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7 Bourse & Finances Bourse & Finances Finances News Hebdo / Du 11 mai 2016 L a thématique débat- tue «L’assurance africaine entre défis actuels et émergents» n’est pas le fruit du hasard, puisqu’elle intervient dans un contexte où l’industrie d’assu- rance africaine est amenée à se construire davantage et à couvrir même les plus démunis contre les différents aléas. Le mot émergence répond à un double défi : le premier est celui d’un continent qui aspire à rejoindre le concert des pays émergents, et le second est la nécessité de se prémunir justement contre les risques émergents (climatiques, pan- démiques, agricoles…). En plus des assureurs et des réassureurs africains, la pré- sence de réassureurs étran- gers témoigne de leur intérêt grandissant pour cette indus- trie en Afrique. Une Afrique plurielle, dont les différences sont palpables d’un pays à un autre, une Afrique jeune et une Afrique qui recèle de gisements dans son sous-sol. Ajoutons à cela que le potentiel est énorme, étant donné que le taux de pénétration demeure faible, ne dépassant pas 1%, à l’exception de l’Afrique du Sud et du Maroc. Il faut donc mettre les bouchées doubles pour asseoir une industrie d’assurance africaine à la hau- teur des défis. Comme signalé par le président du Comité d’organisation, Bachir Baddou, l’Afrique est l’ADN du Maroc et cette vision est guidée par le Souverain, en témoignent ses différentes visites dans diffé- rents pays de l’Afrique subsa- harienne. Aussi, comme l'a affirmé le président de l’ACAPS, Hassan Boubrik, depuis 1972, l’OAA n’a cassé d’œuvrer pour une industrie d’assurance saine à travers le développement de plusieurs partenariats entre pays. «Nos relations de coo- pération doivent renforcer les acteurs de part et d’autre pour asseoir les bases solides de cette industrie», annonce-t-il. D’après lui, le continent a pro- gressé d’une manière substan- tielle, réalisant un taux annuel de croissance de 5%. En 2014, les dix principaux marchés (Afrique du Sud, Maroc, Egypte, Nigéria, Kenya, Algérie, Angola, Namibie, Tunisie et Maurice) ont comp- tabilisé des primes d’un mon- tant de 63,4 milliards de dol- lars US, soit 92% du total des primes en Afrique. En 2014, les primes d’assurance représentaient 2,8% du PIB africain. Hormis l’Afrique du Sud où le taux de pénétration de l’assurance atteignait 14% (Vie : 11,3%, non-Vie : 2,7%), la contribution de l’assurance au PIB est sensiblement infé- rieure à la moyenne mondiale de 6,2% dans tous les autres Etats africains. C’est dire que le marché africain de l’assu- rance est dominé par l’Afrique du Sud. Le Maroc occupe le deuxième rang sur le conti- nent, et ce grâce à l’assurance Vie. Loin derrière l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Algérie et le Nigéria sont les plus grands marchés non-Vie, dépassant 1 milliard de dollars US. Une chose est sûre : les défis sont énormes, d’où la néces- sité de mobiliser des capacités financières pour y faire face. Les représentants de l’OAA sont quasiment unanimes à dire que l’Afrique souffre de plusieurs maux, allusion faite au faible pouvoir d’achat, au manque d’innovation, aux res- sources humaines non quali- fiées aux techniques de l’assu- rance. Mais ils sont optimistes et confiants dans la mesure où l’OAA œuvre sans relâche pour relever les défis. Marrakech a brillé cette semaine par la tenue, sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi, de la 43 ème Conférence et Assemblée générale de l’Organisation des assurances africaines qui tient ses Assises du 8 au 11 mai 2016. Entre défis actuels et émergents 43 ème Conférence et Assemblée générale de l’OAA DNES à Marrakech Soubha Es-siari 200 131 Ghana Côte d’ivoire Nigéria Maurice Kenya Namibie Egypte Maroc Afrique du Sud 21,8% 4,9% 3,9% 3,1% 10,2% 6,6% 0,7% 8,4% 5,2% 230 457 522 632 648 889 1.143 39.785 400 Primes vie en 2014 (en millions de dollars US) Taux de croissanceannuel moyen des primes réelles vie (corrigé de l’inflation), de 2010 à 2014*/2013** * Afrique du Sud, Maroc, Egypte, Namibie et Kenya ** Maurice, Nigéria, Côte d’Ivoire et Ghana Source : Dr. Shanz, Alms&Company, d’après des données de recherche sigma de Swiss RE 600 800 1.000 1.200 1.400 Primes vie en 2014 (en millions de dollars US) et taux de croissance annuel moyen des primes réelles vie (corrigé de l’inflation, en %) de 2010 à 2014*/2013** >>>

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7Bourse & FinancesBourse & FinancesFinances News Hebdo / Du 11 mai 2016

La thématique débat-tue «L’assurance africaine entre défis actuels et émergents»

n’est pas le fruit du hasard, puisqu’elle intervient dans un contexte où l’industrie d’assu-rance africaine est amenée à se construire davantage et à couvrir même les plus démunis contre les différents aléas.Le mot émergence répond à un double défi : le premier est celui d’un continent qui aspire à rejoindre le concert des pays émergents, et le second est la nécessité de se prémunir justement contre les risques émergents (climatiques, pan-démiques, agricoles…). En plus des assureurs et des réassureurs africains, la pré-sence de réassureurs étran-gers témoigne de leur intérêt grandissant pour cette indus-trie en Afrique. Une Afrique plurielle, dont les différences sont palpables d’un pays à

un autre, une Afrique jeune et une Afrique qui recèle de gisements dans son sous-sol. Ajoutons à cela que le potentiel est énorme, étant donné que le taux de pénétration demeure faible, ne dépassant pas 1%, à l’exception de l’Afrique du Sud et du Maroc. Il faut donc mettre les bouchées doubles pour asseoir une industrie d’assurance africaine à la hau-teur des défis. Comme signalé par le président du Comité d’organisation, Bachir Baddou, l’Afrique est l’ADN du Maroc et cette vision est guidée par le Souverain, en témoignent ses différentes visites dans diffé-rents pays de l’Afrique subsa-harienne.Aussi, comme l'a affirmé le président de l’ACAPS, Hassan Boubrik, depuis 1972, l’OAA n’a cassé d’œuvrer pour une industrie d’assurance saine à travers le développement de plusieurs partenariats entre

pays. «Nos relations de coo-pération doivent renforcer les acteurs de part et d’autre pour asseoir les bases solides de cette industrie», annonce-t-il. D’après lui, le continent a pro-gressé d’une manière substan-tielle, réalisant un taux annuel de croissance de 5%. En 2014, les dix principaux marchés (Afrique du Sud,

Maroc, Egypte, Nigéria, Kenya, Algérie, Angola, Namibie, Tunisie et Maurice) ont comp-tabilisé des primes d’un mon-tant de 63,4 milliards de dol-lars US, soit 92% du total des primes en Afrique. En 2014, les primes d’assurance représentaient 2,8% du PIB africain. Hormis l’Afrique du Sud où le taux de pénétration

de l’assurance atteignait 14% (Vie : 11,3%, non-Vie : 2,7%), la contribution de l’assurance au PIB est sensiblement infé-rieure à la moyenne mondiale de 6,2% dans tous les autres Etats africains. C’est dire que le marché africain de l’assu-rance est dominé par l’Afrique du Sud. Le Maroc occupe le deuxième rang sur le conti-nent, et ce grâce à l’assurance Vie. Loin derrière l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Algérie et le Nigéria sont les plus grands marchés non-Vie, dépassant 1 milliard de dollars US.Une chose est sûre : les défis sont énormes, d’où la néces-sité de mobiliser des capacités financières pour y faire face. Les représentants de l’OAA sont quasiment unanimes à dire que l’Afrique souffre de plusieurs maux, allusion faite au faible pouvoir d’achat, au manque d’innovation, aux res-sources humaines non quali-fiées aux techniques de l’assu-rance. Mais ils sont optimistes et confiants dans la mesure où l’OAA œuvre sans relâche pour relever les défis. ■

Marrakech a brillé cette semaine par la tenue, sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi, de la 43ème Conférence et Assemblée générale de l’Organisation des assurances africaines qui tient ses Assises du 8 au 11 mai 2016.

Entre défis actuels et émergents

43ème Conférence et Assemblée générale de l’OAA DNES à Marrakech Soubha Es-siari

200

131Ghana

Côted’ivoire

Nigéria

Maurice

Kenya

Namibie

Egypte

Maroc

Afrique du Sud

21,8%

4,9%

3,9%

3,1%

10,2%

6,6%

0,7%

8,4%

5,2%

230

457

522

632

648

889

1.143

39.785

400

Primes vie en 2014 (en millions de dollars US)

Taux de croissanceannuel moyen des primes réelles vie (corrigé de l’in�ation), de 2010 à 2014*/2013**

* Afrique du Sud, Maroc, Egypte, Namibie et Kenya ** Maurice, Nigéria, Côte d’Ivoire et Ghana

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Primes vie en 2014 (en millions de dollars US) et taux de croissance annuel moyen des primes réelles vie (corrigé de l’inflation, en %) de 2010 à 2014*/2013**

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Du 11 mai 2016BOURSE & FINANCES8 Premier hebdomadaire de l’ information f inancière

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Finances News Hebdo : Pouvez-vous nous brosser brièvement la genèse de l’OAA ?

Bachir Baddou : L’OAA est un événement qui a été créé il y a longtemps déjà, dans l’esprit de fédérer les entreprises d’assurances et de réassurance africaines au sein d’une seule organisation qui a un objectif scien-tifique. Ce qu’il faut savoir, c’est que cette organisation mène réellement des travaux de recherche. En son sein, il y a un secrétariat permanent qui, tout au long de l’année, anime des groupes de travaux. Actuellement, l’OAA mène une étude visant à voir comment doter le marché africain de l’assurance de capacités supplémentaires pour faire face, par exemple, à des risques catastrophiques. Par ailleurs, elle lance un Observatoire sur un certain nombre d’indicateurs et de chiffres sur le marché africain de l’assurance. Mieux encore, l’OAA pilote des pools dont le principe est de mettre en place des capacités financières pour couvrir certains dommages assez consistants, et qui peuvent difficilement être couverts par un assureur. Nous pouvons citer à titre exemple le pool aviation et le pool énergie. C’est dire qu’il s’agit d’une institution qui réunit toutes les sociétés d’assurances et de réassurance du continent et, partant, aide l’industrie africaine à progres-ser et à se développer.

F.N.H. : L’industrie d’assurance africaine souffre de multiples maux. Quels types de stratégies faut-il mettre en place pour les éradiquer ?

B. B. : Honnêtement, je dis toujours lorsque l’on parle de l’assurance africaine qu’il n’y a pas une Afrique ou deux. L’Afrique est plurielle à cause des différences entre les pays. A titre d’exemple, l’Afrique du Sud représente plus de 70% de l’assurance du continent. C’est énorme ! Le Maroc, à son tour, n’est pas logé à la même enseigne que les autres pays et son taux de pénétration est de 3,2%. Sachant que pour l’Afrique dans son ensemble (hors

Afrique du Sud), ce taux est inférieur à 1%. Donc, Il n’y a pas une solution pour l’Afrique, mais différentes solutions en fonction du pays auquel on s’adresse.Ainsi, il y a des pays qui doivent instaurer quelques obligations d’assurance. Certes, on y trouve l’assurance automobile qui est tout à fait normale. Mais, il y a d’autres assurances de responsabilités qui devront devenir obli-gatoires, non pour donner du business au secteur, mais surtout pour protéger les tiers. Il faut que les professions à risques couvrent leur responsabilité civile. Par exemple, au Maroc, on a déjà mis en place quelques obligations pour les architectes, les notaires et bientôt pour les médecins et les cliniques. Il faut donc rendre quelques assurances obligatoires en Afrique.

L’amélioration du pouvoir d’achat va également tirer vers le haut le développement de l’assurance. Un autre point mérite d’être souligné : l’Afrique manque de ressources humaines bien formées aux techniques de l’assurance. Il est donc impératif de développer ce levier qui est très important pour cette industrie.Mais cela n’empêche pas de dire que l’assurance en Afrique connait une véritable dynamique et évolue plus vite que la croissance économique.

F.N.H. : De nouveaux risques émergent aujourd’hui : cybercriminalité, produits connec-tés, terrorisme… Comment notre continent pour-ra-t-il se prémunir contre les nouveaux risques sachant qu’il éprouve des difficultés à faire face aux risques traditionnels ?

B. B. : Je l’ai dit dans mon allocution en faisant un clin d’œil au rendez-vous de Casablanca, puisque cette année, c’était la thématique. Dans mon allocution, je n’ai volontairement pas parlé de cybercriminalité, d’objets connectés… J’ai plutôt parlé de risques qui ne sont pas liés à un certain stade de développement, mais à des risques auxquels sont réellement exposés bon nombre de pays africains. Il s’agit essentiellement de ceux liés aux changements climatiques ou encore ceux liés à certaines pandémies. Il y a des solutions assurantielles pour ce type de risques. Le défi est par contre de mettre en place des couvertures accessibles aux individus et aux entreprises. Toutefois, quand vous posez la question aux individus sur leur besoin premier en matière de couverture, ils vous répondent en 1er lieu l’assurance santé et, dans une moindre mesure, la retraite. Dans ces pays, il faut essentiellement travailler les risques de base. ■

ENTRETIEN

g L’Organisation africaine des assurances (OAA) déploie depuis des années des efforts pour doter le marché africain de capacités supplémentaires afin de faire face à des risques consistants. Le point avec Bachir Baddou, président du comité d’organisation de l’OAA et DG de la FMSAR.

Bachir Baddou

«L’assurance en Afrique est en train de bouger»

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Du 11 mai 20169BOURSE & FINANCESPremier hebdomadaire de l’ information f inancière

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Finances News Hebdo : Aujourd’hui, l’OAA est à sa 43ème conférence; quel bilan d’étape relatif à son importance pouvez-vous dresser ?

Mohamed Larbi Nali : L’OAA est une asso-ciation professionnelle qui regroupe l’essentiel des opérateurs dans le secteur des assurances et de la réassurance. Elle compte en son sein la majorité des compagnies qui sont sur le continent africain. Il y a d’autres partenaires qui ont été crédités en tant que membres permanents. Le Maroc est l’un des pays fondateurs de cette organisation. Nous pouvons nous en féliciter, puisque deux des plus grandes conférences ou assemblées générales sont des plus réussies (celle de 1997 et celle d’aujourd’hui). Un bilan d’étape oui, parce qu’il s’agit d’une association qui a apporté beaucoup de coopération dans le sens où elle a facilité l’accès au marché pour des opéra-teurs qui sont plus à caractère général. Elle a permis

également de vulgariser un certain nombre de pro-duits d’assurance, puisque son objectif initial est de soutenir les marchés et de permettre un accès facile à la population. Cette organisation s’est beaucoup

intéressée à la micro-assurance, à l’assurance Vie ainsi qu’au cadre réglementaire. C’est une conférence qui permet annuellement de redécouvrir les marchés africains, mais également de les soutenir parce que chaque fois qu’il y a une conférence, les marchés se réorganisent. Ajoutons à cela l’existence des pools qui se caractérisent par la mobilisation des capacités financières des entreprises africaines d’assurances et qui se veulent un excellent amortisseur quand le mar-ché international ne répond pas, soit pour des raisons politiques ou autres. Je peux citer le Centre africain des risques catastrophiques (créé avec la Banque mondiale et la CNUCED), géré par la SCR, et dont le principal dessein est de permettre aux Etats et aux populations d’être conscients de l’importance d’avoir des systèmes d’indemnisation en cas d’inondations, de tremblements de terre…

F.N.H. : Quel rôle jouent les réassureurs afri-cains dans le cadre de l’organisation ?

L. L. N. : En fait, les réassureurs, de par la nature de leurs métiers à caractère international et régional, sont les acteurs pilotes de cette organisation. Ils font beau-coup d’affaires. L’implantation de grands groupes en Afrique font du Maroc un véritable hub financier sur le plan régional. Aussi, avec le projet Casa Finance City, le Maroc est sur le bon chemin pour devenir une plaque tournante du marché financier aussi bien marocain qu’africain.

F.N.H. : En cas de survenance d’un sinistre en Afrique, jusqu’à quel niveau les sinistrés peuvent-ils compter sur la réassurance dans le continent ?

L. L. N. : En matière de réassurance, il faut distin-guer entre les branches de masse à caractère local et celles à caractère international. A titre d’exemple, pour les assurances Vie, automobile, accidents de travail…, même les assureurs ont largement les capacités financières de les couvrir et nous avons très peu besoin de la réassurance.En deuxième lieu, il y a le réassureur africain. Je peux dire que le réassureur fait beaucoup d’efforts parce que nous avons des opérateurs de taille moyenne. Aujourd’hui, nous avons des réassureurs qui ont réalisé beaucoup de progrès, notamment la SCR, l’Africa Ré, la Cica Ré… Globalement, ces réassu-reurs peuvent répondre facilement à un sinistre qui va jusqu’à 400 millions de dollars ( c’est vrai, il ne s’agit pas d’une grande industrie). Ils peuvent répondre à 30 ou à 40% des gros risques, voire même à 100% des risques industriels moyens. ■

ENTRETIENS

g L’OAA s’est beaucoup intéressée à la micro-assurance, à l’assurance Vie ainsi qu’à la réglementation. De par leur rôle, les réassureurs jouent un rôle fondamental dans l’organisation. Mohamed Larbi Nali, Directeur général de la SCR, et vice-président du Comité Exécutif de l’OAA, nous éclaire sur le rôle des réassureurs.

«Les réassureurs africains peuvent répondre à 100% des risques industriels moyens»

Mohamed Larbi Nali

Finances News Hebdo : Pour quels objectifs a été créée l’OAA ?

Lamia Ben Mahmoud : L’OAA a vu le jour en 1972 dans l’objectif de créer un espace d’échanges d’expériences, d’affaires et de com-plémentarité entre les différentes entreprises d’assurances et de réassurance africaines.

F.N.H. : Quels sont les principaux écueils sur lesquels bute l’industrie africaine d’assurance ?

L.B.M. : L’industrie de l’assurance africaine souffre principalement d’un faible taux de péné-tration dans l’économie qui ne dépasse pas 2,7% pour tout le continent, et qui pour certains pays ne dépasse pas 1%. Cette faible pénétration est due à plusieurs facteurs, dont notamment l’igno-rance et le manque de communication et de sensibilisation sur l’importance des prestations d’assurances, la capacité financière limitée des compagnies d’assurances, le manque d’exper-tise dans des risques pointus, le pouvoir d’achat de certaines populations… Il y a plusieurs Afriques et un taux de pauvreté très important, d’où la nécessité d’adapter ces produits à ce type de clientèle, notamment la micro-assurance.

F.N.H. : Justement, face à l’ampleur des défis, jusqu’à quel degré pouvons-nous croire à l’effet OAA qui est aujourd’hui à sa 43 ème conférence ?

L.B.M. : Déjà, en matière de micro-assurance, cela fait quelques années que ce thème est inscrit à l’ordre du jour de l’Organisation. Il n’implique pas uniquement les professionnels, mais les régulateurs ou autorités de contrôle aussi, parce qu’il s’agit d’un domaine qui mérite d’être bien réglementé. Le secteur s’est ainsi doté d’un cadre réglemen-taire adapté et cela commence à donner les fruits escomptés. Il faut dire que l’effort est continu. ■

«Dans certains pays, le taux de pénétration ne dépasse pas 1%»

g Lamia Ben Mahmoud, présidente du CE de l’OAA, et PDG de Tunis Ré

Lamia Ben Mahmoud

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Du 11 mai 2016BOURSE & FINANCES10 Premier hebdomadaire de l’ information f inancière

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La Fédération nationale des agents et courtiers d’assurance au Maroc a fait de la circulaire

DAPS/IA/15/24 du 16 juillet 2015, la thématique-phare débattue en long et en large durant son team-building. Joindre l’utile à l’agréable est le moins que nous puissions dire, surtout que l’évènement s’est déroulé le temps d’un week-end, le 6 et 7 mai, dans la ville ocre Marrakech. Un lieu convivial et une tem-pérature idéale étaient réunis pour apaiser les tensions et lever le doute sur un dispositif qui n’en finit pas de susci-ter les appréhensions des uns et des autres. Une circulaire qui, d’après le président de la FNACAM, Khalid Aouzal, «crée beaucoup d’excitations» ou, mieux encore, un sentiment de frustration chez les concernés, à savoir les intermédiaires. La présence de l’Autorité de contrôle et de prévoyance sociale (ACAPS), des agents et courtiers d’assurance venus des quatre coins du Maroc et de quasiment toutes les com-pagnies d’assurances est la preuve tangible que l’applica-tion de la circulaire ne fait pas beaucoup d'heureux.

Pot de fer vs pot de terreLe président de l’ACAPS estime que cette circulaire ne doit pas être considérée comme une révolution dans le secteur et créer un tel tollé, dans la mesure où toutes les lois la réglementant sont contenues dans la décision du ministre des Finances relative au secteur, mais dont l’appli-cation a été ignorée jusqu’à présent, ou du moins jusqu’au 31 mars 2016. Et d’ajouter : «Le cas du reversement de la prime, après déduction de la commission par l’intermédiaire, devant se faire 15 jours suivant le mois d’encaissement, exis-tait auparavant dans le texte de loi et la circulaire ne fait que l’expliquer davantage». Le règlement fractionné via des chèques sur une longue période est strictement interdit par la loi, et est considéré comme un crime qui relève du pénal. A ce titre, Hassan Boubrik exhorte les râleurs à bien lire les textes de lois. «Un fait tout à fait inad-missible et très dangereux dans un secteur organisé», explique-t-il. L’entrée en application de cette circulaire vise avant tout la protection des intermédiaires. Il informe par ailleurs que le courtier ou agent souhaitant

accorder des facilités à son assuré est appelé à en informer sa compagnie d’assurances. Si cette dernière l’autorise à le faire moyennant un écrit, la responsabilité est donc assumée en cas de non-paiement. Autre point important soulevé par le président de l’ACAPS, celui de la ségrégation des avoirs des inter-médiaires (compte des commis-sions/comptes des primes). Il donne l’exemple de la Turquie et des Emirats Arabes Unis qui ont procédé à la séparation des comptes, et du coup se sont mieux organisés. «Il est temps de mettre un terme à quelques pratiques malsaines qui entachent la relation entre les compagnies d’assurances et les intermédiaires», tranche-t-il. Il qualifie d’ailleurs la rela-tion entre les deux partenaires

comme le pot de fer et le pot de terre. Il exige que des rap-prochements de comptes entre compagnies et intermédiaires soient faits au moins une fois tous les trois mois. «Ce n’est pas normal que les rapprochements des soldes n'aient jamais eu lieu pendant des durées allant jusqu’à 20 ans et parfois plus», s’alarme-t-il. La circulaire est entrée en application le 1er avril, mais les intermédiaires ne se sentent pas encore prêts pour son adoption, ou du moins ils n’ont pas eu le temps suffisant pour se préparer. Une argu-tie que rejette en bloc Hassan Boubrik qui explique que le pro-cessus a duré 4 ans, et 9 mois pour la préparation de son application.Bachir Baddou, Directeur géné-ral de la FMSAR, à son tour, n’y

va pas de main morte. Il rappelle aux intermédiaires que la circu-laire a pour objectif la protection des agents et courtiers d’assu-rance contre la problématique de non-paiement des chèques et à aucun moment de sa genèse, le but étaient de protéger les com-pagnies d’assurances. Il par-tage ainsi la réflexion de Hassan Boubrik du pot de fer contre le pot de terre. Aussi, les informe-t-il, libeller les chèques au nom de la compagnie d’assurances est un moyen de les couvrir. Une procédure que la plupart d’entre eux refusent catégoriquement, estimant par là que les compa-gnies d’assurances veulent le beurre et l’argent du beurre. Ils arguent le fait que parfois ils ne sont même pas au courant si le chèque a été encaissé et ne perçoivent donc pas leurs com-missions à temps. Les foudres de la salle n’ont pas empêché pour autant le DG de la FMSAR de leur clarifier la circulaire, les invitant tous à la respecter pour éviter les avantages concurren-tiels, en les informant que l’Au-torité de contrôle, comme son nom l’indique, ne lésinera pas sur les moyens pour s’assurer de la conformité à la circulaire en question.Une chose est cependant sûre : les intermédiaires ne sont pas encore prêts à appliquer la cir-culaire et l’Autorité de contrôle est intransigeante sur son appli-cation, sachant que tout ce qui se pratiquait auparavant est dangereux et contraire à la loi. Toujours est-il que pour éviter la casse (surtout des petits), des mesures d’accompagnement doivent être mises en place. ■

La circulaire DAPS/IA/15/24 du 16 juillet 2015 continue à attiser la colère des intermédiaires en assurance. Un peu plus d’un mois après son entrée en vigueur, les agents et courtiers d’assurance éprouvent des diffi-cultés à s’y conformer. L’ACAPS est intransigeante parce que sa non-application y va de leur survie, rappe-lant que tout ce qu’ils pratiquaient auparavant, était strictement interdit par la loi. Détails.

La conformité à la circulaire se fait dans la douleur

Compagnies d’assurances/ Intermédiaires

Encaissement des primes : Une prochaine circulaire sur les provisions au mois de juin Hassan Boubrik, président de l’ACAPS, a informé de la non-obligation de provisionner les créances anté-rieures au 1er avril 2016, par les compagnies d’assurances sur les assurés et/ou les intermédiaires. Le leitmotiv est de stopper l’hémorragie des impayés. Le non-provisionnement est toutefois conditionné par l’élaboration d’un protocole d’accord traitant de l’apurement des arriérés entre intermédiaires et compa-gnies d’assurances. Une période de 10 mois leur est accordée pour faire le rapprochement des comptes. Tant que le protocole est respecté dans ses échéances, l’autorité de contrôle ne va pas exiger des com-pagnies d’assurances de provisionner. Le cas échéant, elles seront dans l’obligation de le faire. Il informe, par ailleurs, de la publication au mois de juin d’une circulaire qui régira le provisionnement des créances, tout en les mettant en garde de l’obligation de se conformer à la loi.

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Du 11 mai 201611BOURSE & FINANCESPremier hebdomadaire de l’ information f inancière

Finances News Hebdo : En dépit de son entrée en application, la circulaire DAPS/IA/15/24 du 16 juillet 2015 continue à diviser la profession des intermédiaires en assurance. Vous, en tant que président de la FNACAM, quelle est votre lecture des retombées de ladite circulaire sur la profession ou sur le secteur des assurances en général ?

Khalid Aouzal : Je pense que la situation d’encais-sement des primes était très alarmante et qu’il fallait obligatoirement mettre de l’ordre au sein de la pro-fession. Cette circulaire a beaucoup d’avantages, mais présente également un certain nombre d’inconvénients. C’est pour cette raison que nous avons demandé à nos confrères de nous remonter au fur et à mesure les diffi-cultés qu’ils rencontrent lors de son application.Je pense que cette circulaire va dans l’intérêt du petit agent et du petit courtier parce qu’elle leur permettra d’encaisser plus rapidement qu’auparavant. Il y aura peut-être de la casse, nous ne le savons pas encore, mais nous préférons avoir quelques mois d’expérience pour revenir vers la nouvelle autorité des assurances, l’ACAPS, et la FMSAR pour voir s’il y a lieu de retoucher cette circulaire.

F.N.H. : A en croire les courtiers et les agents, l’entrée en vigueur de la circulaire a été faite dans la précipitation et, du coup, ils n’ont pas eu

assez de temps pour se préparer. Etes-vous du même avis ?

Kh. A. : Je ne veux jeter la pierre à personne. Depuis le mois de juillet 2015, nous avons communiqué cette circulaire à l’ensemble des adhérents de la FNACAM et même à certains agents et courtiers non-adhérents. Il y a eu une campagne de communication qui a débuté, certes tard, fin février-début mars. Je considère qu’elle a été timide et j’en ai d’ailleurs fait part aux personnes responsables à la FMSAR afin de la multiplier auprès du grand public. Je pense qu’avant le renouvellement du 1er juillet, d’autres rappels seront faits à ce niveau.

F.N.H. : Un peu plus d’un mois après l’entrée en application de la circulaire, quels sont les vrais problèmes rencontrés par les agents et courtiers ?

Kh. A. : Monsieur tout le monde. Monsieur tout le monde est habitué à tout acheter à crédit. Aujourd’hui, réclamer au citoyen lambda de payer au comptant la prime d’assu-rance, s’avère difficile et aux antipodes de ses habitudes.

F.N.H. : Quelle est votre appréciation sur le non-provisionnement des impayés proposé par le président de l’ACAPS ? Est-ce vraiment une issue à cette problématique ?

Kh. A. : Il s’agit d’une situation qui concerne les compagnies d’assurances qui, normalement, doivent

provisionner les créances qu’elles ont sur les assurés et ou sur les intermédiaires. Hassan Boubrik a proposé le non-provisionnement des créances antérieures au 31/ 03 /2016 pour stopper l’hémorragie. En ce qui concerne les créances nées avant cette date, l’ACAPS va accepter l’existence d’un protocole entre intermédiaires et com-pagnies d'assurances pour permettre un échelonnement des dettes. Tant que le protocole est respecté dans ses échéances, l’autorité de contrôle ne va pas exiger des compagnies d’assurances de provisionner. Le ces échéant, elles seront dans l’obligation de le faire. ■

ENTRETIEN

g La circulaire DAPS /IA/15/24 dérange à plus d’un titre les intermé-diaires qui n’ont pas dissimulé leur mécontentement durant la ren-contre annuelle de la Fédération nationale des agents et courtiers d’assurance au Maroc (FNACAM). D'un ton plus ou moins rassurant, son président, Khalid Aouzal, nous livre ses propos.

Khalid Aouzal

«La circulaire a beaucoup d’avantages, mais présente un certain nombre d’inconvénients»

TÉMOIGNAGES

g Hicham El Khadar, du Bureau régional de l’UMAC de Rabat et vice-président de l’Amicale Zurich

g Assureur souhaitant garder l’anonymat

«Pas de prime, pas de couverture»«Les intermédiaires ont eu 9 mois pour se préparer»

■ Que pensez-vous des intermédiaires qui prétendent que la présente circulaire signe leur mort ?

Ce que je peux dire, c’est que 80% des agents ne sont pas du tout d’accord avec l’application de la circulaire. Aujourd’hui, la question est de savoir si : le solde des impayés émane-t-il des clients ou des intermédiaires ? Lorsque la circulaire a été publiée, la défunte DAPS a fait l’autruche tout en minimisant les retombées. Si les intermédiaires font la rétention des primes, il y a le recours au procureur du Roi pour régler le problème. Si les primes ne sont pas payées par les assurés, il y a une procé-dure tout à fait normale dont a parlé le président de l’ACAPS, mais qu’il ne souhaite pas appliquer. A savoir, pas de prime, pas de couverture. Comme dans tous les pays du monde, celui qui n’a pas payé sa prime ne bénéficiera pas de la couverture. J’estime qu’il y a une fuite en avant et l’ACAPS ne veut pas regarder le problème tel qu’il se présente réellement parce qu’elle a peur que les citoyens commencent à circuler sans souscrire de polices d’assurance. Mais elle ne se soucie guère des intermédiaires. ■

■ Les intermédiaires ne se sentent pas prêts parce que l’application de la circulaire a été faite dans la précipitation. Etes-vous du même avis ?

«Je ne pense pas que l’application de la circulaire a été faite dans la précipitation parce que nous l’avons bien étudiée pendant une période de six mois avant sa parution. Nous avons tenu plusieurs réunions avec l’ACAPS, la FMSAR et la FNACAM qui, faut-il le rappeler, a participé activement aux débats. La circulaire est sortie au mois de juillet 2015 pour être appliquée au mois d’avril 2016. Il s’agit de neuf mois pour se préparer, et donc je ne suis pas d’accord avec ceux qui considèrent que son application a été faite dans la précipitation. En ce qui concerne l’impact de la circulaire, bien qu’il soit prématuré de tirer des conclusions, je peux dire que nous avons fait ce mois-ci un meilleur encaissement par rapport à la même période de l’année 2015. Certes, nous avons perdu quelques clients chez les différents points de vente, mais en termes de primes, nous avons un encaissement qui est supérieur à la même période que l’année précédente. ■