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Bruxelles Laïque asbl Avenue de Stalingrad, 18-20 - 1000 Bruxelles Tél.: 02/289 69 00 Fax: 02/502 98 73 E-mail: [email protected] www.brux.laicite.be De la mise sous contrôle des chômeurs p. 17 ECHOS LAÏQUES DE VOS ACTIVITES BRUXELLOISES p. 32 Défendre l'idéal démocratique : une urgence ! p. 5 Information, médias et démocratie p. 7 Du règne de la pensée unique et de la précarité des journalistes… Le dialogue social : un outil du modèle social européen p. 20 Edito

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Edito p. 3

Défendre l'idéal démocratique : une urgence ! p. 5

Information, médias et démocratie p. 7Du règne de la pensée unique et de la précarité des journalistes…

Du renouveau de la question laïque p. 13Entre confusions et crispations…

De la mise sous contrôle des chômeurs p. 17

Le dialogue social : un outil du modèle social européen p. 20

Quelques unes d'entre nous p. 24

Le Hip-hop p. 26Les atouts d'un mouvement artistique et social

ECHOS LAÏQUES DE VOS ACTIVITES BRUXELLOISES p. 32

Bruxelles Laïque est reconnue comme association d’éducation permanente etbénéficie du soutien du Ministère de la Communauté française, Direction Généralede la Culture et de la Communication, Service de l’Education permanente.

Bruxelles Laïque asblAvenue de Stalingrad, 18-20 - 1000 BruxellesTél.: 02/289 69 00Fax: 02/502 98 73E-mail: [email protected]

Sommaire

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Le 10 novembre prochain, le Festival des Libertés ouvrira ses portes au Pathé Palace. Lemenu de l'édition 2005, au vu des catégories et contenus de programmes proposés s'an-nonce d'ores et déjà de haute gamme. Dix-sept jours de conférences, de débats, detables rondes, de projections cinématographiques, de théâtre, d'expositions et demusique! Un énorme pari que nous espérons, une fois de plus, relever avec succès.

L'édition 2005 revêt une connotation particulière pour plusieurs raisons. Au regard de saformule actuelle, elle marque un tournant dans la jeune histoire du Festival des Libertés.En effet, c'est la première fois que nous réussissons à l'organiser deux fois de suite aumême endroit ! En l'occurrence, le Pathé Palace dont le cadre s'adapte particulièrementbien au concept pluridisciplinaire et artistique du festival. Et pour qui connaît l'histoire, cen'était nullement gagné d'avance.

Contrairement à l'année passée où l'équipe du festival s'était contentée de s'adapter àla configuration particulière du Pathé Palace, pour cette édition, elle a la volonté réelled'investir les lieux, de les transformer, de les faire vivre et vibrer autrement pendant lesdeux semaines et plus de festival. C'est dire les efforts techniques et les trésors d'imagi-nation à déployer pour concevoir et monter le décor d'un événement, qui pendant dix-sept jours se voudra à l'image des valeurs qu'il incarne: celles d'une société vivante,humaniste, démocratique, tournée vers le progrès et l'échange.

Au niveau de ses principes et de ses valeurs, le Festival des Libertés se veut l'expressionindividuelle et collective d'un désir de changement qualitatif de la vie, ici commeailleurs. Une enceinte de débat démocratique, un espace d'interculturalité dont l'actionse définit comme un engagement permanent à défendre les droits et les libertés, ledéveloppement de la conscience critique, la participation et le dialogue social. Dans cetteperspective, le festival cherche avant tout à favoriser la rencontre de personnes, de con-victions, d'identités et d'opinions, dans des interrogations communes, des aspirationsconvergentes et une même envie de société libre, d'un monde juste et équitable.

L'édition 2005, inscrite dans ces identité et orientation politiques définies par BruxellesLaïque, entend inviter la communauté citoyenne à une réflexion sur la participationcomme valeur démocratique, mais surtout sur les outils qui permettent son effectivité.En l'occurrence, la liberté d'expression et le droit à l'information. Ces deux instruments,même s'ils demeurent acquis au niveau des principes et du droit, restent cependant tri-butaires de toute une série de situations et de conditions qui les rendent précaires etinopérants dans la réalité quotidienne de notre fonctionnement démocratique.

Si la liberté de parole est admise, elle est rarement acceptée et donne souvent lieu à descrispations, notamment lorsqu'elle s'inscrit, comme actuellement, dans un climat socialalourdi par les tensions communautaires et le poids des représentations collectives. Ainsi,le rôle émancipateur dévolu à la liberté d'expression se heurte à des barrières culturelleset sociales qui en dénaturent complètement la vocation et en limitent la portée.

L'information, quant à elle, ne répond plus tout à fait aux exigences de qualité et derigueur qui doivent être les siennes dans une démocratie. Or, on ne peut pas dire qu'ellessont présentes tant l'information paraît trouble, parasitée par toutes sortes d'inter-férences idéologiques, financières et contextuelles qui mettent en exergue le rôle desmédias et de la presse dans leurs rapports ou leur coalition éventuelle avec des pouvoirs

Editorial

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Festival 2005, militance et musiques sans frontières

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politiques ou économiques, la situation et les conditions de travail des journalistes. Pourtoutes ces raisons, le festival met en débat la question de la liberté d'expression et durôle de l'information parce qu'elle conditionne et détermine le sens, la valeur et la qual-ité de la participation citoyenne, donc de la démocratie elle-même.

Cependant, mis à part les aspects fondamentaux que nous venons de souligner, lespréoccupations du festival concernent d'autres facteurs périphériques de la participation.En l'occurrence, les discriminations, les exclusions et les intolérances surtout vis-à-vis degroupes sociaux marginalisés et de minorités culturelles.

Que dire dans ce cas précis, des nouvelles mesures d'accompagnement de chômeurs?Sinon, qu'elles viennent renforcer des stigmatisations et des mises en marge déjàprésentes, affaiblissant plus encore le sentiment d'appartenance à une même commu-nauté sociale et renforçant parallèlement le repli identitaire et l’éloignement de la so-ciété globale.

Par ailleurs, au niveau continental et transversal, le Festival des Libertés, étape symbo-lique d'une “Année européenne de la Citoyenneté” élargit ses préoccupations à l'ensem-ble des questions liées à la construction de la citoyenneté et à l'élaboration d'un modèlesocial prenant en compte les aspirations des individus et des peuples pour une Europesociale, démocratique et multiculturelle.

Et par rapport au contexte actuel du monde, le festival dénonce les inégalités, s'insurgecontre l'exploitation éhontée des ressources de la planète par les grandes puissanceséconomiques et plaide pour une nouvelle forme de coopération Nord-Sud privilégiant lerespect des droits et libertés, la qualité de vie et d'environnement des populations.

Rassemblement démocratique, mais aussi festif, le Festival des Libertés 2005 laisse uneplace très large à la fête et à la musique avec des artistes et des groupes de renomméeinternationale afin que cette édition soit un rayon de lumière dans une année mondialemarquée par des conflits politiques et sociaux, des désastres écologiques, des attentatsterroristes et les stigmates d'une misère croissante et endémique.

Nous avons choisi de consacrer cette édition de Bruxelles Laïque Echos à la présentationde notre Festival des Libertés auquel nous invitons chaleureusement nos fidèles lecteurs.

Ariane HassidPrésidente

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Le nouveau capitalisme mondial, emblèmeapologique de l'économie libérale, est laface attrayante d'une doctrine politiquedangereuse pour le monde, la société libreet les hommes. Cette doctrine repose surtrois piliers: Dieu, l'Argent et le Pouvoir. Aunom de cette trinité, on encage des li-bertés, on piétine des droits, on sème lamisère et le chaos ! Pareille à une religionconquérante, elle tente partout aujourd'huide faire accepter comme alternativeunique et salutaire, sa foi, sa loi, son codemoral, son idéal de bonheur et sa vision dela vie. Servie par de puissants apôtres, enla personne de multinationales de laFinance et de l'Economie mondiales, ellepropage partout son évangile, sa philoso-phie politique, sa théorie du monde et saconception de l'Humanité. Jamais dansl'Histoire, une idéologie n'a disposé d'uneforce d'attraction comparable, ni réuniautant de pouvoirs entre ses mains !

C'est ainsi que, disposants d'une puissancefinancière plus importante que les budgetsdes Etats, ses serviteurs, présents danschaque pays, sont entrés dans les capitauxnationaux de grandes entreprises, desociétés de transports, de groupes d'assu-rance, de télécommunication et d'orga-nismes financiers, pour acquérir légale-ment des pans entiers de secteur public. Lacommunication, l'information et la culturefont partie presque intégrante de leursdomaines de concession. Chaînes detélévision, presse, réseaux de production etde diffusion d'articles culturels, etc. Leurempire est immense, leur emprise sur lemonde incommensurable et leur contrôlesur les esprits un fait acquis.

Nous vivons, pourrait-on dire dans unmonde “matrixé”1 où les citoyens sontmaintenus en permanence dans l'illusionréconfortante d'une liberté factice et d'unedémocratie qui n'est que le décorséduisant et symbolique d'une soumissionlibrement consentie. Résistance, engage-ment, vigilance, démocratie, liberté netraduisent plus des urgences dans la cons-cience collective. La majorité semble con-vaincue que la liberté, le droit et la démo-cratie ne sont plus à conquérir et sontdevenues des possessions définitives, telsdes titres de propriété dans le coffre d'unnotaire. Autrement dit, des valeursthésaurisées, qui au fil du temps, perdentleur sens et leur signification sociale.

L'absence des citoyens dans le débat pu-blic, leur maintien volontaire dans l'igno-rance quasi-générale de ses enjeux cru-ciaux par des médias de moins en moinsindépendants, sont les effets les plus alar-mants d'un processus sournois dedétournement des individus de la gestionpolitique de la vie publique. Cephénomène se mesure par leur désen-gagement des mouvements de régulationde la vie collective, affaiblissant grande-ment le pouvoir d'influence de la sociétécivile, les capacités opérationnelles desmouvements démocratiques et des orga-nismes de défense des droits et libertéspublics.

On se souvient qu'en France, l'extrêmedroite politique représentée par Jean-MarieLe Pen a failli remporter les présidentiellesde 2002 en profitant de ce phénomène dedésengagement social et politique denombreux citoyens français !

Plus que la démocratie, c'est l'idéal démo-cratique qui se trouve menacé ! Et l'ur-gence est à sa défense, ici comme ailleurs.Et maintenant !

Le Festival des Libertés 2005 qui ouvre sesportes le 10 novembre dans le cadresomptueux et réaménagé du Pathé Palaces'inscrit pleinement dans la défense de cetidéal démocratique sans lequel aucuncombat pour le progrès politique et socialn'est possible.

Défendre l'idéal démocratique, c'estrefuser que des paroles de liberté soientconfisquées, des opinions emprisonnées etl'information mise sous contrôle. C'estrefuser l'ordre moral de la pensée unique,l'unilatéralisation de la conscience poli-tique et l'étouffement de la culture de con-testation. Interroger précisément dans lecadre de ce festival 2005 notre actualitésur les conditions présentes de la libertéd'expression, l'état de l'informationcomme valeur et bien commun, l'émer-gence de mesures antisociales, la créationdes inégalités, le sens de notre apparte-nance à l'Europe et la crédibilité de sonmodèle social.

Convaincu qu'une société ne peut démo-cratiquement évoluer que par le débatpublic, la transparence, l'information et ledialogue, le Festival des Libertés privilégie

une urgence !Défendre l'idéal démocratique :

(1) En référence à Matrix, film culte réalisé par les frères Wachowski.

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la réflexion critique et la mise en perspec-tive des idées et des opinions pour fairevivre l'esprit démocratique et la citoyen-neté, seuls garants du dynamisme social etde la pérennité des droits et des libertés. Enceinte de débat démocratique, certes,mais aussi espace festif et convivial, le fes-tival 2005 fait une place importante à lamusique comme outil d'émancipation cul-turelle pour souligner le rôle prépondérant

des artistes dans l'action politique, consi-dérant l'art en général et la musique enparticulier comme un ciment social, quireprésente en tant qu'exercice de la li-berté, la première condition d'une sociétélibre et désaliénée. L'accès à la culture etau jugement esthétique parce qu'ils renfor-cent les liens sociaux, sont des enjeuxdémocratiques dont les résonances ryth-miques et musicales du festival 2005, seveulent l'illustration la plus complète.

Ababacar Ndaw

11/11 - Un combat de pleins droits

Dans le cadre du lancement de la campagne11.11.11, la soirée sera introduite par FouadLahssaini, président du CNCD-11.11.11(Centre National de Coopération auDéveloppement).

20h00 : La quatrième guerre mondialede Jacqueline Soohen et Richard RowleyUSA - 2004 - 74 min - VO st fr

A travers le monde entier, la violenceinhérente au processus de néolibéralisationfait d'innombrables victimes. Mais ceux quirefusent la terreur imposée par cette “guerrecontre tous” s'organisent autour d'actes dedésobéissance civile. Les images parfoisdouloureuses de ce film nous montrent aussique les chemins de la résistance sont multi-ples et qu'ils ouvrent la voie à d'autres mon-des possibles.

21h45 : I know I'm not alonede Michael FrantiUSA - 2003 - 104 min - VO st fr/ang

Armé de sa guitare et d'une camera vidéo, leleader du groupe anglais Spearhead MichaelFranti, a voulu constater par lui-même lasituation de pays en conflits armés : Irak,Palestine et Israël. En partageant sa musiqueavec des familles, des musiciens, des sol-dats, il pose un regard personnel et sensiblesur la condition de ceux qui sont doulou-reusement affectés par la guerre.

Rendez-vous au Festival

18/11 - 20h00 Darwin's Nightmare (Le Cauchemarde Darwin) de Hubert SauperBelgique/France/Autriche - 2004 - 107 min - VO st bilfr/nl

Primé dans de nombreux festivals internationaux, LeCauchemar de Darwin interpelle les consciences à tra-vers une fable accablante sur les délires d'une époqueentraînée dans les abîmes de l'inhumanité par l'idéolo-gie du profit. Loin d'un film à thèse, la force de ce docu-mentaire est de donner une image concrète aux effetspervers de la mondialisation néolibérale. A travers unehistoire d'êtres humains et de poissons, Hubert Saupermet des visages et des prénoms sur une réalité dontnous avons plus ou moins tous conscience, mais qu'ilnous est difficile de représenter et plus facile d'occulter…

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Information, médias et démocratie

Pourquoi Bruxelles Laïque a-t-elle choisi dedonner une place centrale à la questiondes médias et de l'information dans l'édi-tion 2005 de son Festival des Libertés ? Aplusieurs reprises déjà, notre association aporté une attention particulière à ce sujet,nous confortant chaque fois dans l'idéeque les médias, et l'information en parti-culier, jouent un rôle essentiel dans laconstruction d'un espace public démocra-tique et d'une citoyenneté active.

En mai 2004, lors d'une table-ronde1

organisée en collaboration avec leDépartement des Sciences de l'Informationet de la Communication de l'ULB, notreinquiétude quant à la montée de l'extrêmedroite et son enracinement progressif nousavait amenés à réfléchir sur le rôle desmédias et de l'information en tant qu'outilindispensable à la qualité démocratique denos sociétés. S'il est difficile d'avancer uneexplication définitive sur la montée de l'ex-trême droite, nous constations tout demême qu'elle s'inscrivait, en partie, dansun climat de malaise, de défiance vis-à-visdes institutions démocratiques, mais aussidans un climat d'incompréhension face auxgrands phénomènes de société et à leurcomplexité, débouchant de plus en plussouvent sur un sentiment d'impuissanceou de peur et amenant certains à choisirdes solutions plus radicales ou simplistes àtravers, notamment, le vote populiste. “Lesmédias, et le traitement actuel de l'infor-mation, participent-ils à cette défiance ?”,la question avait été centrale au cours dudébat.

Les acteurs associatifs, dont nous faisonspartie, ont conscience, à travers le travailquotidien qu'ils mènent sur le terrain, del'impact des médias aujourd'hui sur la

construction des représentations et la per-ception que la société a d'elle-même. Enquestionnant la responsabilité des médias,et plus particulièrement, le traitement del'information aujourd'hui, notre volontén'est pas de désigner des boucs émissairesau déficit démocratique et citoyen quenous constatons. Il s'agit de défendre, avecforce analyses et revendications concrètes,ce que nous considérons comme un pilierde la démocratie.

Prolongement de la liberté d'expression, laliberté de presse constitue un des droitsfondamentaux de la société civile lui per-mettant d'exercer un contrôle permanentde l'action des pouvoirs constitués2. Le rôlede l'information est en effet essentiel pourdénoncer les abus de pouvoir, les situationsd'injustice, les violations de droits… Ainsi,de par leur rôle de contre-pouvoir démo-cratique, les médias ont souvent étéappelés “quatrième pouvoir” et les jour-nalistes “chiens de garde” de la démocra-tie.

Au-delà, mais en lien avec son rôle dedénonciation, l'information - et donc lesmédias qui la diffusent - joue égalementun rôle important dans le processusdémocratique, en ce qu'elle participe à laconstruction d'une citoyenneté active.Comme le rappelle la proposition de réso-lution déposée au Sénat en avril 2003,sous l'impulsion du groupe Bruschetta3, “lamission fondamentale de la presse est dediffuser des informations vérifiées, vérifi-ables et suffisamment rigoureuses pouravoir un rôle pédagogique, et par-delà depermettre la construction d'une opinionpublique remplissant son rôle de stimulantpositif du modèle démocratique”.4

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Du règne de la pensée unique et de la précarité des journalistes…

1 “Les médias font-ils le lit de l'extrême droite ?”, 12-05-2004. En présence de Manuel Abramowicz, coordina-teur de la rédaction de Résistances (www.resistances.be), auteur de plusieurs ouvrages contre l'extrêmedroite, le racisme et l'antisémitisme ; Marc de Haan, directeur de l'information de Télé Bruxelles, président duGroupe Bruschetta asbl ; Karim Fadoul, journaliste à la Dernière Heure ; Jean-Jacques Jespers, chargé de coursau Département Sciences de l'Information et de la Communication ULB, ancien journaliste à la RTBF ; MarcLits, directeur de l'Observatoire du Récit médiatique UCL ; Bénédicte Vaes, journaliste politique et sociale auquotidien Le Soir.

2 Voir à ce sujet l'article de Benoît Frydman, “De l'expression et du statut de la société civile dans l'ordre inter-national”, Bruxelles Laïque Echos n°49.

3 www.bruschetta.be4 Résolution déposée au Sénat le 3 avril 2003 par Jean Cornil, Paul Galand, Philippe Mahoux et Marie Nagy.

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Dans de nombreux endroits dans lemonde, chaque jour, des journalistes sontcensurés, menacés, emprisonnés quand ilsne paient pas le prix de leur vie pourvouloir remplir leur rôle de “chien de gardede la démocratie”. Si ces situations sont àdénoncer avec détermination et si nousdevons nous solidariser avec les combatsdes journalistes persécutés, les campagnesde Reporters sans Frontières ne devraientpas occulter d'autres réalités, d'autresatteintes à ce droit fondamental qu'est laliberté de presse. Ces atteintes sont plusproches de nous, même si moins visibles,elles sont au cœur de nos sociétés mo-dernes dominées par la loi du marché àlaquelle n'échappent pas les médias et lesmoyens de communication.

Certes, les constats ne sont pas nouveaux.Mais la “prise en main des médias par degrands groupes industriels dont les métiersde base sont parfois très éloignés”5, “leregroupement de l'ensemble des médiasaux mains de quelques-uns de ces groupesqui agissent désormais à l'échelle mondi-ale”6 et la prépondérance de la logiquecommerciale sont des phénomènes quirenforcent chaque jour “la confusion entreinformation et marchandisation” dans “unengrenage diabolique dont on ignore l'is-sue”.7

Il est essentiel de prendre conscience del'ampleur des effets des logiqueséconomiques sur le rôle des médias et surle traitement de l'information, de plus enplus réduite à sa stricte valeur commer-ciale. “L'exigence de profitabilité à laquellela presse est soumise est-elle compatibleavec son rôle démocratique ? Permet-ellede préserver le caractère réellement infor-matif et critique de la presse ? Les journa-listes sont-ils en mesure de respecter unedéontologie au regard des conditionssocio-professionnelles dans lesquelles ilsévoluent ?”8 Ces questions sont aujourd'huicruciales.Lors d'un colloque9 organisé au cours duFestival des Libertés 2003, Jean-Jacques

Jespers10 avait souligné l'urgence “de selivrer à une analyse du discours média-tique dominant, surtout en matière dereprésentations sociales. D'abord parce queles médias - et en particulier la télévision -atteignent littéralement tout le monde :96,8% des Belges francophones sont reliésau câble. Mais surtout parce que leurimpact sur le lien social, donc sur ladémocratie et les libertés, est de plus enplus préoccupant.” Lors de son exposé,l'ancien journaliste de la RTBF avaitdémontré les conséquences désastreusesde la “marchandisation” de l'informationavec la prééminence du marketing sur lerédactionnel, la “faitdiversification” de l'in-formation, la prédominance de l'émotion-nel, de la “proximité”, du vécu surl'analyse, l'homogénéisation des con-tenus…

“La stratégie concurrentielle des médias secaractérise par une recherche de la con-nivence avec le public autour de quelquesaxes : émotion, compassion, simplification,homogénéisation. Le problème est quecette homogénéisation est fatale au plura-lisme de la pensée et de l'expression desmédias. D'une part, les formes propres à latélévision ne favorisent pas l'émergenced'une représentation multiple et critique(…). D'autre part, une des méthodes uti-lisées par la télévision pour rassemblerl'auditoire le plus nombreux possible, c'estde refuser des sujets ou des nouvelles quicontredisent les préjugés dominants et lesvrais débats d'idées, car cela pourraiteffaroucher une partie du public aveclequel on veut établir une relation fidèle.Pour être entendu par beaucoup, il ne fautgêner personne. (…)

Ainsi, les médias contribuent à l'élabora-tion de ce que Ignacio Ramonet a appelé lapensée unique, et que la sociologue alle-mande Elisabeth Nölle-Neumann carac-térise par la spirale du silence : la peur dese marginaliser en pensant à contre-courant. Si les médias parviennent grâce àleur homogénéité idéologique, à imposer

Information et pluralisme en danger !

5 Pour ne prendre que l'exemple de la France, 70% de la presse appartient aux deux principaux groupes d'arme-ment, Dassault et Lagardère. Exemple cité par Didier Beaufort, Média-business : la liberté d'expression sousl'emprise des multinationales, in La Démocratie, c'est pas que des mots, Dossier pédagogique Annoncer lacouleur.

6 Didier Beaufort, idem.7 Ignacio Ramonet, Médias en crise, in Combats pour les médias, Manière de voir, n°80, avril-mai 2005.8 Voir Résolution Sénat, op. cit.9 Vivre dans la diversité, 6 octobre 2003.10 Chargé de cours au Département des Sciences de l'Information et de la Communication de l'ULB.

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l'idée que leurs représentations sontunanimement partagées, qu'elles sont laseule vérité admise par tous, alors il fautbeaucoup de courage ou d'inconsciencepour affronter cette unanimité apparenteet proclamer d'autres vérités.”11

Dans de nombreux débats posés parBruxelles Laïque, comme par d'autresacteurs de la société civile, nous sommessouvent confrontés à cette “spirale dusilence”. Le débat sur la laïcité tel qu'il aété posé médiatiquement constitue unexemple emblématique pour notre asso-ciation. (Lire article dans ce numéro, Durenouveau de la question laïque. Entreconfusions et crispations). Mais plus large-ment, dans notre engagement pour la paixcivile et la justice sociale, et dans notre tra-vail de dénonciation des entraves qu'ellessubissent, nous constatons que le contrôlede plus en plus prégnant des domaines del'information et de la culture par unepoignée de multinationales a transforménombre de secteurs médiatiques en instru-ments de l'idéologie de marché. “Ceshyperentreprises contemporaines, par desmécanismes de concentration, s'emparentdes secteurs médiatiques les plus divers,dans tous les continents, et deviennent dela sorte, par leur poids économique et parleur importance idéologique, des acteurscentraux de la mondialisation libérale”.12

Conséquences ? “Les mouvements sociauxsont traités avec mépris, les journalistes seretrouvent condamnés à la précarité”.13

La distanciation avec les groupes de pres-sions idéologiques et la fin des monopolesn'auront donc pas permis que se renforcentle pluralisme des médias et leur rôle de

contre-pouvoir démocratique. Au contraire,les contraintes socio-économiques quipèsent aujourd'hui sur les rédactions sontde plus en plus perçues, par les journalisteseux-mêmes, comme contradictoires avecune éthique de l'information. “La logiquede management qui exige une hausse derendement et une baisse des coûts conduitsouvent à une détérioration des conditionsde travail dans les rédactions, et donc àune détérioration de la qualité de l'infor-mation”.14

“Qui peut encore consacrer les semainesnécessaires à une enquête ? Tout au plusquelques heures sont accordées pour cer-ner les questions les plus complexes qui seposent à la société contemporaine. Trop de“reportages” sont le fruit sec de commu-niqués de presse, de quelques coups detéléphone ou d'une dépêche d'agenceétrangère. Recouper l'information, se ren-dre compte sur le terrain, ces verbes fon-dateurs du journalisme se conjuguent auconditionnel plutôt qu'à l'impératif. Enpresse écrite comme audiovisuelle, lestechnologies nouvelles transforment lejournaliste en “metteur en page - pho-tographe - cameraman - preneur de son -monteur”, menaçant les métiers tech-niques sans dégager plus de temps pour laproduction intellectuelle. (…) Les journa-listes ne sont pas tant, comme on le fan-tasme souvent, aux prises avec des puis-sants qui dans l'ombre agitent les ficellesd'une presse servile. Ils perdent leurindépendance parce que les pouvoirs leuroffrent l'information sur un plateau, sansqu'ils aient la possibilité de lui faire subirun examen critique adéquat”.15

11 Jean-Jacques Jespers, idem12 Ignacio Ramonet, Le Cinquième pouvoir, in Combats pour les médias, Manière de voir, n°80, avril-mai 200513 Combats pour les médias, idem.14 Compte rendu d'un forum sur le Pluralisme des médias. Rapporteur : Jean-Jacques Jespers - Sénat 10 mai 200515 “Ah, ces journalistes…”, Carte blanche de Marc de Haan pour le Groupe Bruschetta, Le Soir, 14 juillet 2004. _http://www.bruschetta.be

19/11 - 20h : Miguel, në terren (On the spot), documentaire de Enrico Miro et Lluis Jené, sera projeté pour la première fois enBelgique. Grand Prix Sergio Vieria de Mello du Festival des Droits Humains de Genève en 2005.

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C'est conscients des dérives que fait peserla seule logique économique sur leurcapacité à rester un contre-pouvoir et àremplir leur rôle démocratique, que denombreux journalistes16, ainsi que desacteurs de la société civile, plaident aujour-d'hui pour que la puissance publiquegarantisse et contrôle l'accès du public àune véritable offre pluraliste d'information.Des propositions existent : la reconnais-sance légale de l'autonomie des rédactionset du statut du journaliste, un système desubventions conditionnées17 à des normesde qualité (formation des journalistes,déontologie…), une plus grande trans-parence dans l'actionnariat…

Les acteurs de la société civile doiventsoutenir et relayer ces préoccupationsauprès des pouvoirs politiques et permettreune réelle mise en débat du rôle et del'avenir des médias, car plus fondamentale-ment, il y va de l'avenir de la démocratie.Contrairement à une idée répandue, lesjournalistes n'ont pas tous une vision corpo-ratiste de leur profession et beaucoup deceux que nous rencontrons dans le cadre denos activités ont conscience de leur respon-sabilité démocratique. Des ponts doivent secréer… Les lieux de réflexion entre journa-listes et acteurs de la société civile sontindispensables. Il est par ailleurs de notrerôle d'exercer en permanence une vigilancecitoyenne et d'interpeller nos médias sur lamanière dont ils nous informent. En outre,les initiatives d'éducation aux médias sont àrenforcer partout, et en priorité au sein del'école.

Mais ces démarches ne peuvent faire l'éco-nomie d'une analyse en profondeur desenjeux. “La santé démocratique d'une

société dépend beaucoup de la vitalité, del'indépendance et de la diversité de sapresse. Hélas on le sait, la tendance lourdeet continue pousse à la concentration desgroupes de presse et à la marchandisationde l'information. Le mur d'incompréhen-sion qui sépare les citoyens des lieux dedécision et la tentation grandissante duvote extrémiste invitent à une vigilanceabsolue. C'est au service de la citoyennetéque la puissance médiatique doit êtremise. Dans ce contexte, le monde politiquedémocrate semble mûr pour comprendrequ'il a bien plus à craindre de médias ron-ronnants que d'une presse libre et forte.”18

Dans notre pays, comme partout dans lemonde, des initiatives “alternatives” foi-sonnent et même si elles sont souvent li-mitées par le manque de moyens -dérisoires par rapport aux “mass médias”,elles rencontrent de plus en plus l'intérêtd'un public en recherche d'“un autre typed'information”. “Par la plume, le clavierd'ordinateur, le micro ou la caméra, denouvelles formes de lutte, de défense desdroits humains ou plus simplement demodèles de vie, de culture, d'environ-nement, d'acquis sociaux voient le jour.”19

Ainsi peut-être un “cinquième pouvoir”est-il en train de naître : “il a vocation àrassembler tous ceux qui se reconnaissentdans le mouvement social planétaire et quiluttent contre la confiscation du droit d'ex-pression.”20

Chaque initiative alternative, chaque acte derésistance à l'infernale “spirale du silence”constitue un souffle d'air pour la démocratie.Le Festival des Libertés a, comme biend'autres initiatives de la société civile, mod-estement cette ambition.

Sophie Léonard

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Résistancespluriformes et alternatives

16 C'est notamment la position défendue par Martine Simonis, secrétaire générale de l'Association desJournalistes Professionnels - Voir compte-rendu ci-dessus.

17 C'est déjà le cas en Communauté française depuis le décret de 2004 sur l'aide à la presse qui impose de nou-velles conditions aux entreprises éditrices : respect des conventions collectives, reconnaissance d'une sociétéde rédacteurs, respect du code des principes de journalisme.

18 Carte blanche Marc de Haan, idem.19 Didier Beaufort, idem.20 Ignacio Ramonet, idem

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14/11 - 21h : Table-ronde sur les atteintesà la liberté de la presse au Maroc.Organisée en collaboration avec Na’oura,Groupe de Solidarité Belgique-Maroc. En présence de Ahmed Benchemsi,directeur de l'hebdomaire TELQUEL, récem-ment condamné à une peine avec sursis etune amende très lourde; AbderrahimBerrada, avocat et militant associatif;Hassan Arabi du quotidien Bayane Alyaoum; Said Anis de la RTM (division de l'in-formation télé marocaine) et Nadia BenSellam du quotidien Al Alam.

Si elle est bien réelle, la démocratisation dela société marocaine portée par une sociétécivile dynamique - dont font partie de nom-breux journalistes - souffre néanmoinsencore de nombreux obstacles. La presseindépendante marocaine aborde de plus enplus des sujets autrefois tabous, tels lamonarchie, la laïcité, la question des droitshumains, du Sahara, de l'homosexualité…Pourtant, la liberté de presse souffre toujoursde nombreuses entraves au Maroc et desjournalistes sont encore persécutés et con-damnés à de lourdes peines pour avoir exer-cé pleinement ce droit fondamental.

16/11 - 20h : Conférence : islam et médiasAvec Alain Gresh, rédacteur en chef duMonde Diplomatique, auteur notamment de“L'islam, la République et le monde”(Fayard, 2004); “L'islam en questions” (avecTariq Ramadan) (Actes Sud, 2001) etThomas Deltombe, auteur de “L'islamimaginaire. Construction médiatique de l'is-lamophobie en France” (La Découverte,2005).

Si l'analyse du traitement médiatique de l'is-lam et des musulmans est certes à mettre enlien avec le fonctionnement des médias et letraitement de l'information de manière plusgénérale, il paraît cependant urgent d'abor-der cette question face aux représentationsde plus en plus prégnantes sur uninéluctable « choc des civilisations » dont lesextrêmes de tous bords font leurs chouxgras.

18/11 - 20h : Ciné-recontre : le traitementde l'information du SudSuite à la projection du Cauchemar deDarwin, rencontre sur le traitement de l'in-formation du Sud avec André Linard, jour-naliste et directeur d'InfoSud-Belgique etMarie-Soleil Frère, chercheuse à l'ULB, spé-cialisée dans les médias subsahariens.

La majorité de l'information sur le Sud estproduite par les grandes agences de pressedu Nord… et qu'il s'agisse de famine, de

guerre, d'épidémie,… le Sud ne fait guèreirruption dans les médias du Nord qu'à l'oc-casion de catastrophes humanitaires.Comment intéresser le Nord aux réalités duSud autrement qu'à travers ces tragédies ?

20/11 - 20h : Table-ronde : les alterna-tives à la critique des médiasIntroduction par Jean-Jacques Jespersancien journaliste à la RTBF et chargé decours au Département Information etCommunication de l'U.L.B.Avec Mike Tolley (Radio Air Libre), NicolasTorres Correia (Radio Panik), José-ManuelNobre Correia (Politique), ManuelAbramowicz (RésistanceS), Anne Remiche-Martynow (Planète en question - RTBF),Nathalie Caprioli (Agenda Interculturel),Gwen Brees (Nova), Xavier Bodson(Agence Alter).

Sur les ondes et le net, au sein d'une presseindépendante ou associative, dans certainessalles obscures ou dans les derniers bastionsd'un service public qui n'a pas encore tout àfait perdu son âme, … certains s'échinent, leplus souvent bénévolement, à résister à lalogique des “mass médias”. Quels objectifsse fixent-ils ? Quelles sont leurs difficultés etleurs perspectives ?

23/11 - 20h30 : Conférence : médias etmouvements de contestation.Conférence par Serge Halimi, journaliste auMonde Diplomatique, auteur de “Les nou-veaux Chiens de garde” (Raisons d'agir,1997), “Quand la gauche essayait” (Arléa,2000), “L'opinion, ça se travaille... Lesmédias & les “guerres justes”. Du Kosovo àl'Afghanistan.” (avec Dominique Vidal -Agone, 2002) et “Le grand bond en arrière”(Fayard, 2004).La conférence sera introduite par Jean-Jacques Jespers.

Les groupes contestataires, qu'il s'agisse departis, d'associations, de mouvements ou decollectifs, ont-ils raison d'agir comme si lerapport aux médias allait de soi ? Peuvent-ilsse servir des grands moyens de communica-tion sans s'y asservir ?

Mais aussi de nombreux documentaires :Le 19-11, trois reportages exceptionnels surdes journalistes (Tamara en Tchétchénie,Nobert Zongo au Burkina Faso, et Miguel,reporter international tué en Sierra Leone)mettront en évidence la responsabilitédémocratique des journalistes.

Le 20-11, trois documentaires aborderont laquestion de l'information en temps deguerre.

Rendez-vous au Festival

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Du renouveau de la question laïque

Alors que la rentrée scolaire en Belgiquelaisse plus que présager la relance du“débat” sur le port du “foulard islamique”dans les écoles, il est fort à craindre denous voir repartir pour une nouvelle valsepolitico-médiatique sur la laïcité. Certes,nous devrions nous réjouir du renouveaude la question laïque qui, à intervallesréguliers - au moins chaque rentrée sco-laire -, inonde le débat public. Mais c'est leplus souvent la perplexité qui nous gagne,tant il nous semble que l'air du temps està la confusion et à l'instrumentalisation desconcepts et des idéaux.

A nos frontières, les constats sont similaireset nous ont, d'ailleurs sans doute, large-ment influencés par le biais des médias etde la télévision en particulier. Les réfle-xions de fond sur la laïcité menées par desassociations françaises, dans le cadre de lacommémoration de la loi de 1905, ont étéoccultées par l'adoption et les répercus-sions de la loi du 15 mars 20041 réduisantle débat sur la laïcité à celui de la religion,de l'islam et du foulard en particulier. Lesdébats politico-médiatiques qui se sontsuccédé, depuis la relance, en 2003, de la“question du foulard islamique” parNicolas Sarkozy à partir d'une question depapiers d'identité, ont non seulementimposé peu à peu l'idée que “la laïcitésubirait un assaut”2, mais ils ont égalementmasqué les véritables enjeux de la laïcitéaujourd'hui et la nécessité d'un débatdémocratique à ce niveau.

Si on peut le déplorer, il serait pourtantvain de nier le fait que le débat sur la laï-cité se focalise essentiellement sur la ques-tion de l'islam. Tout comme il n'est pasfacile d'ignorer certaines réactions épider-miques de plus en plus récurrentes, y com-pris au sein de certains courants laïques, ilest de plus en plus évident que “la ques-tion musulmane suscite partout sur le

Vieux continent des peurs similaires, peursqui mobilisent des parties importantes dessociétés d'accueil et peuvent les faire bas-culer rapidement de la tolérance au rejet”.3

De nombreuses études, comme le rapportde l'International Helsinki Federation forHuman Rights (IHF)4, mettent en avant ladégradation du climat social envers lesmusulmans, en particulier depuis le 11septembre, et dénoncent le climat deméfiance grandissant, ainsi que les dis-criminations et la marginalisation dont ilssont de plus en plus victimes en Europe.

Dans une analyse très pertinente sur lerenouveau de la question laïque en France,Joël Roman5 explique que la nouvelle fa-veur dont a joui le débat sur la laïcité sesitue en réalité au confluent de trois crises:une crise culturelle liée à la revendicationde l'autonomie de l'individu et à l'essor dudifférentialisme, une crise sociale avec ledétricotage des liens du travail et la mon-tée de l'exclusion sociale et une crise poli-tique posée à partir de la question de lasouveraineté nationale dans le cadre del'intégration européenne notamment. PourJoël Roman, il n'est pas étonnant que, dansce contexte, l'islam, au croisement de cestrois questions culturelle, sociale et poli-tique, cristallise le débat.

“Pourtant, la présence musulmane rendvisible une question renouvelée à l'heurede l'Europe et de la mondialisation : qu'est-ce que vivre ensemble ? Peut-on fonder surdes bases rénovées les sociétéseuropéennes en y intégrant, dans un pro-jet commun, ses multiples composantes,sans sombrer ni dans l'uniformité ni dansle communautarisme ? Vaste défi…”6

Entre confusions et crispations…

1 Loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifes-tant une appartenace religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

2 Lire la contribution d'Alain Gresh, Islam et laïcité à l'ouvrage Islam de France, Islams d'Europe, Commissionislam et laïcité, Editions L'Harmattan, Paris, 2005.

3 Alain Gresh, rédacteur en chef du Monde Diplomatique ; Michel Tubiana, président de la Ligue des Droits del'Homme (France), Islam de France, Islams d'Europe, idem, p.7.

4 Intolerance and discrimination against Muslim in the UE, mars 2005. 5 Le renouveau de la question laïque et les principaux courants laïques aujourd'hui, in 1905-2005 : les enjeux

de la laïcité, Commission islam et laïcité, Editions L'Harmattan, Paris, 2005, pp. 37-49.6 Idem note 2

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Dans ce contexte donc, poser une réflexionréelle et constructive sur la laïcité et sesenjeux, en Belgique, en France, comme auniveau européen, nécessite au préalablede dépassionner le débat, de déjouer lespeurs et de désamorcer les logiques d'af-frontement basées sur des représentationsfigées pour redonner enfin la place à uneéthique du débat démocratique.

S'agissant des questionnements actuelsautour de l'islam et des musulmans, il nousparaît essentiel de lutter contre toutes lesformes de pensée unique, dogmatique etessentialiste ; notamment celle de plus enplus répandue dans certains médias, àsavoir l'idée d'une “menace islamique” oud'un “choc des civilisations” inéluctableentre “l'islam et l'occident”, “l'islam et lalaïcité”.

Animée de cette conviction et conscientedes obstacles à lever, Bruxelles Laïquetente, en toute modestie, de contribuer audébat à travers ses publications, l'organisa-tion de conférences, de débats et de ren-contres visant à replacer au centre du pro-jet et de l'idéal laïque, ses ambitions depaix civile et de justice sociale.

Face à des défis importants, tels la mondia-lisation, la construction européenne, l'é-

mancipation des femmes, la gestion de lapluralité grandissante de nos sociétés, lasurvie d'une école pour tous…, face auxconstats inquiétants du déficit démocra-tique actuel, de la montée des idéologiesde haine, face aux discriminations nom-breuses dont souffrent certaines catégoriesde la population, il est temps qu'un débatréel s'attaquant aux problèmes de fondpuisse remplacer le choc des passions. “Lalaïcité ne peut se cantonner au ciel desidées. La misère est sourde à l'égalité dedroit, l'exclusion est grosse de révoltes etle “vivre ensemble” paraît comme uneprovocation.”7

Dans son brillant livre “L'islam, laRépublique et le monde”8, en conclusiondu chapitre consacré à la laïcité, AlainGresh cite Emile Poulat : “Une sociétélaïque est une société qui ne cesse d'ap-prendre, non sans peine, à vivre avec sesdésaccords publics, préférés à leur résolu-tion par une pensée imposée ou la guerrecivile. Alors, à chacun sa vérité ? Oui etnon : la laïcité n'est pas le théâtre dePirandello où chacun s'enferme dans lasienne. Elle exige le courage du débat, legoût de la rencontre et de l'échange, entregens que séparent leur histoire, leur cul-ture, leur milieu, et que la vie oppose partradition.”9

Plaidoyer pour une éthique du débat démocratique

7 Pierre Tournemire, Laïcité, nous écrivons ton nom… La longue histoire d'une loi de raison. L'actualité d'unengagement. Une ambition pour le siècle qui s'ouvre. in Les idées en mouvement, Hors série n°6 Laïcité1905-2005, mars 2005, p.64.

8 Aux éditions Fayard, 2004.9 Emile Poulat, Notre laïcité publique, Berg International, 2003

Photo extraite de l’exposition Quelques-unes d’entre nous, Joss Dray

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Indispensables solidaritésCette année, Bruxelles Laïque a souhaitédonner un écho particulier à la réflexionmenée au sein de la Commission islam etlaïcité10 en France - à ne pas confondre avecla Commission Stasi11-, non pour recom-mencer un sempiternel débat, très peu pro-ductif à mon sens, sur la comparaison entreles modèles de laïcité “à la belge” ou del'“exception française”. Mais parce que ladémarche de cette commission, et desacteurs qui la portent, est empreinte d'“uneculture du débat et du dialogue qu'onaimerait voir se généraliser”.12

Créée il y a bientôt dix ans par la Ligue del'Enseignement française, la Commissionislam et laïcité est aujourd'hui sous l'égidede la Ligue des Droits de l'Homme et duMonde Diplomatique, même si la Ligue del'Enseignement y reste une des com-posantes importantes. Animés par une“philosophie de l'intégration” et uneréférence commune, celle des droits del'homme et du citoyen, les acteurs de laCommission, d'une grande pluralitéidéologique et aux statuts très divers, ontd'emblée orienté leur réflexion sur deuxfronts : une approche juridique et uneapproche concernant “les mentalités et lescomportements”, avec en trame de fondune question : “comment concilier l'unitépolitique et la diversité culturelle d'un peu-ple appelé à s'élargir ?”13 Considérant que lacitoyenneté n'est jamais acquise, qu'elledoit être sans cesse revisitée, approfondie,améliorée, sans pour autant faire dis-

paraître les valeurs identitaires, culturellesou cultuelles, propres à chacun, laCommission islam et laïcité constitue un lieude formation de consensus par le débat, unlieu d'éducation et de ressource intel-lectuelle.

Comme en témoigne, Pierre Tournemire,Secrétaire général adjoint et président duComité national laïcité de la Ligue del'Enseignement française, dans un numérohors série du mensuel de l'association14, Lesidées en mouvement, si la Ligue s'est sou-vent vu, et se voit toujours, reprocher le plu-ralisme de cette Commission, elle a su résis-ter aux pressions, convaincue de cettedémarche “qui a démontré que le dialogueet la réflexion commune favorisent toujoursla compréhension.”

Nous subissons déjà des pressions iden-tiques de la part de ceux qui préfèrent lavoie de l'incantation et de l'imposition dog-matique au chemin d'un débat serein etsincère, mais nous résisterons. Nous résis-terons à ceux qui, au nom de la liberté d'ex-pression, empêchent que s'instaure “un cli-mat favorisant un dialogue de confiancemodifiant les relations sociales et évitant lesaffrontements stériles générateurs d'incom-préhension et de haine.” Et nous résisteronstout autant à ceux qui confondent opinion etconnaissance, ceux qui, forts de leurs con-victions aussi nobles soient-elles, excluentdéfinitivement le doute et la remise enquestion.

Sophie Léonard

10 http://islamlaicite.org11 Commission sur l'application du principe de laïcité dans la République12 Michel Morineau, La Commission laïcité et islam : historique et philosophie d'un débat, in 1905-2005 : les

enjeux de la laïcité, op.cit., p12.13 Michel Morineau, op cit., p19.14 Les idées en mouvement, Hors série n°6 Laïcité 1905-2005 op.cit.

• 1905-2005 : les enjeux de la laïcité, Commission islam et laïcité, EditionsL'Harmattan, Paris, 2005.

• Islam de France, Islams d'Europe, Commission islam et laïcité, EditionsL'Harmattan, Paris, 2005.

• Jean-Michel Ducomte et Pierre Tournemire, La laïcité, un bien commun, unedémarche, une construction permanente, document remis à la Commission surl'application du principe de laïcité dans la République, Ligue de l'Enseignement,novembre 2003.

• Pierre Tournemire, Laïcité, nous écrivons ton nom… La longue histoire d'une loide raison. L'actualité d'un engagement. Une ambition pour le siècle qui s'ou-vre, in Les idées en mouvement, Hors série n°6 Laïcité 1905-2005 mars 2005.

• Alain Gresh et Tariq Ramadan, L'islam en questions, débat animé et présenté parFrançoise Germain-Robin, Editions Babel (Actes Sud), 2002.

• Alain Gresh, L'islam, la République et le monde, Editions Fayard, 2004.

Pour en savoir plus

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13/11 - 20h : Un racisme à peine voiléDocumentaire de Jérôme HostFrance, 2004, VF, 75 min.

En proie à une véritable campagne d'appel àla censure en France, le film revient sur lapolémique du foulard qui a abouti à lademande de Chirac en mars 2005 à une loisur les signes religieux à l'école. Il donne laparole à ceux qui ne l'ont pas eue lors dudébat médiatique qui a fait rage pendantdes mois autour de cette question.

Rencontre avec Toufik Balaache, chargé demission “Citoyens dans leur Diversité” à laLigue de l'Enseignement française. Il témoignera notamment de son travail desensibilisation sur la laïcité avec le mondeenseignant et associatif en France.

16/11 - 20h : Conférence : islam et médiasAvec Alain Gresh, rédacteur en chef duMonde Diplomatique, auteur notamment de“L'islam, la République et le monde” (Fayard,2004); “L'islam en questions” (avec TariqRamadan) (Actes Sud, 2001) et ThomasDeltombe, auteur de “L'islam imaginaire.Construction médiatique de l'islamophobieen France” (La Découverte, 2005).

Si l'analyse du traitement médiatique de l'is-lam et des musulmans est certes à mettre enlien avec le fonctionnement des médias et letraitement de l'information de manière plusgénérale, il paraît cependant urgent d'abor-der cette question face aux représentationsde plus en plus prégnantes sur un inéluctable“choc des civilisations” dont les extrêmes detous bords font leurs choux gras.

Rendez-vous au Festival

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De la mise sous contrôle

Tout comme la liberté d'expression, la par-ticipation des citoyens à la vie sociale estun enjeu démocratique majeur. Ainsi, undes objectifs du Festival des Libertés 2005est de dénoncer des phénomènes d'exclu-sion qui empêchent les individus de jouirpleinement de leurs droits. Dans cet étatd'esprit, nous voulons montrer commentles logiques - parfois irrationnelles- dumarché de l'emploi entravent la participa-tion des citoyens les plus fragiles.

Depuis le 1er juillet 2004, les chômeursâgés de moins de 30 ans doivent prouverleur disponibilité pour le marché de l'em-ploi. Ce plan d'activation du comporte-ment de recherche d'emploi a été élargiaux chômeurs de moins de 40 ans, depuisle 1er juillet de cette année. Si le calendrierprévu est respecté, à partir de l'été 2006 latranche d'âge suivante (40-50 ans) seraaussi concernée.

A première vue, ce qui a changé, c'est lafréquence des rapports entre l'ONEM et lechômeur: ses efforts pour trouver un travailseront évalués lors d'une série d'entretiensavec un facilitateur. Si ces efforts sont con-sidérés comme insuffisants, le chômeursera convoqué à plusieurs reprises. Unesanction temporaire pourra être prise à sonencontre, s'il ne peut pas prouver qu'ilcherche activement du travail. Il est possi-ble qu'au bout de deux évaluations néga-

tives, une dernière chance lui soitaccordée, après quoi, s'il ne peut pas prou-ver qu'il a amélioré son comportement derecherche, il pourrait être exclu définitive-ment du chômage. En définitive, le nou-veau plan exige, outre la disponibilité duchômeur, une activation du comportementde recherche, ainsi que des preuves decette “activation”.

Ce contrôle est couplé d'un suivi parl'ORBEM ou le FOREM, qui se concrétise parla possibilité de signer un contrat de projetprofessionnel. Le chômeur s'engage àmener une série d'actions concrètes pouraméliorer sa recherche, par exemple, sui-vre un “module de détermination”, unaccompagnement spécifique, une forma-tion ou effectuer une recherche d'emploi.

Lorsque les politiques sociales s'articulentautour du contrôle des individus et condi-tionnent l'accès aux droits fondamentaux,il faut se poser des questions quant à lasanté des mécanismes d'intégration desmembres les plus fragiles de nos sociétés.Ainsi, les enjeux de ces nouveaux « plansd'accompagnement » nous semblent con-traires à une démarche démocratique,surtout lorsque, à l'égard du contexte deleur apparition, ils sont accompagnés de lastigmatisation des victimes et d'une ges-tion du marché de l'emploi qui bénéficieexclusivement aux intérêts des entreprises.

des chômeurs

Une démarche paradoxaleLa position commune des fédérationspatronales sur la question, rendue pu-blique en juin 2003, soutient que “ladisponibilité des chômeurs laisse à désirer.La légitimité du système, tout comme lesobjectifs européens en matière d'augmen-tation sensible des taux d'emploi de lapopulation active, nécessite que les per-sonnes qui perçoivent des allocationssoient également disponibles pour lemarché du travail”1.

Si les chômeurs doivent prouver leurdisponibilité, cela sous-entend qu'ils pour-raient ne pas pouvoir ou ne pas vouloir tra-vailler. Le bénéficiaire des allocations estprésenté comme quelqu'un de passif faceà sa situation. C'est sur lui que repose la

responsabilité du manque d'emploi. Celaimpliquerait qu'un comportement plus“actif” de la part des individus ferait aug-menter le taux de l'emploi. On présente leschômeurs comme étant responsables deleur situation… et du haut taux de chô-mage !

Or, dans un contexte libéral, le chômagepeut être une nécessité. Si l'on se réfère àl'étude “Le chômage, fatalité ou néces-sité?”2, le phénomène est considéré com-me une source de croissance, de par lesmouvements de main-d'œuvre qu'ilentraîne. Les auteurs de cet ouvrage -qui aremporté le prix européen du livre d'é-conomie- soutiennent que l'assurance-chô-mage doit être maintenue car la recherche

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d'emploi est une activité économique utileet non pas une maladie de société. Ainsi,même dans une perspective libérale, lechômeur ne peut être culpabilisé de soninactivité. C'est néanmoins ce que le pland'accompagnement sous-entend.

Les droits sociaux, comme celui des alloca-tions de chômage, ont été conçus pour pro-téger les travailleurs des aléas du marchéet, par là, ils jettent les bases de l'intégra-tion sociale. Leur universalité est en trainde se désintégrer sous nos yeux car un bonnombre de citoyens ne pourront pas prou-ver leur disponibilité. En effet, produire lespreuves demandées exige parfois descompétences et des démarches qui, ellesaussi, impliquent des moyens qui ne sontpas toujours à la portée de tout le monde.

Quelle peut être la situation d'une mèreseule qui doit se rendre “disponible” entrouvant un moyen de garde pour sesenfants en bas âge, tout en étant au chô-mage?3. Il faut savoir que trouver une placechez une gardienne ou dans une crèche àBruxelles relève du parcours du combat-tant. Les crèches publiques attribuent pri-oritairement leurs places disponibles auxenfants de parents qui ont un travail. Les

listes d'attente sont extrêmement longueset les crèches privées sont impayables.Que faire ?

Que peut faire quelqu'un qui n'a aucuneexpérience de l'écrit pour prouver qu'il aeffectué des démarches sans disposer delettres de motivation ou d'autres docu-ments ? Il peut avoir fait le tour de toutesles entreprises susceptibles de l'engager,avoir eu des entretiens oraux, mais sansles compétences pour consigner cesdémarches par écrit, celles-ci peuvents'avérer insuffisantes.

Comment un chômeur en situation dedétresse psychologique, fragilisé par deséchecs successifs - familiaux, sociaux etfinanciers - peut-il trouver la force de faireencore des démarches pour prouver qu'ilcherche un emploi, qui est tout simple-ment trop rare dans les grandes villescomme Bruxelles ?

La gestion de ces situations est devenuecourante pour les permanents de laBoutique d'Emploi de Bruxelles Laïque, etelle leur impose une adaptation constantepour faire face aux nouvelles exigences quipèsent sur les personnes accueillies.

1 Position commune FEB-UWE-VEV-UEB sur le Contrôle et disponibilité des chômeurs et demandeurs d'emploi.Source : http://www.500.be/site/fr/UEB/Economie%20generale/Emploi%20et%20formations/Emploi/texte

2 CAHUC, P. et ZYLBERBERG, A. Le chômage, fatalité ou nécessité. Flammarion : 20043 Voir à ce sujet l'article de Bénédicte Vaes paru dans le journal Le Soir du 16 juin 2004

Une atteinte aux droits sociaux…En conditionnant l'accès aux droits sociaux,par l'exigence de preuves d'activation, lesystème oblige le chômeur à accepter quel'administration lui impose un comporte-ment particulier (le contrat de projet profes-sionnel). Mais l'administration ne s'engageà rien d'autre qu'à poursuivre sa mission.

De même, lorsque les chômeurs sontexclus du chômage, ils n'ont pas la certi-tude d'être pris en charge par d'autres sys-tèmes d'assistance. Les CPAS auront-ils lesmoyens suffisants pour assumer les nou-velles dépenses que le plan fera peser sureux ?4

Une étude sur les effets des nouvelles poli-tiques sociales en Europe et sur les condi-tions de vie des sans emploi5 dénonce lesdérives de l'orientation de l'emploi à toutprix, où les droits sociaux sont réduits àleur plus simple expression. Ces droits sont

conditionnés et de moins en moins uni-versels. Dans les nouveaux programmesd'activation, l'exclusion des “moins em-ployables” des droits au chômage lesreclasse dans une nouvelle catégorie, celled'assistés. Au sein de cette catégorie, lechoix est restreint : l'assisté est poussé àaccepter tout “emploi”. Or, ces emploissont créés à partir de dérogations auxrègles générales en vigueur. C'est-à-dire :précaires et instables, sans que l'expé-rience ou la qualification du demandeursoient prises en compte.6

Il ne s'agit pas ici “d'augmenter le volumed'emplois pour diminuer le nombre de“pauvres”, mais d'utiliser cette main-d'œu-vre “pauvre” pour augmenter le volumede l'emploi”.7 Ce sont les entreprises quirécoltent les bénéfices de cette mise à leurdisposition de main-d'œuvre bon marché,flexible et corvéable à merci.

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…et à la vie privée.Le contrôle de l'attitude du chômeur estconstant. Il doit prouver qu'il est employ-able et cela se traduit par l'acceptationd'une série de comportements infanti-lisants et disqualifiants.

Toute preuve officielle d'un comportementactif étant favorisée, la participation à des“stages” est proposée aux chômeurs etleur participation y est fortement encou-ragée. Il s'agit de “trappes à l'inactivité”,des programmes qui n'ont parfois qu'unseul but : obliger le chômeur à se lever tôt.

Ces démarches, ainsi que d'autres informa-tions sur les activités que le chômeurréalise pour se rendre employable, sontcentralisées dans un réseau informatisé (larédaction d'un CV, de lettres de motivation,d'un entretien d'orientation ou d'un bilanprofessionnel) : le Réseau bruxellois deplate-formes locales pour l'emploi. Decette façon, les organismes de contrôlepeuvent suivre les démarches qu'unchômeur effectue auprès de différentsservices d'accompagnement.

Les travailleurs du réseau d'opérateursd'insertion socioprofessionnelle sont con-frontés à de nouveaux problèmes déon-tologiques. Etant reliés de différentesmanières à l'organisme d'accompagne-ment (l'ORBEM) et sachant qu'ils vonttransmettre des informations en la dé-faveur du chômeur, ils rencontrent égale-ment leur détresse. Dans ce contexte d'ur-gence, l'accompagnement des chômeursvise à subvenir aux besoins les plus élé-mentaires : soutien, reconstruction identi-taire, accès aux allocations... D'autres situ-ations, comme par exemple, la dénoncia-tion de la discrimination à l'embauche, nepeuvent pas être prises en charge, puisquec'est la survie qui est en jeu.

Si la santé de la démocratie se mesure àla manière dont l'Etat traite les groupes lesplus fragilisés, on pourrait conclure que lanôtre n'est effectivement pas au mieux desa forme.

Paola Hidalgo

4 http://www.stopchasseauxchomeurs.be/fichiers/Questiongenotarena.PDF5 KRZESLO, E. Existe-t-il une zone d'emploi à “risque social” ? In Travail-Emploi-Formation n°4/2003 p. 53-676 LÉVY, C. Vivre au minimum : Minima sociaux et condition salariale : l'Europe vue d'en bas In Travail-Emploi-

Formation n°4/2003 p. 69-887 LÉVY, C., op. cit., p. 75

Dans le cadre du Festival des Libertés, nousvous proposons d'aborder le thème de la dis-crimination à l'embauche dans le contextedes nouveaux plans d'activation deschômeurs. En effet, dans un système quiconditionne les droits sociaux, l'exclusion des“moins employables” des droits au chômagepousse les individus à accepter tout“emploi”. Les victimes des discriminationsseraient donc des candidats aux emplois enmarge des droits sociaux. Il nous a sembléimportant de dénoncer cette entrave à l'inté-gration d'un groupe particulièrement fra-gilisé.

22/11 : Ciné-rencontre : Discriminations àl'embauche

18h30 Improvisation théâtrale sur le thème de ladiscrimination à l'embauche

19h30Le plafond de verreDocumentaire de Yamina BenguiguiFrance, 2004, VF, 52 min

Yamina Benguigui (Mémoires d'immigrés)nous montre les effets de l'exclusion liée àl'origine ethnique sur le parcours profession-nel des jeunes diplômés issus de l'immigra-tion. Bien qu'ils aient su gravir tous les éche-lons de la formation, ils ne parviennent pasà franchir les portes de l'entreprise, porteusede tous leurs espoirs. Pour eux comme pourla société, c'est un terrible constat d'échec.

Le film sera suivi d'une rencontre avec unreprésentant de la commission “droits éco-nomiques et sociaux” de la Ligue des Droitsde l'HommeEstelle Krzeslo, Centre de sociologie du tra-vail, de l'emploi et de la formation, Institutde Sociologie - ULBPascale Frippiat, Boutique Emploi deBruxelles Laïque

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Le processus actuel de ratification du traitéétablissant une Constitution pour l'Europe1,au-delà de ses implications purement poli-tiques, aura eu le mérite de ramener aucœur du débat la représentation du projeteuropéen aux yeux du citoyen.Les études “Eurobaromètres”2 récentes,ainsi que les débats nationaux précédantles ratifications parlementaires et réfé-rendaires, ont permis d'identifier un con-texte au sein duquel l'individu se trouvesouvent tiraillé entre des sentiments con-trastés. Le manque de visibilité et d'accès à uneinformation compréhensible a inévitable-ment contribué au développement d'unsentiment de suspicion, favorisant ainsil'émergence d'un phénomène de rejet.Consciente de l'importance et de la néces-sité de s'impliquer dans le débat européen,Bruxelles Laïque, fidèle à sa vocation d'ani-mateur de la société civile, participe à laréduction des distances séparant l'individude la construction européenne et s'inscritdans une volonté de ramener le débateuropéen dans le champ citoyen. Danscette optique, la constitution d'une baseinformative accessible apparaît comme unpréalable nécessaire à l'élaboration d'uneopinion cohérente face au caractère “spé-cialisé” et parfois “ésotérique” des ques-tions touchant à l'intégration européenne.

Dans ce contexte nébuleux, une des lignestransversales qui a animé le débat s'estposée sur la question du “modèle socialeuropéen” (MSE). Partisans et détracteursdu Traité constitutionnel se sont échinés àdévelopper leurs arguments pour ou contrela préservation du MSE tel qu'ils leconçoivent respectivement. Toutefois, dif-férences de perception, approches élec-toralistes et affirmations contradictoires ontsouvent renforcé la confusion de l'observa-teur et pris le pas sur la tenue d'un débatconstructif.

Qu'en est-il réellement du MSE ? Est-il pos-sible de dégager une acception consen-suelle de ce modèle encore trop opaquepour de nombreux Européens ?

Malgré un usage de plus en plus importantdu terme par le milieu scientifique et dansle jargon politique émanant de l'Unioneuropéenne, une définition précise du con-cept de “Modèle Social Européen”demeure difficile à établir.La nature même du MSE rend délicatetoute tentative de réduction en une défini-tion fermée. Il consiste en réalité en la délimitation d'uncadre normatif fixant des critères mini-mums à respecter dans le domaine dumonde du travail, tout en laissant la libertéà chaque pays de les mettre en œuvre enfonction des spécificités de chaque sys-tème national. Ce respect du fameux“principe de subsidiarité”3 permet ainsi auxEtats attachés à une protection socialegénéreuse d'aller plus loin que ce qu'exigele cadre général du MSE. L'originalité duMSE réside aussi et surtout dans son modede gestion basé sur le principe de concer-tation entre partenaires sociauxeuropéens, à travers ce qui a été appelé ledialogue social.Dès lors, “il faut reconnaître que le modèlesocial européen repose plus sur son sys-tème de valeurs plutôt que sur les sys-tèmes à travers lesquels il est mis enœuvre”.4

Le dialogue social :un outil du modèle social européen

1 La date butoir d'approbation du traité, initialement fixée au 1er Novembre 2006, a été repoussée de manièreinformelle jusqu'en 2007.

2 Les Eurobaromètres sont des enquêtes d'opinion semestrielles réalisées par la Commission européenne dansles Etats membres et dans les pays candidats. Réalisée depuis 1974, l'enquête s'adresse à environ 1000 per-sonnes par pays.

3 Le principe de subsidiarité consiste à réserver uniquement au niveau communautaire ce que les Etats mem-bres ne pourraient effectuer que de manière moins efficace (Art. 5 Du Traité instituant la Communautéeuropéenne.)

4 Begg, I. and J. Berghman (2002) 'EU social(exclusion) policy revisited?', Journal of European Social policy, 12(3), 179-194.

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Une évolution graduelleLes pouvoirs communautaires dans ledomaine social étaient relativement li-mités dans les premières phases de laconstruction européenne.En effet, le processus décisionnel envigueur reposant sur le principe de l'una-nimité au sein du Conseil, l'opposition d'unseul pays suffisait pour empêcher touteprise de décision. Un changement fonda-mental est survenu au milieu des annéesquatre-vingts avec la décision d'établir leMarché unique (1987) et l'augmentationdu recours au vote à la majorité qualifiéequi a permis de limiter les blocagesapparus sous le régime de l'unanimité. A l'époque déjà, la perspective d'unmarché épuré de toute entrave au libreéchange au sein de l'Union, couplé avecl'accession de plusieurs pays à faiblerevenu (Portugal, Espagne, Grèce etIrlande) suscitait des craintes de voir lesnormes sociales et du travail des pays aucoût du travail plus élevé affectées par unepossibilité de dumping social.5

Pour pallier cette situation, la Communautéa dès lors eu recours à l'adoption denormes minimums du travail, facilitée parle vote à la majorité qualifiée, et audéveloppement d'un modèle de concerta-tion entre partenaires sociaux (organisa-tions représentatives du monde du travailet du patronat6) incarné par le “dialoguesocial”.

Le protocole social du traité de Maastricht(1992) a introduit le vote à la majoritéqualifiée dans plusieurs nouveauxdomaines et renforcé le rôle des parte-naires sociaux, désormais colégislateursdans des domaines liés au monde du tra-vail.Ces nouvelles dispositions signifient que sil'UE lance une initiative dans le secteur dumarché du travail, les partenaires sociauxsont habilités à postposer le processuslégal d'adoption afin de négocier un accordsusceptible d'être par la suite incorporé ausein de la législation européenne aprèsdécision du Conseil.7

A ce jour, les partenaires sociaux ont négo-cié trois accords cadres portant sur le droitaux congés parentaux (1995), les droitsdes travailleurs à temps partiel (1997) etles droits des travailleurs temporaires(1999), transposés par la suite enDirectives européennes. Deux accordscadres signés sur le télétravail (2003) et lestress sur le lieu de travail (2004) ontégalement été négociés.

Le dialogue social au niveau sectoriel aconduit entre autres à l'adoption d'accordscadres européens transposés en Directivessur le temps de travail dans les secteurs dutransport maritime (1999), de l'aviationcivile (2000), des entreprises ferroviaires(2000), du transport routier (2002), ainsiqu'à l'adoption de codes de conduite ausein des entreprises multinationales. Cesmesures, combinées avec une série deréglementations portant sur la santé et lasécurité sur le lieu de travail, sur l'égalitéde salaires et les conditions de travail ontrendu possible la constitution graduelled'un ensemble de droits européens pourles travailleurs. Ce processus a essentielle-ment contribué à élever les standards devie dans les pays européens les moinsdéveloppés, mais a aussi contribué àl'amélioration de la protection des tra-vailleurs au Royaume-Uni ainsi, qu'àempêcher toute attaque sur les droits dutravail déjà établis dans plusieurs payseuropéens du Nord.

En outre, une “Stratégie européenne del'emploi” concentrée sur la coordinationdes politiques d'emploi des Etats membresà travers la création d'indicateurs communsde références, d'analyses des plans d'ac-tions nationaux et surtout des consulta-tions régulières avec les partenaires soci-aux, fut incorporée dans le traité à l'occa-sion du sommet d'Amsterdam en 1997.8

Ce fondement social fut complété par un“dialogue macro économique” destiné àfaciliter les échanges d'information entre

5 Dumping social : Concurrence déloyale fondée sur des coûts de travail moins élevés, dus essentiellement àl'absence de mécanisme de protection des travailleurs.

6 Les partenaires sociaux sont la CES (représentant des travailleurs), l'UNICE (représentant des employeurs), laCEEP (secteur public) et l'UEAPME (représentant des PME).

7 Dølvik, J. E. (1997) Redrawing boundaries of solidarity? ETUC, social dialogue and the Europeanisation of tradeunions in the 1990s, Oslo: Arena.

8 Foden, D. (1999) 'European employment policy: progress within too narrow confines', in E. Gabaglio and R.Hoffmann (eds.), European Trade Union Yearbook 1998, Bruxelles: ETUI,199-216.

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partenaires sociaux, la Banque CentraleEuropéenne et les autorités européennesresponsables de la coordination des poli-tiques budgétaires.

Ces différents développements ont débou-ché sur l'émergence d'une législation

sociale européenne spécifique; son con-tenu et ses répercussions sur la réalitésociale de l'UE lui ont conféré une crédibi-lité en vue de promouvoir un modèlesocial cohérent, notamment à travers sesrelations extérieures.

Un modèle à consoliderMême si beaucoup de promoteurs d'une“Europe sociale” considèrent la dimensionsociale de l'UE assez décevante en compara-ison avec son pendant économique, elledemeure néanmoins à ce jour la tentativeinternationale la plus aboutie en matièred'établissement d'un lien entre intégrationéconomique et création d'un systèmetransnational de marché du travail. Ces réalisations associées aux transfertsimportants dont ont bénéficié les régionseuropéennes les plus désavantagées ontpermis de freiner les mouvements dedumping social et de stimuler le développe-ment économique et social dans les Etatsmembres les moins avancés. Dans ce sens,l'expérience de l'UE peut être regardéecomme un exemple de globalisation conti-nentale où le processus de dérégulationéconomique a été accompagné par un désirde construire des structures de gouver-nances politiques incorporant une dimen-sion sociale.L'implication des partenaires sociaux à tra-vers le développement d'un modèle de con-certation incarné par le dialogue social et lareconnaissance de leur rôle dans le proces-sus décisionnel, rôle d'ailleurs inscrit dans laconstitution européenne,9 constitue à cetégard une innovation fondamentale.

Si ce constat devait atténuer quelque peu lescampagnes de dénigrements récurrentesdont fait l'objet le MSE, il ne devrait pas nonplus occulter un autre versant de la contes-tation. Le “non” au Traité constitutionnel se fondesur deux approches opposées. D'une part,certains partisans du non reprochent à laConstitution une orientation trop libérale.D'autre part, certains opposants au traitéconstitutionnel le jugent socialement tropcontraignant. Ces derniers, fidèles à l'ap-proche néo-libérale prônant une limitationde l'interventionnisme étatique et confiants

dans la capacité autorégulatrice du marché,considèrent la nature même du cadre nor-matif européen comme excessivementrigide. Ils revendiquent un renforcementmajeur des autonomies nationales afin d'as-surer le maximum de flexibilité.Cette tendance, présente sur la scène poli-tique européenne depuis les originesmêmes de l'Union et reflétée dans certainsarticles du traité pour une constitutioneuropéenne, constitue un danger réel d'évo-lution régressive du modèle social euro-péen.

Mais des perspectives plus encourageantesse dessinent déjà. S'inscrivant dans unevolonté de reconnaissance des acquis duMSE et de la nécessité de le préserver et dele renforcer, un groupement d'économisteseuropéens renommés a ainsi publié récem-ment un “appel pour un modèle socialeuropéen”. Ce mémorandum se fonde sur“l'affirmation du modèle social européenqui doit constituer le socle de la réforme del'UE”.

Pour ces 300 économistes, “une politiqueéconomique alternative doit reposer surplusieurs principes essentiels : un largedébat public, un plus grand contrôle démo-cratique et la participation de tous lescitoyens au développement économique.De tels débats doivent permettre de for-muler les objectifs du modèle socialeuropéen qui, à nos yeux, sont au moins aunombre de quatre : le plein emploi, une pro-tection sociale de qualité, la justice socialeet un développement respectueux de l'envi-ronnement”.10

Le défi de l'Europe sociale est bien là.Démontrer que face au “fatalisme de lamondialisation”, il est possible de construireet de consolider un modèle social durableempreint de justice sociale et de solidarité.

Mario Friso

9 Article 47 de la Constitution européenne : “Les partenaires sociaux et le dialogue social autonome”10 “Un appel de 300 économistes pour un modèle social européen.” http://www.politis.fr/article424.html

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24/11 - 20h Table ronde : Quelle citoyen-neté européenne possible ?

Avec Maria Helena André (secrétairegénérale adjoint de la ConfédérationEuropéenne des Syndicats), Marie-PauleConnan (Marches Européennes contre l'ex-clusion), Raoul-Marc Jennar (politologue),Françoise Castex (députée européenne) etun représenatnt de la DG “Education etCulture” de la Commission européenne.

Alors que l'année 2005 fut proclamée par leConseil de l'Europe “Année de la Citoyennetépar l'éducation”, le rejet massif du “Traité

établissant une Constitution pour l'Europe”des Français suivi par celui des Hollandais aouvert une crise majeure au sein de l'Unioneuropéenne.

Cette remise en cause des institutionseuropéennes, si elle a révélé l'ampleur dufossé qui sépare les dirigeants européens deleurs citoyens, est l'occasion de s'interrogersur la citoyenneté européenne, source delégitimité de l'Europe politique qu'il reste àconstruire, et sur les possibilités réelles d'ex-ercice et de contrôle démocratiques à unniveau de gouvernance supranationale.

Rendez-vous au Festival

Le 19 mars dernier, Bruxelles Laïque et le Centre d'Action Laïque avaient répondu à l'appel des mouvements sociaux et des syn-dicats européens à manifester contre la directive Bolkestein et “pour une Europe sociale, égalitaire, solidaire et pacifique”. Grâceau succès de la mobilisation, les gouvernements ont prétendu faire marche arrière, mais ce n'était que pour mieux revenir à lacharge.

En effet, la directive Bolkestein est plus que jamais d'actualité dans l'agenda institutionnel européen. Trois courants se distinguent dansles négociations en cours : les partisans du retrait pur et simple de la directive, ceux proposant des amendements - restreignant le champd'application de la directive à neuf secteurs et remplaçant le fameux “principe du pays d'origine” par le “principe de reconnaissancemutuelle” - et ceux voulant la conserver en l'état.

Lors d'une réunion préparatoire le 12 septembre dernier, les différents députés européens et représentants des mouvements sociaux favo-rables au retrait de la directive ont averti qu'une nouvelle mobilisation de grande ampleur serait nécessaire pour faire peser leur voix dansles débats parlementaires. Une journée d'action européenne est donc prévue le 15 octobre prochain. Un rendez-vous à ne pas manquer.

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Quelques-unes d'entre nous est autantune exposition qu'un processus de créa-tion. A l'origine, c'est la rencontre entreune photographe, une journaliste, laresponsable d'un lieu, la Maison desTilleuls, à Blanc-Mesnil, en Seine Saint-Denis, et des femmes du quartier qui vadonner lieu à la mise en place du projet.Créer un véritable dialogue avec desfemmes de Palestine, du Liban, d'Afgha-nistan qui vont entrer en contact les unesavec les autres par un échange de photoset de correspondance. Parti d'un désir com-mun de se connaître, de déconstruire desstéréotypes et des ignorances sur nos pro-pres vies et celles des femmes d'ailleurs,ce processus s'est peu à peu transformépour chacune en une expérience d'ouver-ture et de construction. Pour la plupart desfemmes des Tilleuls, découvrir la photogra-phie, lire et interroger les images était unedémarche totalement nouvelle. L'écriture,à partir non seulement de ce que délivraitl'image mais de ce qu'elle renvoyait deliens avec sa propre vie, permettait uneréappropriation et une mise en commun :“Nous étions habituées à aller voir desexpositions mais nous n'aurions jamais crupouvoir en créer une”. Croiser des expéri-ences individuelles dans un rapport de con-fiance, leur permettait de faire émergerdes paroles libres et singulières et de s'in-scrire dans un espace collectif.

Le premier temps de la rencontre eut lieuil y a deux ans, au moment du débat pu-blic en France sur la laïcité et sa soudainemise en péril qui devait se traduire par laloi sur l'interdiction des signes religieux à

l'école avec ce qu'il renvoyait de brutalitéet révélait de peurs identitaires, dans cequ'il faisait émerger de stéréotypes et dereprésentations fantasmatiques. Pour desfemmes qui fréquentent la maison desTilleuls, nombreuses à porter le foulardpour des raisons plurielles et complexes etpas seulement religieuses ou culturelles,cette loi prise, soi-disant pour les protéger,allait surtout les stigmatiser, rendre infer-nal leur accès à la vie publique et au travailet était vécue comme une violence sup-plémentaire.

Essayer de comprendre cette violenceensemble et le contexte de radicalisationdes discours et des crispations idéolo-giques, en débattre, c'était aussi affronterensemble, plus fortes, le réel et sonsoudain basculement. S'en prendre à laprésence en France des populations d'ori-gine étrangère n'était finalement peut-êtrepas si nouveau mais récurrent dans l'his-toire. Ce métissage des êtres et des cul-tures, que l'on cherche à nous faire vivrecomme une menace et un danger, est pournous quelque chose de précieux etd'heureux que nous voulions tenter demettre en mots et en images.

Pour Zouina Meddour, directrice de laMaison des Tilleuls, les gens sont “fatiguésde subir la violence verbale qui désignecomme responsables de tous les maux leshabitants des quartiers populaires. Ils nese reconnaissent pas dans la descriptioncatastrophique qui en est faite, les jeunessurtout en ont marre d'être catalogués,globalisés, discriminés. Les femmes se

Quelques-unes d'entre nous

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demandent s'il s'agit du même quartierlorsqu'elles entendent parler des quartiersoù elles vivent”. La violence existe,évidemment, mais elle frappe d'abord leshabitants, particulièrement en termes deperte d'emploi, de problèmes de loge-ment, d'accès aux soins…

Parfois les gens eux-mêmes reproduisentdes clichés. Yamina remarque : “Les habi-tants de Blanc-Mesnil Sud ont un regardnégatif sur les Tilleuls, qui est au nord deBlanc-Mesnil, le quartier a une mauvaiseréputation.” Avec l'exposition, c'est aussiune façon de montrer le lieu où l'on vit etce que l'on y créé. “ On a appris à regarderdes photos autrement, sans texte. On aappris que nous pouvions faire un textenous-mêmes. Ces photos qui viennent deloin, nous ont renvoyées à notre proprevécu, on ne peut pas savoir réellement ceque ces femmes ont vécu, mais elles nouspermettent de parler de notre propre his-toire.”

Parler de sa propre histoire, c'est aussis'inscrire dans un quartier qui vit, résiste,où le tissu associatif est riche et où leshabitants sont présents, impliqués, con-tribuant chacun à leur manière, selon leurdésir et leur disponibilité.

Ce que l'exposition voudrait montrer, c'estla nécessité de la libre circulation des per-sonnes et des idées, la nécessité d'en finiravec les images et les représentations dontl'on est quotidiennement abreuvé et quiempêchent de ressentir et de connaître laréalité dans sa complexité.

Habiba, ne parlait pas français lorsqu'elleest arrivée à Blanc-Mesnil et la maison dequartier lui a beaucoup apporté : “Je croy-

ais qu'une mère de famille doit rester à lamaison, faire le ménage et s'occuper desenfants. Ici, j'ai appris qu'on peut vivreautrement, j'ai appris à communiquer, àparler et à écouter et qu'une femme a ledroit de s'exprimer et de revendiquer.”

La Maison des Tilleuls est vécue parl'ensemble du groupe comme un lieu rareet privilégié. Un lieu avec une histoire forteet enracinée, inscrite dans la cité, avec desfemmes de toutes les origines parlant unedizaine de langues différentes, et de tousles âges. Où les femmes se retrouventdepuis plusieurs années, font aussi bien dela cuisine que de l'informatique, organisentdes salons de thé à thèmes, des rencon-tres, un festival. Où elles découvrent que leplus important, pour n'importe quellefemme, c'est de sortir de l'enfermementdes murs d'un domicile, qui fait souventécran à l'apprentissage de la langue, de larencontre, de l'autonomie…

Elaborer ensemble la réflexion puis la con-ception scénographique de Quelques-unesd'entre nous, penser sa circulation, la ré-inventer, c'est s'inscrire dans un renou-vellement permanent, un dispositif où lescapacités des unes et des autres sont sol-licitées, où chacune devient actrice et créa-trice pour exprimer un point de vue sur lemonde. Choisir des images et destémoignages recueillis auprès de femmesd'ailleurs, c'est aussi tenter la transforma-tion du monde et accepter qu'il nous trans-forme. Comme le souligne Absa : “On seconnaît depuis longtemps, mais avec cetravail on a appris à se connaître différem-ment. On a appris à vivre avec d'autres,avec des femmes dont on n'aurait pasimaginé l'existence.”

Marina Da Silva

15/11 - 19h : Quelques-unes d'entre nousExposition multimédia - Rencontre

C'est l'histoire d'une rencontre avec desfemmes d'un quartier en Seine Saint Denis,la Cité des Tilleuls, et des femmes d'ailleurs,de Palestine, d'Afghanistan.

La projection de l'expo sera suivie d'une ren-contre avec les femmes de la Maison desTilleuls (Blanc-Mesnil - Seine Saint Denis).En présence de Marina Da Silva, journaliste,Joss Dray, photographe et Zouina Meddour,directrice de la Maison des Tilleuls.

Rendez-vous au Festival

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Pour comprendre pourquoi la culture hip-hop5 est vécue par nombre de personnescomme alternative et militante, il convientde s'attarder sur les origines du mouve-ment. Le hip-hop est né dans les années'70 en réaction aux conditions de vie dansles ghettos noirs américains. En réponse àleur exclusion, les Afro-Américains dis-posent de peu de solutions, et beaucoupentrent dans des gangs qui s'affrontentviolemment. A cette époque apparaît unenouvelle expression musicale aux originesmultiples6, alors qu'un nouveau type dedanse debout et au sol se développe surles trottoirs du Bronx et que les premiersgraffitis apparaissent dans le métro new-yorkais. Afrika Bambaataa eut alors l'idéede détourner la violence des jeunes desghettos en énergie créatrice grâce à cesnouvelles disciplines fortes d'un potentielartistique inouï. Dans la rue, unique terrainde jeu, les défis artistiques s'organisaientdans un esprit de rivalité positive. Incitant

les Bboys7 à se surpasser dans leur discip-lines, ils canalisaient nombre de pulsionsviolentes et laissaient entrevoir la possibi-lité d'un avenir constructif, créateur. Avecles autres pionniers du mouvement, ilrassembla ces expressions artistiques sousl'appellation “hip-hop” et créa la ZuluNation dont les principes sont expliquésdans un code de conduite qui deviendraune référence et un vecteur d'unification.Les valeurs et attitudes prônées sont lanon-violence, l'antiracisme, l'émancipa-tion, le respect de l'autre, la tolérance, ledépassement de soi, la nécessité de s'ins-truire, etc.

Dès sa naissance aux Etats-Unis, la culturehip-hop se propage sur les cinq continents,notamment grâce aux Bboys américainsde la Zulu Nation qui parcourent le mondepour faire découvrir leurs créations et inci-tent les novices à s'en approprier les bases.Une alternative était née.

Le Hip-hop

Naissance d'une alternative

Les atouts d’un mouvement artistique et social

1 Pour ceux qui veulent approfondir le sujet, je recommande le livre de M. Bazin : La Culture Hip-Hop, DescléeDebrouwer, Paris, 1995.

2 Guy Bajoit définit la socialisation comme “le processus par lequel l'individu, par la gestion relationnelle desoi, (re)construit sans cesse son identité, en vue de participer à la vie sociale”, in : Guy Bajoit (dir.), La socia-lisation des jeunes dans un monde en mutation, De Boeck Université, Bruxelles, 2000, p. 16.

3 Bodson X., La culture hip-hop comme mode de socialisation juvénile, in : Guy Bajoit (dir.), op.cit., p. 326. 4 Ibid., p.3475 On dit “la” hip-hop pour parler de la culture tandis que “le” hip-hop se réfère au mouvement. 6 Le rap s'inspire entre autres de la musique noire américaine (soul, jazz, funk…) et la musique jamaïcaine (ori-

gine du sound system). 7 Nom donné aux jeunes hommes qui composent le mouvement. L'équivalent féminin est B.girl.

La rencontre des logiques économiques ettechnologiques qui dominent nos sociétéspostmodernes exacerbe la compétition etl'individualisme et laisse un vide que lesinstitutions traditionnelles de socialisation(famille, école, dispositifs d'emploi …) ontdu mal à combler. L'individu contemporainne veut plus rentrer dans des schémas desocialisation figés dans lesquels il ne sereconnaît plus. Les jeunes ne se sontjamais autant désengagés des secteursassociatif, syndical et politique. Dans cecontexte de chômage, de crise et de méfi-ance, ils préfèrent composer eux-mêmesleur identité de façon originale, en puisantparmi les modèles culturels que la mondi-alisation a rendus accessibles. Parmi ceux-

ci, la culture hip-hop doit être envisagéecomme une alternative privilégiée, unmode de vie façonnant l'existence de ceuxqui s'en réclament. Des sociologues telsque Hugues Bazin1 ont en effet montréque la culture hip-hop peut être un modede socialisation2 juvénile “une sorte derepère qui permet à ces jeunes de se com-poser des identités positives leur permet-tant de s'insérer culturellement à partir deréférences multiples, hétérogènes, sou-vent stigmatisées”3 et qu'il donne auxindividus “des repères identitaires qui leurpermettent de structurer leur individualitédans un environnement qui ne leur est pastoujours favorable (racisme, exclusion,échec scolaire)”.4

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Afrika BAMBAATAA Aasim 1960-

"Our world is free. Be what you be"

De son vrai nom Kevin Donavan, Afrika Bambaataa surnommé "le parrain du hip-hop" a donné ses lettres de noblesse à ce mouvement né dansles années '70. Comme DJ fondamental du Bronx, il est à la base de la création du collectif Zulu Nation dont le but était de rassembler les jeunesdes différents gangs dans la paix et la fête. Des millions de jeunes dans le monde se reconnaissent aujourd'hui dans son message universel d'ou-verture et de paix... et y ont trouvé une alternative positive à la violence et à la déprime.

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Une école de la vieComment expliquer que trente ans aprèsson émergence, les passions pour la hiphop sont toujours aussi vives alors quebeaucoup pensaient qu'il ne s'agissait qued'un phénomène de mode ? Deux dimen-sions fondamentales expliquent à monsens pourquoi autant de jeunes se sontreconnus dans le hip-hop et continuent àfaire vivre cette culture, bien loin des massmédia qui en donnent une image superfi-cielle et déformée, notamment à travers lerap business.

Le premier aspect est d'ordre artistique.Proposant trois types d'expression auxdéclinaisons multiples8, le hip-hop a crééun nouveau langage esthétique. Lamusique, la déclamation, le chant, ladanse, le dessin : en tant qu'art pluridisci-plinaire, le hip-hop propose un véritablechoix à ceux qui s'investissent dans l'uneou l'autre expression. Le tag9 a fait de lasignature un art. Le rap a inventé la poésieurbaine et poussé nombre de jeunes endécrochage scolaire à utiliser un diction-naire. Le caractère démocratique de la pra-tique des arts hip-hop favorise égalementl'engouement. Pour rapper ou slamer, iln'est pas nécessaire d'économiser pouracheter un instrument de musique puisd'apprendre à en jouer pendant delongues années. Il suffit de savoir alignerquelques phrases. Un papier et un stylopour taguer, un sol lisse pour breaker, lesconditions matérielles ne sont pas unobstacle à la pratique d'un art hip-hop. Cequ'il faut, c'est l'envie de créer et beaucoupde persévérance, surtout si on veut “sortirdu lot”. Partout où la musique hip-hops'exporte, les jeunes commencent parcopier le style américain, puis finissent partrouver leur propre style, puisant dansleurs références culturelles propres. Parmiles différents styles de danse hip-hop(smurf, poping, locking, robot,…), le breakà la particularité de se danser au sol endéfiant les lois de la gravité Tout en ayantses propres codes et particularités, il s'ins-pire d'autres disciplines comme l'acrobatie,les arts du cirque, la gymnastique, les artsmartiaux, la capoeira, etc. De sa pratiquerésultent des effets bénéfiques, que ce soiten terme de condition physique, de créati-vité, et d'affirmation de soi.

La seconde dimension est sociale, voirerevendicative. Les disciplines développéesapparaissent comme une résistance à laviolence sociale et économique qui sévitdans les quartiers oubliés des grandesvilles. Façonnées dans le moule urbain,leurs pratiques mêmes inventent de nou-veaux rapports à la ville à travers l'occupa-tion et la transformation de l'espaceurbain.

Les breakers s'entraînent dans des halls degares, des places publiques et transfor-ment des lieux de passage en lieux de vie.Le phénomène du tag qui envahit les villesdu monde traduit une volonté de se réap-proprier l'espace public et de dénoncer latristesse de l'esthétique urbaine. Le graffabolit les préjugés traditionnels de l'art enoffrant une version originale du Land Art,un rempart contre la muséomania etcontrecarre ainsi l'idée que l'art seraitréservé à une élite. En confondant graff,tag et vandalisme, on passe à côté d'uneréflexion sur notre rapport au cadre urbainque suscite ce genre de pratiques. Lesrappeurs racontent leur quotidien, la viedans leur quartier. Enfin, ils exposent leurpropre vision du monde. A travers la prisede parole, les laissés-pour-compte décou-vrent la liberté d'expression et les constatssonnent comme des dénonciations. Le rapest devenu vecteur d'une critique de lasociété, en particulier pour les jeunes issusdes milieux populaires et liés à l'immigra-tion, premières victimes des mécanismesd'exclusion sociale.

La combinaison de ces deux aspectsexplique pourquoi la hip-hop est vécue parbeaucoup comme un mode de vie à partentière, une “école de la vie” favorisantl'émancipation individuelle. Au-delà del'image qu'en donnent les médias, la cul-ture hip-hop se vit au quotidien, commeun mode de vie à la fois artistique et résis-tant.

8 Musicale (rap, slam, deejaying, beat-boxing), corporelle (debout : smurf, popin', lockin', hypej,.. et au sol :breakdance) et graphique (tag, graff).

9 Le tag est une signature que l'on retrouve sur les murs les plus laids de la ville, tandis que le graff est undessin plus ou moins grand, une fresque colorée que l'on trouve dans des lieux moins exposés.

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La déferlante hip-hop des années '80 adonc abouti à la constitution d'un mouve-ment à l'échelle mondiale où les événe-ments internationaux (battles) foisonnent.Progressivement, un cloisonnement s'estopéré entre les trois grandes disciplines quiont des évolutions parallèles. Le succèscommercial du rap a donné une imagetronquée du hip-hop et a occulté les deuxautres expressions artistiques quasi incon-nues du grand public. On constate, parexemple, une grande différence entre lamarginalisation du graff et le rap quigénère d'énormes profits, alors que lebreak reste coincé dans le débat ama-teurisme/professionnalisme.

Nous l'avons dit, la culture hip-hop se nour-rit des apports de jeunes d'origines et d'in-fluences diverses. Culture métissée, la hip-hop séduit des personnes de tous horizonssociaux et ethniques, rapproche des jeunesde tout milieux et origines et devient unmoyen de rencontre interculturelle. En con-

sidérant que la créativité peut être moteurde combats et de résistances démocra-tiques, cette contre-culture participe à lapromotion d'une société tolérante, diversi-fiée, égalitaire, visant à l'émancipation despersonnes et doit être défendue en tantque telle.

La dimension militante de la hip-hop a faitde l'ombre à sa richesse artistique, et bienqu'avec les années on puisse considérerque la hip-hop est devenue un mouve-ment artistique “parmi d'autres”, la recon-naissance institutionnelle est loin d'êtreacquise. En Belgique, en l'absence de struc-ture consacrée à la promotion de la hip-hop, à l'exception remarquable mais insuf-fisante de la Fondation Jacques Gueux(rebaptisée Lézarts Urbains10), le mouve-ment reste plutôt souterrain, ce qui fait son“charme”, mais ôte tout espoir à ses pro-tagonistes d'en vivre dignement. Quoiqu'ilen soit, ce qui fait vivre la hip-hop, c'est lapassion.

Olivia Welke

Une culture universelle

La Hip-Hop au Festival des LibertésSamedi 26 novembre:

La dernière journée du Festival des Libertésaura pour objectif de mettre en évidence lesatouts d'une culture somme toute mal con-nue. Une fois n'est pas coutume, les dif-férents types d'expression hip-hop serontréunis pour une journée exceptionnelle deplaisirs, de découvertes, d'échanges, deréflexions et de souvenirs. Pour le bonheurdes yeux, des oreilles et des cœurs militants.

Le programme de la journée proposera :

- des ateliers : breakdance (danse au sol),écriture (rap, slam) et mixage (Deejaying).L'objectif est de permettre un premier con-tact avec les techniques de bases et d'en-courager la créativité.

- une table ronde : le hip-hop a beaucoupévolué ces vingt dernières années et lesenjeux ont changé. Les intervenants de la

table ronde (18h) tenteront de faire le pointsur l'évolution du mouvement, ici et ailleurset sur ses perspectives d'avenir.

- des prestations artistiques par les valeursmontantes ou confirmées du mouvementhip-hop en Belgique. Les meilleurs breakersbelges du moment feront un “battle ” telqu'il se déroule dans les compétitions debreakdance. Des DJ, rappeurs et slameursbelges assureront l'ambiance musicale. Desartistes français et anglais seront aussi mis àl'honneur pour mettre en évidence les con-nections internationales du mouvements hiphop et sa vitalité à l'étranger. Jaba, graffeurliégeois hors pair, réalisera un graffiti sur lethème des libertés.

Que vous soyez novices, passionnés ou sim-plement curieux, vous ne regretterez pascette rencontre avec quelques-unes des fi-gures emblématiques du mouvement hip-hop en Belgique.

Rendez-vous au Festival

10 http://www.lezarts-urbains.be

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Musicien libanais de renommée mon-diale, artiste de l'Unesco pour la paix,Marcel Khalifé est devenu le symbole detoute une génération, tant dans leMoyen Orient que dans le monde entier.Si le Festival des Libertés entend pro-mouvoir la défense d'une société de lib-ertés, progressiste et démocratique, unesociété riche d'échanges où la mise envaleur des liens qui nous rassemblentparticipe à déconstruire certaines repré-sentations figées, Marcel Khalifé en estune incarnation possible. Maître incon-testé de l’oud, le luth oriental à qui ildonne une vie propre, Marcel Khalifédépasse les règles d'interprétationstricte, étend le champ des sonorités eten élargit le potentiel.

Artiste et musicien polyvalent, il tentede préserver l'héritage musical arabetout en le révolutionnant. Passeur defrontières, il combine avec brio etaudace l'ancienne tradition musicalearabe et des éléments et instrumentsoccidentaux, rappelant de la sorte lacontribution de la musique orientaledans l'évolution musicale occidentale.

Messager de paix, Marcel khalifé nepeut être réduit à sa dimension pure-ment musicale. Le parcours de l'hommeet celui de l'artiste se fondent dans unevision humaniste et globale. Grâce à sonart et à travers lui, il a lutté pour la jus-tice en Palestine. Loin de tout confes-sionnalisme, il a combattu pour la paixau Liban et pour la primauté del'homme. Son message est un messaged'amour transcendant le fanatisme etl'intolérance, mais aussi un message derésistance. Sa musique et sa voix devi-ennent un infatigable chant d'amour etde fraternité aux victimes de l'oppres-sion quelle qu’en soit la forme.

Artiste engagé, pour qui “se taire” estsynonyme “d'approuver” lorsqu'il s'ag-it d'injustice, d'obscurantisme et dehaine, Marcel Khalifé et son oud cons-titueront à n'en pas douter un momentfort du Festival des Libertés 2005.

Le 12 novembreà 20h au BOZAR

Marcel Khakifé

En collaboration avec les Bozar et Maussemdans le cadre du Festival de Luth

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15/11 - 20h30 : La vie rêvée de Fatna

Avec force et lucidité, les textes de RachidaKhalil et Guy Bedos nous racontent les des-tins croisés de trois femmes d'aujourd'hui,par petites touches, parfois féroces ou déchi-rantes, mais toujours drôles. Après un succèsretentissant en France, une première belge àne pas manquer !

“Rachida Khalil incarne au fil de différentspersonnages le destin annoncé de la femmearabe, le racisme ordinaire de la voisine depalier et la soif de liberté des filles de sagénération. Cette batailleuse de charme estdrôle, féroce, tendre. (…)”Le NOUVEL OBS, 20-01-05

Production Théâtre de Suresnes Jean Vilar

Rendez-vous au Festival

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Aiguillages asbl Service Laïque d'accompagnement administratif.

Dimanche 11 décembre 2005 Projection du film de Julie Bertucelli Depuis qu'Omar est parti. Lieu : Centre Culturel JacquesFranck à 1060 Saint-Gilles à 10h30. DDrrooiitt dd''eennttrrééee :: 88 €.. RReennsseeiiggnneemmeennttss 0022//553344 1100 4477..

AJL Woluwé-Saint-Pierre et l'AML d'Auderghem

Samedi 8 octobre 2005Rallye pédestre en forêt de Soignes et/ou buffet tartines/fromage blanc. Départ à 14h30. PP..AA..FF :: rraallllyyee 44 € ((eennffaannttss 33 €)),, rreeppaass 88 € ((eennffaannttss 55 €)).. IIll eesstt ppoossssiibbllee ddee ppaarrttiicciippeerr sseeuullee--mmeenntt àà ll''uunnee ddeess ddeeuuxx aaccttiivviittééss..RReennsseeiiggnneemmeennttss:: 0022//776622 0066 3322 oouu 0022//777700 1199 4455..

Amis de la Morale Laïque d'Anderlecht avec le soutien du centre culturel d'Anderlecht

Du 24 octobre au 29 octobre 2005 inclusExposition "Le latin dans la publicité". Lieu : Salle Eugène Baie, rue du Chapelain 1 à 1070 Anderlecht.OOuuvveerrtt ttoouuss lleess jjoouurrss ddee 99hh àà 1122 hh eett ddee 1133hh3300 àà 1166hh,, llee ssaammeeddii ddee 1100hh àà 1133hh eett ddee 1144hh àà1177hh ((ffeerrmméé llee ddiimmaanncchhee)).. EEnnttrrééee lliibbrree eett ggrraattuuiittee..RReennsseeiiggnneemmeennttss :: 0022//552222 2200 5577 oouu aammllaa@@bbeellggaaccoomm..nneett..

VViissiittee gguuiiddééee ppoouurr lleess ggrroouuppeess uunniiqquueemmeenntt ssuurr rréésseerrvvaattiioonn aauupprrèèss ddee MMmmee CClléémmyy OOllbbrreeggttssaauu 0022//552233 3322 4499..

Du 21 au 26 novembre 2005 inclusExposition "De Viris: personnages illustres de la Rome antique". LLiieeuu :: SSaallllee EEuuggèènnee BBaaiiee,, rruuee dduu CChhaappeellaaiinn 11 àà 11007700 AAnnddeerrlleecchhtt..OOuuvveerrtt ttoouuss lleess jjoouurrss ddee 99hh àà 1122 hh eett ddee 1133hh3300 àà 1166hh,, llee ssaammeeddii ddee 1100hh àà 1133hh eett ddee 1144hh àà1177hh ((ffeerrmméé llee ddiimmaanncchhee)).. EEnnttrrééee lliibbrree..RReennsseeiiggnneemmeennttss :: 0022//552222 2200 5577 oouu aammllaa@@bbeellggaaccoomm..nneett..

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Dimanche 2 octobre 2005Rallye automobile dans le Pajottenland. Tout au long du parcours, il y aura des points-relaisoù les participants seront soumis à une série d'épreuves. Départ à 10 h (accueil dès 9h00)au site du Luizenmolen rue des Papillons à Anderlecht. De 12h30 à 14h30 : repas à la“Groene Poort”, Dorpstraat 31 à Gooik. Arrivée prévue au Luizenmolen vers 16h30. Remisedes prix à 17h30. LLaa ppaarrttiicciippaattiioonn aauu rraallllyyee eett llee rreeppaass ddee mmiiddii ((ppllaatt eett ddeesssseerrtt)) ssoonntt pprrooppoossééss aauu pprriixx ddee 2200 €

ppaarr ppeerrssoonnnnee ((1100 € ppoouurr lleess mmooiinnss ddee 1122 aannss))..RRéésseerrvvaattiioonn iinnddiissppeennssaabbllee aauupprrèèss dd''IIssaabbeellllee EEmmmmeerryy aauu 0022 552222 2200 5577 oouu ppaarr mmaaiill :: aammllaa@@bbeellggaaccoomm..nneett

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AML de Jette

Mercredi 12 octobre 2005 Conférence de l'Union Rationaliste par Yves Roggeman (professeur et vice-recteur de l'ULBqui fut une des personnes-clés du processus de Bologne en Belgique “L'espace européende l'enseignement supérieur et le processus de Bologne”. LLiieeuu :: CCAALL CCOOMM ((UULLBB,, PPaarrkkiinngg 22 aavveennuuee AArrnnaauudd FFrraaiitteeuurr 3300 11005500 BBrruuxxeelllleess)) àà 2200hh..PP..AA..FF :: GGrraattuuiitt ppoouurr lleess mmeemmbbrreess ddee ll''UURRBB,, aauuttrreess 22 €,, ééttuuddiiaannttss 11 €..RReennsseeiiggnneemmeennttss :: bbeenn..rrooddrriigguueezz@@nniimmbblleessiittee..ccoomm oouu 00447755// 774499 228822..

Le Centre régional du Libre Examen, L'Espace Senghor et La Revue Politique

Mercredi 28 septembre 2005vous convient à une Soirée THEATRE suivie d'un DEBAT Mercredi 28 septembre 2005. A19h30 : représentation du spectacle « Fabbrica » d'Ascanio Celestini, mise en scène dePietro Pizzuti avec Angelo Bison (production du Théâtre du Rideau de Bruxelles). A 21hConférence-débat : « Le mouvement ouvrier à l'épreuve de la mondialisation : quel syndi-calisme pour demain ? » Avec Raymond COUMONT, secrétaire général de la Centralenationale des employés et Mateo ALALUF, sociologue, professeur à l'ULBPrésentation et animation du débat : Henri GOLDMAN, POLITIQUE, réseau de débats.PP..AA..FF.. :: 1111 € -- 77,,55 € ((eenn pprréévveennttee aauu CCeennttrree CCuullttuurreell dd''EEtttteerrbbeeeekk)),, 99 € ((ccaarrtteess JJ,, sseenniioorrss eettddeemmaannddeeuurrss dd''eemmppllooii)) -- PPaarrtteennaaiirree ddee ll''AArrttiiccllee 2277.. AAccccèèss àà llaa ccoonnfféérreennccee ggrraattuuiittee.. LLiieeuu :: CCeennttrree ccuullttuurreell dd''EEtttteerrbbeeeekk -- EEssppaaccee SSeenngghhoorr,, 336666 cchhaauussssééee ddee WWaavvrree ((PPiiééttoonnnniieerrJJoouurrddaann)) -- 11004400 BBrruuxxeelllleess..

RReennsseeiiggnneemmeennttss eett rréésseerrvvaattiioonnss:: CCeennttrree dduu LLiibbrree EExxaammeenn :: -- 6666 rruuee CCooeennrraaeettss àà 11006600BBrruuxxeelllleessFFaaxx :: 0022//553355 0066 9933 -- TTééll :: 0022//553355 0066 7799//7788 CCoouurrrriieell :: ffssiiddiibbee@@cceennttrreelliibbrreexx..bbee

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Présidente: Ariane HASSIDVice-Présidente: Pascale SCHEERSVice-Président: Michel PETTIAUXSecrétaire: Francis DE COCKTrésorier: Jean-Antoine DE MUYLDER

Philippe BOSSAERTSSara CAPELLUTOCarmen CASTELLANOMichel DUPONCELLEFrancis GODAUXEliane PAULETPaul Henri PHILIPSYvon PONCIN Johannes ROBYN

Fabrice VAN REYMENANT

Sophie LEONARDAbabacar N’DAWOlivia WELKECécile RASSINFOSSEPaola HIDALGOMario FRISO

Bureau

Administrateurs

Direction

Comitéde rédaction

GRAPHISMECédric BENTZ & Jérôme BAUDETEDITEUR RESPONSABLEAriane HASSID,Présidente de Bruxelles Laïque,18-20 Av. de Stalingrad - 1000 BruxellesABONNEMENTSLa revue est envoyée gratuitement aux membres de Bruxelles Laïque. BruxellesLaïque vous propose une formule d’abonnement de soutien pour un montantminimum de 7€ par an à verser au compte : 068-2258764-49.Les articles signés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.

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