Byzance - Jean Lombard

download Byzance - Jean Lombard

of 418

Transcript of Byzance - Jean Lombard

y :-'.:&

imimiMjM^M

\f-

.^

Bi\

&

Digitized by the Internet Archivein

2010 with funding fromUniversity of

Ottawa

http://www.archive.org/details/byzancelOOIomb

,//^4

^

fic^-^^

JEAN LOMBARD

BYZANCE

PARISNOUVELLE LIBRAIRIEPARISIENI^j:

ALBERT SAVINE, DITEUR12,

Rue

des Pyramides, 12droits rservs

Tous

JEAN LOMBARD

BYZANCE

PARISNOUVELLE LIBRAIRIE PARISIENNE

ALBERT12,

S AVINE,

DITEUR12

KUE DES PYRAMIDES,1890Tousdroits rservs.

mm

BYZANCELIVRE PREMIER

couronne d'argent de Solibas doucesur sa tte de vainqueur hnioque hiss sur des paules de Verts, et luisait en l'hyalinit du crpuscule, telle qu'un symbole de victoire, cependant que des gens le saluaient de l'hymne Aca" thistos, entonn voix pleines, en des rues o agonisaient des clameurs, o flottaient des charpes bleues et vertes, rouges et blanches, comme ce devait tre une sortie d'Hippodrome, aprs une journe de courses qui avait vu les Bleus vaincus.halo, la

En

ment

virotait

Sorti par la Porte-de-la-Mort sur la faade orien-

du btiment norme que surplombaient la mudu Grand-Palais et, par dessus cette muraille, un vaste hliacon, Haravi entranait Oupravda par la main, une calleuse main de marinier de la Gorned'Or. Avec eux la foule s'parpillait, trs satisfaite de? courses, combien haletantes qui firent Vertstaleraille!

et Bleus,

et leurs allis

respectifs, les Blancs et les

Rouges, tourner huit

fois

autour des camptrs, au1

BYZANGEchant de cet hymne Acathistos, au long bramement des orgues d'argent, et sous les yeux du Basileus AuLokralr Constantin V, en sa tribune, le cathisma, au milieu de Dignitaires aux robes de lourdes tapisseries et de ses eunuques agitant des ventails ou portant son glaive d'or, son globe d'or et sa verged'or.

Attnue en l'approchant crpuscule, Byzance se dcouvrait, rose encore, et des voies larges acheves l'extrmit d'troitesses de places ou coupes sur la longueur d'Eglises et do Monastres bombs de coupoles, apparaissaient, merveillantes, barioles, bruyantes. A leur droite, les portiques del'Auguston encadrant le Milliaire aux quatre arches, obombraient des statues, pai*mi lesquelles l'envol vers l'Orient de lustinien cheval, une aigrette d'or pique au casque et un globe mondial en une main. Au nord c'taient des argentements de toits, des dorures de coupoles virgulant en un znith gris-verdtre lch par des bouts de lointains feuillages d'arbres, et plus au loin la croix helladique de le Sainte-Sagesse impavidement radiante, prodigieuse, au dessus detout.

voir,

Sans doute que Viglinitza s'inquite de te reHaravi Oupravda qui rpondit Il est vrai! Mais pourquoi veut-elle que j'assiste aux courses? Je n'en avais le dsir. J'eusse certainement prfr couter Hybras et voir; la Saint-Puret, les Eiknes adores. Haravi eut une brusquerie et il lcha la main defit:

l'Enfant

et voir les Eiknes de la Sainte-Puret, c'est bien, puisque tu seras Basileus par elles et lui, mais assister aux courses est utile. Les Verts t'ont reconnu, Solibas a vaincu les Bleus sera pour toi pour toi, le copronyme Constantin prcipit bientt du cathisma. Tu seras le matre de Byzance, le peuple baisera les aigles d'or de tes;

:

Ecouter Hybras

V

chaussures et t'applaudira.

BYZANGEOupravda ne rpondit pas. Haravi marchait toujours son ct, le dominant de la massivit de ses paules, de sa tte ballante ceinte d'un couffieh attach par une corde en poil de chameau, comme une coiflure de nabathen qu'il tait. Et sa face, parfois, se tournait vers son jeune compagnon qui ne le regardaitpas, une face au cuir temptueusement ravin, une face boursoufle, avec une barbe drue qui toisonnait sous le menton, d'une oreille l'autre, et une moustache rugueuse mangeant les ailes d'un nez plat comme un mufle. Pieds nus, bras nus, il avait une espce de braie persane descendant jusque les mollets et une mauvaise dalmatique d'toffes ajoutes, parmi lesquelles un morceau de tapis de haute lisse montrait un reste de tte de licorne emblmatique, qui biglait voir une roue, broche au fil rouge, danser, dans le rythme de la marche, sur ses naseaux

demi

effacs.

peuple courait dans le rosis du soir, dont l'insond ciel absorbait des rections de palais et d'Eglises, violettes, lgres, vaporantes. En enchevtrements, les rues tantt gravissaient une des sept Montagnes de la ville, tantt dclivaient dans leurs valles et, suivant l'architecture des tages avanant en du vide au point de se rejoindre, elles taient toutes noires, comme des tunnels de cit moderne, ou toutes rayonnantes du jour qui s'en allait. Tout au fond d'un forum mouvant vivement, le buste de Solibas pointa, et pointa sa tte, solide, dont le halo de la couronne d'argent encore virota, prsentement norme, sur l'agitation des charpes par des mainstenues. Solibas, qui a vaincu les Bleus, nous aidera avec les Verts, dit Haravi, dsignant du doigt l'hnioque

Du

ainsi port.Il continua, comme pour solliciter la conversation d'Oupravda, toujours muet As-tu vu Constantin se complaire aux courses et applaudir les Bleus ? Les factions se seraient sans

:

4

BYZANGE

doute extermines si les cursores n'eussent t l. Moi, j'coutais volontiers les churs dirigs par les mlistes et l'accompagnement des orgues d'argent places prs de la meta des Bleus et de la rata des cela me ravissait. Et cependant, je suis un Verts habitu des courses. J'ai vu des triomphes d'hnioques, j'ai vu des dfaites d'hnioques et ne puis me lasser de les voir, avec la casaque d'or et l'charpe qui les sangle si bien. Tiens, veux-tu que je te le dise je ne regrette point mon pays, je ne dsire pas m'en aller de Byzance o l'on assiste de si belles courses. Puis, tu le sais, Sepes, Solibas et moi sommes avec toi, avec ta sur Viglinitza, avec l'Hgoumne Hybras qui veut la prminence du Bien sur le Mal en te faisant Basileiis avec toi sont les Verts, avec toi le peuple byzantin, avec toi les adorateurs d'Eikones, avec toi les orthodoxes qui crachent la face du Pa:: ;

la Sainte-Puret la Sainte-Sagesse. Aussi, je te l'affirme, je ne donnerai pas mes jours prochains contre toutes les barques de la Gorne-d'Or, dussent-elles tre charges d'or, de joyaux, d'maux, de couronnes, d'toffes, car quelque chose me dit que nous habiterons le Grand-Palais, que nous prsiderons aux Jeux de l'Hippodrome, avec des stationnements de Gardes dans le p, l'ombre de leurs tendards Intactile, l'obscurit liltrait et, amonceles, l'eurylhmie des maisons peine se mouvementait de lumires rayant leurs fentres encorbeles, dont quelques-unes grillages. Plusieurs avaient des terrasses, comme en l'air, tant leves, et des murailles s'y ptrifiaient sous des vignes, des viornes et des aristoloches grimpant haut; des groupes accouds, des groupes silencieux de femmes et d'hommes dcoupaient l de tranantes robes, de dployes dalmatiques, de droits voiles, sur le ciel maintenant fronc de gris. Oupravda et Hara'vi marchaient trs vite, sans voir en un net proQlement l'Aqueduc de Valens dont les normes arches grouillaient do foules, ni les Eglises,

triarche chtr et prfrent

!

BYZANGEnombreuses, ouvrant des narthex profonds sur des places qu'ombraient leurs coupoles rapproches. Ils obliquaient toujours leur droite vers la Corne-d'Or dont des pans talrent mlalliquement des eaux et, par des allongements de voies, refltantes descendaient la Montagne conduisant au disparumeurs rate Hebdomon, un faubourg plein de qu'absorbait une immensit de Ville assise sur trois mers. Il ne parlait plus, Haravi, dsireux de ne pas fatiguer Oupravda comme enfonc en une rverie faisant remuer ses lvres, pencher sa tte flave chevelure ras coupe la naissance di' col et flottant lgrement sous un bonnet de laine de brebis dont la peau, en dehors, s'ornait de bandes rouges. Lui, alenlissait,

son pas, tellement qu'Haravi se retournait, reprenait son bras et toujours l'en tranait par des rues entortilles, des places pas grandes, des carrefours traverss de gens. Dans la nuit tout fait largie, des boutiques basses de marchands, aux atonies de lueurs, offraient des indcisions de marchandises qui n'arrtaient paspassants. Un individu qui portait une espce de lanterne s'arrta Sainte-Mre-de-Dieu Grand Tout-Puissant C'est bien toi^ Haravi! Sortant d'un pan de robe deux gros objets sphriques qu'il dposa sur le pav, il leva sa lanterne la hauteur de face du nabathen. J'ai vendu seulement une pastque, en attendant d'en vendre beaucoup, pour m'enrichir. Aussi, je me reposais l'Hebdomon, tu sais, au bas de la muraille, pendant que sans doute tu tais l'Hippoles rares:

!

!

drome.Il reprit un des deux objets, une pastque qu'il ft sauter et rattrapa d'une main, l'autre toujours sa lanterne, galement une pastque perce de dessins et creuse en dedans, o grsillait un morceau de bois rsineux. Et, avant de s'en aller, il ft le tour

6

BYZANGE

d'Haravi, dont le dos flamba sous l'clat de la lan-

terne inimite.

Grand Tout-Puissantl Rptant grlemeot ccGn.wn-Tour-PL'r.ssAXT! tout saisi, tout ravi, il regardait d'yeux qu'on et dit de dment, comme srement l'tait son crne, pointu, la dalmatique d'Haravi, o la tte de licorne s'agrandissait dans lo rayonnement de la roue broche dansant sur ses naseaux. Elle s'talait au dos du nabathen, qui se complut la montrer, formidable, mangeuse du reste de la dalmatique dont les pices rapportaient d'autres dessins emmls. Aprs qu'il l'eut bien admire, il s'en alla, emportantses pastques dans le pan de robe, un nouveau et grle Grand-ToutPuissant! d'envie sur les lvres; sa pastque troue toila derrire lui en une ronde rousseur qui bientt s'teignit un coin de rue brusquement aborde. Sabattius a raison d'admirer ma dalmatique, s'exclama Haravi, la voix sanglotante comme de joie. Tout est admirable Byzance, et toi, Oupravda, toi qui seras Basileus, tu es admirable comme Vi-

glinilza qui se sait d'ailleurs ainsiIls

I

descendaient par des rues aux architectures divergentes, l'Hebdomon, remontaient vers les Vlachernes, hors des doubles murailles, crneles,

aux tours carres, et derrire eux c'taient l'Hippodrome, le Grand-Palais et la Sainte-Sagesse, lequartier de Xrolophos, les Thermes d'Arcadius, la statue de Thodose, le Ttrapyle d'Auguste, la Purpurea de Constantin, toute la ville la magie vivante et bruyante, superpose d'difices coupoles d'argent et d'or, de portiques, de bains, de tribunaux et de

nymphes, vus de la hauteur gravie. Devant eux, quelque chose d'abrupt se levait emmi de nouvelles rues et de muettes maisons un allongement de mur perc, au haut, d'troitesses de fentres cintres sur de courtes colonnes, d'o des lueurs animes doucement se dvidaient. Puis, un avancement de porche plafonn d'un dme; une continuation de muraille et.:

BYZANGEisol,

de

Ville, tout

un monument colossal comme cr, en ce dehors coup, avec deux transepts le coupant,la baie

un lancement, par devant, de narthex sous

ronde d'une faade; des fentres, au long de la nef, lamelles de vitraux comme cette baie et ainsi qu'elle intrieurement claires; par dessus, une coupole dvore de nuit, son sommet perce d'une ronde de douze ouvertures qui se voyaient peine. Et cette Eglise, au milieu d'une place dalle, de portiques entoure, se tournait vers la Sainte-Sagesse aussi leve qu'elle en son loignement, au bout de la masse tout embue de la Ville, avec le Grand-Palais, l'Hippodrome et des chines d'difices qui ne se distinguaient plus. Ils gravissaient des marches, abordaient le haut narthex, poussaient une porte entre deux autres portes luisantes de mtaux, coiffes d'une Figuration

dmesure un Pantokratr en un trne au dossier sem de rubis et surmont de deux tiares, la face:

encercle d'un or par une croix partag. Les pieds sur un escabeau, il reposait d'une main, sur un genou, un vangliaire ; de l'autre, immobile, il faisait un signe de deux doigts en l'air, Tannulaire rejoignant le

pouce et l'auriculaire repli. A ses cts, en deux nimbes d'or, deux Faces pures ouvrant des yeux purs. Une grande bouffe d'air frappait Oupravda et Haravi, venue d'un fond pliin de lueurs de lampes appendues, de candlabres fichs des coins de piUers bordant la nef des deux transepts au tnbreux retrait. Et l'Enfant qui s'tait inclin, les deux mains la poitrine, marchait trs vite vers ce fond qui s'agrandissait d'une Vierge oi^an te gigantesque, une Panaghia panouie en chromes, la tte lune d'or touchant une vote sans fm, la robe aux poignets et aux genoux de

croix

orns tombant, jusqu'aux pieds, d'une gorge seins renfls, les bras effleurant les bords de l'abside en conque, o des vitraux dcoupaient des cintres ouverts sur le bleuissement des toiles du dehors.droite sur des

8Ils

BYZANCEso trouvaient au centre, le naos,

liers carrs

o quatre pisupportaient sur des pendentifs une vote ronde, dominanlc, scintillanto, sous laquelle l'allongement fuyait des nefs d'o des luminaires pendaient. Et ces pendentifs, les regarder, montraient quatre anges normes, aux ailes de crpuscules violel s, en un envolement de bras tendus, de torses flcxucux, de robe nageante, une trompette aux lvres, une aurole leur tte d'o des cheveux cascalelaient sur des paules qu'on aurait dit remuer, dans une clart blanche telle que d'une discrtion de clair de lune qui errait dans cette glise peuple d'tres peints, d'tresde mosaque que c''taient tous! Aux arches des quatre nefs, du naos irradies, des croix quilatrales taient semes et^ sur les entablements de deux galeries tages, des Figurations de regardaient d'yeux baisss des lzous christs, leur barbe pointue, dans une dilatation de vide, enfin avoisinaient d'autres Figurations de saints aurols, quelques-uns s'accompagnant d'Animaux religieux des paons juchs sur des roues, et des colombes becquetant des raisins pleuvant de rinceaux o des bre-

:

bis, qui s'en enveloppaient,

doucement baient.

Quelqu'un tranassait un pas de sandales plates, qui s'approcha d'eux, en la lunule constellante d'un cierge au bout de son bras allong. Singulirement, ce quelqu'un parut rire: sa face grosse, barbe rouge, se fendait d'une ouverture de bouche dcouvrant des dents qui claqurent, et cette barbe rouge tomba, remonta en le mcanicjue claquement de ces dents. Il avait un bonnet carr et des cheveux enrouls sous ce bonnet, une robe simple d'anagnoste ouverte sur la poitrine, avec des croix au bas. Il accompagna

Oupravda

Kyros voulaient me suivre, mais j'a promis, s'ils les retenaient, Danielis et Theophan de les bien amuser. Leur mre Sclereno les auraitAcapioset

et Haravi,

disant

:

gronds, quoique, vrai dire, ils ne l'coutent gure, pas plus que les ans Nikolao, Anthousa et

BYZANGEParaskevi n'coutent leurpre Scleros. Seul, Zzimos est obissant, mais Zzimos marche peine et lette toujours. Qui sait, plus tard! 11 rit encore, sa barbe rouge tomba, remonta dans le fort claquement des dents. Et il ajouta: Oui, Zzimos marche peine et tette toujours. Sa mre Sclereno serait heureuse s'il taitplus grand. Il ne sera srement alors pas obissant, mais il ne tettera plus, elle sera soulage, et son pre Scleros sera bien content de le voir plus grand. 11 s'en alla, non sans ajouter d'un peu loin, en un mouvement de sa barbe et en un claquement de ses dents

:

L'Hgoumne Hybras

veille sur

Oupravda qui

doit tre Basileus parce qu'il a du sang de Basileus.

Hybras aconQ sa prcieuse vie, toi, Haravi, ainsi qu' Sepes et Solibas. Vous combattrez l'Impie, vous rtablirez l'Orthodoxie, et la Sainte-Puret vous devra sa prminence sur la Sainte-Sagesse, dont lepatriarche est chtr.

Un

escalier colimaonnant se prsentait, qu'ils des: ;

cendirent leur droite, la tige centrale, lt de pierre leur gauche la muraille grenue. Une salle basse, une crypte humide o des piliers suivaient leurs verticalits, avec des lueurs rouges devant des niches aux ors effacs, et^ au fond, en lointain accourcisune autre Panaghia sement, une Vierge diadme, toute orfvrie, toute chatoyante d'une robe o aux genoux, aux poignets et aux seins, des croix resplendissaient de perles et de broderies sortant d'une norme clart de cierges, en des coins de nefs dont alternaient les arcs des votes de marbres roses et

gris.

Oupravda

tout

fait s'inclinait,

commeen

adoration,

devant cette splendeur de Panaghia, silhouettant en le rubannement lumineux de ces cierges sa braie sclavonne pince la cheville, par plis mollementet sa saie d'toffe claire, ceinte d'une ceinture peine l'enserrant. Puis, il pntrait en une

nombreux,

-1.

10nef,

BYZANGE

acheve par une porte grille do fer o un vent pasAssez rapproch, un dvalcmcnt de plage expira au-dessus de la Corne-d'Or qui leur apparut, lorsionne, squammeusc, avec des danses de bateaux lgers, aux voiles planantes, sur ses vagues qui trpidaient. Alors' Haravi lui prit la main, l'arracha . la vision de cette nuit alTraichie par le souffle balanc du golfe o des cumes indiquaient d'infinies autres plages, de la pointe de la Corne-d'Or, au fond, en face, qui tait Sik. Ils remontrent, traversrent le narthex, non sans que les accompagnt l'anagnoste, dont la sandale tranassa et qui, d'un trs haut trou de porte, leur noya la face de son cierge crpitant. Coupant la place dalle, ils longrent le mur perc d'troites fentres, descendirent une rue aboutissant la Porte Kharsias, des Vlachernes, dont les Spathaires les virent passer indiffremment la large clart de flambeaux en des trous de muraille fichs. Sepes est l, mais nous ne lui parlerons pas, dit Haravi. Autrement l'excrmentiel Constantin V saurait qu'il est de connivence avec nous et avec les Verts et il le ferait supplicier. Il se retourna cependant, et Oupravda fit comme lui; le dessin leur pointa de Sepes, hiratique, dans l'abmement de la Porte ensanglante en partie de l'allumement des flambeaux. Avec d'autres Gardes, il restait debout, une haute pe appuye l'paule, un pan de sa cotte de fer imbriqu demi cache par le clibanion de fer caill en des reflets tout coupsait.

clatant.

Avec Sepes, nous aurons tous les Spathaires, conclut Haravi, comme avec Solibas nous avons les Verts. Hybras nous fortifie parles Orthodoxes. Il est dit que tu es prdestin. Quand l'heure sera venue, Oupravda, tu seras Basileus, et ta sur Viglinitza qui nous attend impatiemment sera la sur d'un Basileus. Et moi, je vous servirai toujours, tous deux, avec Solibas et Sepes, qui sont vaillants comme jesuis vaillant!

BYZANGE

11

Le faubourg de la cinquime Montagne dispersait ses rues dclives, ren:iues de peuple qui encore circulait. Un couloir de maison s'clairait de trois lampes d'tain cloues la vote fumeuse de leur vacillante clart. Viglinitza rapidement s'avana, trs blanche, dominant l'Enfant et mme Haravi, presque un gant. Le nabathen, respectueusement en un enflambement d'yeux, baisa ses mains pulpe moite et s'en alla, ce pendant que Viglinitza emmenait Ou-

pravda, sonrevu.

frre,

avec des frmissements de l'avoir

II

Une pice spacieuse, une extrmit, ferme par une draperie au bas retenue par un coffre oblong sur le carrelage reposant, et en cette pice une table basse aux pieds pais, dont la surface se dvorait d'un lamellement de soleil blanc venu d'une haute fentre grillage, de soleil qui mordait des parpillements de meubles^ des coussins carlates sur des peaux de chvre au long poil, des escabeaux tripodes, de barbares images de Panaghias et de lzous dont le nimbe jaune de la tte clatait sur la muraille, un seau de cuivre bomb comme un bouclier, des jarres pointues au bas, des vtements tranants. Viglinitza lentement abandonnait un tassement de tapis aux chromes durement verts et rouges, oii elle s'tait accroupie; debout, son torse craquant d'un besoin de mouvements, blanche, dcore la poitrine d'un rectangle de tapisserie, elle relevait les manches amples de sa robe, et alors irruait sur ses paules et ses bras nus un flot d'rugineuse chevelure, qui anima sa face laiteuse, seme de points de rousseur, aux traits nets, au front bas, fort, au menton en volute deux fois dessine. Et ses yeux, bleuts, animalement beaux,se promenrent un instant dans la pice spacieuse, de la haute fentre grillage, aux jarres pointues, aux vtements tranants, reposrent sur le seau

12

BYZANGE

les

de cuivre, sur les barbares images, les escabeaux et coussins recouvrantles peaux au long poil y accrochs ils dcLaillcrcnt les dessins du cof're oblong, creuss en ce bois dur, les coins de fer ouvrs, cisels, dcoups, la fermeture bizarre, une bestiale gueule de thoante, de crocottas ou d'onocentore, qu'une clef informe traversait. Alors, elle alla vers cet objet, l'ouvrit, comme pour se distraire de la vue de ce qu'il;

contenait.

de vermeil

sarikion d'or, plane couronne gemme un globe niell une croix d'argent creuse, ses extrmits vases, de faces de saintes et de saints et,

Un

;

;

au centre, d'une tte de Panaghia, la poitrine renfle d'un rubis une pe de cuivre, avec sa ceinture de cuir ouvr; une chlamyde de pourpre, un sagion bleu et des braies bleues de soie bleue, des chaussures carlates sur lesquelles des aiglats d'or, puis un vangliaire de parchemin, crit avec du cinabre, le tout ple-mle, avec des mdailles tt des monnaies du temps du Basileus lustinien. Viglinitza se complut exposer tout cela sur des tapis couvrant le carrelage de cette pice, admirer cela, palper cela de ses pulpeux doigts. Puis elle se posa la bande d'or gemm sur le front, ouvrit l'vangliaire, et se promena lentement, imprialement, avec des gestes exiger des soumissions de peuples, des aplatissements d'individus. Enfin,;

elle quitta la

sur rut

le

bande d'or et l'vangliaire de cinabre couvercle du coffre o un rais de soleil les couchercher, les fit vivifier, scruta le reflet desles lettresle

de sang du livre dont une page de lustinien. Elle s'accroupit sous la bordure de la fentre grillade loin lui mige, ses cheveux rugineux fluant roita le prestige de cette bande d'or, de cet vangliaire, de la croix, du globe, de l'pe, de la chlamyde, du sagion bleu, des braies bleues de soie bleue et des chaussures aux aiglats d'or. Quoique attributs du Pouvoir, ils taient plutt pour un enfant que pour un_ homme; l'pe avait une brivet de

gemmes, lut

ouverte portait

nom mme

;

BYZANCEfil,

13

air presque fminin. Le braies accourcis, les chaussures carlaOupravda comme Les allaient juste son frre allaient la finesse de ses mains la croix d'argent et le globe de vermeil. Seul, l'vangliaire pesait et la couronne tait grande, et c'est pourquoi elle avait essay celle-ci et port celui-l. Tous deux taient ns un bord de bleu et soleilleux fleuve, dans la zadrouga familiale, reste d'une possession territoriale donne par le Basileus lustinien, deux sicles auparavant, sa favorite, une sclavonne, qui droba son fils aux jalouses fureurs

la

chlamyde lgre unet les

sagion

;

de

rient.

pantomime Thodora, devenue Impratrice d'OCe fils s'appela Oupravda, comme lustinien, de race sclavonne aussi, et nombreux, ses descendants,lafils de ses fils ns et grandis dans la zadrouga, d'anne en anne accourcie par les dprdations des nomades, des incendies de moissons et de villes, se transmirent la lgende de l'aeul dont, au Forum Auguston, la statue radiait, haute, en son bronze

les

dor,et

comme pour

les

inviter matriser

Byzance

par elle tout l'univers. De cette ascendance, seuls maintenant restaient Viglinitza et Oupravda. Une nuit, des bandes d'hommes, jaunes et le nez pat, aux yeux plisss, la chevelure rsolue en tresse, venus on ne sut d'o, s'taient jets sur la zadrouga dont ils emmenrent le btail et les chevaux aprs l'avoir seme de ruines et de cadavres, parmi lesquels leur pre et leur mre, deux frres ans, un aeul au visage o persista le profil de l'ancien Basileus Autokratr dessin sur des mdailles emportes avec les objets du coffre de bois qui depuis les suivit. Echapps au carnage, Viglinitza et Oupravda vcurent avec des familles de leur race toujours harceles par des tribus de nomades, du Danube au Bosphore, dans des cahutes fiches parmi les glaeuls des steppes, sans oublier de qui ils descendaient et sans que, d'ailleurs, les autres sclavons le leur fissent oublier. Et cela, jusqu' ce que Constantin V, l' Autokratr

14

BYZANGK

actuel, et dcid la transplantation de force Byzance, pour y remplacer la popul.ilion dcime par une pidmie, les gens vaguant sur les l'ronLires de son empire, qui tait fort grand, qui s'tendait en Europe, en Afrique et en Asie. Des htairies de son arme poussrent coups de fouets de cuir et sous le poitrail de leurs chevaux dos tribus entires de sclavons parses au Nord, et c'est ainsi que Viglinitza et Oupravda vinrent dans la capitale de l'Empire

d'Orient.Viglinitza avaitferr,

emport

le coffre

de bois sculpt etqu'il

avec les attributs du Pouvoir

contenait et

de nombreux nomismas d'or, aux sigles de lustinien, restes de la fortune familiale. Ces nomismas, elle les avait changs contre des pices de monnaie plus modernes, un changeur de l'Argyropatria, quartier remarquable par deux statues de femmes, de cuivre, de vingt pieds de haut. Peu peu disperss, les autres sclavons l'oublirent avec son frre, mais non sans avoir fait connatre de pauvres gens des faubourgs les deux descendants de, lustinien. Un portefaix thrace connut le premier cette rvlation, puis un marchand d'nes, en(in un montreur d'ours et de chiens, amusement, les jours de courses l'Hippodrome, des Byzantins. Ils connaissaient le nabathen, de l'Arabie venu en impossibles prgrinations. Haravi tait aventureux et port au sacrifice et la propagation. Ils lui confirent le secret, leur ambition allant trs loin, jusqu' des dignits qu'Oupravda leur donnerait une fois Basileus, car ils avaient l'esprance de le faireBasileus. Haravi les couta," quitta sa barque pointue aux deux bouts^ et sans mot dire, sans les remercier, se rendit l'Eglise monastique des Vlachernes, sur la dernire hauteur de la Ville, qu'elle dominait. 11 y allait souvent, attir par l'enseignement de son Hgoumne et ce que les dmocraties de Byzance en disaient. Ce n'est pas qu'il en comprt bien le fond,

mais

la

forme, toute simpliste,

lui plaisait.

Suivant

BYZANGE

16

Hybras, la religion du lzous tait la religion du Bien combattant le Mal; les Pauvres, les Humbles et lesFaibles taient les membres du lzous les Riches, les Fiers et les Forts taient des suppts de l'Hads, c'est--dire de l'Enfer. Le Bien, qui tait aussi la Vie, se symbolisait dans les Eiknes dont l'adoration apportait assez de joie au cur, d'illusion Tme, de ravissement l'tre entier pour qu'on les considrt comme utiles sa prennit. Leur cration, par les mains de l'homme, continuait la Vie, sous forme d'Arts humains. Deux races, sur terre, taient prsentement aptes la cration d'Eiknes et aux Arts humains l'helladique, dj radieuse de son architectonique, de sa plastique et de sa peinture la sclavonne, toute nouvelle, toute barbare, mais qu'il senneuve de Philosophie, frache de Sensation; tait norme d'Ide. Ces deux races taient prdestines l'Empire elles y implanteraient dfinitivement le Bien et en chasseraient le Mal, que ceux-l qui voulaient dtruire les Eiknes et perscuter leurs adorateurs, soutenaient dans la personne de Constan; : ;;

V. y avait bien, et tel en tait le sens, sous les paroles d'Hybras, une hrsie, celle des Manichens, dj condamne par l'Eglise riche, surtout par l'officielle Sainte-Sagesse, et Haravi s'en doutait vaguement. Mais les dmocraties de Byzance, sculaires ennemies du Pouvoir, taient depuis longtemps avec la Sainte-Puret. Les Verts obissaient ses suggestions, les Verts adversaires des Bleus partisans des Basileus orgueilleux et cruels, qu'ils soutenaient dans leur effroyable lutte contre les Iconoltres. Alors avait avr, Haravi, en nets rapprochements, la saisissante spiritualit de Byzance la religion du lzous, le Bien, l'Iconollrie et la Vie taient avec la Sainte-Puret, les Orthodoxes et les Verts; le Mal, l'Iconoclastie et la Mort avec la Sainte-Sagesse, le Grand-Palais, les Iconoclastes et les Bleus. Se plaisant aux enseignements d'Hybras il suivrait Hybras;tinIl:

16il

BYZANGE

serait avec le Bien et contre le Mal. Gela allait aux gnrosits, aux enthousiasmes de son me smite.D'ailleurs, pauvre batelier de la Gorne-d'Or, qu'et-iltre avec les Riches, les Fiers et leset

gagn h11

Forts?

advint, de cette confession d'Haravi Hybras,

upravda, qui avait devant un gros kaloyer aux adipeuses joues, la barbe cfliloche^ au crne, sous un bonnet carr, clairsem de cheveux en pointe, vtu d'une robe brune et chauss de sandales retenues l'orteil par un lacet de cuir. Portant un sac de provisions qutes toutes les maisons du quartier, ce kaloyer avait laiss dans la rue un ne charg d'une double coufe emplie de lgumes et de quartiers de viandes; le braieraent dececi,

qu'un matin, Viglinitza

treize ans, virent leur porte s'ouvrir

l'animal, formidable, retentit, le kaloyer se retourna,

rouge, hispide; et du milieu du couloir, la main tendue Tu n'as pas braire; tu n'as pas m'appeler! Sois patient, attends-moi sans te plaindre, ou bien je t'appelle excrmentiel, je te dsigne comme le Basileus impie, le cavallin Constantin 'V loan, qui s'expliqua, tait kaloyer quteur de l'Eglise monastique des Vlachernes, hors des murailles. Depuis des sicles, la Sainte-Puret tendait sur Byzance la bienveillance de sa Panaghia et de son lzous, dfendait les Faibles, les Pauvres et les Humbles contre les Forts, les Riches et les Fiers, et ne craignait pas d'anathmatiser les Pouvoirs temporels ou ceux, spirituels, des Oints de la SainteSagesse, allis avec quiconque triomphait au GrandPalais soldat hiss par les factions, porphyrognte assassin des siens, Dignitaire adultre avec l'pouse d'un Basileus pour deune Augusta venir Basileus lui-mme tous les crimes, toutes les flonies, toutes les infamies des Grands qui obtenaient absolution de ces Oints, riches d'honneurs et de faveurs. La Sainte-Puret, de vieille tradition, s'cartait rsolument des Puissants, au point de ga-

:

I

:

;

BYZANGE

17

gner un vague renom d'hrsie heureusement glissant sur l'esprit des dmocraties. Depuis des sicles, elle soulevait celles-ci contre les usurpations et le?, tyrannies, elle fomentait les conjurations au profit d'Autokratrs qu'elle rvait, pieux, humbles, secourables tous, contempteurs du Mal et disciples du Bien, terribles contre les Mchants et accessibles aux Bons, surtout pntrs d'Orthodoxie, voulant les cultes des Eiknes et les symboles par lesquels, en arts suggestifs, la religion pntrait des mes de peuples neufs, encore trop ftichistes pour, d'emble, saisir les lois d'une philosophie dpouille de tout concept cultuel. oan ne dvoilait pas cela bien clairement, mais le laissait entendre, lui-mme ne le comprenant que rudimenlairement. Oupravda l'couta, les yeux bleus brillants, la face anime de mysticit religieuse plutt que de triomphe imprial quoi son sang de Basileus semblait devoir lo porter. En sa purile conscience, les paroles de loan lui plurent fort. 11 se sentait port vers les IJzous et les Panaghias peints, les Anges, les Aptres et les S:iints de mosaque, aux fonds d'or, car il gardait le riche paganisme de sa race tard venue la croix, avec une suprieure quoique naissante philosophie de l'humanit que sa sur voulait qu'il jugult un jour, comme un vrai descendant de lustinien. Il s'crio, allant au devant de loan Tu me parles si agrablement de l'Hgoumne de la Sainte-Puret, kaloyer, que je le veux connatre il me ferait voiries belles Eiknes de son Eglise et m'enseignerait les choses que tu nous as dites de lui. Un matin, avec Toan, il sortit de la ville, gravit la Montagne aux ruelles et aux maisons l'une l'autre accotes, passa devant le narthex de la singulire Eglise qui s'ouvrait sur une place dalle, de portiques entoure, d'o tout Byzance se droula en un lointain blanc. Tout l-bas, vers la Propontide, par dessus d'autres Montagnes, par dessus d'autres Eglises et d'autres Monastres pointant leurs coupoles sveltes par des jours de vitraux colores, par dessus un sou-

:

;

18

BYZANCE

lvement de maisons et d'difices spars de voies grandes et de forums anims, la Sainte-Sagesse sedressait, normment solide, sa croix d'or luisante, vers eux son narthex aux neuf portes ctsa place dalle. Et ses neuf coupoles s'lanaient, rondes, celle du centre, plus leve que les autres, en victoire autour, mais dures et comme rches en leur attitude de Puissance et de Force, surtout par leur avoisinement du Grand-Palais des Basileus-Autokratrs, dont la Chalc, la Daphn et le Palaisles trois parties Sacr, dvalaient aux rivages, en chiquier de salles, de galeries, des pripatos des triclinons de terrasses, des hliacons de cours ordes phiales ; avec beaucoup d'apnes de bassins, troudes coubouclions, partements fastueux,:

;

;

;

humanit de Dignitaires, de fonctionnaires, de Gardes et de gens de simple Domesticit. L'Hippodrome mme subissait l'extrme domination de ce Grand-Palais pesant par dessus son promenoir ovale que des statues peuplaient, et seulement spar par un espace parallle ses murs, trsbls d'une

hauts.le

porte s'ouvrit, basse; loan poussa l'ne dont braiement devint trs fort. Au milieu d'une cour, un baptistre de marbre, fich; aux murailles, par dessus lesquelles jetait des ombres l'ossature de la Sainte-Puret, des scnes vangliques, peintes.. Un lzous, aux vtements rouges, flottait, la tte en un nimbe crucifre, emmi un groupe de Saints une Panaghia, les deux mains au cur, vaguait sur un fond bleu. loan prit un couloir troit et obscur, trou de cellules basses, dedans des kaloyers assis devant des Eiknes claires de petites chandelles. Quelques-uns lisaient quitement leur lueur jaune et braisillante; plusieurs, levant la tte, montrrent une face blanche avec un grand cordon de barbe mle de la chevelure sur leurs paules s'annelant. Ce furent des salles le rfectoire coup d'une immense table basse, borde de bancs de bois massif; l'atelier des Eiknes,; :

Une

BYZANCE

19

O, accroupis devant de petits pots de couleur, des kaloyers, marmonnant des Psaumes, peignaient sur des panneaux des Panaghias et des lzous pas bien grands. Ils en peignaient beaucoup, qui schaient la muraille, ot la symtrie du nimbe gracile de leurla

o des teintes claires faisaient de l'ivoire chaud symtrie des chromes de leur robe pique d'imitations d'ors et de gemmes, faisaient des ronds de lune, des ovales ples et des magnificences d'lofes se continuant le long de la pice qui en tait comme illumitte,;

ne.

Plus loin, un atelier d'objets d'ivoire clair du trilobe de fentres vitres de vitraux rouges, violets et verts. Devant un tabli de chne plein, des kaloyers fort attentivement creusaient, avec de lins outils, des morceaux d'ivoire qui devenaient des coffrets, des chsses minuscules, des diptyques et des triptyques, ou bien les trouaient avec un tour main dont,

de l'archet, vivement le foret virotait. Maigre, triste, moyen de taille et assis en une stalle, Hybras reut Oupravda, avecun croisement dupouce et de l'annulaire, une verticalit de l'index et une courbe du mdius, hirogramme du christ izous. Et lentement, avec une voix devine amre, il fit l'Enfant, regard d'yeux trs luisants: Non, le Mal ne peut prvaloir contre le Bien, et le Bien c'est le lzous dont le Mal veut dtruire la prminence. Et c'est toi, Oupravda, petit- fils de lustinien, te saisir de Tpe de l'Orthodoxie pour que le Maine triomphe plus dans la personne de Constantin V qui veut dtruire les Eilcnes, parce qu'il ne comprend pas, en son cur dur, en son me impie, la signification de leur adoration. Et ses yeux, luisant mieux, s'attachrent Oupravda qui entrevoyait, en ces paroles nigmatiques, quelque chose de trs intimement lui s'adressant. Gomme si, en raison d'un atavisme qui le prdisposait, malgr qu'enfant encore, certains hauts enseignements, insaisissables beaucoup, il comprenait Hybras quil'aide

20

BYZANGE:

ajouta, le perant de son pertinace et fin regard La S;iinlo-Purot a comb.itUi la Puissance et la

d^Uendu la Pauvret et la Faiblesse sous tous parce que les Basileus tant le Mal manent du Mal. Le Bien ne peut tre avec la Richesse et le Pouvoir. Mais que la Richesse et le Pouvoir soient en des mains pures, et les humains qui si facilement obissent aux brillantes suggestions rentreront dans la route du Bien, et le Mal sera vaincu, l'Hadcs sera vaincu, la Mort sera vaincue

Force

et

les Basileus,

!

Il

Suis les enseignements de la Sainte-Puret ceux de la Sainte-Sagesse. Entre avec nous dans le champ o le Bien combat le Mal, pour que l'humanit ne subisse le joug des Basileus vicieux, des Patriarches mauvais et des Oints pourris. Nous dsirons quela Force et la Puissance soient en des mains pures, le sarikion pos sur un front nimb de vertu. Cela, comment? En opposant la race isaurienne, trangre Byzance, centre de FOrthodoxie, une race prdestine, la race sclavonne,qui est innumrable, neuve, fconde, et que je pressens tre un jour matresse de la terre, des monts scythiques la mer des Francs. Cette race est la tienne, sclavon Et ta race, j'en unirai une autre, l'helladique, par qui le culte du lzous et de la Panaghia s'est affirm dans le monde, grce aux Eiknes, issues d'Arts humains. Je les munirai d'une arme mystrieuse, aux coups de laquelle rien ne rsistera. Ton sangne mentira pas. Tu voudras;

prcisa:

fuis

!

me

suivre, est-ce pas, tu le

voudras?

Et Oupravda avait voulu. Mais non pour l'empire d'Orient dont les magnificences lui allaient moins que les paroles mystiques d'Hybras. Comme d'un sol vierge, l'Art des Eiknes, l'Orthodoxie par leur culte, le combat du Bien contre le Mal, l'union de la race sclavonne et helladique pour la prminence, Byzance, de la religion du lzous, lui veillaient de confuses ides, des sensations et des plaisirs tout crbraux, illumins, comme d'un rubannement de soleil,

BYZANGE

21

de l'enseignement de l'Hgoumne. Aussi, aprs nouveau ou Hybras, s'inclina-t-il souvent devant la Panaghia de l'fc^glise monastique, attir par les battements de ses chromes, les scintillations de ses mtaux, la lourdeur de ses draperies, droites sur d'apaisantes chairs. Visitant d'autres Eglises, dlicieusement, divinement, il endormit sa purilit devant leurs saints de mosaque, leurs vitraux, leurs ambons fouills en du bois ou de la pierre, leurs iconostasis, leurs narthex trs hauts o des Eiknes bellementressortaient, et leurs intrieurs rayonnants de

lampes

appendues

oii

s'touffaient des pas de prtres rev-

tus de l'pitrachlion et

du phlonion, d'vangliaires;

historis de nacre et d'ivoire

de chsses feuillages de reliquaires de bronze, et de coflrets de cuivre battu au marteau sur des enclumes basses, serres en les pieds nus des forgerons

dans de

l'or et l'argent,

accroupis.Il les connut bien, ces Eglises superbes la SainteSagesse quoiqu'il ressentt de l'horreur pour ses Oints et son Patriarche qu'on disait chtr et les Saints-Aptres; le Verbe-Divin et l'Archange SaintMichel; Saint Tryphon, dans la rue del Cigogne, et Saint-Pantalon, voisin de l'Argyropatria Saint-Mamas, la Vierge de l'Octogone, Sainte-Paraskevi, le PantpopLe, la Vierge d'Arobindo, dans le quartier d'Arobinde; puis celles, monastiques, de Callistrate et de Dexicrate, o ct c'tait un asile de vieilfards: leGrocomion; de l'Hyperaghiaetdu Stoudion, iameux autant que la Sainle-Puret, la planante, l'immacule construction des Vlachernes, au renom d'hrticil suivant les Riches etles Puissants alors qu'aux yeux des Orthodoxes, tous adorateurs d'Eiknes, des Verts, tous contempteurs du Pouvoir, elle tait sainte, fleurie de Vertu. La vision qui avait mis ces choses sous les yeux de Viglinitza, toujours accroupie sous la fentre grillage, la rouille de ses cheveux dans le soleil, humanisa les apparences d'Haravi, de ce Solibas, vainqueur

:

;

22

BYZANGE

des Bleus, et de ce Sepes, le Gardti de la porte Kharsias. Ils s'claieiiL prsents h elle, pour que son frre obtnt l'empire et qu'elle lut sur d'un BasiHaravi, avec le ravinement terrible do son leus mulle Solibas, gros, rouge, la peau frmissante sous la barbe noire Sepes, fin et svelte, moustachu, 'ardent et tmraire tous trois envoys parHybras quileur avait suggr la conjuration contre Constantin V; tous trois Iconoltres, tous trois pour la victoire du Bien sur le Mal et dsireux de l'union de la race sclavonne et de la race helladique dans Tempire d'Orient rgnr. Avec Haravi tait le peuple byzantin, naf mais croyant, turbulent mais sain; avec Solibas, les Verts, tous les Verts triomphant en sa personne les jours de courses avec Sepes, les Gardes du Basileus, l'arme du Basileus, lesSpathaires comme lui, les Bucclaires, les Scholaires, les Excubiteurs, les Candidats, les gens de l'Arithmos, les Maglabites, le corps de la Varange, les Myrtatcs. Du moins Sepes le disait, avec des gestes dcids, des audaces guerrires plaisant fort Viglinitza. Lorsqu'ils l'entretenaient de la difficile entreprise^ Haravi allait de long en large dans l'appartement, les bras tendus, les poings ferms, le dos renfl sous la dalmatique rapice, le front suant sous soncoutlieh de nabathen Sepes jurait de se hisser jusqu'au cathisma, oii il gorgerait Constantin V devant les cent mille spectateurs de l'Hippodrome et sous le regard de son arme qui applaudirait la dfaite du Mal Solibas, moins loquace, se promettait simplement de faire tuer beaucoup deBleus avec l'arme mystrieuse dont Hybras parla Oupravda et qui tait l'esprance de beaucoup, quoiqu'on en caustpeu, puis de remporter de nouvelles couronnes d'argent et d'tre port sur des paules de Verts. Quant aux dignits recevoir d'Oupravda proclam Basileus, ce serait suivant ce qu'il voudrait. Haravi se contenterait d"Lre Grand-Drungtiire Sepes, Grand-Domestique, Solibas, Grand-Logothte. Le batelier de la Gorne-d'Or commanderait ainsi Tarme de mer, le:;

;

;

;

;

;

;

BYZANGE

23

Spathaire l'arme de terre et l'hnioque aux juges. Depuis lors Haravi avait emmen Oupravda travers Byzance, dont les dmocraties n'ignoraient pas maintenant la prsence d'un petit-fils de lustinien protg par l'Hgoumne de la Sainte-Puret. Du Cyngion, enceinte de cirque ouverte des combats de btes froces, entre les Vlachernes et le Camp Militaire o, tout au fond du golfe, les htairies levaient sur leurs boucliers les nouveaux Basileus, la PorteDore, derrire leCyclobion et surlaPropontide, dans tous les quartiers, y compris celui des Marchs, au centre de la Ville, il l'avait montr des marchands 4e poissons et des enlumineurs de manuscrits, des cordonniers et des tailleurs, des hauts-lissiers et des mailleurs, des mosastes, des dcoupeurs de nacre et de corail, des bouchers, des boulangers, des portefaix, des bateliers, des charrons, des orfvres, des armuriers, des vanniers, des forgerons. Pour ne point veiller de soupons, Sepeet Solibas paraissaient les ignorer au dehors. Seules ment, lorsqu'en une rue populeuse Haravi et Oupravda passaient, l'hnioque se montrait. Son bras en l'air signifiait quelque chose qui soudainement appelait des Verts, fourmillant de toute part. Des Bleus alors se sauvaient. Quant au Spathaire de la Porte Kharsias, il disait en des oreilles d'autres Spathaires des paroles qui les faisaient se retourner, souriants; leurs mains serraient alors Fpe appendue la cotte de fer imbriqu ou empoignaient mieux le clibanion caill, bouclier aussi de fer qui leur servait de dfense contre les ennemis de Constantin V. Si elle aimait son frre, Viglinitza, elle se disait ressentir plus que lui l'ambition de cet empire d'Orient qui se rgnrerait dans le Bien. Plus qu'en lui lui bruyaient des sonneries de trompettes, des galops d'htairies sur la nuque des hommes domins. Elle avait toute virilit, tant par sa musculature de presque jeune gante, au corps cependant un peu mou, alors qu'il paraissait prcaire de sant, lymphati

24

BYZANGE

que de sang et surtout imdiffrent aux gloires officieldu sarikion. Et c'est en se comparant lui, qu'elle se complaisait ;\ la bande d'or pose sur le front, l'vangliaire crit au cinabre, faisant acte ainsi d'AugusLa avec des gestes do commandement. Son frre serait certainement Basileus mais elle ne serait que la sur d'un Basileus, confine au Gynce. Son sa frre aurait une gnration qui lui succderait gnration, elle, n'aurait aucun droit au sarikion etles;;

au sagion

!

Oupravda

s'unirait

ccrlainement (juclquo

fille

de

race qui lui apporterait des provinces, des armes et des populations, mais elle? Alors, lui silhouettaient mieux les trois hommes tissant, avec Hybras, la conjuration du Bien, fiaravi ne lui dplaisait, ni Solibas. Le ravinement maflu de l'un, ombr du couffieh bien serr au front, l'agitation de sa dalmatique rapice sur ses noueuses paules, la brutalit de ses gestes allaient ses propres vigueurs. Le calme frmissant de l'autre, sa grosse face rouge, sa barbe noire, sa casaque d'hnioque, surtout la couronne d'argent le nimbant lorsque, sur leurs paules, le portaient desVerts,

quelquefois la ravissaient. Mais Scpes la troublait de son (in profil, de l'audace de sa moustache, de l'intrpidit de ses regards, de l'agilit- de ses membres, de la sonorit de sa voix. Si la dignit de Grand-Logothte sirait Solibas et celle de

Grand-Drungairc Haravi, lui, Sepes, irait mieux sous la chlamyde, la robe talaire et la coifTure de Grand-Domestique, H taitplus jeune qu'eux, presque de son ge; il tait brun, il tait beau. C'est ainsi qu'au lendemain des courses de l'Hippodrome, en cet appartement simple, elle pensait, Viglinitza, Haravi, Solibas, son frre Oupravda qui, au dehors, se pntrait mieux de Byzance o des Verts et des Orthodoxes le saluaient respectueusement, devinant en lui le futur Basileus qu'il serait srement.

BYZANGE

25

III

bas des murailles de la Corne-d'Or e\. sous l'celui de l'Hebdomon saillie d'un palais aux marbres jaune clair dominant le quartier de ce nom, Sabattius restait accroupi, son crne pointu l'air.Devant lui, des pastques d'un vert noir et des pastques d'un vert clair, mles, fin harmoge, il attendait depuis l'aube, lent et fainant, sans seulement appeler la clientle des bateliers bercs dans leur barque, des monoxilones ou de rares passants filant l'ombre des fortifications coupes de tours rondes et carres et enfeuillages de figuiers, de platanes et de trbinthes poussant en la terre ciliceuse de la Corne-d'Or. Parfois, comme irrorant, le soleil lustrait un pan des murailles alors Sabattius, avec ses cucurbites, s'entage en

Au

;

allait

plus loin.

L'obstin recul se rptait chaque

jour,

imperturbablement, au point que les oisifs, bant devant le golfe, n'avaient qu' regarder le dment pour connatre les heures de la journe. La Corne-d'Or se fuselait, trouble de nefs, l'avant et l'arrire gaufrs de trirs semblables d'normes myriapodes, de dromons l'accastillage trs haut, de palandries dont les voiles, ouvertes aigment, flottaient, pendaient, confusions de draperies carmines et jaunes. Des mtures s'vidaient, dbusques d'un hyatus de crique; des proues fanfaraient, avec des faces de Panaghias clairantes sous un foc blanc des files de monoxilones nageaient, et des vocalises d'quipages s'alluraient des descentes et des hissements de toiles, la forme latine ou helladique,;

claquant.

seme d'parses diadme d'un monastre dont la simandre plaque de fer, suspendue un chevalet, qui se heurtait d'un marteau s'oussait d'heure en heure,rivage, la cte thracique

A l'autre

habitations,

2

26allait

BYZANGE

jusqu'au'fond du golfe et expirait vers le Bosl'autre bout entre les deux plages d'Asie et d'Kurope, avec un galop de fleuve, un galop qui soulevait des vagues bleues o des lumires de jour mettaient, en blondissements, des squammes

phore coulant

briss.

Et derrire Sabattius c'tait Byzance, obombre l de la Sainte-Sagesse^ du Grand-Palais des Basileus Autokralrs, dont les jardins dvalaient de cette premire Montagne en folies de rosiers, d'hliotropes, de cyprs, de mauves, d'arbousiers, de saules et de chnes, et, un peu au dessous, de la terrasse ovale de l'Hippodrome, complante de statues qui se figeaient regarder la terre et la mer, tout le rivage europen jusqu'au Gyclobion, tout le territoire de la Ville au del des faubourgs, toute la Corne-d'Or, le Bosphore, Ghrysopolis et Ghalcedn, sur la cte d'Asie. Trois hommes avanaient, pauvres; l'un trs gros avec une chevelure, lui pendant rigide, derrire, comme du bois; l'autre, maigre, la peau colle des os saillants de face peine ombre de favoris plats le troisime qui avait un regard de dsirs mauvais, un nez busqu, une tache violace sur une joue et la barbe rare; celui-l squelettique, grand, d'une grandeur qu'un rien casserait. Ils hlrent Sabattius qui;

se leva, puis nouveau s'accroupit, leur criant Il est inutile de me dranger! Vous errez pniblement parce que vous connaissez le secret d'un Ba-

:

Byzance et que ce Basileus ne veut pas de vous. Moi, je veux la fortune avec la vente de mes pastques et non des dignits que vous n'aurez jamais et dont je ne me soucie point. Les trois hommes filrent devant Sabattius qui continua grlement, sans s'arrter leurs invites, et tout la dmence, quelquefois juste, de son raisonsileus

nement

toi, Hrascos, tu montres des ours et des chiens; toi, Pamprpios, tu es portefaix. Ne faites pas autre chose et enrichis-

Toi, Palladas, tu vends des nes;

:

BYZANGE

27

sez-vousf Je ne dsire pas quitter la vente de mes pastques pour vous suivre, car le Basileus dont vous me parlez souvent n'ira pas avec vous, mais avec Haraivi. Des Verts le saluent; desOrthodoxes prientpour lui. Vous n'avez ni la puissance des Verts ni la saintet desOrthodoxes qui seconfient'la Sainte-Puret. Laissez-moi Je ne veux rien tenter contre Constantin V. Les trois hommes le laissrent alors, avec des gestes de dception. Ils avaient h peine disparu que le marchand de pastques exclama Grand lzous! Sainte-Mre-de-Dieu En rapprochement lent d'une barque, un dos mouvait des bigarrures, une licorne triomphale, un monstre aux pattes griffues, une tte barbue de patriarche, non pas en figuration raisonnable mais malhabilement juxtaposs. Des rames retombrent, le dos remua, se dressa. Haravi amarra sa barque au rivage qu'il remonta rapidement jusqu' Sabattius, toujours devant ses pastques accroupi. Grand Tout-Puissant! je parlais de toi Hrascos, Palladas et Pamprpios qui me proposent des dignits si je conjurais contre Constantin V au profit du Basileus qu'on voit avec toi, que les Verts saluent et qui obtient les prires des Orthodoxes se confiant la Sainte-Puret! Un remuement de galets, un clair conique de casque sans visire et, comme sorti de la massivit de la muraille qui avait cet endroit une poterne, un Spathaire se dirigea vers eux. 11 surgissait d'un creux de terrain d'abord la tte, une tte jeune, nergique, cheveux noirs et la moustache retombante, puis la poitrine, enfin tout le corps vtu d'une coite de fer imbriqu, les jambes nues, laces au bas de chaussures noires, que battait une longue pe. Sans!

:

!

:

plus parler Sabattius, il emmena le nouveau venu Sepes, jusqu' sa barque qui bientt fila sous le re:

gard du marchand de pastques. A la Porte-Dore!

28

BYZANCE

Oui, la Porte-Dore! S'allongcant au fond de l'embarcation, faisantmine de cacher sa face sous son l)ras recourb, Sepes restait muet, pendant qu'Haravi frappait de ses rames l'eau giclant en gouttes blanches, en un sillcige torsionn jusqu' la cote, au loin, jaune, verdie de vgtations dont pendaient les ombres et se tranaient.

Doublant le golfe, la Propontide moucheture de voiles aigus. A droite,la Ville

bleuit,

sous

la

les murailles

de

se regardaient en des eaux de fosss^ jusqu'au Oyclobion, la Porte-Dore, et leur milieu s'interrompait des Ports de Thodose et de lulien un peu aprs le Boucolon, difice dans l'immense enceinte du Grand-Palais dont beaucoup de coupoles montuaient. Le cadran solaire de ce Boucolon virait lentement par dessus son portique antrieur, rouge, au seuil duquel un lion et un taureau de bron2e se battaient, celui-l les dents enfonces dans la gorge de celui-ci aux cornes prises dans les griffes rayonnantes, terriblement, du taureau. Parfois, sur les murailles, des cuirasses miroitaient, des ttes casques comme le Spathaire, un arc se dessinait, une pe fulgurait. Haravi ramait plus vite, et son rle fort s'oussait dans la retombe des rames. Enfin Sepes se redressa lentement. L'embarcation fila devant la Porte de Thodose, non loin de la Porte-Dore, que cachaient des fortifications chelonnant leurs crnelures carres, denteles, cuivrure de briques gerces de soleil. Alors Haravi s'allgra d'un lger air, en contentement d'avoir vogu sans danger devant les sourcilleuses murailles de celte partie de la Ville, o des Gardes interrogeaient l'horizon. Et le Spathaire se redressa mieux, sa tte virile arbore, tira ses moustaches souples, secoua ses paules muscles, sans plus de prcautions. Toujours des Gardes ponctuant les murailles d'une immobilit coupe d'une ligne de piques dont l'aigrette flambait, il fit, pendant

I

BYZANCE

29

que s'harmoniait dolemment le chantonnement d'Haravi au mouvement des rames, plat en l'eauqui avait des remous Les autres ne m'ont pas aperu et ceux-l ne me connaissent point. Je voulais viter leurs regards, eux me cherchaient des yeux. Cependant, je ne crains rien. J'ai travers l'Armnie, le Pont, la Gappadoce; j'ai vu l'Arabie o tu es n; j'ai vu la Syrie, J'ai vu la mer Ege, les Iles Helladiques, la Sicile, ritalie j'ai battu le sol partout o il y a du sol. J'ai mis ma tte sous tous les cieux et je n'en suis pas mort, non, je n'en suis pas mort! Je ne veux ni me:

;

reposer ni dormir, maintenant que nous allons faire triompher le Bien dans la personne du sclavon Oupravda qui sera uni Thelladique Eustokkia pour que l'Orthodoxie ne soit pas perscute par le copronyme et le cavallin Constantin V. La mer se dfrisait: infinis ses floi s mous, bleus et hyalins! un alanguissement la vtait toute, en le plein jour, jusqu' l'horizon o la terre ardait de la cuivrure des fortifications. Quelquefois des embarcations sillaient; d'abord la pointe do la mture, puis l'ampleur des voiles, puis la proue, la bande rouge ou verte de la carne, une lenteur obse, et les frtillements des cordages, les chants des quipages dont les ttes crevaient. De loin, des hommes saluaient Haravi et Sepes sans les connatre. Des pcheurs, en de dansantes barques aux filets se soutenant leurs bouts, criaient de ne point approcher, et des clameurs tranaillaient, de la Ville venues, 'par dessus les murailles, par les portes qui les trouaient, o une population s'engouffrait pour irradier sur ses sept Montagnes, dans leurs valles et sur les hauteurs, toisonnes de palais, de Monastres, d'Eglises, de jardins et de maisons. Ville! Ville! Ville! Nous te donnerons au Bien pour l'adoration des Eiknes, la glorification du lzous et le triomphe de la race sclavonne unie la race helladique Et le Spathaire aprs s'tre ex-

I

30

BYZANGE

clam, se tut, comprimant un enthousiasme trop claSa fase ensuite se mobilisa, les yeux ferms, sa moustache, l'allongea, la mordilla, penil tordit dant qu'Haravi faisait, coutant pareillement sa protant.

pre pense

:

Oui, nous renverserons l'Autokralr orgueilleux; nous substituerons sa Puissance et sa Force celles d'Oupravda, qui sera Basileus. Et sa race, que nous unirons la race helladique, fera rayonner sur terre le culte des Eiknes, que l'Empire veut dtruire;le

Bien sera vainqueur du Mal, ainsi que le veut Hybras. Et pour mieux soutenir le Pouvoir d'Oupravda, tu seras Grand-Domestique; Solibas,Grand-Logolhle; moi, Grand-Drungaire. Quant Viglinitza, ah! quant VigliniLzal...C'tait naturellement qu'il parlait de la sur d'Oupravda. Il ne savait de quelle dignit la magnifier. Simple sur d'un Basileus, elle ne pouvait tre Augusta; elle ne serait donc que l'pouse d'un Dignitaire, mais ne dcherrait-elle pas? Et comme il lui cherchait un titre, qui la hisst au dessus de l'humanit, Sepes, qui ne rvait plus, lui fit, plaisant et taquin H! VigUnitza serait l'pouse du Grand-Domestique Sepes qu'elle ne dcherrait pas! J'ai du bon:

sang, et ma race est pure. Des humains ont t Basileus qui n'avaient pas le sang de Sepes! Haraivi eut un tremblement de sa barbe noire;

il

rpondit, au grand

A moins qu'elle ne devienne l'pouse du GrandDrungaire Haravi, dont le sang vaut bien celui du Grand-Domestique Sepes Ils rirent, trs confiants l'un pour l'autre, sans plus mler la personne de Viglinitza des dilections qu'ils se devinaient. Et leur revenant les motifs qui les faisaient aller ce bout de la Ville, ils parlrent d'Hybras, citrent d'Hybras la persistante doctrine alliant les Verts aux dmocraties toujours en conflit avec les aristocraties qui rigeaient, l'aide des Bleus^ les Souverainets fausses et les Htrodoxies.!

amusement de Sepes

:

BYZANCE!

31

Oui les Verts seraient avec Oupravda, grce Solibas qui les endoctrinait depuis longtemps: mais pas tous.

grand nombre, ceux qu'immobiparle tyran Philippicus, et qui sous des chefs soudoys s'taient attachs taire de l'un d'eux, un j our, un Basileus. Ces cinq Frres descendaient du Basiieus Thodose mais Oupravda hritait du sang de lustinien; ils avaient du sang helladique; lui du sang sclavon. Or, comme Hybras le disait souvent, n'est-ce pas ces races que Byzance devait appartenir, et non la race isaurienne, de Constantin V, l'excrmentiel et le cavaUin Basileus, hritier de son pre Lon l'Isaurien? N'estce pas aux sclavons et aux helladiques, de sang europen, que l'Empire d'Orient, appuy la mer Noire, la Propontide et la mer Ege, devait tre assujetti, et non au mi-smite, mi-touranien peuple isaurien, froid, cruel, inconceptuel, ennemi de l'Art et de l'Orthodoxie; ami du Mal, fils de la Mort et du Nant, lui qui se refusait la continuation de la Vie par la cration des Eiknes dont-il voulait prosIl

y avait,

et c'tait le

lisaient les cinq Frres aveugls jadis

;

crire le culte.

Et Hybras, attachant sur eux ses yeux luisants, d'Hgoumne au semis de croix d'argent, ajouta qu'il fallait intresser ces Verts, que Solibas n'avait pu branlerrelevant, brve personne, sa robe violette

encore, une conjuration qui unirait h Oupravda Eustokkia, petite-fUe des Aveugles, et ainsi donnerait l'Empire d'Orient au sang helladique alli au

sang sclavon. Les Verts ne trahiraient pas ceux-l dont depuis quarante ans ils recevaient des subsides, puisque leur appui se porterait l'hritire de leur sang. D'ailleurs, tait-ce possible de satisfaire les Frres voulant parvenir l'Empire tous cinq et se disputant lamentablement chaque fois que l'entreprise allait tre excute? Les Verts se runissent chez les cinq Frres ils se proposent de donner le sarikion l'un d'eux. Faites qu'arms de l'arme dont je poursuis encore l'ef-

:

32

BYZANGE

ficacil, ils combattent pour Eustokkia que j'unirai Oupravda. Engagez-les ne pas striliser leurs forces au profit des Aveugles, incapables de gouverner l'Empire, s'ils taient appels au Grand-Palais! Et Ilybras ajouta Allez! Vos paroles tomberont en des oreilles attentives, car j'ai dit pareillement Eustokkia qui n'attend que votre rvlation pour agir son tour sur les Verts Et c'tait vrai, cela! Ces cinq Frres, ces vieillards d'clatante souche qui le Basileus Philippicus fit crever les yeux, tnbreusement riches vivaient une paississante nuit mais avec un tenace, un mordant dsir d'our en Autokratrs le froissement des pes, le tumulte des armes et les acclamations des multitudes, dans ce mme Hippodrome, tmoin du supplice odieux. Tout Byzance les connaissait. Quand ils sortaient, des serviteurs vieillis comme eux les accompagnant, on s'cartait; leur face vnrable au trou des yeux vide, leur barbe sulfureuse, la cire de leur peau, les mches plates de leur chevelure sur l'chin rompue, rvlaient la lgende de terreur et de piti. Et chacun sentaitle dsir qui les peignait amrement;

:

!

chacun secus quifit

disait

combien avait

t cruel ce Philippi-

d'eux des tres inertes tranant des jours clairs peine de la naissance d'une fille du fils de l'un d'eux, tu en on ne sut jamais quelle loigne bataille et que, sous le nom d'Eustokkia, ils avaientchrie, admirablement adorne pour la prparer au trne mal vu de leurs yeux crevs. Bute l'extrmit de Byzance, la barque, qu'ils laissrent, s'abrita en le sable d'une ombre de crique qui bgayait de vagues remues. Haravi et Sepes atteignirent la Porte-Dore, aprs avoir doubl l'angle tournant des murailles. Massive, haute, en son encadrement de colonnes corinthiennes, elle se surmontait, cette Porte-Dore d'une statue de la Victoire paenne, et s'ornait aux parois de sigles et de croix. Aune des faces, un grand lzous s'aurolait leve,!

BYZANGEen lune norme,dieu, le frontet la

33les

barbe du dieu,la foule

yeux du

du dieu sur

s'immobilisaient.

Une population la traversait qui se mlangeait d'ethdes nologies des Hongres jaunes aux yeux brids Boulgres sales, qui avaient des cheveux gras de:

;

de mouton; des Sclavons ples, dont les pointus suivaient, mlancoliques, des chades riots roues pleines par des bufs trans Helladiques, des Macdoniens, des Albanais, des Siciliaques, des Gappadociens, des Isauriens, des Phrygiens, des Chypriotes, des Rhodiens, des Cretois, des Scythes aux braies serres en plis la cheville, cheval, pied, en des vhicules d'osier tress, de bois ouvr, de cuir battu bord de fer, emports par des mules sonnaillantes ou des nes harnachs de choses qui, richement, claquaient. Des maisons, d'abord basses, mal recrpies et dont des fentres liques trouaient la muraille grise et rose; puis hautes, avec de resplendissantes phiales bordes de colonnades, avec des apparitions d'escaliers droits aux parois d'or; des crnelures de Monastres amplement perant des verdures de jardins vastes, par derrire des portes encastres de marbres noirs ou roux; des Eglises, des chapelles et des oratoires achevant des culs-de-sac o des chiens s'accroupissaient en rond dans du soleil, pendant que des simandres bruyaient schement, appelant les Orthodoxes qui, en leurs intrieurs, se .glissaient vers des lumires de cierges droits illuminant de grandes Eiknes; enfin une Voie blanche, la voiegraisseprofils;

Triomphale, coupant interminablement la Ville, de la Porte-Dore au Forum Auguston, sinuant avec des palais, des bains, des places, des colonnes, des arcs, dors, argents, colors en le jour, dformant tout, vague, ennimbant tout. Des rectitudes lointaines de verdures tranaient, des imbrications d'eau talaient des flaques qui en baisaient les pieds. Et,entre des maisons de pauvres, mal rehausses de quelques maisons de riches sur les terrasses

34

BYZANGE

un

desquellesplanaientdes velumSjlepetitfleuveLychos, fleuve pas grand, rubanna sous un peuplement de saules, de peupliers et de platanes. Plus loin, de vagues terrains se bossuaient de suspectes herbes des mauves s'norgueillissant, violaantes, des orties barbeles hargneusement, des gramines blondes et des bugloses bleues, des roseaux, des sureaux, des agglomrations de fourrs o des lzards s'perdaient.Haravi et Sepeslongrentunjardin,qui ne se voyait pas, jusqu' un trs ancien palais de marbre rose, qui s'enlairait de deux ailes et d'un portique central rose, prcd d'un perron rose accdant un portique rose ouvert sur un vestibule au pavement bi-chrom. D'un escalier somptueux, clair parles, ouvertures pilastres du premier et unique tage angle de coupoles et perc de baies rondes, radiaient des couloirs percs de salles languidement toffes de draperies au fleurage vert et or. Ils le gravirent, prcds par un vieillard, tte blanche et vague, robe tranassante, nue de dessins morts. Ils ourent un grand bruit de voix, et bientt pntrrent en une salle que des gens occupaient.;

IV

Eclaire par les jours d'une coupole qui en coiffaitla hauteur, cettesalle s'tendait jusqu' un fond en conque, dcore d'une magie de mosaque, verte et or, o des chantournements de mdaillons sigls s'entouraient de rinceaux achevs en rosaces rendant plusle vert du tout. Sur une estrade, cinq trnes amples de bronze, au dossier hmicirculaire, torsionnaient leurs bras au dessus d'un escabeau d'ivoire couverture d'carlates draperies. Et l'estrade tait tapisse de tentures tombantes, violettes et pour-

bizarres l'or et

BYZANCE

35

prs, pingles d'aigles d'or, de fers de lances et de globes bleus avec des toiles d'argent. Sur des bancs de bois massif, sur des stalles solides bordant les murailles, des hommes assis causaient.

Nicomaches et Asbestas ont choisi l'heure, qui Oui Mais Gritolaos et loannikios veulent attendre. Attendre, quand Verts demandent apsera bientt! 1

les

plaudir qui aura assez de vaillance pour tre Basileus Ah tant que le chef, l'An^, Arghiras, n'a pas opin, il n'y a qu' se rserver. Mais Arghiras, l'aeul d'Eustokkia, a opin,

!

!

lui!

On se levait, on jurait pour les Aveugles, des certitudes rpondaient des doutes. Toute la salle profrait les noms Nicomaches, Asbestas, Gritolaos, loannikios et Arghiras, l'An Nous allons tonner les Frres, dit Sepes Haravi encogn^ et ses cts assis. Ils ignorent encore Oupravda et je vais leur jeter Oupravda. Et ces Verts-l s'branleront, car ils veulent combattre:

!

pour

faire

un vritable Basileus.

Redresss, expectatifs, ils dominaient les paules, les bustes et les dos ds gens toujours discutaillant, bouches ouvertes, mains cartes, nez faisant face des nez et barbes des barbes en ardeurs peu dguises. Des chefs se remarquaient, de Verts diviss en factions, inutilement inemployes par les cinq Frres qui neutralisaient leurs gots de luttes, chaque fois que le signal de proclamer l'un d'eux allait tre donn. Parmi ces Verts frmissait Solibas, en l'usuel accalmement de sa face rouge, de sa barbe noire, de ses yeux intrpides, tout le quelque chose de fort et de confiant paraissant tre lui. Un orgue, qui tranailla, salua les Aveugles, par la salle acclams. Par un cartement lourd de tentures fi-xes une tringle de bronze reliant les deux colon-

36

BYZANGE

ns d'une vote au fond d'or, ils survenaient, sous le parement d'une robe bleue coupe de plis droits et d'une dalmatique jaune brochco de mtaux. Une coifure, tale d'yeux de plumes de paon, sur le chef; un large collier de coraux au col, chacune de leur mainportait un globe et un coffret d'argent, une merveilleuse Eglise ort'vrie, au marteau et au poinon, par

des artistes qui n'avaient pas laiss leur

Eustokkia On saluait Eustokkia qu'entouraient deux Serviteurs la robe tristement verte de vieillards. Rose, la pulpe des joues pure et pleine, l'opacit des cils relie par un trait d'antimoine, en des toffes violettes, pourpres et bleues, avec des chaussures rouges, et l'bat, leur pointe, d'une cigogne d'argent, elle!

nom

autour.

calmement sur l'escabeau d'ivoire, sa face, bulbe des yeux tait hyalin, repose sur l'assistance, pendant que les Aveugles s'installaient sur les trnes torsionns. Toute Vierge en sa juvnilit de douze ans, le rayonnement de ses vtements, l'clat de sa tte coiffe simplement de ses cheveux chutants'assit

dont

le

en couronne sur le front astre de rubis et de topazes, d'imagination elle sollicitait le nimbe des Eiknes. Elle prit un lis rouge, une orfvrerie maille qu'un Serviteur lui tendit, garda la tige mtallique sur sa la fleur uvre_, en coupe, s'inclina sur l'cuisse paule et elle ne remua que faiblement ses yeux qui croisrent ceux de tous. L'orgue mugit un glorieux Hosanna, par l'attentive assistance rpt. Un Aveugle se leva, Arghiras, qui fit un signe, sa barbe jaunie demi souleve, ses yeux morts sur les Verts Verts Verts L'orgue s'puisa. Et Arghiras exclama, avec un balancement, en ses deux mains, de son globe et de son Ah! Thos; ah! Panaghia, Mre-du-Izous, coffret. voil quarante annes que l'infme, le perfide, le tortureur Philippicus lui fit crever les yeux, au soleil;

:

!

!

I

BYZANGEd'un midi fulgescent,

37voulut dlivrer

parce

qu'il

Byzance de sa domination. Cependant, n'tait-il digne de magnifier au cathisma, durant les courses de l'Hippodrome, lui, Arghiras, qui avait du sang de l'ancien Thodose, dont nul, est-ce pas ? ne reniait le souvenir. Maintenant, un autre Autokratr, fils de l'impie Lon risaurien, foulait les races de l'Empire, outrageait l'Orthodoxie, dsirait prohiber le culte despriait lestin

Eiknes, gloires de la Croix! Lors, il se levait, il Verts de courir sus au copronyme Constan-

de proclamer Arghiras Autokratr d'Orient. ayant ainsi opin. Nicomaches se leva. Il rclama l'Empire non pour Arghiras mais pour lui. Arghiras, si cass d'ge, garderait-il le lourd globe et le coffret, symboles de la Puissance et de laForce? Pouvait-on en faire un Basileus, un Autokratr qu'il serait, Nicomaches, glorieusement, l'exclusion des Et, frntiquement, il balana son quatre autres? globe bleu etson coffret orfvri aux coruscances d'argent frapp, repouss, grav en creux, o des rubis trouaient de jours rouges les fentres d'une coupole grosse comme un poing. Mais les autres Aveugles se levaient, mcaniquement, ce pendant qu'Arghiras se mordillait les lvres de fureur. Ils parlrent la fois, en sifflements de voix, de ce Pouvoir qui dansait sous leurs yeux, morts depuis quarante ans. Ils en appelaient aux Verts, dont ils gorgeaient les chefs pour avoir sous main les troupes, toujours tenues en immobilit au moment de l'assaillement, tant l'ambition insolidaire des cinq Frres tait grande, tant elle les tenaillait d'uneetIl

V

s'assit,

frnsie qui les

dissociait,

alors

que

la ncessit

exigeait qu'ils restassent unis, saintement.

Critolaos

et

loannikios

criaillaient

plus que lesla salle

trois autres. Ils voulaient attendre; ils s'opposeraient

tout. Et, dese partagea.ss, les

mmeils

qu'ils se partageaient,

Des Verts se refusaient une immtaient

diate action, car

eux-mmes

diviss. Epui-

Aveugles s'taient

assis, d'un bloc.

Machina3

38lement,avait

BYZANGEassist

Eustokkia remua ses yeux. Souvent, elle des assembles pareilles, toujours lamentablement termines par des querelles qui neutralisaient les Verts, trs dsireux d'agir, de se battre l'Hippodrome pour y proclamer le Basileus deleur choix. Verts! Verts! Verts!

de Sepes, d'une main fiche au sol. de l'autre serrant son casque conique sans visire, dont tte aux cheveux noirs coups il s'tait dcoifi'. La au col se dgagea, nerveuse et fine. Les Aveugles dirigrent leurs yeux morts sur lui Eustokkia le fixa, et Solibas cilla, trs grave, comme pour lui dire qu'il pouvait parler. J'ai vous apprendre chose sre, chose admirable. Alors que vous ne savez qui donner le sarikion, Byzance garde le petit-fils d'un Basileus aussi glorieux que Thodose et d'une race qui rgnrera l'Empire si vous l'unissez celle des Aveugles. Pourquoi sparer vos efforts au profit de vieillards jaloux l'un de l'autre, alors que vous pourriez agir avec celui-l, qui est jeune et qui voit, qui est toute nergie et toute vigueur? Les Orthodoxeslesaluent; la SaintePuret le veut Autokratr des Verts comme vous. Verts! l'acclament srement. Et des Spathaires comme J'ai moi_, des Gardes, se risqueront pour lui. J'ai dit dit, Verts! Soyez russ. Unissez, en la personne de la pure Eustokkia, le sang de Thodose au sang de ce petit-fils de Basileus glorieux, et je vous promets une dcisive, une rapide victoire contre Constantin V que nous prcipiterons du cathisma, le jour qu'il vous plaira Eustokkia laissa choir son lis, dans le saisissement de cette olfre d'poux. Elle tait seule, et le savait, du sang des Aveugles ; elle hritait de leurs richesses et de leur cause. Les cinq Frres allaient se regimC'tait la voix, en clat,le

pesant sur

sommet de son pe

;

;

!

!

ber, prfrant l'nigmatique, l'esprant

Empire

la

certitude d'un autre indirectement eux mais apport

BYZANGE

39

seulement en dot Eustokkia, quand de tous cts on cria Son nom, son nom Je vais vous le dire Oupravda, de race sclavonne et descendant du grand lustinien

:

!

:

!

promenant sur tous le ravinement de son mufle ombr du coutfieh, ramenantC'tait Haravi, debout,

de ses bras

la

dalmatique rapice sur sa forte poi:

trine, et qui ajouta,

Il

anim du Spathaire, qui est un vaillant. a raison. Haravi, qui vous parle et qui en veut

Jeloue

les ides

Constantin V, connat trs bien celui-l, qui est jeune, qui est pur, qui rgnrera l'empire d'Orient par la prminence qu'il saura donner la race sclavonne, de laquelle il sort, et la race helladique, de laquelle Eustokkia est issue. Eustokkia, qui a du sang de Thodose, ne se refusera pas au sang de lustinien. Et le peuple applaudira leur union. Les Orthodoxes salueront leur gnration la Sainte-Puret, par son Hgoumne, les bnira au lieu de la Sainte-Sagesse, trop orgueilleuse pour rendre durable le pouvoir des;

Basileuslalors torrentueusement noncer la docd'Hybras, et mme, d'une imaginative vapore de smite, laquelle les comprhensions n'arrivaient que nbuleuses, logier sa mystrieuse arme que point il ne connaissait, et nul aussi. Aussitt les Aveugles, en agitation Nous abandonneriez-vous, aprs tant d'annes nous soutenir? La face ligneuse d'Arghiras s'empourpra; il tendit la main sur la tte d'Eustokkia. Jamais, jamais11

allait

trine

:

A moi l'Empire, et posteur! Un inconnu Un aventurier Vous vous tes 1!

non

cet

Oupravda, un im-

I

lui

remis

comme

le

pcheur

l'Hads!

40Ecumant,

BYZANGEles Frres

apostrophaient:

la salle

qui s'a!

nimait. Sepes s'indigna

Un inconnu, un imposteur! Ici, Solibas Vous ne rcuserez pas voire h6nioque,o Verls, votre hnioque qui n'ignore point Oupravda et est mme entr onsa conjuration. Dsign par le Spalhaire, sur lui les regards de tous les Verts, trs attentifs, Solibas se leva. Sa face rouge sous la barbe noire frmit; sa droite oslologie solidement campe en la casaque d'or traverse du sautoir vert de la faction, avec un peu d'motion, il parla Moi, hnioque de votre faction, Verts, j'assure la vracit des paroles d'Haravi et de Sepes. Ouil J'appartiens la conjuration d'Oupravda, et beaucoup de Verts, autant que vous dsireux de combattre Constantin V, m'ont cout comme vous m'couterez. J'ai le respect de la race helladique, digne du sarikion plus que la race isaurienne reprsente au Grand-Palais en la personne du Basileus impie, et c'est pourquoi je la veux au plus tt triomphante. Les cinq Frres, ces vieillards, qui retiennent votre fougue depuis quarante ans, peuvent-ils ce triomphe, eux de race helladique, mais dbiles, mais aveugles? Joignez-vous aux Verts qui par moi soutiennent Oupravda ne divisez pas vos eforts en tentatives unissez la toujours suspendues par les Aveugles cause de l'helladique Eustokkia, leur hritire, celle du sclavon Oupravda. FA avec vous combattront les Verls qui me suivent vous aurez les Spathaires que Sepes entranera; vous aurez les Orthodoxes partisans des enseignements de la Sainte-Puret

:

;

;

;

;

vous aurez les dmocraties de Byzance ennemies des Basileus mauvais. Et votre hnioque Solibas luttera encore l'Hippodrome pour vous; il obtiendra de nouvelles couronnes d'argent et vous le porterez sur vos paules, aprs avoir vaincu les Bleus, tous les Bleus Sa voix d'homme de combat passionnment secouait les Verts qui si souvent l'applaudissaient, qui

BTZANGEsi

41

souventIl

le

portaient la sortie des courses, suroscillantes,

au chant de l'hymne Acaen une comprhension vive des suggestions d'Hybras touchant l'union d'Eustokkia t d'Oupravda. Un matin, l'Hgoumne lui avait recommand d'aller l'assemble des Verts, chez les Aveugles, pour avec Sepes et Haravi proposer la conqute de l'Empire au profit des deux Enfants. Cela avait l'avantage de donner la conjuration des cadres, de l'argent, des chefs, l'ardeur enfin collective de tous les Verts qui attaqueraient, avec une arme efficace, l'Autokratr Constantin V. Des yeux curieux le fixaient des faces souriantes, des paules, qui frquemment le portaient, se tournaient vers lui Ces Aveugles, effectivement pouvaiton encore les suivre; les inciter, faire d'eux des Basileus que chacun voulait tre l'exclusion des autres? Et les Verts avaient la mmorance de leurs querelles, de leurs injures, deleurs mfiances, deleurs ambitions insatisfaites, de la guerre qu'ils se faisaient, en leur folie, sans qu'en leur troit cerveau jaillt une pense d'union, d'abngation, de fraternelle amiti. La maintenant grandissante Eustokkia serait-elle toujours l'impassible jouet de ces martyriss de Philippicus qui l'enseveliraient enire eux plutt d'abdiquer pour elle, que l'on suivrait, elle l'espoir, la jeunesse, l'actileurs paulesthislos.s'exaltait,; !

vit, alorsIls

qu'eux l'impuissance et la snilit? avaient t frls parle flottement, sur les lvres des Verts qui suivaient Solibas, du nom d'Oupravda.tait certaine. Aussi, heureux de Sepes et Haravi il leur apportait; voyant mme dans les yeux d'Eustokkia une lueur d'acquiescement et de contentement, srs ainsi d ne pas trahir la cause du sang helladique, puisque c'tait pour que ce sang triompht, ils se levaient tous, s'approchaient de l'hnioque, du batelier et du Spathaire, sans plus faire attention aux Aveugles quela

Maintenant

chose

la solution qu'avec

ce dlaissement rendait furieux.

Merveilleux, merveifieux

!

Vous

le

connaissez

42

BYZANCE

donc, cet Oupravda que nous ferons Basileus pour qu'Eustokkia, qui il sfira uni, porte la descendance de Thodose au Grand-Palais? Des Verts s'exclamaient ainsi. Un d'eux ferma les poings, ferma les yeux, ea effort de combat. Cet Oupravda, nous l'applaudissons, car avec lui nous vaincrons les Bleus et Solibas gagnera, aux courses, assez de couronnes d'argent pour que le portent justement les paules des Verts! Mais les Aveugles sputrent Partez? Abandonnez-nous pour cet Oupravda! Notre or, notre palais ne seront plus vos chefs, Verts. Nous conquerrons bien l'Empire sans vous! Ils s'en allaient, en une suite inquite de Serviteurs, eunuques gras qui ne parlaient pas et n'entendaient pas, tant sourds et muets, toute une domesticit vtue de robes vertes, frles des parois de murailles. Et loannikios, se retournant, pronona d'une voix grave, sa main en l'air charge du coffret: Ce Sepes, cet Haravi et votre hnioque Solibas vous trompent, oui, vous trompent, et vous le verrez bien. Nous, nous nous rservons! En querelles bruyantes, les Aveugles s'injuriaient dans une salle voisine, sans lcher leur globe et leur coffret. Des Serviteurs, la robe verte, emmenrent sans parler Eustokkia qui sourit, salua, en le ravissement de la rvlation. Souvent, elle avait assist des assembles de Verts o des prises d'armes, des projets de rbellion furent discuts puis suspendus par les Aveugles toujours craignant que le sarikion chappt chacun d'eux. Et maintenant, ces assembles lui taient des crmonies que sa jeunesse, toute en pulpe, supportait seulement comme un acheminement vers cet Empire, qu'Arghiras, le pre d son pre, se proposait de lui transmettre et non ses frres, lui mort. Tu as entendu, soul'fla-t-elle au vieillard vague, accouru un angle de tenture, qui tout l'heure avait ouvert Sepes et Haravi. Un Oupravda est

:

BYZANGE

43

Byzance, qui sera Basileus. Comme me l'a suggr Hybras, qui me ft orfvrir ce lis rouge, que je dois porter sans cosse, je serai son pouse. Les Verts, quej'engctgerai,

m'y aideront.

ambitieuse, quoique purement et pourl'Orthodoxie telle que la lui enseignait Hybras, dont l'Eglise monastique la voyait souvent elle entrevoyait quelque chose de trs hardi en cette union une sorte d'hgmonie de la race helladique la sienne, et de la race sclavonne, celle-ci par son innumrabilit battant les frontires de l'Empire. L'univers serait assujetti par toutes deux les enfants de leurs enfants rgneraient Byzance sous le regard du Thos, du lzous et de la Panaghia, et les hommes des trois continents auraient dsormais pour lois les commandements sortis du Grand-Palais, o elle et son poux futur rgneraient. Les Verts se dispersrent les uns filant vers les murailles du ct de la terre; d'autres descendant les rives du Lychos, moisissantes plusieurs, avivrent de groupes la Voie Triomphale, o ils se quittrent, un doigt sur la bouche pour se recommander la discrtion. Sepos, Haravi et Solibas se sparrent au seuil bleut de cette Voie, allonge de palais, o, aux draperies des tages, peraient des faces blanches de femmes, ornes de joyaux. Surtout Sepes paraissait dcid. L'union du sclavon et de l'helladique, reportant sur une seule et future dynastie les efforts parpills sur Oupravda et les Aveugles, lui donnait une gaiet grande, une rsolution vraie de paroles et de marche. Avec lui s'animaient Haravi et Solibas. Le batelier voulait incontinent dtruire la Sainte-Sagesse, o, au nom de la Raison politique, trnait un Patriarche chtr, que l'Hgoumne disait tre son ennemi. Solibas s'engageait gagner beaucoup de courses sur les Bleus et pour les Verts qui rgneraient dans l'Empire d'Orient rgnr par Oupravda uni Eustokkia. Sepes parlait de fomenter, sans attendre qu'Hybras donnt aux Verts son armel'ond,

Au

:

,

;

:

;

44

BYZANGE

mystrieuse, une vaste rbellion qui lui permettrait de courir sus au Basileus impie, qu'au nom de l'Orthodoxie il gorgerait au soleil, devant les cent mille spectateurs de l'Hippodrome. Son pe percerait, non seulement Constantin V, mais encore ses hautsDignitaires,le Grand-DomcsLique,le Grand-Drungaire,

Grand-Logothte, qu'eux trois remplaceraient srement; le Protostator, le Protovestiaire, le Grand-Stratopdarque, le Primicier-des-Chantres, le Grand-Garle

tulaire,

le

Protoiracaire, le Protoprocdre,

le

Proo-

dre, le Grand-Myrtate, le Caniclios, le Ctonite, le Curopalate! Puis, amenant sur le ravinement de face

d'Haravi un gros ennui qui toujours l'amusait, il ajoutait qu'aprs tous ces hauts faits Viglinitza pourrait bien le vouloir poux, elle qui serait sur d'unBasileus.

Porte-Dore, venu.

Haravi s'en alla dtacher sa barque, au bas de la et rentra Byzance par o il tait

Un jour pars dans le naos mordait la robe de la Vierge orante, qu'il agrandissait et vivifiait, dvtait l'obscurit nageante de l'Eglise monastique, la mettait en son nu splendide, peu peu clairait les quatre Anges gants des pendentifs dont le torse et les bras s'envolrent, dont les trompettes projectrent leur dessin hardi, tirait comme d'un nant larvique les croix des surfaces d'arches, les Figurations de lzous dont l'or s'aurola sur les entablements des deux galeries, o des Animaux mythiques, des paons, des colombes et des brebis, s'espaaient en des vignes symboliques feuillageant en formes presque non connues.

BYZANGE

45

L'anagnoste Scleros se montra. Le rire muet de sa barbe monta, retomba comme mcaniquement en un claquement de dents. L'allumement d'un cierge qu'il portait incendia mieux cette barbe rouge, au travers de laquelle des paroles prcipites firent un cho amus dans l'Eglise, vide maintenant. Fermant rapidement une porte qui donnait sur un couloir troit o s'amorait l'escalier large d'une maison dpendante,

j'allume les lampiers de la Sainte-Puret, ne me suivez pas! Votre pre Scleros, que l'Hgourane a commis au bon ordre de l'Eglise, vous dtend de le suivre. Ou bien Je vous chtie tous; jefouette Paraskevi, Anthousa, Nikolao et Theophan je gronde fort Danielis etKyros et je n'embrasse pas, tant plus petits, Acapios et Zozims qui ne tette plus et marche toujours.;

Quand

il

criait

:

Un

clat de

rires frais derrire cette porte;

des

coups de pied d'enfants tout fait en joie. Scleros se sauva, non sans dire encore Et si je ne vous fouette pas, si je ne vous gronde pas, si je ne vous embrasse pas, ce sera votre mre Sclereno ne pas vous embrasser, mais vous gronder et vous fouetterl Il alluma un peu partout des chandelettes fiches des branches de lampiers poss prs d'normes piliers. Clin le chef, il repassa devant les Faces nimbes, teignit son cierge, prit un houssoir pendu sa ceinture de feutre, et pntra dans le sanctuaire, derrire riconostasis, dont il pousseta l'autel^ bas, surmont d'un ciborion en tiare, repos sur quatre colonnettes de brche rose. Au fond c'tait l'abside en conque, oii la grande Panaghia se dtachait sur un fond d'or, la tte prodigieusement en l'air, jusqu' l'clairement des vitraux. Le houssoir fit voleter les fines poussires de la nappe de l'autel, une splendeur, une lourdeur de tissu dont, strictement, la trame dessinait le lzous dans la parure de sa robe pourpre et de son manteau d'or, les Evangiles, une main, l'autre

:

3.

46

BYZANGE

tendue vers un paysage o des arbres imaginaient des madr[)ores lgers. A ses cts, les Aptres, barbus, la tunique longue ceinte de perles; plus loin, des scnes religieuses, des foules cousues mme au tissu par des lils d'or, des fils rouges et verts, des fils de tapisseries patiemment ouvres, qui se continuaientpartout.Il

s'arrta

h.

l'autre

e.Ktrmit,

sous

le

narthe.K

base au haut, poussant ses cubes de pierre au.x entrecolonnements, la surface des arcades ouvertes sur la nef, ou sous la vote du narthex extrieur, jusqu'aux deux galeries. C'taient des scnes vivantes et gigantesques. L encore, un lzous imposait sa belle face aux roux cheveux et barbe pointue, se rptait au bord d'un lac^ qui tait le lac Tibriade, bord de collines bleues, avec une colombe chappe d'un ciel bleu cru. Des Anges l'entouraient, et des poissons, des btes plumes et poils erraient au milieu d'Hommes, droits sur des paons, et d'Aptres quelconques dressant leurs ttes lunes d'or. L'anagnoste disparut par la porte basse de la cour intrieure, au baptistre de marbre. Au soleil, le nimbe du lzous de cette cour ressemblait du cuivre poli; sa robe rouge tait comme une fleur de pavot; l'avoisinante Panaghia bleuissait toute par contre, et, illucescents, les Aptres dtachaient un clat plane sur le jour himal. Deux kaloyers retroussaient leur robe brune, gravissaient un chafaudage appliqu une autre partie de la muraille; en bas, un autre ouvrait un grand compas fait avec deux roseaux un autre mlangeait, en des seaux de bois, du brun rouge, de la colle deintrieur, qu'unela;

mosaque dvorait de

poisson, du vert-clair, du bleu-tendre, du noir et du blanc. Ceux d'en haut peignirent. Une Transfiguration en un ovale, le lzous nimb, une main au cur, l'autre retenant un pli de robe; sa droite, sur une:

bleuit de ciel, Saint-Jean et Saint-Luc la tte cline

sous

le

nimbe jaune

et les

mains tendues.

Un

rocher

BYZANGE

47

confus, sous une croix laquelle le dieu tait attach, au bas, des Etres une Madeleine, pleurante, accroupie des Aptres genoux, et tout autour des vgta: ;

tions ornementales

semant

le sol

d'acanthes dforms.

Le

tout dmesui', les corps longs et minces, les ttes petites et blmes, les lignes souffles, lgres etsaillissant avec les lunes des nimbes qui, sous coups de pinceaux, maintenant s'arrondissaient, se doraient, merveilleuses_, rondes comme des plats de vermeil ronds. La simandre claqueta loan trana son ne avec de frquents coups de pied au poitrail, et, la bride tirant, il se cambrait, le ventre en avant, la face renverse, la barbe en horizontalit, les jambes en car-

mieuxles

:

tement, reniflant, renclant. Lourdement charg, l'ne que loan voulait appeler l'Excrmentiel, comme le cavallin Constantin V, qui avait ce surnom Des tas de lgumes, coupant les pulpes rouges des piments sur des rondeurs blanches de navets, et en dessous l'affolissement des feuillages fenouils, salades, asperges; des ensang