Bolivia: Sajama & Illimani climbing (2/2)

38

description

Second part of a 100-page book which shows a group of French trekkers who went in Bolivia in Sept-13 to climb the Sajama and Illimani (6500m), and visit Salar de Uyuni and La Paz. Book written in French but with a lot of photos for those who would like to have a moment of fun.

Transcript of Bolivia: Sajama & Illimani climbing (2/2)

Après l'ascension de l'Illimani et en attendant celle du Sajama, nous faisons une longue pause de quatre jours qui doit nous mener dans les paysages austères et désolés du sud de l'altiplano. Cette région est connue pour englober parmi les plus beaux paysages au monde, comme le Licancabur, la laguna colorada ou la laguna verde – rendus célèbres par Nicolas Hulot il y a une dizaine d'années. Ici, nous irons toutefois moins loin, mais pour admirer un endroit que je rêve de fouler depuis longtemps : le désert de sel (Salar) d'Uyuni.

samedi 14 septembre : cette troisième étape commence à La Paz. C'est en effet là qu'Oscar Sainz, le dynamique et intéressant patron de Colibri, nous accueille pour déguster un bon repas arrosé de vin(s), et discuter de sa passion pour la Bolivie et la France (où il a vécu plusieurs années). Ancien prisonnier politique du temps des dictatures, libéré grâce à Amnesty International et réfugié en France, il est revenu en Bolivie dans les années 1980. Ses enfants sont également attachants : une fille assure le volet "informatique" de Colibri, et un garçon, par ailleurs francophone, assume des tâches de chauffeur à mécanicien, tout en continuant ses études de philosophie ! 

A 15h30, nous descendons en bas de l'immeuble (qui lui appartient et où vit toute sa famille), pour rejoindre un 4x4 chargé à la gueule et le mini-van, qui sera conduit par Don René, le père de Sami, notre guide-accompagnateur. Nous quittons la ville pour un trajet de 250 km qui nous conduit à Oruro (la ville des mineurs : encore beaucoup d'authentique, mais aussi du kitsch !) au bout de  seulement 5h ! Il faut dire que la route est en construction et il est quasi impossible de doubler.

dimanche 15 septembre : après une bonne nuit de sommeil, nous reprenons le mini van, pour une longue route en plein désert, en longeant à droite les lacs Uru Uru et Poopo, et à gauche des successions de vallées. D'immenses chantiers routiers en cours ou inachevés obligent à rouler majoritairement sur des déviations très mauvaises longeant des parties déjà bitumées mais pas encore finies et ouvertes. Nous croisons çà et là de petits villages aux murs en adobe perdus au milieu de nulle part, un peu comme dans l'ouest américain. Malgré tout, certaines bourgades ont conservé un semblant de vie et d'activité, comme Huari, où nous nous arrêtons pour acheter de l'eau et du Coca. Pierre, lui, prend des pasankalla, un délicieux popcorn bolivien qui ressemble à de grands vers de terre creux.

150 km après le départ, nous laissons la route 30 pour bifurquer à droite sur la 603, qui contourne le sud du lac Poopo, et file droit vers une zone complètement plane et déserte. Vingt kilomètres plus loin, le sol se relève soudain et nous découvrons un village perdu au milieu de nulle part où des dizaines de gens sont en train de manger, de boire ou de bénir leur véhicule au champagne local. Nous apprendrons plus tard que ce village, Quillacas, est en fait bâti sur le cratère d'un très ancien volcan. La bourgade revit en général vers la fin septembre quand des milliers de locaux viennent célébrer "El Senor de Quillacas", ce qui était donc le cas à ce moment là. Nous mangerons donc un peu plus loin pour éviter que certains d'entre-eux, déjà trop alcoolisés, ne viennent nous importuner.

étape 4 virée en 4x4 au sud, Salar d’Uyuni

Après le déjeuner, nous sortons de la route pour emprunter une piste poussiéreuse au milieu de nulle part qui traverse lits asséchés, pampa et parfois zones ensablées à dunes. Ici, on ne croise presque plus personne, hormis quelques troupeaux de lamas et des moutons dont on se demande bien ce qu'ils peuvent manger. La seule vraie distraction n'arrive qu'une cinquantaine de kilomètres après notre départ, avec un immense cratère volcanique posé au bord de la route. Il en faudra 25 de plus pour commencer à voir au loin ce qui semble être l'une des rives du Salar d'Uyuni, avec déjà quelques cactus et au loin le volcan Tunupa. Le paysage est joli, mais pas encore grandiose.

Une heure de trajet plus tard, nous arrivons enfin dans le hameau de Jirira, village du bout du monde situé au bord du Salar et au pied de l'impressionnant volcan Tunupa aux couleurs minérales hallucinantes. Nous nous installons dans une auberge typique (Posada de Donia Lupa), avec charpente en bois de cactus qui résiste plutôt bien aux intenses rafales de vent. Un lieu simple et plein de charme dans lequel chaque binôme dispose d'une chambre avec deux lits, lavabo et toilettes. En revanche, je suis relativement déçu par la première vue du Salar qui, de prime abord, est loin d'être aussi "extraordinaire" que  le décrivent les guides. Mais patience, car nous irons réellement le visiter demain.

Comme son nom l'indique, le salar (d'Uyuni) est une mer de sel, qui est accessoirement la plus haute (3650m) et la plus vaste au monde, avec une superficie de près de 10580 km2. Pour se rendre compte de quoi il s'agit, il suffit juste de s'imaginer un immense lac de 100 km par 150 km dont la surface est entièrement plate et blanche. Sa formation remonte à 10 000 ans, quand l'étendue d'eau salée était une partie du Lago Minchin, un lac préhistorique géant. En s'asséchant, il a laissé derrière lui deux petits lacs encore visibles, le lac Poopó et le lac Uru Uru (que nous avons contourné hier) et deux grands déserts de sel, le salar de Coipasa et le gigantesque salar d'Uyuni.

photo du haut : le cratère volcanique. photo du bas : le volcan Tunupa au pied du Salar de Uyuni.

lundi 16 septembre : réveil très matinal à 5h, petit-déj puis court transfert de 5km en mini-van, jusque sur le Salar fort roulable en cette saison sèche, pour aller admirer le lever de soleil à côté d'une petite île isolée recouverte de centaines de cactus. Alain et Laurent vont jusqu'au sommet, pendant que Romain, Guy, Hélène et moi essayons de progresser difficilement sur cette île au relief accidenté avec des pierres très coupantes (apparemment du corail), et des cactus et épineux prêts a vous blesser dès qu'on les effleure. Les autres restent sur la surface du salar constituée de millions de parcelles hexagonales (certaines sont tellement fragiles qu'il est facile de se retrouver dans 5 cm d'une eau marron un peu corrosive à cause du sulfate de sodium).

Après ce magnifique spectacle, nous reprenons le véhicule pour retourner à la posada de Doña Lupa, en passant vers une petite étendue d'eau ou évoluent de jolis flamants roses en procession, avec en arrière plan les magnifiques couleurs rouge, vert et ocre du volcan Tunupa. Vers 9h, nous reprenons le minivan pour aller cette fois plein sud, sur l'Isla Incahuasi, située à une quarantaine de kilomètres de Jirira. Comme il n'existe pas de piste, notre véhicule se comporte comme un navire perdu au milieu d’un océan blanc avec pour seule ligne de mire quelques îlots et pics (cerros) en face. Nous nous arrêtons au milieu de cette immense étendue pour faire de magnifiques photos et nous amuser un peu. En effet, le jeu consiste ici à jouer avec la perspective pour créer des photos étonnantes.

Alain et moi en profitons aussi pour gratter avec un opinel la surface et récupérer un peu de ce sel "mythique" que nous garderons précieusement en souvenir. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls, puisque Anna Maria et Alejandra, nos deux cuisinières, font de même en remplissant un plein sac plastique, probablement pour leur usage personnel. Le sel est bien entendu exploité, mais la production annuelle ne dépasse pas 25 000 tonnes, ce qui ne risque pas d'épuiser les 64 mds de tonnes estimées du gisement (l'épaisseur du sel varierait de 2 à 120 mètres, selon les endroits).

Vers 10h, nous arrivons enfin sur la célèbre île de corail d'Incahuasi, où une douzaine de 4x4 sont déjà garés. L'île est très courue des touristes, non seulement parce qu'elle se situe au milieu du salar, mais aussi parce qu'elle est recouverte de centaines de cactus dont certains font près de quatre mètres de haut. L'île est très bien aménagée, avec un chemin bien tracé qui monte au milieu des cactus candélabres, dont certains sont âgés de 1 200 ans. Le point d'orgue reste le sommet, d'où l'on a une vue à 360° sur une mer blanche et les volcans du sud Lipez avec le ciel bleu en toile de fond. Un moment inoubliable tellement l'endroit paraît irréel et merveilleux. Par contre, il vaut mieux avoir de bonnes lunettes de soleil et un bonne polaire à cause du vent frais et du soleil aveuglant.

Une heure plus tard, nous reprenons le minivan, direction nord ouest vers l'ile Pescado (car elle ressemble a un poisson), où l'on voit une ligne à une trentaine de mètres de haut qui marque le niveau du lac avant que celui-ci ne devienne le Salar actuel. Arrivés à Llica, nous empruntons une piste mal tracée dans la pampa et le sable, qui nous conduit vers des villages perdus au milieu de nulle part. C'est dans l'un d'eux, Puntas Arenas, formé d'une dizaines d'estancias en adobe et d'une église, que nous nous arrêtons pour déjeuner. Il y a beaucoup de vent, le sable vole, les rues sont désertes. On se croirait presque dans un vrai village fantôme de western ou débarquerait Clint Eastwood.

Nous repartons vers 13h, toujours sur une piste de sable mal tracée et chaotique. Mais le décor de volcans est tellement beau qu'on oublie vite ces désagréments. Au bout d'une heure, nous atteignons le Salar de Coipasa, plus petit que celui d'Uyuni (2000 km2), mais plus haut (3780 m). Il est lui aussi lisse, mais sa surface est beaucoup plus fragile, ce qui fait qu'on ne s'y arrête généralement pas. Le décor est en revanche aussi beau que celui de son grand cousin, car la région est sauvage et isolée.

Un peu avant 16h, nous rejoignons enfin la grande route, qui nous mène très rapidement à Sabaya, où nous logeons ce soir. L'endroit parait moins perdu que les villages précédents, mais n'a aucun charme, avec sa grande avenue jonchée de détritus et de cailloux. Seule l'église imposante retient notre attention ainsi que le kiosque attenant où se réunissent les villageois lors des fêtes. Notre hôtel ne déroge pas à la règle, avec une seule douche (sans eau chaude) et deux toilettes (à peine nettoyées) pour toutes les chambres. Heureusement, nous ne restons ici qu'une nuit, donc cela suffira bien.

L’église de Puntas Arenas. Le lieu est désert et battu par les vents.

Sami, Pierre et Hélène pendant une pause sur le Salar de Coipasa.

Cette dernière étape démarre à Sabaya, un petit village perdu au nord du Salar de Coipasa, depuis lequel nous allons rejoindre le Sajama, point culminant de la Bolivie (6542 m) et du voyage. Mais avant cela, plusieurs heures de piste de sable en pleine pampa et au milieu d'un magnifique décor de volcans nous attendent. J'en profite pour rédiger mon journal de bord et écouter de la musique. Mais, un peu avant 10h, notre mini van s'ensable brusquement, nous obligeant d'abord à le faire reculer avec le 4x4 qui nous suit, puis à rebrousser chemin pour trouver une piste plus praticable à l'ouest de l'itinéraire initial.

Ce petit détour nous fait passer par quelques petits villages perdus au milieu de nulle part, comme Queaquiani puis Julo, où nous passons un avant-poste militaire à l'ambiance de bout du monde, que renforcent la rigueur du climat et les vents violents. Nous franchissons ensuite une petite rivière pour rejoindre les chullpas (tombes) de Macaya. Il s'agit d'édifices funéraires aymaras de grande taille, en argile ou en pierre, érigés entre 1470 et 1540 (époque Incas). Il en existe au total près de 25 répartis sur plusieurs kilomètres, mais nous n'en voyons ici que trois, repeints et restaurés récemment.

En repartant, le mini-van s'ensable une nouvelle fois juste avant un gué. Mais nous arrivons à le déplacer ce qui lui permet de reprendre son élan pour traverser le río Lauca (nous le passons pieds nus pour alléger le véhicule). Un quart d'heure plus tard, le mini-van arrive à hauteur du lac Macaya, peuplé d'une colonie de flamands roses avec en arrière-plan un volcan aux couleurs hallucinantes roses et marrons. Impossible de ne pas s'arrêter pour admirer et prendre en photo ce paysage de carte postale. Malheureusement le vent souffle très fort et les oiseaux sont hors de portée de nos modestes objectifs.

Une centaine de mètres plus loin, nous arrivons dans le village de Macaya qui, comme tous ceux que nous avons vus ce matin, est perdu au milieu de nulle part. C'est là que nous passons un nouveau check-point de l'armée et que nous décidons de nous arrêter pour le déjeuner. Nous repartons vers 14h20, sur une piste plus praticable qui traverse des champs ou paissent de nombreux lamas. Peu à peu, l’imposant volcan que nous tenterons de gravir dans deux jours grandit au fur et à mesure que nous avançons vers lui. Une heure et demie après, nous rejoignons enfin la route goudronnée qui mène à la frontière avec le Chili. Ici, enfin, on voit les contreforts de ce géant de lave, qui apparaît désormais dans toute sa puissance et sa majesté, seul, dominant tous les autres, et en particulier le Pomerate et le Parinacota (qui dépassent pourtant les 6200 m).

Nous quittons rapidement l'asphalte pour bifurquer à gauche sur une piste qui mène jusqu'à l'entrée du parc national de Sajama, à l'entrée du village éponyme. Nous roulons encore sur une dizaine de kilomètres en contournant l'imposante face sud sud-ouest du géant, avant de bifurquer à droite jusqu’au lieu-dit Queñuales (4420 m). Ce nom rappelle que le parc accueille la plus haute forêt au monde, constituée de queñuas nains, une ancienne espèce endémique de l'altiplano, adaptée à la haute altitude. C'est là que nous retrouvons Juancho et ses trois guides acolytes. Une dizaine de mules sont également là, en train de brouter tranquillement les rares touffes d'herbe en attendant nos paquetages. A 16h, nous partons pour une marche d’approche tranquille de deux heures le long du ruisseau jusqu’au camp de base (4820 m). Les tentes sont rapidement installées, mais la nuit tombe et il fait très froid. Nous dînons vers 20h, sous un vent glacial qui souffle fortement.

étape 5 ascension du Nevado Sajama (6542 m)

Le lac de Macaya et ses superbes flamands roses.

Le Nevado Sajama (6542 m) domine fièrement la plaine qui l’entoure

mercredi 18 septembre : le matin, même scénario que pour l'Illimani, avec portage des affaires par des porteurs d'altitude. Cette fois-ci par contre, Romain et moi changeons de stratégie en laissant sur place son sac North Face de 80 litres pour prendre le mien et y mettre nos Phantom 6000. Nous pourrons ainsi monter et descendre jusqu'au camp avec des chaussures plus légères. Le reste du matériel reste le même, et nous prenons en plus une couverture de survie pour stopper l'humidité et le froid sous nos matelas.

A 10h, la longue colonne de marcheurs et de porteurs s'ébranle lentement le long des contreforts du volcan. La première partie est plutôt facile et le groupe monte régulièrement jusqu'au pierrier qui vient lécher la paroi nord du Sajama (2h de marche). Après avoir grignoté un morceau, nous reprenons notre progression sur une paroi qui devient plus raide et plus instable, qui plus est surplombée par une falaise qui paraît très instable. Ici, chacun doit donc porter un casque et bien regarder devant. Il faut aussi être attentif, car le sol est glissant à cause des éboulis volcaniques instables, voire en équilibre dans certains cas. Mais tout se passe plutôt bien, et en plus personne n'a l'air de trop souffrir du manque d'oxygène.

A 14h30, après deux heures de marche, nous arrivons finalement sur un éperon rocheux niché à 5670 m et qui sert de camp d'altitude. Le lieu n'a rien de très engageant, car il est très étroit, jonché de pierres et soumis à de fortes bourrasques de vent - ce qui ne va pas faciliter le montage des tentes. Il y a de petites plateformes creusées dans la pente mais trop petites, et aux bords instables et croulants. En outre, il n'y a pas d'eau. Il faut donc aller chercher de la glace des pénitents pour ensuite la faire fondre, ce qui est une vraie gageure à cette altitude. En revanche, la vue, elle, est magnifique, car nous dominons l'ensemble de la vallée et pouvons voir toute la face nord que nous allons escalader demain.

En attendant le goûter prévu pour 15h30, chacun vérifie son matériel ou commence à se reposer dans sa tente à l'abri du vent. Sans surprise, le repas est servi très tôt, à 17h, mais pour la première fois directement dans les tentes à cause du vent incessant et parce que la tente mess n'a pas été montée depuis le camp de base pour des raisons pratiques (8 porteurs contre 10 à l'Illimani). Au menu, soupe de légumes et un bon plat de viande accompagné de riz, sans oublier la traditionnelle infusion de maté de coca. Ensuite, chacun fait au mieux pour essayer de se reposer au maximum à défaut de pouvoir dormir (nous sommes 100m plus haut que le camp d'altitude de l'Illimani).

« Il vaut mieux perdre une minute dans sa vie plutôt que de perdre la vie un une minute »

jeudi 19 septembre : à 1h du matin, les tentes s'allument une à une et chacun commence à enfiler des affaires chaudes avant d'affronter le froid polaire. (Pierre notera -6°C dans sa tente au réveil). Le petit-déjeuner est servi comme d'habitude dehors, à la lumière des frontales, avec thé, café, du cake à la banane et surtout des pancakes qu'Anna Maria et Alejandra viennent juste de préparer. Comme avant chaque ascension, chacun fait remplir sa Thermos d'1 litre d'eau chaude avant d'y ajouter thé, feuilles de coca et sucre (les guides, eux, mâchent directement des feuilles de coca).

Comme prévu, le groupe part à 2h du matin pour une marche en file indienne sur le même type de chemin que la veille, mais beaucoup moins dangereux (car le gel fixe les cailloux). Au bout d'une heure, nous chaussons enfin nos crampons pour attaquer une première série de pénitents. Semblables à une procession religieuse, les pénitents sont des lames de glace ou de neige qui se forment dans la partie aride de la Cordillère des Andes, à plus de 4000 m. Un soleil intense, une période sèche de plusieurs semaines et une fonte limitée (nous sommes en fin de saison sèche hivernale) sont les conditions à réunir pour les voir se former. D'un champ de neige homogène s'élève alors en quelques semaines ces pénitents, comme c'est le cas ici (mais on en trouve aussi en Equateur et au Chili). Ils font parfois jusqu'à 1m de hauteur et sont très serrés (plusieurs par m²).

Outre les pénitents, le parcours est aussi plus technique, avec des passages mixtes glace-roche. Juancho est donc parti devant quelques minutes avant nous pour fixer une main courante, c'est-à-dire une corde qui permet de sécuriser les groupes dans les passages dangereux. Du coup, les cordées sont bouleversées, et je me retrouve dans le groupe d'Ismael, d'Alain et de Romain. Sur le coup, je suis un peu dépité, car je m'attendais à une ascension tranquille et me voilà avec les champions de l'ascension (ils sont notamment arrivés une demi-heure avant tout le monde au sommet de l'Illimani, surtout parce qu'Ismaël marche « trop » vite au vu des règles de montée en altitude...). Mais je n'ai pas trop le choix...

Malgré mes craintes, les pénitents et une pente assez raide, la montée se passe finalement bien et je tiens bien le rythme. Il ne nous faut ainsi qu'une petite heure pour atteindre l'arête où Juancho vient de poser une main courante. Nous longeons les rochers sur quelques mètres, avant de remonter puis de redescendre un peu pour arriver jusqu'à une seconde série de pénitents. L'exercice n'est pas très technique, mais il faut quand même à certains endroits trouver des prises pour escalader le rocher alors que nous avons les crampons. Heureusement, le ciel est assez lumineux, ce qui facilite un peu la progression.

petite pause au milieu des pénitents de glace.

Après ce petit exercice « reposant », un autre qui l'est beaucoup moins nous attend : une pente de 40 à 50° hérissée de milliers de pénitents de glace, et aucune trace visible. Autrement dit, nous allons devoir nous frayer un chemin dans ce dédale, en essayant de limiter nos efforts, car nous sommes déjà dépassé 6000 m. En outre, la progression est ralentie par le fait que ces chandelles de glace sont courbes (à cause du vent) et qu’on peut vite se retrouver un genou à « terre », ce qui laisse de jolis bleus, comme chacun a pu en faire l'expérience au moins une fois.

Passé ce maudit champ, nous faisons une mini-pause avant de repartir sur une pente « vierge », mais qui continue de monter avec une bonne déclivité. Cela paraît relativement simple de loin (un grand dôme de neige), mais la pente n'en finit pas, chaque montée cache un plat illusoire suivi d'une autre montée… le sommet n'apparaît jamais, ce qui devient décourageant. Pour corser le tout, il fait un froid glacial et le vent devient de plus en plus violent. Je sens alors nettement une partie de mon visage qui gèle, le nez coule, et le froid me gèle les fesses. Une vraie partie de plaisir comme je n’en avais jamais connue jusqu'ici. Les autres ont des sensations analogues. Guy, qui d'habitude évolue sans guide, en cordée autonome (avec Hélène), affirme qu'il aurait fait demi-tour s'il n'avait pas été encordé et donc « tiré » (psychologiquement) par William.

Fatigué, je ralentis donc quand je peux ou demande des micro-pauses pour ingurgiter en vitesse un tube de gel Isostar ou une barre de céréales. Derrière, je vois nettement les autres groupes, assez loin, avec en arrière-plan l'ombre du Sajama qui se projette sur la pampa et plus loin le Parinacota et le Pomerape. A ce moment-là, je suis énervé de ne pas pouvoir prendre de photos, parce que mon Canon est dans le sac et que je n'ai ni la force ni le temps de le récupérer. Surtout, Ismael est trop pressé de partir à cause du vent.

Finalement, après un dernier ressaut, la pente commence à s'adoucir et le soleil apparaît, nous éblouissant fortement, toujours sous un vent et un froid glacials. Nous arrivons alors sur une vaste étendue blanche, faite de petits cratères battus par les vents, qui ressemblerait presque au sol de la Lune. A ce moment, je sens que nous sommes au bout de nos efforts, et je ralentis, laissant Alain et Romain venir à mon niveau pour leur tendre la main en signe de victoire. L'idée est aussi de dire que même si je suis le deuxième de la cordée, nous avons fait l'effort ensemble et que nous arriverons donc en même temps.

Une centaine de mètres plus loin, Ismael s'arrête enfin. Il est 7h pile. Nous pouvons enfin nous embrasser, non seulement parce que nous avons atteint le sommet en seulement 5h (contre 6h initialement prévus), mais aussi parce que l'effort a été très dur, surtout vers la fin. En outre, Romain et moi avons battu notre record personnel, qui s'établit désormais à 6542 m. Le seul regret est peut être le sommet en lui-même, qui ressemble plus à un terrain de foot qu'autre chose. Pour la petite histoire d'ailleurs, en août 2001, une équipe de villageois de Sajama et des guides de montagne boliviens se sont affrontés ici même lors d'un match de football afin de démontrer que l'altitude n'était pas en soi une limite à l'effort physique. Personnellement, je n'aurai pas tenté le coup !

Le sommet a beau être plutôt joli (mais plat), le vent souffle à près de 80 km/h et il fait -20°C. Autrement dit, il vaut mieux être bien accroché pour faire une photo stable et, surtout, avoir de bons gants. En effet, au moment de changer la batterie de mon Canon, je dois enlever un de mes gants. Mais au bout de 30 secondes je sens déjà l’onglée arriver, et ma main qui commence à geler rapidement. A ce moment-là, je renonce donc très vite à la photo, laissant Alain immortaliser notre arrivée au sommet plutôt que de risquer de perdre un ou plusieurs doigts. Au final, nous restons moins de dix minutes au sommet avant de repartir dans la pente pour nous abriter de ce vent infernal et glacial.

Dans les premiers mètres de la descente, nous croisons la cordée de Laurent et Pierre, puis celle de Guy et Hélène. Aurore est un peu plus loin derrière, seule avec Juancho, qui essaie de la motiver au mieux pour atteindre le sommet. Tous ont l'air de bien aller même si le nez coule un peu à cause de la température. Ils ont en revanche eu le temps d'enfiler leur doudoune, ce qui les préserve mieux du vent et du froid que nous. Notre descente s'effectue au même rythme que la montée, ce qui fait que nous arrivons à 9h30 au camp. Pierre et Laurent arrivent vers 10h, les suivants vers 10h45. Au final, tout le monde a réussi l'ascension.

Après avoir ingurgité une bonne soupe chaude et un grand verre de Coca, toute l'équipe se repose un peu avant de démonter le camp. Nous repartons à 12h30 et rejoignons en deux heures le camp de base, par le même chemin (périlleux) qu'à l'aller. Nous récupérons les mules et nos sacs et redescendons direct jusqu'à Queñuales, où nous arrivons à 16h. Sur cette seule journée, nous aurons donc marché près de 11 heures, avec 950 m de montée et plus de 2300 m de descente ! Arrivés épuisés au sommet, nous observons que la forme revient progressivement dans la descente, sans doute par suite de la forte baisse de l'altitude.

Nous aurions pu nous arrêter là, mais le groupe a finalement choisi la solution de Juancho : un petit transfert en 4x4 jusqu'aux sources d'eau chaude (enfin à neuf dans le 4x4 !). L'endroit ne paye pas de mine, avec une simple maison de six chambres, une grande salle à manger et une cuisine. Mais le vrai plus, c'est le bassin d'eau sulfureuse à 37°C à quelques mètres avec vue sur le Sajama. Un véritable décor de carte postale, d'autant que Pierre et Laurent ont commandé des bières. Une vraie fin de trek comme il se doit !

vendredi 20 septembre : le matin, nous retrouvons Don René, le père de Sami, qui est revenu nous chercher avec le mini-van pour une dernière et longue liaison de 273 km jusqu'à La Paz (6h). A la sortie du parc, nous faisons une dernière photo du volcan, avant de reprendre une très jolie route dont les décors successifs rappellent  l'ouest américain. Nous arrivons à la capitale vers 15h30. Nous prenons un bonne douche, avant de faire nos dernières emplettes dans la vieille ville. Le soir, nous retrouvons Oscar, qui nous invite dans l'une des meilleures churrasquerias de La Paz, El Rodeo, où nous dégustons un apéritif à base de Singani (l'alcool de raisin local), et un énorme morceau d'excellente viande arrosée de bonnes bouteilles de vins locaux. Nous nous quittons vers 22h, heureux et repus. Demain, nous prenons l'avion tôt une dernière fois, direction Paris...

à droite : pénitents au premier-plan, Parinacota et Pomerape en arrière-plan

Parinacota (6348 m) et Pomerape (6240 m), deux stratovolcans qui se situent à la frontière entre la Bolivie et le Chili.

Le Nevado Sajama (6542 m) émerge nettement de la pampa.

tracé du trek du Pequeño Alpamayo (jours 6 à 9)

J2 : La Paz (3700 m)Arrivée à La Paz à 6h. Installation à l’hôtel El dorado en centre-ville, puis découverte du centre historique. En milieu d’après-midi, court transfert pour une ballade d’1h dans la Valle de Las Animas. Dîner libre. Hôtel.

J3 : Tiwanaku - CopacabanaDépart à 8h pour Tiwanaku (70 km, 2h de route). Visite du musée et des fouilles (2h). L’après-midi, poursuite de la route jusqu'au lac Titicaca (140 km). Arrivée vers 16h à Copacabana, qui abrite dans son église la Vierge noire du lac, sainte patronne de la Bolivie… Montée au calvaire (1h A/R). Nuit à l’hôtel.

J4 : Copacabana - Île du Soleil (3 800 m)Bateau à moteur jusqu'à l'île du Soleil. Débarquement à Challapampa 2h). Visite du petit musée, puis traversée de l'île du Soleil jusqu'à Pilkokaina, sandwich, et visite du labyrinthe (Chinkana). Retour vers le sud de l’île jusqu’à Yumani sur un long cheminée crête. Nuit en lodge. 12 km, 4h30 de marche.

J5 : Ile de la Lune - lac Khotia (4420 m)Départ de Yumani en bateau pour rejoindre l'île de la Lune (30min), puis retour à Yampupata. Mini bus jusqu'à Kalake pour pique niquer. 1h30 de piste en 4x4 vers la vallée de Hichukhota. Installation du campement sur les rives du lac Khotia (4420 m), au cœur d'un cirque de montagnes. 130 km de route.

J6 : Khotia - Paso Katarani (4800 m) - Ajuani (4600 m)Début de la randonnée. Passage du col Katarani (4800 m), puis contournement des flancs de Chacapa. Montée à Ajuani et son lac (4600 m), installation dans un refuge. 4h30 de marche, M = 600m - D = 400m.

J7 : Ajuani - Jurikhota (4700 m)Etape de montagne avec la traversée de deux cols, Janchallani (4860m) et Jurikhota (4900m). Vue sur le Huayna Potosí et le Condoriri, belles lagunes. Installation du campement à 4700m. 5h de marche. M = 650 m - D = 550 m.

J8 : Jurikhota - Condoriri (4660 m)Courte montée au col Apacheta (5150m). Montée au Pico Austria (5270m), puis descente vers la lagune du Condoriri jusqu’au camp de base au bord du lac. 4h de marche. M = 800m - D = 800m.

J9/ Ascension du Tajira (5250m) et du Pequeño Alpamayo (5410 m)Départ à 2h du matin avec 1h de marche sur sentier, puis 3-4h sur glacier. Arrivée au pied du sommet du Tarija, descente de l’autre côté sur du rocher pour atteindre le pied du Pequeño Alpamayo. Montée avec corde fixe sur une pente de 40-50°. Retour au camp par la même trace (3h), descente jusqu’à la route (1h) et transfert en van jusqu’à La Paz (2h). Hôtel. M = 800m / D = 1000m

J10-11 : La Paz - Cohoni - camp de base de l'Illimani (4500 m)Après une journée de repos à La Paz (J10), transfert en 4x4 à Unna (65km), puis beau trekking d'approche de l'Illimani jusqu'au camp de base situé sur un large replat au pied de la montagne. Campement. 2h de marche. M = 600 m.

J12 : Camp de base - Nido de Cóndores (5500 m)Départ 10h. Remontée de la moraine jusqu’à midi, puis de la crête vertigineuse jusqu’au "nid des condors", sorte de promontoire qui domine les pentes et les glaciers de part et d'autre. Nuit sous tente. 5 h de marche. M = 1000 m.

J13 : Ascension de l'Illimani (6439 m)Départ à 2h du matin, 6h d'ascension. Remontée le long de la longue arête de glace, qui mène vers une dernière arête de neige jusqu'au point culminant de l'Illimani, le Laikha Kollu, au pic sud. Longue descente en suivant les traces de la montée jusqu'au jusqu'au village. 12h de marche.  M = 950 m - D = 2400 m.

J14-15 : Camp de base - Oruro - JiriraRedescente en bus à La Paz par la même piste qu’à l’aller. L’après-midi, longue route en mini van jusqu’à Oruro (230km). Le lendemain, poursuite de la route jusqu’à Jirira, petit hameau au bord du Salar d’Uyuni. Nuit en lodge.

J16 : Salar d'Uyuni - salar de Coipasa - SabayaLever à 5h pour assister au lever de soleil sur le salar. Traversée de 50 km vers l’île d’Incahuasi (vue à 360° sur le salar). Piste pour rejoindre le salar de Coipasa et en traverser une portion. Nuit à Sabaya (hôtel). 240 km de piste.

J17 : Sabaya - Camp de base du Sajama (4750 m)4h de piste en passant vers les chullpas de Macaya et le lac de Macaya. L’après-midi, 2h30 de piste jusqu’à Sajama (4310 m), puis Calvario, où nous rejoignons les muletiers pour atteindre le camp de base. Installation des tentes sous la face sud du volcan. 190km de piste + 2h de marche. M = 350 m.

J18 : Camp de base - camp 1 du Sajama (5600 m)Départ 10h. Montée par un sentier tracé parmi éboulis et rocailles. Installation des tentes sur une plate-forme exiguë au pied du glacier sommital. 5h de marche. M = 850 m.

J19 : Ascension du Nevado Sajama (6542 m)Départ 2h30. Trajet sur un chemin de pierre, puis cramponnage pour attaquer un premier mur de pénitents. Passage mixte roche-neige avant une nouvelle et longue pente de pénitents (35°). Dernière partie sans pénitents, mais longue et très venteuse, tout comme le sommet. Retour au camp de base en fin de journée, puis un hôtel avec bassin d’eaux thermales. 5h-5h30 de montée, 4h de redescente. M = 950 m - D = 2000 m.

J20 : Camp de base - La PazRoute de retour vers La Paz, au bord d’étranges vallées érodées. Arrivée à La Paz en début d'après-midi, installation à l’hôtel et fin de journée libre. 

J21-22 : La Paz…ParisTransfert à l'aéroport international et vol de retour vers la France.