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1 ASSOCIATION DES AMIS DES CABLES SOUS-MARINS BULLETIN N° 51 FEVRIER 2016 Le NC Antonio MEUCCI à La Seyne en août 2014 (G Fouchard)

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ASSOCIATION DES AMIS DES CABLES SOUS-MARINS

BULLETIN N° 51 – FEVRIER 2016

Le NC Antonio MEUCCI à La Seyne en août 2014 (G Fouchard)

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SOMMAIRE

NUMERO 51 – FEVRIER 2016 Articles Auteurs Pages Couverture : Le NC Meucci à La Seyne sur Mer Rédaction 1 Sommaire Rédaction 2 Le billet du Président A. Van Oudheusden 3 La lettre du trésorier Gérard Fouchard 4 Undersea Fiber Communication Systems José Chesnoy 5 Le NC Meucci et les mensonges de l’histoire Rédaction 6 La technologie du futur des câbles sous marins José Chesnoy 10 L’actualité des câbles sous-marins Loic Le Fur 20 Les sémaphores de la Marine Yves Lecouturier 23 Gustave Ferrié et la radio pendant la Grande Guerre Gérard Fouchard 31 Paul Langevin à Toulon pendant la grande guerre Gérard Fouchard 39 Le point de vue de Pierre Suard Pierre Suard 45 Hommage à Alain Bacquey Jocelyne Yépès 46 Hommage à Marcel Ferrara J. L Bricout 47 Hommage à Jean Le Tiec Christian Delanis 48 Hommage à René Salvador Gérard Fouchard 49

FIN DE VOTRE ABONNEMENT AU BULLETIN Le numéro 50 devait être le dernier bulletin mais l’actualité, la technologie et les témoignages sur la guerre de 1914-1918 permettent l’édition plusieurs bulletins complémentaires. La trésorerie de l’association le permet. Je vous rappelle que la cotisation annuelle est de 5 euros. Seule une adhésion à jour vous permet recevoir le bulletin. Gérard Fouchard - Trésorier de l’AACSM - 40 Quai Hoche -83500 LA SEYNE SUR MER Site de l’association : www. Cablesm.fr

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LE BILLET DU PRESIDENT

Alain Van Oudheusden

Je tiens à présenter à tous les adhérents, au nom du Bureau, mes meilleurs vœux à l’aube de 2016 et ce nouveau bulletin. L’acte de décès d’Alcatel-Lucent et de la filiale « Câbles sous-marins » après 125 ans de labeur au service du câble, de l’industrie française et de la France porte le millésime 2015. Le 24 octobre 2015, nous avons également déploré le décès de notre Président d’honneur, René Salvador à l’âge de 94 ans. Il avait fait toute sa carrière au service des câbles sous-marins, ce qui est devenu rare au sein des Polytechniciens. Cela traduisait de son côté, d’un attachement particulier, d’une part au métier, et d’autre part aux fonctionnaires et marins du service. Ces derniers lui en étaient particulièrement reconnaissants. Mais il y eut également en cette année 2015 la disparition du Maitre d’équipage Marcel Ferrara, à l’issue d’une longue maladie qu’il essayait de maitriser avec courage et humour pour donner le change. C’était un cadre des équipages très apprécié de tous, par ses compétences et son commerce affable. Disparition aussi, de l’officier mécanicien Johny Le Tiec, à l’aise en anglais, ce qui en faisait un agréable compagnon de sortie à Terre Neuve. Ses qualités de diplomate étaient appréciées par les réfractaires de la langue de Shakespeare. Notre ami Alain Bacquey manque également à l’appel. C’était un membre actif de notre association, commissaire aux comptes et correcteur du bulletin, toujours prêt à rendre service. Ce technicien au centre de La Seyne sur Mer avait adopté les labos et les navires. Il effectuait quelques campagnes de réparation et des déplacements dans les centres. . Plusieurs thèmes ont été abordés dans ce bulletin :

Des articles historiques sur la vie des sémaphores, et les débuts de la radio. Vous constaterez l’importance d’un dépôt de brevet en bonne et due forme. En 1901 on utilisait le sextant à horizon artificiel gyroscopique type Fleuriais. Les câbliers ont toujours bénéficié de la dernière invention disponible voire unique, comme en 1978 lorsque le calculateur du système Transit, venant d’un sous-marin atomique, prêté par la Marine U.S au Marcel Bayard.

Des articles d’actualité de José Chesnoy et Loic Le Fur sur les limites de la technologie actuelle de l’amplification optique et sur les nouveaux projets de câbles sous-marins.

Des articles liés à la guerre de 1914-1918, une guerre mondiale mais aussi de l’innovation qui ne s’est pas déroulée que dans les tranchées mais aussi dans les laboratoires et les arsenaux de Marine sur des applications telles que la radio, la cryptographie, la détection sous-marine. Autant d’applications qui ont permis de gagner la guerre sous-marine etc….

Apparemment, la FNARH apprécie notre travail bénévole, notre participation au colloque puisqu’elle nous encourage à poursuivre nos activités. Il est vrai que site internet, les conférences, le bulletin et …lien social constituent un bon bilan. Le nombre de visites du site et celui des pages lues sont assez impressionnants et constituent un bon bilan et un encouragement à continuer. Le président : A van Oudheusden.

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LA LETTRE DU TRESORIER

G. Fouchard L’actualité impose des devoirs au rédacteur en chef du bulletin (également trésorier). N’oublions pas de noter disparition de la société Alcatel-Lucent aux disparus de l’année et de rappeler le rôle de René Salvador à la fois dans la recherche des télécoms et dans la construction du lien social entre les anciens acteurs du secteur des câbles sous-marins qu’ils appartiennent aux groupes France Telecom, Alcatel ou aux autres entreprises du secteur. Il a su également nous réunir pour publier l’ouvrage “Du Morse à l’Internet”. Cet ouvrage majeur sur l’histoire des sous-marins. Il en fixa la structure. Il a relu chaque ligne, chaque page et a choisi chaque image. Lorsqu’il fut publié en 2005, Il regrettait l’absence d’une version en langue anglaise. Il proposa également de laisser à l’association tous les bénéfices de l’opération et dix ans plus tard, le document n’a pas pris une ride. Il a rappelé que depuis le début des systèmes téléphoniques sous-marins jusqu’en 1995, date de mise en service des premiers câbles sous-marins à fibres optiques et amplification optique, la technologie changeait tous les cinq ans. José Chesnoy, ancien directeur technique d’Alcatel-ASN (ER) nous explique en page 10 ci-après les raisons de la longévité de la technologie actuelle et de lire l’avenir “dans la boule de cristal”. C’est le chapitre qui compléterait une nouvelle édition de l’ouvrage “Du Morse à l’Internet”. En février 2016, José Chesnoy publie la deuxième édition du livre « Undersea Fiber Communication Systems » qui fournit une présentation détaillée des aspects techniques des systèmes de communications sous-marines, en mettant l'accent sur les avancées les plus récentes des technologies optiques. Cet ouvrage est une référence essentielle pour les acteurs de ce domaine comme l’édition précédente de 2000. Les grands thèmes du livre sont les technologies de transmission sous-marins ultra-longues distance pour les télécommunications, ainsi que les applications alternatives des câbles sous-marins, scientifiques et pétrolières. Il détaille en particulier:

la technologie optique cohérente pour 100 Gbit / s et au-delà

l’architecture des réseaux optiques immergés et leur reconfigurabilité

le cycle de vie technique et organisationnel d'un réseau de câbles sous-marins

Les aspects techniques et opérationnels de déploiement et d’upgrade

Les aspects techniques et opérationnels des opérations marines Les chapitres du livre « Undersea Fiber Communication Systems » sont écrits par des experts du domaine : fournisseurs, opérateurs, consultants et universitaires. Plus de détail peut être trouvé directement sur : http://store.elsevier.com/product.jsp?isbn=9780128042694 Dernier point enfin, notre site internet. Notre webmestre Francis Tressières maintient une quantité d’informations qui portent sur l’actualité et l’histoire des câbles sous-marins en 3 langues : le français, l’anglais et l’espagnol. Le nombre de visites et de pages lues croit sans cesse et atteint plus de 9.000 pages lues par mois et 6.000 visites par mois en cette fin d’année 2015. Notre site est consulté dans le monde entier, surtout en Chine et au Japon. En conclusion, bien que l’association ait réduit la voilure dans le secteur culturel, le lien social se maintient avec la profession et le milieu éducatif et les productions culturelles, comme les adhérents se maintiennent.

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UNDERSEA FIBER TELECOMMUNICATION SYSTEMS

José CHESNOY TABLE DES MATIERES/CONTENTS Foreword by Yves Ruggeri, Orange - Foreword by Valey Kamalov, Google Foreword by Neal S. Bergano, TE Subcom - Preface Part I Introduction 1

1 Presentation of submarine fiber communication 3 JoséChesnoy, 2 Historical overview of submarine communication systems 21 Gérard Fouchard Part II Submarine System Design 53

3 Basics of incoherent and coherent digital optical communications 55 Philippe Gallion, Telecom Paris Tech 4 Optical amplification 119 Dominique Bayart, Alcatel-Lucent Submarine networks 5 Ultra-long haul submarine transmission 165 Gabriel Charlet and Pascal Pecci, Alcatel-Lucent 6 Technologies for the mitigation of transmission impairments in ultra-long haul submarine networks 237 Eduardo F. Mateo, NEC 7 Unrepeatered Transmission 261 Herve Fevrier, Bertrand Clesca, Philippe Perrier, Do-Il Chang and Wayne S. Pelouch, Xtera 8 New applications for submarine cables 301 Stephen Lentz, OSI Part III Submarine Equipment 341

9 Architectures and management of submarine networks 343 Olivier Courtois and Caroline Bardelay-Guyot, Alcatel-Lucent Submarine networks 10 Submarine system powering 381 Koji Takehira, NEC 11 Submarine fibers 403 Scott R. Bickham, Hazel B. Matthews and Snigdharaj Mishra, Corning 12 Submerged plant equipment 421 Neal S. Bergano, Barbara Dean, Lara Garrett, Maurice E. Kordahi, Haifeng Li and Bruce Nyman, TE Subcom 13 Cable technology 465 Jean-Francois Libert and Gary Waterworth, Alcatel-Lucent Submarine networks 14 Submarine line terminal 509 Arnaud Leroy and Omar Ait Sab, Alcatel-Lucent Submarine networks Part IV Planning, Operation and Maintenance 551 15 System planning and deployment 553 Loic Lefur, Axiom 16 Submarine cable upgrades 577 Robert Hadaway, Elizabeth Rivera Hartling, Priyanth Mehta, Michael Hubbard, Darwin Evans, Loren Berg and Mark Hinds, Ciena 17 Marine and maintenance (from inception to end of life) 605 John Horne, Suboptic and Raynald Leconte, Orange Marine

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LE NAVIRE CABLIER ANTONIO MEUCCI

Retour sur des mensonges de l’histoire Le navire câblier Antonio Meucci Le navire câblier Antonio Meucci a commencé la garde de la zone MECMA, qui comprend la Méditerranée, la Mer Rouge et la Mer Noire. Son armateur, la compagnie italienne Elettra, filiale d’Orange Marine, a remplacé le Certamen. Mais ce navire qui est venu à la Seyne sur Mer en 2014 (notre photo) est bien connu des anciens. Il est exclusivement dédié à l’activité de réparation, prêt à appareiller sous 24 heures, 7 jours sur 7 et 365 jours par an, avec un niveau de service garanti par des indicateurs contractuels de performance opérationnelle. Ses objectifs : vitesse et efficacité. Revenons en arrière. Le NC Meucci est construit en 1987 aux chantiers Astilleros de Santander en Espagne. Son constructeur est Temasa, filiale de Telefonica. Le navire reçoit le nom d’Atlantida, basé à Vigo pour la maintenance Atlantique (MECMA). C’est le navire support du SCARAB. Après le rachat de Temasa, le navire devient le Trinity Supporter de novembre 2003 jusqu’au 28 février 2008 puis le It Interceptor jusqu’au 22 avril 2014. Ce navire du type poseur de câble a un port en lourd de 7.374 tonnes. La mise en service de ce navire sous le nom de Meucci nous permet de rappeler l’un des plus grands mensonges de l’histoire des télécommunications. Samuel Morse, inventeur du téléphone ? Si la télégraphie, système permettant la transmission de messages sur de grandes distances, fit son apparition au cours à la fin des années 1830 sans que cette invention soit associée à l’inventeur d’un appareil particulier, elle reste cependant liée à Samuel Morse, qui, reprenant les travaux de ses prédécesseurs, invente le code Morse en 1840 (ce dernier permettait de transmettre un texte par le biais d’impulsions courtes et longues). Cet artiste peintre américain a rendu le télégraphe particulièrement populaire puisque plusieurs milliers de kilomètres de câbles furent installés en Europe et aux Etats-Unis et que l’universalité du code binaire de Morse permis de s’affranchir du langage du texte. Rappelons que l’océan Atlantique fut traversé par deux câbles sous-marins en 1866. Plus tard, de nombreux inventeurs tentèrent d'améliorer ce procédé, afin de transmettre non seulement un signal télégraphique mais également la parole. Qui est l’inventeur du téléphone - Graham Bell (1871), Elisha Gray (1871) ou A. Meucci (1871) ? Nous avons appris que le téléphone fut inventé par Graham Bell à la fin du 19ème siècle. La réalité historique est plus complexe... L’homme parfois considéré comme le véritable inventeur du téléphone était l'Italien Antonio Meucci, qui aurait commencé à travailler dès 1849 sur un appareil permettant de transmettre la voix. Les sources manquent au sujet du téléttrophone. L'avertissement de brevet, déposé en 1871, reste très laconique, et ne décrit pas précisément l'invention de Meucci. Pourtant, en juin 2002, la Chambre des représentants des Etats-Unis promulgua un texte de loi, reconnaissant les travaux de l'Italien et l'issue floue du procès intenté par Bell, ajoutant que si Meucci avait été capable de payer les 10 $ de frais pour maintenir l'avertissement de brevet après 1874, aucun brevet n'aurait pu être délivré à Graham Bell. [...] Il est donc du devoir de la Chambre des représentants de

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reconnaître la carrière et les inventions d'Antonio Meucci, comme devrait être reconnu son travail dans l'invention du téléphone. En 1861, Meucci publie un article présentant ses inventions dans L'Eco d'Italia (« L'Echo d'Italie » en français) et dans un journal de New-York en langue italienne. En 1870, parvenant à transmettre la parole à un kilomètre de distance, il baptise son appareil le téléttrophone. En décembre 1871, Meucci fonde la Telettrofono Company, déposant un avertissement de brevet (il s'agissait d'un système renouvelable moins onéreux que le dépôt d'un brevet) pour un « télégraphe parlant », auprès de l'Office des brevets des Etats-Unis. En 1872, Meucci se rapproche d'Edward Grant, vice-président de l'American District Company of New-York, lui demandant d'utiliser ses lignes télégraphiques afin de tester le

Antonio Meucci (à gauche) et son tellettrophone (à droite)

Graham Bell et Elisha Gray

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téléttrophone. L'Italien donna aussi à Grant une description de son prototype ainsi qu'une copie de son avertissement de brevet. Mais deux années plus tard, comme l'entreprise n'avait pas donné suite, Meucci réclame qu'on lui rende ses documents. Grant affirme alors que ces derniers sont perdus. Comble de malchance, Meucci, qui vivait de l'assistance publique depuis des années, ne peut renouveler son avertissement de brevet en 1874. Deux années plus tard, le 14 février 1876, le Britannique Graham Bell dépose un brevet pour un « téléphone acoustique », gagnant de vitesse l'Américain Elisha Gray, qui avait déposé le même jour un avertissement de brevet pour une invention similaire. L'Office des brevets des Etats-Unis, constatant que les deux appareils sont similaires, entame une procédure de blocage de 90 jours, qui devait permettre à Gray de déposer un nouveau brevet. Toutefois, ce dernier perd beaucoup de temps à concevoir un nouveau prototype, et le brevet de Bell est officiellement publié en mars 1876. Charles Bourseul (1854), Johan Philipp Reis (1860) et Innocenzo Manzetti (1864). En France, ce reconnait Charles Bourseul, employé des télégraphes, comme le premier à travailler sur la conception d'un engin permettant de transmettre la parole sur de longues distances. En 1854, il rend un mémoire à sa hiérarchie, présentant un appareil permettant une « transmission électrique de la parole. » Cependant, Bourseul n’est pas pris au sérieux par ses supérieurs ; et, faute de moyens, il n’eut pas la possibilité de concevoir un prototype. Six années après Bourseul, l'inventeur allemand Johann Philipp Reis présente en 1860 un appareil permettant de transmettre la voix et des notes de musiques. Toutefois, si Reis fut le premier à faire usage du mot « téléphone » (composé des termes télé, ce qui signifie « à distance », et phone, une unité de mesure de l'intensité des sons), son appareil était difficile à utiliser, et les sons étaient difficilement audibles. En 1864, l'Italien Innocenzo Manzetti, qui avait conçu un automate quinze années plus tôt, agrémenta ce dernier d'un « télégraphe parlant. » Un article présentant cette invention fut publié dans le quotidien Le Petit Journal, en novembre 1865, mentionnant que cette invention permettait de diffuser les notes de musiques et la parole. Toutefois, Manzetti ne déposa jamais de brevet pour son appareil, et mourut largement méconnu en mars 1877. Les débuts du téléphone (1877) En 1877, Graham Bell fonde l'American Bell Telephone Company, et, à compter de cette date, assigne en justice tous ses rivaux, dont Meucci, qui clamait être l'inventeur du télégraphe parlant. Comme l'Italien vivait dans la pauvreté, il n'eut pas les moyens d'assurer correctement sa défense. Le procès, qui dura pendant près de dix ans, s'acheva à la mort de Meucci, en octobre 1889. L'Italien, accusé d'avoir antidaté ses inventions, fut considéré comme un fraudeur et rapidement oublié. Le téléphone fut commercialisé aux Etats-Unis dès

Maquette de l'automate de

Manzetti

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1877 et en France à compter de 1879. A l'aube du 20ème siècle, on comptait déjà 12 millions de postes téléphoniques dans le monde.

Ou encore Charles Bourseul (1854), Johan Philipp Reis (1860) et Innocenzo Manzetti (1864) ? En France, ce fut Charles Bourseul, employé des télégraphes, qui fut le premier à travailler sur la conception d'un engin permettant de transmettre la parole sur de longues distances. En 1854, il rendit un mémoire à sa hiérarchie, présentant un appareil permettant une « transmission électrique de la parole. » Cependant, Bourseul ne fut pas pris au sérieux par ses supérieurs ; et, faute de moyens, il ne put travailler à la conception d'un prototype. Six années après Bourseul, l'on retrouve l'inventeur allemand Johann Philipp Reis, qui présenta en 1860 un appareil permettant de transmettre la voix et des notes de musiques. Toutefois, si Reis fut le premier à faire usage du mot « téléphone » (composé des termes télé, ce qui signifie « à distance », et phone, une unité de mesure de l'intensité des sons), son appareil était difficile à utiliser, et les sons étaient difficilement audibles. En 1864, l'Italien Innocenzo Manzetti, qui avait conçu un automate quinze années plus tôt, agrémenta ce dernier d'un « télégraphe parlant. » Un article présentant cette invention fut publié dans le quotidien Le Petit Journal, en novembre 1865, mentionnant que cette invention permettait de diffuser les notes de musiques et la parole. Toutefois, Manzetti ne déposa jamais de brevet pour son appareil, et mourut largement méconnu, en mars 1877. Les débuts du téléphone. Le téléphone fut utilisé commercialement aux Etats-Unis dès 1877 pour le plus grand profit de Graham Bell. Le téléphone est utilisé en en France à compter de 1879. A l'aube du 20ème siècle, on comptait 12 millions de postes téléphoniques dans le monde. Aujourd’hui, l'homme considéré comme le véritable inventeur du téléphone est l'Italien Antonio Meucci, qui aurait commencé à travailler dès 1849 sur un appareil permettant de transmettre la voix. Il est mort dans la misère…

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LA TECHNOLOGIE DU FUTUR DES CABLES SOUS-MARINS

Que dit la boule de cristal ?

Par José Chesnoy Ecrire un article sur la prévision de l’avenir des technologies des câbles sous-marins est un risque que j’ai pris plusieurs fois par le passé, et je dois avouer que j’ai fréquemment été démenti par la réalité un peu plus tard ! De cette expérience, j’ai acquis la sagesse de savoir que l’exercice est intéressant, mais reste assez spéculatif. Tant de brillants ingénieurs et marqueteurs dépensent leur énergie à créer la surprise en « sortant de la boite », qu’il est vain de prétendre deviner l’avenir au-delà de quelques années. J’avais affiché dans mon bureau une citation dont je n’ai pas retrouvé l’auteur (merci au lecteur qui le retrouverait…) : celui qui dit « c’est impossible » est habituellement interrompu par celui qui dit « je l’ai fait ». Dans le domaine technologique des câbles sous-marins, il est effectivement pratiquement impossible depuis 1980 et l’avènement de l’optique, de faire une projection de la capacité ultime d’un câble sous-marin qui ne soit pas démentie à très courte échéance. Je remercie par avance les lecteurs de leur clémence et je leur recommande de ne pas prendre des décisions impliquant leurs finances personnelles à partir de ce qu’ils liront ci-dessous… Avant de se projeter dans le futur, la démarche première -la moins risquée !- est d’abord d’analyser comment nous sommes arrivés à la technologie d’aujourd’hui. Je débuterai par le parcours à vol d’oiseau au-dessus des 30 dernières années :

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10

100

1

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Gbit/s

Tbit/s

2000 20101995 2005 2015Year for « Ready for Service »

Optically Amplified Systems

WDM

10 Gbit/s channels

« Bubble » pause

Coherent Systems

« Shannon limit »

Coherent Upgrade

1

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100

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Gbit/s

Tbit/s

Capacity Per

Transatlantic Fibre

(6000km deployed)

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1 / LES CABLES OPTIQUES JUSQU'À AUJOURD'HUI La révolution de l’optique. Les deux dernières décades du 20eme siècle ont vu une révolution complète des réseaux d’infrastructure fixes de communication avec l'introduction de la fibre optique: grâce aux technologies optiques, la capacité par câble sous-marin a augmenté d’un facteur supérieur à 10.000 menant en l’an 2000 à la transmission de plus de 100 millions d'appels téléphoniques simultanés à travers l'océan sur un câble (Figure 1). Aujourd'hui, en 2015, après la courte pause de l’éclatement de la bulle internet, la capacité sur un câble sous-marin a de nouveau augmenté de plus d'un facteur de 20, conduisant à une capacité approchant 20 Tbit/s par paire de fibre optique sur un câble transatlantique. La capacité de transmission sur fibre optique connaît sa loi de Moore comme l’électronique, comme l’illustre la Figure 1. Aucune autre technique ne peut rivaliser maintenant avec les câbles sous-marins optiques qui ont acquis une position de monopole dans l’infrastructure de la communication internationale voix-données. Il est maintenant reconnu par le grand public que pratiquement tout le trafic mondial est transporté sur la planète par les câbles sous-marins. Leur coût et leur efficacité a permis de créer le « village global» (slogan utilisé dès SubOptic 2001). Cette capacité de communication presque illimitée et gratuite permet tous les développements du Web que nous connaissons aujourd'hui (y compris le plus récent déploiement du « cloud » qui n’existerait pas sans nos câbles sous-marins), et la croissance du trafic ne se limite plus à la communication entre personnes, puisque le trafic échangé entre les machines a dépassé en 2014 la capacité échangée entre les êtres humains. Les câbles sous-marins constituent un maillage continu, dépassant désormais 1 million de kilomètres de câbles optiques au fond des océans. La Figure 21 illustre la carte de câble sous-marin en 2015, tous les câbles encore en service étant optiques.

1 - Origine -Telegeography

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Les systèmes optiques sont basés sur quatre inventions, pierres angulaires de nos câbles sous-marins. Les 2 premiers piliers technologiques des systèmes de communications optiques sont deux inventions majeures: le laser à semi-conducteur (1962) par Robert Hall et le concept de fibre optique (de 1964) par Charles Kao. Ces deux technologies ont permis les déploiements de la génération des câbles TAT 9 et TPC 5 mis en service dès 1989, à 560 Mbit / s par fibre, et ceux qui ont suivi. Puis l’amplification optique par la fibre Erbium démontrée en 1996 par un français, Emmanuel Desurvire dans un laboratoire d’AT&T, est venue comme la troisième pierre angulaire des câbles sous-marins modernes, remplaçant élégamment dans le répéteur la régénération électronique. Le miracle qui a assuré le succès de l’amplification à fibre dopée Erbium a été la coïncidence entre la fenêtre de l’amplification optique et celle de la troisième fenêtre de l’atténuation minimale de la fibre de silice à 1,5 micromètre. L’amplification optique a amené naturellement avec elle le multiplexage en longueur d’onde (WDM). La décision a été prise en 1990 de déployer l’amplification optique sur les câbles sous-marins sur TAT12-TAT13, déployé en 1996, ainsi que sur TPC5 peu de temps après. Tous les câbles installés depuis cette époque utilisent cette technologie immergée avec comme seule évolution sensible celle de la fibre optique. Tous les câbles posés précédemment sont dé-commissionnés. Entre 1995 et 2001, ces trois technologies ont rapidement évolué avec un débit par canal passant de 2,5Gbit/s à 10Gbit/s (après un démarrage anormal à 5 Gbit/s) et un nombre de canaux WDM croissant de 1 à 100. La quatrième pierre angulaire de la transmission optique moderne n’est pas liée à la partie immergée, mais au terminal de transmission. C’est l'avènement de la « technologie de détection cohérente » que l’on abrège souvent par « technologie cohérente » voire pour les intimes « le cohérent » , développée dans les laboratoires de Nortel, Lucent et Alcatel, démontrée en 2008 sur les réseaux terrestres, et mise en œuvre dans les terminaux sous-marins transocéaniques en 2010 pour les upgrades de capacité (le premier étant Sea-Me-We 4), et ayant permis immédiatement de concevoir des nouveaux câbles transocéaniques au débit de 100 x 100 Gbit/s soit 10 Tbit/s en utilisant des fibres à grande dispersion positive, dites fibres +D ou fibres cohérentes (le premier système étant Jonah). La technologie cohérente s’appuyant sur l’intégration électronique massive, a permis –après un passage éphémère à 40Gbit/s- d’établir rapidement la technologie 100 Gbit/s qui peut être appliquée à tous les câbles de la génération optique amplifiée. Le démultiplexage de polarisation, qui était une barrière technologique dans les précédents essais de transmission cohérente, est assuré aussi par l’électronique. Le moteur de la technologie cohérente est un circuit intégré dédié, l’ASIC ADC-DSP (Analog Digital Converter – Digital Signal Processor). Au cours des 30 ans de développement des systèmes optiques, la microélectronique a fourni un outil en amélioration permanente. Elle a soutenu d'abord le FEC (Forward Error Correction) Reed Solomon 7%, resté une référence durable. La technologie cohérente est maintenant combinée à la décision FEC multiniveau (« soft decision ») dans un ADC-DSP dépassant en taille le milliard de portes, la plus grosse taille des circuits intégrés déployés à ce jour. Ceux d’entre vous qui veulent entrer dans le jargon du cohérent ont un glossaire dédié en fin de cet article. Pour deux générations d'ingénieurs, les transmissions sous-marines à longue distance ont monopolisé les activités de recherche et développement autour de la fibre optique. Il n'y avait pas une seule conférence internationale comme OFC (Optical Fiber Communication), ou ECOC (la Conférence européenne sur les communications optiques) sans l'annonce d'un record de capacité ou sans un colloque spécifique sur la communication sous-marin. La course à la capacité semblait être sans fin. Cela a abouti à une compétition fructueuse au profit des opérateurs fournissant finalement les solutions déployées structurant le réseau d’infrastructure mondial. Il est frappant de constater que les systèmes optiques transocéaniques ont joué un rôle de premier plan dans le test et la promotion de nouvelles technologies de fibres optiques. L'introduction d'amplificateurs optiques a été lancée par les transmissions sous-marines et a

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essaimé ensuite vers les transmissions terrestres. Puis, plus récemment, la technologie cohérente a été introduite dans le sens inverse, d'abord déployée sur les réseaux terrestres, puis réutilisée et améliorée sur les câbles sous-marins. La communication entre points de présence (« POP to POP »), en combinant des segments terrestres et sous-marins illustre cette convergence des technologies de terminaux terrestres et sous-marins. Le progrès technologique s’est accompagné d’une fantastique décroissance des couts. Le cout du bit de données transporté par les systèmes sous-marins a profité directement du nombre de longueur d’onde du WDM sur une même fibre. Le cout a aussi chuté avec le débit par canal (un transpondeur a pratiquement le même cout quel que soit le débit transporté). Ainsi le cout du bit transporté a décru mécaniquement d’un facteur 2000 en passant de 5Gbit/s par canal à 100 x 100 Gbit/s ! Et cette réduction n’inclut pas même la miniaturisation de l’électronique qui décroit la taille des terminaux, leur consommation avec toute leurs bénéfices opérationnels. Pour illustrer simplement le chemin parcouru seulement pendant les 15 dernières années, la Figure 3 présente le terminal d’une station (Apollo) : les deux rangées à gauche portent la même capacité sur la base de transpondeurs d’origine (2002) à 10Gbit/s que les deux petites travées à droite équipées de transpondeurs à 100 Gbit/s. Une autre évolution importante s’est passée au niveau de l'architecture réseau. La trame de multiplexage SDH (Synchronous Digital Hierarchy) n’est plus le trafic majoritaire, supplanté progressivement par le trafic de paquets de données IP. Les câbles sous-marins deviennent des maillons transparents du grand réseau mondial. La période actuelle voit l’introduction de la reconfigurabilité immergée. L’unité de branchement (BU) qui n’était qu’un équipement de routage de fibre, devient la ROADM BU (Reconfigurable Optical Add and Drop Multiplexor). Cela permet à l'énorme capacité d'une fibre d’être divisée dynamiquement sur plusieurs fibres virtuelles. Avec les deux dernières caractéristiques, la connexion IP directe et le ROADM, l'architecture du réseau évolue de la fibre + SDH à une architecture ROADM + POP avec connexion l'IP directe.

Figure 3

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D’autre évolutions techniques sont venues des nouvelles applications pétrolières et scientifiques qui au-delà de la réutilisation directe des technologies du câble télécom, ont amené à des développements spécifiques illustrés récemment par CAT (application pétrolière) ou Neptune Canada et Antares (applications scientifiques) dont les détails peuvent se trouver sur leurs sites web respectifs. 2 / LES EVOLUTIONS FUTURES DES CABLES SOUS MARINS Les câbles des 10 prochaines années s’appuieront sur les piliers technologiques de la génération des systèmes optiques d’aujourd’hui. Aucune marche technologique nouvelle de l’ampleur de la fibre optique, de l’amplification optique ou de la technologie cohérente n’est en préparation dans les laboratoires aujourd'hui, ce qui permet d’écrire que la révolution optique, commencée il y a 30 ans, est proche d’avoir complété son cycle technologique. Un certain nombre d’évolutions incrémentales verront bien entendu le jour et cumulées, elles seront de nature à changer significativement le service rendu par les câbles sois marins. Nous pouvons en balayer les différentes directions. L’augmentation de capacité est un objectif permanent. Deux voies (additives) sont possibles, en augmentant l'efficacité spectrale, et en augmentant la bande passante des systèmes. L'efficacité spectrale (débit par largeur de bande spectrale) a été une voie prometteuse permanente, en intégrant plus de capacité par canal avant de les grouper dans un peigne WDM. L'espacement typique 50GHz de longueur d'onde a été utilisé pour des canaux à 2,5 Gbit/s, puis à 10 Gbit/s et maintenant à 100 Gbit/s. Ce qui est nouveau aujourd’hui est que nous approchons des limites fondamentales. L’approche la plus pertinente pour analyser quantitativement l'efficacité spectrale maximale atteignable vient de la théorie de l'information conduisant à identifier la limite dite de Shannon. Cette analyse a été documentée dès les années 2000. Pour un câble transatlantique (6000 km) à base d'amplificateurs Erbium, la limite de Shannon en maintenant des marges industrielles conduit à environ 6 bit/s/Hz (et jusqu’à deux fois plus au laboratoire sans marge). Même si Shannon ne dit pas comment atteindre cette valeur, cette limite physique vient tout simplement du remplissage du spectre disponible par les longueurs d'onde modulées avec un rapport signal compatible avec la réception en extrémité de fibre. La Figure 4 illustre le spectre réel du signal optique d’une fibre chargée de canaux 100 Gbit/ s modulés en QPSK et optimisés en encombrement spectral. Contrastant avec les systèmes de la génération précédente (10 Gbit/s longueurs d'onde à modulation d'intensité), le spectre est pratiquement rempli pour les canaux à 100G, avec une densité spectrale de 2,5 bit/s/Hz, qui n’est qu’à un facteur deux de la limite de Shannon. Et si nous passions les canaux de 100Gbit/s à 200 ou 400Gbit/s, la capacité ne serait-elle pas augmentée d’un facteur 2 ou 4 ? Cet argument qui a servi les évolutions technologiques jusqu’ici ne fonctionne plus. Si la capacité d’un canal est augmentée d’un facteur 4 avec le même format de modulation, le spectre sera élargi du même facteur et la densité spectrale restera la même. Il a ainsi été démontré par les laboratoires Bell Labs d’Alcatel France que la transmission en format QPSK à 200Gbit/s permet la même capacité ultime qu’à 100 Gbit/s sur une ligne sous-marine donnée. Dans ces conditions, une direction d’augmentation de la capacité du canal pourra être d’augmenter le gain de codage du FEC en augmentant son sur-débit au-delà des 20% actuels, ce qui finalement permettra d’approcher plus près de la limite de Shannon. Cette amélioration sera encore supportée par l’augmentation de puissance de calcul de la microélectronique. L'autre voie pour augmenter la capacité est l'augmentation de la bande passante du système qui est obtenue en augmentant la bande passante d'amplification à tous les niveaux dans le système, de la ligne au terminal. La capacité totale augmente simplement linéairement avec

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la largeur spectrale du système. Les systèmes d’aujourd’hui ont depuis les années 2000 une largeur spectrale autour de 33nm dans la bande C (Conventionnelle) soit plus de 4 THz. L'augmentation de la bande passante d'amplification peut être réalisée en augmentant la largeur de la bande C actuelle, soit par l’Erbium qui peut augmenter de 50% la bande C actuelle, ou encore de manière potentiellement plus importante par l’amplification Raman. Une autre voie est d’introduire une bande supplémentaire d'amplification dans l’Erbium, que l'on appelle la bande L, qui peut être ajoutée à la bande C actuelle. Les progrès les plus prometteurs permettent de viser au mieux 80nm de bande passante soit 10 THz. Compte tenu de la limite de Shannon environ 6 bit/s/Hz (ou 0.75Tbit/s/nm) et la bande passante de 80 nm au maximum pour un système, la capacité réalisable sur un câble sous-marin transatlantique peut atteindre 60 Tbit/s par paire de fibres, qui ne dépasse pas trois fois l'état de la technologie de pointe d'aujourd'hui. Au-delà de la théorie, ce résultat est loin d'être simple à atteindre dans la pratique, et il faudra de nombreuses années et d’importants efforts de développement pour approcher ces limites ! En particulier, une difficulté majeure viendra de la puissance électrique disponible sur un câble sous-marin, ce qui assombrit les possibilités de l’amplification Raman, beaucoup plus consommatrice que l’Erbium, et donc inapplicable sur les câbles Transatlantiques ou Trans pacifiques. Pour augmenter la capacité du câble, s’il n’est plus possible d’augmenter la capacité par fibre, un progrès viendra directement de l'augmentation du nombre de paires de fibres dans le câble, ou multiplexage spatial. Si à ce jour, le nombre de paires de fibres est limité à 8 paires, un doublement est assez directement atteignable. Une direction de recherche plus aventureuse du multiplexage spatial est en cours d’étude en transmettant des signaux indépendants sur des modes spatiaux d’une même fibre, en ligne avec l’utilisation déjà faite par le cohérent des deux modes de polarisation. Là encore la faisabilité dépendra directement de la puissance de l’électronique des futurs ADC-DSP cohérents pour application multimode. Les laboratoires d’Alcatel Bell Labs sont en pointe sur ce sujet innovant difficile. Alors que la capacité se rapproche de sa limite théorique, il y a encore une motivation pour une plus grande capacité par canal, non pas pour augmenter la capacité totale, mais pour diminuer le coût du système. En un transpondeur pour une longueur d’onde a historiquement toujours un coût stabilisé asymptotique indépendant du débit binaire, ce qui fait qu’une augmentation du débit par canal améliore le bilan économique. A côté du débit stabilisé à 100Gbit/s, il existe déjà de nombreuses démonstrations de transmission 200Gbit/s 400Gbit/s par longueur d’onde. Ensuite, les progrès industriels sont lents car les limites viennent de l'électronique analogique. La référence industrielle actuelle étant 100Gbit/s, les démonstrations des pionniers les plus avancés ciblent les canaux à 1Tbit/s pour poursuivre l’augmentation des débits Ethernet qui évoluent historiquement par facteurs 10 (1 GbE -> 10GbE -> 100GbE -> 1TbE ?). Un autre domaine d'amélioration sera apporté par la microélectronique : Grâce à l'amélioration des ASIC d’ADC-DSP de la transmission cohérente, il y a un espace pour l'amélioration du réglage automatique du système, afin d’améliorer la performance et donc le coût du système, en simplifiant le déploiement, l'exploitation, la maintenance et les « upgrades », mais aussi l'accès au réseau. L'évolution de l'intégration électronique progresse toujours rapidement, avec bientôt 10 milliards de transistors par puce, malgré la conjecture sur le tassement de la loi de Moore. Au-delà des améliorations des terminaux, d'autres évolutions sont attendues:

Le maillage des réseaux sous-marins étant juste engagé avec les ROADM BU, nous pouvons extrapoler que ce type d'architecture aura d'autres développements. Déjà, la

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reconfiguration du ROADM est prévue, et non plus seulement par bandes de longueur d’onde, mais au niveau de la longueur d'onde individuelle. L’introduction de la reconfiguration dynamique suivra. L'interconnexion transparente avec le réseau terrestre progressera ainsi, la connexion « POP to POP » n’étant qu’une première étape à court terme.

Les améliorations logicielles du contrôle (gestion) des réseaux sous-marins complèteront la flexibilité du réseau et son intégration transparente dans le réseau mondial. La dernière tendance est ainsi le SDN (Software Defined Network) qui comme son nom l’indique, fait rêver d’avoir la configuration du trafic au bout des doigts pour optimiser globalement l’utilisation des énormes ressources de communication des câbles sous-marins en quelques clics ! Dans une autre perspective enfin, après l'introduction de câbles sous-marins dans les applications pétrolières et gazières, anticipons que les câbles sous-marins vont couvrir d'autres domaines d'application encore exotiques, comme la surveillance des environnements marin. Laissons l’espace libre pour l’imagination des plus jeunes générations ! PETIT GLOSSAIRE DU COHERENT La Détection Cohérente (« Le Cohérent ») La détection optique cohérente fait suite à la détection optique directe. La modulation directe OOK (On Off Keying) avec détection optique directe consiste simplement à coder par allumage-extinction et à mesurer l’intensité optique reçue en fonction du temps pour identifier si l’intensité lumineuse est à 0 ou 1. L’intensité lumineuse est proportionnelle au champ électrique lumineux du signal Es au carré soit Es

2. L’information de phase optique est perdue par cette mise au carré. La détection cohérente est obtenue en faisant interférer le cham électrique du signal Es avec le champ électrique lumineux d’un oscillateur local Eol ce qui donne une puissance sur le détecteur proportionnelle au produit scalaire de ces deux champs soit Es x Eol x cos(Phase). L’information de phase est conservée ce qui donne un degré de liberté pour le codage qui peut être fait en amplitude et en phase. Le multiplexage et contrôle de la polarisation Dans une fibre comme dans l’espace libre, la lumière se propage sur deux états (dits principaux) de polarisation orthogonaux entre eux et perpendiculaires à la direction de propagation. Si deux signaux indépendants sont transportés sur ces deux polarisations, ils ne peuvent être distingués en détection directe, et la seule solution est de leur faire porter la même information (en fait de ne pas les utiliser). Par contre en détection cohérente, il est indispensable de positionner l’oscillateur local sur la polarisation du signal pur obtenir une interférence constructive. Il est donc indispensable de contrôler la polarisation en réception. C’est cette nécessité technique qui avait constitué un écueil insurmontable dans les années 1990 aux premiers essais de systèmes cohérents qui avaient visé un contrôle optique de la polarisation. Les systèmes cohérents modernes effectuent avec succès ce contrôle indispensable de polarisation électronique par l’ADC-DSP (définition plus bas). Le bénéfice qui en découle est que contrôler les deux polarisations permet de les détecter séparément et donc de transporter deux signaux optiques multiplexés en polarisation et donc de doubler le débit transporté sur une fibre !

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Formats du cohérent BPSK, QPSK, 8QAM, 16 QAM… L’information transportée est binaire, codée sur les 0 et des 1. Il faut distinguer le débit en ligne « baud rate » qui est le débit des changements de transitions entre états successifs et le débit d’information « bit rate ». En détection directe, les deux sont les mêmes, mais en codage multiniveau, le « bit rate » devient supérieur au « baud rate ». Ainsi une modulation à 4 états transporte deux fois plus de bits (00, 01, 10, 11) qu’une modulation à 2 états (0, 1) et une modulation à 16 états en transporte 4 fois plus. L’intérêt réside dans le fait que l’électronique analogique limite de « baud rate », et qu’il est donc intéressant d’augmenter le bit rate sans augmenter le « baud rate ». Le cohérent permettant le codage multiniveau en amplitude et en phase, offre donc un « bit rate » plusieurs fois supérieur au « baud rate ». Le facteur multiplicatif est appelé le nombre de bit par symbole. Il se cumule ensuite encore au facteur 2 lié au multiplexage de polarisation (les formats sont parfois précédés de PDM (Polarisation Division Multiplexing) comme PDM-QPSK, qui rappellent qu’il ne faut pas oublier ce facteur toujours présent avec le cohérent. Illustrons ces principes généraux par les schémas dits de constellation de différents formats:

BPSK (Binary Phase Shift Keying) est une modulation à deux états qui est directement comparable à la modulation directe OOK. Ensuite les modulations QAM (Quadrature Amplitude Modulation) sont bien adaptées au cohérents seulement puisque amplitude et phase sont codées. Le 4QAM à 4 états ou 2bit/symbole est aussi appelé QPSK (Quadrature Phase Shift Keying) et est actuellement le plus courant des formats du cohérent. Le 16QAM est (16 = 24) transporte 4 bit/symbole, et le format plus bâtard 8 QAM transporte 3bit/symbole. Mais pourquoi tous ces formats et pourquoi pas utiliser le plus « riche » (le 16 QAM ici) ? Tout simplement parce qu’en augmentant le nombre de points de la constellation, ils se rapprochent et deviennent plus difficile à distinguer en présence de bruit. Ainsi pour une performance en rapport signal à bruit d’une ligne, il existe un format au-delà duquel on ne peut transmettre sans erreur. FEC Le FEC pour Forward Error Correction est une technique maintenant classique de la transmission sur fibre optique. Elle permet de corriger les erreurs en ajoutant au signal un surdébit. Un principe imagé d’un FEC primitif peut être donné par la trame suivante

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La matrice blanche transporte 5 x 5 = 25 données digitales utiles (chacune valant 1 ou 0). Rajoutons 1 ligne et 1 colonne à cette matrice, la colonne 6 contenant la parité des autres colonnes et la ligne F contenant la parité des autres lignes. Si une erreur se produit dans une donnée disons C3, alors les parités C6 et F3 seront erronées ainsi que F6 d’ailleurs, ce qui donnera la position de l’erreur et permettra en final de la corriger. De même les erreurs sur les lignes et colonnes de corrections sont non équivoques. Ce FEC d’école augmente le sur-débit de 62 / 52 soit 44%, qui est le prix à payer pour corriger les erreurs. Bien entendu ce schéma ne corrige que des erreurs uniques avec une piètre performance mais les mathématiciens ont inventé des schémas de codage- décodage beaucoup plus puissants. Pour donner un ordre d’idée, un signal ayant une erreur pour 10 bits transmis peut maintenant être corrigé sans erreur. Les performances d’un FEC se mesurent par le gain de codage du FEC, qui est le rapport d’amélioration du rapport signal à bruit limite pour obtenir une transmission sans erreur. Les meilleurs FEC du moment donnent un gain de codage de 10dB ce qui signifient qu’ils améliorent virtuellement d’un facteur 10 le rapport signal à bruit, et ceci au prix d’un sur-débit de seulement 20%. Ces FEC sont basés sur la digitalisation du signal en multiniveau (dits « soft decision » en anglais) L’ASIC ADC-DSP Les ASIC (Application-Specific Integrated Circuit) sont des circuits intégrés développés spécifiquement pour une application qui sont devenus les clefs de nombreux domaines techniques. Les progrès de l’intégration microélectronique sur silicium permettent de réaliser des circuits dépassant 1 milliard de portes électroniques (équivalentes chacune à 2 transistors minimum). Cette énorme capacité de calcul, permet de faire le DSP (Digital Signal Processing) dédié au cohérent qui contient le codage, le traitement du signal cohérent reçu dont la séparation de polarisation et les compensations de dispersion) et le FEC. L’étage d’entrée de la réception qui fait l’échantillonnage numérique multiniveau (ADC pour Analog Digital Conversion) est particulièrement délicat à réaliser. Un tel ASIC très bon marché à produire a un cout de développement proportionné à sa complexité : Il se monte pour les générations en cours à près de 50 M $ ! Ce cout n’a de sens que s’il est partagé par plusieurs grandes compagnies ou pris en charge par un seul systémier ayant un grand marché. Les systémiers sous-marins sont tous utilisateurs d’un ADC-DSP partagé avec au moins un fournisseur de transmission terrestre. Le cohérent est une bonne illustration du précepte : « Si une technologie se bat contre l’électronique silicium, elle est sûre de perdre ». Ce que fait un ADC-DSP du cohérent est extraordinaire.

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100 Gbit/s et 400Gbit/s, ou au-delà Le débit client le plus important à ce jour est le 100Gbit/s. La première question est de savoir comment utiliser le cohérent pour transporter ce débit ? On ne sait transporter industriellement aujourd’hui que 30GHz de bande passante soir 25 Gbaud utiles (si on enlève les 20% du FEC). Le format QPSK avec 2bit/symbole sur les deux polarisations (x2) transporte donc naturellement 25 x 2 x 2 = 100Gbit/s. Les grands systèmes transatlantiques à base d’amplification optique sont tous capables de supporter ce débit de 100 Gbit/s à base de QPSK. Par contre les grands Trans-pacifiques anciens n’ont pas la performance suffisante pour le QPSK, et transmettent seulement jusqu’au BPSK qui avec 1 bit/symbole n’atteint que 50Gbit/s. Mais le marketing aidant ils sont néanmoins capable de transporter 100 Gbit/s… mais sur deux longueurs d’ondes ! Les systèmes courts ont la performance permettant de transporter du 16QAM (2 x 100Gbit/s). Le 8QAM est visé pour les transatlantiques modernes 150Gbit/s soit 3 x 100Gbit/s sur deux longueurs d’onde. Le goulot d'étranglement de la technologie reste la bande passante de la chaîne électronique de l'émetteur-récepteur analogique, la transmission 100Gbit/s d'aujourd'hui restant basée sur une électronique analogique de 30 GHz de bande passante. Le débit de 400Gbit/s, vu par certains comme le débit client de l’avenir, peut être transporté par 2 longueurs d’ondes 16QAM, ou 4 longueurs d’onde QPSK. Bien entendu, si l’on pense à transporter un débit client plus important, disons 1Tbit/s, il n’y a pas d’alternative au transport sur plusieurs longueurs d’onde (l’appellation marketing étant « super-longueur d’onde ».) Quant à l’augmentation de la bande passante analogique au-delà de 30GHz, et vous avez la boite à outils pour refaire les calculs avec d’autres valeurs quand elles deviendront accessibles.

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LE SECTEUR DES CABLES SOUS-MARINS EN 2015

Loïc Le Fur

L’industrie des câbles sous-marins Depuis quelques années, trois industriels se partagent la très grosse majorité du marché :

TE Subcom (ex-Tyco),

ASN et,

NEC, Toutefois, un constructeur chinois HMN (filiale de Huawei) commence à prendre des parts de marché. D’autres industriels tentent de survivre (Fujitsu) ou de pénétrer le marché (Xtera). On pourra noter que l’année 2015 a été une grande réussite pour l’américain et le japonais. ASN se rattrape avec un bon début d’année 2016. Le rachat d’Alcatel-Lucent par Nokia ne comprenait pas initialement la filiale sous-marine (ASN) qui devait être cédée à un ou plusieurs fonds d’investissement ou « flottée » en bourse. Néanmoins, les conditions de marchés n’ont pas permis de sortir ASN dans des conditions acceptables et le constructeur sous-marin franco-britannique fera donc partie de la corbeille Nokia. Cette année 2015, a aussi vu l’arrivée du premier câblier construit depuis le tout début des années 2000, le Pierre de Fermat. Les affaires en cours en 2015 Les deux projets concurrents Europe-Asie, AAE-1 (TE-Subcom) et SMW5 (ASN-NEC) sont en court de déploiement. Il semble que même si SMW5 est parti largement en retard, les deux projets devraient être mis en service en même temps vers la fin 2016. L’atterrissement de SMW 5 par ASN à La Seyne devrait avoir lieu en février quand les autorisations auront été obtenues. L’année 2015 a également été marquée par l’arrivée de deux nouveaux transatlantiques. Il

n’y en avait pas eu depuis 2003 (Apollo) ; mais l’américain TE Subcom en installa deux en

2015 (les câbles Hibernia Exress et AEConnect).

En Europe, ASN vient de terminer un « petit » câble Sealion (Finlande-Allemagne) et le

chinois HMN a installé un petit système en Russie.

HMN, encore installa une liaison entre le Cameroun et le Nigeria et a gagné un système

Malaysie - Cambodge - Thailande, entrant ainsi dans le tableau des constructeurs sous-

marins avec répéteurs alors que leur seule expérience précédente était un petit système en

installé en Amérique du Sud en 2009.

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AAE-1

Les deux systèmes concurrents de la route de la soie (SMW 5 et AAE-1).

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Le Pacifique a aussi été l’objet d’une intense activité, avec 3 trans-pacifiques attribués

(Faster, NPC et Sealion).

Faster est en cours de déploiement par Orange Marine (pour le compte de NEC).

Au Nord du Pacifique, ASN a commencé la mise en place du système Artic Fiber,

reliant différents points en Alaska, dont la pose (complexe !) devrait avoir lieu à l’été

2016. Ce projet pourrait donner lieu à des extensions au Japon et aux Etats-Unis

continentaux.

En Amérique du Sud, le projet Monet de Google est en court de déploiement par TE

Subcom.

Notons également le déploiement par Xtera d’un système pour le gouvernement américain

ainsi que l’attribution du contrat GB2A entre Oman et la Somalie.

L’activité début 2016, les projets à venir

Le contrat Seabras (New York – Sao Polo) est enfin entré en vigueur, une bonne nouvelle

pour ASN qui a déployé beaucoup d’énergie sur le développement de ce projet.

Plus modestement, après de longues négociations, le contrat Orval (Oran-Valence) est en

vigueur et les opérations de survey vont bientôt commencer.

En Asie, ASN a remporté le projet Mythic (connexion de Myanmar).

Plusieurs projets sont en cours de développement et/ou de négociation et devrait aboutir à des contrats mis en vigueur au cours de l’année :

- Sam2 (Amérique du Sud vers US) - Eulalink (Amérique du Sud vers Europe) - Dare (Afrique de l’Est) - Nautilus (transatlantique) - ASC (Perth-Indonésie-Singapour)

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LE SEMAPHORE,

UN BICENTENAIRE D’UNE GRANDE MODERNITE

Yves Lecouturier

Société d’Histoire de La Poste et de France Télécom en Basse-Normandie

(Paru dans Les Cahiers de la FNARH n°130, 02/2015).

L’Empire romain avait érigé plus de 3 000 tours de guet afin d’observer son immense espace maritime méditerranéen et atlantique : la signalisation des navires s’effectuait par des feux et des fumées. Celle-ci est reprise par les Génois dans la mer Méditerranée ; elle évolue d’abord vers le pavillon, puis le sémaphore. Les Vigies de l’an II. Sous l’Ancien Régime, chaque province et même certains ports possédaient leur propre signalisation par pavillons. Cette organisation anarchique est réformée par un décret du

Comité de Salut Public organisant en 1794 une ligne de vigies côtières : une signalisation pavillonnaire unique sur tout le littoral français est instituée. En 1798, ces vigies passent sous l’administration du ministère de la Marine. Elles pouvaient échanger entre elles avec trois pavillons, puis au moyen d’un code de correspondance avec trois guidons, quatre pavillons et trois flammes. Cette forme de communication demeure cependant limitée du fait de problème de visibilité des pavillons sur une distance importante. La mise au point par Claude Chappe d’un système de télégraphie aérienne intéresse d’abord le ministère de la Guerre, mais aussi celui de la Marine qui obtient la construction d’une ligne entre Paris et Brest en 1798. Elle permet ainsi d’être rapidement informé de tout évènement pouvant survenir dans les ports de l’Ouest de la France. La Marine est d’autant plus intéressée par ce moyen de communication point à point qu’elle connaît les limites de son réseau de vigies. Elle prend conscience, comme le souligne Guy De Saint Denis, qu’elle doit « remplacer les signes

souples et flottants par des systèmes rigides et articulés » en créant son propre réseau. L’idée lancée par le ministère de la Marine fait éclore un certain nombre de projets : celui de Depillon est retenu. Les premiers sémaphores Les Chappe, pensant être retenus pour ce nouveau réseau, ne prêtent pas attention à la publication d’une brochure publiée en l’an IX par un ancien officier d’artillerie titrée Nouveaux télégraphes à l’usage de la marine, de l’intérieur et des armées. Depillon précise dès l’introduction de son ouvrage que son projet n’a rien à voir avec celui des Chappe. Son

FIG. 1. – Case de guetteurs. AN Marine GG1 5.

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appareil se révèle plus simple, plus commode et moins cher, et fournit des signaux bien distincts. Avec deux bras, l’appareil propose 43 signaux, avec trois bras, 301 signaux et avec quatre bras, 1 819 signaux. L’auteur souligne que son appareil à trois bras fournit 105 signaux de plus que l’appareil de Chappe. Parmi les trois applications présentées, Depillon propose d’installer son « nouveau télégraphe » le long des côtes : son appareil devient un moyen de transmission entre postes voisins et avec les navires en mer. Il le présente comme moins onéreux « surtout en ce qu’il dispensera la construction de bâtiments ». Tout en ne cessant de différencier son innovation de celle de Chappe qu’il connaît bien, Depillon s’y réfère en permanence. Il insiste sur la simplicité et le moindre coût de son appareil. Comme le souligne Henri Bakis, « le télégraphe de Depillon relève d’une catégorie particulière de télégraphie ». Enfin l’usage du terme sémaphore permet une distinction nette avec le télégraphe de Chappe. Plusieurs projets sont déposés (figure 1), mais le ministère de la Marine met quelques années à donner son choix. Le projet devient moins urgent depuis la conclusion de la paix d’Amiens le 26 mars 1802.

La menace anglaise sur les côtes de France disparaît provisoirement. Elle reprend corps en 1805 alors que Napoléon Ier envisage d’envahir l’Angleterre et que la guerre repart : le 21 octobre, l’amiral Nelson est vainqueur à Trafalgar. Le 6 mai 1806, les Anglais décide le blocus de tous les ports depuis l’Elbe jusqu’à Brest, auquel Napoléon Ier réplique par le blocus continental. Le vice-amiral Decrès, ministre de la Marine, décide de doter de sémaphores les côtes françaises de Flessingue à La Spezia ; il fait publier en janvier 1806 sous la signature du capitaine de vaisseau Jacob un cahier d’instructions prévoyant la mise en place du premier réseau de sémaphores sur les côtes de l’Empire français. L’appareil choisi avec trois bras reprend pratiquement celui que Depillon avait proposé. Les côtes de l’Empire français sont divisées en huit préfectures maritimes, lesquelles sont découpées en 42 arrondissements. 293 postes sont installés sur les parties saillantes du littoral afin que les signaux puissent être vus de deux postes voisins. Les implantations sont réalisées après des calculs d’angle et de rayon visuel. L’exemple des postes de Jobourg, de Flamanville et d’Omonville illustre cette démarche. L’officier ayant réalisé l’étude écrivait : « or nous avons parfaitement vu de Jaubourg l’aile placée à Flamanville : donc on distinguera parfaitement d’Omonville l’aile de Jobourg faisant un angle de 22° 22° 20° avec le rayon visuel allant d’Omonville à Jaubourg ». Dans de très nombreux cas, la Marine reprend les sites déterminés par le Génie en l’an II. L’entrée des principaux ports est également équipée de sémaphores. L’ensemble du littoral de l’Empire est ainsi surveillé : toute menace, notamment anglaise, peut-être rapidement signalée. L’instruction détaille la signification des signaux. Le sémaphore se compose d’un mât de sapin de 36 pieds au-dessus du sol portant les trois ailes. Chaque aile a six positions différentes qui forment autant de signes. Le mât est conforté par quatre accores formant au sol un carré de huit pieds. Chaque poste est doté d’une longue vue ordinaire. Pour loger les guetteurs, le ministère de la Marine reprend dans la plupart des cas les baraques construites en l’an II, mais beaucoup doivent être réparées comme à Omonville où il ne subsiste qu’« une méchante baraque en terre qui ne la met point à l’abri des injures du temps » ; à d’autres endroits il faut construire. De dimensions exiguës, ces baraques sont en bois ou en briques. Afin de faire fonctionner ce réseau, le ministère de la Marine recrute des guetteurs encadrés par des inspecteurs des signaux. L’ensemble fonctionne sous la direction du préfet maritime. Conçu dans un contexte de guerre, ce premier réseau sémaphorique est opérationnel jusqu’en 1814, puis est réactivé pendant les Cent Jours en 1815 et enfin lors de la guerre d’Espagne en 1823. Seuls sont maintenus 27 sémaphores établis à l’entrée des ports : par exemple la rade de Cherbourg est gardée par sept sémaphores dont celui de l’île Pelée représenté par le peintre Crépin en 1822 (figure 2). Un certain nombre d’autres sont cédés à

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l’administration des Douanes. Les autres tombent progressivement en ruine.

La renaissance des sémaphores L’apparition de la télégraphie électrique dans les années 1840 incite le ministère de la Marine à restaurer son réseau de sémaphores sous le Second Empire. D’autant que ce gouvernement développe ce nouveau mode de communication en dotant le pays d’un réseau national. Le nouveau réseau sémaphorique s’insère dans ce développement. En juin 1854, une commission spéciale propose de coupler le sémaphore et le télégraphe électrique et l’idée est fort bien accueillie par le ministère de la Marine. Le sémaphore continue de communiquer avec les navires tandis que le télégraphe électrique permet de répercuter immédiatement et par tous temps les informations recueillies visuellement. Soucieuse de sécurité, la Marine recommande l’usage de lignes souterraines qui permettent de « mettre les fils à l’abri de la malveillance, de la trahison ou même d’une tentative de l’ennemi entreprise notamment par quelques hommes résolus ». Le rapport recommande l’usage de l’appareil-récepteur à cadran Breguet « parce qu’ils suffisent pour les communications dont on aura à faire usage et que leur emploi est plus élémentaire et d’une pratique facile ». La décision prise en 1858, les études commencent en 1859. Les anciens sémaphores étant vétustes ou disparus, de nouvelles constructions sont envisagées (figure 3). La commission spéciale du ministère de la Marine recommande de choisir les stations « de manière à permettre une surveillance complète des côtes environnantes » et maintient l’idée avantageuse de coupler le sémaphore et le télégraphe électrique, « ce qui n’augmenterait pas le personnel et par suite la dépense ». Là où un bâtiment ne peut être restauré, la Marine propose trois types de bâtiments intégrant le logement des guetteurs ; l’ouvrage en forme de T se termine dans un cas par une pièce pentagonale et dans les deux autres par une pièce semi-circulaire contenant la plate-forme tournante du sémaphore. La plupart des stations sont construites entre 1861 et 1865, ce qui permet la mise en service des stations électro-sémaphoriques en 1864 et en 1865 avec dans chacune un chef-guetteur et un guetteur nommés par le préfet maritime et régulièrement surveillés par des inspecteurs. 135 postes composent le nouveau réseau (figure 4). Bien que propriété militaire, ces sémaphores sont ouverts à la télégraphie privée, mais seuls quelques-uns connaissent une forte activité télégraphique. Au fil des années, certains sémaphores doivent être déménagés à cause des éléments maritimes le plus souvent, mais parfois à la demande des villégiaturistes comme à Ouistreham où le déplacement demandé en 1886 n’eut lieu qu’en 1926 !

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FIG. 2. – Crépin La Rade de Cherbourg 1822. Musée de la Marine Paris.

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Les sémaphores se modernisent (fig. 5 à 7). La plupart des sémaphores demeurent en fonction jusqu’à la seconde guerre mondiale. En 1895, l’amiral Armand Besnard, ministre de la Marine, fait adopter une loi afin de conserver les postes électro-sémaphoriques. Considérant le rôle qu’il peut jouer en temps de guerre, « le sémaphore est un élément indispensable décisif de la tactique du combat et de la défense des côtes ». La loi du 12 février 1897 militarise le corps des guetteurs et les assimile aux marins vétérans. Dans les années 1900 tous les sémaphores commencent progressivement à être reliés au réseau téléphonique : les sémaphores situés près d’un site touristique avaient le statut de cabine publique. En 1915, un certain nombre reçoivent une station météorologique. Le mât commence à perdre de son intérêt du fait du développement des signaux optiques lumineux. À partir de 1928, le mât sémaphorique à ailes disparaît et cède la place à des antennes radiogoniométriques.

FIG. 3. – Bâtiment Second Empire. SHM Cherbourg.

FIG. 4. – Carte des stations électro-sémaphoriques en 1866. Bibliothèque du ministère des PTT 10.1.79-12154

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La seconde guerre mondiale cause la ruine d’un certain nombre de sémaphores du fait des combats ou des bombardements : ainsi sur les côtes de la Bretagne, 18 des 34 sémaphores sont détruits ou très endommagés. Tous ne sont cependant pas remis en état. L’après-guerre voit naître une nouvelle conception des sémaphores en dissociant la tour du bâtiment d’habitation. Le sémaphore type « doit être d’une forme et d’une construction appropriées pour pouvoir résister aux effets de souffle des bombes lourdes et aux impacts des bombes et projectiles de moyen calibre ». Désormais les sémaphores sont construits en béton armé. La chambre de veille est surmontée d’un abri vitré doté d’une terrasse afin de pouvoir recevoir une mitrailleuse. Chaque sémaphore dispose des matériels de communication modernes :

FIG. 5. – Sémaphore de Fermanville. Coll. SHLPFTBN.

FIG. 6. – Timbre à date Cap Lévi. Coll. SHLPFTBN.

FIG. 7. – Télégramme. Coll. particulière

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téléphone, poste de radio à ondes moyennes, téléimprimeur, projecteur de signaux grâce à l’électrification, radar. Les menaces de guerre s’éloignant, la mission des sémaphores s’oriente de plus en plus vers la surveillance générale du littoral. Suite à une convention entre la Marine et l’Office national météorologique signée en 1954, les guetteurs effectuent des observations météorologiques. La guerre d’Algérie interdit l’accès des sémaphores aux personnes étrangères au service, et de ce fait les services télégraphique et téléphonique sont fermés au public. En 1964, un arrêté charge les sémaphores de la surveillance de l’espace maritime, aérien et terrestre dans les domaines militaires et civils. La France étant en paix, leur rôle militaire se réduit au profit de missions de sécurité civile Le sémaphore de nos jours. S’ils sont toujours régis par la Marine nationale, les sémaphores ont maintenant des missions civiles diversifiées (figure 8). Depuis 1970, les limites des arrondissements maritimes sont modifiées afin qu’ils correspondent aux limites départementales. L’instruction ministérielle du 22 août 1977 sur l’organisation et le service des sémaphores de la Marine nationale remplace celle de 1926 avec la redéfinition des catégories, ce qui entraîne un doublement des personnels. Les catastrophes de navires transportant des hydrocarbures, à l’exemple de celle du pétrolier Amoco Cadiz en mars 1978, révèlent des absences dans le maillage du réseau des sémaphores sur le littoral français. Un sémaphore est ainsi inauguré à Brignonan le 21 novembre 1981, afin d’assurer une surveillance entre les îles de Batz et d’Ouessant.

Du fait de la nouvelle compétence des CROSS (Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage), le nombre des sémaphores a été réduit à 59, ce qui n’empêche pas la construction de nouveaux sémaphores comme celui du cap de la Chèvre en 1971 ou plus récemment celui du cap Sagro inauguré en 2011. Ils se répartissent en 44 sémaphores de première catégorie assurant une veille permanente 24 h/24, en 10 sémaphores de deuxième catégorie assurant une veille du lever au coucher du soleil et en cinq vigies situées à l’entrée des ports militaires. Au printemps 2015, dotée d’un mât sémaphorique de 42 m, une nouvelle vigie est mise en service à Cherbourg (figure 9). Il faut gravir 160 marches pour accéder à la chambre de veille panoramique, à environ 30 mètres du sol, offrant une vision parfaite sur la mer et le port militaire. Les guetteurs ont pour fonction principale de surveiller la zone où ils sont affectés. Leurs missions sont de coordonner avec les CROSS les secours et le sauvetage en mer, de réguler les activités maritimes et de pêche, de diffuser les informations météorologiques, de surveiller les ports, les plans d’eau ou les sites archéologiques sous-marins et, dans la zone méditerranéenne,

FIG. 8. –.CROSS de Jobourg. Photo Yves Lecouturier

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de détecter les incendies de forêt. Quant au travail des guetteurs, il n’a pas changé et demeure rythmé par les quarts ; désormais ouvert aux femmes, l’emploi de guetteur requiert de parler la langue anglaise et d’avoir une bonne élocution. Ils demeurent toutefois les représentants de la Marine nationale. Pour assurer ces missions, les guetteurs disposent d’une chambre de veille modernisée dotée de grandes baies vitrées d’où ils peuvent scruter l’horizon avec de puissantes paires de jumelles : dotées de passerelles, ces chambres de veille ressemblent à des tours de contrôle. Ainsi remodelés, les sémaphores du Second Empire perdent leur aspect d’origine ; ils sont également équipés d’un radar et de liaisons radio par VHF et par VHF.

Les CROSS Les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage ou CROSS sont créés suite au décret du 8 juillet 1970. Ils sont actuellement rattachés au ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie ; les personnels sont civils et militaires. La mission prioritaire des CROSS est de rechercher, de porter secours aux personnes en détresse en mer et de mettre en œuvre tous les moyens appropriés comme le fixe une instruction du Premier ministre du 26 mai 1990. Parmi les instructions précisant les missions des CROSS, celle du 29 juillet 2004 du Secrétariat général à la mer les désigne comme seul service d’assistance maritime. Cinq CROSS sont implantés en France métropolitaine (Gris-Nez, Jobourg, Corsen, Etel et La Garde) et deux en Outre-Mer (Antilles-Guyane à Fort de France avec une antenne à Cayenne en Guyane, et Réunion) ; il existe enfin trois centres secondaires à Mayotte, à Papeete et à Nouméa. Outre sa mission générale, chacun a une mission particulière. Le CROSS Gris-Nez est le correspondant français auprès des centres de recherche et de sauvetage étrangers ; le CROSS Jobourg (figure 10) suit toute la circulation maritime, hébergeant la cellule nationale d’information du trafic maritime ; le CROSS Corsen suit la navigation au large de l’île d’Ouessant (plus de 43 000 passages de navires de commerce en 2013) et les pollutions marines ; le CROSS Etel comprend depuis 2012 le Centre national de surveillance des pêches afin de contrôler l’application de la réglementation nationale et communautaire des pêches maritimes ; le CROSS La Garde, secondé par le CROSS-MED d’Aspretto en Corse, contrôle le bassin méditerranéen. Quant aux CROSS d’Outre-Mer, l’un surveille une vaste zone de l’océan Atlantique et l’autre de l’océan Indien, concentrant l’ensemble des missions dévolues aux centres de la métropole. L’ensemble de ces centres a réalisé en 2013 plus de 11 000 opérations : 8 710 en France métropolitaine et 2 368 en

FIG. 9. – Sémaphore de la Pointe Saint-Mathieu. Photo Yves Lecouturier

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Outre-Mer. Assurant une permanence continue de jour et de nuit, ils sont dotés de moyens de communications radio-maritimes et de moyens de surveillance perfectionnés comme la VHF, le radar et le satellite. Leur mission première est de coordonner le sauvetage en mer en faisant intervenir le plus rapidement les moyens de secours afin de venir en aide à tout marin en détresse, qu’il soit plaisancier, pêcheur ou marin de commerce. Ils diffusent à tous les navires les bulletins météorologiques par radiotéléphonie. Ils ont également en charge la surveillance du trafic maritime, la détection des pollutions en mer et la coordination du contrôle des pêches en mer. Par exemple les CROSS situés sur la mer de la Manche ont la qualité de « service de trafic maritime », c’est-à-dire qu’ils doivent suivre en permanence les navires qui transitent dans leur zone de responsabilité. Ils ont également la mission de surveiller les éventuelles pollutions comme le dégazage de cargos ; dans ce cas, le CROSS coordonne l’enquête sous l’autorité du préfet maritime et du procureur de la République afin d’identifier l’auteur du délit. Enfin ils coordonnent le contrôle des pêches en mer en guidant les moyens de contrôle en mer de toutes les administrations : « leur action est donc une garantie d’un contrôle proportionné et efficace et du maintien d’une pêche durable et responsable ».

Le réseau VHF demeure le moyen privilégié de transmission en mer, mais au-delà d’une certaine distance, ce sont les stations MF/HF et la station NAVTEX qui sont utilisées. Sur le réseau VHF, les CROSS sont en veille permanente sur le canal 16. Depuis 2014, les CROSS disposent du système SPATIONAV-V2, de nouveaux émetteurs de technologie IP (Internet Protocole), d’accès à la fibre optique à travers un réseau FH et d’un nouveau système de transmission SGVT-V2. Les CROSS, les sémaphores et les moyens de sauvetage disposent d’appareils de radiogoniométrie permettant une localisation rapide des navires en péril. Depuis 2007, la surveillance des pollutions marines est réalisée par le système européen d’observation par satellite CleanSeaNet. Depuis 1792, les vigies, puis les sémaphores demeurent des instruments essentiels et irremplaçables de la surveillance des littoraux et des navires les approchant. Sans cesse transformés et modernisés, ils ont continuellement assimilé de nouvelles techniques de leur époque assurant une performance faisant de ce plus que bicentenaire un élément d’une grande modernité. Bibliographie LECOUTURIER (Yves), « Avènement d’un réseau moderne », Le Chasse-Marée n°35, Mai 1988, p. 2-10. LECOUTURIER (Yves), « Les sémaphores de la marine », in La Télégraphie Chappe, Éditions de l’Est-FNARH, 1993, p. 296-306. MAILLET (Olivier) et GUILLAUMET (Roger), Un œil sur l’océan, 1995. Sources : Archives Nationales Marine GG1/2, GG1/5. Service Historique de la Marine de Cherbourg Carton 262. Site Internet de la Marine nationale.

FIG. 10. –. Vigie de Cherbourg. Marine nationale.

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GUSTAVE FERRIE PENDANT LA GRANDE GUERRE

Textes de Jean Tilho, de l’Académie des Sciences

Images proposées par G. Fouchard NDLR – La biographie de Gustave Ferrié (né le 19 novembre 1888 à St Michel de Maurienne et décédé à Paris 1932) a été présentée à l’Académie des Sciences le 31 mai 1837 par un de ses collègues de l’Institut. G. Ferrié a poursuivi l’œuvre des français Edouard Branly, Jules Ducretet. Jean Tilho montre l’essor de la radio pendant la guerre de 1914-1918 et l’apport considérable de Gustave Ferrié et de son équipe dans l’évolution de cette technique. Les illustrations ont été tirées de nombreux sites Internet ou dans des articles de la FNARH, rédigés en particulier par MM J.C. Montagné et Siméon..

°°° Le 2 août 1914, Gustave Ferrié, récemment promu lieutenant-colonel, est mobilisé sur place et chargé de mettre sur pied la radiotélégraphie militaire dont il est le créateur et le chef. Il a entièrement tenu l'engagement pris en mars 1899, devant de Freycinet, membre de l’Académie des Sciences, bien qu’on lui ait concédé des moyens notoirement insuffisants au début, plus libéralement par la suite, mais toujours réduits au strict minimum. Il a constamment maintenu la T. S. F. militaire française à la hauteur du progrès, grâce à sa valeur technique et scientifique, à son esprit inventif et réalisateur et surtout à son inlassable ténacité. Au moment d'entrer en guerre, le matériel qu`il a créé est parfaitement adapté aux nécessités d'une guerre de mouvement telle qu'on pouvait alors la concevoir, c'est-a-dire rapide et courte, la décision devant être obtenue par une action offensive vigoureusement menée. Le personnel qu'il avait formé est très expérimenté, très dévoué et admirablement dressé à la stricte observation d'une impeccable discipline technique. Pour celui-ci, comme pour celui-là, la qualité remplace la quantité dans la mesure possible. Seuls, en effet, le Grand Quartier Général (GQG) et les Quartiers Généraux d'Armée sont dotés organiquement de postes TSF (télégraphie sans fil) sur des automobiles. Ces postes peuvent changer d'emplacement à la vitesse de 20 A 30 km. Ils sont prêts à entrer en action en moins de trois quarts d'heure après leur arrivée au point désigné et repartir une demi-heure après en avoir reçu l'ordre. Nos dirigeables et quelques avions sont munis de postes à grande portée. La Tour Eiffel assure d'excellentes communications avec les places fortes, avec le GQG et avec notre alliée, la Russie. A vrai dire, nul ne soupçonne encore l'importance des services que la TSF peut rendre aux troupes en opération. Le Grand État-major compte, pour ses liaisons rapides, sur la solide organisation de la télégraphie optique et de la télégraphie électrique par fil, dont le personnel et le matériel semblaient ne rien laisser à désirer. La TSF n'est qu'un appoint destiné à parer à d'éventuelles et courtes défaillances des lignes terrestres de campagne. Aussi est-on agréablement surpris de constater, dès les premières heures des hostilités, les inappréciables services qu’elle est capable de rendre en transmettant très rapidement des renseignements recueillis par la cavalerie de

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reconnaissance. Elle capte des radiotélégrammes ennemis qui, aussitôt déchiffrés, fournissent de précieuses informations. Elle établit rapidement des de liaisons avec aves les QG des Armées, facilité particulièrement appréciée pendant la retraite stratégique préparant la victoire de la Marne, puis, aussitôt après, pendant la course à la mer. Durant cette période critique, Ferrié, établit à Paris un poste radiotélégraphique de secours dans les souterrains du Métropolitain et fait éditer à Lyon un grand poste de TSF. destiné à doubler celui de la Tour Eiffel utilisant pour cela le matériel destiné à la création du poste de Saigon, prêt à s'embarquer. Il en fait effectuer le montage par le commandant Péri avec une telle rapidité qu'en six semaines, le poste de Lyon entre en service, pourvu d'une émission à étincelles de 100 KW. Celle-ci fut d'ailleurs remplacée peu après par une émission à ondes entretenues réalisée au moyen d'arcs Poulsen, d'une puissance de 200 KW donnant une portée double de celle de la Tour Effel. Elle devient ensuite aussi puissante, sinon plus, que celle des postes les plus puissants de l'étranger2. Nécessité de multiplier les postes mobiles de TSF. Lorsque le front est stabilisé, la question des liaisons et des transmissions se pose avec une ampleur jusqu'alors insoupçonnée entre le GQG et les tranchées de première ligne. Il faut installer des réseaux téléphoniques et télégraphiques à mailles de plus en plus serrées avec un matériel lourd, encombrant et de rendement limité. La Télégraphie par fil s'avère

2 - N’omettons pas de rappeler ici la part prise par Ferrié à l'organisation du repérage par le son. Dès le mois d'octobre 1944; on collaboration avec Driencourt, Ferrié avait eu l'idée d'utiliser le son pour repérer la position des canons ennemis en mesurant les différences des temps d'arrivée de chaque bruit à plusieurs postes d'écoute placés en des points connus; la procédé consistait à disposer en chacun de ces postes un microphone spécialement inventé à cet effet et relié téléphoniquement à l'observateur d'un poste central dont le rôle était de «taper» sur un chronomètre enregistreur les bruits d'un même coup de canon transmis par les microphones au fur et à mesure du leur arrivée dans son casque d'écoute. Au début de Novembre 1914 les microphones ayant été rapidement construits et la méthode de calcul mises au point, les premiers essais furent faits sur le front de la 5' Armée: le système se montra satisfaisant; toutefois la sensibilité des microphones ayant laissé quelque peu à désirer, il fallut ramener le matériel à Paris pour opérer les modifications nécessaires. A ce moment, Ferrié fut complètement pris par la T. S. F. et n'ayant plus une minute à consacrer au repérage des batteries par le son, il dut laisser 'a D:-iancourt le soin de continuer les essais: les succès furent rapides, à tel point que le 15 Février suivant un service de Repérage par le son était créé sans la direction de Driencourt. Ce matériel créé par Ferrié fut progressivement perfectionné par les techniciens du laboratoire du Repérage par le son (notamment M. Abraham) et devint le célèbre matériel T. M. l9l6 dont la précision était telle qu'il permit de repérer, dès le second jour, les trois «Bertha» allemandes de Crépy en Laonnois tirant sur Paris et de si bien régler le tir des batteries françaises destinées à les contrebattre que l'une d'elles put être démolie le lendemain. Ainsi dans le court espace de temps que Ferrié avait pu consacrer au repérage par le son, il avait su créer un matériel immédiatement utilisable et contenant en germe le plus parfait de tous ceux qui furent

employés au cours de la guerre.

Les antennes en nappe de

Lyon la Doua en 1914.

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impuissante à assurer les communications rapides entre les unités combattantes, les États-Majors, les services et le Haut-commandement. Elle n’est utilisable qu'à l'arrière du front. Le téléphone, par contre, aussi longtemps que ses lignes restent intactes, peut répondre à presque tous les besoins, sauf évidemment au réglage des tirs d'artillerie par l'aviation. A la TSF incombe la mission de combler ces lacunes. Ferrié, qui vient de recevoir la direction technique de la Radiotélégraphie militaire, mais qui a perdu la plupart de ses collaborateurs, mobilisés et partis aux armées, se voit bientôt submergé de commandes de postes de toutes catégories : postes d'avions, postes automobiles, hippomobiles, postes fixes, postes transportables à dos d'hommes ou de mulet, etc... L'aménagement technique et l'équipement en matériel doit, au préalable être minutieusement étudiés dans tous leurs détails et la tâche est d'autant plus ardue qu'elle demande à être accomplie dans les délais les plus courts et avec des collaborateurs improvisés. Il s’attaque à cette tâche de toute son âme de soldat qui sait ce que peut coûter en vies humaines, en pleine bataille, un renseignement arrivé trop tard. Le problème le plus urgent est celui du réglage des tirs d'artillerie par avion. Il faut que les postes à fournir soient légers et simples et qu'ils puissent travailler simultanément sans se gêner, en restant proches les uns des autres. Ce problème, particulièrement difficile avec des postes à ondes amorties, est résolu par des éclateurs tournants à fréquences musicales variables, par des longueurs d'onde aux écartements suffisamment importants et par des récepteurs bien stables. «Le nombre d'avions opérant simultanément a pu atteindre le chiffre de 4 par kilomètre, écrira plus tard Ferrié justement fier d'un tel résultat. Entre temps, il avait pu obtenir que soient remis à sa disposition certains de ses anciens collaborateurs, des ingénieurs versés dans les questions de radiotélégraphie, les uns constructeurs, les autres fournisseurs de l'outillage utilisé par les postes de TSF de l'Armée, de la Marine, des Colonies, des Postes et Télégraphes etc., qui presque tous, avaient déjà travaillé sous ses ordres en temps de paix, au cours de leur service militaire. Il avait regroupé autour de lui quelques savants pour constituer une section d'études et se partager les recherches et les expériences concernant les matériels nouveaux à imaginer et à créer. Tous ceux qui ont vécu dans les tranchées de premières lignes savent combien fréquentes étaient les ruptures des fils téléphoniques du fait des bombardements et de la circulation dans les boyaux de communication. Elles survenaient presque toujours dans les moments critiques où les défaillances avaient les conséquences les plus funestes. Les chefs, en effet, ne pouvaient assurer convenablement la conduite des opérations de leurs unités que s'ils étaient constamment et rapidement tenus au courant des variations survenues dans la situation de leur infanterie et de leur artillerie ainsi que des fluctuations de la ligne de feu dans leur secteur et dans les secteurs limitrophes. Lorsque le téléphone est coupé, on ne peut y remédier que par estafettes ou par TSF C'est pourquoi, il fallait de toute urgence multiplier les petits postes mobiles radiotélégraphiques d'infanterie et d'artillerie. Malheureusement avec les ondes amorties des postes à étincelles, cette multiplication atteignait vite la limite au delà de laquelle toute exploitation d'un réseau local de TSF devenait impossible. Les postes d'avions, d'artillerie, d'infanterie entrecroisant dans une bande étroite des fréquences trop nombreuses, rendait difficile la sélection des accumulés dans les diverses antennes. Le tri ne se faisait plus convenablement en dépit de la variété des longueurs d'onde et des notes musicales surtout si, par ailleurs, la TSF ennemie superpose encore des fréquences supplémentaires de brouillage. La solution pratique de ce difficile problème des liaisons multiples au cours de la bataille est de substituer à ces petits postes à ondes amorties des postes aussi maniables, mais à ondes entretenues. Mais on sait que ces ondes entretenues ne peuvent être produites que dans des postes puissants, utilisant soit l'arc électrique, soit des alternateurs à très haute

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fréquence. Faut-il donc renoncer à tout espoir de créer de petits postes à oscillations d'amplitude constante pour les besoins du front ? Ferrié ne le pense pas au début de la guerre. En effet, un Français au courant des progrès réalisés en Amérique dans l'utilisation des ondes entretenues attire son attention sur la propriété encore peu connue de l'Audion (lampe valve à trois électrodes créée par Lee de Forest) de pouvoir fonctionner comme un générateur d'oscillations entretenues de faible puissance, dont la longueur d'onde pouvait être réglée à volonté, grâce à l'adjonction d'un petit condensateur à capacité variable. Toutefois cette lampe est d'une grande fragilité et d'un réglage difficile et, ses applications avaient été jusqu`alors limitées à la réception, où elle fonctionnait comme hétérodyne. Utilisation d’ondes entretenues dans de petits postes de campagne. Ferrié eut à ce moment l'intuition que dans cet équipement pourrait être une bonne solution du problème de la syntonisation rigoureuse des circuits oscillants de d'émission et de la réception pour postes de campagne. Quelques expériences sur Audion (dont il ne possédait que deux spécimens venant d'Amérique) faites par lui-même au poste de la Tour Eiffel, avec le concours du Commandant Brenot et de l'Adjudant Laut, le conforte dans cette idée. Il décide alors de confier au lieutenant Abraham le soin d'en étudier à fond les propriétés et d'en établir un modèle robuste et stable, pouvant servir à la fois de détecteur, d'amplificateur et de générateur d'oscillations entretenues, conditions indispensables pour la fabrication en grandes séries et pour son utilisation par les armées.

Abraham, qui venait d'être désigné pour collaborer avec le commandant Péri à la construction du grand poste de Lyon la Doua, demande aussitôt à l'usine de lampes à incandescence A. Grammont de lui construire quelques Audions. Or, le chef de fabrication Biguet étant mobilisé aux armées, les premiers résultats furent plutôt décevants. Ferrié est prévenu aussitôt, demande et obtient le retour de celui-ci dans son usine. Dès lors tout marche bon train, le principal défaut de l'Audion est identifié car il réside dans son mauvais vide. Abraham, en collaboration étroite avec Biguet, réussit à éliminer les gaz occlus dans les électrodes, et obtient alors des lampes identiques, au vide stable et durable pendant toute la vie du filament incandescent. Ces lampes sont faciles à construire en grandes séries, interchangeables et peuvent servir aussi bien comme lampes détectrices, qu’amplificatrices ou oscillatrices, productrices d’oscillations entretenues. En décembre 1914, le lieutenant Abraham pouvait envoyer ses premières lampes à trois électrodes au Colonel Ferrié. On ne saurait trop mettre en relief l'importance du service que le savant professeur venait ainsi de rendre à la défense nationale avec le concours de M. Biguet. En le soulignant ici c'est rendre hommage à la valeur du chef qui sut utiliser la compétence de ces deux techniciens au mieux des intérêts de la France envahie. Ainsi, le Ministère de la Guerre allait être en pleine guerre récompensé au centuple d'avoir libéralement consenti temps de paix quelques modestes crédits à l'organisation du service des signaux horaires. C’était à l'occasion de la détermination de la différence de longitude Paris-Washington, en effet, que Ferrié avait pu apprécier le professeur Abraham, et ce fut la

Henri Abraham de l’équipe de Férié dépose en octobre 1915 le brevet FR 452.657 de la

« Loupiote TM » malgré les difficultés L’Audion (à gauche) et la Loupiote TM (à droite)

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raison pour laquelle il lui confia ces délicates recherches dont l'heureuse réussite allait donner à l'Armée française un système de transmission incomparablement supérieur à celui de l'ennemi. Dès qu'il fut en possession d'un nombre suffisant de ces lampes, Ferrié se mit en devoir d'en exploiter au maximum les merveilleuses propriétés en répartissant entre les spécialistes groupés autour de lui les études et recherches à effectuer; tous rivalisèrent d'ardeur pour combiner les dispositifs répondant aux divers besoins du front. Au premier rang, les amplificateurs, dont on rappelle l'intérêt capital. Le principe est simple mais leur mise au point se révèle fort délicate, et ce ne fut pas trop de toute le science de MM. Abraham, Beauvais, Bloch, Brillouin, Gutton, Latour, Laül, Lévy et de quelques autres encore, pour établir progressivement les types d'amplificateurs pour hautes et basses fréquences que nécessitaient les divers appareils militaires destinés aux tranchées, aux avions, aux états majors, à la marine, etc. Chaque jour, le colonel Ferrié parcourt ses laboratoires, suivant d'aussi près que possible toutes les recherches, dirigeant les uns, encourageant les autres, apportant des solutions, suggérant des idées, faisant profiter tout le monde de sa remarquable mémoire qui lui permet de mettre en collaboration, dans certains cas difficiles, des chercheurs dont les voies différentes se recoupent parfois à leur insu. La création et la mise au point de tout appareil nouveau est l'objet de ses soins les plus attentifs; tout d'abord, il en fait établir plusieurs exemplaires, sous le contrôle de Teilleux, chef des ateliers qui, depuis la naissance de la TSF ne cesse de lui apporter le concours le plus dévoué et le plus efficace. Les premiers modèles sont aussitôt confiés à divers collaborateurs pour essais et perfectionnements éventuels de façon à répondre aussi exactement que possible à leur destination. Après quoi, les prototypes adoptés sont remis aux établissements industriels chargés de la construction en grandes séries. Au sortir des usines, les appareils reviennent à la Radiotélégraphie militaire pour être minutieusement vérifiés et au besoin gradués avant d'être montés sur voitures ou mis en coffres, munis de tous les accessoires nécessaires à leur bon fonctionnement.

A partir d’avril 1916, la Compagnie Générale d’Électricité en fabrique dans son usine d’Ivry 1916 (100.000 fabriquées dans les deux usines en 1916). Ci-dessus, au centre, le schéma de la lampe TM avec à gauche la lampe TM oscillatrice). A droite, la lampe allemande LRS (des noms de ses inventeurs Robert von Lieben, Reicz et Strauss). La LRS avait une version oscillateur. Ses dimensions constituaient un handicap et son atmosphère gazeuse rendaient ses caractéristiques variables.

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On ne saurait donc s'étonner que Ferrié ait dû consacrer presque toute l'année 1915 à la réalisation des prototypes des premiers postes de campagne à ondes entretenues et que leur fabrication ait exigé une bonne partie de l'année 1916. Au début de 1917, il est en mesure de fournir des milliers d'appareils non seulement à nos unités combattantes mais aussi à nos alliés qui s'adressaient à lui pour en doter leurs troupes. Aussi, lorsque les forces américaines arrivèrent en France, un de leurs spécialistes du " Signal Corps" peut écrire qu'il est bien inutile d’ envoyer des appareils de TSF de campagne du modèle réglementaire aux États-Unis, attendu qu'on trouve déjà en service sur les champs de bataille des postes portatifs français à ondes entretenues parfaitement au point, alors qu'en Amérique ils sont encore à l'étude dans les laboratoires. La sélection de leurs signaux est à ce point remarquable en effet qu'une différence de quelques mètres dans les longueurs d'onde permet à deux postes de travailler simultanément dans un même local sans la moindre gêne pour l'un ni pour l'autre. Progrès extraordinaire pour l'époque, dont Ferrié et ses collaborateurs peuvent être justement fiers. Nous ne saurions, sans allonger outre mesure cette notice, examiner en détail tous les problèmes militaires et autres que Ferrié et ses collaborateurs ont résolus pendant la guerre grâce à la lampe à trois électrodes ainsi perfectionnée, bornons-nous å passer brièvement en revue les plus importants :

L'un des plus urgents était d'assurer à bord des avions la réception des signaux de TSF jusqu'alors impossible en raison du bruit considérable. Dès 1915, les premiers récepteurs construits avec lampes amplificatrices y remédient avec succès.

Avec ces lampes, les appareils d'écoute des bruits souterrains ou aériens (creusement de mines approche d'avions) basés sur la méthode binauriculaire vont acquérir une sensibilité et une précision des plus précieuses.

Les appareils d`écoute des radiotélégrammes allemands vont permettre de capter et de déchiffrer de multiples communications dont certaines sont d'une importance capitale. Pour s'en affranchir, le grand poste de Nauen s'astreint à émettre à grande vitesse des signaux qu'il suppose trop rapides pour pouvoir être perçus à l'oreille. Peine perdue, car aussitôt les amplificateurs permettent de les enregistrer sur disques de phonographe et de les déchiffrer sans retard.

La radiogoniométrie de son côté trouve dans les amplificateurs la solution précise que Blondel et Ferrié avaient cherché en vain depuis la naissance de la TSF. Avec les ondes amorties, la précision d'une direction obtenue radiogoniométriquement varie entre 15 et 5 degrés. Avec la lampe à trois électrodes, elle va atteindre aisément l'ordre du degré, tout au moins pour des distances inférieures à quelques centaines de kilomètres. Il en résulte que les postes radiogoniométriques à petits cadres mobiles mis en service aux armées ont permis de déceler les emplacements des postes de TSF allemands et par suite de déduire de leurs changements de position les mouvements des divisions auxquelles ils

A gauche, le poste récepteur E3bis mis en service en 1916. Au centre, le récepteur

d’écoutes type C de 1918 (écoutes de conversations ennemies). A gauche, le récepteur de

tranchées britannique 50 W

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appartiennent, renseignements d'une très grande importance pour le GQG. Les postes radiogoniométriques de l'intérieur du territoire, travaillant en plein accord avec les postes d'écoute des bruits aériens, pourront dépister les incursions des aéronefs ennemis; d'autres travaillant pour la Marine, détermineront les routes des sous-marins allemands, ou, pour les navires amis, préciseront leur point en cas de brume. Mentionnons encore, la création de milliers de petits postes de télégraphie par le sol (TPS) destinés à établir entre les postes de commandement des bataillons, des régiments et des divisions une liaison électrique commode, peu vulnérable et capable de rendre de grands services sur un à trois kilomètres de profondeur, quand le téléphone et la TSF viennent à faire défaut l'un et l'autre. Ferrié réalise au profit de l'infanterie un projet qu’il a conçu avant la guerre pour renforcer les liaisons télégraphiques entre les forts de l'Est, en utilisant le sol comme conducteur, projet que l'expérience avait alors démontré impraticable, l'intensité des signaux décroissant proportionnellement sur cube de la résistance. Or, les amplificateurs à lampes permettent désormais de donner une solution aussi simple que pratique à ce problème. Tous ces appareils, et nombre d'autres encore, dont les principes et le fonctionnement sont maintenant universellement connus, dont beaucoup ont été largement perfectionnés par la suite, ont été le fruit des études d'un très petit nombre de savants groupés sous la direction d'un chef respecté, dont l'autorité morale et la compétence technique étaient reconnues de tous. Leurs travaux ont complètement révolutionné les méthodes de la TSF et l'ont mise en situation de faire la conquête du monde. Pourtant, nul d'entre eux n`en a tiré le moindre profit personnel. Rendons hommage à leur admirable désintéressement ! En même temps qu'il apporte tous ses soins au développement des moyens de transmission radiotélégraphique nécessaires aux armées françaises et alliées, Ferrié doit faire face à une autre tâche de grande importance : en cas de rupture par l'ennemi des câbles sous-marins, il doit assurer nos relations télégraphiques avec les colonies qui envoient approvisionnements, travailleurs et soldats. Par ses soins, le projet d'installation de grands postes de TSF en Algérie, au Sénégal, au Congo, à Madagascar et au Tonkin, ont été établis à cet effet3. Les premiers travaux ont commencé en 1917. D'autre part, l'entrée en guerre à nos cotés des États-Unis nécessite la mise à leur disposition sur notre territoire d'un poste très puissant pour assurer leurs liaisons avec les Armées qu'ils expédiaient en France. Ferrié eut la charge d'en établir les plans et les caractères techniques et ceux-ci sont approuvés sans

3 - Le plan Ferrié a été établi en 1913 et devait être présenté pour approbation par la chambre des

Députés en 1914. La déclaration de la Guerre a suspendu les travaux de la Chambre et ce plan fût

approuvé en 1917 par les Ministères concernés (Guerre, Colonies, Marine et PTT).

Entre le camion de radiogoniométrie de Gustave Ferrié (1914) et le camion du 45 RIT

pendant les manœuvres de l’OTAN (1960) aucune différence de fonction, un même objectif.

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réserve par les spécialistes américains. Mis en construction aussitôt, à la Croix d'Hins, près de Bordeaux, ce poste, auquel les États-Unis tinrent à donner le nom de La Fayette, allait être le plus puissant du monde avec deux machines de 1000 KW chacune, génératrices d'ondes entretenues (arc Poulsen) et une antenne géante portée par huit pylônes de 250 mètres de hauteur. La Marine américaine se charge de la construction (aux États Unis) et du montage (en France) des machines et des pylônes. Le colonel Ferrié se charge de tous les travaux de terrassement, des bâtiments, des antennes, des prises de terre et des installations diverses etc… On sait que ce grand poste fût terminé après l'armistice. La paix conclue, Ferrié en fait remise, après l'avoir mis au point, à l'Administration des P.T.T, qui en assurera l'exploitation4.

4 - La remise de Bordeaux-Lafayette au Ministère des PTT.

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L’ACTIVITE SCIENTIFIQUE

DE LA MARINE NATIONALE

PAUL LANGEVIN A TOULON (1916 – 1919) NDLR – Les historiens anglo-saxons se penchent volontiers sur les développements scientifiques et les inventions qui ont eu lieu pendant la guerre. Ils étudient le développement de l’aviation, des chars, de l’artillerie et des télécommunications. Dès lors que la stratégie du combat décisif, sur terre comme sur mer fait faillite, chaque belligérant cherche à combler les lacunes de ses armes par de nouvelles inventions. Les marines alliées ont réussi à combattre et détruire les sous-marins allemands et dans la guerre de l’Atlantique, la Marine française et ses télécommunications ont joué un rôle de tout premier ordre.

°°° Au début du mois d’août 1914, les plus puissantes marines de surface britannique et allemande se font face en mer du Nord. Contrairement aux prévisions, il n’y aura pas de combat décisif, la Grande flotte britannique de l’amiral Jellicoe basée à Scappa Flow au Nord de l’Ecosse, celle de Beatty plus au Sud pour protéger la côte Est de l’Angleterre et la principale flotte allemande basée dans les 3 bases navales de Wilhelmshaven ne mer du Nord, de Kiel et de Dantzig sur la Baltique, bien protégée par des champs de mines mais incapable de se déployer en dehors de la mer du Nord. Par contre, les discrets sous-marins U-Boote, petites unités discrètes et bien moins coûteuses que les cuirassés disposent d’une endurance et d’une autonomie qui leur permet de franchir les lignes britanniques. Ils portent la guerre dans l'océan Atlantique et en Méditerranée, détruisent les convois marchands et tentent de forcer le blocus. L’armée allemande en possède seulement 18 en 1914 mais le pouvoir constate très vite qu’ils peuvent permettre une « guerre totale ». Leurs attaques sont inattendues et imprévisibles et les marines franco-anglaises ne disposent pas des moyen de les localiser, donc de prévoir leurs attaques, ni de les combattre en plongée. S’ils sont tapis, immobiles près de leur objectif, le plus souvent un port de commerce, ils peuvent frapper partout et quand ils décident. La situation est grave. 1 - La commission des inventions. Une Commission supérieure des inventions intéressant la défense nationale est créée par décret du 11 août 1914 sur l'initiative du ministre de la guerre. Elle se substitue à la Commission mixte d’examen des armes et des engins de guerre). La France mobilise ses scientifiques. Des « savants et spécialistes d’une compétence et d’une autorité indiscutables » constituent cette première commission dont la présidence est confiée à Paul Appel5 est divisée en trois sections: électricité, TSF, optique explosifs, industries chimiques arts mécaniques, aéronautique, moteurs, balistique.

5 - Paul Emile Appel (1855-1930) - Né à Saint-Affrique (Aveyron), il est reçu à dix-huit ans le premier à

la fois à l'École polytechnique et à l'École normale supérieure, qu’il choisit. ll rencontre le mathématicien Emile Borel, qui épousera la fille. Ami de Paul Valéry, il se lie d’amitié avec le mathématicien Paul Painlevé, futur président du Conseil, qui contribue à l'orienter vers la politique.

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Un second décret du 13 novembre 1915 est signé à l'initiative du ministre Paul Painlevé6, la commission est rattachée sous le nom de commission supérieure des inventions à la nouvelle direction des Inventions intéressant la défense nationale. C’est l’une des directions de différents ministères de 1915 à 1922, transformée en secrétariat d'État durant l'année 1917. Elle dépend du ministère de l’Instruction Publique, des Beaux-arts et des Inventions intéressant la défense nationale. Elle a pour mission d'assurer la mobilisation scientifique et la coordination des laboratoires. La direction est également chargée d’examiner les inventions proposées par les inventeurs et d'entreprendre les recherches demandées par les ministères de la Guerre et de la Marine. Emile Borel7 est placé à la tête du cabinet technique de la direction et Jean Perrin comme second. La direction comprenait 49 membres. Tout projet adressé à la direction est transmis par le cabinet technique à la Commission supérieure des inventions qui les répartit entre ses sections. Son champ d’action s’élargit avec huit sections spécialisées :

guerre de tranchée,

aéronautique,

balistique et armement,

mécanique,

physique et électricité,

marine,

chimie, et

hygiène et physiologie. En parallèle, une mission d’essais, vérifications et expériences techniques, est été créée au ministère de la guerre en août 1915 par le ministre de la Guerre Alexandre Millerand, en s'appuyant sur le laboratoire d'essais du Conservatoire national des Arts et Métiers. Après le remaniement ministériel du 12 décembre 1916, la direction est transformée en service et rattachée au ministère de l’Armement et des Fabrications de guerre. Le secrétaire

6 - Paul Painlevé (1863-1923). Elève de Normale Sup (sciences), c’est un élève de Paul Appel.

Théoricien des mathématiques, de la mécanique des fluides et de l’aéronautique. Il entre en politique

et est nommé en 1915, ministre de l’Education Nationale par A Briand puis de la guerre (mars1915)

puis président du Conseil (il nomme Pétain).

7 - Emile Borel (1871-1956) est directeur adjoint de l'Ecole normale supérieure, de 1910 à 1920.

Engagé volontaire en 1914, il commande une batterie d'artillerie. Émile Borel a un rôle politique actif. Alors sur le front et rappelé par son ami Paul Painlevé, il devient secrétaire général de la présidence du Conseil. Il sera ministre de la Marine du 17 avril au 28 novembre 1925.

1 – Hydrophone I.P.M. en service. 2a – Tube Broca comme le tube C n’est pas non directif 2b - Tube C « américain » est le premier stéthoscope utilisé par la marine. 3a et 3 b – Dispositifs Langevin avec un émetteur-récepteur piezo-électrique.

1 2a 2b 3a 3b

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d’État Jules-Louis Breton8 est spécialement chargé de ce service. Il prend successivement les titres de sous-secrétaire d’État des Inventions, puis de sous-secrétaire d’État des Inventions, des Études et des Expériences techniques, et enfin de sous-secrétaire d’État aux Inventions intéressant la défense nationale. 2 – La lutte contre les sous-marins et la protection des convois. Pour lutter contre l’offensive sous-marine allemande, l’Amirauté Britannique impose la théorie des routes patrouillées en 1914. Devant les piètres résultats et la double opposition française et américaine, l’Amirauté britannique accepte de revenir au vieux système des convois en 1917. La parade est efficace, mais les navires marchands restent toujours des cibles impuissantes, contraintes le plus souvent à ne réagir qu’après l’agression. Pourtant, les études menées dans les laboratoires et choisies par la commission des inventions permettent de définir toute une gamme de mesures de protection passives, de construire et d’armer des navires de patrouille et de localiser pour les détruire les sous-marins ennemis. En 1918, toute une gamme de mesures était disponible sur les navires de patrouille qui couvraient le littoral européen du Nord des iles Britanniques à Dakar : Mesures de protection passives.

Les fumigènes

Le camouflage Armement des navires

Armement des bâtiments

Les grenades sous-marines LV Guirard

Les navires « Q » ou navires-pièges. La radiotélégraphique

La goniométrie des émissions radio.

L’écoute des messages ennemis Mesures de détection passives

Les hydrophones Walser développé en 1917 Mesures de détection actives mises au point qu’à la fin de la guerre, donc non utilisées.

La boucle anti sous-marine.

Les sonars. A partir du 14 avril 1917, ce sous-secrétariat d'État fut constitué de la Commission supérieure des inventions, du Service des inventions, des études et des expériences techniques de l'artillerie, de l'Inspection des études et des expériences techniques des armes portatives, du Service des inventions, des études et des expériences techniques des poudres et explosifs et du Service des inventions, des études et des expériences techniques de l'automobile. Avec l'arrivée de Paul Painlevé à la présidence du Conseil, le sous-secrétariat d'État passe sous la tutelle du ministère de la guerre, à la tête duquel se trouve Painlevé, et est rattaché à la section technique du génie. Après la démission de Paul Painlevé en novembre 1917, le sous-secrétariat d'État est rattaché à nouveau au ministère de l'armement et redevient une simple direction.

3 – Description des méthodes passives de repérage (M Saibène). Dès 1914, la Marine française redéfinit ses moyens. Elle met en service plusieurs centaines de patrouilleurs regroupés dans des centres de patrouilles anti sous-marines répartis entre

8 - Jean-Louis Breton dirige le service des inventions et expériences techniques pendant la Guerre. Il

est sous-secrétaire d’Etat aux inventions intéressant la défense nationale (mise au point du char d’assaut) en 1916-1917 dans les gouvernements Briand, Ribot et Painlevé. Elu membre libre de l'Académie des sciences en 1920, il devient Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociales en 1920-1921 et chargé de rapporter de nombreuses lois sociales.

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Brest et Dakar. Les navires sont des torpilleurs, des avisos, des chalutiers armés, ainsi qu’un nombre considérable d’aéronefs. Il faut les construire ou les acheter (aux EU et au japon) et les équiper ces navires de moyens techniques qui améliorent la veille :

Des hydrophones (microphones marins) sont installés à bord des patrouilleurs.

D’appareil Walser, premier appareil directif permettant l’écoute depuis un patrouilleur en route à 6 nœuds. Il est expérimenté en mars 1917 sur le patrouilleur auxiliaire Henriette II, encombrant mais relativement efficace, sera monté sur de nombreux navires français9.

Le « tube C », issu d’un brevet américain basé sur l’effet binauriculaire donne des résultats encore meilleurs avec des erreurs moyennes de 3 à 15°. L’appareil est peu encombrant et facilement utilisable...Toutefois, le bâtiment écouteur doit être stoppé.

Des microphones installés en « plomb de sonde » donnent également des résultats qui justifient de les maintenir en service dans l’entre-deux guerres.

L’écoute « passive » avec un ou plusieurs microphones suppose que le sous-marin ne reste immobile au fond de la mer, écoutant lui-même l’arrivée d’une proie dans les parages. 4 – L’activité scientifique de la Marine nationale10. Les travaux effectués et les découvertes réalisées par les commissions de recherche scientifiques, par les ingénieurs et les officiers des divers corps de la Marine exigeraient une longue étude. Toulon constitua un important centre d’études et d’expérimentation dans la mesure où la Méditerranée a toujours constitué un champ d’expérimentation unique à cause des grands fonds proche de la base des études. Il suffit de citer quelques résultats pour mesurer l’importance de l’effort. 1 – Invention des appareils d’écoute (microphones, hydrophones) placés à bord des patrouilleurs ou à terre, permettant de déceler la présence de sous-marins en plongée. Le problème à résoudre consistait à révéler l’ennemi par un sens autre que la vue. A bord des bâtiments de patrouille ou de chasse, il fallait arriver à entendre le sous-marin ; sans être obliger à stopper soi-même. L’hydrophone Walser a résolu le problème. L’avantage fondamental de cet appareil réside en ce que, n’étant sensible qu’aux ondes sonores de fréquence élevée telles que celles produite par une hélice en marche, il n’est pas influencé par celles que produit le choc des vagues ou le sillage du bâtiment.

9 - Il faudra attendre mars 1918 pour qu’une attaque soit conduite au moyen de cet appareil (avec

l’aide d’un hydravion) par le contre-torpilleur Dunois.

10 - Georges Leygues – Les marins de France ou l’œuvre de la Marine pendant la guerre – Berger-

Levrault, Nancy, Paris, Strasbourg - 1921

4 - Montage de bi-écouteurs par

géophone sur la coque d’un sous-

marin (à g.)

5 - Le lieutenant de vaisseau

Walser concentre les bruits sur

les sons à travers les calottes

sphériques (à d.). Il y a intérêt à

placer un myriaphone Perrin

multiple pour détecter des sons

de diverses longueurs d’ondes. Le

navire peut écouter à 5 nœuds.

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Les microphones Loth sont des microphones perfectionnés, très sensibles, mouillés à poste fixe au large d’un port, d’une rade ou de tout autre point, pour repérer la présence de sous-marins ; ils sont reliés chacun par un câble à un poste d’écoute. La zone à défendre étant partagée en secteurs à chacun desquels est affecté un microphone, l’homme de veille aux écouteurs indique en suivant le son, le secteur dans lequel pénètre un sous-marin et les déplacements de celui-ci dans un même secteur ou d’un secteur au secteur voisin. 2 – Perfectionnement des appareils de télégraphie sans fil (TSF), grâce auxquels les communications ont pu être assurées à des distances considérables, inconnues jusqu’alors ; mais aussi de matériel portables après la mise au point de la lampe TM utilisée comme amplificateur, ce matériel pouvant être utilisé dans les tranchées, dans les avions, les véhicules terrestres et sur les navires ; 3 – Création de postes radiogoniométriques qui, édifiés en des points choisis du littoral recevaient les signaux spéciaux émis par les appareils de TSF des bâtiments du large permettaient de repérer la direction dans laquelle se trouvaient les bâtiments. Ces renseignements étant immédiatement transmis par TSF aux navires, les mettaient en mesure de déterminer leur position et de faire une route sure pour arriver au port, sans voir la terre et sans se guider sur les phares ou tout autre point de reconnaissance. C’est ainsi que les transports de troupe venant d’Amérique ont pu entrer à Brest, même par les brouillards les plus épais, sans difficulté. 4 – Amélioration du matériel de dragage et de destruction des mines sous-marines avec création d’un matériel nouveau. 5 – Dans le domaine de l’optique (périscopes, télémètres). Perfectionnement des appareils en service, spécialement des périscopes dont le champ de visée fut augmenté et qui furent munis de verres permettant à nos sous-marins de voir la nuit ou en plongée et de surveiller les sous-marins ennemis dans de meilleures conditions. Perfectionnement des télémètres destinés à fournir, à des portées de plus en plus grande, la distance à laquelle se trouve l’ennemi, permettant ainsi un réglage précis et rapide du tir. 6 – Invention des divers types de grenades et bombes sous-marines à grande capacité d’explosif, montées sur glissière d’où elles étaient projetées sur les sous-marins ennemis en plongée, repérés à l’aide des appareils d’écoute ou aperçus par leur périscope et qui les détruisaient, même sans les toucher, quand elles tombaient dans leur voisinage. 5 – Paul Langevin11 à Toulon (1916 – 1919). On était alors en 1912, lorsque qu’une équipe française dirigée par Paul Langevin, découvre et met à profit les propriétés piézo-électriques du Quartz, ainsi formulée : « Quand ce silice est parcouru par un courant à haute fréquence, il émet des ultrasons ; mais il fait aussi l’inverse quand il en reçoit.». Dans son équipe, Constantin Chilowski, un chercheur polonais eût l’idée de développer les premiers transducteurs à ultrasons à quartz puis l’invention entra dans l'ombre pour trois ans. L’idée d’un premier sonar sous-marin était née. Il fût étudié dans un laboratoire de l’arsenal de Toulon entre 1915 et 1919 par une équipe dirigée par Langevin. Le laboratoire est installé aux Grands Rangs dans les locaux de la Défense Mobile, face à la vieille darse, face aux postes d’amarrage des patrouilleurs.12 Le travail s’achève avec l’armistice et une conclusion s’impose : la méthode de l’écho par ultrasons fournit un procédé nouveau pour une détection active pour la poursuite et l’attaque des sous-marins. Ce concept, mis au service de la recherche commune qui s’était alors établie entre les alliés, va donner naissance à deux appareils :

l’un français, dénommé « U.S. » (pour Ultra-Sons);

11

- Paul Langevin, nait à Paris 18ème

le 23 janvier 1872 et décède le 19 décembre 1946 à Paris 5ème

. C’est un physicien, philosophe des sciences et pédagogue, connu notamment pour sa théorie du magnétisme, l'introduction de la théorie de la relativité d’Albert Einstein en France, le plan Langevin-Wallon de réforme de l'enseignement et pour l'organisation des Congrès Solvay (Wikipédia) 12

- Col Bleu n° 1901 du 21 juin 1986 cité par Mr Saibène.

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l’autre, anglais, dénommé « A.S.D.I.C. » (du nom de l’organisme interallié constitué à Londres en 1917 : Anti-Submarine Detection Committee).

L’écoute va évoluer vers un système nouveau, directement inspiré de la théorie de « l’écho » émise pour la première fois au lendemain du naufrage du Titanic par l’anglais M.L. Fry Richardson. Ce dernier proposait d’utiliser une courte longueur d’onde qui, dirigée grâce au phénomène de diffraction, déterminerait précisément le gisement d’un obstacle. Malheureusement, la production de l’onde, envisagée par les seuls moyens mécaniques, ne donne aucun résultat... Dès le mois suivant l’État-major prend la décision d’équiper cinq avisos de la Division offensive écoute-torpilles déjà munis de l’appareil d’écoute microphonique Walser13.

L’appareil U.S. est mis au point avec le concours de la DCAN de Toulon et bientôt expérimenté à bord du remorqueur Vigoureux14 avec une succession de résultats encourageants : le 26 février 1918 sur une porte du bassin Vauban ; le 4 mai par 400 et 500 mètres de profondeur sur le sous-marin Messidor, puis par 600/800 mètres le 15 mai 1918. Les essais de juin-juillet 1918 feront l’objet de la conclusion suivante : « La méthode de l’écho par ultrasons, fournit un procédé nouveau efficace, et dès maintenant applicable pour la poursuite et l’attaque des sous-marins en plongé, dès que les fonds dépassent quarante mètres ». Il sera utilisé par les marines pour la détection de sous-marins et de mines, par la pêche, ainsi qu'en navigation pour mesurer la profondeur.

Les sonars sont de deux types : actif ou passif. Avant le début de la 2e guerre mondiale, Langevin et son collaborateur effectuent les premiers travaux expérimentaux sur le radar qu'il nomme "Barrage Electromagnétique". La première expérience a lieu sur le terrain du Bourget: le radar couvre alors toute la région nord de la France. On affirme que l'avion qui transportait Edouard Daladier, qui venait de signer les accords de Munich, fut suivi lors de son vol retour !

Au moment où la guerre prit un tour défavorable pour la France, Langevin détruisit tout son matériel et assura la fuite en Angleterre de Chilowski qui fut ensuite intégré à l'équipe de Robert Watson Watt. Ce dernier mit au point les premiers radars pour la défense aérienne ; ses expérimentations se déroulaient dans un centre secret. Sur ces entrefaites, l’Allemagne dépose les armes et après une dernière réunion au comité Londonien où le professeur Langevin donne communication de ses résultats, chaque nation va poursuivre les études et les expérimentations pour son propre compte15.

Sources : Georges Leygues, Les marins de France – SHD Toulon cote TO-8.12869 Andréas Michelsen, La guerre sous-marine 1914-1918, Payot, (tr. de l’allemand) CF Laurens, La guerre sous-marine Tomes 1, 2 et 3, SHD 4-1485. Marvin Lasky, Review of undersea acoustics to 1950, J Acoust. Soc Am. vol 61, n° 2 February

1977. « La Nature » n° 2439 1er janvier 1921, L’écoute sous-marine.

13

- Il s’agit des avisos Aisne, Meuse, Somme, Yser et de l’ex-mouilleur de mines Cerbère. Mais les

équipements ne seront reçus qu’après l’armistice et il n’est pas sûr que la décision ait alors été

poursuivie d’effet.

14 - Il s’agit d’un ancien remorqueur du canal de Suez.

15 - L’Angleterre va poursuivre et aboutir dans le plus grand secret. L’école des spécialistes de

Portland s’ouvre en 1922 et dès 1925 une première flottille de destroyer des classes V et W - basée

en Méditerranée - est équipée d’Asdic.

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LE POINT DE VUE DE PIERRE SUARD

SUR LA MORT D’ALCATEL-LUCENT

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HOMMAGE A ALAIN BACQUEY

par Jocelyne Yépes

C’est avec stupeur que nous avons appris le décès de notre collègue et ami Alain Bacquey à l’âge de 66 ans. Alain, né le 23 septembre 1949 avait commencé sa carrière de technicien à France Télécom le 28 août 1973, après avoir tenté une carrière d’artisan électricien. Il avait eu la chance d’être muté, dès sa sortie du cours de technicien de La Londe, directement au centre des Câbles Sous-marins à la Seyne sur mer. Il y fit toute sa carrière jusqu’au moment où il partit en CFC en septembre 2004. Il excella dans tout ce qui était la technique radio et transmission. Il inventa en particulier un chercheur de câble pour plongeur (ci-dessous). Alain était un technicien consciencieux et un collègue discret maniant l’humour jusqu’à l’autodérision, toujours prêt à rendre service aussi faisait-on appel à lui dès qu’il s’agissait de bidouiller et de réparer un appareil électrique, activité dans lequel il excellait. Toujours soucieux d’aider, il était le correcteur du bulletin de l’association et le commissaire aux comptes de nos finances, tache qu’il prenait à cœur. Toujours présent lors de nos manifestations, il parlait peu de sa santé qui s’était détériorée dans les derniers temps. C’est donc avec une grande émotion que ses collègues ont appris son décès soudain le 24 juin 2015. Ils étaient nombreux à lui dire un dernier adieu lors de son incinération au crématorium de la Seyne sur mer.

Jocelyne Yépes - Janvier 2016

Ci-contre, Alain et ses amis du bureau d’études ou le bonheur d’être ensemble. De gauche à droire : Michel Breton, André Butin et Alain

Baquet

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HOMMAGE A MARCEL FERRARA

Par Jean-Louis Bricout Ils ont débarqué du Sud en 1962, quelquefois de leurs navires pour se mettre à la pêche sur le littoral. Une tragédie pour leurs parents mais la volonté de réussir pour eux. Au bout de quelques mois, pas de poisson ; ils décident de quitter la pêche pour les câbliers, cédant aux sirènes d’un Marquis d’ascendance espagnole lui-aussi. C’est ainsi que Da Silva et Ferrara, mais également Cayuela, De Crescenso, Soler, Ferrara, etc…ont embarqué sur ces navires pour les campagnes de Terre-Neuve. Si Da Silva s’est bien débrouillé sur l’Ampère du bosco Bonnec. Notre Marcel est tombé sur le bosco Guillemot et son équipage de bretons. Pas facile pour lui. Pourtant, il fut de suite remarqué par les commandants et les chefs de mission de l’Ampère qui, après quelques essais dans la baie de Conception près de Saint Jean de Terre Neuve décidèrent que ce jeune matelot serait bosco comme son ainé Da Silva qui cooptait le local Joël Oliviero. Inquiet sur le navire, Marcel travaillait la nuit à croiser ses doubles et imaginer les manœuvres. Il partait en mission sur les côtiers bretons avec ses copains Bert et Lépine. Les 2 navires-câbliers du midi, l’un qui naviguait et l’autre pas avaient deux équipes de deux boscos. Trois d’entre eux sont déjà partis, Marcel est resté le dernier de ces mousquetaires, grands professionnels de leur métier et qui ont permis d’imposer les techniques françaises de réparation des câbles dans les eaux de Terre Neuve, de Méditerranée et d’Atlantique. JL Bricout

De gauche à droite : JL Bricout, Biava dit

le noir, marcel Ferrara et Roger Aiguier De gauche à droite : Costa, Marcel

Ferrara sur les daviers et Ballatore

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HOMMAGE A JEAN LE TIEC dit JOHNNY

Par Christian Delanis Nous avons appris avec émotion, il y a quelques mois, le décès de Jean Le Tiec à l’âge remarquable de 96 ans. Il était notre doyen depuis quelque temps et je me devais de témoigner aux Amis de l’Association, le souvenir de l’ami à tous ceux qui ont participé avec lui, à terre ou en mer, à l’épopée des câbles sous-marins Nous l’appelions « Johnny » car il pratiquait avec aisance la langue anglaise, ce qui était bien utile à Terre-Neuve par exemple pour faciliter les rapports avec les autorités et les relations tout au long de nos séjours à l’étranger. Embarqué presqu’en fin de carrière sur les navires-câbliers, son expérience et sa camaraderie ont été appréciées sur nos augustes navires à vapeur à savoir, l’Alsace, l’Ampère. J’ai, par exemple, le souvenir d’une réparation de l’Ampère en septembre 1974 sur la liaison Alexandrie – Beyrouth à l’atterrissement sur une zone rocheuse, d’un câble double armure renforcé par des coquilles articulées en acier qui ne se laissaient pas faire par suite de conditions météorologique un peu rudes. Cela n’empêcha pas nos cablemen, Claude Maulini, Jean Albert et Jean-Louis Bricout et bien d’autres de faire une réparation de qualité. Cela a peut-être compté lorsque le Cdt Mertz et le chef de Mission Yves Le Fur décidèrent d’aller à quai pour avitaillement et un peu de tourisme. Par contre, la nuit s’est trouvée un peu bruyante lorsque les grenades sous-marines ont été larguées par la Marine égyptienne, craignant des commandos d’hommes grenouilles israéliens ans le port. Le lendemain, une promenade pittoresque en calèche avec René Berretta, Serge Dréano et notre regretté Johnny fut bien agréable pour fêter son départ en retraite. Il resta quelques temps en retraite en Bretagne mais revint bien vite à Six-Fours les Plages dont il appréciait la région et les réunions de l’Association. C’est ainsi que son épouse et sa fille ont souhaité l’honorer en immergeant ses cendres au pied de la Pointe Nègre.

Christian Delanis, à l’époque Chef mécanicien du NC Ampère

Septembre 1974 NC Ampère à Alexandrie Dréano, Berretta, Le Tiec et le chauffeur égyptien.

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HOMMAGE A RENE SALVADOR

Par Gérard Fouchard

René Salvador est décédé le 24 octobre 2015, à l’âge de 94 ans, la veille de son 95ème

anniversaire. Il était né le 25 octobre 1921 à Lunel dans l’Hérault, X42, ingénieur général des Télécommunications, chevalier de la Légion d’Honneur et commandeur de l’ordre national du Mérite. Fonctionnaire depuis le 1

er octobre 1944, ingénieur élève le 1

er oct. 1946, il est d’abord nommé au CNET (oct. 1946) puis à

la Direction des câbles sous-marins (oct. 1948). En fait, il avait été repéré par Marcel Bayard, son professeur à Sup Télécoms, directeur des câbles sous-marins (DCSM) qui recrutait une équipe d’ingénieurs pour embarquer sur les navires-câbliers. Entre décembre 1948 et Mai 1952, René Salvador cumule 854 jours (28 mois et demi) de mer

16 pour

remettre en état le câble transatlantique français d’Atlantique Nord (le « Direct »). Il note tous les évènements

17 et rend hommage à son chef de mission, l’ingénieur Mangon. Ensuite il embarque sur

les navires de Côte d’Afrique18

et de Méditerranée. Il comptera 1762 jours d’embarquement jusqu’en juin 1987 sur le NC Vercors.

Une fois le réseau en état, Marcel Bayard engage ses ingénieurs dans l’ère du téléphonique

19 (pose

du Cannes – Nice 1950) puis du Marseille - Alger 1956 mais il doit quitter la DCSM pour l’Inspection générale. Remplacé par André Jullien, l’équipe de jeunes ingénieurs (Paul Martin et Blatrix, René Salvador et Paul Lafon) se sent orpheline. Ils poursuivent l’œuvre de Marcel Bayard et l’administration française aide son industrie des câbles sous-marins avec la définition des outils nécessaires : répéteurs souples, câble coaxial et NC Marcel Bayard.

16

- En fait, il fait sa première campagne en été 1947 sur le Pierre Picard alors qu’il est élève de l’ENST. Article « De 10 bauds à 10 Gbits », bulletin n°3/1996. 17

- Deux articles du bulletin des Amis des câbles sous-marins (N° 9/1998 et 10/1998) sont consacrés à la remise en état du câble Brest – Cap Cod en Atlantique Nord. 18

- Articles du bulletin des Amis des câbles sous-marins (N° 33/2007) consacrés à la remise en état du réseau de la Côte d’Afrique. 19

- Articles du bulletin des Amis des câbles sous-marins (N° 12/1999, 13/1999 et 14/1999) consacrés à la téléphonie sous-marine de 1950 à 1970.

1981 – Mr Salvador accueille le ministre Mexandeau et les personnalités du Var lors de l’inauguration du câble France-Grèce à La Seyne sur Mer. 1986 - MM Gambier (BT), Tuttle (ATT) et Salvador (FT) au moment de la décision de

l’installation du câble TAT 8 à fibres optiques

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50

Lorsque j’arrive à la DCSM en 1964, René Salvador et Paul Lafon constituent l’âme du service. En 1965, les personnels de l’Ampère et du Marcel Bayard sont formées aux difficiles campagnes de Terre Neuve. Il a su attirer de jeunes ingénieurs avides de responsabilités et promis à de brillantes carrières : G. Théry, Michel Hirsch, G Baron, Yves Le Fur et Laurent Mialet alors que les premiers satellites de télécommunications semblent représenter l’avenir. Les syndicats obligent la direction à négocier la refonte des statuts des marins avant les campagnes de Terre-Neuve et René Salvador laisse beaucoup de responsabilités à ses proches. De 1965 à 1986, la France développe son industrie des câbles sous-marins

20.

Entre 1970 et 1986, le constructeur CIT-Alcatel devient l’un des quatre grands mondiaux devant les japonais. René Salvador est estimé de tous, sa hiérarchie, ses subordonnés, ses collègues du CNET, les cadres du constructeur pour ses qualités humaines, sa bonté et son désir de désamorcer les conflits entre services et les conflits sociaux. Il sait également nouer des sympathies à l’étranger, surtout à l’ATT et aux Bell Labs et devient l’ami de toujours de Frank Tuttle, directeur des Lignes à grande distance de l’ATT jusqu’à sa disparition. Le 29 avril 1973, R Salvador est nommé ingénieur général et directeur d’une direction qui perd son autonomie

21 écrit-il dans le bulletin. Les câbles sous-marins, les services radio et satellites forment la

DTRI et les services quittent le 20 rue Las Cases pour la rue de Bercy. R Salvador poursuit sa mission en bénéficiant d’une large autonomie. Il créée le « complexe » de La Seyne sur Mer (port, centre de transmission et entrepôt) en 1973, Paul Lafon construit un câblier exceptionnel, le NC Vercors en 1974. Jean Grenier est nommé à la direction des affaires industrielles et industrielles, G. Fargette à FCR, épaulé par Michel Hirsch

22.

En 1984, il est remplacé par Jean Claude Mouret et devient conseiller à la Direction des Affaires Internationales jusqu’à sa retraite en octobre 1987, quelques mois après la pose de TAT8, premier câble à fibres optiques. René Salvador a beaucoup donné à son métier, une mission. Il ne cachait jamais son bonheur familial avec Annick, son épouse et ses trois enfants Pascale, Isabelle et Jean-Michel, polytechnicien comme lui dont il regrettait qu’il travaille dans une banque. L’association, son bureau et ses membres leur adressent toutes leur condoléance en lui rendant hommage, à sa bonté et à son éthique. Ce fût une fierté de travailler pour un tel patron … qui aimait les hommes. Gérard Fouchard.

20

- René Salvador – « Du Morse à l’Internet » – 2ème

Partie qu’il a lui-même rédigée. 21

- Bulletin n° 4/1997 – De 10 bauds à 20 Gigabits. 22

- Bulletin n° 5/1994 – De 10 bauds à 40 Gigabits

1981 Exposition du centenaire de l’usine de La Seyne sur Mer) - 1997 Présidence de l’AG des

Amis de l’association - 2013 dernière sortie officielle chez nos Amis d’Axiom. Trois agréables

sorties de René Salvador.

1981 1997 2013