Biodégradations et métabolismes Les bactéries pour les technologies de l'environnement

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 BIODÉGRADATIONS ET MÉTABOLISMES LES BACTÉRIES POUR LES TECHNOLOGIES DE L'ENVIRONNEMENT C OLLECTION G RENOBLE S CIENCES DIRIGÉE PAR JEAN BORNAREL Jean PELMONT C

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DIRIGE PAR JEAN BORNAREL

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BIODGRADATIONS ET MTABOLISMESLES BACTRIES POUR LES TECHNOLOGIES DE L'ENVIRONNEMENTJean PELMONT

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Grenoble SciencesGrenoble Sciences poursuit un triple objectif : raliser des ouvrages correspondant un projet clairement dfini, sans contrainte de mode ou de programme, garantir les qualits scientifique et pdagogique des ouvrages retenus, proposer des ouvrages un prix accessible au public le plus large possible. Chaque projet est slectionn au niveau de Grenoble Sciences avec le concours de referees anonymes. Puis les auteurs travaillent pendant une anne (en moyenne) avec les membres dun comit de lecture interactif, dont les noms apparaissent au dbut de louvrage. Celui-ci est ensuite publi chez lditeur le plus adapt. (Contact : Tl. : (33)4 76 51 46 95 - E-mail : [email protected]) Deux collections existent chez EDP Sciences : la Collection Grenoble Sciences, connue pour son originalit de projets et sa qualit Grenoble Sciences - Rencontres Scientifiques, collection prsentant des thmes de recherche dactualit, traits par des scientifiques de premier plan issus de disciplines diffrentes. Directeur scientifique de Grenoble Sciences Jean BORNAREL, Professeur l'Universit Joseph Fourier, Grenoble 1

Comit de lecture pour "Biodgradations et mtabolismes Paulette VIGNAIS, Directrice de recherche CNRS au CEA de Grenoble Pierre CAUMETTE, Professeur l'Universit de Pau et des Pays de l'Adour Yves JOUANNEAU, Directeur de recherche CNRS au CEA de Grenoble Philippe NORMAND, Professeur l'Universit Claude Bernard de Lyon

Grenoble Sciences est soutenu par le Ministre de l'ducation nationale le Ministre de la Recherche et la Rgion Rhne-Alpes Grenoble Sciences est rattach lUniversit Joseph Fourier de Grenoble

Ralisation et mise en pages : Centre technique Grenoble Sciences Illustration de couverture : Alice GIRAUD

ISBN 2-86883-745-X EDP Sciences, 2005

BIODGRADATIONS ET MTABOLISMESLES BACTRIES POUR LES TECHNOLOGIES DE L'ENVIRONNEMENT

Jean PELMONT

C17, avenue du Hoggar Parc dActivit de Courtabuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France

Ouvrages Grenoble Sciences dits par EDP SciencesCollection Grenoble SciencesChimie. Le minimum savoir (J. Le Coarer) Electrochimie des solides (C. Dportes et al.) Thermodynamique chimique (M. Oturan & M. Robert) Chimie organomtallique (D. Astruc) De l'atome la raction chimique (sous la direction de R. Barlet) Introduction la mcanique statistique (E. Belorizky & W. Gorecki) Mcanique statistique. Exercices et problmes corrigs (E. Belorizky & W. Gorecki) La cavitation. Mcanismes physiques et aspects industriels (J.P. Franc et al.) La turbulence (M. Lesieur) Magntisme : I Fondements, II Matriaux et applications (sous la direction dE. du Trmolet de Lacheisserie) Du Soleil la Terre. Aronomie et mtorologie de lespace (J. Lilensten & P.L. Blelly) Sous les feux du Soleil. Vers une mtorologie de lespace (J. Lilensten & J. Bornarel) Mcanique. De la formulation lagrangienne au chaos hamiltonien (C. Gignoux & B. Silvestre-Brac) Problmes corrigs de mcanique et rsums de cours. De Lagrange Hamilton (C. Gignoux & B. Silvestre-Brac) La mcanique quantique. Problmes rsolus, T. 1 et 2 (V.M. Galitsky, B.M. Karnakov & V.I. Kogan) Analyse statistique des donnes exprimentales (K. Protassov) Description de la symtrie. Des groupes de symtrie aux structures fractales (J. Sivardire) Symtrie et proprits physiques. Du principe de Curie aux brisures de symtrie (J. Sivardire) Exercices corrigs d'analyse, T. 1 et 2 (D. Alibert) Introduction aux varits diffrentielles (J. Lafontaine) Analyse numrique et quations diffrentielles (J.P. Demailly) Mathmatiques pour les sciences de la vie, de la nature et de la sant (F. & J.P. Bertrandias) Approximation hilbertienne. Splines, ondelettes, fractales (M. Attia & J. Gaches) Mathmatiques pour ltudiant scientifique, T. 1 et 2 (Ph.J. Haug) Bactries et environnement. Adaptations physiologiques (J. Pelmont) Enzymes. Catalyseurs du monde vivant (J. Pelmont) La plonge sous-marine l'air. L'adaptation de l'organisme et ses limites (Ph. Foster) Endocrinologie et communications cellulaires (S. Idelman & J. Verdetti) Elments de biologie l'usage d'autres disciplines (P. Tracqui & J. Demongeot) Bionergtique (B. Gurin) Cintique enzymatique (A. Cornish-Bowden, M. Jamin & V. Saks) L'Asie, source de sciences et de techniques (M. Soutif) La biologie, des origines nos jours (P. Vignais) Naissance de la physique. De la Sicile la Chine (M. Soutif) Le rgime omga 3. Le programme alimentaire pour sauver notre sant (A. Simopoulos, J. Robinson, M. de Lorgeril & P. Salen) Gestes et mouvements justes. Guide de l'ergomotricit pour tous (M. Gendrier) Listening Comprehension for Scientific English (J. Upjohn) Speaking Skills in Scientific English (J. Upjohn, M.H. Fries & D. Amadis) Minimum Competence in Scientific English (S. Blattes, V. Jans & J. Upjohn)

Grenoble Sciences - Rencontres ScientifiquesRadiopharmaceutiques. Chimie des radiotraceurs et applications biologiques (sous la direction de M. Comet & M. Vidal) Turbulence et dterminisme (sous la direction de M. Lesieur) Mthodes et techniques de la chimie organique (sous la direction de D. Astruc) L'nergie de demain. Techniques - Environnement - Economie (sous la direction de J.L. Bobin, E. Huffer & H. Nifenecker)

AVERTISSEMENTCet ouvrage sadresse aux chercheurs, ingnieurs et tudiants intresss par le rle des bactries dans la dfense de lenvironnement et le mcanisme biochimique des biodgradations de substances polluantes varies. Pour tenter de prsenter un aperu du problme partir de la masse norme des informations sur le sujet, souvent disperses parmi les sources nombreuses parpilles dans les publications scientifiques, il a fallu sappuyer sur les notions fondamentales en biochimie mtabolique, en enzymologie et en microbiologie. Il n'tait pas question de faire double emploi avec les traits gnraux qui sont souvent excellents et bien adapts la formation scientifique. Il convenait donc de rester dans un cadre modeste en renonant toute tentative de raliser un essai encyclopdique, qui de toute faon aurait t hors de porte de lauteur. La difficult est vite apparue de trouver les limites entre les donnes de base et les rappels jugs indispensables. Aussi a t-on ajout la fin des quatorze chapitres un glossaire assez volumineux pour accompagner les rubriques traites, en rappelant les dfinitions et proprits essentielles. On peut estimer nanmoins que cet ouvrage ne conviendra quaux tudiants ayant lexprience dau moins trois annes de cursus universitaire avec un bagage de biochimie et de microbiologie. Par contre les connaissances de chimie requises restent simples et le programme du Premier Cycle suffira gnralement. Le but est de crer un outil utile pour les diffrents spcialistes intresss par la dfense de lenvironnement et les biodgradations, afin de leur permettre de se documenter rapidement sur des sujets qui sortent un peu de leur domaine habituel. Lidal serait videmment dapporter des ides qui pourraient enrichir leur travail. On a donc pris soin dapporter une bibliographie assez abondante, arrte sauf quelques exceptions la fin 2002, et il a fallu naturellement effectuer des choix assez arbitraires. La facilit daccs Internet et aux grandes bases de donnes fait que les informations peuvent tre rapidement collectes ou retrouves, notamment par Medline. On a donc privilgi les rfrences trouves dans les journaux dont on peut se procurer en un temps trs court le contenu des articles en ligne. Il a paru inutile dintroduire des adresses de sites Internet, parfois volatiles, que chacun peut se procurer en toute libert avec les moteurs de recherche du type Google. Lintervention des bactries dans les biodgradations a t privilgie, parce quelle est en gnral la fois essentielle et bien documente. Ce choix comporte une part darbitraire, puisque les champignons, levures et autres ensembles dacteurs apportent leur part. Il y a donc t fait parfois allusion dans plusieurs rubriques o cela tait indispensable.

INTRODUCTIONLES DONNES DU PROBLMEComment les bactries liminent-elles les dchets de l'activit humaine ? Le thme de ce livre est la biochimie du nettoyage de l'environnement qu'elles effectuent. Le problme est replac dans le cadre des grands cycles naturels. Ils nous aident mieux comprendre comment les procds mis en jeu dans le recyclage des substances naturelles ont t adapts et mis au service de l'limination des composs artificiels, c'est--dire la bioremdiation. L'accumulation de rejets de toutes sortes dans l'environnement est devenue un sujet de proccupation majeure depuis plusieurs dcennies. Elle a donn lieu une forte prise de conscience dans les pays dvelopps qui en sont les premiers responsables. La course pourrait sembler perdue d'avance au vu de la formidable progression des activits industrielles, de la consommation et du dveloppement de l'agriculture intensive. La pollution va des emballages aux produits chimiques utiliss comme pesticides et herbicides, en passant par les nitrates, les hydrocarbures et les mtaux lourds. Les micro-organismes contribuent largement les dtruire ou les neutraliser malgr leurs limites. Tous les tres vivants participent des degrs divers au recyclage des matires organiques et minrales de l'environnement. Par leur aptitude coloniser tous les milieux, les micro-organismes viennent au premier rang. Bactries, champignons, microalgues et protistes forment une gigantesque usine chimique plantaire dont les produits se propagent tout au long des chanes nutritionnelles. Un premier choix a t de ne considrer majoritairement que les bactries, ou plus exactement les procaryotes en gnral, c'est--dire les protobactries ou bactries au sens strict, les cyanobactries et les archaebactries. Pourquoi cette limitation ? Les procaryotes sont presque toujours en premire ligne. Ce sont les organismes les plus simples dont on connat plutt bien la machinerie mtabolique et assez souvent la gntique. Les mcanismes rgulateurs sont moins complexes que chez les eucaryotes mais peuvent mettre en jeu un bouleversement de l'expression de nombreux gnes qui n'est pas sans rappeler les diffrenciations cellulaires des organismes plus volus. La prsence des procaryotes est universelle et leur participation aux grands cycles naturels est essentielle. Parmi les bactries du sol se trouvent les actinomyctes aux potentialits particulirement riches et complexes qui excellent en mme temps dans l'art de faire des antibiotiques. L'extrme versatilit de tous ces organismes et leur facult d'adaptation en font des acteurs trs actifs dans la lutte contre les pollutions. Ce livre en est une premire approche.

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BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

Depuis les annes 1960 a paru une abondante littrature scientifique sur les biodgradations lorsque les chercheurs, au dpart incrdules, se sont aperus que de nombreux produits organiques jugs toxiques ou rbarbatifs comme le benzne, les phnols, le ptrole brut et autres, taient effectivement dgrads activement par les bactries, parfois avec la collaboration d'autres organismes dont les levures. Les rsultats ne sont accessibles en gnral que dans des revues disperses et spcialises. Une pollution peut avoir des causes naturelles comme artificielles. Pour lutter contre ses effets pervers, il est bon de connatre les mcanismes de son limination qui peut s'oprer parfois spontanment par oxydation l'air, hydrolyse ou destruction photochimique. La microflore de l'environnement s'est habitue traiter les polluants naturels par des facteurs enzymatiques appropris slectionns au cours des priodes gologiques. La vgtation est une des premires responsables de l'mission d'une immense varit de substances, des terpnes, flavonodes, alcalodes et autres composs qui sont des dchets ou des agents de dfense contre les autres organismes. L'industrie humaine n'a fait que compliquer les choses en introduisant des molcules qui n'existaient pas auparavant dans la nature. On dsigne ces composs artificiels sous le vocable de xnobiotiques. Il peut arriver qu'un xnobiotique ne soit qu'un "analogue" qui ne diffre d'un compos naturel que par un dtail de sa formule chimique le rendant acceptable par les enzymes des micro-organismes. Le xnobiotique devenu biodgradable est trait comme un substrat naturel et son limination est possible si les ractions du mtabolisme en acceptent tous les intermdiaires. Dans les cas les plus favorables, la substance trangre est minralise, c'est--dire transforme en gaz carbonique, ammoniac et eau. Un cas de figure trs important est celui du comtabolisme. L'agent microbien dgrade effectivement le xnobiotique, mais ne peut pas l'utiliser seul pour sa croissance. Les transformations ont alors lieu paralllement celles des substrats normaux en utilisant les mmes outils. Dans bien des cas, le comtabolisme peut avoir un caractre fortuit. Il est videmment intressant dans la mesure o il permet d'liminer des produits gnants. Des complications naissent quand un xnobiotique a une action toxique sur la microflore et les plantes. Sa destruction, partielle ou non, est alors une raction de dfense, une dtoxification du poison. La gamme des situations rencontres est vaste, et nous en trouverons de nombreux exemples. Dans un cadre gnral, un substrat donn se trouve en prsence, non pas d'une entit biologique unique, mais de populations mixtes de bactries ou d'autres espces. Tous ces organismes apportent leurs propres potentialits. Les premires transformations sont catalyses par une espce donne et les produits forms sont reus par d'autres qui prennent le relais. Des changes ont lieu, minralisation et dtoxification sont ventuellement simultanes. C'est la situation la plus commune dans l'environnement mais aussi la plus difficile dmler sur le plan exprimental puisqu'il n'est pas simple de reproduire artificiellement et de faon stable la cohabitation des diffrents acteurs. Il existe dans la littrature scientifique un grand nombre d'articles faisant tat de la disparition de tel ou tel contaminant dans un milieu naturel, interprt comme l'activit d'une association microbienne (un "consortium" dans les articles anglosaxons). Ces recherches sont intressantes et rassurent sur la nature de tel ou tel produit, mais n'apportent pas

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toujours d'information prcise sur les mcanismes impliqus. De plus la principale qualit d'un rsultat scientifique est d'tre reproductible par d'autres. En gnral les descriptions faites sur le terrain ne sont jamais reproduites en l'tat, puisqu'il s'agit de milieux complexes variables dans le temps et l'espace. Reconnatre le caractre biodgradable d'un produit est nanmoins essentiel. Son valuation par diffrentes mthodes standards, comme la BOD* 1, est recherche par les industriels dsireux de se mettre en conformit avec la lgislation. La disparition de certains polluants est conditionne par leur solubilit, leur caractre volatil (mission dans l'atmosphre et destruction photochimique), ou leur adsorption sur les particules du sol (humus et argiles). Un produit fortement adsorb reste plus longtemps dans le sol alors qu'un produit trs soluble est entran rapidement vers la nappe phratique et les cours d'eau. Ce n'est pas forcment avantageux. Un lessivage trop rapide ne laisse pas le temps aux microorganismes du sol de s'adapter et d'entamer le nettoyage, et le produit polluant ira contaminer les rivires. La tendance plus ou moins importante s'adsorber est mesure par le coefficient Koc*. Elle est rgle entre autres par la nature des molcules, leur caractre plus ou moins hydrophobe et leur ionisation. La rcalcitrance intgrale de certains polluants qui rsistent toute attaque microbienne est videmment la situation la plus nfaste et ncessite le recours, quand on le peut, l'incinration ou au recyclage. Il s'agit principalement de certaines matires plastiques, de goudrons, de noyaux chimiques d'une stabilit exceptionnelle et d'lments minraux tels que les mtaux : cadmium, zinc, mercure et autres. La pollution par les hydrocarbures est l'ordre du jour. La biodgradation de bon nombre de ces composs est connue, parfois rapide et a fait l'objet d'une exprimentation trs vaste. Malheureusement certains hydrocarbures, polycycliques ou haute masse molculaire, sont de vritables dangers. Tout le monde pense videmment aux bitumes lourds de l'Erika ou du Prestige. La lenteur de leur limination naturelle est telle que leur prsence, longtemps aprs les rcentes mares noires, constitue la calamit que l'on sait. Les mtaux offrent un cadre part. Lorsqu'ils sont prsents sous forme d'oxydes, d'hydroxydes, de sulfures ou de combinaisons organiques, les mtaux peuvent tre solubiliss et entrans par les eaux avant d'tre dilus dans l'environnement. La gestion des concentrations mtalliques est un problme pineux en biologie. Un chapitre montrant comment les bactries traitent ce problme a t inclu dans ce livre, car la pollution mtallique est loin d'tre absente des problmes contemporains. Enfin il convient de mentionner la participation des plantes dans tout ceci. Elles ne sont pas le sujet de ce livre, mais leur prsence ne saurait tre ignore car leurs racines attirent dans ce qu'on appelle la rhizosphre des bactries et des champignons avec lesquels elles collaborent activement. En outre la majorit des plantes hbergent dans leurs racines des champignons formant les mycorhizes, qui prsentent eux-mmes des interactions avec les bactries. Limiter le sujet aux bactries, quelques exceptions prs, est donc une premire simplification qui ne doit pas faire oublier que lenvironnement est un tout faisant participer un grand nombre dorganismes diffrents. 1 - Les mots reprs par * sont dfinis dans le glossaire situ la fin de l'ouvrage.

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L'PURATIONLa lgislation actuelle oblige toutes les communes se raccorder une station d'puration. Certaines industries ont leur propre installation. Lpuration biologique permet de dbarrasser l'eau de ses principales impurets. Son vocation trs succincte ici ne sert qu' nous mettre dans le bain du sujet. La mthode la plus ancienne est le lagunage, qui utilise des plans d'eau o s'effectuent les processus naturels de dgradation et de recyclage des polluants grce au dveloppement de bactries, de levures, de protozoaires et d'algues. Il s'tablit une chane alimentaire naturelle oxygne en surface. On utilise au besoin la capacit d'auto-puration des terres cultives. La mthode a l'inconvnient d'occuper des surfaces assez vastes et sa capacit de traitement est devenue trop faible pour les grandes agglomrations. Les stations d'puration fonctionnent sur un principe similaire mais avec une plus grande efficacit. Les eaux uses sont dcantes puis brasses et ares en prsence des micro-organismes qui s'agglomrent en boues et granules destins sdimenter, tandis que les eaux clarifies sont peu peu dbarrasses de leurs matires organiques dissoutes. La prsence de l'oxygne est essentielle et garantit les biodgradations les plus rapides. Selon la technologie utilise, ces cultures bactriennes peuvent tre libres (boues actives) ou fixes (lits bactriens et biofilms). L'emploi des boues actives est le plus classique. Les microorganismes se dveloppent et se rassemblent en flocons ou "flocs", maintenus en suspension par brassage accompagn d'une aration. Une dcantation limine les boues, dont une partie est rinjecte en amont, le restant tant limin, opration qui demande souvent des solutions techniques dlicates. Il existe maintenant une varit de techniques et le schma symbolise le principe de base.eau use dcanteur primaire aration des boues actives eau traite dcanteur secondaire

sable particules boues en excs dchets

La demande en eau recycle de haute qualit a stimul les progrs techniques. Une conomie des volumes traits est recherche dans les villes par la sparation des eaux uses et pluviales. La charge minrale et organique d'une eau est estime par la MES ou teneur en matires en suspension, et par la DBO5* qui permet d'estimer la teneur en matire organique. La MES d'une eau urbaine ne dpasse gure 200-300 mg . L1, et la DBO5 varie de 100 400 mg . L1. Ces valeurs peuvent tre fortement augmentes, de 10 50 fois la sortie de certaines industries alimentaires (brasseries, conserveries, fromageries, abattoirs). Deux autres paramtres sont la DCO (demande chimique en oxygne) et le COT (carbone

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organique total). Des mesures rapides et automatises permettent ainsi d'valuer la pollution. Il est gnralement intressant de pouvoir estimer la nature prcise des polluants prsents comme les pesticides ou les hydrocarbures. Les techniques analytiques modernes y parviennent. Parmi celles-ci figurent des enzymes immobilises dans des lectrodes polarographiques. Diverses socits se sont spcialises dans la production de biocapteurs. La conception des biocapteurs s'est diversifie et perfectionne depuis une vingtaine d'annes. La dtection automatique d'une pollution permet de dclencher un systme d'alerte et de commander le rglage des installations. Divers procds ont t mis au point pour traiter certains effluents en anarobiose, comme le procd UASB*. Des efforts mens en vue de diminuer les cots d'investissement et d'entretien ont conduit de nombreuses amliorations dans la filtration, l'immobilisation des bactries et l'vacuation des boues. La conduite d'une station d'puration sur le principe de base voqu prcdemment connat plusieurs catgories de problmes, dont le rejet des boues ou la qualit des microbes purateurs. La nature de ces micro-organismes est cruciale. On trouve gnralement des Pseudomonas, Alcaligenes, Micrococcus, Flavobacterium et autres espces dont le nom reviendra frquemment dans le courant de ce livre comme acteurs des biodgradations. L'arrive des polluants slectionne des espces comptentes qui se dveloppent plus vite que d'autres et sont capables d'changer de l'information gntique sous forme de plasmides. On s'efforcera sans doute dans l'avenir d'introduire des bactries gntiquement modifies spcialises dans le traitement de certaines pollutions. Toutes ces recherches reposent la base sur des tudes exprimentales utilisant les mthodes de culture afin d'tudier les proprits physiologiques des germes. Les mthodologies sont bien dcrites dans les manuels de microbiologie pratique. Cela va du plus simple par des cultures axniques discontinues (en batch) aux cultures continues en chmostat* ou en turbidostat*. Ces techniques ont t largement perfectionnes et automatises. Malheureusement elles ne rendent encore compte qu'imparfaitement des conditions naturelles o de nombreuses espces de micro-organismes sont en association et en comptition. L'tude des cultures mixtes stables se heurte de grandes difficults mais devrait concentrer les efforts de recherche l'avenir.

CHAPITRE 1 LA COLLECTE DE L'NERGIECe premier chapitre a pour objet de dresser un rappel des mcanismes nergtiques fondamentaux situs la base des cycles naturels et de toute biodgradation. Que l'nergie soit tire des oxydations ou de la lumire, elle apparat invariablement sous forme d'un potentiel lectrochimique membranaire ou de composs nergtiques comme l'ATP. 1.1 - Respirations et fermentations 1.2 - Le rle des fermentations 1.3 - ATPases, ATP synthases 1.4 - Cytochromes 1.5 - Complexes de type bc1 1.6 - Oxydases respiratoires terminales 1.7 - Phototrophie non-oxygnique 1.8 - Les cyanobactries 15 20 26 30 34 38 46 56

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE1.1 - RESPIRATIONS ET FERMENTATIONSToute cellule dispose invariablement de deux rservoirs d'nergie de base, reprsents par un potentiel membranaire et un stock de composs nergtiques comme l'ATP. Le potentiel est aliment par le passage de protons prfrentiellement dans un seul sens, avec pour rsultat une dissymtrie de pH et de charges des deux cts de la membrane, avec un excdent de protons et de charges positives hors du cytoplasme. L'ATP est l'archtype des molcules nergtiques dites haut potentiel et source d'nergie chimique directe. Ces deux rservoirs communiquent par une pompe membranaire rversible, qui est l'ATPase/ATP synthase. L'hydrolyse de l'ATP en ADP et phosphate peut gnrer un potentiel de membrane. Inversement ce potentiel, qui voque celui d'un condensateur charg, peut actionner une synthse en retour de l'ATP. L'ide fondamentale est donc de voir que toute l'nergie immdiatement disponible pour la cellule est rpartie entre ces deux rservoirs. Le potentiel lectrochimique membranaire ou force protonmotrice (p) est aliment essentiellement par les respirations et les oxydorductions lies la photosynthse. De l'autre ct, le rservoir ATP reprsente les molcules haut potentiel nergtique produites par les fermentations. Celles-ci engendrent de l'ATP en phase soluble par couplage direct avec des ractions du mtabolisme. Une autre fraction d'ATP est produite par la pompe rversible qui est l'ATPase/ATP synthase. Elle permet de recharger le potentiel membranaire par l'hydrolyse de l'ATP, ou au contraire de faire une synthse d'ATP partir d'ADP et de phosphate au dtriment du potentiel membranaire.ATP synthase potentiel p

++++++++ ATPase

ATP

Ce schma est utile aux microbiologistes et biochimistes, car il fait appel au mcanisme mis en jeu au cours de la conservation d'nergie. Les modalits sont parfois plus complexes et le mcanisme des changes d'nergie n'est pas toujours connu

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BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

avec certitude. La notion de fermentation adopte ici est restrictive. Dans la pratique industrielle, la rcupration de produits utiles partir d'une culture de microorganismes est considre comme une fermentation au sens large. L'oxydation de l'alcool en acide actique dans la prparation du vinaigre est ainsi dsigne comme une fermentation, alors qu'au sens biochimique du terme c'est le rsultat d'oxydations respiratoires. Le potentiel membranaire est bti par des oxydorductions capables de coupler le transport d'lectrons avec une translocation de protons. Ce principe de conservation d'nergie est rversible. Le potentiel membranaire peut contribuer aux courants d'lectrons inverses, gnrateurs de molcules rduites comme le NADH ou le NADPH. Il actionne de faon gnrale un retour des protons travers la membrane, coupl un certain nombre d'activits comme la rotation des flagelles ou le transport de substances et d'ions travers la membrane. Ce sont les transports actifs dits de type 1. Ainsi la permase du lactose dans le colibacille fait entrer simultanment une molcule de glucose et un proton. La pression exerce sur l'entre du proton tire la molcule de lactose vers l'intrieur. La permase agit donc comme synporteur. Si l'entre des protons tait couple la sortie d'une autre entit, il s'agirait d'un antiporteur. La contribution essentielle du potentiel membranaire consiste videmment coupler la synthse d'ATP par phosphorylation de l'ADP grce au retour des protons vers le cytoplasme. Le rservoir ATP renferme une nergie convertible en diffrentes molcules haut potentiel nergtique dont l'actyl-coenzyme A. L'ATP actionne de nombreuses synthses, actionne la mobilit cellulaire chez certaines espces, ainsi que des transports actifs, notamment les transporteurs ABC* des bactries. Dans la ralit l'ATP n'est pas le seul nuclotide nergtique, mais il faut introduire en toute rigueur l'ADP, ou encore des nuclotides susceptibles d'changer leur phosphate comme l'UDP, le CDP et le GTP. L'hydrolyse de l'ATP en ADP et phosphate libre 32 kJ . mol1 dans les conditions standards. L'nergie relle est bien suprieure (50-70 kJ . mol1). Elle crot avec le rapport ATP/ADP, ou mieux avec la "charge nergtique" dfinie par ATKINSON comme (ATP + 0,5 ADP) / (ATP + ADP + AMP). Comparable en quelque sorte la charge d'une batterie, ce rapport serait troitement rgul par les cellules dans une fourchette d'environ 0,85-0,95 dans les conditions normales de croissance. On sait que la variation d'nergie libre au cours d'une oxydorduction est donne par la loi de NERNST*. Une oxydation chimique quelconque devrait dgager essentiellement de la chaleur. Les biomembranes offrent un milieu hydrophobe favorable la conservation de l'nergie par translocation unidirectionnelle d'entits ioniques. On admet que cette conversion s'opre avec un rendement trs lev par le canal de protines membranaires transporteurs d'ions, animes de changements de conformation. L'nergie des oxydations est donc consacre des changements de conformations cycliques au sein de ces transporteurs, qui leur permettent de se charger d'un ion sur une face de la membrane, et de le rejeter de l'autre ct, crant un potentiel lectrochimique. Dans les cas les plus courants, le potentiel s'tablit par une translocation de protons. Des ions sodium peuvent jouer le mme rle. Les protons, ou noyaux

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE

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d'hydrogne, ne sont pas des entits libres comme le serait un ion sodium anhydre, par exemple. En milieu aqueux, un proton est prsent combin des molcules d'eau, sous forme H3O+ (ou H5O2+ et autres), alors que dans les molcules organiques et en particulier les protines, sous forme de groupes ionisables caractre acide (cystine, tyrosine, aspartate, glutamate), basique (arginine, lysine, histidine) 1. Les transferts de protons dans les protines se font de groupe donneur vers groupe accepteur (acide vers base). Lorsque les protons parviennent l'extrieur, ils sont accepts par des molcules d'eau et leur prsence contribue faire baisser le pH. Ils peuvent tre aussi retenus la surface de la membrane sous forme de charges positives changeables. La translocation des protons revient donc acidifier le milieu extrieur, ou crer un excdent de charges positives, ou les deux la fois. Le potentiel lectrochimique membranaire a donc deux composantes : une acidit par rapport l'autre face, une charge globale positive par rapport celle-ci. La tendance qu'ont les protons faire ce mouvement inverse dpend la fois du pH et de la rpartition asymtrique des charges. C'est pourquoi on a coutume de reprsenter le potentiel membranaire par une force protonmotrice, analogue une force lectromotrice, dsigne par p ou H, et exprime en volts : p = 2,3 (RT/F) pH. La diffrence de potentiel lectrique entre les deux faces de la membrane est positive si l'extrieur est charg positivement par rapport au cytoplasme. La diffrence pH du pH entre les deux compartiments est ngative si l'extrieur est le ct le plus acide. Le coefficient 2,3 (RT/F) vaut peu prs 0,059 volt. Selon ces conventions de signe, une p positive tend faire entrer des protons et donc faire synthtiser de l'ATP. Beaucoup d'auteurs prfrent l'exprimer en millivolts. Elle est couramment de 200 250 millivolts dans les systmes biologiques. On voit tout de suite que pH peut tre nul si toute la force protonmotrice est tablie par une diffrence de charges entre les deux faces de la membrane qui peut provenir d'une distribution ingale d'ions sodium, potassium ou autres. Des interconversions plus compliques peuvent avoir lieu par le jeu des mouvements de molcules et d'ions chargs travers la membrane, soit par diffusion, soit l'aide de transporteurs spcifiques. Toute substance rendant la membrane permable certains ions peut donc avoir un effet dcouplant. C'est le cas des ionophores et des protonophores. Par exemple la valinomycine transporte spcifiquement les ions potassium travers la membrane et agit comme dcouplant si ces ions sont prsents. Ce phnomne peut ralentir le dveloppement de la microflore et retarder les biodgradations, quand sont rpandues certaines substances phnoliques qui ont un tel effet dcouplant. Les oxydations respiratoires ont donc une fonction cruciale dans l'tablissement d'un potentiel membranaire. Les oxydations lies la photosynthse fonctionnent

1 - Rappel - la notion d'acide ou de base donne ici correspond aux dfinitions de BROENSTED, trs commode pour les biochimistes. Un acide est donneur de proton, une base un accepteur. Par exemple l'acide glutamique se dissocie rversiblement en acide glutamique glutamate + H+, le proton tant accept par une base (molcule organique, eau).

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BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

sur le mme principe. La figure symbolise le modle de base d'une chane de transporteurs d'lectrons dbouchant sur un accepteur final qui est suppos ici tre le dioxygne.succinate SDH UQ NADH NDH NQ quinones oxydases terminales et rductases cyt. bc1 O2 et accepteurs cyt. c

DH substrats varis

Chanes respiratoires

Les rectangles ombrs sont des sites de conservation d'nergie. Ils correspondent des systmes enzymatiques complexes o le passage des lectrons contribuent btir un potentiel membranaire par la translocation sens unique de protons. On y voit la NADH dshydrognase (NDH) qui est un systme complexe avec un composant flavinique et des noyaux fer-soufre, le cytochrome bc1 et la cytochrome c oxydase terminale ou cytochrome aa3 2, remplaable en anarobiose par des rductases (comme la nitrate rductase). Vers les quinones respiratoires de la membrane convergent les lectrons venant du NADH, du succinate et de donneurs varis par le canal de diverses dshydrognases ou de l'hydrognase, systmes enzymatiques qui ont tous des noyaux fersoufre dans leur structure. Les quinones forment un rservoir d'lectrons qu'elles distribuent en aval dans diffrentes directions.NADH formiate 0 0 rservoir des quinones OH DMSO TMAO ttrathionate nitrite OH fumarate nitrate lactate

H2 dshydrognases

glycrol-3P

rductases

Anarobiose (E. coli)2 - Une nomenclature traditionnelle mais vieillie appelle "complexe I" de la mitochondrie animale la NADH dshydrognase (NDH), "complexe II" la SDH, "complexe III" le bc1 et "complexe IV" la cytochrome c oxydase.

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE

19

Elles canalysent les lectrons vers une quinone respiratoire dissoute dans la phase lipidique membranaire. En bas du schma sur l'anarobiose figurent diffrents accepteurs. Les rductases correspondantes ont galement des noyaux fer-soufre et sont ventuellement associes des cytochromes. L'accepteur le plus favorable est le nitrate (E' = + 420 mV). D'autres ont un potentiel plus bas, comme le dimthylsulfoxyde (DMSO, E' = + 160 mV), le trimthylamine-N-oxyde (TMAO, E' = + 130 mV) et le fumarate (E' = + 30 mV). La quinone respiratoire n'est plus une ubiquinone (E' = + 100 mV), mais une mnaquinone potentiel plus bas (E' = 74 mV). Les ubiquinones (une des plus communes est l'ubiquinone-8 ou UQ-8, de potentiel E' = + 100 mV), sont des molcules trs lipophiles 3, en excs dans la membrane par rapport aux autres transporteurs d'lectrons. Une de leurs caractristiques essentielles est de pouvoir changer les lectrons un un en passant par un stade intermdiaire radicalaire ou semiquinone.O O O O OH e + 2 H+ e + 2 H+ O e e O

OH quinol

O semiquinone

.

O quinone

Ubiquinone-8En absence d'oxygne dans les respirations dites anarobies, les ubiquinones sont souvent remplaces par des naphtoquinones (NQ), appeles aussi mnaquinones, au comportement similaire mais avec un potentiel redox plus bas. Leur forme rduite, ou mnaquinol, n'est pas roxyde par un cytochrome bc1, car ces derniers sont caractristiques des chanes arobies, sauf chez certains phototrophes o ils sont des pices essentielles dans les changes d'nergie. Le complexe bc1 sera dcrit plus loin. Leur quivalent chez les cyanobactries s'appelle b6f. La participation d'un bc1 aux oxydorductions n'est pas absolument gnrale. Dans certaines chanes respiratoires bactriennes s'effectue une oxydation directe des quinols par l'oxydase terminale, dont nous retrouverons plus loin des exemples.

3 - Solubles dans le pentane ou l'hexane.

20

BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

1.2 - LE RLE DES FERMENTATIONSLes mcanismes respiratoires pratiqus avec l'oxygne ou des accepteurs de remplacement sont gnralement les meilleures sources d'nergie pour les cellules. Mais quand aucune respiration n'est possible, une fermentation s'impose et produit de l'ATP en phase soluble, sans passer par un potentiel membranaire. Les fermentations consomment beaucoup de matires premires, les oxydations sont trs incompltes et librent en excs des produits caractristiques. Leur importance directe dans les biodgradations est parfois secondaire quand les conditions ncessaires sont loignes des conditions relles. Elles participent cependant au recyclage de la matire organique et interviennent au moins indirectement au nettoyage de l'environnement. Le principe de base d'une fermentation est illustr de faon exemplaire par la trs classique fermentation lactique. La voie glycolytique ou voie EMP 4 transforme une molcule de glucose en deux molcules de pyruvate, consomme 2 ATP mais en produit 4. Il y a 2 oxydations qui librent au total 4 lectrons emports dans 2 molcules de NADH.NADH ATP ATP FBP NADH COO C=O CH3 NADH COO HCOH CH3 lactate La fermentation lactique proprement dite TrioseP NADH ATP PGA ATP ATP ATP COO C=O CH3 pyruvate

La voie glycolytique ordinaireTout le problme des fermentations est de roxyder le NADH. Si les oxydations se poursuivaient au-del du pyruvate, il y aurait davantage de NADH produit. La fermentation lactique fait deux choses essentielles : roxyder tout le NADH et obtenir un gain net en ATP. Le bilan est quilibr, mais le rsultat est une production d'nergie modeste pour un grand gchis de matire premire. Dans la ralit il y a un peu moins de lactate form, soit 1,8 1,9 moles par mole de glucose, parce qu'une partie du carbone est prleve aux stades FBP, PGA et pyruvate, pour les synthses carbones de la cellule. Le tableau suivant n'est qu'un simple rappel pour montrer les fermentations effectues partir du pyruvate, les flches paissies dsignant des phases rductrices produisant 2 lectrons par mole.

4 - Voie d'EMBDEN-MEYERHOF-PARNAS ; FDP : fructose-1,6-bisphosphate ; Triose-P : dihydroxyactone-phosphate et 3-phosphoglycraldhyde ; PGA : acide 3-phosphoglycrique. Les voies classiques sont l'EMP, la voie des pentose-phosphates et celle d'ENTNER-DOUDOROFF.

1 LA COLLECTE DE L'NERGIEglucose CO2 oxaloactate CO2 pyruvate CO2 actaldhyde CO2 formiate lactate CO2 H2 actyl-CoA fumarate acrylate actoactyl-CoA CO2 succinate CO2 propionate isopropanol butanol butyrate actone butyryl-CoA acides gras thanol actate butanediol actolactate CO2 actone thanol

21

malate

Grandes fermentations partir du pyruvateLa principale difficult d'un mtabolisme de fermentation est de roxyder entirement le NADH ou quivalent form au cours des oxydations qui doivent fournir une nergie rentable. Le mtabolisme cellulaire doit tre compatible avec ces exigences. C'est pourquoi les voies de fermentation sont en gnral ramifies, celles du lactate de Lactobacillus ou de l'thanol dans la levure tant plutt des exceptions. La multiplicit des voies autorise une meilleure adaptation aux conditions comme on peut s'en rendre compte par l'exemple trs simple de la transformation du pyruvate par le colibacille en anarobiose. Les produits sont l'thanol, l'actate et le formiate, qui est transform en CO2 et H2. Seule est productrice d'ATP la voie de l'actate.HCOO formiate H2 CO2 COSCoA HSCoA CH3 actyl-CoA HSCoA actaldhyde thanol actyl-phosphate Pi HSCoA ADP actate ATP

COO C=O CH3 pyruvate

Le passage du pyruvate l'actyl-coenzyme A est une oxydation classique dcrite dans tous les manuels, mais elle a ici une particularit : les lectrons sont vacus sous forme d'hydrogne gazeux par l'intermdiaire du formiate. Seule la voie passant par l'actyl-phosphate est nergtique. Elle ne permet pas la cellule de roxyder le NADH produit avant la fabrication du pyruvate. La seconde voie s'en charge. Un aiguillage au niveau de l'actyl-CoA va orienter le mtabolisme plutt

22

BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

vers une voie ou l'autre en fonction des impratifs cellulaires du moment. Il y a finalement quatre produits de fermentation en proportions variables : l'hydrogne, le gaz carbonique, l'acide actique et l'thanol. L'quilibrage entre roxydation du NADH et production d'nergie n'est pas le seul impratif. La cellule a besoin de certains substrats carbons de dpart pour ses synthses. Par exemple l'oxaloactate est le prcurseur de plusieurs acides amins dont l'aspartate, et le succinate est l'origine des porphyrines. Une voie de fermentation peut donc en profiter pour produire au passage de tels prcurseurs. Elle est dite voie anaplrotique. Le petit dtournement ainsi effectu ne compromet pas la fermentation proprement dite puisque la matire premire est disponible en grande quantit. Les fermentations produisent ventuellement de grandes quantits de gaz et de produits volatils tels que gaz carbonique, hydrogne, des alcools, des acides carboxyliques courte chane Les manations s'ajoutent aux produits forms par d'autres routes, comme l'ammoniac et H2S. L'hydrogne gazeux est un vecteur extrmement important dans l'environnement mais ne s'accumule pas, car il diffuse facilement vers la surface du sol et des eaux. En outre il est rapidement roxyd en arobiose par des germes qui l'utilisent comme substrat nergtique. Enfin une concentration trop forte en H2 abaisse le potentiel redox du milieu des valeurs basses et se montre inhibitrice sur de nombreuses ractions de fermentation. Le diagramme de SCHINK [1] indique le potentiel redox pH 7 de l'hydrogne en fonction de sa pression partielle exprime en pascals (Pa). Le potentiel standard pH 7 de plusieurs couples d'oxydorduction a t repr. On voit que le potentiel de l'hydrogne est plus bas que la majorit d'entre eux.E (mV)0

fumarate/succinate glyoxylate/glycolate oxaloactate/malate actaldhyde/thanol NAD+/NADH pyruvate + CO2/malate actyl-CoA/actaldhyde + CoA 2 H+/H2 actyl-CoA + CO2/pyruvate + CoA

200

400

10

8

10

5

10

2

10

10

4

PH2 (Pa)

Variations du potentiel de l'hydrogneLa ligne de dmarcation entre fermentation et oxydation respiratoire n'est pas toujours vidente. Le meilleur exemple est celui de la fumarate rductase membranaire sur laquelle nous reviendrons par la suite. Le fumarate est utilis comme accepteur et fait du succinate par un mcanisme qui s'accompagne d'une translocation de protons. Un autre cas subtil est celui d'une apparente fermentation propionique par des espces anarobies strictes telles que Propionigenium modestum et Veillonella alcalescens. La premire est une bactrie marine, la seconde se rencontre dans la plaque dentaire. DIMROTH a montr en 1982 que Propiogenium tirait son nergie d'un systme indit [2].

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE

23

On la cultive sur succinate dans un milieu contenant 20 g . L1 de NaCl. La transformation du succinate peut s'crire 5 : succinate + propionyl-CoA

succinyl-CoA + propionate succinyl-CoA (R)-mthylmalonyl-CoA (R)-mthylmalonyl-CoA (S)-mthylmalonyl-CoA (S)-mthylmalonyl-CoA + H+ propionyl-CoA + CO2

(1) (2) (3) (4)

Les enzymes catalysant ces ractions sont une coenzyme A transfrase (1), la mthylmalonyl-CoA mutase (2), une racmase (3) et la mthylmalonyl-CoA dcarboxylase (4). La raction (1) fait entrer du succinate, et le propionate est rejet audehors comme produit de la fermentation. Or ce sont deux charges ngatives qui entrent pour une seule qui sort. Consquence : une charge ngative supplmentaire du ct interne de la membrane. La raction (4) est la partie la plus intressante. Elle consomme un proton du ct interne. Elle fonctionne avec la biotine comme cofacteur et couple la dcarboxylation du substrat avec une translocation d'ions sodium vers l'extrieur de la cellule. Les bactries font donc un gradient d'ions sodium comme d'autres feraient un gradient de H+. La dcarboxylation est "exergonique" 6 (E' = 30 kJ . mol1). Comment la cellule rcupre-t-elle l'nergie correspondante ? Par une translocation en retour d'ions sodium et synthse d'ATP. Le passage des ions sodium en sens inverse actionne une ATP synthase trs comparable l'enzyme courante (dite de type F0F1 qui utilise les protons), et le rsultat est donc une synthse d'ATP par l'intermdiaire du potentiel membranaire. Le gradient de sodium est effaable exprimentalement par la nigricine et la monensine. On a montr avec des membranes isoles que le systme pouvait fonctionner dans les deux sens ! La dcarboxylase reprsente un modle qu'on retrouve dans plusieurs espces [3].2 Na+ extrieur membrane intrieur H+ CH3

n Na+

D C

A B

CO2 H3CCH2 CSCoA ADP Pi n Na+ ATP

OOCCHCSCoA 2 Na+

O mthylmalonyl-CoA

O succinyl-CoA

Mthylmalonyl-CoA dcarboxylase (P. modestum)Les fermentations s'accompagnent parfois de l'entre et de la sortie de molcules organiques ioniques par le jeu de transporteurs, avec pour rsultat un dsquilibre

5 - La notation R,S des configurations carbones est celle des chimistes. La notation usuelle D,L est encore traditionnellement admise dans certains cas, par exemple pour dsigner les acides amins. 6 - C'est--dire productrice d'nergie libre.

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BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

des charges de part et d'autres de la membrane et naissance d'un potentiel. Un exemple classique est fourni par la fermentation malolactique 7 qui comporte en mme temps une oxydation du malate en actate et une dcarboxylation en lactate dans Oenococcus oeni. La figure montre comment l'change des deux produits cre une dissymtrie de charge. Un phnomne du mme genre se produit dans Oxalobacter formigenes dans la transformation de l'oxalate. L'excdent extrieur de charges positives permet d'actionner la synthse d'ATP par l'ATP synthase F0F1.extrieur ++++++ membrane intrieur lactate malate2 n H+ oxalate2 formiate

lactate CO2

F0 F1 malate2 H+ ADP + Pi nH+

oxalate2 ATP H+

formiate CO2

Oenococcus oeni

Oxalobacter formigenes

Terminons cette vocation des fermentations par les bactries Gram-positives du genre Clostridium. Ce sont des germes sporulants prsents dans tous les milieux, strictement anarobies, trs sensibles O2, totalement dpourvus de transporteurs d'lectrons comme les cytochromes. Leurs ressources nergtiques sont souvent fondes sur des fermentations sophistiques. L'une d'elles est la raction de STICKLAND.alanine COOH Donneurs alanine histidine isoleucine leucine valine Accepteurs arginine glycine histidine hydroxyproline ornithine tryptophane H2NCH CH3 [2 H] [2 H] 2 NH3 2 Pi 2 actyl-P 2 glycine COOH HOOC H2NCH2 H2CNH2

COOH C=O CH3 CO2 COOH CH3

2 ATP HOOC COOH H3C CH3 3 actates

Fermentation de STICKLAND7 - La fermentation malolactisque est d'importance dans la maturation des vins, dont elle abaisse lacidit et assouplit le got. Elle doit se produire immdiatement aprs la fermentation alcoolique, de faon pouvoir raliser rapidement la stabilisation biologique du vin, de 10 25C, pH 3-3,5, en prsence d'thanol de 10 13% en V. On peut inhiber le processus par SO2, l'acclrer par des bactries lyophilises.

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE

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Un acide amin, comme la L-alanine, est oxyd par dshydrognases gnratrices de NADH, symbolis par [2H]. La roxydation du NADH se fait par une voie rductrice portant sur 2 molcules d'un autre acide amin, ici la glycine. L'nergie est rcupre sous forme d'ATP partir de l'actyl-phosphate comme indiqu par le tableau ci-dessus. Le bilan entre le donneur alanine et l'accepteur glycine est donc ici de 3 molcules d'acide actique formes et de 2 ATP. Plusieurs acides amins pouvant intervenir comme donneurs ou accepteurs ont t indiqus. Nous retrouvons ici l'actate comme un produit de fermentation. Une classe particulire de bactries dites actognes font de l'acide actique comme principal produit de leur activit, mais se dtachent par des caractres particuliers. Dans ce groupe figurent des bactries du genre Clostridium. Nous examinerons les actognes dans un chapitre ultrieur. Une phase critique de ce mtabolisme est la rduction dsaminante de la glycine par la glycine rductase. L'enzyme de Clostridium sticklandii n'a pas d'quivalent ailleurs, et l'une de ses particularits est de fonctionner l'aide de slnium. On y trouve plusieurs parties appeles A, B et C, qui ont chacune un ple ractif caractristique. La partie A (17,1 kDa) contient un thiol essentiel et surtout un rsidu de slnocystine [4]. La protine B renferme du pyruvate comme cofacteur attach par lien covalent. Le site ractif essentiel est le carbonyle (C=O) du pyruvate. La protine C est un ttramre de formule 22 ( : 58 kDa, : 49 kDa) [5]. Elle contient un thiol indispensable et catalyse la dernire tape de la raction. La figure ci-dessous reprsente le cycle de faon simplifie.glycine HOOC A SeH CO B actyl-P Pi SeH CO B C H2O 2 e + 2 H+ S O CCH3 A C H2O SH H2N CH2 HOOC CH2 SeH N A C B C

SH

NH3

A

SeCH2COOH CO B C

SH

Cycle de la glycine rductaseLe substrat est charg sur la protine B, forme une liaison covalente temporaire de type ctimine, appele aussi base de SCHIFF. Celle-ci est hydrolyse et il y a transfert sur la slnocystine de la protine A, avec dsamination. Une tape rductrice sous la dpendance de la thiordoxine rduite* s'effectue avec transfert sur le thiol de la protine C. La thiordoxine oxyde sera rduite nouveau par la thiordoxine rductase. Enfin une phosphorolyse termine le cycle, o le phosphate est entran

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BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

sous forme d'actyl-phosphate. On voit que l'acide amin, H2NCH2COOH, a t transform en CH3COOH et NH3 et il y a bien eu un apport de deux lectrons et deux protons. L'actyl-phosphate sera la source de phosphate pour la synthse d'une molcule d'ATP.

1.3 - ATPASES, ATP SYNTHASESL'ATP est un donneur de phosphate haut potentiel et sert de substrat pour les phosphorylations catalyses par les kinases. L'hydrolyse de l'ATP est couple d'autres ractions dans de trs nombreuses tapes du mtabolisme et fait figure d'agent moteur pour maintes synthses. L'ATP et l'ADP fonctionnent toujours sous form chlate par un magnsium dont la prsence est sous-entendue. L'hydrolyse est reprsente par : ATP4 + H2O ADP3 + PO4H2 + H+ (1) G' = 29,4 kJ . mole1 (25C) Une hydrolyse en AMP et pyrophosphate libre une nergie comparable, la valeur indique tant celle qui correspond l'tat standard. C'est un point de repre qui est trs loign de la ralit car l'nergie d'hydrolyse de la molcule d'ATP dpend du rapport [ATP] / [ADP] que les cellules s'efforcent de maintenir un niveau lev par des mcanismes rgulateurs prcis. Le graphique montre les variations de l'nergie ATP en fonction de ce rapport. On voit que l'nergie a presque doubl quand le rapport est de 100.G' (kJ.mol 1)0

20

concentration de phosphate 10 mM 1 mM

nergie d'hydrolyse de l'ATP croissante

40

60

80

106

102

102

106

[ATP]/[ADP]

Les ATPases membranaires* appartiennent plusieurs catgories dsignes par H ou F0 F1, A0 A1, P et V. Celles qui nous intressent ici sont les pompes rversibles de type H qui font communiquer les deux rservoirs d'nergie. Elles synthtisent de l'ATP en faisant entrer des protons dans la cellule. Inversement lorsquelles consomment de lATP, elles expulsent des protons lextrieur et btissent un potentiel de membrane. C'est pourquoi on dsigne ce type d'enzyme par ATPase/ATP synthase, dont le modle unique est tir de la membrane interne mitochondriale ou du colibacille. Ce modle prvaut, semble-t-il, dans la totalit du monde vivant. L'ATP synthase est toujours un complexe volumineux de plus de 450 kDa.

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE

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L'enzyme est compose de deux parties, dsignes par F0 et F1. La portion basale F0 est membranaire, de formule a b2 c12, avec un cylindre de sous-units c disposes en couronne, avec les sous-units et situes latralement par rapport au cylindre. La tte F1 est de composition 3 3 et fait saillie dans le cytoplasme des procaryotes, dans la matrice des mitochondries ou dans le stroma des thylakodes. Le socle F0 fonctionne comme un canal pour le passage des protons. La partie F1 peut tre dtache sous forme soluble. ATP Cest la mieux connue sur le plan structural. Les sousunits et se ressemblent ADP + Pi par leur structure, mais les 3 sites actifs sont ports F1 essentiellement par les . Les lient aussi des nuclb otides, et auraient un rle b 4 H+ rgulateur.

p

a c 12

F0

ATPase/ATP synthase mitochondriale

+ + +4 H+

+ + +

De nombreuses techniques biochimiques et gntiques ont t mises en uvre pour une cartographie des sites catalytiques. La partie F1 a t cristallise et analyse aux rayons X avec des analogues non hydrolysables de l'ATP en place dans les sites de la protine. L'ATP synthase est une des mcaniques molculaires les plus extraordinaires que la nature nous ait permis d'entrevoir. La synthse d'ATP, par ADP + Pi ATP + H2O, ne peut se faire qu' contre-courant thermodynamique. Pour que l'quilibre soit dplac effectivement du ct de la synthse de lATP, il faut que celui-ci soit limin au fur et mesure de sa formation. La solution observe est originale. Les units sont animes, en mme temps que le reste de l'enzyme, de changements de conformation. Cela signifie que l'affinit de la protine pour les diffrents substrats et produits peut varier en fonction de changements structuraux. Une faon d'carter l'ATP form des conditions d'quilibre est de former un lien haute affinit entre lui et l'enzyme : ATP + enzyme

complexe [enzyme-ATP] haute affinit.

Cette situation devrait conduire normalement un blocage, puisque le site enzymatique ne pourrait plus se dbarrasser du produit de la raction. Une action extrieure est donc ncessaire et consistera faire un nouveau changement de conformation qui aura pour effet de faire tomber l'affinit pour l'ATP et de faciliter sa libration avant un nouveau cycle ractionnel. Ces changements ne sont pas

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BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

gratuits, et ncessitent un apport d'nergie qui tire sa source de la force protonmotrice p. C'est la partie F0 qu'il appartient d'effectuer ce couplage. F0 fonctionne comme un canal protons et commande les changements de conformation de la partie F1. Cette fonction est clairement mise en vidence aprs l'enlvement de F1, qui laisse un vide rendant la membrane permable aux protons par le canal de F0. On peut bloquer le passage par des agents dcouplants comme l'oligomycine et le DCCD, qui forment un lien covalent avec les sous-units c en un site acide plac mi-chemin des deux faces de la membrane et conserv dans l'volution. Une fois dtach de F0, le bloc F1 est soluble et ne fonctionne plus que comme une vulgaire ATPase. Une recombinaison de F0 et F1 sur la membrane reconstitue lATP synthase. Le fonctionnement de l'ATP synthase est fond par des variations de conformation subies par les trois sites actifs l'un aprs l'autre, modifiant leurs affinits pour l'ADP, le phosphate et l'ATP. Ces changements sont commands par la sous-unit qui occupe avec le centre de l'anneau et qui explore successivement les trois paires par un mouvement de rotation autour de l'axe . Une pice tournante ! Cette rotation est actionne par le courant de protons tabli au niveau de la pice de base F0 et affecte la sous-unit , qui confre l'anneau de F1 une structure gnrale asymtrique. La explore successivement les trois sites catalytiques appartenant aux qui passent tour tour par au moins trois conformations au cours de la rotation, principe que le schma symbolise de manire simplifie, montrant les tapes successives et les rapports avec la sous-unit l'intrieur de l'anneau [6]. Pi g ADP Pi ADP ATP Pi Pi g ATP ADP

ADP Pi

ATP ADP ATP ADP Pi

Cycle de l'ATP synthase

La conversion de l'ADP + Pi en ATP provoque une modification du site qui retient l'ATP avec une haute affinit. L'apport nergtique consiste donc ouvrir le site pour relcher l'ATP et admettre une nouvelle molcule d'ADP. L'ide avait t mise depuis longtemps par BOYER [7], qui voyait dans certaines conformations

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE

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molculaires un mode essentiel de stockage de l'nergie dans les changes biologiques 8. En somme l'ADP arrive, puis le phosphate, l'ATP se fait et sa forte rtention sur le site tire l'quilibre ractionnel en faveur de sa formation. La sousunit reoit alors un coup d'paule qui la force librer l'ATP et le cycle recommence. Cette notion n'est devenue plausible que par l'avance des connaissances sur la dynamique des protines en gnral. Il y a un couplage mcanique entre et les successives qu'elle voit dfiler au cours de la rotation [8]. La rotation subie par la chane a t vrifie par des techniques spectaculaires avec le secours de la microscopie de fluorescence, en particulier dans le laboratoire de Masasuke YOSHIDA [9]. L'exprience a consist immobiliser les particules F1 sur le verre l'aide d'un lien histidine par l'extrmit N-terminale des chanes 9. La partie avait t soude un filament d'actine porteur d'un groupe fluorescent afin de le rendre visible plus facilement. Une camra vido fixe au microscope permettait de voir tourner les filaments d'actine pendant l'hydrolyse de l'ATP ! La direction de rotation n'tait pas quelconque, toujours dans le sens inverse des aiguilles d'une montre vu du ct F0. On peut penser que la rotation seffectue en sens inverse au cours de la synthse dATP. La structure trs dtaille de la par tie F0 loge dans la membrane reste ADP ATP dterminer, mais on a une ide assez Pi prcise de la topologie des units c qui forment une couronne solidaire [10]. Ce F1 sont des polypeptides assez courts (79 acides amins) replis en deux hlices alpha formant pingle cheb b veux. Les units c sont des barreaux e H+ intrieur organiss en dodcamres et sont orients peu prs perpendiculairemembrane ment la membrane. Leur structure H+ H+ H+ H+ est dduite d'tudes faites en RMN. c Elles subissent un changement de conc c c c a formation et d'orientation en fonction F0 de leur protonation et dprotonation. H+ Ces changements ont fait l'objet d'une analyse trs fouille par RASTOGI et GIRVIN [11]. Ils arrivent la conclusion que l'ensemble des units c forme effectivement une pice tournante entranant dans son mouvement l'axe qui pntre dans F1. Le rle des sous-units b et reste incertain, mais leur prsence a t montre comme indispensable. Il s'agit peut-tre d'lments stabilisateurs (par exemple pour empcher F1 d'tre entran par le mouvement de rotation de l'axe ). La

8 - BOYER a reu tardivement le prix NOBEL en 1997, aprs que ses ides eussent t confirmes par les travaux sur l'ATP synthase mitochondriale. 9 - Ces prouesses sont autorises par la connaissance de la structure de la protine et par les techniques de modification covalente des protines de plus en plus perfectionnes.

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BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

protine b est sous la forme d'un dimre. Sa structure est assez exceptionnelle. Chaque sous-unit est une hlice alpha unique trs allonge (95 ), et les deux hlices b sont torsades en une super-hlice dont la structure a t dtermine haute rsolution [12]. Ce systme tonnant est, semble-t-il, fortement conserv dans toute l'volution, et va continuer susciter un important courant de recherche. D'autres possibilits sont galement dbattues. N'oublions pas que loriginalit de se systme est de pouvoir fonctionner comme une pompe protons rversible, caractristique essentielle, car elle permet aux cellules dpourvues de chane respiratoire et tirant toute leur nergie par fermentation de reconstituer un potentiel membranaire partir de leur ATP. Ce potentiel est vital pour tous les procaryotes et indispensable au fonctionnement des mitochondries et plastes chez les eucaryotes.

1.4 - CYTOCHROMESLes protines hminiques appeles cytochromes ont pour activit la plus courante de transfrer des lectrons d'un donneur vers un accepteur. Ils tirent parti de l'alternance du fer entre les tats Fe(II) et Fe(III), et sont des outils cellulaires omniprsents dans maintes biodgradations. Nous en rappelerons quelques proprits. Leur intervention est pratiquement obligatoire chez les organismes arobies, mais de nombreuses espces vivant en absence d'oxygne se servent aussi de cytochromes pour des transformations importantes au sein de l'environnement. Certains cytochromes ont mme une activit enzymatique intrinsque, comme les cytochromes P450. D'autres ont une structure complexe associant divers cofacteurs comme des ions mtalliques, des noyaux fer-soufre et des flavines.absorbance (M1 cm1)

rduit10000

aoxyd

300

500

(nm)

5000

300 500

b

(nm)

L'identification des cytochromes est relativement aise grce au spectre diffrentiel d'absorption, qui tire parti du dplacement spectral par oxydorduction. La figure a montre les spectres du cytochrome c de cheval, petite protine soluble souvent utilise pour des tests enzymatiques l'tat oxyd (ox.) et l'tat rduit (red.). En b, la courbe mesure la diffrence d'absorption toutes les longueurs d'onde du visible entre la prparation rduite par dithionite et la mme l'tat oxyd. Cette technique est indispensable dans le cas des cytochromes lis une membrane, car elle permet d'effacer le bruit de fond caus par la turbidit du milieu. Un raffinement consiste effectuer ces tracs de spectre la

abs. (rd. ox.)

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE

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temprature de l'azote liquide (77 K), car les bandes obtenues, plus hautes et plus fines, accordent une meilleure rsolution. Une autre spectroscopie utilise est la RPE qui mesure les variations de spin* du fer. La structure molculaire des porphyrines est une des plus stables de la biosphre, son origine remonte aux origines les plus lointaines de la vie. Les porphyrines se distinguent par la nature des chanes latrales qui entourent la couronne azote ttrapyrrolique. Une des plus importantes est la protoporphyrine IX, porteuse de 4 mthyle, 2 propionyle, 2 vinyle. L'insertion du fer donne l'hme B, qu'on aperoit dans le petit formulaire. On sait que l'hme B porteur de Fe(II) est prsent dans l'hmoglobine 10. L'hme O drive de l'hme B : un groupe vinyle est remplac par une longue chane hydroxythyl-farnsyle (rectangle ombr) [13]. Une nouvelle transformation catalyse par une oxygnase sur un mthyle engendre l'hme A. Ce schma reste provisoire, vu l'existence de plusieurs varits d'hme A dans le monde bactrien.H2C CH2 HOCH N Fe2+ N CH2 CH2 COOH N CH2 CH2 COOH N N N O CH2 CH2 COOH H H2C CH2 HOCH N N

Fe2+ N N CH2 CH2 COOH

Fe2+ N N C CH2 CH2 COOH CH2 CH2 COOH

B

O

A

Formules des hmes B, O et AL'hme C est un hme B attach la protine par deux liens covalents tablis par les chanes latrales vinyle et le soufre de la cystine. L'attachement se fait sur un fragment de squence conserv Cys-x-x-Cys-His (ou Lys), l'histidine formant la sixime coordinence sur le fer. La cinquime coordinence de l'autre ct est le plus souvent l'histidine (la mthionine dans le cytochrome c mitochondrial). Les cytochromes c* sont typiquement des transporteurs d'lectrons extra-cytoplasmiques, logs dans le priplasme des Gram-ngatifs ou accols la face externe de la membrane cytoplasmique, mais des espces comme le colibacille en sont dpourvues. On distingue les cytochromes c en classes I, II et III. Certains contiennent 2, 6, 8 hmes C et davantage, formant des chanes de transfert intramolculaires. l'examen d'une squence, la prsence de deux cystines espacs de deux autres rsidus et voisin d'un histidine ou d'un rsidu basique est un indice srieux de la prsence d'un hme C. 10 - Lorsque le fer s'oxyde le Fe (III), l'hme est transform en hmine. Pour des raisons de simplicit, on a coutume d'appeler hme la porphyrine contenant du fer sans prciser son degr d'oxydation, qui alterne entre + 2 et + 3 dans les cytochromes.

32Cys Cys polypeptide Cys Fe His N CH2 CH2 COOH S X X Cys S His N Fe2+

BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

His N N

HO N Fe2+ N N N CH2 CH2 COOH

N N CH2 CH2 COOH

C Cytochrome c

C

CH2 CH2 COOH

D

L'hme D est un cas particulier rencontr dans une oxydase terminale de E. coli et diverses espces bactriennes. Il remplace l'hme O ou un hme A dans certaines oxydases en fonction des conditions physiologiques. Il est gnralement facile dtecter grce sa bande alpha exceptionnellement dporte vers le rouge (630 nm). Un tableau simplifi indique plusieurs catgories de cytochromes en fonction du type d'hme qu'ils hbergent. Les cytochromes qui ragissent avec des substrats tels que O2, NO, NO2 sont facilement inhibs par CO, l'ion cyanure ou azoture ("azide"), qui prennent la place du substrat normal. Dans d'autres cas (cytochromes b ou c), l'inhibiteur peut s'installer en dplaant une des liaisons de coordinence. Les potentiels d'oxydorduction ne sont donns qu' titre indicatif. Cyt. a b c d o a (nm)585 - 605 555 - 565 545 - 554 630 554 - 565

Type d'HmeHme A Hme B Hme B Hme D Hme O

E' (mV)vers 300 - 350 50 + 100 + 200 250 vers 300 - 350 > + 250

Observationslipophile lien covalent bactrien bactrien

InhibiteursCO, CN, N3 raction lente avec CN CO, CN, N3 CO, CN, N3

Le cytochrome c mitochondrial est une des premires protines analyses en dtail. Sa faible masse molculaire en faisait un modle idal. En outre elle prsente un conservatisme remarquable au cours de l'volution, la squence et la structure ayant gard de fortes ressemblances des bactries la levure de bire et l'homme. Autrement dit l'tude d'un cytochrome de mammifre donne une ide assez prcise du fonctionnement des cytochromes en gnral chez les micro-organismes. La rduction du fer dans le cytochrome c s'accompagne d'un changement structural de la molcule. Il y a des mouvements de certaines chanes latrales et une lgre rorientation de la charpente polypeptidique certains endroits, au point que la protine rduite ne cristallise plus dans le mme systme gomtrique que la protine oxyde, comme l'ont montr TAKANO et DICKERSON [14] La structure du cytochrome c de cheval est illustre ici l'tat oxyd et l'tat rduit 11. 11 - Les structures ont t tablies manuellement ici comme ailleurs dans ce livre, avec les coordonnes compltes tlcharges de la Brookhaven Data Base, et en utilisant le programme RasMac (Rasmol pour Mac) 2.7.1 crit par R. SAYLE.

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE

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hme

Oxyd, avec chanes latrales

Oxyd

Rduit

Cytochrome c de chevalLes modifications de conformation du cytochrome c au cours des oxydorductions ouvrent une fentre sur le mcanisme des transferts d'lectrons dans les protines de ce type. La porphyrine et la chane polypeptidique assurent des changes radicalaires d'un lectron entre le fer et la surface. Le changement conformationnel aurait une fonction fondamentale. Le transfert d'un lectron entre le donneur (complexe bc1) et l'accepteur (cytochrome c oxydase) entrane le cytochrome c dans un cycle dcrit par un dessin. L'oxydorduction correspond au dplacement vertical, le changement structural dans le sens horizontal. La protine qui s'oxyde n'est donc plus tout fait la mme que celle qui restitue un lectron l'oxydase, un peu comme s'il y avait alternance entre deux couples redox diffrents. Le cycle est ici parcouru dans le sens des aiguilles d'une montre, il ressemble un cycle d'hystrsis accompagn d'un change d'nergie, celui qui est requis par la modification de conformation. tat rduit Ce principe quivaut pour les chimistes un A B nivellement de l'nergie d'activation de la rduction de l'oxydase par le donneur.e bc1 oxydase e

A tat oxyd

B

L'ide est de voir le cytochrome comme une sorte d'enzyme catalysant l'change d'lectrons et utilisant les mmes rgles de mouvements conformationnels que les protines en gnral. On retrouve cette proprit dans l'azurine de Pseudomonas aeruginosa qui est une petite protine contenant du cuivre servant de transporteur coupl un cytochrome c551. La structure dtaille de l'azurine est connue et bascule entre deux conformations alternes au cours de l'change d'un lectron et d'un proton avec le cytochrome [15].

34

BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

Les cytochromes c fonctionnent invariablement l'extrieur du cytoplasme chez les procaryotes. Ils sont libres dans le priplasme des bactries Gram-ngatives, ou attachs la face externe de la membrane cytoplasmique. De mme ils sont logs du ct lumen dans les thylakodes des cyanobactries et des chloroplastes. Les mitochondries animales et vgtales portent leurs cytochromes c dans le compartiment intermembranaire. Il semble donc que pour devenir fonctionnel un cytochrome c doive franchir obligatoirement les limites du cytoplasme o il est synthtis. Il y a un principe gnral qui veut que l'apocytochrome c (la protine sans sa porphyrine) soit transport destination avant de recevoir son groupe hminique. Comme celui-ci est synthtis dans le cytoplasme, il faut donc qu'il traverse la membrane avant d'tre soud la protine par des rsidus de cystine. La dernire tape de la synthse de l'hme est l'insertion du fer dans la porphyrine l'aide d'une ferrochlatase, donnant l'hme B, et c'est l'tat rduit que l'hme sera insr dans un cytochrome c et soud pour devenir un hme C. La fabrication des cytochromes c montre diffrents niveaux de complexit dans la nature et demande au moins 9 facteurs dans les protobactries et , les archaebactries et les mitochondries des plantes. Le processus est plus simple dans les mitochondries animales, ou encore chez les champignons qui ont un mcanisme particulier [16]. La complexit est intermdiaire dans les chloroplastes, les bactries Gram-positives et les cyanobactries. La fonction des diffrents facteurs et leur volution gardent encore beaucoup de points d'ombre [17].

1.5 - COMPLEXES DE TYPE BC1Les cytochrome bc1 canalisent les lectrons des ubiquinones vers le cytochrome c dans les chanes respiratoires qui en possdent. C'est le complexe III dans les mitochondries. L'oxydorduction correspondante s'accompagne d'une translocation de protons d'un ct de la membrane, et offre un exemple emblmatique de la conservation de l'nergie sous forme de potentiel lectrochimique membranaire coupl aux oxydations. La constitution d'un complexe bc1 semble universelle par sa composition. On y rencontre un cytochrome b intgr la membrane et contenant deux hmes B proches l'un de l'autre , un cytochrome c1 dont la plus grande partie se trouve l'extrieur et une protine fer-soufre ou ISP ("iron-sulfur protein"), noyau [2Fe-2S] d'un type spcial dit de RIESKE*. Le complexe mitochondrial bovin a t obtenu cristallis et porte d'autres polypeptides extrieurs la membrane qui sont absents dans les bactries [18]. Le complexe semble fonctionner partout sous forme de dimre. Le dessin ne reprsente que la charpente des polypeptides l'exclusion des chanes latrales d'acides amins. Les trois sous-units sont figures ensemble en II, soit le cytochrome b, la partie fer-soufre (lISP, avec [2Fe-2S]) et la partie c1 ont respectivement 42, 22 et 27 kDa. Les autres chanes reprsentent environ 154 kDa au total dans le complexe bovin (ajoutes en III). Les bc1 sont donc les intermdiaires obligs entre les quinones respiratoires (ubiquinones) et le cytochrome c. La rduction d'une quinone en quinol, puis sa roxydation par un cytochrome bc1 donne lieu par elle-mme une conservation

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE

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d'nergie. On l'explique aisment par la disposition asymtrique du donneur et de l'accepteur dans la membrane, soit d'un ct une dshydrognase et de l'autre le complexe bc1 ou tout autre accepteur.[2 Fe2 S]

hme C extrieur hmes B

intrieur

cytochrome b cytochrome c1

II : cyt. b et c1 seuls (sans hmes) II : aprs addition de l'ISP III : monomre complet

II

III

Monomre bc1 mitochondrialLa rduction complte de la quinone consomme deux protons, la roxydation les restitue. Si par suite de cette asymtrie, la rduction a lieu prs de la face interne de la membrane et sa roxydation du ct externe, le cycle des quinones produira chaque tour un flux net vers l'extrieur de deux protons pour deux lectrons, en faveur d'un potentiel de membrane (une p).face externe UQH2 2 H+ accepteur

donneur face interne 2 H+

UQ

Le cycle ractionnel du complexe bc1 permet d'augmenter ce bilan. L'oxydation de l'ubiquinol se fait en deux tapes avec passage par le stade semiquinone, et envoi chaque fois d'un lectron vers les deux hmes B, puis au noyau fer-soufre de l'ISP (la protine de RIESKE), et enfin l'hme C de la sous-unit c1. la fois l'ISP et la sous-unit c1 sont ancres la membrane par des hlices alpha, mais leurs parties

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BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

essentielles dbordent largement vers l'extrieur 12. Le cytochrome c1 occupe donc la sortie. Il entre en contact avec l'accepteur final du complexe qui est un cytochrome c faible masse molculaire. Chose intressante, l'ISP porte son noyau fer-soufre dans une tte porte par un axe flexible, et l'on pense qu'elle peut basculer alternativement du cytochrome b vers la partie c1. Les deux hmes B sont dsigns habituellement dans la littrature par bL et bH (L et H pour low et high potential). Ils sont orients l'un au-dessus de l'autre peu prs perpendiculairement au plan de la membrane et se distinguent par leurs proprits 13. Le premier est un b566 bas potentiel (-30 mV), l'autre (bH) est un b560 potentiel plus lev (+90 mV). Le fonctionnement du complexe est inhib par deux sries d'agents qui se lient des endroits diffrents : l'antimycine et le HQNO d'une part, le myxothiazol, la stigmatelline et le MOA-stilbne de l'autre. En outre la partie cytochrome b a deux sites o peuvent s'installer les quinones/quinols, l'un tant prs de l'extrieur (ct P ou ct positivement charg), l'autre de la face interne (ct N ou ngatif)... Le fonctionnement du complexe bc1 est encore controvers. Le cycle ractionnel appel cycle Q, propos par MITCHELL [19] est certainement rvisable mais ses grandes lignes font la base des discussions. Au dpart est une molcule de QH2 sur le complexe. Le modle est fond sur deux oxydations successives en 1 et 2 transformant QH2 en semiquinone puis en quinone.2 H+ e QH2 QH2 Q 1 Q ct extrieur (P) 2 H+ e QH2 e Q 2 Q Q 3 face interne (N)

.QH2

Q

.

e QH2

Q e QH2 Q 4 2 H+ QH2 e Q e 5

.

Cycle Q (interprtation simplifieLa premire oxydation rduit l'ISP, la deuxime l'un des hmes B. Deux protons sont expulss. En 3, un hme B transmet un lectron l'autre, dans un ordre qui est controvers. Une quinone changeable avec la membrane est prsente. En 3 et 4, le processus se rpte et deux protons sont jects nouveau. Deux molcules de QH2 ont t oxydes et deux lectrons stocks sur le tandem des hmes B. En 5, ces deux lectrons sont rutiliss pour rduire une des deux 12 - Donc dans le priplasme pour les bactries Gram-ngatives, dans l'espace intermembranaire pour les mitochondries. 13 - Rappel : deux structures chimiques identiques, ici les hmes B, peuvent avoir des proprits physiques et ractionnelles diffrentes en fonction de leur environnement molculaire au sein de la protine, et diffrentes de celles qu'elles auraient en solution.

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE

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molcules de quinone en quinol QH2, l'autre tant change avec la membrane. Tout se passe donc comme si l'une des deux molcules de QH2 traites tait rgnre sous sa forme initiale. Au point de vue bilan, une molcule de quinol a t oxyde avec envoi de 2 lectrons un par un sur l'ISP, 2 protons ont t prlevs dans le cytoplasme et 4 protons ont t jects. Le cycle Q est dfendu notamment par TRUMPOWER et associs [20]. Pour d'autres chercheurs, en particulier HATEFI, une rvision du cycle Q comme modle s'impose nanmoins [21]. Une proprit capitale du bc1 est de pouvoir fonctionner de faon rversible. Dans le sens de l'oxydation d'un quinol par le cytochrome c, il gnre un gradient de protons. Inversement, par le retour de protons du ct extrieur vers l'intrieur, il engendre un courant d'lectrons en sens inverse vers la rduction des quinones. Il y a donc utilisation de la p pour renvoyer les lectrons vers des valeurs plus ngatives du potentiel, une disposition particulirement importante dans le mtabolisme des autotrophes. Le cycle Q a t pass au crible des tudes cintiques utilisant des inhibiteurs. L'antimycine et le myxothiazole avaient t supposs initialement se comporter comme des analogues des quinones et quinols. La premire s'installerait du ct N et l'autre du ct P, ceci en considrant l'existence des deux sites de fixation (QH2 et Q) comme explicit antrieurement. Le site quinonique plac du ct P (extrieur, prs de ISP) permettant la fixation QH2 n'a pas t localis sur les structures dtermines par cristallographie, et son existence est conteste. En outre la cintique du courant d'lectrons inverse, en partant de ISP et c1 pralablement rduits, indique un transfert d'lectrons de bL vers bH. Le transfert des lectrons partir de l'ubiquinol aurait donc lieu de bH vers bL, en sens contraire de celui qui tait prvu par le modle du cycle Q. La tendance est de considrer que les inhibiteurs ne prennent pas la place des quinones, mais contribuent verrouiller la structure en empchant les mouvements ncessaires l'accomplisement du cycle.IPS (Fe/S)

N N

N N

c1 ct P +++++++++

++++++++N N N N

bL

N N

N N

bH

ct N

Modle simplifi du complexe bc1

Les changements conformationnels au cours du cycle sont devenus vidents grce aux indications convergentes de la cristallographie, de l'analyse gntique, des mesures spectrales et cintiques [22]. L'un d'eux parat admis par tous les auteurs. La sous-unit ISP avec son noyau fer-soufre possde l'extrieur de la membrane une tte porte par une tige flexible, qui l'amne tantt dans le voisinage de bL, tantt vers le cytochrome c1. On peut comprendre l'importance de ce mouvement de la faon suivante. Quand deux lectrons arrivent en provenance du quinol membranaire (QH2), la partie flexible ISP s'carte en direction du cytochrome c1 ds

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BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

qu'elle a reu un premier lectron. Le mouvement empche le deuxime lectron de suivre le mme chemin et permet son envoi vers la paire des hmes (bH/bL). Celle-ci peut stocker deux lectrons en tout, soit un sur chaque hme. En somme quand le quinol cde ses lectrons, l'un va d'un ct (sur ISP), le second de l'autre ct sur la paire bH/bL. Cet aiguillage est essentiel pour que le cycle effectue un deuxime tour, augmentant le nombre de protons relchs vers l'extrieur, soit quatre en tout au lieu de deux. Des mouvements plus compliqus du complexe sont envisags, en particulier dans l'association au sein du dimre. Divers spcialistes considrent les cytochromes complexes bc1 comme les reprsentants d'un dispositif molculaire ancestral de valeur universelle, appartenant une chane respiratoire primitive, dont le plan se retrouve chez les eubactries et les archaebactries : une courroie de transmission gnratrice d'nergie lectrochimique entre quinones rduites et oxydase terminale.

1.6 - OXYDASES RESPIRATOIRES TERMINALESLes oxydases terminales reoivent les lectrons d'une chane de transporteurs respiratoire, et catalysent la raction : O2 + 4 e + 4 H+ 2 H2O. L'oxygne parvient par la face cytoplasmique de la membrane bactrienne. Le donneur direct est un cytochrome c ou une quinone respiratoire rduite ou quinol. Ces enzymes se rpartissent donc en cytochrome c oxydases et quinol oxydases. En outre la plupart des oxydases respiratoire effectuent une translocation de protons couple la rduction d'O2 et autorise une conservation d'nergie sous forme de potentiel membranaire. La cytochrome c oxydase ou cytochrome aa3 des mitochondries animales ou de levure appartient la membrane interne et ne renferme pas moins de 13 sous-units diffrentes, numrotes par ordre de mobilit croissante l'lectrophorse. Les bactries n'ont en gnral que les trois premires (I, II et III), qui sont les sous-units fondamentales trouves chez tous les tres vivants. Les parties I et II sont essentielles au transfert des lectrons, tandis que la III est surtout stabilisatrice au niveau de la membrane. Celles des mitochondries sont codes par l'ADN des particules que l'on sait avoir driv de lointains procaryotes. Les cytochromes c oxydases de Paracoccus denitrificans et Rhodobacter sphaeroides ont servi de bons modles d'tude. Elles sont associes une chane respiratoire dont le plan est grosso modo calqu sur celui de la mitochondrie, o l'ubiquinone rduite est roxyde par l'intermdiaire d'une chane de cytochromes bc1 et c. Les quinol oxydases sont au bout d'une chane plus simple et ne sont pas toujours conservatrices d'nergie par translocation de protons. Leur fonction peut consister ponger rapidement l'excs d'O2 dans les conditions de plthore d'nergie ou lorsque l'oxygne en excs se montre toxique pour la cellule 14.

14 - L'activit des chanes respiratoires est souvent trs facile doser sur des suspensions de fragments de membrane par oxydation du NADH (test de la "NADH oxydase"). On peut, soit examiner la disparition du NADH 340 nm, soit utiliser un test colorimtrique base de DCIP et PMS, ou encore un sel de tetrazolium.

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE

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Les oxydorductions internes de l'oxydase respiratoire se font selon un dispositif commun moyennant quelques variantes. Dans les cas typiques, il existe 4 noyaux mtalliques : deux renferment du cuivre et sont dsigns par CuA et CuB, les deux autres sont hminiques. Donc deux 2 Cu et 2 Fe. Le noyau CuA peut tre bimtallique, avec deux atomes de Cu, ou tre absent. Le contenu est alors de 5 atomes mtalliques ou seulement de 3, et non pas quatre. La varit des situations est importante ce niveau et le dessin ne servira que de repre. La partie gauche symbolise les sous-units I et II dans un cytochrome aa3 dans la mitochondrie de la levure de bire, de Paracoccus denitrificans et de Rhodobacter sphaeroides. La partie droite reprsente le ba3 d'Acetobacter aceti, l'aa3 de Bacillus subtilis et le bo de E. coli. Les hmes sont symboliss par des traits noirs comme vus par la tranche, orients perpendiculairement au plan de la membrane.n H+ ct extrieur Fe Fe CuB membrane ct cytoplasmique QH2 e Fe Fe CuB n H+

cyt. c Fe

CuA e

II

I

II

I

n H+ Cytochrome c oxydase

n H+ Quinol oxydase

Les deux types d'oxydases terminalesLes sigles tels aa3 et bo, font rfrence la nature des deux hmes de la sousunit I. C'est l que se font la rduction de l'oxygne et la translocation de protons. Ces hmes sont de type A, O, B ou D selon les cas. Comme on pouvait s'y attendre, la structure des units I et II ancres la membrane a t fortement conserve dans l'volution. Dterminer la structure du complexe qu'elles forment ne fut pas chose facile, car il s'agit de protines membranaires trs insolubles difficiles cristalliser autrement qu'en prsence de dtergent et de facteurs trangers comme des anticorps. La structure des oxydases aa3 dans les mitochondries bovines et Paracoccus denitrificans est maintenant connue en dtail et constitue un pas important pour comprendre le mcanisme de ces tonnantes machineries molculaires [23]. Les lectrons arrivent du ct priplasmique et sont livrs un un par le cytochrome c sur la partie II qui dpasse hors de la membrane. Deux lectrons sont provisoirement emmagasins au niveau de CuA grce au deux ions cuivre qui sont rduits en Cu(I). Le cheminement se fait par l'hme A hexacoordonn dans la partie II, puis vers l'hme A3 penta-coordonn 15. Le fer de celui-ci est 4,5 de CuB. Il forme avec celui-ci une paire mtallique diamagntique (pas de signal en On mesure alors essentiellement la NDH. Le test est stimul par le cyanure, qui supprime la comptition avec le reste de la chane respiratoire en aval et oblige tous les lectrons aller vers les colorants. Chez les bactries dtentrices d'un bc1, on peut mettre en vidence l'oxydation de l'ascorbate ou du TMPD par la partie aval de la chane. 15 - Hexa-coordonn : 6 liaisons dont 4 dans le plan de la porphyrine, et deux perpendiculaires de chaque ct. Penta-coordonn : la sixime position est libre et peut s'tablir avec un ligand tranger.

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BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

RPE) et constitue la zone essentielle o s'effectue la rduction de l'oxygne. On a dcouvert un site supplmentaire recevant un mtal divalent (M2+), comme le calcium, le magnsium ou le manganse, dont la fonction reste inconnue. Les pices I et II de la cytochrome oxydase traversent la membrane par une fort d'hlices alpha hydrophobes au sein desquelles s'effectue le passage des protons. Il faut 4 protons prlevs du ct interne pour former aprs rduction d'O2 les deux molcules d'eau. Un nombre de protons supplmentaires estim 4 sont exports de l'intrieur vers l'extrieur, pendant que 8 lectrons sont reus et rduisent O2 en 2 H2O. Le flux total est donc de 8 protons prlevs l'intrieur et 4 mis l'extrieur, la diffrence de charges ainsi cre tant la base de la conservation de l'nergie lie l'oxydorduction.

IIMet Cys CuA His His Cys Glu M2+ CuA CuB

I

site O2 membrane His His CuB Tyr His His His His a3 a

hme a hme a3

Parties I et II de l'oxydase de Parococcus denitrificansUn travail exprimental important a t effectu depuis la dcouverte de cette translocation de protons par WIKSTRM [24] et a conduit dterminer la voie de passage probable des protons travers le systme, la translocation tant actionne l'vidence par des changements alterns de conformation de tout l'difice chaque cycle ractionnel. Les quinol oxydases fonctionneraient sur le mme principe. L'oxydase bo de E. Coli a une sous-unit II homologue de celle de Paracoccus sur le plan structural, mais n'a pas de cuivre. Les lments rducteurs sont achemins par une ubiquinone (UQ8) qui oscille entre tat oxyd et rduit en passant par un stade radicalaire (semiquinone), les lectrons tant transmis un par un.

1 LA COLLECTE DE L'NERGIE4 e 4H+ cyt. c 4 e CuA 4 H+ 4 e hme A3 4 e hme A O2 2 H2O 4 H+ 4 H+ CuB O2 2 H2O

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cytochrome c

Cytochrome c oxydase

4 H+ (chimie)

4 H+ (translocation)

Le cycle catalytique de l a cytochrome oxydase [25] est indiqu ici de faon simplifie. Les symboles O, R H ont t maintenus pour faire le lien avec la littrature scientifique. Dans les rectangles, le tandem Fe-Cu symbolise le couple bi-mtallique form par l'hme a3 et le CuB dans le site actif.

OH2O H+ Fe(III) Cu2+ e e

HEtats successifs O : oxyd R : rduit 2 lectrons A : fixation de O2 sur Fe(II) P : stade "peroxy" F : stade "oxoferryl" H : stade "hydroxy"

Fe(III) Cu2+ OH H+

Fe(II) Cu+ O2

R

Fe(II) Cu+ e O=O

A

F

Fe(IV) Cu2+ O2 H2O 2 H+ Fe(III) Cu+ O O e Fe(III) Cu2+ O O

P

Cycle de la cytochrome c oxydase

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BIODGRADATIONS ET MTABOLISMES

Une des principales difficults est l'identification des tapes de changement de conformation que l'on crot tre responsables de la translocation des protons. On voit que le tandem Fe/Cu est d'abord pleinement rduit l'tat R, et que l'oxygne se fixe ensuite sur l'hme A3 au niveau du fer 16. Au stade P, l'oxygne diatomique est rduit au niveau peroxyde. Aprs l'arrive d'un troisime lectron, la liaison entre atomes d'oxygne est rompue. L'opration est une sorte de dismutation : il y a d'un ct une rduction deux lectrons qui donne une molcule d'eau, le groupe restant est oxyd en donnant le stade F. Un quatrime lectron rduit celui-ci en H, et l'hydroxyle est limin sous forme de la deuxime molcule d'eau. Nous avons donc 4 lectrons arrivant dans le cycle en ordre dispers, production de 2 molcules d'eau avec entre de 4 protons, qui sont prlevs du ct interne. Les 4 protons supplmentaires soumis translocation ne sont pas inscrits sur le diagramme. quels stades la translocation a-t-elle lieu ? En se fondant sur les donnes spectroscopiques, il a t prouv que des changements de conformation ont lieu au cours du cycle, chaque transition tant couple une jection de protons dans un seul sens [26]. Un seul serait mis lors de la rduction de O vers R, deux au cours de la transition de P F, et un dernier de F O. Pendant que fonctionne cette subtile mcanique, chaque molcule d'O2 atteint le noyau Fe/Cu par un chenal qu'on crot avoir identifi dans la structure, tandis que les molcules d'eau s'chappent l'oppos par un autre chenal. Nanmoins la nature des changements de conformation pendant le cycle est controverse et l'existence de changements structuraux d'ensemble a t conteste. KANNT et coll. ont prsent un modle labor qui ne fait appel qu'aux changements d'ionisation de plusieurs groupes [27]. Tout ceci est un schma moyen qui ne s'applique pas exactement aux quinol oxydases. Le cytochrome bd de E. Coli est une ubiquinol oxydase spciale ne contenant que deux sous-units et trois noyaux mtalliques comprenant les hmes b558, b595 et D. Son fonctionnement est radicalaire (lectron par lectron) comme celui du cytochrome bo [28]. L'architecture de la protine est diffrente, sa ligne volutive est distincte, et sa rsistance des inhibiteurs comme le cyanure ou l'azoture est plus marque.quinol oxydases dshydrognases D-lactate L-lactate succinate NADH pyruvate L-proline glycrol-P OH Cu2+ b562 FAD FMN Fe/S OH O b558 b595 d NO3

o555 O2

O

NO 3 b 556

nitrate rductase

Chanes respiratoires de E. coli

16 - Rappel : l'oxygne diatomique est li dans les porphyrines