Booklet Gainsbourg

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En février 1958, la chanteuse Michèle Arnaud publie un 45 tours sur lequel deux titres portent la signature d’un inconnu, Serge Gainsbourg. Ironie du sort, c’est aujourd’hui l’interprète qui est tombée dans l’oubli. Pourtant, quel personnage ! D’allure distinguée, plutôt jolie, «classieuse» comme aurait dit le futur Gainsbarre, elle hérite du surnom «d’intellectuelle de la chanson». Depuis six ans, elle défend les œuvres de Léo Ferré, Boris Vian ou Mouloudji dans un ca-baret de la rive droite dirigé par Francis Claude, son époux, le Milord l’Arsouille. On raconte que c’est dans ce lieu que fut chantée pour la première fois La Marseillaise, bien avant de devenir l’hymne national. Michèle Arnaud recrute ses fans parmi la jeune garde qui, demain, fera la pluie et le beau temps. François Mitterrand (alors ministre de l’intérieur), le journaliste Philippe Bouvard, André Rousselet (futur fon-dateur de Canal +), l’acteur débutant Jean-Claude Brialy, mais aussi l’élite intello de l’époque, de Jean Cocteau à Emmanuel Berl. Son goût pour les hommes de pouvoir la portera à les tutoyer du galon, de-venant l’une des premières productrice de télévision, à l’origine des carrières de Jean-Christophe Averty et Michel Drucker, entre autres. En attendant, elle fait le bonheur d’une nouvelle génération d’auteurs et compositeurs dont elle adopte les chansons, de son timbre grave, juste et précis, devant ce public de premier ordre. Son guitariste est un peintre en devenir, de dix ans son cadet, Lucien Ginzburg. Il trouve dans cet endroit de quoi s’acheter de la toile et des couleurs. Entre les numéros, on peut l’entendre au piano jouer les chefs-d’œuvre que son père, pianiste professionnel, lui a enseignés de Chopin à Gers-chwin, ou les bluettes qu’il retient facilement signées Aznavour ou Trenet. Pianiste d’ambiance, il sait le faire, Lucien. L’été, on l’entend au Touquet où il séduit les riches étrangères en villégiature, susurrant des Mi corazon ou My funny Valentine.

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Au Milord, Lucien adopte le pseudonyme de Serge Gainsbourg sitôt qu’il endosse sa panoplie de mu-sicien, après avoir un temps opté pour le nom de Julien Grix. Primo il prend son prénom de naissance en grippe, se-cundo il en a assez d’entendre écorcher son nom. Presque quinze ans après la libération de Paris, la France n’est pas débarrassée des relents d’antisémitisme et les nostalgiques de Vichy aiment à insister sur l’étrangeté de ce patronyme. Ses parents ont fui la jeune république soviétique en 1918. Par le train d’abord, puis en bateau. Gainsbourg apprendra plus tard que son père égara, pendant le long voyage, une toile qu’il avait peinte. Joseph Ginzburg ne touchera plus un pinceau. Fraichement mariés, le couple rejoint Paris. Ils perdront tôt le premier de leurs quatre enfants. Le petit Lulu et sa sœur jumelle Liliane devront la vie à la propreté dou-teuse d’un faiseur d’ange d’où maman Olga s’est enfuie en courant. Installés, ça ne s’invente pas, en face du siège de la SACEM, c’est rue Chaptal que Lucien grandira au son du piano paternel. Pour nourrir sa petite famille, Joseph court le cachet au sein d’orchestres dont il méprise le répertoire léger, ou comme pianiste de bar. Il se venge de la médio-crité des répertoires qu’on lui impose en inculquant à sa marmaille les rudiments de la grande musique, la seule à-même d’égaler les Arts majeurs…

Serge Gainsbourg devant l’une de ses toiles

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En 1957, Serge Gainsbourg écrit déjà des chansons, essentiellement pour les transfor-mistes du cabaret « Madame Arthur » où papa Joseph a proposé les services de son fils. Cela rapporte davantage que la peinture. D’ailleurs, cela rapporte tout court puisque à cette heure, peindre incombe de la dépense, uniquement. Certes, le galeriste précurseur, Pierre Loeb, lui a bien commandé une exposition de 40 toiles. C’est sa femme, Lise Lévitzky, rencontrée à l’Académie Montmartre, qui a insisté. Lucien est forcément impressionné. Pierre Loeb a lancé Raoul Dufy, Joan Miró, Marc Chagall, parmi tant d’autres révolution-naires de la peinture contemporaine. Lulu préfère mignoter de la partition. Lise en est folle de rage.

Ses premières rengaines s’intitulent Antoine le casseur ou On me siffle dans la rue. Elles font le bonheur des spectateurs de Ma-dame Arthur qui ne sauront jamais quel énergu-mène se masque derrière ces saynètes réalistes et cocasses. Au Milord l’Arsouille, Gainsbourg est fasciné par le charisme de Michèle Arnaud. Il va œuvrer pour qu’elle découvre le pot-aux-roses. Sous prétexte de lui montrer ses tableaux, il laisse négligemment traîner sur son piano des partitions de chansons qu’il destine à la blonde glamoureuse. Fine limière, Michèle Arnaud ne se fait pas prier. Elle inclut immédiatement à son répertoire les premières véritables œuvres du surdoué. Et pas les plus faciles. Plus les chan-sons dénotent l’aspect cynique et misogyne de leur auteur, plus elle est ravie. C’est ainsi que Ronsard 58, Jeunes femmes et vieux messieurs ou La recette de l’amour fou bousculent les ha-bitués du cabaret de la rue du Beaujolais. Le style est là, percussif et résolument moderne.

L’intervention de Michèle Arnaud dans l’éclosion de Serge Gainsbourg ne s’arrête pas en si bon chemin. Perspicace, elle insiste pour qu’il effectue ses débuts sur scène afin d’y défendre son Poinçonneur des lilas ou ses Petites odalisques. Dans le public, un artiste débutant nommé Hugues Aufray n’en perd pas une miette. Il pressent l’arrivée d’un style nou-veau. Revenant chaque soir, il en profite pour relever les textes et les accords. « Me raconte pas ta vie / Tu m’l’as déjà servie / Je la connais par cœur/ C’est la même que ta sœur ». Voilà qui feraient de bonnes chansons pour présenter aux directeurs artistiques des maisons de disques...

Michèle Arnaud peut se targuer de révéler de nouveaux talents. Dans le landernau musical, cela se sait et dans la foulée, le groupe Les Frères Jacques, grandes vedettes du music-hall, enregistrent Le Poin-çonneur des Lilas. Ces quatre gars comiquement vêtus de sous-pulls et de collants disposent d’une solide réputation qui a déjà traversé les frontières. Leurs chorégraphies poétiques ont permis à Jacques Prévert ou Léo Ferré d’être représentés ailleurs que dans le circuit restreint des petits cabarets de la Rive Gauche. Présenté sur scène comme « le premier concerto Gainsbourgeois », leur version du Poinçon-neur déclenche l’enthousiasme, concrétisé par de sé-rieuses ventes de disques.

45 tours des Frères Jacques

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Le ténébreux acteur Jean-Claude Pascal, popula-risé au cinéma par le cycle des « Caroline chérie » avec Martine Carol, cherche à briser son image de séducteur. Ancien styliste, fou de théâtre, acteur par goût des textes bien écrits, Jean-Claude Pascal est prisonnier d’une série de films alimentaires dont il n’a pas présumé de l’impact sur le public. Sa voix chaude et grave lui servira, pense-t-il à tort, pour rétablir l’ordre. Ainsi, il entame une carrière de chanteur, sélectionnant ses auteurs dans la lignée de Michèle Arnaud : Guy Béart, Francis Blanche, mais aussi Gilbert Bécaud, Charles Aznavour, et plus tard Jean Ferrat ou Bernard Dimey. Lui aussi choisira chez Gainsbourg les œuvres les plus décalées (En relisant ta lettre, Les oubliettes, Douze belles dans la peau…). En vain. Le grand public ne veut voir en lui que « le beau gosse » et privilégiera quelques mal-heureuses chansons sentimentales, loin des missiles écrits par Gainsbourg («En relisant ta lettre je m’aperçois / Que l’ortho-graphe et toi / Ça fait deux»).

Parallèlement, Serge Gainsbourg franchit le pas, il est désormais interprète de ses propres créations. Enfin, interprète est un bien grand mot. Selon les témoins de l’époque, Gains-bourg, paralysé par le trac, vomit ses chansons dont il accen-tue les invectives à l’adresse d’un public qu’il redoute. Cette timidité maladive sera interprétée comme du mépris. L’accueil glacial qu’il reçoit le conforte dans l’idée qu’il s’inscrit dans le droit chemin de Boris Vian, un des rares artistes de chanson dont il vénère les écrits et l’attitude. Les spectateurs se man-gent en pleine face les textes acides («Ce mortel ennui / Qui me vient / Quand je suis avec toi (…) Bien sûr il n’est rien besoin de dire / A l’horizontal / Mais on ne trouve plus rien à se dire / A la verticale»). En toute logique, Denis Bourgeois, spectateur assidu et par ailleurs directeur artistique du label Philips, repère cet ovni et lui propose de graver des essais pour les présenter au patron du label, le fameux Jacques Canetti.

Un contrat est signé dans la foulée. A cette époque, être engagé par Canetti (qui a découvert Brel, Brassens, Patachou, Félix Leclerc, Raymond Devos…) signifie non seulement avoir la possibilité d’enregistrer dans les meilleures conditions, mais aussi de se voir programmer à l’affiche du Théâtre des 3 Baudets et de bénéficier d’une couverture médiatique conséquente.

Affiche des Trois Baudets, 1959

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A l’automne 1958, l’album Du chant à la une, cent pour cent Serge Gainsbourg (à l’exception du texte de Ronsard 58) se voit livré au public et aux journalistes. Tout Gainsbourg est déjà là, textuel-lement parlant. Le langage s’apparente aux dialogues tout droit sortis des films policiers, comme dans Du jazz dans le ravin : « Ecoute, c’est toi qui conduis ou moi / C’est moi, bon alors tais-toi / Y’a du whisky dans la boite à gants / Et des américaines, t’as qu’à taper dedans ». Le cynisme aussi dans La femme des uns sous le corps des autres : « On s’en fout quand / C’est pas la nôtre / Là qui se vautre / On lui ferait passer / Le goût de recommencer ». L’alcool dans une chanson éponyme : « Mes illusions donnent sur la cour / Mais dans les troquets alentours / J’ai des ardoises de rêverie (…) Et dans les vapeurs de l’alcool / j’vois mes châteaux espagnols ». Alain Goraguer est res-ponsable des arrangements. Egalement compositeur, Goraguer a mis en musique certains standards de Boris Vian, Fais-moi mal Johnny ou encore La java des bombes atomiques. Vian est alors, entre mille autres activités, journaliste musical notamment pour Jazz Hot et Le Canard Enchaîné. C’est au sein de ce dernier qu’il écrit « tirez deux sacs de vos fouilles et raquez au disquaire en lui demandant le Philips B 76447B…réclame non payée, je ne travaille plus chez Philips, et j’y travaillerais encore que ce serait exactement pareil. C’est le premier 25 cm 33 tours d’un drôle d’individu nommé Gainsbourg Serge et né à Paris le 2 avril 1928. En ce qui me concerne j’espère que ce ne sera pas le dernier. En ce qui vous concerne, c’est vous qui pouvez faire que ce ne soit pas le dernier ». S’en suit l’éloge de l’album titre par titre avec la verve caractéristique de Vian.

Serge Gainsbourg et Michèle Arnaud en 1960, lors de la création

du Cha Cha Cha des Chauves, titre demeuré inédit

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Si l’auteur de J’irai cracher sur vos tombes n’avait pas cassé sa pipe quelques mois plus tard lors d’une projection d’un film adapté de son roman noir, nul doute que les deux hommes seraient devenus copains comme cochons. Tous ceux qui ont côtoyés ces deux phénomènes s’accordent sur leurs multiples points communs, et, en plus de partager Goraguer et Canetti, Gainsbourg œuvrera avec moult acolytes de Vian, Michel Legrand et Henri Salvador en tête. Ils partageront aussi une foultitude d’interprètes dont l’icône des années 50, Juliette Gréco.

L’ange noir de Saint-Germain-des-Prés est poursuivi par l’assiduité de Gainsbourg. Subjugué par sa démarche, sa diction, son profil, il rêve de lui proposer des chansons origi-nales. Cela ne va pas traîner. Les amours perdues et L’amour à la papa sont au générique d’un 45 tours 4 titres que Gréco consacre à son nouvel auteur-compositeur fétiche. Ce coup de chapeau va finir de lancer la carrière de Serge Gainsbourg. Son propre disque recueille un succès d’estime mais on parle de lui, de ses chansons, de ses interprètes et ses pinceaux sont définitivement remplacés par une plume au service des notes et de mots qui claquent.

Un des premiers articles consacrés à Serge Gainsbourg

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La vague nouvelle insufflée par Jacques Canetti est tou-tefois en train de prendre un sérieux coup dans l’aile. Au sommet des charts en cette ère pré-Sixties, on entend roucouler les accents de Gloria Lasso, Dalida ou Dario Moreno. Un raz-de-marée latino s’abat sur l’Europe. Le jazz ne fait plus recette ? Qu’à cela ne tienne. Gainsbourg féru de rythmes blacks se réfugie alors du côté de la musique latino-américaine et caribéenne. L’im-portant pour lui c’est que ses textes sonnent et que sa musique soit dans l’air du temps. Comme va le chanter Claude Nougaro peu après « Puisque ma poésie vous fait bailler d’ennui / Ô ravissantes gourdes / Pour être dans le bain, j’y mets de la musique / De style afro-cubain ». Jusque là, la plupart des textes de musiques à danser flir-taient avec l’ineptie. Grâce à Gainsbourg, ils vont jouer avec l’audace, à commencer par ce petit bijou de boléro que les deux G (Gainsbourg et Goraguer) concoctent pour le film L’eau à la bouche : « Laisse toi au gré du courant / Porter dans le lit du torrent / Et dans le mien / Si tu veux bien / Quittons la rive / Partons à la dérive ». Si cela paraît bien anodin de nos jours, rappelons qu’à l’époque, l’incitation à l’amour physique valait souvent la censure des diffuseurs pour seule critique.

Gainsbourg se permet même de « cha-cha-cher » Alfred de Musset et l’un de ses poèmes les plus cinglants « Honte à toi qui la première / M’as appris la trahison / Et d’horreur et de colère / M’as fait perdre la raison » et il offre ses affres en mambo « Les pensées que je médite / Sont plus noires que l’anthracite / Mais que faire quand tu te fous / Si éperdument de nous ».

Pochette du deuxième album de Serge Gainsbourg, 1959

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En deux albums et une première poignée d’interprètes, Serge Gainsbourg a posé les jalons d’une carrière dont l’aube est pourtant loin de laisser paraître ce qu’elle deviendra dans les années suivantes. Ce débutant de trente ans va imprégner les trois décennies ultérieures par une empreinte telle qu’aujourd’hui, vingt ans après sa disparition, nombreux sont les nouveaux talents à se référer à cer-taines de ses facettes.

Les titres ici réunis reprennent l’intégralité des chansons enregistrées par Serge Gainsbourg et ses premiers interprètes entre 1958 et 1959 à l’exception du titre Défense d’afficher enregistré par Juliette Gréco et Cora Vaucaire, publié respectivement en 1990 et 1960. Notons au passage le point commun des premiers interprètes Gainsbouriens : tous évoluent dans les graves et les basses. D’ici peu, il s’évertuera à les pousser le plus haut possible dans les aigus. Le titre inédit Les mots inutiles a été écrit par Julien Grix (premier pseu-donyme de Gainsbourg) en 1955, le texte a été modifié une première fois en 1958 puis lors de cet enregistrement de 1962 dans le cadre d’une émission consacrée à Vienne.

Laurent Balandras

(ci-contre)Gainsbourg vu par Nougaro

(page suivante)Serge Gainsbourg dans les loges du théâtre de l’Etoile à Paris

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In February 1958, singer Michèle Arnaud released an EP containing two tracks written by a newcomer, Serge Gainsbourg. Ironically, it is the perfor-mer who has now sunk into oblivion. But what a character she was! Elegant, rather pretty, “classy” as “Gainsbarre” would have put it, she was nicknamed “the intellectual of French chanson”. For the previous 6 years, she had been performing songs by Léo Ferré, Boris Vian and Mouloudji in a cabaret on Paris’ Rive Droite, owned by her husband Francis Claude and called the Milord L’Ar-souille. Legend has it that it was in this cabaret that La Marseillaise was sung for the first time, long before it became France’s national anthem. Michèle Arnaud built up her fan base amongst the Young Turks who were later to become ma-jor decision-makers: François Mitterrand (then France’s Minister of the Interior), journalist Philippe Bouvard, André Rousselet (who went on to found TV channel Canal +), budding actor Jean-Claude Brialy, as well as the intellectual elite of the time, from Jean Cocteau to Emmanuel Berl. Her soft spot for men of authority would help to establish her as a key player, more specifically one of the ear-liest TV producers, launching the careers of Jean-Christophe Averty and Michel Drucker, amongst many others. Meanwhile, she delighted a whole new gene-ration of songwriters by singing their songs in her deep, clear, tuneful voice to her top-rate audience. Her guitarist was a budding painter, ten years her junior, Lucien Ginzburg. The job paid for his canvases and paints. In between acts, he could be heard on the piano playing the masterpieces his father, a professional pianist, had taught him, from Chopin to Gerschwin, as well as catchy little tunes by Aznavour and Trenet that stuck in his mind. Background piano playing was something Lucien could do. In the summer, he could be heard in Le Touquet, seducing rich foreign holidaymakers with his soft renderings of Mi Corazon and My Funny Valentine.

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Whenever he played at the Milord, Lucien adopted the stage name Serge Gainsbourg, after toying with the name Ju-lien Grix for a while. Firstly he couldn’t stand his birth name anymore and secondly he had had enough of hearing it mispronounced. Nearly fifteen years after the liberation of Paris, France was not yet rid of anti-Semitism, and those who felt nostalgic for the Vichy regime liked to point out how strange his name sounded. His parents had fled the young Soviet Republic in 1918. First by train, then by boat. They took the train first, and then a boat. Gainsbourg would later learn that du-ring that long journey, his father had lost one of his paintings. Joseph Ginzburg would never paint again. The newly-weds settled in Paris. They lost the first of their four children early on. Little Lulu and his twin sister Liliane owed their life to the questionable cleanliness of a backstreet abortionist’s home that made their mother Olga run away. Funnily enough, it was in rue Chaptal, opposite the SACEM headquar-ters (an institution that collects and redistributes royalties) that Lucien would grow up to the sound of his father’s piano. In order to feed his family, Joseph rushed from job to job, including performing with an orchestra whose light-hearted repertoire he despised, or playing in bars. He took his revenge on the mediocre repertoire imposed upon him by teaching his own brood the basics of classical music, the only kind of music on par with the other fine arts.

By 1957, Serge Gainsbourg was already writing songs, mainly for the drag artists of the “Madame Arthur” cabaret, to whom father Joseph had offered his son’s services. This brought in more money than painting did. In fact painting, at the time, cost money rather than earning any. Admittedly, trendsetting gallery owner Pierre Loeb had given him a commission for a 40-work exhibition. It was Gainsbourg’s wife, Lise Lévitzky, whom he had met at the Académie Montmartre, who had insisted. Lucien, obviously, was impressed. Pierre Loeb had launched the careers of Raoul Dufy, Joan Miró, Marc Chagall, and many other revolutionaries of contemporary painting. But music scores took up too much space in Lulu’s heart, which infuriated Lise.

His first songs were entitled Antoine le Casseur and On me Siffle dans la Rue. They filled the Madame Arthur punters with joy, although they were never to see who had written those realist and comical play-lets. At the Milord L’Arsouille, Gainsbourg was fascinated by Michèle Arnaud’s charisma. Discreetly, he made sure she discovered his po-tential. Having invited her round to show her his paintings, he “inad-vertently” left some of the scores he had written for the glamorous blonde lying about on his piano. As she could detect talent from miles away, Michèle Arnaud was only too willing to oblige. Straight away, she began to include in her repertoire the first truly major pieces writ-ten by this highly gifted songwriter. And they weren’t the easiest of songs to sing: the more they exposed their author’s cynical and miso-gynist traits, the more Michèle delighted in singing them. And that is how Ronsard 58, Jeunes Femmes et Vieux Messieurs and La Recette de l’Amour Fou came to be performed on stage at the cabaret in Rue du Beaujolais. His distinctive style – percussive and resolutely modern – was already discernable.

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Michèle Arnaud’s part in launching Serge Gains-bourg’s career was not to end there. With her usual shrewdness, she insisted he went on stage to perform his Poinçonneur des Li-las and his Petites Odalisques. In the audience, a budding artist cal-led Hugues Aufray didn’t miss a second of it. He could feel a new style emerging. Coming back night after night, he made the most of it and took down the lyrics and chords. “Me raconte pas ta vie/ Tu m’l’as déjà servie/ Je la connais par cœur/ C’est la même que ta sœur” (Stop boring me with your life story, I’ve heard it all before, I know it like the back of my hand, it’s the same as your sister’s). Now wouldn’t these songs be just what A&R men needed to hear?

Michèle Arnaud could boast about being a talent spotter. As this was a known fact in music circles, the highly popular music-hall group Les Frères Jacques decided to record their version of Le Poinçonneur des Lilas. These four comically clad guys (polo neck jerseys and tights) enjoyed a solid reputation that reached far beyond France’s borders. Their poetic choreographies took Jacques Prévert and Léo Ferré well beyond the small Rive Gauche cabarets. Introduced on stage as “the first Gainsbourg concerto”, their version of Le Poinçonneur was re-ceived with great enthusiasm, resulting in some serious record sales.

Partition du Poinçonneur

des Lilas, 1958

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Jean-Claude Pascal, an actor with dark, brooding good looks who had gained popularity through the «Caroline Ché-rie» film cycle alongside Martine Carol, wanted to be perceived as more than a just a charmer. A former stylist, mad about the dra-matic arts, who had entered the acting profession because of his love of good writing, Jean-Claude Pascal’s image was plagued by a series of pot-boiler movies he had played in without realising they would make such an impact. He thought – mistakenly as it turned out – that using only his deep, low-pitched voice would set the record straight. He thus started to concentrate on singing, choosing the same kind of authors as Michèle Arnaud: Guy Béart, Francis Blanche, but also Gilbert Bécaud, Charles Aznavour, and later Jean Ferrat and Bernard Dimey. He too would choose Gains-bourg’s most offbeat works (En Relisant ta Lettre, Les Oubliettes, Douze Belles dans la Peau…), but to no avail. The general public could not see past his movie-star looks and went for his more sentimental songs, a million miles from the bombshells Gains-bourg had penned («En relisant ta lettre je m’aperçois / Que l’or-thographe et toi / Ça fait deux» – «Upon reading your letter again, I realise that the word “spelling” is not in your vocabulary»).

Serge Gainsbourg dans les loges du théâtre de l’Etoile

à Paris

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M e a n w h i l e , Serge Gainsbourg had taken the plunge; he now per- for-med his own songs, although “perform” might not be the most appropriate word. According to witnesses, Gainsbourg, who was prone to terrible stage fright, vomited out his songs rather than singing them, accentuating their aggressive side and startling an audience that ter-rified him. His painful shyness was mistaken for contempt. The frosty reception confirmed his belief that his career would fol-low the same path as Boris Vian’s, one of the few artists he admired, as much for his lyrics as for his attitude. Au-diences received his acid lyrics square in the face («Ce mortel ennui / Qui me vient / Quand je suis avec toi (…) Bien sûr il n’est rien besoin de dire / A l’horizontal / Mais on ne trouve plus rien à se dire / A la verticale» – «I get dreadfully bored when I am with you (….) Of course, there’s no need to speak when we’re horizon-tal, but then we don’t have much to say to each other either when we’re vertical»). Naturally, Denis Bourgeois, a regular spectator as well as the A&R man for the Philips label, spotted this striking ta-lent and offered to help him record demos they would later submit to the head of the label, the illustrious Jacques Canetti, who signed him on as soon as he heard them. At the time, being signed on by Canetti (who discovered Brel, Brassens, Patachou, Félix Leclerc, Raymond Devos and many others) meant not only gaining access to the best available recording studios, but also being able to perform at the 3 Baudets theatre and enjoying substantial media coverage.

It was in the autumn of 1958 that Du Chant à la Une, an album entirely written by Serge Gainsbourg (except for the Ronsard 58 lyrics), was unleashed to the public and the press. All of Gains-bourg’s defining features were already there, textually speaking: the words sound like dialogues straight out of the best crime films, as in Du Jazz Dans le Ravin: «Ecoute, c’est toi qui conduis ou moi / C’est moi, bon alors tais-toi / Y’a du whisky dans la boite à gants / Et des américaines, t’as qu’à taper dedans» - («Look, either I drive or you do. I do? OK then, shut up. You’ll find whisky and smokes in the glove compartment, just dig in») ; cynicism too in La Femme des Uns sous le Corps des Autres (One man’s wife under another one’s body): «On s’en fout quand / C’est pas la nôtre / Là qui se vautre / On lui ferait pas-ser / Le goût de recommencer» («It doesn’t matter as long as it isn’t yours lying there, offering herself. You’d make sure she wouldn’t do it again»); alcohol in the eponymous song: «Mes illusions donnent sur la cour / Mais dans les troquets alentours / J’ai des ardoises de rêverie (…) Et dans les vapeurs de l’alcool / j’vois mes châteaux espagnols» («My illusions overlook the yard, but I have outstanding debts in the neighbouring bars for dreaming (…) and in the heady fumes of intoxi-cation, I can see my castles in the sky»). Alain Goraguer was in charge of arrangements. Also a composer, Goraguer had set to music some of Boris Vian’s standards, such as Fais-moi Mal Johnny and La Java des Bombes Atomiques.

Pochette de Du Chant à la Une, premier album de Serge Gainsbourg, 1958

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Vian, at the time, was working – amongst a million other things – as a music journalist for Jazz Hot and Le Canard En-chaîné. It is in the latter that he wrote : «Dig deep into your pockets, find a few pennies, take them to your local record dealer and ask for reference Philips B 76447B… I’m not being paid to advertise this, I no longer work for Philips, and if I did it would be just the same. I’m talking about the first long player by an oddbod named Gainsbourg Serge, born in Paris on 2nd April 1928. As far as I’m concerned, I hope it’s not the last. As far as you’re concerned, well, you are the ones who can make sure it isn’t». This was followed by a track-by-track analysis of the album, in keeping with the witty eloquence that made Vian Vian.

If the author of J’irai Cracher Sur Vos Tombes hadn’t kicked the bucket a few months later, du-ring the screening of a film based on his aforementioned roman noir, the two men would undoubtedly have become the best of friends. All those who have crossed the paths of these two characters could tell you how similar they were. Besides sharing Goraguer and Canetti, Gainsbourg worked with many of Vian’s collaborators, especially Michel Legrand and Henri Salvador. The songs they wrote were also sung by many of the same performers, including 50’s icon Juliette Gréco.

Gainsbourg courted the black angel of Saint-Germain-des-Prés with consistency. Blown away by her gait, her diction and her profile, he’d have given anything to have her sing his songs. He didn’t have to wait too long… Les Amours Perdues and L’Amour à la Papa were listed on a 4-track EP that Greco, via its title, dedicated to her new favourite songwriter. This public accolade ensured Serge Gainsbourg’s career was well and truly launched. His own record at-tracted limited popular acclaim, but his name got mentioned, people talked about his songs and about the people for whom he wrote, and so his quill definitely came to replace his brushes, as he entered a life dedicated to notes and impactful words.

However, the new wave Jacques Canetti had set in motion was beginning to lose momentum. Topping the charts during this pre-sixties era were the sensual voices of Gloria Lasso, Dalida and Dario Moreno. A Latino tsunami had hit the European coasts hard. Jazz was not selling anymore? Never mind. Gainsbourg, an ado-rer of black rhythms, took refuge in Latin American and Caribbean music. All that mattered to him was for the words to be snazzy and for the music to move with the times. As Claude Nougaro was to sing soon after: «Puisque ma poésie vous fait bailler d’ennui / Ô ravissantes gourdes / Pour être dans le bain, j’y mets de la musique / De style afro-cubain» («As my poetry makes you yawn, O you pretty airheads, I’m getting back on track by adding an Afro-Cuban touch»).

(gauche)45 tours de

Jean-Claude Pascal, incluant deux titres

de Serge Gainsbourg, 1958

(droite)45 tours de

Juliette Gréco, incluant quatre titres

de Serge Gainsbourg, 1959

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Until then, most dance music lyrics had been pretty much inept. With Gainsbourg, they would become audacious, starting with this gem of a bolero number that the two Gs (Gainsbourg and Goraguer) concocted for the film L’eau à la Bouche: «Laisse toi au gré du courant/ Porter dans le lit du torrent/ Et dans le mien/ Si tu veux bien/ Quittons la rive/ Partons à la dérive» («Let the current carry you into the bed of the torrent, and into mine, if you don’t mind, let’s leave the bank and drift away»). If this seems quite harmless today, it is important to remember that, at the time, incitement to physical love was often censored before it could even be criticised.

Gainsbourg even went as far as cha-cha-ing up Alfred de Musset and one of his most scathing poems «Honte à toi qui la pre-mière/ M’as appris la trahison/ Et d’horreur et de colère/ M’as fait perdre la raison» («Shame on you for being the first to teach me about betrayal, you made me lose my mind through disgust and anger») and presenting his trials and tribulations through the medium of mambo «Les pensées que je médite/ Sont plus noires que l’anthracite / Mais que faire quand tu te fous / Si éperdument de nous» («The thoughts going through my mind are darker than anthracite, but what are we to do if you don’t care about us?»). With the help of two albums and a first handful of songs written for others to perform, Serge Gainsbourg had paved the way for a career which, as it dawned, would never have given anyone an inkling of how great it would become. This thirty-year-old beginner would leave such a mark on the next three decades that today, twenty years after his death, many up-and-coming talents still refer to some of his facets as a major influence.

This record is a collection of the tracks written and recorded by Serge Gainsbourg and other singers from 1958 to 1959, except for the song Défense d’Affi-cher, recorded by Juliette Gréco and Cora Vaucaire and released in 1990 and 1960, respectively. Notice in passing how the singers of Gainsbourg’s early material all had in common a deep and low-pitched voice. From then on, he would try his best to push them as much as he could towards the higher notes. Previously unreleased track Les Mots Inutiles was written by Julien Grix (Gainsbourg’s first pen name) in 1955. The lyrics were first modified in 1958 and again in 1962, when this ver-sion was recorded for a TV show on Vienna.

Laurent Balandras

45 tours d’Alain Goraguer,

incluant 4 titres de Serge Gainsbourg,

1959

Page 18: Booklet Gainsbourg

Compilations conçues et réalisées par Laurent BalandrasSupervision : David Bossan et Anne-Sophie JuanMastering : Alexis Frenkel (Art et Son studio, Paris)Graphisme : Mariette CoustyToutes photos © Studio Lipnitzki / Roger-ViolletToutes les illustrations du livret sont issues d’une collection particu-lière

Merci à Catherine Laignel de VMA, Jean-Noël Roy, Christiane Lemire et Karine Guelble à l’INA, Caroline Molko, Nathalie Didelet et Sandrine Runser pour Warner Chappell Music France, Marianne Théry et Manon Lenoir des éditions Textuel, Hélène Nougaro, Olivier Lacourt, Pierre-Olivier Toublanc, Elise NoéLudovic Dury et toute l’équipe de Discograph

Dans la même Collection Claude Nougaro À la recherche du son qui fait sens 1955-1959(Discograph 2010)

Disponible également Les manuscrits de Serge GainsbourgÉdition établie et commentéepar Laurent BalandrasPrix de l’académie Charles Cros(Éditions textuel 2005)

(couverture disque)Serge Gainsbourg dans les loges du théâtre de l’Etoile

à Paris

(couverture livret)Serge Gainsbourg en concert au théâtre de l’Etoile