Cadi#1 Design d'expérience - Janvier 2008 (FR)

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ca di Cahier de recherche de l’École de design Nantes Atlantique numéro 1 - 3,50 Design d'expérience janvier 2008

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Premier numéro du cahier de recherche en design CADI par L'École de design Nantes Atlantique sur le thème "Design d'expérience" - janvier 2008, version française. Contributeurs : David Bihanic, Yann Le Guennec, Régine Charvet-Pello

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ahier de recherche de l’École de design N

antes Atlantique

numéro 1 - 3,50 €

Design d'expérience

janvier 2008

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CADI, c’est quoi?

Une question centrale se pose aujourd’hui dans tous les établissements d’enseignement supérieur en design : quels sont les savoirs mobilisés dans la formation des futurs designers, d’une part, et quelle connaissance peut être dégagée de cette activité de transmission, d’autre part ? Cette interrogation forme le substrat d’une politique de recherche en design au sein de l’École de design Nantes Atlantique, pragmatique et résolument ancrée dans un contexte culturel, scientifique et économique. Les cahiers de recherche de l’École de design Nantes Atlantique, «CADI», seront un espace de diffusion des réflexions et travaux de production de la connaissance en cours au sein de notre établissement, mais également le témoignage de la diversité et de la qualité des apports scientifiques convoqués dans le projet de design.Ambitieux sur le fond, responsables dans la forme, nous nous proposons de partager une interrogation thématique forte deux fois par an, en alternant contributeurs internes et personnalités extérieures. Ce rythme semestriel sera ponctué une fois l’an par un numéro spécial dédié aux témoignages d’experts scientifiques ayant pu encadrer des travaux de fin de cycle de nos étudiants. Ce numéro sera ainsi l’occasion de partager une vision de leur domaine d’expertise et des problématiques contemporaines, et ce à partir du projet de design.Et comme il ne saurait y avoir aujourd’hui de questionnement en matière de design qui ne puisse être partagé globalement, «CADI» est intégralement bilingue français et anglais dans une volonté clairement internationale.

Le premier numéro est organisé autour d’une notion et d’un terme, «Design d’expérience». Davantage usité en territoire nord-américain et largement issu de pratiques liées aux technologies de l’information, ce terme fait écho à certaines notions philosophiques fondamentales. Il nous questionne sur la nature même de l’expérience comprise comme objet d’une pratique de conception. C’est le sens et l’ambition de la réflexion que nous propose David Bihanic dans un texte intitulé « De la réalité de l’expérience », où il sera question de définir l’expériencecomme interrogation de la réalité projetée et actualisation de celle-ci par les sensations.Dans le fil de cette même interrogation, Yann Le Guennec nous soumet une réflexion intéressantesur une position possible du designer comme facilitateur de situations permettant une implication différente des acteurs d’un système complexe plutôt que comme démiurge omnipotent, résumée dans le terme « metadesign ».Nous conclurons enfin par un entretien avec Régine Charvet-Pello, directrice de l’agence de designRCP Design Global, qui nous évoque le développement et la mise en application d’une méthodologiede conception basée sur la qualité de l’expérience sensorielle.

Nous espérons que la lecture de ce premier cahier vous apportera autant de plaisir que nous avons eu à le construire. N’hésitez pas à nous questionner et à nous transmettre vos remarques, nous en prendrons connaissance avec beaucoup d’intérêt.

Bonne lecture,

F. Degouzon & J. Le Bœuf

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Pour le dire, il nous faudrait pouvoir démontrer que le rêve n’est pas une pensée ni un objet contre l'expérience, qu’il ne relève pas d’une échappatoire à la réalité mais engage formellement des (pré-)visions du monde (des réalités vraisemblables) recourant à la formulation d’hypothèses, de suppositions et autres «calculs» de prémonitions. Le rêve se saisirait alors réellement au cœurd’une reformulation de l’expérience comme devenir (“experiencing”7) : l'expérience deviendrait un ensemble de données variables présupposant une succession de plusieurs résultats effectifsdans le temps. La réalité de l’expérience ne proviendrait alors aucunement de l’expérience de «quelque chose» mais bien plutôt d’une «méta-expérience» (sorte d’expérience de l’expérience)8

intégrant de nouveaux environnements et contextes d’échange ainsi que de nouvelles formes de relation aux objets, devenus intelligents9.

7 L’“experiencing” (sous sa forme anglaise en « ing ») est un processus permanent, en perpétuelle actualisation.8 Voir John D.Mayer et Yvonne N. Gaschke, “The Experience and Meta-experience of Mood”,

Journal of Personality and Social Psychology, Vol. 55, N°1, 102-111, 1988.9 En référence à la généralisation des réseaux de télécommunication ainsi qu’à la production croissante d’objets-terminaux mobilesconnectés concourant aujourd’hui à l’émergence d’une forme de présence ubiquitaire. Ces objets technologiques sont aujourd’hui

«capables de sentir et d'agir sur leur environnement (qu'il s'agisse d'un espace physique, d'une machine, d'une chaîne de production ou de notre corps), ainsi que de se relier en réseau les uns aux autres.», extrait de «ProspecTIC 2010 / 1.6 - Robots,

agents, objets “ intelligents” et communicants», FING (Fondation Internet Nouvelle Génération), 17 octobre 2005, [en ligne], (page consultée le 16/06/07), Adresse URL : <http://www.fing.org/jsp/fiche_actualite.jsp?CODE=1127926471870&LANGUE=0>

Percevoir les événements de la réalité n’entraînerait donc plus ici une «simple» lecture du réel mais également son actualisation par la pensée. C’est précisément ce passage, ce lien «articulé» entre une réalité de l’expérience du rêve et une réalité du réel, comme espace «scénologique» d’un aménagement de possibles, qu’interroge Ferdinand Gonseth au travers de la fable de « la maisonrêvée»10. Ferdinand Gonseth y retrace l’histoire d’un maître bâtisseur désirant réaliser la maison de ses rêves, celle à laquelle il a toujours songé. Pour accomplir un tel ouvrage, les ouvriers en chargedes travaux demandèrent à ce que le maître leur fournisse un plan de l’édifice ainsi qu’une descriptionprécise des matériaux qu’ils allaient devoir utiliser. L’architecte alors chargé de cette mission réalisa un plan «ordinaire», ne figurant aucune recherche de nouveauté ni d’originalité. Quelques jours plustard, le maître, venant s’enquérir de ce plan, remarqua avec stupeur la «divergence» de point de vue(présentée comme une véritable contradiction) entre le dessin réalisé par l’architecte et la maison qu’il avait imaginée. Il rétorqua alors qu’une personne dénuée d’exigence pourrait parfaitement s’en satisfaire mais que, pour sa part, il lui était tout à fait impossible de sacrifier la beautéde ses rêves à la pauvreté d’une réalité du réel ainsi « projetée ». Ne sachant plus que dire ni que faire, l’architecte s’éleva contre un projet relevant apparemment pour lui d’une impossibleambition, celui de faire d’un rêve une réalité : « ton rêve est-il réalisable ? [s’écria l’architecte]». Le maître, décidé à lui faire part de ses désirs personnels, convint finalement qu’un tel projet ne pouvait aboutir sans entreprendre au préalable une révision complète des méthodes et processus de conception. Ils examinèrent donc ensemble la meilleure conduite à suivre pour accomplir ce passage d’un rêve à sa « transformation» réelle. Après de nombreuses tentatives, le maître décidafinalement d’en retenir une qui semblait répondre, en partie seulement, à ses attentes : «Ce dernierplan me suffit [conclut le maître]. Je ne puis en attendre indéfiniment un meilleur.»

10 Ferdinand Gonseth, La géométrie et le problème de l'espace, Cahier I : «La doctrine préalable», Le Griffon, Neuchâtel, 1945, pp. 56-57.

La moralité d’une telle histoire renverrait alors à l’éloge d’un nouveau formalisme, d’une méthodedira Ferdinand Gonseth, recherchant (probablement indéfiniment) une adéquation toujours insatisfaisante entre «une pensée inachevée et un réel en voie de constitution». Autrement dit, il ne s’agirait donc pas de croire en l’aboutissement d’une démarche de formalisation «concrète» des rêves mais bien plus de parvenir à traduire le niveau de distanciation qui naît de tout projetd’idées (qu’il relève d’un projet d’architecture ou de design) confronté à ses applications réelles. Car, si le rêve (comme forme d’expression idéelle) ne produit pas «en propre» une réalité neuve, il y témoignerait peut-être (au détour d’interprétations) de sa présence absente pesant néanmoins sur le monde, faisant de la réalité elle-même le lieu de «projection» de son idéal : «Sous le monde réel[écrivait Victor Hugo], il existe un monde idéal.»

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DE LA RÉALITÉ DE L’EXPÉRIENCE

David Bihanic

«Tout ce que nous voyons ou croyons n'est qu'un rêve dans un rêve.»1

Dépassant le concept de simulation illusoirement et «projectivement» corrélée au réel, le design d’expérience parviendrait de nos jours à aménager de nouveaux espaces de conception. Réclamant

la participation d’une multiplicité de sensations, il définirait une formalisation «globale » supposantune implication du sujet «agissant» (en faveur d’une «expérience holistique»). Il engagerait alors,

par le sentir, d’autres champs de valeurs et de significations déplaçant l’ensemble des opérations d’interaction, d’échange (servant habituellement les fonctions de communication) au sein

d’un processus d’appropriation, de réalisation de l’expérience. Cette dernière fournirait ainsi au sujet« (inter)agissant» de quoi se reconnaître lui-même. L’exposant à une «événementialité»2,

elle engagerait le sujet au cœur d’un processus d’identification de soi dans la relation qu’il établit à son environnement. L’expérience, ayant valeur d’ « introjection»3 (comme réalité fantasmée, rêvée), se verrait donc ici confrontée à la réalité de l’événement. Elle tracerait alors

un passage allant du sensible au sens passant par l’identité du sujet (servant également sa «constitution»). Le design d’expérience parviendrait donc ainsi à définir une nouvelle réalité

du réel au travers de l’expérience entremêlant ce qui relevait jadis du dedans et du dehors (comme espace et lieu de réalité). Ramenant à une manifestation de l’événement et corrélativement

à la «réalisation» du soi, il convoquerait par là la nécessité du rapport entre expérience et subjectivité, entre événement et signification.

1 Extrait d’un poème d’Edgar Poe datant de 1827 intitulé “A Dream within a Dream [Un rêve dans un rêve]” (trad. S. Chabrières).2 En faveur d’une réalité objective de l’événement ; selon la définition de Bill Readings faisant suite à Jean-François Lyotard : “The fact or case that something happens, after which nothing will be the same again.”Bill Readings, Introducing Lyotard. Art and Politics, Routledge, 1991, p. xxxi.3 Ce concept psychanalytique, introduit en 1909 par Sándor Ferenczi dans un célèbre article intitulé «Transfert et introjection»*,renvoie au «statut» du moi comme représentation du dedans et du dehors (en faveur d’un idéal du moi). * Voir Sándor Ferenczi, « Transfert et introjection », in Psychanalyse I, Oeuvres complètes - Tome I : 1908-1912, Payot, Paris,1968, pp. 93-125.

LA VIE RÊVÉELes réalités «visées» par le design d’expérience parviendraient à transformer la conscience qui perçoit

et se représente le monde. Dotée de nouvelles formes d’intentionnalités (au sens phénoménologique du terme), cette dernière s’ouvrirait à des espaces à la fois mouvants, multiples et infinis parvenant

à «nous» distraire du réel sans pour autant nous en détourner. Ne désignant donc pas une formeséparée de l’ « exister », la conscience (saisie dans l’expérience) renverrait ici à la découverte

d’un nouvel imaginaire du réel.Le design d’expérience définirait alors une «mise en situation/scène» des formes «premières»

de l’expérience (reliant la perception à l’imagination) favorisant l’apparition de réalités «activables».Faisant du réel le lieu par essence de l’expérience, il témoignerait ainsi d’une volonté d’utopie venant

compléter, transformer le monde en changeant la vie : « […] une utopie nécessaire pour vivre l'instant présent dans la perspective de son dépassement»4. De l’expérience naîtrait donc une réalité revêtant

la forme « transfigurale» du rêve, celui d’un «rêve habité» duquel surgiraient de nouvelles organisations du sens «expérientiel» ouvrant à d’autres fonctions du réel (susceptibles

de le transformer) — nous objectons à l’inutilité des sensations l’émergence d’une puissance de la «réalité effective», celle-là même décrite par Olivier Long comme «puissance d'événement

immanente au réel [à propos du virtuel]»5. Dès lors, de nombreuses interrogations émergent de la tension entre l'incertitude propre à l’expérience6 du rêve, celui d’un agencement de possibles et les conditions de sa relève « réalisante » par le design : comment l’expérience du rêve (entendu

comme projection idéelle d’un futur) accède-t-elle à l’expression de la réalité elle-même? Comment cette réalité de l’expérience (dont nous nous réclamons) peut-elle nous affecter

aussi durablement que le réel ?

4 Michèle Riot-Sarce, Le réel de l'utopie, essai sur la politique au XIX siècle, Paris, Albin Michel, 1998, Avant-propos.5 Voir Olivier Long, «L’intelligence artificielle : une idiotie?», Figures de l’Art, n°6, 1er janvier 2002.6 En raison de sa dimension intérieure vivante et sensible.

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Refusant de dissocier le vrai du faux, de distinguer le réel de toute forme de réalité virtuelle ou artificielle, le design d’expérience s’emploierait ainsi à définir des appareillages de synthèsedéployant le cadre d’un «hyperespace [jusque là] sans atmosphère»19 à l’intérieur même du monderéel. De ces ensembles naîtrait donc une réalité partagée, augmentée, définissant un véritable champ de «co-incidence» entre le réel et le virtuel (de sa disponibilité à l’éventualité des possibles). Celle-ci engagerait alors une profonde perturbation de la subjectivité et de la consciencesynthétique20 : toutes choses qui nous entourent seraient ici perçues comme autant de «points centrés» dans le monde. Cette distanciation, ou plutôt ce décollement du moi, s’apparenterait à une certaine forme de distorsion psychosensorielle redonnant l’emphase à l’acte propre du sentir. Rejoignant cette «communion symbiotique» avec les choses décrite par Erwin Strauss21, l’expériencenous offrirait ainsi de renouer avec l’alliance du sentir et de la sensation – ces deux «constituants» de la phénoménologie, qu’Henri Maldiney22 choisissait (à juste titre d’ailleurs) d’opposer dans le champ de l’art, trouveraient à travers le design d’expérience de nouveaux espaces de conciliation. Dès lors, nous ne retiendrons donc aucune distinction entre l’existence des choses sensibles et le fait que celles-ci soient perçues. L’objet et la sensation seraient ici indissociables renvoyant à une seule et même chose. Par là, nous nous accorderons à la thèse de George Berkeley23

mêlant le sentir au percevoir : « Sentir, c’est percevoir » ; le sentir relèverait d’une expérience perceptible de sensation. Seul l’être percevant (construisant la perception) serait en mesure d’accéder à la réalité des choses du monde : la réalité de perception renverrait à la réalité «absolue» (se partageant désormais entre le réel et le virtuel). Par l’expérience (elle-même « transformatrice»),nous parviendrions donc à établir une relation symbiotique au monde : «Dans le sentir [nous livreErwin Strauss], il y a moi et le monde, moi avec le monde, moi au monde»24 ; il s’agit d’une «expérience vécue immédiate d’une perturbation dans sa relation au monde»25. Pour Henri Maldiney, « tout évènement est transformateur. Chacun vit en lui une transformation de sa présence comme être au monde. “Je suis sentant en tant que je devins (autre) ; et je deviens en tant que je sens”.»26

19 Jean Baudrillard, Simulacres et simulation, op. cit., p11.20 Voir Edmund Husserl, De la synthèse passive, trad. B. Bégout et J. Kessler, Jérôme Millon, Grenoble, 1998.

21 Voir Erwin Straus, Du sens des sens („Vom Sinn der Sinne“). Contribution à l’étude des fondements de la psychologie, trad. G.Thinès et J.-P. Legrand, Jérôme Million, Grenoble, 1989.

22 Voir Henri Maldiney, «La vérité du sentir», Art Press, n° 153, Décembre 1990, pp. 16-23.23 Voir George Berkeley, Principes de la connaissance humaine, Flammarion, Paris, 1993.

24 Erwin Straus cité par Henri Maldiney, «La vérité du sentir», art. cit.25 Erwin Straus, op. cit., p. 48.

26 Henri Maldiney, «La vérité du sentir», art. cit.

LES SENS DU SENTIRLa réalité de l’expérience se situerait à la croisée de deux mondes : celui d’un présent «perdu»,

dont certaines images s’attachent encore à conserver l’analogie (mimesis), et celui d’un futur possibledéjà présent virtuellement ; ici le virtuel ne dirait pas le réel mais lui donnerait forme (la réalité

comme devenir réel). Cette séparation (en faveur d’une effectivité de l’expérience) engagerait alors le sentiment commun du devenir s’affranchissant artificiellement de toute condition logique

et rationnelle du réel au profit d’une «errance» (ou «dérive») des lieux dans l’espace (de l’espace des lieux) mais aussi d’une fuite du temps qui passe : « l'incarnation deviendrait ici

«ce dehors du rêve»11. Le virtuel, ne se limitant plus au seul potentiel12, parviendrait donc à se saisir du réel revendiquant son propre champ d’action : de l’imaginaire au réel, du potentiel à l’actuel.

Tout semblerait pouvoir se dessiner.

11 Voir Yves Bonnefoy, Le nuage rouge, Folio-essai, Paris, pp. 30-39.12 En référence à la dialectique de l’actuel et du potentiel opposant ce qui est en puissance (le potentiel) et ce qui est en acte (l’actuel).

Dès lors, le réel et le virtuel ne se penseraient plus seuls : le réel (premier et irréductible) en tant qu’immédiateté de l’expérience (renvoyant aux fondements de la philosophie Bergsonienne) ne détiendrait plus par lui-même le sentiment du vécu. Requérant la forme littérale d’une apparentecontradiction : «Nous sommes où nous ne sommes pas»13, le virtuel définirait une autre réalité du

réel renvoyant alors à une situation à la fois «projective» (au sens d’un futur hypothétique) et imagi-née (comme déjà là), faisant fi des barrières temporelles et factuelles qui «nous» séparent. S’agirait-il

alors de reconsidérer le « poids majeur de l’être-là», tel que le propose Gaston Bachelard14 (observantun déséquilibre « existential», au sens heideggérien, entre l’être et le là) ? Cet état d’instabilité

ne renverrait-il pas à une détermination phénoménologique première de l’expérience au regard detoute fixation ontologique de l’existence? L’être d’expérience serait alors désorienté, « défixé,spiralé »15, écrit Gaston Bachelard, cherchant de toute part (dans la relation à autrui comme

en soi-même) de quoi se fixer, s’établir dans le monde (l’être-dans-le-monde face à l’être-au-monde) :l’habiter. Les conditions d’actualisation du virtuel se verraient ainsi rapportées à l’amplification, ou

bien plutôt à l’augmentation phénoménologique du réel. Le virtuel, disposant (sur le plan opératoireseulement) des mêmes qualités que le réel, parviendrait à transformer (au sens étymologique du mot :au-delà du réel) la réalité du monde au travers de l’expérience : le virtuel se superposerait ici au réel.N’observant ici aucune limitation concrète entre la forme du rêve vécu et la réalité elle-même, nous

souscrivons, en partie seulement, à la pensée de Jean Baudrillard attribuant aux simulacres (en vertud’une réalité des apparences) le pouvoir de s’échanger avec l’original. En effet, bien que nous nous

accordions au prolongement visionnaire et «hyperréaliste»16 de l’illusion (née de l’imagination), nous pensons (en ce qui concerne le design d’expérience) qu’une certaine forme du réel « subsiste»

authentiquement. «Ressaisi, retravaillé, par le virtuel»17, écrit Philippe Quéau, le réel serait alors augmenté (en faveur d’une transmutation du réel et du virtuel) : « l’imaginaire actualiserait le virtuel

en un réel»18 et le rêve prendrait forme pour devenir réalité. Soumis au jeu des apparences, le réel parviendrait à se dissimuler au sein du virtuel tout en y préservant le principe de réalité ; il s’agit là

d’une dissimulation tout du moins partielle ou encore provisoire laissant libre cours aux «puissancestransformatrices» du virtuel. Tout comme l’écrivait Jean Delay à propos de l’image, c’est ici le mondetout entier qui devient par la force de l’expérience (au départ de la perception), à l’instant même où il

est impossible de distinguer le réel de l’imaginaire.

13 Pierre-Jean Jouve, Lyrique, Mercure de France, Paris, 1956, p. 59.14 Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, PUF, Paris, 2004, p. 192.15 Ibidem16 Le concept d’«hyperréalité» renvoie pour Jean Baudrillard à « la simulation de quelque chose qui n’a jamais réellement existé».Voir Jean Baudrillard, Simulacres et simulation, Gallimard, Paris, 1981.17 Philippe Quéau, « Corps intermédiaires : Vers une ontologie du virtuel », metaxu – le blog de Philippe Quéau, 29 septembre2006, [en ligne], (page consultée le 16/06/07), Adresse URL : <http://queau.eu/2006/09/29/corps-intermediaires-vers-une-ontologie-du-virtuel/>18 François Nicolas, « D’un philosophème singulier dans les écrits de Francis Bayer », « Samedi d’Entretemps (Ircam) », 23 octobre 2004, [en ligne], (page consultée le 16/06/07), Adresse URL : <http://www.entretemps.asso.fr/Nicolas/Textes/Bayer.htm>

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Cette question à elle seule contient les prémisses d'un contexte de développement pour l'expérience.En s'interrogeant sur l'objet du désir (désir de quoi?), on envisagera les bénéfices attendus et donc les objectifs. En s'interrogeant sur la manière d'y accéder (responsables comment?), on envisagera la pertinence de ces objectifs et les outils méthodologiques qu'ils impliquent. La nature du vouloir sera fonction des rapports entre cette pertinence formulée des objectifs et outils, et les systèmes de valeurs des acteurs. La poursuite de l'expérience est contrainte par ce vouloir. En deçà de la réflexion méthodologique et de la créativité distribuée, elle mobilise des disponibilitéspropres à faire émerger le dispositif, des modes d'être qui peuvent faire apparaître la pensée. «Penser, c’est toujours suivre une ligne de sorcière… C’est qu’on ne pense pas sans devenir autrechose, quelque chose qui ne pense pas, une bête, un végétal, une molécule, une particule, qui reviennent sur la pensée et la relancent.»4

1 Pierre Lévy «Sur les chemins du virtuel» , (page consultée le 05/05/07), adresse URL : <http://hypermedia.univ-paris8.fr/pierre/virtuel/virt0.htm>

2 Gerhard Fischer, «Meta—design : Beyond User-Centered and Participatory Design», (page consultée le 22/05/07), adresse URL : <http://l3d.cs.colorado.edu/~gerhard/papers/hci2003-meta-design.pdf>

3 Humberto Maturana, «MÉTADESIGN», (page consultée le 13/05/07), adresse URL : <http://www.inteco.cl/articulos/métadesign.htm>

4 Gilles Deleuze, Qu’est-ce que la Philosophie?, Éditions de Minuit, Paris, 1991, p.44, in Henri Callat, «L’expérience esthétique dans la philosophie de Gilles Deleuze»,

Association pour la pensée complexe, (page consultée le 13/05/07), adresse URL : <http://www.mcxapc.org/docs/ateliers/21_doc10.htm>

Copie d'écran de l'Agrégateur Poïétique, développé par Yann Le Guennec et Olivier Auber, appliqué dans cet exemple à la visualisation de l'activité du site collaboratif overcrowded.anoptique.org (page consultée le 12/11/07),adresse URL: <http://www.poietic-aggregator.com/ap/overcrowded>

LE METADESIGN, OU COMMENT L'EXPÉRIENCE

DOIT ÉCHAPPER AU DESIGNERYann Le Guennec

L'invention suprême est celle d'un problème, l'ouverture d'un vide au milieu du réel.1

Le design d'expérience désigne ici la conception de systèmes d'interactions entre des acteurs et des processus. Ces acteurs peuvent être des individus ou des objets, ils interagissent à travers

l'activation de processus. Les systèmes d'interactions, variables selon le point de vue que l'on adoptepour les concevoir et les observer, constituent le champ global des expériences. Mais l'expérience

renvoie également à la perception que peuvent en avoir les acteurs et les transformations perceptivesqu’elle engendre. Aucun acteur de l'expérience n'existe après dans le même état qu'avant, ne serait-ce

que sous l'influence de la durée de l'expérience, l'influence du temps. Qualifier ce temps et tenter de lui donner un sens, un pouvoir de modification des états des acteurs, constitue alors une des tâches

du designer. Généralement guidée par des systèmes de valeurs abstraites et positives qui fondent des intentions,

la conception des systèmes d'interactions cherchera à mettre en evidence et à réaliser un certain nombre de bénéfices pour ses acteurs. Quelle que soit la nature de ces bénéfices, seuls les acteurs

eux-mêmes sont en mesure de les connaître et de les formuler. La nature des bénéfices visés définit en grande partie les objectifs du projet de design desquels dépendent les méthodes applicables.

Il n'y a pas de méthode spécifique à la conduite du projet de design, la méthode est un objet du projet, un ensemble de processus à concevoir dans le système d'interactions de l'expérience.

L'expérience envisagée ici va au-delà d’une activité traditionnelle de conception. Elle intègre ses propres outils de conception dans le champ des choses à construire. L'étude des besoins de cibles

circonscrites, ou encore le design centré utilisateur, sont des approches embryonnaires de cette démarche. Au-delà de ces tentatives méthodologiques pour concevoir des systèmes

qui puissent interagir convenablement avec des utilisateurs identifiés, il s'agit dans le design d'expérience de concevoir le système de conception lui-même, dans lequel les utilisateurs sont

des acteurs au même titre que les concepteurs. Et cette conception du système de conception ne peut elle-même être que l'oeuvre du collectif qui la co-dirige, qui tente de lui donner

une direction, un sens, en fonction de la variété des bénéfices attendus et des systèmes de valeurs qui les sous-tendent. On peut évoquer alors une action de metaconception, de metadesign.

Le metadesign caractérise les objectifs, les techniques et les processus pour créer de nouveaux moyensd'expression et des environnements qui permettent aux possesseurs d'un problème d'agir

en designers.2

Quelle place occupe alors le designer dans cette action de metaconception collective et quel peut-êtreson rôle? Le rôle du designer peut justement résider dans le fait de permettre et favoriser l'émergence

du dispositif de metaconception. En tant qu'expert de la créativité, impliqué dans un projet pour ses qualités supposées de créateur et de concepteur de nouveauté, le designer est le mieux placé

pour redistribuer ses propres qualités, à condition de s’effacer pour laisser apparaître la créativité et les intentions de l'ensemble des acteurs du système. En cessant de concentrer sur lui et en lui

les qualités attendues dans l'évolution du système, il permet à ces qualités de se redistribuer, de circuler entre les acteurs, avec pour objectif personnel de participer à l'élaboration d'une solution

qui soit la plus satisfaisante possible pour les acteurs auxquels cette solution est destinée. Cette nécessité d'effacement d'une position occupée est probablement un préalable à l'initialisation

d'un processus de metadesign.

Le processus global intègre la conception des outils de conception et fournit le cadre du projet, le contexte de la problématisation. Ce processus est indéterminé à priori mais peut commencer

par la formulation des bénéfices attendus et la fluidification des rôles des acteurs. Il est aussi et surtout fondé sur l'acceptation du désir humain d'une évolution qui passe par la transformation

de son environnement. Ce désir n'est pas propre au designer et la question du metadesign est une question relative à la nature de l'homme.

Voulons nous ou non être responsables de nos désirs ? 3

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Ainsi, à la convergence de plusieurs disciplines scientifiques, vous avez pu trouver les méthodes(conceptuelles et appliquées) pour «rapprocher l’humain de lui-même (de ses sens)» [...]Oui, c’est exactement cela. Bien sûr, nous n’en sommes aujourd’hui qu’aux prémices, ça frémit toutjuste. Mais les choses évoluent positivement. De plus, nous nous sommes aperçus que les effets de la mondialisation et de la copie (chinoise entre autres) opéraient à un «nivellement vers le bas» de la qualité des produits. A contrario le « sensoriel» permet de mettre en lumière l’ADN de l’entreprise qui développe ses propres produits. Il en résulte une identification facilitée des marquesvéhiculant une meilleure qualité perçue. On obtient ce résultat soit en approfondissant vraiment et en intégrant la caractérisation de l’entreprise dans le produit (conception assez humaine de l’entreprise) ou bien encore en définissant exactement l’utilisateur, la séquence de l’utilisateur, afin d’envoyer à ce dernier le « bon signe » sensoriel, celui qui lui correspond. Nous avons constaté que si l’on signait « sensoriellement» les produits dans l’entreprise, cela nous donnait un élément de compétitivité très fort : la différenciation par rapport à des produitsdont la qualité est nivelée par la copie. Ce constat nous permet d’exprimer une autre démarche de compétitivité, celle du « juste perçu», ce qui est perçu en premier doit être conçu en premier.Aujourd’hui, nos méthodes nous conduisent à identifier et à mesurer les « indices» perceptifs principaux qui vont déterminer le champ d’appréhension d’un produit : nous nous focalisons d’abord sur ce qui est perçu en premier (éléments constitutifs du produit) puis sur la globalité du produit.

1 Jean-François Bassereau est enseignant à l'ENSAM

Installation SAND CREATE, conçue par messieurs Yamamoto, Hasegawa et Hayakawa, étudiants de l’Université de Gifu (Japon). Photo : Nicolas Guyon pour l’École de design Nantes Atlantique.

«CE QUI EST PERÇU EN PREMIER DOIT ÊTRE CONÇU

EN PREMIER.»Entretien avec Régine Charvet-Pello, propos recueillis par D. Bihanic.

Régine Charvet-Pello, vous avez créé, il y a plus d’une vingtaine d’années, l’agence RCP Design Global (aujourd’hui spécialisée en design « sensoriel », nous y reviendrons). Vous menez des projetsambitieux et innovants dans les domaines des transports et espaces publics, du monde de l’enfance

ou bien encore du luxe et de la cosmétique, etc. Pourriez-vous nous dire, tout d’abord, ce qui a motivé chez vous l’urgence, ou du moins la nécessité d’une démarche «holistique»

de conception : le design global? En effet, vers la fin des années 1990, il nous apparaissait, à Jean-François Bassereau1 et moi-même,

tout à fait indispensable de centrer notre attention sur la place que doit occuper l’humain dans nos sociétés actuelles et non plus seulement de nous intéresser à celle qu’occupe le produit.

Pour nous, le design global doit consister à travailler aussi sur l’homme et plus uniquement sur le produit. C’est pourquoi, nous ne pouvions nous contenter d’une démarche de design industriel.

Cette démarche n’existant pas à l’époque, il nous fallait rechercher d’autres approches méthodologiques conduisant à la conception de produits mieux adaptés à l’utilisateur ou à l’usager.

De là, nous avons choisi de définir une démarche de design global.

Intéressons-nous au projet SENSOLAB. Pourriez-vous nous rappeler en quelques mots les spécificitésde ce projet et la place que le design sensoriel y occupe?

Le projet SENSOLAB est au cœur de notre démarche de design global. Notre postulat est simple :aujourd’hui il nous faut impérativement donner une nouvelle dimension au produit

(non plus seulement fonctionnelle, esthétique) pour éveiller le désir d’achat chez le consommateur.Pour ce faire, nous avons choisi d’orienter notre travail en direction d’une plus grande prise

en compte des sensations que procure un produit ; il s’agit d’engager une véritable démarche sensorielle de conception. Le sensoriel est devenu assez à la mode aujourd’hui. Or, notre démarche

est beaucoup plus «profonde», plus ancrée dans des enjeux sociétaux que dans des tendances ou des styles de vie. Nous ne nous situons pas dans une démarche de « marketing sensoriel»,

mais bien de conception. Dès lors, notre réflexion s’est orientée vers l’apport d’une autre valeur aux produits que nous concevons. Notre démarche doit dépasser les segmentations de marché

et les préférences individuelles pour être plus pertinente dans l’approche «cognitive» des produits(allant jusqu’à l’analyse de certaines addictions). A l’époque où nous avions commencé, nous étions

pris pour des «doux rêveurs». Notre réflexion s’est associée notamment à l’analyse des pratiques en métrologie sensorielle appliquée à l’alimentation. Par ailleurs, pour mesurer les impacts concrets

de notre démarche, nous avons réalisé une multitude d’expérimentations, dans le cadre du laboratoirede conception de produits et d’innovations des Arts et Métiers ainsi que dans le cadre de mon activité

professionnelle. Nous nous sommes alors aperçus qu’il nous fallait engager une logique de recherche appliquée s’ouvrant à la participation d’autres acteurs (parfois d’horizons divers).

Nous avons donc commencé à travailler dans des groupes de réflexion institutionnels, tel celui de la norme AFNOR sur la qualité de vie, autour de la qualité subjective (en référence

à l’opposition entre qualité réelle et qualité perçue). Nous nous sommes placés à différents endroits de la réflexion pour laisser libre cours à notre imagination d’un certain futur. Au bout de quinze ans,

mêlant de nombreux écrits et conférences sur le sujet, nous avons créé l’association I.M.S. (Institut de Métrologie Sensorielle) pour faire de la «caractérisation sensorielle». Nous travaillons beaucoup

avec des ingénieurs, des designers, des architectes… des personnes dont le métier est de concevoir. Cela nous permet de travailler sur les processus de caractérisation des matières,

des matériaux des produits en gardant toujours à l’esprit l’usage qui en est fait. Nous avons également créé une autre association nommée «Epoch» regroupant des chercheurs (en sociologie,

en ethnologie des mondes contemporains, en neurologie notamment) dont les préoccupations sont, en général, très éloignées des nôtres. Nous les avons fait se rencontrer autour de nos réflexions : la place du sensoriel dans la conception de produits. Ce fut, pour nous, extrêmement intéressant

car il en est né des idées nouvelles, très différentes de ce que nous aurions pu prédire ou « intuitionner » au départ. Sortant du champ propre au design, nous travaillons

à un enrichissement de l’interface homme/objet (non plus seulement du produit) pour faire émerger un dialogue constructif par l’intermédiaire des sens.

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Page 7: Cadi#1 Design d'expérience - Janvier 2008 (FR)

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