Byzantinische Zeitschrift Volume 95 Issue 2 2003 [Doi 10.1515%2FBYZS.2002.621] Nuffelen, Peter Van...

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    GÉLASE DE CÉSARÉE,UN COMPILATEUR DU CINQUIÈME SIÈCLE

    PETER VAN NUFFELEN/LEUVEN

    À partir de la fin du cinquième siècle, on rencontre parfois des références à une histoireecclésiastique de Gélase, évêque de Césarée (367-avant septembre 4001) et neveu deCyrille de Jérusalem (348-387)2. On a beaucoup spéculé sur le caractère et l’étenduede cet ouvrage, mais depuis les travaux de F. Winkelmann un consensus s’est établi 3:Gélase fut le successeur immédiat d’Eusèbe de Césarée et son histoire ecclésiastique, despersécutions de Dioclétien jusqu’à son propre temps, fut la source principale des historienspostérieurs de l’église, Rufin, Socrate, Sozomène, Théodoret et Gélase de Cyzique, et denombreuses vies hagiographiques4. Bien qu’il existe encore des discussions sur le pointde chute de l’histoire (la mort de Valens en 3785 ou celle de Théodose I en 3956) et sur

    1 Une lettre de Théophile d’Alexandrie, datée de septembre 400, s’adresse à Eulogius, le successeurde Gélase sur le siège de Césarée (Hier. Ep. 92). Gélase mourut donc avant cette date.

    2 Nos références aux ouvrages de Gélase de Césarée (Gel. Caes.) et du Rufin grec (Ruf. Gr.)renvoient à l’inventaire établi en appendice.

    3 F. Winkelmann, Das Problem der Rekonstruktion der Historia ecclesiastica des Gelasius vonCaesarea, in Forschungen und Fortschritte 10 (1964) 311-314 (n.v.) ; Id., Untersuchungen zur Kirchen-geschichte des Gelasios von Kaisareia (Sitzungsberichte der Deutschen Akademie der Wissenschaftenzu Berlin. Klasse für Sprachen, Literatur und Kunst, 1965 Nr. 3) (Berlin 1966) ; Id., Charakter undBedeutung der Kirchengeschichte des Gelasios von Kaisareia, BF 1 (1966) 346-385.

    4 P. ex. R.A. Markus, Church History and the Early Church Historian, in: D. Baker (ed.), TheMaterials, Sources and Methods of Ecclesiastical History (Studies in Church History 11) (Oxford1975) 1-17 ; P. Wainwright, The Authenticity of the Recently Discovered Letter Attributed to Cyrilof Jerusalem, VigChr 40 (1986) 286-293, spéc. 291 ; T.D. Barnes, Athanasius and Constantius.Theology and Politics in the Constantinian Empire (Cambridge [Mass.] 1993) 89 ; W. Liebeschuetz,Ecclesiastical Historians on Their Own Times, StudPatr 34 (1993) 151-163 ; G. Fowden, The LastDays of Constantine: Oppositional Versions and their Influence, JRS 84 (1994) 146-170 ; G.C. Han-sen, Sokrates. Kirchengeschichte (GCS NF 1) (Berlin 1995) xlv-xlvii ; Id., Mutmassungen überdie Kirchengeschichte des Sokrates, Zeitschrift für ant. Christent. 3 (1999) 278-285 ; M. Wallraff,Der Kirchenhistoriker Sokrates. Untersuchungen zu Geschichtsdarstellung, Methode und Person(Forschungen zur Kirchen- und Dogmengeschichte 68) (Göttingen 1997) 137 ; S.N.C. Lieu, FromHistory to Legend and from Legend to History, in: S.N.C. Lieu – D. Montserrat, Constantine andHistory. Historiography and Legend (Londres – New York 1998) 140 ; R.W. Burgess, Studies inEusebian and Post-Eusebian Chronography (Historia Einzelschriften 135) (Stuttgart 1999) 221 n. 120 ;A. Cameron – S.G. Hall, Eusebius. Life of Constantine (Oxford 1999) 4 ; I. Tantillo, Filostorgio e latradizione sul testamento di Costantino, Athenaeum (2000) 559-563, spéc. 563 n. 19 ; Balbina Bäbler,Der Blick über die Reichsgrenzen: Sokrates und die Bekehrung Georgiens, in: B. Bäbler – H.-G. Nessel-rath (ed.), Die Welt des Sokrates von Konstantinopel. Studien zu Politik, Religion und Kultur imspäten 4. und frühen 5. Jh. n. Chr. (Munich-Leipzig 2001) 159-181, spéc. 162 n. 8.

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     Winkelmann, Character (n. 3) 356 ; G.W. Bowersock, Mavia, Queen of the Saracens, in: W. Ecke.a. (ed.), Studien zur antiken Sozialgeschichte. Festschrift F. Vittinghoff (Cologne – Vienne 1980)477-495 ; N. Lenski, The Date of the Gothic Civil War and the Date of the Gothic Conversion, GRBS36 (1995) 51-87, spéc. 61.

    6 B. Pouderon, Le témoignage du Codex Baroccianus 142 sur Athénagore et les origines duDidaskaleion d’Alexandrie, in: G. Argoud (ed.), Science et vie intellectuelle à Alexandrie (CentreJean-Palerne. Mémoires XIV) (Saint-Étienne 1994) 163-224.

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    son caractère (un ouvrage indépendant ou une continuation, dans le même manuscrit, del’histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée7), on ne doute plus de l’originalité de Gélasede Césarée. En effet, selon cette théorie Gélase fut à l’origine d’importantes traditions

    comme la trouvaille de la vraie croix par Hélène, ou la conversion des Éthiopiens et desGéorgiens. Désireux de connaître la version originelle de Gélase, des savants ont investibeaucoup d’énergie dans la reconstruction minutieuse de son texte perdu, surtout sur labase des ouvrages de Rufin, Socrate et Gélase de Cyzique8.

    Pourtant, les bases de cette théorie sont faibles, trop faibles pour justifier sonacceptation presqu’-universelle. Une analyse détaillée permettra de réfuter la théorie« Winkelmann » et de déplacer l’histoire ecclésiastique de Gélase de Césarée de la fin duquatrième siècle vers la deuxième moitié du cinquième siècle. D’un précurseur de Rufinet de Socrate l’historien devient alors un compilateur pillant leurs ouvrages et usurpantle nom de l’évêque de Césarée.

    1. Gélase de Césarée et le « Rufin grec »

    Afin d’exposer les faiblesses de la théorie majoritairement acceptée, il nous faut reprendreles problèmes entourant Gélase de Césarée et son histoire dès leur origine. Le noeud desdifficultés est que sa reconstruction est liée à un autre ouvrage perdu et difficilementsaisissable, le « Rufin grec ». Nous présenterons d’abord ce que nous savons de ces deuxouvrages, avant de retracer ensuite les différentes solutions qui ont été proposées.

    À partir de la fin du cinquième siècle nous rencontrons des références à et des citationstirées d’une histoire ecclésiastique grecque du presbytre Rufin (Ruf. Gr. T1, T2). En 787les Pères de Nicée II en faisaient lire des extraits (T3a-b). Cet ouvrage se trouvait encoreaprès l’époque byzantine dans quelques bibliothèques (T5, T7 T8). À première vue onl’identifierait à une simple traduction de la continuation de l’histoire ecclésiastiqued’Eusèbe par Rufin d’Aquilée. Cette idée est confortée par le fait que certains écritsbyzantins contiennent des passages qui sont clairement traduits de Rufin, dont les plusimportants sont le syntagme de Gélase de Cyzique9, la chronique de Georgius Monachus10 et la Vita Athanasii BHG 18511. Pourtant de nombreuses données rendent impossible cetteinterprétation. Selon un témoin, cette histoire commençait au règne de Constance I (T7),donc à partir de 305, alors que l’historia ecclesiastica de Rufin commençait à partir de la

    17 P. Nautin, La continuation de l’«histoire ecclésiastique» d’Eusèbe par Gélase de Césarée, REB50 (1992) 163-183.

    18 À propos d’Hélène et la croix, voir S. Heid, Der Ursprung der Helenalegende im PilgerbetriebJerusalem, JbAC 32 (1989) 41-71 ; S. Borghammar, How the Holy Cross Was Found. From Eventto Medieval Legend (Bibliotheca theologiae practicae 47) (Stockholm 1991) ; J.W. Drijvers, HelenaAugusta. The Mother of Constantine the Great and the Legend of Her Finding of the True Cross (Brill’sStudies in Intellectual History 27) (Leyde 1992). Sur la conversion des Éthiopiens, voir H. Brakmann,Die Einwurzelung der Kirche im spätantiken Reich von Aksum (Bonn 1994) 58-59.

    19 G. Loeschke, Gelasius Kirchengeschichte (GCS 28) (Leipzig 1915) xxx-xxxviii.10 P. 505.17-592.19, voir l’apparat de l’édition de C. de Boor (Stuttgart 1978 [=1904], Vol. 2);

    Winkelmann, Untersuchungen (n. 3) 59-66.11 PG 25 213-246.ex. 230d-234a = Ruf. HE 10.16-18 ; 231b = Ruf. HE 1.17. Que cette vie

    connaissait le Rufin grec, est prouvé par la présence d’un parallèle avec une citation explicite (238b= F4b). Sur cette vie, voir B. Beck, Die griechischen Lebensbeschreibungen des Athanasius auf ihr

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    fin de l’histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée, c.-à-d. à partir de 324. Qui plus est,parmi les citations attribuées au Rufin grec, il se trouve également, à côté de passagestraduits en effet de l’histoire ecclésiastique latine de Rufin (F5), du matériau original (F1,

    F2) et des citations des histoires ecclésiastiques d’Eusèbe (F1) et de Socrate (F2, F3, F4).Le « Rufin grec » dépassait donc clairement le cadre d’une simple traduction.Les renseignements sur l’histoire ecclésiastique de Gélase de Césarée sont un peu plus

    abondants. Selon Photius et les extraits de l’épitomé des Histoires ecclésiastiques (Gel.Caes. T3, T6, F1), Cyrille de Jérusalem aurait ordonné à son neveu Gélase qui occupaitle siège de Césarée en Palestine12 d’écrire une histoire sur les événements postérieurs àEusèbe et sur ce qu’Eusèbe avait omis. On en trouve des citations à partir de la fin ducinquième siècle chez Gélase de Cyzique (F7a), Théophane (F2b, F3b, F8b), Photius(F1), Georgius Monachus (F3c), dans l’épitomé des Histoires ecclésiastiques (F2a, F3,F5a, F6, F8a) et dans quelques vies hagiographiques (BHG 362 [F4b, F5c] ; BHG 1279

    [F5b, F7b]). L’ouvrage commençait avec les persécutions de Dioclétien et le règne deConstance Chlore (F2, F3) ; les fragments se terminent sur la défaite définitive de Licinius.Certains fragments présentent de grands parallèles avec des passages d’Eusèbe (F5, F6)et de Socrate (F7, F8).

    Déjà les tout premières références lient indissolublement les deux ouvrages : Gélasede Cyzique introduit une citation en disant « ceci est dit par Rufin ou bien Gélase (Ruf.Gr. T2 = Gel. Caes. T1 : $O ge mãn ^RoyfÁnow µgoyn GelÀsiow ta†ta úde lÛgei ). Rufinet Gélase sont pour lui des noms interchangeables. Les Vitae Constantini BHG 362 et369 de l’époque post-byzantine désignent leur source de façon presque identique : ellesparlent de Gélase le Rufin (Ruf. Gr. T6a = Gel. Caes. T7 : GelÀsiÞw te Ã ^RoyfÁnow).

    L’existence d’un lien serré entre les ouvrages est confirmée par le fait que des écrivainsqui se sont servi du Rufin grec, ont aussi fait usage de Gélase de Césarée (GeorgiusMonachus [cf. Gel. Caes. F3c] et Vita Metrophanis BHG 1279 [cf. Ruf. Gr. F1a, F2b,F3b ; Gel. Caes. F5b, F7b]). Il existe même un fragment qui est attribué expressément auRufin grec par Gélase de Cyzique (Ruf. Gr. F3), mais qui est présenté par l’épitomé desHistoires ecclésiastiques comme provenant de Gélase de Césarée (Gel. Caes. F8a).

    2. Les différentes solutions

    Il est désormais clair qu’on ne peut pas s’exprimer sur Gélase de Césarée sans discuter sarelation avec le Rufin grec. Plusieurs solutions ont été proposées, qui se heurtent toutesà des objections insurmontables.

    2.1 Gélase de Césarée, le traducteur de Rufin

    Une première solution se fondait sur le témoignage de Photius (Ruf. Gr. T4 = Gel. Caes.T4), qui avait constaté pendant sa lecture que l’histoire ecclésiastique de Gélase n’était

    gegenseitiges Verhältnis und ihre Quellen untersucht (diss. Jena 1912) 78 ; A. Ehrhard, Überlieferungund Bestand der hagiographischen und homiletischen Literatur der griechischen Kirche (TU 51) I(Berlin – Leipzig 1937) 591 n. 10.

    12 À la fin de l’époque byzantine on fait de lui par erreur l’évêque de Césarée en Cappadoce (T2b,T6).

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    qu’une simple traduction de l’ouvrage latin de Rufin. Pour pallier le fait que les fragmentsexistants du Rufin grec dépassent le cadre d’une simple traduction, on pointait vers leshabitudes des traducteurs de l’époque, qui n’hésitaient pas à ajouter des choses de leur

    propre invention13

    . Cette théorie, qui méconnaît le fait que le Rufin grec commençaitvingt ans plus tôt que Rufin, fait naufrage sur la chronologie : Gélase de Césarée (367-avant septembre 400) était déjà mort quand Rufin publia son histoire en 402/314. Il nepeut donc pas l’avoir traduite.

    2.2 Gélase de Césarée, indépendant du Rufin grec

    Une deuxième solution dissocie le Rufin grec et Gélase de Césarée. Il y aurait eu unetraduction grecque de Rufin, exécutée par un inconnu, contenant quelques remaniementspar rapport à l’ouvrage latin et servant de source pour les historiens de l’église postérieurs

    (e.a. Socrate, Sozomène et Gélase de Cyzique). Gélase de Césarée aurait écrit unouvrage original, dont il ne nous reste plus grand-chose. Pour expliquer l’occurrencede l’identification Gélase-Rufin, on supposait l’existence d’une compilation du Rufingrec et de Gélase15. La critique évidente contre cette théorie est le fait qu’elle se voitobligée d’inventer une compilation de Gélase et du Rufin grec pour expliquer les liensentre les deux ouvrages. Au lieu de deux, nous voici maintenant avec trois ouvrages16.Qui plus est, la compilation aurait dû être faite immédiatement après la publication desouvrages respectifs, puisque le premier témoin, Gélase de Cyzique, identifie déjà lesdeux ouvrages (Gel. Caes. T1 = Ruf. Gr. T2). Les parallèles entre les deux ouvrages ne

    se limitent d’ailleurs pas aux quelques passages qui sont désignés par le vocable Rufin-Gélase, et qui proviendraient de la compilation (voir plus loin, paragraphe 3). Les ouvragesindépendants se ressemblent tellement fort qu’il est difficile de les séparer.

    Récemment J. Schamp a proposé une autre version de cette théorie : l’histoireecclésiastique de Gélase de Césarée serait un ouvrage original sur le concile de Nicéeet n’aurait donc aucune relation avec Rufin17. Puisqu’il se base sur une reconsidération

    13 P. Van den Ven, Fragments de la recension grecque de l’histoire ecclésiastique de Rufin dans

    un texte hagiographique, Le Muséon 33 (1915) 92-115 ; Id., Encore le Rufin grec, Le Muséon 59(1946) 281-294 ; Id., La légende de S. Spyridon (Bibliothèque du Muséon 33) (Louvain 1953)30*-33*; P. Peeters, Les débuts du christianisme en Géorgie d’après les sources hagiographiques, AnBoll50 (1932) 1-58, spéc. 30-32 ; H. Grégoire, rec. Peeters, Les débuts du christianisme, Byz 7 (1932)637 ; F. Diekamp, Gelasius von Caesarea in Palestina (OCA 117) (Rome 1938) 32 ; E. Dekkers, Lestraductions grecques d’écrits patristiques latins, Sacris Erudiri 5 (1953) 193-233, 206 ; F.X. Murphy,Rufin of Aquileia (345-411). His Life and Works (The Catholic University of America. Studies inMediaeval History. New Series 6) (Washington DC 1945) 160-164.

    14 Winkelmann, Untersuchungen (n. 3) 71-72.15 E. Honigmann, Gélase de Césarée et Rufin d’Aquilée, Bull.Ac.Roy.Belg. 40 (1954) 120-133 ;

    cf. H. Grégoire, Gélase ou Rufin? un fait nouveau, La nouvelle Clio 5 (1953) 472-473.16 Voir la critique de F. Scheidweiler, Nachwort, BZ 48 (1955) 162-164.17  J. Schamp, Photius. Historien des lettres. La bibliothèque et ses notices biographiques

    (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège 248) (Paris 1987)395-412; Id., The Lost Ecclesiastical History of Gelasius of Caesarea. Towards a Reconsideration,The Patristic and Byzantine Review 6 (1987) 146-152 ; Id., Gélase ou Rufin: un fait nouveau. Sur desfragments oubliés de Gélase de Césarée (CPG, No 3521), Byz 57 (1987) 360-390.

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    de la notice de Photius sur Gélase de Césarée (Cod. 88-89), il nous faut proposer uneanalyse de cette notice, constituée de quatre parties.

    La première partie de la notice (Cod. 88.66a-66b) est consacrée à un ouvrage anonyme

    portant le titre « Les actes du synode de Nicée ». Du résumé de Photius, il ressort qu’ils’agit du Syntagme de Gélase de Cyzique. À la fin de cette première partie Photiusremarque qu’il connaît une version du même ouvrage sous le nom de Gélase de Césarée.Dans la deuxième partie (Cod. 88.66b) le patriarche s’appesantit sur ce Gélase de Césarée.Il dit connaître trois auteurs de ce nom : d’abord l’auteur de l’ouvrage « Contre lesAnoméens », et ensuite deux auteurs d’ouvrages qui ont trait aux affaires ecclésiastiques.Il ne discute pas le premier Gélase dont il a résumé l’ouvrage en Cod. 102. Dans latroisième partie (Cod. 88.67a) il discute le premier ouvrage des deux derniers Gélase surles affaires de l’Église, c’est-à-dire le deuxième Gélase que connaît le patriarche. C’estla version sous le nom de Gélase de Césarée de l’ouvrage anonyme qu’il a résumé dans

    la première partie, c.-à-d. le syntagme de Gélase de Cyzique. Il en cite les premièresphrases, qui sont en effet celles du prooimion de Gélase de Cyzique, et il dit que ce Gélasede Césarée cite à son tour un Gélase qui est aussi Rufin. C’est un renvoi clair à Gel. Cyz.1.8.1 (Ruf. Gr. F2a = Gel. Caes. T1b). Dans la quatrième partie (Cod. 89) il discute letroisième Gélase. C’est l’histoire ecclésiastique de Gélase de Césarée dont nous nousoccupons dans cet article (Gel. Caes. T3).

    Selon J. Schamp il ne s’agit pas du Syntagme de Gélase de Cyzique dans la premièrepartie, mais de l’histoire ecclésiastique de Gélase de Césarée : la version épigraphe del’ouvrage anonyme sur le concile de Nicée fut donc la véritable histoire de Gélase deCésarée. Il distingue alors quatre nouveaux fragments sur la base de la notice de Photius.Dans la troisième partie il s’agit selon lui aussi du Syntagme de Gélase de Cyzique.

    La théorie de J. Schamp est fausse.18 Non seulement elle ne prend pas en comptel’ensemble des témoignages sur Gélase et le Rufin grec en se bornant à la notice de Photiuset en gardant le silence sur les parallèles nombreux qui existent entre les ouvrages, maissa nouvelle lecture de la notice de Photius est aussi erronée19. La phrase qui introduit latroisième partie, discutant le premier ouvrage à caractère historique sous le nom de Gélase,dit clairement que ce premier ouvrage est identique à celui qu’il venait de discuter dans lapremière partie. Photius écrit « […] ún mÝa ÷w n†n Ñw ‰n kefalaÝ v ‰pemnÜsuhmen. ̃ Exei  de¸ aÅth, ‰n oøw a‡tãn ‰pigegrammÛnhn eÅromen, ‰pigrafÜn, Ïw eœrhtai  […]» (« l’un

    d’eux est celui que nous venons de rappeler en bref. Cet ouvrage, dans la copie où nousl’avons trouvé avec un nom, a pour intitulé, ainsi qu’on l’a dit […] » Trad. Henry, avecquelques modifications.). Le seul ouvrage dont Photius a déjà parlé, est l’ouvrage anonymeportant le titre « Les actes du synode de Nicée ». L’ouvrage de la première partie ne peutdonc en aucun cas être différent de celui de la troisième. Puisque l’ouvrage de la premièrepartie est identique à celui de la troisième partie, et ce dernier est identique au Syntagmede Gélase de Cyzique, l’ouvrage de la première partie doit être aussi le Syntagme deGélase de Cyzique. Un argument supplémentaire contre sa propre théorie est fourni par

    18 Voir aussi la critique de F. Winkelmann, Zur nacheusebianischen christlichen Historiographiedes 4. Jahrhunderts, Cordula Scholz – G. Makkis (ed.), Polypleuros nous. Miscellanea für PeterSchreiner (Byzantinisches Archiv) (Leipzig 2000) 405-414, spéc. 410-411. Je dois cette référence àProf. G.C. Hansen.

    19 Déjà R. Henry semble proposer cette idée dans son édition de la bibliothèque de Photius (Vol.2, Paris, 1960,14 n. 1).

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    J. Schamp lui-même : en discutant les quatre fragments de Gélase de Césarée qu’il croitpouvoir extraire de la notice de Photius, il constate qu’on en trouve des parallèles exactsdans l’ouvrage de Gélase de Cyzique20. À son insu il montre donc que ce sont bien des

    fragments du Syntagme et non pas de l’Histoire ecclésiastique de Gélase de Césarée.Nous ne pouvons donc pas accepter la théorie de J. Schamp.Le fait que, selon la notice de Photius, le Syntagme de Gélase de Cyzique circulait

    aussi sous le titre « Histoire ecclésiastique de Gélase de Césarée », ne veut évidemmentpas dire que les ouvrages furent identiques. Gélase de Césarée a inclus dans son histoirebeaucoup de données qui ne se trouvaient pas dans le Syntagme (F1-7), et en plus cedernier renvoie au second (Gel. Cyz. HE 1.8.1 = Gel. Caes. T1). Nous reviendrons surla confusion entre le Syntagme et Gélase de Césarée.

    Le Rufin grec est donc indissociable de Gélase de Césarée: le premier n’est pasune simple traduction de l’histoire de Rufin et le second n’est pas non plus un ouvrage

    indépendant sur un autre sujet.

    2.3 Gélase de Césarée, la source de Rufin

    La troisième solution des problèmes entourant Gélase de Césarée et le Rufin grec, consisteà renverser la première. Celle-ci identifiait Gélase de Césarée avec le traducteur de Rufin.Or, c’est impossible puisque Gélase mourut avant la publication de l’histoire de Rufin.Si Gélase n’est pas le traducteur de Rufin, Rufin peut être celui de Gélase. C’est F. Win-kelmann qui a jeté les bases solides de cette théorie21.

    Il voit en Gélase de Césarée l’auteur d’une histoire ecclésiastique originale, allantdes persécutions de Dioclétien jusqu’à la mort de Valens. En se fondant sur une analyseserrée de nombreux textes historiques et hagiographiques, il a cru pouvoir désignerGélase comme source de Rufin, Socrate, Gélase de Cyzique, Georgius Monachus, lesVita Metrophanis et Alexandri (BHG 1279), Vita Athanasii (BHG 185), Vita Spyridonis(BHG 1647), et deux Vitae Constantini (BHG 362 et 369). Principalement le Syntagme deGélase de Cyzique et la vita Metrophanis et Alexandri (BHG 1279) se seraient fondés surGélase de Césarée22. À partir de ces comparaisons F.Winkelmann a décompté 41 fragmentsde Gélase23. Selon lui le Rufin grec n’est pas autre chose que l’histoire ecclésiastiquede Gélase augmentée d’une traduction grecque des chapitres de l’historia ecclesiastica

    de Rufin qui traitaient du règne de Théodose I – la période que Gélase de Césarée necouvrait pas.

    20 Gélase ou Rufin (n. 17) 382-390.21 A. Heisenberg, Grabeskirche und Apostelkirche I (Leipzig 1908) 66; A. Glas, Die Kirchen-ge-

    schichte des Gelasios von Kaisareia. Die Vorlage für die beiden letzten Bücher der KirchengeschichteRufins (Byzantinisches Archiv 6) (Berlin 1914) ; P. Heseler, Hagiographica I-II, Byzantinisch-neugriechische Jahrbücher 9 (1932) 113-128, 320-337 ; F. Scheidweiler, Die Kirchengeschichte desGelasius von Kaisareia, BZ 46 (1953) 277-301 ; Id., Nochmals die Vita Constantini, BZ 49 (1956)2-6 ; Id., Die Bedeutung der Vita Metrophanis et Alexandri für die Quellenkritik bei den griechischenKirchenhistorikern, BZ 50 (1957) 74-98 ; Winkelmann, Untersuchungen (n. 3), 7-8 ; Id., Character(n. 3); G.C. Hansen, Eine fingierte Ansprache Konstantins auf dem Konzil von Nikaia, Zeitschr. f. ant.Kirchengesch. 2 (1998) 173-198, spéc. 177.

    22 Winkelmann, Untersuchungen (n. 3), 27-47.23 Character (n. 3), 348-356.

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    P. Van Nuffelen, Gélase de Césarée 627

    Cette théorie s’est établie comme la communis opinio24 et les savants se limitent àmodifier des détails ici et là, ce qui mène rarement à une amélioration. Par exemple l’idéeque l’histoire de Gélase allait jusqu’à la fin du règne de Théodose I, et non pas jusqu’à

    la mort de Valens25, crée le problème évident d’éliminer la raison d’être du Rufin grec.L’interprétation de P. Nautin, que Gélase de Césarée écrivait une continuation de l’histoireecclésiastique d’Eusèbe qui faisait suite à celle-là dans les mêmes manuscrits26, ne tientpas compte du fait que l’histoire de Gélase commençait avec les persécutions de Dioclétienet le règne de Constance Chlore (305), alors que celle d’Eusèbe allait jusqu’en 325.27

    Même sans ces modifications les conséquences de cette théorie sont énormes. Gélasede Césarée devient le premier continuateur d’Eusèbe de Césarée. L’histoire ecclésiastiquede Rufin perd en grande partie son originalité : il n’est qu’un simple traducteur. Seulle récit sur le règne de Théodose I serait de sa propre main. De la même façon Socrateest accusé d’avoir escamoté sa source principale, Gélase de Césarée. Il en découle quel’historien ment quand il affirme que sa source principale pour les deux premiers livresest Rufin (HE 2.pr)28. Cette absence de toute référence à Gélase, alors que Socrate estd’habitude bien loquace sur ses sources, reste difficile à expliquer29. La dépendance deSozomène et Théodoret de Gélase de Césarée est peu probable, bien que G.C. Hansenl’ait crue possible30. La théorie Winkelmann bouleverse donc notre compréhension dudéveloppement de l’histoire ecclésiastique en tant que genre, puisque Gélase et non pasRufin était le premier successeur d’Eusèbe, et remet en cause l’originalité de Rufin etSocrate, qui seraient à peu près des plagiaires.

    24 Voir n. 4. D. Braund (Georgia in Antiquity: A History of Colchis and Transcaucasian Iberia 550BC- AD 562 [Oxford 1994] 246 n. 46) est une des rares personnes qui n’est pas convaincue.

    25 Pouderon, témoignage (n. 6). Françoise Thélamon, Païens et chrétiens au IVe siècle. L’apport del’“histoire ecclésiastique” de Rufin d’Aquilée (Etudes Augustiniennes) (Paris, 1981) 18-21 a essayéde mitiger la dépendance de Rufin par rapport à Gélase de Césarée en proposant d’y voir une dessources possibles de son histoire, pourtant sans apporter des arguments.

    26 Nautin, continuation (n. 7).27

     Voir Wallraff, Sokrates (n. 4) 170 n. 134. La réponse de Winkelmann, Historiographie (n. 18) 410que c’était un procédé normal de reprendre une partie du travail du prédécesseur, ne fait pas mouche,puisque selon Nautin la continuation se trouvait dans les mêmes manuscrits que l’histoire d’Eusèbe.Il n’était donc pas question de reprendre une partie du prédécesseur.

    28 Winkelmann, Untersuchungen (n. 3), 25-27; Hansen, Sokrates (n. 3), xlv-xlvii ; Id., Mutmassungen(n. 4) 278-285 ; Wallraff, Sokrates (n. 4) 137.

    29 La multitude d’explications rend clair la difficulté qui se pose. Socrate aurait préféré citer unouvrage latin à cause du prestige que la connaissance de cette langue lui accorderait (Winkelmann,Untersuchungen [n. 3] 27). Il n’aurait pas voulu citer un ouvrage qui n’était pas indépendant, puisqueGélase était le simple continuateur d’Eusèbe de Césarée (Wallraff, Sokrates [n. 4] 137). Socrate n’auraitpas voulu dévoiler que la première partie de son ouvrage n’a rien d’original (Hansen, Mutmassungen

    [n. 28] 282 n. 18). Winkelmann, Historiographie (n. 18) 412 laisse la question ouverte.30  Il trouve un mot qui démontrerait l’usage de Gélase de Césarée par Sozomène (J.Bidez-

    G.C.Hansen, Sozomenos. Kirchengeschichte [GCS N.F. 4] [Berlin 19952] xlviii). Les indices pourThéodoret sont aussi minces (L. Parmentier – G.C. Hansen, Theodoret. Kirchengeschichte [GCSN.F. 5] [Berlin, 19983] 435-6). Borghammar, Holy Cross (n. 8) 18-21, 32-53 voit une plus grandedépendance, ce qui ne convainc néanmoins pas.

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    Nonobstant son succès, la théorie Winkelmann doit être rejetée. Nous pouvonsdéterminer les véritables sources de Rufin et Socrate dans des passages qui proviennent,selon Winkelmann, de Gélase de Césarée. Il en découle que les parallèles entre Rufin et

    Socrate d’une part et Gélase d’autre part sont dus au fait que Gélase de Césarée a copiéces deux historiens. Il faudra en conclure que l’évêque historique de Césarée n’a pasécrit l’histoire qui porte son nom.

    2.3.1 Les sources de RufinCommençons par Rufin. Y.-M. Duval a réussi à déterminer les sources de Rufin pourun grand nombre de passages de son ouvrage, parmi lesquels aussi quelques-uns queWinkelmann considère comme provenant de Gélase de Césarée31. Rufin a utilisé un grandnombre de sources latines, e.a. la chronique de Jérôme, la Praefatio ad Benivolum deGaudentius de Brescia, le Liber adversus Ursacium et Valentem d’Hilaire de Poitiers, et

    aussi quelques écrits d’Athanase, e.a. l’ Epistula encyclica, l’ Epistula ad Serapionem etle Tomus ad Antiochenos. Il dit aussi expressément se baser sur des sources orales poursa biographie d’Athanase (HE 10.15)32. Notamment les fragments 21 (Ruf. HE 10.8-11 ;Gel. Cyz. HE 3.9.1-3.10.27), 35 (Ruf. HE 10.16-18 ; Vita Athanasii BHG 185.230d-234a33) et 38 (Ruf. HE 10.20-24 ; BHG 185.244c-246c) de Winkelmann ne se basentpas sur Gélase de Césarée, mais sur la chronique de Jérôme (fr. 21 : a. 332, 334 et 335 ;fr. 35 : a. 340 et 341 ; fr. 38 : a. 34834 et a. 355). Aussi le fragment 39 de Winkelmann(Ruf. HE 10.29-30 = Ruf. Gr. F5) est compromis : il est plus probable que Rufin se basesur le Tomus ad Antiochenos d’Athanase, comme il dit lui-même.

    Cette détermination de quelques sources de Rufin dans des passages où Winkelmannvoyait du Gélase, a de graves répercussions sur sa théorie : puisque ces passages de Rufinsont sans aucun doute une composition originale, les parallèles en grec qu’on retrouvechez Gélase de Cyzique et dans la Vita Athanasii BHG 185, sont nécessairement dus àune traduction après la publication de l’Histoire ecclésiastique de Rufin et ne peuventdonc pas provenir de Gélase de Césarée.

    2.3.2 Les sources de SocrateDans le sillage de Winkelmann, G.C. Hansen considère Gélase de Césarée comme unesource importante de Socrate. Dans l’apparat de son édition, il a indiqué de nombreux

    passages où Socrate dépendrait de Gélase. Pourtant cette idée doit être abandonnée.Il est impossible de passer en revue tous les passages de Socrate où G.C. Hansensuppose un usage de Gélase de Césarée. Nous nous limitons à deux exemples instructifs :le début de l’histoire ecclésiastique de Socrate et le passage sur la mort d’Athanase.

    31  Y.-M. Duval, Sur quelques sources latines de l’histoire de l’Eglise de Rufin d’Aquilée,Cassiodorus 3 (1997) 131-151. Voir aussi S. Ratti, Jérôme et Nicomaque Flavien : sur les sources dela Chronique pour les années 357-364, Historia 46 (1997), 479-508.

    32 Sur ces sources orales voir aussi Rochelle Snee, Valens’ Recall of the Nicene Exiles and Anti-Arian Propaganda, GRBS 26 (1985) 395-419, spéc. 403-405 ; R.M. Errington, Church and State inthe First Years of Theodosius I, Chiron 27 (1997) 21-72, 27.

    33 Ruf. HE 10.18 dépend aussi de l’Apologia secunda d’Athanase (78.7), cf. A. Martin, Athanased’Alexandrie et l’Église d’Égypte au IVe siècle (328-373) (Collection de l’école française de Rome216), (Rome 1996) 48.

    34 Ce parallèle ne fut pas remarqué par Duval.

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    Le début de l’histoire ecclésiastique de Socrate, où il reprend rapidement lesévénements entre l’avènement de Constantin I et sa victoire sur Licinius (HE 1.1-1.4),se fonderait sur Gélase de Césarée, notamment sur les fragments 6 (= Gel. Caes. F7), 7

    (= Ruf. Gr. F3), 8 (Gel. Cyz. HE 1.12 ; BHG 1279.291a), 9 (Gel. Cyz. HE 2.1.1 ; BHG1279.291a) et 10 (Gel. Cyz. HE 2.1.12-2.5.8 ; BHG 1279.291a-299a) de Winkelmann, etsur les passages de Gélase de Césarée conservés dans les extraits de l’épitomé des Histoiresecclésiastiques (Gel. Caes. F3a, F6, F8a). Dans l’appendice 3 nous donnons un aperçu dessources de Socrate pour ces quatre paragraphes, qui se limitent à cinq sources dont noussavons qu’il les a utilisées aussi ailleurs dans son ouvrage, le bréviaire d’Eutrope, uneversion des consularia constantinopolitana, la Vita Constantini, l’histoire ecclésiastiqueet la chronique d’Eusèbe. Gélase n’est pas nécessaire comme hypothèse.

    Sur un endroit précis, où Gélase de Césarée reprend une erreur de Socrate, on est àmême de constater que Gélase de Césarée a copié Socrate. En HE 1.4.4 Socrate décrit la

    mort de Licinius. Selon lui, la suite des événements se déroula comme suit. Après plusieursbatailles Licinius est vaincu à Chrysopolis et relégué à Thessalonique. Puis il tente dereprendre le pouvoir en rassemblant des barbares autour de lui. Constantin décide alors dele tuer, ce qui fut fait. Cette version est due à une mécompréhension des récits d’Eusèbeet Eutrope. Selon Eutrope, Licinius fut vaincu après « plusieurs batailles », dont il nenomme que celle de Chrysopolis, ensuite exilé à Thessalonique, et finalement assassinépar Constantin35. Eutrope ne sait rien d’une tentative d’insurrection. Eusèbe de sa partdécrit dans sa Vita Constantini une première bataille, qui est celle d’Hadrianoupolis, etensuite il décrit les préparations de Licinius pour une deuxième, celle de Chrysopolis. Ildit notamment que Licinius rassemble des barbares autour de lui pendant ces préparations.Après la bataille de Chrysopolis Licinius est aussitôt exécuté. Eusèbe ignore un exil àThessalonique36.

    Socrate a voulu réunir les données de ses deux sources, mais il s’est trompé à cause desindications vagues de temps et de place que donne Eusèbe en tant que panégyriste. En effet,Socrate a constaté qu’Eutrope parle d’une seule bataille et qu’Eusèbe en connaît deux.Il a alors identifié la première bataille d’Eutrope (Chrysopolis) à la première d’Eusèbe(Hadrianoupolis). Ensuite il situe l’exil à Thessalonique (cette donnée provient d’Eutrope).Puisqu’Eusèbe situe la deuxième bataille d’Eusèbe (Chrysopolis) peu avant l’exécution deLicinius, Socrate l’a située après l’exil. Il a alors interprété cette deuxième bataille comme

    une insurrection de Licinius : le tyran voulait anamachesthai sa défaite. Dans ce but ilrassemblait des barbares autour de lui selon Socrate: c’est bien une des accusations quelance Eusèbe à l’adresse de Licinius en parlant des préparatoires de la deuxième bataille.Socrate a donc mal compris le récit d’Eusèbe et il a inventé une insurrection de Licinius.C’est le genre d’erreur qui se produit en essayant de combiner différents récits. Pour notrediscussion, il importe de voir que Gélase de Césarée a copié cette version de Socrate (F8= Ruf. Gr. F3) et qu’on la retrouve aussi dans d’autres textes dépendant de lui37.

    Le deuxième exemple a trait au fragment 41 de Winkelmann, qui raconte la mortd’Athanase d’Alexandrie. La version originale de Gélase de Césarée se trouverait dansBHG 185 244c-246c. Socrate l’aurait eu copiée38. De nouveau nous pouvons désigner la

    35 10.6. Cf. Zos. 2.26-28.36 VC 2.15, 2.18-21.37 P. ex. la Vita Constantini BHG 365 (cf. J. Bidez – F.Winkelmann, Philostorgius Kirchengeschichte

    [Berlin 19722], 180 l.25-28).

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    source de Socrate : c’est un passage de Rufin (HE 11.3). Qui plus est, Socrate commetune erreur qui est reprise par Gélase de Césarée : il situe la mort d’Athanase en 371 aulieu de 373. L’erreur est facilement expliquée : Socrate a trouvé chez Rufin que l’évêque

    occupait le siège d’Alexandrie pendant 46 ans. Notre historien situe la mort d’Alexandre,le prédécesseur d’Athanase peu après le concile de Nicée (HE 1.15.1). 46 ans après 325donne en effet 371. Gélase, évêque de Césarée à l’époque, aurait-il pu oublier l’an qu’ilavait envoyé une lettre de communion au successeur d’Athanase, Pierre ? Gélase deCésarée ne fut donc pas la source de Socrate.

    Cette analyse de deux passages suffit pour nier le bien-fondé de l’idée que Socratea utilisé Gélase de Césarée. Ce constat est confirmé par un autre fait. Socrate ditexpressément qu’il se base sur Rufin (HE 2.1), qui n’utilisait pas Gélase de Césarée.Dans les indices de l’édition de G.C. Hansen il est facile à voir qu’il suit en effet la tramede Rufin39. L’historien procède comme il le dit, et nous n’avons plus aucune raison pour

    douter de son honnêteté.La preuve de l’originalité de Socrate (ne fût-ce qu’en combinant mal ses sources)

    implique qu’à la fois le Rufin Grec et Gélase de Césarée sont à situer après la publicationde son histoire, probablement en 43940 : ils se basent tous les deux sur son ouvrage (Ruf.Gr. F2, F3, F4 ; Gel. Caes. F7, F8). L’historien original de Winkelmann est devenu unfaussaire.

    Une fois réfutée la théorie Winkelmann nous sommes à même de mieux saissir lescontradictions et problèmes auxquels elle menait. Si l’histoire ecclésiastique de Rufin sebasait sur l’ouvrage de Gélase, on comprend mal pourquoi il s’exprime si négativementsur Cyrille de Jérusalem, l’oncle et mandant de Gélase (HE 10.25). On faisait aussigrand cas du fait que Gélase aurait été le premier à coucher sur papier l’histoire de latrouvaille de la vraie croix. Il l’aurait fait pour conforter l’ascendance de la positiondu siège de Jérusalem, occupé par son oncle, sur celui de Césarée. Pourtant, dans lathéorie Winkelmann, Gélase a écrit après la mort de Cyrille, donc sous l’épiscopat deJean de Jérusalem. Il est difficile à comprendre pourquoi Gélase aurait voulu dévaluerson propre siège au profit de quelqu’un auquel il n’était point lié. Il faut aussi signalerque l’hypothèse selon laquelle Rufin et Socrate, et selon d’autres aussi Sozomène etThéodoret, auraient délibérément escamoté l’usage de Gélase de Césarée, reste curieuse :nous pouvons accepter qu’un seul historien avait intérêt à mentir sur ses sources, mais

    que toute une génération se serait obstinée dans le silence, est difficile à défendre. Cesproblèmes disparaissent à présent : Gélase de Césarée est à situer dans la deuxièmemoitié du cinquième siècle.

    3. Gélase de Césarée, le compilateur du Rufin grec

    La dépendance de Gélase de Césarée et du Rufin grec de Rufin et Socrate les situeclairement après 439. Puisque les premiers témoignages sur leur existence proviennent

    38 Ni Winkelmann ni Hansen ne disent expressément que Socrate dépend à cet endroit de Gélasede Césarée. Puisque le passage de BHG 185 est identique à Socr. HE 4.20.1-2, ils auraient dûl’indiquer.

    39 Sokrates (n. 4) 409-410.40 Wallraff, Sokrates (n. 4) 210-212.

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    du Syntagme de Gélase de Cyzique, qu’il faut dater de l’époque de l’insurrection deBasiliscus contre Zénon, donc vers 47541, nous disposons d’une datation approximativede leurs ouvrages. Cette datation est confirmée indirectement. Jérôme, l’observateur de

    la vie intellectuelle de Palestine, ignorait l’existence d’une histoire ecclésiastique dela main de Gélase de Césarée, tout en connaissant d’autres ouvrages42. Le patriarchePhotius, pour sa part, jugeait impossible, sur la base du style, que l’auteur du Contre lesAnoméens, c.-à-d. le Gélase historique, soit aussi l’auteur de l’Histoire ecclésiastiquede Gélase de Césarée (Gel. Caes. T5). Le Gélase de Césarée historique ne fut donc pasl’auteur de l’histoire qui porte son nom.

    Une autre confirmation est fournie par les travaux de F. Winkelmann. Ses comparaisonsminutieuses montrent en effet qu’il existait de grands parallèles entre Rufin et Socrate d’unepart et les textes postérieurs d’autre part43. Winkelmann ne semble pas avoir vu qu’ils sontaussi bien expliqués par l’hypothèse d’une source intermédiaire entre ces deux groupes

    de textes que par l’hypothèse d’une source commune. Les ouvrages pseudépigraphes deGélase de Césarée et du Rufin grec étaient cette source intermédiaire.

    Il nous faut maintenant essayer de déterminer la relation entre ces deux ouvrages. Destémoins sur le Rufin grec il ressort que ce fut un ouvrage en grec portant le titre d’« histoireecclésiastique », sur le nom du « presbytre Rufin » (T3, T5, T7, T8). Il débutait avec lerègne de Constance I (F1, T7) ; le dernier fragment a trait au concile d’Alexandrie en362 (F5). Puisque les parallèles de Georgius Monachus avec l’histoire ecclésiastique deRufin vont jusqu’à la fin de l’ouvrage de ce dernier, c.-à-d. jusqu’à la mort de ThéodoseI, le Rufin grec allait sans doute jusqu’en 39544. Il comprenait des passages traduits deRufin (F5) et d’autres copiés de Socrate (F2, F3, F4) et d’Eusèbe de Césarée (F1). LeRufin grec fut donc une compilation sur la base d’une traduction de Rufin : il suivait latrame de Rufin, en y ajoutant un récit sur la période 305-325 et en insérant des passagestirés de Socrate.

    L’histoire ecclésiastique de Gélase de Césarée commençait avec la persécutiondioclétienne et le règne de Constance I (F2, F3) ; les fragments vont jusqu’à la mort deLicinius (F8). Elle contenait du matériau original (F2, F3, F4), des citations d’Eusèbe (F5)et de Socrate (F7, F8). L’histoire de Gélase a donc aussi le caractère d’une compilation.Des considérations d’honnêteté ne le gênaient pas: il cite un passage d’Eusèbe où cedernier dit qu’il a vu de ses propres yeux Constantin (F5), comme s’il avait vu l’empereur

    passer. 45

     Dans un passage que Winkelmann attribue aussi à Gélase (BHG 1279.323a),il fait de même : il copie la remarque de Socrate qui dit écrire ce qu’il a entendu (HE1.38.4). Gélase de Césarée semble aussi mal renseigné : il prétend continuer l’histoireecclésiastique d’Eusèbe (T5). Pourtant, en commençant avec le règne de Constance I, il

    41 G. Loeschke, Gelasius Kirchengeschichte (GCS 28) (Leipzig 1915) xxviii.42 De vir. ill. 130.43 Untersuchungen (n. 3).44 Le dernier parallèle est Georgius Monachus 592.8-19 = Ruf. HE 11.34.45 Winkelmann, Character (n. 3), 349 semble penser que Gélase de Césarée avait vu de ses propres

    yeux passer le jeune Constantin avec Dioclétien en route pour Alexandrie (297/8) [« Der Verfassersah ihn beim Durchzug durch Palästina. »]. C’est logiquement impossible : quelqu’un qui meurt toutà la fin d’un siècle ne peut pas avoir vu quelqu’un passer à la fin du siècle précédent. Qui plus est,Winkelmann n’a pas vu qu’il s’agit d’une citation d’Eusèbe (VC 1.19). Eusèbe de sa part peut avoirvu Constantin passer.

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    reprend le travail exécuté par Eusèbe dans les livres VIII-X de son histoire. L’hypothèsesuivante peut expliquer cette contradiction. « Gélase de Césarée » avait lu Rufin, Socrateet la Vita Constantini d’Eusèbe, mais il n’avait pas lu l’histoire ecclésiastique d’Eusèbe,

    dont il ne reste aucune trace dans les fragments. Pour le début de son ouvrage il s’inspirede Socrate. Ce dernier commençait en effet avec la mort de Constance Chlore. Il croyaitpeut-être que l’histoire d’Eusèbe se terminait où Socrate commençait. Il ne s’était pasrendu compte que Socrate reprenait les données principales pour l’histoire entre 305 et324. Quoi qu’il en soit de cette hypothèse, Gélase de Césarée n’était point un historienoriginal mais un compilateur qui usurpait le nom d’un évêque mort depuis plus qu’undemi-siècle pour faire circuler ses écrits.

    Le Rufin grec et l’histoire de Gélase de Césarée ont donc le début de leur histoire etleurs sources en commun. La relation est encore plus serrée. Dès sa première attestationdans Gélase de Cyzique le Rufin grec est identifié à Gélase (Ruf. Gr. T2 = Gel. Caes. T1,

    cf. aussi Ruf. Gr. T6 = Gel. Caes. T7). Trois fragments de Gélase de Césarée et du Rufingrec sont identiques (Ruf. Gr. F1 = Gel. Caes. F6 ; Ruf. Gr. F2 = Gel. Caes. F7 ; Ruf.Gr. F3 = Gel. Caes. F8). Au moins trois des témoins pour l’un le sont aussi pour l’autre :Gélase de Cyzique, Georgius Monachus, Vita Metrophanis et Alexandri (BHG 1279).

    Ce lien serré ne nous laisse que deux possibilités d’explication : soit le compilateurdu Rufin grec a utilisé l’histoire de Gélase, soit ce dernier fut le compilateur du Rufingrec. Selon la première hypothèse Gélase de Césarée écrivit au milieu du cinquièmesiècle une histoire ecclésiastique du règne de Constance I et de celui de Constantin I,

     jusqu’à la défaite de Licinius en 324. Cette histoire fut aussitôt incorporée dans la grandecompilation du Rufin grec et fournissait les données pour la période 305-324 sur laquelleRufin n’avait rien écrit. Cette hypothèse expliquerait la concentration de fragments deGélase de Césarée pour la période 305-324 (avec quelques digressions sur la jeunessede Constantin) et le lien manifeste entre le Rufin grec et Gélase de Césarée. Elle n’estpourtant pas sans problème. La question se pose alors comment il est possible que lenom Gélase soit associé à celui de Rufin. Le Rufin grec n’indique jamais l’origine despassages qu’il a pris p.ex. chez Socrate. Il n’y a aucune raison pour laquelle il l’aurait faitavec Gélase. Cette hypothèse se heurte aussi au témoignage de Photius (Ruf. Gr. T4) :le patriarche a constaté que l’histoire ecclésiastique de Gélase est une simple traductionde Rufin. Bien qu’il ressort des fragments que Photius n’a pas tout-à-fait raison, son

    témoignage indique plutôt que Gélase de Césarée a composé le Rufin grec.C’est bien la seconde hypothèse : l’identification de Gélase de Césarée avec lecompilateur du Rufin grec. Que deux noms soient associés au même ouvrage est alorsaisément expliqué. Rufin écrivait en latin et la compilation en grec qui circulait sous sonnom passait pour le produit d’un latinophone (cf. Ruf. Gr. T4, T5) : l’auteur Rufin estidentifiée comme un presbytre de Rome (Ruf. Gr. T1). Gélase de Césarée peut s’êtreprésenté comme traducteur et compléteur de son ouvrage. L’ouvrage peut donc avoirporté deux noms d’auteur ; quelques manuscrits ou lecteurs ont gardé cette doubledénomination, alors que d’autres ont préféré l’une à l’autre. Qu’on trouve de nombreuxfragments de Gélase pour la période 305-324 et aucun pour la période ultérieure s’explique

    par le fait que c’était pour cette période que Gélase de Césarée devait être le plus original,puisque Rufin ne disait rien sur cette période et que Socrate se contentait d’un résumé.Gélase de Césarée ajoutait à sa compilation une grosse introduction couvrant la périodeque Rufin avait omise. La confusion entre Gélase et Rufin est alors apparentée à cellequ’on trouve souvent à propos des compilations qui portaient plusieurs noms : parfoison référait à la continuation de l’Histoire ecclésiastique de Rufin comme l’ouvrage du

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    historiograffus (...) Eusebius.46 L’Historia tripartita de Cassiodore est une fois appeléehistoria Sozomeni.47 De même, l’épitomé byzantin des Histoires ecclésiastiques, porteparfois le nom de Socrate, bien qu’il s’agisse d’un résumé des ouvrages de plusieurs

    historiens48

    .L’idée que Gélase de Césarée est l’auteur de la compilation appelée « Rufin grec » etqu’il n’a pas écrit un ouvrage indépendant, trouve du soutien dans le constat qu’il circulaità l’époque de Photius un manuscrit du Syntagme de Gélase de Cyzique sous le nom deGélase de Césarée (Gel. Caes. T4). Puisqu’on sait que Gélase de Cyzique a largementutilisé le Rufin grec, cette confusion entre le syntagme et Gélase de Césarée suggèreque la compilation qui portait le nom de Gélase de Césarée ressemblait fortement auSyntagme, c.-à-d. qu’elle fut aussi une compilation contenant des passages de Socrate,Rufin et d’Eusèbe. Cette confusion entre deux ouvrages serait hautement improbable sice n’était pas le cas49.

    Ce procédé, un auteur remaniant ou pillant l’ouvrage d’un autre, s’insère bien dansl’ambiance littéraire de la deuxième moitié du cinquième siècle. À cette époque descompilateurs et des éditeurs aparaissent en nombre. Lisons la préface à la Vita Hypatiide Callinicus, où l’auteur dit avoir trouvé quelque part le manuscrit de cette vie, et qu’ila bien voulu y ajouter et changer des choses (Call. V.Hyp.Déd. 6-7).50 Héraclidas deNyssa en est un autre exemple, si l’on suit l’hypothèse de Honigmann qui voit en luil’éditeur d’une des versions de l’historia lausiaca de Palladius51. Le Syntagme de Gélasede Cyzique n’est pas autre chose qu’une compilation d’Eusèbe, Socrate, Théodoret, leRufin grec avec quelques données originales. Le siècle suivant les historiae tripartitaede Théodore Lecteur et Cassiodore verront le jour. L’originalité de Gélase de Césarée

    serait alors de s’être approprié le nom d’un évêque du siècle précédent pour faire circulersa compilation.

    Pourquoi a-t-il choisi le nom de Gélase de Césarée ? L’auteur voulait donner unegrande autorité à son ouvrage : il pille Socrate mais se veut plus ancien et original quecelui-là. Il fait donc de sa source principale, Rufin, un presbytre de Rome et il se chercheun nom d’une antiquité et d’une orthodoxie vénérable52. En faisant cela, le compilateurdu Rufin grec se pose comme premier successeur d’Eusèbe (cf. Gel. Caes. F1). Quelnom irait mieux à un tel projet que Gélase de Césarée, qui fut le premier successeur

    46 Greg.Tur. Hist. Franc. 9.15.47 Greg. Magn. Reg. Epist. 8.31. Voir F. Beatrice, De Rufin à Cassiodore. La réception des Histoires

    ecclésiastiques grecques dans l’Occident latin, in: B. Pouderon – Y.-M. Duval, L’historiographie del’église des premiers siècles (Théologie historique 114) ( Paris 2001) 237-257. Cf. Greg. Magn. Ep.7.34

    48 G.C. Hansen, Theodoros Anagnostes (GCS 54) (Berlin 1972), p. xxix.49 Un indice supplémentaire de la thèse d’une forte dépendance entre Gélase de Cyzique et le Rufin

    grec-Gélase de Césarée est la référence que fait le premier à son autre syngramma qui traiterait de lanaissance de Constantin et le règne de son père (1.pr.26). Ces faits sont aussi racontés par Gélase deCésarée (F2-5), sauf la naissance de Constantin.

    50 Voir aussi la vie de Porphyre par Marc le diacre, qui a également été remaniée : H. Grégoire – M.-A.Kugener, Marc le diacre. Vie de Poprhyre, évêque de Gaza (Paris 1931) lxxi-lxxiv ; la vie d’Épiphanede Salamis par Polybios (PG 41.73-114, spéc. 73-75).

    51 E. Honigmann, Heracleidas of Nyssa (About 440 A.D.), in: Id., Patristic Studies (Studi e testi173) (Le Vatican 1953) 104-122.

    52 Cf. Gélase de Cyzique qui prétend avoir trouvé un liasse de vieux papiers (1.pr.21).

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    d’Eusèbe considéré comme orthodoxe sur le siège de Césarée, après l’interlude d’Acace.Qui pouvait mieux emboîter le pas d’Eusèbe dans l’esprit de notre compilateur que lapersonne qui occupait son siège ?

    4. Conclusion

    Nous avons conscience que notre théorie ne fera que rouvrir le débat sur Gélase de Césarée.Pourtant les acquis de cette étude sont clairs : il faut désormais situer Gélase de Césaréeet le Rufin grec entre 439 et 475. Le Gélase de Césarée historique n’a donc jamais écritd’histoire ecclésiastique. Le lien entre ces deux compilations est tellement serré que le plusprobable est d’identifier désormais le « pseudo-Gélase de Césarée » avec le compilateurdu Rufin grec. Cette interprétation rend à Rufin et Socrate leur originalité trop souventmise en doute. Elle nous permet aussi de mettre en évidence la naissance, pendant ladeuxième moitié du cinquième siècle, d’une tradition de compilation et d’édition, oùl’antiquité vénérable des écrits prend le pas sur l’originalité.53

    Appendice 1 : un inventaire des fragments du Rufin grec

    Nous rassemblons ici les témoignages explicites sur une Histoire ecclésiastique grecque de Rufin,appelée « Rufin grec », et les fragments qui en existent. Nous nous limitons aux fragments quisont expressément attribués au Rufin grec, en omettant les fragments anonymes qui sont clairementtraduits de l’histoire ecclésiastique latine, comme ceux qui se trouvent par exemple dans la chroniquede Georgius Monachus. Nous donnons un résumé ou une traduction du fragment, et nous indiquonsles sources et parallèles éventuelles. Dans la présentation nous adoptons le système utilisé dans lacontinuation des Fragmenten der griechischen Historiker  de F. Jacoby.

    RoyfÝnoy presbytÛroy ‰kklhsiastikã ÓstorÝa T (témoins)

    1

     (Gel. Cyz. HE 1.pr.22)Gélase de Cyzique dit avoir utilisé les ouvrages d’Eusèbe de Césarée et de Rufin, un presbytre romainqui participait au concile de Nicée.

    Gélase renvoie encore deux fois à Rufin, quand il introduit une citation (voir Ruf. Gr. F1 et F3)

    2a (Gel. Cyz. HE 1.8.1-2)Introduisant Ruf. Gr. F2 Gélase de Cyzique écrit : « Rufin ou bien Gélase dit ».

    2b (Phot. Cod. 88, 67a l. 23)= Gel. Caes. T1

    3a (Actes de Nicée II [787], Mansi 12.1042a)Une citation grecque (= Ruf. Gr. F3) provenant « De l’histoire ecclésiastique de Rufin ».

    53 Je tiens à remercier P. Malvaux pour la correction du texte français, et le Prof. P. Maraval (Paris)pour avoir encouragé la publication de cet article. La responsabilité pour les opinions exprimées etles erreurs éventuelles revient évidemment à moi seul.

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    P. Van Nuffelen, Gélase de Césarée 635

    3b (Actes de Nicée II [787], Mansi 12.1034d-1035a)Une citation grecque (= Ruf. Gr. F4) provenant « De l’histoire ecclésiastique de Rufin ».

    4 (Phot. Cod. 89, 67a l. 36-39)

    « Pour nous [Photius], nous avons trouvé par d’autres lectures, que Cyrille lui-même et le Gélasedont il est question ont traduit en grec l’histoire du Latin Rufin, mais n’ont pas composé eux-mêmesd’histoire. » (trad. Henry, avec quelques modifications).

    5 (Scholion ad Socr. 1.12.8, dans le manuscrit Plut. 70,7, Bibliotheca Medicea Laurenziana, Florence,fol. 209r, cf. G.C. Hansen, Germanos, der findige Leser, BZ 84 [1991] 24-25)Dans ce manuscrit du dixième siècle un lecteur de Socrate a noté dans la marge qu’il venait de consultertãn RoyfÝnhoy bÝblon (...) ‰n  ^Ellhnikã lÛjei  (le livre de Rufin en langue grecque) dans unelibrairie de Tonzos (sur la rivière Tundža).

    Il est intéressant de noter qu’un peu plus loin (fol. 243v, ad Socr. HE 2.21.23) il cite en grec unephrase d’Origène qu’on connaissait uniquement dans la traduction de Rufin (W.A. Baehrens,

    Origines Werke VIII [GCS 33] [Leipzig 1925] 61).6a (Ignace de Selybria, Vita Constantini BHG 362 [15ième siècle] ; T. Joannou,MnhmeÁa °giologikÀ (Vénise 1884) 214)Selon l’auteur, il existe des lettres de Constantin aux Grecs et Romains, qu’on peut retrouver dansles livres de Gélase le Rufin (GelÀsiÞw te Ã ^Royfƒnow), Théodoret de Cyr, Socrate le Byzantin etEusèbe le Palestinien.

    6b (Vita Constantini BHG 369, cf. Winkelmann, Untersuchungen [note 3] 13)= Gel. Caes. T7

    7 (Cod. Vindob. Hist. gr. 98 [16ième siècle], R. Förster [ed.], De antiquitatibus et libris manuscriptisConstantinopolitanis commentatio [Gratulationsschrift der Universität Rostock zur 400-Jahrfeier derUniversität Tübingen] (Rostock 1877) 22b par. 11 ; Winkelmann, Untersuchungen [note 3] 15-16)L’ inventaire des manuscrits à la bibliothèque patriarcale de Constantinople écrit: ^RoyfÝnoy presbytÛroy tƒw megÀlhw ‰kklhsÝaw ÓstorÝa ‰kklhsiastikã kaä  ˆrxÝzei  ˆpå tƒw basileÝaw Kqnstantow to† Xlvro†. (« Histoire ecclésiastique de Rufin, presbytre de la grande église, quidébute avec le règne de Constance Chlore »)

    8 (Ibidem, 29a ; Winkelmann, Untersuchungen [note 3] 16-17)Dans le même codex se trouve un inventaire de la bibliothèque de Raidestus (aujourd’hui Tekirdagi)qui rapporte une « histoire ecclésiastique de Rufin le presbytre », sans en dire plus.

    F (fragments)

    1a (Gel. Cyz. HE 1.2.1-3)Les empereurs en fonction après la mort de Constance I : Constantin I, Maximinus, Maxentius.

    1b (Vita Metrophanis et Alexandri BHG 1279.289a)Ce fragment inclut un renvoi à Eusèbe (VC 1.2.3).Il est pratiquement identique à Gel. Caes. F6.

    2a (Gel. Cyz. HE 1.8.1-2)Les mesures de Constantin en faveur des chrétiens après sa victoire en 312.

    2b (Vita Metrophanis et Alexandri BHG 1279.290b)Hormis quelques ajouts, ce passage est identique à Socrate HE 1.2.= Gel. Caes. F7a

    3a (Gel. Cyz. HE 1.11.17-18, 1.12.1-4)Licinius commence une persécution des chrétiens. Constantin prend sur lui leur défense et infligeune défaite à Licinius.

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    3b (Vita Metrophanis et Alexandri BHG 1279.290b-291a)

    3c (Extraits de l’épitomé des histoires ecclésiastiques, 6, p. 159.9-14 [ed. G.C.Hansen, GCS 3])Ce passage est pratiquement identique à Socrate (HE 1.3).

    = Gel. Caes. F8a4a (Actes de Nicée II [787], Mansi 12.1042a ; Winkelmann, Untersuchungen [note 3] 15)L’héresiarque Macédonius cause des troubles dans l’église; l’installation de Cyrille sur le trône deJérusalem.

    4b (Vita Athanasii BHG 185.238b)Ce fragment est composé de deux passages de Socrate (HE 2.27.7, 2.38.2).

    5 (Actes de Nicée II [787], Mansi 12.1034d-1035a ; Winkelmann, Untersuchungen [note 3] 14-15)Le concile d’Alexandrie en 362.

    Il s’agit d’une traduction de Ruf. HE 10.29-30.

    Appendice 2 : un inventaire des fragments de l’histoire ecclésiastiquede Gélase de Césarée.

    GelasÝoy ‰piskÞpoy KaisareÝaw PalaistÝnhw tá metá tãn ‰kklhsiastikãn ÓstorÝan E‡sebÝoy to† PamfÝloy

    (ou ‰kklhsiastikã ÓstorÝa)

    T1a (Gel. Cyz. HE 1.8.1-2)Gélase de Cyzique écrit : « Rufin ou bien Gélase dit ».

    1b (Phot. Cod. 88, 67a l. 23)= Ruf. Gr. T2

    2 (Theoph. Chron. AM 5796 p.15.12-24 [Bonn])Theophane introduit une citation (Gel. Caes. F4b) de l’ouvrage de Gélase : « Gélase, l’évêque deCésarée dit ».

    2a (Vita Constantini BHG 364 : M. Guidi, Un Bios di Constantino, in Rendiconti della Reale Acca-

    demia dei Lincei, Ser. 5, 16 [Rome 1907] 320.1-3)2b (Nic. Xanth. HE 8.20, PG 145.1248c)

    Xanthopoulos en fait l’évêque de Césarée en Cappadoce.

    3 (Phot. Cod. 89, 67a l. 28-35)« L’autre ouvrage a le titre que voici : Préface de l’évêque de Césarée en Palestine à la continuationde l’histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Pamphile. Il commence en ces termes : ‘ Les autres qui sesont attachés à écrire et qui ont voulu livrer au souvenir le récit des événements, etc.’ Il déclare êtrepar sa mère le neveu de Cyrille, évêque de Jérusalem, et avoir été poussé par lui à écrire le présentouvrage. » (trad. Henry).

      = Gel. Caes. F14 (Phot. Cod. 88.67a l. 1-4)L’ouvrage anonyme avec le titre tá katá tãn ‰n NikaÝ — sànodon praxuÛnta (qui est l’ouvrage quenous connaissons comme le Syntagme de Gélase de Cyzique), circulait aussi sous le titre « Histoireecclésiastique de Gélase de Césarée ».

    5 (Phot. Cod. 89, 67a l. 36-39)

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    P. Van Nuffelen, Gélase de Césarée 637

    « Pour nous [Photius], nous avons trouvé par d’autres lectures, que Cyrille lui-même et le Gélasedont il est question ont traduit en grec l’histoire du Latin Rufin, mais n’ont pas composé eux-mêmesd’histoire. » (trad. Henry, avec quelques modifications).

    = Ruf. Gr. T4

    6 (Extraits de l’épitomé des histoires ecclésiastiques, 1, p. 158.1-4 [ed. G.C.Hansen, GCS 3])« Cyrille, l’évêque de Jérusalem, était l’oncle maternel de Gélase de Césarée, et c’est lui, en mourant,qui obligea par écrit Gélase à entreprendre de raconter les événements postérieurs à Eusèbe et ceuxqu’Eusèbe n’avait pas écrits. » (Trad. P. Nautin, La continuation [note 6], 176.)

    7 (Ignace de Selybria, Vita Constantini BHG 362 : T. Joannou,MnhmeÁa °giologikÀ, [Vénise 1884]166)L’hagiographe écrit que Gélase, l’évêque de Césarée en Cappadoce, était très connu à l’époque deConstance I ( !) et qu’il a écrit une histoire ecclésiastique.

    L’hagiographe renvoie encore deux fois à Gélase en introduisant une citation (Gel. Caes. F4b etF5c).

    8a (Ignace de Selybria, Vita Constantini BHG 362 ; T. Joannou, MnhmeÁa °giologikÀ, [Vénise1884] 214)Il existe des lettres de Constantin, qu’on peut retrouver dans les livres de Gélase le Rufin (GelÀsiÞw te Ã ^RoyfÁnow), Théodoret de Cyr, Socrate le Byzantin et Eusèbe le Palestinien.

    8b (Vita Constantini BHG 369, cf. Winkelmann, Untersuchungen [note 3] 13)= Ruf. Gr. T6a

    F

    1 (Phot. Cod. 89, 67a l. 28-35)« Les autres qui se sont attachés à écrire et qui ont voulu livrer au souvenir le récit des événements,etc. » (trad. Henry)

    2a (Extraits de l’épitomé des histoires ecclésiastiques, 3, p. 158.9-14 [ed. G.C.Hansen, GCS 3])Théotecnus reçoit un oracle appelant à la persécution des chrétiens et il le rapporte à Maximien.

    2b (Theoph. Chron. AM 5794, p. 12.14-13.2 [Bonn])

    3a (Extraits de l’épitomé des Histoires ecclésiastiques, 2, p. 158.4-8 [ed. G.C.Hansen, GCS 3])Dioclétien et Maximien abdiquent et sont remplacés par Constance I et Galérius. Ils tentent de reprendrele pouvoir après leur retrait et sont tués par le sénat.

    3b (Theoph. Chron. AM 5796 p. 11.17-19 [Bonn])3c (Georg. Mon. Chron. p. 481.18-482.5 [de Boor])

    4a (BHG 1279.288b15-289a10)Le règne de Constance I, qui était chrétien.

    4b (Ignace de Selybria, Vita Constantini BHG 362 : T. Joannou, MnhmeÁa °giologikÀ, [Vénise1884] 166-167)

    5a  (Extraits de l’épitomé des histoires ecclésiastiques, 4, p. 158.15-159.2 [ed. G.C.Hansen,GCS 3])Constantin accompagne Dioclétien à Alexandrie. L’empereur est jaloux du jeune homme et veut le

    tuer. Dieu sauve Constantin et celui-ci s’enfuit chez son père. Constance I proclame alors son filsempereur et meurt ensuite.

    5b (Vita Metrophanis et Alexandri BHG 1279.287b-288b)Ce fragment comprend seulement la visite en Égypte.

    5c (Ignace de Selybria, Vita Constantini BHG 362 : T. Joannou, MnhmeÁa °giologikÀ, [Vénise1884] 171-172)

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    Constance proclame son fils empereur. Son discours devant les soldats.Une source est Eusèbe (VC 1.19).

    6 (Extraits de l’épitomé des histoires ecclésiastiques, 5, p. 159.3-8 [ed. G.C. Hansen, GCS 3])

    La division de l’empire après la mort de Constance I : Constantin, Maxentius, Licinius, Maximianus[il faut lire Maximinus]. Le mariage entre Constantia, la soeur de Constantin I, et Licinius.Ce fragment inclut un renvoi à Eusèbe (VC 1.2.3).Il est pratiquement identique à Ruf. Gr. F1 sauf que celui-là omet Licinius.

    7a (Gel. Cyz. HE 1.8.1-2)Les mesures de Constantin en faveur des chrétiens après sa victoire en 312.

    7b (Vita Metrophanis et Alexandri BHG 1279.290b)Hormis quelques ajouts, ce passage est identique à Socrate (HE 1.2).= Ruf. Gr. F2

    8a (Extraits de l’épitomé des histoires ecclésiastiques, 6, p. 159.9-14 [ed. G.C.Hansen, GCS 3])Persécution de Licinius, sa défaite à Chrysopolis, sa tentative d’insurrection contre Constantin etson exécution.

    8b (Theoph. AM 5815, p. 28.1-11 [Bonn])Ce passage est pratiquement identique à Socrate (HE 1.3).= Ruf. Gr. F3

    Appendice 3 : Les sources de Socr. HE 1.1-1.4

    Nous présentons une analyse des sources de Socrate, HE 1.1-1.4, qui ne laisse pas deplace à un usage éventuel de Gélase de Césarée. La détermination des sources se fondesur des parallèles dans l’expression, que nous indiquons entre parenthèses où que ce soitnécessaire. Nous jugeons inutile de copier des passages entiers : chacun peut contrôlerpour soi les sources indiquées.

    Socr. HE 1.2.1 < Eutr. 9.27.1-2, Eus. HE 8.13.11; Eutr. 10.2.1-4; Eus. Chron. a. 304-305 [ed. Burgess]; Cons. Const. a. 306; Eutr. 10.2.3, 10.3.1, 10.4.4, 10.2.4, 10.4.1.54 Il est important de noter que Socrate dit tån  Œdivtikån ‰paneÝlanto bÝon. C’est bienl’expression utilisée par Eusèbe et plus tard par Gélase de Cyzique (1.1.1 : tån Œdivtikån 

    ˆpeilhfÞtvn a‡t¯n bÝon). Gel. Caes. F3a dit Œdivtikån sxƒma ˆnÛlabon. Il faut enconclure que Socrate a copié Eusèbe, et que Gélase de Cyzique s’est basé soit sur Socrate,soit immédiatement sur Eusèbe. Gélase de Césarée ne fut assurément pas leur source.La date en olympiades de la mort de Constance I, Ol. 271.1, provient de la chroniqued’Eusèbe. Ce devrait être Ol. 272.2. Dans la reconstruction de R.W. Burgess Ol. 271 n’aque trois ans avec Ol. 271.1 couvrant les ans 304-30555. Socrate n’a donc pas vu qu’il yavait une erreur dans sa source.1.2.2 < Eutr. 10.4.3, Eus. VC 1.33.1

    54 P. Périchon croit que Socrate utilisait ici aussi la traduction grecque d’Eutrope par Paeanius(Chron. Min. MGH III 173.16-18, cf. Eutrope ou Paeanius? L’historien Socrate se référait-il à unesource latine ou grecque?, REG 81 [1968] 378-384). Cela nous semble peu probable.

    55 R.W. Burgess, Studies (n. 4) 40-41, 62-63.

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    P. Van Nuffelen, Gélase de Césarée 639

    1.2.3 < Eus. VC 1.27.1-2, 1.33.2, 1.37.11.2.4 < Eus. VC 1.30.21.2.5-6 < Eus. VC 1.29

    1.2.7 < Eus. VC 1.38; Eutr. 10.4.3; Cons. Const. a. 312 ; Eus. Chron. a. 312 [Burgess]1.2.8 < Eus. HE 10.8.2-4; Eutr. 10.51.2.9 < Eus. VC 1.41.3, 1.42.21.2.10 < Eutr. 9.28; Cons. Const. a. 3161.3.1 < Eus. VC 1.42.21.3.2 < Eus. VC 2.1.1, 2.2.31.3.3-4 < Eus. VC 1.50.1, 1.51.1-2; cf. Eus. HE 10.8.3, VC 2.1.1, 2.2.3(Ñw én mã ... tá Xristian¯n est un supplément de Socrate lui-même.)

    1.4.1 < Eus. VC 2.3.1 (o‡kÛt’ ˆnektÜn)1.4.2 < Eutr. 10.6; cf. Eus. VC 2.6.2, 2.12.1

    1.4.3-5 < Eutr. 10.6 ; Eus. VC 2.15, 2.18-21 (barbÀroyw)1.4.6 < cf. Eus. VC 2.61.2-4 ; Socrate lui-mêmeEn 1.5 Socrate se rattache au début de l’histoire ecclésiastique de Rufin (10.1).

    Note additionnelle

    Après la rédaction de cet article, deux ouvrages ont paru qui portent sur la question deGélase de Césarée. Y.-M. Duval a montré, d’un angle historique et théologique, qu’il estimprobable que le récit de Rufin à propos du concile d’Alexandrie (362) provienne d’unesource orientale, car il est animé de préoccupations spécifiquement occidentales (Y.-M.Duval, La place et l’importance du Concile d’Alexandrie ou de 362 dans l’Histoire del’Église de Rufin d’Aquilée, Revue des Études augustiniennes 47 [2001] 283-302). C’estun argument supplémentaire contre la thèse que Rufin aurait traduit ou copié Gélase de

    Césarée.G.C. Hansen a publié une nouvelle édition de l’Histoire ecclésiastique anonyme(G.C. Hansen, Anonyme Kirchengeschichte [Gelasius Cyzicenus CPG 6034] [GCSNF 9] [Berlin – New York 2002]). Bien qu’il reste fidèle à la thèse traditionnelle àpropos de Gélase de Césarée, son analyse de la notice de Photius rejoint la nôtre, audétriment de l’opinion de J. Schamp (ix-xii).