BLANC-EDM

13
RCH/REC octobre 2005 A.Blanc ENERGIE du MALI (EDM) Cette synthèse du cas d’Energie du Mali tente, à la faveur des rapports commandés par les bailleurs de fonds en 2005, de tirer des enseignements d’une expérience d’un Partenariat Public Privé qui se solde par la séparation des parties. Rapports étudiés : - AFD – Département des Politiques et Etudes – A. Henry, 1999 (DPE) - Harvard University – J. A. Gomez-Ibanez, 2005 (HAR) - Banque Mondiale, MacroConsulting – Richard Schlirf, avril 2005 (MC) - Conseil d’Etat, juin 2005 (CE) - KfW – TRC Economics, juillet 2005 (TRC) Première période : la Délégation Globale de Gestion (DGG, 1995-1998) Mise en place comme condition des bailleurs pour le financement du projet hydroélectrique de Manantali dans un contexte de mauvaises performances techniques et commerciales d’EDM, la DGG 1 avait pour but d’améliorer l’efficacité et d’assainir les finances de la société d’économie mixte en introduisant partiellement la gestion privée dans les secteurs de l’eau et de l’électricité, par ailleurs restructurés (unification du secteur électrique et séparation comptable des deux activités). Attribuée en octobre 1994 au groupement franco-canadien composé de Saur, Hydro-Québec, EDF et CRC- Cogéma, la DGG sera résiliée un an avant terme en février 1997. L ‘échec de la DGG est présenté de manière rapide et très négative par TRC et MC. De leur point de vue, aucun des 1 La DGG est la forme la moins intrusive de participation du secteur privé dans laquelle l’Etat conserve la propriété de la société et désigne les membres du CA mais confie à une entreprise privée les postes de direction stratégiques avec un intéressement limité aux performances

description

hkl

Transcript of BLANC-EDM

LE SIDA ET LES AUTRES MALADIE TRANSMISSIBLES

RCH/REC

octobre 2005

A.Blanc

ENERGIE du MALI (EDM)

Cette synthse du cas dEnergie du Mali tente, la faveur des rapports commands par les bailleurs de fonds en 2005, de tirer des enseignements dune exprience dun Partenariat Public Priv qui se solde par la sparation des parties.

Rapports tudis:

AFD Dpartement des Politiques et Etudes A. Henry, 1999 (DPE)

Harvard University J. A. Gomez-Ibanez, 2005 (HAR)

Banque Mondiale, MacroConsulting Richard Schlirf, avril 2005 (MC)

Conseil dEtat, juin 2005 (CE)

KfW TRC Economics, juillet 2005 (TRC)

Premire priode: la Dlgation Globale de Gestion (DGG, 1995-1998)

Mise en place comme condition des bailleurs pour le financement du projet hydrolectrique de Manantali dans un contexte de mauvaises performances techniques et commerciales dEDM, la DGG avait pour but damliorer lefficacit et dassainir les finances de la socit dconomie mixte en introduisant partiellement la gestion prive dans les secteurs de leau et de llectricit, par ailleurs restructurs (unification du secteur lectrique et sparation comptable des deux activits). Attribue en octobre 1994 au groupement franco-canadien compos de Saur, Hydro-Qubec, EDF et CRC-Cogma, la DGG sera rsilie un an avant terme en fvrier 1997.

Lchec de la DGG est prsent de manire rapide et trs ngative par TRC et MC. De leur point de vue, aucun des objectifs fixs na t atteint, et la cause majeure avance est la divergence de vues entre les membres du consortium priv. MC note galement comme lments dexplication le manque dinvestissements et la non augmentation des tarifs par le gouvernement, tandis que TRC souligne le manque dautonomie de gestion accorde au groupe priv et la crise nergtique au Mali.

Le bilan dress par HAR et DPE est plus nuanc. Ces deux rapports notent de mauvaises performances dans la matrise de la production (mauvais choix techniques et gestion des fournisseurs mdiocre, coupures de courant durables en 1996) et la gestion comptable et financire (non certification des comptes de 1996), mais reconnaissent des progrs importants dans la gestion de la clientle, dans la formation du personnel, et dans la relance du programme dinvestissements. Ils soulignent galement que cette exprience, qui a finalement abouti au schma de concession avec privatisation en 2000, peut tre considre indirectement comme un succs (transition pdagogique vers le ralliement des autorits maliennes lobjectif initialement prsent par la Banque Mondiale).

Lanalyse de cette priode met en vidence dans tous les rapports le manque de cohsion du groupement priv (chaque entreprise membre du consortium tait responsable de parties diffrentes dEDM) du fait de la diversit des cultures dentreprise et de la double nationalit impose par les bailleurs, ainsi que lopposition entre la direction dEDM et son conseil dadministration, notamment travers la personne de son Prsident qui a ponctuellement fait obstacle aux dcisions les plus stratgiques ou les plus anecdotiques pour lentreprise. Lanalyse la plus dtaille est celle de DPE, qui met en lumire les spcificits culturelles et sociologiques de cette exprience pour en tirer des enseignements mthodologiques et oprationnels. Il en ressort que les raisons de lchec sont autant rechercher dans linsuffisante prise en compte du contexte local malien que dans des causes exognes (dvaluation du FCFA, scheresse entranant une augmentation brutale de la demande) ou dans lingnierie du contrat (surabondance de textes non hirarchiss, absence de plan dinvestissement moyen terme) et dans son contrle.

On peut ainsi relever que ds la phase de dfinition de la DGG, la priorit donne au respect de dlais courts a conduit un manque de concertation organise et une appropriation insuffisante de la dmarche par les autorits locales, ce qui sera le point de dpart dincomprhensions croissantes entre les parties pendant la DGG du fait du non respect du principe du dialogue patient dans un contexte africain. Les bailleurs ont en effet voulu imposer un modle quils nont pas pris soin dexpliciter suffisamment, et le groupement dlgataire, affaibli par les logiques dintrt en son sein mais marqu par la culture dentreprise de son leader, la Saur, a voulu reproduire le modle dvelopp avec succs en Cte dIvoire en sous-estimant les difficults dadaptation aux spcificits maliennes, attitude non dnue dun certain mpris qui sest traduite galement dans la qualit insuffisante de lquipe dexpatris mise en place. Ce manque dattention pour le dialogue sest manifest par de multiples maladresses graves de la part du consortium (refus de la destitution du DG demande par le Ministre, absence de relations politiques au plus haut niveau et abandon de cette tche au Prsident du Conseil dAdministration, etc.) qui sont au cur de lchec de la DGG. Lanalyse montre en effet que laffectif (voire le sentimentalisme) a jou un rle primordial dans lexcution du contrat, en tmoigne le vocabulaire utilis par la partie malienne (malversation, sans-cur), au point que le Prsident du Conseil dAdministration ait pu brutalement changer de comportement et passer de la confiance totale la dfiance la plus pointilleuse, et que linstabilit des relations ait gagn lensemble des acteurs.

Le bon droulement dun contrat de DGG repose en effet sur la confiance rciproque des parties car mme dans le cas de contrats clairs, la diffrence de sens accord par les parties la nature de ses obligations peut mener limpasse ds que cette confiance est perdue et quil y a soupon quune partie privilgie ses intrts propres. A cet gard la nomination de lancien PDG dEDM comme Prsident du Conseil dAdministration de la nouvelle entit tmoigne de la mfiance initiale des autorits maliennes et de linsuffisance du processus dappropriation. On peut par ailleurs noter que la diffrence de sens attribu la logique mme du contrat de DGG (quasi-contrat daffermage large autonomie pour le consortium, contrat centr sur les objectifs mesurables pour la Banque Mondiale, obligation de dmarche ajustable par consensus politique pour les autorits maliennes) est un indice de la confusion qui prvaudra pour la mise en place du cadre rglementaire en 2000.

Enfin, on peut retenir de cette exprience que la subjectivit et le caractre potentiellement affectif des relations contractuelles ncessite un contrle des contrats de dlgation de service par une tierce partie neutre et indpendante. Ce rle na t jou ici ni par la mission daudit dont lintervention a t trop limite et trop tardive, ni par les bailleurs, qui peuvent parfois intervenir comme contrleur de dernier ressort, mais ont t ici trop distants (et devaient grer leurs propres diffrences de vues), si bien quon peut parler de phnomne de ccit collective.

Deuxime priode: la privatisation (2000-2005)

Les autorits maliennes sengagent ds 1998 ouvrir le capital dEDM un partenaire stratgique aprs une priode transitoire de deux ans. En 2000, le groupement form de Saur et IPS W.A. (filiale sngalaise du fonds de lAga Khan) remporte lappel doffre international pour le rachat de 60% des parts de la socit, et signe deux contrats de concession pour 20 ans pour leau et llectricit, tandis quun nouveau cadre institutionnel est mis en place fin 2000 pour le dveloppement de ces deux secteurs, avec notamment la cration dune commission de rgulation de llectricit et de leau (CREE). Des conflits entre les parties sont apparus ds le dbut de la privatisation et se sont aggravs partir de 2003 pour aboutir mi 2004 un processus de rengociation qui sest sold par le dpart de Saur en octobre 2005.Les rapports tudis sont assez concordants et mettent en avant la question tarifaire comme tant au cur du conflit. Nanmoins, CE insiste sur les imperfections du cadre juridique comme cause profonde de la crise. TRC et MC dtaillent les faiblesses des contrats de concession, du cadre juridique, de la forme de partenariat public priv choisi, les performances insuffisantes de loprateur par rapport ses objectifs dinvestissements et ses difficults mobiliser des financements long terme dans ce contexte chahut. MC analyse en particulier de prs les erreurs de dfinition de la formule dajustement tarifaire, tandis que TRC value plus en dtail le secteur de leau, y compris le fonctionnement hors primtre dEDM (sa couverture en termes de population nest que de lordre de 10%) et la question du service aux plus pauvres. HAR pour sa part sattache une reconstitution chronologique et objective des faits.

1. le cadre juridique et le rle du rgulateur.

La faiblesse fondamentale de la gestion de leau et de llectricit au Mali semble tre que le systme juridique na pas fait de choix clair entre les deux modles qui lont inspir:

le modle franais qui repose sur une logique contractuelle: cest le contrat de concession qui fixe les obligations entre ladministration et loprateur qui est confie lexploitation du service public. Loprateur reoit le droit dexploiter les actifs pendant une dure limite et se rmunre principalement sur les recettes dexploitation.

Le modle anglais qui repose sur une logique de rgulation sectorielle par un organisme indpendant: le rgulateur, fortement personnalis, est garant de la qualit du service et de lintroduction et de la promotion de la concurrence dans le secteur; cest lui qui dtermine au quotidien toutes les caractristiques du service que doit fournir loprateur, notamment le tarif, et il a en outre une mission de nature juridictionnelle. Le contrat, cahier des charges qui ne fait que prciser le rle de loprateur, est secondaire dans ce type dorganisation.

Le rgulateur apparat beaucoup plus puissant dans le modle anglais pour contrebalancer le fait que lentreprise porte une plus grande responsabilit (importance de son engagement financier et dure quasi infinie) car elle a souvent rachet les actifs au cours dune privatisation. Ces deux modles ne sont pas les seuls mais illustrent la difficult de trouver un juste dosage entre contrat et rgulation, de faon quilibrer au mieux les intrts entre les deux parties.

On peut donc tout fait construire un systme mixte empruntant aux systmes juridiques franais et anglais, mais cela ncessite un travail de clarification important, qui na manifestement pas t ralis au Mali dans le contexte durgence qui a prvalu pour sa mise en place (crise nergtique grave en 1999, double dune crise conomique; dbut des oprations par le concessionnaire avant mme la mise en place de la CREE). Il semble quici encore il y ait eu assez peu de dbats et que les bailleurs aient impos un modle transfrant le maximum de responsabilits au secteur priv, posant comme postulat que cest la meilleure incitation accrotre la performance, mais sans chercher privilgier la clart dans les textes. Le rsultat est donc la juxtaposition de deux modles difficilement conciliables (un contrat de concession de service public entre lEtat et EDM sur le modle franais, conformment la culture juridique lgue au Mali par la France, et un rgulateur sectoriel puissant sur le modle anglais impos par la Banque Mondiale) sans articulation entre eux. Les textes dfinissant le rle de la CREE lui donnent en effet un pouvoir important en matire tarifaire, notamment la possibilit de fixer directement les tarifs de llectricit en se rfrant aux principes gnraux de tarification de lordonnance organisant le secteur lectrique. A linverse, le contrat de concession contient des stipulations tarifaires, souvent imprcises et mme contradictoires, mais que loprateur a toujours considres comme devant prvaloir, contestant donc la lgitimit de lintervention de la CREE. En outre, les pouvoirs de contrle et de sanction du concessionnaire sont rpartis de faon peu claire entre lEtat et la CREE, et les modalits de rglement des litiges ne coexistent pas de faon harmonieuse. Ce type de situation crant une nouvelle entit administrative dont les comptences empitent sur celle dune autre est cratrice de conflits de pouvoir qui aboutissent forcment de vives tensions.

Ainsi, depuis le dbut de la concession, les ajustements tarifaires annuels prvus par le contrat nont jamais vraiment t mis en uvre et ont donn lieu chaque fois des querelles sans fin. La situation est sur ce point devenue critique en 2002 car aprs trois annes de rattrapage tarifaire intensif (voir annexe), la hausse du prix du diesel a trs fortement affect les cots de production. Jusquen 2002, des baisses de tarifs ont t imposes par le gouvernement avec compensation financire de loprateur (prvue dans le contrat), la CREE jouant jusque l un rle dintermdiaire, puis partir de 2003 (aprs limogeage du prsident de la CREE), lampleur des dsaccords a conduit la CREE a fixer directement les tarifs sur la base de sa propre analyse des cots du secteur, et donc en excluant toute possibilit de compensation (une compensation sera verse pour 2003 aprs un an de ngociations mais pas pour 2004, ce qui tait un sujet de blocage de loprateur dans les ngociations jusqu ces derniers mois).

Le rle de la CREE, essentiel dans le mcanisme de rgulation du secteur, apparat ainsi avoir t dfini de faon floue, et le principe dindpendance qui est cens lui permettre darbitrer entre les intrts du politique, de loprateur priv et des consommateurs, sest rvl inoprant. Le premier Prsident de la CREE, refusant la pratique du dialogue public, a en effet chou convaincre les autorits maliennes de sa neutralit et sest fait destituer par le Prsident de la Rpublique (instance ultime en labsence dune voie de recours juridictionnel mieux dfinie dans les textes), tandis que le second Prsident sest identifi la cause de la dfense exclusive du consommateur. Dans les deux cas, le sens donn au terme dindpendance par la partie malienne semble renvoyer une certaine libert de sexprimer sans contrle plutt qu la priorit donne aux rgles crites sur les affects.

2. le choix de la forme de partenariat public priv.

La concession a t choisie pour les secteurs de leau et de llectricit afin de faire raliser et financer par loprateur priv les investissements ncessaires lextension du service. Ce choix apparat aujourdhui contestable, en particulier pour le secteur de leau, du fait du niveau des investissements raliser et de la non mise en place des conditions pr-requises, notamment un engagement fort de lEtat payer ses factures deau ou augmenter les tarifs un niveau permettant de recouvrir les cots de linvestissement. Loprateur ntant en ralit pas prt investir sur ses fonds propres, il a recherch ds 2001 un financement long terme avec laide de Proparco, mais en 2003, linstabilit du rgime tarifaire est apparue rdhibitoire pour scuriser des capitaux privs, remettant en cause lconomie mme de la concession. En outre, un tel financement mme sil avait abouti, aurait t octroy un taux suprieur celui dun prt concessionnel quaurait pu obtenir le gouvernement auprs des bailleurs pour lextension des infrastructures en labsence de privatisation. Aussi, et mme sil existe des solutions o un prt de Proparco est par exemple mix avec un prt concessionnel de lAFD afin de faire baisser le cot du financement, il reste que le financement priv est toujours plus onreux que le financement public et que des modles financiers prcis doivent en tenir compte: le gain en efficacit apport par le priv doit plus que compenser le surcot du financement. On peut en particulier se demander si dans le cas dEDM le cot des ressources dinvestissement na pas t sous-estim et sil na pas t quelque peu irraliste de prvoir que ce schma tait compatible avec des prix accessibles pour la population, dautant que les fonds rcolts par le gouvernement pour la vente des actions dEDM nont mme pas t affects au secteur mais reverss au budget de lEtat. A cet gard, le fait davoir considr le tarif comme une donne du modle financier sans considration sur la capacit politique du pays respecter cet engagement est certainement une faiblesse de ce montage, en tmoigne le dsquilibre apparu suite aux dcisions tarifaires pratiques partir de 2003. TRC mentionne dailleurs quun modle de type Output-Based Aid aurait pu tre examin alternativement et note que la tranche tarifaire de leau pour les plus pauvres a de fait t largement subventionne pendant les premires annes grce des fonds concessionnels obtenus avant la privatisation.

Cest pourquoi les dernires ngociations ont port sur lvolution du contrat vers un modle daffermage. Dans un tel modle, loprateur (le fermier) loue les actifs qui restent proprit de lEtat (regroups dans une structure holding responsable des investissements dextension) et ne gre que lexploitation du service (de petits investissements pouvant nanmoins tre raliss).

3. les erreurs de rdaction du contrat.

Outre la confusion du cadre juridique gnral, le contrat de concession lui-mme contient de nombreuses imprcisions et des erreurs flagrantes (dfinition du prix plafond, formule dindexation tarifaire automatique, etc.) qui portent MC sinterroger sur le srieux du travail des experts, des bailleurs, et mme du concessionnaire. Les erreurs principales portent sur la formule de rvision des tarifs qui est indexe sur les prix du diesel alors quune part importante de la production du Mali est hydrolectrique, et ce davantage encore partir de la mise en service de la centrale de Manantali en 2002. TRC note galement que la transaction de privatisation a t conseille par Tractebel, un oprateur sans exprience particulire de ce type dopration relevant davantage de la banque dinvestissement.

Par ailleurs, les objectifs fixs loprateur mlangeaient objectifs de rsultats (taux de couverture) et objectifs de moyens (montants investir). Bien que les objectifs de rsultats aient t senss prvaloir, une certaine confusion demeurait et les autorits maliennes accordaient davantage dimportance aux montants investis. TRC remarque enfin que le contrle du contrat est partag entre le ministre technique et la CREE et quen pratique personne ne peut valuer rellement ladquation entre tarifs et investissements, et donc juger de la qualit du service fourni par le concessionnaire.

4. les performances de loprateur.

Si la premire anne de la concession a apport quelque crdit EDM pour ses efforts rduire les coupures de courant ou amliorer les relations client, les critiques des usagers envers les augmentations de tarifs se sont cristallises en une incomprhension majeure en 2002 (anne lectorale qui plus est) lorsque les gains de cot apports par la mise en service de Manantali ne se sont pas reflts dans les prix (du fait de linapplicabilit de la formule).

Cest dans ce contexte que les critiques les plus lgitimes ont t formules par les autorits maliennes sur l insuffisance des investissements raliss pour lextension du service. Si certains objectifs ont bien t remplis, TRC relve que lapprciation des rsultats est souvent dlicate (absence dtat des lieux initial, mauvais contrle, etc.). Surtout, il est reproch EDM davoir rvis la baisse son plan dinvestissement en 2002, arguant dune trsorerie insuffisante et de lattente des bailleurs. Cest en ralit son chec obtenir un financement long terme qui la empch dinvestir pour lextension du service laquelle il stait engag. Dans ce contexte, il peut apparatre discutable que Saur-IPS ait malgr tout rapatri des dividendes importants en 2003 ou continu facturer EDM au prix fort une assistance technique qui sajoute au cot des expatris.

5. la polarisation des relations et le basculement vers la sphre politique.

N dun processus de construction des secteurs de leau et de llectricit mal matris, le conflit a rapidement pris une dimension affective forte (les tlgrammes diplomatiques de cette priode citent jusquau Prsident de la Rpublique qui se dfend de faire montre de mchancet, alors quil avait fait campagne en 2002 sur le thme de la rduction des tarifs). Le nouveau Prsident de la CREE mis en place aprs 2003 sest comport avec une agressivit non dissimule vis--vis dEDM, utilisant tous les moyens sa disposition, y compris la presse, pour discrditer loprateur et tayer son soupon avanc de tricherie (cots surestims, bnfices cachs). Le contexte tait tel quon parlait de corruption par EDM du premier Prsident de la CREE, ce qui expliquerait son limogeage soudain par le gouvernement, ou que lon spculait sur le rle dEDM dans lempoisonnement dun des directeurs de la CREE en septembre 2004. Lors dune telle polarisation des rapports et dun tel basculement vers la sphre politique, il semble que toute tentative de limitation des dbats la sphre technique soit hors de porte, en tmoignent lchec en octobre 2003 de la tentative de construire un modle de simulation tarifaire partag dont la lgitimit navait pas t suffisamment accepte, ou les ngociations entreprises depuis fin 2004 avec laide dun mdiateur dsign par la Banque Mondiale. Outre les diffrences dapprciation sur les bnfices dEDM (3 Md FCFA selon la CREE, -7 Md FCFA selon EDM), la relation semblait tre devenue sipidermique entre les parties que la stratgie principale du concessionnaire a souvent t dexclure la CREE des discussions de rsolution de crise.

Devant ces difficults insurmontables de ngociation, Bouygues, qui stait dj spar en novembre 2004 des activits de la Saur sauf pour quelques pays africains et lItalie, a officiellement annonc fin aot 2005 sa dcision de se retirer dEDM. Aprs avoir tudi une solution de retrait via le rachat des parts de la Saur par IPS, qui aurait ainsi conduit la priode de transition en tant quactionnaire majoritaire, le gouvernement malien a finalement opt pour la reprise du contrle de lentreprise 66%, IPS ayant annonc quil maintenait sa participation si un nouveau partenaire priv tait trouv dans un dlai de trois ans.

Conclusion.

Limage du partenariat public priv au Mali semble donc srieusement entache par cette exprience qui se solde par un dpart de loprateur priv et une re-nationalisation de lentreprise, et il est probable que la recherche dun nouveau partenaire technique sera dlicate.

Par ailleurs, il restera effectuer un important travail de reconstruction du systme de rgulation des secteurs de leau et de llectricit qui soit simple et clair: la question du rle du rgulateur sest en effet rvle centrale et insuffisamment traite, et on nest parvenu ni en circonscrire le pouvoir discrtionnaire, ni mettre en place une vraie logique de rgulation sectorielle. Il apparat cet gard que la position de la Banque Mondiale sur lindpendance du rgulateur comme condition des partenariats public priv se soit rcemment assouplie et ait volu vers une conception plus proche de celle de lAFD, dun rgulateur transparent, lgitime et quitable, avec amnagement de situations transitoires avant datteindre ce rsultat.

Les imperfections du cadre de privatisation mis en place au Mali peuvent galement conduire sinterroger sur le processus de dialogue qui semble avoir t court par la conditionnalit des bailleurs. Ceci renvoie la question de la responsabilit des bailleurs dans la mise en place de rformes vcues comme imposes: en effet, il peut tre tentant, dune part pour loprateur, de faire pression sur les bailleurs pour quils influent en sa faveur en cas de conflit dans lexcution des PPP, au prtexte que lintroduction du priv a t voulue par ceux-ci, et dautre part pour les autorits du pays de ne donner que lapparence de la bonne volont dans un processus que certains acteurs peuvent vivre comme une perte dun levier politique important.

ANNEXE: volution tarifaire de leau et de llectricit (en %)

anne1998199920002001200220032004

calculrelcalculrelcalculrel

lec.+9.8+9.8+9.8+28.9+5+4.4+2+16-9.6-8.6

eau+10+10+10+16+10+13.2+13.2+0.3-10-1.1

Pour les annes 2001, 2002 et 2003, les pourcentages indiqus dans la colonne calcul correspondent ce que lapplication de la formule de rvision tarifaire aurait donn (et donc la demande du concessionnaire), et la colonne rel indique quelle volution tarifaire a t rellement applique.

La DGG est la forme la moins intrusive de participation du secteur priv dans laquelle lEtat conserve la proprit de la socit et dsigne les membres du CA mais confie une entreprise prive les postes de direction stratgiques avec un intressement limit aux performances

bien que HAR note que certains cadres maliens dEDM avaient plutt compris quil sagissait dune phase de modernisation qui pouvait ne pas donner lieu privatisation.

Encore diffrent du systme amricain reposant sur un modle trs juridique sous domination des avocats et des juristes avec des procdures trs formalises.

Il rpond dans les textes au Premier Ministre.

Ce point renvoie au dbat du financement des infrastructures par voie de subvention (que la thorie conomique prconise de limiter aux secteurs les moins rentables) et celui des prts aux Etats dont la dette est en cours dannulation. Le financement exclusif de laide par dons tant limit devant les besoins dinvestissement dans les infrastructures, lAFD dfend lintervention par des prts non souverains taux bonifi, auprs du secteur priv ou de socits publiques cres aprs la dcision dannulation de dette et ne bnficiant pas de la garantie de lEtat.

Output Based Aid : aide dun organisme multilatral ou bilatral perue par le secteur priv en complment dun tarif politiquement acceptable pay par lusager, sous rserve du respect de critres de performance (afin de limiter le risque quune fois les financements mis en place, les investissements sociaux ne soient pas raliss). Economiquement sduisant car il minimise les distorsions de march, ce modle a encore t peu mis en uvre du fait de certaines difficults oprationnelles (cots de transaction).

Les rapports ne sont pas tout fait clairs sur la nature exacte des actifs privatiss dans le systme actuel puisque si il y a bien eu vente de 60% des actions de la socit EDM au prix de 13.2 Md FCFA, loprateur doit malgr tout payer lEtat au titre du contrat de concession la somme de 300 M FCFA annuels pour lutilisation des actifs rests proprit de lEtat.

notamment les objectifs de nouvelles connexions domestiques pour leau ont t dpasss, mme si elles ont t partiellement finances par des subventions accordes par les bailleurs avant la privatisation.

Olivier Bouygues, en visite officielle au Mali avec Jacques Chirac en octobre 2003 a t chass du bureau du Ministre de lEnergie, et une confrence de presse a largement comment lvnement

Selon lAmbassadeur de France au Mali, la CREE tait essentiellement compose danciens dirigeants dEDM exclus au moment de la privatisation.