Bonheurs et angoisses de la maternité

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VIRGINIE DOSTIE-TOUPIN Préface de CAROLINE ALLARD (Mère indigne) Bonheurs et angoisses de la maternité (ou comment chanter sous la pluie) Le livre coup de cœur de toutes les mères actuelles ou en devenir

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Le livre coup de cœur de toutes les mamans actuelles ou en devenir. Actuel, intelligent et touchant!

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Virginie Dostie-toupin

Préface de Caroline allard(Mère indigne)

Bonheurs et angoisses de

la maternité

(ou comment chanter sous

la pluie)

Le livre coup de cœur de toutes les mères

actuelles ou en devenir

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la pluie)

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Bonheurs et angoisses de

la maternité

(ou comment chanter sous

la pluie)

Virginie Dostie-toupin

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Dostie-Toupin, Virginie, 1983-

Bonheurs et angoisses de la maternité, ou, Comment chanter sous la pluie

Comprend des réf. bibliogr.

ISBN 978-2-923827-15-5

1. Maternité. 2. Mères. I. Titre. II. Titre: Comment chanter sous la pluie.

HQ759.D67 2011 306.874’3 C2011-941537-2

Auteure : Virginie Dostie-Toupin

Photographie de l’auteure : André Hotte

Édition et conception graphique : Éditions Midi trente

Tous droits réservés© Éditions Midi trente650, av. Monk, Québec (Québec) G1S 3M3www.miditrente.ca

ISBN : 978-2-923827-15-5Imprimé au Canada

Dépôt légal : 3e trimestre 2011Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque et Archives du Canada

Tous droits de traduction, d’édition, d’impression, de représentation et d’adaptation, en totalité ou en partie, réservés pour tous les pays. La reproduction d’un extrait quelconque de cet ouvrage, par quelque procédé que ce soit, tant électronique que mécanique, notamment par photocopie ou par microfilm, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de la maison d’édition.

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À mes filles chéries, mes trésors, mes muses.

À toutes les mères, actuelles ou en devenir,

d’hier ou d’aujourd’hui; en espérant que

vous trouverez en ce livre tout le respect et la

compréhension que j’ai souhaité y insuffler.

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11 Préface

13 Avant-propos

17 Leçon de lâcher-prise

25 Leçon d’humilité

31 Leçon de spiritualité

35 Leçon de temporalité

39 Leçon d’amour

43 Leçon de compassion

47 Leçon de respect

51 Leçon de gratitude

55 Leçon d’amitié

59 Leçon de solitude

63 Leçon d’impermanence

67 Leçon de simplicité

71 Leçon d’organisation

77 Leçon de priorités

81 Leçon de créativité

85 Leçon d’anticonformisme

87 Leçon d’éveil

Table desmatières

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89 Leçon de légèreté

91 Leçon d’humanité

95 Leçon de confiance

99 Leçon de fierté

103 Leçon de vérité

107 Leçon de responsabilité

109 Leçon de force

111 Leçon de détachement

115 Leçon de choix

127 Leçon d’égalité

143 Leçon d’économie

153 Leçon de biologie

163 Leçon de puériculture

177 Leçon d’éducation

191 Leçon de discipline

209 Enfin...

215 Merci !

217 Bibliographie

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Préface

Si je vous disais que la météo annonce quatre-vingt dix pour cent de probabilités d’averses et qu’une veille d’orages violents est en vigueur pour toute la journée, décideriez-vous d’aller pique-niquer ? Je vous connais, vous êtes raisonnables, vous resteriez chez vous ! Mais quand on y pense, avoir un enfant, c’est un peu comme partir en pique-nique, le pas léger et le cœur plein d’espoir, avec une météo qui prévoit quatre-vingt-dix pour cent d’inquiétudes et une veille perpétuelle d’angoisses intenses !

Mais on n’y pense pas trop, on se lance, et quand l’orage éclate – sous forme de fatigue extrême, de bébé à coliques, de nuits blanches, de soli-tude et d’une pluie d’autres soucis accumulés –, on se dit : Oh là là, mais ça tombe dru ! Où est-ce que je pourrais bien aller me réfugier, moi ?

Bonne nouvelle : il existe des refuges pour celles qui se font surprendre par une météo maternelle pas toujours au beau fixe. L’humour a constitué un tel abri pour moi  : les Chroniques d’une mère indigne m’ont permis de briser l’isolement et paradoxalement, rire de mes erreurs m’a rassurée sur mes qualités de mère.

Le livre que vous tenez entre vos mains est aussi un refuge. Je l’ai parcouru avec intérêt et bonheur, et je profite de cette préface pour ex-primer ma gratitude à son auteure. Les anecdotes dont ce livre est rem-pli sont racontées avec une honnêteté engageante par une auteure qui

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a bien compris les vertus thérapeutiques du «  Ah, elle aussi, ça lui est arrivé ! » Mais au-delà de l’anecdote, Virginie Dostie-Toupin nous offre un ouvrage de vulgarisation scientifique bien documenté, dans lequel elle nous explique les fondements parfois historiques, parfois scientifiques de nos comportements, de nos angoisses, de nos besoins et de ceux de notre famille. Encore mieux, elle le fait avec une clarté exemplaire et sans condescendance aucune. À chaque page, on sent la grande tendresse qu’elle a pour ses consœurs et son désir évident d’aider toutes celles qui ont choisi de vivre l’aventure de la maternité. Et de la tendresse bien-veillante, les mères aussi en ont besoin.

Dites-moi, vous ne trouvez pas que le soleil commence à poindre à tra-vers les nuages ? Ça vous dirait d’aller faire un pique-nique ? On annonce bien un peu de pluie, mais tout le monde sait qu’il ne faut pas se fier sur la météo. Et en ouvrant ce livre bien grand, on pourra toutes se mettre à l’abri et laisser passer l’orage, pour ensuite savourer encore davantage les journées remplies de soleil.

Caroline Allard

Auteure des Chroniques d’une mère indigne

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Avant-propos

Je suis une de ces filles dont le désir d’enfant est né très tôt. Une de ces filles qui n’a, malheureusement ou heureusement, jamais trop réfléchi à cette évidence : j’allais avoir des enfants (beaucoup), les aimer et c’était tout. Plutôt innocent, très simpliste et, comme j’allais le constater plus tard, extrêmement téméraire.

Depuis ma plus tendre enfance, je ressens comme une évidence ma future maternité et, en grandissant, mes choix se sont toujours articulés autour de cette certitude. En effet, à seize ans, j’ai choisi de devenir acu-punctrice et travailleuse autonome car, en plus d’être passionnée par le sujet, je me voyais déjà avoir la flexibilité et la disponibilité nécessaire pour mes enfants hypothétiques.

Avec le peu de recul que j’ai aujourd’hui, je trouve mignon le sens des responsabilités que mon énorme désir d’enfants avait fait naître en moi. Je doute d’ailleurs que ce désir me fût inculqué, puisque je suis une fille unique issue d’une génération qui a grandi avec la pilule et avec la certi-tude qu’il fallait assurer son avenir professionnel avant de songer à avoir des enfants. Ce désir inné a grandi avec moi et a subi une intense poussée de croissance lorsque je devins une jeune adulte. Ainsi, je vis désormais au quotidien avec ses deux résultats vivants, mes deux filles que j’adore.

Devenir mère a été pour moi, comme pour bien d’autres je l’espère, une révélation. Je tombais des nues devant l’émerveillement et l’amour

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que cela pouvait générer. Cela dépassait même les attentes créées par le sacro-saint mythe de la Bonne Mère. En fait, mon innocent désir d’en-fants comportait cette espèce d’image figée, silencieuse et très propre d’une mère et son bébé qui s’aimaient. Que faisaient-ils des vingt-quatre heures qu’il y a dans une journée, je n’en avais pas la moindre idée et cela ne m’intéressait pas. Je ne prononçais pas non plus tous les « Oh ! » et les « Ah ! » réglementaires devant les bébés des autres, sans doute parce qu’ils gâchaient un peu l’image parfaite que j’avais en tête. Image qui a d’ailleurs été brisée assez rapidement dans mon parcours vers la maternité. Certes, la véritable surprise qui m’attendait a été d’admettre, tout bas, mais d’ad-mettre quand même, à quel point cela est difficile. Bref, comme l’a si bien dit Anne Enright  : « La vie de l’autre côté (de la maternité) est la même, seulement bien meilleure et bien plus difficile » (Enright, 2005).

Une fois enceinte, le monde tournait littéralement autour de mon ventre, d’ailleurs gros comme un soleil. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir qu’un changement majeur s’opérait en moi et, pourtant, la prin-cipale intéressée ne voyait rien venir. En effet, je croyais dur comme fer que ma vie ne changerait pas, ou en tout cas pas tant que ça... Je voyais l’accouchement comme une fin, un point final et, après, un grand blanc. Je sais, aujourd’hui, que l’accouchement est bien la fin douloureuse (comme toutes les fins) d’un cycle, mais surtout le début d’une grande aventure pleine de leçons.

Je veux donc, avec cet ouvrage, écrire un livre sur la maternité qui s’intéresse aux principales intéressées – et non un livre sur les bébés. Un livre qui puisse révéler honnêtement les difficultés de la maternité, comme quelques mères se sont mises à le faire au cours des dernières années, mais surtout un livre qui puisse exposer les leçons et les apprentissages que l’expérience la plus enrichissante d’une vie a à nous offrir. En effet, de nom-breuses auteures ont versé dans le cynisme afin d’exprimer au grand jour leurs frustrations et de relativiser avec humour les difficultés de la materni-té. Bien que le cynisme soit assurément un exutoire idéal pour les mères à qui on demande d’être parfaites au moment même où elles comprennent que cela est impossible, se satisfaire de ce dernier ne nous permet pas d’approfondir les leçons précieuses de cette maternité bouleversante pour ainsi gagner en sagesse. C’est donc là, précisément, le défi que je me suis lancé.

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Avant-propos

Après la naissance de ma première fille, je caressais déjà l’idée d’écrire ce livre, mais j’étais trop prise par le quotidien et trop abasourdie par ce chamboulement pour avoir les idées assez claires. Cependant, comme toute nouvelle maman angoissée, j’ai lu des tonnes de livres sur le sujet lors de ces premiers mois, pour ensuite me détendre au fil du temps et enfin oublier toutes ces difficultés initiales. Si bien que j’ai même décidé de récidiver… C’est finalement après la naissance de ma benjamine que je me suis mise à l’écriture de ce livre. Livre que je destinais d’abord à moi-même, puis à mes filles. Je ne voulais plus oublier; je voulais mettre par écrit les leçons éphémères de ma nouvelle maternité, afin de pouvoir les revisiter et les faire miennes à long terme, puisque les acquis qu’on y gagne nous seront utiles tout au long de notre vie.

Né de cette passion pour la maternité, cet ouvrage fait donc état des apprentissages que j’ai amassés grâce à mon expérience, aux informations glanées dans les livres et aux précieux conseils des mamans de mon en-tourage. Cela en fait un livre qui n’a pas été écrit par une présomptueuse ou une quelconque spécialiste pour vous faire la morale, mais plutôt un livre qu’une maman s’est offert en cadeau pour s’aider à devenir une mère plus sereine (sans doute parce que j’en avais besoin plus que toute autre !) Vous remarquerez que le livre est d’ailleurs rédigé au « nous », un « nous » incluant toutes les mères évidemment, mais aussi tous les pères qui se sen-tent interpellés par les propos. Ceux-ci seront d’ailleurs souvent généraux; ils traiteront de parentalité sociale et s’adresseront donc tant aux parents de tous les horizons qu’aux mères biologiques, bien qu’elles demeurent le premier auditoire visé.

Les textes de ce recueil ayant été rédigés lors de temps libres volés, principalement lorsque mes filles dormaient, vous comprendrez qu’ils contiennent des répétitions, paraissent décousus ou confus à l’occasion. Cela ne les rend que plus fidèles à l’expérience de la maternité. La myriade d’interruptions qui a rythmé mon écriture contribuera, je l’espère, à rendre votre lecture adaptée à vos besoins de parents tout aussi occupés et inter-rompus.

Je semblerai sans doute idéaliste à l’occasion, tantôt ayant l’air de mi-nimiser les difficultés inhérentes à la maternité, tantôt glorifiant les expé-riences (souvent éprouvantes il est vrai) qu’on peut en tirer. Cependant, je désire dire d’entrée de jeu que ce sont précisément ces difficultés qui m’ont

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inspiré ce livre, qui m’ont poussée à me dépasser; je ne veux en rien les mi-nimiser. Si parfois je donnerai tout de même l’impression de les nier, de les ignorer ou de les diminuer, c’est uniquement pour pouvoir mieux mettre l’accent sur les messages positifs qui feront en sorte qu’elles s’apaiseront. Car oui, tout passera, tout finira par s’apaiser; on finira par dormir des nuits complètes, notre enfant se détachera immanquablement de nous (peut-être même trop intensément et trop vite à notre goût !), et enfin nous constaterons que le temps s’est littéralement évaporé.

Deux enfants plus tard, j’ai définitivement acquis ce savoir profond, cette certitude rassurante que tout change, et ce, malgré les épreuves qui nous donnent parfois l’impression de faire du surplace. J’ai également assi-milé un savoir dont la valeur est inestimable pour toute nouvelle maman : la perfection n’est pas de ce monde et le contrôle absolu est impossible. Bref, j’avais profondément envie de mettre par écrit, et de transmettre, les nombreux apprentissages qu’entraîne la maternité dans son sillon : on sur-vit, on grandit, on fait inévitablement des erreurs que l’on doit se pardon-ner, on apprivoise l’imperfection, on pratique le lâcher-prise, on traverse des moments difficiles et on s’en sort, on apprend à se faire confiance et à faire confiance aux autres, on revisite le respect, la compassion, l’humilité, mais surtout on se découvre le besoin d’entendre (ou de lire) que d’autres avant nous ont éprouvé les mêmes difficultés et qu’elles ont eu besoin, aussi, de conseils éclairés, de morceaux de vécu et d’indices pour savoir où dénicher bonheur et équilibre dans cette aventure. Ce livre se veut donc ultimement une lettre d’une mère à une autre pour s’épauler et se com-prendre, car dans ce domaine, dire réconforte autant qu’entendre, donner apporte autant que recevoir.

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Leçon de

lâcher-prise

Le lâcher-prise est la première et sans doute l’une des plus fondamen-tales leçons que la maternité nous réserve. Avant même d’être enceinte, on goûte déjà à la perte de contrôle magistrale qui s’apprête à nous frapper.

« Quoi ? Mais comment se fait-il que je ne sois pas enceinte, c’est im-possible ! J’avais pourtant planifié concevoir le 26 juin, pour accoucher le jour de l’équinoxe du printemps, pour avoir fini d’allaiter à l’automne, pour retourner au travail juste à temps pour... »

C’est vrai, j’y vais un peu fort, mais disons que plusieurs, dont je suis, reconnaîtront ci-dessus leur caricature. Pour une génération de femmes obsédées par l’horaire, et surtout par le contrôle qu’elles exercent sur ce dernier, il faut avouer que prendre plusieurs mois, voire plusieurs années et parfois des traitements difficiles, pour arriver à quelque chose d’aussi facile et naturel que tomber enceinte, est un coup dur. C’est souvent le premier échec d’une vie sans encombre. Leçon suprême de lâcher-prise, on entend souvent des histoires de femmes qui tombent finalement enceintes juste au moment où elles se décident à adopter…

Accepter que notre corps se fasse le théâtre de la création ultime et accepter de prendre entre vingt-cinq et trente-cinq livres (cinquante-cinq

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dans mon cas !) pour le rôle. Accepter les nausées, la fatigue – ou plutôt la sensation qu’un camion nous est passé dessus –, les vergetures... Accepter surtout de n’avoir aucun contrôle quant à où et quand on pourra enfin ren-contrer la petite personne la plus importante de notre vie. Celles qui ont accouché prématurément le savent. Au même titre que celles qui, comme moi, ont dépassé leur terme, savent exactement à quels jours intermi-nables je fais allusion… Il faut avouer que malgré les tisanes, les positions bizarroïdes, la pleine lune, l’amour et autres balivernes, quand il n’y a rien à faire, il faut attendre et sourire. En effet, il faut rire du tour que la nature, habile, nous a joué en réussissant à nous faire espérer vivement le moment tant redouté.

L’accouchement représente le lâcher-prise ultime  : s’abandonner à la douleur et à ses vagues qui nous prennent et nous délaissent, nous prennent et nous délaissent. C’est tout de même un moment magique et intemporel qui nous marque et nous transforme à jamais.

L’accouchement va jusqu’à remettre en question les convictions fonda-mentales auxquelles on s’accroche à travers la grossesse et par lesquelles on va jusqu’à se définir. « Je veux un accouchement naturel, pas d’épisio, de pitocin, de ventouses, de forceps, et surtout pas de césarienne ! »

Parfois, ça va, et le sentiment d’accomplissement nous emplit d’une fierté bien méritée mais, parfois, les circonstances font en sorte que ça se termine autrement et il faut que la fierté nous emplisse tout autant. La santé de notre bébé comme la nôtre se doivent de passer avant nos convictions. D’ailleurs, mes collègues acupuncteurs obstétricaux et moi-même avons fréquemment remarqué le fait que, plus le plan de naissance était rigidement « naturel », moins la femme se laissait d’options ouvertes et plus l’accouchement tendait à nécessiter des interventions. Il faut lâcher prise et aimer, c’est tout ce qu’on attend de nous. Aussi bien intentionnées serons-nous, nous ne pourrons pas faire tout ce qu’il y a de mieux pour notre enfant à chaque instant de sa vie, a fortiori lorsque notre famille s’agrandira.

Beaucoup d’autres convictions fondamentales en prendront un coup par la suite. «  Si je veux allaiter ? Bien entendu, jusqu’à deux ans. Des couches jetables ? Jamais ! La suce ? L’ennemi numéro un des mères qui allaitent. La télé ? Pas plus d’une demi-heure par jour. Les purées ? Faites

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Leçon de lâcher-prise

maison, avec des légumes biologiques. L’éducation au sommeil ? Jamais en cent ans... » J’en passe, et des meilleures.

Mais… Ai-je vraiment fait référence à l’accouchement comme étant le lâcher-prise ultime ? Je devais avoir oublié les nuits sans sommeil où on découvre à quel point il y a des heures dans une journée et à quel point la fatigue est sans limites. L’absence d’horaire d’un nouveau-né est fort déroutante pour nous qui essayons de déceler des tendances, de voir des constantes.

De plus, les parents sont souvent tentés d’aider leurs enfants à at-teindre des étapes de développement. « Elle a quatre mois, pourquoi ne se retourne-t-elle pas ? Elle a un an et ne marche pas, serait-ce à cause de ses souliers ? Elle a deux ans, je crois que je devrais la mettre propre. Ce n’est pas normal qu’un enfant de quatre ans ait si peur de l’eau... » Nous voulons intervenir, car nous sentons qu’en tant que créateurs de ces petites choses, nous sommes responsables de leur développement. Or, en vérité, nous ne sommes que les outils de la reproduction frénétique de la vie et nos enfants, bien qu’ils soient en quelque sorte notre prolongement, ont une nature qui leur est propre. Bien entendu, l’amour, les soins attentifs et le temps que nous leur offrons sont précieux et irremplaçables, mais je crois que nous serions tous très étonnés de constater à quel point nos enfants sont résilients et se développeraient bien même si nous en faisions beaucoup moins. Je l’ai d’ailleurs constaté avec ma deuxième fille qui, pri-vée de mon attention constante, m’a surprise en se développant au même rythme, voire plus vite que sa sœur aînée, et ce, grâce entre autres à la stimulation différente que lui offrait sa sœur. Je dus alors admettre que toute la stimulation dont avait bénéficié mon aînée, qui avait certes été plaisante pour nous deux, n’était sûrement pas la cause unique de son dé-veloppement harmonieux. Il faut se rendre à l’évidence : bien que l’ensei-gnement, les jeux et les soins soient nécessaires au développement de nos enfants, ils doivent demeurer une source de plaisir et non une corvée ou une obligation stressante. La nature est puissante et le potentiel, en partie prédéterminé. Nous pouvons assurément aider nos enfants à s’épanouir pleinement, mais nous devons également accepter leurs limites comme nous acceptons les nôtres. Il n’y a donc pas de recette miracle pour amener l’enfant ailleurs. Le temps s’en chargera bien assez vite. Toute une série de cycles et de transitions nous attendent et nous apporteront de nouveaux

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défis et, toujours, il faudra lâcher prise. (Je sens déjà poindre à l’horizon l’adolescence, qui me réservera sans doute beaucoup de surprises.)

D’autre part, la maladie et la différence d’un enfant constituent un défi de taille pour tous les enfants concernés, bien entendu, mais aussi, voire surtout, pour leurs parents. J’ai d’ailleurs été assez rapidement confrontée à la maladie et à la crainte qu’elle engendre (j’entends par là une maladie plus grave que les milliers de virus qui assaillent nos petits et qui, non sans nous inquiéter, ne sont pas aussi déroutants qu’une maladie plus grave), aux questionnements qu’elle soulève, au lâcher-prise qu’elle ordonne. L’image d’un enfant parfait s’en va d’un seul coup, pour progressivement revenir autrement. Tout est parfait même dans l’imperfection, l’amour est intact, grandi, rien ne nous menace. Le parcours sera plus difficile, mais aussi plus valorisant, teinté d’une profondeur, d’une sagesse que peu connaîtront.

Tâchons toutefois de ne pas pleurer trop longuement les rêves que nous avions pour nos enfants, puisqu’ils n’avaient de toute façon pas les mêmes attentes (et souvent pas d’attentes du tout s’ils sont très petits).Ils ont surtout besoin que nous soyons une source d’amour, de joie et de soutien à travers leur réalité. Les enfants nous imposeront donc de lâcher prise sur nos lubies et nos aspirations.

Chaque enfant, qu’il soit malade ou non, finira inévitablement par nous demander un effort semblable puisqu’il nous poussera à remettre en ques-tion nos priorités, à transformer nos projets et, ultimement, à nous adapter à lui comme il s’adaptera à nous. D’ailleurs, « pourquoi lorsque nos enfants ne réalisent pas nos attentes irréalistes – lorsqu’ils se comportent comme des enfants normaux, dans la moyenne – sommes-nous déçus ? » (Waldman,

2009) Sans doute parce que nous attendons trop de nous-mêmes et de nos enfants, parce que nous refusons d’admettre qu’ils ne sont pas notre prolongement et parce que nous sommes en constante quête de recon-naissance à travers eux. Pourtant, notre enfant est une personne indépen-dante, dont le développement nous échappera tôt ou tard, et mieux vaut accepter cette dure réalité plus tôt que plus tard. Cela nous évitera bien des difficultés.

De la même manière, nous ne pourrons éviter les critiques futures de nos enfants devenus grands quant à la façon dont nous les avons élevés,

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et ce, même si, et surtout si, nous tâchons de ne jamais les contrarier ou de devenir leurs amis. En effet, selon Françoise Dolto, les critiques des en-fants à l’égard de l’éducation qu’ils ont reçue sont essentielles puisqu’elles démontrent qu’ils sont désormais devenus indépendants et que l’huma-nité peut poursuivre le progrès constant qui découle de ces critiques (Dolto,

1994). Ainsi, faisons de notre mieux, selon nos moyens, pour être de bons parents, mais laissons aller la peur que nos enfants nous critiquent puisque cette critique est, semble-t-il, souhaitable et inévitable. De plus, agir sous le sceau de la peur et agir par crainte de la critique s’avère bien souvent paralysant et nous empêche la plupart du temps de voir clair et de prendre les bonnes décisions.

De plus, en tant que mères, il nous faudra inévitablement lâcher prise quant à la perfection, qui n’est pas de ce monde pour personne, mais qui est définitivement hors d’atteinte pour nous. Anna Quindlen, l’auteure de Being Perfect, affirme d’ailleurs que « ce qui est réellement difficile et mer-veilleux, c’est de cesser de tenter d’être parfait, pour apprendre à devenir soi-même. Cela est d’autant plus difficile, car il n’y a ni instruction à suivre, ni masque à porter. Cela est terrifiant en fait, parce que ça nous demande de mettre de côté les attentes de nos amis, de notre famille, de nos collè-gues et de nos connaissances; parce que ça nous demande d’ignorer les messages, le dédain et la désapprobation que notre culture nous envoie, à travers la publicité et les médias, quant à la façon dont nous devrions nous comporter ». Elle poursuit en conseillant : « commencez avec la plus terrifiante des choses : une table rase. Puis, questionnez, chaque jour, les raisons qui motivent les choix que vous faites et trouvez cette réponse  : parce que ces choix sont ce que JE veux, ce que je souhaite; parce que ces choix reflètent qui je suis » (Quindlen, 2005).

Ayelet Waldman, l’auteure du livre Bad Mother: A Chronicle of Mater-nal Crimes, Minor Calamities, and Occasional Moments of Grace, a d’ailleurs écrit un livre fort éclairant sur le sujet; un livre sur «  les périls et les joies d’essayer d’être une mère correcte dans un monde déterminé à vous faire sentir comme une mauvaise mère ». Waldman relate une anecdote à pro-pos d’un voyage en train durant lequel elle a été témoin d’un incident impliquant une mère tirant les cheveux de sa fille en tentant de la coiffer. L’auteure explique qu’elle s’était indignée à la vue de cette scène, confiante qu’un jour, lorsque ce serait son tour de brosser les cheveux de sa fille, elle

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ne serait pas si abusive, convaincue comme nous le sommes toutes avant de devenir mamans que nous serons toujours douces, calmes, aimantes, patientes... Waldman (2009) a regardé cette femme droit dans les yeux et lui a dit d’une voix forte, pour que tous les passagers puissent entendre : « Madame, nous vous regardons tous ». En fait, selon elle, toute la société observe les mères, comme si nous formions une « force policière contre les mauvaises mères » se trouvant dans un état d’alerte orange perpétuelle.

Nous avons malheureusement toutes vécu de semblables moments, moments où nous condamnons une mère; où nous l’étiquetons sans gêne comme étant une mauvaise mère. Évidemment, toute la société est res-ponsable de cet état des choses, car comme le rappelle Waldman, un père, pour être bon, n’a pratiquement qu’à être là, tandis que les faits et gestes des mères sont systématiquement scrutés à la loupe et jugés. Ainsi, nous devrions tâcher de mettre de côté tout ce jugement, de lâcher prise allé-grement sur les exigences impossibles, sur la perfection inatteignable, et ce, afin de se contenter d’être des mères assez bonnes, puisque comme Waldman l’affirme  : « être une Bonne Mère, tel que cela est défini par les mères elles-mêmes, est impossible  ». Au final, si nous nous appliquons toutes – comme se sont mises à le faire plusieurs auteures telles que Waldman et, plus près de moi, Mère indigne et les Zimparfaites – à revendi-quer le droit à l’imperfection, nous relâcherons la pression qui est imposée à toutes les mères, à commencer par nous-mêmes.

La perfection des mères est de toute façon à proscrire pour le bien de nos enfants si l’on se fie au célèbre pédiatre Winicott. En effet, pour lui, la mère assez bonne surpasse la mère parfaite pour ses enfants, puisqu’elle leur permet, par ses imperfections, de s’adapter aux réalités extérieures, qui sont loin d’être parfaites (Winnicott, 1953; 1967). Ainsi, les mères assez bonnes ne font d’abord qu’un avec l’enfant et comblent ses moindres besoins sans trop attendre, mais elles lui permettent ensuite de faire des apprentissages clés tels que : apprendre graduellement à attendre un certain délai, endurer une certaine frustration, apprendre la patience, la tolérance et le droit à l’erreur mais, surtout, acquérir les notions nécessaires de séparation et d’imperfec-tion de l’Autre. En résumé, lâcher prise sur la perfection est bénéfique pour tous.

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Leçon de lâcher-prise

Nous devrons aussi concevoir, le plus rapidement possible, que les tâches ménagères souffriront régulièrement de notre négligence ou de notre manque de temps. Le « bordel et le chaos domestique endémique » d’une maison où vivent des enfants est une chose que l’on doit accepter selon Rachel Cusk, puisque « peu importe le travail qu’on y investit, rien ne peut l’éradiquer » (Cusk, 2002). Il est vrai que nous aurons souvent l’impres-sion décourageante d’être Sisyphe roulant éternellement le même rocher. De plus, les activités les plus salissantes sont malheureusement également celles qui captivent le plus nos enfants. Cela dit, ce sont aussi celles qui nous permettront, alors que nos petits sont profondément absorbés par leur peinture ou leur argile, de nous acquitter d’autres tâches. Ainsi, pour combattre cet éternel recommencement sans devenir folles, il nous fau-dra immanquablement apprendre à lâcher prise quant à la propreté de notre demeure. Pour ce faire, nous devrons surtout accepter que les Autres peuvent en penser ce qu’ils veulent, et ce, sans que cela nous importe le moins du monde. Nous devrons également oublier les sorties parfaites et les vacances parfaites, car malgré toute l’organisation et la préparation que nous y investirons, nous ne pourrons pas tout prévoir, nous ne pourrons pas tout contrôler. Les cris et les pleurs nous accompagneront la plupart du temps, et tout ne pourra pas se dérouler exactement comme nous l’avions prévu. Le lâcher-prise ne veut pas dire qu’il ne faut pas se préparer avec ef-ficacité et organisation, mais bien qu’il faut accepter que les plans puissent être changés, que la situation puisse mal tourner. Accepter que la vie est imparfaite et imprévisible et qu’il faudra nous adapter et faire face à la mu-sique avec courage. Il importe également d’éviter d’être paralysées par la peur inhérente à ces sorties, à ces aventures, car cela nous enfermerait chez nous dans une inertie lourde à porter pour toute la famille. Nous avons tout ce qu’il faut pour être calmes et sûres d’une chose  : quoiqu’il arrive, nous sommes ensemble, nous nous aimons et c’est tout ce qui compte.

Aussi difficile soit-il, le lâcher-prise nous ouvre la porte d’un monde où les frustrations inévitables seront plus faciles à tolérer. Quel soulagement pour l’âme d’accepter, au beau milieu de la nuit, et ce, malgré la fatigue intense, de veiller sur ce petit être chaud contre notre chair ! Le lâcher-prise est un allié précieux pour toute nouvelle maman et il nous permettra de donner, sans sourciller (ou presque !), le meilleur de nous-mêmes. Nous fe-rons alors le deuil passager de notre sommeil, nous oublierons les tâches à accomplir selon un horaire fixe, nous poserons la fourchette qui contenait

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Bonheurs et angoisses de la maternité

la première bouchée d’un repas chaud que nous mangerons froid, nous lâcherons le téléphone, notre crayon ou notre livre et nous interromprons le fil de nos pensées comme des milliers de conversations, parfois à regret, mais le plus souvent avec la joie qui pique au cœur.

Toutefois, si la vie avec un nouveau-né exige beaucoup de nous et nous demande inévitablement d’exercer notre lâcher-prise, nous devrons égale-ment parfaire notre capacité à « reprendre prise ». En effet, nous devrons apprendre à reconnaître et à respecter nos propres besoins et envies dans l’aventure. Lâcher prise ne signifie pas abandonner le navire, délaisser ou nier nos besoins, mais plutôt accepter harmonieusement ce qui est néces-saire ou inévitable. Ainsi, je nous souhaite d’« avoir la sérénité d’accepter les choses que nous ne pouvons pas changer, le courage de changer ce que nous pouvons et la sagesse de savoir la différence » (Niebuhr, 1987).

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Leçon

d’humilité

Ayant grandi dans la génération qu’on appelait affectueusement celle des « enfants rois », la chute a été brutale lorsque j’ai accouché. En effet, les enfants de ma génération ont grandi en ayant la certitude d’être les meilleurs, tellement c’est ce qu’on leur a affirmé, et mes parents étaient loin d’être les pires en la matière. J’ai donc vieilli sans jamais m’étouffer dans l’humilité et en croyant que tout m’était dû. Cet apanage fait peut-être de nous des êtres performants dans les sphères scolaires et professionnelles, mais nous laisse peu doués pour le don de soi et l’humilité qu’ordonne la maternité.

Accueillir un nouveau-né dans notre monde, c’est ouvrir, en quelque sorte, la porte à la tyrannie des besoins, à la dictature de la vulnérabilité. C’est le rite de passage ultime de notre société, la fin d’une ellipse entre l’enfance insouciante (qui se prolonge en adolescence et en âge adulte émergent) et les responsabilités énormes de l’âge adulte. C’est une claque au visage d’éternels adolescents qui peinent à prendre soin d’eux-mêmes et qui se retrouvent tout à coup entre deux âges, piliers des enfants dont ils prennent soin et de leurs parents qui avancent en âge. Quoique, de nos jours, plusieurs repoussent dorénavant ce rite à plus tard dans l’âge adulte,

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et bien qu’ils soient sans doute plus responsables, ils doivent tout de même faire face à un incroyable changement de paradigme dans leur vie.

Le nouveau-né criera plus fort que nos besoins bafoués et il nous faudra avoir l’humilité d’admettre que cela n’est pas une guerre. De toute façon, si c’en était une, il nous faudrait la perdre sans attendre, car la survie et le bien-être d’un petit en dépendent.

La grossesse place le plus souvent les futures mères dans un état de grâce, bien que parfois cela se transforme en supplice lorsque les symp-tômes et les complications de la grossesse se font sentir. Néanmoins, dans les deux cas, les femmes enceintes se retrouvent immanquablement sous les feux de la rampe. Nous nous sentons ainsi investies d’une mission et nous sommes, pour un instant, le centre de l’univers. Tout s’oriente alors autour de notre ventre, chacun le regarde et veut y toucher, une fête est même organisée pour célébrer nos rondeurs. Jusqu’à ce que l’accouche-ment nous dérobe notre première place et nous laisse pantoises en nous révélant le véritable objet de toute l’attention  : le bébé ! La sensation de vide est telle que nous allons parfois jusqu’à nous sentir comme une simple matrice.

Ce qui est pire encore, c’est de constater à quel point la maternité est difficile, surtout dans le brouillard des premiers mois post-partum. Dans de telles conditions, l’humilité n’a pas le choix de naître en nous, car un nombre infini de mères ont traversé ces moments ardus haut la main, ou du moins c’est ce qu’on en sait, étant donné que toutes celles qui nous entourent et qui nous ont précédées ont semblé taire ce côté sombre. Une hypothèse émise dans Le mythe de la mauvaise mère est fort intéressante : « Nous refusons peut-être de savoir combien nos propres mères ont eu de la difficulté à nous élever – combien elles aussi auraient eu besoin d’aide » (Swigart, 1992). Faisions-nous la sourde oreille aux plaintes pour ne pas aban-donner notre précieux projet ? En définitive, c’est peut-être l’Évolution qui est responsable de cette apparente surdité : elle s’assure ainsi que la repro-duction se perpétue et que la naïveté nous empêche de faire la grève des naissances.

Quoi qu’il en soit, nous nous comparons inévitablement aux autres mères lors de cette expérience, certes universelle, mais également intensé-ment unique. Nous pensons souvent injustement que les « autres mères »

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se sentent naturellement prêtes pour ce nouveau rôle, qu’elles aiment ins-tantanément leur bébé, qu’elles retrouvent leur corps d’avant en quelques semaines, qu’elles ne pleurent jamais, qu’elles ne s’ennuient pas, qu’elles ne se sentent jamais dépassées et accomplissent toutes leurs tâches, qu’elles éprouvent du désir pour leur conjoint et font l’amour régulièrement... Il importe toutefois de comprendre que nous trouverons toutes, tôt ou tard, un défi de taille en la maternité et que chacune d’entre nous sera confron-tée à ses limites dans cette aventure.

Laissez-moi faire un aparté ici pour introduire la notion de bidirection-nalité dans la relation mère-enfant. La mère est souvent vue comme étant la seule et unique responsable de l’état de son enfant, de ses capacités, de son développement harmonieux et de sa personnalité. Ainsi, selon le mythe, une Bonne Mère, calme et aimante, aura nécessairement un enfant modèle et les mères trop inquiètes, négligentes ou anxieuses auront sans doute des bébés qui pleurent sans arrêt… Il ne suffit d’ailleurs que de jeter un coup d’œil vers les mères dont les petits geignent sans cesse pour voir à quel point elles ont l’air stressées… Évidemment qu’elles le sont ! Entendre son enfant pleurer n’est jamais agréable, et c’est pire lorsqu’on se sent cou-pable, lorsqu’on sent que la société ne tolère pas les sons qui sortent de la bouche de nos enfants, lorsqu’on se sent scrutée et accusée par les regards réprobateurs de tout un chacun, bref, lorsqu’on sent que la responsabilité des réactions de nos enfants nous incombe et qu’il y a forcément quelque chose que nous ne faisons pas bien. Il faut donc absolument nous méfier de cette tendance qu’ont tous les parents à se lancer des fleurs lorsque leurs enfants sont de « bons bébés »; à se targuer d’être parfaits lorsqu’ils se développent rapidement. Lorsque les choses vont moins bien, lors des moments plus difficiles, ce mode de pensée nous affligerait d’ailleurs d’une culpabilité injustifiée. En effet, bien que les parents aient certainement une influence et un rôle essentiel à jouer auprès de leurs enfants, les bébés dif-fèrent grandement entre eux dès la naissance, tant et si bien que l’expé-rience de la maternité varie énormément d’une mère à l’autre (et même pour chaque enfant d’une même famille). Pleine de défis pour une, elle peut être tendre et douce pour l’autre. Soyons donc indulgentes et com-préhensives entre nous puisque nous ne savons pas ce que représente le fait d’élever Anaïs ou Antoine et nous ne savons pas quelle mère nous se-rions devenue à leur contact.

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Une étude suédoise effectuée auprès de jumeaux adoptés par diffé-rentes familles a démontré qu’il y avait de grandes similarités entre les évaluations que faisaient les jumeaux de leurs milieux familiaux respec-tifs. Les chercheurs conclurent que les traits de personnalité partagés par les jumeaux avaient contribué à créer les similitudes de leur milieu fami-lial (Plomin, 1994). Les parents influencent donc évidemment le dévelop-pement de leurs enfants, comme leurs frères et sœurs d’ailleurs, qui ont selon Jeffrey Kluger un impact non négligeable (Kluger, 2006). Toutefois, les enfants aussi contribuent à sculpter les parents que nous devenons. De plus, les traits de caractère d’un nouveau-né qui s’éloigne de l’idée reçue concernant ce qu’est un « bon bébé » peuvent tout à fait en faire un adulte hors pair qui se démarquera et cumulera les succès. En fait, ce qui est important de comprendre, c’est qu’il nous faut demeurer humbles  : nous ne sommes pas les artisans de nos enfants; nous sommes là pour nous assurer qu’ils s’épanouissent, qu’ils atteignent leur plein potentiel et qu’ils possèdent les outils nécessaires pour être heureux.

Les comparaisons entre mères ne s’arrêtent pas là. Nous pouvons pen-ser aux femmes de toutes les cultures, de toutes les conditions et classes sociales, de toutes les époques, qui ont accouché, qui ont sacrifié leur som-meil, qui ont veillé à ce que les besoins de leurs petits soient comblés et qui ont donné tant d’attention et d’amour à leurs enfants. Nous devons admettre que notre statut d’occidentales égales, éduquées, riches et bien-pensantes ainsi que notre époque où tout est facilité par la technologie ne nous seront que de bien peu de secours.

Nous devons apprendre humblement que le fait que nous soyons plus libres, ou que nous croyons, à tort, accomplir plus de travail (puisque nous sommes contaminées par ce préjugé odieux voulant que celles qui ne s’illustrent pas sur la scène publique ne travaillent pas) ne nous rend pas invincibles. Apprendre que cela nous rend même plus fragiles et vul-nérables, puisque nous tombons des nues devant ces difficultés que nous minimisions. L’arrogance ne peut survivre lorsque la tâche la plus répétée dans l’histoire de l’humanité nous pose problème, lorsque nos diplômes ne nous aident pas le moins du monde, ou en tout cas, pas tant que ça. Notre orgueil sera blessé et nous pourrons alors commencer à trouver des solutions. La modestie sera de mise pour le bien de tous et il faudra sou-vent faire appel à de l’aide extérieure, car comme le dit si bien le dicton

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africain : « il faut tout un village pour élever un enfant » ! Cependant, le vil-lage de nos sociétés est trop souvent vide et il nous faudra user de beau-coup d’énergie pour aller à la rencontre des ressources qui s’offrent à nous.

Heureusement, l’humilité naîtra sans faute en même temps que notre enfant et sera une compagne fidèle tout au long de notre périple. Il nous faudra l’accueillir à bras ouverts, puisque reconnaître humblement notre faiblesse, c’est se rapprocher de notre enfant si vulnérable, c’est lui ressem-bler, le comprendre, et donc, l’aimer.