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essais de chargement de pieux dans la craie altérée par D. PASTUREL Assistant à la Section Fondations du Laboratoire Régional de Rouen PRESENTATION par F. SCHLOSSER Ingénieur des Ponts et Chaussées Chef de la Section de Mécanique des Sols du Département des Sols du Laboratoire Central L'article de M. PASTUREL met en relief deux points très intéressants : • Tout d'abord les relations entre les forces portantes évaluées d'après les méthodes plus ou moins empiriques que nous avons à notre disposition, et les résultats cFessais réels sur de telles fondations. En Mécanique des Sols, où les théories sont toujours plus ou moins approximatives et tout particulièrement dans le domaine des fondations profondes la théorie n'est pas encore suffisamment avancée pour être directement applicable, de telles expériences en vraie grandeur, de telles comparaisons entre les prévisions et la réalité sont fondamentales. • Puis l'analyse d'un sol complexe, et la détermination dans ce cas particulier des essais et des méthodes les plus adaptés pour prévoir la force portante de la fondation. Cette partie présente cTautant plus d'intérêt qu'en Mécanique des Sols, comme dans tout autre domaine, il n'existe pas de procédé universel ; ce n'est que par une observation réflé- chie de la nature des sols, de leur comportement éventuel que le mécanicien des sols fixera quel est le type cFessai le plus adapté à la détermination de la force portante de telle ou telle fondation. Tout appareil, tout essai a en effet ses limites. Heureusement les appareils n'ont pas tous la même plage d'utilisation certains sont, par exemple, plus adaptés à certains types de sols que d'autres — ou les essais sont plus faciles et moins onéreux à exécuter, ce qui permet en les multipliant d'avoir une meilleure connaissance de l'état d'homogénéité du terrain. Dans le cas de sols « difficiles », comme la craie altérée et fissurée dont il est ques- tion dans cet article, les appareils utilisables sont rares et l'interprétation des essais pose beaucoup plus de problèmes que dans les sols courants. 6-1 Bull. Liaison Labo. Routiers P. et C h . n « 2 9 - Janv.-Fév. 1968 - Réf. 399

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essais de chargement de pieux dans la craie altérée

par D. PASTUREL Assistant

à la Section Fondations du Laboratoire Régional de Rouen

P R E S E N T A T I O N

par F. SCHLOSSER Ingénieur des Ponts et Chaussées

Chef de la Section de Mécanique des Sols du Département des Sols

du Laboratoire Central

L'article de M . P A S T U R E L met en relief deux points très intéressants :

• Tout d'abord les relations entre les forces portantes évaluées d'après les méthodes plus ou moins empiriques que nous avons à notre disposition, et les résultats cFessais réels sur de telles fondations.

En Mécanique des Sols, où les théories sont toujours plus ou moins approximatives et tout particulièrement dans le domaine des fondations profondes où la théorie n'est pas encore suffisamment avancée pour être directement applicable, de telles expériences en vraie grandeur, de telles comparaisons entre les prévisions et la réalité sont fondamentales.

• Puis l'analyse d'un sol complexe, et la détermination dans ce cas particulier des essais et des méthodes les plus adaptés pour prévoir la force portante de la fondation.

Cette partie présente cTautant plus d'intérêt qu'en Mécanique des Sols, comme dans tout autre domaine, il n'existe pas de procédé universel ; ce n'est que par une observation réflé­chie de la nature des sols, de leur comportement éventuel que le mécanicien des sols fixera quel est le type cFessai le plus adapté à la détermination de la force portante de telle ou telle fondation.

Tout appareil, tout essai a en effet ses limites. Heureusement les appareils n'ont pas tous la même plage d'utilisation — certains sont, par exemple, plus adaptés à certains types de sols que d'autres — ou les essais sont plus faciles et moins onéreux à exécuter, ce qui permet en les multipliant d'avoir une meilleure connaissance de l'état d'homogénéité du terrain. Dans le cas de sols « difficiles », comme la craie altérée et fissurée dont il est ques­tion dans cet article, les appareils utilisables sont rares et l'interprétation des essais pose beaucoup plus de problèmes que dans les sols courants.

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B u l l . L i a i s o n L a b o . R o u t i e r s P. e t C h . n« 2 9 - J a n v . - F é v . 1 9 6 8 - R é f . 3 9 9

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Ce qui différencie les fondations profondes des fondations superficielles, c'est que dans le cas de ces dernières, on peut dans la théorie des forces portantes négliger les déformations du sol avant la rupture, c'est-à-dire supposer que le sol a un comportement rigide-plastique. Cette hypothèse n'est bien sûr qu'une approximation, mais elle rend assez bien compte de la réalité et elle est relativement bien vérifiée par l'expérience. Par contre, dans le cas des fon­dations profondes, les caractéristiques de compressibilité du sol jouent un rôle fondamental ; il faut prendre en compte les déformations avant la rupture, donc connaître la loi de com­portement du sol. C'est devant cette difficulté que la plupart des chercheurs butent pour élaborer une théorie.

Aussi, à défaut de théorie permettant de déterminer la force portante d'un pieu à partir de la connaissance des caractéristiques de compressibilité et des caractéristiques de cisaillement des sols, on effectue souvent des essais in situ dont on utilise les résultats dans des formules empiriques. Ces essais sont :

— l'essai pénétrométrique, — l'essai pressiométrique.

Le pénétromètre est, en quelque sorte, un pieu en modèle réduit et l'on peut penser a priori que les résultats de l'essai pénétrométrique sont très facilement transposables au cas du pieu réel. Malheureusement les lois de la similitude ne sont généralement pas applicables car le sol n'est pas homogène et l'on est réduit à utiliser un peu empiriquement, en fonction de la nature des sols de fondation, les résultats de cet essai.

Un essai d'expansion au sein du sol, comme l'essai pressiométrique, fait largement intervenir les caractéristiques de compressibilité du sol. Lorsque l'on détermine la force portante d'un pieu à partir des résultats d'un essai pressiométrique, on suppose implicite­ment qu'il y a une analogie entre ce qui se passe à la base du pieu au moment du charge­ment et l'expansion d'une cavité cylindrique ou sphérique. B I S H O P a été un des premiers à suggérer une telle analogie. Malheureusement celle-ci n'est pas complète et pour obtenir la pression limite sous la base du pieu, il faut corriger la pression limite obtenue dans un essai pressiométrique par un coefficient empirique qui dépend de la nature du sol, de sa compacité, donc finalement de sa compressibilité et d'autres facteurs encore. En ce qui concerne les sols comme la craie altérée et fissurée, ce coefficient peut varier dans une plage assez large et il est difficile de lui donner une valeur exacte, d'où une incertitude non négligeable sur la détermination de la force portante du pieu.

Néanmoins les essais au pénétromètre ou au pressiomètre, lorsqu'ils sont correctement exécutés et interprétés, donnent des résultats la plupart du temps satisfaisants, en ce qui concerne la détermination de la force portante des pieux. En général les forces portantes déterminées à partir de l'un et l'autre de ces essais diffèrent relativement peu entre elles, à condition toutefois d'être dans un sol où les deux types d'essais sont adaptés.

Dans le but de mieux interpréter et de mieux exploiter les résultats des essais in situ, a été créé au cours de l'année 1967 et à l'initiative du Laboratoire Central, un Groupe d'Etude des Essais de Sols in situ (GEESS) . Le pénétromètre, comme le pressiomètre, y seront largement étudiés. Des recherches concernant chacun de ces appareils sont d'ailleurs déjà en cours dans plusieurs laboratoires régionaux.

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RÉSUMÉ A L'INTENTION DES PRATICIENS

Il existe un certain nombre de méthodes théoriques pour calculer la force portante d'un pieu dans un terrain de caractéristiques méca­niques intrinsèques C et cj données : telles les méthodes de Terzaghi, Meyerhof, L'Hermi-nier, Caquot et Kérisel, pour citer quelques-unes des plus connues en France.

Mais la grosse difficulté à laquelle on se heurte le plus souvent dans leur application pratique, réside dans la mesure des caracté­ristiques C et ? des sols réels.

On mesure généralement C et ? en labora­toire, au moyen d'essais de compression ou de cisaillement d'éprouvettes de sol découpées à l'intérieur de prélèvements « intacts » effec­tués au cours des sondages.

Certains types de sols, en particulier les argiles et les roches saines, peuvent subir un tel traitement — prélèvement en carottes et découpage d'éprouvettes — sans subir de remaniement notable. Par contre, il existe Un grand nombre de terrains qui, de par leur structure, leur fragilité, la dimension de leurs éléments, leur altération, etc. ne peuvent être prélevés sous forme intacte, et encore moins soumis à des essais de laboratoire sur éprou-vettes.

La craie du Bassin Parisien, qui est presque toujours plus ou moins altérée ou fissurée jusqu'à de grandes profondeurs, est un exem­ple typique de terrain dont on ne peut pas mesurer les caractéristiques mécaniques de façon usuelle.

C'est naturellement dans ces types de sols que s'est développée l'utilisation des essais in situ qui permettent de mesurer la « réac­tion mécanique * du terrain en place lorsqu'il est soumis à un certain type de sollicitation, généralement beaucoup plus complexe que dans un essai de laboratoire.

Tels sont le pénétromètre statique et le pres-siomètre Ménard. Le pénétromètre statique consiste à enfoncer verticalement dans le sol une tige munie d'une pointe indépendante dont on peut mesurer isolément la réaction.

Le pressiomètre Ménard est un essai d'ex­pansion d'une cavité cylindrique, en l'occurence celle d'un forage vertical, au cours duquel on applique une pression horizontale progressive­ment croissante à la paroi et on enregistre la déformation correspondante. L'essai est pour­suivi jusqu'au voisinage de la pression limite qui serait nécessaire pour obtenir une expan­sion relative infinie de la cavité.

La complexité même des sollicitations pro­duites par ces essais fait qu'on ne sait pas bien, jusqu'à présent, en tirer les caractéris­tiques élémentaires C et ? du sol.

Mais les essais au pénétromètre et au pres­siomètre ont l'avantage de créer dans le ter­rain une sollicitation présentant une certaine similitude avec celle des pieux d'une fondation profonde.

Le pénétromètre statique constitue en effet un pieu modèle réduit.

La relation entre un essai de pieu et un essai pressiométrique parait moins évidente : plusieurs auteurs (Bishop, Hill et Mott, Skemp-ton, Yassin et Gibson, Ladanyi) ont néan­moins suggéré l'existence d'une analogie entre le phénomène de l'enfoncement d'une pointe et celui de l'expansion d'une cavité.

On s'est donc appuyé sur cette analogie pour tenter de déduire directement la force portante d'un pieu des résultats d'un essai au pénétromètre ou au pressiomètre, en s'affran-chissant de la détermination préalable de C et tp.

Ainsi, on admet que la résistance de pointe limite d'une fondation profonde, vaut Rp , c'est à-dire la résistance de pointe mesurée au pé­nétromètre, ou kxpl, c'est-à-dire la pression limite mesurée au pressiomètre multipliée par un coefficient de correspondance k.

Le défaut de la méthode vient de ce que le coefficient de correspondance k est déterminé jusqu'à présent de manière empirique, et est donc nécessairement entaché d'incertitude. On admet qu'il varie de deux dans les argiles, à six dans les terrains rocheux ou sableux com­pacts.

De même, le frottement latéral unitaire f sur le fût est déterminé empiriquement : on admet qu'il représente une fraction de la résis­tance de pointe Rp du pénétromètre ou de la pression limite pl du pressiomètre :

f = " f . à J k 50 100

f = ±L à ±L avec f < 0,8 bar 5 12

Le procédé est peu scientifique, certes, mais justif ié dans les nombreux cas où il n'y a pas d'autre méthode possible.

6-3

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Une telle méthode peut fournir des résultats valables si les coefficients empiriques qu'elle emploie sont non seulement bien connus mais aussi compris à l'intérieur d'une gamme assez étroite.

Cette dernière condition est assurée par la ressemblance des phénomènes étudiés. Quant à la première elle dépend du nombre d'obser­vations en vraie grandeur avec lesquelles on a pu comparer les résultats des mesures In situ.

Malheureusement, la détermination ou la vérif ication des coefficients empiriques corres­pondant au cas d'un pieu donné, dans un sol donné, n'est pas aussi aisée qu'iT peut le pa­raître.

Au cours d'un essai de pieu ordinaire, on observe en effet un phénomène global « tas­sement -charge » dans lequel on sait rarement distinguer les parts respectives de l'effet de pointe et du frottement latéral. Il faudrait pour cela disposer d'un système de jauges de contraintes et mesurer séparément ces efforts.

L'étude des fondations profondes du pont d'Oissel il lustre tout à fait les problèmes qu'on vient d'exposer.

Il s'agit d'un ouvrage de 750 m de longueur franchissant la Seine en amont de Rouen, sur dix appuis fondés sur pieux dans la craie de l'étage du Turonien. La craie est très altérée et morcelée sur une dizaine de mètres, peu altérée mais abondamment f issurée au-delà.

L'étude des sols a été menée avec tous les moyens d'investigation disponibles : sondages carottés et essais de laboratoire, pénétromètre statique, pressiomètre.

Dans la craie altérée, constituée par un amalgame en proportions variables de blocs et de pâte de craie, ou bien dans la craie peu altérée mais fissurée, aucune carotte « in­tacte » n'a pu être prélevée. La mesure des caractéristiques physiques ou mécaniques des blocs de craie obtenus ne fournit aucune indi­cation concernant les caractéristiques globales du terrain en place.

Le pénétromètre statique, de diamètre 45 mm, chargé à 13 tonnes, n'a pu pénétrer assez profondément dans la couche de craie altérée pour pouvoir servir au calcul des pieux : en effet, au bout de 5 à 6 m de péné­tration, sa pointe se trouve arrêtée systéma­tiquement sur des blocs de craie qu'elle ne peut arriver à déplacer ou à briser, alors qu'on se trouve encore loin du niveau de refus d'un pieu.

Finalement, seul l'essai pressiométrique a pu être exécuté à n'importe quel niveau, et exploité pour le calcul des pieux.

Les difficultés rencontrées dans l'étude de sols et l' importance de l'ouvrage ont amené M. Couraud, Ingénieur des Ponts et Chaussées à Rouen, à faire exécuter des essais de pieux sous la future culée rive droite du pont.

Les pieux d'essai étaient, l'un en béton armé préfabriqué, de 4 0 x 4 0 cm de section, battu à 24 m de profondeur, l'autre un pieu métallique (caisson Larssen III) essayé succes­sivement à 17,35 m, 22,50 m et 26,65 m de profondeur (refus).

On peut ainsi comparer, pour chaque pieu :

— la force portante réelle donnée par l'essai de charge,

— l'indication des formules de battage,

— la force portante prévue à partir des résul­tats des essais in situ, soit essentiellement l'essai pressiométrique.

Les renseignements qu'on peut en tirer sont de plusieurs sortes.

1° On constate d'abord que les indications des formules de battage sont systématiquement pessimistes, vraisemblablement parce que le frottement latéral est très peu mobilisé au cours du battage durant lequel le pieu est soumis à d'intenses vibrations.

2° D'autre part on s'est aperçu que, dans la conduite d'un essai de pieu dans un tel terrain, le facteur temps joue un rôle primor­dial. En effet, le terrain ayant besoin d'un long délai pour retrouver un état d'équilibre autour du pieu, c'est seulement après plusieurs jours que le frottement latéral sur le fût est presque entièrement mobilisé.

Les essais de chargement des pieux d'Ois­sel, qui ont été exécutés dans des délais va­riant de un à dix jours après la mise en place, montrent nettement l'influence favorable du délai de repos du pieu sur sa force portante statique observée, puisque le rapport : force portante mesurée ^ . -. ; a atteint : force portante « dynamique »

— 1,39 dans l'essai effectué au bout de 1 jour,

— 1,70 dans l'essai effectué au bout de 3 jours,

— 2,17 dans l'essai effectué au bout de 10 jours.

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3° La résistance en pointe, calculée à partir des essais in situ, est du même ordre de grandeur que la résistance donnée par les formules de battage, ce qui ne constitue qu'une indication très approximative.

4° Dans le cas du pieu en béton armé, pour lequel on a pu réaliser l'essai de charge après un délai suffisamment long (10 jours), on a obtenu les chiffres suivants :

— charge maximale atteinte 240 tonnes — charge de rupture réelle 265 tonnes — force portante «dynamique» 122 tonnes — résistance de pointe calculée 144 tonnes — force portante totale calculée 274 tonnes

En résumé, on peut tirer les conclusions suivantes de l'étude du pont d'Oissel :

' • Un pieu, possédant une fiche suffisante dans la craie altérée de caractéristiques méca­niques médiocres, peut très bien supporter la charge nominale pour laquelle il est prévu sans que l'on ait atteint le refus au battage.

• Le frottement latéral, détruit pendant le battage, rend les indications des formules dy­namiques très pessimistes.

• La mobilisation du frottement latéral étant lente et progressive, les résultats d'un essai de chargement de pieu n'ont de valeur que s'il est exécuté au moins une semaine après le battage.

• L'essai pressiométrique s'est avéré le seul moyen de déterminer la résistance méca­nique globale de la craie altérée en place, tout au moins au niveau intéressé par les pieux. L'essai du pieu en béton armé, pour lequel le mode opératoire était correct, montre qu'en première approximation la concordance est relativement bonne entre la force portante réelle et la force portante estimée à partir de ces essais in situ.

Mais, pour déterminer de façon plus précise la valeur des coefficients empiriques à utiliser, il est indispensable de pouvoir distinguer dans les résultats d'un essai de chargement, le ter­me de pointe du terme de frottement latéral.

A V A N T - P R O P O S

par L. COURAUD Ingénieur des Ponts et Chaussées

Chef de l'Arrondissement des Etudes et Travaux de Rouen

La troisième section de VAutoroute A. 13 franchira la Seine, à l'ouest d'Oissel, par un ouvrage de 750 m de longueur dont les appuis seront fondés sur. le substratum crayeux. Celui-ci est assez hétérogène et Vimportance de l'ouvrage justifiait une reconnaissance parti­culièrement poussée. C'est la raison pour laquelle nous avons fait exécuter, outre les recon­naissances classiques (carottages, essais pénétrométriques et pressiométriques), des essais en vraie grandeur comportant le battage et le chargement statique de deux pieux, l'un en métal et Vautre en béton armé.

M . P A S T U R E L , assistant au Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées de Rouen, expose ci-après les conditions d'exécution et les principaux résultats de ces essais. Nous sommes persuadés que certaines de ses conclusions revêtent une portée générale pour les fondations exécutées dans la craie et que cet article retiendra à juste titre l'attention de nombreux ingénieurs intéressés à ce problème. Nous regrettons pour notre part de l'avoir incité à abréger les essais de chargement statique du pieu métallique, en raison du coût élevé de l'opération. Il s'est confirmé en effet que ces essais ne prenaient leur véritable signi­fication, dans la craie, que si on laissait s'écouler un temps suffisant (8 à 10 jours) entre la fin du battage et le début du chargement, et si on réservait un nombre suffisant de paliers de chargement. C'est certainement là une des leçons importantes à tirer de ces essais pour les ingénieurs qui seraient appelés à en faire exécuter de semblables.

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INTRODUCTION

Le Laboratoire Régional de Rouen s'est vu confier en 1964, par M. Couraud, Ingénieur des Ponts et Chaussées à Rouen, la direction et l ' interprétation de plusieurs essais de chargement de pieux en vraie grandeur pour l'étude du Pont Autoroute d'Oissel.

Il s'agissait en l 'occurrence de déterminer la fiche et la force portante admissible de pieux battus dans la craie altérée et f issurée qui constitue le substra-tum en place sous la majeure partie du projet, c'est-à-dire sur la rive droite et sous le lit du fleuve.

L'ouvrage en question est un pont en béton pré­contraint ou en acier, de 750 m de longueur, à ta­bliers jumeaux comportant 5 travées centrales de 100 m encadrées par 2 travées de 75 m et 2 tra­vées de rive de 50 m (fig. i).

Ces essais de pieux particulièrement onéreux — environ 70 000 F les 4 essais d'une durée totale d'un mois — se trouvaient donc justif iés :

•— par l'importance de l'ouvrage à construire, — par la nature particulière du terrain de fondation

constitué de craie altérée dont les propriétés mécani­ques sont difficiles à mesurer et par suite mal connues.

Fig. 1 - A. 13 - Pont d'Oissel Vue partiel le de l 'ouvrage (montage)

Pour permettre l' interprétation des essais de pieux, nous avons procédé, parallèlement, à un certain nombre d'investigations en laboratoire et in situ, en utilisant une gamme aussi étendue que possible de moyens de reconnaissance des sols et de mesure de leurs propriétés.

En raison d'une modification du tracé intervenue tardivement, les résultats des sondages de reconnais­sance préliminaires effectués sur l'ancien tracé, se sont trouvés pratiquement inutiles et, par suite, seule une investigation in situ rapide a pu être menée à bien avant les essais de pieux : elle comportait un essai de pénétration statique et un sondage pressio-métrique à l'emplacement même des pieux d'essai. L'étude complète, effectuée en majeure partie a pos­teriori, a permis heureusement de compléter et de préciser ces premiers résultats, sans toutefois les infirmer.

Notre objet dans cet article sera double :

• d'une part, montrer les difficultés auxquelles on peut se heurter dans la craie altérée pour définir ses propriétés physiques et mécaniques.

• d'autre part, rapporter les enseignements que nous avons pu tirer de ces essais de pieux en ce qui concerne particulièrement leur force portante et la réalisation pratique des essais de chargement.

Nous en profitons pour remercier ici le Laboratoire Régional de Saint-Brieuc, et en particulier, M. Jeze-quel, dont les conseils techniques et le matériel de mesure mis à notre disposition ont été pour nous d'un concours précieux.

LA RECONNAISSANCE ET L'ETUDE DES SOLS

L'ensemble des sondages exécutés sur le site d'essais, est représenté sur la figure 2. Il compre­nait :

— deux sondages de 30 m avec carottage de la craie au carottier K2 (0 110 mm) muni d'une cou­ronne au diamant ;

— trois essais de pénétration statique au péné-tromètre Parez (0 45 mm) menés jusqu'au refus obtenu vers 20 m de profondeur.

— quatre sondages pressiométriques descendus à 30 m de profondeur au carottier battu (0 60 mm) puis en rotation (0 44 mm) avec essais au pressio-mètre Ménard dans chaque couche ou chaque mètre en profondeur.

En ce qui concerne le principe et l'exploitation des essais in situ, nous renvoyons à l'article de J. Jeze-quel et G. Goulet [1] *.

Nous ne mentionnons pas les sondages et les essais de sols exécutés dans les alluvions fines dans le cadre de l'étude du remblai d'accès : les princi­paux résultats seront simplement résumés plus loin.

* Les chiffres entre crochets renvoient aux références bibliographiques en fin d'article.

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L'étude en laboratoire des carottes prélevées dans le substratum a comporté :

— la détermination de poids spécifiques secs ; — la mesure de résistances à la compression

simple ; — la mesure des vitesses de propagation d'ondes

ultra-sonores. Les résultats de ces sondages et de ces mesures

sont rassemblés sur les figures 3 à 5 et dans les tableaux I à III.

C o u p e 18 C o u p e 17

• Sondage carotte. V Penétromètre O Pressiomètre

Fig. 2 - Site d'essais de pieux : Implantat ion des sondages

Fig. 3 - Site d'essais de pieux : Coupe générale du terrain

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P o i d s s p é c i f i q u e s e c d e l a c r a i e ( S o n d a g e S 18 C )

2 5 0 0

— 2 0 0 0

1 5 0 0

«-. M o y e n n e d u n e s é r i e d e 4 à 6 m e s u r e s " E c a r t s m a x i m a u x d e c h a q u e s é r i e

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P r o f o n d e u r e n m .

R e s i s t a n c e à l a c o m p r e s s i o n s i m p l e d e l a c r a i e ( S o n d a g e S 1 8 C )

14 0 0 0

12 000

10.000

5 0 0 0

6 0 0 0

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2 0 0 0

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c o m p r e s s i o n

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C r a i e m a s s i v e — '

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Les alluvions fines compressibles Les alluvions modernes atteignent une profondeur

moyenne de 13 mètres sur la zone d'essais. Elles sont constituées principalement d'un gros sable co-quill ier vaseux gris plus ou moins calcifié, contenant de nombreux débris organiques sous forme d'inclu­sions tourbeuses de quelques centimètres à quel­ques décimètres d'épaisseur. Au-dessus et au-des­sous de cette couche, se trouvent des limons argileux beiges ou gris, plus ou moins vaseux ou tourbeux.

Ces terrains ne présentent qu'un intérêt secon­daire dans l'étude de la force portante des pieux et nous signalons simplement leurs propriétés essen­tielles, rappelées dans le tableau I.

— Le sable coquillier vaseux présente un pourcen­tage de vides très élevé, environ 70 %, du fait de sa structure coquill ière : il s'agit en fait, d'une struc­ture fragile qui rend ce matériau particulièrement compressible, ainsi que nous avons pu le constater sous le poids du remblai expérimental d'Oissel : sous une surcharge verticale de 1 bar, le tassement observé a atteint 7 % et s'est pratiquement stabilisé après un délai d'un mois.

Certes, la résistance au cisaillement dans cette couche n'est pas négligeable, comme le montrent en particulier les diagrammes du pénétromètre, mais on sait qu'elle n'est mobilisée que pour une défor­mation relative importante.

— Les limons argileux, si l'on excepte la couche de surface surconsolidée sur une épaisseur d'un mètre, sont peu consistants, normalement consolidés et relativement compressibles. On a mesuré, en moyenne :

Cu = 0,3 à 0,4 bar

C r a i e i n o d u l e u s e i d u . ; Senon ien

C r a i e r u b a n e e d u T u r o n i e n T e n m m .

C r a i e m a s s i v e

Fig. 4 - Caractérist iques physiques et mécaniques des blocs de craie

.1% E

• F' 5 7 0 0

Courbes 6 0 0

pressiométr iques 5 0 0

obtenues 400

d a n s ! a 3 0 0 craie

200 100

20 2 5 30 P r e s s i o n ( b a r )

Ce = 0,125

1 + eo

Les alluvions graveleuses

A la base des dépôts alluvionnaires récents, on trouve une couche de sable et graviers dont l'épais­seur peut varier de 2 à 4 m. Sa compacité est moyenne à médiocre.

Résistance de pointe au pénétromètre : (enveloppe des minimums) 40 à 70 bars.

Pression limite au pressiomètre : 10 à 16 bars.

Le substratum crayeux

Nature de la craie altérée

La craie constitue le terrain de fondation propre­ment dit et le problème consiste à déterminer la fiche à donner aux pieux dans cette couche. Or, ce problème est rendu très difficile par la profonde altération de la craie qui en a fait un matériau très complexe, très hétérogène et par suite difficile à étudier.

6-8

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TABLEAU I

Caractéristiques mécaniques générales

COUPE DU TERRAIN et

PROFONDEURS LEG

EN

DE

PENETRO­METRE PRESSIOMETRE CORRELA­

TIONS ESSAI DE LABORATOIRE COUPE DU TERRAIN

et PROFONDEURS LE

GE

ND

E

Résistance pointe

RP (bar)

Pression limite

pl (bar)

Module

E (bar)

Rp /

/ P

/ / R p t

Cohésion Cu angle ç

compression simple Rc

Poids spécifique

sec ^ d dynes/cm'

Limon argileux j beige et gris

] Sable coquill ier Alluvions 1 vaseux et modernes \ calcifié

1 (Falaise)

1 - 1 0 à 12 m -

1 limon vaseux gris

— — 1 2 5 à m

VV. ' l i : ' " ' ;

;-.tJ.-v?i'".

- J I

Surconsolidé

5

15 à 25 (voire 40)

5 à 10 Refus tarière à

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2 à 2,5

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18 à 25

25 à 55

10 à 28

2,5

5

3 à 4

4 à 5

2

2,5

10

9

6 à 11

Cu = 0,3 à 0,4 bar

Cu = 0,3 à 0,4 bar

900 à 1400

700 à 850

900 à 1400

Alluvions anciennes : grave de compacité moyenne

•-.'í.-O

Vò':- o-:-:'

I

40 à 70 1 e

10 à 16 50 à 85 4 1,2 5

Craie très altérée à consistance

marneuse -v.

a> a. a. 25 à 70 1

c ai

Refus pénétromètre

7 à 12 40 à 60 4 1.5 6

Craie altérée très fissurée

morcelée

— — — — 26.5 m — — —

et carottier battu

Refus des pieux

20 à 30 (voire 35)

150 à 300 (voire 400)

8 à 10

Pc = 35 à 50 bars

(sur b

1650 à 1900 moyenne

1750 locs)

Craie massive f issurée et peu altérée > 35 300 à 500 Rc =

35 à 70 bars

(sur b 1

1700 à 2000 moyenne

1780 locs)

Cette altération transforme la craie tendre et fra­gile en une pâte blanche à consistance de marne molle, peu plastique. Le degré d'altération diminue en fonction de la profondeur, mais il se fait géné­ralement sentir, comme c'est le cas à Oissel, jus­qu'à 10 m et plus.

On se trouve donc en présence d'un amalgame de blocs de craie de toutes grosseurs et de pâte à consistance marneuse dont les proportions varient de haut en bas selon le degré d'altération : à la partie supérieure, les blocs crayeux sont de petites dimen­sions et se trouvent noyés dans la pâte de craie très altérée, alors que la partie Inférieure de la craie altérée, où les blocs deviennent très volumineux,

constitue plutôt une sorte de roche très fragmentée dont les fractures seraient remplies de pâte de craie.

Au-delà d'une dizaine de mètres, l'altération de­vient moins sensible et la craie se comporte alors comme une roche en bancs massifs, mais elle demeure néanmoins abondamment fissurée.

La figure 6 représente les carottes prélevées sur l'un des sondages, entre 17 m et 30 m de pro­fondeur. Le carottage est exécuté au carottier K2 fonctionnant à l'eau avec une couronne au diamant : la pâte de consistance marneuse, entraînée avec les débris de forage par le fluide de forage, a disparu des prélèvements qui ne sont plus constitués que de fragments de craie saine.

6-9

Page 10: BLPC 29 Pp 1-24 Pasturel

Dans les zones très altérées de la partie supé­rieure, le pourcentage de carottage obtenu est alors faible. Par contre, dans les passages très fissurés mais peu altérés des couches profondes, les carot-tages obtenus pourront être très fragmentés, mais les pourcentages voisins de 100 % .

Fig. 6 - Carrottage obtenu dans la craie au sondage S 17 C

Les différents niveaux crayeux du site d'Oissel

A l'endroit qui nous intéresse, deux niveaux géo­logiques sont représentés dans le substratum crayeux : la partie inférieure du Sénonien constitue les trois premiers mètres de ce substratum jusqu'à 18,50 m de profondeur environ (—13 NGF) et sur­monte l'étage du Turonien.

La craie du Sénonien est noduleuse, jaunâtre et plus dure que la craie grise « rubanée * du Turo­nien.

Sur les carottes provenant des sondages, nous avons pu mesurer, en laboratoire :

— le poids spécifique sec des fragments de craie,

— la résistance à la compression simple de quel­ques-uns des tronçons cylindriques prélevés et de petits cubes découpés à l'intérieur des blocs de craie,

— la vitesse de propagation d'ondes ultra-sonores dans des fragments de craie ayant au moins 10 cm de plus grande dimension.

Les résultats obtenus sont représentés en fonc­tion de la profondeur du prélèvement sur la figure 4.

Le poids spécifique sec yd de la craie-roche semble se maintenir constamment entre 1 700 et 1 900 dynes/ cm 3 , aussi bien dans les fragments de craie des niveaux altérés que dans les bancs massifs. Les moyennes de 4 à 6 mesures faites à un même niveau varient peu autour de 1 800 dynes/cm 3 .

La résistance à la compression simple Rc s'avère élevée mais très dispersée entre 35 et 70 bars, ainsi que le module de compression E qui varie grossiè­rement de 4 000 à 11 000 bars. Apparemment, ni l'une, ni l'autre de ces caractéristiques n'évolue de façon significative, en fonction de la profondeur ou de l'altération de la couche.

Les vitesses du son obtenues dans la craie au son­dage S 17c (fig. 4) permettent de différencier très nettement la craie du Sénonien et la craie du Turo­nien. On obtient en effet, dans les blocs de craie noduleuse du Sénonien, des vitesses de 3 500 à 4 200 m/s, jusqu'à la profondeur de 18,30 m, puis cette vitesse chute brusquement jusqu'à 2 500 à 3 000 m/s dans la craie du Turonien, qui est nette­ment plus tendre.

La vitesse obtenue dans la craie du Turonien est peu variable, bien que les valeurs les plus élevées correspondent sensiblement aux passages de craie massive, et les valeurs les plus faibles aux zones d'altération.

6 - 1 0

Page 11: BLPC 29 Pp 1-24 Pasturel

PROFONDEUR COUPE DE SONDAGE BATTAGE DU PIEU EN BETON PRESSIOMETRE MENARD

Nature du terrain too 2 0

|_ 3 0 P L

1)0 T. • 2P 200 300 _ L _

-10-

-1 2-

-14-

-28-

- 3 0 -

- 32 -

4 *

Limon beige surconsolidé

Limon argileux beige

Limon vaseux gris

Gros sable coquil l içr gris vaseux et calcif ié (Falaise) quelques inclusions tourbeuses

Limon vaseux gris

Grave sableuse moyennement compacte

Craie très altérée à consistance marneuse

Craie altérée très morcelée

Craie massive fissurée et peu altérée

Pieu béton armé section 40 x 40 cm longueur 24 m poids — 10 t (avec le casque) mouton vapeur simple effet hauteur de chute 60 à 70 cm

mouton 3 t

Refus à 400 bars

L-, L mouton 6 t

:•-•-•.} rebattage à 24 h

Essai statique à 24 m

.... Rd : Résistance dynamique (Hiley)

— e : Enfoncement pour 10 coups

Pression limite pl (bar)

Module pressiométrique (bar)

TABLEAU II

Coupe du terrain n° 18 BA Pieu béton

Essai n° 1

Page 12: BLPC 29 Pp 1-24 Pasturel

En résumé, les caractéristiques physiques et mé­caniques qui peuvent être ainsi mesurées sur les blocs de craie prélevés par sondage, ne donnent aucune indication sur les qualités mécaniques glo­bales de la roche altérée.

Elles sont soit trop dispersées (résistance à la compression simple et module de compression), soit relativement constantes et indépendantes de la pro­fondeur et du degré d'altération (poids spécifique).

Les mesures des vitesses d'ultra-sons paraissent toutefois susceptibles, moyennant une étude plus poussée, de fournir des indications utiles à l'établis­sement de la coupe de sondage : distinction entre les passages altérés et les passages sains, distinc­tion de natures pétrographiques différentes.

Evidemment, l'exécution du sondage carotté de­meure indispensable : ce sont l'examen visuel des carottes prélevées, même si elles ne sont guère représentatives, et les indications parallèles des pourcentages de carottage, des pertes d'eau au cours du sondage, des résistances au battage, des essais au pressiomètre et au pénétromètre qui per­mettent de dresser la coupe précise du terrain.

En procédant ainsi, nous avons distingué trois niveaux géotechniques différents correspondant cha­cun à un certain degré d'altération.

Viennent successivement :

Une craie très altérée à consistance marneuse entre 16 et 18 à 21 m de profondeur environ, dans la­quelle la pâte de craie joue un rôle prépondérant et donne à l'ensemble une consistance peu élevée et une compressibil i té notable :

Pression limite pl = 7 à 12 bars Module presslométrique E = 4 0 à 60 bars

Les fragments de craie qu'elle contient donnent aux diagrammes pénétrométriques des résistances de pointe R p , une allure en dents de scie avec des maximums très marqués de 100 à 200 bars qui em­pêchent de la distinguer de la couche d'alluvions graveleuses susjacente.

Les valeurs minimales de R p se situent entre 3 0 et 60 bars.

La comparaison de ces chiffres montre bien le caractère ponctuel des mesures pénétrométriques par rapport au caractère beaucoup plus global des mesures pressiométriques, la différence résidant dans l'Importance du volume de sol intéressé à la rupture par les deux essais.

Une craie altérée très morcelée vient ensuite, jus­qu'à 26 ,50 m de profondeur, qui contient des blocs crayeux sains beaucoup plus volumineux, de un à plusieurs décimètres, séparés par des lits de craie pâteuse. On obtient systématiquement dans cette couche le refus au pénétromètre statique (Rp > 4 0 0 bars) lorsque la pointe du pénétromètre de diamètre 4 5 mm vient rencontrer l'un quelconque de ces blocs.

Les mesures pressiométriques révèlent une grande dispersion imputable à l'hétérogénéité d'un tel milieu : les caractéristiques mesurées sont bonnes ou médio­cres selon la proximité et l'abondance des lits de craie pâteuse autour de la sonde pressiométrique :

pl = 20 à 30 , voire 3 5 bars E = 150 à 300 , voire 4 0 0 bars

En fait, la distinction entre ces deux premiers niveaux crayeux est assez floue, du fait de la grande hétérogénéité de l'altération, et définie seulement à 2 m près à l'intérieur de la zone des essais de pieux.

Une craie massive fissurée et peu altérée apparaît vers 26 ,50 m de profondeur. Ce niveau, qui correspond au premier banc de craie réagissant comme un massif continu, et qui correspond en parti­culier au refus des pieux battus, est remarquable­ment constant et confirmé par tous les sondages.

On y a mesuré des caractéristiques mécaniques très bonnes, sans jamais aller jusqu'à la rupture située bien au-dessus des possibil ités de l'appareil que nous utilisions alors :

pl > 35 bars E = 300 à 5 0 0 bars.

LA MISE EN ŒUVRE DES PIEUX ET LA REALISA­TION DES ESSAIS DE CHARGEMENT

Les essais de pieux ont été réalisés : — d'une part, sur un pieu en béton armé préfabri­

qué battu à 24 m de profondeur, — d'autre part, sur un pieu caisson formé de deux

palplanches Larssen III, muni d'un sabot et mis en charge successivement à trois niveaux différents : 17,35 m, 22 ,50 m et 26 ,65 m.

Battage des pieux

La mise en oeuvre des pieux et du dispositif de mise en charge fut assurée par l'entreprise Courbot. L'engin de battage était un mouton à vapeur à sim­ple effet, de 3 tonnes ou de 6 tonnes, et les pieux étaient munis d'un casque.

La résistance au battage était enregistrée par un agent du Laboratoire en nombre de coups pour 5 0 cm puis 10 cm d'enfoncement : les courbes de battage correspondantes sont représentées sur les tableaux II et III. Il a été procédé de plus, à plu­sieurs reprises, au cours du battage, à la mesure des déformations élastiques du pieu sous chaque coup de mouton.

6-12

Page 13: BLPC 29 Pp 1-24 Pasturel

PROFONDEUR COUPE DE SONDAGE BATTAGE DU PIEU METALLIQUE PENETROMETRE STATIQUE PRESSIOMETRE MENARD

Nature du terrain 100 200 " « " ( t )

1 0 0 5 0 20 _ l _ 10

_ l _

5 I •

R Résistance de pointe Rp (bar) 5 0 100 150 2 0 0

• . ! I I J l _

10 20 3 0 4 0 5 0 P L — I I I I ' i-

10 20 30 40 50 100 2 0 0 300 4 0 0 I i I - I I ' L _ J I L

1 0 -

1 2

1 4

1 6 -

1 8 "

2 0 -

. 2 2

2 4

• 2 6 -

- 2 8 •

- 3 0

3 2

.4

4 Si

o

Limon beige .surconsolidé

Limon argileux beige

Limon vaseux gris

Larssen III à sabot soudé Section : 1035 cm =

Poids : 124 kg/ml Mouton à vapeur simple effet 3 t Refus sous mouton 6 t Hauteur de chute moyenne : 80 cm

Gros sable coquil l ier gr is vaseux et calcif ié (Falaise) quelques inclusions tourbeuses

Limon vaseux gris

Grave sableuse moyennement compacte r J

Pieu de 20 m

Craie très altérée à consistance marneuse

Craie altérée très morcelée

Essai à 26,65 m

Craie massive fissurée et peu altérée

.... Rd : Résistance dynamique (Hiley)

— e : Enfoncement pour 10 coups — Pénétromètre P 18

t i

f

4®̂ t

t

f k €$.

• ^ ¥ ß

k . ®^

Refus à 400 bars M

H 3- n>

P I > 3 5

• Pression limite pl (bar)

© Module de compression (bar)

TABLEAU III Coupe de terrain n° 18 C (Larssen III) Pieu métallique

Essais n°s 2, 3, 4

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Fig. 7 - Battage du pieu béton Mesure de la rest i tut ion élastique par coup

î'c . zen vapeur de 3

i.autear de chute : 70 trr.

Pie-a t casque - 11-

Le procédé consiste à appuyer, pendant le bat­tage, un crayon sur une feuille de papier collée sur le fût du pieu et à le déplacer horizontalement en le maintenant à une cote fixe au moyen d'une canne posée sur un point fixe.

Quelques-uns de ces enregistrements sont repré­sentés sur les figures 1, 8a, 8b et 8c.

Dispositif de mise en charge et appareils de mesure

Le dispositif de mise en charge était d'un type classique, constitué d'une plate-forme supportant deux caissons remplis de tout-venant, l'ensemble pesant près de 350 tonnes. Un vérin de 300 tonnes pouvait mobiliser cette réaction par l'intermédiaire de 4 poutres IPN de 600 mm (fig. ç, ioa et iob).

Nous disposions pour mesurer les déplacements du pieu :

— de deux comparateurs au 1/100 mm de 5 cm de course,

— de deux fleximètres enregistreurs, — d'un niveau optique au 1/10 mm.

Ce matériel nous était obligeamment prêté par le Laboratoire Régional de Saint-Brieuc.

Fig. 8 - Battage du pieu métal l ique Mesure de la rest i tut ion élastique par coup 4 m m

a)

— i . i... . X

T ;

T"

! • I

- T 1 fT-n*- ; .iXT KQutori v a p e u r de 3 î*

Slaurear de chute i 20 CSJ

Pieu + c a s q u e » 2,S T .

t . . i . i

I • l • 1 6 . » 0 m

c)

4 m m

b)

M o u t o n v a p e u r de 3 T

4,5mm H a u t e u r de c h u t e 85 cm

P i e u + c a s q u e : 3,6 T 5 m m

2 2 , 4 5 m

6-14

Page 15: BLPC 29 Pp 1-24 Pasturel

' r r i i i i r r i i r i i i r r i r [

Fig. 9 - Disposit if de chargement pour essais de pieux

Fig. 10 - Vue d'ensemble du disposit i f de chargement

Page 16: BLPC 29 Pp 1-24 Pasturel

Les comparateurs et les flexlmètres enregistraient les déplacements de quatre cornières horizontales perpendiculaires, coulées ou soudées à la tête du pieu, par rapport à un bâti de fers IPN s'appuyant sur des dés en béton placés à quelques mètres du pieu et du massif de réaction. Cette disposition d'en­semble apparaît sur les figures na, iib,iic et iid.

Le niveau optique a permis, à partir d'un point situé nettement en dehors de la zone d'essai, de contrôler les indications de ces appareils.

Les pressions au vérin étaient indiquées par un manomètre.

Fig. 11 - Disposit ion générale du vérin et des appareils de contrôle des tassements

a) b)

d)

6-16

Page 17: BLPC 29 Pp 1-24 Pasturel

M M J Temps ( j o u r s )

D L M M

£ 0 u — 1 £ 2 E

: 3

s 4 - 200 « c

I 100 f l

o> ¡5 0

10.8 11.8.64 12-8-64 13-8-64 14-864 15-8 64 16-8-64 17.8.64 18-8-64 19.8-64

Diagramme chargement- temps ". (Bat tage le 31 . 7. 64)

210

90 40 60

J.2JL 15Û.

180

Fig. 12 - Pieu d'essai n° 1 (béton) Diagrammes " cha rgemen t - t emps" et " tassement - temps"

Déroulement des essais de chargement

Les essais de mise en charge ont été réalisés selon la méthode de Van Weele [2]. Ils consistent à appliquer la charge progressivement par paliers de 24 heures suivis chacun d'une série de « cycles déchargement-rechargement » comme l'indique le graphique de la figure 12. Un minimum de 6 paliers est indispensable.

On observe alors, à partir d'une certaine valeur de la charge appliquée au pieu, que le tassement se met à augmenter au cours des cycles « décharge­ment-rechargement ». Ce point est appelé « point d'hésitation » et correspond à la charge maximale admissible.

Chaque essai a été ainsi poursuivi jusqu'à rup­ture ou jusqu'à la charge maximale du vérin selon les diagrammes « chargement-temps » et « tassement-temps » représentés figures 12 à 15.

II est apparu au cours de ces essais qu'un facteur avait une influence prépondérante sur les résultats : à savoir le délai intervenu entre le battage du pieu et le début de sa mise en charge. Ces délais ont été les suivants pour chaque essai :

Pieu B.A. : Essai n° 1 à —24 m : après le battage.

Pieu Larssen : Essai n° 2 à —17,35 m après le battage. Essai n° 3 à —22,50 m après le battage. Essai n° 4 à —26,25 m après le battage.

Ce sujet est développé au chapitre suivant.

commencé 10 jours

: commencé 3 jours

: commencé 1 jour

: commencé 1 jour

M

0

1

2

3

j 4

î 5

! 6

> 7

! » ! 9

10

11

12

200

31.8.64

0

1.9.64 2.9.64 3.9.64

Diagramme ' tas sèment- temps"

D i a g r a m m e " c h a r g e m e n t

I B a t t a g e le 2 8 . 8 - 6 4 ) " ™ ? ! "

— 30 60 75 " 80

Fig. 13 - Pieu d'essai n° 2 (métal l ique). Diagrammes " chargement- temps " et " tassement- temps "

Temps ( j ou rs ) D L M M

N ° 2 a-17, 3 5 m

Fig. 14 - Pieu d'essai n° 3 (métal l ique). Diagrammes " chargement- temps " et " tassement- temps "

o

î

2

3

Ê <• O

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- 10

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12

200

w C100

5.9.64 6.9.64 7.9.64 «.9.64 9-9.64 L - I I I ^ î

-III

J -A

Dia ~ " t as

gramm semen

e - temp s"' r

Diagr (Battag

amme charge e le 4.9.64) 1 0 (

mer

J i t - t - 1

emps" 40

40 60 1 I

i t - t - 1

1 il II I N° 3 a-22,50 m

J V L M M Temps ( jours )

J V S D L

„ 0 E

o 1

i 2 E 3 •i

*» 4

•* 300

« c

I 100

10-9 11-9-64 12-9-64 13-9.64 14-9.64 15.9.64 16.964 17.9.64 18-9-64 19-9-64 20-9.64 21-9-64 JUL - * Il

Diagramme" tassemen t - temps ' '

D iagramme" c h a r g e m e n t - t e m p s " ( b a t t a g e Le 9-9-64.)

4 5 .

rjLn 60

- 7 5 - 4 2 = -s a

- 290 240

190 150

120

Fig. 15 - Pieu d'essai n° 4 (métall ique) Diagrammes " chargement- temps " et " tassement- temps '

6-17

Page 18: BLPC 29 Pp 1-24 Pasturel

LES FORCES PORTANTES OBSERVEES ET CALCULEES

Il n o u s es t d o n c p o s s i b l e de c o m p a r e r , p o u r c h a ­q u e p i eu , les d i v e r s e s f o r c e s p o r t a n t e s d o n n é e s pa r :

— l ' e xp l o i t a t i on d e s r ésu l t a t s d ' e s s a i s d e so l s ,

— les f o r m u l e s de b a t t a g e ,

—. les e s s a i s d e c h a r g e m e n t .

En fa i t , n o u s a l l o n s v o i r que la c o m p a r a i s o n b r u ­ta le de c e s v a l e u r s ne f o u r n i t a u c u n e c o n c o r d a n c e s y s t é m a t i q u e si l 'on ne t i e n t pas c o m p t e d u f a c ­t e u r e s s e n t i e l q u e c o n s t i t u e le dé la i d e r e p o s d u p i e u e n t r e b a t t a g e e t m i s e en c h a r g e .

En ef fe t , le b a t t a g e d u p i e u p r o v o q u e a u t o u r d u f û t un i m p o r t a n t r e m a n i e m e n t d u t e r r a i n ' qu i d é t r u i t en p a r t i c u l i e r le f r o t t e m e n t la té ra l . C e t t e a b s e n c e de f r o t t e m e n t la té ra l p e n d a n t le b a t t a g e es t assez b ien d é m o n t r é e p a r l 'a l lu re d e s c o u r b e s d e p é n é t r a t i o n d e s p i e u x qu i d é n o t e n t une r é s i s t a n c e au f o n ç a g e quas i c o n s t a n t e en f o n c t i o n d e la p r o f o n d e u r d a n s une c o u c h e d e c a r a c t é r i s t i q u e s d o n n é e s ( v o i r tableaux II et III).

Par la su i t e , le t e r r a i n se r e f e r m e p e u à peu a u ­t o u r d u fû t d u p i eu , p e r m e t t a n t à ce d e r n i e r de m o b i ­l i se r un f r o t t e m e n t la té ra l d e p l us e n p l u s i m p o r t a n t .

N o u s a v o n s p u c o n s t a t e r les e f fe t s d e ce p h é n o ­m è n e en p r o c é d a n t s u r le p i e u B.A. à un r e b a t t a g e au b o u t d e 24 h e u r e s qu i a r e n c o n t r é , su r les 5 p r e ­m i e r s c m , une r é s i s t a n c e m o y e n n e s u p é r i e u r e d ' e n ­v i r o n 30 % à ce l l e de la ve i l l e , e t il es t p r o b a b l e que c e t t e r é s i s t a n c e é ta i t b i e n s u p é r i e u r e s u r les 2 p r e ­m i e r s c m s e u l e m e n t . A u - d e l à de 5 c m d ' e n f o n c e m e n t , la r é s i s t a n c e au r e b a t t a g e e s t r e t o m b é e à la v a l e u r o b s e r v é e la v e i l l e à la f in d u p r e m i e r b a t t a g e .

N o u s a v o n s eu d e p u i s , p l u s i e u r s f o i s , l ' o c c a s i o n de c o n s t a t e r le m ê m e p h é n o m è n e l o r s d e l ' e xécu ­t i on d ' e s s a i s d e b a t t a g e s d e p i e u x d a n s la c ra ie en N o r m a n d i e . La r e p r i s e du b a t t a g e a p r è s un c e r t a i n dé la i d e r e p o s d é n o t e s y s t é m a t i q u e m e n t une a u g ­m e n t a t i o n de la r é s i s t a n c e , d ' au tan t p l us i m p o r t a n t e que ce dé la i e s t p l us l ong , e t e n c o r e n o t a b l e au b o u t d ' u n e d i za i ne de j o u r s .

N o u s a l l o n s v o i r l ' i n c i dence de ce p h é n o m è n e su r n o s r é s u l t a t s d ' e s s a i s .

T o u t e f o i s , a v a n t de fa i re c e t t e c o m p a r a i s o n , n o u s a l l o n s e x a m i n e r b r i è v e m e n t e t s é p a r é m e n t les d i ve r ­s e s f o r c e s p o r t a n t e s a u x q u e l l e s o n t a b o u t i les d i f ­f é r e n t e s p a r t i e s d e c e t t e é t u d e .

Force portante dynamique o b t e n u e pa r a p p l i c a t i o n d e s f o r m u l e s d e b a t t a g e .

N o u s a v o n s u t i l i sé d e u x f o r m u l e s d e b a t t a g e c l as ­s i q u e s : la p r e m i è r e e s t la p l us s i m p l e d ' e n t r e e l l es , c ' e s t - à - d i r e la formule des Hollandais :

R = J L W 2 H 6 ( W + P) e

La s e c o n d e , une d e s p lus é l a b o r é e s , t i e n t c o m p t e d e t o u t e s les p e r t e s d ' é n e r g i e s p o s s i b l e s : c ' es t la formule de Leonards et Chellis [3] t r è s v o i s i n e d e ce l l e de Hiley, e t qu i i m p l i q u e la m e s u r e d e s d é f o r m a t i o n s é l a s t i q u e s :

1 r W H W + n 2 P

R = T 1 , W + P e + — (Cj + c 2 + c 3 )

2

D a n s c e s f o r m u l e s , les n o t a t i o n s s o n t les s u i ­v a n t e s :

R = f o r c e p o r t a n t e a d m i s s i b l e d u p i eu . O n sa i t q u ' e n fa i t , les d i v e r s c o e f f i c i e n t s a d o p t é s d a n s c e s f o r m u l e s d e b a t t a g e ne c o r r e s p o n d e n t qu 'à un c o e f f i c i e n t rée l d e 3.

W = p o i d s d u m o u t o n = 3 o u 6 t o n n e s .

H = h a u t e u r d e c h u t e d u m o u t o n .

P = p o i d s d u p i e u et d e s o n c a s q u e de b a t t a g e .

e = e n f o n c e m e n t p e r m a n e n t pa r c o u p .

r = r e n d e m e n t d u m o u t o n éga l à 1 p o u r un m o u t o n à c h u t e l ib re e t ic i à 0,8 p o u r un m o u t o n à v a p e u r .

n = c o e f f i c i e n t de r e s t i t u t i o n f o n c t i o n de la n a t u r e d u p ieu et du c a s q u e de b a t t a g e , p r i s éga l à 0,4 p o u r le p ieu B.A. e t 0,45 p o u r le p ieu c a i s s o n s e l o n L e o n a r d s [3 ] .

C i = r a c c o u r c i s s e m e n t é l a s t i q u e du m o u t o n e t d u c a s q u e e s t i m é à 4 o u 5 m m p o u r le p ieu B.A. e t 2 o u 3 m m p o u r le p i e u c a i s s o n s e l o n L e o n a r d s [3 ] .

c 2 + c 3 = r a c c o u r c i s s e m e n t é l a s t i q u e du p ieu et du so l m e s u r é d i r e c t e m e n t .

Le tableau IV c o n t i e n t les v a l e u r s des d i f f é r e n t e s f o r c e s p o r t a n t e s « l im i tes > c a l c u l é e s avec les d e u x f o r m u l e s de b a t t a g e au n i v e a u d e s essa i s de cha r ­g e m e n t . C e s f o r c e s p o r t a n t e s « l im i tes » s o n t o b t e ­n u e s en m u l t i p l i a n t les i n d i c a t i o n s des f o r m u l e s p r é ­c é d e n t e s , qu i r e p r é s e n t e n t d e s f o r c e s p o r t a n t e s a d m i s s i b l e s , pa r le c o e f f i c i e n t de s é c u r i t é e f f ec t i f de 3 :

R l im i te = 3 R

C e s résu l t a t s a p p e l l e n t q u e l q u e s r e m a r q u e s .

Les f o r c e s p o r t a n t e s « d y n a m i q u e s » d o n n é e s à — 26,65 m a p p a r a i s s e n t p e u é l e v é e s p u i s q u e l 'on o b t e n a i t a l o r s un r e f u s t r è s net . C e fa i t c o n f i r m e q u e les f o r m u l e s de b a t t a g e ne s o n t p lus v a l a b l e s a u - d e s s o u s d ' u n e c e r t a i n e v a l e u r m i n i m a l e d e l 'en­f o n c e m e n t p a r c o u p .

D ' au t r e par t , on o b s e r v e que la f o r m u l e d e s H o l ­l anda is , qu i es t le p l us s o u v e n t p e s s i m i s t e pa r r a p ­p o r t à ce l l e d e L e o n a r d s , d e v i e n t au c o n t r a i r e p l us

6-18

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4)

TABLEAU IV

Forces portantes « dynamiques » limites en tonnes

Formule des Hollandais

Formule de Leonards-

Chellis

Pieu B.A à — 24 m

1 " battage 108 122

Pieu B.A à — 24 m Rebattage

à 24 h 175 155

Pieu Caisson Larssen III

— 17,35 m 24 44

Pieu Caisson Larssen III

— 22,50 m 69 101 Pieu Caisson Larssen III

— 26,65 m 390 213

optimiste au-dessus d'une certaine résistance dyna­mique, c'est-à-dire au-dessous d'une certaine valeur de l'enfoncement par coup : par exemple, lors du rebattage du pieu BA et à — 26,65 m sur le pieu caisson.

Ce fait signifie simplement que l'on se trouve, alors, en dehors du domaine de validité de la for­mule des Hollandais.

En effet, le coefficient 6 du dénominateur de la formule des Hollandais implique un raccourcisse­ment élastique c du pieu et du sol (si l'on néglige celui du mouton) égal au double de l'enfoncement résiduel e observé :

— formule des Hollandais « brute » :

R _ 1 VV2 H_ J_ 3 W + P 2e

— formule des Hollandais modifiée pour tenir compte de la perte d'énergie due aux raccourcisse­ments élastiques :

R _ _1_ W 2 H _ 1 _ _

~ Y W + P e + o

L'équivalence de ces deux formules implique bien :

c = 2e

Or, cette approximation de la formule des Hol­landais classique n'est valable que dans un domaine limité de résistance du terrain. Les observations que nous avons pu faire au cours de divers essais de battage montrent en effet que l'augmentation de la résistance dynamique du sol au cours du temps qui suit le battage, ou ce qui revient au même la

diminution de l'enfoncement apparent du pieu par coup de mouton, s'accompagne d'une augmentation relative importante du raccourcissement élastique du pieu et du sol : ainsi, le rapport c/e, au lieu de rester voisin de 2, atteint jusqu'à 6 ou 8.

C'est ce qui explique que l'augmentation de force portante observée au rebattage à 24 heures du pieu BA atteint 27 % selon Leonards et 62 % selon la formule des Hollandais « brute ».

On voit donc l'intérêt des formules de battage qui tiennent compte des pertes d'énergie par déforma­tions élastiques, et l'utilité de mesurer ces rac­courcissements élastiques au cours du battage.

Forces portantes calculées

Nous avons décrit, dans la première partie de cet article, les essais auxquels nous avons soumis la craie, ainsi que les résultats que nous avons obte­nus : ils montrent que dans la craie altérée, et même dans la craie saine, mais fissurée, seuls les essais in situ ont permis d'atteindre des caractéristiques mécaniques « globales » du matériau. Nous enten­dons par là, des mesures reflétant le comportement en masse de l'ensemble de cette structure complexe que forment les sables et graviers, la craie décom­posée marneuse ou la craie altérée morcelée.

Parmi ces mesures In situ, seul l'essai pressiomé-trlque a pu être effectué à n'importe quel niveau. En effet, les essais de pénétration n'ont pu descendre au-delà des premiers blocs de craie altérée et mor­celée. D'ailleurs, le pénétromètre de diamètre 45 mm que nous utilisons s'avère moins favorable que le pressiomètre à la mesure des caractéristiques méca­niques « globales » que nous venons de définir, compte tenu de son volume d'action beaucoup plus faible par rapport aux dimensions réelles des pieux.

Force portante calculée à partir des essais de pénétration

Seul l'essai sur pieu caisson à — 17,35 m a été exécuté à un niveau reconnu par le pénétromètre. On a mesuré à ce niveau en ne tenant compte que de l'enveloppe des valeurs minimales des résis­tances de pointe (les pics se trouvent écrêtés par un pieu de gros diamètre) :

R P = 50 à 60 bars

Or, à — 17,35 m, la pointe du pieu caisson se trouvait enfoncée de 1,70 m dans la craie décom­posée, c'est-à-dire à 4,50 m (14 diamètres) au-dessous du niveau supérieur des sables et graviers, et à 3,50 m environ (10 diamètres) au-dessus de la craie altérée et morcelée. On doit obtenir dans ces conditions, d'après la majorité des auteurs, en parti­culier Begemann [4] et Kérisel [5], l'égalité des résistances de pointe du pénétromètre et du pieu. D'où le terme de pointe limite au moins égal à :

q = R P = 50 bars

Q = 500 t /m 2 x 0,1035 m 2 = 52 t

6-19

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L'évaluation du terme de frottement latéral demeure, à ce jour, encore très empirique : il appa­raît qu'il a peu de rapport avec le frottement mesuré au cours de l'essai de pénétration, tout au moins avec les appareils de type classique, et les auteurs préfèrent plutôt le relier empiriquement aux RP

mesurés.

Les valeurs proposées [1] pour le frottement laté­ral unitaire f varient de :

— selon D. Mohan 5 u et .selon Skempton pour les argiles,

RP

à — selon Skempton pour les sables.

Nous pouvons nous considérer, ici, comme étant dans un cas intermédiaire et adopter :

f = - p = 0,7 à 0,8 bar 75

Le frottement latéral mobilisé à la rupture dans la grave et dans la craie — nous négligeons celui-ci dans les alluvions fines —- par un pieu Larssen III de 1,33 m de périmètre, peut être ainsi évalué à :

F = 30 à 35 tonnes

et la force portante limite totale à : Q + F = 52 + 33 = 85 tonnes

Force portante calculée à partir des essais pressiométriques

On ne sait pas, jusqu'à présent, interpréter de manière scientif ique, en fonction de caractéristiques mécaniques élémentaires, les résultats d'un essai d'expansion cylindrique (ou essai pressiométrique) dans un soi réel.

Par ailleurs, on sait que le calcul théorique de la force portante d'un pieu à partir de C et <p, n'est pas non plus très facile : les paramètres de force portante différent sensiblement selon les auteurs et, surtout, varient très rapidement en fonction de 9 au-dessus de 30 degrés.

Or certains auteurs (Bishop, Hill et Mott ; Skemp­ton, Yassin et Gibson ; Ladanyi) ont suggéré une certaine analogie entre le phénomène de l'enfonce­ment d'un pieu et celui de l'expansion d'une cavité [1].

Une méthode pour calculer la force portante d'un pieu consiste donc à util iser la pression limite pl mesurée lors d'un essai pressiométrique en suppo­sant qu'il existe une analogie entre l'expansion d'une cavité cylindrique et la résistance en pointe d'un pieu. Ainsi la force verticale de résistance en pointe d'un pieu suffisamment ancré dans la couche consi­dérée vaut :

k.pl S

où S est la section du pieu et k un coefficient empi­rique.

Une telle méthode est loin d'être parfaite, mais elle a l'avantage d'être souvent la seule possible : c'est particulièrement le cas dans la craie altérée. Elle est de plus récente et donc susceptible de cer­taines améliorations, surtout sur le plan de la théorie.

Les normes Ménard, communiquées au 6 e Congrès International de Mécanique des Sols de Montréal [6], proposent les valeurs suivantes pour le coefficient k dans le cas de fondations profondes isolées bat­tues :

Terrain k

Terrains cohérents ; argile et en général ter­rain sans frottement interne. 2

Terrains limoneux ou sableux peu compacts ; sables et graviers peu compacts ; calcaire marneux et craie. 3,6

Terrains sableux compacts ; sables et graviers compacts ; terrains rocheux. 5,8

Le choix du coefficient k, qui peut varier de 2 à 6, est donc obligatoirement entaché d'une certaine incertitude. Le tableau fait dépendre la valeur de k non seulement de la nature du sol (sol doué de cohésion ou doué de frottement) mais aussi de sa compacité.

Nous avons vu que la craie, selon son degré d'al­tération, peut se rapprocher aussi bien d'un terrain limoneux que d'un terrain rocheux. Nous avons donc été amenés à adopter, pour la craie d'Oissel, des valeurs de k comprises entre 3,5 pour la craie très altérée de consistance marneuse et 5,8 pour la craie roche fissurée et non altérée.

Les valeurs de k retenues et le terme de pointe correspondant figurent dans le tableau V.

Le frottement latéral à la rupture est relié à la pression limite pl comme à la résistance de pointe du pénétromètre Rp par des relations empiriques de la forme :

f = -Pl + b a

Pour 4 < pl < 9 bars : f = _Pl + 0,28 bar 20

Pour pl > 9 bars : f = 0,8 bar

On obtient finalement pour force portante totale calculée des différents pieux d'essai, les valeurs récapitulées dans le tableau VI.

6-20

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TABLEAU V

Forces portantes calculées : ternies de pointe limites

Essais Profon­

deur Pression

limite Coeffi­cient

Con­trainte limite

q = k pl

Charge limite

en pointe

Q

m pl (bar) k (bar) (tonnes)

S< n° 1 — 24 18 5 90 144

n° 2 — 17,35 6,5 3,5 23 24

Pie

u rs

sen

n ° 3 — 22,50 22 5 110 114

co n» 4 — 26,65 > 35 5,8 > 200 > 210

TABLEAU VI

Forces portantes calculées totales

Essais Profon­

deur

m

Terme de

pointe Q

(tonnes)

Terme de frottement

latéral

F (tonnes)

Force por­tante limite

totale calcu­lée Q + F

(tonnes)

S< E * n° 1 — 24 144 130 274

n° 2 — 17,35 24 45 69

Pie

u La

rsse

n III

Péné tro mètre 52 33 85

Pie

u La

rsse

n III

n ° 3 — 22,50 114 94 208

n ° 4 — 26,65 > 210 137 > 350

Il faut rappeler que ces chiffres ne tiennent pas compte du frottement latéral exercé par les alluvions compressibles et qu'ils sont par conséquent légère­ment pessimistes.

Certes, le sable coquil l ier limoneux qui en consti­tue la majeure partie présente une certaine résis­tance au poinçonnement très sensible au pénétro-mètre (R P # 20 bars), mais par ailleurs, nous savons que sa porosité très élevée de 70 % lui confère une grande compressibil i té et que sa résistance au cisail­lement maximale n'est obtenue qu'après un fort pour­centage de déformation.

Dans ces conditions, le frottement latéral unitaire mobilisable par un pieu apparaît difficile à évaluer et probablement très inférieur aux indications des rela­tions usuelles donnant f en fonction de pl ou R P.

Force portante statique réelle

L'essai de chargement statique permet de connaî­tre la force portante réelle d'un pieu.

Dans le cas de pieux fichés profondément dans la craie et dont le frottement latéral constitue une part très importante de la force portante, il s'avère que cette dernière est une fonction du temps, tout au moins pendant les jours qui suivent la mise en place du pieu.

Dans ces conditions, le résultat d'un essai de char­gement, exécuté très tôt après cette mise en place, ne représentera que la force portante à un instant donné et pourra être très différent de la force por­tante réelle à long terme ou au moment de la mise en service.

Nous allons voir que ce facteur temps joue un rôle prépondérant dans les résultats des essais de pieux d'Oissel qui possédaient tous une surface laté­rale importante dans la craie. En effet, si nous avons pu attendre un délai de dix jours après le battage pour commencer l'essai de chargement sur le pieu en béton armé préfabriqué, par contre les conditions matérielles d'exécution des essais nous ont obligés à réduire ce délai à 3 et même 1 jour pour le pieu caisson.

Les résultats de ces essais de chargement en ont été évidemment grandement affectés, hormis l'essai n° 4 à — 26,65 m où le pieu était battu au refus et travaillait donc uniquement par effet de pointe sur le craie massive.

Les diagrammes « chargement-temps » et « tasse­ment-temps » de chaque essai de pieu sont repro­duits sur les figures 12 à 15.

Les courbes • tassement-charge > sont représen­tées figure 16.

Sous une charge voisine de la moitié de la charge de rupture, les tassements mesurés ont été ceux indiqués dans le tableau Vil.

6-21

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Fig. 16 - Courbes " tassement-charge "

TABLEAU VII

Tassements mesurés

Essais Charge

de rupture (tonnes)

Charge atteinte (tonnes)

Tassement en mm Essais

Charge de rupture (tonnes)

Charge atteinte (tonnes) total résiduel

n° 1 (24 m) 265 120 6,5 2

Pie

u ca

isso

n L

III n° 2

(17,35 m) 75 30 4,5 2,5

Pie

u ca

isso

n L

III

n« 3 (22,50 m) 140 60 8,3 4

Pie

u ca

isso

n L

III

n° 4 (26,65 m) > 400 290 30,5 5,5

6-22

Les forces portantes observées, comparées aux indications des formules de battage et aux prévisions calculées, sont rassemblées dans le tableau VIII, où nous avons également fait f igurer le délai écoulé entre le battage du pieu et le début de la mise en charge, ainsi que la durée de l'essai de chargement.

TABLEAU VIII

Comparaison des forces portantes calculées et observées.

Essais

Temps de repos du pieu + durée

de l'essai (jours)

Char­ge de rupture

(ton­nes)

Force por­

tante - dyna­

mi­que » (ton­nes)

Force portante calculée

Essais

Temps de repos du pieu + durée

de l'essai (jours)

Char­ge de rupture

(ton­nes)

Force por­

tante - dyna­

mi­que » (ton­nes)

Pointe

Laté­ral

(ton­nes)

Total

| P

ieu

Cai

sson

L

III

|Pie

u B

A

n° 1 (24 m) 1 0 + 9 265 122 144 130 274

| P

ieu

Cai

sson

L

III

|Pie

u B

A

no 2 (17,35 m) 3 + 2 75 44

24

Penetro

52

45

mètre

33

69

85 |

Pie

u C

aiss

on

L III

|P

ieu

BA

n° 3 (22,50 m) 1 + 3 140 101 114 94 208

| P

ieu

Cai

sson

L

III

|Pie

u B

A

n° 4 (26,65 m) 1 + 11 > 4 0 0 213 > 210 137 > 350

L'essai n° 4 présente peu d'intérêt puisque le pieu a été battu au refus sur une roche dont les caracté­ristiques mécaniques limites n'ont pu être atteintes ni par le chargement du pieu, ni même par les appa­reils de mesures in situ. La force portante paraît très supérieure à 400 tonnes. La formule de battage de Leonards qui annonce 213 tonnes n'est vraisembla­blement plus valable dans un terrain de résistance aussi élevée.

Les résultats des trois autres essais sont, par contre, assez significatifs. On peut constater que :

— primo, la formule de battage (Leonards) donne systématiquement la force portante la plus faible ;

— secundo, les « termes de pointes calculés » et les « forces portantes dynamiques » sont approxima­tivement semblables :

Formule de battage

Terme de pointe calculé

Essai n° 1 . . . Essai n° 2 . . . Essai n° 3 . . .

122 t 44 t

101 t

144 tonnes 24 à 52 tonnes

114 tonnes

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CONCLUSIONS

— tertio, les charges de rupture observées sont, soit équivalentes, soit inférieures aux valeurs calcu­lées selon que le temps de repos du pieu a été suffisant ou non.

Délai de repos du

pieu Qours)

Durée de l'essai

(jours)

Charge de rupture

(tonnes) Ecart relatif

Délai de repos du

pieu Qours)

Durée de l'essai

(jours) Obser­vée

Calcu­lée

Ecart relatif

Essai n° 1 10 g 265 274 - 3 %

69 à + 9 à Essai n<> 2 3 2 75 85 - 1 2 %

Essai n° 3 1 3 140 208 - 3 3 %

Cette tendance qui met bien en évidence la mobi­lisation progressive de la force portante provenant du frottement latéral est encore confirmée par l'écart entre la charge de rupture observée et l'indication de la formule de battage, écart d'autant plus élevé que le délai de repos du pieu a été plus long :

Délai de repos

du pieu + durée

de l'essai Qours)

Force portante observée

(tonnes)

Force portante « dyna­mique»

(tonnes)

Ecart relatif

Essai n° 1 10 + 9 265 122 + 117 % Essai n° 2 3 + 2 75 44 + 70 % Essai n° 3 1 + 3 140 101 + 39 %

L'augmentation de résistance mise en évidence lors des rebattages ultérieurs se trouve donc bien confirmée : elle peut atteindre et dépasser 100 % comme dans l'essai n° 1 et il semble qu'un délai minimal de 8 jours soit nécessaire pour l'obtenir.

L'étude des fondations sur pieux réalisée à Oissel, nous paraît intéressante à deux titres.

D'une part, elle a fourni l 'occasion d'exécuter une étude relativement approfondie, par des méthodes variées, du sol de fondation particulier, mais très répandu, que constitue la craie altérée.

D'autre part, les quatre essais de chargement de pieux qui ont été effectués ont permis de réunir un certain nombre d'informations d'autant plus intéres­santes qu'il s'agit de mesures en vraie grandeur.

L'étude des sols proprement dite met bien en évi­dence la structure très morcelée de la craie altérée, la difficulté d'en retirer des prélèvements intacts ou même seulement représentatifs, tout au moins avec les outils usuels, et l ' impossibilité de déterminer ses caractéristiques mécaniques au moyen des essais de laboratoire classiques.

Les mesures physiques et mécaniques que l'on peut effectuer sur les blocs de craie saine consti­tuant l'ossature de cette structure n'ont aucun rap­port avec le comportement global du matériau.

On est obligé, pour atteindre les caractéristiques mécaniques globales de la craie altérée, de faire des mesures sur un volume de matériau suffisant pour que l'influence de l'hétérogénéité de sa structure devienne secondaire.

A cet égard, les essais de pénétration statique en gros diamètre (si l'on dispose d'une forte réaction), et les essais pressiométriques sont les mieux placés. Les carottages en très gros diamètre peuvent fournir également des prélèvements quasi intacts, d'un prix de revient très onéreux, qui permettent, sinon d'effec­tuer des essais mécaniques classiques sur éprou-vettes de grandes dimensions, tout au moins de déterminer les caractéristiques physiques.

Des essais de pieux d'Oissel proprement dits, et des constatations que notre Section a pu faire par ailleurs, à l'occasion d'essais de battage ou de char­gement de pieux, il semble que l'on puisse dégager les enseignements suivants :

1° Les formules de battage donnent des indica­tions très pessimistes lorsqu'on les applique à des pieux fichés dans la craie altérée. Les courbes de battage révèlent que le frottement latéral ne se mani­feste pratiquement pas au cours du fonçage et les « forces portantes dynamiques » obtenues sont équi­valentes aux termes de pointe des forces portantes calculées, ou bien — c'est le cas pour le pieu n° 2 à — 17,35 m — à la résistance de pointe mesurée au pénétromètre statique.

2° La mobilisation du frottement latéral se fait de façon progressive et demande plusieurs jours, voire plusieurs semaines. On met facilement ce phéno­mène en évidence en reprenant le battage du pieu après un délai de repos variable de un à plusieurs

6-23

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jours et en observant la résistance au battage sous les tout premiers coups de mouton. Il est alors parti­culièrement important de mesurer également la resti­tution élastique sous chaque coup.

3° On en déduit la nécessité primordiale d'un délai de repos d'au moins 6 jours entre battage et mise en charge lorsqu'on veut réaliser un essai de char­gement sur un pieu travaillant au frottement latéral.

4° L'interprétation des essais in situ d'expansion d'une cavité cylindrique (essai pressiométrique) dépend essentiellement de la valeur d'un coefficient k, justifié par l'analogie apparente entre les phéno­

mènes d'enfoncement d'un pieu et d'expansion d'une cavité, mais déterminé de façon empirique : la valeur choisie pour ce coefficient k est donc nécessaire­ment entachée d'incertitude.

Mais la méthode pressiométrique a surtout le mérite d'être, dans ce type de sols, la seule méthode possible, parce que seule capable de contrôler le comportement mécanique global de la craie altérée.

Certes il faut souhaiter que des recherches soient entreprises pour approfondir nos connaissances, encore sommaires, de ce type d'essai. Néanmoins, son utilisation paraît d'ores et déjà tout à fait indi­quée pour la détermination de la force portante des pieux dans la craie altérée.

B I B L I O G R A P H I E

[1] J . JEZEQUEL ET G . G O U L E T , Essais in situ et fondations sur pieux. B u l l e t i n de L i a i s o n des Laboratoires R o u ­tiers n° 12 - M a r s - A v r i l 1965.

[2] IR. A . F . V A N W E E L E - A method of separating the bea­ring capacity of a test pile into skin-friction and point-resistance, Congrès de Mécanique des Sols de Londres (1957), 3b/16, p. 76.

[3] G . A . LEONARDS ET R . D . C H E L L I S , Foundation Enginee­ring, P i l e foundations - Chap . 7, p. 655-656.

[4] B E C E M A N N , The use of the static penetrometre in Hol­land, N . Z . Engineering - Février 1963.

[5] J . K E R I S E L ET M . A D A M , Fondations profondes, Annales de l ' I . T . B . T . P . - N o v e m b r e 1962 . N ° 179.

[6] L . MENARD, C o m m u n i c a t i o n au Sixième Congrès Inter­national de Mécanique des Sols de Montréal. V o l . II -4/15, p. 295.

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