Bordas-Demoulin - Le Cartésianisme I

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7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartésianisme I http://slidepdf.com/reader/full/bordas-demoulin-le-cartesianisme-i 1/484 LK CARTESIANISME ou l.A VÉRITABLE RÉNOVATION DES SCIENCES

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  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    1/484

    LK

    CARTESIANISME

    ou

    l.A

    VRITABLE

    RNOVATION

    DES

    SCIENCES

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

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    Pari--

    Typo2ra|>hii'

    I.acrampr

    oi

    (;omp.. nif

    DamicKo.

    >

    -

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

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    LE

    CARI

    SIANISME

    ou

    lA VliRITABLE

    RI\OVVTIOIV

    DES SCIENCES

    OUVRAGE COURONN PAR

    L'inSTITUT

    SlIVl

    DE

    LA

    THIilORIE

    DE LA SUBSTANCE ET DE CELLE DE

    L

    INFINI

    PAR

    BOUDAI

    -U]fI01JI.I],

    PIIECKDK

    D'LI^

    DISCOURS

    SUR LA

    RFORMATIO^

    DE LA

    PHILOSOPHIE

    AU

    UIX-NEUVIME

    SiCLE

    POUR SERVIR

    d'introduction

    GNRALE

    Par

    F.

    HUET

    Piofesciii-

    la Facult

    de Philosophie

    et Lettres

    deCJainl.

    TOME

    PREMIER

    TARIS

    J.

    HETZEL,

    LIBRAIRE-niTElK

    r>S

    ,

    RUR

    DE sri>K

    1843

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    ^^^

    %

    llUnisiricnot

    -

    (3clair,

    Ancien .\nlair\^-

    ^moiiUn

    ,

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

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    ^

    C'ablu

    Cauiurr,

    dur

    de

    Sarl;

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    DISCOURS

    SUR

    LA

    REFORMATIOIV

    DE lA

    PHILOSOPHIE

    AU DIX-NEUVIME

    SICLE,

    ET

    INTRODUCTION

    GNRALE.

    Les

    doctrines

    et les thories

    n'ont

    pas

    manqu

    notre

    sicle

    ;

    chaque

    jour

    en

    voit

    clore,

    comme

    chaque

    jour en emporte. On

    prodigue

    les

    mois

    de

    rforme

    et de

    progrs; les

    systmes

    s'improv sent,

    et

    l'ambition de

    l'apostolat

    est

    devenu

    vulgaire.

    Que

    de

    projels et

    de promesses

    pompeuses

    que

    d'illusions

    bientt

    dtruites

    que

    d'amres

    d-

    ceptions

    Mais

    aussi,

    quand

    on

    remonte

    aux

    cau-

    ses

    de cette

    strile abondance,

    quelle

    hte

    de

    produire

    avant

    d'avoir

    conu quelle

    vaniteuse

    I

    A

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    Il

    l.A

    HKIOHMATION

    inipalience

    d'laler

    des

    opinions

    d'un

    jour

    I.es

    ides

    ont

    si

    peu

    de

    consistance,

    qu'elles

    passent

    en

    un

    njoment,

    oul)lies

    mme

    de

    leurs

    auteurs.

    L'entreprise

    que

    nous

    annonons

    aux

    esprits

    srieux

    se

    recommande

    du

    moins

    leur

    attention

    par

    la

    maturit.

    Un

    homme,

    ds

    l'ge

    o

    la pense

    s'veille,

    tourmentdubesoindes'expliquerl'talsi

    extraordinaire

    o

    se

    trouve

    aujourd'hui

    le

    monde,

    et

    envahi

    par

    une

    tristesse

    qui,

    loin

    de

    lpuiser,

    redouble

    son

    ardeur,

    se

    plonge tout

    entier dans

    des

    mditations

    et

    des

    travaux

    infatigables.

    Il

    in-

    terroge

    tous

    les

    temps,

    il sonde

    toutes

    les

    scien-

    ces.

    Il

    a

    dcouvert

    ce

    qu'il

    croit

    la

    vrit

    :

    loin

    de

    se

    reposer,

    il ne

    cesse,

    renferm

    en

    lui-mme,

    d'prouver

    sa

    doctrine

    et de

    s'y

    affermir en

    l'ap-

    prKjuant aux

    questions

    les

    plus

    nombreuses

    et

    les

    plus

    varies. Ce

    n'est

    qu'aprs

    trente annes

    de

    recherches

    qu'il

    se

    dcide

    lever la

    voix

    et

    donner le signal d'une

    rformation

    complte

    de

    la philosophie.

    Sollicit

    parla beaut du

    sujet

    qu'une

    acadmie

    propose,

    sans

    clbrit,

    sans

    crdit,

    et presque

    sans

    nom, il

    entre

    en

    lice et

    porte

    un jugement

    dtaill

    sur

    le

    plus

    grand

    des

    sicles

    scientifiques. Dans

    ce

    premier

    essai, il

    ne

    dissimule

    point

    ses

    ides

    philosophiques

    et

    religieuses,

    et

    malgr

    l'opposi-

    tion

    qu'elles

    rencontrent,

    il

    arrache

    le

    suffiage de

    la

    savante

    assemble.

    Tel

    est

    Ihomme

    qui vient

    au-

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    DE

    LA

    PHILOSOPHIK.

    III

    jour.riiui

    tenler

    une

    preuve plus

    dcisive

    : apis

    avoir

    compll

    l'exposilion

    de

    ses principes,

    du

    moins

    en

    ce qu'ils ont

    de

    fondamental,

    il

    les

    sou-

    met au vritable

    juge, le

    public.

    Quel

    est

    le

    caractre

    de

    cette

    rlornie

    qu'un

    in

    connu

    a

    mrie

    dans

    sa pense

    solitaire

    et ind-

    pendante,

    quel

    en

    est

    le

    but?

    qu'a

    t-elle

    d'original?

    Si elle

    ne resle

    pas

    exclusivement

    mtaphysique,

    comment,

    de ces hauteurs inaccessibles

    la

    foule,

    sait-elle descendre

    aux

    objets qui

    nous

    touchent

    plus

    sensiblement,

    et

    se

    mler

    aussi

    la vie

    so-

    ciale,

    politique et religieuse

    de

    notre

    ge? C'est

    sans

    doute

    h

    l'uvre

    elle-mme

    de rpondre.

    Mais

    comme

    l'auteur n''a gure prsent

    que

    la

    lace

    la plus

    svre

    de

    sa doctrine,

    on

    a

    pens

    que,

    tout en

    travaillant

    prparer

    riiiielligcnce

    des

    principes,

    il ne serait

    pas

    inutile

    d'en signaler

    d'a-

    vance

    quelques applications, d'indiquer

    ce

    qu'ils

    peuvent

    pour

    le

    progrs

    des

    diffrentes

    sciences,

    et

    de

    montrer

    en

    particulier

    de quel jour

    ils

    clai-

    rent

    ces

    dbals entre

    la

    philosophie

    et

    la

    tholo-

    gie, entre l'tat

    et

    l'glise,

    qui

    agitent si

    puis-

    samment les

    esprits,

    et

    qui, en

    effet,

    touchent

    au

    fondement

    de

    notre

    ordre social.

    C'est dans

    ce

    dessein

    qu'on

    a

    crit

    cette

    Introduction.

    Quand

    on n'y verrait

    pas

    l'occasion d'une

    ten-

    tative

    philosophique,

    le sujet

    trait par

    M.

    Bor-

    das-Demoulin

    offre

    en

    luimme un

    imprissable

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    V

    LA

    RKfORMATlO.V

    inlrt.

    Le

    Cartsianisme,

    coinpiis

    coinm*^

    ri

    doit

    l'tre,

    c'est le

    rveil

    triomphant

    de

    la

    pense

    aprs

    le

    long

    sommeil

    du Moyen-Age,

    c'est

    le

    gnie de la

    science,

    inaugurant

    une

    civilisation

    nouvelle

    sur

    les

    ruines de

    la

    barbarie

    vaincue.

    Jamais

    rvolution

    philosophique

    ne fut

    aussi

    ra-

    pide

    dans

    sa

    marche,

    aussi

    puissante

    dans

    ses

    effets,

    aussi

    durable

    dans son

    action

    :

    le

    mouve-

    ment

    se

    propage

    en

    un instant, et il

    est

    imprim

    pour

    des

    sicles. A

    la voix

    de

    Descaries, il

    se

    fait

    (omme une leve

    en

    masse d'hommes

    de gnie.

    Quelle cole,

    o,

    pour ne

    signaler

    que les

    plus

    illus-

    tres,

    paraissent

    Malebranche,

    Leibnilz,

    Bossuet.

    Fnelon,

    Arnauld, Pascal, Borelli,

    Newton,

    Huy-

    ghens,

    les

    Bernoulli, Kuler

    Qu'importe

    la

    diver-

    sit des

    sciences? Philosophes,

    thologiens,

    physi-

    ciens,

    gomtres,

    tous

    obissent h

    une

    impulsion

    commune,

    et

    cette

    impulsion

    vient

    de Descartes.

    Une

    fois

    lanc dans

    la

    voie

    des dcouvertes, l'es-

    piit

    humain

    y

    marche

    pas

    de

    gant.

    la lumire est

    partout.

    Rien

    n'chappe

    ce

    dvoient

    esprit

    d'examen,

    cette insatiable

    avidit

    d'expliquer et de comprendre,

    qui devait enfanter

    tant

    de

    miracles.

    Tout le

    sicle de

    Louis

    XIV

    en

    est

    pntr.

    La

    libert et la force

    de

    la

    raison

    se

    mon-

    trent

    jusque dans les ficlionsdes

    poles

    et

    les

    jeux

    de

    l'imagination.

    Elles

    clatent dans

    la

    connais-

    sance

    (le

    rhommc.

    La mlaphvsi(jue

    n'a

    point

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    I>K

    I.A

    IMIlLOSOPIIll,.

    V

    ri'abmes,

    la

    loi

    n'a

    point

    de

    mystres,

    que

    l'on

    ne

    sonde

    avec

    une

    incomparable

    audace.

    Mais

    ce

    qu'il

    y

    a de

    plus

    frappant,

    et

    pour

    ainsi

    parler, de

    plus

    inou,

    dans le cartsianisme,

    c'est

    l'essor

    qu'y

    pren-

    nent les

    sciences physiques et

    mathmatiques.

    Pour

    la

    premire

    fois l'intelligence humaine

    domine

    l'uni-

    vers

    matriel,

    en

    commence

    la

    conqute

    pacifique,

    et lgue aux ges suivants

    le germe

    d'o

    sortiront

    les

    merveilles

    de

    l'industrie.

    Pendant

    que

    le

    sys-

    tme

    du

    monde s'labore,

    les

    mathmatiques,

    sor-

    tant

    des

    anciennes

    mthodes,

    les

    rejettent

    comme

    des

    entraves

    ,

    et

    se dploient dans l'infini.

    Le

    cartsianisme

    CvSt

    dans

    l'ordre

    intellectuel

    ce

    qu'est dans

    l'ordie politique

    la

    rvolution

    fran-

    aise

    :

    ces

    deux

    poques solennelles, un

    monde

    nouveau

    vient

    remplacer le vieux

    monde

    qui s'-

    croule.

    Le

    gnie

    d'un

    homme

    ne

    suffit

    point

    expliquer

    des

    changements

    aussi

    prodigieux.

    Que

    pourrait

    le

    gnie

    sans

    la maturit

    des

    temps?

    Si

    Descartes

    fut

    suivi

    par l'lite

    de son

    sicle, c'est qu''il vint

    l'heure

    favorable,

    et

    que

    la

    disposition gnrale

    des

    esprits

    secondait la hardiesse

    de

    son

    entreprise. Dj, avant

    l'apparition

    de la philosophie

    cartsienne, quelque

    chose

    d'inconnu

    se remuait

    au

    fond

    des

    mes; les

    vieilles

    institutions taient

    menaces

    par

    un

    sourd

    mais

    vaste

    besoin

    de rforme

    et d'indpendance.

    (Test

    le mme espril

    (|ui.

    pour

    ses coups

    d'essai,

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    11/484

    VI

    LA

    RKIOUMATION

    susciie

    les

    conmiuiies,

    riiTi[jiinierie,

    la

    leiiais-

    sauce des

    lettres,

    pousse

    Colomb

    la

    dcouverte

    d'un

    monde,

    revendique

    la libert

    religieuse,

    que

    de

    coupables

    excs

    font

    ajourner,

    et

    qui

    enfin,

    dans

    l'ge

    de

    la

    force,

    produit

    le

    cartsianisme

    ou

    la

    r-

    novation des

    sciences,

    prlude

    glorieux et

    nces-

    saire

    del

    rnovalionsociale

    du

    genre

    humain. Rien

    de

    plus

    manifeste

    que

    l'enchanement

    de

    tous

    ces

    faits.

    Le

    cartsianisme

    a

    donc

    ses

    racines dans ce

    qui

    a

    prcd,

    comme

    il

    prpare

    les progrs

    ult-

    rieurs;

    il est

    d

    aux

    mmes

    causes

    que

    la

    civilisa-

    tion

    moderne, dont

    il fait une partie

    considrable,

    et

    pour

    en

    saisir

    la

    vritable origine,

    pour

    en

    com-

    piendre

    toute la

    porte

    et

    la grandeur,

    il

    faut

    assister

    renfanleinenl de

    cette

    civilisation.

    Entre l'antiquit et les

    temps modernes,

    il

    y

    a

    rellement un abme.

    Parcourez

    les

    nations

    an-

    ciennes les plus

    clbres

    et

    les

    plus

    polices.

    Par-

    tout,

    except

    dans

    un

    coin obscur

    du

    monde,

    o

    est dpos

    le

    germe

    d'un

    meilleur avenir, le

    spec-

    tacle

    de

    la dgradation

    humaine

    frappera doulou-

    reusement vos

    regards;

    partout la

    souillure de

    l'idoltrie

    se

    joint la

    plaie

    hideuse

    de

    l'esclavage;

    paitout

    manquent

    ces deux

    grands fondements.

    Dieu

    et

    la libert

    Les rpubliques,

    comme les mo

    narchies,

    reposent

    sur

    le principe

    que

    l'hounne

    ne

    s'appartient

    pas,

    qu'il n a

    aucun

    droit

    naturel,

    qu

    i

    est

    la piopril

    de

    1 T.lat. Le

    but

    comme

    le

    tiiomplie

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    Dl

    LA

    PHILOSOPHIE. Vil

    les

    lgislateurs

    est

    d'enchaner

    la

    nalure

    eld'loul-

    ler

    sa

    voix.

    L'tat

    rgne

    sur

    les

    biens,

    sur

    les

    per-

    sonnes,

    sur

    la

    pense;

    il

    impose

    la religion,

    il

    fait

    la

    justice

    et

    la

    vertu.

    C'est

    une servitude

    incu-

    rable,

    universelle.

    Nul

    succs,

    nulle apparence

    de

    vigueur

    et de

    prosprit

    ne saurait dissimuler

    ce

    vice

    essentiel

    En

    Grce et

    Rome, o

    retentit

    le mot de

    libert,

    j'admire de

    grands

    citoyens,

    je

    cherche

    vainement des

    hommes. Ce

    patriotisme

    si

    vant

    a

    pour

    premier fondement la

    haine

    et

    le m-

    pris de

    tous

    les autres peuples.

    La socit

    punit

    de

    mort le

    crime de

    pense'

    librement,

    et

    de

    soulever

    le

    voile

    politique

    des

    superstitions.

    Mme

    infriorit,

    mme

    abaissement de

    l'homme

    dans

    l'ordre

    ma-

    triel :

    esclave

    des

    institutions

    sociales,

    il

    a

    perdu

    aussi

    son titre de

    roi

    de

    la

    nature.

    Sa

    pense ne

    s'tend

    pas

    plus

    loin que ses

    sensations.

    Les

    sciences

    physiques restent dans

    l'enfance, et

    l'in-

    dustrie,

    i>rive

    de

    son

    piincipe

    vivifiant,

    aban-

    donne

    des

    mains serviles,

    ne tente

    rien

    pour

    relever

    la

    condition

    de la vie

    humaine.

    Ni

    le

    gnie, ni

    la force

    d'me,

    ni les grands

    ca-

    ractres,

    ne

    manqurent

    l'antiquit;

    et

    pourtant

    elle

    ne

    connut

    jamais

    le

    progrs

    vritable.

    Tout

    ce

    qui

    tendait

    dvelopper

    l'homme,

    h

    largir

    sa

    vie

    morale,

    y

    minait la base

    artificielle

    des

    socits.

    L'influence

    des

    sciences

    et

    des

    arts tait

    dissol-

    vante;

    la

    vertu

    mme avait

    ses dangers

    :

    le

    citoyen.

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    13/484

    VUI

    LA

    RKFOKMATION

    uvre laciice

    des

    lgislateurs,

    ne

    pouvait

    vivre

    que

    parle sommeil et

    l'anamissementile

    l'homme

    naturel.

    La philosophie

    sut

    affranchir

    quelques

    mes

    et

    cra les vritables

    hros

    de

    l'antiquit

    ;

    mais la philosophie

    elle-mme

    contribuait

    plus

    que

    tout le reste

    relcher

    les liens

    d'un

    troit

    patriotisme,

    sans pouvoir

    communiquer

    aux na-

    tions le

    principe

    d'une

    vie nouvelle; elle sentait,

    elle

    proclamait

    son impuissance

    relever

    le

    genre

    humain

    de

    sa

    dgradation

    .

    Et

    que

    fit-elle

    pour

    ses

    plus nobles

    dfenseurs,

    que

    de

    les

    conduire

    une

    mort

    glorieuse

    mais strile? Les

    socits rou-

    laient

    dans

    un

    cercle

    fatal.

    Menaces

    dans

    leur

    existence

    par

    tout

    ce

    qui

    rpandait

    sur elles

    de

    l'clat

    et

    de la

    gloire,

    condamnes

    prir

    par leur

    prosprit

    mme,

    chaque

    triomphe

    les rapprochait

    de

    leur lin.

    Par

    quelle

    force

    le

    genre

    humain

    est-il

    sorti

    de

    cet

    tat

    d'abaissement?

    Comment

    l'adoration

    d'un

    Dieu

    unique,

    rserve

    jusqu'alors

    un

    seul peuple

    et

    quelques

    sages,

    s'est-elle

    rpandue

    sur

    toute

    la

    surface

    de

    la

    terre?

    Qui

    a

    dtruit

    l'esclavage?

    Qui

    a

    bris

    le

    sceau

    mystrieux,

    qu'on

    aurait

    dit

    plac

    sur la

    nature

    pour

    en ravir

    la

    connaissance

    l'homme?

    Comment

    les

    lumires,

    l'aisance

    et la

    libert

    ont-elles

    remplac

    l'oppression

    et

    les

    tn-

    bres

    antiques?

    Le

    Christ

    parat

    :

    la

    prsence

    divine,

    l'huma-

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    14/484

    DK

    LA

    PlIlLOSOPlilK.

    IX

    iiil Iressaille et

    commence

    relever

    ia

    lte.

    Sa

    fai-

    blesse

    lui

    venait

    de

    son

    loignementdeDieu,

    source

    de

    toute

    vrit

    etde

    tout

    bien.

    Prcipitepar

    sa

    faute

    de la perfection premire o

    l'avait

    place

    son

    auteur,

    elle avait tran son long

    exil

    travers les

    misres

    et

    les opprobres des

    anciennes

    civilisa-

    tions.

    Mais

    que

    Dieu

    descende

    jusqu'

    Thomme,

    incapable

    de

    se

    redresser

    jusqu'

    lui

    :

    aussitt

    l'homme

    est

    arrach

    la vie

    des

    sens

    qui

    le

    cour-

    bait

    vers

    la

    terre.

    Rapproch

    de

    la

    raison

    souve-

    [aine, le

    regard tourn

    vers

    les splendeurs

    de

    son

    origine,

    comment resterait-il encore

    assujetti

    aux

    cratures?

    La

    rvolution

    religieuse,

    qui

    le

    rconci-

    lie

    avec Dieu, porte

    dans

    son

    sein

    les

    autres

    rvo-

    lutions

    qui

    doivent

    le

    rendre

    matre dans

    l'univers

    et

    libre dans la socit.

    Comme

    il

    y

    a

    un

    but

    pour

    chaque homme dans

    le

    ciel,

    il

    y

    en

    a un

    pour

    l'hu-

    manit sur

    la terre.

    Alors

    seulement

    commence

    le

    progrs

    vritable,

    dont

    furent

    dshrits

    les

    ges

    prcdents,

    qui ne

    servirent

    qu' en

    prparer

    la

    tardive

    apparition.

    C'est

    comme une

    seconde

    cra-

    tion

    du

    genre

    humain, mais

    dont

    les

    merveilles

    ne pouvaient se

    dvelopper

    qu'avec la

    suite

    des

    sicles.

    La rgnration

    se

    fait d'abord sentir dans les

    individus

    ;

    elle s'annonce par

    des

    prodiges

    de

    charit

    et de

    dvouement.

    La terre,

    lonne de

    tant d'h-

    rosme,

    avait

    t

    conquib^e

    la

    foi

    chn'lienne,

    les

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    15/484

    X

    LA

    RKJK.MATIO.N

    (Csars

    avaient abaiss

    devant

    elle

    la majest

    de

    l'empire;

    rien, en

    apparence,

    ne

    manquait

    son

    iriomplie;

    et

    cependant la

    lche

    la

    plus

    difficile

    peut-tre

    restait

    accom|)lir.

    L'esprit ancien

    vivait

    toujours

    dans les

    institutions,

    dans les

    murs

    pu-

    bliques, dans

    les liabiludes tout

    entires

    de

    la

    socit.

    Point

    de

    droits

    naturels,

    point

    de

    libert,

    nul

    essor

    de

    la science

    et de

    Tindustrie.

    L'tal

    res-

    taitpaien;

    comme

    l'idoKtrie,

    il devait tre dtruit

    de fond en

    comble.

    L'invasion

    des

    Barbares

    semble

    devoir

    l'emporter; mais

    telle

    tait la

    profondeur

    du

    mal,

    qu'il

    rsiste

    cet effroyable dluge, l'ne

    action

    plus

    sre,

    plus

    impitoyable

    est

    ncessaire.

    H

    faut

    s

    emparer

    de

    1

    homme au

    dedans et au

    dehors,

    teindre

    en

    lui jusqu'au

    souvenir d'un

    pass

    fu-

    neste,

    le

    dpouiller

    de

    son

    cur

    pour

    lui donner

    un

    cur nouveau.

    Quelle

    entreprise

    que

    celle

    de

    saisir

    corps

    corps le

    gnie

    du

    pass,

    et

    de

    refaire

    l'homme, la socit,

    le

    monde

    L'glise

    se

    met

    l'uvre.

    Comme

    inspire

    par cette parole

    du

    Christ,

    que

    les

    vieux vases

    ne peuvent

    contenir

    le

    vin

    nouveau,

    elle

    dtruit

    pour fonder,

    elle

    op-

    prime pour

    affranchir; elle allacjue

    sans relche

    cette brillante mais

    fausse (

    ivilisation

    du paga-

    nisme.

    Les

    lumires

    de

    f

    intelligence,

    les chefs-

    d'uvre

    des

    arts,

    et

    les

    enchantements

    de la Grce

    et les

    grandeurs

    de

    Rome,

    tout disparait.

    L'glise

    absorbe

    la

    puissance

    civihN

    't

    le

    pa|>e les

    pouvoirs

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    16/484

    DK

    LA l'IlILOSOI'HIfc;.

    \|

    (le

    1

    Eglise.

    Une

    ihocralie

    lormidable

    s'organise,

    non

    de

    dessein priidil,

    mais

    par

    la

    force

    des

    choses.

    Le

    monde dompt parat

    comme

    immobile;

    lout

    ce

    qui

    s'agite

    est aussitt lelranch

    par

    le

    fer

    cl

    le feu. Certes,

    il

    faut

    un

    trange

    aveuglement

    pour voir

    dans

    celte poque

    transitoire l'ge

    dor

    du

    christianisme.

    Qui

    oserait

    la

    comparer

    aux

    pre-

    miers temps de

    l'glise

    pour

    les murs

    el pour

    la

    doctrine?

    Le

    culte

    se

    fait

    extrieur,

    matriel;

    on

    le

    charge

    de

    grossires

    praliques

    qui

    en

    voilent la

    noble

    et

    touchante

    simplicit.

    Que

    d'abus

    et

    de ds-

    ordres,

    combattus

    plus tard

    par

    l'glise

    elle-mme,

    ne

    s'introduisent

    pas

    dans

    les

    plerinages,

    les

    in-

    dulgences,

    le

    culte

    des

    reliques

    el des images

    A

    la

    vue

    de

    la

    coriuption

    gnrale,

    le vrai

    croyant

    dtournerait la

    tte, s'il ne

    dcouvrait

    sous lanl

    de maux

    le progrs immense

    qu'a fait

    l'uvre

    de

    la

    rparation.

    Eu

    effet,

    pendant

    que

    la

    nature

    humaine,

    res-

    serre de toutes parts,

    semble

    comme anantie

    sous l'treinte

    du

    pouvoir

    sacerdotal,

    lalfran-

    chissemenl intrieur

    s'opre, les

    mes sont em-

    portes

    de

    vive

    force

    au

    sein

    de

    Dieu,

    el

    dans

    ce

    renoncement

    violent

    aux

    (hoses

    de

    la

    terre,

    dans

    cette mort

    du

    vieil

    homme, s'accomplit

    la

    transformation

    qui

    fait

    clore

    l'honmie

    nouveau.

    Toutes

    les

    grandeurs

    de l'avenir

    son

    contenues

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    17/484

    XII

    LA

    RFORMATION

    dans

    ce

    retour

    intrieur

    Dieu,

    qui

    rendrait

    l\

    rame

    sa

    vigueur

    et

    sa

    dignit

    premire,

    s'il

    pou-

    vait tre

    complet

    ici-l)as.

    Mais

    l'esprit

    chrtien,

    quelque

    faible

    que

    soit

    d'abord son

    action,

    a

    du

    moins

    un

    thtre o

    i)

    [)eut

    se

    dployer

    sans

    ob-

    stacle.

    Dans

    ce

    monde de

    la

    thocratie

    et

    de

    la

    fo-

    dalit,

    je

    salue

    le

    berceau

    du

    monde

    moderne.

    Il

    est

    pauvre

    et

    nu

    comme

    celui du

    Christ;

    mais

    il

    faudrait

    y

    apporter

    aussi

    les

    symboliques

    prsents

    de

    myrrhe,

    d'encens

    et

    d'or,

    si

    l'on

    voula^t

    repr-

    senter

    en

    figure

    ses

    glorieuses destines.

    Qui

    n'admirerait

    ici

    la

    profondeur

    des

    conseils

    de

    la

    Providence,

    en

    la

    voyant marcher infaillible-

    ment

    ses

    fins

    par des

    moyens

    qui

    semblent en

    opposition

    avec

    le

    but

    qu'elle

    poursuit?

    L'oppres-

    sion,

    l'abstinence,

    les

    privations

    de

    l'esprit

    et

    de

    la

    chair,

    conduisent

    l'affranchissement

    de la

    pense,

    la

    conqute

    des

    biens

    terrestres; et

    voil

    qu'

    la

    lueur

    des

    derniers bchers

    qui

    s'teignent

    apparat tout

    coup

    la

    libert

    de

    conscience. Quel

    merveilleux

    et

    imprvu

    dnouement Ainsi

    a

    t

    form

    l'esprit

    nouveau,

    qui

    n'est

    que l'esprit

    chr-

    tien:

    c'est

    l

    en

    ralit

    son

    vrai nom. Il

    n'est

    pas

    (Vhier,

    cet

    esprit,

    quoique

    nouveau,

    quoique

    prin-

    cipe universel

    de

    rnovation; l'avenir

    lui appai-

    lient,

    et dj nous

    louchons

    son

    avnement

    d-

    linilif.

    11 a

    j)Our bul

    de ses

    elorts

    la

    rparation

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    18/484

    DR

    LA

    PIIII.OSOPIIIK.

    XIII

    do

    lanalLiieenlire,

    pour

    terme,

    la

    lin

    des

    sicles.

    Omnia

    insUmrare

    in Christo,

    renouveler

    loules

    choses par

    le

    Christ

    et dans

    le Christ,

    voil

    son

    suhlime

    programme,

    trac,

    il

    y

    a

    dix-huit

    sicles,

    par Taptre

    saint

    Paul

    Le premier

    usage

    que

    l'humanit

    devait

    faire

    de

    ses

    forces restitues,

    c'tait

    de

    briser

    l'instrumeni

    terrible

    de

    sa rgnration,

    de renverser

    la

    tho-

    cratie, la fodalit

    et

    la

    scolastique.

    Du

    sein

    de

    la

    socit

    place

    sous

    ce

    rgime

    oppresseur,

    s'chap-

    pent des cris rpts

    d'indpendance.

    Le

    travail

    eimobli

    commence

    d'lever la

    bourgeoisie

    la ri-

    chesse

    et

    la

    libert.

    Le

    pouvoir

    civil

    s'affranchit

    de

    la domination

    du

    sacerdoce,

    et

    le

    niveau

    du

    despotisme royal prpare

    l'galit

    politique.

    Heu-

    reuse

    l'glise, si

    ses

    princes

    eussent

    dpos

    temps une

    dictature

    dsormais

    odieuse,

    et

    compris

    que,

    sans altrer

    le dogme,

    ils pouvaient

    satisfaire

    aux

    ncessits

    nouvelles

    de

    leur

    position,

    par

    de

    profondes

    rformes dans

    la

    discipline

    et le

    gouver-

    nement

    Pour nous

    lenfermer

    dans

    notre sujet et

    ne

    par-

    ler que

    de

    la

    rvolution

    intellectuelle,

    on

    en

    d-

    couvre

    le

    premier

    germe

    dans Roger Bacon

    ,

    le

    moine

    physicien

    et

    alchimiste.

    Au

    quinzime

    et

    au

    seizime

    sicle,

    la

    renaissance

    des

    lettres

    agite les

    esprits, qu'elle dispute h

    la

    scolaslique,

    et

    seconde

    les

    progrs naissants

    de

    la raison: on dirait

    que

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    19/484

    \1V

    LA

    ItKrORMATION

    raiiliquilsorl

    purilie du

    lomlieaii.

    o

    l'f^glise

    l'a-

    vait tenue

    comme

    en

    rserve pour

    les

    besoins

    fu-

    inrs

    de

    l'hunianil.

    Les sciences elles ans

    peuvent

    maintenant

    laler

    leurs merveilles

    :

    les

    penples,

    que

    l'orlifie sans cesse

    l'influence

    du

    christianisme,

    n'ont

    rien

    craindre

    de

    leurs

    pi'Ogrs,

    qui

    vont

    servir

    la

    splendenret

    la

    prosprit

    des

    empires.

    Ainsi

    la

    lparation

    chrtienne ne donnait

    pas seu-

    lemenl

    au

    inonde

    une

    nouvellecivilisation,

    elle l'en-

    richissait

    aussitt des dbris de

    l'ancienne,

    fcon-

    ds,

    aprs

    tant

    de

    sicles,

    [)ar

    son

    action

    toute-

    puissante.

    On

    voit

    de

    toules parts

    cloie

    des

    tentatives

    philosophiques que rcconnnandent

    l'observa-

    teur

    les

    noms

    de

    Tlsio,

    de

    Campanella,

    de Bru-

    no,

    de

    Ranius et

    du

    chancelier

    Bacon.

    Toutefois,

    nul d'entie

    eux ne mrita

    le titre

    de

    rnovateur,

    et

    il

    y

    a plus

    de

    ridicule encore

    que

    d'injustice

    dans

    la

    prtention

    de

    les

    opposer

    Descartes.

    De

    l'enthousiasme

    pour les sciences, un pressentiment

    d'un avenir

    meilleur,

    et le

    mpris

    de la scolaslique,

    voil ce qu'ils

    offrent;

    mais nulle ide

    vaste,

    cra-

    trice, nulle

    dcouverte

    capitale

    dans

    les

    sciences.

    Ils

    ne

    souponnent

    pas

    les

    principes

    de

    la

    philoso-

    phie

    :

    comment

    auraient-ils

    renouvel

    l'esprit

    hu-

    main?

    Ils

    ne

    sont

    pas

    mme

    les vrais

    prcuiseurs

    de

    Descartes.

    L'poque

    prparatoire

    qui

    prcda

    la

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    20/484

    DK

    LA

    PIIII.OSOIMIIE.

    XV

    rnovalion

    toiiiplle

    des

    sciences

    a

    des

    noms

    plus

    imposants;,

    pins

    dignes

    de

    l'admiration

    et

    de

    la

    re-

    connaissance

    de

    la

    poslrit.

    On

    n'a

    besoin

    qne

    de

    nonnner, pour l'tude

    de

    la nature,

    Copernic,

    Ke-

    pler, Galile;

    Harvey,

    en

    mdecine;

    Vite,

    en

    ma-

    thmatiques. L'antiquit

    se trouve

    dj

    dpasse,

    et

    dans

    de

    si

    nombreuses

    et

    si

    belles

    dcouvertes,

    on

    sent la

    vigueur

    que

    le

    cliiistianjsme

    a

    commu-

    nique

    rinlelligence

    humaine.

    Mais

    c'est en

    vain

    que

    l'on

    chercherait

    parmi

    ces

    grands

    hommes

    le

    fondateur d'une

    poque scientifique.

    Kepler

    mme

    et

    Galile

    ne

    sont

    pas

    faits

    pour

    ce

    rle

    ;

    le

    gnie

    mtaphysique

    leur

    manque;

    ils

    ne

    s'lvent

    point

    .

    aux principes.

    Les

    grandes

    vrits

    qu'ils

    dcou-

    vrent,

    faute

    de

    cet

    appui,

    restent

    en

    quelque

    sorte

    sans usage,

    et

    n'ont port leurs

    fruits

    qu'aprs

    la

    r-

    volution

    cartsienne.

    Avec

    Galile

    et

    Kepler,

    l'es-

    prit humain

    n'est point

    encore

    renouvel,

    et

    Ton

    ne

    peut

    pas

    dire

    qu'il

    rgne

    sur

    l'univers.

    Enfin,

    un

    homme

    se

    rencontre en

    qui

    respire

    l'invincible

    ar-

    deur

    du

    progrs chrtien; il

    rappelle

    la

    pense

    elle-mme

    et

    Dieu, il la

    rend

    capable

    de tout

    :

    c'est

    comme un signal de

    rsurrection,

    les

    ombres

    du

    pass

    disparaissent

    :

    Descartes

    a introduit

    l'hu-

    manit

    dans

    le

    monde

    nouveau

    des sciences.

    C'est

    ainsi

    que M.

    Bordas-Demoulin

    comprend

    l'origine

    de

    la

    civilisation

    modeine,

    et

    par con-

    squent

    du cartsiaisme,

    (jui en

    est le

    premier

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    21/484

    XVI

    LA

    KKI

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    22/484

    DK

    LA l'HILOSOPIllE.

    XVII

    li'iiilrieureiiienl

    el

    immdiatement

    uni

    aux

    ides

    suprieures

    el

    ternelles qui consliUient

    l'essenec

    divine.

    Cette

    union

    est elle

    pleine,

    comme

    h

    l'ori-

    gine,

    Ihomme

    est

    dans sa puissance. Vient-elle

    se

    rompre

    par

    la

    chute,

    l'homiie

    est dgrad.

    Se

    renoue-t-elle

    par

    la

    rparation,

    F

    homme

    se

    relve;

    et

    mesure

    qu

    elle

    se

    ressei-re,

    il

    est

    sans

    cesse

    en

    progrs.

    De

    ces rvolutions intrieures

    qui

    pr-

    cipitent

    ou

    qui

    rtablissent,

    viennent

    les rvolu-

    tions

    analogues

    des choses humaines.

    Dans

    l'homme

    et

    hors de Thomme,

    dit

    Pascal,

    partout

    est

    la

    marque

    d'un Dieu

    perdu.

    Partout

    aussi

    est

    la

    marque,

    non

    pas sans

    doute d'un

    Dieu

    retrouv,

    mais

    d'un Dieu

    qui

    se retrouve.

    Non-seu-

    lement il

    se

    retrouve

    dans

    l'homme,

    depuis

    l'tablis-

    sement

    du

    christianisme,

    qui,

    en

    le

    rconciliant

    avec

    Dieu,

    le rconcilie avec lui-mme;

    il

    se

    re-

    trouve

    encore

    dans

    la

    socit, depuis la formation

    des

    communes, qui,

    en

    se dveloppant,

    ont

    resti-

    tu ta

    r

    homme

    la

    possession

    de

    lui-mme,

    et

    en-

    fant

    les

    peuples aujourd'hui libres

    ou

    impatients

    de

    l'tre;

    il

    se

    retrouve aussi

    dans

    l'univers

    depuis

    le renouvellement

    ou

    la

    naissance

    des sciences

    physiques, qui font connatre

    l'homme la

    terre,

    les

    cieux, les

    lments,

    son

    propre

    corps et

    celui

    des autres tres

    organiss,

    et

    il

    va

    bienll

    se

    re-

    trouver

    pour

    toutes

    les

    nations.

    Dj la civilisation

    moderne,

    qui le

    rend,

    emporte

    l'Europe,

    l'Ani-

    I.

    B

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    23/484

    Wlll

    LA

    UFOKMATIO\

    rique,

    presse

    l'Afrique

    et

    l'Asie,

    dont

    elle

    mine

    les

    empires

    vieillis,

    qui

    n'attendent

    qu'un

    grand

    branlement

    pour

    tomber.

    S'il

    fallut

    le rgime de

    compression

    et de

    mort du

    Moyen-Age

    pour

    d-

    truire

    la

    civilisation de

    la chute,

    lui

    enlever

    l'homme,

    afin qu'il

    pt

    se

    rattacher

    Dieu et pro

    duire

    la civilisation

    de

    la

    dlivrance,

    celte

    civilisa-

    tion

    suffit

    pour

    diruire, dans

    les autres parties de

    la terre,

    la

    civilisation

    de

    la

    chute.

    Rien

    ne

    saurait

    rsister

    son

    esprit

    d'indpendance dissolvante

    et

    d'activit

    rnovatrice.

    H

    Par

    l'effet

    de

    la chute, le

    genre

    humain,

    en

    se

    multipliant,

    s'est

    divis en une

    multitude innom-

    brable de

    peuples

    diffrents

    de

    cultes, de

    lois,

    de

    murs,

    d'intrts,

    ayant

    chacun

    ses erreurs,

    ses

    prjugs,

    ses

    folies.

    Par

    l'effet

    de

    la

    rparation,

    ils

    vont tous,

    sous

    le

    rgne

    de

    la

    vrit

    et de

    la

    raison,

    retourner

    h

    l'unit,

    vers

    laquelle les nations main-

    tenant

    chrtiennes

    convergent avec

    l'indomptable

    nergie de

    lanaturequi se

    restaure.

    Le sacerdoce

    ou-

    vrant

    les

    yeux aux

    lumires

    du sicle,

    se

    convertis-

    sant

    la

    libert

    civile, religieuse, politique,

    secon-

    dera

    cet

    universel mouvement avec l'nergie

    plus

    indomptable encore

    de

    son

    pouvoir

    surnaturel.

    Ici

    j'entends les clameurs de l'ignorance

    et

    de

    l'irrtlexion :1e

    sacerdoce a

    fait

    son

    temps, l'homme

    n'a

    plus

    besoin

    de son secours. Nul

    doute,

    si

    l'homme est

    compltement rgnr. Mais alors

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    24/484

    DR

    LA PHILOSOPHIE. Xl\

    plus

    de

    penchant

    au

    mal,

    pins

    d'erreur,

    plus

    d'i-

    gnorance

    en

    lui.

    Si

    trop

    visiblemeni

    il

    n'en

    est

    point

    ainsi, la

    rparation

    n'est

    point

    consomme,

    et

    le pouvoir

    par lequel

    elle a

    commenc

    est

    indis-

    pensable,

    et

    pour

    qu'elle ne

    rtrograde

    pas,

    et pour

    qu'elle

    se

    continue.

    Comme

    l'union

    intrieure

    Dieu

    ne

    peut

    tre

    rtablie

    dans

    sa

    perfection,

    tant

    que

    l'me

    est

    attache

    au

    corps

    actuel

    ,

    il s'ensuit

    que

    la

    rparation ne

    s'accomplira

    point

    ici-bas, et

    que la

    ncessit

    du

    sacerdoce

    n'y

    cessera

    jamais.

    La civilisation prsente

    a beau

    accrotre les

    forces

    de

    l'homme, ds que

    parla

    mme elle

    multiplie les

    moyens

    et les

    occasions d'en

    abuser;

    elle

    l'clair,

    elle le

    moralise,

    mais elle

    le dcharn,

    mais

    elle

    lui

    prodigue

    les

    jouissances,

    et

    le laisse

    ainsi

    dans

    r

    impuissance

    relative de

    se

    conduire

    par

    lui-mme.

    Aujourd'hui

    s'accomplisseni

    les

    promesses

    tem-

    porelles de

    l'Ancien

    Testament,

    mais

    autrement

    que

    les

    juifs

    croient

    qu'elles

    doivent

    le

    faire.

    Ils

    attendent

    un

    roi

    qui

    leur

    soumette

    les nations

    et

    qui

    les

    enrichisse de

    leurs

    dpouilles.

    Le

    Christ

    les

    leur

    soumet

    en

    effet,

    mais

    c'est

    en

    faisant

    rgner

    sur

    elles

    sa

    loi

    que

    les

    juifs

    annoncent

    ,

    et

    qu'ils

    portent

    en

    figure.

    Il

    les

    enrichira

    aussi

    de

    leurs

    dpouilles,

    mais

    ce

    sera

    en les

    rendant

    participants

    des

    biens

    de

    la

    civilisation

    moderne,

    fruit

    de

    cette

    loi.

    Avant,

    nanmoins,

    qu'ils se

    fondeni

    ainsi

    dans

    l'ordre

    nouveau

    avec les

    aulres

    peuples,

    il

    faut

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    25/484

    \X

    LA

    UKI OHMA

    riON

    (|ue

    les

    autres

    peuples

    ysoieiU

    eux-mmes

    runis.

    Jusque-l,

    l'aneienne

    loi

    nayanl

    poiiil atteint son

    but,

    qui est

    le

    rgne

    religieux

    et

    social

    de

    l-

    vangile,

    il est

    ncessaire

    que

    ses

    sectateurs

    lui

    de

    -

    meurent

    attachs,

    sans

    quoi

    elle

    serait

    vicieuse

    tombant

    avant

    le

    terme.

    Mais aussi alors

    le

    Juil.

    reconnaissant

    dan>

    Tordre

    actuel

    l'empire

    de

    ce

    .

    roi qu'il

    attend

    d'en haut,

    sortira

    des

    ombres et

    des

    figures

    pour

    entrer

    dans la

    lumire

    et

    la ralit.

    On

    le verra

    donc

    incessamment

    venir

    la

    suite

    des

    nations

    humaines dans

    celte vaste cit

    de

    Dieu,

    fermant la

    marche

    qu'il ouvrit

    il

    y

    a

    dix-huit

    sicles.

    Ainsi

    se

    vrifie la sentence de

    Pascal,

    que

    ceux

    qui

    savent

    les

    principes

    de

    la

    religion

    peuvent

    rendre raison,

    et

    de

    toute

    la

    nature

    de

    T

    boni

    me

    rt

    en particulier,

    et

    de

    toute

    la

    conduite

    du

    monde

    en gnral.

    il

    ne

    lui lut

    point

    donn de

    conlemplei-

    ces

    merveilles

    de

    la rparation,

    qui

    ne

    pouvaient tre

    aperues

    que des

    hauteurs

    du dix-neuvime

    sicle

    Par

    la mme

    raison, elles

    chapprent

    Bossuet,

    Pour eux,

    Dieu perdu

    ne

    devait point

    se retrou-

    ver dans

    les

    peuples,

    mais

    seulement

    dansl'homme,

    et

    en

    ce

    qui

    concerne

    le

    salut

    ternel.

    Comme

    de

    leur

    temps

    les effets

    de la rparation,

    par

    rapport

    la

    vie

    prsente,

    n'taient

    pas

    encore

    assez

    mani-

    festes

    pour tre

    reconnus,

    ils

    ne l'ont conue

    que

    dans

    ses

    effets

    pai-

    raj)port

    la vie future.

    Pascal

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    26/484

    1K

    I.A l'HlLOSOPlUE.

    XXI

    ne

    se doute

    senleiiiei)l

    pas

    qu'elle

    soil

    dans eetle

    perfeelibiiit

    indfinie

    des

    sciences

    naturelles,

    sur

    laquelle

    il a

    compos

    un si beau

    discours.

    Il ne

    remarque point

    que

    chez les

    anciens l'esprit

    hu-

    main tail

    arriv,

    dans tons les

    sens, au terme

    de

    ce qu'il

    pouvait

    sous

    la

    chute. C'est

    pourquoi

    il

    ne

    cherche

    les

    preuves

    de

    la religion

    que dans l'exi-

    stence

    du peuple juil.

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    27/484

    XII

    LA

    HKFOKMATION

    sance

    et

    de

    grandeur.

    Comment

    s'lever

    assez

    haut

    pour

    dominer

    cette

    imposante

    rvolution?

    Com-

    ment

    saisir,

    dans

    toutes les

    formes

    qu'elle prend,

    les

    principes,

    les

    tendances,

    les

    vrits,

    les er-

    reurs?

    M.

    Bordas-Demoulin

    a

    choisi

    la

    seule

    posi-

    tion

    qui

    pt

    le

    rendre

    matre d'un

    aussi

    vaste

    sujet

    :

    il

    s'est

    plac

    au

    cur

    de

    la

    mtaphysique,

    et

    c'est

    de

    l

    qu'il

    tend sur

    les

    systmes

    une rgle

    inflexi-

    ble

    et

    toujours

    sre.

    Il

    remet au

    jour

    cette

    grande

    Thorie

    des

    Ides,

    dont

    Platon est

    le

    pre,

    et qui,

    jusqu'

    Descartes

    et

    Leibnilz, n'a

    (

    ess

    d'inspi-

    rer

    les

    plus illustres

    penseurs.

    Ce

    n'est pas

    stri-

    lement

    qu'il

    la

    reproduit

    ,

    elle

    se

    montre

    ici

    avec

    les

    perfeclionnemenis

    de

    vingt sicles,

    et

    affermie

    par les

    dbals

    fameux des

    coles

    cartsiennes.

    Mais

    surtout, pour

    la

    premire fois, elle

    trouve, dans

    les

    Thories

    de

    la

    Substance et de

    l'Infini,

    une base

    fixe

    et

    inbranlable qui lui

    manquait jusqu'alors.

    C'est

    une

    rsurrection

    de

    la

    mtaphysique.

    L

    est

    la

    vritable originalit

    du

    livre

    de

    M.

    Bordas-De-

    moulin, et

    toute

    la force

    de

    la

    nouvelle

    rforma-

    lion.

    On

    sent

    les doctrines

    de

    fauteur circuler,

    coumie

    une

    sve

    puissante,

    dans toutes

    les

    parties

    de l'ou-

    vrage

    ;

    elles

    donnent

    au cartsianisme

    la vie

    el

    l'unit,

    mais elles

    ne sont

    pas

    spares

    de

    l'expo-

    sition

    historique,

    quelles

    soutiennent

    et

    quelles

    animent.

    L'on a devant

    les

    yeux

    un vaste ensenddp

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    28/484

    l)K

    I.A

    PUILOSOPUIE.

    XXllI

    le conceptions,

    mles avec des faits

    nombreux

    el

    inlressants,

    qui

    se

    droulent

    avec

    une

    abondance

    el

    une

    richesse

    merveilleuses.

    J'essaie ici

    de les

    rassembler

    en

    faisceau,

    et

    de

    concentrer la

    lu-

    mire

    des

    principes.

    Rien n'est tranger

    la

    thorie

    des

    ides

    ;

    sans

    elle

    on

    ne

    comprendra jamais

    ce

    qui

    s'opra

    de

    irand

    et

    de

    salutaire

    dans

    les

    tnbres

    du

    Moyen-

    ge,

    lorsque

    l'homme

    fut

    rattach

    intrieurement

    Dieu.

    Le

    sujet

    que

    nous

    quittons

    et

    celui

    dans le-

    quel

    nous

    allons

    entrer,

    se

    touchent, et

    ne veulent

    pas tre

    considrs

    isolment.

    L'un

    et

    l'autre

    m-

    ritent

    qu'on

    s'y

    arrte; ce sont, pour

    les sciences

    philosophiques,

    deux fondements nouveaux

    et ca-

    pables

    de

    porter une infinit

    de

    travaux

    futurs

    Je pense; au del

    des

    sens

    et

    de

    l'imagination

    et

    de leurs

    fugitives

    apparences,

    me

    repliant

    sur

    moi-

    mme,

    je dcouvre les raisons et les

    causes

    de

    ce

    qui

    est, les

    ralits,

    les substances. Tout

    ce

    qu'embrasse

    la

    pense

    offre quelque

    chose

    de

    g-

    iiral,

    qui convient

    une

    infinit

    d'objets

    exis-

    tants

    ou

    possibles;

    les sens, borns aux

    objets

    prsents, ne sauraient

    atteindre

    que des qualits

    particulires,

    les

    seules aussi dont

    l'imagination

    conserve

    la

    trace.

    Par

    la

    rtlexion,

    l'tre

    intel-

    ligent

    revient

    sur lui-mme;

    il se

    rend

    compte de

    tout ce

    qu'il

    prouve;

    il

    est

    capable

    de

    vrit

    et

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    29/484

    XXIV

    LA

    KKrORMATIOX

    tir, chacune

    de

    ses

    impressions

    1

    aljsorbe

    lout

    en-

    tier;

    il

    ne

    petit les

    juger,

    parce

    qu'il

    ne

    s'en

    dis-

    tingue

    pas;

    il n'existe

    ix)ur

    lui

    ni

    vrit,

    ni erreur,

    mais seulement de

    la

    douleur

    et

    du

    plaisir. La

    i-ai

    son, le

    droit, la

    vertu,

    l'honneur,

    voil

    des ob-

    jets

    que

    rien ne

    reprsente dans

    la sensibilit

    animale:

    et

    quant aux objets

    qui impression-

    nent

    les

    sens,

    quelle

    dilrence entre celte

    em-

    preinte d'eux-mmes,

    qu'ils dposent

    dans les

    organes,

    et

    la

    vritable connaissance

    des

    propri-

    ts

    et

    des

    lois

    de

    la

    nature

    L'animal qu'aieclenl

    les impressions

    de

    la

    lumire, du

    son,

    de

    l'lectri-

    cit, de

    la

    chaleur,

    souponne-t-il

    les

    thories

    phy-

    siques

    par

    lesquelles

    on s'efforce

    de

    substituer

    la

    pure sensation la reprsenlalion intelligible

    de ce

    que sont en elles-mmes les

    qualits

    des corps?

    Ainsi

    la

    pense a

    ses

    objets

    et

    son domaine

    part.

    Ces

    objets intelligibles,

    que les sens

    ne

    sauraient

    atteindre, ce sont

    les ides,

    fondement

    ncessaire

    et

    unique

    de nos

    connaissances

    de lout ordre.

    La

    sensation

    a sa place

    dans

    l'conomie

    de la

    science

    humaine

    ;

    mais quels

    que

    soient

    les secours

    que

    rintelligence

    en tire pour le langage

    et

    pour

    l'tude

    de

    l'univers, la

    sensation

    en

    elle-mme,

    soit

    affec-

    tive,

    soit

    reprsentative,

    n'est

    point

    un

    degr,

    aussi

    infime

    que l'on

    veuille,

    de

    la

    pense;

    elle

    n'eu

    est

    ni

    le

    commencement,

    ni

    l'bauche.

    Elle

    peut

    servir

    exciter

    certaines

    ides,

    toutes,

    si

    l'on veut :

    elle

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    30/484

    DE

    LA

    1>HILOSOPHIK

    XX.V

    ne

    coulribueeii

    former

    aucune.

    C'est

    l

    une

    tlifl-

    rence

    de

    nature.

    Au-dessus

    de

    l'animal,

    et

    plus

    souvent

    opprim

    que

    servi

    par

    lui,

    s'lve

    dans

    riiomme

    l'tre

    spirituel.

    Que

    l'honmie

    donc

    sorte

    des sens,

    qu'il s'arrache

    leurs

    illusions,

    s'il

    veut

    s'accoutumer la

    lumire des ides

    et

    sonder

    ces

    profondeurs

    de

    science que

    chacun

    porte

    en

    soi.

    11 faut considrer

    ensuite

    que les ides

    sont

    quel-

    que chose

    de

    stable

    et

    de

    permanent

    dans

    l'esprit.

    Je

    mdite sur

    un

    sujet dtermin

    ;

    je

    puis

    le

    quit-

    ter

    et le

    reprendre mille

    fois

    :

    j'aurai

    accompli

    mille

    actes de

    perception ou

    de

    connaissance,

    mais

    une

    seule

    et

    mme

    ide aura toujours

    t

    le centre

    de

    mes

    penses.

    Voil

    ce

    qui

    demeure

    lixe au

    fond

    de

    l'intelligence,

    et ce qu'elle

    emploie

    son

    gr

    autant

    de

    fois

    qu'elle

    veut.

    L'ide

    en soi est donc

    distincte

    de

    la

    perception

    actuelle

    et

    de toutes les

    connaissances

    que

    l'on

    en

    peut

    former. Les percep

    tions

    passent,

    les

    connaissances

    se

    succdent

    :

    l'i-

    de

    ne connat ni destruction

    ni

    changement.

    Qu'elle

    soit actuellement perue et en usage,

    ou

    qu'elle

    se

    conserve,

    dans les profondeurs de 1 me, comme

    l'tat latent,

    sa

    nature

    n'en est

    point altre

    Croire

    que les

    ides

    n'existent

    qu'au

    moment

    o

    elles

    se

    montienl,

    c'est

    rduire

    la

    pense

    des

    con-

    ceptions

    fugitives,

    c'est

    la faire variable, inteiniit-

    lente

    comme celles-ci,

    rendre

    toute

    mmoire im-

    possible,

    et

    briser

    la continuit

    de

    la

    vie

    intellec-

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    31/484

    XXVI

    LA

    RKIORMATION

    tuellc.

    Tel

    esl

    l'excs o

    lombe

    l'cole

    cossaise

    avec

    tous

    les

    conceplualisles,

    lorsqu'elle

    dfiuil

    l'ide,

    Cacle

    de

    l'esprit

    qui

    connat

    (1).

    Un acle de

    connaissance

    estiemplac

    par

    un

    aulre

    :

    que

    reste

    t-il

    du

    premier?

    rien,

    si

    vous

    n'admettez

    pas,

    sous

    l'acte

    qui

    parat

    et

    disparat,

    l'ide

    qui demeure

    et

    qui gardera

    la

    trace de

    l'acte

    lui-mme. Selon

    qu'elle

    est

    perue

    avec

    plus

    ou

    moins

    d'nergie,

    une

    mme

    ide

    apparatra

    tantt

    claire et distincte,

    tantt

    obscure

    et

    confuse.

    Rien de

    plus

    facile

    que

    de se

    rendre

    compte de

    ces

    dilrenls

    caractres,

    des

    ides,

    si l'on

    voit en

    elles un

    fond

    rel

    et

    tou-

    jours

    subsistant,

    (|ue

    l'esprit,

    suivant

    ses

    efforts

    et

    ses

    dispositions,

    embrasse

    plus

    ou

    moins

    par-

    faitement

    .

    Mais

    je

    le

    demande

    :

    si l'on confond

    l'ide

    avec

    la

    perception,

    ne

    devient-il pas

    absurde

    de

    diie

    encore

    qu'une

    mme ide, c'est--diie

    alors une

    mme perception,

    pourra

    tre

    tour

    tour

    claire

    et

    obscure?

    Qu'y

    a-t-il

    de

    commun

    entre

    deux

    ac-

    tes,

    deux perceptions,

    dont

    l'une est

    obscure

    et

    lautre

    claire?

    Comment

    donc

    et

    sous

    quel lapporl

    seraient-elles

    une

    seule el

    mme perception?

    La

    logique

    vulgaiie est pleine

    d'erreurs

    ou

    de

    vaines

    subtilits

    qui

    ont leiu' cause

    dans

    cette

    confusion

    de

    deux

    cboses

    si

    essentielles

    ii

    distinguer.

    Ce

    (|u'elle

    enseigne

    du

    rapport

    entre

    l'extension el

    la

    (I)

    Fragiii.

    ili'

    M Kovi-i-Collaid. ilns

    les

    OEuv.

    de

    lieid.

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    32/484

    DK

    LA

    PHILOSOPHIE.

    XXVII

    coiiiprhensiou

    des

    ides peut lre

    ci

    l pour

    exemple.

    Observons,

    en

    passant,

    que

    dans

    l'usage

    le mot

    ide

    dsigne

    galement

    l'ide

    en soi

    et

    la

    perception,

    et

    qu'au

    lieu

    de

    ce

    terme qui

    sufft

    seul, les

    auteurs

    mettent quelquefois

    ide gn-

    rale, ide

    intellectuelle, et

    mme

    ide abstraite;

    cette

    dernire

    expression,

    nanmoins, est

    viter

    dans

    ce

    sens,

    h

    cause

    de

    Tabus

    qu'en ont

    lait

    les

    mots,

    sensualistes.

    Mais, au reste,

    peu

    importent

    les pourvu

    que

    l'on

    saisisse bien la distinction

    des

    choses,

    et qu'on

    l'exprime

    clairement quand

    les

    questions

    rexigenl.

    Survivant aux

    penses

    particulires qu'elles

    contribuent

    former , les

    ides

    sont

    les

    matriaux

    primitifs

    et les

    lments

    indestructibles

    de

    nos

    di-

    verses

    connaissances

    ;

    elles se

    retrouvent

    partout

    et

    sous

    toutes

    les formes. On

    pourrait

    les

    comparer

    au2f

    lettres

    de

    l'alphabet.

    Avec un

    petit

    nombre

    de

    caractres,

    on

    a

    le

    moyen

    d'exprimer

    les

    mots,

    les

    phrases,

    les discours,

    et d'entasser

    volumes

    sur

    volumes. Les combinaisons

    effectues de

    ces

    ca-

    ractres,

    aussi

    nombreusesqu'on

    les

    suppose, nem-

    pchenl

    point

    l'existence

    de

    combinaisons

    nouvel-

    les.

    Ainsi,

    avec une bien

    autre

    plnitude,

    les ides

    portent

    en

    elles-mmes

    des

    connaissances

    infinies.

    Toutes

    les

    ides

    se

    tiennent,

    se

    mlent,

    se sup-

    posent

    mutuellement.

    Nulle

    n'existe sans

    les

    autres.

    Toutes

    se

    voient en

    chacune.

    L'ide

    d'unit,

    par

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    33/484

    XWill

    LA

    Ui:i'0UMAT10>

    'xeniple,

    existe

    l-clle

    sans liJe de

    pluralil?

    M

    y

    a-l-il

    pas

    un

    rapport

    essentiel

    de

    l'une

    l'autre?

    Que

    d'ides

    secondaires

    se

    rattachent

    celles-l

    et

    toutes ensemble

    ne

    tiennent-elles pas la

    grande

    ide

    de

    l'tre?

    C'est

    un

    tout

    indivisible.

    Chaque

    ide

    peut

    tre

    plus

    ou

    moins

    appioCondie,

    et il

    y

    en

    a

    toujours, dans un

    moment donn, un grand

    nombie

    qui

    ne

    sont

    pas distinctement

    aperues,

    et

    qui

    sub-

    sistent,

    comme

    nous

    l'avons dit.

    dans

    une

    sorte

    d'tat

    latent.

    Mais

    veut-on

    la

    preuve (prau

    fond

    toutes les

    ides sont

    incessanmierU

    prsentes

    l'es-

    prit,

    et que

    la

    pense toute entire

    entre

    dans cha-

    cun

    de

    ses

    actes?

    Que

    l'on

    considre

    le

    jugement

    le

    plus

    simple:

    l'on

    y

    trouvera

    ncessairement

    li-

    de

    gnrale

    de

    l'tre,

    et

    celle

    du rapport

    de Tlre

    aux

    qualits

    ou manires

    d'tre,

    c'est--dire,

    en

    germe,

    toutes

    les ides

    et

    tous

    les

    raj)porls

    possi

    bls

    Kst-ilune

    seule

    connaissance,

    une seule

    op-

    ration

    inlellecluelle,

    (pii

    se

    puisse

    concevoii ,

    si

    Ton

    ne

    suppose l'exislence

    de

    ces

    ides

    l'ondauien-

    lales

    qui

    impliquent

    toutes

    les

    autres? Otez

    un

    tre pensant

    les

    ides, la

    raison

    s'en va,

    la

    vo-

    lont

    est dracine

    avec

    elle,

    et

    l'tre tout

    entier

    s'an('anlit.

    Les

    ides

    sont

    donc

    des

    pro[>rits

    es-

    sentielles

    de

    l'esprit

    ;

    et

    le

    caractre

    des

    proprits

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    34/484

    Ii;

    I.A

    l'HII.OSOIMIIK.

    \XI\

    peiiieul.

    ce qui

    cliang*',

    et'

    qui

    peut

    lre

    aequis

    ou perdu,

    eo

    ne

    sont

    pas

    ls

    id

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    35/484

    \\\

    LA

    UKK)MAII().\

    chacune

    de

    ses

    qualils

    esl

    ide, piiiK

    ipe

    de

    con-

    naissance.

    L'lre

    el

    l'ide

    de

    llre,

    l'activit et

    l'ided'activit,

    le

    nombreel

    l'ide

    de nombre,

    etc.,

    c'est

    tout

    un

    dans

    l'esprit.

    Si

    par impossible

    une

    pierre

    pensait,

    la

    pesanteur

    en

    elle

    deviendrait

    pa-

    reillement

    ide de

    pesanteur.

    Mais

    le

    caractre

    des

    lres

    physiques,

    minraux,

    vgtaux

    et

    animaux,

    c'est

    justement

    que

    leurs

    proprits ne sont

    pas

    susceptibles

    d'tre

    acconjpagnes de

    force

    r-

    flexive.

    Non-seulement,

    h

    l'aide

    de

    ses

    ides ou

    pro-

    prits,

    un

    tre

    inielligenl

    se

    pense

    lui-mme,

    il

    peut

    encore

    ,

    selon

    les

    divers degrs

    o

    il les

    per-

    oit,

    connatre et se

    reprsenter par

    elles

    une

    in-

    finit

    de

    choses

    diffrentes

    de

    soi.

    Par

    exemple,

    l'activit

    spirituelle ou

    l'ide

    d'activit

    sert

    pour

    comprendre et

    valuer

    tous

    les

    genres d'activit

    que

    dploient

    autour

    de nous

    les tres de

    la

    na-

    ture. L'esprit

    se

    porte partout

    avec

    lui-mme, et

    c'est toujours sa substance

    propre

    qui fait le

    fond

    de

    ses

    connaissances.

    Comment,

    en

    effet,

    aurions-

    nous des

    connaissances,

    quel

    litre seraient-elles

    ntres,

    si

    notre

    tre

    n'y entrait

    en

    quelque ma-

    nire?

    Chaque

    pense

    que

    je

    fornie,

    c'est moi,

    et

    non

    pas

    un

    tre

    quelconque

    que je

    l'attribue.

    Mais que

    peut-il

    y

    avoir

    de

    moi dans chaque pen-

    se,

    si

    tout

    tre

    intelligent

    n'a

    pas des

    ides

    en

    propre,

    si

    la raison

    n'est pas individuelle

    et per-

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    36/484

    1)K

    LA

    l'ilILUSOPiliK.

    XXXI

    sonnolle

    chacun?

    Oui,

    nous

    avons

    des

    ides,

    une

    raison

    nous,

    et c'est

    |)ourquoi

    nous

    nous

    sentons

    prsents

    dans

    toutes nos

    penses,

    quels

    que

    soient

    les

    objets particuliers

    qu'elles

    embrassent.

    Mais

    suffit-il h

    la

    science

    qu'il

    y

    ait

    des

    ides en

    nous?

    Dans les

    connaissances

    de

    l'homme,

    ct

    de

    ce

    qu'il

    lire

    de son propre

    fonds,

    n'aperoit-on

    rien

    qui

    vienne

    d'une source

    plus

    leve?

    Ici

    se

    dcou-

    vre

    une

    nouvelle

    et plus vaste

    lumire.

    Je

    suis,

    mais quelle

    sorte

    d'tre

    trouv-je

    en

    moi?

    un

    tre

    contingent,

    n

    d'hier,

    limit,

    impar-

    fait.

    Et cependant

    puis-je

    m'

    arrter

    l'ide

    de

    l'tre,

    sans

    apercevoir

    la

    ncessit,

    l'immensit,

    l'ternit

    de

    l'tre?

    La

    pense

    ne

    se repose

    que

    dans

    cette

    contemplation

    :

    c'est

    l

    son

    tat naturel.

    I^*

    esprit,

    jusque dans

    ses

    erreurs,

    n'est mu

    que

    par

    lattrait

    de

    la

    vrit;

    or,

    toute vrit,

    comme

    telle^

    est absolue etinnnuable.

    Quelque

    sujet

    qu'on

    approfondisse, l'essor

    de la

    mditation nous ravit

    nous-mmes.

    Cette

    pense,

    qui

    prend

    son

    point

    d'appui

    dans une nature

    faible

    et

    dbile,

    voit bien-

    tt s'taler

    ses

    regards

    la

    substance

    dans sa

    pl-

    nitude,

    avec une intelligence

    infinie,

    une activit

    manifeste tout

    entire,

    et qui,

    se

    maintenant

    tou-

    jours

    dans

    la

    mme

    perfection,

    est l'ordre et

    la

    beaut

    inaltrable;

    ternel

    fondement

    de

    toutes

    les

    vrits,

    puissance souveraine, raison,

    principe

    et

    fin

    des

    tres, cause antrieure

    et

    suprieure

    h

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    37/484

    xwii

    LA

    kkfohmaho.n

    loulc

    aiilro.

    Piiis-je

    me

    rcconnalro

    encore

    dans

    (es

    incomparables

    aUril)iils?Nc

    faul

    il

    pas

    que je

    sois

    sorti

    de

    moi-mme

    pour

    aller

    contempler une

    autre

    nature

    que

    moi

    ,

    ou

    i>lutt

    ne

    faut-il

    pas

    que

    cette

    nature,

    en

    influant

    sur

    la

    mienne, attire

    incessam-

    ment

    vers

    elle

    mon

    regard

    intrieur?

    Ne

    seiait-il

    pas

    absurde

    de

    dire

    que

    la

    pense

    est

    sans

    ob-

    jet,

    alors

    qu'elle

    clate

    dans

    sa

    force et

    dans

    sa

    splendeur?

    Si

    je

    suis

    attentif,

    je les retrouverai

    tlans

    toutes

    mes

    connaissances,

    ces

    lments in-

    telligibles

    d'un

    autre

    ordre,

    ces

    ides plus vastes

    et

    plus

    pleinement

    reprsentatives,

    qui se

    mlent

    aux

    miennes,

    qui les

    pntrent

    et

    les

    enveloppent

    de

    toutes

    parts

    Elles

    ne peuvent

    tre

    des

    pro-

    prits

    de

    mon

    esprit, encore

    moins

    appartenir

    la nature

    physique;

    ncessairement, elles

    sont les

    proprits

    d'un

    esprit absolu

    comme

    elles, d'un

    esprit

    souverainement

    parfait

    ou

    de

    Dieu.

    Ainsi,

    chacune

    de

    nos ides

    a sa

    correspondante

    en Dieu et nous

    rattache

    lui; c'est--dire qu'il

    existe deux

    sources

    d'ides,

    lune en

    nous

    et l'au-

    tre

    en

    Dieu, et que

    les ides

    qui

    nous appartiennent

    dpendent

    immdiatement

    de

    celles

    qui appar-

    tiennent h Dieu.

    La

    substance

    intelligible

    divine

    soutient et

    fortifie

    la

    ntre.

    Dieu

    pense

    avec

    nous,

    et

    il

    a mme

    plus

    de pat que

    nous dans chacune

    de nos

    penses.

    Entre notre raison

    et la

    sienne

    la

    comnmnication est directe

    el

    de

    tous

    les

    instants.

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    38/484

    DR LA PHILOSOPHIK.

    XXXI II

    Les ides

    divines,

    modle

    incr

    des

    ntres,

    sont

    la

    vrilable el

    dernire mesure

    de

    toutes

    choses;

    il faut aller jusqu' elles pour

    rencontrer

    une

    cer-

    titude

    inbranlable. Dieu

    est

    le

    centre

    commun

    des intelligences.

    C'est

    en

    lui

    que nous

    venons

    coniempler

    notre tour

    les

    vrits

    ternelles

    dont

    se nourrit,

    sans

    les

    diminuer,

    chaque

    gnration

    qui

    passe.

    Unie

    la

    raison

    divine,

    son

    principe

    et sa

    rgle

    ,

    notre

    raison

    ,

    sans

    cesser

    de

    nous

    tre

    personnelle,

    acquiert

    une

    irrcusable

    au-

    torit.

    11

    ne

    faut

    pas

    voir

    dans ce

    rapport

    de l'me

    avec

    Dieu

    quelque

    chose

    de

    surnaturel

    et

    de mystique

    C'est

    une

    condition essentielle

    de

    la

    pense

    :

    que

    Dieu

    se

    retirt

    entirement

    d'un

    esprit,

    de

    fait il

    l'anantirait.

    Mais si

    l'alliance ne

    peut jamais

    tre

    tout

    fait rompue,

    elle

    est plus ou moins iioile,

    suivant

    le

    bon

    ou le

    mauvais usage

    que

    font

    de

    leur

    libert les

    cratures

    intelligentes.

    A

    me-

    sure

    qu'elles s'loignent

    de

    la

    source

    de

    lumire,

    leur

    raison s'obscurcii,

    el meurt

    la

    vie

    de

    la

    vrit.

    Voil cette

    union avec

    Dieu,

    dont

    la

    plnitude

    fit

    la

    grandeur

    et

    la flicit

    de

    l'homme

    dans

    Ttai

    primitif,

    qui,

    affaiblie

    par la chute,

    quoique non

    entirement

    brise, le laissa

    pauvre

    ef

    dnu,

    que

    le

    Christ

    CvSt venu

    rtablir, que

    le

    rgime

    violent

    de

    la thocratie, au

    Moyen

    Age,

    resserra

    pour

    l'in-

    I.

    c

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    39/484

    \XXIV

    LV

    HliFORMATIO.V

    (livklu,

    iJt

    natre

    puiir

    les

    peuples,

    el

    qui.

    enfin

    renoue

    et

    affermie

    jamais,

    doit

    rpandre de plus

    en

    plus

    sur

    le

    monde

    la

    science,

    la

    vertu, les

    ri-

    chesses

    et

    la

    libert.

    L'homme

    qui a

    su

    descendre

    profondment

    en

    lui-mme,

    nest

    pas

    moins

    certain de

    l'existence

    de

    Dieu

    que

    de

    sa

    propre

    existence.

    Se

    connatre

    et

    connatre

    Dieu,

    fun

    implique

    l'autre,

    lun

    est

    impossible

    sans

    lautre,

    el

    tous

    les

    deux forment

    la

    philosophie

    vritable. On

    voit

    qu'elle

    est tout

    entire

    dans

    la

    comiaissance

    de

    la

    iialme

    el

    de

    l'origine

    des

    ides.

    Tous

    les

    faux

    systmes de

    ra

    taphvsique

    ont

    pour

    cause

    une

    erreur

    sur

    ce poinl

    capital.

    En

    effet,

    placez

    les ides exclusivement

    en Dieu,

    la science et

    la raison nous

    deviennent

    trangres;

    les

    esprits

    particuliers, ne

    conservant

    rien

    de

    substantiel,

    ne

    &ont plus

    que

    des moditica-

    (ions

    de

    l'esprit

    absolu,

    et l'on, est

    entran

    au

    panthisme.

    Concentrez

    les

    ides

    en nous

    seuls,

    et

    moins de

    les

    affaiblir,

    de

    les

    dnaturer,

    de

    les

    rduire des

    formes

    vides,

    strile

    ressource

    des

    pripatliciens,

    vous

    serez

    pousss cet

    extrme

    de

    proclamer

    le moi Dieu

    ,

    ce qui

    ramne

    le

    pan-

    thisme

    par

    un

    autre dtour.

    Descendrez-vous

    jus-

    qu'

    faire

    venir les

    ides

    du dehors

    par

    les

    sens,

    vous

    voil

    condamns

    matrialiser

    l'me,

    quand

    mme,

    par

    un

    raffinement

    de

    sensualisme

    qu'on

    a

    invent

    de

    nos

    jours,

    vous chercheriez

    ennoblir

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    40/484

    l)K 1 A

    IMULOSOIMUK.

    XXXV

    celle

    origine

    en

    y

    mlant

    Taciion

    sociale

    el

    l'in-

    Jliience du

    langage. Paiierai-je

    des

    consquences

    morales,

    politiques el

    religieuses,

    qui

    dcoulent

    de

    ces

    trois manires exclusives d'envisager

    les

    ides?

    Elles sont

    connues,

    elles trahissent

    et

    d-

    noncent

    Terreur des principes.

    On ne saurait

    les

    viter que

    dans

    la

    philosophie

    des

    ides, dont le

    principe, quoique unique,

    renferme

    la

    fois

    Tin-

    nit,

    la vision

    en

    Dieu, el

    l'influence

    secondaire

    de

    la

    nature

    et

    de la

    socit

    ;

    c'est la

    seule

    qui

    soit

    en

    harmonie

    avec les

    besoins

    et

    les

    esprances

    du

    genre

    humain.

    Je

    suppose

    un

    lableau

    capable

    de

    reprsenter,

    en

    aussi peu d'espace que l'on voudra,

    l'aide

    de

    cer-

    tains traits permanents

    qui

    se

    combinent,

    se res-

    serrent

    et

    s'tendent selon les

    occasions,

    tous

    les

    tres, toutes

    les

    figures, tous les

    vnements.

    Voil,

    direz-vous,

    un

    merveilleux

    lableau.

    Ce n'est

    pas

    tout

    encore.

    Animons

    ce

    lableau,

    donnons-lui

    la

    puissance

    de

    rflchir.

    En

    se considrant,

    il

    verra

    qu'il

    reprsente toutes

    choses,

    et

    que

    celle

    repr-

    sentation universelle,

    c'est

    lui-mme.

    Pour

    coii-

    nalre les

    objets,

    il n'aura

    qu' se

    regarder;

    seu-

    lement

    il

    ne

    serait

    point

    port

    le

    faire

    et

    considrer

    la

    partie

    de

    lui-mme

    qui

    correspond

    aux

    diffrents objets, si

    ceux-ci

    n'exeraient

    sur

    lui

    quelque

    influence. En

    gnral

    ce n'est que

    dans

    un

    certain tat

    el

    en

    l'absence

    de

    tout ob-

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    41/484

    XXXVI

    LA

    RFORMATIO.V

    slacle

    extrieur, qu'il

    jouit coiiipliinient

    tic

    f.i

    puissance

    de se

    contempler

    soi-mme.

    Mais aussi,

    lorsqu'il

    l'exerce

    dans

    sa

    plnitude

    et

    en

    toute

    libert,

    il reconnat avec

    admiration

    qu'il

    n'existe

    et

    ne

    jouit

    de

    la lumire que par

    l' influence f-

    conde

    d'un

    soleil toujours

    visil)le,

    dont

    les

    rayons,

    -ds

    le

    principe

    ,

    ont

    grav

    en

    lui

    tout

    ce

    qu'il

    est,

    et

    continuent

    d'entretenir

    et

    d'aviver

    l'em-

    preinte

    primitive. Ce

    qui est

    ainsi grav

    par

    les

    rayons

    du

    soleil,

    c'est limage

    du

    soleil

    lui-mme,

    type

    et

    original suprme

    oi

    subsiste ternelle-

    ment

    vivant

    ce

    qui

    n'est qu'en peinture

    dans le

    reste

    des

    tres.

    Aussi

    le

    tableau n'a

    qu'

    porter

    ses

    regards

    A'ers

    le

    centre

    lumineux dont l'clat

    l'envi-

    ronne,

    pour

    tre

    assur qu'il

    reprsente

    des choses

    relles,

    et

    non pas

    de

    vaines ond^res.

    Ajoutons

    que

    l'astre

    crateui'

    claire

    la fois

    une infinit

    de

    tal)leaux

    pensants. Ajoutons,

    si

    l'on

    veut,

    que,

    parmi

    ces

    tableaux,

    les

    uns

    aperoivent

    distinc-

    tement

    ce

    qui les

    claire,

    les autres

    sont

    tellement

    occups

    se

    regarder,

    ou

    regarder

    au-dessous

    d'eux,

    qu'ils

    ne

    voient

    pas d'o

    leur

    vient

    la

    lu-

    mire,

    quelquefois

    mme s'imaginent

    follement

    que

    le soleil

    n'existe

    pas. Comprenons

    donc,

    images

    Tvantes

    d'un

    Dieu,

    la dignit

    de la

    pense.

    Re-

    connaissons dans notre

    esprit

    un reflet

    pale,

    mais

    rel, de

    la

    lumire

    incre,

    et

    attachons

    nous

    contempler

    d'aussi

    prs

    que possible

    le

    vrai

    so-

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    42/484

    Di:

    LA PHILOSOPHIE.

    XXXVIl

    IimI

    des

    intelligences,

    qui

    illumine

    tout

    homme

    ve-

    nanl

    en

    ce

    monde.

    Quand on iudie les ides en

    elles-mmes,

    qu'on

    les voit en

    Dieu

    comme

    dans

    leur

    source

    pre-

    mire,

    et

    en

    nous

    comme

    dans

    leur

    source

    se-

    conde,

    on

    a

    une

    science

    de

    ralits,

    c'est

    la

    mtaphysique.

    Hors

    de

    l,

    on

    se

    perd

    dans

    les

    mots, les

    subtilits,

    les

    chimres,

    dans

    la

    logique,

    l'ontologie, tout

    ce

    qui

    est propre h

    dcrier

    la

    phi-

    losophie auprs

    des

    hommes

    de

    sens,

    qui n'en

    con

    naissent

    que

    ces

    contrefaons

    scolastiques.

    La lo-

    gique,

    uvre

    du

    gnie

    formuliste

    d'Arislole,

    se

    Halte

    d'tudier

    les

    lois

    de

    la

    pense,

    abstraction

    laite du

    sujet

    qui

    pense

    et

    des

    objets

    penss.

    C'est

    oe

    qu'on

    appelle

    en

    Allemagne,

    de la

    logique

    pure

    ou

    formelle.

    J'aimerais

    autant

    tudier

    un

    pays, ab-

    straction

    faite

    du sol,

    du

    climat

    et

    des

    habitants.

    A

    ct

    de

    la

    logique,

    florissait

    l'ontologie,

    que dis-je?

    llorissail;

    l'une

    et l'autre

    ne

    sont

    encore

    aujour-

    d'hui que

    trop

    florissantes.

    L'ontologie

    tudie

    les

    lies

    et

    leurs propiits

    gnrales en

    elles-mmes,

    et non

    pas dans

    les ides

    qui

    sont les premires

    ralits

    et

    la

    raison

    de toutes les autres.

    Encore

    une

    fois,

    ces

    creuses et

    bizarres

    conceptions

    sont

    la

    ruine

    de

    la

    [)hilosophie.

    Puisque

    les ides constituent

    l'esprit,

    et qu'il

    nous est donn

    de les

    pntrer

    par

    une

    forte r-

    flexion,

    on

    peut

    arriver

    i)ar

    elles

    jusqu

    au

    fond

    de

  • 7/23/2019 Bordas-Demoulin - Le Cartsianisme I

    43/484

    XX.XVIII

    LA RFOLMATIO.V

    l'esprit,

    jusqu'

    la

    substance,

    et

    la

    vue

    de

    ce

    que

    sont

    les

    choses

    en

    elles-mmes

    prparera

    notre

    pense

    s'arrter

    sur

    l'infini.

    La

    thorie

    de

    la substance

    et

    celle

    de

    l'infini

    ont

    t

    traites

    par

    l'auteur

    dans

    deux opuscules

    part,

    qui se

    trouvent

    imprims

    la suite

    du Cartsia-

    nisme;

    ce

    sont

    des

    morceaux

    crits,

    non

    pour

    tre

    lus,

    mais

    pour

    tre

    mdits. Je

    me borne

    ici

    quelques

    points

    essentiels;

    on

    verra

    qu'ils

    sont

    indispensables

    pour

    complter

    la

    thorie

    des

    ides,

    qui cache son

    vritable fondement

    dans

    ce^

    profondeurs

    mtaphysiques.

    Parmi

    nos

    ides,

    les

    unes

    reprsentent

    ce

    qui

    suppose

    l'inertie,

    la

    divisibilit,

    ce

    qui

    peut

    s'va-

    luer en nombre,

    comme

    la

    longueur,

    la

    distance,

    la

    dure

    ;

    les autres

    reprsentent ce

    qui

    suppose

    l'nergie,

    l'indivisibilit,

    ce

    qui

    n'admet que

    des

    diffrences d'intensit

    ,

    et

    ne

    saurait

    s'valuer

    en nombre,

    comme

    le

    plaisir,

    la beaut, le

    droit,

    la vrit, la

    sant.

    On

    peut, avec Malebranche.

    appeler les premires,

    ides

    de

    grandeur,

    et

    les

    se-

    condes,

    ides de perfection.

    videmment

    cette

    di-

    vision

    comprend toutes

    les

    ides.

    Or,

    c'est l

    une

    diffrence

    essentielle

    qui

    ne tient

    pas des

    combi

    -

    naisons

    logiques,

    mais

    la nature

    des

    choses.

    Il

    est

    impossible

    de rattacher

    une

    racine

    commune les

    ides

    de

    grandeur

    et les

    ides

    de

    perfection. Coni-

    menl

    concevoir,

    en

    effet,

    que

    l'me

    pt