Cahier Juridique

5
CAHIER JURIDIQUE Le Journal du VRAC - N°70 Si l’industriel a toujours été amené à faire intervenir sur ses sites divers types de person- nes extérieures à l’usine, ces interventions se sont multipliées suite au développement des activités sous-traitées ou de nouveaux services, comme l’informatique. Les obliga- tions juridiques des employeurs se sont elles aussi développées et renforcées, notam- ment en termes de sécurité, domaine dans lequel l’entreprise est soumise à une obliga- tion de résultat, non de moyens. Le renforcement des obligations mises à la charge de l’employeur au regard de la santé au travail trouve à s’appliquer en cas d’intervention d’entreprises extérieures, en raison des risques dus à l’interférence des activités, des ins- tallations et des matériels. La mise en cause de la responsabilité de l’industriel pouvant avoir de lourdes conséquences sur le plan financier et pénal, il est essentiel de s’assurer que l’usine dispose de l’organisation indispensable au respect des prescriptions légales en matière de sécurité des personnes lors de ces interventions (cf.décret n°92-158 du 20/2/1992 et circulaire DRT n° 93/14 du 18/3/1993). Ce cahier juridique expose : 1. Les obligations des cocontractants au regard de la prévention du travail dissimulé 2. Le champ d’application des prescriptions en cas d’interventions de personnes extérieures 3. Les obligations de l’entreprise utilisatrice avant l’intervention 4. Les obligations de l’entreprise utilisatrice pendant l’intervention 5. Le protocole de sécurité pour les opérations de chargement/déchargement Les interventions de personnes extérieures à l’usine : quelles précautions prendre pour prévenir les risques ? CAHIER JURIDIQUE Transfert   de savoir-faire Relations   commerciales Matières   premières Prêt d’outils Interventions  extérieures Pollutions  industrielles

description

Cahier Juridique paru dans Le Journal du Vrac n°70: Septembre/octobre 2009: les interventions de personnes extérieures à l’usine : quelles précautions prendre pour prévenir les risques ?

Transcript of Cahier Juridique

CAHiER JURiDiQUE

��  Le Jou rna l du VRAC - N °70

Si l’industriel a toujours été amené à faire intervenir sur ses sites divers types de person-nes extérieures à l’usine, ces interventions se sont multipliées suite au développement des activités sous-traitées ou de nouveaux services, comme l’informatique. Les obliga-tions juridiques des employeurs se sont elles aussi développées et renforcées, notam-ment en termes de sécurité, domaine dans lequel l’entreprise est soumise à une obliga-tion de résultat, non de moyens. Le renforcement des obligations mises à la charge de l’employeur au regard de la santé au travail trouve à s’appliquer en cas d’intervention d’entreprises extérieures, en raison des risques dus à l’interférence des activités, des ins-tallations et des matériels. La mise en cause de la responsabilité de l’industriel pouvant avoir de lourdes conséquences sur le plan financier et pénal, il est essentiel de s’assurer que l’usine dispose de l’organisation indispensable au respect des prescriptions légales en matière de sécurité des personnes lors de ces interventions (cf.décret n°92-158 du 20/2/1992 et circulaire DRT n° 93/14 du 18/3/1993).

Ce cahier juridique expose :

1. Les obligations des cocontractants au regard de la prévention du travail dissimulé

2. Le champ d’application des prescriptions en cas d’interventions de personnes extérieures

3. Les obligations de l’entreprise utilisatrice avant l’intervention

4. Les obligations de l’entreprise utilisatrice pendant l’intervention

5. Le protocole de sécurité pour les opérations de chargement/déchargement

les interventions de personnes extérieures à l’usine : quelles précautions prendre

pour prévenir les risques ?

CAHiERJURiDiQUE

Transfert  de savoir-faire

Relations  commerciales

Matières  premières Prêt d’outils Interventions 

extérieuresPollutions 

industrielles

▼ ▼

�� Le Jou rna l du VRAC - N °70

Première obligation qu’il est bon de rappeler : dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, l’entre-prise a l’obligation de s’assurer – pour tout contrat d’un montant au moins égal à 3 000 euros, en vue de l’exé-cution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de com-merce –, que son cocontractant remplit ses obligations au regard du travail dissimulé (art. L.8222-1 du Code du travail). L’entreprise doit ainsi se faire remettre, par son cocontractant, lors de la conclusion du contrat, mais également tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution, les documents suivants : - une attestation de fourniture de déclarations sociales établie par l’URSSAF et datant de moins de six mois ;- une attestation sur l’honneur du dépôt auprès de l’administration fiscale de l’ensemble des déclarations fiscales obligatoires ;- si le cocontractant est obligatoirement inscrit au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) ou au répertoire des Métiers (RM), un extrait de l’inscrip-tion ainsi qu’un devis, une correspondance ou un document publicitaire mentionnant sa dénomination, son adresse complète et son numéro d’immatriculation RCS ou RM ;- si le cocontractant est une profession réglementée, le justificatif de l’inscription à la liste ou au tableau professionnel ou la référence de l’agrément délivré par

l’autorité compétente ; - si le cocontractant est en cours d’inscription, le récé-pissé de dépôt de la déclaration auprès du Centre de Formalités des Entreprises (CFE) compétent ;- si le cocontractant emploie des salariés, une attesta-tion sur l’honneur certifiant que le travail sera réalisé avec des salariés employés régulièrement ;- enfin, si le cocontractant est établi à l’étranger, les documents équivalents selon la législation de son pays d’origine (art. D.8222-6 à D.8222-8).L’entreprise, qui n’effectuerait pas ce contrôle préala-ble, risque d’être tenue solidairement responsable du paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoi-res dus aux administrations fiscales et sociales, sans oublier les majorations et pénalités sur ces sommes et les rémunérations, indemnités et autres charges dues au titre de l’emploi des salariés dissimulés.

1. Les obligations des cocontractants au regard de la prévention du travail dissimulé

« Le chef de l’entreprise utilisatrice assure la coordination générale des mesures de pré-vention qu’il prend et de celles que prennent l’ensemble des chefs des entreprises extérieu-res intervenant dans son établissement. »

ART. R.4511-5

Des prescriptions spécifiques s’appliquent pour les chantiers clos et indépendants ainsi que pour les opé-rations de bâtiment ou de génie civil, la réparation navale et les installations à hauts risques. Elles ne sont pas abordées dans le présent cahier. La réglemen-tation applicable en cas d’intervention d’entreprises extérieures a pour vocation de mettre en œuvre une coordination générale entre l’entreprise utilisatrice et l’ensemble des entreprises extérieures intervenantes et leurs sous-traitants en vue d’assurer la sécurité des personnes. Cette coordination est, en effet, indispen-sable pour prévenir les risques liés à l’interférence

entre les activités des entreprises : l’initiative, la mise en œuvre, l’application et le suivi sont placées sous la responsabilité du chef de l’entreprise utilisatrice.

Est considérée comme entreprise utilisatrice toute entreprise dans laquelle une « opération » est effec-tuée par du personnel appartenant à d’autres entre-prises et qui n’est pas sous sa direction, qu’il y ait ou non relation contractuelle avec les entreprises inter-venantes. L’« opération » correspond à toute prestation de ser-vices ou de travaux réalisée par une ou plusieurs

2. Le champ d’application des prescriptions en cas d’interventions de personnes extérieures

Interventions extérieures

50  Le Jou rna l du VRAC - N °70

CAHiERJURiDiQUE

Transfert  de savoir-faire

Relations  commerciales

Matières  premières Prêt d’outils Interventions 

extérieuresPollutions 

industrielles

entreprises afin de concourir à un même objectif (art. R.4511-4). La définition est donc particulièrement large. La jurisprudence a confirmé ce caractère exten-sif : ainsi un chef d’entreprise a été condamné pour défaut d’analyse des risques et d’élaboration de plan de prévention alors que l’entreprise extérieure, solli-citée pour une recherche de fuite destinée à établir la nécessité d’une possible intervention de sa part, était intervenue sur la toiture de l’entreprise utilisatrice sans alors ’avoir informé de cette intervention (Cass.crim.2 oct.2001. n° 00-86.917).

L’entreprise extérieure est, quant à elle, définie comme toute entreprise juridiquement indépendante de l’entreprise utilisatrice, amenée à faire travailler son personnel dans les locaux de cette dernière, de manière ponctuelle, régulière ou permanente, avec ou sans relation contractuelle avec l’entreprise utilisa-trice (cas des sous-traitants d’entreprises extérieures contractantes).Le personnel visé concerne aussi bien le personnel propre de l’entreprise extérieure que leurs travailleurs temporaires.

3. Les obligations de l’entreprise utilisatrice avant l’intervention

On distingue plusieurs niveaux d’obligations, repre-nant le schéma usuel en termes de prévention des risques : La première obligation sera d’analyser les risques liés à l’interférence des activités. Cette obligation ne sera remplie qu’avec un échange d’informations entre les entreprises et une analyse des risques, comportant une inspection préalable des lieux de travail. Cette analyse est impérative et doit être faite systématique-ment, pour tout type d’intervention : la décision de la Cour de Cassation du 2 octobre 2001 ne laisse aucun doute sur ce point.Si des risques ont été détectés ou si l’opération effec-tuée dépasse 400 heures sur un an ou comprend des travaux dangereux, des mesures de prévention pro-portionnées à la nature et au niveau de risque doi-vent faire l’objet d’un accord écrit entre les entreprises concernées et constituent le plan de prévention.Si les chefs d’entreprise estiment – sous leur respon-

sabilité – qu’il n’y a aucun risque lié à l’interférence, ils n’ont pas d’obligation de plan de prévention écrit.

L’inspection commune des lieux de travail : L’initiative en revient au chef de l’entreprise utilisatrice, qui devra : - délimiter le secteur d’intervention,- matérialiser les zones d’intervention,

« Sylvain C, président de la société, est poursuivi pour avoir omis de procéder avec le responsa-ble de l’entreprise extérieure, préalablement à la mise en œuvre des travaux, à l’inspection commune des locaux, à l’analyse des risques et à l’élaboration d’un plan de prévention des risques (…) » Le « prévenu a commis une faute carac-térisée ayant exposé autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer », et ce même si l’entreprise extérieure « avait spon-

tanément pris l’initiative de dépêcher sur place deux de ses salariés, à l’insu de l’entreprise uti-lisatrice et ces derniers, bien que conscients des risques qu’ils encouraient, se sont sciemment his-sés sous les combles sans casque et sans ceinture de sécurité, » (…) qu’ainsi non seulement l’entre-prise utilisatrice « n’avait pas donné son accord pour que la société C intervienne ce jour-là, mais elle ignorait totalement l’initiative intempestive de la société C (…) » ( Cass.crim. 2 oct. 2001)

EXEMPlE DE CONDAMNATION

« Le seuil de 400 heures (…) doit être doré-navant calculé en faisant masse de l’ensem-ble des contrats conclus pour la réalisation d’une même opération et non plus entreprise extérieure par entreprise extérieure » (circ DRTn°93/14 du 18 mars 1993)

DéPASSEMENT DES 400 HEURES

CAHiERJURiDiQUE

Transfert  de savoir-faire

Relations  commerciales

Matières  premières Prêt d’outils Interventions 

extérieuresPollutions 

industriellesInterventions extérieures ▼ ▼

51 Le Jou rna l du VRAC - N °70

4. Les obligations de l’entreprise utilisatrice pendant l’intervention

Le chef de l’entreprise utilisatrice doit s’assurer que les mesures prévues par le plan de prévention sont exécutées et doit coordonner les mesures nouvelles qui pourraient s’avérer nécessaires lors du dérou-lement de l’opération (art. R.4513-1). Il a également l’obligation de s’assurer que les chefs des entreprises extérieures ont bien communiqué à leurs salariés les consignes nécessaires (art. R.4513-7).

Il est en charge de l’organisation d’inspections et de réunions périodiques avec les entreprises extérieu-res. S’il peut ne convier que certaines des entreprises

concernées par l’opération, toutes devront être infor-mées de ces inspections et réunions. La fréquence de ces réunions et les entreprises conviées à y par-ticiper relèvent de la responsabilité de l’entreprise utilisatrice.

Cependant, si l’ensemble des opérations des entre-prises extérieures présentes sur le site correspondent à une durée totale supérieure à 90 000 heures sur 12 mois, le chef de l’entreprise utilisatrice à l’obliga-tion d’organiser des inspections et réunions trimes-trielles.

- indiquer les voies de circulation autorisées,- communiquer aux chefs des entreprises intervenan-tes les consignes de sécurité en vigueur qui concer-neront leurs salariés,- échanger avec les entreprises extérieures toutes les informations nécessaires à la prévention, notamment la description des travaux, des matériels utilisés, et des modes opératoires dès lors qu’ils ont une incidence sur la santé et la sécurité. Toutes les entreprises concourant à l’opération – y compris les sous-traitants – doivent participer physi-quement et simultanément à cette coordination géné-rale, leur participation relevant de la responsabilité de l’entreprise utilisatrice.

Le Plan de Prévention : Les mesures prévues par le plan de prévention doivent comporter au minimum les informations suivantes :- la définition des phases d’activité dangereuses et les moyens de prévention correspondants,- l’adaptation des matériels, installations et dispositifs

à la nature de l’opération,- les instructions à donner aux salariés,- l’organisation des premiers secours,- les conditions et modalités de la sous-traitance, incluant l’organisation du commandement des salariés et les mesures prises en vue de la coordination entre les entreprises,- la liste, fournie par chaque entreprise, des postes de travail pouvant relever, du fait des risques liés à l’inter-vention, d’une surveillance médicale spéciale,- le dispositif mis en place pour la mise à disposition des salariés des entreprises extérieures des installa-tions sanitaires, vestiaires et locaux de restauration et, le cas échéant, la répartition des charges correspon-dantes entre les entreprises,- l’affichage de consignes de sécurité, un protocole en usage au sein de l’entreprise utilisatrice et des consignes écrites connues des salariés de l’entreprise extérieure ne saurait en aucun cas suffire : il y aurait carence de plan de prévention.

Le chef de l’entreprise utilisatrice organise, avec les chefs des entreprises extérieures qu’il estime utile d’inviter, des inspections et réunions pério-diques, selon une périodicité qu’il définit, afin d’assurer, en fonction des risques ou lorsque les circonstances l’exigent : 1o Soit la coordination

générale dans l’enceinte de l’entreprise utilisa-trice ; 2o Soit la coordination des mesures de prévention pour une opération donnée ; 3o Soit la coordination des mesures rendues nécessaires par les risques liés à l’interférence entre deux ou plusieurs opérations.

ART. R.4513-2

52  Le Jou rna l du VRAC - N °70

CAHiERJURiDiQUE

Transfert  de savoir-faire

Relations  commerciales

Matières  premières Prêt d’outils Interventions 

extérieuresPollutions 

industrielles

Véronique Vincent

Soulier AvocatsImplanté à Paris, Lyon et Bruxelles, Soulier est un cabi-net d’avocats pluridisciplinaire indépendant, propo-sant aux différents acteurs du monde économique, industriel et financier une offre de services juridiques intégrée.Il accompagne des entreprises françaises et étran-gères, cotées et non cotées, dans la définition et la mise en œuvre de leurs projets stratégiques, notam-ment dans le cadre d’opérations de sociétés aux plans national et transnational, de restructurations et de contrats commerciaux internationaux.

Il représente également ses clients devant les tribunaux judiciaires et dans le cadre d’arbitrages. Son appartenance au World Law Group lui permet de bénéficier de contacts privilégiés dans tous les grands centres économiques et financiers du monde et, ainsi, de coordonner efficacement les projets de ses clients à l’international.

www.soulier-avocats.com

5. Le protocole de sécurité pour les opérations de chargement et déchargement

Pour ces opérations, les entreprises sont soumises à des dispositions spécifiques prévues par les articles R.4515-1 à R.4515-11 du Code du travail. Ces opérations s’entendent comme toute activité concourant à la mise en place sur ou dans un engin de transport routier, ou à l’enlèvement de celui-ci de pro-duits, fonds et valeurs, matériels ou engins, déchets, objets et matériaux de quelque nature que ce soit (Art. R.4515-2).Les dispositions applicables visent les opérations de chargement et déchargement exécutées par des entreprises extérieures effectuant le transport de mar-chandises en provenance ou à destination d’un lieu extérieur à l’enceinte de l’entreprise utilisatrice, dite « entreprise d’accueil ». Ces opérations doivent faire l’objet d’un document écrit dénommé « protocole de sécurité », remplaçant le plan de prévention. Il doit comporter toutes les informations nécessaires à l’évaluation des risques de toute nature générés par l’opération et l’ensemble des mesures de prévention et de sécurité à respecter tout au long de l’opération. Il devra notamment comporter : Pour l’entreprise d’accueil :- les consignes de sécurité ;

- le lieu de livraison ou de prise en charge, les moda-lités d’accès et de stationnement, le plan et les consi-gnes de circulation ;- les matériels et engins spécifiques utilisés pour le chargement et le déchargement ;- les moyens de secours en cas d’incident et accident ;- l’identité du responsable.

Pour l’entreprise de transport :- les caractéristiques du véhicule, son aménagement et ses équipements ;- la nature et le conditionnement de la marchandise ;- les précautions ou sujétions particulières du fait de la nature des marchandises.Ce protocole est applicable tant que les conditions de déroulement de l’opération n’ont subi aucune modifi-cation significative. Les opérations ne revêtant pas un caractère répétitif doivent donner lieu à un protocole spécifique. Une opération unique doit donc faire l’ob-jet d’un tel protocole. Si un tel protocole complet ne peut être établi préalablement – par exemple, quand le prestataire ne peut être identifié au préalable par l’entreprise d’accueil – celle-ci a l’obligation de fournir et recueillir toutes les informations requises par tout moyen.

Véronique VINCENT,

Avocate