Book Macherey - Hegel Ou Spinoza (La Decouverte 1990)

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Armillaire se veut un espace de refaion ouvert a toutes les sciences humaines et li toutes les combinaisons de ces diffkrents savoirs. Son ambition ? Aider l'honnete homme li faire le point des connaissances, li aborder de nouveaux terrains, ri klaborer de nouveaux outils conceptuels. Chacun des ouvrages de cette collection participe a l'intelligibilite' du monde et des hommes d'hier et d'aujourd'hui. DLpassant le clivage habitue1 entre les disciplines, n'he'sitant pas ci emprunter des chemins inqlore's, Armillaire rassemble des livres s'adressant a la fois ri l'l~istorien, au philosophe, a l'e'conomiste, a I'ethnologue, a l'e'pistkmologue, au biologiste, a l'historien des religions ... Des ouvrages dont la dkmarche, l'e'criture, et le ton, libres des modes, ofient au lecteur dksireux de saisir ['essence des choses grbce a la clad des mots une approche stimulante d'un objet particulier. La sphkre armillaire dessinCe par M. Dessertenne, qui figure en ttte de I'ouvrage, est extraite du L.arousse du x,Ysi.?rle avec l'aimable autorisation de la Librairie Larousse. Hegel ou Spinoza

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Armillaire se veut un espace de refaion ouvert a toutes les sciences humaines et li toutes les combinaisons de ces diffkrents savoirs. Son ambition ? Aider l'honnete homme li faire le point des connaissances, li aborder de nouveaux terrains, ri klaborer de nouveaux outils conceptuels. Chacun des ouvrages de cette collection participe a l'intelligibilite' du monde et des hommes d'hier et d'aujourd'hui.

DLpassant le clivage habitue1 entre les disciplines, n'he'sitant pas ci emprunter des chemins inqlore's, Armillaire rassemble des livres s'adressant a la fois ri l'l~istorien, au philosophe, a l'e'conomiste, a I'ethnologue, a l'e'pistkmologue, au biologiste, a l'historien des religions ... Des ouvrages dont la dkmarche, l'e'criture, et le ton, libres des modes, ofient au lecteur dksireux de saisir ['essence des choses grbce a la c lad des mots une approche stimulante d'un objet particulier.

La sphkre armillaire dessinCe par M. Dessertenne, qui figure en ttte de I'ouvrage, est extraite du L.arousse d u x,Ysi.?rle avec l'aimable autorisation de la Librairie Larousse.

Hegel ou Spinoza

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Georges Albert Astre, Pierre Lipinasse, La dktnocratie contrariie. L>obbies et je~u. d~r pouvoir alcx Etclts-Unis.

Lire Braudel, ouvrage collectif. Jean-Michel Besnier, La politiq~~e rlc 1 'ir71possible. L 'intellectuel erztre

rkvolte el enguger rlent. OIivier BCtournC et Agl:tia I. I-Iartig, Penso l'histoire de la Rkvolutior~

frmcaise. Edward H. Carr, Qu'est-ce qirc I'histoire ? Maria Daraki, Une religiosi~C sor~s Dieu. Fran~ois Dosse, L'histoire en nzietres. Des Annoles a la Nouvelle Histoire. Jean Duvignaud, Hb-e'sie ot S L I ~ V P I S ~ O ~ L . Essais sur lhnomie. Esprit, TraversCes d~r XX' siecle (ouvrage collectif). Fran~ois Fourquet, Richesse ct l)uissar~ce. Une gknialogie de la va l~~tr . Jean-Yves Guiomar, La nation er~trz I'histoire et la raison. Michael IgnatieR', La libcrtk d'2tre h~tmain. Essai sur le de'sir et le

besoin. Gilles Kepel, Le Propll?te et Plzcrtnon. Lc.7 morivements islarnistes duns

I'Egypte contempomir~e. Zaki Lai'di, Les contrnintc.~ d'llne rivalitt Les superpuissances et I'Afrique

(1 960- 1985). Abdallah Laroui, lslo~n et 171orlerrlitL Bernard Lewis, Comrnerzt I'lsltrrn o de'couvert I'Erirope. C.B. Macpherson. Prirzcipc~s et limites dc la dkmocratie libkrale. Silvano Petrosino, Jacques Rolland. La vb.itC nomade. lrltroduc~ion 2

Errrrnari~lel LPvinas. Shlorno Sand, L'ill~rsior~ (111 politiqrle. Ckorges Sore1 et le dkbat ir~tellect~~el

1900. Pierre-Andri. l'aguicff, Ltr jor.ce (111 p+jugk. Essai sur le rocisme el .ses

~l0rlhl~.ss. Yossef Flayirn Ycrushalnli, Ztrkhor; 1ri.stoirr jui11e et 117c;rnoiw jr~it,e.

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0 Librairie Franqois Maspero, Paris, 1979. 0 Editions La Dkcouverte, Paris, 1990.

ISBN 2-7071-1961-X

Consacrer une Ctude au rapport de deux grandes philo- sophies historiques, comme le sont celles de Spinoza et de I lcgel, c'est indiscutablement se confronter, au-del8 des limites d'une cornparaison formelle, acadkmique dans sa tldmarche et indiffkrente dans son contenu, 8 certains enjeux I'ondamentaux de la dCmarche philosophique considCrCe en !:dnCral.

N Spinoza n, cc Hegel ,, : ces expressions indiquent d'abord I)our nous des systkmes de pensee ayant valeur en eux- ~l~Cmes, et attach& 8 I'existence personnelle de leurs auteurs, t lui d'emblke les nomme, c'est-8-dire 8 la fois les dCsigne c . 1 les signe. Or, si I'on prend quelque peu au sCrieux I'cntreprise de la pensCe philosophique, on doit reconnaitre . I ocllc-ci une relative autonomie par rapport 8 de telles ~)~-ockdures d'identification, qui, sous prCtexte de la singu- I;II-iscr, la dispersent, et tendanciellement la font disparaitre ,l;tlls une pluralite indistincte de doctrines, en privilkgiant (c.4 <c points N spCculatifs que constituent les positions t-oncrktcs incarnCes dans la rCalitC empirique des auteurs- ~.v~tLrncs. Mais dCnolier le lien du jeu spkculatif aux discours

' I .;I premii-re Cdition de cet ouvrage a paru en 1979 aux Cditions Maspero C I . I I I \ 1 < 1 collection ((TI~Corie D, dirigke par Louis Althusser.

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Hegel ou Spinoza

individuels qui les transmettent, c'est aussi prendre le risque de dkvitaliser I'entreprise de la pensee, en la soumettant a une evaluation abstraite et intemporelle, dont I'universalitC risquerait finalement d'&tre sans contenu. C'est pourquoi il n'est pas non plus possible de soustraire complktement cette entreprise a son enracinement doctrinal : le travail de la reflexion philosophique passe par la mise en perspective que lui assignent les positions des philosophes, dans la mesure ou celles-ci crkent les conditions de son elaboration, de son expression et, jusqu'i un certain point, de son interpretation. La vCritC de la philosophie est dans Spinoza comnle elle doit etre dans Hegel : c'est dire qu'elle n'est tout a fait ni dans I'un ni dans I'autre, mais quelquc part entre Ics deux, dans le passage qui s'cffectue de I'un I'autre. Disons lcs choses un peu autrement : la philosophie est quclque chose qui passe, et qui se passe, la ou se tranle I'enchainement de pensees qui, dans les ceuvres memcs, kchappe a I'initiative historiquc de leurs auteurs, et dont la saisie amoindt-it I'interCt que I'on peut porter a leurs visees systkmatiques, parce qu'elle les entraine dynamiquement dans le mouvcment anonyme d'une sorte de projet collectif, appropriant la philosophie a I'cnscmble des philosophes, et non sculement a tel ou tel d'entre cux.

Lorsque deux pensees aussi caractdrisiies que le sont celles dc Spinoza et de Hegcl rkagissent I'une sur I'autre, c'cst- 5-dire a la fois I'une avec I'autre et I'une contre I'autre, i l doit en sortir quelque chose qui, vennnt de chacune, n'ap- partient proprenlent a aucune d'entre elles, mais, dans I'intcrvallc qui les dpare , constitue leur commune veritt. Or, dans le cas precis de ces deux philosophes, si leur confrontation apparait particulierement feconde, c'est parce qu'elle n'est pas la rcncontre intellcctuellement neutre entre deux pcnsCcs qui se feraient face en restant exterieures I'une a I'autre : elle est plut6t cette mise a I'Cpreuve rCci- proque qui, en mCme temps qu'elle Ics fait communiquer, ouvre chacun de ces systemcs en soi-mime, ct I'expose a cctte contestation interne que suscite la reconnaissance de ses limites. Ainsi nous n'kchappons pas ii cette double exigence : lire Spinoza dans Hegel, lire Hegel dans Spinoza,

. I 1 ; 1 ~nanikre de deux miroirs qui rCflCchissent respectivement I ( . I I I s images.

I .;I Sormule cc Hegel ou Spinoza D, ici utilisCe pour rendre I O I I I I ) ~ ~ de cette confrontation, comporte une ambigui'tk ,.(.l~l;lrltique qu'il convient, sinon de lever, du moins de . . I )~~ligtlcr pour mieux la caractkriser. Dans la langue franqaise, 1 ' 1 1 1 ilisarion de la conjonction cc ou ,> confond deux figures 1 1 , . I'clv;iluation comparCe que d'autres langues distinguent , 1 1 1 (x~lltraire : c'est ainsi que ce ccou D du franqais traduit ~~~tIi \ t i~lctcmcnt le vel et le aut ... aut du latin, qui disent des I IIII\(.S apparemment contraires. Aut. .. aut est la formule de I I qq)o"irion et de I'exclusive : c'est (ou) I'un ou I'autre, mais ~ I . I \ less deux a la fois. Si cc Hegel ou Spinoza v se disait de I re. manikre, aut Hegel nut Spirioza, c'est-a-dire cc ou bien I I(.!:(.I ou bien Spinoza D, cela reviendrait a les prCsenter

1 I I I I I I I I C ~ C U X fornles de pensCe irreductibles, constituant les 1 1 . 1 I I I C ' S d'un choix qu'il n'est pas possible de laisser indC- I I I I I I I I C I ~ ~ suspendu. Or, en privilkgiant, pour signaler le , . I I .lc.{Crc incontournablc de cette alternative, I'ordre des

I I O I I I \ ( l t r i renverse la succession chronologique, en faisant , I I I I I C . 1);Isscr Spinoza aprks Hegel, et non avant lui, on semble

I,II!:;I!:CS d'emblee dans un tel choix : car on a de cc fait 1111l)ll(.itcnicnt recusC la logique evolutive qui constitue le I l r . 1 1 1 ( l u systkme hkgklien, d'apres laquelle ce qui vienl . I I I I ( . \ ctlglobc et comprend nkcessairement ce qui, le pre- I I ~ I , I I I I , n'cn constituait que I'anticipation ou la preparation ; I I .1111si o n 21 inverse la perspective qui commande la lecture I I I !~.lr(.~tllc dc Spinoza, en la subordonnant i celle, nCces-

. . I I I ~ . I I I C . I ~ ~ hypothktique, d'une lecture spinoziste de Hegel, I I I I I I I 1 ; 1 puissance spdculative semble des lors I'emporter.

\ I I II~.I;I tl'unc mesure reciproque des syst2mes, qui les fait $ 1 1 11c.11t1r.c tlc leur relation, ce jeu du cc ou bien ... ou bien >>

I.IIII)I(. tlol~c. ddbouchcr, plus ou moins dogmatiquement, sur 1 1 1 1 1 . I (.>ol~~liori d~ 121 crise ouverte par leur confrontation : I I 1 . 1 1 c.l~oisiss;~nt dc placer Spinoza en alternative a Hegel, t I I I O I I I'it~vcrsc, c'cst du c6te du premier, sen~blc-t-il, que 1 I ~ I I \ ; I c.l~crcllcs Ics conditions dc cctte solution, par unc 1 1 , 1 1 - . l o 1 1 (10111 !;I 116cessil6 rcstcrait alors a 6tablir et a 1 1 1 ~ . 1 1 1 1 ( . 1

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Hegel ou Spinoza

Mais i l ne faut pas oublier que K Hegel ou Spinoza D, cela peut aussi se traduire cc Hegel'vel (sive) Spinoza n, qui signifie apparemment le contraire. Le * ou >> est ici la formule de I'identite et de l'kquivalence. C'est lui qu'on retrouve dans la farneuse expression si souvent imputee a Spinoza, alors que, sous cette forme, il ne I'a jamais ecrite, Deus sive natura, dans laquelle N Dieu >> et << nature >> se prksentent comme deux noms differents, mais aussi indiffkrents, pour une seule et mCme chose. cc Hegel >> et u Spinoza >> ne seraient-ils pas egalement deux noms pour une meme chosc, et quelle serait alors cette chose qu'ils dksigneraient indis- tinctement ? A cette question, i l convient de conscrver jusqu'au bout son caractere interrogatif, sans prktendre la rCsoudre dkfinitivement. C'est elle qui soutient, et traversc de bout en bout, 1'Ctude qu'on va lire. Selon I'esprit de cette interrogation, il est manifeste que, s'il est ineluctable de lire Spinoza ct Hegel en opposition I'un ii I'autre, c'est le c6t6 aut ... aut du cc ou ,>, i l n'est pas moins nkcessaire de les r6flCchir I'un avec I'autre, comme s'ils donnaient ses ClCmenls, ou ses parties, B un unique discours, a I'intCrieur duquel lcurs positions respectives seraient indissociables, parce que lcur sens ne s'expliquerait que dans leur interaction - et ici c'est lc cBtC sive du cc ou >> qu'on fait ressortir.

Le debat qui s'eleve entre ces deux formes de pensee n'aurait donc pas de nkcessitk, et ne prksenterait aucune signification, si elles n'avaient en partage une meme vCritC, dont le processus n'appartient ni a I'une ni a I'autre, parce qu'il se produit a l'intersection de leurs parcours respectifs. Cette vkritk suspendue, issue de la contestation et du conflit, n'a plus de ce fait la valeur d'une thkse arri2tCe : mais elle est celle d'une critique et d'une epreuve, dont I'objet est la philosophie elle-meme, telle qu'elle se dkploie, travers I'ensemble de son histoire, dans I'Clement problkmatique de la difference et du dkbat.

Pierre MACHEREY, juin 1990.

I C. 30 juillet 1816, le prorecteur de 17universitC de Heidel- 1 1 1 . 1 , : Ccrit a Hegel, alors proviseur du gymnase de Nurem- 11t.11:. pour lui proposer une chaire de professeur titulaire. I1 I t1111111cnle son offre de la fason suivante : Heidelberg . I I I I ; I I I pour la premikre fois en votre personne un philo-

. I I ~ ) ~ I C . tlepuis la fondation de I'UniversitC. Spinoza fut une IIII, , ;~l)pclC ici, mais en vain, comme vous le savez sans I ~ O I I I C * ... 1, On connait en effet la lettre du 30 mars 1673 (( au I I t . , , I lluslre et trks distingue Dr Louis Fabritius, professeur . I I A(-;~tlCmie de Heidelberg et conseiller de I7Electeur pala- I 1 1 1 ' , l);lr laquelle Spinoza avait dCclinC I'invitation qui lui I 1 . 1 1 1 I;~ilc d'occuper une chaire professorale, car, en se I 1 ~ I I , , ; I C . I an1 h I'enseignement de la jeunesse, il craignait de I I I . \ O I I - I-cnoncer h ses travaux philosophiques personnels ;

I I I I O I I I , i l redoutait que sa liberte de philosopher puisse etre I I I I I I I ( ~ . p;lr la nkcasite de respecter les lois Ctablies et les I 1 1 t~.(.l)Ics tle la religion. Son refus, clairement motivC, se I 1 1 1 1 c - l 1 1 ; 1 i l i~ilisi : ( I Ce qui m'arrkte, ce n'est pas du lout I t . , . l ) t 111. ( I ' L I I ~ C l'orlune plus haute, mais I'amour de ma tran- I 1 I I I l l I 1; clue jc crois devoir prkserver, en quelque manikre, I I I ~ll';ll~\lc~iarlt de lcqons publiques. )) Hegel connaissait cet 1 I ~ I . . O ~ ~ C . c l u ' i l rclalc ainsi dans ses L e p n s sur l'histoire de la I ~ l u l o \ o l ~ l l i c ~ : ( 1 Spinoza (tl'aprks ce que nous rapporte sa t lc-,l)(~~(l;~ncc) rcpoussa cclte offre, mais a bon escient, I . I I 1 1 IIC* x ; ~ v ; ~ i l pas tliins q~lellcs lin~iles serait restreinte

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Hegel ou Spinoza

sa libertC philosophique, pour qu'elle ne paraisse pas inquid- ter la religion officiellement Ctablie ". ))

Le 6 aoiit 1816, Hegel rCpond au prorecteur avec empres- sement : cc par amour pour les Ctudes universitaires n, il accepte sa proposition, alors meme que d'autres perspectives sont pour lui ouvertes, du c6tC de I'UniversitC de Berlin ; il demande seulement que le traitement qu'on !ui offre soit amCliorC, qu'on le loge gratuitement, que les r a i s de son dCplacement soient remboursCs ... Un peu plus tard, le 20 aofit 1816, ces questions matCrielles Ctant rCglCes B sa satisfaction, Hegel revient sur sa nomination pour (( exprimer sa gratitude, en partie pour l'intkret que [son correspondantl veut bien prendre B son affaire, en partie pour celui qu'il porte avec lui 2 1'Ctat de la philosophie en Allemagne et dans les universitks )I. I1 ajoute : cc Non moins rCjouissante est pour moi la bontC avec laquelle vous considCrez mes tra- vaux antCrieurs et - ce qui est plus encore - la bontC avec laquelle vous fondez des espoirs sur mon activitC dans une universitk. Dans aucune science, en effet, on n'est aussi soli- taire que dans la philosophie, et j1Cprouve vivement le dCsir d'un cercle d'action plus vivant. Je peux dire que c'est le veu le plus ClevC de ma vie. Je sens aussi trop combien l'absence d'une action rkciproque a kt@ jusqu'ici dkfavorable 2 mes travaux. )) Hegel restera une annCe a Heidelberg, oc il composers et professera en meme temps son Etzcyclope'die des sciences philosophiqurs. En 1817, il acckde enfin au poste qu'il convoitait B 1'UniversitC de Berlin.

Derrikre ce que ces circonstances ont d'anecdotique s'an- nonce dCji pourtant un sens. De cette histoire, des hCgCliens retiendront surtout que Hegel a occupC la place que Spinoza avait laissCe vacante : rernplissant, dans cette (( relkve n, une tiche que l'autre n'avait pu ou voulu accomplir. Nu1 ne peut sauter pardessus son temps : le moment n'Ctait pas venu. avec Spinoza, que la vraie philosophie s'exposbt publique- ment. D'autres, que I'on peut bien nommer spinozistes, y verront au contraire l'indice d'une divergence, d'un irrCduc- tible Ccart : sinon entre deux systkmes, au moins entre deux conceptions, voire deux pratiques de la philosophie.

Le systttme hCgClien, dont l'exposC se construit et se

1 'alternative

~ l i . ~ o ~ r l c en mCme temps que son auteur parcourt, avec I~l )~l l~cur , les Ctapes de la carrikre universitaire (du prCcep- 1 1 1 1 . 1 1 privC B 1'UniversitC de Berlin, en passant par toutes les I I . I II( . . ; intermkdiaires), I'une se rCflCchissant dans l'autre et ~!.l.ll~l.oquement, et lui donnant sa vCritC, n'est-il pas fait ~ll. .l(.~~icnt, dans son organisation hikrarchique, pour Ctre pro- I I . . : . ~ . . dans le cadre d'une institution publique d'enseigne- 1 1 1 1 . 1 1 1 '! J. Derrida dit cela trks bien : (( Hegel ne conqoit pas I I t . 0 1 ~ . comme la consCquence ou l'image du systkme, voire 8 ~ ~ I I I I I I ~ sa pars totalis : le systkme lui-mCme est une immense t I 111t.. tic part en part 1'autoencyclopCdie de l'esprit absolu I ~ . I I I , , I(: savoir absolu. Et une Ccole dont on ne sort pas, une I I I . . I I 11c.r ion obligatoire aussi : qui s'oblige elle-mCme puisque I I ~lcx.c.ssitk ne peut plus y venir du dehors '. ))

I : I tloctrine spinoziste, au contraire, bien qu'elle ait su 4 1 1 I I I I I ( . I . ;111 S O U C ~ politique sa vraie place dans la spCculation 1 1 l 1 llo\ol>lliclue (voir non seulement les Traitb, mais aussi I I / I , ic l~ro. dont c'est l'une des clCs), rCpugne profondkment

I I I I I ~ . lclle officialisation. Elle expose le point de w e d'un 1 1 1 1 . 1 I I C , tl'un rCprouvC, d'un rebelle, et se transmet de bouche

I , 1 1 c . 1 1 I(.. D'etre professke, elle risque d'entrer en contradic- I I I I I I . I \ ~ c elle-meme, en acceptant de tenir une place dans * a I I I ~ X . ; I 11 isme d'oppression matkrielle et intellectuelle qui

1 1 1 I , B I ( I O I ~ I ~ C toute chose au point de vue de l'imagination. La 1 1 1 1 1 1 1 ~*;oljl~ic supprime la crainte et iznore I'obCissance : elle 1 1 ' I I ( . I I I tlollc Ctre enseignke publiquement. La philosophie

, I t I I t . ~ ~ ~ . l ,'cnscigne 2 des Clkves, de haut en bas ; la philo- I 1 1 1 1 1 1 1 . t l ~ . Spinoza se transmet a des disciples, a @galit&. Ici

. I I 1 1 , I I C.C. ~ I I ~ C diffirence qu'il faut prendre au skrieux. I ' s I I I I ( ; I 1 1 1 . c'cst un lieu commun que de rapprocher Spinoza

a I I I t , , , c . I , I>arce qu'existe entre eux une Cvidente familiaritk. I 1 1 1 1 1 ~ . I J L - ~ I ~ aujourd'hui lire Spinoza sans penser a Hegel,

I I I L . I I ~ . 1);ircc qn'entre Spinoza et nous il y a Hegel, qui 1 1 I 1 1 . 1 ~ I O . ; ~ . 011 < ~ ~ l i interckde. Hegel lui-nieme n'a cesse de

1 I I i o - ou plut6t de le penser : pour le digCrer, I 1 1 ~ , I I I I C . I , coll~rllc un dinlent domink de son propre sys-

I r ,I /1,.11t. ( i t , it1 ~ ) l ~ i i o . \ ~ o p i ~ i ~ :', l-'l^lge de Hegel 11. recueil col- 1 . . I l l , 1 1 1 ( 8 I < 1 : . I ' 1 1 . . 11. 100.

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121uc. Mais le fait que Hegel n'ait cessC de revenir sur le 1~1.c'hli.me que lui posait la philosophie de Spinoza indique ;~r:ssi clu'il y trouva quelque chose d'indigeste, une rdsistance ~ 1 1 1 ' i l l u i fallut toujours de nouveau affronter. Tout se passe corlllnc si Spinoza avait occupe, vis-B-vis du discours hCgC- lic~i, I;I posilio~i d'iine limite, qu'il rejetait au moment m2me tlc I'inclr~rc.

("csl ~~ourclrioi I'c~~trcprise de cotnpnrcr la philosophie de S,,ino/;l el ccllc dc Hegel est fondamentalement dicevante. I 1 far~l misir en cffct sur quoi porte une telle comparaison : xur dcs systkmes, c'cst-Adire sur des discours organisCs for- rncllelnent A partir d'un principe de cohCrence interne, entre lesquels on ;leu: chercher B dtablir une correspondance, qui s'interprkte comme un rapport de filiation, ou une diffkrence, qui exclut toute possibilitd de comprendre I'un B partir de I'autre. Ainsi, dans une annexe de sa monumentale Ctude sur Spinoza, analysant I'interpretation que Hegel donne du spinozisme, M. Gueroult conclut B une radicale (( mCconnais- sance v , fondCe sur une (( affabulation 1) : ceux qui reprennent cette interprktaiion (( ne font que projeter dans la doctrine de Spinoza tout un ~nonde de concepts nes ailleurs et sans rapport avec elle' 1 1 . Comme nous le niontrera une Ctude dCtailiCe des textes que Hegel consacre B Spinoza, il est dif- ficile de ne pas donner acte B M. Gueroult de ceci au moins : la recherche d'une prCtendue homogdneitd, d'une ressem- blance, ou d'un rapport Cvolutif. entre les deux philosophies, si elle n'est pas abso!ument vouCe B l'Cchec, conduit a des rCsultats sans intCrEt. Elle tend tout simplement B ramener Ics deux doctrines B un modiile comnlun qui ne reprisente ;~~~IhcnIiqrlcn~ent n i l'une ni l'autre.

M;li>, h ' i l ~ ' ; I I I ~ allcr contre la pente des rapprochements 1 1 1 1 1 1 c:vi11(.111\ c 1 1 1 i l~~.o~.?(lcnt par analogie, Ccarter la tenta- I I O I I 1 1 1 . 1 1 . 1 I ;(.II ! I ( * I ~ . I I ~ I , . Y l i i l l o / ; ~ C I l l c ~ c l la sin1ilitude 210- I l . 1 l a ~ 1 ' 1 1 1 1 . I . I I . . I I I I I I I I ~ I I I I , . I I ~ . I \ ( * I . \ Irt1~1~~1 sc r~':~nifesterait 1 I I ( 1 1 1 . 1 < O I I ! I I ' , , . I I I ( - 1 1 , . ( I ( . I I \ I )C. I ISC:L~, i l nc serait 1 , I 1 1 1 ~ ~ 1 1 1 1 1 ' I I I ~ I I ( 1 8 . 1 1 , 1 ~ . 1 c ~ 1 ( 1 1 1 ' 1 1 ~ , ' ; I ~ ~ I I ( I c - (lcrix formes , I t I , 1 1 , , I ~ ~ I I 1 ~ 1 ~ ~ 1 ~ ~ O ~ ~ I I I O ~ I I ~ I , I I I I ~ , I I ( ~ I I I ~ ~ I I I C ~ \ I C ~ ~ ~ ~ C ' ~ I I ~ ~ S l'une A

1 'alternative

I 1 1 1 1 I r1 de les renvoyer comme des systkmes Ctrangers B 1 , I I I l~ltl(:l>cndance. En effet, il est incontestable que Hegel

o I ' , ~ I I I I O / ; I se sont rencontris, meme si leur rencontre a pris, o l ~ ~ , , I , . tlc Hegel, la forme d'un extraordinaire malentendu. ' .I ' 3 ~ ~ ~ ~ ~ o / ; ~ ct H e ~ e l ne parcourent pas, ensemble ou I'un , I t I I I I I , . I':~r~tre, un m2me chemjn, il reste, c'est un fait, que I S 1 1 1 . . I O ~ I I C ' S he sont croisCes, se rapprochant 2 certains ! I 1 , I I I I , - I I ~ , 1>00r s'ecarte: ensuite vers des directions fort oppo- . I )(. cc point de vue. plut6t que de comparer des sys-

I S 1 1 I, .. r( .r~~;~(ivc vouCe B I'kchec ou B des succks trop faciles, I I 1 1 1 1 1 1 ( . I I L . significatif de rechercher entre ces deux p?ii!o-

L I, I I I I , . . (I(.> points de recoupement sing1.11iers. Car ce sont I I 1 1 1 1 C'Y pliquent le sentiment d'etrange fan~iliarite

< I I I I I I I , I I I L ' L . ~oilt lecteur hC2Clien de Spinoza, tout lecteur 1 1 1 1 1 1 I:I.,I(. tlc Hesel.

I I . I I I ~ , \<.s I:/c:t)7ent.~ d'nutocritiq~e, L. Althusser parle de I I I , I I C . I ; ~ i o i ~ anticipie de Hegel par Spinoza u. EnuniCrons

8 1 1 1 , I ~ ~ I I ( . . . l ~ ~ i l l ( s qui justifient une telle affirmation : Ic refus - 1 1 1 1 1 , ,111<.~.l)(ion relativiste de la connaissance et l'idie qu'il

. I 1 . 1 I I < \ ) : I lxison quelque chose d'absolu qui l'apparente 1 , . 1 ; 1 (ICcouverte du caractkre formel de toute repre-

8 1 1 1 I I H I Iiliic. vouCe 2 I'abstraction ; la critique du (( mau- l l , I 1 1 1 I I I I 3 8 : I'idCe que la connaissance est un processus r6el

, 1 1 1 1 1 1 ~ 1 1 I(. #,OI ICS conditions de son objectivitk. Su: tous 1 1 1 I I I I I L , , r1121nc s'ils les rCflCchissent avec des ClCnients

8 ! I I ~ I I I I I ( . I \ 11-ts diffirents, meme s'ils en tirent des conk- , 1 1 1 ~ 1 1 , I . . . 0111104c'.cs, Spinoza et Hepel ont Cvidemment que1q:ie

% I I D I . , , , I ( . (.o111111un qui les distingue de tous les autres. Ce I < I I 1 1 1 1 I I( I I C . I I I C ~ I ~ ~ cloit Etre expliquk.

! 11 U I . , ; I l,o~-tlcl.ons cctte question en nous appuyant sur la 1 0 1 1 1 1 ~ . l l ~ l t . I Ic!!eI ;I lui-mEnie faite de Spinoza. Cette lecture

I 1 1 , ., I I I \ I I I I C [ ~ V C . 11011 parce qu'elle nianifesterait la vCritC , 1 1 1 . I ~ I I I O / I ~ I I I L * . c ~ i l i ~ i ddvoil6e par H e ~ e l , mais au contraire

1 1 , I ~ I I ' ( . ~ ~ L . ~cl>osc sur uiie formidable mCprise : tout se I I . ., , I I I I I I I I ( . ?ri I Ic:-cI s7Ct;lit donnC les moyens de construire 1 1 1 1 1 I I I I I . I I I I C . I ; I ( I ( 111 (111 S I ~ / I ~ ~ Z ~ S I ~ ~ C qui 1ui perniette d'en igno- , , I 1 . 1 I(.(.oII t . \s~~~(icIIe. c11 (ant q i ~ c c e l l e ~ i justement a 1 1 ~ ~ 1 l l l l ~ ~ . , 110\1. :I V O I I . ; IVUC xo~i propre systCme. Cette interpri- I 1 1 1 ~ 1 1 1 . I I I I I . I I ; I ~ I C . O I I I I I I ~ unc 4ol.I~ dc defense obstinCc dressCe

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Hegel ou Spinoza

Ce livre reprend en le dtveloppant le contenu d'un expos6 que j'avais fait en 1977 au colloque Spinoza organist par les UniversitCs de Leyde et dJArniens : un passage du troisikme chapitre est publit par ailleurs dans les actes de ce colloque. D'autre part, j'ai dfi traiter ces rntmes questions % plusieurs reprises B I'occasion de cours : je tiens k remercier les Ctudiants qui avaient eu la patience de m'entendre et dont les rCactions, les suggestions et les contri- butions rn'ont CtC bien utiles ; j'ai eu lire plusieurs rnCmoires de maitrise sur Spinoza, en particulier celui de Bruno Huisman (Hegel devant Spinoza), qui comportait un essai de traduction du chapitre sur Spinoza des Lecons sur l'histoire de la philosophie de Hegel (en collaboration avec A. Lacroix). Pour ce dernier texte, je risque ici nies proprcs traductions.

Pour les autres textes de Hegel, je me suis r6fCrC aux traductions fran- qaises existantes. C'est-%-dire. essentiellernent :

- Pour La Science de la Logique : les livres I et I1 dans le texte de la prernitre edition, trad. Labarrikre et

Jarczyk (Aubier, 1972-1976) ; les livres I, 11 et 111 dans le texte de la deuxikme Cdition, trad. Jankele-

vitch (Aubier, 1947) ; le chapitre de la Ire partie sur la Mesure, trad. Doz (P. U. F.).

- Pour I'Errcyclope'die des sciences philosophiqlies : la premibrc partie dans le texte des trois Cditions, trad. Bourgeois (Vrin,

1970) ;

HEGEL LECTEUR DE SPINOZA

le texte complet dans le texte de la troisikrne Cdition, trad. de Gandillac (Gallimard, 1970).

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I I 1 1 1 1 t t i r~~~ncncc, chez Hegel, par une reconnaissance : 1 1 I I 1 . 1 1 1 , 1 ;1 philosophie de Spinoza quelque chose d'excep- l i . . l l l l l I 1 . 1 tl'i~~Cluctable. (( Spinoza constitue un tel point cru- ' 1 1 1 u 1 1 1 1 I ; ! philosophie moderne qu'on peut dire en fait . l b 1 ., 1,. c.l~oiu entre le spinozisme ou pas de philosophie . I 8 I I 1 1 I I 1,111 I I ~ I S ~ cntweder clerl Spino,-istlzus oder keine Pllilo-

: I J ' . , I I I'aut en passer par Spinoza, parce que c'est . 1 III~iIt~sopI~ic que se noue le rapport essentiel de la

1 , . I I . I \ ( . ( . I':~hsolu, seul point de vue duquel s'expose la ? 8 1 I 1 . 1 , ) : I I c.~ili;'r.c, d'ou il apparait que la raison n'a rien 1 - l 4 . 1 1 , . I I I ~ I I ~ C mais comprend tout en soi. Ainsi toute I , I I I I ~ ' l 1 1 1 1 1 ( . . I O I I I C la philosophie devient possible.

l p l t l ~ ~ l I t . ~ ~ ~ . l . Spinoza occupe donc la position d'un prC- I a I I I : I \ t,c. I u i q ~ ~ c l q u e chose commence. Mais il n'est

1 , 1 1 1 ~ 1 1 1 cl11'1rn pl.i.curseur : ce qui commence en lui n'abou- 1 . 1 1 ' 1 . . . I 1 ; 1 1';1~on d'une pensee arr&tCe qui s'6te la 1 . . , I 1 1 1 1 I 1 1 ( I t . I I ; I I . V C I ~ ~ ~ ;IU but par elle pourtant indiquC. C'est I . I I I ~ I I I O I I l t . , ~ ( ~ I (I6co~1v1.c dans I'cruvre de Spinoza tous les

1 , I ' I I , . t l ' r ~ ~ l c . lc~llative avorlde, emp2chCe par des diffi- I I I I , . I I I r t~or~~;~l>lca clu'clle a elk-m2mc dressCcs devant sa

I ' . . I , I I 1 1 , - I t . \ \ i o ~ ~ . (.'c s;~voir fondamcntal rnais dCchirC n'a 1 1 , 1 1 1 11111. s i~~~i l ic ;~l io l l historiquc : dans le processus

I . I ' , 1 1 1 l 1 1 ~ . ( 1 , . 1 ; 1 ~~l i i losophi~, Spinozn occupe une position 1 . 1 , 1 1 1 1 , I I I I ~ . I ( ' , (I'oi~ I';~l,solu CSI a p e r p . 111ais saki restric- t . . 1 1 1 ' 1 1 1 , I I I I I I I I ~ . I I I I C SIII>\I;IIICC. AVCC Spino~n. ct son effort

I I . . , I ! < I I I I ' i i ~ \ l o i ~ - r ~ ( 1 1 , Irr plrilo.soplrir,, chap. cr Spinoza 11

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Hegel ou Spinoza

pour penser I'absolu, on prend date en quelque sorte, mais les limites historiques de cette pensCe font qu'il est impossible d'aller plus loin, dans l'attente de ce point de vue final auquel Hegel est dCjB installC, et depuis lequel il interprkte rCtrospectivement toutes les philosophies antkrieures.

Cette analyse est illustrCe par une expression tout h fait caractkristique qui revient chaque fois que Hegel parle de Spinoza. Par exemple, dans le livre I de la Logique : (( Chez Spinoza, la substance et son unit6 absolue a la forme d'une unit6 immobile, d'une rigidit6 dans laquelle on ne trouve pas encore le concept de 1'unitC ndgative du Soi, la subjecti- vitC '. )) Ou encore au paragraphe 50 de la logique de 1'Eney- clopkdie : (( La substance de Spinoza n'est pas encore l'esprit absolu. )) Et dans le chapitre des L e ~ o n s sur l'histoire de la philo~ophie consacre B Spinoza : (( La substance absolue est le vrai, niais elle n'est pas encore le vrai entier. )) Sous cette modalit6 trks particulikre d'un (( dCjB 1) qui est aussi un (( pas encore I ) , propre h toute anticipation, Spinoza se dCgage sur le fond de toute l'histoire de la philosophie, dont il sou- ligne la progression en I'arretant.

Aussi, lorsque, dans I'introduction du troisikme livre de la Logique, c( Du concept en gCnCral )), Hegel expose les conditions qui lui permettent d'interpriter les doctrines philo- sophiques et d'en expliciter la signification concrkte, il ne peut mieux faire que de reprendre l'exemple de Spinoza :

(( La seule rdfutation du spinozisme ne peut donc consis- ter cn premier lieu qu'5 reconnaitre essentiellement et nkcessairement son point de vue et, en deuxibme lieu, faire en sorte que ce point de vue s'Clkve de lui-mCmc h un niveau plus Clevd " 1)

Ce point de vue, c'est celui de la substance, en tant que celle-ci n'est c c pas encore )) sujet, pour reprendre une for- mule bien connue de la prCEace de Ln Phlnotne'nologie.

2. Loyiq~re, trad. Labarribre, Aubier, t. I, p. 249. 3. Logiq~ce, trad. JankklC~itch, Aubier, t. 11, p. 248.

I8

Hegel lecteur de Spinoza

11 I .a substance est un degrC essentiel dans le processus , 1 1 1 d6veloppement de 171die, non pas toutefois celle-ci c.llt-rn6rne. non pas 1'Idde absolue, mais 1'IdCe dans la 101.1nr: encore bornCe de la nCcessitd '. )I

I [ I \ I,. clc Spinoza est significative parce qu'elle tend vers . I I I , 1 1 1 1 1 , . ,.l~t,se i quoi elle ne parvient pas : en maitriser le

, I I ' ( . \ I poursuivre cette tendance au-delh des limites qui I I I I 11.111. c.'cst$dire la dCpasser en rksolvant sa contradic- l ~ * ~ l l l l l l , . l IIC.

1 ' . o ( ~ ~ 1 ,.1;1. il faut changer de point de vrre, en s'installant I 1 I I 5 c 1 1 I I I (1,. L !IC d'un absolu qui n'est pas scr4lement substance

. , r r . , , ,r\ \ i . \ r r j ( ' l . Or ce passage d'un point de vue h un autre . I 1 1 ~ 1 t l~. conditio:?~ historiques : I'histoire est ce processus . ' I I I I 11,. cb[ i:.ri.versible qui transforrrle les points de vue non

, 1 1 1 , I I I ~ . I I I tI;111s le sens de leur elargissement yraduel, mais G I 1 1 . ~ ~ ~ o ~ ~ v c n i e n t riel de leur dCcomposition, puis de leur . , . 1 1 I 1 I I , . ! Ion sur des bases nouvelles ; ainsi, on s' (( Clkve 1)

1 1 1 c . : . ( . :I u n point de vue supCrieur. A la limite, on pour- # 1 1 1 1 I ( 1 " ' Spinoza Ctait hCgClien sans le savoir, et donc 4 ~ l . a l ~ I ~ I ~ I . I , . I I I ~ > ~ ~ ~ , alors que Hegel serait un spinoziste

. ' 1 , . I ~ . I I I (I(..; lilnites de ce point de vue singulier, dont il a - I 1 1 I I 1 1 , 11011r toutes s'ar-racher, en s'installant lui-menie

I O I I ~ ~ I I I I (Ic. vtrc de I'universel. I I 11 1111.qtloi I'interprCtation que Hegel donne du spino-

4 4 1 1 . 1 1 1 . .;c. I-amtne pas B la recherche d'un sens a c h e d : ,I . I 1111,. ,, virit6 )) de la doctrine, qui rend derisoire toute

I 1 1 I I I \ I . 11,. I-kfutation externe parce qu'une telle tentative . 1 ~ 1 ~ ~ 1 ., , , I I,~I~.;lir-crnent i son point de vue un autre point de

I I I I I I . ~ I ( . I I ~ ~ ; I I I I . cette vCrit6 est relative B la situation trks 1 . 1 1 I I I 1 1 I I I . I( . ~ I I I C cli(ient Spinoza dans l'ensemble du proces-

1 1 0 1 1 I ' l~~\toirc dc la philosophie, et elle ne peut en &tre , I 8 I I , I I ~ . I . F . ~ i \ i tlc I'intdrieur, dans cette tension et cette limi- I , I t , , 1 1 I 1 1 1 ' 1 1 \ ' i ~ l ~ p o ~ c ;I lui-mcme, ce point de vue est a lui-

I I I ~ . I I , I I.ois $1 propre justification et sa propre rCfuta- I ~ C ~ I I . . I 0 1 1 1,. 1-;11112nc 11 son niouvement interne, on voit qu'il

I I . # a r , , , r , . ,I,, I'/~trryc~/opttlic, trad. Bourgeois, Vrin, add. au I I 1 1 ''!<.I , v o i r ; l u \ \ i Ic 5; 159, p. 405.

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se dCfait en m&me temps qu'il se fait, et par les memes nioyens, car ce mouvement l'emporte audel8 de lui-meme. I1 n'est donc pas question pour Hegel de (( revenir )) B Spi- noza, pour y ddcouvrir la forme abstraite d'une vCrit6 ache- vie, cohirente et autonome; il faut au contraire rendre manifeste cette transformation immanente, ce (( passaze 1) qui emporte dijA le systkme vers un autre systkme, et nous incite B le lire comme l'esquisse, ou le projet, d'un nouveau sens en attente, qui n'a pas encore rencontrk les conditions de sa rialisation. De ce fait, la lecture higelienne de Spinoza est en quelque sorte double : elle recherche dans la doctrine les signes d'une vCriti qui s'annonce, et en meme temps elle dCcouvre la forme rkelle de son absence, les obstacles qui s'opposent B sa manifestation et obligent B en parler seule- ment par difaut.

Comprendre le spinozisme, c'est donc d'abord identifier la contradiction sur laquelle il est Cdifii. Comme nous allons le voir, cette contradiction est immidiatement manifeste. Nous avons dit que la viriti. profonde du spinozisme consiste dans son effort pour penser I'absolu. Mtme si ce problkme n'apparait pas dans I'histoire de la philosophie avec lui - il y a des prickdents dont nous allons parler -, il fait pour la premiere fois I'objet d'un diveloppement et d'une tenta- tive de risolution systkmatique. I1 y a chez Spinoza une orientation vers un savoir absolu, et ce qui le reprksente, d'apres Hezel, c'est le concept de (( causa sui )), qui donne B toute la doctrine sa base rationnelle :

(( La prcmikre dkfinition de Spinoza est celle de la causa sui, conquc colnme ktant ce " cujus essentia involvit existentiam " [...I I'ins6parabilitk du conceDt et de I'&trc est la d~termi~ation fondamentale et 1; prksupposi- tion 5 . )I

En effet, avec la causa sui est posee d'emblee l'identiti entre ce qui est et ce qui est conqu, entre 1'Ctre et la pensic. qui est pour Hegel la condilion d'une pensde absolue n'ayant

5. Encyclope'die, 3 76 ; id. p. 340.

20

Hegel lecteur de Spinoza

I 1 1 1 . 1 1 tlc.hors d'elle, et se dkveloppant en consequence t I I I I . 1 1 I I(. 1.i.llexion immanente et universelle. Revenant sur . ) I l I , l :~l~ons clans la remarque historique du livre IT de la 1 . . . , , , , I ( ~.ol~s:rcrie ii Spinoza, Hegel parle de (( ces concepts

I a O I ~ I I I ~ ~ S ct si justes 5). Et, plus pricisement encore, dans I , , ) I , \ s11r Spinoza, il dit : (( Si Spinoza avait diveloppC

1 , 1 1 1 l l~l.~l~i\,crnent ce qui est contenu dans la causa sui, sa I I I I I I I , I . ~~';rurait pas i te I'Immobile (das Starre). )) C'est

s 1 , . I I. I , 1 1 I I t lc suite qu'apparait la contradiction spCcifique du 1 8 1 ~ ~ 4 I . . I I I ~ . : son premier concept porte en soi la proniesse

. I I + ( I ' I I I I C vkriti, sur laquelle il donne seulement un l a l # ~ ~ ~ ~ 1 1 1 . \ I I L . , tlans un savoir incomplet.

\ , 1 1 1 1 (I'cxpliciter ce qui, d'apres Hegel, fait difaut au . t ~ ~ c 1 1 1 ( I c . I;r causa sui et 1'empCche de sortir de sa iimita- 1 , . . I # I ' I 1 1 (.. I I O ~ I S pouvons tout de suite faire une remarque

2 1 1 ~ t . 1 . 1 I I ( . IL. style de cette interpritation et rend manifeste I , I I I ( 1 . 1 I I . ~ I C ' ~ I L I C I celle-ci s'installe imniediatement par rap- I . s $ I I 1 . 1 tloc,lrine qu'elle travaille. Tout d'abord, on peut 1 1 I I O I I I I I I C le fait M. Gueroult, que le concept de causa

( I I 1 1 . 1 , ~ \ I-;iirncnt chez Spinoza une valeur initiale fonda- 1 1 1 11,. ~c.pri.sente pas une sorte de viriti premiere, un

# # I , I ~ U , 1 1 1 1c.11~ cnrtisien, B partir duquel l'ensemble du 1 , I I I ~ I l o ~ ~ ~ l ; ~ i ~ Crre diveloppi comme B partir d'un germe

. I . , I I I I I ; I c.;llrs;l sui cst une propriiti de la substance et 1 1 1 ~ 1 1 1 1 ~ 1 ~ 1 1 cllc. Or il n'est pas question, pour Spinoza

. I # , 1 1 I ' 1 1 1 1 . . . t l c h t l c l i n i r une chose quelle qu'elle soit par sa , I I I . ( . I I IN-occdnnt ainsi, on tombe dans une grave

1 1 I , ! I I , ( . I I ~i l~o~.t lol lnant I'essence de Dieu B sa puissance, I a l ~ ~ ~ , . I 1 ; 1 c.1; tlc toutes les thkologies finalistes appuyies

I l l l l . l . 1 1 1 ; 1 I ,011. ("cst clonc par faciliti, et inadkquatement, a , I # I I I I I , 11, . 1 ; 1 \~lhslance h la causa sui, alors que le concept

.I. . 1 1 , I I ~ I I I IL. IL. nc s'dclaire vraiment au contraire qu'8 par- t # ~ , , 1 1 1 1 tic. [ ; I ~ I I [ ) S ~ ; I I ~ C C : i( si res in se sit, sive, ut vulgo : 1 , . I I I , , . I \ I I I ( I ) ( , i i i io l l (~c t~ / .~ otnc.ndationc~). C'est donc

# 1 1 1 , I ~ ~ ~ , . ~ t . (Ic. I ) ; I I . I c ~ qi1'0n assimile la substance B la 0 1 I , 1 1 1

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Hegel ou Spinoza

Mais il est possible d'aller plus loin encore : ce que Hegel prisuppose ici, c'est moins que la causa sui est le concept fondamental du spinozisme, ce qui dCja prCte a controverse comme on vient de le voir, que le fait que le spinozisme admet un premier concept dont il prockde. Cela signifie que l'entreprise d'un savoir absolu esquissee par Spinoza se dive- loppe h partir d'un commencement absolu, et que celui-ci est aussi le vrai point de dipart de son interprktation. I1 n'est pas dtonnant, des lors, que Hegel soit lui-mCme engag6 dans l'entreprise d'une critique du spinozisme : l'une des idies cru- ciales de son propre ~ysterne, c'est en effet que le savoir absolu ne commence pas, ou plut6t qu'il ne peut commencer absolument ; son infinite se dCcouvre justement dans cette in?possibilitC d'un premier coninlencelnent qui soit aussi un vrai commencement ou un coniniencenlent vrai. Aussi, quelle que soit la vCritC propre du concept de causa sui, ce qui (( repose en lui ) I , pour reprendre les ternies de Hesel, le i'ait mCn?e qu'il donne au systeme de Spinoza un commencement suffit B marquer la limitation de ce systkme.

Ici, nous pouvons nous-m&mes commencer B nous iton- ner : Hegel ignore-t-il que cette aporie du commencement, qui met sa Logique en niouvenient, cette impossibilitC d'as- seoir le processus infini de la connaissance sur une viritC premiere qui en soit le fondemenl ou le principe, est aussi une leqon essentielle du spinozisme, l'objection principale que lui-mkme oppose B la philosophie de Descartes ? De telle manikre que c'est seulement c c ut vulgo dicitur ) j , par maniire de parler, que 1'exposC g6omCtrique de 1'Ethique (( con1n:ence par des definitions, qui n'ont d'ailleurs un sens effectif qu'au moment ou elles fonctionnent dans des demons- trations oh elles produisent rCellement des effets de vCritC : la pensCe spinoziste n'a justement pas cette rigidit6 d'une construction appuyee sur une base et poussant ses prolonge- ments jusqu'a un point terminal, et qui se trouverait ainsi limitCe entre un commencement et une fin. Elle n'obCit pas au modkle de I'ordre des raisons.

Or, ce qui est ici surprenant, c'est nioins que Hegel ail mCconnu un aspect important du spinozisme - tout lc monde peut se tromper, m@me Hegel qui prCtend pourtarlt

Hegel lecteur de Spinoza

% 1 1 I I ~ I M ' I : I c.ctte condition commune - que le contenu inat- I . t 1 1 1 1 1 1 1 , . c.crle erreur. Car, ce que Hegel n'a pas vu dans ' l l l l ~ ~ l ~ : . ~ , (.'cs( cette vCritC nouvelle dont il revendique lui- n l l c 1 1 1 , 1 . 1 (ICcouverte et qu'il utilise pour garantir la forme rill 1 1 , 1 1 , . \;I ~~llilosophie et le succks de son ultime rkalisation. I I. 1 . 1 I I I , I I I ) I . C donc dans Spinoza ce qu'il Ctait mieux placC . I I I ~ 1 I .,( I I I I I C pour reconnaitre, puisqu'il l'a lui-m2me pens6 :

I ~ I I I I I . I I I dire qu'il prockde a la dCnCgation de ce qu'il I I I I \ . I \ I 11 I. tl'hegklien chez Spinoza, a moins qu'il ne cherche I I . 1 1 I I , . ( . I . son propre spinozisme. N'est-ce pas parce qu'il

* 1 1 1 1 1 , 1 1 1 ~ . Spi~loza non seulement ait CtC dCja hCgClien, mais t I t ~ ~ 8 1 1 I ( l l l ' i l I'ait @ti davaniage et de fapon plus consCquente

I t l c 1 1 1 1 I I I ( . I I I C '! L'inadmissible alors se produit : est detour- . , . . , I l , 1 1 1 1 bcilh ineluctable 1'Cvolution historique qui subor- . I ~ . I I I I ~ c l l ~ i c.;t avant 5 ce qui vient aprks, et qui conduit

b I . . I \ , . I I I C I ~ ~ cle l'un B l'autre, faisant de la tClCologie la 1 . I ~ I I I ~ ( . 1;1 philosophie.

4 . 1 1 I I I ; I I . ~ ~ I I C S faites, sur lesquelles nous aurons a revenir, i , , 3 ~ ~ I 11 I I I \ O I I \ rl~i~irltenant indiquer ce qui (( manque ) j , d'aprks I I , 1 , 1 1 1 ~ . ~ t ~ ~ c . c p t de la causa sui et en compromet le divelop-

1 1 1 I1 t .1 Spinoza. La causa sui reste un principe substan- I ,. I I 1 1 1 1 1 1 , . 1 , , 11l:111que le principe de la personnalitk \) : elle

- - 1 1 1 1 1 1 1 1 . , I I I I \ ~ I I I I C I substance qui ne peut devenir sujet, B qui 1 , , I I , 1 . 1 1 1 1 c c ~ t c 1,eflexion active de soi qui lui permettrait . I . 1 1 ! . I I 11c.1 librcment dans son propre processus. S'il n'a , I I 1~~~ I I ' ; I ~ : I S pu, dCvelopper le concept de la causa sui,

. i l ~ ~ ~ ~ . c-c.l~li-ci, tel qu'il l'avait dCfini, ne contenait rien I 4 1 ~ ~ ~ I I ~ I I ' I I I I ( ' iclc~ltitd abstraite et indiffkrente de soi soi,

. I 1 1 1 . 1 ~ I I I ( . I I C IC Soi n'est rien d'autre que ce qu'il est dCjB ' I , I I 1 1 1 ( o~l~l~~c~rlccrnent, sans possibilitC d'un passage riel

< I I , ( I ' I I I I ~ ~ ~ o ~ ~ v c n l e n t immanent qui ne soit pas celui 1 I 1 1 1 1 1 ~ . ( $ 1 4illlpIc disparition. Le point de vue de la

I 1 1 1 , ( . \ l ) r i l l ) ( : 1';rbsolu h sa manikre : sans la vie qui I 1 1 1 ~ ~ ~ 1 1 . 1 I ( . I ; l i ( c i s k r . C'est l'esprit arr&tC et mort qui n'est . . ) I . 11.1114 I I I I C ~cs(~.ictio;l originaire, qui le condamne ( 1 , 1 1 1 l 1 ~ ~ 1 , l I l .

1 1 I . , , , . , I , , . . I I ; I ~ ~ . I . ;~h :~r r i&re , Aubier , t. 11, p. 239.

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Hegel ou Spinoza

Aussi le point de vue de la substance, en meme temps qu'il s'inonce, formule-t-il lui-m&me les conditions de son propre ankantissement : soil immobilit6 est apparente, parce qu'elle est le pricaire Cquilibre qui rCsulte d'un conflit interne, impos- sible B contenir dtfinitivement. Les limites du systkme, si elles sont bien rCelles pour la pende qu'elles entravent, sont factices du point de vue de l'absolu, car celuici oppose B la violence qui lui est faite une violence plus grande encore, et il enlporte le systkme audelh des bornes illusoires que lui imposent les conditions de sa cohCrence formelle. NCgativitC immanente, qui mine la doctrine de l'inttrieur et la force B dCclarer ce qu'elle se refuse pourtant B dire elle-mzme : voici justement, dans cet aveu, la substance qui devient sujet.

Une fois rCvk1Ce cette contradiction initiale, la philosophie de Spinoza peut &tre comprise absolument, dans un sens inverse de celui qu'elle profkre. Le discours de Spinoza est, d'aprks Hegel, tout entier marque par ce destin qui le condamne et qui l'absout, annonqant B la fois sa disparition et sa resurrection dans le corps vivant du savoir absolu ou il s'accon~plit. Lire Spinoza en vCritC, c'est pour Hegel reconstruire 2 nouveau 1'Cdifice de son savoir, en faisant apparaftre les conditions d'un autre savoir dont il est seule- ment la forme inachevie ou la ruine anticipie : car, chez Spinoza, l'effort pour lier le savoir et l'absolu se rCsout seule- ment dans une promesse non tenue.

Uite ph.ilosoph.ie d u commencement

L'interprttation que Hegel donne de Spinoza met en avant, nous venons de le voir, l'idCe de commencement. Philosophie commenqante, le spinozisme est aussi une pen- ste du commencement. Suivant une formule de 1'Etzcyclo- pe'die, il est cc l'assise fondamentale de tout dCveloppen~c.rlt vrai ultCrieur )). Et encore, dans les Legorzv sur l'hi.~toirc t / ( ,

la philosophie : c c C'est le commencement essentiel dc tout

Hegel lectelir de Spitzoza

I ~ I ~ t 1 6 !,.I 11~11~.r. Quand on commence B philosopher, il faut . I , I t 1 I I 1 1 c . 1 1 ~ spinoziste. )) Ainsi est noue le lien qui unit la I . I 1 ~ 1 1 , I , 1 1 1 ~ . tlc Spinoza a toutes les pensCes du commence- # # I t 1 1 1

I I , 1 . 1 I c.'c.~~yage ici dans un raisonnement assez paradoxal : I I I I I I , . . 1 1 prisente Spinoza comme un point de dCpart,

8 1 1 I , I I I I I I I I C le point de &part de la philosophie, et il le 1 . 1 1 , 1 1 . 1 1 1 % . 1 ;1 liliation de tous ceux qui ont su commencer,

1 I I 1 r 1 1 1 \111 que cela, sans que leur effort aboutisse effec- ' I I I ~ 1 1 1 . I 1;i dtcouverte du vrai :

8 , 1)lc.u cst bien en vtritt assurtment la ntcessitt ou, , O I I I I I I C on peut le dire aussi, la Chose absolue, mais . I I I . . \ I c n mCme temps la Personne absolue, et c'est lh le I I ~ I I I I ;~uquel il faut accorder que la philosophie spino- / 1 , . r c . (,st restte en arriere du vrai concept de Dieu, qui 1 1 1 1 I I I C . Ic contenu de la conscience religieuse chrttienne. ' , I I I I I O / ; I ?[;lit par ses origines un Juif, et c'est en somme I 1 1 1 1 1 1 i 1 i o n orientale selon laquelle tout &tre fini apparait . . , . I I~( . I I IL.I I~ comme un Ctre qui passe, comme un Ctre 1 1 1 1 1 ~l~s;x~r;~Pt, qui a trouvt dans sa philosophie une t \ ~ , ~ c . x \ i c ) n conforme B la pende. I1 est bien vrai que 6 ! - c r ,, illtuition orientale de l'unitt substantielle forme I . I . . ~ . I \ V tlc tout dtveloppement vrai ulttrieur, mais on ne 1 1 , I I I t.11 rcster 18 ; ce qui lui fait encore dCfaut, c'est I ) 111c.ipc occidental de l'individualitt " 1)

I I ~ I I I I I / I Y I I ~ C C S ~ donc B la fois un point de dCpart et un . + ~ ~ , . I I I I , I I I ~ . I I ( ; c:Ir. dans ce qui commence, il doit y avoir

, - I I ~ I I , . ~ I I I I C . C I I O S C qui finit. La singularit6 du spinozisme - I I I I I t l I I . I ~ . I I I S Ic pr.olongement de toute une tradition dont . 1 1 , I 1 1 1 1 1 , . 1~. I I I ~ ~ I V C I T ~ C ~ ~ d'ensemble : en elle domine encore,

1 4 , t r 1 1 , , 1 1 1 1;1 (Icrnikrc f ~ i s , I' ct intuition orientale 1). Ainsi a m q 1 8 ~ 1 1 n 1 1 , ,. 11. c . l ~ ; ~ l ) i t r ~ Clcs Legons sur l'histoire de la philo-

. , ' , 8 1 ~ 1 , , I I I ~ . , I ~ . I I ~ :I Spinoza :

., ( ' ~ - I I , . I I I I ~ ~ ~ : profonde dc sa philosophie, telle qu'elle

.. ,.I I . \ O I I I I I C L . c11 Europc, ]'Esprit, 1'identitC de l'infini c I , 1 1 1 1 1 1 1 1 C I I I )IC.LI c l ~ ~ i 11';1pparait pas comme un troisikme I , 11111.. ( . \ I 1111 A,lio dc I7Orient. ))

l o r !,. s 1, b l l J , l r r , , ; ~ c l c l . ; I I I i; 151, trad. Bourgeois, Vrin, p. 584.

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Hegel ou Spinoza

C'est ce qui donne B cette philosophie son caractkre irrem- p lapble : en elle s'acheve le discours des origines.

Chez Hegel, I'Orient est la figure visible de ce qui commence : cette figure est davantage mythique qu'histo- rique, mais le mythe n'est-il pas la forme d'exposition la plus approprike pour une origine ? C'est le moment o u s'affirme pour la premike fois l'absolu, dans la substance qui exclut I'individualitC d'un sujet :

cr En Orient, le rapport capital est donc le suivant que la substance une est comme telle le vrai et que I'individu en soi est sans valeur et n'a pour lui rien B gagner en tant qu'il maintient sa position contre ce qui est en soi et pour soi ; il ne peut au contraire avoir de valeur vCritable qu'en se confondant avec cette substance, d'ou il rCsulte que celle-ci cesse d'exister pour le sujet et que le sujet cesse lui-mCme d'etre une conscience et qu'il s'ivanouit dans I'inconscient 'f ))

La sublimite, I'immensitC de cette representation qui absorbe d'un coup toute la rCalitC en un seul &tre ou une seule id& reste formelle, car elle co'incide avec la pauvretC dCrisoire des manifestations extdrieures de cette substance, qui ne sont effectivement qu'extCrioritC vide :

a Le fini ne peut devenir vCritC qu'en se plongeant dans la substance ; sCpart d'elle, il demeure vide, pauvrz, dCterminC pour soi, sans liens interieurs. Et, aussitat que nous trouvons chez eux [les Orientaux] une reprC- sentation finie, dCteminCe, ce n'est qu'une CnumCration exterieure, skche, des ClCments - quelque chose de trks pCnible, de vide, de pkdantesque, de fade ". n

Ayant r6flCchi I'absolu en une seule fois, cette pensCe ne peut ensuite qu'en CnumCrer abstraitement les manifestations. entre lesquelles n'apparait plus, si on les dCtache de leur ori- gine, aucune forme vraie d'unitC.

10. Introduction aux L e ~ o n s sur l'histoire de la philosophie, trad. Gibelin, Gallimard, coll. IdCes, t. 11, p. 74.

1 1 . Ibid., p. 76.

Hegel lecteltr de Spinoza

Ici l'appel d'un savoir absolu, qui ne soit pas seulement ..~voir de l'absolu, se realise dans l'extase immkdiate, d'ou

I O I I I C ~ conscience est necessairement abolie : c'est le savoir 1 1 1 1 1 \C rCalise dans la forme de sa propre nkgation. Or , dans t l l )~~~07a lui-m&me, derriCre les apparences de la rigueur g b - 1 1 l l . 1 1 ique, qui ne sont pour Hegel qu'un masque (une forme ... I I I \ contenu), se retrouve, pour la dernittre fois, cet abime 1 1 conscience qui exclut un discours rationnel :

(( De meme que dans le spinozisme le mode comme tel est justement le non-vrai et que seule la substance est vraie, que tout doit Ctre ramen6 a elle, ce qui donne un engloutissement de tout contenu dans la vacuite, dans une unit6 purement formelle, sans contenu, de m&me Siva est de nouveau le grand tout, ne differant pas de Brahma, Brahma lui-meme, c'est-8-dire que la difference et la ditermination ne font que disparaitre a nouveau, sans Ctre maintenues, sans Ctre dtpasskes (aufgehoben), et que I'unitC ne devient pas l'unite concrkte, que la scission n'est pas reconduite B la rCcon- ciliatjon. Le but le plus ClevC pour l'homme install6 dans la sphkre du naitre et du g r i r , de la modalit6 gCnCralement parlant, est l'engloutissement dans l'in- conscience, 1'unitC avec Brahma, I'aneantissement ; c'est la meme chose que le nirvanii bouddhiste, le nibban, C ~ C . ... lZ. n

, < ("cst la mCme cho se... )) : cet extraordinaire syncrktisme I I I G ~ I I I I - ~ C ~ U ~ est pour Hegel sans limites, apparemment, puis- O I I ' I ~ C S ~ encore pertinent pour eclairer certains aspects de 1 . 1 I ) ~ . I I S ~ C (( occidentale 1).

( ' o ~ ~ ~ l n e n t a n t , dans les Le~ons sur l'histoire de la philoso- 1 1 / 1 1 , , 1:1 fameuse parole de ParmCnide sur l'Ctre e t le non- I it,.. I lcgcl dCcouvre encore la mCme collusion d'une affir- 1 1 1 . l l i o 1 1 pure et d'un negativisme radical, qui aura son ultime I II , ) IIL.? chez Spinoza :

<"a t Ih la determination dans sa brikvetC, et dans ce 11c::1n1 rentre la nCgation en gCnCraI, et sous une forme

1 .' I ( ~ ~ : i c / r c t ~ , I , a ThCorie de la mesure D, bad. Doz, P.U.F., p. 22.

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Hegel ou Spinoza

plus concrkte la limite, le fini, la borne ; " omnis deter- minutia est negatio '' est le grand principe de Spinoza. Selon Parmtnide, quelle que soit la forme que prenne le ntgatif, il n'est pas du tout. s

La forme inaugurale de la penske orientale hante encore la doctrine des ElCates, avec lesquels aussi Spinoza doit entretenir un rapport privilCgiC : l'Un, Ctre pur et immkdiat, est en meme temps dissolution de toute rCalitC dCterminCe, disparition du fini dans l'infini, abolition de toute individua- lit6 et de toute diffdrence ; et, comme Platon l'avait dCjB remarque dans ses derniers dialogues, en s'appuyant lui-meme sur le point de vue d'une dialectique, le discours dans lequel s'exprime cet absolu, ou totalit6 initiale, dans la mesure oh il exclut toute nCgativitC, dans la mesure ou il refuse d'accor- der une existence au non-etre, est un discours impossible.

Remarquons en passant que dans le chapitre du livre I de la Log ique sur la mesure, Hegel prCsente ce meme r a p prochement avec ParmCnide, mais cette fois pour y dCcouvrir l'indice d'une diffCrence :

(t Le mode spinoziste, tout comme le principe indien de l'alttration, est le sans mesure. Les Grecs ont eu conscience, quoique d'une faqon encore imprtcise, que tout a une mesure, au point que Parmtnide lui-mCme, aprks 1'Ctre abstrait, a introduit la ntcessitt comme l'antique limite qui est imposte ?i tout ; il y a l?i le commencement d'un concept bien suptrieur B celui que conticnnent la substance et sa difference d'avec le mode '? II

I1 y a donc commencement et commencement : il y a des commencements qui commencent davantage que d'autres, et ceux-ci au contraire (( commencent )) dCjB B s'Ccarter du pur commencement. Pourtant, Spinoza, malgrC sa position assez tardive dans la chronologie des philosophies, est B ranger parmi ceux qui commencent absolument, parmi les vrais primitifs de la pensCe, et c'est pourquoi, lorsqu'il s'agit de

13 . Ibid., p. 22-23.

28

Hegel lecterir de Spinoza

1 1 1 . 1 I cluer sa singularitd, c'est la mdtaphore orientaliste qui I'~.ll~l?orte chez Hegel.

I ),iris la biographie de Spinoza que Hegel donne dans ses I (.( orrs sur I'histoire d e la philosophie, il remarque :

(( I1 n'est pas indifftrent qu'il se soit occupt de la lumikre [d'optique] ; car elle est dans le monde mattriel ( in der Marerie) l'identitt absolue elle-meme, qui constitue le fondement de la vision orientale. a

( ' i . 1 1 ~ lumikre inaugurale est 1'CICment d'une pensCe immC- 1 1 1 . 1 1 t . 11 est significatif que Hegel retrouve la meme image 1 1 I 1 1 , . Ic premier chapitre de la Log ique pour reprCsenter les I I I I I < . I ~ I ~ S de 1'Ctre pur, qui est lui aussi (( sans mesure )) :

11 I1 arrive aussi qu'on se reprtsente 1'Ctre sous l'image de la lumikre pure, comme la clartt d'un voir sans trouble, tandis que le ntant on se le reprtsente comme la nuit pure, et I'on rattache leur difftrence B cette diversit6 sensible bien connue. Mais, en fait, si l'on se ruprisente c,e voir de fafon plus exacte, alors il est facile tlc comprendre que dans la clartt absolue on voit autant ct aussi peu que dans l'obscuritt absolue, que l'un de ccs voir est aussi bien l'autre, voir pur, voir de ntant. 1-umikre pure et obscuritt pure sont deux vacuitts, qui aont la mCme chose 14, n

I ' ( ( lat indCterminC de I'immCdiat est profondkment obscur, a 1 1 I I I I I C - !;I nuit : comme elle, il absorbe, efface, dissout tout s ~ I I I O I I I qui serait pour son infinit6 encore une limite. De 1 1 1 ~ I I I , . . 1;1 prCtention de saisir 1'Ctre en lui-mCme, dans son 1 \ 1 1 1 1 1 I I C - 111stantanCe B soi, non encore contaminke par le r a p 1 ~ ~ 1 1 I . I 1111 autre, se rCsout aussit6t dans la puretC inverse, et I ~ ~ N l~~(. l lc~ncnt Cgale, d'un nCant absolu : contradiction du

I f 1 1 1 1 I I lc.l~ccrnent qui est l'amorce de tout passage. 1 1 1 C C . point de vue, on pourrait croire que, l'endroit pri-

1 1 ' $ , I , . t l ~ . I:i Logique oh Hegel devrait rappeler son interprG r I I 11 1 1 1 , 1 1 1 { l ~ n o ~ i s m e , c'est ce premier chapitre du livre I oh

I I I ,t~:i,lirc.. I, tund. Labarribre, Aubier, p. 68.

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Hegel ou Spinoza

prCcis : elle permet de rCvCler le (( mouvement )) essentiel du systkme, si I'on peut dire, puisque Hegel caractCrise surtout cette philosophie par son immobilisme. L'intCrCt de cette reconstitution apparemment arbitraire, de cette reconstruc- tion, c'est qu'elle rCvkle les articulations principales de la pensCe spinoziste, telle que Hegel la comprend, en isolant ses principales catCgories et en les situant les unes par r a p port aux autres. C'est B partir de cette interprktation que Hegel expose ensuite sa critique du spinozisme, dans une importante (( Remarque historique )) consacrk B Spinoza et B Leibniz, qui termine ce chapitre. Cette prisentation gCnk- rale est extremement intkressante, parce qu'elle met en place les ClCments constitutifs de la doctrine et explicite leur arti- culation.

L'absolu, qui donne son objet B l'ensemble de ce dCvelop- pement, est d'abord caractiris6 par (( son identiti simple et massive " )) : il semble enfermC dans l'intCrioritC de la sub- stance, tout entikre replike sur soi. Pourtant, comme nous allons le voir, il y a un procks d'exposition de l'absolu : c'est celui de sa manifestation extkrieure, qui passe de l'affir- mation initiale de l'absolu comme substance B sa riflexion dans des attributs, puis dans des modes. C'est ce (( passage ))

- nous allons voir qu'il a seulement les apparences du mou- vement - qui organise le point de vue de la substance dans sa disposition singulikre, telle qu'elle s'est exprimCe histo- riquement dans l'ceuvre de Spinoza. Nous allons suivre ce dCveloppement dans ses Ctapes successives.

Ce procks commence par l'absolu lui-mCme, qui s'expose immkdiatement comme tel. L'argumentation de Hegel consiste B dCcouvrir la contradiction latente qui hante et dCcompose secrktement cette unit6 apparente. Dans sa constitution initiale, l'absolu se prCsente comme l'identitC indiffkrenciie, et donc indiffkrente B soi, de la forme et du contenu. L'absolu qui est absolu, c'est B la fois un sujet dans lequel tous les prCdicats ont 6tk posCs et un sujet dont tous les prkdicats ont Ctk niCs : c'est un point de dCpart, une base, qui ne peut Ctre reconnue comme telle qu'au moment

17. Ibid., p. 229.

32

Hegel lecteur de Spinoza

O I I rien n'est encore Cdifik sur elle, et qui n'est base pour I 11 .11 . Tout le raisonnement de Hegel est ici construit sur un I , . I I tlc mots qui prend pour prCtexte l'expressisn ct zum ( ,1111lde gehen )) : revenir au fondement, qui veut dire aussi . . .~llcl- h l'abime )). La plCnitude de l'absolu, renfermke dans I 1111CrioritC radicale de la substance, est celle du vide.

Ainsi, la substance, qui se prksente comme une source de 1 1 , rc.~.lninations, est aussi en elle-mCme un nCant de dktermi- 1 1 . 1 I 1011, parce qu'elle est I'indCterminC qui prCckde et condi-

r I ~ I I I I I C toute ditermination. C'est la contradiction propre de 1 . 1 t>~ll,xtance : elle s'offre d'abord, dans son absolue positivitk, I I I I I I I I I C ce qui est le plus rCel ; mais, en mCme temps, pour I ~ . I I . I I I I ~ ~ ce maximum d'etre, il faut qu'elle retire rialit6 B ce I 1 1 1 1 ~ ~ ' e s t pas elle et qu'elle place sous sa dkpendance. E n .1ll11111;1nt son antCrioritC et sa prCCminence, la substance se 1 1 1 I , .( . comme ce qui est, en regard de l'apparence de ce qui I I ' I . , . I pas aussi dans ce commencement; d'oii sa fonction

I .:.(.l~licllement dtre'alisante, puisqu'elle rejette dans l'abime . I I I \ I'ond du nCgatif qui n'est que nCgatif tout ce qui ne

I ol~~~ . i t l e pas immidiatement avec sa positivitk premikre. 1 ~ , I I I \ 121 substance, ce qui est s'offre et se dCrobe B la fois : 1 111. t.41 ce qui donne, mais aussi ce qui 6te rCalitC.

I )';I utre part, l'autosuffisance de la substance qui se dkfinit 1 1 . 1 I ~'llc-meme, en l'absence de toute ditermination, rend I I I , 0111l,r6hensible le passage du sujet aux pridicats, la rela- 1 1 0 1 1 ( l u fondement B ce qu'il fonde : les dkterminations qui , I I I I I I I I C base dans l'absolu ne peuvent venir s'ajouter B lui 4 1 1 1 ' $ 1 I ) I 2s coup et de I'extCrieur, d'une manikre arbitraire, sans I I I \c.Iol,pement immanent. C'est pourquoi la substance, qui i . I ol).jc~ de toute connaissance, est aussi inconnaissable : n 1 1 , . ( . \ I . en elle-meme, un sujet dont on ne peut rien affirmer,

1 1 1 1 1 1 1 lui-mCme, et son rapport aux dkterminations qui I 1 1 I . I I I I ( . I I [ appui sur elle est incomprkhensible : du fait de sa I . ~ I . I I c . 4ulTisance B soi, elle n'a nu1 besoin de ces ditermina-

I I I ~ I I , . ( ~ u i Iui sont donc adjointes sans nCcessitC et sans rai- . O I I

( 1 ~ I I I I I I ~ commencement absolu, la substance est donc aussi 1 1 1 1 1 . 1 1 1 1 : ~ ; I I I S la plknitude de son Etre propre, auquel rien 1 1 0 . I I I ; I I I ~ ~ L I C . elle a dCjh Cpuisk toute possibilitk de mouve-

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Hegel ou Spinoza

ment ; ce qu'elle inaugure en elle s'achkve aussitdt. C'est un commencement qui ne commence rien, oil l'absolu immobile constitue la dCnCgation de tout procks. Le systkme qui commence par I'exposition de l'absolu s'y trouve aussitdt arrCtC : s'Ctant donnC au dCpart toute rCalitC, il ne peut plus progresser.

Pourtant, la doctrine spinoziste, B laquelle cette analyse se rCfkre implicitement, ne se contente pas d'indiquer, dans une dkfinition initiale, la plCnitude de l'absolu ; elle en prC- sente I'ordre interne, de manikre cohCrente, en explicitant son contenu rationnel. Mais la progression de cet expos6 ne peut Ctre qu'apparente : son dCveloppemnt formel est en fait une rigression, puisque l'identitC immidiate de l'absolu B lui-mCme interdit toute avancCe ultCrieure. Le cc procks ))

illusoire de la substance qu'inaugure l'exposition de l'absolu ne peut Ctre le mouvement d'une constitution positive. puisque tout est d'emblCe constituC, mais celui d'une dCgra- dation qui soustrait successivement B l'absolu les ClCments de sa rCalitC, en reportant ceuxci sur des dkterminations extrinskques, qui ne peuvent effectivement rien lui ajouter puisqu'il se suffit complktement B lui-mCme.

Cette rdgression est manifeste dks le premier cc passage )) qui conduit de la substance B l'attribut, c'est-Bdire de l'absolu au relatif. L'absolu qui est absolu est aussi ce qui est seulement absolu : sa plCnitude primordiale est aussi la forme inCluctable de sa limitation. L a perfection de l'absolu, c'est en m&me temps ce qui lui manque pour Ctre vraiment absolu : la totalit6 des diterminations qu'il a dili nier pour rentrer en soi, pour n'Ctre que soi. L'absolu qui n'est qu'ab- solu, c'est aussi une nCgalion de l'absolu : cc I1 n'est par consCquent pas I'absolument absolu, mais I'absolu dans une dCterminit6 oil il est absolu '" )) L'absolu devient attribut, regoit des dCterminations, mais il s'expose alors dans une rCalitC amoindrie.

L'attribut constitue le second moment, le moyen terme, du procks apparent de l'absolu qui s'est donnC immCdiate- ment comme tel au commencement, et dont la progression

18. Zbid., p. 233.

Hegel lecteui. de Spinoza

I I I O I I V C de ce fait empCchCe : (( L'attribut est l'absolu seule- 1 r 1 1 I I / rclatif '"I,, ou encore l'absolu dCterminC seulement 4 1 1 1 . 1 1 1 1 :I sa forme. L a substance qui s'exprime dans ses attri- 1 ~ 1 1 1 ~ . c.11 dicouvrant qu'ils lui sont identiques, c'est l'absolu 1~~~~ ',c- r6flCchit en s'extCriorisant : prCcisCment parce que, . I I I I I I I I C * (el, il ne comporte en lui-mCme aucune ditermination, 1 1 ,.I illcapable d'une riflexion immanente. L'absolu sYCpuise - 1 I I I , , c.c(te rCflexion, car sa ditermination lui fait face, s 'op l e t .,. i~ lui comme l'inessentiel B l'essentiel : il y reconnait I ~~lt .~~lc.nt son inanitC. L'attribut est le prCdicat qui rCflCchit

1, . . I I I C - ( hors de soi : il en est la reprksentation, le phCno- 1 1 1 , ; i l donne seulement une image de la substance.

I '.rrlr.ibut est donc une forme vide, car il qualifie la sub- I . I I I ( ~ * tle I'extCrieur et sans nCcessitC : en lui l'absolu se

1 1 1 I I I \ C ' rcstreint, et amoindri, dans la mesure oil il s'affirme , D ~ ~ ~ ~ ~ ~ c lui dtant identique. Cette restriction, qui apparait dks

, 1 1 1 1 1 1 1 1.6flCchit la substance dans un attribut, se renforce , 1 1 1 1 1 1 ~ 1 011 pose une multiplicitC d'attributs : du fait de son 8 1 1 . 1 lorit6 et de sa contingence, une seule forme ne suffit I I . . 1 ~orr r reprksenter I'absolu ; c'est pourquoi celuici s'Cpuise ' 1 I I I V 1;1 qu&te indCfinie de diterminations nouvelles, qui

-llllosc:l~t les unes aux autres (comme le font par exemple la 1 1 ~ . 1 . c . ct I'Ctendue), B travers lesquelles il cherche en vain

I 111)c'rer sa compldtude. Dans la forme de I'attribut, I'infini I ( 1 1 . 1 l t l ndcessairement l'apparence de la pluralitd : il se divise,

I 1 1 . 1 1 pille, se perd dans la sCrie illimitCe des images que 1 1 I I C le mouvement illusoire de sa rCflexio1n extkrieure. Le

1 1 I.:..I.!~~: de la substance B l'attribut, c'est le devenir-apparence 8 1 1 I'.~l)solu. qui se met B penser son unit6 dans 1'Cmiettement

4 1 1 1 . 1 cliff6rence pure. I . I \trbstance se ddfait, se dissout dans ses attributs, en se

I , I I I C . I ; I I ) ( dans une conscience qui lui est nkcessairement , I I . I 11<1i.rc. Car i l faut I'intervention de I'entendement abstrait 1 1 1 1 1 (Ic:e.o~~~pose I'identitC du contenu en ses formes multiples I N ~ I I I clue I'unitC de la substance soit ddterminie dans une f l ~ \ ( . ~ \ i r C de Korrnes. Face B l'objectivitk pure de l'absolu qui I I , . I clt~'absolu se pose, et s'oppose, la forme extdrieure d'une

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Hegel ou Spinoza Hegel lecteur de Spinoza

subjectivitk qui ouvre une perspective, suscite une manikre d'etre, projette une apparence. MalgrC I'identitC abstraite qui le lie B la substance dans un rapport formel de representation, l'attribut pris comme tel se dCtache de celle-ci, et s'en Cloigne conime une simple modalit6 : ainsi est-on dCj& cc pass6 de l'attribut au mode, qui constitue le troisieme moment du proces regressif de l'absolu.

Le mode, c'est encore la substance, mais prise dans 1'616- ment de I'extCrioritC absolue : (( Le mode est l'etre en dehors de soi de l'absolu, la perte de soi dans la variCtC et la contin- gence de 1'Ctre ". )) Alors l'absolu n'est plus du tout identiquc B soi, il a perdu toute sa rCalitC. il s'est dilui dans sa proprc apparence, dans la facticitk illimitte de ce qui n'a plus sa cause en soi. A la liniite extreme de sa manifestation, commc I'ultime effluve d'un parfum qui s'Cvapore, la substance s'est extCnuCe, CpuisCe dans un fourmillement d'aspects qui la montrent en la dCcomposant, au terme d'une prisentation qui est purenient nigative. Inversenient, si on fait retour A l'absolu, la rialit6 imniidiatement perceptible qui rCsulte de l'addition de tous ces modes se convertit en une apparence, au sens le plus critique de ce terme, car celle-ci ne donne plus de l'absolu qu'une expression illusoire dans laquelle il finit par disparaitre, et de meme elle s'engloutit en lui. En ce point, oh la realit6 exposte d'emblie dans l'absolu est totalc- ment dissipie, s'acheve le ct mouvement )) de la substance. mouvement essentiellement nCgatif.

Dans le mode, il ne reste plus rien de ce qui Ctait donnd dans la substance ; il ne reste plus que ce rien en lequel toutc rCalite s'abolit. Dans un autre texte, au dCbut de la troisieme section du livre I de la Logiqup, ( ( L a Mesure v , Hegel Ccrit B propos du mode en gCn6ral :

(( Si le troisikme terme Ctait pris comme simple extirio- ritC, alors il serait mode. Dans ce sens, le troisicme termc n'est pas retour dans soi, mais en tant que le seconcl est le dCbut du rapport a llextCrioritC, un sortir qui sc tient encore en rapport a l'ztre originel, le troisi?mc cst la rupture accomplie ". s

20. Ibid., p. 236. 21. Ibid., t . I , p. 291.

I t 1~1.dcise aussit6t, en se rCfCrant B Spinoza :

(( Chez Spinoza, le mode, aprks la substance et l'attribut, cst tgalement le troisieme terme ; il dtclare qu'il Cqui- vaut aux affections de la substance, ou B ce qui est dans un autre, par le truchement duquel il est alors compris. Ce troisikme terme, selon ce concept, n'est qu'extkrio- ritC ; ainsi qu'il a CtC rappel6 par ailleurs, chez Spinoza en gCnCral le retour dans soi-mCme fait dCfaut a la substantialit6 rigide ". ))

I (. 1 1 syllogisme 1) qui associe la substance B ses affections I ~ I I I'inlerniediaire des attributs, qui resume la signification q ~~.l l~icl le du systeme spinoziste, est pour Hegel un syllo-

I . I I I ~ . abstrait : il decrit non l'acconiplissement de l'absolu, 1 1 1 1 1 , . d t e dCchCance progressive qui 1'Cloigne de lui-meme.

,\ IJ:I rtir de cette reconstitution d'ensemble apparait claire- 1 1 1 ~ 1 1 1 1;) raison pour laquelle le point de vue de la substance

, I .11;1ct@ris6 par son in~mobilitC. Le mouvement qui s'ins- I 1 1 1 1 , . tlcpuis !'absolu, conduisant de la substance aux attri- I ~ I I I . ~)[lis aux modes, est tout le contraire d'un mouvenient

I I . tl'un proces de constitution de l'absolu ; c'est pourquoi 1 ll(.~.liviti du reel n'y est donnCe que d'une manikre cari-

I I I I I I ; I I C , dans la derision d'un dCclin. C'est le mouvenient I , ,-lt.\sif d'une dkgradation successive qui conduit d'un

ltlltlurn d'etre donne au depart B son Cpuisement total. I I I I I ' , ( I C S fornies qui lui sont de plus en plus extCrieures, et \ I I I I . 1~Iuti)t que des manieres d'Ctre, sont pour lui des I I I . I I I I ~ . I . C S de ne plus etre. Ce mouvement descendant, enfermC

q I I I I ~ . Lllie origine absolument positive et une fin dkfinitive- 1 1 1 , 1 1 1 ncyative apres laquelle il n'y a plus rien, est tout le I l ~ f ~ ~ ~ ; ~ i ~ . ~ du cycle rationnel, du proces dialectique dont I I( #,(.I I'ait par ailleurs le principe de toute rCalitC : procks

, 1 1 1 1 tlCcouvre, au contraire de celui que nous venons de 6 I ' I I I c.. I'indCtermination de son comniencement, son carac- I . 1 1 - 1)rovisoire et apparent, pour se diriger progressivement

I , , lrrlc f i n dans laquelle il s'accomplit, par la determination I ~ I I . I I(. tl'une idcntitC qui ne peut Ctre affirmCe qu'au moment

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Hegel ou Spinoza

ou elle est devenue vkritablement effective. Alors que la manifestation de l'absolu qui est seulement absolu n'a donnC lieu qu'8 la creuse rCcurrence d'une disparition, d'une dimi- nution, d'une perte d7identitC, dont la progression est Cvidem- ment formelle, puisqu'elle est dCterminCe par un manque (( croissant )) du contenu.

Le point de vue de la substance, qui prCtend embrasser toute la rCalitC dans un seul concept, s'inverse donc dans une connaissance nCgative : l'absolu de realit6 que revendique la substance a pour contrepartie le dCni de rCalitC port6 sur tout ce qui n'est pas elle et qui lui succkde. Le pur discours de l'absolu developpe principalement le thkme du peu de rCalitC des choses, de tout ce qui n'est pas lui : le devenir de l'absolu ne peut que 17Cloigner de son intCgritC initiale, et le faire dCpCrir. Scepticisme de la substance, qui absorbe dans son formalisme la rCalitC tout entikre : alors le nCgatif est seulement le mouvement de soustraction qui mkne a une disparition, en dehors de tout travail rCel de dCtermination. C'est ce qu'exprime trks bien un passage des Le~ons sur l'his- toire de la philosophie :

(I Comme toutes les differences et toutes les dktermina- tions des choses et de la conscience sont ramentes A l'unitt de la substance, on peut dire que, dans le systkmc spinoziste, tout se trouve en fait rejete dans I'abime de I'antantissement. Mais rien n'en ressort, et le parti- culier dont parle Spinoza n'est repris et rCcupCrC que dans la representation, sans y trouver sa justification. Pour qu'il fQt justifiC, il aurait fallu que Spinoza le dkrivgt de sa substance ; mais celle-ci ne s'ouvre pas, ne parvient pas B la vie, B la spiritualitk, B l'activitt. [...I Le malheur qui arrive B ce particulier, c'est qu'il n'est qu'unc modification de la substance absolue, mais qui n'est pas tlCclarCe comme telle ; aussi le moment de la ntgativite est ce qui manque B cet &tre immobile et rigide, dont la seule operation consiste B dCpouiller toutc chose de sa determination et de sa particularite, pour la rejeter dans 1'unitC de la substance absolue, oh ellc s'kvanouit et oh toute vie se corrompt. VoilB ce qui nous laisse philosophiquement insatisfait chez Spinoza. I)

Hegel lecte~tr de Spinoza

I '.~l)solu s'ouvre seulement comme un gouffre ou s'abo- I I , : . ( . I I I toutes les determinations, oh se perd toute rCalitC, I 1 . 1 I I * . I'a bime irrdsistible du vide.

I :I ~~liilosophie de Spinoza, c'est donc pour Hegel une pen- s # c.o~l~plktement abstraite, dans laquelle disparait tout

~l~~~~rvc. r i~ent , et toute vie s'acheve. A la fin de la rapide bio- l~l.ll)I~ic de Spinoza donnie par Hegel dans ses Le~ons, on r l ~ I I L ~ . cctte indication extraordinaire :

(I Spinoza mourut le 21 fkvrier 1677, dans sa quarante- quatrikme annke, d'une phtisie dont il avait longtemps souffert - en accord avec son systkme dans lequel aussi toute particularitt, toute singularitt s'kvanouit dans I'unitC de la substance. D

I (. spinozisme, c'est la philosophie poitrinaire, dCclinant I $ 1 I ll-lc*\sivernent vers la disparition de toute rCalitC effective,

a t ~ ( . ~ ~ t ~ a n t dans l'affirmation d'un absolu qu'elle ne peut I I 1 1 (.\c.nter que de l'exterieur, inactif et sans vie.

I (. verdict d'insuffisance cjui avait CtC dCcrCtC a l'encontre 1 1 , ( . I I ~ philosophie, et du point de vue qui la sous-tend, se 1 1 I I I I L ~ . dks lors 1CgitimC. PensCe nkgative d'un nCgatif qui est

1 1 1 1(.111cnt nCgatif, elle ne s'ouvre que sur l'abolition de son c q I I I I ~ I I U ; elle ne peut donc Ctre exposCe que nkgativement, 4 I .I 111i.s son dCfaut, son inanit6 propre. Philosophie commen- #, 1 1 1 ( ( . -- philosophie diclinante. C'est seulement en allant I I 1 1 1 1 I C * cc commencement, par le travail d'un nCgatif qui ne

a 1 1 1 ~ J ; I Y seulement ndgatif, que la pensCe peut s'dlever I I I (l(.\\us de I'abime de la substance, pour dCcouvrir le mou-

I I I ( . I I I concret de l'effectif. I1 faut commencer par Spinoza, 1 1 1 . 1 I I I passer par Spinoza, il faut so'rtir de Spinoza.

I ' O I I I - ccla, il faut soumettre la doctrine a 1'Cpreuve d'une o I II I ( ~ I I C ' r l iri ne s'appuie plus seulement sur une interprktation l , l l l l~.~lc. comme celle que nous venons de suivre, mais qui t I ~11,.1tl21.c Ic dCtail de son argumentation. Alors on mettra en t i ~tlt.l~(.c la contradiction propre de son contenu. Cette ana- l . , , . I . ~\olc clans le systkme trois points critiques, trois concepts,

1 1 1 I(-qt~cls H c ~ e l concentre son argumentation : il s'agit du I 1 1 I 11 ~ l i . ~ ~ i c tlc la dkmonstration (design6 par la fameuse

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Hegel ou Spinoza

expression (( more geometric0 H), de la definition des attributs et, enfin, de la formule (( omnis determinatio est negatio n, que Hegel impute B Spinoza et dans laquelle il concentre tout son systeme. Ce sont ces trois points que nous allons maintenant considdrer prdcisdment ".

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23. L'interprCtation orientalisante du spinozisme est un lieu commun de la philosophie allemande. On peut lire dans l'opuscule de Kant sur La Fin de tolrles choses :

(( Le souverain bien, c'est le nCant ; on se dtverse dans l'abime de la divinitC ; on s'y engloutit, et la personnalitt slCvanouit. Pour savourcr un avant-goat de cette fClicitC, Ies philosophes chinois s'enferment en des locaux obscurs, s'astreignent B tenir leurs pau- pikres closes, ils s'essaient mCditer, ii sentir leur nCant. De Ih encore le panthtisme des ThibCtains et d'autres peuples orientaux. puis plus tard, par une sublimation mCtaphysique, le spinozisme ; deux doctrines Ctroitement affilites ii I'un des plus vieux systkmcs, celui de l'tmanation, d'apr2s lequel toutes les Smes humaines aprhs &tre sorties de la divinitC finissent par y rentrer en s'y rCsorbnnt. Tout cela uniquement pour qu'i tout prix les hommes puissent enfin jouir de ce repos Cternel qui constitue & leurs yeux la fin bienheureuse de toutes choses ; conception qui n'est rien de moil~s qu'une abolition de toute intelligence, qu'une cessation mEme dc toute penste ... a (Trad. Festugikre.)

Hegel, on le voit, n'a rien inventk.

MORE GEOMETRIC0

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I I ( . ; Y . I critique d'abord Spinoza sur la place qu'il assigne .i 1 . 1 1112thode dans le savoir philosophique, et aussi sur le a in^^^^.^^^^ mEme de cette mCthode.

I I I crnpruntant aux mathCmatiques des p r d d C s de , I . I I I ~ I I I ~ I I . : I I ~ O ~ , un modkle d'organisation du discours ration- , I Sl)ilioza se place, d'aprks Hegel, dans la suite de I 1 1 . I I 1c.s : il subordonne en effet la vCritC philosophique B , I I I , I * . I I ;Intie d'kvidence formelle, B une rkgle extCrieure et

8 I I . I I I ( . . Ainsi, bien qu'il se dCclare moniste en affirmant I I I I I I I ~ . ;~l,solue de la substance, il instaure B nouveau une . I I . I I 111. sorte de dualisme, par la skparation qu'il impose ' 1 1 , . havoir lui-mCme entre forme et contenu. Du point

\ 1 1 , . Iormel de la indthode, les conditions de la connais- I ~ l t tlont I'universalitC est dCterminCe d'une manikre

a ,~~ll l~I, . lc . l~~cnt abstraite, sont indiffkrentes B son objet, et . 1 1 , , ~lc.~rvc.n[ Etre fixCes en dehors de lui. Or cette scission

1 1 t . a I ~ I I I I ; I ~ [ cc qu'il y a de spCcifique dans le savoir philo- . # I I I I I I 1111.. I'idcntiti de 1'Ctre et du connaitre telle qu'elle

1 1 1 I I I I ~ . tlttns le Concept :

q # I 11 'Ipparence, la mCthode spinoziste de dtmonstration 111.111icrnat1que n'est qu'une simple insuffisance extirieure

, 1 1 1 1 ~ouchc sculement sa forme; mais il s'agit d'une I ~ll\t~ll~\,incc dc fond, qul caracttrise globalement le point i

I 1 1 , vtlc tlu sp1no71smc. Du fait de cette mCthode, la I I I . I I I I I C tIu 5;IvoIr ph~lo~ophlque et de son objet se trouve

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Hegel ou Spinozu more geomefrico

complktement mkconnue; car, en mathCmatiques, connaissance et mCthode ne sont que connaissance for- mell.e, et de ce fait complktement inapproprike 2 lu philosophie. La connaissance mathCmatique expose la preuve en I'appliquant i I'objet en tant qu'Ctre et non en tant qu'objet c o n y ; ce qui manque en consCquzncc. c'.est le conc,ept ; or l'objet de la philosophie c'est Is concept et ce qui est conqu. Aussi ce concept, commc savoir de ce qui est, on ne le retrouve qu'aprks coup. et il fait dCfaut au sujet philosophique ; et pourtant c'est ainsi que se prCsente la mCthode spCciGque de la philosophie spinoziste '. 1)

Cette mkthode privilkgie l'aspect formel, extkrieur, stricte- ment reflexif de la dkduction, h la manikre de l'anciennc logique, dont le point de vue, d'aprks Hegel, se maintient pour I'essentiel sans changement d'Aristote jusqu'i Des- cartes : le vrai est alors rkgle, dans l'ordre de la reprksenta- tion, par les relations reciproques qui organisent les prop@ sitions, dans leur constitution et dans leur succession, en dehors de toute dktermination rCelle, inhkrente au Sujet qui s'y knonce, c'est-&-dire au Concept comme tel. C'est h causc de ce formalisme, qui skpare le contenu effectif de la pen60 d e ses formes de rkflexion dans le discours, que le systerne spinoziste est inscrit dans la sphere de I'essence, dont i l constitue en quelque sorte la limite absolue : c'est pourquoi Hezel consacre une longue remarque historique au spinozismc prkciskment a la fin du deuxittme livre de la Logique.

Hegel ne se limite pas B cette mise en cause du principe dc la mCthode spinoziste, il en conteste aussi le dkroulement effectif. Ce qui caractkrise la (( mkthode n, nous venons dc le voir, c'est son verbalisme : elle ramene les conditions de toute vkritk h l'ordre formel des propositions. Dks lors, lc savoir s'expose dans une succession d'knoncks abstraits, don1 la validitk doit Ctre fondke dans son commencement, dans des propositions premikres d'oh toute vkritk est dkrivCe, et en quelque sorte extraite : il n'y a de connaissance que relative-

1 . HEGEL, Leqons sur I'histoire de la philosophie, chap. sur Spi- noza.

1 1 1 , 1 1 1 ; I clles. Aprks avoir prksentk le contenu des definitions I ) t I I I 1 1 . 1 ugurent le discours de lYEthique, Hegel kcrit :

(I Toute la philosophie spinoziste est dCjB contenue dans ccs definitions, inalgrt leur caractkre complktement lormcl ; de f a ~ o n genkrale, la dCfectuositC propre du spinozisme consiste en ce qu'il commence ainsi par des ddlinitions. En mathkmatique, on accorde une valeur i~ ce procCdC, parce qu'elle prockde 2 partir de prksuppo- sCs tels que point, ligne, etc. ; mais, en philosophie, c'est le contenu qui doit Ctre reconnu en tant qu'il est cn soi et pour soi. On peut h un moment ou 2 un autre rcconnaitre comme juste une dkfinition nominate, de lcllc manikre que l e mot " substance " soit accord6 2 la reprksentation qu'en donne la dtfinition ; mais, que Ic contenu qu'il indique soit vrai en soi et pour soi. c'est une tout autre affaire. Une telle question ne se traite absolument pas dans des propositions gComC- triques, et pourtant elle est, pour une rCflexion philoso- phique, la chose principale ; et c'est justement ce que Spinoza n'a pas fait. Dans les dCfinitions qu'll pose au dkpart, il explique simplement des pensCes simples, et 11 les prCsente comme quelque chose de concret ; au licu de cela, il aurait fallu qu'il recherche aussi si leur contenu Ctait vrai. Ce qui est donnC apparemment, c'est culement l'explication du mot ; mais, ce qui compte, c'est le contenu qui s'y trouve. I1 suffit que tout autre contenu lui soit rCfkrC, pour Ctre ttabli par son inter- mkdiaire ; aussi, c'est de ce premier contenu que dkpendent tous les autres, car il est donnC omm me le fondement d'ou dCrive toute nCcessitC " 1)

( (. quc nous retrouvons ici, c'est ]'objection fondamentale ( I l I lc<lcl contre la prktention de subordonner le savoir au I 1 1 . I l , ~ l)lc d'un commencement absolu : le savoir qui resulte I I ,111~. I C I I C demarche est purement relatif. Les propositions l l ~ g I I I I I . I C \ . par exemple les dkfinitions, qui cherchent h fixer I 1 I I I \ tic\ corrcepts et a en regler le fonctionnement, se 1 . 1 ~ I . I I I L * I ~ I comrne des sources de vkrite, auxquelles est sus- 1 I II 1111- I O I I I C conna is.sance ultkrieure, parce qu'elle n'est que

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Hegel ou Spinoza more geornetrico

dans I'illusion d'une forme generale du savoir. Si l'on peut encore parler de methode, c'est a condition de prkciser que celleci est inskparable du savoir dans lequel elle s'accomplit. c'est-adire qu'elle ne vient ni avant ni aprks lui, mais avec lui :

(( La mkthode n'est rien d'autre que l'tdifice du Tout pr6sentC dans sa pure essentialit6 " D

Elle ne rCsume pas le developpement complet du savoir dans la condition formelle d'une rkgle initiale : elle n'est rien d'autre que ce developpement lui-meme, saisi dans sa nCtessitC concrkte, au moment ou il s'effectue. C'est ce qui permet Hegel d'ajouter :

u ConsidCrant ce qui a prtvalu B ce sujet jusqu'a main- tenant, nous devons avoir conscience que le systeme des representations se rapportant B la methode philo- sophique appartient B une culture disparue '. D

Car la methode n'a plus de valeur en dehors du savoir qui la rCalise :

cr C'est B l'exposC de la logique qu'il appartient de donncr de plus amples prCcisions sur ce qui seul peut Btre 111 mkthode vtritable de la science philosophique ; car lib mtthode est la conscience B propos de la forrne de sou automouvement intCrieur " D

Elle n'est rien d'autre que le savoir de soi du savoir, qui se reconnait tel qu'il est dans le procks ou il s'effectue.

D&s lors, la tt mtthode )), dans la mesure oh ce mot conserve encore un sens, a perdu tout caractere formel c l abstrait, puisqu'

(( elle n'est rien de different par rappon a son objct e l 2 son contenu r.

6. Preface de La Phe'no~llc'r~ologie, trad. Hyppolite, p. I 11. 7 . [hid. 8. Science de la Logique, intr. j. la 1" id., trad. Labarrii-rc, p. 74 9. Ibid.. p. 26.

I IItb n'est plus cc une 1) methode, c'est-adire une recette I ~ ~ ~ I I I c.onnaitre, mais le savoir lui-m&me qui se riflechit dans

1 ~ 1 1 1)1)jc1, qui se rkfltchit comme son propre objet :

I, La mkthode est de cette manibre non pas une forme cxtirieure, mais l'iime et le concept du contenu, dont clle n'est diffCrente que pour autant que les moments du concept viennent aussi en eux-mCmes dans leur deter- minit6 B apparaitre comme la totalit6 du concept. En tant que cette dCterminitC ou que le contenu se reconduit avec la forme B I'idCe, celle-ci s'expose comme une totalit6 systkmatique qui n'est qu'une IdCe une, et dont lcs moments particuliers sont aussi bien en soi cette dcrnikre, qu'ils amknent au jour par la dialectjque du cboncept 1'Ctre pour soi simple de 1'idCe. La science conclut de cette manikre en saisissant le concept d'elle- 111trne comme de l'idte pure pour laquelle elle est I 'id6e lo.

I '~.\l)osC de la mCthode coincide avec le dCploiement du 1 ; 1 1 1 . tlont il exprime le mouvement en totalitk, comme

1 . 8 1 I I I 1 1 . : il n'inaugure pas le procks de la connaissance, dans I 1 ' 1 1 . tl'l~nc fondation initiale, mais il en forme la conclusion, 1 1 1 1 1 1 1 1 . capitulation finale de ce qui a CtC accompli. I1 est

1 I I I L I I I ~ . pour Hegel la catCgorie de methode a perdu toute a 1 l l 1 1 l ,~(ioli autonome : pour qu'elle soit conservte, il a fallu

l l ~ b . . I \.;lleur philosophique soit con~plktement pervertie. 1 11 . 1 1 )r'sclue Hegel met en discussion la notion de methode,

1 I s 1 1 1 01c.t d'une mdlhode philosophique, c'est toujours en I 1 1 . 1 1 , (. ; I L I fonctionnement de la methode dans les mathe-

1 I 1 1 1 1 I { . \ . I ,e privilkge accord6 a la mCthode dans le derou- I. # I I , I I I t l u pr-octs de connaissance et dans le dCroulement 1 \ 1 . 1 11t:s :I sa source sinon dans les mathematiques elles- I!!. 1 1 1 1 ... ; I I I 111oins dans I'idCe, ou le prejugC, qu'elles offrent

s l n l 1 1 1 1 l 1 . l ~ ~ (Ic rnisonnement valable universellement. C'est : I ! . I 1 1 1 I I I ~ . ~ .o~ i s ta~ l t chez Hegel que les mathematiques ne I . ! I 1 1 1 1 ) 1 1 1 \ rcvendiclucr cette fonction rdgulatrice dans le I . I I 1 1 I ; ) connaissance :

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Hegel ou Spinozn more ,geontetrico

(( I1 n'est pas difficile de voir que la manikre de proposer une proposition, d'allkguer des raisons en sa faveur, et de rCfuter de la m&me fa~on la proposition opposko avec des raisons, n'est pas la forme sous laquelle 111

vCritt peut apparaitre. La vCritC est le mouvement d'ellc. m&me en elle-meme, tandis que cette mCthode est In connaissance qui est extkrieure & la matikre. C'est pour- quoi elle est propre & la mathkmatique et doit lui &trc laisste ". a

Si le savoir est un procks dCterminC nkcessairement, il no l'est plus par sa conformitC a un ordre formel des raisons, qui rkgle une suite de propositions : la philosophie, en tant que mouvement d'autoproduction du concept, a cessC d'Ctra soumise a I'idtal d'une dtduction exacte.

Si toutefois elle a cru devoir, dans une pCriode antkrieura de son histoire, se plier une telle obligation, c'est qu'il y a bien quelque chose de commun entre la philosophie et les mathtmatiques. Ce qu'elles ont en partage, c'est le projct d'une dktermination du rCel par la pensCe, dans une connais- sance qui ait la dignit6 du gCnCral. Mais cet Cltment commun est inessentiel parce qu'il reste extCrieur au contenu de la connaissance, et consiste seulement en une rCflexion abstraite :

(( Ce que la culture scientifique a en partage avec la philosophie, c'est le formel ". r

C'est pourquoi, entre la vCritC mathkmatique et celle do la philosophie, il ne peut y avoir qu'une ressemblance super- ficielle. Reste alors savoir ce qui a pu ICgitimer la confusion qui les a rtunies, a 1'Cpoque justement de Spinoza : c'est, d'apres Hegel, une raison strictement conjoncturelle, qui a done perdu toute valeur dans un autre moment historiquc. Dans une pCriode ou I'entreprise de la connaissance sc trouvait emp&chCe, CcrasCe par I'autoritC infrangible d ' u ~ dogme, le raisonnement mathkmatique a pu paraitre consti-

11. PrCface de La Phe'nome'rzofogie, trad. Hyppolite, p. 113. 12. Leyorls sur I'histoire de la philosophie, introduction, tracl.

Gibelin, Gallimard, coll. a IdCes n, t. I, p. 183.

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,:?. , I ' . I I I I I C la plus forte dans la lutte defensive contre cette , 1 ~ 1 ~ ~ . . c o l i : aux catCs de la philosophie et dans un mou-

1 1 1 ~ 1 1 1 ( onimun, il reprCsentait un m&me effort pour (( penser , ! I , 4 1 1 l~li'liie l 3 )), loin de toute contrainte extCrieure. Mais

1 1 1 1 1 t . 1 iotle est rCvolue : avec la toute-puissance du dogme 1 $ 1 1 1 1 . 1 ~ 1 1 aussi la ntcessitC de former contre lui des compro- a ~ m l . 1 1 1 1 1 sans cette circonstance deviennent vite ambigus.

I I 11ll1111cnt oh Ccrit Hegel, celui d'une pensCe libre qui va , 1 1 1 ' . I I I bout de I'acte de sa rkalisation, par ses propres

. t 8 . ,; I I . . . cc qui I'emporte au contraire es't ce qui sCpare la I : I I ~ 1 1 I , . , )l,l~ic des mathkmatiques auxquelles elle s'Ctait trks 11 11111111;1ircnient allike.

( I I I , . tlifTCrence est pour I'essentiel celle qui se trouve entre ., lc.llce du fini et une science de l'infini : il est clair

. I I I ~ 11.1115 ICS deux cas le mot (( science 1) dCsigne des rCalitCs 1 1 illll'Crcntes - la une connaissance abstraite, qui trouve

, , I I 1 1 1 ~ c . 1 toujours en extCrioritC, ici un savoir concret qui i I I I I I i-111i.me son propre contenu, et s'effectue ainsi comme # I S 1 1 1 1 Si I'entendement, qui est le lieu par excellence oh

I ' I 1 1 1 . 1 I I I C. et reprdsenter sont formellement identiques, est & m ~ ~ b I l ~ . ~ ~ ~ ~ . m i n a t i o n ntcessaire de la penste rationnelle, un ~~~~ q 1 1 1 1 . 1 1 1 t111i a sa place dans le procb d'ensemble du savoir, # I . I , . I ( . jrlstement par la limitation qui le situe quelque part . I 1 1 1 , . ,-(. tli.roulement; et le point de vue qui lui correspond

I ( 1 , . i.;rlcur que relativement B cette position sinplikre, ce , 1 1 1 1 , . ~ ~ l l i l pour que lui soit dCniC ce droit I'universalitt que

~ I I I 1 . 1 I ~ I il revendique. 1 ' .l~.:~~lnientation qui permet B Hegel de remettre ainsi a

. I < I I I 1jl;ic.c les mathkmatiques se trouve exposCe sous sa forme 1 I I t I ~ ~ s , claire dans un passage bien connu, auquel nous avons

q 1 % 1 . 1 ~lI,lsieurs fois fait rCfCrence, de la pre'face de la Phe'no- r,o/or:i('. D'une manikre assez Ctonnante, Hegel prockde

, I I 1 1 - , (.L. lcxte h un amalgame entre les vdritCs mathtmatiques % r 11-, vLritts historiques, qu'il ramk'ne toutes deux des

8 I I I ~ . \ tlc fait, caractkristiques de la c c manikre dogmatique 4 I . I 1(.11scr 1, qui sCpare une fois pour toutes le vrai du faux :

Page 27: Book Macherey - Hegel Ou Spinoza (La Decouverte 1990)

cc A de telles questions : Quand CCsar est-il nC 'I Combien de toises y avait-il dans un stade et lequel, on doit donner une rCponse nette ; de mCme il est vnrl d'une faqon precise que le carrC de I'hypothenuse MI tgal a la somme des carrts des deux autres c6tts tlu triangle rectangle. Mais la nature de ce qu'on nomlllo une telle vCritC est distincte de la nature dss vCritdm philosophiques ". n

Ce rapprochement est trks significatif, parce qu'il monlra que Hegel attaque les mathdmatiques a la fois du cbtd tlc leur formalisme et du c8td de leur empirisme, parce que co sont des tendances essentiellement convergentes : l'abstrac- tion n'est pas ce qui nous ddtourne de l'immkdiat, mais au contraire ce qui nous y englue. Comme l'dcrit G. Lebrurr dans son beau livre sur Hegel :

(c Le drame de la pensCe d'entendement est de se dtta- cher du sensible tout en continuant d'operer avec la mCme naivetC et sans remettre en question les reprC- sentations qui proviennent d.e la frequentation du sen- sible (le " temps " par exemple) 15. D

Cette (( naivetk 1) mathdmatique s'explique par le fait que, d'aprks Hegel, le raisonnemer~t formel ne peut engendrer son objet. Cet objet, il faut donc qu'il lui soit donnk, qu'il existe en dehors du mouvement dans lequel il le pense; l'objet alors est prdsuppose en fait, exactement comme tout ce qui, pour la conscience commune, appartient B I'expB rience. Dans l'entendement qui lui reste exterieur, l'objet est seulement represent6 :

c( Le mouvement de la demonstration mathtmatique n'appartient pas B ce qu'est l'objet, elle est une opCration extkrieure B la chose '" )n

14. Prtface de La Phe'notninologie, trad. Hyppolite, p. 95. 15. Ci. LEBRUN, La Paiience du concept, Gallimnrd, p. 78. 16. Prtface de La PI~Pnorne'nologie, trad. Hyppolite, p. 99.

\ 1 . . I 1 . 1 I'orme et le contenu existent d'une manikre ndces- 8 n l o 1 1 1 l il~ic, justement parce qu'ils sont &angers l'un B

1 ? * , I , ,

I , I I , I I 1 1 i I utle ne caractdrise pas seulement le rapport entre I- . I . 3 1 ~ ~ ~ c . ~ ~ ~ c n t mathdmatique e t le contenu qu'il vise, elle I- a n l I I l ~ ~ ~ ( . clans sa forme m2me : derrikre le progrks appa- :' ! I I I I I I 1 1 1 1111ldacable d'un ordre irreversible et contraignant ! I * I I I, ,ll\~l-ations, Hegel dkckle une suite desarticulde I , 1 . I I I I . I I I \ indkpendants qui sont simplement ajoutds les uns

+ - & . I I I I I (.\. sans communication rdelle, sans nkcessitd. Aussi t I I , I 1,- onstr strati on n'offre-telle que la caricature d'une

1 , I I~II-c . l'illusion d'une connaissance en mouvement : I . I . I I I \ . ( ~ est seulement construite B partir d'opkrations 1 I 1 I ( , . I l i.;Ces dans des propositions qui sont artificiellement - . 'I I I I 8 I I 11x3, disposdes, rangkes (voir la mktaphore du puzzle, ,I. I r \ I ,t1[1S.e), de fayon 2 entrainer provisoirement la c o n v i ~ I I I I I I I '(..;l-lt-dire l'adhesion d'un ct sujet 1) envahi par le . I I I 1 1 1 1 1 , 1 1 1 de l'dvidence, se soumettant 2 170pCration du

1 1 1 , I . r~lanipulateur qui lui impose cet arrangement, cette . a l l l ~ I . I I I I I C . Ici encore, nous ne pouvons mieux faire que repro- , I I I I 1 I ( (.\ I'ormules d e G. Lebrun :

( I En isolant les " pensees " et en les enchainant comme clc simples objets de connaissance, I'entendement accrC- dite 1'idCe que le Savoir est une strattgie "subjective ". II va de soi alors que la " pensee " est en droit abstraite, clue les " connaissances " sont en droit partielles, que le domaine du "connaftre" est disjoint de la pratique. I .'entcndement accepte que quelque chose soit vrai " dans ma t&te " et qu,e le " savoir " se rCduise B une distribution de contenus dans un ordre que je peux i~isernent parcourir ". a

: \ 1 1 1 \ i se trouve aussi ddfaite la prktention du mathCma- I I I 1 1 . 1 1 (Ic produire une connaissance objective ; mais son l~l~lc~c~tivisrne est celui de la penske morte qui se laisse fata-

1 1 I I I ( . I I ( manipuler de l'extdrieur, d'aprks le prdjuge techno- I I I , ~ I , I I I C clue dicte l'illusion du libre arbitre individuel ; ce

-

I I . (;. I .I:IIKUN, La Patience du Concept, p. 77.

Page 28: Book Macherey - Hegel Ou Spinoza (La Decouverte 1990)

Hegel OLI Spinoza more geornetrico

n'est pas la subjectivitk vraie et vivante du Concept qui no rtalise dans la maitrise effective de soi qu'est aussi son savoir. Ici se sCparent I'entreprise du mathkmaticien et cclla du philosophe : more geometrico, id est non philosophico, et rCciproquement.

La faute premikre du spinozisme, c'est donc d'avoir essi~yd d'importer dans la philosophie le raisonnement mathCnirl* tique, et d'y avoir introduit ainsi la ddfectuositd, qui lui crrl propre : or, d'aprks une formule particulierement brutal0 de la preface de La Phe'nome'nologie, c'est cc le savoir non philosophique qui envisage la connaissance mathkmatiq~lo comme I'idCal que la philosophie devrait s'efforcor d'atteindre '7). Le point de vue de la substance dCpend lul- mCme complktement de cette fixation a un modble extCrieur : (( Le spinozisme est une philosophie dificiente en ce que le rkflexion et son determiner variC est un penser extCrieur I". 11

Ou encore : (( Le dCfaut du spinozisme consiste prCcisCmcnt en ce que la forme n'est pas sue comme immanente B l u l et. pour cette raison, vient B lui seulement comme fornio extirieure subjective

z0. La volontC absolue de rigueur qui caractkrise superficiellement le spinozisme coincide avec so11 impuissance B dkvelopper en soi une sationalite nicessairc, effectivement adCquate B son contenu, objective et concr&lc.

En mCme temps qu'elle prCte B la philosophie I'apparenco d'une cohkrence formelle, la gComCtrie transmet h la philo- sophie I'arbitraire qui est 3 la base de toutes ses proddurcc. Dans une addition au paragraphe 229 de l'Encyclop&tlic~, Hegel remarque que, cc pour la philosophie, la rnCthcxlc synthitique convient aussi peu que la mCthode analytiquc, car la philosophie a B se justifier avant toute chose au sujcl de la nicessitC de ses objets" D. Or, la mCthode synthktiquc. c'est justement celle des geometres, qui construisent leuru objets dans des difinitions, comme Spinoza lui-mCme a voulu le faire. Mais la mCthode gComCtrique a, d'aprbs Hegel, unc

-- 18. Trad. Nyppolite, p. 91. 19. Science de la Logique, 11, trad. la bar rib re,,^. 238. 20. Etzcycloptclie, add. au # 151, trad. Bourgeo~s, p. 586. 21. Trad. Bourgeois, p. 619.

I 1 , r I I I I I I r <e, dans le domaine qui lui appartient en propre, 11 . I I . I I I C de rkalitks abstraites, et elle ne convient plus

1 ,,,I , I ( . \ lors qu'on prCtend l'appliquer en dehors de ce 1 . 8 . $ ~ ~ 1 1 c.11 particulier, elle 6te la philosophie toute , t ~ l ~ I ~ ~ , tlc waiter efficacement ces objets, d'ou I'abstraction

I . . < IIK. C'est ce que n'a pas compris Spinoza, qui I I I I I I I , I I ~ c par des dCfinitions et dit par exemple " la

. , I , I I la causa sui " ; dans ses dkfinitions est expos& s , I ~ 1 1 v < I de plus spCculatif, mais dans la forme d'assu-

~ * , , , I 1 est clair, dbs lors, que Spinoza, d'emblk, s'est , 1 , , I I C I I \ du domaine de la vtritd.

I I t ~...,v,lrrn~ion spinoziste de la rnkthode

! I, , I I , . 11c nous demanderons pas si les objections formulCes I ; , , I I~.,,C.I contre la mCthode des gkomktres sont ou non ! . e l l . l ~ t . , . 111ais si elles touchent effectivement quelque chose 8 1 . 1 ~ ~ . 1 . 1 I)l,ilosophie de Spinoza, et en quel point se fait

I . 1 1 .. I t .1 r c: rcncontre. I h . l r c1111s tles dkfinitions que Spinoza donne lui-mCme de la

I ? l . t 11, ,I I ( . : c< On voit clairement quelle doit Ctre la vraie i t s a I I I I , ( I C ct en quoi elle consiste essentiellement, B savoir dans 1.1 .( r r l ( . connaissance de I'entendement pur, de sa nature s I ( 1 , . -.c.s lois "". ,) (( S'il appartient A la nature de la penL& 1 1 , 1 1 1 1 I I I C ' I . dcs idees vraies, ainsi qu'on l'a montrC d'abord, 1 1 I . I I I I I-cchercher maintenant ce que nous entendons par 1 ~ ~ 1 1 1 .. (.I puissance de l'entendement. [...I La partie principale , I b I I I I I I ( * mCthode est de comprendre le mieux possible les l i 8 l t I . , clc I'entendement et sa nature ". )) Cela signifie que la 1 1 1 , 11rt~c1(. rl'est pas une connaissance, au sens ordinaire de m . 1 1 - 1 rrlc ; cn effet, elle ne connait rien, sinon notre pouvoir ) I . I I I I I I ; I ~ I I . C , I'entendement dont elle exprime la nature. Cette

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Hegel ou Spinoza more geometric0

discrimination qui place la mCthode en dehors de I'ordre des connaissances represente par excellence I'anticartCsia- nisme de Spinoza.

Que signifie en effet (( connaitre les forces et la nature de I'entendement )) ? Cela ne veut nullement dire, comme chez Descartes, circonscrire les limites de son usage : car le pou- voir de I'entendement n'est pas dCterminC a priori par des conditions qui limiteraient son activitC ; c'est au contraire un thkme constant chez Spinoza que nous pouvons tout connaitre, donc parvenir B une sorte de savoir absolu, h condition justement que nous engagions la pensCe dans une autre voie que celle que Descartes lui a fixCe, en s'appuyant sur sa (( mCthode 1).

En effet, en tant qu'elle vise aotre pouvoir de connaitre des objets et non ces objets eux-m&mes, la mCthode prC- suppose I'exercice de ce pouvoir, et elle a donc pour prCalable les connaissances qu'il produit : c( D'ou il ressort que la Mtthode n'est rien d'autre que la connaissance rCflexive ou I'idk de I'idCe, et, puisqu'il n'y a pas d'idCe de I'idCe s'il n'y a d'abord une idCe, il s'ensuit qu'il n'y aura pas de methode s'il n'y a d'abord une idCe ". )) On voit que I'ordre traditionnel des prCsCances est ici inversC : I'idCe de I'idCe, la connaissance rCflexive qui a pour (( objet )) le pouvoir de I'entendement, n'est pas la condition de la manifestation du vrai, mais au contraire son effet, son rCsultat. La mCthode ne prtckde pas le developpement des connaissances, mais elle l'exprime ou le rCflCchit. Ce qui signifie qu'il faut pro- duire des idCes vraies avant de pouvoir reconnaitre (formel- lement, dirait Hegel) les conditions de leur apprkhension : c'est ce qu'indique une fameuse parenthkse du Trait6 cle la rkffarrne de l'enrenclertlent ; habemus enim ideam veram : I'idie vraie, nous I'avons dCj8, sans quoi nous ne pourrions savoir que nous la possedons, ni non plus ce que c'est que d'avoir une idCe vraie. Or Descartes disait exactement le contraire : avant de connaftre en vCritC et selon I'ordre, il faut se donner les moyens d'une telle connaissance, c'est-8- dire qu'il faut savoir reconnaitre la vCritC 18 oh elle est

I I . d'aprks les rkgles (formelles, dirait Hegel) de sa I 4 ~ ~ ~ ~ . ~ ~ l ~ ~ l i o n .

1 (. I(-riversement opCrC par Spinoza a pour consCquences 1 1 1 1 ~lt.l)l:~cement et une rCCvaluation de la mithode. Un dCpla- I I 1 1 1 t . 1 1 1 : si la mCthode est un effet, elle doit venir aprks et 1 1 , 1 1 1 11111s avant la connaissance, comme nous I'avons dit ; - 1 1 1 1 . I ~3'cup1ique par exemple une anomalie du Trait6 thkolo-

1 , ~~oli i ique, dont la composition a arrCtt tous les commen- r I I ~ . I I I . ; : c'est seulement au chapitre 7, aprks avoir dCveloppt5 % n 1 1 I I 1 ll?tcnient I'analyse des prophkties et des miracles, que ' . I ~ I I I O / ; I explicite sa (( mCthode historique )) d'interprktation

1 1 1 1 ' 1 (.riture ; ce qui signifie qu'il faut avoir fait fonctionner I I l l . , trvcment une mtthode avant m&me de pouvoir la for- 1 1 1 1 1 1 ( . 1 : c'est la connaissance qui s'applique dans la mCthode,

n I I I ( I I I l'inverse. I I l l , . rkCvaluation : en fait, une dCvalorisation. c( Pour

I l l~~~l~rc :~ idre cela, autant du moins que I'exige la mCthode, il 1 1 1 . 1 . 1 1);~s besoin de connaitre la nature de l'esprit par sa a . I I I - , ( . premikre, il suffit d'une petite description (historiolam) , I 4 I'csprit ou des perceptions 8 la manikre de Bacon '" )) I : I Il~;cliissant aprks coup une connaissance dCj8 effective, la I I I ~ tl~ode n'est qu'un recensement empirique de procCdCs, en

, I l 1 1 0 1 - \ de toute dktermination des causes rCelles qui en 8 1 1 1 rtqc.ni le fonctionnement. Cela veut dire en particulier que 1 . 1 111Crhode a perdu la fonction juridique de garantie que 1 1 1 1 '~ssignait la thtorie cartksienne de la connaissance : elle

1 1 .I plus le pouvoir d'assigner B la vCritC ses conditions 1 1 1 1'?111;1ires, mais elle en digage aprks coup quelques pro- I 1 1 I,.I,:.;, quelques aspects, de manikre d'ailleurs isolCe et - . , I l )III- ; I ire. En ce sens, il faut lire le Trait& de la rkforme de 1 t~i,,rr(lcrrrent comme une sorte de c( Discours contre la h11.1llode )).

I, 11 rncme temps que celle de mCthode, la notion classique I 1 i 1 1 t l r-c: se trouve aussi bouleverske : le dCveloppement d'une 4 01111:1issance rationnelle n'est plus subordonnC 8 une hiCrar- I 111 , . stricte d'opCrations successives, dont I'enchairiement

I 1 . 1 i r fix6 une fois pour toutes. Si 1'Ethique est c c ordine - -

'0 I c.1t1.c 37 h Bouwmeester.

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llr:~c~l oil S1,irloza more geornem'co

gconietrico demonstrata )), comme I'indique son sous-titre, I 1 1 . 1 I ticulikrement intkressant, en dCnouant le lien tradi- (1 ordre )) designe ici tout autre chose qu'un rapport de pr6- I 1 1 1 1 1 1 . 1 c;labli entre methode et connaissance, Spinoza aboutit sCance entre des propositions. On sait que Spinoza n'a cessc! I I I I I . tl2linition de la mtthode trks voisine de celle que de reprendre et de modifier la disposition des demonstrations ! 1 . , , I I 111i-meme en propose : il s'agit d'une connaissance de l'Ethique, et rien ne permet d'affirmer que l'ttat dans . . ill ,,I\,,., dans laquelle devient consciente c( la forme de lequel il les a laissees soit definitif. I1 ne s'agit donc pas I I 1 1 I < 1 I I I ( wvement inttrieur N au cours duquel les connais- d'une liaison rigide, enfermke une fois pour toutes entre un l ~ ~ q .. O I I ~ kt6 produites, d'aprks Hegel ; (( idte de l ' idk 1)

commencement et une fin, et allant tout droit de l'un B l'autra . I I I I ~l.l)l.oduit le mouvement riel de l'idte, d'aprks Spinoza. par une suite lintaire d'arguments, comme chez Descartes, I I I ~ I I I . ; I 1 1 lieu de dtcouvrir dans la position des deux philo- Avec Spinoza, les idees de mtthode et d'ordre cessent d'Ctro . # I ~ I I I , . i l I'Ggard de la notion de mCthode un motif d'oppo- dCterminCes formellement par un critkre de prioritt, mais 0 1 t f 0 1 . (.c. clui justifierait B la rigueur les critiques de Hegel, elles expriment le mouvement rtel de la penste : 1 1 1 , . \ ovons se degager B son propos une sorte de ligne

. ! I I I I I I I I I I C qui rapproche les doctrines, engagtes dans la lutte (1 Comme la vCritC n'a besoin d'aucun signe, mais qu'il . , 1 1 1 I I . 1111 mCme adversaire. Voyons les choses de plus prks. lui suffit de posskder (habere) les essences objectives des I ) 1 1 1 , . 1111 texte important du Traite' de la re'forme de choses, ou, ce qui est la mCme chose, les idCes, pour 1 . , l r 4 ~r,lr~,,rt~rzt (§ 30), Spinoza dtveloppe les raisons qui que tout doute soit levC, il s'ensuit que ce n'est pas la n q 1 1 ~ l 1 . 1 1 1 i 11 tenable la conception traditionnelle de la mdthode. vraie mCthode qui consiste h chercher un signe de vCritd I [ I I I I , . I . I I I I . ; L ~ ~ le primat de la mtthode par rapport au d i v e postkrieurement h l'acquisition des idCes, mais que la

I! ! I $ 1 ~ ( . I I I , , I I ~ reel du savoir, comme le fait Descartes (voir par vraie mCthode est la voie (via) d'aprks laquelle la vQitd elle-mCme, ou les essences objectives des choses, ou lcs - 1 1 1 1 11,. ICS R2gIes pour la direction de l'esprit, rkgle 4), on idCes (tous ces termes signifient la mtrne chose), sont 8 . l 1 4 ~,,c. infailliblement 2 la refutation des sceptiques, qui cherchkes dans l'ordre dQ ". s 1. I I I I I . . ( . I I I trks logiquement des conditions prealables posies

I 1 . 1 I o~~ll;~issance l'impossibilitt effective de toute connais- Revenant au sens originel du mot mCthode, Spinoza iden- I I , '11 effet, s'il fallait une mtthode pour connaitre, il

tifie celleci au cheminement (via) r k l de l'idte vraie qui I I I I I ~ I . I I I aussi une mtthode pour Ctablir la mdthode elle- se forme dans I'esprit d'aprks les lois propres de sa nature, r 1 4 . 1 1 1 1 . c.1 ainsi de suite dans une rCgression B I'infini : on indtpendamment de tout modkle exttrieur. L'ordre des idCes, l . l ~ l ~ ~ \ ( . ~ ; ~ i l ainsi aidment que les hommes n'ont jamais pu c'est donc celui de leur production effective ; cet ordre est I . . 0 1 1 . 1 \I aucune connaissance, puisque les moyens qc'on ntcessaire, non en vertu d'une obligation legale, qui ne serait ,I4 1 . 1 I (. i ~ltlispensables B la recherche de la vtritk interdisent satisfaite que de faqon contingente, mais en raison de la 1 1 I I I ( . I I ( C I U ' O ~ y parvienne. causalit6 intrinskque de I'idCe vraie, qui la determine B pro- I ~ I I I I I cxpliciter cette difficult& Spinoza reprend ici B duire la totalitt de ses effets, c'est-Bdire toutes les idCes 1 1 . . # . I I I(-, une ttrange comparaison, mais il lui fait dire tout qui dtpendent d'elle. 1 1 1 1 I Ilosc. Dans la huitikme de ses Regles pour la direction

Toutes ces considtrations, loin d'tcarter Spinoza de Hegel, 1 . I , he ti/. Descartes justifie sa conception de la mtthode l'en rapprochent : comme lui, il voit dans la methode, au q 1 . 1 I . I l)l]l.ochant de certains arts mkcaniques : la pratique du sens carttsien, un obstacle plut8t qu'un instrument efficacc 1 . $ 1 * . I - I I 1 1 1 ~.cquiet-t des instruments, un marteau, une enclume, pour le dtveloppement d'une pende adtquate. Or, et cela 1~~~~ 1 1 1 I I \C . I I ( donc prtexister B son exercice ; elle se dote de

I I I . . I I I I I I I C I ~ ~ S partir des moyens que lui donne la nature 27. Traite' de la rkforrne de I'entendernent, 8 36. 1 1 1 1 1 , .11llo11, un bloc de pierre) avant de s'engager dans la

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Hegel ou Spinoza tnorc , ~ C O ~ ? I C ~ ~ C ~ )

production d'objets finis (un casque, une CpCe). De la mk111r - . r I I \ I ~ I I , > I ~ O L I S servir pour bien connaitre ; commen- faqon, dit Descartes, avant de s'engager dans I'entreprise d# ' 1 ' 1 1 ~ 1 1 . 1 1 . 110~1s donner une bonne mCthode : sachons

connaitre les choses, i l faut disposer dCjB des moyens indik i I 1 1 1 1 I < , I)otIvons connaitre, sur quelles idCes nous pensables i cette activitC, en utilisant les ClCments innis qt11 I I I I 1115 :Ippuyer, sur quelle voie nous devons nous appartiennent immidiatement B notre esprit : ce prdalahlo, ; . I ~ I I I I y parvenir. L'exemple qui sert chez Descartes

c'est justement la mCthode. - . . I I I I , I c . 1 1 ~ prescription est interprCt6 par Spinoza dans Dans le texte du Traitk de la rkforme de l'entendemcvnl :; . I I I \ (.lsc : dans I'histoire de la connaissance (car il y

auquel nous nous rCfCrons ici, Spinoza reproduit IittCralenlcrtl ...* 1 1 1 1 1 I I IC . tlc la connaissance, et non seulement un ordre la comparaison de Descartes, mais c'est pour arriver B unl a I I I I I I , . ) , ICS (c instruments )) n'interviennent pas comme conclusion exactement inverse ; il n'y a pas de prCalablc 4 ' r . , ' I I I 1 1 1 1 1 ) I I Y prialables, parce qu'ils doivent eux-memes l'entreprise de la connaissance. En effet, de mCme que lo@ I * , ' I I I I I I 5 . clans le mCme mouvement qui engendre toute sceptiques, en exploitant la conception traditionnelle T ; j 1 8 . P I I N I I I C . I ~ ~ I I , objet fini ou idCe vraie. La connaissance connaissance, prouvent I'impossibilitC d'acckder B la v . I I 1 1 (111vr-e des instruments que dans la mesure oh elle on dtmontrerait par la mCme rdgression B I'infini I'incapa 1 ; - L 1 1 : 11l;rties ClaborCs. sans qu'aucun privilkge de droit dans laquelle se sont trouvCs les hommes de forger la : a . 1 , I I ' ~ I I lcur usage par le prCsupposC d'une donation mCtaux ; car ils ont pour cela besoin d'instruments, I 1 1 ( ( . 1 ; 1 signifie que la production des idCes vraies n'est doivent eux-mCmes mettre au point, en se sen1ant d'ins I . 1 - 1. par le simple jeu d'une technologie intellectuelle

ments dCjB donnCs, etc. Or, dans ce cas, comme dans ccl 1 1 1 1 1 1 1 tlonnerait leur validation au prCalable d'une de la connais,sance, c'est la pratique qui tranche, en rCvC l i: . 1 1 1 . 1 1 - ( )I.. comme nous I'avons indiquC, la rifutation de le caractkre factice de I'argumentation : car les homm a 1 8 , ll~~(-c.ption traditionnelle de la mCthode qui la ramkne forgent les mCtaux, les hommes pensent (Ethique, 11, axio1110 . I I I~ I I I ; I r~ip~~lation d'instruments est essentielle aussi chez 2) ; c'est donc que, pour transformer la nature, point n'n I I . I c.llc est meme I'un des arguments qu'il oppose B it6 besoin d'un premier outil ; et de mCme, pour connailr~ ~ j l : , , l t 8 , I

les choses, point n'a kt@ besoin d'une premikre idCe, d'un, +,I I I I I c s t possible d'aller plus loin encore : si le dCvelop- principe au sens cartCsien. En meme temps, Spinoza rCsout ,-. I I I 11c.s connaissances ne se ramkne pas pour Spinoza B ici la difficult6 posCe par les sceptiques, et il tire tout le 1 i 1 1 1 ~ 1 . c.11 euvre d'un procCdd, c'est parce qu'il n'y a pas critique de leur argument. Celui-ci est e n effet irrkfutablo, ! , 1 1 1 1 1 , . ;~voir de commencement absolu. Or, chez Descartes, si on le rapporte B son vCritable objet qui est la conception 1 , I , l~(.rche de la vCritC Ctait justement soumise B cette traditionnelle de la connaissance dont il rCvkle la contrue , I I I I 1 1 111 initiale d'une rupture avec les formes antdrieures diction interne. Pour sortir de cette contradiction, il , 1 3 1 I ~ . I I ' . ~ . I . . qui ne sont que mCconnaissances et qu'il taut donc de renoncer B la probldmatique de la vCritC qui s I ! . ) \ ( . I . ;'I I'obxuritC qui les confond ; la rCforme de l'enten-

celleci 2 des conditions prialables de possibilitC. 1 ~ ~ 1 I I I ddtermine cetie origine vraie, qui reconduit la Paradoxalement, la cornpamison entre le dCveloppemcnt . * ~ I I ~ . I I,..;;I rice au moment de sa naissance, et d'ou dCrivent

des connaissances intellectuelles et l'histoire d'une technique . ~ I I ~ 1c-i autres idCes, sur la voie droite d'un ordre rationnel matirielle de transformation de la nature, telle que la reprend + I 1 1 ' iwaire. Le projet spinoziste d'une cc emendatio intel- Spinoza, a pour fonction d'Climiner la conception instrumeo- 1 . 1 1 1 . , cou I'on traduit un terme d'origine mCdicale, emen- tale du savoir qui commande au contraire la pensCe cart& .I I I 1 1 1 . 1 1 ; r r une notion qui n'a de sens que dans un contexte sienne. Le raisonnement suivi par Descartes, c'est : pour I ~ I I I I ~ I I ~ I I ~ . ou religieux, riforme), qui parait reprendre cette connaitre, il faut d'abord disposer des instruments dont noun , 7 ~ ~ 1 ~.jllion, sert en fait B I'enrayer, B la fausser, en posant

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la question de la connaissance et de son histEire sur des b:l?r(r - ; : . . I 1 1 11~: l ) : t r . l : ce prCjugt est tout B fait symptomatique

comvlktement difftrentes. 1 1 I I 11 I . , I \ ( ; I I I C C dc I'illusion finaliste dans la thtorie cart&

En effet, (( 1'idCe vraie donnte n, qui, chez Spinoza, pcrl~wl d'tchapper au cercle vicieux impliqut par la concepliotl instrumentale de la connaissance, est tout le contraire tll\ttl principe au sens carttsien. Spinoza dit bien que l'espril #

besoin d'un (( instrument inn6 1) pour commencer B connailrn, mais il est clair que pour lui il ne s'agit pas d'un germc t k

vCritC, d'une connaissance originaire dans laquelle tout la savoir qui doit en rtsulter prtexiste B son actualisation.

E t c'est ici que la comparajson avec l'histoire des artr mkcaniques, empruntte B Descartes, prend tout son sens. 1111 sens qui Cchappait ntcessairement B Descartes. Le premier marteau utilisC par un forgeron n'a justement pas pu 6113 un vrai marteau, pas plus d'ailleurs que l'homme qui 10 maniait n2tait lui-m&me un vrai forgeron, mais c'ttait utl caillou ramass6 au bord d'une route, instrument (( nature1 )) en lui-meme imparfait, qui n'est devenu instrument que pirr l'usage qu'on en a fait, en s'en servant comme d'un outil. co qu'il n76tait certainement pas pour commencer. Ainsi lct hommes de cette Cpoque primitive ont-ils pu, h l'aide d'instrw ments improvisCs, fabriquer des objets, d'abord trks imparm faits, puis plus perfectionnks, au nombre desquels des instrum ments mieux adapt& aux fonctions qu'ils devaient remplir : (10 cette faqon, ils se sont engagis peu B peu, (( paulatim )), suf une voie progressive au terme de laquelle (( ils sont parvenu# B accomplir des tiiches difficiles et nombreuses avec 11n

minimum de peine )I. De la meme manikre, I'entendement e dC1 d'abord travailler avec Tes idCes qu'il avait, s'en servir comme si elles itaient des connaissances authentiques, pour leur faire produire tous les effets dont elles ttaient capablcs, puis rectifier graduellement sa propre activite : il est ainsl parvenu, en rkalisant ses cruvres intellectuelles (opera inlc!. lectualia), (( au sommet de la sagesse )I.

Cette analyse signifie en clair qu'il n'y a pas pour In pensCe de bon commencement, qui I'engagerait une fois pour toutes sur une voie droite dont l'orientation serait dejB touto

I . I <.or~rlaissance est au contraire une activitt - cette I . a 1 c.,>\c.r~liclle pour Spinoza - et, comme telle, elle

, I ~ I I I I I I ~ . I I C . C : Jamais vraiment ni en vCritC, parce qu'elle : 1 , $ 1 1 I I I I ~ > (1C:jit commenct : il y a toujours dCjh des idCes, I . . I , I'llo~nme pense )), par le fait de sa nature. C'est , ' b l l l l ~ ~ ~ l ~ I';~rgument de la regression h l'infini, que nous

. . I I 1 . 1 1 1 inlcrvenir tout 2 l'heure, conserve une validitC, I , l l r r l lois o n lui dCnie la valeur d'une rCfutation : il dCcrit

= - . ~ 6 ~ ~ l t I I I ( . I I ~ lcs conditions dans lesquelles se produit la 1 1 I I , , , ; I I JCC, par un enchainement d'idCes absolument

.I I I I 1 I I I ( .I sans commencement assignable. Le vrai problkme I ( 1 1 , , . ~ \ : o i r ce que deviennent ces idtes qu'on posskde en

I , , I I Ilill)cmus enim ideam veram ))), comment elles sont I * 1 1 1 1 I I I L ~ C S , h la manikre dont on a pu transformer un

~ 1 1 1 1 I I I l)our en faire un marteau. Or cette transformation !.. 1 t t I , . ( . I):IS un problkme simplement technique : il ne s'agit I . ~~~~. ipalernent de savoir se servir de ces idCes, dans la l i t , 1 1 1 , . o i l elles ne prtexistent pas B leur usage mais en $ . 1 1 l r 1 . 1 1 t a u contraire. Les idCes par lesquelles il faut bien

, , b~~~ltlc-ncer ), pour parvenir A connaitre ne sont pas des I III ., i11nCes sur lesquelles on pourrait fonder une fois pour

1 . I I I ~ , . C.omnie sur une base intbranlable, un ordre des a I I I I I ' , , ~llais elles sont un matCriau h euvrer, qui doit Ctre , . . , # I 111tlCrnent modifiC pour servir ultkrieurement B la pro- . I I I , I I I I I I clcs vtritts.

' ~ I I I I . , retrouvons ici un argument dont nous avons dCjB . , I I . [ . I 12 l'importance chez Hegel : la prttention d'un savoir - ,I l!.ll~i~irc, d'un fondement de la connaissance, est ddrisoire.

I 1 1 ' 1112connait en effet le caracthe ntcessairement factice I I ~~~llmencements auxquels l'esprit est condamn6 dans son 1 s t I I I I I . ~ effective : par dtfinition, tout ce qui vient au

, 111c.ncement est prtcaire, inachevt, condamn6 h dispa- I I I ~ ~ ~ . . parce qu'il doit cider la place B ce dont il n'est que I * I 11 (,;I lable. Ces commencements se justifient seulement par

I. I ~ I I1;12ilitC interne, par leur nature intrinskquement contra- , I I , I , 111-c, car celles-ci leur permettent de jouer efficacement 1. I I I I-lilc d'impulsion pour un mouvement qui leur succkde et

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Hegel OLL Spinuza 4

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les efface. Si une connaissance est possible, c'est prCcisCmenl par cette distance qu'elle Ctablit par rapport B son commen-

'

cement : elle ne (( sort )) pas de celuici pour dkvelopper un contenu qui serait dCjB donnC positivement en lui, mais p t l f

Cchapper B son indktermination et B sa nCcessaire abstraction. I1 n'y a pas d'introduction au savoir, pas de bonne mCthotla pour connaitre, puisque c'est seulement dans sa pratiquo effective que la pensCe peut Ctre rCflCchie, comme activitd rCelle d'un esprit qui met en ceuvre, et B I'Cpreuve, sa propra force (vis sua nativa), qu'il forme en l'exerqant.

Si la connaissance ne prockde pas par conformit6 h un ordre des raisons, en se fixant abstraitement un cadre qu'il ne lui resterait plus ensuite qu'8 occuper, c'est parce qu'ello existe d'abord dans son histoire rCelle, dans son travail effectif. Le savoir est un procks, nous pouvons dire : le procb de production des idCes, et c'est ce qui justifie qu'on lo compare B un procks de production matkrielle. Cela s'Cclai- rera complktement lorsque nous parlerons de l'enchainement causal des idCes qui est le mCme que celui des choses : c'est un seul et mCme ordre, un seul et mCme mouvement, qul s'exprime comme rCel et comme pensC. C'est pourquoi lo savoir doit &tre prCsentC comme une activitC et non comma une reprksentation passive, idCe sur laquelle Spinoza revient inlassablement : la connaissance n'est pas le simple dCrou- lement d'une vCritC prCCtablie, mais la genkse effective d'un, savoir qui ne prCexiste nullement B sa rkalisation. C'est pourquoi aussi son progrks n'est pas soumis B la condition d'une origine absolue, qui en garantirait la vCritC en la (( :on= dant )) : au contraire d'un ordre formel, qui est dktermind par sa limite, une pratique ne commence jamais vraiment, parce qu'elle a toujours dCjB commencC, d'une manikre qui ne peut donc jamais Ctre (( vraie )). Nous voyons que C ~ C Z

Spinoza se trouve aussi l'idCe d'une histoire de la connais- sance : celle-ci ne rencontre pas la vCrit6 comme une norm0 fixCe au dCpart, parce qu'elle est inskparable du mouvement dans lequel elle se constitue, et ce mouvement est B lui-mCmo sa propre norme. Aussi, lorsque Hegel reproche B S p i n m d'avoir chassC de sa philosophie tout mouvement, en dressant devant elle I'idCal et le modkle d'un savoir mort, fig6 par

I . I~ l l , , ,~r~or l de reproduire un ordre inflexible, nous devons I I~rrlner de le voir ignorer, ou travestir, une tendance

I I I 1 c . l lc: du spinozisme. I ' 1 1 1 - 1tl2c, toute idCe, est adCquate d'aprks sa cause : dans

I I I ' 1 1 . 1 rllination intrinskque, elle exprime la puissance d'agir 1 . 1 I I I I ~ . ou elle se produit. Mais cette puissance n'est pas

I 1 # I I \ o i l - abstrait d'une nature dClimitCe par ses conditions, ~ I I I I I I I I I . rl:rturelle au sens cartksien ; elle est I'entreprise

,II, II .I , . , on dirait presque matkrielle, d'une pensCe engagCe 1 1 1 1 I (.ll'ort, le travail, de sa rkalisation. Dans l'Ethique,

I l . . . ~ sc: propose de (( nous conduire comme par la main I I 1 I (j~inaissance de I'esprit humain et de sa bCatitude

, I 111; (avertissement au livre II), et cela en suivant un 8 , I I ~l(:c.cssaire de dCmonstrations que nous devons suivre, I I I I , ~ l l~ ,o i r lui Cchapper. En quoi cet ordre diffkre-t-il d'un I , 1 1 , I I(..; raisons au sens cartksien ? En quoi la voie qu'il

n I ' 1 1 1 I'. diffkre-telle de la voie rigide, dCjh complktement I I , I I I I I I I ~ C par le prCalable d'une mCthode, et qui nous

I 1 1 I I. IIOLIS le savons, a la fiction d'un Dieu tout-puissant . I , l ,l(c,.l

I .1111i's les primisses que nous avons Ctablies, il faut que m . , t ~ ~ I I I I ~ I S cngagions dans une lecture de 1'Ethique dClivrCe I 1 1 1 1 1 1 prCjugC formaliste, en Ccartant l'illusion d'un . . I I I I I ~(.~lccment absolu. Si l'expos6 de la doctrine spinoziste

~ I I I I I I , . I I C ~ C par des difinitions, des axiomes et des postulats, 1 1 t ~ ~ ~ ~ ~ l l c n c e par la substance, sinon par Dieu, cela ne

3 I I I I I , . llr~llenlent que ces notions primitives constituent une . r ~ ~ ~ l tlc vCritC a partir de laquelle tout ce qui s'ensuit

I . . I I . I 1 1 ?Ire simplement dCduit, selon un dCroulement rigide + I 1 # I ,I(:~cr-rnink, dans la for~ne d'une explicitation. Substance,

1 1 I I 1 1 1 1 1 1 , . modes. tels qu'ils apparaissent dans ces principes 1 1 1 1 I I I 1 . 1 1 1 (.s. sont justement 1'Cquivalent de ce caillou ma1 , I . I ~ ~ , ~ ~ I dont les premiers forgerons ont eu besoin pour

a I ~lllrllrncer ,, leur travail : ce sont des notions encore s 1 . ! I I I I(.\. de simples mots, des idCes naturelles qui ne pren-

. I . . I I I \ (:I i (a hlement une signification qu'8 partir du moment 1 4 1 ~ I I I . ~ , I'onctionneront dans des dCmonstrations, en y p r e , 1 1 1 I I 1 1 1 ~ C S cffets rdels, exprimant ainsi une puissance dont # 1 1 , . I I ~ . tli.;po:;aient pas au dCpart. Peut-etre mCme faut-il

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prendre 1'Ethique de Spinoza comme la Logique de Hegcl : elle n'est pas cet expos6 linCaire et homogkne, uniformCmcnl :

vrai de bout en bout, qui explorerait progressivement un ordre dCjB ttabli, en se fixant un ideal de conformit6 ; n ~ n h elle est un procks rCel de connaissance qui construit au fut et B mesure qu'il avance sa propre nCcessitC, dans le mow vement effectif de son autoconception, de sa penkse. Alorm, la substance, ou la causa sui, telle qu'elle se presente d'abod B nous dans une definition gComCtrique, au debut du livrc 1 de I'Ethiqlre, c'est quelque chose qui se rapproche de l'I7lrd au sens hCgClien : notion prCcaire et comme telle intenabla, qu'il faudra transformer pour la comprendre et la maitriser.

Toutefois, le rapprochement qui vient d'etre esquissC rcfP contre assez vite sa limite : ce qui constitue chez Hegel 1) moteur du dCveloppement rationnel, la contradiction, CHI complktement absent de la dkmonstration spinoziste, cl \I serait parfaitement abusif de pretendre l'y retrouver. C1161 Spinoza, le pouvoir de l'entendement est, dans tout son exercice, intkgralement positif, affirmation de soi qui exclut les reculs et les ddfaites : il ne comporte aucune sorte (10 nCgativitC. Faut-il, ainsi que le fait Hegel, interpreter cclta absence comme le sympthme de la ddfectuositt proprc tlU spinozisme ? Car, en meme temps que la contradiction qul le determine, manque aussi au systkme le mouvement, c'eslJI dire cette vie interne qui conduit, ou reconduit, l'espril b lui-mCme, jusqu'en ce point oh histoire et raison conjoignent : la pensCe qui vise un positif qui n'est que posi est pensee morte et arrCtCe. Au contraire, le concept hCgdli est constamment & 17Cpreuve des obstacles qu'il doit sur pour avancer : l'histoire qu'il parcourt est d'autant plu et nCcessaire qu'elle est jalonnCe de ces attentes, impatiences et de ces revers qui la font rkellement durer. si le systkme spinoziste traite B sa manikre la connaissa comme un procks, celuici avance d'une manikre trks t l i l rente du dCveloppement hCgClien, parce qu'il perpCtue ulN mCme affirmation absolue : estce que cela signifie qu'il rcdo soumis aux lois d'une temporalit6 abstraite, celle d'un ortlro 2 la fois simultanC et successif, dont la progression conlinud

, I I I I ' I I I L ~ ~ t apparente ? Alors la dCcouverte chez Spinoza 8 . q . 8 a I~~,.lol.icitC du rationnel serait effectivement illusoire.

I , ~ ~ I I I . .ol.(ir de cette difficultk, il faut remarquer que, ce I ., I I I I I I ~ I I I C & I'histoire spinoziste, ce n'est pas seulement le

1 . 1 1 t h la contradiction, mais aussi ce qui en est le produit 1 1 , 1 1 1 . , .II-ac(6ristique : cette orientation qui tend le procks

# # I 1 1 1 1 t . 1 . en vue d'une fin et qui est le principe secret de I - . I , ..(.,, opCrations. L'aspect fondamental de la dCmons- ! . I , I I ..l)illoziste, c'est son refus radical de toute tC1Cologie. 1 1. , I l l . / I lcgel, la contradiction est le moyen qui suscite

,. 1 1 1 . I ( I I I . C et qui permet en meme temps de la dipasser, :: I I I 1 1 lll\sant jusqu'a ce terme ou tous ses aspects successifs

. . I 1 1 1 1 . 1 1ixi.s et rkonciliCs. De ce point de vue, la dialectique I. . . 111 I I I I C pourrait bien n'stre que le substitut de la r~otion

1 I I I I I I . tl'ordre, dont elle reprend, en la renouvelant, la I .., I 1 , 1 1 1 (Ic garantie : par son recours 2 la ndgativitd, l'his- 1 I 1 1 revenant sur soi, avance, au prix m&me de tant de

1 . ~ 1 1 1 . lCrs une fin qui est aussi son accomplissement et sa - ) I l I I I I I I I : histoire rkcurrente, parce qu'elle est orientCe, , I . . 1111't~llc a un sens, qui s'affinne de f a ~ o n permanente

I, I I I \ ~ C S moments. Alors le vrai successeur de Descartes, I I 1 I I 1011 Spinoza, mais Hegel lui-m2me.

\ I I ~) l~rl . ;~ire du dCveloppement de I'esprit hCgClien qui est , 11111.llc111cnt finalisC, le procks de la connaissance tel que

* r L 1 6 1 I . . I Ic construit est absolument causal ; comme tel, il I 1 . 1 fois nCcessaire et libre B 1'Cgard de toute norme

! . . I I I I I I ( . ; sa positiviti ne suppose aucune fonction rCgu- I I I I 1 , , c l r ~ i soumettrait I'activitC de l'entendement 5 un .,.. LII l 1 1 - t.\(Crieur, inddpendant de son accomplissement. C'est 1 1 1 1 , I 1 1 1 , 1 1 1 pour cela qu'il exclut toute relation au nCgatif : car . . 11. I I I C pourrait &re nouCe que dans une perspective I . I ' 1 1 bcplclrlc qui disposerait une fois pour toutes le positif . I 1, I l l . ~ ; l I if I'un par rapport a I'autre, dans le partage d'une

; ; . I ( 1 1 1 1 1 1 ~'onimune et dans la promesse de leur rCconciliation. , 1 1 \ . I Ilnc histoire spinoziste, celleci est totalement indk-

j , , 1 1 ' 1 I I I I ~ . d'un tel prCsupposC : elle se situe en ce point ou = 1 1 , v(.lopp"ment necessaire, son processus matkriel, ne I . I I I I I ~ . I [ 11111s pour Ctre compris le repkre idCal d'un sens ou

1 ~ ~ ~ 1 o1,1~11(;1tion : sa rationalit6 n'a plus rien B voir avec

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Hegel 011 Spinoza more geometrico

le dkroulement obligk d'un ordre, parce qu'elle n'a plus h 1 1 6~~~~ aborde ses objets du point de vue de leur reprk- s'accomplir dans une fin. # I I ' I I I ( I ; I I I S la penske, selon un mouvement qui accom-

I : I I (ollnaissance dans son progrks : cet ordre est celui I I

t . I I lcs a suivi dans ses 1Mkditations. Mais la demons- ; . i . . : l l I I ( . I I I aussi, B I'inverse, partir des causes pour construire

LCL coar~,aissance par les ctruses I I 1 1 ~l'c~llcs leurs effets : alors, dit Descartes, cc elle se =

I I I I I . I011gue suite de dkfinitions, de demandes, d'axiomes, ! I 1 1 . ' , I i I I IL'S et de problkmes, afin que, si on lui nie quelques

Que reste-t-il alors chez Spinoza lui-m2me de la proc6cl11r's .- . I I 1 1 . 1 I(.c'.s, elle fasse voir comment elles sont contenues << more geometric0 >> ? La fidilite sans cesse rappelCe :I 1111

I :!, I ' ' . .~~irc:cedents et elle arrache le consentement du

modkle de dimonstration qu'offrent les mathkmatiqucs I \ @ a 1 1 1 1 . 1 1 1 1 obslini et opiniritre qu'il puisse etre )). Mais cette

va-t-elle pas en sens inverse de la nouvelle voie ou Spillox4 f 5 - ~ ~ ~ , , ~ l ~ 1111'ont suivie les anciens gComktres c c ne convient

s'est engage, en substituant B la dktermination formellc t l l I . ~~*ll l~. l l ) is si bien [que I'analysel aux matitres qui appar-

la connaissance comme un ordre sa presentation commc r ~ n . - . , + 1 1 1 . I I ; I mitaphysique I...) oh la principale difficult6 est

p rods effectif et non finalis6 ? Pour repondre B cclM 11 . , , 1 1 8 ~ ' i o i r clairement et distinctement les premiAes question, il faut savoir ce que signifie au juste la r6fercllc'~'

I. 1 , . 1 1 1 Silns doute est-il possible de convertir un ordre

constante de Spinoza B la procidure ((more geometrico *, $1 . 1 . ' I I 1011 clans I'autre : les Secondes Re'ponses s'achi.vent

Ici encore, nous allons voir que Hezel s'est cornplklenlc~lt I fh~.c;gk giornktrique, dans lequel les preuves de

mepris sur la pensee rielle de Spinoza en prksupposant qr~'c.l18 1 . ' 1 ' 1 1 1 1. (Ic Dieu sont prkcisiment c c more geometric0

continue celle de Descartes. Alors la suite des proposiliot I: I 1 1 ' 1 1 . ' . Dispositae, le terme est significatif : l'ordre

qui compose 1'Etllique ne serait rien d'autre qu'une apl) I I I I ~ I I C . (( dispose 1, des preuves ; cornme tel, il n'est,

cation de I'idkal de rigueur formuli dans le Discours t l ~ , . I , I t ( ,.(-.ll-lcs, qu'un ordre artificiel, propre seulement B Mkthoclc, i I'exemple de c c ces lonzues chaines de raiso~ls 1 : # . I % c 1 . 1 1 . 1 ~ I I L ' S questions, mais qui reste extirieur li la nature

simples et faciles que construisent les geomktres pour ~ ) c r . I I I I C I I I I , clc I'csprit humain, Ctranger B sa lumikre naturelle :

venir directement B des connaissances certaines. Mais I , , I t . , \ rlll~i.lique se ramkne i une manipulation formelle

proc6dure (( more geometric0 >> est au contraire l'indice tl1ul\@ i c l , I - ' . . L-I comnie tel il doit etre ka r t6 dans la mela- divergence fondamentale : loin d'aligner Spinoza sur la prolllda I 1. I ' 1 1 1 1 . ; I I I h2nCfice de I'ordre analytique, dont les exigences

matique cartksienne de la connaissance, elle est ce qui lui 1)ct'. = - - q 8 ~ I I I I I ll.111 iquenient rationnelles. On voit que, lorsque Heyel

met d'affirmer par rapport a elle une opposition radicale. III . I I ~ t ~ c . ~ l ~ o d e p5omCtrique, pour la diprkcier, il ne s'Ccarte Pour ~omprendre le sens de cette opposition, il faut revcn F ) ~ , I I I . 1 ; 1 conception que Descartes en a dCjB presentC.

au texte de Descartes dans ses Rkponses aux secondes ol)irA I 1 1 I 1 ) I :.clrrc Spinoza adopte la procedure cc more geome-

tions, que Spinoza commente, par la plume de son pril'i~cid , . I 'c.sl justement en rkfkrence a cette critique que

Louis Meyer '" au dkbut des Principes de la philosoplrir~ I * , . 1 1 I I . . , I ~ l i a opposke, dont il refuse les attendus et les

De.~cartr~s. Dans ce texte, Descartes distingue deux c c mani? 1 % . 1 I I 1 1 1 1 I i. I Ians les Principes de la philosophie de Llescartes , ~. .

de dimontrer )) : I'une suit un ordre analytique et rcn~oll . . I ~tt1c2/l-ic~o clemonstratae, et non dispo.sitae), il s7engage

des effets vers les causes ; elle reprksente une ratio co!:lion 1

1 1 I I I (~11rr.cprise rl prcmiere vue assez Ctrange : s'appuyant - : # , 1 . I I I I ( . I : C gCorn@trique donnk par Descartes a titre

28. Sur les conditions dans lesquelles cette prCface a CtC c'cl'ilq 1 , I 1 1 1 1 1 1 ~ . ( c 3 ( CII quclque sorte de curiosite), il reprend d'aprks les indications d e Spinoza, cf. la lettre 13 A Oldenburrl, 1 , 1 , 1 1 1 l 1 l [ . (I(. I ; I tloclrinc, pour lui donner une forme demons-

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I c1r11l,i<quit6 de lu no t ion d ' n t t r i bu t

I ( . \ ol7jections formulkes par Hegel sur la question du rapport 1 1 . . I [ I ributs a la substance se placent dans une mCme perspec- I I ! ,1~1c sa critique de la prockdure cc more geometric0 >>, , , , I 1 1lt.s amplifient. La discussion prkcedente portait essentiel- 1 , I I I ~ . I I I sur les conditions d'une connaissance vraie, et elle met- I I I I .1111si en jeu la position de la pensCe par rapport au reel. Or I 1 1 1 l t . 1 iel(tion des catkgories de substance et d'attribut dans 1 1 11:litcment de ce problkme fait apparaitre entre Spinoza . I I lt.!lcl une divergence essentielle. Pour Hegel, pensCe et

I <,ant fondamentalement unis en ce qu'ils relkvent d'un I I I ~ ,111. processus, dans lequel l'esprit, l'effectif, est B lui- I I ~ , 111t- son propre sujet : au-delB de la prksentation du vrai

l l I I I I I I I C substance, qui est unilatkrale, il y a aussi sa saisie a t I I I I I I I C sujet, c'est-&-dire comme totalitk en mouvement. Au c I I I I I I ; I ire, lorsqu'il prCsente la penste, pas mCme comme . , I I I I,.I:I rice, mais comme attribut de la substance, Spinoza ? I 1 l~~t.i.ait une fois encore qu'il se tient en deqB d'un savoir . I . I I I I I C ~ ~ rationnel, dont son systkme donnerait seulement I I 11,. c.squisse imparfaite et inachevCe.

I ) . I I I S cc diplacement - de la pensCe comme substance 1 1 ~ ~ ~ t . \ ( devenue sujet B la pensCe comme attribut de la

I I ~ I , , I ; I I I C C , ce qui est en question c'est d'abord le statut , I m I , ! pcnske. En posant la penske cc en dehors )) de la

I I ~ I , . I : I I I L ' C et en quelque sorte sous sa dkpendance, Spinoza ' 1 I I ~ I ~ . \ Hegel, lui retire sa situation Cminente en mCme I I I I I I ) ~ ilu'il conteste sa vocation universelle : en ce sens,

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Hegel ou Spinoza le probl2rne des attributs

Spinoza reste Ctranger B la perspective iddaliste, parcc. 1111'11 n l b l l \c.iitent 1) que d'une manikre incomplkte, en dehors dCnie & la pensCe le caractkre d'une substance (que 1 u 1 : I ( ( IW = I I I I I I)o\sibilitC d'un dCveloppement concret : dait au contraire Descartes). Effectivement, il seniblc ItICfl qu'entre la substance, qui est cc absolument infinie )). rl a % \pr@s la dtfinition de l'absolu entre en sctne en attributs qui sont (( indefinis seulement en leur genrc ' O I I I I ~ . chez Spinoza, la definition de l'attribut ; et il

ait une diffdrence hidrarchique, analogue B celle qui s c ' p ~ ~ ~ r t 1 1 ouve dktermint comme la manitre selon laquelle I I lrrcndement comprend l'essence de l'absolu. Outre que tout de se7 parties. Si donc la pensCe est un att~il,~ll, I , l~tcndcment de par sa nature se trouve pris comme

qu'affirme incontestablement le systkme spinoziste, ct %I 1 1 1 )'.I< r~eur 2 l'attribut - car Spinoza le determine comme

attributs occupent vis-8-vis de la substance une placc N I I ~ I I I I I ~ I C -, I'attr~but, la dfiterminatlon comme determi- terne, qui leur confkre des fonctions diminuCes, ou ilrco 1 1 I I I O ~ de l'absolu, se trouve en fait dependant d'un plktes, la pensCe n'est plus ce processus absolu qui ; ~ l l l r I 1 1 1 I C, l'entendement (un autre) qui entre en sckne, face sa n6cessitC en la rdalisant, mais elle n'est qu'un aspccl I 1.1 \ubstance, de f a ~ o n extkrieure et immkdiate " D

un moment de ce processus, qui n'a pas toutes ses contlillt en lui-mCme, et dont le ddveloppement est, si on le 111 I - 1 1 1 1 ( . \ I ici en question, c'est Cvidemment la ddfinition en lui-mCme, continyent, dans la mesure ou il ddpend t l b . l l ~ ~ ~ t ~ / , ~ donne de l'attribut au ddbut du livre I de cause exterieure. C'est ainsi que Hegel parle des artrib I 1 , I I , (1 Par attribut, j'entends ce que l'entendement (( c'est-&dire des termes qui n'ont pas un subsister partic1 1 1 # I ( . 1,1 substance comme constituant son essence ))

un Ctre en et pour soi, mais ne sont que comme dipn - 1 I 1 \~)l,.ll.emment, Hegel suit cette ddfinition B la lettre : comme moments ' H. Mais les attributs sont-ils, pour Sp~lit 8 8 I I 1 I I l 1 1 1 1 c\t ce que l'entendement pe r~o i t de la substance, des parties de la substance '? Et le rapport de dCpe~ltl P I I 1 1 I I I ( qu'il n'existe pas par lui-mCme en dehors de qui les lie B la substance est-il, ainsi que l'interprkte II r 1 1 1 1 1 1 I I I ~ 111 qui le per~oi t , et dans lequel il apparalt un rapport hikrarchique entre des ClCments e~sen t i e l l~ t~ I I I I ~ . rcprCsentation, c'est-Bdire une image ou une inCgaux ? Toute la question est 18. &I I I \ub\tance, extdrieure B elle, et de ce fait n6ces-

I1 faut comprendre que, dans cette argumentation. II 9 1 1 1 1 1 1 , I I I ~llcomplkte. Alors 1'Ccart qui sCpare l'attribut de la passe d'une difficult&, pour lui principale, concernant $1 &+I I 1 ~ 1 1 tic-went manifeste : il n'est qu'un point de vue fiquement l'un des attributs spinozistes, la PensCe, B ulic $ 4 1 1 1 ~ ~ ~ 1 I cclleci se rdfldchit, non toutefois en elle-mCme, lyse critique de la nature des attributs considCrCe en gdli &,% I ~ l lo~~vcment propre de sa reflexion interne, puisque B laquelle il Ctend ces premikres objections. I1 n'est dorlc d . l t l 1 I lc.llcl la substance spinoziste est essentiellement surprenant qu'il rCpkte, B propos des attributs, les 1116 I I ~ I I ~ I ~ I I I I I I C I I S il faut dire plut6t qu'elle est rCfl6chie B arguments qui avaient d'abord port6 sur la mCthodc : r I . I I I I t l'clle-meme, dans l'entendement qui en pe r~o i t encore, ce que Hegel reproche B Spinoza, c'est son I'or G I 111 t. lrriductible, qui reprdsente la totalit6 de la lisme et l'abstraction qui caractkrisent selon lui tout ENI~ I I I I ~ i ( I I 1,1 mutilant, en la ramenant B l'un seul de ses systkme. En effet, les attributs, tels que les dCfinit SINIII I-1.1 I 1 1 1 1 l~~otncnts. sont pour H e ~ e l des essences abstraites, des points tlr i 1 1 , I 1 1 '1c.c t ~ o n de Hegel est trks forte en apparence, parce sur la substance, qui lui restent extCrieurs et de ce 1 , i t I yll 1 1 % 1 1 1 , I c.11 ividence dans 1'CnoncC mCme de Spinoza une

1 1 1 ~ I I I 1 1 1 < oiitradiction : l'attribut cc exprime )) la sub- r g * l v # I I 1 1 1 1 c\t d'une certaine manikre identique, il parti-

1. Ethique, I, explication de la dCfinition 6. 2. Logique, I, trad. Labarrikre, p. 112. , 1 1 i t ' 1 0

9 8 99

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Hegel ou Spinoza le problknze des attributs

cipe de son infinitk, il constitue son essence, on dira encora I 1 1 I I I I O C ~ dam de telles difficultks. L'absolue suffisance a qu'il est substantiel ; et pourtant il ne prksente pas la ; . m $ 1 1 . la substance, son unite d'emblke donnCe dans un substance dans sa nature intime - mais en a-telle seulcrllarll ! I I , C I I ~ q ~ i ~ibsorbe en soi toute realit6 mais d'oh rien

une ? Comme fondernent, la substance spinoziste est ~?cl\lC 1 l 1 . 1 1 1 sol-tIr, sinon dcs app:lrcr.ces ou des ( t manittres Hegel un abime, un n6ant de dtterminations - mais lclk ! 1 1 1 . ". donne sa ~ a r a n t i e ontologique au systhme, mais en

qu'elle apparait, telle qu'elle se montre en dehors dc (1111~ l l ~ i rc.!llps elle I'empCchc de sc developper ; il faut donc

pour un entendement qui la comprend. 1 . 1 . < I . I I I S son dkveloppement, il rernette en cause ces p r b

Or qu'est-ce que cet entendement qui pergoit la subsl;~tl : I ,. : I C (( passase ) I de la SJ-~bstance 3ux atiributs, c'esi le et dont se trouve alors dkpendre la nature de l'attribut ? 011 I . I : ~ r s formel et arbitraire par lequel la substance se soit entendement fini ou infini -- remarquons que la tld l l l l l ! ~ 0 1 1 s'extknue. disperse son unit6 profonde dans une nition de Spinoza ne fait pas intervenir cette distinctioll ~ .~l l l l~~~l~c. i tC d'attributs qui ne la ( i comprennent 1) qu'en igno- il est un mode, c'est-8-dire une affection de la S U ~ S I ~ I I b t l ~ . . I \.!;lie nature. Id'incokkr-ence, la faiblesse de la notion par l'intermkdiaire d'un seul de ses attributs, qui est ic'l . 1 i ' 3 , ~ Ic. cl'attribut exp~.imeiit la nkcessaire, ou plut6t l'ini- pensee. C'est alors que se voit clairement le cerclc t ln 1 1 1 1 1 . c.xterioritC B soi de la substance, qui ne peut Etre lequel son mode de raisonnement abstrait enferme le syslht 1 , I I : I I I \ so11 essence que si cette essence lu i est opposte

spinoziste : dans 1' (( ordre du systttme, l'attribut, co1111 . ( I I I I I ( . I I I I C ditennination prise sur elle du dehors, qui doit essence de la substance, prdckde le mode qui en csl 11

' 1 1 1 1 ?Ire inadequate. Mais cette inadkquation n'est que

dktermination ultkrieure ; et pourtant, dans sa dCfirli I 9 1 , 1 1 1 1 1 dc la substance elle-m&me : forme universelle et intervient la considkration d'un mode, l'entendement : I I I 1.11~. cst incapable de revenir B soi pour se saisir en encore, cette definition fait dtpendre la nature de I ' i ~ t l t ~ 1 ~ ~ 1 lrlc* comme vraie. C'est pourquoi I'incons6quence du de l'existence de ce mode sans lequel elle serait no11 sctl ; . I . I I I I . y>it107iste, te!!e q!~'elle apparait dans sa dCfinition ment incomprChensible, mais mCme impossible. I 1 1 I 11)11ts, dkcoule (( logiquement )) de ses prkrnisses don1

Pour H e ~ e l , le systttme spinoziste est essenticlli'l~~r , . f lit conseqocnce obliy2e : le cercle vicieux dans lequel abstrait parce qu'il veut penser l'absolu dans un connulcll I . b t ~ ~ ~ l Sljinoza, c'est aussi sa vkritk ; c'est la condition de

ment, comme un commencement : la dktermin;~tio~~ I 1 l l l I : l t ' tlc son discours, et le symptame nianifeste de son l'absolu est alors ramenCe h I'ordre ri~ressif d'une I I I ; I I I ~ ~ * . I , , ,

tation de la substance h l'extkrieur de soi (puisqu'cllo I S 4 l , ' - (1~1'il raisonne abstraiten~en!, Spinoza ne pei~t dkter- rien en soi), d'abord dans ses attributs, ensuite ~ : I I I S i * , t l l e I';~l)solu qu'en le dkcomposant, en (( passant )) du point. modes. Or, en raison de son caractkre formel, cet c l ~ x l ~ n . I 1 1 I 1 ' 1 1 I I C coherence immediatement donnke B celui d'une renverse dans le moment meme oh il se dkroulc : ( I ; I I \ Q * ' , ' 1 , ( I ( . \ ClCmcnts, les (( essences )), qui le constituent. Des mesure oh il lui succitde, le mode dCpend de l 'al lr i l~ll , * ! S t a p ~ ~ . . ~ I I 1 tlu fondenlent pour aller vers ce qu'il fonde, en pourtant Spinoza pense, ou plutdt dCfinit l'attribut i~ 1)ar * . 1 I . . I I I I scs ddtern:inations successives, les attributs puis du mode, et donc comme un mode ; i l en rksulte ; ~ l o ~ n , 1% 1 1 1 8 u I I . \ , O I I voit son unit6 se dkfaire, ou m&me disparaitre,

minimum, que la distinction entre I'attribut et Ic I I I ~ c c , . I rrirc n1r~ltiplicitt5, upe dive~sitk. qui prend sa place. devient incomprkhensible. 1 4 1 1 ~ . ~ . 11on sculement les attributs sont extkrieurs B la

Mais cette incohkrence n'est pas imputable h I I I ) ~ I t r 1 1 1 1 1 1 . . ~1 ~nanifcste~~t ainsi I'exterioriti a soi de la sub-

de raisonnement ; elle a un sens : elle exprime 121 I ~ I I I I I I ~ ~ r f r c I IIi. 1112r1lc qui cst incapable de se rassernbler effective- propre de la penske spinoziste qui, d'aprks les prC~~~i\si.*~, 1 1 ~ - 1 1 1 1 1 . 1 1 1 ' r 1111 nlouvcment illtrinsttque, mais ils sont aussi

(( principes n qu'elle s'est elle-mCme donnks, nc pc111 ('vl C~ 1 , 8 I I I , . I(-4 u r n < ; I I IX autrcs, cornme des aspects ou des

100 101

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Hegel ou Spinoza le probl2me des attributs

points de m e : essences irrkductibles qui peuvent scl~lctluwl Etre posies l'une B c6tk de l'autre, et CnumCrCes, sails ~ ~ I I ' I I ~ communautC vCritable puisse entre elles s'Ctablir. I ; I I.'@

en effet une affirmation sans Cquivoque chez Spinc~ll lp@

les attributs, qui n'agissent pas les uns sur les aulrrq, ne sont pas liCs par un rapport de communication rkcilu~~c(* sont fondamentalement indkpendants.

Dans cette skparation des attributs, Hegel voit jlr~lr le syrnptdme de leur impuissance B s'kgaler B l'absoll~. t ct reprisentent )) partiellement. Alors 1'unitC imrnc'tlir~l@ vide de la substance ~'Cparpille dans une multiplicilc! t l ' n buts qui l'expriment dans des fornles incomplktes, el c ~ l l ne peuvent Ctre saisies ensemble, comprises dans 1111

effectif ; mais elles sont seulement rassemblkes, juxI;~llc) additionnkes les unes aux autres, comme des niott* abstraitement et arbitrairement pris sur un ensemhlc.

Mais, et c'est ici que la critique de Hegel atteint solr I N

crucial, non seulement les attributs existent commc clcn tCs sCparkes : poses chacun en eux-m;rnes, dans la sc~li de leur abstraction, ils sont aussi op-posCs les uns arlx 11111

N'Ctant que des points de vue sur la substance do111 0 parta?ent le contenu, et qu'ils font apparaitre de faqoli 11

lCe, ils sont en quelque sorte confrontks les uns aux I I I I I comme des formes concurrentes, dont chacune n'exihlr par le dCfaut de toutes les autres, et contre elles.

Ici s'esquisse un nouvel argument, celui qui prcncl prCtexte la thkse bien connue ct omnis deterrnirl;~lio negatio )) : les attributs dCterminent la substance t i C . ~ r n l l ment, c'est-hdire privativement. Ainsi, ce qui donric 111f a un attribut, c'est ce qui manque B tous les a u k \ : c pourquoi il leur est irrkductible.

Nous considCrerons cet argument pour lui-mEmc l)wr suite. N'en retenons pour le moment qu'une cons6cl11~1 Nous avons vu que, posant les attributs aprks la s~~l)sln comme ses dkterminations abstraites, le systkn~c sl)it~ol se trouve inkvitablement entrain6 dans un mouvemclll r t y r sif : parti, mais parti seulement - car, rappelons-lc. 1;1 1111~

de l'eireur de Spinoza se trouve dans son point dc clt ' lr

B partir duquel il ne pouvait que dCvier -, du savoir ;~l)rc

102

: : 1 1 l ,,.l;~rlce unique, il retourne ensuite en arrikre, et il a I , l o r - . s le dualisme cartksien. Voici comment, dans

; I . c . \ I / Y l'ilistoire d e la philosopilie, Hegel prCsente en i . 1 ~ ~ ~ 1 1 1 . 1 1 1 1 ;i son inspiration principale ce qu'il appelle 1 : 1 I I I , . III , . ypinoziste :

c r I ; I philosophie de Spinoza est l'objectivation (Objek- 1 1 1 ~,'~.t~tzg) de celle de Descartes, dans la forme de la 1 , 1112 absolue. La pensee ClCmentaire de I'idCalisme ,~~rroziste, c'est : ce qui est vrai, c'est tout simplement

1 . 1 \ubstance une, dont les attributs sont la pensCe et I'(.r~,ndue (la nature) ; et seule cette unit6 est rCelle, est 1 , . 1.i.c1 (wirklich, die Wirklichkeit), seule elle est Dieu. ( ' ( . \ I , comme chez Descartes, I'unitC de la pensCe et de I ,.II-c, ou ce qui constitue en soi le principe de son 1 \1\1cnce. Chez Descartes, la substance, l'IdCe, a bien I 1 . 1 I-c mCme dans son concept ; mais c'est seulement l'&tre t olllrnc Etre abstrait, non l'&tre comme Etre rCel (rerrles \ ( . ! I / ) , ou comme Ctendue, mais des corporCitb, quclque

I l~o.;c d'autre que la substance, pas un de ses modes. I ),. la mCme fa~on, le Je, ce qui pense, est pour soi . I I I \ \ ; ~ un Ctre autonome. Cette autonomie des deux I \112mes est dCpassCe dans le spinozisme et ils devien- I I , . I I I dcs moments de l'&tre absolument un. Nous voyons 1111". ce qui s'exprime ainsi, c'est la saisie de 1'Etre 1 olllrne Unit6 des oppods. n

I ~ ~ ~ . ~ ~ ~ i k r . c vue, ce texte met en lumikre ce qui sipare 4, , . . , . I ( I c Descartes : ce que celuici pose dans des sub- 5 1 n ~ l m & . $ 1 ~llouomes, la pensee et 17Ctendue (que Hegel assimile i I 1 1 . 1 1111.c )I , voire au cc riel n), est rCuni, rCconciliC chez 4 1 . . ~ ~ . a . I 1x11- I'unitC absolue de la substance, qui est aussi

1 I , I I I I , . t1c.s opposes ) I . Mais nous savons que, pour Hegel, 1 1 % 1111111: C S ~ abstraite, c'est-hdire une fausse unite qui

, I . I I I I I I ) O \ C en se determinant, justement dans ces mEmes : . i . l a m , .. cl~~'cllc n'avait donc que provisoirement reunis, en

. I . I I ' . . I I I I ) I leur opposition : telles que Spinoza les prB - . I . I I I ( . , , oppositions qui ne sont que des oppositions ne 1.. 1 I I I c . 1 re qu'illusoirement d6passCes ; mais elles sont + a t ~ ~ l 0 1 , 111(.111 t r;~nsposies. C'est pourquoi, au fond du systkme s I ~ T ~ ~ l ~ . ~ ~ . ~ ~ . . nous retrouvons le dualisme cartksien, mCme si

s I 1 ..( I I I . , unc forme modifiCe.

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Hegel ou Spinoza le problinle des affributs

Le conimentaire donnk par Hegel de la ddfinition des all~l. buts dans le meme chapitre des Le~ons va prkcisdment ~ I I I I I U ce sens :

(( Ce qui vient en second, aprks la substance, cc soti\ Ies attributs ; ceux-ci lui appartienncnt. " Par atrriljl~ll, j'entends ce que I'entendernent saisit de la subsli~nt* comrne constituant son essence ", et d'aprks Spil~otl cela seulement est vrai. C'est une grande dCterminalict~l I l'attribut est a la fois determiniti et totalit&. Elle n'c.11 fl que deux, PensCe et Etendue. L'cntendernent les s:lisl( cornme I'essence de la substance ; l'essence n'est ricll d plus que la substance, rnais elle est seulernent I'cssc~~ dans la perspective de I'entendement. Cette perspcc est extirieure a la substance ; celle-ci peut &tre envis; de deux rnanikres, corninz etenduc ct cornrne pcrl Chacune est totalit&, le contenu entier de la subsr;~nl~ rnais sculernent sous une forrne : c'est pourquoi les t l c l ~ c6tCs sont en soi identiqucs, infinis. Cela cst la vCrik~l,l perfection. Dans I'attribut, l'entendement saisit toufr I substance ; mais conlrnent la substance passe dans 1';11lr but, cela n'est pas dit. a

Si, dans chaque attribut, on retrouve tout le conten11 t l

la substance, c'est dans la rnesure ou celleci est ddjh vitl en ellc-meme de tout contenu : l'attribut n'est qu'une for111 qui peut bien etre autonome et infinie ; elle n'en restc 1, moins privde de tout mouvement effectif, et donc d'une u l ~ i

concrkte. Les attributs sont des essences qui se font face. i l r r sont opposdes, et leur rapport extrinskque manifeste l'in~pui sance de la substance, c'est-&-dire de I'absolu posk conlrl immkdiat, 8 se dkterminer soi-meme en soi.

Mais ce qui est surtout caractdristique, dans les deux ((:XI prktdents, c'est une extraordinaire omission. Spinoza afli1.1 que la substance s'esprime dans une infinitd d'attributs. clo~i nous ne percevons seulcment que deux, la Pensde et I'l{lcl~* due. Or Hegel, lorsqu'il caractkrise la nature des a t ( l . i l~~l l~ , fait comme si n'existaient que les deux attributs quc 110114

percevons : (( Elle [la substance] n'en a que deux, la Pcllsdl et 1'Etendue. )) Cette restriction a des conskquences exIr2111et ment importantes, car c'est elle qui permet A Hegel d'c5(;1l,llt

1 1 1 1 ~ . Sl>inoza et Descartes un rapport de filiation ; c'est elle . , , I . . I c l u i l'autorise a prdsenter l'unitk des attributs (( dans )) I I . .t~l~slance comme une unit6 d'opposks.

I:l.lr~.cnons la dkfinition que Spinoza donne des attributs : i ~ . . . I I I I [ cc ce que l'entendement per~oi t de la substance . . I I I I I I I ~ . constituant son essence ) I . Nous avons dkj8 remar- . I I I $ 111rc Spinoza ne prkcise pas quel est l'entendement qui I , f I l I I I ici la substance : s'azit-il d'un entendement infini, qui 1 ' . I 111 toutes ses essences, ou d'un entendement fini, qui I , 1 1 ~~crqoit que deux ? Pourquoi cette distinction n'inter-

1 1 1 c.llc pas dans la dkfinition gknkrale des attributs ? I1 est b I 1 1 1 c.11 (out cas que Hegel ne tient aucun compte de cette ~lll~l~,~c'ision, ou plut6t de cette absence de prkcision, et qu'il 1 1 1 1 , I l j~c lc la ddfinition des attributs dans un sens trks parti- . I I I I I . I , qui est restrictif : pour lui, I'entendement qui (( consti- 1 1 1 1 . 1c.s attributs en percevant la substance, c'est l'entende- ! , I , I 1 1 I i n i qui apprkhende celle-ci seulement sous les deux I S 1 1 I I I ( . \ {le la pensde et de 1'Ctendue.

\ I (;ueroult a soulignd l'inspiration kantienne de l'inter- I . l 1 . 1 I Ion que Hegel propose de Spinoza : c'est effectivement

1 1 1 - ~~:I'Gl.ence implicite 5 Kant qui justifie I'accusation de I ~ ~ I ll~.~lismc portde contre Spinoza. Les attributs ne sont pas

, 1 1 I I . I I I ~ ' I ~ [ les (( essences )) de la substance, ils sont ses formes. I I 1 ; 1 limite, ses phknomknes. L'atti-ibut, c'est la substance

I . 1 1 , (1l1'clle apparait, pour un entendement qui la dkcom- ! , ' , tl':lpr$s les conditions memes de sa perception, c'est-a-

. I I I , c l 1 1 i la dktermine en la limitant. En ce sens, pour Hegel, 1 I I I I I I I I I C tles attributs, qui exprime leur identitk avec la I I ~ ~ . I . I I I ~ C . est une infinitd sans contenu : elle est l'infinitk

1 1 1 1 , . Iormc qui, en elle-mime, comme forme, dans la limita- I ~ , I I I 1 1 1 1 i la constitue, du point de vue de l'entendement qui I I 1)c.lyoit N, est une forme finie. Ainsi tout se tient : l'im- 1 , 1 1 1 . . . I I I C C tle Spinoza a penser concrktement l'absolu rdsulte ' 1 , I I - c l o ' i l s'est plack d'emblde au point de vue de l'entende- 1 1 1 ~ 1 1 1 l i r ~ i , qui est par sa nature propre incapable de saisir

I 1 1 1 1 1 1 1 1 ;~ulren~ent qu'en le ddcomposant, c'est-Adire en le I I 1 1 1 1 . 1 1 ; 1 1 1 1 A des essences abstraites. Notons que, sous-jacente

I 1 4 I I I I ~ . ccllc argumentation, s'annonce la distinction kan- 1 1 1 I I I I ( . ( I c I;I raison (voude a l'inconditionnk) et de l'entende-

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