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www.credoc.fr N° 296 DÉCEMBRE 2012 COMMENT CONSOMMENT LES SENIORS ? Thierry MATHE Pascale HEBEL Martyne PERROT Delphine ROBINEAU

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www.credoc.fr N° 296

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COMMENT CONSOMMENT LES SENIORS ?

Thierry MaThePascale heBeLMartyne PerrOTdelphine rOBiNeaU

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Comment consomment les seniors ?

1

SOMMAIRE

1 Synthèse ...................................................................................................................... 4

1.1 Les nouvelles générations de seniors consommeront plus ........................................... 4

1.2 Un déficit d’offre conduit à une diminution de la consommation après 65 ans ................ 5

1.3 Les nouvelles générations de seniors, plus familières à la consommation et aux outils de

communication ................................................................................................................. 7

1.4 Le rôle de génération pivot n’explique pas la baisse de consommation .......................... 8

1.5 Les seniors, davantage axés sur le besoin que sur le désir .......................................... 9

Introduction....................................................................................................................... 10

2 Méthodologie ................................................................................................................ 13

2.1 Analyses quantitatives ........................................................................................... 13

2.1.1 Démêler les effets d’âge et de génération ............................................................. 13

2.1.2 Approfondir en 2005 la question des transferts entre générations et de l’usage

d’internet ..................................................................................................................... 15

2.2 Analyse qualitative ................................................................................................ 17

3 La place des seniors dans la société ................................................................................ 19

3.1 Le processus de vieillissement ................................................................................ 19

3.1.1 Le vieillissement biologique et fonctionnel ............................................................ 19

3.1.2 Le vieillissement cognitif .................................................................................... 21

3.1.3 Recul de l’âge d’entrée dans la vieillesse biologique ............................................... 22

3.2 Les représentations de la vieillesse ......................................................................... 23

3.3 Un poids démographique de plus en plus important .................................................. 26

3.4 Poids économique des seniors : un avantage générationnel........................................ 28

4 Comment consomment les seniors ? ............................................................................... 34

4.1 Attachement à l’alimentation pour les seniors actuels ................................................ 34

4.2 Les vêtements et chaussures, une dépense raisonnée qui diminue aussi avec l’âge ...... 40

4.3 Aménager sa maison : un décor peu renouvelé mais une amélioration progressive du

confort 43

4.4 Loisirs : une diminution dès 55 ans ......................................................................... 47

4.5 Transports : une diminution avec la perte de mobilité ............................................... 49

5 Une réponse à la perte de lien : internet .......................................................................... 51

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5.1 Le niveau de diplôme : un facteur discriminant devant l’usage d’internet ..................... 53

5.2 Des inégalités sociales persistantes malgré le passage à la retraite ............................. 54

5.3 Une inégale diffusion d’internet sur le territoire français ............................................ 54

5.1 Une consommation beaucoup plus élevée chez les détenteurs d’Internet ..................... 55

6 La génération-pivot : les seniors, clef de voûte des transferts intergénérationnels................. 63

6.1 La nature des dons évolue avec l’âge ...................................................................... 65

6.2 Plus l’on consomme, plus l’on donne ....................................................................... 66

6.3 Une tentative de typologie des seniors par rapport à leurs comportements de don ........ 66

6.4 L’envie de donner aux proches : une caractéristique des seniors ................................. 67

6.5 La place du don : approche qualitative .................................................................... 69

7 Conclusion ................................................................................................................... 71

8 Bibliographie ................................................................................................................ 73

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« Pour moi, être senior, c’est le dernier quart de sa vie où l’on met de l’ordre »,

(Louise, 65 ans, Pézenas)

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1 SYNTHESE

Dans nos travaux réalisés pour la DGCIS en 2010 (Hébel et al, 2010), nous mettions en évidence

une forte baisse de la consommation avec l’âge après 50 ans, alors que les plus de 50 ans avaient

un taux d’épargne de 17%. Une comparaison internationale avait mis en évidence une faiblesse

des politiques publiques et des initiatives privées en faveur du développement de la consommation

de cette cible en France par rapport à d’autres pays du Monde (Corée du Sud, Japon, Etats Unis,

Allemagne, Angleterre). En France un frein culturel avait été identifié. La question à laquelle nous

souhaitons répondre aujourd’hui est pourquoi a-t-on une telle baisse de consommation. A partir

d’une exploitation des enquêtes Budget de Famille et d’un approfondissement qualitatif nous

apportons des éléments de réponses.

1.1 Les nouvelles générations de seniors consommeront plus

Les dépenses de consommation diminuent avant tout avec l’âge, mais on peut noter un léger effet

de génération. L’effet de génération, mesuré sur le total des dépenses, met en évidence une plus

forte appétence à consommer de la part des jeunes générations (cf. Graphique 1).

Graphique 1 : Dépenses de consommation en euros (constants 2000) par an et par

ménage selon les générations

0

5000

10000

15000

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25000

30000

13-22 18-27 23-32 28-37 33-42 38-47 43-52 48-57 53-62 58-67 63-72 68-77 74-82 79-88 84-93 88-97

Génération Low

Cost (1967-1971)Génération livraison

à domicile (1957-1966)

Génération Hypermarché

(1947-1956) Génération Robot

électrique (1937-1946)Génération Réfrigérateur (1927-1936)

Génération Rationnement

(1917-1926)

Génération Pénurie

(1907-1916)

Génération Internet

(1977-1986)

Source : Enquêtes Budget de famille, Insee, 1979, 1984, 1989, 1995, 2001 et 2006

Les générations les plus âgées valorisent l’épargne pour transmettre du patrimoine à leurs enfants,

elles consomment alors peu après un certain âge.

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Appartenir à une génération conditionne grandement les attitudes et les comportements de

consommation. Les conditions économiques et l’offre disponible au moment où chaque génération

entre dans la consommation conditionnent très fortement ses choix. Les générations adoptent des

valeurs et des comportements au moment du passage entre l’enfance et l’adolescence. Le modèle

social qui a favorisé les générations « Hypermarché » et les précédentes – plein emploi, progrès

avec mobilité sociale ascendante, perspectives de vie en rapide amélioration, inventions et diffusion

de nouveaux modes de vie – a été le destin d’une génération. Ainsi, les personnes appartenant aux

générations nées avant la Seconde Guerre mondiale privilégient les comportements économes, où

la qualité prime sur le prix : « Je n’ai pas les moyens de m’acheter des produits bon marché »

(c’est-à-dire des produits qui, parce qu’ils ne durent pas, doivent être rachetés régulièrement et

coûtent finalement plus chers). On cherche des produits qui durent et on n’aime pas jeter : « Je ne

peux pas jeter un bout de pain. Je le donne aux oiseaux ». Dans ces générations, on est réticent à

utiliser des crédits à la consommation. Ces générations privilégient nettement plus les dépenses

alimentaires au même âge que les générations suivantes. C’est également le cas des dépenses de

vêtements et de meubles. Elles consacrent par contre moins d’argent aux loisirs et à la

communication, les considérant plus comme des dépenses superflues tant que celles de

subsistance ne sont pas assurées. À un âge donné, les dépenses de logement sont également

moins importantes parmi les générations les plus âgées. Ainsi, les nouvelles générations de seniors

dépensent plus en vacances, dans les secteurs culturels (lecture, musées…), habillement,

cosmétique, mais moins en alimentation.

1.2 Un déficit d’offre conduit à une diminution de la

consommation après 65 ans

On note une baisse systématique des dépenses de consommation sur de nombreux secteurs de la

consommation, une fois isolé l’effet de génération. Ainsi, après 65 ans, les dépenses en

alimentation, habillement, loisirs, transports, communication, soins de beauté diminuent très

fortement ; ce constat traduit bien combien l’impossibilité de consommer (pour des raisons de

mobilité et d’offre) peut conduire à l’isolement. Le vieillissement touche l’ensemble des capacités

fonctionnelles et physiologiques, lesquelles diminuent progressivement. Les changements

commencent à se faire sentir à partir de 35-40 ans et restent généralement minimes jusqu’à 60

ans. Ils s’accentuent par la suite, et, après 60 ans, l’organisme commence à peiner à s’adapter à

une situation mettant en jeu son intégrité. Le processus de vieillissement biologique représente

ainsi l’ensemble des mécanismes qui diminuent progressivement la capacité de l’organisme à faire

face aux exigences variables de l’environnement et finissent par modifier la structure et les

fonctions des organes assurant les fonctions vitales essentielles. Les capacités fonctionnelles

(mobilité, préhension) ainsi que les fonctions cognitives.

Dans nos sociétés, la vieillesse est, tout comme la mort qu’elle annonce, soumise à une volonté de

dissimulation sociale. Elle n’est plus – ou trop rarement – envisagée comme une source de sagesse

et d’expérience utiles au présent, porteuse de valeurs positives. Ce sont les valeurs liées à la

jeunesse qui sont appréciées, cherchées et mises en valeur. D’un point de vue individuel, vieillir est

ressenti comme honteux, comme un processus qu’il faut cacher, minimiser, conjurer en n’en

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parlant pas. La vieillesse, préfiguration de la mort, fait si peur que l’on regarde davantage le

vieillard comme un autre plutôt que comme son semblable, c’est-à-dire son « moi » anticipé. Le

tabou entourant la vieillesse en Occident semble surtout en vigueur dans les pays latins –

l’Espagne et l’Italie –, mais nettement moins dans les pays scandinaves et au Canada, où le sujet

est pris à bras-le-corps. L’image que les seniors se font d’eux-mêmes apparaît alors comme

fortement tributaire du regard des autres.

Les seniors d’aujourd’hui bénéficient d’un état de santé général bien meilleur que celui des

générations passées « Le vieillissement apparaît comme un processus biologique évolutif, complexe

et multifactoriel, en interaction avec l’environnement physique, social et culturel dans lequel vivent

les populations ». Le gérontologue Gérard Kreutz (Kreutz, 2004) estime que le vieillissement

touche l’ensemble des capacités fonctionnelles et physiologiques, lesquelles diminuent

progressivement. Pour lui, les changements commencent à se faire sentir à partir de 35-40 ans et

restent généralement minimes jusqu’à 60 ans. Ils s’accentuent par la suite. Le processus de

vieillissement biologique représente ainsi l’ensemble des mécanismes qui diminuent

progressivement la capacité de l’organisme à faire face aux exigences variables de l’environnement

et finissent par modifier la structure et les fonctions des organes assurant les fonctions vitales

essentielles (Cassou, 1997). Le vieillissement fonctionnel a trait à la relation à l’environnement

(ouïe, vue), à l’autonomie (articulation) et au plaisir (goût, odorat).

L’offre de consommation actuelle ne répond pas suffisamment à ces besoins fonctionnels. L’analyse

de l’offre en France met nettement un déficit d’offre important sur tous les secteurs, mis à part

ceux de la santé. Par exemple, les rares enseignes de distribution concernant cette cible sont

spécialisées en habillement, on ne trouve aucune enseigne généraliste. Pourtant, en Espagne, de

telles enseignes existent. Les seuls secteurs d’offre destinée à cette cible concernent les

cosmétiques avec les crèmes anti-âge et l’alimentation avec les produits anti-cholestérol par

exemple. Les offres de voyage pour les personnes ayant des difficultés de mobilités sont

développées en Allemagne (Programme Elan de TUI) mais inexistantes en France. En France les

services ne se développent que lorsque les personnes âgées sont dépendantes. L’offre est alors

très disparate selon les lieux d’habitation (Loones, 2005).

La principale raison du nombre limité d’offre spécifiquement dédiée aux seniors réside dans une

explication psychosociologique. Chaque société définit un parcours des âges de la vie caractérisé

par des étapes spécifiques et fixe des conditions d’accès d’une étape à une autre. Ce code

spécifique dit quels sont les événements particulièrement significatifs socialement de l’avance en

âge (Cassou, Henrard, 1997). Dans le même temps, comme nous l’avons souligné au début de ce

cahier, chaque société accorde une valeur plus ou moins positive à la vieillesse. Derrière la notion

de "vieillissement", il faut lire l'annonce d'un déclin et bientôt de la mort. On ne met pas en valeur

le fait que le vieillissement est le fruit d'un progrès qui fait reculer la mort et la déchéance physique

en permettant de vivre plus longtemps une vie vécue en meilleur état de santé.

Les offres de services pourraient être nettement développées du côté de la mobilité afin de facilité

l’accès à l’achat de produits et de services. Il s’agit surtout de développer une offre de déplacement

de point à point. On peut envisager aussi un développement d’offres de services tels que la beauté,

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l’esthétique, le bien-être, le paramédical vers le domicile des cibles les plus âgées. Pour l’ensemble

de ces marchés, l’offre est très faible et peu accessible en terme de coût.

1.3 Les nouvelles générations de seniors, plus familières à la

consommation et aux outils de communication

Le mouvement de vieillissement de la société doit s’accompagner d’une véritable prise de

conscience des aspects positifs de la vieillesse à l’échelle des individus et des groupes sociaux. La

retraite, nous l’avons dit, est aujourd’hui valorisée comme un temps qui a sa propre finalité, un

temps donné à chacun pour adopter un style de vie que la vie active ne permet pas de développer

dans toute sa voilure. La retraite manifeste une rupture avec un passé qui comportait certes des

contraintes horaires, hiérarchiques, des enjeux économiques, mais aussi un contexte de

socialisation, d’appartenance identitaire, de réalisation et de valorisation de soi. L’environnement

du travail formel et informel offre un univers normatif de valeurs autour duquel s’organise la vie du

travailleur. La rupture avec ce passé implique un deuil, au même titre que l’entrée dans l’âge

adulte impliquait la perte de l’enfance. Ce passage entraîne également l’entrée dans une période de

vie qu’il faut investir.

A cet égard, les nouvelles générations de seniors auront par rapport à la consommation de tous

autres comportements que celles qui les ont précédées. Elles seront à la fois plus familières et plus

critiques, parce qu’elles auront vécu à chaque fois un peu plus longtemps dans l’univers de la

société de consommation. Les seniors de 2020 seront les premières cohortes de seniors,

bénéficiant massivement d’une hausse de l’espérance de vie totale et de vie en bonne santé. Ils

auront bénéficié de carrières professionnelles complètes et de doubles sources de rémunération au

sein des couples, ainsi que d’un système de retraite efficient. Leur appétit consommatoire sera

également plus élevé que celui des générations précédentes puisque toute leur vie, au même âge,

ils auront consommé davantage que les générations précédentes.

Il reste que les dépenses de consommation tendent à diminuer après le passage à la retraite,

notamment parce que les relations sociales s’amoindrissent progressivement : on reçoit moins, on

voit moins de monde, on a donc moins besoin d’acheter de la nourriture, de s’habiller ou

d’améliorer son intérieur. Un environnement nouveau d’insertion sociale, de valeurs, de repères

identitaires est à reconstruire. Dans ce projet de plus en plus présent avec les dernières

générations de seniors, les nouvelles techniques de communication occupent une place importante.

Internet permet d’entretenir des relations avec un réseau d’anciens collègues et amis et conduit à

se déplacer, à inviter chez soi et ainsi à continuer de consommer. On a pu en effet démontrer

statistiquement que les seniors ayant internet, dépensent plus que les autres, indépendamment de

leur revenu. La consommation est complètement dépendante des relations entre les uns et les

autres. Ce n’est pas tant qu’Internet soit très utilisé pour acheter dans les générations de seniors

actuels, mais c’est un outil qui permet d’entretenir des relations avec les autres. La connexion des

seniors a Internet s’est diffusée avec une certaine constance au cours des dernières années, ce qui

ne serait pas sans impact sur leur consommation, et en particulier la consommation de loisirs. La

première utilisation d’internet est la communication avec ses proches, mais l’achat sur internet se

place en seconde position. La forte croissance de la proportion d’internautes effectuant des achats

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8

en ligne apparait d’ailleurs comme en partie due aux seniors. Ce nouveau canal de consommation

n’absorbe cependant pas le ralentissement de la consommation déjà observé.

1.4 Le rôle de génération pivot n’explique pas la baisse de

consommation

On a pu observer que la part de l’argent dans les dons ne fait que croitre avec l’âge. Il apparait

clairement, en tous les cas, que les dons ne peuvent pas être considérés théoriquement comme un

substitut de la consommation chez les seniors, et ainsi les dons ne peuvent expliquer la faible

consommation de cette population par rapport à leurs revenus. En effet, la corrélation est au

contraire positive : à revenu égal, plus un senior donne, plus il consomme.

Graphique 2 : Priorité n°1 des ménages de plus de 50 ans s’ils disposaient de 10% de

revenus supplémentaires selon l’âge

0%

10%

20%

30%

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- 20 ans 20-25 ans25-30 ans30-35 ans35-40 ans40-45 ans45-50 ans50-55 ans55-60 ans60-65 ans65-70 ans70-75 ans75-80 ans80-85 ans + 85 ans

Consommation Dons Remboursement Epargne Autre

Champ : ménages de France Lecture : s’ils disposaient de 10% de ressources supplémentaires, 37% des plus de 85 ans les consacreraient à la consommation, 36% en feraient profiter leurs proches, 22% épargneraient.

Source : Enquête Budget de famille de l’INSEE, 2006

Ce qui caractérise les seniors dans les transferts intergénérationnels, c’est la priorité qu’ils

accordent au fait de faire profiter leurs proches de leurs ressources, par le biais du don. Les jeunes

seniors, souvent encore actifs, sont plus souvent « pivots », c’est-à-dire qu’ils donnent à la fois à

leurs enfants et à leurs parents. En revanche, se distingue, à partir de 70 ans, un renversement où

les seniors sont plus souvent aidés qu’aidants, les solidarités entre générations dans le sens

ascendant venant accompagner leur vieillesse.

La perception de la retraite et du vieillissement induit des effets sur la consommation, dont celle-ci

se fait le témoin. Les éléments que nous avons recueillis pour cette étude mettent en lumière les

infléchissements dans les habitudes de consommation propres aux seniors mais aussi les logiques

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propres à chaque génération. La centralité de la consommation dans nos sociétés contemporaines

et la place croissante des techniques de communication dans la vie quotidienne suscitent dès lors

de véritables bouleversements au sein des nouvelles générations de seniors, appelées à un temps

de vie toujours plus allongé.

1.5 Les seniors, davantage axés sur le besoin que sur le désir

Parallèlement à ces évolutions générationnelles, les seniors - et singulièrement les plus âgés -

témoignent à bien des égards de comportements ayant préexisté à la « société de

consommation », consommation de masse dans laquelle ont baigné les générations plus jeunes.

Certains de ces comportements ne sont pas sans rejoindre les tendances contemporaines relatives

à la «consommation « durable », sans que les seniors aient cependant besoin de verbaliser une

tendance vécue de façon assez « naturelle ».

Ainsi, pratiquer l’autoconsommation en mangeant les légumes de son potager, la dé-consommation

en empruntant les livres à la bibliothèque municipale au lieu de les acheter, rechercher la qualité

tant pour l’alimentation que pour les vêtements ou les appareils électro-ménagers (sujets au

renouvellement contraint) par rejet du gaspillage, relèvent de comportements aujourd’hui qualifiés

de « durables » du fait d’une « empreinte écologique » jugée plus faible que d’autres. La fidélité

aux marques, aux « bonnes adresses », aux catalogues, témoigne aussi de la recherche de choses

qui durent, solides, sur lesquelles on peut compter. Les usages d’Internet par les seniors montrent

parallèlement que c’est l’échange et l’entretien de liens sociaux qui priment sur la fonction d’achat.

En matière de repas, la dimension de convivialité demeure importante tandis que les besoins

alimentaires diminuent.

Le rapport des seniors les plus âgés à la consommation apparaît comme fortement marqué du

sceau de la nécessité, plutôt que de celui du désir, même si affleure aussi des goûts (la recherche

de « bonnes chaussures ») en même temps que sont affirmées des valeurs anti-gaspillage ou

facteur de long-terme. Hormis pour la viande, qui garde une force symbolique importante parmi les

générations les plus âgées, ou encore pour l’achat d’une voiture neuve (mais solide et que l’on

gardera longtemps, sur le mode de l’appareil électro-ménager), la consommation des seniors

semble trouver une convergence avec les valeurs d’une société oscillant entre la perte de pouvoir

d’achat, consécutive à la crise, et la conviction forte de l’impératif de remettre en cause un modèle

de consommation de plus en plus perçu comme source de déséquilibre et destructeur.

Les éléments que nous avons recueillis pour cette étude mettent en lumière les infléchissements

dans les habitudes de consommation propres aux seniors, nouvelles générations de seniors

appelées à un temps de vie toujours plus allongé, mais aussi les logiques propres à chaque

génération. La baisse de la consommation avec l’âge peut aussi traduire des inquiétudes dans une

société plus incertaine où l’on craint pour l’avenir de ses enfants, mais aussi dans une société

moins solidaire où l’on redoute par-dessus tout la perte d’autonomie.

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INTRODUCTION

Le terme de « seniors », qui masque une grande hétérogénéité (en termes d’âge, de statut

d’activité, de niveau de vie, etc.), est un terme issu du marketing, plus précisément du livre « Le

senior marketing » publié en 2000 par Jean-Paul Tréguer. L’âge d’entrée dans le monde des

seniors a été fixé par les professionnels du marketing à cinquante ans (Tréguer, 2007). Cet âge

est perçu comme une étape constituée de plusieurs ruptures importantes dans les modes de vie.

Sur le plan financier, la cinquantaine marque à la fois l’apogée de la vie professionnelle et l’accès à

une certaine aisance financière de par le début de la transmission d’héritages et la fin des

remboursements des emprunts immobiliers. Sur le plan de la vie privée, le départ des enfants et le

sentiment d’être en bonne santé amènent à privilégier des activités nouvelles de loisirs et à devoir

faire évoluer ses relations de couple. L’arrivée à la cinquantaine est également accompagné de

changements négatifs, les premiers signes du vieillissement, et une certaine marginalisation

professionnelle, l’inquiétude pour la retraite, un changement de la relation établie avec ses propres

parents qui, expérimentant le grand âge, ont besoin d’être accompagné, voire pris en charge.

Nous choisissons cet âge pour définir les seniors dans notre étude, même si à l’évidence, on ne

peut aborder les plus de 50 ans d’un bloc. Il est important d’isoler différents âges, constitués par la

période précédant la cessation d’activité, le temps de plus en plus long de la retraite active,

l’entrée progressive dans la vieillesse, puis un jour, peut-être, la dépendance. La retraite constitue

une phase particulièrement intéressante dans la mesure où elle s’allonge et tend à devenir une

situation vécue par la quasi-totalité des seniors. La retraite active représente aussi un enjeu car

elle va concerner les générations d’après-guerre qui arriveront à cette phase de leur vie beaucoup

plus nombreuses (+40%), économiquement plus riches et culturellement différentes de la

génération qui l’a précédée. Ce sont des générations décidées à faire “autrement”, à faire leurs

propres expériences, et qui se sont construites pendant la phase de développement de la société

de consommation.

Les seniors de 2020 ne seront pas les mêmes que ceux du passé. En moyenne, leur situation sera

meilleure sur les plans physiques et financiers. Ces deux éléments seront propices à la

consommation. Ce seront les premières cohortes de seniors, bénéficiant massivement d’un niveau

de santé et de forme élevés (hausse de l’espérance de vie totale et de vie en bonne santé). Ils

auront bénéficié de carrières professionnelles complètes et de doubles sources de rémunération au

sein des couples. Ce seront les dernières cohortes de seniors à ne pas faire les frais du déséquilibre

du système de retraites par répartition. Leur appétit consommatoire sera également plus élevé que

celui des générations précédentes puisque, nous le verrons : toute leur vie au même âge la

génération « Hypermarché », née entre 1947 et 1956, a consommé plus que les générations

précédentes.

Une étude précédemment réalisée par le département Consommation du CRÉDOC pour la DGCIS

(Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services) du Ministère de l’Economie,

de l’Industrie et de l’Emploi en juin 2010 avait permis de montrer que les seniors consommaient

peu par rapport à leur niveau de revenu (Hébel et al, 2010). Les plus de 50 ans ont en effet un

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taux d’épargne supérieur à leurs cadets. Ce Cahier de Recherche s’est donné pour objectif de

comprendre les logiques de cette sous-consommation des seniors.

Le présent Cahier de Recherche se compose d’une partie quantitative (partant de l’identification

d’une baisse d’un certain nombre de dépenses avec l’âge et qui teste les hypothèses d’un effet

positif d’internet et négatif d’un transfert vers les autres générations sur la consommation) et d’une

partie qualitative (une vingtaine d’entretiens en face-à-face d’un échantillon de seniors de diverses

situations géographiques (région parisienne, Nièvre, Cotentin, Hérault, etc.), résidentielles (milieu

rural, urbain), professionnelles, etc.). Cette recherche a pour objectifs particulièrement d’évaluer

le rôle et le poids des transferts entre les générations et de l’utilisation d’Internet dans la

consommation des seniors. Il s’agissait de tester deux hypothèses :

1/ les transferts entre les générations : les seniors étant situés dans une étape très particulière du

cycle de vie et des solidarités entre générations, leurs dons, notamment monétaires, seraient

susceptibles de réduire leur revenu disponible pour consommer, ce qui pourrait expliquer leur sous-

consommation. L’hypothèse que nous souhaitons mettre à l’épreuve est que la nature monétarisée

des dons en provenance des seniors pourrait expliquer une utilisation des ressources à d’autres fins

que la consommation.

2/ l’utilisation d’internet : le fait d’être connecté à internet pourrait aujourd’hui constituer un

facteur discriminant très fort entre les seniors connectés et ceux qui ne le sont pas, ce qui pourrait

se traduire par des différences de consommation.

Les questions auxquelles nous souhaitons répondre sont les suivantes :

- Combien représentent les seniors dans la consommation ?

- Consomment-ils beaucoup et pourraient-ils consommer plus ?

- Comment consomment-ils ? Que privilégient-ils ?

- Consommeront-ils plus avec Internet ?

- Consomment-ils peu parce qu’ils donnent beaucoup à leurs enfants ou ascendants ?

Pour répondre à ces questions nous exploitons les enquêtes Budget de famille de l’INSEE, la

dernière enquête utilisable étant celle de 2006. Pour mieux comprendre les freins à la

consommation identifiés en mettant en évidence les effets d’âge et de génération, nous avons

réalisé des entretiens approfondis de plus de deux heures auprès d’une vingtaine de seniors (voir

en Annexe le profil des personnes interrogées). L’enquête qualitative a eu pour objectif de mettre

en évidence les raisons et les conditions des choix effectués en matière de consommation, mais

également les priorités qui sont mises en avant pour hiérarchiser ces choix. Ces arbitrages chez

les seniors de 60 ans et plus offrent des singularités évidentes car les habitudes qui ont été

acquises tout au long de la vie restent encore fortement ancrées. D’une façon générale, cette

période est davantage ressentie comme celle des bilans que comme celle des projets, parce que la

plupart des choix déterminants du mode de vie ont déjà été effectués. Si pour ces seniors l’avenir

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semble moins éloigné et plus prédictif, celui des enfants et des petits enfants devient une

préoccupation majeure, parfois conjuguée à celui de parents très âgés dont on a encore la charge.

La cible du Cahier de Recherche est ainsi la population des « seniors » et leur consommation,

problématique suscitée par l’allongement de l’espérance de vie. Le CRÉDOC a opté pour une

définition très simple de cette population en l’assimilant aux ménages où la personne de référence

a plus de 50 ans. Pour cela, il s’est appuyé sur la typologie qu’il avait mise en place lors de l’étude

DGCIS. Elle était élaborée en croisant l’âge, la vie en couple et la retraite :

- les seniors actifs (36%), où au moins une personne du couple est encore en activité

- les jeunes retraités (26%), de moins de 70 ans

- les retraités âgés en couple (18%), de plus de 70 ans

- les retraités âgés seuls (20%), majoritairement des femmes veuves.

Cette typologie avait été construite à partir des comportements de consommation. Nous nous

appuierons sur cette typologie pour déterminer dans quelle mesure elle peut être pertinente pour

notre sujet.

Toutefois, dans les entretiens qualitatifs, la limite d’âge a été placée à 60 ans, afin de cibler cette

période charnière entre la vie active et la retraite, entre la vie de parents et celle de grands-

parents, etc. L'âge de 60 ans est utilisé de longue date comme seuil de la vieillesse. Au XVIIème

siècle, c'est l'âge auquel on dépend des autres pour sa sécurité puisqu'on ne peut plus porter les

armes. Lavoisier utilise cet âge comme le début d'une autre dépendance, économique cette fois,

pour bénéficier des secours. La Révolution fixera aussi à 60 ans l'âge donnant droit à l'aide du

Comité de Mendicité. Le plus curieux, c'est la stabilité de ce seuil sur une longue période, alors que

la situation des personnes de cet âge, elle, aura été profondément bouleversée. Dans toutes les

statistiques françaises jusqu'en 1946, on deviendra "vieillard" à 60 ans.

Dans une première partie, nous présentons nos outils méthodologiques. Dans la deuxième nous

plantons le décor en définissant la vieillesse et faisant le constat d’une représentation négative de

cet état dans la société française. En mettant en avant le poids de cette catégorie de population

dans l’économie, nous partirons du constat que cette cible consomme peu. Dans la troisième

partie, nous analysons poste par poste comment consomment les seniors de façon quantitative et

qualitative. Dans la partie suivante, nous proposons de tester l’hypothèse d’une consommation

accrue lorsque les relations sont privilégiées avec Internet. Et enfin dans la dernière partie nous

mesurons le poids des transferts entre générations et approfondissons la question du don.

Page 14: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

13

2 METHODOLOGIE

2.1 Analyses quantitatives

L’enquête Budget de famille est menée tous les cinq ans depuis 1979 par l’INSEE et a pour but de

mesurer avec précision les dépenses et les ressources des ménages français. Elle couvre tous les

ménages « ordinaires » résidant en France. Les données ont été d’une part analysées en évolution

pour dissocier les effets d’âge et de génération, et d’autre part le CRÉDOC a travaillé sur la

dernière enquête « Budget de famille » de 2005-2006, en se focalisant sur les deux hypothèses

qu’il souhaitait tester (les dons et l’impact d’Internet).

2.1.1 Démêler les effets d’âge et de génération

Les relations à la consommation changent avec l’arrivée de nouvelles générations. Appartenir à une

génération conditionne grandement les attitudes et les comportements de consommation. Les

conditions économiques et l’offre disponible au moment où chaque génération entre dans la

consommation conditionnent très fortement ses choix. Les générations adoptent des valeurs et des

comportements au moment du passage entre l’enfance et l’adolescence. Selon Préel (2000) :

« Les membres d’une même génération ont en commun de partager un destin inscrit à la

confluence de deux histoires : celle de l’époque introduisant les événements extérieurs qui les

toucheront et les marqueront plus ou moins profondément, et celle du cycle de vie, enchainant

inexorablement les âges les uns après les autres ».

Les générations nées avant la fin de la guerre sont caractérisées par une plus forte pratique des

normes traditionnelles, une moindre tolérance, une autorité plus forte, un moindre individualisme

et un attachement moins fort à l’hédonisme. Ainsi, le conflit des générations de la fin des années

1960, corollaire de l’agitation née en 1968 peut-il s’interpréter comme le mouvement d’une

génération opposée aux générations précédentes en raison de références normatives différentes.

La génération « sociologique » née au milieu des années 1940, que nous nommons génération

« Hypermarché » en référence à l’avènement de cette forme de distribution au milieu des années

1960, est en rupture avec ses aînées. Ces générations sont moins enclines au respect des normes

anciennes, et s’éloignent des pratiques religieuses. Ces cohortes sont plus homogènes du point de

vue de leurs valeurs, elles portent les normes sociales et idéologiques qui ont marqué la fameuse «

seconde révolution française ». Le modèle social qui a favorisé les générations « Hypermarché » et

les précédentes – plein emploi, progrès avec mobilité sociale ascendante, perspectives de vie en

rapide amélioration, inventions et diffusion de nouveaux modes de vie – a été le destin d’une

génération et n’est pas celui des nouvelles générations.

À partir des générations nées en 1950, la structure sociale par génération semble cesser de se

modifier, à l’exception de l’expansion du chômage. Les cohortes d’après 1950 inaugurent la baisse

du niveau du salaire relatif, la hausse du coût du logement, le ralentissement du niveau de vie, la

stagnation des départs en vacances, mais surtout l’activité des femmes. Comme le dit justement

une femme senior interrogée en 2003 « Moi, je dis toujours à mon mari pour le faire enrager,

Page 15: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

14

merci aux hommes qui ont inventé les machines à laver. Ça a permis aux femmes de travailler.

Moi, au début je n’avais pas de frigidaire. Je remercie Mr Moulinex » (Lehuédé et Loisel, 2004).

Ainsi, les personnes appartenant aux générations nées avant la Seconde Guerre mondiale

privilégient les comportements économes, la qualité prime sur le prix (« Je n’ai pas les moyens de

m’acheter des produits bon marché »), on cherche des produits qui durent et on n’aime pas jeter :

« Je ne peux pas jeter un bout de pain. Je le donne aux oiseaux » (Lehuédé et Loisel, 2004). Dans

ces générations, on est réticent à utiliser des crédits à la consommation. A la question vous utilisez

des cartes de crédit ?, les réponses sont symptomatiques d’une réticence cultuelle « Je l’ai fait au

printemps pour avoir une réduction, mais je ne l’utilise pas autrement car c’est 20% d’intérêts. Je

ne vois pas pourquoi je les donnerai. Les gens pensent qu’ils vont faire des affaires, mais ce n’est

pas le cas ».

L’angle des générations se fonde sur deux hypothèses fécondes : d’un part, s’il s’avère que les

comportements sont façonnés par les expériences initiatrices, les comportements de demain

resteront homogènes pour une même génération. Si au contraire le comportement évolue avec

l’âge, l’évolution des comportements des générations actuelles se réfèrera à celles observées chez

les générations aînées. Pour démêler les effets d’âge et de génération, nous utilisons un modèle

âge-période-cohorte utilisé par Recours et al en 2008. Du modèle utilisé (cf. Encadré 1), nous

proposons d’analyser l’effet d’âge toutes choses égales par ailleurs.

ENCADRE 1 : Modèle AGE PERIODE COHORTE

Pour dissocier les effets d’âge et de génération, il faudrait pouvoir suivre la consommation des mêmes ménages

sur plusieurs dizaines d’années. On ne dispose pas de données longitudinales de ce type pour la France. Les six

enquêtes Budget de famille (BDF) transversales, réalisées tous les cinq ans depuis 1979 selon le même

protocole, n’interrogent pas les mêmes ménages à chaque date d’enquête. En revanche, il est possible de suivre

des cohortes dans les enquêtes successives. Les cohortes sont des groupes de ménages qui partagent la même

date de naissance et le même niveau de fin d’étude de la personne de référence du ménage.

Les méthodes de décomposition APC (Age Période Cohorte) permettent d’estimer l’influence sur un phénomène,

exprimé généralement par un taux d’incidence (ou une transformation mathématique d’un taux) de ces trois

effets. L’effet cohorte est au centre des analyses. L’estimation de ces effets clarifie les mécanismes qui

influencent la survenance du phénomène étudié. Par ailleurs, l’évolution future de ce phénomène peut être

perçue en fonction de ces trois variables. La capacité prédictive augmente par rapport au modèle de prévision qui

ne prendrait en considération que les tendances périodiques.

Nous choisissons cinq variables pour expliquer les arbitrages budgétaires : la génération et l’âge, variables

d’intérêt principal, le revenu, variable qui remplace l’effet de période, ainsi que le nombre de personnes dans le

ménage (afin de maîtriser l'effet composition du foyer) et la taille d’agglomération, variables de contrôle de

l’hétérogénéité observée. Nous ne considèrerons pas la profession parce qu’elle est fortement corrélée avec le

revenu, ni la région d’habitation (corrélée avec la taille d’agglomération, notamment pour la région parisienne), ni

le type de famille (marié, célibataire, veuf…), trop corrélé avec l’âge et le nombre de personnes dans le foyer. Les

Page 16: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

15

modalités choisies comme références sont les suivantes : la génération 1947-1951, la classe d’âge 38-42 ans,

les ménages de deux personnes, les villes de 2 000 à 100 000 habitants et les revenus compris dans le troisième

quartile (tranche moyenne supérieure).

εδδδ

µβα

++++

++=

=−≠

=−≠

=≠

=≠

=≠

∑∑∑

∑∑

ngénérationn

nmâgeansm

mlionagglomérattaillel

l

kmenagetaillek

kirevenui

iproduit

III

IIdépense

***

**

"19511947""4238"_

2

_22

2.1.2 Approfondir en 2005 la question des transferts entre générations et de

l’usage d’internet

L’échantillon de l’enquête Budget de famille 2006 est constitué d’environ 20 000 logements de

France métropolitaine, tirés à taux de sondage uniforme. La collecte des données combine

questionnaires en face-à-face et carnets papiers recensant chaque dépense.

Nous nous sommes appuyés plus précisément sur trois tables :

- la table « ménage » (10 240 observations et 1 091 variables) contenant des données

sociodémographiques au niveau du ménage ;

- la table « depmen » (10 240 observations et 1 519 variables) contenant des données

monétaires de dépense et de consommation ;

- la table « C05d » (10 240 observations et 236 variables) contenant des données

élaborées à partir des carnets. Cette table centrale pour notre étude décrit, pour

chaque ménage de l’échantillon, le montant des dépenses par postes détaillés au

niveau 5 de la nomenclature des produits , niveau suffisamment fin pour notre étude

des dons.

Notre étude statistique porte sur l’ensemble des ménages où la personne de référence a plus de 50

ans. Cette population est représentée par un échantillon de 5004 ménages. La somme de leur

poids correspond bien aux 13 000 000 ménages où la personne de référence a plus de 50 ans,

recensés à la même date par l’INSEE à l’état civil.

Pour l’étude des dons, qui n’est pas l’objectif premier de l’enquête Budget de famille, nous avons

dû créer les variables d’intérêt. Dans la table « C05d », nous avons effectué la somme des dons

(dons en nature et transferts monétaires envers d’autres ménages) à partir de la nomenclature des

produits. Nous avons défini les ménages de « donneurs » comme ceux dont la somme des dons

était strictement positive, quel que soit le montant. Cependant, dans cette table manquaient la

provenance, la destination et la fréquence des dons nécessaires à notre étude. Dans la table «

depmen », nous avons pu trouver des informations de ce type, mais seulement sous forme

d’indicateurs que nous avons regroupés afin de réaliser une dichotomie autour de l’âge de 50 ans.

La comparaison des montants totaux des dons (en agrégeant dons monétaires et cadeaux en

nature) sur une année masque une grande hétérogénéité des comportements sous-jacents et de la

signification sociale que les agents leur donnent.

Page 17: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

16

D’autre part, les dons en service, en temps et en soins étaient exclus des données. Il s’agit

pourtant d’une dimension très importante des échanges entre les générations selon Claudine

Attias-Donfut : ils ont une valeur particulière pour les personnes âgés qui à la fois les reçoivent

(par exemple, les soins médicaux) et les donnent (par exemple, la garde des petits-enfants).

S’agissant de l’étude de l’utilisation d’internet, nous avons utilisé comme approximation l’existence

de dépenses d’abonnement internet au ménage (haut ou bas débit). Nous n’avions pas de variable

permettant de détailler les usages d’internet selon les différents individus qui composent le

ménage. Il aurait été intéressant également que la base indique quelles dépenses ont été

effectuées par internet. Ce n’était le cas que pour un petit nombre d’achats (objets d’art, meubles)

et les variables n’étaient malheureusement pas exploitables.

Tableau 1 : Quelques caractéristiques générales de l’enquête Budget de famille, 2006

Au total

De seniors (50 ans et plus)

De jeunes (moins de 50

ans)

De seniors donneurs

De seniors connectés à

internet

Nombre de ménages dans l’échantillon 10 240 5 004 5 236 3 299 1 181

Nombre de ménages dans la population totale

24 918 383 13 206 713 11 711 670 8 426 545 7 864 544

Âge moyen

Proportion de

femmes (PR*)

Revenu annuel moyen par

UC**

Proportion de cadres (et retraités cadres)

Proportion d'employés et ouvriers (et retraités employés et ouvriers)

Seniors actifs 56 ans 33% 23 014 € 20% 46%

Jeunes retraités en couple 64 ans 11% 20 174 € 17% 44%

Retraités âgés en couple 77 ans 7% 21 144 € 19% 39%

Retraités âgés seuls 73 ans 72% 16 960 € 7% 55%

Total des seniors 66 ans 38% 20 380 € 15% 47%

Jeunes (moins de 50 ans) 37 ans 32% 17 709 € 14% 50%

* Personne de référence du ménage (voir Glossaire) ** Unité de consommation (voir Glossaire)

Source : Enquête Budget de famille, INSEE, 2006

Page 18: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

17

2.2 Analyse qualitative

L’enquête qualitative a eu pour objectif de mettre en évidence les raisons et les conditions des

choix effectués en matière de consommation, mais également les priorités qui sont mises en

avant pour hiérarchiser ces choix. Ces arbitrages chez les seniors de 60 ans et plus offrent des

singularités évidentes car les habitudes qui ont été acquises tout au long de la vie restent encore

fortement ancrées. D’une façon générale, cette période est plus ressentie comme celle des bilans

que celle des projets, parce que la plupart des choix déterminants du mode de vie ont déjà été

effectués. Si pour ces seniors l’avenir semble moins éloigné et plus prédictif, celui des enfants et

des petits enfants devient une préoccupation majeure, parfois conjuguée à celui de parents très

âgés dont on a encore la charge.

Le choix a été fait de cibler les « seniors » à partir de 60 ans, âge qui correspond à une charnière

sociale nette. Pour certains, il s’agit de la fin de la vie professionnelle mais pour tous, c’est aussi un

âge qui, dans l’espace public, permet de bénéficier de réduction de tarifs (ex : cinéma et

transport), petits signes extérieurs d’un changement de statut social et générationnel.

Au total, 22 personnes (7 hommes et 15 femmes), ont été interviewées (entretiens semi-directifs

d’une durée de deux heures en moyenne). Âgés de 61 à 90 ans, (10 âgés de 61 à 69 ans et 12

âgés de 70 à 90 ans), tous sont retraités, sauf un. Les plus jeunes de ces seniors, nés au

lendemain de la seconde guerre mondiale, font partie de cette génération dite « pivot » celle du

baby boom, la première qui doit à la fois s’occuper de ses enfants et petits enfants et de ses

propres parents. 15 sur 22 sont grands parents et 4 sont arrières grands-parents. La dimension

socio-économique a été choisie en fonction de la variété des ressources et s’étend de la catégorie

la plus favorisée (ISF, un cas) à la catégorie très modeste (non-imposable, un cas). La majorité

des personnes rencontrées se situent cependant dans ce qui compose le revenu de la classe

moyenne (entre 1220 et 2 620 €). Concernant les personnes vivant seules, 5 au total, (4 femmes,

un homme) le sont après un divorce, 2 femmes après un veuvage, 1 femme par célibat.

La situation géographique de la résidence a été prise en compte car elle joue un rôle fondamental

dans l’accès aux réseaux de distribution commerciale.

Page 19: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

18

Tableau 2 : Répartition géographique des lieux de résidence

Nb de personnes

Milieu urbain

Paris (2 234 105 hab.) 9

Pézenas (74640 hab., Hérault) 2

Banlieue parisienne

Chelles, (Seine et Marne) (52 637 hab.) 1

Le Plessis Robinson, (Haut de Seine) (26 581hab) 2

Milieu rural

Village de la Nièvre (moins de 200 hab.) 4

Village de l’Allier (169 hab.) 1

Village du Cotentin (268 hab.) 2

Village de l’Hérault, (périphérie de Pézenas, 1462 hab.) 1

Total 22

Source : Enquête qualitative auprès de 22 seniors, CREDOC

Page 20: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

19

3 LA PLACE DES SENIORS DANS LA SOCIETE

Dans un premier temps nous abordons la notion de vieillissement en y intégrant ses deux

composantes, biologiques et psychosociologiques. Il s’agit alors de dresser un état des lieux des

transformations physiques et psychiques auxquelles font face les individus en avançant en âge. La

deuxième partie fait état de la représentation que se fait la société de la vieillesse. La pyramide des

âges rectangulaire en France contribue à ce que la proportion de seniors reste encore minoritaire

en France. La troisième partie de ce chapitre fait une présentation du poids démographique des

plus de 50 ans en France en 2012 et de son évolution jusqu’en 2020. La dernière partie analyse les

poids dans l’économie et plus particulièrement dans la consommation des plus de 50 ans.

3.1 Le processus de vieillissement

Les seniors d’aujourd’hui bénéficient d’un état de santé général bien meilleur que celui des

générations passées. Le vieillissement apparaît comme un processus biologique évolutif, complexe

et multifactoriel, en interaction avec l’environnement physique, social et culturel dans lequel vivent

les populations. Le vieillissement individuel doit donc être étudié à travers sa double dimension

biologique et psychosociologique. La première renvoie à la définition que l’Organisation Mondiale de

la Santé (OMS) donne du vieillissement comme « un processus graduel et irréversible de

modifications des structures et des fonctions de l’organisme résultant du passage du temps ». La

seconde renvoie à la perception que chaque individu a de son propre vieillissement et aux étapes

sociales de celui-ci.

3.1.1 Le vieillissement biologique et fonctionnel

Le vieillissement touche l’ensemble des capacités fonctionnelles et physiologiques, lesquelles

diminuent progressivement. Les changements commencent à se faire sentir à partir de 35-40 ans

et restent généralement minimes jusqu’à 60 ans. Ils s’accentuent par la suite. Le processus de

vieillissement biologique représente ainsi l’ensemble des mécanismes qui diminuent

progressivement la capacité de l’organisme à faire face aux exigences variables de l’environnement

et finissent par modifier la structure et les fonctions des organes assurant les fonctions vitales

essentielles. Le vieillissement fonctionnel a trait à la relation à l’environnement (ouïe, vue), à

l’autonomie (articulation) et au plaisir (goût, odorat). Les déficiences visuelles concernent la

diminution de l’acuité ou le rétrécissement du champ visuel, l’opacité du cristallin, l’atropie de la

conjonctivite, la baisse de la sensibilité de la cornée, l’affinement de la rétine. L’iris devient plus

rigide (presbytie). Ces modifications entraînent une perte d’adaptation à la lumière et à

l’environnement et deviennent majoritaires parmi les populations âgées de plus de 80 ans. En

effet, 29% hommes et 38% des femmes âgés de 60-69 ans déclarent une déficience visuelle. Ces

proportions passent respectivement à 68% et 71% après 90 ans.

Les déficiences auditives renvoient à l’épaississement de la membrane du tympan, la diminution du

nombre de cellules ciliées dans l’organe de Corti, la perte de neurones cochléaires. Elles entrainent

une gêne causée par des bruits de fond, la perte d’audition des hautes et basses fréquences et la

Page 21: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

20

diminution de la perception et de la compréhension du langage. Entre 60 et 69 ans, les hommes

semblent plus concernés que les femmes (32%, contre 15%). Ce rapport s’inverse

progressivement avec l’avancée en âge. Après 90 ans, 52% des hommes et 64% des femmes sont

concernés par des déficiences auditives.

Tableau 3 : Taux de prévalence des déficiences visuelles et auditives selon le sexe

Hommes Femmes

60-69 ans 70-79 ans 80-89 ans 90 ans et

plus

60-69 ans 70-79 ans 80-89 ans 90 ans et

plus

Déficience

visuelle

29% 38% 54% 68% 38% 50% 62% 71%

Déficience

auditive

32% 44% 50% 52% 15% 26% 43% 64%

Source : Enquêtes Handicap-Incapacités-Dépendance 98-99

Pour les personnes âgées, les pertes des facultés auditives ou visuelles sont un facteur de solitude,

de repli sur soi. Elles rendent plus difficile les soins de santé alors même que l’avancée en âge

s’accompagne d’une croissance des pathologies générales chroniques fréquentes et plus ou moins

invalidantes. Elles contribuent à limiter la capacité d’autonomie des personnes qui s’en remettent

aux aidants.

La perte de l’autonomie s’illustre à travers des pertes d’équilibre, de mobilité et de souplesse. Elle

est liée à la diminution de la masse et de la force musculaire, de la masse osseuse, des capacités

perceptivo-motrices, au vieillissement vestibulaire et à la baisse de la sensibilité proprioceptive

(systèmes nerveux). Tous ces éléments entrainent une diminution des capacités d’équilibre tant

statiques (immobile) que dynamiques (en mouvement), un ralentissement des mouvements et une

baisse des réflexes. La démarche devient hésitante. La perception de la position et de l’état des

différentes parties du corps est moins bonne. La personne est moins alerte pour s’habiller. Ces

évolutions sont nettement plus fortes chez les femmes que chez les hommes. On estime que 30%

des personnes de plus de 65 ans et 40% des plus de 80 ans chutent au moins une fois par an.

Par ailleurs, les déformations osseuses et l’arthrose sont sources de douleurs et renforcent la

difficulté à la préhension des objets. Lever des poids lourds devient difficile, tout comme faire le

ménage, cuisiner ou même se vêtir. Ces évolutions touchent d’avantage les membres inférieurs.

Le temps de récupération après effort s’allonge de par la diminution de l’efficacité des muscles

respiratoires et des échanges gazeux de la barrière alvéolo-capillaire associée avec l’accélération

de la fréquence cardiaque suite à un effort. Cela entraine un essoufflement rapide pendant l’effort.

A terme, c’est la capacité à se déplacer dans les activités de la vie quotidienne qui est menacée.

Les déficiences cardiaques s’accroissent. L’augmentation de la pression artérielle systolique et la

baisse de la fréquence cardiaque maximale entrainent une croissance des risques d’artériosclérose,

d’hypertension artérielle, d’arythmie et d’insuffisance cardiaque. La fréquence de l’hypertension

Page 22: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

21

artérielle augmente ainsi rapidement après 50 ans pour atteindre 41% des hommes et environ

50% des femmes à 70 ans. Elles contribuent également à limiter l’adaptation à l’effort.

Les risques de déshydratation et d’incontinence s’accroissent de par la diminution de la masse

rénale (25 à 30%).

Les risques de dénutrition augmentent. En vieillissant, on enregistre une diminution de la capacité

et de la sensibilité olfactive. A 80 ans, les seuils de détection se sont accrus de 50% par rapport à

ceux connus à 20 ans. La reconnaissance des odeurs familières se réduit également. Trouvant la

nourriture plus fade, les personnes âgées risquent de perdre l’appétit. Le régime alimentaire peut

ainsi en souffrir avec l’apparition de carences en oligoéléments ou en vitamines. On peut même

voir apparaître un risque de dénutrition accentuant la diminution de la masse musculaire et les

risques de maladies cardio-vasculaires et de déficiences intellectuelles.

Les risques de déshydratation sont forts de par la perte d’efficacité des neurones de l’hypothalamus

(mauvaise appréhension de la sensation de soif) et la diminution de la masse rénale. Un

phénomène à ne pas négliger car avec le temps, les capacités respiratoires diminuent, la salive est

moins importante et la sécheresse cutanée s'accélère.

Ces effets du vieillissement ont un impact sur les critères d’évaluation des biens et des services qui

changent avec l’âge. Les dimensions de confort et de commodité d’usage sont valorisées. Les

individus se tournent également davantage vers des produits de prévention, combattant

globalement les effets du vieillissement sur l’appréhension de l’environnement ou offrant des

solutions curatives à des problèmes spécifiques. Par ailleurs, le maniement des produits peut

s’avérer trop compliqué pour que les personnes continuent à les utiliser. Il existe un risque réel et

important d’abandon des biens d’équipement notamment. Ce risque semble particulièrement fort

après 70 ans. A l’inverse, des produits adaptés aux capacités physiques des seniors pourraient

trouver un réel engouement de la part de ces consommateurs.

3.1.2 Le vieillissement cognitif

Le vieillissement cognitif conduit les seniors à adopter de nouveaux modes de fonctionnement

fondés davantage sur l’expérience et leur univers connu. Les troubles et les maladies associées à la

mémoire sont largement répandus parmi les seniors âgés. Près de 70% des plus de 70 ans se

plaignent ainsi de problèmes de mémoire. Ils peuvent être liés à la baisse des connexions entre

neurones (synapses) ou à une perte des performances cognitives (mémoire immédiate, rapidité

d’exécution), la mémoire émotionnelle demeurant, elle, intacte. La baisse des flux sanguins et la

dérégulation des rythmes circadiens se traduisent par une augmentation du temps de réaction chez

les personnes âgées, une plus grande difficulté à apprendre, retenir, ou assimiler de nouvelles

informations (trouble de la mémoire), ainsi que par une déstructuration du sommeil.

Les cas de démence se développent également avec l’avancée en âge. On estime ainsi que 5% des

sujets de plus de 65 ans sont déments, proportion passant à 20% chez les plus de 80 ans et 50%

chez les plus de 95 ans. La maladie d’Alzheimer correspond à la moitié des cas de démence chez

les sujets âgés. Elle touche 10% des plus de 85 ans et 3% des 65 ans et plus. On estime que seule

la moitié des cas sont diagnostiqués. Environ 600 à 700 000 cas sont en effet connus et on estime

à 100 000 le nombre de nouveaux cas par an. Les personnes développant la maladie d’Alzheimer

Page 23: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

22

nécessitent un maintien à domicile lourd eu égard à des comportements dérangeants et à la

nécessité d’une surveillance élevée qui rend la situation difficile pour les aidants naturels. Comme il

existe peu de places en institutions, les solutions sont limitées.

Le pouvoir d’imagination diminue. Les réactions se ralentissent. L’approche de la nouveauté

devient plus difficile.

Le vieillissement cognitif incite les seniors à montrer une aversion pour la nouveauté, à privilégier

les dimensions de confort et de commodité. Il favorise également le développement de services à

la personne.

3.1.3 Recul de l’âge d’entrée dans la vieillesse biologique

Le vieillissement biologique est donc un processus. Celui-ci ne touche pas tous les individus de la

même façon. D’abord, à travers le temps, l’âge d’entrée dans la vieillesse a fortement reculé. Par

ailleurs, les individus fragilisés économiquement ou socialement vieillissent plus vite que les autres.

Bourdelais (1993) montre que l’âge d’entrée dans la vieillesse, en France, a fortement reculé au

cours du temps. Il s’appuie pour cela sur un indicateur synthétique constitué à partir d’une

moyenne entre l’âge auquel il reste 10 ans à vivre et l’âge pour lequel la probabilité de survie est

identique à celle d’un homme de 65 ans en 1985. Il obtient ainsi, pour chaque période étudiée, un

âge d’entrée dans la vieillesse (qu’il estime correspondre à des personnes dont l’état de santé est

proche). Cet indicateur lui permet d’établir un « seuil évolutif » d’entrée dans la vieillesse au cours

du temps. Selon ses calculs, en 1995, les femmes entraient dans la vieillesse à 76,2 ans, contre 61

ans en 1850. De même, l’âge d’entrée dans la vieillesse a fortement reculé pour les hommes,

passant de 60,2 ans en 1850 à 70 ans en 1995. Selon cet indice, le nombre de personnes âgées a

diminué en France au cours du temps. Elles ne représentaient que 14% de la population en 1993,

contre 20,7% en 1860, et ce malgré la forte croissance des personnes âgées de 60 ans et plus

dans la population sur la période.

Graphique 3 : Avancée de l’âge évolutif d’entrée dans la vieillesse selon le sexe

60,6

70,0

76,2

67,4

65,164,063,563,7

60,660,259,2 59,3

73,9

71,9

70,4

68,268,0

65,564,4

62,662,461,0

50 ans

55 ans

60 ans

65 ans

70 ans

75 ans

80 ans

1 850 1900 1 910 1 927 1 937 1 947 1 957 1 966 1 975 1 985 1 995

Hommes

Femmes

Source : Bourdelais P., « un seuil évolutif d’âge de la vieillesse : approches comparées France-Suède », Annales de démographie historique, 1996

Page 24: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

23

Les travaux du CREDES, menés à partir des données des enquêtes annuelles sur la santé et la

protection sociale de 1988-1991 et de 1994-1995 ont montré que « le chômage et l’absence de

qualification apparaissent comme les risques sociaux de vieillissement prématurés les plus

importants » : Les chômeurs accusent ainsi un vieillissement prématuré de près de 3 ans par

rapport aux actifs. Entre les ouvriers non-qualifiés et les cadres supérieurs, l’écart de vieillissement

est de 3 ans et demi par exemple. Mizrahi et Mizrahi (1997) montrent même que les effets de ces

deux facteurs se cumulent entrainant une différence de vieillissement relatif de plus de 5 ans entre

un ouvrier non qualifié au chômage et un cadre supérieur actif. Les autres facteurs de fragilité

sociale ou familiale (disposer de revenus bas, avoir un faible niveau d’instruction, être divorcé ou

veuf, appartenir à un ménage dont le chef est non qualifié ou au chômage, ne pas bénéficier d’une

protection complémentaire pour les soins médicaux…) sont également associés à un vieillissement

prématuré. L’étude montre enfin que les différences sont plus marquées pour les hommes que pour

les femmes.

3.2 Les représentations de la vieillesse

La notion de senior découle d’abord du sens donné par les seniors à la vieillesse, tributaire du sens

de la vieillesse dans la société. La vieillesse désigne à la fois un groupe d’âge très hétérogène et

une construction sociale (Caradec, 2008). Parallèlement, le vieillissement est à la fois un processus

(versant négatif) présentant un processus normal en termes pathologiques, et une expérience

(versant positif), reconnue comme partie intégrante du développement de la personnalité jusqu’au

terme de toute existence.

En français, le mot « vieillir » peut être une qualité, lorsqu’il s’agit de vin ou de fromage. En pays

Douala, au Cameroun, vieillir est déjà une victoire sur la mort. La vieillesse est interprétée comme

un passage, un retour à l’enfance, un changement d’état, une mue dans l’existence dont la vie ne

constitue que l’une des dimensions (Bekombo, 2004). Cependant, valoriser la vieillesse peut être

aussi artificiel que la nier, c’est-à-dire nier son côté tragique (« la vieillesse est un naufrage », écrit

Charles de Gaulle dans ses Mémoires de guerre). Ce sont deux manières de se débarrasser des

vieux en les sanctuarisant dans un périmètre.

Dans nos sociétés, la vieillesse est, tout comme la mort qu’elle représente, soumise à une volonté

de dissimulation sociale. Elle n’est plus envisagée comme une source de sagesse et d’expérience

utiles au présent. L’expérience n’est plus perçue, notamment en France, comme quelque chose qui

soit porteur de valeurs positives : « Le prestige de la vieillesse a beaucoup diminué du fait que la

notion d’expérience est discréditée. La société technocratique d’aujourd’hui n’estime pas qu’avec

les années le savoir s’accumule, mais qu’il se périme. L’âge entraîne une disqualification. Ce sont

les valeurs liées à la jeunesse qui sont appréciées » (Beauvoir, 1970).

Dans les représentations des Grecs, le respect dû aux anciens est conjugué avec une « sorte

d’horreur spontanée envers la décrépitude qu’implique le grand âge » (Létoublon, 2004). Une

distinction est faite entre la vieillesse morale et spirituelle, signe de sagesse, d’expérience et

d’autorité, et la vieillesse physique qui est signe de déclin. L'ancien est celui qui jouit d'une

expérience et d'une autorité incontestées. Il n’est d’ailleurs pas forcément très âgé. A l'inverse, le

Page 25: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

24

vieil homme est souvent, dans la comédie surtout, un sujet de dérision, particulièrement s'il se

mêle d'être amoureux, c'est-à-dire s'il refuse sa condition de personne âgée (Bakhouche, 2003).

Vieillir est ressenti comme honteux, comme un processus qu’il faut cacher, minimiser, conjurer en

n’en parlant pas. La vieillesse, préfiguration de la mort, fait si peur que l’on regarde davantage le

vieillard comme un autre plutôt que comme son semblable, c’est-à-dire son « moi » anticipé. Pour

l’homme de 50 ans d’aujourd’hui, un « vieux » est un homme de 80 ans (Enquête Sofres/Notre

Temps, 2009).

Les sociétés européennes ont toujours entretenu des rapports difficiles avec la vieillesse. Au Moyen

âge, elle est vue comme une décrépitude physique et sociale : qui perd sa force perd aussi son

pouvoir. L'Occident a conservé cet héritage grec de la vie perçue comme une montée suivie d'un

plateau puis d'un déclin (Puijalon, Trincaz, 2009). C’est aussi le spectre du déclin démographique

et du vieillissement, à la mode dans les années 30, qui perdure aujourd’hui (Bourdelais, 1993).

Cependant, le tabou entourant la vieillesse en Occident semble « surtout vrai dans les pays latins,

l’Espagne et l’Italie (…) Mais nettement moins dans les pays scandinaves et au Canada, où le sujet

est pris à bras-le-corps »1.

D’un point de vue collectif, le culte du corps, l’éthique de l’action et la médicalisation de la société

contribuent également à une représentation déficitaire de la vieillesse. Elle est vue comme la perte

de diverses fonctions, et dont les conséquences en terme de place des « personnes âgées » dans la

société sont présentées comme globalement négatives : coût des retraites, inflation des dépenses

de santé, risques de maladies non maîtrisées (Alzheimer), dépendance, solitude (Clément, 2005).

D’un point de vue individuel, la vieillesse, préfiguration de la mort, fait si peur que l’on regarde

davantage le vieillard comme un autre plutôt que comme son « moi » anticipé. Dans une société où

la valeur de l'autonomie individuelle tient une place importante, la « perte d'autonomie » revêt un

aspect particulièrement dramatique. La crainte de la dépendance illustre aussi la crainte de

« déranger », alors que les valeurs individualistes dominent et que la notion de lien collectif s’est

délitée. Elle va de pair avec le sentiment d’inutilité au monde et aux autres, accentué par la

montée de l’incroyance religieuse.

L’image que les vieux se font d’eux-mêmes se trouve ainsi fortement tributaire du regard des

autres et de la société, d’une société qui valorise la jeunesse. L’image de soi renvoyée par autrui,

qu’elle se traduise par un mouvement d’hostilité ou de sollicitude, peut être ressentie comme un

« stigmate » (Goffman, 1963). C’est le signe que l’on est classé dans la catégorie des personnes

âgées, équivalant à une assignation d’identité plus ou moins assumée. Le vieillissement apparaît

comme une « progression très graduelle dont on ne prend conscience que par intermittence », à

l’intérieur d’un sentiment de permanence (Puijalon, Trincaz, 2009). C’est toute la difficulté d'avoir à

conjuguer ce sentiment de permanence avec ce que renvoient le miroir et le regard des autres.

1 M. Large (cabinet Dezineo, spécialisé dans le conseil en innovation design et marketing), in « Seniors : les

oubliés de la consommation », Les Echos, 31 octobre 2008.

Page 26: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

25

Le processus de vieillissement ne renvoie donc pas uniquement à des questions d’ordre biologique,

il comporte également une dimension psychosociologique forte. Chaque société définit un parcours

des âges de la vie caractérisé par des étapes spécifiques et fixe des conditions d’accès d’une étape

à une autre. Ce code spécifique dit quels sont les événements particulièrement significatifs

socialement de l’avance en âge. Dans le même temps, chaque société accorde une valeur plus ou

moins positive à la vieillesse. Le sens de la vieillesse est une construction sociale.

La question de l’âge se manifeste également en termes de ressenti, comme facteur déterminant

de la perception de soi. Ce processus de construction identitaire est marqué par des événements,

des moments de rupture, des transitions biographiques qui sont autant d’étapes dans le

vieillissement (Caradec, 1998).

Une étude a montré qu’à partir de 35 ans, les individus se sentent plus jeunes qu’ils ne le sont.

L’écart entre l’âge réel et l’âge perçu ne cesse de s’accroître : « À 65 ans, il existe un écart de près

de 20 ans entre l’âge réel et l’âge ressenti », explique Sauzay (Notre Temps)2.

L’étude menée par Guiot et al (2006) évalue l’âge idéal des personnes âgées de 50-59 ans en

France à 35 ans. D’une manière générale, les seniors se sentent plus jeune que leur âge. Ce n’est

qu’entre 20 et 34 ans et après 80 ans que l’on se sent à peu près en accord avec son âge réel.

A l’inverse, les adolescents ont plutôt tendance à se vieillir, pour avoir plus d’autonomie. C’est ce

qui amène à aborder la question de l’âge moins en termes de réalité biologique que de ressenti,

comme facteur déterminant de la perception de soi. D’une manière générale, les seniors se sentent

(âge cognitif) plus jeunes que leur âge réel et désirent (âge désiré) être perçus comme encore plus

jeunes que leur âge cognitif. C’est la conséquence directe de ces représentations globalement

négatives de la vieillesse. Cette affirmation est vraie en France, comme en Asie (Corée, Chine) ou

en Amérique (Etats-Unis). Toutefois, l’écart entre âge réel et âge idéal est plus faible en Asie qu’en

Occident.

Chez les seniors, le décalage entre l’âge idéal et l’âge réel est très lié au refus d’une assimilation

entre retraite et sentiment d’inutilité. Le modèle de référence des retraités se rapproche donc de

celui des actifs. En restant le plus actif possible, les « seniors » entendent ainsi se distinguer des «

vieux ». Dans les années 70, une échelle d’évaluation de « l’âge subjectif » a été élaborée, prenant

en compte quatre dimensions : le ressenti, l’apparence physique, les centres d’intérêt et l’activité

(Kastenbaum, 1972). Ce processus de construction identitaire est marqué par des moments de

rupture, des transitions biographiques qui sont autant d’étapes dans le vieillissement.

En général, le vieillissement subjectif a lieu par saccades : le départ des enfants, la retraite, le

veuvage, la survenue d’une maladie, le relogement, sont autant d’étapes susceptibles d’être

vécues comme brisant un sentiment de continuité. Parmi les ruptures les plus signifiantes, on

trouve :

2 SAUZAY H., « Les plus de 50 ans : perceptions, représentations et sémantique », Notre Temps, 21 sept.

2009. Enquête réalisée par TNS Sofres / Logica, pour Notre Temps.

Page 27: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

26

• La retraite, qui est, généralement, aujourd’hui un événement majoritairement perçu de

manière positive, particulièrement parmi les classes moyennes et supérieures. Elle apparaît comme

une nouvelle phase de l’existence, dont il faut profiter : « à la morale du travail et du devoir

accompli a succédé la valorisation de l'épanouissement personnel ». La retraite apparaît alors

comme « un âge vécu non plus tant en termes de perte de rôle et d'exclusion sociale qu'en termes

de possibilités d'une vie nouvelle, centrée sur la réalisation de désirs propres ».

• L'arrêt de la conduite automobile, qui apparaît comme un signe important d’entrée dans le

grand âge. Mais les individus qui continuent à se projeter dans l’avenir, ceux qui se sentent

entourés par leur famille, ceux qui poursuivent des activités sociales, sont plus aptes à se sentir

encore jeunes après une épreuve.

Concrètement, cette vision assigne au vieillissement social une succession de changements

habituellement cumulatifs, irréversibles et souvent brutaux. Ils concernent le rôle familial

(indépendance des enfants, vie de couple, divorce, veuvage), la situation vis-à-vis de l’emploi

(activité – inactivité), les ressources, les relations sociales, la santé.

Cependant, la retraite est un événement majoritairement perçu positivement, particulièrement

parmi les classes moyennes et supérieures. Elle apparaît comme une nouvelle phase de l’existence,

dont il faut profiter : « à la morale du travail et du devoir accompli a succédé la valorisation de

l'épanouissement personnel ». La retraite apparaît comme « un âge vécu non plus tant en termes

de perte de rôle et d'exclusion sociale qu'en termes de possibilités d'une vie nouvelle, centrée sur

la réalisation de désirs propres » (Lalive d’Epinay, 2008). Cet aspect caractéristique des nouvelles

générations de seniors résulte des conditions économiques et sociales favorables et des options

politiques volontaristes déployées après la Libération en faveur de la protection des travailleurs et

des retraités, parallèlement au développement du marché de la consommation.

3.3 Un poids démographique de plus en plus important

En raison de l’arrivée des générations du « babyboum » (nées entre 1946 et 1965, avec plus de

800 000 naissances par cohorte) à l’âge de 60 ans et plus, et de l’allongement de l’espérance de

vie, le vieillissement de la population française s’accélère. Selon les dernières données de l’INSEE

de 2012, l’espérance de vie continue de croître. En un quart de siècle, les hommes de 35 ans ont

gagné cinq années d’espérance de vie et les femmes quatre années et demie. Toutes les catégories

sociales ont profité de ce progrès, même si les écarts entre les cadres et les ouvriers se sont

maintenus. Les hommes cadres vivent en moyenne 6,3 ans de plus que les hommes ouvriers, dans

les conditions de mortalité de 2000-2008. Chez les femmes, les inégalités sociales sont moins

marquées, seuls 3,0 ans séparent les cadres et les ouvrières.

Sur les 10 dernières années, la croissance de la part de seniors dans la population s’est fortement

accélérée, augmentant à un rythme annuel de 1,8%, contre 0,3% par an si l’on s’intéresse aux

vingt dernières années, où les plus de 50 ans avaient progressé de 2,4 millions. Entre 1999 et

2009, le nombre de seniors a ainsi crû de 4,1 millions d’individus. Le rythme de croissance annuel

des plus de 50 ans devrait rester soutenu au cours des 10 prochaines années (1,1% par an) pour

atteindre 25,4 millions d’individus en 2020 (+3,7 millions de personnes en 10 ans).

Page 28: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

27

Graphique 4 : Nombre de personnes âgées de plus de 50 ans résidant en France

métropolitaine en 2012

4 343 989

4 179 743

4 134 667

2 971 627

2 368 055

2 255 323

1 845 510

1 194 888

453 197

100 191

17 564

0 500000 1000000 1500000 2000000 2500000 3000000 3500000 4000000 4500000 5000000

50-54 ans

55-59 ans

60-64 ans

65-69 ans

70-74 ans

75-79 ans

80-84 ans

85-89 ans

90-94 ans

95-99 ans

100 ans et plus

Source : INSEE, Etat civil

Graphique 5 : Evolution de la répartition de la population âgée de 50 ans et plus dans

l’ensemble de la population résidant en France entre 1979 et 2020

5,9% 5,8% 5,3% 4,8% 5,4% 6,8% 6,8% 6,7% 6,6%

5,4% 5,5% 5,5%5,0% 4,6%

6,4% 6,7% 6,4% 6,6%

3,3%5,0% 5,2%

5,1% 4,8%

4,3%5,8% 6,2% 6,3%4,5%

2,9% 4,5%4,7% 4,7%

4,2%4,1%

5,7% 6,0%3,8% 3,8% 2,6% 3,6% 4,2%

4,2%3,9%

3,7%5,4%

2,9% 3,0% 3,1% 2,3%2,7%

3,6%3,6%

3,4%

3,4%

1,7% 2,0% 2,1% 2,2% 1,9%

2,7%2,8%

2,9%

2,8%

1,0% 1,2% 1,5% 1,7% 1,9%

1,7%

2,4%

3,0%

3,4%

1979 1984 1989 1993 1999 2005 2009 2015 2020

85 + ans

80-84 ans

75-79 ans

70-74 ans

65-69 ans

60-64 ans

55-59 ans

50-54 ans

28,6% 29,2% 29,7% 29,5% 30,2%

34,0%36,0%

38,0%

40,5%

Source : INSEE

Page 29: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

28

La population des plus de 50 ans pèse actuellement 36,5 %, soit 23,8 millions de Français. Ce sera

41 %en 2020. En 2020, 19,5% de la population résidant en France métropolitaine aura entre 50 et

64 ans (identique à 2009), 16,8% entre 65 et 79 ans à (+5,2 points) et 6,2% 80 ans et plus (+1

point). La croissance des seniors dans la population jusqu’en 2020 s’accompagnera d’une légère

féminisation de la population. En effet, en 2009, si parmi les 50-60 ans, la part des femmes est

quasiment identique à celle des hommes (respectivement 51%, contre 49%), celle-ci s’accroît avec

l’avancée en âge. Les femmes représentent ainsi 57% des 70-80 ans et 66% des 80 ans et plus.

Le poids important des 50-64 ans parmi les seniors provient du fait qu’il s’agit des premières

classes d’âge nombreuses nées après-guerre au moment du baby-boom.

3.4 Poids économique des seniors : un avantage

générationnel

Comme le montre le Graphique 6, le niveau de vie3 des ménages dont le chef de ménage a 50 ans

ou plus est supérieur à ce qu'il était en 1984 et reste plus élevé que celui des moins de 50 ans.

Alors qu’en 1984, les seniors étaient ceux qui avaient le plus faible pouvoir d’achat, en 2006 les

plus de 50 ans ont un niveau de vie supérieur à celui des plus jeunes. En 1984, le niveau de

revenu des ménages de 75 ans et plus était de 20% inférieur à la moyenne générale. A cette

époque les générations les plus âgées ne bénéficiaient pas toutes d’un système de retraite. En

2006, selon les derniers chiffres de l’Insee (cf. Graphique 6), le niveau de vie des plus de 50 ans

représente 56% du niveau de vie global.

Cette situation cache des disparités fortes. En effet, la situation des 50-59 ans est

particulièrement favorable. Les personnes âgées de 55 à 59 ans disposent ainsi du

niveau de vie le plus élevé de la population (22 576 € annuels). Par la suite, les niveaux

de vie baissent lentement. Cette situation particulièrement favorable s’explique par le fait

qu’entre les deux périodes représentées sur le graphique 6, les nouvelles générations de

seniors ont connu une amélioration :

• De leurs revenus de transferts, grâce à la revalorisation des pensions et retraites,

l’arrivée à l ’âge de la retraite de générations ayant des droits à la retraite plus importants,

le remplacement de générations constituées de ménages ne disposant que d’une retraite

par des générations de ménages disposant de plus en plus de deux retraites grâce au

développement de l’activité féminine ;

3 Le niveau de vie est le revenu disponible brut exprimé en euros constants et par Unité de Consommation.

Page 30: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

29

• De leurs revenus du patrimoine. En 2008, selon les données de l’enquête Patrimoine de

l’INSEE (cf. Graphique 7), les 50-70 ans disposaient d’un montant de patrimoine largement

supérieur à celui de toutes les classes d’âge plus jeunes. La contribution des revenus du

patrimoine dans les revenus des ménages seniors est, en effet, nettement plus forte que

parmi les ménages de moins de 50 ans. Les générations nées entre 1936 et 1955 ont

connu des périodes d’inflations élevées (au milieu des années 80) qui leur ont permis

d’acquérir des biens immobiliers avec des taux d’intérêts réels négatifs.

Graphique 6 : Indice de niveau de vie (revenus par UC) en base 100 pour l’ensemble de

la population : années 1984 et 2006.

0,45

20,45

40,45

60,45

80,45

100,45

120,45

140,45

15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64 65-69 70-74 75-79 80 et plus

20061984

Source : INSEE, Enquêtes Budget de famille 1984 et 2006

Les derniers travaux de l’INSEE (Lelièvre et al, 2010) confirment que les jeunes générations

continuent d’avoir au même âge des revenus plus faibles que les générations plus âgées. Les

générations Hypermarchés (Née entre 1947 et 1956) et Robot Electriques (Née entre 1937 et

1946) sont celles qui ont toute leur vie eu les niveaux de revenu les plus élevés.

Page 31: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

30

Graphique 7 : Répartition des types de revenus selon l’âge en 2008

Source : INSEE, Enquête Patrimoine de 2008

Graphique 8 : Revenu disponible brut et dépenses de consommation (en euros) par

ménage en fonction de l’âge du chef de ménage4

21 029

31 772

35 505 35 732

28 349

25 683

22 675

25 033

31 262

33 255

31 231

24 865

19 500

15 252

0

5000

10000

15000

20000

25000

30000

35000

40000

<29ans 30-39ans 40-49ans 50-59ans 60-69ans 70-79ans >80ans

Montant total des revenus hors ressources exceptionnelles en euros Consommation totale

Source : INSEE, Enquêtes Budget de famille, 2006

Comme le montre le Graphique 8, les dépenses de consommation diminuent au fur et à mesure de

l’avancée en âge pour atteindre seulement 13 800 € par ménage et par an chez les plus de 85 ans

4 Le chef de ménage se définit selon l’INSEE comme l’adulte dans les ménages composé d’un seul adulte et comme l’homme dans les couples.

Page 32: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

31

vivant à domicile. La perte d’autonomie se traduit par des mobilités très réduites et bien que les

dépenses en aide et soins à domicile augmentent, les dépenses de consommation restent très

faibles. Si bien que le taux d’épargne (l’épargne est la différence entre le revenu disponible brut et

l’épargne) des seniors s'accroît avec l'âge ; il est en moyenne de 17% contre seulement 1% chez

les moins de 50 ans. L’accroissement de l’épargne à cette période de la vie peut s’expliquer par

une volonté de préparer l’avenir et l’éventualité de la nécessité d’aller en maison de retraite. Cette

forte épargne peut aussi s’expliquer par une baisse des besoins de consommation qui pourraient

être enrayée par une amélioration de l’offre proposée. Une partie non négligeable de cette épargne

pourrait ainsi être consacrée à la consommation de produits et services adaptés à leur mode de

vie.

Nos travaux réalisés sur les effets de générations (Recours et al, 2009) mettent en évidence que

les dépenses de consommation par UC5 dépendent avant tout du revenu, puis de la taille du

ménage, de la taille d’unité urbaine, de l’âge et enfin des effets de générations. Les travaux de

Bodier et d’Herpin et Michel (2012) vont dans le même sens et indiquent que l’effet de baisse

constaté est le cumul d’un effet d’âge (baisse de la consommation avec l’âge) et de génération (les

générations les plus anciennes consomment moins que les nouvelles générations.

Graphique 9 : Part de chaque fonction de consommation dans la consommation selon le

fait d’avoir plus ou moins de 50 ans

25%

12%

16%

10%

6%

7%

3%

5%

3%

3%

1%

24%

15%

14%

12%

10%

6%

5%

4%

4%

3%

3%

0%

9%

Charges de logement

Alimentation

Transports

Autres servives

Loisirs

Equipement du foyer

Restauration et servicesd'hébergement

Santé

Habillement

Alcools et tabacs

Communication

Education

Moins de 50 ans

Plus de 50 ans

5 Nous proposons d’utiliser les Unités de Consommation (UC) qui permettent de tenir compte des effets de tailles de ménage tout en prenant en compte les réductions d’échelle relatives à la vie à plusieurs. Cette échelle affecte 1 au premier adulte, 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans.

Page 33: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

32

Source : Enquête Budget de famille, Insee, 2006

Les dépenses de consommation des personnes âgées de plus de 50 ans atteignent en 2006, 442,8

Mds €. Comme pour l’ensemble de la population, le premier poste de dépenses de consommation

des seniors est constitué par le logement. Ils y consacrent 108,7Mds €. Viennent ensuite

l’alimentation (70,5Mds €), les transports (53,9Mds €), les autres biens et services, parmi lesquels

on trouve principalement les assurances (53,9Mds €), les loisirs (44,1Mds €), l’équipement du foyer

(29,1Mds €), l’hôtellerie-restauration (22,8Mds €), l’habillement (18,6Mds €), la communication

(15,3Mds €), les alcools et tabacs (14Mds €), la santé (8,6Mds €), et l’éducation (2,9Mds €). Les

plus de 50 ans consacrent une part plus importante de leurs revenus à l’alimentation (15%, contre

12% pour les moins de 50 ans), aux autres biens et services (12%, contre 10%), aux loisirs (10%,

contre 9%) et à la santé (4%, contre 3%). A l’inverse, les seniors consacrent une part relativement

plus faible de leurs dépenses de consommation au logement (24%, contre 25% chez les moins de

50 ans), aux transports (14%, contre 16%), à l’hôtellerie-restauration (5%, contre 7%) et à

l’habillement (4%, contre 5%).

Les dépenses de consommation de seniors constituent une proportion particulièrement importante

des dépenses de consommation sur 5 postes : la santé (57% des dépenses de santé sont le fait

des seniors), l’alimentation (53%), les autres biens et services (51%), l’équipement du foyer

(50%) et les loisirs (49%).

• Dans le domaine alimentaire, plus de la moitié des dépenses des seniors sont le fait de

trois postes (viandes-26%, produits céréaliers-18%, Laits-fromages-œufs-13%). Les

dépenses des seniors s’orientent plus vers les produits non transformés comme les fruits

(63% des dépenses totales de fruits), le poisson (62%), les huiles et les graisses (60%),

les viandes (57%) ou les légumes (56%).

• Dans le domaine des autres biens et services, les dépenses des seniors sont

principalement consacrées aux assurances (64%) puis aux services et soins personnels

(11%). C’est dans le domaine des assurances que leurs dépenses sont les plus

surreprésentées (56% des dépenses totales d’assurance sont le fait des seniors).

• Dans le domaine des loisirs, les principaux postes de dépenses sont les voyages tout

compris (34%), les services sportifs (22%), les équipements de loisirs (16%) et la presse-

papeterie (13%). Les plus de 50 ans dépensent plus que la moyenne de leurs dépenses de

loisirs vers la presse-papeterie (56% dépenses totales de presse-papèterie), les

équipements de loisirs (52%) et les voyages tout compris (51%).

• Appartenir à une génération conditionne grandement les attitudes et les comportements

de consommation. Ainsi, les personnes appartenant aux générations nées avant la

seconde guerre mondiale privilégient nettement plus les dépenses alimentaires au même

âge que les générations précédentes. C’est également le cas des dépenses de vêtements

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Comment consomment les seniors ?

33

et de meubles. Elles consacrent par contre moins d’argent aux loisirs et à la

communication, les considérant plus comme des dépenses superflues tant que celles de

subsistance ne sont pas assurées. A un âge donné, les dépenses de logement sont

également moins importantes parmi les générations les plus âgées.

• A la différence des générations aînées, les nouvelles générations de seniors dépensent

plus en vacances, dans les secteurs culturels (lecture, musées…), habillement,

cosmétique, mais moins en alimentation.

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Comment consomment les seniors ?

34

4 Comment consomment les seniors ?

4.1 Attachement à l’alimentation pour les seniors actuels

Les dépenses diminuent après 70 ans

Dans le modèle Age-Période-Cohorte (voir partie méthodologique), l’effet le plus discriminant sur

les dépenses alimentaire par UC, est la taille du ménage (c’est dans ménages avec deux personnes

que la dépense alimentaire par UC est la plus élevée, puis vient le ménage solo), l’effet revenu est

ensuite celui qui est le plus significatif. L’effet de génération arrive en troisième position : plus les

générations sont récentes, moins elles dépensent en alimentation. Ainsi, nos générations de

seniors actuelles ont un niveau de dépenses alimentaires plus élevé que celui prévu pour les

générations futures de seniors. L’effet d’âge n’est pas le plus significatif, il arrive en quatrième

position : toutes choses égales par ailleurs, les dépenses alimentaires par UC progresse jusqu’à 70

ans pour diminuer ensuite. Herpin et Michel (2012), expliquent ce phénomène par la solitude qui

en s’accentuant détériore les conditions dans lesquels sont pris les repas. Nous avons montré, en

effet, qu’après 50 ans, dans les ménages d’une seule personne, les durées de préparation et de

prises repas durent nettement moins longtemps que quand on vit à plusieurs. Les repas sont aussi

beaucoup plus simplifiés (Hébel, 2009). Le fait que les couples sans enfant aient de plus fortes

dépenses par UC que les ménages solos s’explique de la même façon. En France, le modèle

alimentaire de partage et de convivialité est tellement implanté que lorsqu’on est seul on mange de

façon plus simplifié et on dépense moins.

Graphique 1 : Effets d’âge toutes choses égales par ailleurs pour les dépenses

d’alimentation à domicile (hors boissons alcoolisées) par UC

Source : Estimation des effets d’âge en tenant compte des effets de revenus et de génération CREDOC à partir des Enquêtes Budget de famille, Insee, 1979 à 2006.

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Comment consomment les seniors ?

35

Si se nourrir est une activité vitale, les seniors en ont de fait une plus longue expérience que le

reste de la population. La trivialité de ce constat n’en limite pas la portée car les seniors ont des

habitudes acquises de longue date, qui sont bien ancrées mais que viennent modifier

progressivement, ou plus brutalement plusieurs catégories d’événements : les problèmes de santé

qui augmentent avec l’âge, les changements de mode de vie (divorce et départ des enfants),

l’évolution et l’augmentation des informations en matière de diététique, l’apparition de nouveaux

critères de qualité6. A cette liste, il faut ajouter la perte de pouvoir d’achat fréquente au moment

de la retraite et plus récemment provoquée par la crise et ses conséquences (Hébel et al, 2009).

Si «le plaisir de manger » est une revendication constante, se traduisant notamment par une

dépense croissante7, elle prend une connotation nouvelle pour les générations qui ont plus de 60

ans. Bien se nourrir est en effet un souci dominant mais qui se conjugue avec un goût certain pour

les produits dits « authentiques » comme ceux de terroir, et « de qualité » comme en témoigne

ces affirmations successives : «Je préfère manger une petite pizza avec un bon vin rouge qu’une

grande avec de l’eau » (Louise, 65 ans Pézenas) : « Je choisis des produits qui me font plaisir

comme des fruits de saison » (Inès, 69 ans, village de l’Hérault) : « Depuis que je vis seule,

j’achète en moins grande quantité mais de qualité (Myriam, 62 ans, Paris) : « Mes courses sont

basées sur l’économie et la qualité, je choisis souvent un label rouge » (Alban, 61 ans, Paris).

Cette qualité revendiquée, qui se concrétise par le label rouge ou le produit dit « de saison », est

de plus en plus conjuguée avec le choix du « bio ». Celui-ci est souvent découvert grâce à

l’entourage amical : « Je me suis peu à peu converti au bio grâce aux amis », (Alban, 61 ans,

Paris), ou conjugal : « Ma femme est très bio et c’est elle qui fait les courses et je vois des glaces

biologiques dans le congélateur», (Bertrand, 64 ans, Pézenas). Mais le surcoût en limite les achats

et si l’on se permet quelques produits, il est rare d’y consacrer toutes ses courses. Les boutiques

Naturalia ont été évoquées mais également les rayons biologiques des supermarchés, (Dia,

Franprix, Monoprix) plus accessibles. Les produits biologiques, achetés dans ce cas, sont surtout

des légumes et des fruits, des céréales, des laitages.

Au-delà de 75 ans, et surtout si les revenus sont modestes, les produits issus d’agriculture

biologique ne semblent pas être une préoccupation quelconque et le verdict tombe : « Je n’y crois

pas du tout ! » (Fernando, 70 ans, Paris). « Ça ne m’intéresse pas ! » (Odette, 90 ans, Paris). « A

part le lait de soja conseillé par notre ostéopathe qui lui est super bio. On n’est pas

fanatique.» (Armand, 78 ans, village de la Nièvre). Chez ces derniers, les habitudes alimentaires

ont peu changé et les modifications constatées sont essentiellement dues à des raisons de santé.

6 En 30 ans on est passé d’un modèle du «nourrissant», du rassasiant, qui mettait au premier plan les féculents, (pain, pâtes, riz et pommes de terre), la viande et enfin les légumes, à une conception nutritionnelle valorisant les sources de micro-nutriments, de vitamines, de sels minéraux, et de fibres. Les féculents ont cédé la place aux légumes désormais considérés comme les aliments les plus importants, et les produits laitiers ont considérablement accru leur prestige nutritionnel, passant du quatrième au troisième rang des aliments «essentiels» (Poulain, 1998) 7 Les plus de 50 ans consacrent une part plus importante de leurs revenus à l’alimentation (15%, contre 12% pour les moins de 50 ans) (Hébel et al, 2010).

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Comment consomment les seniors ?

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Parallèlement existe un constat de « perte de qualité » qui est associée à la disparition des petits

commerces : « J’ai vécu la dégradation de la nourriture, au tournant des années 80, des bonnes

choses comme la crème fraiche par exemple et l’implantation des grandes surfaces » confie Sophie

(68 ans, Paris), qui trouve que la plupart des produits vendus aujourd’hui sont devenus

« insipides » « Même le vrai jambon a disparu ! ».

Réduction de la consommation de viande chez les plus jeunes seniors

La viande est un produit fortement discriminant. Pour la majorité elle est « réduite et parfois

supprimée » (Sophie, 68 ans, Paris) mais conserve une « force symbolique »8 importante

lorsqu’elle reste par exemple le plat dominical, comme chez Louise (65 ans, Pézenas). « Nous

mangeons très peu de viande à savoir une fois par semaine, un rôti le dimanche non pour des

raisons économiques mais pour des raisons de santé. En conséquences nous privilégions donc la

volaille (poulet, lapin) achetée découpée en grande surface (Carrefour de Pézenas), mais ils sont

achetés uniquement avec mention « label rouge ».

La viande en revanche, est restée quotidienne chez les plus âgés, au-delà de 70 ans jusqu’à 90

comme (Odette, 90 ans, Paris), Alice, (85 ans, village de la Nièvre), Fernando, (70 ans, Paris),

Armand, (78 ans, village de la Nièvre), Maryse, (75 ans, Chelles), qui sont aussi les moins

réceptifs au discours diététique. Dans ce cas on en mange « tous les jours », viande, parfois

« deux fois par jour ». La viande est achetée « fraiche » sur le marché et au supermarché plus

souvent pré-découpée ou « sous vide » (type marque Charal). Lorsque l’approvisionnement se fait

en grande surface, elle est achetée en grosse quantité et mise au congélateur, particulièrement en

milieu rural. Chez Armand et Geneviève pour lequel : « C’est un poste important et ça l’a toujours

été, c’est primordial nous y consacrons un budget important, je regarde la qualité mais pas le prix

sauf pour la viande » (Armand et Geneviève, 78 ans et 68 ans, village de la Nièvre), leur caddie

peut par exemple contenir : « 3 ou 4 barquettes de gras double, 2 kg de tripes, un lapin ». Les

produits tripiers qui apparaissent ici sont, en effet, encore assez appréciés chez les plus âgés alors

que l’on sait qu’ils sont délaissés par les plus jeunes9.

Le pain reste très valorisé et présent à chaque repas10. Acheté frais principalement en boulangerie,

assez rarement congelé : « Je pourrais seulement manger du pain, c’est l’aliment complet par

8 Cf. Jean-Pierre Poulain, op. cit. : « Malgré les crises qui touchent ou ont touché certains produits carnés, (veau et poulet aux hormones, vache folle ou dioxine) la force symbolique de la viande est encore grande dans la population des 50 / 60 ans, d’autant plus qu’elle incarne désormais avant tout le «bien manger à la française». L’ascension du poisson, catégorie non isolée en 1966, est aussi une nouveauté. Elle s’articule à la fois sur des qualités nutritionnelles, le poisson étant perçu comme « la viande maigre », et sur des valeurs gastronomiques. »

9 « …Sans doute en raison d’un effet de génération sur les habitudes alimentaires, les produits tripiers sont un peu plus souvent consommés au fur et à mesure de l’avancée en âge, du consommateur (0,1 fois par semaine chez les 18-34 ans contre 0,4 fois par semaine chez les plus de 55 ans). CIV, (Centre d’Information des viandes), Mai, 2012.

10 Cf. l’enquête CREDOC, CCAF 2004 qui constate que les personnes de plus de 50 ans consomment 25 % de pain en plus que les 25-49 ans.

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Comment consomment les seniors ?

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excellence » (Alban, 61 ans, Paris), il est parfois remplacé par du pain industriel en tranche car « il

ne sèche pas vite » (Odette, 90 ans, Paris).

Marques et lieux d’approvisionnements : fidélités anciennes et contraintes

géographiques

L’attachement aux commerçants locaux est revendiqué par certains comme Jean (78 ans, village

de l’Allier) qui en fait « une valeur morale », même si le coût des denrées est nettement

supérieur : « J’essaie de faire les courses dans mon village mais je subis les aléas du temps et je

suis obligé d’aller au bourg voisin ». Entre ville et village, les lieux d’approvisionnements sont

dépendants de la durée du déplacement, de la disposition d’une automobile, de la désertification

plus ou moins forte de la région et le degré de son enclavement11.

Pour les plus âgés, la fidélité aux marques est un principe essentiel. Les plus citées sont d’ailleurs

souvent anciennes, tel le lait Gloria, (1929), les pâtes Panzani (1950), le camembert

Président (1968). La multiplication des enseignes et des marques décourage beaucoup de

consommateurs âgés, qui finalement préfèrent rester en terrain connu et ne pas se lancer dans la

découverte de nouveaux produits. L’abondance et la diversité des produits leur donnent parfois le

sentiment qu’il « n’y a plus le choix » (Perrot, 2009). Seuls ceux pour lesquels le budget est la

priorité absolue ne s’en soucient pas puisque leur arbitrage est guidé par les prix les plus bas et les

promotions, comme l’exprime Fernando : « Mes marques préférées, c’est bien simple, c’est ce qui

est le moins cher » (Fernando, 70 ans, Paris).

En ce qui concerne les lieux d’approvisionnements, là aussi on observe une certaine constance

dans la fréquentation des petits commerçants de quartiers ou de villages ou des marchés

hebdomadaires. En milieu rural, le choix est cependant contraint par la disparition progressive des

commerces de détail et l’obligation de se rendre en ville, pour faire les « grandes courses 12 » .

Seules les plus âgés pour des raisons évidentes d’appréhension de la circulation automobile ne se

risquent plus à aller en ville seuls, mais le font de temps en temps avec leurs enfants ou petits

enfants comme Alice (85 ans, village de la Nièvre).

Pour ces derniers, le commerce ambulant est une aubaine. Spécifique du milieu rural, le camion

des surgelés de la marque Argel13, passe tous les 15 jours après avoir enregistré les commandes

11 « En dehors des grandes agglomérations, les habitants parcourent des distances de plus en plus longues entre leur résidence et leurs différents lieux d’activité, notamment les lieux de travail ou de courses. Les ménages utilisent davantage leurs voitures et ils en possèdent davantage qu’en 1994 » .Cf. jean Paul Hubert, dans les grandes agglomérations la mobilité quotidienne des habitants diminuent. Elle augmente ailleurs. Université de Paris-Est, DEST et division conditions de vie des ménages, Insee 2008 12 Dans la Nièvre, la grande distribution est prédominante (62 %), et croît au fil des années (+ 25 % entre 1996 et 2001).Cette part de marché est particulièrement forte en alimentation (74 %), la situant à un niveau très supérieur à la moyenne nationale (66 % en 2001). Le commerce sédentaire traditionnel (< 300 m2) perd des parts de marché. En Alimentaire, il se réduit la plupart du temps aux Métiers de Bouche. Le commerce non sédentaire reste très présent dans la Nièvre, avec une part de marché stable et plus importante ici qu'en Bourgogne ou en France. Diagnostic commercial, schéma Départemental de Développement Commercial, mai 2004 13 Entreprise multirégionale spécialiste de la vente de produits surgelés, Argel est née du regroupement d’entreprises familiales, régionales, spécialisées dans la vente de produits surgelés livrés à domicile. Elle dessert aujourd’hui 70 départements et poursuit son développement.

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des clients potentiels par téléphone. Celle d’Alice peut se composer de : « huit tranches de foie de

veau, 1 kg de côtes d’agneau et de quelques plats cuisinés ». Elle souligne que : « c’est beaucoup

trop pour une personne seule ! » mais se sent obligée d’acheter en grande quantité lorsqu’elle

passe commande.

Ambulants également, le boulanger et le poissonnier passent deux fois par semaine à heures fixes,

ce qui est parfois ressenti comme une contrainte comme l’est leur manque de choix, en limitant

progressivement la fréquentation. On assiste donc à une diversification croissante des lieux

d’approvisionnements, au nombre de 5 en moyenne pour ces seniors ruraux isolés. Du

supermarché du bourg, à la superette du village, en passant par l’hyper-marché de la ville, puis

des petits commerces des villages voisins, (boulangerie, boucherie, épicerie), aux commerçant

ambulants, c’est à un agencement complexe du temps et de l’espace que les ruraux se livrent pour

se ravitailler.

En ville, les choses sont plus simples quoiqu’aussi diversifiées. La grande surface est aux portes

mais l’approvisionnement ne s’y fait guère plus souvent qu’une fois par semaine ou par mois, pour

la « base ». Les commerçants du centre ville (épicier, boucher, crèmerie, épicerie) sont privilégiés

et ceux du marché pour les légumes et fruits. Chez les ruraux, il faut préciser que la consommation

des légumes reste importante et ce sont souvent ceux du potager que l’on cuisine dispensant la

plupart de les acheter14. Le jardin d’Armand (78 ans, village de la Nièvre) permet ainsi une

consommation de légumes et de fruits variés toute l’année, (tomates, choux, haricots,

potimarrons, poireaux, pommes de terre, carottes, blettes, courges, aubergines, rhubarbe,

pommes, poires, pêches, abricots cerises, etc.). Ces légumes mis en conserve, ces fruits préparés

en confiture à la belle saison par son épouse Geneviève, assureront la transition hivernale15.

Le restaurant, un arbitrage difficile entre qualité et dépense

S’agissant des dépenses d’alimentation à l’extérieur du domicile, elles sont très liées à l’activité

professionnelle, puisqu’elles diminuent dès 50 ans. Elles sont avant tout liées au revenu, puis à la

taille de la commune (les dépenses sont plus fortes dans les grandes villes), à la taille du ménage

(la dépense par UC diminue avec la taille du ménage), à la génération (les plus jeunes dépensent

nettement plus en restauration hors foyer) et enfin à l’âge.

14 Cf. Michèle Bertrand, Consommations et lieux d'achat des produits alimentaires en 1991, Paris, INSEE, 1993, 299 p. (pp. 54-56). Cf. également Stéphane Ravache, « Mœurs alimentaires sexuées dans le monde rural et urbain », Ruralia [En ligne], 12/13, 2003. 15 Cf. sur ce sujet, Françoise Dubost, « potagers des villes, potagers des champs », in Ruralités contemporaines, l’Harmattan 2012, p. 121-143. cf. . Du même auteur, Les jardins ordinaires. L’Harmattan, Paris, 1994, [paru sous le titre, Côté jardins, Ed. du Scarabée, Paris 1984].

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Comment consomment les seniors ?

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Graphique 2 : Effets d’âge toutes choses égales par ailleurs pour les dépenses

alimentaires hors domicile par UC

Source : Estimation des effets d’âge en tenant compte des effets de revenus et de génération CREDOC à partir des Enquêtes Budget de famille, Insee, 1979 à 2006

Le restaurant est resté une sortie de couple, et particulièrement en province : Bertrand (64 ans,

Pézenas) et son épouse y déjeunent tous les samedis au restaurant où vont dans un salon de thé.

A la campagne, c’est à l’occasion de leurs grandes courses que Geneviève et Armand s’offrent une

fois par semaine « un chinois à Nevers » et à l’occasion d’une fête de famille ou du 1 janvier pour

Alice, (85 ans, village de la Nièvre), un très bon restaurant dans la région. Cette dépense reste

cependant excessive pour la plupart qui préfèrent ne pas se l’offrir « plutôt que d’y manger moins

bien qu’à la maison » (Louise, 65 ans, Pézenas) ». En revanche se retrouver entre amis au

restaurant pour Myriam (62 ans, Paris,) est devenue une habitude après son divorce et le départ

de ses enfants : « La nourriture ce n’est plus un gros poste comme autrefois, je me demande

comment je faisais avant, aujourd’hui j’invite des amis et ensuite je vis sur les restes ? En 15

jours j’ai dîné trois fois chez les copains et 2 fois au restaurant ». » Ces sorties varient bien

évidemment avec les revenus. Fernando et Eduarda (70 et 64 ans, Paris) se souviennent des 5

fois de leur vie où ils sont allés tous les deux fêter leur anniversaire de mariage dans un restaurant

parisien. Il existe aussi chez de nombreux seniors l’habitude d’inviter chez soi enfants et petits-

enfants à l’occasion de fêtes comme celle de Noël par exemple où les grands parents jouent un rôle

fondamental16. Alice (85 ans, village, Nièvre), reçoit ainsi toute sa famille : « Le soir de Noël et le

lendemain pour un déjeuner, je refais la décoration de la table, ils m’aident pour cuisiner car j’ai 2

enfants en couple, 5 petits-enfants et deux arrières petits enfants !! ».

16 Cf. Martyne Perrot, Ethnologie de Noël, une fête paradoxale, Grasset 2000, chapitre 7, « Faire Noël en famille », p. 191-217.

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Comment consomment les seniors ?

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4.2 Les vêtements et chaussures, une dépense raisonnée qui

diminue aussi avec l’âge

S’agissant des dépenses en vêtements et chaussures, les dépenses par UC sont avant tout liées

aux revenus, puis à la taille du ménage (elles diminuent quand la taille augmente), puis vient la

taille d’unité urbaine (les dépenses sont beaucoup plus élevées en unité urbaine de Paris). Les

effets d’âge et de génération ne viennent qu’ensuite. L’effet d’âge est plus significatif que celui de

génération. Il fluctue avec des maxima à 30 et 60 ans. Le premier point correspond à l’entrée dans

la vie active et le second avec le départ à la retraite. Chacun de ses moments se traduit par des

changements vestimentaires importants. La chute après 60 ans est très forte. Après 60 ans la

plupart des armoires sont pleines. La question prioritaire reste celle du renouvellement

vestimentaire ou du rangement. Le constat de ce trop-plein est quasi-général, sorte de refrain

commun qui se situe à mi-chemin entre le discours de raison et celui de l’économie.

Graphique 3 : Effets d’âge toutes choses égales par ailleurs pour les dépenses en

habillement et chaussures

Source : Estimation des effets d’âge en tenant compte des effets de revenus et de génération CREDOC à partir des Enquêtes Budget de famille, Insee, 1979 à 2006

Source : Estimation des effets d’âge en tenant compte des effets de revenus et de génération CREDOC à partir des Enquêtes Budget de famille, Insee, 1979 à 2006.

« On s’aperçoit qu’on a des tonnes de choses ! », (Alban, 61 ans, Paris) ». « Dans ma dernière

partie de vie, je vide les armoires je donne les choses inutiles, j’ai l’esprit rangeur » (Louise, 65

ans, Pézenas) : « J’en ai tellement dans mes placards et on sort beaucoup moins qu’avant »

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Comment consomment les seniors ?

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(Jeanne, 87 ans, Paris) : « Maintenant j’en ai assez, j’arrive pas à jeter et je n’ai plus de place dans

les placards » (Eduarda, 64 ans, Paris). On pourrait continuer cette liste car de toutes les

consommations, celle des vêtements semble accorder plus que les autres les représentations, bien

que les pratiques divergent notablement.

« L’effet retraite »

Ce trop-plein né de l’accumulation au cours de longues années se conjugue à la moindre nécessité

de s’habiller avec l’arrêt de la vie professionnelle. Bertrand qui exerçait une profession libérale

avoue qu’il achète moins depuis qu’il ne travaille plus (Pézenas, 64 ans). Marie Laure, ancienne

assistante de direction pose la question de ce qui présidait à son plaisir de s’habiller : « J’aimais

bien quand je travaillais mais je m’en fiche maintenant, avant je craquais facilement maintenant je

n’ai pas tellement d’occasion, je fais les soldes pour avoir une réserve » (ML, Le Plessis Robinson,

66 ans). Divorcée il y vingt ans, elle conclut : « On se dit pour qui ? Pourquoi ? ». Mais

l’opportunité d’un voyage peut lui fournir un prétexte suffisant : « Quand je suis partie à Antibes

chez des amis, j’ai acheté un imper, un pantalon, un chemisier, des chaussures ».

Cette baisse de sociabilité entrainée par la retraite ou les aléas de la vie conjugale revient dans

tous les entretiens et plus encore lorsque la personne vit seule. Se vêtir, s’habiller, exige en effet le

regard d’autrui. Les femmes, plus que les hommes, l’expriment très clairement comme Inès, (69

ans, village de l’Hérault): « Avant d’acheter je regarde dans mes affaires, mais c’est lié à l’arrêt du

travail, le paraître, la séduction, l’image de soi donc maintenant je mets ce que j’ai ».

Un désir refoulé au rang du besoin

Autre fait notable, l’invocation morale du besoin s’est progressivement substituée au plaisir de

s’habiller. Inès se dit : « plus raisonnable. Est-ce que j’en ai vraiment besoin ? Si ce n’est pas le

cas, je laisse, il faut une occasion, cet été je n’ai acheté qu’un seul tee short ». Pour la plupart, ce

« besoin », première condition énoncée de l’achat est cependant tempéré par la recherche de

« qualité » et de pérennité qui peut alors justifier une dépense importante : « Je suis plus

sensible à la qualité en vieillissant » confirme Alban (61 ans Paris), qui dit avoir « acheté ces

Paraboots il y a longtemps à 250 euros !».

Louise (65 ans, Pézenas) a toujours acheté : « de la qualité comme ces deux paires de

chaussures Kélian, l’une en noire et l’autre en blanc qui durent depuis 15 ans. J’investis pour ne

pas me faire avoir, du coup je ne suis pas à la mode, sauf pour les accessoires ».

« Ces chaussures de la marque Besson, ça fait 15 ans que je les porte ! », fait remarquer Armand

(78 ans, village de la Nièvre). Henri lui aussi aimait bien ces chaussures de travail, ses fameuses

Paraboots : « C’était le cadeau de mes 60 ans, on essaie de les user le plus possible avant de s’en

séparer », (Henri, 83 ans, village du Cotentin).

Cette dépense « extraordinaire » justifiée par la qualité qui va de pair avec la durabilité (surtout en

ce qui concerne les chaussures) est parfois qualifié de « soupape de sécurité » (Louise, 65 ans,

Pézenas) dont le plaisir apporté par ce beau vêtement ou ces superbes chaussures a permis de

supporter les difficultés ou les privations entrainées par le long remboursement du crédit d’une

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Comment consomment les seniors ?

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maison ou celui d’une voiture : « Ces 5 dernières années je ne suis pas allée à Montpellier faire les

boutiques pour ne pas me laisser tenter car je savais que je devais économiser pour changer la

voiture ». Une autre façon très féminine de répondre au besoin, tout en se faisant plaisir, est de

mélanger un vêtement à bas prix et un autre plus cher comme le fait souvent Myriam (62 ans,

Paris).

Des marques fétiches

Il existe pour beaucoup des marques emblématiques, celles auxquelles on reste fidèle toute une

vie ou presque. Ainsi Bertrand (64 ans, Pézenas) ne porte que des chaussures Weston achetées

par son épouse à Paris : « Par éducation je suis fidèle aux marques et je n’achète que de la très

bonne qualité. Dans mon enfance on retournait les cols de chemises ! A Avignon lorsque je

travaillais encore, j’achetais chez « Fashionnable », 6 chemises, 3 pantalons en une seule fois. Le

problème c’est que je ne suis plus à la mode, mon costume dit « de crémerie » à 20 ans ! ». Cet

attachement aux marques ou à « la qualité », est vécu comme un signe de distinction sociale ou de

respect d’une éducation que l’on a reçue, dans laquelle le gaspillage n’était pas admis.

Lorsque les marques ne guident pas l’achat, ce sont parfois les « bonnes adresses » qui servent de

repères. Sophie (68 ans, Paris), comme Myriam (62 ans, Paris) connaissent ainsi très bien toutes

les solderies et les stocks de vêtements dégriffés ou de surplus parisien. Aline (64 ans, Paris), par

économie mais aussi par solidarité, va de temps à autre acheter ses vêtements dans des ventes de

charité. Les soldes départagent très nettement femmes et hommes. Les premières les attendent

pour « faire des affaires ou des réserves », (Marie-Laure, 66 ans, Le Plessis Robinson). Lorsque les

hommes vont acheter, c’est davantage avec une intention précise : « Si je rentre dans une

boutique, c’est pour acheter, je ne fais jamais les soldes », (Bertrand, 64 ans, Pézenas)

En dehors de ces « saisons » commerciales, les « vraies » saisons sont encore pour la majorité des

« marqueurs » du renouveau vestimentaire : « Je vais à Montpellier à l’automne et au printemps »

(Louise, 64 ans, Pézenas). Si l’été est celle où l’on se contente de vêtements moins chers, en

revanche l’hiver reste la période où l’on peut legitimement dépenser davantage pour un manteau

par exemple et des chaussures confortables : « L’hiver, les bas prix sont impossibles » (Sophie, 68

ans, Paris).

En milieu rural, les magasins de vêtements qui sont aussi parfois ceux de jardinerie (Gambert) ou

de matériel agricole, (Agro 2000) sont plébiscités par les hommes qui achètent pour l’année

comme Armand et Jean, plusieurs pantalons et chemises solides et résistantes à la fois.

En parallèle des vêtements, il peut être intéressant de dire un mot des produits et services en soins

de beauté. Comme pour les autres consommations, la plupart des femmes sont fidèles aux

marques de leurs produits de beauté, parfois depuis très longtemps. Et plus les femmes sont

âgées, plus elles élisent des marques anciennes (ex : du « rouge baiser » d’Alice (85 ans, village

nivernais). Sans surprise, le niveau économique joue un rôle essentiel dans l’achat de ces produits,

Yves Rocher pour les plus modestes ou marques de luxe (Dior, Guerlain) pour les plus favorisées.

Le souci de soi est aussi plus marqué chez les dernières et est mieux assumé (Myriam, 62 ans,

Paris). Du côté des hommes, ceux interrogés se contentent d’aller chez le coiffeur. En revanche,

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Comment consomment les seniors ?

43

hommes et femmes sont assez fidèles à leur coiffeur en ville comme à la campagne, quitte dans ce

dernier cas à faire quelques km de plus.

Rôle des femmes dans l’achat des vêtements des hommes

La majorité des hommes en couple interrogés laissent leur compagne acheter pour eux, à la ville

comme à la campagne et à tous âge :

« Moi j’achète pas de vêtements, c’est Henriette qui les achète pour moi, car je n’utilise pas tout ce

que j’ai dans l’armoire. J’en ai deux préférés, ceux que je mets pour le jardin et ceux pour aller à la

messe, du moment que c’est confortable, je m’en fiche » (Henri, 83 ans, village du Cotentin).

« C’est ma femme qui s’occupe de ça », (Jean, 78 ans, village Allier).

Un effet générationnel certain se retrouve ici dans ce partage des rôles. Les femmes de plus de 70

ans sont encore soumises à une certaine image de « la maitresse de maison » qui s’occupe du

linge, du ménage et des courses, et des petits enfants.

Un usage persistant du catalogue chez les plus âgés, accentué en milieu

rural

A la campagne, choisir un vêtement se fait encore souvent sur catalogue, et c’est encore en termes

de fidélité que s’expriment les choix :

« J’ai vu ça (les ateliers strasbourgeois Gabrielle Seillance) chez ma coiffeuse et j’y suis fidèle

depuis 15 ans. Au printemps je commande un chemisier et un pantalon à l’automne une veste et

un pantalon » (Alice, 85 ans, Village de la Nièvre).

C’est une véritable correspondance écrite qu’entretient également Geneviève avec son catalogue

Blanche Porte et les 3 Suisses. Quant à Jeanne (87 ans) qui vit à Paris elle n’achète ses draps qu’a

la Redoute et « paye en chèque ».

« Plus rien à acheter ! »

Deux personnes sur 22, disent n‘avoir rien acheté depuis plus de 15 ans, (Odette, 90 ans, Paris),

voire 30 ans ! (Maryse, 75 ans, Chelles). La première « ne veut plus s’embarrasser », elle a

définitivement « mis ses jupes de côté et ne porte plus que des pantalons » : « je remets toujours

la même chose et j’entretiens moi même, pourtant Damart me relance depuis 2005 ! » La seconde

n’a jamais aimé acheter des vêtements et vit sur ses réserves ou récupère, excepté pour ses sous

vêtements qu’elle renouvelle une fois par an en les achetant en grande surface.

4.3 Aménager sa maison : un décor peu renouvelé mais une

amélioration progressive du confort

S’agissant des dépenses en équipement du foyer, les dépenses par UC sont avant tout liées aux

revenus, puis à la taille du ménage (elles diminuent quand la taille augmente), enfin à l’effet de

génération qui est somme toute relativement important. Les générations les plus jeunes

Page 45: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

44

consomment moins à âge donné que les générations les plus âgées. Les effets d’âge sont les moins

significatifs et n’arrivent qu’en dernier après les effets d’unité urbaine. Les dépenses augmentent

en fin de cycle de vie au moment où la mobilité décroît fortement.

Graphique 4 : Effets d’âge toutes choses égales par ailleurs pour les dépenses en

équipement du foyer

Source : Estimation des effets d’âge en tenant compte des effets de revenus et de génération CREDOC à partir des Enquêtes Budget de famille, Insee, 1979 à 2006

Dans la population enquêtée, 17 personnes sur 22 sont propriétaires de leur maison ou de leur

appartement. Le mobilier a souvent été hérité, comme celui de Bertrand (64 ans, Pézenas), qui dit

« avoir reproduit assez fidèlement le décor de ses parents » ou d’Alice (85 ans village de la

Nièvre), qui a conservé les meubles de ses beaux parents dans la maison de village qu’elle avait

acheté avec son mari, il y a plus de 50 ans. Lorsque l’héritage n’existe pas ou n’a pas eu lieu, c’est

en grande surface ou en magasin spécialisé que les meubles sont achetés. Certains sont chinés

chez les paysans comme ceux, rustiques de Jean : « Le mobilier c’est du vieux acheté il y a 35 ans

au moment où les paysans n’aimaient plus ça ! » (Jean, 78 ans, village de l’Allier).

La majorité, héritiers ou non, urbains ou ruraux, a achevé l’ameublement et la décoration de leur

logement il y a plus de 15 ans et n’envisage plus guère de transformations sinon celle liées à

l‘amélioration du confort comme : « le remplacement d’une baignoire par une douche » (Armand

78 ans, Geneviève, 66 ans, village de la Nièvre), ou l’aménagement de la véranda d’Henri et

d’Henriette, (83 et 80 ans, village du Cotentin) : « pour en profiter plus longtemps ». Mais à

contrario, ne plus transformer sa demeure, peut être vécue comme un signe de vieillissement

comme l’exprime Myriam : « Moi je continue à décorer, la maison est pleine comme un œuf mais

Page 46: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

45

l’idée de croupir dans le même décor, ça me déprime, c’est un truc de personnes âgées ! »

(Myriam, 62 ans, Paris).

Si la limite entrainée par le manque de place et un statut de locataire ne permet guère de modifier

son décor, il reste cependant « ces choses » auxquelles Sophie n’a « jamais sacrifiée, les tapis, les

rideaux ». Odette, (90 ans), locataire d’un petit deux pièces à Paris depuis plus de 50 ans, n’a

acheté de son côté en tout et pour tout que deux armoires pour mettre le linge de 6 personnes

(elle a eu 4 enfants). Le reste ; buffet, table, lit et chaises a été donné par sa famille d’origine

rurale.

La génération née au lendemain de la guerre témoigne aussi d’un goût particulier pour les

brocantes, vide-greniers et quand les moyens le permettent, antiquaires où Bertrand achète des

bibelots « qui iront peut être un jour au musée ». Maryse récupère de son côté « tout ce qui

traine » et se trouve dans la rue ou dans les grandes poubelles : « C’est fou ce que les gens

jettent, l’autre jour j’ai trouvé 6 pelottes de laine neuves et des jouets pour mes petits enfants »,

(Maryse, Chelles, 75 ans). Entre conservation, recyclage et récupération, les plus jeunes des

seniors accordent en général beaucoup d’importance au confort et à la décoration. Les objets ont

une place particulière hérités ou reçus à l’occasion d’une fête, d’un anniversaire ou rapportés de

voyage, ils mettent en scène l’histoire de chacun.

L’équipement électro-ménager, un renouvellement contraint

En revanche l’équipement en électro-ménager est soumis à des cycles beaucoup plus

courts puisque l’obsolescence programmée de la plupart de ces appareils ne permet pas en général

de dépasser les 10 ans d’usage. Si le réfrigérateur/congélateur est le lot commun, certains seniors

vivant seuls en ville (surtout à Paris) comme Sophie, dont le studio est petit, utilisent les laveries

en libre-service plutôt que de s’encombrer avec un lave-linge. Rares sont ceux qui renouvellent

leur équipement pour le plaisir de changer, sauf en cas de déménagement comme Inès qui veut

installer : « une cuisine moderne et fonctionnelle dans son nouvel appartement » (Inès, 69 ans,

village de l’Hérault). En général on attend que la machine tombe définitivement en panne.

La télévision, a un statut particulier, présente chez tous, elle peut se dédoubler chez certains

couples qui ont « chacun la leur », comme Armand et Geneviève (78 et 68 ans, village de la

Nièvre), l’une à l’étage, l’autre en rez-de-chaussée, car leurs goûts diffèrent en matière d’émission.

Plus généralement le remplacement de « l’ancienne » par une nouvelle, « s’est fait quand la

première a été cassée, c’est à dire 15 ans après « (Bertrand, 64 ans Pézenas). En vieillissant « le

grand écran plat » permet de compenser une vue plus fragile, pour Jeanne et Pierre bien qu’à cet

âge comme ils l’avouent eux-mêmes : « on a plus de mal à s’habituer aux nouveautés » (Jeanne et

Pierre, Paris, 87 et 88 ans).

Pour ces plus âgés des seniors, la télévision, comme le lecteur de dvd, et parfois même la chaine

audio etc, sont très souvent reçus comme « cadeaux » offerts par les enfants qui veulent ainsi

compenser un éventuel risque de solitude ou d’ennui. Mais cette télévision parfois remplace toute

autre source d’information et de distraction. C’est le cas d’Odette (90 ans, Paris) qui garde un

vieux transistor chez elle mais ne s’en sert plus jamais et ne lit plus ni journaux, ni livre.

Page 47: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

46

Le téléphone mobile est un sujet de négociation délicat entre générations : « Je n’ai ni ordinateur

ni lecteur de dvd trop compliqué pour ma tête, je n’ai même pas de mobile et pourtant mes enfants

insistent, je n’ai qu’un fixe et ils m’appellent souvent ». (Alice, 85 ans, village de la Nièvre). Le

mobile rassure les enfants (baby-boomers) des plus âgés, qui n’envisagent plus de ne pas être en

liaison constante avec leur entourage proche, parents comme enfants et petits-enfants.

Page 48: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

47

4.4 Loisirs : une diminution dès 55 ans

Sur le poste de loisirs incluant les sorties culturelles et sportives, les achats de matériels audio-

visuels et les dépenses de lecture, l’effet âge est très significatif il arrive en troisième position après

le revenu et la taille du ménage. Dès 53-62 ans les dépenses diminuent.

Graphique 5 : Effets d’âge toutes choses égales par ailleurs pour les dépenses en loisirs

Source : Estimation des effets d’âge en tenant compte des effets de revenus et de génération CREDOC à partir des Enquêtes Budget de familles, Insee, 1979 à 2006

Sortir : une grande disparité entre ruraux et urbains

S’il est difficile en effet de faire la route de nuit pour aller voir un film à Nevers à 25 km, en

revanche habiter une ville de province ne semble pas empêcher des déplacements aussi longs pour

« sortir ». Aller au théâtre ou au cinéma à Béziers quand on habite Pézenas, (25 km à Montpellier

(km), voire à Narbonne (53 km), n’est pas exceptionnel pour Bertrand (64 ans Pézenas) qui

aime : « la programmation de la scène nationale narbonnaise », ou Inès (69 ans, Pézenas) qui ne

rechigne pas à se rendre dans le vieux Montpellier à la conférence inaugurale des 27ème

Rencontres de Pétrarque : « Il y avait beaucoup de dames aux cheveux blancs, c’est gratuit et

puis, c’est autre chose que de lire un article, j’y vais avec des amis mais je pourrais le faire

seule. »

Si l’effet de génération et celui du milieu socio-culturel jouent un rôle fondamental, le contraste

rural /urbain reste néanmoins très accentué. Le ciné-club de Pézenas est ainsi un lieu

incontournable fréquenté toutes les semaines par Bertrand, Inès et Louise qui s’y retrouvent avec

plaisir. En milieu rural c’est au concours mensuel de belote qu’Henri (83 ans, village du Cotentin)

se rend une fois par mois : « Le mercredi après-midi pour une cotisation de 5 euros. Y’a pas

tellement de jeunesse, on est 50 environ). Henriette, son épouse (80 ans) préfère aller « au club

Page 49: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

48

du 3° âge pour jouer au scrabble ou aux cartes et 2 fois par an participer au repas du club et à

celui de la commune pour une cotisation de 15 euros par an ». En banlieue parisienne la présence

d’un théâtre local donne à Maryse (75 ans, Chelles), l’opportunité d’aller assister très souvent « à

des spectacles de qualité » mais celui- ci reste cher pour Nadège (65 ans, Plessis- Robinson), qui

« aime bien mais profite des réductions d’un comité d’entreprise pour s’y rendre 1 ou 2 fois par

an ». Dans la plupart des cas, la fin de la vie professionnelle et les séparations de couple ont

fortement restreint les dépenses et compromis l’organisation et le rythme de ces « sorties ».

Le milieu associatif pour les activités ludiques est très présent en milieu rural et en banlieue

(théâtre, atelier peinture, cours de gymnastique, chorale), Alice (85 ans, village nivernais)

fréquente l’atelier d’arts du village voisin où elle se perfectionne en peinture à l’aquarelle. Maryse

(75 ans, Chelles) donne des cours de danse country aux retraités d’un foyer logement. Les

retraités modestes profitent aussi en majorité des offres de leur comité d’entreprise. Les activités

solidaires (alphabétisation, accompagnements en préfecture des « sans-papiers ») sont assez

répandues chez ceux qui ont fait des études supérieures mais sont présentes dans des milieux

économiquement différents. Plus les seniors sont riches et cultivés plus leurs loisirs sont diversifiés

et leur mobilité accrue sans considération d’âge (Myriam, 62 ans, Paris). Pour les plus modestes,

les voyages organisés par la mairie sont très attractifs et toute opportunité est saisie (Odette, 90

ans, Paris).

Plutôt emprunter les livres que les acheter

Les bons lecteurs qui sont ici, comme dans le reste de la population française17, plutôt des

lectrices, ont cessé d’acheter selon leurs envies. Aujourd’hui tous et toutes empruntent davantage

à la bibliothèque ou échangent avec les amis. Le livre restait pourtant l’achat légitime par

excellence. Louise s’est offert son dernier grand plaisir comme cadeau de retraite en achetant

« Camus dans la Pléiade, je me régale ! », (Louise, 65 ans, Pézenas), mais ces dernières années,

elle n’achète plus guère d’essais ou de romans neufs, « plutôt des occasions » ou bien elle

emprunte à la bibliothèque. Les livres subissent en effet de plein fouet les restrictions budgétaires

des seniors. Dans les villages qui n’ont pas de bibliothèque, le bibliobus qui passe tous les mois et

demi, permet à Jean (78 ans, village de l’Allier) d’emprunter quelques ouvrages le temps qu’il veut

ou presque18. Geneviève est encore abonnée à France Loisirs mais le regrette car cet achat « est

obligé » et emprunte tout comme Alice 5 à 6 livres par an pour 5 euros à la bibliothèque

municipale du village voisin. Les commandes de livres en ligne sont rares chez les plus âgés. En

17 Les femmes lisent plus que les hommes : 17 livres par an en moyenne contre 14 pour les hommes. Insee - Conditions de vie-Société - Culture, 2008. 18 Le rapport 2010 de l’Observatoire de la Lecture publique enregistre une baisse de l’inscription à une bibliothèque mais en revanche une augmentation de la fréquentation des lieux de lecture publique. Les Français y viennent donc pour lire, se documenter mais s’y abonnent moins. Le rapport relève également que le livre, en tant que support, reste prédominant dans les fonds des bibliothèques et lieux de lecture publique. L’offre auprès des Français reste importante puisque, selon le rapport, 88 % des Français vivent dans une commune disposant d’un ou plusieurs lieux de lecture publique (bibliothèques, médiathèques, etc.). Il y a en France, à ce jour, plus de 15 000 lieux de lecture publique dont 7 600 bibliothèques et autres lieux tels que bibliobus. Sources : Observatoire de la Lecture publique – Lagazettedescommunes.com

Page 50: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

49

cas de nécessité c’est souvent avec l’aide des enfants, qui sont également nombreux à offrir à leurs

parents dvd et cd-rom.

4.5 Transports : une diminution avec la perte de mobilité

Sur le poste de transport incluant les achats de véhicules, les réparations, les voyages en train, bus

ou avion, l’effet âge est le moins discriminant. L’effet de génération l’est un peu plus (il arrive en

quatrième position), les jeunes générations dépensent plus en transport au même âge que les

générations les plus âgées.

Graphique 6 : Effets d’âge toutes choses égales par ailleurs pour les dépenses en

transport

Source : Estimation des effets d’âge en tenant compte des effets de revenus et de génération CREDOC à partir des Enquêtes Budget de famille, Insee, 1979 à 2006

On sait que les seniors sont plus motorisés qu’autrefois ainsi que les habitants des zones rurales et

périurbaines par rapport à Paris et sa région19 (Hubert, 2009). Ce constat est confirmé par

l’enquête qualitative : en milieu rural comme en banlieue et dans les villes moyennes l’automobile

est présente et correspond à un poste budgétaire prioritaire, d’autant plus important que tous les

couples sans exception ont chacun la leur comme Armand et Geneviève (78 et 68 ans, village de la

Nièvre) ou Bertrand (64 ans, Pézenas), et son épouse encore en activité. Se déplacer pour aller

travailler, puis après la retraite, pour se ravitailler en grande surface, aller chez le médecin, chez le

19 En 2009, leur taux de motorisation a atteint 75 %, contre 62 % en 1995. 93 % des ménages habitant les zones rurales ou les zones périurbaines (zones rurales proches des villes) possèdent un véhicule, contre moins des deux tiers (64 %) des ménages vivant en région parisienne (60 % en 2000). Les taux de motorisation dans les villes de plus de 100 000 habitants ne baissent pas (Hubert, 2009).

Page 51: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

50

coiffeur etc. lorsqu’on habite un village ou dans une petite ville, nécessite une automobile et celle-

ci est souvent achetée à crédit. En revanche la majorité des personnes rencontrées à Paris ont

abandonné leur voiture et son parking au cours de ces 5 dernières années (Alban, 61 ans, Paris) ou

n’en ont jamais eu comme Fernando et Éduarda, (70 et 64 ans). Ils recourent aujourd’hui plus

volontiers à la location ou prennent le train et l’avion pour partir en vacances. Le covoiturage est

pratiqué par certains en banlieue. C’est le cas de Nadège (65 ans, Le Plessis Robinson) qui fait ainsi

une économie substantielle.

Après 65 ans, les dépenses en alimentation, habillement, loisirs, transports, communication, soins

de beauté diminuent très fortement. Outre de moindres occasions de sorties et un ralentissement

progressif des activités, ce constat peut aussi constituer l’indice d’une difficulté à consommer pour

des raisons de mobilité et d’offre, qui peut conduire à l’isolement. Face à cet écueil, le recours à

l’outil Internet peut représenter une planche de salut.

Page 52: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

51

5 UNE REPONSE A LA PERTE DE LIEN : INTERNET

Les changements psychologiques susceptibles d’affecter les personnes partant en retraite s’avèrent

d’importance. L’expression selon laquelle on est « atteint par la limite d’âge » donne à cet égard un

aspect maladif à la fin de l’activité professionnelle. La retraite manifeste une rupture avec un passé

qui comportait certes des contraintes horaires, hiérarchiques, des enjeux économiques, mais aussi

un contexte de socialisation, d’appartenance identitaire, de réalisation et de valorisation de soi.

L’environnement du travail formel et informel offre en effet un univers normatif de valeurs autour

duquel s’organise la vie du travailleur. Or, la rupture avec ce passé implique un deuil, au même

titre que l’entrée dans l’âge adulte impliquait la perte de l’enfance.

Ce passage entraîne également l’entrée dans une période de vie qu’il faut investir. Un

environnement nouveau d’insertion sociale, de valeurs, de repères identitaires est à reconstruire.

La période dans laquelle entre le retraité est nécessairement la dernière de sa vie. Aussi, quand la

retraite s’installe et éloigne les uns des autres, la recherche de lien social devient un impératif.

C’est pourquoi les seniors recherchent de nouvelles relations dès leur départ à la retraite :

« On n’est pas dans des sociétés individualistes. Regardez autour de vous. Les clubs qui existent !

Moi je rencontre plein de monde. Je fais du vélo. Je joue au scrable. La technologie ne m’en

empêche pas. Au contraire, quand je pars en vacances avec mon appareil numérique, elle me

permet de faire plus de choses, de les faire dans de meilleures conditions » (Lehuédé et Loisel,

2004). Ce propos fait apparaître également le rôle de la consommation dans l’instauration de

nouveaux liens avec la société. A cet égard, Internet illustre parfaitement le processus de tissage

en cours. On a pu démontrer statistiquement que les seniors ayant internet, dépensent plus que

les autres, indépendamment de leur revenu. Internet permet d’entretenir des relations avec un

réseau d’anciens collègues et amis et conduit à se déplacer, à inviter chez soi et ainsi à continuer

de consommer. La consommation se trouve ainsi complètement dépendante des relations entre les

uns et les autres.

De nombreuses études traitent de la diffusion d’internet auprès des personnes âgées. Internet

contribue à singulariser les seniors du reste de la population du fait de leur faible usage de cette

technologie. (Une partie d’entre eux n’est d’ailleurs nullement détentrice de cet outil technique de

communication, notamment en zone rurale). Néanmoins, celle-ci s’est diffusée avec une certaine

constance au cours des dernières années : « 11 millions de seniors de 50 ans et plus surfent

aujourd’hui sur Internet et plus de 4 seniors sur 10 achètent désormais en ligne, représentant 34%

des cyberacheteurs de l’Hexagone » constate le moteur de shopping sur internet Kelkoo en 201120.

Les seniors investissent le web, ce qui ne serait pas sans impact sur leur consommation, et en

particulier la consommation de loisirs. Le baromètre e-commerce de TNS Sofres de 2007 confirme

20 « Les seniors, accros au shopping sur internet, dépensent plus que la moyenne ! », communiqué de presse de Kelkoo, 2011.

Page 53: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

52

cette diffusion croissante d’internet parmi les seniors. Même si le taux de pénétration d’internet

dans cette tranche d’âge reste inférieur à celui des 18-50 ans, la tendance est à la hausse. La

première utilisation d’internet est la communication avec ses proches, mais l’achat sur internet se

place en seconde position.

Les données de l’étude la plus récente sur la diffusion des TIC dans la société française (CREDOC,

201221) indiquent que 75% des ménages français sont équipés d’une connexion internet à

domicile, contre seulement 40% en 2005. Le « fossé numérique » sépare toujours, en 2011, les

diplômés, les ménages riches et les jeunes des non-diplômés, moins aisés et seniors. Ainsi, seuls

45% des retraités ont une connexion internet en 2011 ; 81% des 40-59 ans, 65% des 60-69 ans

et 25% des plus de 70 ans. Depuis 2003, la proportion de ménages connectés à internet augmente

dans toutes les classes d’âge, notamment chez les seniors, mais au-delà de 60 ans, la proportion

est systématiquement plus faible que la moyenne. De plus, parmi les ménages équipés, il existe

une hétérogénéité dans la fréquence d’utilisation d’internet. Ainsi, parmi les ménages équipés

d’une connexion entre 40 et 69 ans, seuls 66% sont des utilisateurs quotidiens d’internet, et cette

proportion tombe à 60% après 70 ans. Les 18-39 ans sont, de ce point de vue, les utilisateurs les

plus assidus, la proportion d’utilisateurs quotidiens dépassant les 80%.

L’étude note cependant une extension de cette connexion des seniors à internet puisqu’ils

constituent la part de la population où la proportion d’internaute a le plus augmenté entre 2010 et

2011, ce qui suggère une adaptation progressive des seniors à internet. Enfin, la forte croissance

de la proportion d’internautes effectuant des achats en ligne apparait comme en partie due aux

seniors. En effet en 2011, 50% des 40-59 ans, 35% des 60-69 ans et 10% des plus de 70 ans ont

effectué des achats en ligne dans les douze derniers mois, proportions en hausse depuis 2003. Les

achats en ligne sont donc un marché en pleine expansion au sein de la société française et des

seniors en particulier.

L’abonnement à internet, nous l’avons dit, n’est pas uniformément réparti parmi les seniors : il est

fortement lié à des caractéristiques sociodémographiques (l’âge, la présence d’enfants, la vie en

couple) et socioéconomiques (revenu, niveau de diplôme, catégorie socioprofessionnelle de la

personne de référence).

Le fait d’être connecté à internet est d’abord fortement lié à l’âge : l’abonnement à internet dans

les ménages varie grandement selon l’âge. Rares sont les ménages connectés lorsque la personne

de référence est très âgée. A partir de 70 ans par exemple, moins de 10% des ménages effectuent

des dépenses pour un abonnement internet. Mais l’effet d’âge n’est pas le seul déterminant de

l’usage d’internet : les seniors présentent une forte hétérogénéité selon le niveau de diplôme et les

caractéristiques socioéconomiques.

Le fait d’être en couple semble avoir un effet positif sur la possibilité d’avoir internet. Cependant,

on devine un effet de structure sous-jacent : parmi les seniors, les personnes seules sont très

21 « La diffusion des technologies de l'information et de la communication dans la société française », CREDOC, 2012.

Page 54: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

53

souvent veuves et donc plus âgées. Or nous avons déjà souligné que l’avancée en âge avait une

incidence négative sur l’abonnement électronique, notamment à cause de l’adaptation nécessaire à

ce nouvel outil. Nous ne pouvons donc conclure, sans mise en garde, sur l’influence du couple sur

l’abonnement à internet : seul un raisonnement contrôlant l’âge des seniors pourrait nous

permettre de l’affirmer.

5.1 Le niveau de diplôme : un facteur discriminant devant

l’usage d’internet

L’âge et la structure de la famille ne sont pas les seuls facteurs liés à l’usage d’internet chez les

seniors. L’usage d’internet varie également en fonction de facteurs culturels (le niveau de diplôme),

économiques (le revenu) et sociaux (l’origine sociale).

Tout d’abord, le niveau de diplôme joue un rôle de première importance. En effet, plus d’un

ménage de seniors sur deux possède un abonnement dans le cas d’un diplôme supérieur au

baccalauréat, ce qui est le cas de seulement 7% des sans diplômes. La possession d’un

abonnement à internet dépend donc fortement du niveau de diplôme obtenu.

Graphique 6 : Détention d’Internet à domicile selon le niveau de diplôme chez les 50 ans

et plus en 2006

7%17%

37%

52%

93%83%

63%

48%

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Sans diplôme Brevet, BEP, CAP Baccalauréat Supérieur aubaccalauréat

Internet Pas internet

Champ : ménages de seniors (la personne de référence a 50 ans ou plus) Lecture : 52% des ménages de seniors où la personne de référence possède un diplôme supérieur au baccalauréat paient un abonnement à internet, 48% ne paient aucun abonnement.

Source : Enquête Budget de Famille, INSEE, 2006

Page 55: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

54

5.2 Des inégalités sociales persistantes malgré le passage à la

retraite

De manière très similaire au diplôme, la position professionnelle est un facteur important en ce qui

concerne l’abonnement à internet chez les seniors. En effet, en réaffectant les seniors retraités à

leur profession d’origine, on note un fort effet de la catégorie socioprofessionnelle. Les cadres, puis

les professions intermédiaires sont les catégories où l’abonnement à internet est le plus fréquent.

Les agriculteurs, chômeurs et ouvriers sont moins souvent connectés à internet. Alors que

quasiment un cadre sur deux paie un abonnement à internet en 2005, la quasi-totalité des

agriculteurs en est dépourvue. Ainsi, il existe un lien très fort entre l’actuelle ou l’ancienne

profession des seniors et le fait d’être connecté à internet chez les seniors. Les inégalités de revenu

reflètent indirectement l’hétérogénéité des diplômes et des situations professionnelles en amont. La

diffusion d’internet croît avec le revenu. Les ménages les plus riches paient plus souvent un

abonnement à internet que les ménages situés en bas de l’échelle des revenus.

5.3 Une inégale diffusion d’internet sur le territoire français

De manière générale, les seniors vivent plus souvent que les moins de 50 ans dans les communes

rurales ou à faible densité. Plus précisément, ils vivent moins souvent à Paris et dans les

communes urbaines de plus de 100 000 habitants. Cette différence de lieu de vie avec les

populations plus jeunes est susceptible d’influencer la diffusion d’internet dans cette population.

Ainsi, l’abonnement à internet est une fonction qui croît avec la densité du lieu de vie des seniors.

Signalons toutefois que si les habitants de communes rurales sont au total moins souvent abonnés

à internet que ceux des communes urbaines, lorsqu’ils le sont, il s’agit plus souvent d’un

abonnement bas débit. Contrairement au haut débit, l’abonnement bas débit est décroissant par

rapport à la densité du lieu de vie. Cela peut s’expliquer par un effet d’offre : la diffusion du haut

débit vers les milieux ruraux s’est effectuée plus lentement que dans les centres urbains.

On observe toutefois qu’en zone rurale, les seniors sont davantage connectés à Internet que leurs

cadets (27%, contre 22%), alors que la tendance est inverse dans les communes urbaines de

20 000 habitants et plus, y-compris dans l’unité urbaine de Paris. Cela tient en partie au fait que la

retraite en milieu rural isole plus fortement que dans une grande ville où l’accès aux marchandises,

aux services et aux relations sociales d’accès facile.

Page 56: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

55

Graphique 7 : Situation géographique selon la taille d’unité urbaine des ménages de

seniors

22%

15%14%

32%

17%

27%

18%

13%

27%

15%

0%

10%

20%

30%

40%

Commune rurale Commune urbaine,moins de 20 000

habs

Commune urbaine,de 20 000 à 100 000

habs

Commune urbaine,plus de 100 000

habs

Unité urbaine deParis

Moins de 50 ans Seniors (plus de 50 ans)

Champ : ménages de France Lecture : 27% des ménages de seniors vivent dans une commune rurale contre seulement 22% des jeunes ; 32% des jeunes vivent dans une commune urbaine de plus de 100 000 habitants (hors Paris) contre seulement 27% des seniors.

Source : Enquête Budget de Famille, INSEE, 2006

5.1 Une consommation beaucoup plus élevée chez les

détenteurs d’Internet

Pour étudier plus précisément l’influence de l’abonnement à internet sur la consommation toutes

choses égales par ailleurs selon les variables de statut social notamment, nous proposons une

analyse statistique des dépenses totales de consommation avec sélection des variables pertinentes.

En utilisant une procédure de sélection de variables (stepwise), il en ressort que l’abonnement à

internet est la variable la plus pertinente pour expliquer les dépenses de consommation. Ainsi à

âge égal, PCS égale, revenu égal, les ménages de 50 ans et plus disposant d’Internet chez eux,

dépensent nettement plus que les autres ménages. Le fait d’avoir internet a un impact très fort sur

la consommation totale. De ce point de vue, Internet apparait plus déterminant que le revenu

même. On constate un très grand écart des montants des dépenses (totales et par poste) entre les

ménages de seniors connectés à internet et ceux qui ne le sont pas.

Page 57: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

56

Tableau 4 : Régression GLMSELECT : dépenses totales de consommation

Etape Effet saisi Nb paramètres SBIC Valeur F Pr > F

0 constante 1 137625,82

1 internet 2 136495,02 308,43 <.0001 2 revenu 3 135728,46 367,48 <.0001 3 âge 4 135449,34 38,4 <.0001

4 csp 10 135274,771* 490,51 <.0001

* Valeur optimale du critère

Valeurs estimées des paramètres

Paramètre Valeur estimée Erreur type Valeur du test t P-value

Constante 37046 1399 26,46 <.0001 Âge -350 20 -17,56 <.0001 Internet pas internet ref. internet 11014 575 19,17 <.0001

CSP Ouvriers ref. Employés -1495 590 -2,54 0,0113

Professions intermédiaires 3386 639 5,3 <.0001 Cadres 8811 747 11,8 <.0001 Artisans, comm, CE 3282 824 3,98 <.0001 Agriculteurs -473 878 -0,54 0,5903

Chômeurs et inactifs -3289 1149 -2,86 0,0042

Revenu par UC 0,331 0,015 22,15 <.0001 Champ : ménages de seniors (la personne de référence a plus de 50 ans)

Source : Enquête Budget de famille, 2006

La possession d’internet a en effet une influence très forte sur les dépenses de transports, de

loisirs, d’alimentation et d’habillement. Le fait d’utiliser internet modifie indéniablement les

comportements de consommation dans ces secteurs. Les ménages de seniors connectés à internet

consomment davantage sur ces postes.

Page 58: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

57

Graphique 8 : Dépenses de consommation par fonction en euros par an et par ménage

selon que l’on est Internet ou pas chez les 50 ans et plus

952 €

516 €

1 660 €

1 596 €

4 774 €

2 128 €

3 291 €

3 088 €

4 848 €

5 751 €

5 659 €

6 866 €

542 €

33 €

901 €

621 €

3 624 €

713 €

1 523 €

1 216 €

2 868 €

3 772 €

2 182 €

2 611 €

0 € 1 000 € 2 000 € 3 000 € 4 000 € 5 000 € 6 000 € 7 000 € 8 000 €

Alcool et tabac

Education

Santé

Communication

Logement

Restauration

Equipement

Habillement

Autres

Alimentation

Loisirs

Transports

Moyenne des dépenses

Pos

tes

de d

épen

ses

de c

onso

mm

atio

n

Pas internet Internet

Champ : ménages de seniors (la personne de référence a plus de 50 ans) Lecture : le montant moyen des dépenses de loisirs chez les seniors atteint 5659 € pour les ménages abonnés à internet, et seulement 2182 € pour les ménages non-abonnés. NB : les postes de dépenses sont classés verticalement selon le montant de la différence entre les abonnés et non-abonnés à internet.

Source : Enquête Budget de Famille, INSEE, 2006

L’« effet internet » est plus faible sur les dépenses d’équipement et de restauration, même s’il n’est

pas négligeable. En revanche, le logement ne semble que très marginalement déterminé par

l’utilisation d’internet, étant plutôt fonction de caractères socioéconomiques (diplôme, revenu) et

surtout géographiques.

Enfin, l’impact d’internet sur la consommation des seniors apparait déterminant en ce qui concerne

les dépenses fréquentes liées à la vie quotidienne (transports, alimentation, habillement), ainsi que

les loisirs.

Page 59: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

58

Chez les seniors internautes en 2006, les achats en ligne étaient pratiqués par 31% des 50-59 ans,

26% des 60-69 ans et 20% des plus de 70 ans22. Parmi leurs achats, ils plébiscitaient déjà les

dépenses de loisirs : les sites comparateurs de voyages et d’agences de voyage constituaient le

premier poste d’achats en ligne des plus de 65 ans selon une étude du Benchmark Group23.

L’écart des dépenses moyennes de consommation entre les ménages de seniors abonnés à internet

et ceux qui ne le sont pas est très net : les seniors connectés consomment en moyenne presque

deux fois plus en montants que ceux qui n’ont pas internet. Une enquête TNS Sofres effectuée en

2011 pour le magazine dédié aux seniors Notre Temps24 montre que parmi les seniors qui

n’utilisent pas internet, 27% se sentent dépassés et 26% le trouvent trop compliqué à utiliser.

Le montant moyen des dépenses de consommation par poste varie fortement en fonction de

l’abonnement à internet chez les seniors ; pour tous les postes cette différence entre les moyennes

des seniors connectés et non-connectés est significative (test d’égalité des moyennes).

Le transport, les loisirs, l’alimentation sont donc les trois postes de dépenses où l’écart entre les

seniors connectés et non-connectés est le plus important (en montants). Nous rejoignons en ce

sens l’étude du moteur de shopping Kelkoo qui souligne l’importance des loisirs dans les achats des

seniors sur internet. Nous pouvons le justifier par le fait qu’internet offre une accessibilité plus

grande aux offres de produits culturels (musique, théâtre, culture, presse) et aux offres de

voyages, élément qui implique également des dépenses plus importantes en transports.

Certains postes comme l’alimentation, l’habillement ou l’équipement présentent une différence

entre abonnés et non-abonnés pouvant partiellement s’expliquer par la croissance des achats en

ligne, qui permettent d’éviter le déplacement pour des achats quotidiens ou réguliers et peuvent

comparer les offres. En effet, à la même date, une personne sur cinq réalise des achats en ligne, ce

qui représente un peu moins de 40% des internautes25. Cette possibilité d’acheter en ligne existe,

et elle est déjà pratiquée chez les seniors à cette date, dans des proportions moindres.

Il semble y avoir un effet de l’usage d’internet sur les dépenses de logement, ce qui ne suscite a

priori aucune hypothèse particulière. Les dépenses de communication des ménages connectés à

internet ont un statut particulier dans l’analyse puisqu’elles incluent les dépenses d’abonnement à

internet, pour cette raison nous les étudierons à part. Nous négligerons les postes restants (santé,

éducation, alcool et tabac) car le montant des dépenses y est faible et leur lien avec internet

négligeable.

22 « Les TIC et le commerce électronique entreprises-ménages en quelques chiffres », édition 2007-2008,

Ministère de l’économie, des finances et de l’emploi.

23 « Commerce électronique : performances comparées des sites », étude Benchmark Group/Médiamétrie,

2006.

24 « Les Français et internet », sondage TNS Sofres réalisé pour Notre Temps, 2011.

25 21% des personnes de plus de 12 ans et 39% des internautes de plus de 12 ans déclarent avoir effectué des

achats sur internet au cours des douze derniers mois en 2005 selon l’étude « La diffusion des technologies de

l'information et de la communication dans la société française » (CREDOC, 2011)

Page 60: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

59

Afin d’analyser l’influence d’internet sur les dépenses de consommation des ménages de seniors en

tenant compte des autres facteurs explicatifs et ainsi des effets de structure, nous proposons de

compléter cette étude par une régression par poste avec sélection des variables pertinentes

(GLMSELECT). Nous ne présenterons que les postes de dépenses où internet a été retenu comme

variable significative, et ce dans l’ordre des postes où la différence entre connectés et non-

connectés est la plus grande. Les dépenses de communication feront l’objet d’une analyse à part.

Les transports

Nous avons vu que les transports constituent le poste de dépense où la différence entre seniors

abonnés et non-abonnés à internet est la plus importante (en montants). La possession d’un

abonnement à internet est en effet la variable qui explique le plus ces dépenses. Elles sont

croissantes du revenu, de la catégorie socioprofessionnelle et de l’abonnement à internet,

décroissantes de l’âge. Il apparait en outre que les dépenses de transports ne sont pas

significativement expliquées par le lieu de vie.

Les loisirs

L’analyse de la moyenne des dépenses de consommation par poste et l’étude Kelkoo nous ont déjà

indiqué la forte influence d’internet sur les seniors en termes de dépenses de loisirs. Déjà en 2005,

le secteur des loisirs (comparateurs de voyages, agences de voyage) était le plus plébiscité par les

achats en ligne des plus de 65 ans, ce que révèle une étude du e-commerce en 2005-200626. Nous

pouvons confirmer ce résultat : l’abonnement internet est le facteur le plus discriminant après le

revenu pour les dépenses de loisirs. Elles augmentent avec le revenu, le diplôme, la catégorie

socioprofessionnelles et avec la possession d’internet ; elles décroissent avec l’âge. L’effet de

l’abonnement à internet apparait comme particulièrement fort.

L’alimentation

L’alimentation est le troisième poste de dépenses où l’écart entre les seniors connectés et non-

connectés est le plus important (en montants). Il s’agit de la variable qui explique le plus les

dépenses alimentaires chez les seniors. Elles augmentent avec l’abonnement, la catégorie

socioprofessionnelle et le revenu, décroissent avec l’âge. L’effet de l’abonnement internet apparait

ici comme particulièrement fort.

L’habillement

L’abonnement à internet, l’âge et le revenu déterminent le montant des dépenses d’habillement

chez les seniors. Parmi ces trois facteurs, l’abonnement à internet a la plus forte influence, toutes

choses égales par ailleurs.

26 « Commerce électronique : performances comparées des sites », étude Benchmark Group/Médiamétrie, 2006

– graphique en annexe

Page 61: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

60

L’équipement

S’agissant des dépenses d’équipement, on remarque une forte influence d’internet, même si le

revenu apparait comme étant le facteur le plus important.

La restauration

Le revenu du ménage explique mieux les dépenses de restauration que l’abonnement à internet,

qui joue cependant un rôle important. L’effet semble cependant moindre que celui que nous avons

observé pour les postes précédents. Le montant des dépenses de restauration augmente avec le

revenu, la catégorie socioprofessionnelle et la connexion à internet ; elles décroissent avec l’âge.

Le logement

Le déterminant le plus important du logement est, de manière très logique, le lieu de vie. Le prix

de l’immobilier est effectivement très variable selon la densité de population. Le logement est par

nature un poste de dépense tributaire de variables d’ordre géographique. L’abonnement à internet

ne semble jouer finalement qu’un rôle modéré dans les dépenses de logement. Elles semblent

davantage déterminées par des variables socioéconomiques (revenu, diplôme) et géographiques

(lieu de vie). Il s’agit de surcroit de dépenses plus occasionnelles que les autres postes étudiés, où

les avantages de l’utilisation d’internet (comparaison de l’offre, accessibilité…) paraissent mineurs.

La communication

Les dépenses liées aux services postaux et aux achats de matériel de communication sont dans les

deux cas peu élevées, en comparaison aux dépenses de services. Mais dans les trois cas, les

seniors non-abonnés à internet dépensent moins et la différence avec les abonnés est significative.

Il existe donc un impact de l’abonnement à internet sur les autres moyens de communication : les

seniors connectés à internet sont davantage susceptibles de communiquer par d’autres moyens

également (par exemple par voie postale) que ceux qui ne le sont pas.

Les différents usages d’Internet par les enquêtés

Les entretiens effectués lors de la phase qualitative montrent que seule une minorité de personnes

ne possède pas d’ordinateur au moment de cette enquête, (5 sur 22, dont un couple). Ces seniors

sans internet appartiennent à la fraction des plus de 65 ans et habitent surtout en milieu rural,

(Inès, 69 ans, village de l’Hérault) qui a pris sa retraite anticipée, quand son environnement

professionnel s’est informatisé, Geneviève et Armand (68 et 78 ans, village de la Nièvre), (Thérèse,

85 ans, village de la Nièvre), contre une en ville, (Odette, 90 ans, Paris). Ce sont également, en

dehors du seul couple, des femmes qui vivent seules après un veuvage ou un divorce.

Pour ceux nés après la seconde guerre mondiale, se connecter sur le net s’est généralisé, même si

le premier ordinateur acheté en moyenne n’a guère plus de 7 ans à l’exception de celui d’Aline (63

ans, Paris) qui en possède un depuis 1992. Cet ordinateur a été renouvelé au moins une fois. La

première acquisition correspond souvent, au changement de vie provoqué par le passage à la

Page 62: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

61

retraite comme l’explique Myriam : « Tout est récent, j’ai pris ma retraite, il y a 5 ans, je ne savais

même pas comment ça marchait ! Alors j’ai pris des cours (Myriam, 61 ans, Paris). Aujourd’hui

cette jeune « retraitée active »27 l’utilise pour réserver des restaurants, des hôtels, des billets de

train et d’avion, des livres sur Amazon et pour lire certains médias en ligne28.

Mais cet achat en ligne n’est pas si fréquent, il est d’ailleurs parfois exceptionnel, abandonné

aussitôt découvert pour des raisons inattendues comme l’absence de carte bleue : « Le dernier

spectacle de Mahmoud Darwich en Arles en 2008 a été réservé grâce à Internet que je remercie

pour çà. Mais depuis je n’achète plus rien en ligne car je n’ai plus de carte bleue depuis longtemps,

(Sophie, 68 ans, Paris).

S’informer sans acheter

L’utilisation la plus fréquente reste cependant celui du renseignement, de la comparaison des

produits et de leur prix. Se connecter aux sites comparatifs, aux catalogues en ligne, comme ceux

parmi les plus souvent cités de La Redoute ou de Darty, s’inscrire aux newsletters s’effectuent en

effet davantage dans un souci d’information que d’achat. En réalité très peu achètent en ligne car il

existe chez la plupart une certaine méfiance à payer de cette façon, à jeter sur la toile des

coordonnées bancaires précieuses et secrètes : « Jamais je n’achète avec ma carte bleue, en

revanche cela m’est arrivé d’acquérir des livres sur eBay, mais je paye alors par chèque », (Alban,

61 ans, Paris).

Un usage intensif d’internet existe cependant chez certains comme Nadège (65 ans, Le Plessis

Robinson) qui avoue passer : « des heures à discuter sur les forums avec ses copines et surfer sur

les sites de jeux », mais elle est également la seule à avoir acheté, en ligne : « un aspirateur, une

cave à vin, des meubles, et une imprimante sur le site Pixmania ».

La lecture des journaux en ligne, devient une pratique de plus en plus répandue : « Aujourd’hui je

lis la presse en ligne et du coup, j’achète moins les journaux papiers. J’ai arrêté d’acheter Le

Monde alors qu’avant je le lisais tous les jours. » (Myriam, 61 ans, Paris). L’achat d’un ordinateur

et son abonnement à internet ont d’ailleurs parfois été déclenchés par cet unique besoin d’une

information quotidienne, comme celle de Mediapart en 2008 pour Louise (65 ans, Pézenas).

En revanche, aucune des personnes interviewées ne fait ses courses alimentaires de cette façon,

bien qu’il soit très apprécié de se renseigner sur la qualité et la composition de certains produits,

leurs effets bénéfiques ou pas sur la santé. Celle-ci est une préoccupation croissante chez les

seniors de moins de 70 ans, mais les pathologies se développant avec l’âge, c’est sur les sites

27 Personne qui n’est plus en activité et a moins de 70 ans. Typologie établie dans « Les séniors une cible délaissée », Hébel et Lehuédé (2010).

28 En 2004 les secteurs les plus importants du commerce électronique étaient les voyages (25%), la restauration hôtellerie (12%), INSEE 2005.

Page 63: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

62

médicaux que cette agricultrice (Henriette, village du Cotentin) de 80 ans se connecte

régulièrement pour s’informer.

Partage des rôles dans le couple

Dans les couples, chacun joue son rôle. Chez Jeanne et Pierre (87 et 88 ans, Paris), qui ont

également pris des cours d’informatique lorsqu’ils ont acquis leur ordinateur, il y a deux ans, c’est

Jeanne seule qui lit les messages familiaux mais c’est ensemble qu’ils regardent les photos. C’est

aussi le cas de Fernando (70 ans, Paris) qui laisse son épouse Eduarda, (64 ans, Paris) le soin de

réserver les vols Easy jet et les billets de trains qui les emmèneront auprès de leurs enfants

installés au Portugal et au Luxembourg. Cette spécificité féminine n’est pas sans lien avec celle de

la correspondance écrite qui leur revient largement (Lacoue-Labarthe, Mouysset, 2012).

Mémoriser les souvenirs de famille et entretenir les liens

Parmi les plus âgés (70 ans et plus), l’album photo numérique est très prisé, le composer est une

activité patiente et privilégiée. C’est ainsi que Maryse (75 ans, Chelles) a définitivement abandonné

ses albums papier, pour le numérique et ne fait plus jamais développer de photos.

Entretenir les liens de famille est au centre des préoccupations de ceux qui ont enfants et petits-

enfants, surtout s’ils en sont éloignés. Les mails et, dans une moindre mesure, Skype permettent

d’entrer en contact rapidement et au moment voulu.

Dans le prolongement de notre analyse de la part « sociable » de l’outil Internet, une autre

manière d’entretenir les liens familiaux peut être l’attention portée à ses proches et la générosité à

leur endroit. Les dons d’argent constituent en effet une part croissante des choix des seniors dans

la gestion de leurs revenus et de leur patrimoine.

Page 64: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

63

6 LA GENERATION-PIVOT : LES SENIORS, CLEF DE VOUTE DES

TRANSFERTS INTERGENERATIONNELS

L’une des hypothèses possibles pour expliquer la faible consommation des seniors est le rôle qu’ils

peuvent jouer en tant qu’amortisseur social pour leurs enfants et leurs parents. Wolff et Attias-

Donfut (2007) ont réalisé de nombreux travaux sur la position de génération pivot que constitue la

catégorie des jeunes seniors. La position dans le cycle de vie permet un découpage en trois «

générations » : les jeunes, les adultes actifs et les retraités. Les seniors jouent dans les

transmissions entre générations un rôle bien particulier : « la présence des plus vieux, leurs

contributions, leurs besoins ou leurs demandes entrent en interférence avec les échanges entre les

deux ou trois générations qui les suivent ». Wolff et Attias-Donfut (2007) précisent que dans le

modèle actuel, «l'orientation dominante des solidarités familiales est en direction des jeunes, qui

reçoivent des dons en nature et en espèces, à la fois de leurs parents et de leurs grands-parents »,

ce qui n’a pas toujours été le cas, puisque, « dans les sociétés traditionnelles et dans de

nombreuses parties du monde non occidental, l'enfant est avant tout un travailleur et le vieillard un

assisté ». Au contraire, on nomme aujourd’hui « génération-pivot » la part importante de la

population qui, autour de l’âge-clé de 50 ans, donne davantage qu’elle n’en reçoit au sein de la

famille car elle fait des dons à la fois à ses enfants qui ne sont pas encore indépendants, et à ses

parents qui ne le sont plus. Le rôle des seniors dans nos sociétés par rapport au don prend donc

une dimension toute particulière. La littérature sociologique distingue le sens descendant des

transmissions entre générations (des générations âgées vers les plus jeunes), qui s’effectue le plus

souvent en termes monétaires, du sens ascendant (des jeunes vers les plus âgés) qui se concrétise

davantage en services, en soins et en temps, ce qui se justifie par la perte d’autonomie des

personnes âgées. L’hypothèse que nous souhaitons mettre à l’épreuve à présent est que la nature

monétarisée des dons en provenance des seniors (donc dans le sens majoritairement descendant)

pourrait expliquer une utilisation des ressources à d’autres fins que la consommation.

En déterminant avec une régression logistique les effets explicatifs de l’acte de don, il apparaît que

les facteurs sociodémographiques sont de faible influence : les retraités âgés donnent simplement

moins souvent que les retraités plus jeunes. Le diplôme et la catégorie socioprofessionnelle ont

bien, toutes choses égales par ailleurs, l’effet attendu. Le facteur le plus déterminant est

manifestement le revenu.

S’agissant des dons, il faut distinguer les dons en nature ou non-monétaires, c’est-à-dire les

cadeaux faits par le ménage en direction d’un autre (en alimentation, équipement, habillement,

éducation, etc.) ; et les dons monétaires ou en argent du vivant des ménages (ce qui exclut

l’héritage). La troisième dimension des transferts entre générations, à savoir les dons en temps et

en services, est exclue de notre sujet d’intérêt. L’enquête « Budget de famille » de l’INSEE permet

d’étudier cette question puisqu’elle recense les dépenses en cadeaux et en dons monétaires

effectués par les ménages (au sein de la nomenclature des produits).

Page 65: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

64

Tableau 5 : Régression logistique expliquant le fait de donner dans les ménages de 50

ans et plus

Variable Valeur estimée Tendance

Typologie de seniors

Les retraités âgés donnent moins souvent que les

retraités plus jeunes. Pas de grande différence parmi

les jeunes ménages de seniors.

Seniors actifs, enfants dans le ménage

ref.

Seniors actifs, enfants hors ménage 1,023

Jeunes retraités, enfants hors ménage

1,029

Retraités âgés en couple 0,899

Retraités âgés seuls 0,844

Diplôme

Un niveau de diplôme élevé augmente la probabilité

d'être donneur.

sans diplôme ref.

brevet, BEP, CAP 1,315

Bac 1,438

bac+ 1,950

CSP Les agriculteurs et les

inactifs sont moins souvent donneurs que les ouvriers.

Les professions intermédiaires sont la

catégorie qui donne le plus souvent.

Ouvriers ref.

Employés 1,485

professions intermédiaires 1,745

Cadres 1,489

artisans, comm, CE 1,091

agriculteurs 0,897

chômeurs et inactifs 0,959

Décile de revenu Le revenu est l'élément le plus déterminant pour les chances d'être donneur.

Toutes choses égales par ailleurs, un ménage

appartenant au dernier décile a presque 4 fois plus de chances de donner que

ne pas donner par rapport à un ménage du premier

décile de revenu.

1e décile ref.

2e décile 1,538

3e décile 1,214

4e décile 2,132

5e décile 2,207

6e décile 2,403

7e décile 2,687

8e décile 2,494

9e décile 3,120

10e décile 3,932

Effet Degré de

liberté Khi-2 Pr > Khi-2

Typologie de seniors 4 18433 <.0001

Diplôme 3 61311 <.0001

CSP 6 124902 <.0001

Décile de revenu 9 337468 <.0001

Champ : ménages de seniors (la personne de référence a plus de 50 ans) Lecture : Toutes choses égales par ailleurs, un ménage appartenant au quatrième décile de revenu a deux fois plus de chances de donner plutôt que de ne pas donner par rapport à un ménage du premier décile de revenu.

Source : enquête Budget de famille de l’INSEE, 2006

Pourcentage concordant 68%

Pourcentage discordant 31%

Page 66: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

65

A partir du recensement des dépenses des ménages de l’enquête Budget de famille, les montants

des dons effectués par les ménages ont été estimés : les montants des dons en argent sont

simplement exprimés en euros ; les dons en nature, quant à eux, sont évalués au montant en

euros dépensé pour leur achat. La valeur des dons en nature et des dons en argent devient alors

comparable.

6.1 La nature des dons évolue avec l’âge

Le don n’est pas un acte anodin parmi les seniors ; il concerne en effet 64% de cette population

(dons en nature et dons en argent confondus). En premier lieu, notons, sur l’ensemble des seniors,

un grand écart entre la moyenne (2 600€) et la médiane (330€) des dons. Il semblerait donc que

l’existence de valeurs extrêmes distorde la moyenne des dons vers le haut.

On observe en outre que la différence entre les moyennes des dons des seniors et des adultes de

moins de 50 ans est très marquée : les moins de 50 ans font des dons d’en moyenne 1 300€, soit

deux fois moins que leurs aînés. Cette différence est significative selon le test de Student d’égalité

des moyennes. Les seniors semblent donc constituer une catégorie à part où les montants donnés

sont plus importants.

Les seniors donnent davantage en argent et les jeunes davantage en nature. Le renversement est

clair : chez les donneurs de moins de 50 ans, les dons en nature représentent 52% de leurs dons

en montants. A l’inverse, chez les donneurs seniors, les dons en argent représentent 66% de leurs

dons en montants.

Et effectivement, la nature des dons est très variable selon l’âge. On observe clairement que la

nature du don, en moyenne, bascule du non-monétaire au monétaire vers 40-50 ans.

Graphique 9 : Pourcentage de donneurs selon le type de dons selon l’âge

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

- de 20ans

20-25ans

25-30ans

30-35ans

35-40ans

40-45ans

45-50ans

50-55ans

55-60ans

60-65ans

65-70ans

70-75ans

75-80ans

80-85ans

+ de 85ans

Donneurs en argent Donneurs en nature

Page 67: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

66

Khi -deux Prob. Coefficient de contingence V de Cramer

Donneurs en argent 295 076 <.0001 0,11 0,11

Donneurs en nature 926 968 <.0001 0,19 0,19

Champ : ménages en France

Source : Enquête Budget de famille de l’INSEE, 2006

Les seniors donnent davantage en argent et les jeunes davantage en nature. Le renversement est

clair : chez les donneurs de moins de 50 ans, les dons en nature représentent 52% de leurs dons

en montants. A l’inverse, chez les donneurs seniors, les dons en argent représentent 66% de leurs

dons en montants. Une inégalité claire apparait entre les postes de dépense. Tous ménages de

seniors confondus, les postes majeurs dans les dons en nature sont l’équipement (35%),

l’habillement (22%) et les loisirs (17%).

6.2 Plus l’on consomme, plus l’on donne

Nous avons vu qu’il existe une liaison positive entre dons et revenu : plus on possède de

ressources économiques, plus on donne. Il est intéressant de constater que l’effet est le même

avec la consommation : il semblerait que plus on consomme, plus on donne. Cela invaliderait notre

hypothèse de départ, selon laquelle l’utilisation des ressources pour les dons pourrait expliquer la

sous-consommation des seniors.

Lien entre dons, revenu et consommation : coefficients de Pearson

revenu log(revenu) conso log(conso)

dons 0,14 0,13 dons 0,12 0,12

log(dons) 0,24 0,28 log(dons) 0,27 0,29

dons monétaires 0,12 0,11 dons non-monétaires 0,29 0,26

log(dons monétaires) 0,19 0,21 log(dons non-monétaires) 0,36 0,41

Les dons semblent accompagner la consommation plutôt qu’ils ne s’y substituent. Il faut cependant

se garder d’interpréter cet effet sans contrôler par le revenu. Il est donc clair que dans ce cas, les

dons ne peuvent expliquer la faible consommation des seniors, puisqu’ils sont corrélés positivement

avec elle.

6.3 Une tentative de typologie des seniors par rapport à leurs

comportements de don

Pour saisir l’hétérogénéité des comportements de dons, le CRÉDOC a réalisé une typologie de

donneurs. Elle a été construite eu égard à la distribution du montant des dons parmi les donneurs,

à partir de l’enquête Budget des ménages de l’INSEE.

Le dernier décile de donneurs, les « très grands donneurs », a suscité notre attention. Nous l’avons

étudié pour mieux le caractériser. Par rapport au reste des seniors, les « très grands donneurs »

Page 68: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

67

sont plus souvent des seniors actifs, et moins souvent des retraités âgés seuls. Ils sont par

conséquent en moyenne plus jeunes. Leur composition sociale est particulière : 62% des « très

grands donneurs » sont cadres ou professions intermédiaires (contre seulement 34% chez la

totalité des seniors), la proportion d’ouvriers et d’employés étant bien plus faible que dans

l’ensemble de la population des seniors. Enfin, sans surprise, les « très grands donneurs » ont des

revenus plus hauts que la moyenne.

Le poids de ces « très grands donneurs » dans les dons des seniors est de grande importance en

effet, ces 10% qui donnent le plus représentent 72% des dons de l’ensemble des seniors. Les «

très grands donneurs » sont également caractérisés par une différence dans la nature de leurs

dons. La part des dons monétaires dans leurs dons est supérieure à celle des seniors dans leur

ensemble : 82% des dons des « très grands donneurs » sont en argent, seulement 18% en nature

(contre respectivement 66% et 33% dans l’ensemble des seniors).

6.4 L’envie de donner aux proches : une caractéristique des

seniors

Le désir de donner distingue fortement les seniors de leurs cadets. Nous nous sommes appuyés sur

la question suivante : « si vous disposiez de 10% de ressources supplémentaires, quelles seraient

vos priorités ? ». La formulation de cette question a le mérite de proposer un arbitrage

proportionnel aux ressources du ménage et non en valeur absolue (un même montant pouvant

avoir des significations différentes selon le niveau de ressources de départ).

Les réponses possibles étaient de dépenser plus pour l’alimentation, pour l’habillement, le

logement, l'équipement, la santé, les transports, les loisirs, l’éducation, en d’autres termes, pour la

consommation détaillée par poste de dépense ; ou en faire profiter ses proches, rembourser ses

dettes, épargner. La réponse « en faire profiter ses proches » est un peu plus large que celle

relevant de la question des dons telle que nous l’avons étudiée, puisque cela inclut potentiellement

des personnes dans le ménage, des amis, des voisins, etc. mais reste pertinente eu égard à notre

sujet.

Sans détailler les postes de dépenses, il apparait que la première préoccupation, que ce soit pour

les jeunes ou pour les seniors, est la consommation (pour 63% des jeunes et 61% des seniors).

Mais les autres grandes préoccupations des jeunes sont l’épargne (22%), et le remboursement des

crédits (12%), dépassant sur ces deux emplois leurs aînés, dont la deuxième priorité est de donner

aux proches (17% pour les seniors contre seulement 2% pour les jeunes). L’écart entre les jeunes

et les seniors sur l’envie de donner est donc décisive.

Une analyse de l’évolution de ces priorités selon l’âge nous montre que l’importance accordée aux

différentes utilisations des ressources varie beaucoup en fonction de l’avancée dans le parcours de

vie. L’importance accordée à la consommation chute à partir de 70 ans ; celle des dons aux

proches s’élève à partir de 50 ans. L’épargne semble importer davantage au début qu’en fin de vie,

même si on note, à partir de 75 ans, un regain d’intérêt pour l’épargne qui peut sans doute

s’expliquer par la volonté de constituer un capital à léguer ou de préparer son décès.

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Comment consomment les seniors ?

68

Graphique 10 : Priorité n°1 des ménages de plus de 50 ans s’ils disposaient de 10% de

revenus supplémentaires selon l’âge

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

- 20 ans 20-25 ans25-30 ans30-35 ans35-40 ans40-45 ans45-50 ans50-55 ans55-60 ans60-65 ans65-70 ans70-75 ans75-80 ans80-85 ans + 85 ans

Consommation Dons Remboursement Epargne Autre

Champ : ménages de France Lecture : s’ils disposaient de 10% de ressources supplémentaires, 37% des plus de 85 ans les consacreraient à la consommation, 36% en feraient profiter leurs proches, 22% épargneraient.

Source : Enquête Budget de famille de l’INSEE, 2006

Les seniors ne constituent pas une catégorie homogène quant à leurs comportements de dons.

Leur hétérogénéité ne s’explique que très peu par des facteurs sociodémographiques (âge, type de

ménage, nombre d’enfants) ; des variables socioéconomiques modélisant le capital économique et

culturel (niveau de diplôme, catégorie socioprofessionnelle, revenu, patrimoine) en rendent bien

mieux compte.

On a pu observer que la part de l’argent dans les dons ne fait que croitre avec l’âge. Il apparait

clairement que les dons ne peuvent pas être considérés théoriquement comme un substitut de la

consommation chez les seniors, et ainsi les dons ne peuvent expliquer la faible consommation de

cette population par rapport à leurs revenus. En effet, la corrélation est au contraire positive : à

revenu égal, plus un senior donne, plus il consomme.

Ce qui caractérise les seniors dans les transferts intergénérationnels, c’est la priorité qu’ils

accordent au fait de faire profiter leurs proches de leurs ressources, par le biais du don. Les jeunes

seniors, souvent encore actifs, sont plus souvent « pivots », c’est-à-dire qu’ils donnent à la fois à

leurs enfants et à leurs parents. En revanche, se distingue, à partir de 70 ans, un renversement où

les seniors sont plus souvent aidés qu’aidants, les solidarités entre générations dans le sens

ascendant venant accompagner leur vieillesse.

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Comment consomment les seniors ?

69

6.5 La place du don : approche qualitative

Les témoignages recueillis lors de la phase qualitative mettent en lumière la place accordée au don

dans le tableau général des dépenses des seniors.

A l’unanimité, les choix de consommation s’effacent devant le don fait aux enfants Que celui-ci soit

un don de nécessité, un cadeau, une donation officielle, en nature ou en argent : « Les transferts

monétaires vont pour l’essentiel des générations âgées vers les jeunes et se font sous des formes

bien précises. Les aides financières sont ainsi majoritairement constituées, tant en ce qui concerne

leur montant que leur fréquence, d’aides irrégulières en espèces, puis d’aides en nature, et enfin

d’aides en espèces cette fois régulières » (Ribert, 2005). Qu’il soit régulier, occasionnel ou

exceptionnel et quel que soit sa nature, le don reste prioritaire quitte à renoncer à des dépenses

personnelles, qu’elles soient jugées utiles ou non :

« Je passe mon temps à aider mes enfants, plutôt que de voyager, je ne pourrais pas profiter d’un

voyage qui reste malgré tout frivole. Et puis un film qui m’a marquée ou un livre me nourrit autant

parfois, c’est comme ça aider mes enfants est essentiel (Inès, 69 ans, Pézenas).

Cela dit, rien ne permet d’affirmer que le don a détourné le senior d’une dépense de consommation

en voyage, dont le caractère « frivole » déclaré peut laisser penser - à titre d’hypothèse - qu’il

n’aurait de toute façon pas eu lieu.

Cette aide prend diverses formes, de la garde des petits enfants à l’achat d’un appartement :

« J’ai aidé mes deux enfants indirectement en leur achetant chacun un appartement et le crédit

court encore, aujourd’hui je ne les aide pas en leur donnant de l’argent mais je leur fait des

cadeaux ». (Myriam, 62 ans, Paris).

Il peut s’agir aussi d’un soutien ponctuel lorsque les « accidents de la vie » (maladie, accident,

rupture conjugale, etc.) surviennent :

« Mon fils, s’est séparé de sa copine et a dû se trouver un autre appartement, c’est ma prime de

retraite qui y est passée ! » (Nadège, 65 ans, Le Plessis-Robinson)

Cadeaux et argent de poche sont donnés aux petits enfants par Jean et son épouse (75 ans, village

de l’Allier) chaque semaine. Ces dons prennent des voies multiples mais restent majoritairement

financiers et pas toujours proportionnels aux revenus des parents et des grands parents. L’envie de

léguer est un souci plus important chez les plus modestes qui « veulent partir en ayant tout réglé y

compris « ses propres funérailles » » (Armand, 78 ans, village de la Nièvre) 29.

Mais la « génération pivot » doit parfois aider leurs parents très âgés dont une des formes les plus

fréquentes est le financement d’une maison de retraite. Maryse a vu ainsi tout son héritage

29 « Concernant la transmission des biens, effective ou celle qui est anticipée : elle ne règle pas simplement la transition d’une propriété matérielle, elle est aussi traversée du temps, elle assure un lien entre les vivants et les morts() », Claudine Attias-Donfut, Nicole Lapierre, Martine Segalen, Le Nouvel Esprit de famille, Paris, Ed. Odile Jacob, 2002, page 64. Cf. aussi Anne Gotman, Hériter, Paris, PUF, 1988.

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Comment consomment les seniors ?

70

disparaître progressivement (Maryse, 75 ans, Chelles,). C’est aussi le cas, sous une autre forme,

de Marie-Laure (66 ans, Le Plessis-Robinson) : sa retraite a coïncidé avec les dernières années de

sa mère, malade : « Je n’ai pas pu profiter de ma retraite ». De fait, le temps donné à s’en occuper

et un relatif isolement consécutif à cette situation l’ont détourné durant une longue période des

circuits de consommation, et notamment des achats de vêtements.

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Comment consomment les seniors ?

71

7 CONCLUSION

Les résultats mettent en évidence un déficit de consommation pour les seniors, notamment la

frange la plus âgée qui peut difficilement se mouvoir, s’habiller et donc aller vers les autres. Ce

manque d’appétence est lié en partie à la solitude. Il correspond sans doute aussi à une réticence à

aborder la question du vieillissement, tant en termes individuels qu’en termes démographiques : il

n’est guère valorisant pour un pays d’avoir une population vieillissante. Ce déficit d’offre résulte en

France de freins culturels importants. Les comparaisons internationales mettent aussi en évidence

(Hébel et Lehuédé, 2010) que notre système de production n’est pas assez dédié à l’usage du

consommateur et ne prend pas assez en compte les principes du design universel. Des pays

comme le Japon et l’Allemagne ont mis en place de nombreuses actions publiques à destination des

entreprises. En Allemagne, le programme « Age, un facteur économique » a été lancé par le

Ministère fédéral de la famille, des retraites, des femmes et de la jeunesse en 2009 sur trois ans.

Destinée aux PME, cette action s’est concrétisée autour d’une plateforme d’échanges et de

rencontres et a été associée aux programmes de soutien aux PME dans le lancement d’une

innovation. Au Japon, dès 1994, a été mis en place un cadre réglementaire rendant obligatoire

l’accessibilité aux seniors dans les lieux et transports publics. Des standards industriels ont été

élaborés visant à encadrer l’industrie dans le développement de produits destinés aux personnes

âgées. En Corée du Sud, bien que la population âgée ne soit pas très importante, un plan

stratégique pour l’innovation vis-à-vis des populations âgées a été mis place dès 1992. Les

initiatives publiques ont placé les PME au centre de l’industrie des seniors. En 2005, le «Senior

friendly industry promotion program » a soutenu l’effort industriel dans les secteurs de la robotique

et des TIC et des objets ergonomiques. L’Etat a mis en place des infrastructures nécessaires à la

recherche et au développement des produits.

Pour les entreprises, plusieurs éléments doivent être pris en compte dans la mise en place d’une

stratégie de développement de produits et services à destination de seniors :

• La mise en place d’une démarche transversale : les équipes marketing, et Recherche &

Développement, doivent travailler de concert, en recourant à des designers et des cabinets

de conseil spécialisés dans cette population particulière. Il s’agit de réaliser des études

qualitatives d’observation pour bien comprendre les pratiques des populations seniors. Plus

que d’autres cibles, les seniors refusent d’exprimer leurs besoins. Il est donc nécessaire de

les suivre dans leur quotidien pour comprendre leurs pratiques.

• La conception de produits ou services adaptés aux évolutions de l’âge : Les jeunes seniors

encore en activité n’ont pas les mêmes besoins que les jeunes retraités en bonne santé, ni

que les personnes plus âgées en couple ou seules. Les pertes croissantes de capacités

physiques liées au vieillissement impliquent la création de nouveaux produits ou services

intégrant des aspects santé. Elles imposent surtout leur adaptation via la prise en compte

des principes du design universel.

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Comment consomment les seniors ?

72

• La promotion des produits ou services en valorisant la réponse au besoin sans

stigmatisation sur un âge. Dans nos sociétés, la vieillesse est soumise à une volonté de

dissimulation sociale. La valeur de l'autonomie individuelle tenant une place importante, la

« perte d'autonomie » revêt un aspect particulièrement dramatique.

• La conception d’une offre devant s’adapter aux exigences de la génération des baby-

boomers. Tant les valeurs (liberté, individualisme), que les attitudes (exigences vis-à-vis

des fabricants, appétit consommatoire) ou les comportements (usage croissant des TIC)

font que la nouvelle génération de senior sera très différente des générations plus âgées.

Les entreprises devront penser à modifier leur offre à l’aune de ces dimensions.

La question de la consommation des seniors n’est pas seulement une problématique d’offre. La

perception de la retraite et du vieillissement induit des effets sur la consommation, dont celle-ci se

fait le témoin. Les éléments que nous avons recueillis pour cette étude mettent en lumière les

infléchissements dans les habitudes de consommation propres aux seniors mais aussi les logiques

propres à chaque génération. La centralité de la consommation dans nos sociétés contemporaines

et la place croissante des techniques de communication dans la vie quotidienne suscitent dès lors

de véritables bouleversements au sein des nouvelles générations de seniors, appelées à un temps

de vie toujours plus allongé.

La baisse de la consommation avec l’âge peut aussi traduire des inquiétudes dans une société plus

incertaine où l’on craint pour l’avenir de ses enfants, mais aussi dans une société moins solidaire

où l’on redoute par-dessus tout la perte d’autonomie. Le rôle des autorités publiques comme des

acteurs sociaux et économiques est alors de contribuer à restaurer du sens et du lien dans toutes

les couches de la société et entre les générations.

Page 74: c 296 Seniors

Comment consomment les seniors ?

73

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