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La stabilisation des pentes instables par clouage Gilles CARTIER Chef de la section des ouvrages en terre Laboratoire central des Ponts et Chaussées RÉSUMÉ Le clouage des pentes consiste à goujonner les masses instables sur le substratum fixe en répar- tissant in situ des groupes de pieux verticaux ou des inclusions perpendiculaires à la surface de glissement. Cette méthode, qui trouve ses origines dans une pratique rustique ancienne, connaît actuellement un certain essor pour les cas où les méthodes classiques de stabilisation par drainage ou terrassement ne sont pas applicables. L'efficacité de la technique s'appuie, d'une part, sur le transfert des efforts de glissement vers le substratum au droit des points durs constitués par les clous et, d'autre part, sur un renforcement global de la masse déformable par effet de voûte et effet de groupe dû à la densité de clous. L'article analyse ces principes de fonctionnement compte tenu de la litté- rature existante, et présente les implications de l'interaction sol-clou sur les sollicitations engendrées dans les clous et sur les critères de stabilisation des pentes. Les méthodes de calcul actuellement dispo- nibles pour dimensionner les pieux et décider de leur répartition dans la pente traitée sont présentées et comparées, notamment avec la méthode proposée par le LCPC. Il n'existe pas encore de recommandations officielles pour une bonne utilisation du clouage dans la stabilisation des pentes. On présente, toutefois, quelques exemples d'appli- cation qui permettront au projeteur d'adapter sa conception en fonction de réalisations ayant donné satisfaction. MOTS CLÉS : 42 • Stabilisation des talus - Clouage (sol) - Comportement - Groupe de pieu - Interface - Sol - Micropieu Dimen- sionnement - Calcul. Le choix d'une méthode de stabilisation d'un glissement de terrain, ou de renforcement d'une pente en équilibre précaire, nécessite une parfaite connaissance des causes de l'instabilité. Sachant que c'est l'action de la gravité de l'eau qui est à l'origine de la plupart des désordres, on comprend que les techniques relevant du terrassement des masses instables, ou du drainage des terrains, aient de tous temps emporté la préférence des géotechniciens. La solution finalement retenue sur le terrain résultera par contre d'un compromis tenant compte des caracté- ristiques du site, des sujétions liées à la technique et des impératifs technico-économiques [Cartier, à paraître]. C'est ainsi que sont progressivement apparus des procédés destinés à s'opposer directement aux effets de l'instabilité, ou à améliorer en masse les caractéristiques des terrains. Le clouage s'inscrit parfaitement bien dans cette catégorie. Les conditions de site (accessibilité, emprises), les carac- téristiques des terrains (perméabilité, notamment), les contraintes des méthodes de drainage (délai de réponse, pérennité) et les impératifs de sécurité peuvent en effet se cumuler pour que le clouage soit la seule technique applicable. Cela est typiquement le cas des déblais ferroviaires dont la crête est urbanisée et où les terrains sont soumis à des écoulements diffus difficiles à drainer. C'est par exemple la solution qui a été retenue pour la tranchée de Briollay sur la ligne Paris-Nantes [Chaput, 1983] où le talus, creusé dans sa partie supérieure dans des sols argilo-plastiques temporairement gorgés d'eau, avait été l'objet de glissements localisés affectant la circulation ferroviaire. Au voisinage d'un passage supérieur et d'habitations proches de la crête, la solution de terrassement avec adoucissement des pentes et réalisation d'une risberme adoptée en section courante ne pouvait être retenue. On a donc cloué le talus comme l'indique la figure 1, ce qui en outre présente l'avantage de ne pas engager le gabarit nécessaire à l'exploitation. 45

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  • La stabilisation des pentes instables par clouage

    Gil les C A R T I E R Chef de la sect ion d e s ouvrages en terre

    Laboratoire central d e s Ponts et C h a u s s e s

    RSUM

    Le clouage des pentes consiste goujonner les masses instables sur le substratum fixe en rpar-tissant in situ des groupes de pieux verticaux ou des inclusions perpendiculaires la surface de glissement. Cette mthode, qui trouve ses origines dans une pratique rustique ancienne, connat actuellement un certain essor pour les cas o les mthodes classiques de stabilisation par drainage ou terrassement ne sont pas applicables. L'efficacit de la technique s'appuie, d'une part, sur le transfert des efforts de glissement vers le substratum au droit des points durs constitus par les clous et, d'autre part, sur un renforcement global de la masse dformable par effet de vote et effet de groupe d la densit de clous. L'article analyse ces principes de fonctionnement compte tenu de la litt-rature existante, et prsente les implications de l'interaction sol-clou sur les sollicitations engendres dans les clous et sur les critres de stabilisation des pentes.

    Les mthodes de calcul actuellement dispo-nibles pour dimensionner les pieux et dcider de leur rpartition dans la pente traite sont prsentes et compares, notamment avec la mthode propose par le LCPC. Il n'existe pas encore de recommandations officielles pour une bonne utilisation du clouage dans la stabilisation des pentes. On prsente, toutefois, quelques exemples d'appli-cation qui permettront au projeteur d'adapter sa conception en fonction de ralisations ayant donn satisfaction.

    MOTS CLS : 42 Stabilisation des talus -Clouage (sol) - Comportement - Groupe de pieu - Interface - Sol - Micropieu Dimen-sionnement - Calcul.

    Le choix d'une mthode de stabilisation d'un glissement de terrain, ou de renforcement d'une pente en quilibre prcaire, ncessite une parfaite connaissance des causes de l'instabilit. Sachant que c'est l'action de la gravit de l'eau qui est l'origine de la plupart des dsordres, on comprend que les techniques relevant du terrassement des masses instables, ou du drainage des terrains, aient de tous temps emport la prfrence des gotechniciens.

    La solution finalement retenue sur le terrain rsultera par contre d'un compromis tenant compte des caract-ristiques du site, des sujtions lies la technique et des impratifs technico-conomiques [Cartier, paratre]. C'est ainsi que sont progressivement apparus des procds destins s'opposer directement aux effets de l'instabilit, ou amliorer en masse les caractristiques des terrains.

    Le clouage s'inscrit parfaitement bien dans cette catgorie. Les conditions de site (accessibilit, emprises), les carac-tristiques des terrains (permabilit, notamment), les contraintes des mthodes de drainage (dlai de rponse, prennit) et les impratifs de scurit peuvent en effet se cumuler pour que le clouage soit la seule technique applicable. Cela est typiquement le cas des dblais ferroviaires dont la crte est urbanise et o les terrains sont soumis des coulements diffus difficiles drainer. C'est par exemple la solution qui a t retenue pour la tranche de Briollay sur la ligne Paris-Nantes [Chaput, 1983] o le talus, creus dans sa partie suprieure dans des sols argilo-plastiques temporairement gorgs d'eau, avait t l'objet de glissements localiss affectant la circulation ferroviaire. A u voisinage d'un passage suprieur et d'habitations proches de la crte, la solution de terrassement avec adoucissement des pentes et ralisation d'une risberme adopte en section courante ne pouvait tre retenue. On a donc clou le talus comme l'indique la figure 1, ce qui en outre prsente l'avantage de ne pas engager le gabarit ncessaire l'exploitation.

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  • Clture Habitation

    0 5 10m I l I

    Fig. 1. Renforcement par c louage du talus de la t r a n c h e ferroviaire de Briollay ( d ' a p r s Chaput , 1983) .

    D'autres exemples illustrant l 'adquation de la mthode, pour des remblais o l'on a souhait limiter le confortement dans l'emprise de l'ouvrage, ont t dcrits par Cartier et al. [1984].

    Sur le plan des principes de fonctionnement de la technique du clouage, i l est ncessaire d'clairer ds maintenant le lecteur sur la distinction traditionnelle, mais d'apparence arbitraire, qui est faite entre l'application au soutnement des excavations et celle destine la stabilisation des pentes. Schlosser et Juran [1979] dfinissent le clouage comme une technique de renforcement des sols in situ par des lments linaires travaillant la traction ou au cisaillement, ces lments pouvant tre soit mis en place dans des forages et scells par un coulis, soit simplement battus ou fors . Dans les soutnements, des barres passives sont mises en place peu prs horizontalement au fur et mesure que l'on terrasse l'excavation, et elles sont sollicites par la dformation progressive du massif. Elles travaillent alors essen-tiellement en traction, ainsi qu'au cisaillement de faon assez similaire la terre arme. Pour la stabilisation des pentes, on ralise gnralement des pieux verticaux ou ventuellement perpendiculaires la surface de glissement potentielle ou dclare. Les pieux travaillent alors essentiellement par ci-saillement.

    Mme si la frontire n'est pas extrmement nette entre les deux applications, le rle prpondrant du frottement dans les soutnements clous et de l'interaction latrale sol-pieux dans la stabilisation des pentes a jusqu' maintenant conduit les projeteurs utiliser des mthodes de dimensionnement assez diffrentes dans les deux cas. En ce qui concerne la stabilisation des pentes, on notera que les choses ne sont pas si simples selon le type d'ouvrage concern. En effet, quand les clous sont constitus d'lments de faible inertie comme les micropieux, la rigidit relative clous-sol est faible et les inclusions peuvent alors subir des dformations se traduisant par des dplacements relatifs par rapport au sol importants. Des efforts de traction et de cisaillement sont alors susceptibles d'apparatre comme pour les excavations cloues. L a tendance actuelle consiste

    donc fdrer les deux approches usuelles dans le cadre d'une mthode de calcul pouvant prendre en compte l'ensemble des efforts. Des propositions ont t faites dans ce sens par Blondeau et al. [1984] et, rcemment, une mthode tenant compte des dformations a t mise au point au L C P C [Delmas et al., 1986].

    Sur le plan technologique, et bien que l'on assiste depuis quelques annes un engouement pour cette mthode, il faut remarquer que la S N C F , par exemple, a toujours eu recours au battage de pieux d'acacia ou de rails usags pour le renforcement de ses talus. Fukuoka [1977] cite de mme une application au Japon sur le Noo-Tsutsuichi Rail-way o, ds 1880, des pieux de bois taient utiliss pour la stabilisation de glissements de terrain. Ceux-ci ont ensuite t progressivement remplacs par des lments en bton arm puis mtalliques.

    Baker et Marshall [1958], ainsi que Root [1958], montrent toutefois des exemples de ruptures de pentes ainsi stabilises. On peut penser que la cause est en fait une mauvaise estimation des efforts mobiliss dans la masse en mouvement puisque, l'poque, et l'exception des travaux de Henns [1936], on ne trouve quasiment pas de justification chiffre sur ce sujet. C'est en 1970 que De Beer et Wallays dcrivent un des premiers cas les mieux documents : la pente instable de Huy, en Belgique, a connu ses premiers signes de dsordres aprs que l'on eut largi la tranche de chemin de fer situe en pied. Le massif de schistes concern est fortement broy et s'est progressivement dcomprim entranant une srie de glissements rtrogressifs vers des habitations situes en amont. La situation urbaine du talus ne permettant pas de terrasser pour adoucir la pente, on a ralis un clouage sur deux ranges au moyen de pieux fors btonns et renforcs par des poutrelles en acier. Quarante-sept pieux de 1,50 m de diamtre et 20 m de longueur, et quarante pieux de 1,07 m et 1,28 m de diamtre et 10 m de longueur ont ainsi permis de stabiliser le site (fig. 2).

    Actuellement, le clouage fait appel des inclusions de nature et d'inertie assez diffrentes : micropieux, palplanches, profils mtalliques, pieux et barrettes en bton arm. On examinera, dans ce qui suit, les conditions d'utilisation de la mthode en fonction des ouvrages concerns.

    F i s s u r e s

    Fig. 2. Stabil isation du gl issement de Huy ( d ' a p r s De Beer et Wal lays, 1970) .

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  • PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT ET D'UTILISATION DU C L O U A G E DES PENTES

    Justification de l'efficacit de la mthode

    Le clouage d'une pente peut tre conu titre de renforcement du sol pralable la ralisation du terrassement. Il s'agit alors de constituer un matriau composite dans lequel l'interaction entre le. sol et les inclusions, conjugue aux dforrnations du massif, se traduit par des efforts qui augmentent la rsistance globale du matriau. Comme pour le clouage des excavations, ces dformations rsultent d'un dpla-cement d'ensemble en direction du talus mais ne gnrent pas ncessairement une surface de glisse-ment, mme si les mthodes de calcul traditionnelles reposent sur l'quilibre des forces le long d'une surface de rupture potentielle.

    Dans les cas les plus courants qui nous intressent ici, le clouage est destin stabiliser une masse de sol instable ou potentiellement instable le long d'une surface de rupture. L a stabilisation est alors obtenue par transmission des efforts depuis la masse instable vers le substratum. Le dplacement du sol provoque en effet la mobilisation d'une pression p(z) au contact sol-inclusion qui se traduit par un systme

    de forces et m, au point O sur la surface de glissement (fig. 3). Ces forces, qui sont quilibres par une raction dans le substratum, accroissent la rsistance au glissement et, aprs un dplacement suffisant, participent la stabilisation de l'ouvrage.

    D

    Fig. 3. Principe du c louage des pentes.

    Cette analyse permet ds prsent de prvoir que le clouage ne sera efficace que si :

    le pieu ne se rompt pas par flexion ou cisaillement, la pression au contact sol-pieu ne dpasse pas une valeur ultime admissible pour le sol : on assisterait sinon un coulement du sol autour du pieu, la fondation peut supporter les charges transmises par le pieu. L a profondeur d'encastrement de l'inclusion sous la surface de glissement doit en outre tre suffisante pour qu'un glissement de type A D C (fig. 3) ne puisse se produire : le clouage conserverait alors son intgrit mais ne serait plus efficace.

    Si le clouage agit sur le glissement par goujonnage du bloc mobile sur le substratum fixe, i l ne faut pas oublier qu'en pratique le sol est un matriau dformable. Les dplacements de la masse en mouvement se trouvent donc restreints au droit des points durs constitus par les clous mais ne sont rduits entre les clous que si leur espacement est suffisamment faible pour que se dveloppe un effet de vote. Ce phnomne, encore mal connu, se traduit par un report des contraintes du sol vers les clous, et permet une range de clous non jointifs de jouer le rle d'un cran dans la pente. Wang et Yen [1974] ont prsent une analyse thorique du phnomne. Leur modle est trs imparfait, puisqu'il ne rend notamment pas compte de la mobilisation des efforts en fonction des dformations relatives du sol et des inclusions. Il permet toutefois de comprendre la nature du phnomne.

    La pente y est suppose infinie et constitue d'un matriau homogne et rigide plastique (caractris-tiques c et cp). En crivant les quations d'quilibre d'un lment paralllpipdique de sol compris entre deux pieux (fig. 4), les auteurs montrent que la force s'exerant sur une facette verticale situe la distance x de l'origine est :

    K\ 2

    o : K\ et K2 sont des fonctions de (p, ip,, c, c,, y, i, d et h, K est un coefficient de pousse du sol, l'origine des abscisses est choisie la limite d'influence de l'effet de vote.

    R 2

    Si P0 est la force existant en amont, hors de la zone d'influence des pieux, la force s'exerant entre les pieux est P'0 et peut varier entre 0 et P0. Si l'on dfinit un espacement normalis m par :

    d m = -,

    h on constate que l'effet de vote est nul (P = A>) pour m = m et maximal (P 0 = 0) pour m = mmax.

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  • A ces deux valeurs de m correspondent des limites d'espacement. Bien entendu, chaque pieu doit quilibrer la totalit des pressions agissant sur le segment de largeur (d + B). Cela conduit une force, sur le pieu, gale :

    Pp = yyh-B + (yyh - p)d-h.

    On verra par l suite que, dans les mthodes de calcul, l'effet de vote est trs diversement pris en compte. Brinch-Hansen [1961] et De Beer et Wallays [1970] supposent les pieux indpendants et dter-minent donc l'espacement avec un autre critre. Ito et Matsui [1975] considrent par contre l'quilibre d'un coin de sol compris entre deux pieux adjacents et en dduisent les efforts sur les pieux, en fonction de leur espacement, avec l'hypothse d'une dfor-mation plastique ou d'un coulement viscoplastique du sol.

    Sollicitations engendres dans les clous

    En pratique, le comportement des clous dans la pente stabilise est compliqu par le fait qu'ils sont rarement mis en place isolment ou sur une seule range, comme dans l'analyse thorique prcdente. Les promoteurs du renforcement par micropieux comptent notamment sur un effet de rseau li la densit importante d'inclusions dans un volume restreint (fig. 5). Il semble alors que la rsistance du groupe soit bien suprieure la somme des rsistances de chacun des lments. Cet effet n'est toutefois pas encore confort par la thorie et ne trouve sa justification que dans quelques ralisations ayant donn satisfaction, notamment en Italie [Lizzi, 1977]. On notera que la socit Fondedile, qui en est le promoteur, recommande de calculer ces ouvrages, du point de vue interne, comme un ouvrage en bton arm et, du point de vue de la stabilit gnrale, comme un ouvrage de soutnement poids encastr.

    Fig. 5. Gl issement r e n f o r c par micropieux ( d ' a p r s Lizzi, 1977) .

    Quand la densit de clouage est plus faible (gros pieux espacs de moins de trois diamtres, par exemple), on note galement que le groupe de pieux ne se comporte pas tout ' fait comme une srie de pieux isols. Tout d'abord, le champ des dformations

    est considrablement modifi dans toute la masse de sol situe dans la zone d'influence des pieux. Cela a par exemple t mis en vidence lors d'une exprimentation ralise par les laboratoires des Ponts et Chausses Boussy-Saint-Antoine, au km 23 de la ligne de chemin de fer Paris-Lyon [Cartier et al., 1984]. U n glissement lent affectait le remblai construit sur versant et obligeait le service gestionnaire effectuer des rechargements priodiques de 10 30 cm tous les six mois. L a reconnaissance du site ayant mis en vidence une surface de glissement, il a t dcid de clouer la masse en mouvement l'aide de pieux de 80 cm de diamtre et 11m de longueur, fichs dans le substratum marno-calcaire de Champigny. On vitait ainsi toute perturbation sur les voies pendant les travaux et on palliait l'impossibilit pratique de drainer efficacement la masse d'boulis argileux.

    Le suivi des dplacements du sol aprs la ralisation des travaux a t ralis par inclinomtrie et des rsultats significatifs sont fournis sur la figure 6. On note que, dans la zone d'influence du groupe de pieux (les pieux sont espacs de 2,80 m d'axe en axe et disposs sur deux files en quinconce), le sol se dverse de faon tout fait comparable aux pieux eux-mmes.

    Vue en plan

    D p l a c e m e n t s m e s u r s la date du 2 3 / 0 6 / 8 3

    d a n s le sol

    d a n s les pieux

    Fig. 6. R s u l t a t s de l ' e x p r i m e n t a t i o n de B o u s s y - S a i n t - A n t o i n e ( d ' a p r s Cartier et al., 1984) .

    Le dplacement en translation, au-dessus de la surface de rupture, qui existait avant le confortement se retrouve par contre bien en amont sur le tube 14.

    Cette modification locale du mode de dformation du massif avait dj t voque par Cartier et Gigan [1983] lors du suivi du clouage du remblai de L a Membrolle .

    Par ailleurs, les efforts transmis un pieu par le glissement dpendent non seulement de la largeur frontale du pieu, mais galement de la prsence d'autres pieux sur une mme file. L a courbe de raction donnant la pression sur le pieu en fonction

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  • du dplacement relatif sol-pieu est en effet modifie par la prsence d'un groupe comme l'indique la figure 7. On constate que, pour un mme dplacement (y g), la sollicitation est rduite, ce qui est rapprocher entre autres de l'effet de vote voqu prcdemment. Quand on a faire plusieurs ranges de pieux, i l se produit en outre un effet d ' ombre de l'amont vers l'aval.

    Fig. 7. Influence de l'effet de groupe sur la courbe de r a c t i o n d 'un pieu.

    D p l a c e m e n t relatif sol-pieu y-g

    L'ensemble de ces phnomnes reste encore prciser sur le plan thorique et est, pour l'instant, qualifi par l'expression globale effet de groupe . Des recherches sont en cours au L C P C dans ce sens [Abdelhedi, 1986]. On a notamment utilis une modlisation de l'interaction des pieux entre eux partir de l'analyse en continuum lastique propose par Poulos [1973] pour les groupes de pieux soumis des efforts en tte, ainsi qu'une modlisation par lments finis. Cette tude pourrait dboucher terme sur une mthode pratique de correction des rgles applicables aux pieux isols.

    Critres de stabilisation de la pente

    On a dit prcdemment que l'effet de goujonnage principalement vis dans la mthode ne devait pas faire oublier le caractre dformable des sols. Il convient de remarquer par ailleurs que vouloir stabiliser une pente instable suppose une parfaite connaissance des phnomnes qui rgissent les mouvements.

    Tout d'abord, il faut savoir que, si les efforts rsistants ne sont que lgrement suprieurs aux efforts moteurs, des dformations lentes de la masse

    1 I i i i i n i i i i i_t 5 10

    V(mm/j)

    instable continuent gnralement de se produire. On a par exemple montr sur le site exprimental de remblais sur versant des L P C Salldes [Pouget et al., 1985] que des dformations se produisent jusqu' ce que les efforts rsistants dpassent Iqs efforts moteurs de 20 % (fig. 8). Dans ce cas prcis, les caractristiques mcaniques mobilises le long de la surface de glissement avaient t dtermines avec certitude par calage sur la rupture d'un premier remblai, de sorte que le coefficient de scurit F = 1 correspond des dplacements trs grands pouvant tre assimils une rupture.

    Cette constatation conditionne le choix du coefficient de scurit qui sera impos sur le sol dans le calcul de stabilit de la pente cloue. Ce problme est commun tous les procds de confortement mais revt une importance particulire dans le cas du clouage, qui utilise des lments rigides, contrairement par exemple aux perons drainants qui peuvent supporter des dformations beaucoup plus impor-tantes.

    Par ailleurs, i l faut tenir compte du fait que la masse instable n'est pas un bloc rigide et que la position de la range de clous dans la pente n'est pas trangre l'efficacit du confortement. On constate en effet sur la figure 9 que :

    si les clous sont placs trop en tte, le glissement peut se poursuivre l'aval et dchausser le soutnement ainsi cr ; si les clous sont trop prs du pied, le glissement transmettra des efforts considrables et sera suscep-tible de se ractiver en passant au-dessus de la range de clous comme l'ont montr Blondeau et Virollet [1976] pour les murs.

    Fig. 9. E f f i c a c i t d 'une r a n g e de pieux dans une pente instable.

    Le clouage devra en fait tre mis en place dans une zone o l'effort ncessaire la stabilisation de la pente ne dpasse pas la raction que peut apporter le sol [Nakamura, 1984]. Si, par exemple, on a dtermin l'effort horizontal P ncessaire la sta-bilisation de la pente en l'introduisant dans les trois quations d'quilibre statique et en se donnant une amlioration convenable du coefficient de scurit,

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  • 10 20 30 0 50 60 70 80 x

    Fig. 10. Optimisat ion de la posit ion d 'une r a n g e de pieux dans une pente instable.

    on peut tracer, en fonction de l'abscisse x, la raction horizontale du sol H qui est donne par l'quation d'quilibre sur l'horizontale :

    X

    H = M - , sin oc, - T(.cos a,) (fig. 10).

    Les points A et B, dtermins par l'intersection des deux courbes de la figure 10, dfinissent trois zones :

    En zone I, la pousse du sol est insuffisante pour mobiliser, dans les clous, l'effort ncessaire la stabilisation de la pente. L a ligne de pieux se comportera donc comme un soutnement et n'vitera pas au sol de glisser l'aval. En zone II, les pieux sont leur position optimale pour rpondre la dfinition du clouage, c'est--dire qu'ils sont soumis des pressions frontales avant et arrire et transmettent des efforts vers le substratum. En zone III, la bute que le sol peut offrir l'aval de la ligne de pieux est insuffisante vis--vis de l'effort ncessaire pour la stabilisation. Il y aura donc inefficacit du confortement.

    On notera enfin qu'un des principaux avantages du clouage des pentes instables par pieux est de ne pas perturber le site, et de ne ncessiter aucune phase de travaux dlicate pour l'quilibre gnral. L'excution est gnralement simple et rapide, et convient souvent aux accs difficiles. Par contre, et contrairement au drainage par exemple, l'efficacit n 'apparat compltement qu' partir du moment o les dformations ont t suffisantes pour mobiliser les efforts stabilisateurs. Elle se fait toutefois sentir progressivement, ds la mise en place des pieux, et demande des dplacements centimtriques, gnra-lement acceptables pour les ouvrages.

    ANALYSE DES MTHODES DE DIMENSIONNEMENT POUR L E C LOU A GE DES PENTES

    On a vu prcdemment que le facteur dforma-tions est essentiel dans le fonctionnement du clouage des pentes. A u stade du dimensionnement, cet aspect reste toutefois difficile prendre en compte. On procdera donc gnralement en trois tapes :

    1 valuation des efforts de cisaillement re-prendre pour augmenter le coefficient de scurit de la pente une valeur acceptable ; 2 valuation de l'effort maximal que chaque pieu peut transmettre de la masse en mouvement au substratum ; 3 slection du type et du nombre de pieux, et de leur emplacement.

    La premire tape fait actuellement appel un calcul de stabilit classique. Comme pour toutes les analyses limites, on peut trouver de nombreuses critiques cette approche. On retiendra notamment que les effets tridimensionnels n'y sont pas couramment pris en compte et que l'hypothse d'un bloc indformable se dplaant sur une surface de rupture se justifie plus difficilement eu gard ce qui a t dit prcdemment sur l'influence des clous sur le champ des dformations.

    Quoi qu'il en soit, cette mthode reste la seule disponible et donne satisfaction, pour peu que l'on en connaisse les limites.

    Dans les calculs simplifis de pieux verticaux, o on ne tient compte que des efforts tranchants, l'effort de clouage R peut par exemple, pour un glissement circulaire, tre introduit dans l'expression de Fellenius par :

    c ! [ ! ' , + ^;cosa, , tg(p;]

    I ^ , . s i n a,- = - +

    F et F' tant respectivement les coefficients de T

    scurit sur le sol et sur le pieu, et R = cos a

    ( r : effort tranchant) (fig. 11).

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  • Il est d'usage, selon la mthode retenue pour la justification de la rsistance propre aux pieux, d'adopter les valeurs F' = 1 ou F' = F. On obtient alors :

    si F' = 1

    F =

    [c ; . / , . + ^;cosa,,t g ,cp;]

    Y, rVj sin oc, - R

    si F' = F

    te../, + W;cosa, . tgq>] + R

    F = Wt. sin a,

    Cette approche simplifie de la prise en compte des effets du clouage dans l'analyse de stabilit demeure la plus cite dans la littrature technique internatio-nale. Elle reste pourtant trs imparfaite puisqu'elle ne fait pas intervenir l'ensemble des efforts mobiliss dans le clou (effort tranchant, effort normal et moment) dans les trois quations de la statique.

    On pourra se reporter l'article de Delmas et al. [1986] publi conjointement celui-ci pour une analyse plus dtaille des mthodes proposes actuellement, notamment par le L C P C .

    Comme on l'a vu prcdemment, la dtermination lors de cette premire tape des efforts que le renforcement doit apporter en raction au glissement ncessite de se fixer un coefficient de scurit sur le

    AF sol, c'est--dire une amlioration du coefficient F0

    Fo de la pente instable.

    Brandi [1979] et De Beer et Wallays [1970] ont utilis respectivement 25 et 10 % dans les cas qu'ils prsentent. Ito et al. [1982] et Nakamura [1984] recommandent pour leur part la valeur minimale de 20 %. En gnral, le compromis entre une scurit confortable et un cot optimis conduit en effet retenir 20 %. Quelques exprimentations sur sites rels conforts par gros pieux ont toutefois montr que la stabilisation avait t obtenue pour des efforts bien moindres.

    Sommer [1979] a mesur des pressions au contact sol-pieux trs infrieures aux valeurs prises en compte dans le dimensionnement. Ces efforts correspondent une amlioration de 5 % du coefficient de scurit. On notera toutefois que les mouvements ont t rduits 1/20 de leur valeur initiale, mais qu'un lger fluage subsiste dans ce cas.

    Sur le remblai ferroviaire de L a Membrolle , dcrit par Cartier et Gigan [1983], les rsultats sont peu diffrents. L'ouvrage que l'on a cherch stabiliser a t difi en pied d'un versant argilo-crayeux. Les formations alluvionnaires de surface recouvrent le Snonien, constitu de blocs de craie et de marnes, puis de sables denses. Le suivi des

    dformations, en surface et en profondeur, a montr que l'instabilit endmique du remblai tait provo-que par un glissement profond dans les marnes. Compte tenu de la topographie du site et de la prsence de matriaux compressibles en pied de versant, i l a t dcid de clouer le glissement au moyen de trois ranges- de profils H E B 200 scells dans des forages de 400 mm de diamtre (fig. 12). Les 187 pieux sont espacs de 2 m et sont fichs dans les sables, au moins 3 m sous la surface de rupture.

    5 m -r

    ; ; ? ; : : \ Sable :S

    I Inc l inomtre R a n g e n 3 J Glissement R a n g e n 2 _

    R a n g e n

    Fig. 12. Stabilisation par clouage du glissement de la Membrolle (d'aprs Cartier et Gigan, 1983).

    Le suivi des dplacements aprs clouage a montr un ralentissement de 10 cm 2,5 mm par an. En utilisant la mthode de dimensionnement a posteriori, on a russi recaler les efforts mobiliss dans le pieu, compte tenu des dformations mesures. On constate que la quasi-stabilisation du site correspond en fait une amlioration AF/Fr, proche de 7 %.

    A Boussy-Saint-Antoine (fig. 6), la mesure des dformations a t ralise sur trois virolles mtaU liques de mme rigidit que les pieux en bton arm, au moyen de jauges lectriques et d'extenso-mtres cordes vibrantes. En juin 1983, soit environ un an aprs la fin du chantier, les mouvements taient considrablement rduits et on notait des efforts trois fois plus faibles que ceux prvus par le calcul. L'amlioration de la scurit sur le sol tait alors d'environ 7 % [Cartier et al., 1984]. En novembre 1984, une nouvelle srie de mesures, tant des dformations que des dplacements du sol et des pieux, a montr que le glissement se poursuit vitesse trs faible. Les efforts correspondent actuellement un gain AF/F0 d'environ 10 %.

    Il semble donc qu'avec la technique du clouage par gros pieux, un gain de stabilit sur le sol assez faible soit suffisant pour faire chuter notablement les mouvements. Vis--vis des effets long terme, et dans l'attente de rsultats nouveaux, le seuil de 20 % reste toutefois une valeur prudente.

    La deuxime tape consiste dterminer les efforts mobiliss dans les clous par la masse en mouvement, afin d'valuer si la raction transmise au substratum peut tre suffisante pour stabiliser le glissement. L'objectif du dimensionnement tant de stabiliser le terrain, la dtermination de ces efforts maximaux

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  • devra en outre tenir compte des paramtres d'in-teraction, et notamment de la limitation de la raction latrale exerce par le sol sur les clous. Pour ce faire, la plupart des auteurs utilisent les thories de calcul mises au point pour la justification des fondations profondes sollicites horizontalement. On distingue globalement :

    les mthodes la rupture, les mthodes en dformation.

    Les mthodes la rupture supposent que, sous l'action du glissement, le sol situ autour du clou atteint l'quilibre limite et transmet une pression dite ultime au clou. Pour plus de prcisions, on pourra notamment se reporter aux travaux de Brinch-Hansen [1961] et l'application qu'en font De Beer et Wallays [1970], ainsi qu ' Viggiani [1981] qui a propos une amlioration des calculs classiques.

    On notera que ce type d'approche, bien que cohrent avec le calcul la rupture effectu pour le glissement, semble mal adapt la modlisation du mcanisme d'interaction sol-clou. Ito et Matsui [1975] ont tent d'amliorer les formules existantes en prenant,en compte l'effet de groupe sur une ligne de pieux. Le sol est suppos en tat de rupture plastique entre deux surfaces de glissement ( A E B et A ' E ' B ' sur la figure 13a) ou, ventuellement, dans un tat d'cou-lement viscoplastique (fig. 13Z>). L a rsolution des quations d'quilibre fournit la valeur de la pression s'appliquant l'tat ultime sur les pieux : cette expression tient videmment compte de leur espa-cement. En 1982, les auteurs ont tendu leur mthode des ranges multiples de pieux pour la stabilisation des glissements. Ils ont alors introduit un facteur de mobilisation de la pression /4)

    Cela s'crit :

    p = k\y(z)-g(z)]

    E \ \ \ \

    : E' 1 1

    D, 0;

    k tant le module de raction du sol et p la pression globale, qui tient compte des ractions frontales avant et arrire et des frottements latraux. Dans le cas des glissements conforts par gros pieux rigides, on notera que g(z) est suprieur y(z), notamment en partie haute du pieu, et que la raction frontale arrire est prpondrante.

    L a rsolution de l 'quation d'quilibre des pressions sur le pieu fournit la dforme du pieu et les efforts qui lui sont appliqus, moyennant la dfinition de la fonction g(z), de la courbe de raction tout niveau et des conditions aux limites.

    Pour un groupe de clous, la fonction g(z) doit reprsenter le dplacement du sol en l'absence du clou considr, compte tenu de la prsence des autres clous. Bourges et al. [1980] ont propos une quation type pour g(z) dans le cas des remblais sur sols compressibles. En ce qui concerne les glissements de versant, on utilise gnralement le fait que la plupart d'entre eux se dplacent en translation au-dessus de la surface de glissement. Ce point restera prciser dans le cadre d'expri-mentations venir, notamment pour le cas de ranges de pieux assez rapproches comme L a Membrolle . D u fait de l'effet d'ombre d'une range sur l'autre, i l ne semble en effet pas judicieux de dimensionner chaque-range avec les mmes hypo-thses.

    L a courbe de raction du sol utilise au L C P C est explicite par Bourges et al. [1980] et est tire de l'essai pressiomtrique.

    Pour l'application au clouage, qui suppose une stabilisation du sol, on dimensionne gnralement les clous de faon se limiter la pression de fluage Pf. Dans l'tat actuel des connaissances, du fait de la mconnaissance de l'influence de la lenteur du chargement propre la plupart des glissements

    de versants argileux, on pense que cette scurit est raisonnable. Comme on l'a vu prcdemment, le rle de l'effet de groupe vis--vis de la courbe de raction reste cependant prciser.

    Fig. 13. M o d l i s a t i o n de Ito et Matsui (1975) .

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  • Si les efforts en jeu ncessitent l'utilisation de barrettes section rectangulaire, la loi de raction devra tre modifie pour tenir compte du frottement sur les faces latrales. Pour ce faire, on peut se reporter aux rsultats thoriques obtenus par Ba-guelin, Carayannacou-Trzos et Frank [1979] sur les effets de forme et les effets tridimensionnels.

    On dcomposera la courbe de raction globale en une composante frontale (celle dj explicite pour les pieux circulaires) et une composante tangentielle. Dans les cas usuels, le module tangentiel et le module frontal sont essentiellement gaux. On dterminera la valeur P^ partir du frottement latral unitaire (T) donn par les rgles pressiom-triques (f%> = t x 2L).

    Les conditions aux limites imposer aux clous seront dtermines pour chaque cas particulier, selon les recommandations de Bourges et al. [1980].

    On notera enfin que la rsolution de ce problme est simplifie par l'utilisation de programmes de calcul comme le logiciel Pilate dvelopp au Laboratoire central des Ponts et Chausses [Baguelin et al., 1976].

    Parmi les mthodes en dformation, citons enfin la mthode lastique de Poulos [1973] qui s'applique un groupe de pieux chargs latralement. La rsolution des quations fait intervenir une discr-tisation en diffrences finies, et fournit les dplace-ments du sol et des pieux.

    Il est noter que les mthodes proposes dans la littrature pour le calcul des efforts mobiliss dans les clous par les pentes instables concernent essen-tiellement la raction latrale due la pression sol-clou. Quand les clous sont inclins ou/et de trs faible inertie, on a vu que le phnomne d'interaction est plus complexe et fait intervenir des efforts normaux (traction essentiellement). On pourra se reporter aux travaux de Blondeau et al. [1984] et

    l'article conjoint de Delmas et al. [1986] pour voir comment on peut alors tenir compte de l'ensemble des efforts.

    La troisime tape permet de choisir les caractris-tiques et la disposition des clous. On a vu prcdemment que l'optimisation de la position d'une range de pieux dans la pente pouvait, en thorie, tre obtenue sans problme majeur. En pratique, on veillera bien rpartir l'effet du clouage dans la pente en tenant compte notamment des remarques de Blondeau et Virollet [1976] si le glissement est trs allong.

    Le calcul de l'espacement devrait par contre rsulter d'une apprciation de l'effet de groupe, dont on a dit qu'il tait mal connu. La mthode retenue actuellement par le L C P C [Cartier et al., 1984] consiste comparer les efforts mobiliss dans les pieux avec ceux ncessaires pour stabiliser la pente. On crit pour ce faire les quations d'quilibre du massif de sol renforc, dans lesquelles on tient compte au mieux d'une estimation des efforts engendrs dans les inclusions, compte tenu des dformations dans la pente. Le coefficient de scurit sur les caractristiques mcaniques du sol est introduit classiquement et on cherche par ailleurs satisfaire quatre critres :

    l'amlioration minimale de la scurit du sol gliss est fixe 20 % ; les efforts au contact sol-clou doivent tre limits pour viter les risques d'coulement du sol entre les clous (limitation de la pression latrale la pression de fluage) ainsi que les ruptures d'ancrage (choix d'un coefficient de scurit sur le frottement) ; le dplacement du sol correspondant la satisfaction du critre prcdent doit tre obtenu dans un dlai raisonnable et tre admissible vis--vis des installations impliques dans le glissement ; les efforts engendrs dans les clous doivent tre compatibles avec la rsistance propre au matriau, en vertu des rglements de calcul en vigueur.

    RECOMMANDATIONS POUR UNE BONNE UTILISATION DU CLOUAGE DANS L A STABILISATION DES PENTES

    On a vu que le clouage, bien qu'employ de longue date pour la stabilisation de certains remblais instables, connaissait actuellement un essor impor-tant. Son extension des ouvrages de nature et d'importance diverses ncessite que l'on prcise rapidement ses conditions d'utilisation et ses limites d'emploi. Compte tenu du faible recul dont on dispose vis--vis de la plupart des chantiers cits dans la bibliographie, on traitera de cet aspect des choses par le biais de quelques exemples auxquels le lecteur pourra faire rfrence pour traiter ses propres problmes par analogie.

    On pourra galement se rfrer l'article de Cartier et al. [1984], en ce qui concerne l'exprience du rseau des laboratoires des Ponts et Chausses.

    L a premire application concerne le renforcement des pentes instables ou en quilibre prcaire par des lments de trs faible inertie. On a vu, sur la figure 5, l'utilisation en rseaux prconise par les Italiens. L a limite d'extension de cette faon de procder, quant la dimension des ouvrages stabiliser et la densit des inclusions, n'est pas encore bien cerne, bien que les mthodes de

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  • dimensionnement proposes actuellement, et un certain nombre de cas rels, doivent permettre de s'en faire une ide. L a S N C F dispose notamment d'un nombre assez important de remblais stabiliss de cette manire depuis quelques annes, avec un taux d'efficacit apprciable. L'exemple type est fourni par le remblai de Yerres, sur la ligne Paris-Lyon, qui, constitu de marnes et d'argiles prleves non loin du site, tait affect de mouvements sur les deux voies situes l'aval. L'instabilit se dveloppait dans le versant d'argiles vertes et de colluvions et se manifestait par un bourrelet en pied de talus (fig. 14). Afin de limiter les risques d'aggravation, la S N C F a mis en uvre des micropieux constitus de tubes crpines de 50 mm de diamtre, dans lesquels est place une barre d'acier de 16 mm de diamtre, et qui permettent l'injection d'un coulis de ciment sous faible pression, conduisant un diamtre thorique de l'ordre de 15cm. Les pieux ont t concentrs sur des bandes de 4 m de largeur, afin de raliser des sortes d ' pe rons renforcs . Ces perons comprennent 20 inclusions de 6 9,5 m de profondeur et sont espacs de 6 m afin de ne pas faire cran aux coulements d'eau.

    Le coefficient de scurit sur le sol qui tait initialement proche de l'unit, augmente ainsi glo-balement d'environ 30 %, grce l'effort tranchant mobilis dans les pieux [Blondeau et al., 1984]. Cette amlioration confortable s'est rvle tout fait suffisante pour que les mouvements se

    D p l a c e m e n t s (mm)

    Fig. 14. C l o u a g e d 'un remblai sur versant Yerres (doc. S N C F ) .

    Rembla i d ' a u t o r o u t e

    S u r f a c e de g l i s s e m e n t

    Fig . 15. E x p r i m e n t a t i o n de S o m m e r (1979) .

    stabilisent rapidement. On constate, en effet, sur les rsultats des mesures inclinomtriques effectues en pied de remblai qu'un dlai peine suprieur trois mois a suffi pour obtenir la stabilisation (fig. 14).

    Dans l'tat actuel des connaissances, l'extension de cette pratique des glissements de taille plus importante semble alatoire. On citera malgr tout l'exprience d'Ast [1984] qui dcrit l'utilisation de la technique pour le rtablissement d'urgence, et ventuellement provisoire, d'une route d'accs une station de sports d'hiver. Les micropieux, de 8 12 m de longueur, ont permis de renforcer une couche de terrain dcomprime et instable sur 5 7 m d'paisseur et de fonder une dalle en bton arm assurant le rtablissement de la chausse.

    Pour des volumes instables plus importants, les efforts en jeu imposent de recourir des pieux classiques, dans la gamme allant des lments de palplanches aux profils mtalliques et, la limite, aux pieux ou barrettes en bton arm. Ce type d'application est notamment abondamment dcrit dans la littrature japonaise. On pourra se reporter aux publications de la Japan Society of Landslide pour en voir des images saisissantes. Fukuoka [1977] dcrit, par exemple, la mise en place de pieux mtalliques de 45 m de longueur sur le versant naturel instable de la retenue de Kanogawa. Le glissement affectait une zone d'environ 500 x 300 m et atteignait localement 50 m de profondeur. Les pieux, qui sont constitus d'un fer H scell au bton dans une virolle mtallique de 50 cm de diamtre, sont tous relis en tte par un treillis de poutres mtalliques et sont espacs de 3 m d'axe en axe sur deux ranges. En outre, l'ensemble est retenu par des tirants ancrs sous la surface de rupture. Ito et al. [1982] dcrivent pour leur part les travaux de stabilisation du versant de Shiranozawa dans la province de Niigata. L'instabilit affectait, de longue date, une zone de 250 m de longueur et 50 m de largeur sur environ 10 m de profondeur. Le traitement a ncessit la mise en place de huit ranges de pieux de 80 cm de diamtre, espacs de 2 m d'axe en axe. Comme dans l'ensemble prcdent, i l s'agit de virolles mtalliques remplies de bton.

    On trouvera galement des exemples de clouage de versants dans les articles de Brandi [1979] et de Winter et al. [1983]. Le cas le plus clbre actuellement, du fait notamment de l'instrumentation dont i l a t l'objet, est celui du remblai construit sur versant instable dcrit par Sommer [1979]. L a pente naturelle d'argile surconsolide trs plastique n'est incline qu ' 5 - 8", mais a t mise en mouvement sur 15m d'paisseur par la construction d'un remblai routier de 10 m de hauteur (fig. 15).

    Afin de limiter la vitesse du glissement, qui tait initialement de 14 mm par mois, des puits en bton arm, de 3 m de diamtre et 27 m de profondeur, ont t excuts tous les 9 m, en pied de remblai. U n suivi de l'efficacit du traitement a t ralis grce des cellules de pression poses sur les pieux et des mesures de dplacement du sol. On a alors constat une nette diminution des dplacements, la

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  • vitesse chutant 1/20 de sa valeur initiale. Dans le mme temps, les cellules n'enregistraient qu'un tiers des pressions ultimes retenues pour le calcul. On notera que cette amlioration de la rsistance au glissement correspond une augmentation de 5 % du coefficient de scurit sur le sol.

    En France, des profils mtalliques ont. t utiliss au lieu dit Les Houches de l'autoroute A 41 pour stabiliser en urgence un remblai ferroviaire affect par la ractivation d'un ancien glissement [Dagnaux et Tran Vo Nhiem, 1984 ; Guilloux et al., 1984]. L a surface de rupture se situe environ 5 m sous le terrain naturel, au sein d'une couverture d'argiles glaciaires (fig. 16). Le clouage ral is comporte deux ranges de profils H E A 140 de 9 m de profondeur battus tous les 50 cm. Les 300 profils ont t relis en tte grce des liernes H E A 160. Le calcul effectu a posteriori par les auteurs montre que le gain de stabilit ainsi obtenu est de l'ordre de 6 %. L a stabilisation a t complte par la

    Clouage de deux r a n g e s de HEA KO battus 12 x 150 p r o f i l s sur 75ml)

    Premier d b l a i d c l e n c h a n t le glissement

    Argile limoneuse

    Argile sableuse +

    blocs compacts ' r/

    Autoroute A41

    Fig. 16. Profil du versant au lieu-dit Les H o u c h e s sur l'autoroute A 41 ( d ' a p r s Dagnaux et Tran V o Nhiem, 1984) .

    ralisation de contreforts drainants afin d'assurer la prennit long terme de cette zone sensible.

    Hormis le cas de Boussy-Saint-Antoine, dj dcrit dans ce texte, on trouvera d'autres applications franaises dans l'article de Cartier et al. [1984] mentionn prcdemment.

    CONCLUSION

    Le principal intrt du clouage pour la stabilisation des pentes rside peut-tre dans le fait que la perturbation apporte la pente est trs faible et que, si le dimensionnement a t bien conduit, l'efficacit n'est pas alatoire comme, par exemple, pour le drainage.

    Il faut, par contre, garder l'esprit que le clouage n'agit gnralement pas sur les causes premires du glissement et que les techniques traditionnelles (terrassement, drainage) restent souvent trs co-nomiques.

    Ayant analys l'ensemble des critres techniques et conomiques du projet, le projeteur qui s'oriente sur une solution de clouage devra, en outre, s'assurer que les limites d'emploi de la mthode sont compatibles avec son application.

    On a vu que l'on dispose pour cela de mthodes de calcul qui permettent normalement de justifier le choix des clous, mais galement de s'assurer que la pente sera stabilise dans son ensemble. Ignorer les spcificits propres au comportement des pentes instables conduirait, en effet, des structures inefficaces ou voues la ruine.

    On s'appuiera galement sur les observations faites sur d'autres sites qui, terme, devraient permettre de fournir des recommandations prcises concernant les prcautions d'emploi de la mthode. Les exemples de la bibliographie dcrits dans ce texte, ainsi que l'exprience du rseau des laboratoires des Ponts et Chausses, pourront tre mis profit dans cette optique.

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