BLUMA Janvier 2013

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JANVIER 2013 SOMMAIRE Comité de rédaction : Guillaume Balas, Annabelle Janodet, Mila Jeudy, Jules Joassard, Stéphane Olivier, Adrien Peschanski, Roberto Romero Ont également participé à ce numéro : Delphine Mayrargue, Sophie Binet, Eric Polian, Laure Delair, Nathalie Boisson Zyskind, Marion Commault, Pascal Fontannaud, Stéphane Barré, Antoine Détourné Ils avouent enfin la grande imposture. Le dernier rapport du FMI, intitulé « Erreurs de prévision de croissance et multiplicateurs budgétaires », avoue enfin que la rigueur est une impasse. Le directeur du département Recherche du Fonds Monétaire International avoue que le FMI a sous-estimé les effets néfastes des politiques d’austérité infligées aux Etats les plus endettés. Selon ce rapport, il y aurait eu une « erreur de calculs ». On pourrait croire à un mauvais gag. Ce mea culpa ne peut cependant nous faire oublier les séquelles de l’austérité : le chômage, la dégradation des services publics, le moins disant social, qui sont autant de conséquences de cette rigueur, instauré comme dogme, jugée comme « la seule politique économique possible » par le FMI en 2008. Tant de vie ont été suspendues et réduites à l’aléa d’un mauvais calcul de technocrates. Le seul point positif de ce rapport est qu’il nous démontre que nous n’avons plus de raisons d’être otage du dogme libéral de réduction des dépenses publiques, et qu’en économie, il n’y a jamais qu’une seule voie possible, mais bien des choix politiques à prendre. Ce dogme nous a trop longtemps mis dans le mur pour ne pas rompre définitivement avec lui. La rupture avec le système libéral a commencé à s’engager avec l’élection de François Hollande. Je pense notamment à la réforme du système bancaire qui vient d’être annoncé par le Président. Même si cette réforme doit être précisée et musclée, elle n’en reste pas moins un acte politique fort face à la finance. Elle permettra d’isoler les activités spéculatives dans notre système bancaire et de redonner des outils à la puissance publique pour agir. Nous serons, et notamment nos parlementaires, fortement mobilisés sur cette question dès le mois de février. Toutes les occasions seront bonnes pour nous rendre utiles et faire avancer le plus loin possible les idées et les actes du Gouvernement de François Hollande. C’est pour cela notamment que nous rencontrerons prochainement les syndicats sur les accords sur la sécurisation des parcours professionnels. Ces accords nécessitent une traduction législative qui sera aussi l’occasion de faire aboutir de nouveaux droits pour les salariés. Vous trouverez dans ce numéro un dossier consacré à cette question de la sécurisation des parcours professionnels. Enfin, l’équipe d’un Monde d’Avance se joint à moi pour vous souhaiter une excellente année 2013. De nombreux combats nous attendent. Je sais pouvoir compter sur chacun pour y contribuer, et je souhaite qu’ensemble nous continuions à faire avancer la Gauche. Bonne lecture ! Guillaume Balas, Secrétaire Général d’Un Monde d’Avance EDITO P.1 EDITO P.2 VIE DU PARTI Entretien avec Antoine Détourné, SNA à la Riposte Vincent, Gérard, Gad et les autres... par Fredéric Hocquard, SN à la Culture P.4 VIE DU PARLEMENT Denys Robiliard, Rapporteur de la mission d’information sur la santé mentale et la psychiatrie Le contrat de génération adopté à l’Assemblée Entretien avec Laure Delair, responsable des questions sociales à l’UNEF P.6 DOSSIER DU MOIS : SÉCURISATION DE L’EMPLOI S’engager pour la sécurisation de l’emploi Peu flexible le droit du travail ? Vous vous trompez Décryptage de l’accord Des salariés précarisés Porter de nouveaux droits pour la mobilité des salariés P.14 ACTUALITÉS Égalité pour tous : interview de Nicolas Gougain, porte-parole de l’Inter-LGBT L’offensive de l’Eglise catholique Mali : reconstruire un Etat Un nouveau plan social à Renault P.18 VIE DES FÉDÉS Air France, un ciel toujours plus sombre pour les salariés Venivov’, la mondialisation libérale à l’oeuvre P.20 VIE DU PARTI Mise en place du groupe de travail sur le développement durable P.21 A LIRE/ A VOIR / AGENDA Bulletin de Liaison d'Un Monde d'Avance, la Gauche décomplexée

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Bulletin de liaison d'Un Monde d'Avance du mois de janvier 2013 avec un dossier sur la sécurisation de l'emploi

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BLUMA /// Janvier 2013 /// 1

JANVIER 2013

SOMMAIRE

Comité de rédaction : Guillaume Balas, Annabelle Janodet, Mila Jeudy, Jules Joassard, Stéphane Olivier, Adrien Peschanski, Roberto Romero

Ont également participé à ce numéro : Delphine Mayrargue, Sophie Binet, Eric Polian, Laure Delair, Nathalie Boisson Zyskind, Marion Commault, Pascal Fontannaud, Stéphane Barré, Antoine Détourné

Ils avouent enfin la grande imposture. Le dernier rapport du FMI, intitulé « Erreurs de prévision de croissance et multiplicateurs budgétaires », avoue enfin que la rigueur est une impasse. Le directeur du département Recherche du Fonds Monétaire International avoue que le FMI a sous-estimé les effets néfastes des politiques d’austérité infligées aux Etats les plus endettés. Selon ce rapport, il y aurait eu une « erreur de calculs ». On pourrait croire à un mauvais gag.Ce mea culpa ne peut cependant nous faire oublier les séquelles de

l’austérité : le chômage, la dégradation des services publics, le moins disant social, qui sont autant de conséquences de cette rigueur, instauré comme dogme, jugée comme « la seule politique économique possible » par le FMI en 2008. Tant de vie ont été suspendues et réduites à l’aléa d’un mauvais calcul de technocrates.

Le seul point positif de ce rapport est qu’il nous démontre que nous n’avons plus de raisons d’être otage du dogme libéral de réduction des dépenses publiques, et qu’en économie, il n’y a jamais qu’une seule voie possible, mais bien des choix politiques à prendre. Ce dogme nous a trop longtemps mis dans le mur pour ne pas rompre définitivement avec lui.

La rupture avec le système libéral a commencé à s’engager avec l’élection de François Hollande. Je pense notamment à la réforme du système bancaire qui vient d’être annoncé par le Président. Même si cette réforme doit être précisée et musclée, elle n’en reste pas moins un acte politique fort face à la finance. Elle permettra d’isoler les activités spéculatives dans notre système bancaire et de redonner des outils à la puissance publique pour agir. Nous serons, et notamment nos parlementaires, fortement mobilisés sur cette question dès le mois de février.

Toutes les occasions seront bonnes pour nous rendre utiles et faire avancer le plus loin possible les idées et les actes du Gouvernement de François Hollande. C’est pour cela notamment que nous rencontrerons prochainement les syndicats sur les accords sur la sécurisation des parcours professionnels. Ces accords nécessitent une traduction législative qui sera aussi l’occasion de faire aboutir de nouveaux droits pour les salariés. Vous trouverez dans ce numéro un dossier consacré à cette question de la sécurisation des parcours professionnels.

Enfin, l’équipe d’un Monde d’Avance se joint à moi pour vous souhaiter une excellente année 2013. De nombreux combats nous attendent. Je sais pouvoir compter sur chacun pour y contribuer, et je souhaite qu’ensemble nous continuions à faire avancer la Gauche.

Bonne lecture ! Guillaume Balas, Secrétaire Général d’Un Monde d’Avance

EDITO

P.1 Edito

P.2 viE dU PARti• Entretien avec Antoine Détourné, SNA à

la Riposte• Vincent, Gérard, Gad et les autres... par

Fredéric Hocquard, SN à la Culture

P.4 viE dU PARLEMENt• Denys Robiliard, Rapporteur de la

mission d’information sur la santé mentale et la psychiatrie

• Le contrat de génération adopté à l’Assemblée

• Entretien avec Laure Delair, responsable des questions sociales à l’UNEF

P.6 doSSiER dU MoiS : SÉCURiSAtioN dE L’EMPLoi• S’engager pour la sécurisation de l’emploi• Peu flexible le droit du travail ? Vous

vous trompez• Décryptage de l’accord• Des salariés précarisés• Porter de nouveaux droits pour la

mobilité des salariés

P.14 ACtUALitÉS• Égalité pour tous : interview de Nicolas

Gougain, porte-parole de l’Inter-LGBT• L’offensive de l’Eglise catholique• Mali : reconstruire un Etat • Un nouveau plan social à Renault

P.18 viE dES fÉdÉS• Air France, un ciel toujours plus sombre

pour les salariés • Venivov’, la mondialisation libérale à

l’oeuvre

P.20 viE dU PARti• Mise en place du groupe de travail sur le

développement durable

P.21 A LiRE/ A voiR / AGENdA

Bulletin de Liaison d'Un Monde d'Avance, la Gauche décomplexée

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BLUMA : tu as été désigné Secrétaire Nationale Adjoint du PS en charge de la Riposte. Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours ?

Antoine détourné : J’ai 31 ans, je suis né et j’ai grandi dans le Pas-de-Calais. Je me suis engagé en 2002, dans l’entre-deux tours de l’élection présidentielle : j’ai d’abord milité à l’UNEF puis au MJS dont j’ai été le président de 2007 à 2009. Depuis, j’ai été candidat aux élections cantonales : 15 voix m’ont séparé de la victoire. Je travaille activement à la reconquête de la ville d’Arras. Sur le plan professionnel, je suis dirigeant d’un réseau régional de l’économie sociale et solidaire. Je suis également père d’une petite fille.

BLUMA : tu as déjà participé aux travaux du Secrétariat National, tu sais donc déjà ce que signifie cette responsabilité.

A.d. : Oui, je pense d’ailleurs que l’animation politique de notre parti est peut-être encore plus importante quand nous sommes au pouvoir que dans l’opposition. Nous n’avons jamais eu autant de leviers pour mener la bataille idéologique que quand nous exerçons les responsabilités. Il n’y a pas de meilleure opportunité de donner vie à nos valeurs, d’incarner le progrès, de diffuser nos idées. Par définition, le rapport sur le plan des idées

bouge en permanence : être timoré sur ce plan c’est s’affaiblir, c’est démobiliser, c’est décevoir et c’est surtout donner l’opportunité à toutes celles et ceux qui veulent notre échec de reprendre la main. Rien ne serait pire que de se retrouver avec un Parti Socialiste « à sec » sur le plan des propositions dans quelques mois. Toutes ces raisons font que le débat doit plus que jamais vivre dans notre parti. C’est certainement le meilleur moyen de soutenir notre gouvernement en lui permettant de durer.

BLUMA : En l’occurrence, comment cela se traduit dans le domaine précis dont tu as la charge et quels sont tes objectifs et tes projets pour ce Secrétariat à la Riposte ?

A.d. : Je suis frappé par une chose : la faiblesse de nos institutions politiques face au marché trouve sa source dans leur désaffection populaire. C’est un cercle vicieux qu’il faut briser. La montée de l’abstention et la progression de l’extrême-droite ne sont que les deux faces d’une même pièce, la rançon de la désespérance et des déceptions vis-à-vis de l’action des élus et de leurs comportements. Je crains que ces sentiments d’impuissance et d’injustice ne se développent. Il faut reconnaître que les forces de l’argent, de l’obscurantisme, du retour en arrière ne restent jamais l’arme

au pied et s’emploient à nourrir cette situation. Mais il n’y a pas de fatalité. Le fait d’avoir gagné ne doit pas nous faire oublier notre culture du combat née de la contestation des inégalités. Riposter c’est répondre, c’est aussi répliquer pour déstabiliser nos adversaire, en profiter pour rebondir et faire progresser nos idées. Bien sûr la lutte contre l’extrême-droite est une priorité absolue. En la matière, le silence est la pire des réponses. Mais, vous l’avez compris, je pense qu’il faut aller plus loin et mettre nos adversaires en permanence face à leurs contradictions d’un côté, et d’autre part être capables de mettre en place une veille militante pour faire remonter ce qui imprime dans la population sans pour autant ressortir des enquêtes d’opinion. En bref donner les moyens aux socialistes de répondre aux remarques entendues sur le marché ou dans les cages d’escalier sans qu’elles n’ait d’existence médiatique. Pour finir, ce secrétariat national est plus que jamais une chance de diffuser l’idéal d’égalité, et de faire progresser la social-écologie.

Propos recueillis par Jules Joassard

ENTRETIEN AVEC ANTOINE DÉTOURNÉ, secrétaire national adjoint à la Riposte au PS

VIE DU PARTI

Il n'y a pas de fatalité : le fait d'avoir gagné ne doit pas nous faire oublier notre culture du combat née de la contestation des inégalités.

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VIE DU PARTI

Ainsi, comme le suggère une tribune publiée Vincent Maraval dans le journal le journal Le Monde du 27 décembre, les acteurs français seraient un club de nantis surpayés. Disons-le tout net, il n’est pas normal de trouver des rémunérations aussi importantes dans des théâtres nationaux et des niveaux de salaires si élevés dans le cinéma subventionné. Et remar-quons que, encore une fois, ces gros salaires ne concernent que des hommes.

Il sera toujours plus rentable de faire des af-faires que du cinéma dans ce pays et l’exil fis-cal d’un Bernard Arnault continuera à coûter beaucoup plus cher au fisc que celui de Gérard Depardieu ou de Christian Clavier. Cependant, si certains montants des cachets de quelques vedettes qui y sont révélés sont importants, la réalité de la profession d’artiste dans ce pays mérite des nuances que le titre tapageur de l’article ne relève pas. Rappelons que, selon le dernier rapport de la Cour des comptes, en 2010, « le revenu médian annuel des alloca-taires du régime des annexes 8 et 10 s’élevait à 25 832 €. » On est bien loin des sommets évoqués dans la presse. Les gros salaires ne concernent qu’une infime minorité.

L’intermittence, englobe évidement une réalité plus vaste que les seuls acteurs de cinéma, puisqu’il s’agit aussi de comédiens de théâtre, de danseur, de circaciens… et de techniciens. Mais tous ces métiers sont liés de manière di-recte à la fabrication et à l’exploitation de spec-tacle ou d’œuvre cinématographique.Le métier d’artiste n’est donc pas un métier de rentier. Si l’on en reste au seul cinéma, le réalisateur Robert Guediguian a expliqué ré-

cemment dans une interview dans le Monde, que faute de moyen suffisant, il avait réalisé la plupart de ses premiers films avec des niveaux de rémunérations faibles, inférieurs aux nou-veaux minimas sociaux, travaillant souvent le dimanche, ou en nocturne.

En fait il s’est passé dans le monde du spec-tacle et du cinéma la même chose que ce qui s’est passé dans le reste de notre société : la crise est passée par là, et les écarts de revenu se sont creusés.En choisissant de fuir la France et d’émigrer en Belgique puis dans sa tribune dans le Journal du Dimanche adressée au premier ministre, Gérard Depardieu n’a donc pas simplement ouvert un débat sur la question de l’exil fiscal de vedettes fortunées, il a aussi mis à jour une inégalité de réparation des richesses dans le milieu artistique et culturelle.

L’on pourrait s’attendre à ce que certains co-médiens fortunés fasse preuve d’un peu plus de sens de la solidarité nationale quand on sait que notre système de production d’œuvres cinématographique est en partie basé sur un soutien financier public. Combien de films qui ont fait la gloire, et la richesse, d’un Depardieu ou d’un Gad Elmaleh n’auraient pas vu le jour s’il n’y avait eu l’avance sur recette du CNC ?Il n’est pas question ici de discuter de la qua-lité d’artiste des uns ou des autres ni même de dire que Gérard Depardieu aurait plus raison que d’autres parce qu’il a tourné plus de films, et donc accumulé plus de richesses, ou que les siens ont été meilleurs. Ce serait d’ailleurs une drôle de façon de voir les choses dans un pays qui a vu Georges Meliès, un des plus grands

cinéastes français, finir marchand de bonbons à la gare Montparnasse.

La philosophie du système de production de la culture en France est basée sur une interven-tion publique, dans le cadre d’une péréquation et d’une redistribution. C’est pourquoi une par-tie de nos impôts sert à financer la création ar-tistique, à entretenir les monuments historiques ou à faire fonctionner les bibliothèques.De même, quand on achète un ticket de ci-néma ou une place de concert, une partie est reversée à des fonds permettant de soutenir d’autres artistes ou d’autres créations qui ont moins de succès public.

C’est cela qui assure de la diversité et le dyna-misme de la culture en France.

Ce modèle économique est évidemment à dé-fendre. C’est pourquoi la polémique actuelle sur les niveaux de rémunération ne doit pas être l’occasion de jeter le bébé avec l’eau du bain. Mais l’on doit aussi chercher à améliorer le mo-dèle, à l’aune de l’évolution des technologies bien sûr. Mais aussi à l’aune de ce que le cas Depardieu et ses épigones révèlent.C’est donc aussi cette question qui interpelle la gauche. Il est temps que s’ouvre un débat sur de nouveaux mécanismes de régulation et de péréquation financière qui prenne en compte cette nouvelle donne économique et technique et qui favorisent une meilleur répartition des richesses dans la filière culturelle.

VINCENT, GÉRARD, GAD ET LES AUTRES... Le point de vue de Frédéric Hocquard, secrétaire national à la Culture au Parti Socialiste, sur la question des salaires des artistes.

Retrouvez l’intégralité de la tribune sur www.unmondedavance.eu

BLUMA /// Janvier 20134 ///

VIE DU PARLEMENT

LE CONTRAT DE GÉNÉRATION ADOPTÉ À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

« Je proposerai un contrat de génération pour permettre l’embauche par les entreprises, en contrat à durée

indéterminée, de jeunes, accompagnés par un salarié plus expérimenté, qui sera ainsi maintenu dans l’emploi jusqu’à son départ à la retraite. Ce « tutorat » permettra de préserver des savoir-faire et d’intégrer durablement les jeunes dans la vie professionnelle. » : tel était l’engagement n°33 de François Hollande. Il est aujourd’hui en passe d’être mis en œuvre puisque l’Assemblée Nationale a examiné à partir du 15 janvier le projet de loi créant ce dispositif.

Plusieurs de nos camarades députés ont, une nouvelle fois, été particulièrement actifs dans la préparation de ce débat et Denys Robiliard, Fanélie Carrey-Conte, Linda Gourjade, Barbara Romagnan et Gérard Sebaoun (membres de la commission des affaires sociales) ou encore

Régis Juanico, ont participé aux discussions en commission ou en séance pour essayer d’améliorer le texte initial. Tous ont souligné que ce texte s’intégrait dans le combat déterminé de la majorité pour inverser la courbe du chômage. Il s’agit d’une mesure de la politique publique de l’emploi après les emplois d’avenir et avant, espèrons-le, une réelle sécurisation des parcours professionnels. 85 000 contrats de génération pourraient ainsi être conclus dès 2013 et 500 000 au total sur le quinquennat.Au-delà de l’objectif de lutte contre le chômage des jeunes qui atteint un niveau jamais connu (24%), il s’agit d’établir un pacte entre les générations : l’état aidera financièrement l’embauche d’un jeune dans une entreprise à la condition qu’elle soit corrélée au maintien d’un senior dans son emploi. L’incitation financière pour les petites entreprises et l’obligation de négocier avec les partenaires sociaux pour les grandes entreprises devraient

permettre plusieurs avancées : avancer l’âge de stabilisation dans l’emploi pour les jeunes en les faisant entrer directement en CDI, sauvegarder les compétences et les savoirs en organisant leur transmission, maintenir dans leur emploi les seniors.

Le contrat de génération doit donc être une mesure de création d’emploi, de solidarité intergénérationnelle, et de dé-précarisation des jeunes. Le dispositif a été adopté le 23 janvier après avoir été enrichi par des amendements visant à empêcher l’effet d’aubaine, faire du temps plein la règle ou bien renforcer les sanctions. Une société qui n’intègre plus sa propre jeunesse est moribonde et il est de notre responsabilité de reconstruire la cohésion sociale en ouvrant les portes du marché du travail à ceux qui en sont trop souvent rejetés.

J.J

DENYS ROBILIARD, RAPPORTEUR DE LA MISSION D’INFORMATION SUR LA SANTÉ MENTALE ET LA PSYCHIATRIE

Denys Robiliard, député du Loir-et-Cher, a été désigné rapporteur d’une mission parlementaire sur la santé mentale et

la psychiatrie. Cet outil de contrôle parlemen-taire, mieux connu depuis la médiatisation de l’enquête sur l’affaire d’Outreau, est un moyen très utile pour approfondir certains sujets et pour préconiser des avancées législatives.

De nombreuses auditions ont d’ores-et-déjà

commencé et les objectifs de la mission sont de répondre à la problématique essentielle des libertés, ou à celle de la démographie mé-dicale, de plus en plus prégnante et particu-lièrement dans ce secteur de la santé mentale et de la psychiatrie. Pour Denys Robiliard, le champ est large en la matière. Il concerne les médecins, les magistrats également, les juges des libertés et de la détention, notamment, pour l’hospitalisation sous contrainte.

La premier objectif de la mission va être de définir les axes d’investigation et de caler les auditions. L’objectif est d’avoir terminé à la fin du premier semestre 2013. Il faudra aussi te-nir compte d’une récente décision du Conseil Constitutionnel qui a récemment retoqué deux dispositions issues de la loi de juillet 2011 sur l’hospitalisation sous contrainte. Il s’agit de dispositions relatives à la situation des per-sonnes hospitalisées sous contrainte après une infraction, irresponsables pénalement, et de celles placées en UMD [unités pour malades difficiles]. Cela ne veut pas dire que ces mo-dalités de contrainte ne sont pas nécessaires mais il faut qu’elles soient revues du point de vue technique et du point de vue des libertés. Selon Denys Robiliard l’actuelle majorité a in-diqué très clairement qu’elle n’entendait plus répondre aux faits divers par des lois. Une loi doit être le moyen d’une politique, pas autre chose.

Jules Joassard

BLUMA /// Janvier 2013 /// 5

VIE DU PARLEMENT

ENTRETIEN AVEC LAURE DELAIR, RESPONSABLE DES QUESTIONS SOCIALES À L’UNEF

BLUMA : Quel est la situation de l’emploi des jeunes? La France compte aujourd’hui 22,7% de chômeurs chez les jeunes. Ce taux est à nuancer selon le niveau de formation. Chez les jeunes n’ayant aucun diplôme, ce taux s’élève à 45%, contre 10% pour les jeunes titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. On comprend bien, face à ces chiffres, que l’accès au diplôme est primordial dans la lutte contre le chômage et notamment celui des jeunes. Mais ce qui caractérise particulièrement la période d’insertion professionnelle des jeunes, diplômés ou non, c’est la précarité à laquelle ils doivent faire face. Près de 33% des jeunes sont en CDD (contre 12% sur le reste de la population). Beaucoup de jeunes ne sont pas comptabilisés comme chômeurs, mais alternent des périodes de travail entrecoupées de chômage ou de temps partiels. Il faut en moyenne 5 ans à un jeune pour signer son premier CDI. On constate que ces dernières années, cette période de précarité s’est allongée. Cette précarité professionnelle se traduit par une situation financière compliquée, puisque 20% des jeunes vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Enfin, on dénombre de nombreuses inégalités liées au genre, à l’origine sociale, géographique ou à la présence d’un handicap sur le marché de l’emploi.

BLUMA : Quelles sont les causes de cette précarité et de ce chômage ?Pour comprendre la situation des jeunes, plusieurs éléments sont à prendre en compte. L’échec des politiques d’emplois des jeunes résulte du fait qu’aucune politique globale n’a été mise en place. Dans ce pays, il y a un problème d’accès à un haut niveau de qualification, de reconnaissance, de protection et d’égalité des droits. Ceci d’autant plus dans un contexte de crise qui pénalise les jeunes et

les séniors plus que les autres.Le diplôme est une réelle protection contre le chômage. Deux problèmes se posent. Premièrement, trop peu de jeunes sont diplômés. Seul un jeune sur deux s’engage dans des études supérieures et 27% bénéficieront d’un niveau licence. L’échec, dans le parcours de formation des jeunes, contribue à la montée du chômage des jeunes. Deuxièmement, les diplômes ne sont pas reconnus dans les conventions collectives. Selon leur niveau d’étude, les jeunes ont des difficultés d’accès au poste et au salaire qui leur correspondent. La moitié des jeunes, un an après la sortie des études, occupent un « emploi d’attente ».Ensuite, il y a un problème de protection et d’égalité des droits. Les chiffres montrent que les pays tels que les pays nordiques, bénéficiant d’un système de protection pour l’ensemble des jeunes, ont un chômage des jeunes moins fort. En France, la logique est inverse. On considère à tort que faire bénéficier d’un minima social inciterait à ne pas rechercher un emploi par la suite. Le RSA jeune, pour les moins de 25 ans, budgété pour 160 000 jeunes, ne bénéficient aujourd’hui qu’à 8 132 jeunes seulement, tant les conditions sont restrictives. Sous l’argument injustifiable de l’âge, les jeunes n’ont pas les mêmes droits que les autres salariés.

BLUMA : Les contrats de Génération peuvent ils répondre à cet enjeu ? Les contrats de génération posent la condition d’une embauche en CDI. En cela, il répond en partie à une réelle difficulté que connaissent les jeunes. Cependant, dans sa mise en place, de nombreux points posent problèmes.Concernant les entreprises de moins de 300 salariés, ce contrat n’est pas obligatoire or, elles représentent 66% de l’emploi en France. De plus concernant les entreprises

de plus de 300 salariés, bien que le contrat soit obligatoire, il ne s’applique qu’aux salaires inférieurs à 1,6 SMIC, créant un effet incitatif à n’embaucher des jeunes qu’à bas salaire.Les contrats générations dans leur mise en place sont insuffisants et ne peuvent résoudre de manière durable l’emploi des jeunes. Il aurait été préférable d’appliquer les CG, selon les différentes branches, en fonction des besoins et des secteurs. Par exemple, une entreprise comme EDF, embauche déjà des jeunes et continue d’embaucher. Dans son cas, les contrats de génération, représente un effet d’aubaine, grâce auxquels elle embauchera à bas salaire tout en payant moins de cotisations.

BLUMA : Quelles seraient les autres mesures à prendre pour favoriser l’emploi des jeunes et améliorer leur situation sur le marché de l’emploi ?Il est urgent de mettre en place des mesures de protection, durant les études et durant l’insertion professionnelle. Les jeunes issus des catégories les plus défavorisés peinent à s’engager dans un cursus universitaire long. En cela, la mise en place d’une Allocation d’Autonomie universelle, doit permettre à chaque jeune de se protéger avec un diplôme. Sur le marché de l’emploi, les jeunes doivent avoir accès aux mêmes droits que les autres salariés et être protégés jusqu’à leur premier emploi. L’UNEF revendique l’élargissement du RSA aux moins de 25 ans ainsi que la mise en place d’une aide à la recherche du premier emploi. Enfin, il est urgent de reconnaitre les qualifications dans les conventions collectives afin que chaque jeune puisse travailler à un poste et bénéficier d’une rémunération qui correspondent à leur niveau de qualification.

Propos recueillis par Annabelle Janodet

Ce qui caractérise particulièrement la période d'insertion professionnelle des jeunes, diplômés ou non, c'est la précarité à laquelle ils doivent faire face.

BLUMA /// Janvier 20136 ///

VIE DU PARLEMENT

DOSSIER DU MOIS SPÉCIAL

SÉCURISATION DE L'EMPLOI

Le contexte dans lequel s’inscrit l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 est d’abord évidemment

marqué par le chômage, les destructions d’emplois et les perspectives mauvaises économiques. Il est également marqué par les politiques européennes de développement de la flexibilité et, dans notre pays, par le pesant héritage de 5 années de déni de démocratie sociale. Il est aussi dominé par une pensée dominante, une petite musique, des arguments d’autorité, selon lesquels « des réformes courageuses sont nécessaires ». Le terrain est bien miné. Culturellement, la gauche rame à contre-courant de vents forts.

Pour libérer ce terrain miné, le Gouvernement a fait le choix d’ouvrir une vaste négociation sociale et de s’engager dans ce débat en le cadrant précisément. Une fois l’étape de la négociation sociale passée, la seconde étape appelle l’invention d‘un nouvel équilibre entre démocratie sociale et démocratie politique. Cet accord, bien que minoritaire parmi les organisations syndicales (les 3 organisations signataires représentant moins de 40% des salariés) doit être respecté. De même l’avis de la CGT et de FO, pleinement partie-prenantes de la négociation doit être respecté. Enfin l’orientation politique du peuple français et la démocratie représentative, qui en est

S'ENGAGER POUR LA SÉCURISATION DE L'EMPLOIpar Delphine Mayrargue

DOSSIER SÉCURISATION DE L’EMPLOI

L’accord national interprofessionnel du 11 janvier

2013 a conclu trois mois d’une négociation ouverte à la demande du gouvernement, conformément

à un des engagements de campagne du Président f.

Hollande, sur la sécurisation de l’emploi. Nous revenons dans ce dossier sur un décryptage de l’accord qui, s’il comporte quelques avancées, présente

également de nombreux points inquiétants.

BLUMA /// Janvier 2013 /// 7

l’émanation, doivent être respectés. C’est donc bien un équilibre démocratique, mais aussi politique dans son contenu, qu’il convient de bâtir sur la base des engagements présidentiels, du cadrage gouvernemental et de l’accord issu de la négociation. Or la difficulté fondamentale réside dans le décalage de nature entre des avancées sociales qui devront être précisées par le législateur, et les remises en cause de notre ordre public social. Si cet accord crée de nouvelles protections (indemnisation chômage, extension de la couverture santé, formation, représentants de salariés dans les CA des grandes entreprises…) il crée aussi de nouvelles précarités. Parmi celles-ci, l’une des plus graves est induite par les accords dits « maintien dans l’emploi » lesquels autorisent une baisse des salaires supérieurs ou égaux à 1,2 SMIC. L’idée que le droit du travail serait un outil de gestion

de l’entreprise se trouve ainsi accréditée. De même, et tout aussi dangereusement, cet accord fait sienne l’opinion du MEDEF, selon laquelle la « judiciarisation » de la relation du travail créerait de l’instabilité, du fait d’une jurisprudence inconstante, ce qui est faux, de délais procéduraux longs, peut-être, mais la faute à qui ? Ce discours rappelle cruellement celui d’un grand patron italien, Berlusconi, qui ne cesse de tonner contre le « pouvoir des juges ». En s’en prenant au droit et à la justice, c’est notre modèle républicain que le MEdEf cherche ainsi à écorner. C’est aussi notre modèle social qui est mis à mal avec, par exemple, la création d‘un contrat intermittent, alternance de périodes travaillées et non travaillées sans indemnisation chômage. C’est enfin un certain modèle culturel qui est attaqué quand on permet le licenciement pour motif personnel quand bien même la cause en serait non inhérente à la personne (refus d’une

DOSSIER SÉCURISATION DE L’EMPLOI

mobilité imposée à la suite de la négociation d’un « accord mobilité » au sein de l’entreprise).Ce sont ces interrogations que nous voulons porter dans le débat. Bien sûr une négociation réussie se conclue par un compromis impliquant des concessions de la part des parties-prenantes. Nous ne saurions remettre en cause, en soi, cette démarche. Mais quand le contexte est aussi défavorable à l’une des parties-prenantes, il est de la responsabilité de l’acteur politique de s’engager. C’est le sens du débat parlementaire, à travers les amendements qui seront indispensables pour préciser certains dispositifs, mais aussi pour vérifier leur cohérence avec notre modèle républicain, social et culturel. C’est également, le sens du débat public qui doit se poursuivre ces prochaines semaines pour assurer, réellement, la sécurisation de l’emploi.

BLUMA /// Janvier 20138 ///

Le récent accord sur la sécurisation de l’emploi repose sur le présupposé que le droit français du travail

pêche par un manque de flexibilité. A l’aune des possibilités offertes aux employeurs installés en france, on peut pourtant en douter.Si les entreprises françaises ne sont pas suffisamment compétitives, ce serait en grande partie parce que les règles en vigueur les empêcheraient de procéder en temps et heure à la nécessaire adaptation de leur effectif aux évolutions de leur activité. Le droit du licenciement est ici particulièrement visé mais ce n’est pas le seul.Pourtant, les mouvements de salariés enregistrés en france métropolitaine permettent de douter de la réalité des difficultés d’adaptation invoquées : en 2011, en france métropolitaine, le taux de rotation (moyenne des taux d’entrées et de sorties) des salariés est de 50,2 % (source : darès). Un pourcentage qui laisse songeur.

Un droit français du licenciement économique moins rigide que celui des Etats-Unis et du Royaume UniLa prétendue rigidité du droit du licenciement économique est mise à mal par les études comparatives de l’OCDE sur le caractère contraignant des législations nationales en la matière qui placent la France parmi les pays les moins contraignants : 29ème place sur 40 états étudiés.Notre pays se classe derrière l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse ; mais aussi le Royaume Uni et les Etats-Unis ou encore derrière la Pologne, le Mexique et - l’Estonie.Il est vrai que la principale obligation faite à un employeur qui souhaite licencier se résume à la nécessité d’avoir un motif « réel et sérieux ». Est-il réellement outrancier d’exiger qu’un salarié ne puisse pas perdre son emploi sans qu’il y ait une bonne raison à cela ?

Le licenciement non motivé n'est pas interdit, il est plus coûteuxD’autant que l’absence de motif réel et sérieux n’empêche en aucun cas de licencier. La Cour de cassation l’a récemment rappelé dans l’arrêt « Viveo » : l’absence de motif économique n’annule pas la procédure de licenciements. Cette carence fait simplement courir à l’employeur le risque de devoir payer a posteriori des indemnités au salarié injustement licencié, si celui-ci demande réparation devant les juges. Ce qui arrive rarement : selon les statistiques du professeur Evelyne Serverin, 2 % seulement des licenciements économiques donnent lieu à une contestation judiciaire.

Plan de départs volontaires et rupture conventionnelle : deux merveilleux outils de flexibilitéPar ailleurs, d’autres dispositifs permettent à

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PEU fLExIBLE LE DROIT DU TRAvAIL ? vOUS vOUS TROMPEzpar Nathalie Boisson zyskind

BLUMA /// Janvier 2013 /// 9

l’employeur de se soustraire à son obligation de motiver les réductions d’effectif. Ainsi, les plans de départs volontaires, très en vogue depuis quelques années, exonèrent de facto l’employeur d’avoir à justifier sa décision de restructuration : le plus souvent les représentants des salariés se battent plus sur les mesures d’accompagnement des départs que sur la réalité du motif invoqué. On peut encore citer les ruptures conventionnelles qui permettent de se séparer d’un salarié sans avoir à avancer de motif. Un dispositif qui connaît un réel succès : plus d’1 million de ruptures depuis l’entrée en vigueur de la Loi de juin 2008.

L'arsenal des contrats précairesAu delà des réductions d’effectifs, les employeurs ont en France un foisonnant terreau de contrats précaires dans lequel ils peuvent piocher pour adapter le volume de leur effectif à leurs besoins. 15 % des emplois en France contre 13,8 % en Allemagne (Alternatives économiques) sont des contrats précaires.A commencer par les CDD classiques dont la

durée peut aller jusqu’à 18 mois (parfois 24) renouvelable une fois. Des CDD auxquels on peut recourir pour remplacer un salarié absent ou un salarié parti en attendant la suppression du poste laissé vacant pour répondre à un surcroît temporaire d’activité (18 mois !), pour occuper un poste en attendant l’arrivée de son titulaire, pour exercer des travaux saisonniers par nature. Des possibilités qui restent trop larges et participent à la précarisation de l’emploi.

Il faut également citer les contrats à objet définis créés en 2008. Réservés aux ingénieurs et aux cadres, ces contrats permettent d’engager un salarié pour une mission précise pouvant durer jusqu’à 36 mois. Une fois la mission accomplie, le salarié peut être licencié sans autre motif.

Citons encore l’intérim ou les contrats intermittents, ces CDI qui permettent de ne faire travailler un salarié que pendant certaines périodes de l’année tout en lui interdisant le bénéfice des allocations de chômage pendant les périodes non travaillées.

Durée du travail et clauses contractuelles : la flexibilité interneN’oublions pas non plus les possibilités de flexibiliser l’emploi des salariés en poste.En matière de durée du travail, l’annualisation qui permet de moduler le temps de travail sur l’année avec des périodes hautes et basse que l’on peut modifier sous réserve de prévenir le salarié et de l’avoir prévu par voie d’accord. Le forfait jour grâce auquel le temps de travail du salarié est décompté en jours travaillés (et non en heures) auxquels les seules bornes posées sont les maxima horaires.

Citons enfin, les nombreuses clauses de mobilité (lieu, durée, fonction) que les salariés sont bien obligés d’accepter en même temps que l’emploi au moment de leur embauche. Clauses que l’employeur peut activer à tout moment à la seule condition de respecter la vie familiale de son salarié.

La question paraît donc bien se poser : le droit français du travail pèche-t-il réellement d’une absence de flexibilité ?

vous avez dit lenteur judiciaire ?Egalement dans le viseur des employeurs : la justice française du travail.

En effet les décisions de justice nuiraient à l’activité entrepreneuriale en remettant en cause des décisions patronales, des années après qu’elles aient été prises. Le fort climat d’insécurité juridique ainsi généré serait lui aussi une des raisons des difficultés des employeurs français

Sans entrer dans un débat de fond, notons que cette lenteur – au demeurant partagée par tout le système judiciaire français -, est ici bien souvent accrue par les stratégies patronales. Notamment, deux pratiques bien connues leur permettent de gagner un temps précieux : les demandes de renvoi d’audience présentées lors de la première comparution devant les bureaux de jugement des prud’hommes ; et surtout l’exploitation des voies de recours que sont la Cour d’appel puis la Cour de cassation. A titre d’information, différentes statistiques, dont celle du professeur Serverin, révèlent que les décisions prud’homales font l’objet de deux fois plus d’appel que celles des autres juridictions sans que pour autant, les jugements des conseils de prud’hommes soient plus souvent infirmés ou cassés que ceux de ces autres juridictions.

Il est un principe du droit qui dit que « nul ne peut invoquer sa propre forfaiture ». Il semble que certains tenants de l’assouplissement des contraintes judiciaires ont oublié cet adage.

DOSSIER SÉCURISATION DE L’EMPLOI

BLUMA /// Janvier 201310 ///

DOSSIER SÉCURISATION DE L’EMPLOI

DÉCRYPTAGE DE L'ACCORD NATIONAL INTERPROfESSIONNELpar Sophie Binet

« Accords maintien dans l'emploi » : le chantage à l'emploi légaliséNicolas Sarkozy avait lancé en janvier 2012 une négociation baptisée « accords compétitivité-emploi ». Les négociations n’ayant pas abouti dans le délai de deux mois fixé par N.Sarkozy, les syndicats ont décidé le 16 mai du report de cette négociation dans l’attente de rencontrer le nouvel exécutif. Lors de la conférence sociale, Jean-Marc Ayrault déclare : « La négociation compétitivité-emploi, mal engagée, n’est plus à l’ordre du jour ».

L’ANI réintroduit par la fenêtre ce que nous avIons sorti par la porte. Il prévoit en effet, que dans les entreprises en difficultés « prévisibles ou déjà présentes », des négociations puissent être ouvertes pour trouver « un nouvel équilibre dans l’arbitrage global temps de travail/salaire/emploi, au bénéfice de l’emploi ».

• Ce qui est garanti : Cela sera un accord majoritaire valable pour une durée maximum de 2 ans qui ne pourra remettre en cause les dispositions légales (SMIC et temps de travail maximum).

• Ce qui sera possible : la baisse des salaires supérieurs à 1,2 SMIC, la suppression des RTT, la baisse du temps de travail, des suppressions d’emploi, ainsi que la remise en cause de tous les autres acquis sociaux gagnés par les

salariés dans leur entreprise. • Rien n’est prévu pour prouver la difficulté

rencontrée par l’entreprise• Rien n’est prévu pour garantir le retour au

contrat de travail initial à la fin de la durée de l’accord

• Rien n’est prévu pour empêcher la distribution de dividendes pendant la durée de l’accord

• Le salarié qui refuse l’application de l’accord fait l’objet d’un licenciement économique sans aucune des obligations y afférant : l’employeur n’a pas à prouver la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Ainsi, dans un contexte de crise où le chômage explose, c’est le chantage à l’emploi pour les salariés et leurs organisations syndicales qui sont légalisés. Cette disposition ouvre la voie à des régressions sociales majeures !

En guise de mobilité, la flexibilité imposée aux salariésAujourd’hui un salarié qui refuse un changement de poste ou de lieu de travail est licencié pour motif économique, avec l’obligation pour l’employeur de prouver la réalité du motif économique. Par ailleurs, lorsque le contrat de travail prévoit une clause de mobilité elle doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et elle ne

peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée.Avec l’application de cet ANI, dans le cadre d’un accord mobilité, seul le salaire est garanti. Par contre le salarié n’a plus le droit de refuser le changement de poste ou de lieu de travail (sans aucune limitation géographique), quelque soit la situation de l’entreprise. Si le salarié refuse, il est licencié pour motif personnel, sans aucune obligation pour l’employeur ni de prouver la nécessité économique du changement de poste ou de lieu de travail, ni de reclasser le salarié. Il s’agit d’une flexibilisation très importante du contrat de travail.

La protection contre les licenciements collectifs court-circuitée Les règles inscrites dans le code du travail sur le licenciement collectif pour motif économique pourront être contournées par 2 moyens :• Accord majoritaire d’entreprise• Homologation de l’inspection du travail

dans un délai de 21 joursCette disposition introduit une inversion de la hiérarchie des normes en faisant primer les dispositions contractuelles négociées dans l’entreprise sur la loi. L’ordre des licenciements, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les délais, les documents à produire…seront donc désormais négociés entreprise par entreprise, sans norme légale. Pire, l’employeur bénéficie

BLUMA /// Janvier 2013 /// 11

DOSSIER SÉCURISATION DE L’EMPLOI

d’un moyen de pression très important sur les élus du personnel : s’ils ont des exigences trop importantes, il peut agir de façon unilatérale, sous réserve d’homologation par l’inspection du travail. C’est là que le bas blesse : l’inspection du travail ne dispose que de 21 jours pour examiner le plan, et son absence de réponse vaut avis positif. Quand on sait qu’il n’y a que 2200 inspecteurs et contrôleurs du travail pour plus de 20 millions de salariés, on comprend qu’il s’agit là d’une homologation de fait, qui permet de contourner l’ensemble des protections légales obtenues par les syndicats.

CDII, un coup de canif dans le CDIL’ANI permet, dans les entreprises de moins de 50 salariés de 3 branches professionnelles, d’avoir recours au CDI Intermittent (CDII). Ce type de contrat permet l’alternance de périodes travaillées et non travaillées avec une annualisation des horaires et du salaire sur l’année. Résultat : pas de prime de précarité (c’est un CDI) et pas d’indemnisation chômage sur les périodes non travaillées ! L’ANI prévoit une nouvelle négociation en 2014 entre les signataires, en vue d’une éventuelle généralisation.

Une nouvelle réduction des délais de prescriptionAlors que les délais de prescription sont déjà dérogatoires en droit du travail (ils ont été ramenés en 2008 de 30 ans à 5 ans), ils sont encore réduits : le salarié ne dispose plus que de 2 ans pour saisir le juge, délai ramené à 1 an pour les licenciements économiques. Quant aux rappels de salaires ou d’heures supplémentaires, ils sont limités à 3 ans, contre 5 auparavant. Si cet accord ne sécurise pas vraiment les salariés, le patronat obtient lui une quasi immunité judiciaire pour les entreprises !

QUELQUES AvANCÉES À PRÉCISERComplémentaire santéL’ANI institue un dispositif conduisant à la généralisation des complémentaires santé d’entreprise financées à 50% par les employeurs. Ceci répond à un vrai besoin : 4 millions de personnes n’ont pas de complémentaire santé.Cependant :• Ceci sera seulement effectif en 2016• Le choix de l’ « organisme assureur »

est effectué par l’employeur. Un marché juteux s’ouvre pour les assureurs

• L’employeur est exonéré de cotisations sociales sur la partie qu’il finance

• Le panier de soin minimal est faible, inférieur à celui de la CMU C.

• Le dispositif retenu ne garantit pas la couverture des salariés des entreprises de moins de 50 salariés.

Surtaxation des CDD ? Comment gagner 40 millions L’ANI prévoit que la cotisation assurance chômage sera majorée pour certains CDD : • + 3 points (7%) pour un contrat de

moins d'un mois • + 1,5 point (5,5%) pour un contrat de

1 à 3 mois • + 0,5 point (4,5%) pour les CDD d’usage

de moins de 3 mois Cette disposition se limite aux CDD très courts. En outre, les plus gros utilisateurs de contrats courts sont exclus : les contrats saisonniers et agences d’intérim ne sont pas concernés, et

les CDD d’usage le sont de façon cosmétique.

Total de cotisation supplémentaire 110 millions d'euros.En compensation les employeurs seront exonérés des cotisations assurance chômage pour toute embauche en CDI d'un jeune de moins de 26 ans. Cette exonération sera de 3 mois pour les entreprises de plus de 50 salariés et de 4 mois pour celles de moins de 50 salariés.

Total des exonérations de cotisations 150 millions d'euros. En conclusion l’UNEDIC, qui avait déjà des difficultés de financement, perd 40 millions d’euros

Des droits rechargeables à l'assurance chômageL’ANI permet que le salarié conserve tout ou partie du reliquat des droits à l'assurance chômage non utilisés, ce qui permettra dans certains cas d’allonger les durées d’indemnisation. Aucune augmentation de cotisation n’étant prévue, ce nouveau droit sera financé à budget constant. Notons que, du fait de l’explosion du chômage et des exonérations de cotisations sociales, le déficit prévisionnel de l’UNEDIC s’élève pour 2013 à -4,1 Mds d’€ , avec un déficit cumulé de -17,7 Mds d’€. C’est cette situation financière qui conduit à ce que plus d’un demandeur d’emploi sur deux ne soit pas indemnisé. Le droit rechargeable ne pourra donc être financé qu’en baissant le

montant des indemnisations. CQFD !

La transférabilité de la formation L’ANI permet que les droits accumulés à la formation soient conservés malgré les changements d’employeur. Cette avancée est cependant limitée par le fait que le Droit Individuel à la Formation reste à 20h par an plafonnées à 120 heures, avec une utilisation conditionnée à l’accord de l’employeur

Temps partiel : un minimum de 24 heures mais de nombreuses dérogations L’ANI instaure enfin un minimum de 24 heures hebdomadaires pour les temps partiels, ce qui est une bonne chose. Cependant :• Ce minimum est annualisé, ce qui permet

une grande flexibilité• De nombreuses exceptions sont créées• Ceci ne rentrera en vigueur qu’en 2014

Un strapontin dans les Conseils d'AdministrationLes syndicats ont arraché au MEDEF la possibilité qu’un à un à deux salariés participent au conseil d'administration de l'entreprise avec voix délibérative. Cependant ceci n’est valable que pour les 229 entreprises françaises de plus de 5000 salariés.

BLUMA /// Janvier 201312 ///

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DES SALARIÉS PRÉCARISÉS

par Eric Polian

Pour analyser cet ANI, il est nécessaire de prendre en compte le contexte dans lequel il s’inscrit, celui d’un rapport de

forces entre salariés et employeurs qui s’est dégradé depuis de nombreuses années. Le chômage de masse, la précarisation crois-sante et l’individualisation des relations de travail ont contribué à affaiblir les salariés et leurs organisations syndicales. Les évolutions du droit du travail, droit qui a pour fonction première d’instituer des protections pour les salariés dans leur relation par nature inégale avec les employeurs, ont été à la fois le produit de la dégradation de ce rapport de forces et le moyen de modifier les relations sociales dans un sens encore plus défavorable aux salariés. Le présent accord contient ainsi des disposi-tions qui vont avoir pour effet d’accentuer ce déséquilibre en faveur du patronat.

La philosophie de ce texte est de faire primer l’accord, en particulier au niveau de l’entreprise, sur la loi, inversant ainsi la hiérarchie des normes, pilier du droit social français. Or, c’est au niveau des entreprises que le rapport de forces est le plus défavorable aux salariés. Au-delà des cas de PME en difficulté (notamment quand elles sont étranglées par les grands groupes), l’actualité est féconde en entreprises qui pratiquent un véritable chantage social afin d’accroître en-core leurs marges pour rémunérer davantage leurs actionnaires. A ce niveau de négociation, la peur des licenciements permet de faire ac-cepter par des organisations syndicales des reculs au nom de la sauvegarde de l’emploi. Ajoutons que dans de nombreuses entreprises l’absence de section syndicale conduira, pour signer ces accords, à la création de syndicats maison à l’initiative de l’employeur. Ces reculs

porteront, avec les accords dits de maintien dans l’emploi, sur les salaires, le temps de travail, et évidemment sur les conditions de travail, avec toutes les conséquences à prévoir sur la santé physique et mentale des salariés. Et ce sans aucune garantie sur la pérennité des emplois après un délai de deux ans.

Au-delà de ces mesures dont chacun peut com-prendre les impacts, d’autres sont à prendre en considération. Par exemple, il sera possible en cas d’accord d’entreprise d’obliger les sala-riés à être reclassés sur d’autres postes. Les salariés refusant cette mobilité seront alors licenciés « pour motif personnel », sans pou-voir bénéficier des garanties liées à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Il est important que les parlementaires socialistes puissent en-cadrer précisément cette mobilité.

En ce qui concerne les PSE, l’accord introduit des nouvelles règles permettant de déroger à la loi et réduisant de manière drastique les moyens dont disposent les représentants du personnel pour s’y opposer. De quels moyens s’agit-il ? Il s’agit des règles de procédure, des délais légaux, des possibilités de recours en justice. Tous ces moyens rendent possible la mobilisation des salariés, qui demande du temps. Du temps pour discuter, élaborer col-lectivement, ne pas céder au fatalisme et au découragement, pour construire un mouve-ment et un rapport de forces. Des exemples montrent par ailleurs que la résistance aux li-cenciements permet dans certaines situations de sauver des entreprises en empêchant une saignée destructrice des savoir-faire et po-tentiellement mortelle pour les capacités de rebond. Cette capacité de résister repose éga-lement sur l’accès à l’information, le recours

à des experts mandatés par les représentants du personnel, possibilité de recours qui est gravement limitée par l’ANI.

L’ensemble de ces moyens permettent d’ar-ticuler mobilisation collective, construction d’alternatives et recours devant les tribunaux quand l’employeur ne respecte pas la loi. L’ANI, en l’état, réduit donc ces moyens au risque de développer l’impunité des délits commis par les employeurs. Contrairement aux refrains patronaux, il n’est pas impossible de licencier en France. Les millions de licenciés de ces dernières années peuvent en témoigner… Le problème, pour le MEDEF, c’est que parfois cela peut contraindre à un dialogue social dont il ne veut pas et coûter un peu d’argent en justice aux dirigeants qui ne respectent pas leurs obli-gations légales.

La question en cause est in fine l’existence de règles encadrant le pouvoir de l’employeur sur le contrat de travail (salaire, mobilité, rupture du contrat…). La fragilisation des salariés a des conséquences sociales dans de nombreux domaines. Devant se soumettre au pouvoir accru de l’employeur, les salariés ne sont pas en situation de contester les décisions qui leur porteront préjudice : acceptation de risques sur leur santé et leur sécurité, horaires variables d’un jour sur l’autre, heures supplé-mentaires non payées… Ces trente dernières années la montée de la précarité, la réduction des droits des salariés ont été de pair avec la croissance inexorable du chômage. Cet ac-cord, s’il devait être transposé dans la Loi en l’état, contribuerait à rendre la société encore plus dure avec les faibles et douce avec les forts et à accentuer le chacun pour soi.

BLUMA /// Janvier 2013 /// 13

PORTER DE NOUvEAUx DROITS POUR LA MOBILITÉ DES SALARIÉSpar Marion Commault

La situation économique en France exige des réformes à la hauteur. Faire progres-ser les droits des salariés en fait partie.

Un droit du travail garantissant une formation tout au long de la vie, une amélioration des savoir-faire, des lois permettant un maintien de notre outil économique, et marquent une préférence pour les revenus du travail à ceux du capital sont des engagements de François Hollande.

Un droit réel à la formationLa création d’un compte individuel de formation contenu dans l’accord est certes une avancée par rapport au dispositif du Droit Individuel à la Formation (DIF), mais elle ne peut être jugée comme suffisante. Ce compte individuel recèle les mêmes failles que le DIF : le salarié, s’il veut utiliser ses heures pour se former, doit demander l’accord de son employeur qui a toute liberté de le lui refuser. Aussi, le nombre d’heures cumulées, limitées à 20h par an, identique pour tous, ne permet pas de répondre aux inégalités d’accès à la formation professionnelle bien connus : les salariés qui bénéficient le plus de formation professionnelle dans le cadre de leur emploi sont les cadres et tous ceux ayant déjà suivi une bonne formation initiale.

La formation professionnelle et le recours au compte individuel de formation doivent garantir un réel accès à la formation professionnel aux salariés qui en ont le plus besoin. Il s’agit de s’adresser aux salariés des secteurs fortement fragilisés mais pas seulement. L’ouverture à de nouveaux postes, à des progressions de carrière doit pouvoir bénéficier aux plus grand nombre. Permettre au salarié, au bout de deux ans de cumuler des heures de formation, qu’elles soient à sa disposition exclusive, sans accord de l’employeur, renforcer et enrichir le processus de consultation du CE sur le plan

de formation, impliquer les pouvoirs publics constituent quelques pistes. L’accord renvoie la mise en place de ce compte à un accord sur les modalités de financement entre les partenaires sociaux, les régions et l’Etat : aux parlementaires d’améliorer ce nouveau dispositif !

Des droits transférablesLa transférabilité des droits à la formation est un des piliers de la sécurité sociale professionnelle, mais il n’est pas le seul : la définition d’un socle de droits, comme la qualification, l’accès à la protection sociale, pourra assurer à chaque salarié une garantie de conditions de travail, de niveau de rémunération, quel que soit son employeur. Renforcer le compte individuel de formation, enrichir les droits transférables sont de réelles avancées pour la mobilité sociale.

Une gouvernance d'entreprise rénovéeC’est également la gouvernance des entreprises qu’il faut réformer, en impliquant encore davantage les salariés et les Institutions Représentatives du Personnel (Comités d’entreprise, Délégués du personnel…). La voie délibérative au sein de Conseil d’administration de grandes entreprises ne pourra suffire. La procédure d’information-consultation des CE sur tout projet impactant l’emploi et l’avenir économique de l’entreprise doit être améliorée afin de garantir une bonne information de la part de l’employeur dès le début et des délais minimums. Trop souvent les élus salariés doivent rendre un avis consultatif en moins d’un mois sur des décisions complexes et déterminantes pour l’avenir dans l’entreprise. L’accès aux informations issues

des maisons mères, notamment au sein de groupes internationaux, est extrêmement difficile ; il s’agit aussi d’y remédier. Un dispositif de notation sociale obligeant les entreprises de plus de 500 salariés à faire certifier annuellement la gestion de leurs ressources humaines au regard de critères de qualité de l’emploi et de conditions de travail. C’était un engagement de campagne de François Hollande qui doit être un outil indispensable d’amélioration de la gouvernance et de l’information au service des salariés.

Une Loi permettant les reprises de sites et la lutte contre les licenciements boursiersLa reprise des sites industriels est abordée dans le texte de l’accord mais c’est à la loi de le rendre effectif. Une entreprise qui envisage la fermeture d’un site industriel au sein de son groupe, devra examiner les procédures de reprise qui lui sont soumises, mais aussi céder le site si l’une des offres proposées reçoit la validation du tribunal de commerce et un avis positif des instances représentatives du personnel. Et n’oublions pas la nécessité de renchérir le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions et de donner aux salariés qui en sont victimes la possibilité de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l’intérêt de l’entreprise.

Œuvrer pour la mobilité sociale, œuvrer pour l’amélioration des compétences, œuvrer pour des décisions managériales au bénéfice de l’économie, ce sont ces objectifs qui seront également déterminants dans cette période de crise économique.

DOSSIER SÉCURISATION DE L’EMPLOI

BLUMA /// Janvier 201314 ///

ACTUALITÉS

BLUMA : Le Parlement est actuellement en train d’examiner le projet de loi en faveur du mariage et de l’adoption pour tous. Peux-tu revenir en quelques mots sur les enjeux de l’adoption d’une telle réforme ?

Nicolas Gougain : Il s’agit d’une réforme d’égalité. Egalité entre tous les couples - qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels - et égalité entre toutes les familles. La gauche a mis définitivement fin à la pénalisation des relations homosexuelles et au fichage des homosexuels en 1982. Elle a fait voter le pacs, non sans difficultés, en 1999 et a ainsi permis pour la première fois la reconnaissance sociale d’unions entre personnes de même sexe. Avec l’ouverture du mariage et de son corollaire l’adoption, le législateur engage une nouvelle étape vers l’égalité entre les citoyens, quelle que soit leur orientation sexuelle. Il permet aussi la sécurisation de milliers de familles homoparentales.

BLUMA : on parle de «réformes sociétales». Cela va-t-il au-delà ? Pourquoi l’égalité pour tous doit-il aujourd’hui être une réalité dans notre

société ?

N.G. : Comme je l’ai dit précédemment, cette réforme s’inscrit dans l’Histoire de l’avancée des droits des homosexuels mais aussi dans l’avancée des droits humains. Elle répond aussi à une réalité de notre société d’aujourd’hui : il n’y a pas un modèle familial unique mais une très grande diversité de familles (monoparentales, recomposées...). Cette loi permettra de sécuriser des situations aujourd’hui précaires. En effet, lorsque deux hommes ou deux femmes élèvent un enfant aujourd’hui, seul l’un des deux parents a un lien reconnu avec son enfant. Cela peut amener à des situations difficiles face aux aléas de la vie (décès, séparation...) ou même dans les actes de la vie quotidienne (école, hôpital...) où le second parent est aujourd’hui «invisible». Il s’agit ainsi d’inclure et de sécuriser des couples, des enfants et des familles aujourd’hui exclus du droit commun du seul fait d’être fondé sur un couple homosexuel. Cela contribuera par ailleurs à lutter contre l’homophobie et à faire évoluer les mentalités, à l’instar du Pacs il y a quelques années.

EGALITÉ POUR TOUS ! ENTRETIEN AVEC NICOLAS GOUGAIN : PORTE-PAROLE DE L’INTER-LGBT

Porte-parole de l’inter-LGBt, Nicolas Gougain est

aux avant-poste du combat mené actuellement en

faveur de l’égalité pour tous. Malgré un emploi du

temps surchargé, il s’est bien volontiers prêté au

jeu de l’entretien pour répondre à nos questions.

BLUMA /// Janvier 2013 /// 15

INTERVIEW

BLUMA : Penses-tu que la france est aujourd’hui prête à accueillir le changement ? Ces réformes auraient-elles pu intervenir plus tôt ?

N.G. : La France est prête, depuis plusieurs années. Mais la majorité politique était jusqu’aux élections de 2012 en décalage avec la société. Si l’opinion se tasse un peu ces dernières semaines, c’est notamment du fait d’une extrême politisation et bipolarisation du débat. C’est essentiellement au sein de l’électorat de droite que les sondages révèlent un gros effritement de l’opinion. A l’inverse, les jeunes sont très largement favorable à ces mesures d’égalité. Ce qui nous permet de regarder l’avenir avec optimisme. Même si un «pic réactionnaire» se fait ressentir ces dernières semaines, comme l’ensemble des grandes réformes de société (avortement, contraception, pacs, divorce...) cette réforme bénéficiera d’un large consensus demain. Au pays-bas, premier pays à avoir ouvert le mariage aux couples de même sexe en 2001, 82% de la population est aujourd’hui favorable à cette mesure.

BLUMA : Le combat mené aujourd’hui en faveur du mariage pour tous est loin d’être un «long fleuve tranquille». 350 000 opposants dans les rues la semaine dernière, polémique autour d’une «guerre scolaire», demande de

d’un référendum... Qu’aurais-tu à dire aux détracteurs de cette réforme ?

N.G. : Ce combat est mené depuis des années en réalité. Des années que nous marchons pour l’égalité, chaque mois de juin lors des Marches des Fiertés LGBT, des années que nous sensibilisons les partis politiques. Il a fallu attendre 2006 pour que le PS dépose ses premières propositions de loi en la matière et l’intègre comme engagement pour la campagne présidentielle de 2007. François Hollande a pris un engagement très clair lors de la campagne présidentielle. L’opposition mobilise en jouant sur les peurs et les fantasmes et fait un véritable travail de désinformation. Cette réforme ne va évidemment enlever aucun droit aux hétérosexuels mais va permettre à des milliers de couples homosexuels et de familles homoparentales d’accéder aux même sécurités que les autres couples et que les autres familles. Les manifestations contre le projet de loi sonnent comme un baroud d’honneur. En Espagne ils étaient plus d’un million lors de l’examen d’un texte similaire, les conservateurs une fois revenus au pouvoir n’ont pas pour autant abrogé la loi.

Pourquoi manifester en faveur de ce projet de loi me direz-vous ? D’abord pour ne pas laisser la rue seulement aux opposants, ensuite pour rassembler les partisans de l’égalité et faire oeuvre de pédagogie face aux mensonges et aux contre vérités des opposants. Enfin pour dire à la majorité politique que l’attente était immense et de ne pas reproduire les erreurs du Pacs (trop faible mobilisation des députés). Réunir autant de monde en dehors des Marches des fiertés est un véritable tour de force, d’autant qu’il est toujours plus simple de mobiliser contre quelque chose que pour un projet de loi !

Enfin, j’aimerai rappeler pour la énième fois que cette loi ne va strictement rien changer pour les couples hétérosexuels et leurs familles. Par contre elle permettra de

sécuriser des situations aujourd’hui exclues du droit commun. A celles et ceux qui disent que l’adoption par un couple homosexuel est un mensonge car leurs enfants ne peuvent pas être «nés de» deux hommes ou deux femmes, je rappelle simplement qu’en cas d’adoption d’un enfant par un couple hétérosexuel, l’enfant n’est pas non plus «né de» ses parents (au sens biologique du terme). Enfin, l’homoparentalité dérange parce qu’elle bouscule la vision patriarcale de la famille et l’assignation des rôles (paternels/maternels).

BLUMA : Quel doit être le rôle de la gauche au pouvoir ? doit-elle aller plus loin ?

N.G. : Le débat au Parlement est bien engagé. Forte mobilisation des députés, arguments rodés, gouvernement offensif et bien préparé. Toutefois, outre la question du mariage et de l’adoption, j’attends de la gauche qu’elle tienne tous ses engagements en matière d’égalité. Je regrette ainsi que l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes n’aient pas figuré dans le premier projet de loi. Nous serons donc particulièrement attentifs au devenir du second projet de loi « famille » annoncé pour le 27 mars au Conseil des ministres. Réforme du partage de l’autorité parentale, adoption et filiation hors mariage, PMA... il reste encore d’autres chantiers à ouvrir si l’on veut que toutes les familles soient pleinement sécurisées et reconnues. En matière de droits des personnes trans, là aussi il reste beaucoup à faire. Un travail parlementaire commence notamment autour de Michèle Meunier, au Sénat, pour les procédure de changement d’état civil. Outre la question des droits, la lutte quotidienne contre les discriminations est un combat à mener sans relâche. Le programme initié par Najat Vallaud-Belkacem en octobre dernier est une grande première. Il faut l’investir, le pérenniser, le faire vivre pleinement.

Propos recueillis par Mila JEUdY

Cette réforme s'inscrit dans l'histoire de l'avancée des droits des homosexuels mais aussi dans l'avancée des droits humains.

BLUMA /// Janvier 201316 ///

MALI : RECONSTRUIRE UN ÉTAT

Depuis le début de l’intervention française, auxquelles doivent prochainement se joindre des

Africains, peu d’attention semble être portée à la situation politique interne au Mali. C’est pourtant à partir d’elle que la démocratie et l’État malien se reconstruiront… ou pas. Laissons aux spécialistes les commentaires sur la conduite des opérations militaires. Responsables politiques français, nous devons être des observateurs attentifs des rapports de force politiques maliens. Les armes ne parleront qu’un temps, et les urnes devront avoir le dernier mot. En l’occurrence, l’intervention militaire bouleverse la scène politique malienne. La position du capitaine Sanogo, qui s’opposait à une aide extérieure, est fragilisée. Quelques jours avant la demande expresse de soutien à la France formulée par le Président Traoré, l’officier putschiste avait fait positionner des chars autour du palais présidentiel. Il s’agissait officiellement de le protéger des manifestations qui se sont

déroulées à Bamako. Il n’empêche que cette décision équivoque, suivie de l’offensive des groupes armées qui occupent le Nord, a fait naitre une rumeur persistante à Bamako : une alliance de circonstance entre les groupes armés du Nord et les éléments putschistes de l’armée. S’en suit une plus grande fragilité du chef des putschistes dans l’opinion. C’est une excellente nouvelle pour les forces civiles et démocratiques qui auront la lourde tâche de reconstruire l’Etat malien et de formuler un nouveau contrat social entre toutes les composantes de la population. Certes 10% des habitants du Nord seulement sont Touaregs. Et la population du Nord ne représente que 10% de l’ensemble du Mali. Mais une concorde nationale authentiquement malienne est le préalable à un bel avenir pour le pays. C’est surtout le meilleur moyen de lutter contre l’influence néfaste de l’idéologie wahhabite venue du Golfe et qui a concouru à la ruine du Nord du pays.

tribune de Pouria Amirshahi parue dans le Nouvel obs

ACTUALITÉS

L'offensive de l'Eglise catholiqueDepuis le début du débat autour du projet de loi ouvrant le droit au mariage et à l’adoption pour tous les couples, l’Église Catholique a fortement exprimé sa vive opposition à ce projet. C’est souvent des structures lui étant directement ou indirectement rattachées qui organisent et assurent la logistique des mobilisations anti-mariage pour tous. Cela est parfaitement son droit, la laïcité n’interdit pas aux associations cultuelles d’exprimer un point du vue, libre à chacun ensuite d’en penser ce qu’il veut.Le problème c’est que, ne rencontrant sans doute pas l’écho dans la société qu’elle espérait (selon un sondage fait pour le compte de Pellerin Magasine 60% des français sont pour le mariage pour tous), l’Eglise utilise l’enseignement catholique pour faire passer son message.L’enseignement catholique sous contrat représente 17% des enfants scolarisés. Fruit d’un compromis il remplit une mission de service public et, à ce titre, a un devoir de neutralité. Cela n’a pas empêché Eric de Labarre secrétaire général de l’enseignement catholique d’envoyer le 12 décembre un courrier à l’ensemble des chefs d’établissements sous son autorité pour, après avoir rappelé l’opposition de l’Eglise au mariage pour tous, les inviter à organiser au sein de leur établissement des débats sur le sujet.A juste raison, le ministre de l’Education Nationale Vincent Peillon a lui début janvier alerté les Recteurs d’Académie dans un courrier : «Le caractère propre de ces établissements ne saurait leur permettre de déroger au strict respect de tous les individus et de leurs convictions. Il convient donc d’appeler à la retenue et à la neutralité au sein de tous les établissements afin que l’école ne fasse l’objet d’aucune instrumentalisation.» Au-delà de cette question, déjà en soit très importante, de la neutralité de l’école une telle démarche de la part du secrétaire général de l’enseignement catholique est irresponsable quand on pense aux dégâts qu’elle peut causer chez des jeunes en pleine construction de leur identité sexuelle.

BLUMA /// Janvier 2013 /// 17

Mardi 15 janvier la direction de Renault a annoncé un plan de suppression de 7500 emplois sur trois ans en France,

quelques jours seulement après avoir proposé un plan d’augmentation du temps de travail dans ses usines françaises. Cette annonce in-tervient dans un contexte où l’autre construc-teur Français PSA Peugeot traverse lui aussi de graves difficultés entrainant la fermeture de l’usine d’Aulnay.

Renault est confronté à une chute impor-tante de ses ventes aussi bien en France qu’à l’étranger. Cette actualité nous interroge sur le risque de renvoyer l’essentiel des négociations au niveau des entreprises comme le prévoit l’Accord National Interprofessionnel signé 4 jours avant les annonces de la direction du groupe automobile. On peut craindre à l’ave-nir une multiplication d’accords imposés à des salariés sans aucune marge de manœuvre et sous pression. Déjà, lors de la septième réu-nion de négociation direction-syndicat la direc-tion aurait, selon des représentants syndicaux, menacé de fermer deux sites en France s’il n’y avait pas un accord sur le gel des salaires et l’augmentation du temps de travail.

Pourquoi Renault est dans cette situation ? Certes l’ensemble du secteur automobile est en crise et plus encore en Europe, mais cette crise frappe beaucoup plus durement pour des raisons différentes les deux groupes français Renault et PSA. Si le groupe Peugeot-Citroën est autant en difficulté c’est surtout car il n’a pas cherché à s’allier avec d’autres construc-

teurs. Dans le cas précis de l’ancienne régie, qui elle se maintient encore la tête hors de l’eau grâce à la bouée Nissan, l’accumulation d’erreurs stratégiques de la direction de l’en-treprise et en premier lieu de son PDG Carlos Ghosn (payé 13,3 millions d’euros en 2011 pour l’ensemble Renault-Nissan) est impres-sionnante. Le développement de voitures Low Coast construites en Roumanie et depuis peu aussi au Maroc, badgées Dacia en France mais Renault dans de nombreux pays et vendues dans le même réseau a eu un impact négatif sur l’image de la marque en Europe. Des voi-tures à l’origine destinées au marché des pays émergents sont venus cannibaliser le marché européen de la marque au losange. L’ab-sence d’innovation à cause d’investissement R&D revu à la baisse a entrainé la disparition du constructeur français dans le segment, au combien rentable, de l’automobile premium. Les investissements dans les chaînes de pro-duction en France sont aussi très inquiétants. Renault investit dans la construction et la mo-dernisation d’usines en Espagne, en Turquie, en Slovénie, en Russie, en Algérie, en Corée, au Maroc, au Venezuela... mais de moins en moins en France.

Le contraste est saisissant quand on regarde la situation du groupe Volkswagen qui réussit à être présent sur l’ensemble des segments du marché tout en continuant à construire l’essentiel de sa production en Allemagne. Dans le secteur Automobile le coût du travail est équivalent des deux côtés du Rhin, preuve que là n’est pas l’explication de la situation de

Renault.

Depuis plusieurs années Carlos Ghosn explique que Renault va être leader dans le domaine de la voiture électrique et que ce type de véhicules représentera 10% des ventes en 2020. Espé-rons le mais il y a de quoi être inquiet quand on sait que ces voitures ont encore une au-tonomie insuffisante et un temps de charge-ment trop long pour séduire massivement les consommateurs, que le groupe a déjà renoncé à produire ses propres batteries en se retour-nant vers le coréen LG et surtout que Renault est le seul constructeur au monde à tout miser sur l’électrique quand tous les autres (y com-pris Nisssan depuis peu) investissent aussi dans le développement de véhicules hybrides qui rencontrent, eux, un succès plus important. En cas d’échec de cette stratégie ce sont des sites français et notamment l’usine de Flins qui seront touchés.

Enfin, la dernière question qu’on est en droit de se poser est celle du rôle de l’État qui reste, et de loin, le principal actionnaire de Renault. Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir on ne peut qu’espérer l’émergence d’un État stratège qui prenne ses responsabi-lités et ne laissent pas la direction d’une entreprise qu’il peut encore contrôler faire des choix en contradiction avec ses objectifs de développement industriel du pays et de défense de l’emploi.

Stéphane olivier

UN NOUVEAU PLAN SOCIAL À RENAULT

ACTUALITÉS

BLUMA /// Janvier 201318 ///

VIE DES FÉDÉS

VENIVOV’, LA MONDIALISATION LIBÉRALE À L’OEUVRE

Nos camarades UMA du Rhône sont par-ticulièrement mobilisés en soutien aux salariés de l’entreprise Veninov’ : cette

entreprise vénissiane (banlieue sud-est de Lyon) mondialement connue et est à l’origine notamment de la toile cirée. Malgré la mobilisa-tion de ses salariés, malgré son savoir-faire et malgré un carnet de commande encore fourni au moment des premières difficultés, la société avait été placée en liquidation judiciaire le 21 juillet 2011 par le tribunal de commerce de Nanterre.Déterminés, les salariés ont depuis décidé d’occuper l’usine à plusieurs reprises afin de préserver leur outil industriel. Nos camarades élus à Vénissieux leur ont d’ores-et-déjà té-moigné toute la solidarité des Socialistes dans ce combat emblématique des errements de la mondialisation libérale : le témoignage de Jeff Ariagno, Conseiller communautaire de la Com-munauté Urbaine de Lyon.

« Les 88 salariés de Veninov avaient été mis officiellement au chômage en juillet 2011. Pas

parce que l’entreprise et le groupe auquel elle appartenait n’avaient pas de commandes. Pas non plus parce qu’aucun repreneur de ce site de production créé en 1874 n’était intéressé, mais parce que suite à un prêt de 10 millions d’euro contracté par la direction allemande du groupe, le groupe Gordon Brothers avait pu pour un euro symbolique devenir propriétaire des sites, des machines et des stocks (rapa-triés en Allemagne). Le site seul de Vénissieux, les stocks, les brevets valaient pourtant bien plus que l’argent prêté, et Gordon Brothers comptait bien faire un maximum de bénéfice sur la vente à la découpe du groupe, terrains, machines, stocks et brevets, qu’importait le sort des ouvriers. Ils devaient s’estimer heureux de ne pas faire partie des biens en liquidation ! Pendant plus d’un an la ville, la Région et le Grand Lyon ont tenté de sauver l’entreprise, en pointe dans son domaine, mais les spéculateurs et la machine financière, ont été plus forts que le comité de soutien et les collectivités. Par-delà les querelles partisanes et électoralistes, nous devons trouver de nou-

velles solutions pour préserver l’industrie sur nos commune et dans notre pays. Et tant que de telles luttes seront soumises à des enjeux politiques annexes, les fond de pensions au-ront beau jeu de dépouiller les industries occi-dentales au nom de la rentabilité.

Depuis ce démantèlement, les salariés de Ve-ninov sont néanmoins restés unis et mobili-sés, afin que leur outil de travail ne soit pas démantelé dans leur dos et que les machines ne soient pas emportées. Récemment, après 2 ans de luttes et de discussion, le nouveau repreneur s’est malheureusement avéré être de mauvaise foi puisqu’après avoir promis une relance de l’activité en septembre 2012, il propose maintenant de transférer en Hollande une partie de moyens de production et de ne faire travailler que quelques personnes, pour de l’emballage courant 2013. Il s’agit d’un cas typique de destruction d’un outil de production efficace et rentable.»

Jules Joassard

BLUMA /// Janvier 2013 /// 19

VIE DES FÉDÉS

AIR FRANCE, UN CIEL TOUjOURS PLUS SOMBRE POUR LES SALARIÉS// Les salariés, éternelles variables d’ajustement de la compétitivité

Air France-KLM vient encore de décider de durcir son plan restructuration « Transform 2015 » en annonçant à ses investisseurs de nouvelles économies de 500 millions d’euros sur les investissements en 2013 et 2014. Cette nouvelle continue de ravir les analystes financiers puisque l’action enregistre depuis le début de l’année +80% d’augmentation. Ces mesures viennent s’ajouter à la suppression de 5 122 postes Equivalents temps-plein (ETP) d’ici fin 2014 couplé à une augmentation de la productivité du personnel de 20%. Pour tout cela, son PDG vient de se voir décerner le prix du « meilleur manager de l’année 2012 » par le journal Le Nouvel Economiste.Sur le fond, Transfrom 2015 est clairement une remise en cause sans précédent d’un grand nombre d’acquis sociaux des salariés sans aucune garantie de protection des activités et des emplois.Sur la forme c’est une nouvelle illustration du « dogme de la compétitivité » consistant, pour augmenter l’efficacité économique, à agir sur le seul coût du travail sans agir sur le coût du capital ni même rechercher de gains de productivité alternatifs/potentiels (conditions et procédures de travail, projets de développement durable, etc.).

// Sur le volet réorganisation du plan : deux craintes majeures

Transform 2015 prévoit une nouvelle organisation de l’entreprise en 8 « centres de profits » disposant chacun d’une autonomie financière. Ce puzzle menace directement les

emplois des salariés AF et a de quoi inquiéter. Il est clair, en effet, que ce découpage d’Air France facilitera sans conteste l’externalisation à une filiale ou à une autre compagnie partenaire voire la cession des centres, le jour où ils seront déficitaires ou simplement jugés insuffisamment rentables.D’autant que, chez Air France, la rentabilité d’une activité ne protège en rien des délocalisations.Pour preuve, la maintenance des avions, seule activité bénéficiaire du groupe Air France-KLM, n’échappe pas à Transform 2015 ! Le plan prévoit la délocalisation d’emplois de maintenance au Maroc (660 postes d’ici fin 2013). Deux usines de maintenance sont prévues en Chine pour 2014 et un atelier de réparation en Inde est à l’étude. Rien n’est dit sur les conséquences de ces choix en termes d’expertise et de formation professionnelle des personnels de ces pays, ni sur les garanties de sûreté et de sécurité pour les passagers dans ce qui ressemble fort à du dumping social pur et dur.

// de violentes répercussions économiques et sociales attendues en ile de france

Les répercussions économiques et sociales de Transform 2015 vont bien au-delà d’Air France et concernent l’ensemble des salariés du secteur aérien mis en concurrence dans un modèle de plus en plus « low cost »: Air France étant l’un des poumons économiques de la région Ile de France, le plan aura des conséquences majeures sur les populations de Seine Saint Denis, du Val de Marne et de l’Essonne. Les pressions économiques sur

les sous-traitants aéroportuaires (sûreté, nettoyage, etc.) font craindre du dumping social, des baisses d’effectifs, des conditions de travail dégradées, pour des salariés souvent en contrats précaires et dont les rémunérations sont faibles.

// du caviar pour faire des économies ?

Comble de l’ironie (ou de la provocation), Air France offrait du caviar Petrossian à ses clients voyageant en première classe à l’occasion des fêtes de fin d’année dans le cadre de la montée en gamme prévue par Transform 2015. Air France pense renouer à ce type d’initiatives avec les grandes heures de la compagnie. Mais, dans un contexte de crise économique, face aux menaces qui pèsent sur les salariés et les incertitudes sur l’avenir de la compagnie, est ce cela que nous pouvons attendre d’une compagnie de cette envergure ?

Non, on attend des dirigeants d’Air France un véritable projet industriel, le respect du dialogue social et au minimum une réflexion sur les délocalisations d’emplois qualifiés vers des pays moins-disant socialement.

Et au-delà des dirigeants de cette compagnie et puisque l’Etat en est actionnaire, il est plus que temps que soit proposée une vision politique, industrielle et stratégique sur le transport aérien sous peine de faire subir à ce secteur le même sort que celui de nos « fleurons industriels français » (textile, métallurgie, automobile), aujourd’hui asphyxiés et luttant pour leur survie.

Pascal fontannaud, Stéphanie Barré, militants UMA 94, section PS d’orly

BLUMA /// Janvier 201320 ///

VIE DES GROUPES DE TRAVAIL UMA

MISE EN PLACE D’UN GROUPE DE TRAVAIL SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

1 - / Enjeux

Le courant Un Monde d’Avance a décidé de s’investir dans la thématique du dévelop-pement durable en lançant notamment un groupe de travail. Les points forts du courant pourraient constituer autant de clés d’entrée déterminantes pour aborder cette notion et la mettre au cœur de ses prises de position politique : préoccupation pouvoir d’achat des catégories populaires, affirmation du primat de la démocratie et de la puissance publique sur le marché, contestation de la marchandisation de notre société, contestation de la finance comme seul instrument de mesure de la ri-chesse, réindustrialisation, santé... la réflexion sur l’écologie en tant qu’axe de base du so-cialisme apparaît non pas comme un impensé mais plutôt comme un angle mort vers lequel il s’agirait de tourner la tête pour s’approprier de manière originale cette question.A cet égard, la plénière animée par Barbara Romagnan lors de la dernière Université de rentrée du courant était une première, qui a peut-être suscité quelques interrogations si ce n’est des contradictions sur des sujets aussi essentiels que notre rapport au productivisme, à la croissance, voire à l’écologie en tant que telle. Dès lors, cette convention tombe à point nommé pour développer un discours commun et propre à notre sensibilité.

2 - / Proposition de démarche

Réfléchir sur la « transition écologique » néces-site comme pour tout exercice de ce type, de s’accorder sur une analyse de l’existant, mais

surtout de définir un idéal vers lequel il faudrait tendre. • En première analyse, il est évident que

le dérèglement climatique, les inégalités écologiques et la pollution doivent faire l’objet de critiques ; de même, un modèle de société créateur de richesse, égali-taire, démocratique et sobre en énergie est un horizon de société souhaitable. Pour autant, les opinions et analyses sur le chemin pour y parvenir peuvent diver-ger en fonction de l’approche des uns et des autres. Dès lors, afin d’élaborer des positions communes consensuelles autant que d’affirmer un rapport à l’éco-logie original pour notre courant, il est proposé d’aborder l’ensemble des enjeux que cette problématique recouvre selon deux axes :

• Comment les richesses sont réparties ?• Qui décide de leur répartition ou des

options fortement déterminantes pour l’avenir ?

Il s’agit d’éviter entre nous un certain nombre de faux débats qui actuellement minent le dé-bat écologique :• se réfugier dans une posture d’évidence

écologique s’abstenant de toute réponse crédible sur le comment et l’horizon de société souhaitable.

• le credo scientiste qui consiste à faire confiance dans le progrès scientifique pour attendre que des solutions tech-niques soient trouvées (ce qui revient au même que de s’en remettre à la main invi-sible du marché)

• ignorer en espérant que l’adaptation à un

environnement bouleversé se fera de lui-même (ce qui revient à passer par pertes et profits le coût humain).

• les débats de curseur entre les différents équilibres de panier de sources d’énergie.

Dans tous les cas, vu le timing autant que l’im-portance du débat (et les questions qu’il sou-lève), la réunion d’un séminaire de la direction ou d’un CN du courant sur le sujet apparaît opportun.

3 - / Ressources

Inspirations (liste non exhaustive)- Les penseurs opérant une synthèse entre le socialisme et l’écologie : André Gorz, Paul Ariès, Patrick Viveret...- Quelques leaders d’opinions qui pourraient nourrir notre réflexion : l’équipe de négawatt, Jean Gadrey, Pierre Radanne, Jean-Marc Janco-vici

Camarades ressources• les députés : Pouria Amirshahi, Barbara

Romagnan, Olivier Dussopt• la direction du parti (en fonction des thé-

matiques de SN) : Stéphane Delpeyrat, Roberto Romero

• en fédération : Yann Librati (06), Tristan Lahais (35), François Devaux (69), Vin-cent Decaestecker (62), Timothée Du-verger (33, auteur de « Les socialistes et l’écologie » publié par la FJJ)...

Si vous souhaitez vous aussi participer au groupe de travail : [email protected]

Notre Parti a annoncé vouloir consacrer le 1er trimestre 2013 à une Convention-forum sur la thématique de l’Ecologie. Un Monde d’Avance considère cette réflexion indispensable pour la construction d’un nouveau socialisme durable et adapté aux nouvelles réalités du monde. Aussi, nous souhaitons que notre courant s’empare pleinement de ce débat et contribuent aux travaux du Parti.

BLUMA /// Janvier 2013 /// 21

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A LIRE / A VOIR / A ECOUTER sur la toile

AGENDA29 JANviER-12 fÉvRiER >>discussions en séance publique à l’Assemblée Nationale du projet de loi sur le mariage pour tous

5 fÉvRiER >> Colloque«Penser et construire de nouveaux référentiels pour concevoir les politiques économiques de demain»en présence notamment de : Rosabeth Moss Kanter, Havard Business School, Paul Jorion, Vrije Universiteit Brussel et Riccardo Petrella, Institut européen de recherche sur la politique de l’eau.Ce colloque aura lieu de 9h à 17h30 au centre de conférences Pierre Mendès France du Ministère de l’Economie et des Finances, 139 rue de Bercy à Paris. Vous pouvez vous inscrire dès à présent à l’adresse suivante : www.polynome-even.fr/ref-eco

12 fÉvRiER >> début des discussions à l’Assemblée Nationale du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires

+ D’UMA

LE CoNtRAt dE GÉNÉRAtioN, UNE ARME iNÉditE CoNtRE LE CHôMAGEhttp://www.pascal-cherki.fr/le-contrat-de-generation-une-arme-inedite-contre-le-chomage/

diMANCHE + : UNE JoURNÉE AU MALi AvEC PoURiA AMiRSHAHihttp://www.pouriaamirshahi.fr/spip.php?article424

tRiBUNE dE BARBARA RoMAGNAN dANS LE MoNdE LiMitER LE CUMUL dES MANdAtS fAit RESPiRER LA dÉMoCRAtiEhttp://www.barbararomagnan.eu/limiter-le-cumul-des-mandats-fait-respirer-la-democratie-ma-tribune-dans-le-monde-2633

dÉBAt AUtoUR dE L’ACCoRd SUR L’EMPLoi AvEC fANÉLiE CARREY-CoNtE [RAdio oRiENt]http://www.faneliecarreyconte.com/?portfolio=debat-autour-de-laccord-sur-lemploi

Accordsurl’emploi:«pAsAcceptAble»,pourl’AilegAuchedups•iNter-viEW dE GUiLLAUME BALAS dANS LE PoiNthttp://www.lepoint.fr/politique/accord-sur-l-emploi-pas-acceptable-pour-l-aile-gauche-du-ps-14-01-2013-1614473_20.php