerplus loin...

  • LES CAHIERS LOUIS BACHELIER 1514 LES CAHIERS LOUIS BACHELIER

    Yannick Viossat

    Yannick Viossat est matre de conf-rences en mathmatiques luni-versit Paris-Dauphine. Ingnieur de lEcole polytechnique, il a fait une thse de mathmatiques au laboratoire dconomtrie de cette mme cole, avant deffec-tuer un stage post-doctoral la Stockholm School of Economics et de rejoindre Dauphine. Il dpend de lquipe de mathmatiques appliques lconomie et la finance du CEntre de REcherche en MAthmatiques de la DEcision (CEREMADE). Ses travaux portent essentiel-lement sur la thorie des jeux - lanalyse formelle des interactions stratgiques - et ses applications en conomie, en finance et en biologie. Il sintresse particulire-ment aux questions dvolution et dapprentissage, et notamment ltude de lvolution du comporte-ment dagents la rationalit limi-te, et sadaptant leur environne-ment suivant des rgles simples. Ses travaux sont publis dans des revues de mathmatiques, dco-nomie, de finance, et de biologie thorique.

    BIOGRAPHIE

    La dynamique de non regret et le jeu fictif sont deux processus dap-prentissage simple.

    Les joueurs sont assez nafs et nont pas pleinement conscience des interactions entre les diffrents participants.

    Ces deux processus dapprentis-sage fonctionnent de faon trs si-milaire : la dynamique de non regret est en fait un jeu fictif perturb. Sa-chant que, dans certains cas, le jeu fictif abouti sur le long terme un comportement sophistiqu, on peut dduire les mmes rsultats pour la dynamique de non regret.

    retenir

    M. Benam, J. Hofbauer, and S. Sorin. Stochastic approximations and differential inclusions. Part II: Applications, Mathematics of Operation Research 31 (2006), 673-695

    N. Cesa-Bianchi et G. Lugo-si, Prediction, Learning, and Games, Cambridge University Press, 2006

    S. Hart and A. Mas-Colell, Simple Adaptive Strategies, World Scien-tific Publishing, 2013

    W. H. Sandholm, Population Games and Evolutionary Dynami-cs, MIT Press, 2010

    Ltude des phnomnes dapprentissage en thorie des jeux peut sappliquer dans la gestion de rseaux com-plexes, comme les rseaux tlcoms. Elle peut par exemple tre utilise pour faire en sorte que les tlphones portables choisissent une antenne de faon assurer un fonctionnement optimal du rseau.

    Dans le domaine financier, la thorie des jeux peut fournir une approche qualitative du comportement des investisseurs.

    Recommandations

    Pour relier le processus du jeu fictif et les dynamiques de non-regret, Yannick Viossat et Andriy Zapechelnyuk sappuient sur la thorie des inclusions diffrentielles perturbes, dveloppe rcemment par Michel Benam, Josef Hofbauer et Sylvain Sorin. Ils montrent que les dynamiques de non-regret peuvent tre vues comme des versions perturbes dune version en temps continu du processus du jeu fictif. La thorie prcite permet alors de montrer que les ensembles limites des solutions des dynamiques de non-regret ont les mmes proprits fondamentales que les ensembles limites des solutions du processus du jeu fictif. Le lien est toutefois subtil, et nimplique pas que ces processus aient exactement le mme comportement en temps long dans nimporte quel jeu. Ceci demande des conditions supplmentaires, mais a pu tre tabli dans certaines classes de jeux.

    Mthodologie

    Thorie des jeux : la simplicit aboutit-elle la complexit ?

    De nombreuses thories conomiques et financires visent comprendre et anticiper le comportement des agents financiers. La thorie des jeux fait par-tie de celles-ci. Elle analyse les prises de dcision des personnes physiques, entreprises ou institutions, en situation dinteraction. Chaque joueur a ses int-rts propres et peut se positionner de diffrentes faons. La meilleure stra-tgie dpend des actions des autres joueurs. A comportement des autres donn, il y a une ou des bonnes dci-sions, mais il nexiste pas une bonne dcision en soi. Aussi, chaque partici-pant tente de prdire le comportement de ses compagnons de jeu. Reste sa-voir quel est le niveau de connaissance du jeu de chaque participant.

    Joueurs simples ou complexes

    En la matire, plusieurs approches thoriques existent, correspondant

    des caractristiques diffrentes des joueurs. Certaines considrent les joueurs comme des agents parfaite-ment rationnels et trs bien informs. Les joueurs ont une excellente compr-hension de linteraction dans laquelle ils sont engags et comprennent les intrts des autres. Ces hypothses sont trs fortes et ne correspondent pas toujours la ralit.Dautres modles considrent des joueurs moins sophistiqus. Les agents prennent des dcisions sans bien com-prendre linteraction laquelle ils parti-cipent. Ils usent de stratgies simples, en imitant dautres joueurs ayant obte-nu de bons rsultats dans le pass par exemple, ou encore en suivant un pro-cessus dessai/erreur.Une question centrale est de com-prendre les diffrences et similitudes entre ces deux types de joueurs : long terme, les joueurs simples russissent-ils approcher les perfor-

    mances des joueurs sophistiqus ? Apprennent-ils de leurs erreurs ? Leurs comportements non optimaux finissent-ils par disparatre au fil des jeux ? Quels sont les liens entre les actions de ces deux types de joueurs ? Comment ex-pliquer dventuelles corrlations ?Cette question est au cur des travaux de Yannick Viossat. Elle est aborde ici de manire indirecte. Ce travail tablit en effet des liens entre deux proces-sus dapprentissage : deux manires simples de se comporter. Lorsquon sait que la premire aboutit des com-portements sophistiqus, on peut alors en dire de mme pour la seconde, tout du moins dans certaines classes de jeux.

    Du jeu fictif...Lauteur tudie deux processus dap-prentissage : le jeu fictif et les dyna-miques de non regret. Dans la pre-mire, chaque agent prsume que le pass est un bon indicateur du futur. Il se base sur le comportement moyen des autres joueurs dans le pass afin danticiper leurs coups futurs. Plus pr-cisment, la date t+1, il choisit une action qui est optimale contre le com-portement moyen des autres joueurs jusqu la date t incluse. Il sagit dun processus dapprentissage un peu naf puisquil ne prend pas en compte lvo-lution des comportements des autres joueurs explique Yannick Viossat.

    aux dynamiques de non regret

    Le second processus (en fait, une classe de processus) est li la notion de regret. Dans un jeu rpt, un joueur prouve du regret pour une action, sil pense rtrospectivement que cette ac-tion lui aurait procur plus de bnfices que celles quil a choisies. Le sen-timent de regret nest pas forcment rationnel, prvient le chercheur, car si le joueur A modifie son comportement, il est probable que le joueur B fasse de mme. Si le joueur A avait jou dans le pass laction quil regrette de ne pas avoir choisie plus souvent, cela aurait peut-tre amen le joueur B se com-

    porter dune manire beaucoup plus nuisible A. Nanmoins, cest un senti-ment que nous prouvons et qui influe sur nos dcisions.Les dynamiques de non regret choi-sissent une action avec une probabi-lit dautant plus grande quon regrette de ne pas lavoir choisi dans le pass. Elles garantissent au joueur de ne pas avoir de regret sur le long terme. Si elles nassurent pas une victoire tous les coups, elles offrent une bonne ga-rantie : aucun comportement constant (cest--dire rpt chaque partie) ne pourrait donner de meilleurs rsultats.

    Deux stratgies : une mme perfor-mance

    Dans son article, Yannick Viossat d-montre quune grande classe de dyna-miques de non regret et le jeu fictif sont troitement lis, les premires corres-pondant un processus de jeu fictif perturb. Sur le long terme, jeu fictif et dynamiques de non regret donnent des rsultats proches. De prcdentes tudes avaient dj constat les simili-tudes de rsultats entre ces deux pro-cessus dapprentissage, sans russir cependant les expliquer. Le lien entre les deux stratgies est cette fois tabli, grce des rsultats mathmatiques rcents sur une certaine classe de sys-tmes dynamiques perturbs. Il permet dune part de comprendre la proximit de rsultat, et autorise dautre part lana-lyse dun processus travers lautre. Ainsi, il sera possible dapprhender le fonctionnement de la dynamique de non regret grce aux connaissances tablies sur les jeux fictifs. Sachant que le jeu fictif abouti, dans certains types de jeux, des comportements sophisti-qus, comme le fait de jouer des qui-libres de Nash (une situation o chacun joue de faon optimale tant donn les comportements des autres), on sattend ce que les dynamique de non regret aient des proprits similaires. Les au-teurs ont pu le dmontrer dans certaines classes de jeux. Un moyen supplmen-taire afin daffiner les connaissances et la comprhension des comportements des agents financiers.

    Plusieurs approches sopposent en thorie des jeux. Une diffrence entre les modles repose sur le degr de sophistication des joueurs et leur niveau de comprhension du jeu : certains vont raisonner de faon complexe en tenant compte des actions des autres participants, tandis que dautres vont adopter des comportements plus nafs. Mais au final, les performances des joueurs sophistiqus sont-elles rellement suprieures ? Dans ce travail, Yannick Viossat aborde ces problmatiques de faon indirecte en reliant deux processus dapprentissage simple : le jeu fictif et les dynamiques de non regret. Grce ce lien, la comprhension de lun de ces processus permet de mieux comprendre lautre.

    Daprs larticle dAndriy Zapechelnyuk et Yannick Viossat No-regret dynamics and fictitious play et un entretien avec Yannick Viossat.

    Retrouvez larticle de Yannick Viossat

    sur www.louisbachelier.org@

    Pour allerplus loin...Pour allerplus loin...

  • LABEX LOUIS BACHELIER1

    D BATS

    N 6Juillet 2014

    &

    Allocation de lpargne

    et investissement de long terme

    Allocation of savings

    and long-term investment

    Luc Arrondel & Andr Masson

    Les articles publis

    dans la srie Opinions

    & Dbats offrent

    aux spcialistes, aux

    universitaires et aux

    dcideurs conomiques

    un accs aux travaux

    de recherche les plus

    rcents. Ils abordent

    les principales questions

    dactualit conomique

    et financire et

    fournissent des

    recommandations en

    termes de politiques

    publiques.

    The Opinion and Debates

    series sheds scientific

    light on current topics

    in economics and

    finance. Bringing

    together several types

    of expertise (from

    mathematicians,

    statisticians, economists,

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    the formulation and

    implementation of

    government economic

    policies.

    PARATREOpinions & Dbats N6

    labexlouisbachelier.org

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