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  • Institut de Formation en Ergothrapie de Rennes

    Lergothrapie

    en Unit pour Malades Difficiles

    Un vecteur dintgration dhabilets sociales ?

    En vue de lobtention de Diplme dEtat dErgothrapeute

    BOURGIN Elise

    Juin 2010

  • LHomme est un animal social

    Aristote

    Les murs sont en eux mmes thrapeutiques sinon il ny aurait pas de maisons

    Bernard Guiter

  • Je tiens remercier dans le cadre de llaboration de ce mmoire :

    Jean-Philippe GUIHARD, mon maitre de mmoire, pour mavoir guid avec patience et

    humour

    Toute lquipe de lUnit pour Malades Difficiles de Cadillac pour son accompagnement lors

    de mes recherches sur le terrain

    Ma famille pour ses encouragements et relectures

    Mes amis pour leur soutien et leur patience

  • SOMMAIRE

    I. INTRODUCTION..................................................................................................................... 1

    II. LUNITE POUR MALADES DIFFICILES ....................................................................................... 3

    1. LUNITE POUR MALADES DIFFICILES, UN MILIEU DENFERMEMENT ........................................................ 3

    2. LUNITE POUR MALADES DIFFICILES, UN LIEU DENFERMEMENT THERAPEUTIQUE ! .................................. 6

    3. POPULATION ................................................................................................................................... 8

    a. Origine ..................................................................................................................................... 8

    b. Pathologies .............................................................................................................................. 9

    4. LES OBJECTIFS DE LUMD .................................................................................................................. 9

    III. LERGOTHERAPIE ............................................................................................................. 12

    1. LERGOTHERAPIE AU SEIN DUNE SOCIETE ........................................................................................... 12

    2. LERGOTHERAPIE EN UMD .............................................................................................................. 12

    a. Mettre en place un espace transitionnel o lobjet est un mdiateur la relation .............. 13

    b. Travailler des objectifs travers une mise en activit ........................................................... 15

    IV. UN OBJECTIF DE LERGOTHERAPIE : LOUVERTURE A LAUTRE, AVEC LAUTRE ................... 17

    1. LES LOIS SOCIALES .......................................................................................................................... 17

    2. LE PROCESSUS DE PARTAGE DES CONNAISSANCES ................................................................................. 18

    3. LE PARTAGE DHABILETES SOCIALES LORS DUNE ACTIVITE ERGOTHERAPIQUE ............................................ 20

    V. PATHOLOGIE ....................................................................................................................... 22

    1. LES DIFFERENTS MECANISMES DE LA PSYCHOSE.................................................................................... 22

    2. LA SCHIZOPHRENIE, UNE ALTERATION DE LA RELATION ....................................................................... 23

    3. POUVANT ENGENDRER DES RELATIONS INEFFICACES .......................................................................... 25

    VI. METHODOLOGIE ............................................................................................................. 27

    1. LA MISE EN PLACE DE LETUDE DE CAS ................................................................................................ 27

    a. Critres retenus ..................................................................................................................... 27

    b. Le guide dobservation .......................................................................................................... 28

    2. ANALYSE DE LETUDE DE CAS ............................................................................................................ 29

    a. Prsentation de Mr X ............................................................................................................. 29

    b. Prise en charge en ergothrapie ............................................................................................ 31

    c. Lactivit cuir : un vecteur dintgration dhabilets sociales ? ............................................. 37

    3. SYNTHESE DE LANALYSE .................................................................................................................. 42

  • 4. DEVELOPPEMENT PROFESSIONNEL .................................................................................................... 44

    a. Limites de la mthode ........................................................................................................... 44

    b. Apports professionnels .......................................................................................................... 44

    CONCLUSION .............................................................................................................................. 46

    LEXIQUE ..................................................................................................................................... 50

    BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................... 51

    ANNEXES....................................................................................................................................... I

  • 1

    I. INTRODUCTION

    Lunit pour malades difficiles : de lextrieur des grands murs qui enferment,

    lintrieur des malades psychiatriques en grande souffrance qui peuvent tre dangereux

    pour les autres et pour eux mme. Une profession : lergothrapie qui a pour fonction de

    donner la possibilit de devenir autonome et indpendant avec son handicap. Une

    pathologie : la schizophrnie qui modifie la perception du sujet du monde qui lentoure pour

    y mler une no-ralit.

    Lindpendance et lautonomie, un fondement du mtier dergothrapeute. Mais quand il y a

    un enfermement entre quatre murs, que peut-on mettre en place comme rducation et

    comme compensations ? Voila do je suis partie pour ce mmoire. Mintressant au dpart

    au travail de lergothrapeute dans le milieu carcral auprs de malades psychiatriques, jai

    ax mes recherches sur le travail de lergothrapeute en Unit pour Malades Difficiles (UMD)

    car cela me semblait sensiblement identique. Ce qui, et jinsiste sur ce point, sest rvl

    comme une belle erreur.

    LUMD mintriguait. Les mdias ont beaucoup parl de ces tablissements ces dernires

    annes, les meurtres de schizophrnes sont dactualit Comment ne pas frmir lcoute

    de faits macabres et la vue dimages accablantes le tout envelopp dune petite musique

    angoissante ? Les journalistes font surement bien leur travail mais beaucoup font des

    raccourcis.

    Il y a 5 units pour malades difficiles sur le territoire Franais. Les pathologies y sont

    complexes, les problmatiques nombreuses. A la vue de ces tablissements dans les

    reportages je me suis demande si ces hauts murs taient bien utiles pour du soin, sils

    ntaient pas une source de souffrance Et puis, quel rle a lergothrapeute dans un lieu

    ferm o la scurit est trs leve ? A-t-il les moyens pour agir ? Et agir sur quoi ?

    Aprs de nombreuses recherches je me suis rendue compte que lhospitalisation en UMD

    tait, oui, un enfermement mais un enfermement thrapeutique . Un des objectifs tant :

    rinsrer le malade dans une loi humaine et sociale1 je me suis interroge : Comment

    peut-on vouloir rinsrer quelquun dans une socit alors quil est enferm ? Jai compris

    travers mon exprience de stage lUnit pour Malades Difficiles de Cadillac que lUMD

    navait pas la prtention de vouloir faire acqurir une loi que lon peut appeler socitale 1 ROTH E-M et HEITZMANN. E., Les ateliers dergothrapie dans un service psychiatrique ferm (Unit pour malades difficiles) in Travailler, dition Martin Media, janvier 2008, n 19, p.81-102

  • 2

    mais plutt de sensibiliser le malade des codes sociaux pour quil puisse les utiliser: les

    habilets sociales ou comptences sociales. Pour restreindre mon sujet, jai tudi une

    pathologie particulire prsente en UMD et qui me semblait bien correspondre avec le thme

    des habilets sociales : la schizophrnie.

    Et lergothrapeute dans tout cela ? Lactivit est son mdiateur de relation, de travail et

    lUMD, les ateliers thrapeutiques ont une place importante dans la prise en charge dun

    patient. Je me suis alors interroge : Comment lergothrapeute peut il accompagner un

    patient schizophrne difficile se rinsrer dans une loi sociale ?

    Pour rpondre cette question je vais dans une premire partie thorique prsenter tout

    dabord lUnit pour Malade Difficile en dcrivant laspect de lenfermement, le soin qui y est

    apport et les objectifs de ltablissement. Je parlerai ensuite de lergothrapie et de son rle

    dans cet tablissement ferm. Dans un troisime temps je dcrierai un des objectifs de

    lUMD et donc de lergothrapeute : la rinsertion du malade dans une loi sociale. A ce

    moment l, pour comprendre comment lergothrapeute peut aider un patient intgrer des

    habilets sociales je me suis appuyer sur une thorie qui me semblait intressante : le

    processus de partage des connaissances dIkujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi. Enfin je

    finirai cette partie en parlant de la schizophrnie et donnerai mon hypothse.

    Dans une deuxime partie je prsenterai le cas de Mr X, patient hbodophrne, suivit lors

    de mon stage lUMD de Cadillac. Janalyserai ses comportements lors de sa vie au

    pavillon, en atelier thrapeutique et lors dune mise en activit ergothrapique. Mes

    conclusions me permettront daffirmer ou infirmer mon hypothse et de me projeter en tant

    que professionnel.

  • 3

    II. LUNITE POUR MALADES DIFFICILES

    Les units pour malades difficiles (UMD) sont encore mal connues. On en parle brivement

    dans les mdias lors de fugues ou de passages lacte qui ncessitent une

    hospitalisation en UMD. La socit y associe alors les mots de fous dangereux , de

    psychopathes fugitifs, de schizophrnes tueurs . Elle voit lUMD comme une prison

    psychiatrique qui punie et qui parque ces fous . A telle raison ?

    Il ny a que 5 units pour malades difficiles en France (Villejuif, cr en 1910, Montfavet en

    1947, Sarreguemines en 1957, Cadillac en 1963 et Plouguernvel en 2008). Cela explique

    peut tre pourquoi ces tablissements sont si mal connus. Ils sont dfinis par larrt du 14

    octobre 1986 comme des services psychiatriques spcialiss accueillant des patients

    malades psychiatriques. Larrt prcise ce titre que les patients relevant dune unit

    pour malades difficiles doivent prsenter pour autrui un danger tel quils ncessitent des

    protocoles thrapeutiques intensifs adapts et des mesures de sret particulires, mis en

    uvre dans une unit spcialement organise cet effet 2.

    Vu de lextrieur lUMD fait peur. Les hauts murs et les barreaux laissent celui qui sen

    approche le loisir de simaginer les pires scnarios. Je suis moi-mme partie sur ce mmoire

    avec beaucoup dides reues, avec le sentiment rvolt que lUMD tait dabord un lieu

    denfermement avant dtre un tablissement de soin et que ces murs ne pouvaient qutre

    ngatifs et punitifs. Jillustrerai mes premires recherches thoriques par mes observations

    sur le terrain et des cas de patients de mon stage lUMD de Cadillac.

    1. LUnit pour Malades Difficiles, un milieu denfermement

    Lenfermement a une connotation ngative pour beaucoup. Dans ma rflexion, jai dailleurs

    dans un premier temps compar les murs aux membres paralyss dune personne

    handicape. Ce mot rsonnait en moi dune manire pjorative, je me suis indigne contre

    ces murs avant de me rendre compte que la notion denfermement tait un terme bien plus

    vaste que ce que je pensais. De lenfermement entre les murs, lenfermement dans son

    corps ou dans sa tte, de lenfermement subit lenfermement voulu, de lenfermement pour

    protger ou pour punir. Tant de notions diffrentes de lenfermement que je vais essayer de

    dfinir ici.

    2 Cf. Annexe I, p.II, arrt du 14 octobre 1986

  • 4

    Daprs le Grand Robert3, Lenfermement regroupe deux tats. Il peut tre le fait dtre

    enferm ou de faire enfermer, ainsi une personne peut subir un enfermement ou senfermer

    volontairement.

    Alors que signifie le mot enfermer ?

    Etymologiquement, enfermer vient du mot en- et fermer . Le premier sens de ce mot

    est lenfermement subi : Mettre, en gnral de force, (qqn) en un lieu d'o il est impossible

    de sortir . Le lieu peut tre alors une pice, une maison, une prison ou une cage pour un

    animal. Lunit pour malades difficiles est aussi un lieu denfermement. Si je dcortique cette

    dfinition, il ny a pas le moindre doute.

    Les patients hospitaliss en UMD sont sous hospitalisations doffice (HO). Ce mode

    dhospitalisation est ralis sous la contrainte on met un patient de force lUMD. Cest la

    plus lourde des hospitalisations et elle est donc trs rglemente. La loi du 27 juin 1990

    stipule ainsi que lhospitalisation doffice est un placement administratif qui nest envisag

    que pour des personnes dont les troubles mentaux compromettent lordre publique ou la

    suret des personnes. Et suivant larticle L.3213-1 du code de la sant publique,

    lhospitalisation doffice est prononce par les reprsentants de l'tat par arrt, au vu d'un

    certificat mdical circonstanci de plus le certificat mdical circonstanci ne peut maner

    d'un psychiatre exerant dans l'tablissement accueillant le malade. Les arrts prfectoraux

    sont motivs et noncent avec prcision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation

    ncessaire. Ensuite, en cours dhospitalisation, un premier certificat mdical faisant ltat

    de la personne doit tre rdig dans les 24h par un psychiatre du centre et envoy au prfet

    et la Commission Dpartementale des Hospitalisations Psychiatriques (CDHP). Des envois

    rguliers de certificats montreront lvolution de la maladie du patient hospitalis.

    Les patients sont ainsi hospitaliss sous contrainte dans un tablissement do il leur est

    impossible de sortir deux mme. LUMD de Cadillac a dailleurs t inaugure en 1963

    avec comme but premier jusquen 1986 : la scurit. Larchitecture en est la preuve. Deux

    sas de scurit permettent de rentrer dans ltablissement, lui-mme doublement cloisonn

    par un grand mur et un grillage. Le docteur Lachaud explique que lUMD de Villejuif avait

    historiquement des sauts de loup mais tant considrs comme un traitement

    inhumain ils ont t remplac par des grillages ajours 4.

    3 Le Grand Robert 2005 4 MESSAGER. D., Reportage diffus sur France inter, 4/02/2010

  • 5

    A lintrieur de lUMD de Cadillac5, quatre units sont implantes autour dune place centrale,

    elles sont appeles lunit Claude, lunit Henry hey, lunit Moreau et lunit Minkowski.

    Chacune accueille 19 patients. Une 5me unit est mise lcart, cest le pavillon

    Clrambault qui a 10 lits et accueille plus particulirement des personnes psychotiques

    dficitaires avec des troubles majeurs du comportement. Toutes les portes des units sont

    fermes, le patient est donc entour de murs et ne peut pas sortir de son pavillon sans tre

    accompagn. La vie de tous les jours est rythme strictement par les infirmiers et les

    patients sont au courant des rgles de vie du pavillon. Chaque soignant possde un

    exemplaire de la clef ouvrant toutes les portes et un systme dalarme fix la ceinture qui

    lui permet, sil se sent en danger, de demander du renfort. De plus, chaque pavillon possde

    3 ou 4 chambres disolement qui permettent de mettre au calme un patient quand il est trop

    dispers ou quand il a dpass les limites poses.

    Par le mot enfermer on peut aussi parler de mettre et placer quelque chose dans un lieu

    clos pour le ranger, le retrouver ou le protger 6, comme de largent dans un coffre par

    exemple. Lhpital psychiatrique a eu cet objectif, c'est--dire de protger le fou des

    bourgeois drangs par le fou qui drange 7. Concernant LUMD, elle permet de protger la

    socit contre le malade mais aussi de protger le malade contre lui-mme.

    Oui lUMD peut tre qualifie de lieu denfermement . Le malade psychiatrique y est

    hospitalis de force, entour par des murs et il ne peut pas en sortir de lui-mme.

    Nous avons parl de lhospitalisation doffice , le mot office se rapporte

    lenfermement et le mot hospitalisation que veut-il dire ?

    Lhospitalisation doffice se fait dans un tablissement de soin psychiatrique, lhpital

    psychiatrique du secteur dans des units fermes ou comme ici en units pour malades

    difficiles. Je vais montrer maintenant que derrire ces murs lobjectif principal est le soin et

    non la peine. Que ces murs sont utiles dans la prise en charge et quils peuvent tre vcus

    comme scurisant pour le patient.

    5 Cf., Annexe II, p.VI, plan de lUMD de Cadillac 6 Ibid. p.4 7 GUITER.B, L'enfermement, VST - Vie sociale et traitements 1/2001 (no 69), p. 25-28.

  • 6

    2. LUnit pour Malades Difficiles, un lieu denfermement

    thrapeutique !

    Alors quon parle de scurit indispensable cest le soin, encore et toujours le soin qui est

    mis en avant 8

    Je pense que Goffman9 parlerait de lUMD comme un type dinstitution totalitaire et dirait

    quelle accapare une part du temps et des intrts de ceux qui en font partie et leur

    procure une sorte dunivers spcifique qui tend les envelopper. Ainsi il classerait peut

    tre lUMD dans le 2me type dtablissement quil dcrit dans Asiles c'est--dire un

    tablissement dont la fonction est de prendre en charge les personnes juges la fois

    incapables de soccuper delles-mmes et dangereuses pour la communaut, mme si cette

    nocivit est involontaire.

    Quel est cet univers spcifique dont parle Goffman et quels sont les protocoles

    thrapeutiques intensifs adapts que jai cit plus haut en faisant rfrence larrt du 14

    octobre 1986 ?10 Sont-ils quivalent ce qui est mis en place en prison ? Non, et jinsisterai

    bien sur ce point car lUMD traine trop souvent une tiquette de milieu carcral . En effet

    malgr les murs, les serrures et le fait que lUMD apparait comme un lieu dexclusion pour

    une spcialit mdicale11, elle ne peut pas tre compare une prison. Mme si certains

    patients peuvent tre des dtenus, le but de lUMD est le soin et non la punition, il ny a pas

    de rdemption en sortant.

    Lunit pour malades difficiles est un lieu de soins intensifs en psychiatrie. Intensifs par le

    nombre important du personnel soignant qualifi, des thrapeutes et des moyens utiliss. Au

    sein de lUMD de Cadillac il y a 3 praticiens hospitalier, 1,25 internes, 104 infirmiers (1 pour 6

    patients le jour, 1 pour 10 la nuit), 21 aides soignants ainsi quune quipe thrapeutique

    importante.12

    La prise en charge dun patient est ponctue rgulirement par des entretiens avec le

    mdecin et les infirmiers rfrents. Le mdecin va mettre en place des traitements

    mdicamenteux qui se veulent les plus adapts possible, il les change dailleurs 8 Op. cit (p.4) MESSAGER 9 GOFFMAN.E, Asiles, tudes sur la condition sociale des malades mentaux, Les ditions de minuit, 1990, p.45-46 10 Cf. p.3 11 LAVOINE. P-L., Le malade mental dangereux - Etude clinique, Hospitalires, 1998, p.60 12 Dr LE BIHAN, Place des Units pour Malades Difficiles dans le dispositif de soin, DIU psychiatrie criminelle et mdico-lgale, Poitiers, 10/01/2008

  • 7

    rgulirement pour trouver ceux qui seront les plus adquats. Les patients pourront aussi

    avoir accs une lctroconvulsivothrapie13 et tre suivis par une assistante sociale et un

    psychologue.

    En plus dun traitement mdicamenteux et dun suivi au jour le jour par lquipe soignante au

    sein du pavillon, le patient aura accs, sous prescription mdicale, des ateliers

    thrapeutiques. Ces ateliers ont vu le jour lUMD de Cadillac ds 1993 et les patients y

    sont pris en charge aujourdhui par trois ergothrapeutes, deux psychomotriciennes, un

    ducateur spcialis, un animateur sportif, un art thrapeute et un kinsithrapeute. Cette

    quipe pluridisciplinaire propose un panel trs important dactivits telles que les activits

    cuir, poterie, vannerie, marqueterie, mosaque et jardin encadres par les ergothrapeutes,

    lactivit veil encadre par lducateur spcialis qui propose une remise niveau

    scolaire, un travail sur informatique, des jeux ducatifs ou le visionnage de reportages. Il y a

    aussi de la psychomotricit, du sport, de lart-thrapie, une demi-journe chanson par groupe

    de 12 patients, de la musico-thrapie en un groupe ferm de 4 patients sur 10 sances et

    une demi-journe mimes avec 5 patients.

    Un musicien professionnel, un enseignant de Tai Chi Chuan et une enseignante de yoga

    interviennent aussi au sein de ltablissement. Pour finir les infirmiers ont mont ce quils

    appellent le doc bidule un atelier de cration auquel les patients peuvent avoir accs

    sur demande les week-ends et hors sances thrapeutiques.

    Alors oui, vu tous les moyens prsents je pense que lon peut parler pour lUMD

    denfermement thrapeutique. Mais le mot denfermement nest pas prendre la lgre car

    il faut bien comprendre, comme le dit Stphan Hendrick, que Lenfermement dun tre

    humain, quelle quen soit la justification, est quelque chose de violent. Ceci nest pas un

    jugement de valeur mais un constat. 14 Mais un enfermement nest pas anti thrapeutique et

    je cite : Le psychopathe y trouve la frontire entre le principe de plaisir et celui de la ralit

    ; le paranoaque y trouve une conomie gracieuse : protg et emmur, il na plus peur et il a

    lalibi perscutoire. Le schizophrne y vient collecter les clats conceptuels de sa

    dissociation. Les murs sont en eux mmes thrapeutiques sinon il ny aurait pas de

    maisons. 15

    13 Cf. Lexique lctroconvulsivothrapie

    14 HENDRICK. S, Le contexte de l'hospitalisation sous contrainte de patients psychotiques, Cahiers critiques de thrapie familiale et de pratiques de rseaux, 1/2001 (no 26), p. 79-108. 15 Op.cit.(p.5), GUITER

  • 8

    LUMD est donc un milieu denfermement thrapeutique, mais pour soigner qui ?

    3. Population

    Qui sont ses patients hospitaliss en UMD ? Do viennent-ils ? Quelle est leur

    problmatique ?

    a. Origine

    Les patients sont atteints dune maladie psychiatrique et peuvent venir de diffrents

    endroits :

    - Il y a ceux qui viennent des hpitaux psychiatriques de secteur, que lon entend

    souvent appeler perturbateurs de service . Ces patients viennent lUMD la

    suite de menaces, de violences verbales et/ou gestuelles sur des patients ou

    soignants. Les quipes nayant pas les moyens ni les effectifs ncessaires pour faire

    face cet tat dagitation extrme peuvent demander une place en UMD. En 2008

    70% des patients lUMD de Cadillac relvent de cette catgorie.

    - Il y a aussi ceux qui ont bnfici dun non lieu aprs un acte mdico-lgal. Le patient

    est jug irresponsable car il tait atteint, au moment des faits, d'un trouble

    psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrle de ses

    actes 16. En 2008 ils reprsentent 20% des patients de lUMD de Cadillac.

    - Plus rarement il y a des dtenus en cours de peine qui ont donc t jugs

    responsables. (en application de larticle D398 du code de procdure pnal17).

    Souvent la peine tient compte du fait que la maladie psychiatrique du dtenu a

    altr son discernement ou le contrle de ses actes 18 Il y a 5 lits prvus cet effet

    lUMD de Cadillac pour 86 patients.

    16 Article 122-1 du code pnal

    17 Les dtenus atteints des troubles mentaux viss larticle L. 342 du code de la sant publique ne peuvent tre maintenus dans un tablissement pnitentiaire. Au vu dun certificat mdical circonstanci et conformment la lgislation en vigueur, il appartient lautorit prfectorale de faire procder, dans les meilleurs dlais, leur hospitalisation doffice dans un tablissement de sant habilit au titre de larticle L. 331 du code de la sant publique. (art D398 du code procdure pnal)

    18 Article 122-1 du code pnal

  • 9

    b. Pathologies

    Il est noter que la population des malades a chang depuis les annes 70 et la cration

    des Services mdico-psychologiques rgionaux19 (SMPR) qui ont pour mission dassurer la

    prvention et la prise en charge des soins psychiatriques en milieu carcral. En 2008, le Dr

    Le Bihan20 parle, suivant la classification CIM 1021 de 58% de schizophrnies, troubles

    schizotypiques et dlirants, 23% de troubles de la personnalit, 10% de troubles

    envahissants du dveloppement, 6% de retard mental, 4% de troubles mentaux organiques,

    3% de troubles lis des substances psychoactives et 2% de troubles de la prfrence

    sexuelle. Pour faire plus simple on peut dire quil y a principalement des patients ayant des

    troubles psychotiques, des troubles psychopathiques et des troubles de perversion.

    Ainsi, les patients prsents lUMD sont en grande souffrance. Certains sont dans la toute

    puissance, intrusifs ou paranoaques, dautres sont dpressifs, impulsifs ou clats. Mr O,

    hospitalis lUMD de Cadillac, interprte tous les regards et paroles contre lui, Mr S est

    tellement parasit quil ne peut pas tenir plus de 5 minutes sur une activit et Mr F dpasse

    les limites constamment pour alimenter son plaisir. Les problmatiques sont nombreuses, les

    patients ont souvent un long pass psychiatrique derrire eux et certains sont lourdement

    affaiblis intellectuellement et physiquement par la maladie.

    Je me demande alors quels sont les objectifs de lUMD. Devant de telles problmatiques,

    quelles sont ses priorits ?

    4. Les objectifs de lUMD

    La liste dattente est longue pour avoir des places lUMD, une quipe dun hpital de

    secteur peut alors attendre plusieurs mois avant que le patient en question soit hospitalis.

    Ce phnomne amne souvent une mise en isolement longue donnant une place dexclu

    au patient et brisant toute confiance avec les thrapeutes. En effet les traumatismes

    physiques et psychiques secondaires une agression provoquent une contre attitude 22de

    la part du soignant et du patient. Larrive en UMD par les sas de scurit, au sein de ces

    hauts murs peut aussi tre vcue difficilement par le patient qui a lui-mme des troubles du

    19 Voir lexique SMPR 20 Op.cit.(p.6), Dr LE BIHAN, 21 CIM 10 : 10me rvision de la Classification internationale des maladies, publie par l'Organisation mondiale de la sant 22 LAVOINE. P-L., Le malade mental dangereux- Etude clinique, Hospitalires, 1998, p.59

  • 10

    comportement et du discernement absolument considrables23. Un gros travail va devoir

    dbuter avec lquipe soignante de lUMD, centr sur la parole et le bien tre. A lUMD de

    Cadillac, une priode disolement de quelques jours donne la possibilit au patient de

    prendre un bain et de se soigner corporellement accompagn par un infirmier. Des

    entretiens avec deux infirmiers rfrents et le mdecin permettent dobserver le patient et

    dtablir un premier lien, en douceur. Le patient va pouvoir ensuite, plus ou moins

    rapidement suivant son tat psychique, faire connaissance avec les autres patients et tre

    intgr au sein de son pavillon. Un projet thrapeutique peut alors tre mis en place suivant

    la problmatique du patient.

    Pour mieux comprendre les objectifs de lUMD, je me suis appuye sur les crits des

    docteurs Eve-Marie Roth et Edmond Heitzmann24 . Ils dfinissent ainsi trois objectifs

    lUMD :

    - Essayer de rintgrer le patient dans lordre dune loi de vie humaine et dune loi

    sociale et non pas dune loi du plus fort.

    - Assurer un contenant psychique et matriel pour des patients souffrant dun vcu

    de dissociation, dclatement ou dinflation du moi.

    - Faire acqurir des rgles de vie lmentaires des patients immatures ou

    dstructurs.

    La prise en charge varie bien sr suivant le patient, sa pathologie et son histoire de vie.

    Pour mon mmoire, je me suis intresse plus prcisment au premier objectif dcrit ici. Et

    je me suis demander comment lUMD peut-elle rintgrer le patient dans une loi

    sociale ? Pour viter toute ambigit, je prcise qu la diffrence des hpitaux

    psychiatriques de secteurs qui sont plus axs sur la rinsertion sociale au sein dune

    socit, lUMD travaille, en amont, sur les lois de relations sociales et non socitales . Je

    dvelopperai ce principe plus tard25.

    En fait, on peut parler de lUMD comme dun passage dans une vie. Cest une rupture avec

    le reste du monde qui dure en moyenne 12 mois (on ne parle pas ici des rares qui y restent

    des annes voire toute leur vie) et qui permet au patient de se restructurer au maximum et

    23 Dr LACHAUD, chef de ple lUMD de Villejuif dans : Messager. D., Reportage diffus sur France inter, 4/02/2010 24 ROTH E-M et HEITZMANN. E., Les ateliers dergothrapie dans un service psychiatrique ferm (Unit pour malades difficiles) in Travailler, dition Martin Media, janvier 2008, n 19, p.81-102 25 Partie III-1)

  • 11

    de se stabiliser assez pour retourner dans son hpital dorigine sans tre dangereux pour

    autrui. LUMD souhaite ainsi accompagner le patient dans lintgration des rgles et

    lutilisation de codes sociaux, lui faire prendre conscience des limites et des autres malgr

    ses dlires et lenvie quil a de combler ses propres plaisirs. Lquipe soignante et

    thrapeutique accueille ainsi la souffrance psychique du patient dans toute sa violence et

    travaille ensemble pour instaurer un lien de confiance avec le patient.

    Nous avons vu dans cette partie que les murs de lUMD sont ncessaires pour

    protger la socit du patient, le patient de lui-mme mais aussi pour faire une

    coupure avec le monde extrieur. Cette rupture peut donner la possibilit au patient

    de se stabiliser, de se sentir mieux et lquipe de lhpital dorigine de sorganiser

    pour r accueillir le patient dans les meilleures conditions possibles. Le soin est

    intensif en UMD.

    Il est noter que beaucoup de patients trouvent un confort de vie au sein de lUMD. Mr V

    exprime quil est bien ici, quil a un travail (en parlant des ateliers thrapeutiques) et quil a

    donc lesprit occup. Mr C est ambivalent, il affirme son envie de sortir puis fait exprs de

    mal se tenir devant les experts lors de la commission afin de ne pas sortir de ltablissement.

    Les patients sont pourtant prpars sortir quand le mdecin prsente un patient la

    commission de suivi mdicale26, mais beaucoup expriment leurs angoisses de retourner

    dans leur hpital dorigine, dautres parlent du fait quils nont pas autant dactivits

    lextrieur, quils vont dconner .

    LUMD a donc des objectifs thrapeutiques prcis, voyons maintenant le rle de

    lergothrapeute au sein de cet tablissement ferm.

    26 Cf. lexique

  • 12

    III. LERGOTHERAPIE

    Commenons par dfinir lergothrapie en gnral. Lergothrapie est un mtier du

    paramdical. Cest une thrapie par lactivit. Son but est de rendre le patient le plus

    autonome et indpendant possible avec ce quil est. Lergothrapie sadresse des

    personnes ayant des dficiences corporelles, psychiques ou intellectuelles. Par leurs

    dficiences ces personnes prsentent peut tre des incapacits qui auront des

    consquences sur leur vie quotidienne : les situations de handicaps. Lergothrapeute a

    alors un rle daccompagnateur dans lamlioration et la compensation de dficiences

    permettant la personne dacqurir le maximum dindpendance et dautonomie dans sa vie

    quotidienne.

    1. Lergothrapie au sein dune socit

    Daprs Pibarot27, lergothrapie fait partie dun systme social et cest cette socit elle-

    mme qui donne un statut de malade . La structure sociale est maintenue par ceux de

    ses membres qui se reconnaissent et sont reconnus en bonne sant . Dautres sont

    considrs en mauvaise sant et ils sont alors soigns dans des institutions de soins []

    ou isolment . LUMD fait partie de ces institutions de soins.

    2. Lergothrapie en UMD

    Dans le secteur psychiatrique en gnral, le travail de lautonomie a une place

    prpondrante. Lergothrapeute travaille avec le patient au travers de diverses activits

    manuelles ou de vie quotidienne. Son but final est que le patient, qui a des incapacits,

    puisse grer sa vie au maximum seul en se sentant bien, au sein de la socit. La notion

    dactivit est importante, elle se dfinie par un ensemble de phnomnes par lesquels se

    manifestent certaines formes de vie, un processus, un fonctionnement 28 . Pourquoi soigner

    par lactivit ? Parce que cest lessence mme de lHomme et les thologues laffirment :

    Lhomme est un animal actif 29. En effet lhomme est constamment en activit. Il se

    dplace, travaille, se fait manger, fait du sport, gre ses papiers administratifs Ces

    activits sont reconnues par la socit et permettent lHomme dtre acteur, de faire partie

    dun groupe social et de participer sa construction.

    27 PIBAROT.I, Dynamique de lergothrapie essai conceptuel, 1977, tir part 28 Le grand Larousse en 5 volumes, vol. 1, p.30 29 BAILLY-SALIN.P, Le soin et l'activit, VST - Vie sociale et traitements 3/2004 (no 83), p. 41-49.

  • 13

    Comme nous lavons vu, lUMD est un lieu psychiatrique particulier dont le but final est plus

    restreint que dans le milieu psychiatrique de secteur. En effet elle souhaite lintgration de loi

    de vie humaine et sociale, de limites et de rgles de vie lmentaire. Lergothrapeute rentre

    dans cette dmarche de soin et va donc pouvoir, avec ses comptences :

    - Mettre en place un espace transitionnel o lobjet est un mdiateur la relation.

    - Travailler des objectifs travers une mise en activit

    a. Mettre en place un espace transitionnel o lobjet est un

    mdiateur la relation

    Pour quun atelier devienne un espace transitionnel de relation, il est ncessaire que le

    patient sy sente bien et quil y ait un lien de confiance entre le thrapeute et le malade.

    Pibarot reprend les ides de D. Winnicott et parle de holding . Cest ce qui donne une

    impression de scurit pour le patient 30. En effet le holding consiste apporter au patient le

    sentiment dtre port physiquement et psychologiquement. De plus, pour que lactivit

    permette la construction de ltre humain, lhomme doit tre demandeur de cette activit, elle

    doit tre voulue. A cette condition, lactivit pourra devenir une source de plaisir, de

    productivit et de ressourcement. Or, comme le dit un soignant : LUMD quand les

    patients arrivent, ils ont un manque de dsir total. Cest un peu comme si leur me tait

    teinte. Il faut rallumer tout a 31

    Il va donc falloir accompagner le patient dans la recherche de son dsir.

    Nous venons de voir que latelier dergothrapie doit tre un lieu suffisamment bon pour le

    patient , en voici une illustration.

    Pour prparer les rencontres nationales entre les diffrentes UMD, les thrapeutes de

    Cadillac ont demand aux patients comment ils qualifieraient les ateliers thrapeutiques.

    Beaucoup dadjectifs se rapportaient lvasion et au bien tre comme la bulle

    doxygne , la parenthse , l chappatoire , l vasion mentale ou l oasis . Je

    me demande alors pourquoi sy sentent ils bien ?

    Voici plusieurs observations. Premirement, latelier dergothrapie est situ hors des

    pavillons lUMD de Cadillac. Cest un btiment o sont regroupes toutes les activits

    30 Op. cit. (p.12), PIBAROT.I 31 Op. cit. (p.10), ROTH. D-M. et HEITZMANN.E

  • 14

    thrapeutiques. Les ergothrapeutes et les autres thrapeutes vont chercher les patients

    pour les activits puis les raccompagnent eux mme dans les pavillons en passant par une

    cours, en plein air. Symboliquement ce passage du pavillon aux ateliers est important. Il

    permet au patient de laisser la vie quil a en communaut au sein du pavillon, ses conflits et

    frustrations de la journe, pour aller passer deux heures dans un lieu o il pourra tre acteur.

    Il est important de prciser que les activits thrapeutiques ne sont pas imposes aux

    patients. Elles sont prescrites par le mdecin et encourages par lquipe. Une premire

    visite permet au patient de dcouvrir les diffrents ateliers pour quil puisse faire un choix. La

    venue en activit part donc dune envie du patient. Maintenant, quand une activit est

    choisie, il est important que le patient vienne chaque foi, ceci est clairement dit par les

    thrapeutes. En effet les ateliers thrapeutiques sont des lieux de soin o les patients

    sengagent, cest le premier pas pour devenir acteur de sa prise en charge !

    Ces ateliers permettent aussi dtre en petit groupe et de rencontrer des patients des autres

    pavillons, ce qui est trs apprci par ces derniers. Enfin, lergothrapie propose de raliser

    des objets que les patients pourront emporter pour eux ou pour offrir. Cette ralisation va

    pouvoir tre valorisante leurs yeux, aux yeux des autres patients et des thrapeutes. Mais

    il faut noter que le patient na pas toujours la possibilit de confectionner quelque chose et

    que les temps o le patient ne fait rien sont tout aussi importants que lactivit en elle-mme.

    Mr O est parasit par ses dlires et se sent extrmement perscut, il est trs renferm au

    pavillon. Aprs avoir hsit pour venir lactivit, il passe tout le dbut de la sance isol

    dans un coin fixer le vide, le regard noir. Lergothrapeute titulaire et moi-mme respectons

    son besoin disolement tout en linterpellant de temps en temps sur les thmes abords avec

    les autres patients, ainsi peu peu nous essayons daider Mr O se raccrocher la ralit.

    Lors du moment de pause Mr O prend son caf avec les autres, coute les conversations

    mais ny participe pas. A la fin de la sance il vient sinstaller autour de la table avec les

    autres et me demande ce quil peut faire. Nous y rflchissons ensemble. La sance se

    terminera sans que Mr O ait ralis quelque chose mais le fait quil soit juste venu en activit

    a dj t thrapeutique. Le fait de stre rapproch des autres et davoir formul une

    demande montre que Mr O sest raccroch la ralit et a eu un dsir, ce qui est dj

    beaucoup.

    Il faut aussi noter que les ergothrapeutes ne portent pas de blouse blanche comme le reste

    du personnel soignant. Je pense que cela permet de faciliter la rupture avec le pavillon et

    damorcer une relation. Le patient sait que lergothrapeute est un soignant mais cela ne le

    renvoie pas constamment au processus de soin.

    AdministrateurOvale

  • 15

    Les ateliers dergothrapie peuvent donc tre perus comme une bulle doxygne mais il

    est important de dire quils peuvent aussi tre ressentis comme une bulle dangoisse . En

    effet beaucoup de patients expriment de langoisse la vue de loutillage32 lors de la

    premire visite et des premires sances. On peut simaginer leur surprise de voir ces outils

    car ils connaissent le danger quils peuvent reprsenter, sils sont utiliss, comme ils ont pu

    le faire eux mme, comme des armes. Certains ont conscience aussi que les patients qui les

    entourent lors de lactivit peuvent tre imprvisibles et dangereux tout comme eux. De

    plus il faut noter que pour un patient psychotique qui est trs referm sur lui-mme et trs

    parasit, le simple fait de sortir du pavillon peut tre trs difficile. Les ateliers thrapeutiques

    peuvent alors devenir une source dangoisse et de souffrance. Pour finir, les ateliers peuvent

    tre sources de frustrations. Le thrapeute nest pas dans une relation exclusive avec le

    patient, il y a un cadre et des rgles respecter comme au pavillon et latelier se faisant en

    groupe cela peut provoquer des conflits. Lergothrapeute se doit donc dtre extrmement

    vigilant car un patient dj trs dstructur ressentant de la frustration, de langoisse ou de la

    souffrance passe facilement lacte sur lui-mme ou sur les autres.

    Pibarot parle de cet espace que je viens de dcrire comme dun terrain de jeu . La

    matire qui va pouvoir se transformer reprsente le lien, la relation qui existe entre le

    malade et lergothrapeute. 33 Cela va permettre de crer un espace triangulaire o il y aura

    des relations, dans la confiance et la scurit, entre lergothrapeute, le malade et la matire

    transformable. A ce moment l, latelier dergothrapie va pouvoir devenir une aire de

    crativit 34.

    b. Travailler des objectifs travers une mise en activit

    La mise en activit en ergothrapie permet de crer un objet et ainsi de travailler plusieurs

    objectifs avec le patient.

    Tout dabord, la production dun objet demande de la rflexion, de lorganisation ainsi quune

    maitrise de la technique choisie. Cette dmarche permet de travailler plusieurs choses. Dans

    un premier temps le patient va devoir tre dans une dmarche de demande , en effet les

    32 Les ateliers dergothrapie lUMD de Cadillac ont deux armoires remplies doutils. On y trouve des cutters, rgles, ciseaux, pointes pour la vannerie, marteau pour le cuir et le bois etc Il y a aussi des machines imposantes comme une perceuse fixe et une scie champ tourne. Le petit matriel est compt et enferm dans les armoires chaque fin de sances. Le dessin des contours des outils permet davoir une vision de lensemble rapide. 33 Op. cit,(p.13) PIBAROT.I 34 Ibid.

  • 16

    activits ne sont pas obligatoires. Puis il va devoir faire des choix sur la technique utilise, il

    faudra, encourag par lergothrapeute, quil pse le pour et le contre, quil coute ses

    dsirs, quil entre dans une dmarche dimagination dun potentiel rsultat. Ensuite le patient

    va devoir acqurir la maitrise de la technique. Cette maitrise demande du temps et le patient

    peut tre face de la frustration. Ensuite le travail demande un temps dorganisation, de

    planification et de rflexion, ce qui amorce la vritable phase de cration. Cest ce moment

    l que ltre va pouvoir sexprimer et passer lacte sur la matire dans une activit

    signifiante et significative. Le projet imagin va pouvoir se concrtiser. Cette notion de

    passage lacte sur de la matire me parait importante. En effet lorsque lon parle de

    passage lacte , que ce soit un acte accompli par un malade psychiatrique ou une action

    mene lors dune activit, cela se passe toujours sur de la matire. On passe lacte, on

    transforme quelque chose, il y a alors la notion daction. Dans lactivit artisanale ou

    projective, on transforme la matire brute en un objet significateur. Cette transformation peut

    tre violente, impulsive, agressive. Le crateur peut attaquer le matriau, le couper, le taper,

    le rper, mais celui-ci ne se plaindra pas et restera neutre.

    On peut dire que la matire joue ici un rle dexpulseur et dexercice . En effet ltre

    humain qui a du mal maitriser le cours de sa vie et qui est en proie de grandes

    souffrances aura la possibilit dexpulser ses douleurs et de sentrainer, travers une mise

    en activit, devenir un crateur, donc un sujet acteur.

    Latelier dergothrapie dans une UMD est donc un lieu bien spcifique et reconnu par

    les patients. Beaucoup de patients sont demandeurs des activits proposes. Latelier

    est souvent peru comme un lieu agrable, mais peut aussi devenir un vecteur

    dangoisse insupportable. Lergothrapeute, en tant vigilant aux angoisses

    accompagne les patients au sein dune relation de confiance pour quils trouvent du

    dsir faire quelque chose . Lorsque cette activit est mise en route elle permet de

    devenir un vecteur la relation, de travailler des objectifs spcifiques chaque patient

    et de donner la possibilit ce dernier de devenir acteur au sein dun tablissement

    ferm.

    Revenons maintenant lobjectif que je souhaite approfondir pour ce mmoire : rintgrer

    le patient dans une loi sociale .

  • 17

    IV. UN OBJECTIF DE LERGOTHERAPIE :

    LOUVERTURE A LAUTRE, AVEC LAUTRE

    Aristote affirme : LHomme est un animal social . LHomme doit vivre en socit pour

    pouvoir saccomplir totalement. Vivre en socit cest avoir intgr en amont des lois

    sociales pour pouvoir cohabiter en harmonie avec les autres.

    Je vais ici prciser ce que lon peut appeler les lois sociales et comment lergothrapeute

    peut aider le patient intgrer des connaissances.

    1. Les lois sociales

    La loi peut tre dfinie par une rgle de conduite, obligation impose par certains tats, par

    la conscience, par la vie sociale. 35Je peux donc dfinir les lois sociales comme des rgles

    de conduite imposes par la vie sociale. Est-ce que cest ce que lon peut appeler plus

    couramment les codes sociaux ?

    J'ai trouv plusieurs termes dans les ouvrages. Certains auteurs parlent de comptences

    sociales d'autres d'habilets sociales , Ces deux termes sont traduit de l'anglais social

    skills .

    Raynal.F et Rieunier.A (1997) dfinissent le terme comptence comme l'ensemble des

    comportements potentiels (affectifs, cognitifs et psychomoteurs) qui permettent l'individu

    d'exercer efficacement une activit considre gnralement comme complexe 36

    Ici l'ajout du qualitatif social montre que les comptences que je dveloppe ici sont en

    relation avec autrui. L' activit complexe serait donc la relation l'autre. Ainsi d'aprs

    Michael Argyle (1996) les comptences sociales sont dfinies comme des patterns de

    comportement social qui rendent les individus socialement comptents, c'est--dire capables

    de produire les effets dsirs sur dautres individus. 37

    Les comptences ou habilets sociales s'expriment par l'individu en tant qu'tre individuel

    dans des situations interpersonnelles de la vie courante. Elles permettent d'agir, de ragir

    35 Larousse 3 volumes, 1977 36 PEYRE.P, Comptences sociales et relations autrui Une approche complexe, LHarmattan, 2000, p.24 37 Ibid.

  • 18

    des situations donnes. Maintenant ces comptences sont plus compliques qu'elles

    peuvent paratre, je ne pourrai pas dcrire ici des rgles prcises suivre pour devenir

    comptent socialement . Peyr.P insiste bien que toute identification de comptence,

    sociale ou autre est affaire de jugements personnels et sociaux 38, chacun ses propres

    mthodes pour rendre une relation efficace. Maintenant on peut exposer de grands

    principes. Certains sont soumis des lois et sont donc rfrencs comme l'interdiction de

    meurtres et d'inceste, ne pas faire de bruit en plein milieu de la nuit pour ne pas gner ses

    voisins ou sont plus gnraux et peuvent dpendre de chacun comme, savoir couter ,

    ne pas couper la parole et mme tenir la porte en sortant , savoir demander son

    chemin . Ce sont des savoir-tre et des savoir-faire dont on a conscience si on les a

    compris et intgrs.

    Je pense que c'est en ayant conscience des consquences de son action que chaque

    individu peut juger si son comportement permet d'tre efficace dans sa relation l'autre.

    Voici un exemple parlant : Lors d'une conversation, je coupe la parole mon interlocuteur

    alors qu'il tait en pleine explication... qui ne l'a pas dj fait ? Le fait est l. Moi mme si je

    n'aime pas que l'on me coupe la parole et que j'ai conscience que cela puisse tre

    dsagrable, je vais tre dans la capacit (si j'en ai envie) d'adapter mon comportement pour

    modifier la situation.

    Cette conscience et la capacit d'adaptation de l'individu s'acquirent tout au long de la vie

    travers l'cole, les relais institutionnels et les expriences. Pour des individus immatures ou

    dont la conscience est altre comme les malades psychiatriques qui sont hospitaliss en

    UMD, il va falloir leur donner la possibilit de prendre conscience de ces savoir-tre et

    savoir-faire.

    Maintenant, comment en tant qu'ergothrapeute pouvons-nous partager nos connaissances

    en matire d'habilets sociales ?

    2. Le processus de partage des connaissances

    Pour comprendre le processus de partage des connaissances je suis donc partie de la

    thorie dIkujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi39. Pour illustrer plus facilement les diffrents

    38 Op.cit, (p.17) PEYRE.P 39IKUJIRO NONAKA et HIROTAKA TAKEUCHI, La connaissance cratrice La dynamique de lentreprise apprenante, De Boeck Universit, Bruxelles, 1997

  • 19

    concepts, je propose ici de transposer directement cette thorie pour le partage de

    connaissances entre un ergothrapeute et un patient.

    En rgle gnrale, pour partager des connaissances, il faut tout dabord que le thrapeute ait

    intgr les connaissances quil souhaite apporter, c'est--dire ici des comptences ou

    habilets sociales. Ces rgles sont pour lui implicites, ce sont des intuitions qui sont

    appeles des connaissances tacites . Lorsque nous disons bonjour , merci ou,

    pour reprendre l'exemple de tout l'heure, que nous attendons que notre interlocuteur ait fini

    de parler pour exposer nos arguments, nous le faisons intuitivement. Intuitivement

    condition que ce soit quelque chose que nous avons intgr lors du processus

    dapprentissage que nous recevons tout au long de notre vie et que nous trouvons cela

    important dans notre relation l'autre. Le thrapeute va donc pouvoir partager les habilets

    sociales quil a lui-mme intgrs.

    Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi dcrivent diffrents processus dapprentissage, je me

    suis appuye sur lide qui me paraissait la plus pertinente compte tenu de la manire de

    fonctionner de lergothrapeute avec un patient.

    Connaissance tacite Connaissance explicite

    Connaissance tacite Socialisation extriorisation

    Connaissance explicite Intriorisation Combinaison

    Pour que ces connaissances puissent tre comprises et intgres par un patient il faut

    dabord que le thrapeute rende les connaissances tacites qui sont logiques pour lui en

    connaissances explicites . Spender (1996) nommait cela des connaissances devenue

    conscientes . Le passage du tacite lexplicite est appel lextriorisation.

    Ce processus darticulation des connaissances tacites en concepts explicites se ralise par

    la formulation, les mtaphores et les analogies. Le thrapeute va donc devoir formuler les

    rgles de socialisation pour les rendre accessibles chaque patient, il devra le faire dune

    manire adapte chaque patient, suivant ses capacits, son histoire et sa propre

    reprsentation de ses rgles. Cest ce qui va permettre de conduire la deuxime tape, celle

  • 20

    de la combinaison , le patient pouvant alors intgrer tout ou une partie des rgles

    explicites qui lui sont proposes, dans son propre rfrentiel.

    En simprgnant de ces rgles elles deviendront pour lui innes il pourra ainsi les rutiliser.

    Le patient intgre donc les connaissances explicites donnes par le thrapeute en

    connaissances tacites, pour lui. Ce processus sappelle lintriorisation, il est lie

    lapprentissage en faisant et se ralise par la verbalisation, grce aux documents et par

    lapprentissage.

    Enfin, il faudra sassurer que ces rgles sancrent dans la pratique, sans avoir besoin dtre

    chaque fois explicites, cest ltape dite de socialisation .

    Cette thorie permet de comprendre que l'intriorisation de connaissances est un long

    processus qui peut tre inefficace voir dangereux si l'ergothrapeute saute des tapes et

    impose au patient des connaissances qui font partie de son rfrentiel personnel !

    En tant que thrapeute il faut donc accompagner le patient prendre conscience de nos

    connaissances et de leurs consquences pour qu'il puisse se crer son propre rfrentiel.

    Pierre Peyr explique que la comptence sociale est l'art de se grer soi-mme dans ses

    reprsentations des autres et des choses, jusque dans ses relations interpersonnelles les

    plus quotidiennes, pour changer tout en restant le mme. 40

    Dans ce mmoire, je vais donc me positionner en tant que futur ergothrapeute et je

    dvelopperai des habilets sociales qui me semblent importantes et donc que jai moi-mme

    intgr.

    3. Le partage dhabilets sociales lors dune activit ergothrapique

    Dans le cas de partage de connaissances entre lergothrapeute et un patient en UMD, voici,

    suivant le modle prcdent, un dbut de travail dextriorisation.

    J'ai conscience ici qu'il ne pourra pas y avoir au sein de l'UMD de travail avec l'extrieur. Je

    ne parlerai donc pas des habilets sociales qui permettent d'tre autonome l'extrieur. Je

    me demande donc ce dont on a besoin en tant quindividu pour pouvoir interagir avec les

    40 Op.cit.(p.17), PEYRE.P, p.178

  • 21

    autres dans le respect de soi mme et des autres, sans transgresser les limites fixes par

    les lois.

    Tout dabord, je pense quil est ncessaire que la personne se soit construite elle-mme en

    tant que personne, entit part entire avant de pouvoir partager des choses avec dautres.

    Vivre au sein dun groupe demande ensuite de savoir communiquer avec les autres, savoir

    comprendre les autres et se faire comprendre, prendre des initiatives, avoir la notion du

    partage et de la confiance en lautre. Pour cela la personne doit apprendre se dtacher

    delle-mme pour pouvoir prendre en considration son environnement et lautre qui a lui

    aussi un caractre, des dsirs, des attentes, des capacits et incapacits. Se confronter aux

    autres cest aussi faire face des frustrations et ne pas vivre dans le tout, tout de suite ,

    lHomme doit ainsi apprendre ne pas agir seulement selon ses propres dsirs et plaisirs. Il

    doit avoir conscience des consquences de ses actions sur les autres et sur lui-mme. Pour

    cela il doit savoir se projeter dans le futur, avoir lesprit critique et conscience de ce qui est

    bien ou mal pour lui et les autres. A ce moment l, la personne va pouvoir faire des

    choix et faire la diffrence entre la notion de plaisir et de ralit.

    Mme sil y en a bien dautres, je pense avoir ici dcrit les principales habilets sociales qui

    me semblent ncessaires lindividu.

    L'ergothrapeute possdant l'activit comme outil de relation et de travail, la mise en

    activit peut elle permettre de mettre en place un processus de partage des

    connaissances en termes d'habilets sociales ?

    Il me semble ncessaire ici de recentrer mon sujet sur une pathologie en particulier. Jai

    choisi dtudier une psychose : la schizophrnie, car cest une pathologie, comme nous

    allons le voir maintenant, qui peut lourdement parasiter et modifier la perception du malade

    des autres et de son environnement.

  • 22

    V. PATHOLOGIE

    1. Les diffrents mcanismes de la psychose

    La psychose est un syndrome dlirant qui se traduit par une profonde modification de la

    relation du sujet au monde extrieur. Ce dernier ne voit plus le monde extrieur tel quil est, il

    le supprime pour y mler une no-ralit quil a produite, ne faisant plus la diffrence entre

    les deux. 41 Cette dformation du monde extrieur est accompagne de la conviction

    inbranlable du sujet. Pourquoi y a-t-il une telle adhrence de la part du sujet ? Le Dr Michel

    Hanus explique que la personne psychotique surinvestit sa ralit psychique parce quelle

    lui est plus intressante que la ralit extrieure42. Ce dlire devient un conte, un mythe,

    qui, plus vrai que la ralit, lui donne un moyen de satisfaire ses dsirs.

    Ce dlire nest quun symptme, certes primordial dans la pathologie mais alatoire. En effet

    il nest pas constitutif de la structure psychotique. Il montre une dsorganisation dune

    personnalit psychotique et la tentative de renouer avec la ralit dune manire dforme.

    Grce une analyse du syndrome dlirant, on peut dj avoir une ide de la personnalit du

    sujet, de lvolution de la pathologie et du caractre dangereux ou non de la personne. Cette

    analyse passe par la connaissance du thme, du mcanisme, de lorganisation, du vcu et

    du mode de dbut du dlire. Cest ce que je vais dvelopper maintenant.

    Le dlire du psychotique peut se prsenter sous plusieurs thmes. Les plus courants sont la

    mgalomanie c'est--dire un sentiment de toute-puissance, les ides de perscution et de

    prjudice, le dlire passionnel qui se caractrise par de la jalousie ou de lrotomanie, le

    dlire fantastique, de parentalit, de dpersonnalisation comme la zoopathie qui est le

    sentiment davoir un animal dans son corps, lhypocondrie et le dlire connotation

    dpressive.

    Ces dlires peuvent se manifester par plusieurs mcanismes.

    - Il peut y avoir des hallucinations qui sont des perceptions sans objet. Il y a

    lhallucination psychosensorielle qui peut tre sentie par les quatre sens et

    lhallucination intrapsychique qui se traduit par des penses imposes et des voix

    intrieures.

    41 LANDRU. Cours de psychiatrie - Anne 2008-2009 - IFE de Rennes 42 HANUS.M, Psychiatrie de ltudiant 9me dition, Maloine, 1996

  • 23

    - Il peut y avoir aussi des illusions qui sont la perception dforme dun objet rel.

    - Les intuitions dlirantes qui sont un mcanisme intuitif qui donne une conviction

    dlirante, immdiate et absolue, une rvlation intrieure, indpendante de toute

    donne objective et de toute dduction logique.

    - Et enfin les interprtations qui donnent accs une conviction dlirante par un

    raisonnement inductif, paralogique qui a comme point de dpart une perception relle

    ou un fait exact.

    En plus des mcanismes, le dlire a une organisation. On dit quil est systmatis lorsque le

    dlire est stable, avec des rapports entre les diffrents thmes. Cest alors un dlire qui se

    base sur de la ralit. Au contraire on parle de dlire non systmatis lorsquil est totalement

    incohrent. Plus le dlire est organis, plus la personne et son entourage vont y adhrer.

    Ensuite on peut observer comment la personne vit son dlire. Plus le vcu est intense et

    insupportable plus il faut faire attention un possible passage lacte.

    Enfin le mode de dbut donne des indications sur la pathologie. Il peut tre soudain ou

    progressif. Il faut savoir que plus il sest instaur lentement, plus la pathologie va tre difficile

    soigner43.

    On voit donc que la psychose peut se traduire de diffrentes faons. Pour mon mmoire je

    vais me concentrer sur une de ces psychoses, la schizophrnie.

    2. La schizophrnie, une altration de la relation

    La schizophrnie est une psychose chronique dissociative caractrise par trois grands

    syndromes. Un syndrome dissociatif, un syndrome paranode et un syndrome autistique qui

    sexpriment diffrents degrs suivant le malade.

    Le syndrome dissociatif se dfinit par laltration fondamentale, la perte dunit de la pense,

    de la personnalit, des diverses manires dprouver les motions et des relations que lon a

    avec le monde environnant. On parlera alors de bizarreries et dimpntrabilit du

    malade. Ce syndrome peut tre caractris par plusieurs symptmes comme des troubles

    du cours de la pense, du langage, une altration du systme logique, une dsorganisation

    de la vie affective et une discordance psychomotrice. Mr S a souvent un discours discordant,

    dsorganis quil met en forme par drivation dides en utilisant souvent des nologismes.

    43 Le terme soigner nest ici pas synonyme de gurir

  • 24

    Ce syndrome, sil est trs prsent peut rendre la relation difficile. En effet le malade va

    pouvoir partir dans des explications qui, mme si elles lui semblent logiques, peuvent tre

    non construites, sautant du coq lne et donc incomprhensibles pour son interlocuteur.

    Des bizarreries du comportement peuvent aussi rendre une relation inadapte. Un malade

    peut aussi dambuler, avoir des gestes incoordonnes ou des mimiques ambivalentes.

    Le syndrome paranode appel aussi dlirant est caractris par la prsence dun dlire

    thmes multiples se manifestant par un ou plusieurs mcanismes. Ce dlire est une perte

    des limites entre soi et le monde extrieur. Tous les mcanismes vus prcdemment

    peuvent tre prsents avec plus frquemment des hallucinations, plus souvent acoustico-

    verbale, et lautomatisme mental. Le patient aura alors limpression que sa pense est

    devine, tlguide, soumise des influences extrieures. Le dlire du schizophrne est

    souvent mal structur, il peut tre abstrait, imprcis et contradictoire linverse de celui du

    paranoaque. Mr F lors dun exercice dcriture a eu un mouvement de rsistance du bras. Il

    a exprim que quelquun lempchait dcrire et a accus le soignant qui tait un mtre de

    lui. Mr V, lui, exprime son angoisse de voir Mme C, sa psychomotricienne, avec juste une

    grande bouche dente prenant toute sa figure. Cette hallucination visuelle est tellement

    angoissante quil bafouille, trpigne, se renferme sur lui-mme et fuit la relation lors de la

    sance. Mr K a un dlire drotomanie paranoaque, il est persuad quune femme quil a

    rencontre lors dune de ses hospitalisations lhpital psychiatrique de secteur est

    amoureuse de lui. Il a fait cette conclusion en interprtant tous ses gestes et paroles comme

    des signes de son amour.

    Par ces trois exemples on voit bien que le dlire peut parasiter une relation. Ces malades ne

    se rendent pas compte de leur dlire, ils nen ont pas conscience.

    Enfin, le syndrome autistique se caractrise par un repli du patient sur lui-mme. La

    dissociation est telle que la ralit extrieure na plus demprise sur le malade qui sisole et

    se dsintresse de tout. Nous sommes ici face un malade qui a de grandes difficults

    communiquer. Mr G est depuis 3 mois lUMD de Cadillac. Refusant daller aux activits

    thrapeutiques, il reste toute la journe assis en face de la fentre.

    Il y a plusieurs formes cliniques de schizophrnie. On distingue ainsi lhbphrnique

    caractris au premier plan par un syndrome dissociatif, par des lments du syndrome

    autistique et par un dlire peu labor. Il y a ensuite la schizophrnie paranode caractrise

    par un important dlire, cette forme de schizophrnie est souvent plus sensible aux

    traitements et prsente un meilleur pronostic social. On trouve galement lhbodophrnie

  • 25

    qui en plus dun dlire paranode prsente une discordance et des comportements

    antisociaux de type psychopathique. La schizophrnie dysthymique est, elle caractrise par

    des troubles important de lhumeur. Enfin la schizophrnie rsiduelle est une forme clinique

    o lon retrouve les trois syndromes mais minima.

    3. Pouvant engendrer des relations inefficaces

    Ces patients (schizophrnes) pensent au fond d'eux-mmes que ce monde n'est pas fait

    pour eux, qu'ils n'y ont aucune place, que toute tentative de leur part pour s'y adapter par

    des voies normales , en utilisant la logique consensuelle concernant la vie quotidienne,

    est voue l'chec. Ils se vivent comme fondamentalement insuffisants comme tre humain,

    et vivent avec la connaissance assure de leurs checs passs, prsents et futurs. [] Ces

    sujets peuvent aussi renoncer utiliser la logique consensuelle et les rgles sociales, pour

    laborer leur propre logique prive, utilisant leurs propres productions autistiques et leurs

    rveries, refusant toute communication ayant pour base la ralit d'autrui. 44

    La schizophrnie est donc une maladie dont les symptmes, perturbent la relation lautre.

    Le malade va peut tre crer sa propre logique de relation, se dfendre contre des

    angoisses ou des menaces, en cohrence avec la no-ralit dans laquelle il vit. Comme

    ses ractions ne sont pas toujours en cohrence avec les rgles sociales, ses relations

    lautre ne vont donc pas toujours tre efficaces et peuvent devenir, lextrme, dangereuses

    pour autrui. Maintenant il faut noter que cette dangerosit nest pas forcment que due la

    maladie.

    En effet J.L Senninger et V. Fontaa45 expliquent bien que lagressivit dun schizophrne ne

    sexprime pas dune faon spcifique la maladie et ils mettent en avant 3 types de

    passages lacte. Tout dabord, il y a les actes violents qui ne sont pas directement lis la

    pathologie. Jai en effet pu remarquer lors de mon stage que certains psychotiques

    relativement stabiliss pouvaient avoir des actes violents en toute lucidit sans lien direct

    avec leurs dlires ou leurs incapacits. Cette violence peut tre lie un manque de

    connaissance des limites, une envie ou un manque de contrle, elle nest donc pas en

    lien direct avec le monde psychiatrique. Un deuxime type de passage lacte peut se

    44 CHAMBON.O, LAURENT.N, MARIE-CARDINE.M, Les approches comportementales et cognitives de la radaptation sociale des patients schizophrnes, in La rhabilitation psychosociale en psychiatrie sous la direction de VIDON.G, Edition Frison-Roche, 1995, p.352-353 45 SENNINGER. JL et FONTAA.V, psychopathologie des malades mentales dangereux, dition Dunod, p.55-56

  • 26

    justifier par une incapacit manant des symptmes de la maladie comme par exemple ne

    pas grer ses frustrations , ce moment l le passage lacte est en lien avec la maladie

    psychiatrique. Le troisime type de passage lacte est le plus caractristique du malade

    schizophrne. Il survient sans raison cohrente et parait immotiv et incomprhensible .

    Le malade nlabore pas de stratgie et semble ne pas pouvoir rsister une force

    instinctive et inflexible . Le malade schizophrne peut ainsi expliquer par exemple quil a

    rpondu des ordres divins donc des hallucinations auditives ou quil avait lintime

    conviction que sa victime devait mourir sans quoi le monde aurait disparu.

    Il nest pas ais de dfinir prcisment lors dune relation ce qui est de lordre du caractre,

    de la maladie, de lhistoire de vie, de la culture ou de lenvironnement. En tout cas, on peut

    dire ici que si le malade a des relations inadaptes avec les autres et quil ne semble pas en

    avoir conscience, cest quil manque, entre autres, dhabilets sociales.

    LUMD accueille des patients que la socit qualifie de difficiles. Ces personnes ont

    commis un ou des passages lacte, ont donc transgress des limites, des lois dune

    faon excessive. Ces malades sont tellement dstructurs quil est ncessaire pour

    eux et pour la socit quils soient soigns dans une structure adapte et scurise.

    Le but de l'UMD est de stabiliser assez le patient pour qu'il puisse retourner ensuite

    dans son hpital d'origine, un des objectifs est ainsi de rintgrer le patient dans une

    loi sociale donc de donner la possibilit au malade d'intgrer des habilets

    sociales pour avoir des relations efficaces avec les autres. Dans ce contexte,

    lergothrapeute va proposer un espace relationnel et une mise en activit adapts

    chaque patient.

    Une personne atteinte de schizophrnie arrivant en UMD est dans un tat psychique

    complexe. Sachant quelle, avoir tendance se couper du monde, avoir des relations

    altres avec les autres cause de ses dlires et quelle manque de certaines

    habilets sociales, comment lergothrapeute peut-il accompagner un patient

    schizophrne intgrer des habilets sociales pour avoir une relation plus adapte

    avec lautre ?

    Sachant que lergothrapeute utilise lactivit dans sa pratique, je pose lhypothse quune

    mise en activit en ergothrapie permet lintgration dhabilets sociales pour un

    patient schizophrne difficile.

  • 27

    VI. METHODOLOGIE

    Pour vrifier mon hypothse, jai choisi de raliser ltude dun cas clinique lors de mon stage

    lUMD de Cadillac. En effet, pour pouvoir analyser si une mise en activit en ergothrapie

    est un vecteur dintriorisation dhabilets sociales, il ma sembl pertinent de me baser sur

    des observations faites directement sur le terrain. Je vais ainsi pouvoir voir, pour un patient

    en particulier, dans une activit en ergothrapie particulire, si ce dernier pu intrioriser

    des habilets sociales et travers quels mcanismes ? Je vais pouvoir apprcier les

    volutions ou rgressions durant deux mois, et avoir les avis de professionnels sur la prise

    en charge globale du patient. Cette tude me permettra donc de faire des conclusions sur

    mon sujet. Il est certain que cette mthode a aussi des limites, car je raliserai des

    conclusions en me basant sur une seule tude de cas.

    1. La mise en place de ltude de cas

    Ltude dun cas clinique est lobservation dun patient dans un temps prcis suivant un

    guide dobservation dfini lavance. Il est important de partir de lhypothse nonce et

    den faire dcouler des critres quil faudra observer puis analyser pour pouvoir affirmer ou

    infirmer lhypothse.

    Ici, pour mettre en place cette tude, je dois dabord dfinir les critres que doit avoir le

    patient que je compte observer. Les critres ne doivent pas tre trop restrictifs pour que je

    sois sure de trouver un patient et assez prcis pour que mon analyse soit pertinente. Il me

    faut ensuite faire une grille dobservation qui me permettra de cibler ce que je devrai

    regarder lors de mon tude.

    Lorsque le patient sera choisi, il me semble indispensable de le mettre au courant de ma

    dmarche et quil me donne son accord pour lobserver. Cela permettra dviter de

    potentielles angoisses pour le patient.

    a. Critres retenus

    Dans la premire partie de ce mmoire, je me suis intresse un type de population

    particulier : les personnes atteintes de schizophrnie. Cette pathologie, fortement prsente

    en Unit pour Malade Difficile, a des caractristiques, comme nous lavons vu plus haut,

    donnant lieu des difficults dans la relation lautre. Pour que mon tude soit la plus

    pertinente possible voici quelques critres simples pour le choix du patient :

  • 28

    - Il faut que le patient soit atteint dun type de schizophrnie.

    - Le patient ne doit pas tre la fin de son hospitalisation pour que je puisse avoir la

    possibilit dobserver des changements. Le mieux serait aussi que le patient soit

    hospitalis depuis quelques mois dj pour que les professionnels aient du recul sur

    la prise en charge et quil y ait eu des volutions. En effet, je ne suis pas certaine de

    pouvoir observer des volutions sur une dure courte de deux mois.

    - Le patient doit tre pris en charge par les ergothrapeutes et donc participer , au

    moins, un atelier thrapeutique.

    - Il doit participer dautres activits pour que je puisse lobserver dans des

    circonstances varies. Cela me permettra de faire des comparaisons entre une

    activit o il y a la cration dun objet et une activit o il ny a pas de cration dobjet.

    - Le patient doit tre daccord pour que jobserve sa prise en charge et que cela ne

    parasite pas ses vcus.

    b. Le guide dobservation

    Voici maintenant un guide dobservation qui va me permettre de cibler mes recherches

    durant ces deux mois. Ce guide me permettra par la suite danalyser mes recherches suivant

    un plan prcis puis den tirer des conclusions.

    1/ Trouver un patient correspondant aux critres noncs.

    2/ Recueillir les donnes concernant son histoire et sa prise en charge lUnit pour Malade

    Difficile auprs du patient lui-mme, des professionnels et de son dossier.

    3/ Faire de premires observations lors de la vie au pavillon du patient et lors des diffrentes

    activits thrapeutiques.

    4/ Daprs mes observations et les lments de son dossier, noncer la problmatique du

    patient et les objectifs mis en place en ergothrapie.

    5/ Trouver les habilets sociales qui ne sont pas bien intriorises chez ce patient, les lister

    et mettre en avant celles que je trouve les plus problmatiques. Trouver les capacits du

    patient pour pouvoir y baser la prise en charge.

    6/ Trouver une activit thrapeutique qui ncessite dutiliser les habilets sociales listes.

    Mettre ces dernires en relation avec les diffrentes tapes de lactivit.

  • 29

    7/ Observer le patient lors de cette activit et noter ses comportements, ses attitudes, son

    vcu et ses relations chaque sance. A-t-il des comportements plus ou moins

    adapts dans ces sances ? Si oui quest ce qui a chang ?

    8/ Suivre en parallle ce mme patient dans les autres activits auxquelles il participe et

    dans son pavillon. Noter ses comportements, attitudes et relations. Y a-t-il des diffrences

    avec ce que jai pu observer en atelier dergothrapie ?

    9/ Demander Mr X ce que lui apporte la mise en activit en ergothrapie et ce quil

    recherche quand il vient. A-t-il conscience de ses troubles et que ses ractions ne sont pas

    toujours socialement acceptables ?

    10/ Observer sur deux mois, lvolution du comportement de Mr X lors de lactivit

    thrapeutique. Semble t-il avoir intgr certaines des habilets sociales nonces au dbut ?

    Si oui lesquelles et est ce bien grce la mise en activit ? Si non, pourquoi ?

    2. Analyse de ltude de cas46

    Jai rencontr Mr X ds le dbut de mon stage, aprs avoir rflchi avec lquipe

    thrapeutique du patient que je pouvais suivre, une des ergothrapeutes lui a demand sil

    tait daccord que je suive sa prise en charge durant les 2 mois de mon stage. Mr X a tout de

    suite t daccord et il na jamais refus ma prsence tout le long de mon tude.

    a. Prsentation de Mr X

    Commenons par prsenter brivement Mr X daprs les lments de son dossier.

    Mr X a 39 ans, il est clibataire, sans enfants. Ses parents sont divorcs, il na plus de

    contact avec eux, ni avec son frre. Il garde le contact avec une demi-sur et sa mre

    nourricire Mme H.

    A lUMD, Mr X a t diagnostiqu comme ayant une hbodophrnie47 rsistante.

    Histoire de la maladie

    La maladie de Mr X sest manifeste ds son adolescence par de nombreux actes

    antisociaux. Il a t lev par sa nourrice Mme H et a pass les week-ends chez sa mre

    jusqu lge de 5 ans. Plac en pension vers 10 ans, il fugua et arrta lcole 15 ans. Il 46 Cf. Annexe III, pVII-XII, Prises de notes Observations de Mr X lors dun stage lUMD de Cadillac 47 Cf. lexique

  • 30

    commena une formation de mcanicien mais ne la finit pas. A 18 ans il fut mis la porte du

    domicile familial o il avait des altercations physiques violentes avec son beau-pre. Il alla

    alors vivre chez Mme H qui laida trouver un appartement et un travail. Il travailla dans la

    restauration mais fut mis la porte aprs quelques mois cause dabsences et de mauvais

    comportements. Mr X de gros problmes dargent, Mme H laccompagne alors pour

    demander une mesure de protection. Depuis, il est sous curatelle.

    Mr X prsente alors une instabilit professionnelle, prend des toxiques, a des conduites

    antisociales et transgressives ce qui lui a valu, jusquen 2009 de trs nombreuses

    hospitalisations en psychiatrie (167 environ). Lors de ses hospitalisations, Mr X fait de

    nombreux passages lacte sur des patients et des soignants. Sa dernire hospitalisation a

    dure plus dun an et demi et a t initialise la demande dun tiers, suite une

    dcompensation dlirante paranoaque avec troubles du comportement voluant depuis

    son adolescence . Il est une moyenne de deux passages lacte par semaines lors de

    cette dernire hospitalisation, il est alors admis lUMD. Ces passages lacte se

    manifestaient par des violences verbales et physiques.

    Mr X est donc reu lUMD de Cadillac en hospitalisation doffice en juin 2009. Il participe

    aux activits cuir, veil , sport et chanson depuis Juillet 2009.

    Mr X a une hbodophrnie, il nest pas la fin de sa prise en charge, participe une

    activit ergothrapique et dautre activit thrapeutiques, il accepte aussi que je

    suive sa prise en charge durant 2 mois. Mr X rpond donc bien aux critres retenus

    prcdemment.

    Problmatique gnrale de Mr X

    Mr X a une hbodophrnie avec au premier plan un syndrome dlirant paranode et

    dissociatif. Ses activits dlirantes sont de types mystiques, de spoliation et de perscution,

    se traduisant par des mcanismes le plus souvent intuitifs et interprtatifs. Le quotidien de

    Mr X est parasit par une instabilit motionnelle importante avec des priodes dpressives

    et euphoriques. Avant son hospitalisation Mr X avait tendance agir trs impulsivement face

    la frustration et utiliser la violence verbale et physique. Pour finir, Mr X est dans le dni

    de ses troubles et refuse rgulirement la prise de ses mdicaments et une ventuelle

    lctroconvulsivothrapie.

  • 31

    b. Prise en charge en ergothrapie

    Jai pu suivre Mr X durant les mois de janvier et fvrier 2010, six mois aprs son entre

    lUMD. Jai t prsente toutes les activits thrapeutiques auxquelles Mr X participait pour

    faire mes observations durant sept semaines. Mr X participait aux activits veil , cuir,

    sport et chanson une foi par semaine, jai donc pu lobserver 7h par semaine environ sachant

    que certaines activits ont saut durant les deux mois. Pour complter mes observations, jai

    pris connaissance des entretiens rguliers que Mr X avait avec le mdecin psychiatre

    (environ un par semaine) et je me suis renseigne rgulirement auprs des infirmiers du

    comportement de Mr X lors de la vie au pavillon.

    La prise en charge en ergothrapie slabore partir des lments du dossier et des

    observations du patient en activit. Avec tous les renseignements que jai pu rcolter jai fait

    une analyse des comportements de Mr X. Jen ai ressorti ses difficults qui, pour moi,

    peuvent rendre une relation inefficace, donc qui entrainent un manque dhabilets sociales,

    et ses capacits relationnelles. Ce travail me permettra par la suite de faire un plan de prise

    en charge en ergothrapie. Jai class les difficults dans un ordre de priorit dans sa prise

    en charge.

    Difficults et capacits

    Difficults en matire dhabilets sociales

    Mr X a des difficults reconnaitre ses propres besoins

    Depuis son entre lUMD, lors des entretiens avec le mdecin, Mr X demande toujours ce

    quil fait l. Il fait la demande de sortir de ltablissement car il dit quil nest pas malade.

    Rgulirement depuis Juin il dit tre ici cause dun infirmier de son hpital dorigine qui le

    perscute et que ce sont des dauphins qui lont accompagn. En fvrier, Mr X voit le

    procureur suite la demande de leve dhospitalisation doffice. Mr X refuse davoir un

    avocat car pense pouvoir exposer ses arguments seul, ce que, le jour venu, il narrive pas

    faire. Il ne ressent ainsi pas le besoin dtre soign, refuse quelque fois de prendre ses

  • 32

    mdicaments disant quon le drogue ou quon lempoisonne. On peut dire que Mr X a peu

    dinsight48 .

    Mr X prsente des difficults grer, de faon adapte, les frustrations

    Je ne dispose pas de renseignements sur ses agissements lextrieur de lUMD mais au

    sein de ltablissement, plusieurs vnements me permettent daffirmer que Mr X a de temps

    en temps du mal grer ses frustrations.

    Lors dune pause o les patients prennent le caf ensemble, Mr X veut finir le caf qui reste

    dans la cafetire. La rgle tant un seul verre par personne dans un souci dquit,

    lergothrapeute refuse, met le caf dans un verre vide et le pose cot. Mr X snerve,

    hausse la voix en disant quon le perscute et quil doit absolument boire le verre car il ne

    faut pas jeter du caf. Le thrapeute le rassure en lui disant quon le boira et va mettre le

    verre dans le bureau. Mr X se renferme sur lui-mme trs tendu puis se lve dun coup, va

    dans le bureau et vide dun trait le verre de caf alors quil est froid. Lergothrapeute essaye

    de reprendre avec lui ce quil sest pass mais Mr X semble ne pas se rendre compte que

    son geste tait inappropri. Cet pisode montre limpulsivit de Mr X.

    Son impulsivit a pu aussi se traduire physiquement, comme au pavillon, o il a mis un coup

    de poing dans une vitre suite linterdiction dune cigarette ou verbalement comme lors dun

    entretien avec le mdecin. Celui-ci venant de lui refuser larrt dun traitement, Mr X snerve

    et crie des ttes vont tomber ! . Il faut quand mme noter que Mr X a quand mme des

    ractions adaptes, il na pas agit impulsivement lorsquil a perdu un jeu ou a cass un

    objet quil avait mis longtemps crer.

    Je pense que certains pisodes dagressivit sont dus lactivit dlirante de Mr X car il se

    sent souvent perscut et menac mais quelles peuvent tre dus une habilet sociale de

    contrle de ses frustrations pas totalement intgre.

    Il est important de noter que depuis son entre lUMD Mr X nest jamais pass lacte

    physiquement sur une personne et a eu peu dpisodes daltercations verbales. Compte tenu

    du grand nombre de passage lacte quil faisait dans son hpital dorigine, je peux en

    dduire que lenvironnement est aussi un facteur de sa violence. Peut tre que la

    contenance induite par lUMD lui permet de mieux grer ses frustrations, le protge de

    stresseurs ? 48 Insight : la conscience quun malade mental peut avoir du caractre pathologique de ses symptmes in BOTTERO.A. Insight et psychose, Neuropsychiatrie, Tendances et Dbats 2008 ; 33 : 9 - 11

  • 33

    Mr X prsente des difficults pour contrler ses motions et angoisses

    Que ce soit de la tristesse ou de la joie, Mr X prsente une grande instabilit motionnelle.

    Rgulirement lors de lactivit chanson, Mr X se met pleurer dun coup, il se prend la tte

    dans les mains et sarrte au moment de la pause. Mr X peut ensuite exprimer des pisodes

    joyeux mais ne fait jamais allusion ses pleurs. Au pavillon, les infirmiers mexpliquent aussi

    que Mr X a toujours un pic dactivit dlirante vers 18h. Il est exalt, euphorique, trs

    dsorient avec une hypermotricit. Il se calme vite mais a une monte dangoisse au

    crpuscule accompagne de pleurs et dides sombres. Le coucher est alors toujours

    difficile. Pour finir, lors dune sance de cuir, Mr X qui avait la mine sombre et qui disait ne

    pas aller bien sest lev dun coup et sest mis tournoyer et sauter en riant , lcoute dune

    chanson quil aimait bien.

    Ces exemples montrent bien une grande instabilit. Mr X est pris de fortes angoisses et de

    dlires de perscution. Je pense donc que cette difficult de contrle est due la maladie

    qui entraine des angoisses, une activit dlirante et une perte dusage de gestion de ses

    motions, mais quelle est aussi due lenvironnement stressant .

    Mr X prsente des difficults se dcentrer de lui et avoir de lintrt pour lautre

    Mr X a dj prsent un certain gosme. Lors de lactivit sport par exemple, pendant un

    match de basket, Mr X na pas su faire de passes. Il ne pensait qu aller marquer lorsquil

    avait le ballon, ne pensant pas aux autres membres de son quipe. De plus, lors de lactivit

    chanson, Mr X montre quand il naime pas la chanson choisie par un autre patient. Il exprime

    son dsaccord tout fort, jette son cahier et boude durant la chanson. Ces ractions

    montrent une immaturit dans les comportements. Il prsente ainsi des difficults pour

    souvrir aux autres et donc voir les besoins des autres et les respecter.

    Mr X prsente des difficults envisager diffrentes options face un problme

    Lors de lactivit cuir, Mr X tait en train de faire de la couture sur un porte monnaie. Il a

    plusieurs fois fait des fautes et fait des nuds avec le fil. Je lai aid les premires fois

    rectifier les fautes en lui expliquant comment faire. Mr X na pas essay de mettre en

    applications mes conseils quand il a refait les mmes fautes. Il a de nouveau eu une attitude

    passive, demandant de laide, sans prendre linitiative dessayer seul, mme sous mes

    conseils verbaux.

  • 34

    Par ailleurs, lors de la participation de Mr X un groupe de parole sur les toxiques, Mr X a

    voulu partir car des personnes du groupe le contredisaient.

    Ces exemples montrent que Mr X peut rester but sur une ide sans essayer de la changer

    alors que ce serait bnfique pour lui et les autres. Cela peut montrer aussi une difficult

    se projeter dans le futur dut une impulsivit et une difficult se dcentrer de soi et se

    remettre en question.

    Mr X prsente des difficults pour faire confiance lautre

    Jai pu remarquer que Mr X tait assez mfiant et souvrait peu aux autres. Il a une relation

    de confiance avec Mr O et les thrapeutes qui le suivent depuis longtemps mais est trs

    referm auprs des nouveaux arrivants. Cest au bout des deux mois que jai senti que Mr X

    me faisait un peu plus confiance car nous avons pu avoir des discutions deux. Cette

    difficult peut tre due une perte dusage mais a