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6] Actualités © Pour la Science - n° 373 - Novembre 2008 ACTUALITÉS C était le 11 septembre 2008 : les autorités chinoises ont annoncé que du lait mater- nisé était contaminé par de la méla- mine. Depuis, le scandale a pris des proportions internationales. Le der- nier bilan, du 9 octobre, fait état de quatre décès, 53 000 enfants malades dont 47 000 hospitalisés pour des pro- blèmes rénaux, 10 666 le seraient encore, huit dans un état grave. Au cœur de l’affaire, des grands groupes laitiers dont plusieurs dirigeants ont été arrêtés, ainsi que des responsables locaux et régionaux. Plus d’une ving- taine d’entreprises chinoises, dont plusieurs exportent en Asie et en Afrique, sont accusées. Mais pourquoi de la mélamine dans le lait ? Ce composé, utilisé depuis les années 1950 comme retar- dateur de feu et dans les feuilles stra- tifiées (le Formica), est une molécule où l’azote représente 66 pour cent de la masse. Or l’azote est l’élément uti- lisé pour mesurer une teneur en pro- téines. Quand du lait est coupé avec de l’eau, et que l’on ajoute de la méla- mine, les tests ne distinguent pas un lait pur et un lait coupé qui contient de la mélamine. Ce composé augmente artificiellement la concen- tration apparente de protéines. Les mécanismes de la toxicité de la mélamine ont été mis au jour lors d’un précédent scandale, celui de la contamination d’aliments pour chiens et chats vendus en Amérique du Nord, en 2007. Brent Hoff et Grant Maxie, de l’Université de Guelph, au Canada, ont montré que la mélamine s’associe à un de ses sous-produits métabo- liques, l’acide cyanurique, pour for- mer des cristaux où six molécules de chaque type s’associent par des liai- sons hydrogène. Ces cristaux s’accu- muleraient et formeraient des calculs rénaux. Le lait est souvent servi dans un biberon en plas- tique. Or l’innocuité de ces réci- pients contenant un composé nommé bisphénol A est désormais en ques- tion. David Melzer, de la Faculté de médecine Peninsula, à Exeter, au Royaume-Uni, et ses collègues vien- nent de montrer que des concentra- tions élevées de ce composé augmentent le risque de maladies cardio-vasculaires, de diabète et de dérèglements hépatiques. Élaboré à la fin du XIX e siècle comme estro- gène de synthèse, le bisphénol A est aujourd’hui utilisé dans la fabri- cation de plastiques dont on fait notamment des biberons. Ces der- niers libèrent le composé lorsqu’ils sont remplis avec un liquide chaud. Ces résultats alimentent une controverse internationale sur la toxi- cité de ce composé. En mai dernier, le Canada a interdit la commercia- lisation des biberons contenant du bisphénol A. En revanche, aux États- Unis, l’autorité sanitaire (la FDA) défend la thèse selon laquelle de petites quantités ne sont pas toxiques. De son côté, l’autorité européenne de sécurité des aliments procède à une réévaluation des taux d’expo- sition acceptables... Les fabricants ont pris les devants et proposent des biberons sans bisphénol A. Reste à choisir le lait. .Loïc Mangin . JAMA, vol. 300(11), pp. 1303-1310, 2008 Biochimie Mélamine, bisphénol : vive l’allaitement De la mélamine dans le lait, du bisphénol A dans le plastique des biberons : la sécurité alimentaire des tout-petits est d’actualité. La molécule de mélamine (en haut) contient trois atomes de carbone (en noir), six atomes d’azote (en bleu) et six atomes d’hydrogène (en blanc). Cer- tains bonbons contenant de la méla- mine ont aussi été retirés de la vente dans de nombreux pays. En raison des risques associés à la consommation de lait coupé contenant de la mélamine, plusieurs produits laitiers ont été retirés des grandes surfaces chinoises. Hadakimasu B. Mills M. van der Chip

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6] Actualités © Pour la Science - n° 373 - Novembre 2008

ACTUAL I TÉS

C’ était le 11 septembre 2008 :les autorités chinoises ontannoncé que du lait mater-

nisé était contaminé par de la méla-mine. Depuis, le scandale a pris desproportions internationales. Le der-nier bilan, du 9 octobre, fait état dequatre décès, 53 000 enfants maladesdont 47 000 hospitalisés pour des pro-blèmes rénaux, 10 666 le seraientencore, huit dans un état grave. Aucœur de l’affaire, des grands groupeslaitiers dont plusieurs dirigeants ontété arrêtés, ainsi que des responsableslocaux et régionaux. Plus d’une ving-taine d’entreprises chinoises, dontplusieurs exportent en Asie et enAfrique, sont accusées.

Mais pourquoi de la mélaminedans le lait ? Ce composé, utilisédepuis les années 1950 comme retar-dateur de feu et dans les feuilles stra-

tifiées (le Formica), est une moléculeoù l’azote représente 66 pour cent dela masse. Or l’azote est l’élément uti-lisé pour mesurer une teneur en pro-téines. Quand du lait est coupé avecde l’eau, et que l’on ajoute de la méla-mine, les tests ne distinguent pasun lait pur et un lait coupé quicontient de la mélamine. Ce composéaugmente artificiellement la concen-tration apparente de protéines.

Les mécanismes de la toxicité dela mélamine ont été mis au jour lorsd’un précédent scandale, celui de lacontamination d’aliments pour chienset chats vendus en Amérique du Nord,en 2007. Brent Hoff et Grant Maxie,de l’Université de Guelph, au Canada,ont montré que la mélamine s’associeà un de ses sous-produits métabo-liques, l’acide cyanurique, pour for-mer des cristaux où six molécules dechaque type s’associent par des liai-sons hydrogène. Ces cristaux s’accu-

muleraient et formeraient descalculs rénaux.

Le lait est souvent servidans un biberon en plas-

tique. Or l’innocuité de ces réci-pients contenant un composé nommébisphénol A est désormais en ques-tion. David Melzer, de la Faculté demédecine Peninsula, à Exeter, auRoyaume-Uni, et ses collègues vien-nent de montrer que des concentra-tions élevées de ce composéaugmentent le risque de maladiescardio-vasculaires, de diabète et dedérèglements hépatiques. Élaboréà la fin du XIXe siècle comme estro-gène de synthèse, le bisphénol Aest aujourd’hui utilisé dans la fabri-cation de plastiques dont on faitnotamment des biberons. Ces der-niers libèrent le composé lorsqu’ilssont remplis avec un liquide chaud.

Ces résultats alimentent unecontroverse internationale sur la toxi-cité de ce composé. En mai dernier,le Canada a interdit la commercia-lisation des biberons contenant dubisphénol A. En revanche, aux États-Unis, l’autorité sanitaire (la FDA)défend la thèse selon laquelle depetites quantités ne sont pas toxiques.De son côté, l’autorité européennede sécurité des aliments procède àune réévaluation des taux d’expo-sition acceptables... Les fabricantsont pris les devants et proposent desbiberons sans bisphénol A. Reste àchoisir le lait.

.➜ Loïc Mangin .JAMA, vol. 300(11), pp. 1303-1310, 2008

Biochimie

Mélamine, bisphénol :vive l’allaitementDe la mélamine dans le lait, du bisphénol A dans le plastique des biberons :la sécurité alimentaire des tout-petits est d’actualité.

La molécule de mélamine (en haut)contient trois atomes de carbone (ennoir), six atomes d’azote (en bleu) etsix atomes d’hydrogène (en blanc). Cer-tains bonbons contenant de la méla-mine ont aussi été retirés de la ventedans de nombreux pays.

En raison des risques associés à la consommationde lait coupé contenant de la mélamine,

plusieurs produits laitiers ont été retirés des grandes surfaces chinoises.

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A c t u a l i t é s

La Voie lactée tourne-t-elle rond? Le mouvement « anor-mal » de certaines étoiles dites céphéides suggérait jus-qu’ici que non. Mais Nicolas Nardetto, de l’Institut Max

Planck de radioastronomie à Bonn, et ses collègues ont montréque cette anomalie est une illusion liée à des propriétés intrin-sèques de ces étoiles : le mouvement d’ensemble des étoiles dela Voie lactée est bien circulaire.

Les céphéides sont des étoiles variables dont la période estliée à la magnitude intrinsèque, ce qui en fait d’excellents éta-

lons de distance. Les mesures de la vitesse des céphéides de laVoie lactée permettent en particulier d’étudier le mouvement derotation de la galaxie. Cependant, les céphéides du voisinagesolaire ont un mouvement « anormal » : elles ont une vitesseradiale (le long de la ligne de visée) résiduelle de deux kilomètrespar seconde en moyenne par rapport à un mouvement d’en-semble circulaire des étoiles de la galaxie. Ce mouvement est-ilréel ou est-ce un artefact dû à la méthode?

Pour le savoir, N. Nardetto et ses collègues ont observé endétail plusieurs raies d’absorption dans le spectre de huitcéphéides. L’élargissement de ces raies par effet Doppler lorsquel’étoile s’approche ou s’éloigne indique sa vitesse radiale.

Ces observations ont révélé que la vitesse radiale résiduelleest fonction de la raie étudiée. On en déduit que la vitesseapparente reflète des phénomènes qui se déroulent dans lescouches externes de l’étoile ; il ne s’agit donc pas d’un mouve-ment d’ensemble de l’astre. Le modèle d’un mouvement circu-laire reste valable.

.➜ Philippe Ribeau-Gésippe. à paraître dans Astronomy & Astrophysics. arXiv : 0804.1331v1

Biologie animale

Du rouge dans le grand bleu

Astronomie

Le mouvement illusoire des céphéides

Soleil

Mouvementd'ensemble

Vitessesrésiduellesdes céphéides

Voie lactée 1000 années-lumière

Les étoiles variables – les céphéides – au voisinage du Soleil sem-blent tomber vers le Soleil (flèches bleues). Cette anomalie seraitun artefact lié à des propriétés intrinsèques de ces étoiles.ES

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Dans les récifs, à quelque dix mètres de pro-fondeur, la lumière rouge ne pénètre pas,car elle est absorbée par la colonne d’eau

qui les surplombe. Aussi croyait-on les poissonsde ces milieux insensibles à cette couleur. C’étaitsans compter avec la fluorescence, c’est-à-dire larestitution de photons par des molécules qui lesont absorbés. Nico Michiels, de l’Université deTübingen, en Allemagne, et ses collègues ont iden-tifié 32 espèces de poissons de récifs (de 15 genreset 5 familles) et montré qu’ils émettent une lumièrefluorescente rouge. Les organes les plus efficacespour cette réémission de lumière sont la tête, etparticulièrement les yeux, ainsi que les nageoires.Selon les ichtyologues, ce phénomène serait utileaux communications intraspécifiques, par exemplepour attirer des partenaires. On ignore si lespoissons voient la vie en bleu, mais il est avéréqu’ils voient... rouge !

.➜ L. M..BMC Ecology, à paraître, 2008

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Certains poissons de récif émettent une fluorescence rouge (àdroite). C’est le cas de Eviota pellucid (a), Enneapterygius pusil-lus (b) et Enneapterygius destai (c).

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8] Actualités © Pour la Science - n° 373 - Novembre 2008

Les personnes qui deviennentsourdes durant l’enfance nepeuvent parler de façon intel-

ligible. Incapables d’entendre, elles nepeuvent imiter la voix des autres etapprendre à contrôler la leur. Enrevanche, les personnes devenuessourdes à l’âge adulte continuent àbien articuler. Pour quelles raisons ?Selon l’équipe de David Ostry, del’Université McGill, à Montréal, desmécanorécepteurs (des récepteurs sen-sibles à la pression) associés au conduitvocal (du pharynx aux lèvres) déli-vrent des signaux sensoriels qui sontautant de repères pour l’articulation.

Les Canadiens ont étudié la parolede cinq sourds profonds, et l’ont com-parée à celle de sujets qui entendent

correctement. Une machine déformaitleur articulation en exerçant une pres-sion sur leur mâchoire inférieure. Lessujets devaient répéter 300 fois unesuite aléatoire de quatre syllabes cor-respondant chacune à une positionprécise de la mandibule. Les cher-cheurs ont constaté que les sourdscorrigeaient progressivement leurarticulation aussi bien que les autres.Ce serait la preuve que les signauxsensoriels issus du conduit vocalcontrôlent l’articulation. La différenceentre sourds adultes et jeunes tien-drait aux capacités d’apprentissageassociatif supérieures des premiers.

Cette interprétation se rattacheà la théorie phonologique articula-toire proposée dans les années 1980:

les signaux sensoriels produits parchaque « geste articulatoire » crée-raient un souvenir associant sensa-tions et sons. Selon une autre théorie,la théorie phonologique acoustique,fondée sur le concept de « modèleinterne », le cerveau calculerait lesordres moteurs nécessaires à l’arti-culation de sons intelligibles à partird’une représentation des réponses duconduit vocal et de la mandibuleaux commandes motrices. Ce modèleserait acquis durant l’enfance au fildes rétroactions des systèmes auditifet articulatoire, et serait utilisé à l’âgeadulte spontanément, sans partici-pation de l’audition.

.➜ Jean-Jacques Perrier.Nature Neuroscience, vol. 11, pp. 1217-1222, 2008

Le brouillard la hante. Le soleil l’écrase. Le désert la cerne.La côte des squelettes, en Namibie, est un cimetière demarins européens disparus à jamais. Enfin presque : en

avril dernier, le mineur Bob Burrel, de la Namdeb Diamond Cor-poration, arrête les énormes machines qui s’apprêtent à draguerune zone qu’il vient de conquérir sur la mer. Là, à 1000 mètresde la côte, un curieux caillou l’intrigue. Après l’avoir exa-miné, il constate que c’est un boulet de canon.

Les machines cèdent la place à une équipe d’ar-chéologues dirigée par le Namibien Dieter Noli. Sixmois plus tard, 100 millions de dollars en piècesd’or, lingots, défenses d’éléphant, lingots d’étainet de cuivre, d’armes, etc., ont été rassemblés nonloin du récif où un navire a fait naufrage.

De quel bateau s’agissait-il ? L’ar-murerie de bord est à la fois du XVe

et du XVIe siècle. ChristopheColomb, on le sait, a découvertl’Amérique en1492 avec une flot-tille de caravelles. L’âge des armes

de bord et le fait que seuls les Portugais s’aventuraient le longdes côtes Sud de l’Afrique vers 1500 suggèrent qu’il s’agit d’unecaravelle du début du XVIe siècle.

Peut-on l’identifier? En 1497, Vasco de Gama est le premierOccidental à parvenir aux Indes, après que, en 1488, BartolomeuDias a doublé le cap de Bonne-Espérance. En 1500, Bartolomeu

Dias commande l’un des navires de la flotte de PedroÁlvares Cabral qui, cherchant à contourner l’Afrique,

découvre le Brésil avant de revenir vers l’Afriqueet les Indes. Il disparaît avec son navire au coursde ce voyage. C’est pourquoi les archéologues nami-biens pensaient avoir retrouvé son navire, jusqu’àce qu’un numismate établisse que certaines des

pièces d’or emportées à bord ont été presséesquelque 25 ans après la disparition de Dias. Dèslors, qui étaient ces marins intrépides qui,vers 1525, tentaient de faire le tour du mondedans un bateau trop vieux et équipé d’armesdépassées? Des marchands portugais.

.➜ François Savatier.

570 MILLIONS D’ANNÉES, c’est l'âge des plus vieilles traces de pasdécouvertes : celles d’une sorte de mille-pattes.

Neurobiologie

Être sourd et bien parler

Archéologie

Une caravelle sur la côte des squelettes

Namdeb diamond Corp.

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Dans un monde changeant, cer-tains animaux ajustent lenombre et la taille de leur pro-

géniture aux conditions extérieures– les jeunes sont moins nombreux,mais plus gros, donc plus à même desurvivre, quand les conditions sedétériorent. Les collemboles, ungroupe d’arthropodes primitifs étu-diés à Paris par T. Tully et R. Ferrière,ne font pas exception. Toutefois, leurscapacités d’adaptation varient selonles familles. Importantes dans cer-taines lignées génétiques, elles sontpresque nulles chez d’autres. Maisles lignées incapables de s’adapterbénéficient d’un avantage inattendu :quand les adultes survivent, leurespérance de vie est supérieure !

.➜ B. S. L..PLoS One, en ligne le 15 septembre 2008

Biologie animale

Ponte et survie sous contrôle

Aujourd’hui, savoir comment seforment les cellules graisseuses– ou adipocytes – est une ques-

tion essentielle dans la lutte contrel’obésité et le diabète, car ces cel-lules participent à la satiété et régu-lent le métabolisme. La biologie desadipocytes est un enjeu de santépublique. Wei Tang et ses collègues,de l’Université du Texas à Dallas, ontidentifié et localisé, chez la souris, lescellules dites progénitrices des adi-pocytes, c’est-à-dire les cellulessouches qui se multiplient et se dif-férencient en adipocytes.

La plupart des spécialistes del’obésité pensent que le nombred’adipocytes n’est pas fixé duranttoute la vie ; quand on grossit (sousl’influence de facteurs nutritionnelsnotamment), de nouvelles cellulesgraisseuses emmagasinant davan-

tage de graisse apparaîtraient. Et onne sait pas ralentir cette croissance,notamment parce qu’on ignore d’oùviennent les cellules graisseuses.

Jusqu’à présent, on savait seu-lement que le tissu graisseux appa-raît en même temps que les vaisseauxsanguins lors du développementfœtal. En fabriquant une souris géné-tiquement modifiée chez laquelleils visualisent une molécule spéci-fique des adipocytes, W. Tang et sescollègues ont trouvé les progéniteursgraisseux. Ils se situent dans la paroides vaisseaux sanguins qui irriguentle tissu graisseux et ne sont pré-sents qu’avant et juste après la nais-sance. Reste à les identifier chezl’homme et à savoir si ces cellulessouches sont présentes chez l’adulte.

.➜ Bénédicte Salthun-Lassalle.Science, en ligne, 18 septembre 2008

Biologie

D’où vient la graisse ?

Son terrier de sable s’étant effondré sousles pas d’un estivant, un petit crabe deplage voudrait s’exhumer. Quelle force

doit-il déployer pour faire bouger le sable quil’ensevelit? Une équipe américaine dirigée parPeter Schiffer, à l’Université de l’État de Penn-sylvanie, apporte des éléments de réponse.Ces physiciens ont conçu un dispositif quimesure la force requise pour déclencher le mou-vement d’un matériau granulaire. Il s’agit bienici de la force de démarrage, et non de la forcenécessaire à entretenir le mouvement – aspectqui a déjà fait l’objet de nombreuses études.

L’expérience de P. Schiffer et ses collèguesconsiste à soulever, à l’aide d’un petit moteur,un petit plateau circulaire immergé dans uncylindre rempli de petites billes de verre dediamètre uniforme. La force requise à l’amorcedu mouvement se révèle dépendre de la tailledes grains, pour un même poids total de maté-riau granulaire surmontant le plateau. Plus lesbilles sont grosses, plus la force est élevée. Parexemple, celle-ci est doublée quand on passe de0,54 millimètre de diamètre à 4,94 millimètres.Autrement dit, mieux vaut être enseveli pardu sable que par du gravier si l’on veut sortir àl’air libre… Cette dépendance vis-à-vis de lataille des grains n’apparaît pas dans les mou-vements entretenus au sein d’un matériau gra-nulaire, et est donc une surprise. Selon l’équipede P. Schiffer, cette propriété résulte en partiedu fait que, pour que le mouvement s’enclenche,les grains à la périphérie du plateau doiventd’abord s’écarter les uns des autres.

.➜ Maurice Mashaal.Physical Review Letters, vol. 101, article 108001, 2008

Physique

Faire bougerles grains

Cette femelle collembole en trainde pondre est programméegénétiquement pour ajuster le nombre et la taille de ses œufsen fonction des conditions environnementales.Cette capacité a un prix :elle mourra plus jeune.

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Biologie

La olades abeilles

La« ola » est un phénomènefréquent dans les tribunesdes stades où les specta-

teurs se dressent, en levant lesbras, avec un tout petit déca-lage par rapport à leur voisin,créant ainsi une vague. Les avisdivergent sur sa naissance. La olaserait née en 1983, au MichiganStadium, lors d’un match de foot-ball américain, et aurait conquisle monde en 1986, pendant laCoupe du monde de football,au Mexique. Pourtant, elle estsans doute plus ancienne, car desabeilles l’utilisent pour faire fuirleurs prédateurs, tels les frelonset les guêpes. C’est ce qu’ontmontré Gerald Kastberger, del’Université de Graz, en Autriche,et ses collègues en étudiant desabeilles géantes (Apis dorsata) duSud-Est asiatique.

Ces insectes vivent dans desnids peu élaborés, ouverts surl’extérieur et donc vulnérables.Pour les protéger, ils ont mis au

point tout un arsenal dedéfenses, dont l’une consiste àreplier et à déplier l’abdomen,ce comportement se propa-geant d’une abeille à sa voi-sine. Ainsi, les abeilles créentune sorte de chatoiement quiparcourt la surface du nid etsurprend les prédateurs. Enenregistrant plusieurs cen-taines de ces phénomènes, lesentomologistes ont mis en évi-dence les caractéristiques decette vague face à un frelon :par exemple, elle recrute d’au-tant plus d’individus que l’in-trus est éloigné (pour êtrevisible de plus loin). La vitessedu prédateur influe égalementsur la ola. Ce comportement,qui requiert la coordinationprécise de plusieurs centaines,voire milliers d’individus, estun exemple unique de com-munication rapide au seind’une société.

.➜ L. M..PLoS ONE, vol. 3(9), e3141, 2008

Le diabète de type 1 est caractérisépar la destruction des cellules bêtadu pancréas, qui normalement pro-

duisent l’insuline, l’hormone qui régulela concentration du sucre dans le sang.Le système immunitaire s’attaque à l’or-ganisme qu’il est supposé protéger, maisla cause d’une telle réaction auto-immuneest inconnue. On sait qu’elle est sous lecontrôle de facteurs génétiques et envi-ronnementaux. Aujourd’hui, plusieursgroupes américains confirment que desfacteurs bactériens protègent contre le dia-bète, du moins chez la souris.

Les épidémiologistes ont en effetconstaté que les maladies auto-immunesse sont multipliées dans les pays indus-trialisés, au cours des 40 dernières années,

en même temps que les maladies infec-tieuses se raréfiaient. Certains micro-orga-nismes auraient-ils un effet protecteur?

Parmi des souris dites NOD qui déve-loppent spontanément une pathologieproche du diabète de type 1 humain, cer-tains animaux génétiquement modifiés sontrésistants à la maladie. Les chercheurs ontexaminé si cette résistance était liée à la pré-sence de micro-organismes dans l’envi-ronnement. Ils ont soit détruit la floreintestinale des souris à l’aide d’un anti-biotique, soit élevé des souris sans floreintestinale. Dans les deux cas, les ani-maux ont développé un diabète de type 1.En revanche, la recolonisation de l’intes-tin par des bactéries du tube digestif humainles a protégés de la maladie.

Ces résultats sont confirmés par les tra-vaux de l’équipe de Nathalie Thieblemont,à l’Hôpital Necker (CNRS UMR 8147), quidémontrent, en particulier, l’effet protec-teur de molécules extraites de micro-orga-nismes, pathogènes ou non, vis-à-vis dudiabète chez des souris NOD. Ils plaidenten faveur de l’«hypothèse de l’hygiène »,selon laquelle un environnement trop asep-tisé augmente le risque de pathologies d’ori-gine immunitaire. L’exposition à desmicro-organismes « éduquerait » le sys-tème immunitaire en activant des méca-nismes régulateurs qui participent au bonfonctionnement de la tolérance immuni-taire vis-à-vis des molécules du soi.

.➜ J.-J. P..Nature, sous presse

Médecine

Hygiène et diabète

Des abeilles géantes repous-sent leurs ennemis en faisantune ola. La forme qui se dessinefait fuir les prédateurs.

CHOCS À GRANDE VITESSE

Les collisions à grande vitesse entregalaxies inhibent la formation d’étoilesau sein de celles-ci. C’est ce qu’affirment des astronomes américains, qui ont mis en évidencedes filaments de gaz chaudtémoignant d’une collision entre deux galaxies de l'amas de la Vierge (ci-dessous). Leurs analyses suggèrent que les perturbations engendrées par cette collision auraient échauffé le gaz de l’une d’elles au point de l’empêcher de s’effondrer etde former de nouvelles étoiles.Jusque-là, on expliquait la baissede la natalité stellaire par la présenced’un trou noir supermassif central.

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A c t u a l i t é s

12] Actualités

DOUZAINE MORTELLE

Grippe aviaire, babésiose (due à un protozoaire),choléra, fièvre due à Ebola, parasitoses intestinales,maladie de Lyme (causée par une bactérietransmise par des tiques), peste, toxicosesalimentaires, fièvre de la vallée du Rift, maladie du sommeil, tuberculose, fièvre jaune: ce sont les 12 pathologies dont la Société américaine pour la conservation de la faune (WCS), prédit l’expansion géographique sous l’effet du changement climatique.

RÉVOLUTION ÉGALITAIRE PRÉHISTORIQUE

Comment les premiers hommes sont-ils parvenusaux sociétés égalitaires de chasseurs-cueilleurs?Des chercheurs ont suivi l’évolution d’un groupe où les individus sont en compétition, ont tendance à intervenir dans les conflits qui opposent d’autresmembres du groupe, et se souviennent de l’issuedes conflits. Ils ont constaté que, dans cesconditions, de grandes coalitions apparaissentspontanément. Elles regroupent parfois tous lesmembres du groupe: ainsi naît une société égalitaire.

OVULE INÉQUITABLE

L’ovule naît d’une division cellulaire asymétrique au cours de laquelle l’une des cellules fillesdégénère. Des chercheurs ont montré, chez lasouris, que le mécanisme moléculaire implique uneprotéine, la formine 2, qui stimule la polymérisationd’une protéine parente, l’actine. Les filamentsformés par celle-ci poussent les chromosomes d’un côté de la cellule mère et orientent la ligne de division de façon à ce que le cytoplasme ne soitconservé que du côté du futur ovule.

Une galaxie spirale comme la Voie lac-tée est un assemblage complexe deplusieurs structures : un disque

d’étoiles, un bulbe central, des bras spiraux,et un gigantesque halo sphérique de matièrenoire – une forme de matière mystérieusedont seuls les effets gravitationnels sontdécelables – englobant l’ensemble.

Les travaux de Justin Read et de sescollègues, de l'Université de Zurich et del'Université de Central Lancashire, sug-gèrent qu’il faut ajouter un élément à cetableau: un disque de matière noire exis-terait au sein même du disque galactiqued’étoiles. Il résulterait de l’absorption degalaxies satellites, de petites galaxiesproches de la Voie lactée.

Selon le modèle hiérarchique commu-nément admis, les galaxies ont grandi parfusion et absorption successives de galaxiesplus petites. Elles ont acquis l’essentiel deleur masse durant les sept premiers mil-

liards d’années de l’Univers. J. Read et sescollègues ont tout d’abord caractérisé ceprocessus de cannibalisme à l’aide de simu-lations détaillées. Ils ont ainsi déterminéle nombre de petits satellites qui tombentsur une galaxie durant sa croissance et lescaractéristiques dynamiques de ces colli-sions. La matière noire représente unegrande partie de la masse des galaxies satel-lites : que devient-elle dans ces collisions?

Pour le savoir, les chercheurs ont mon-tré à l’aide d’autres simulations quelorsque l’angle d’incidence ne dépasse pas20 degrés (ce qui arrive dans un tiers descas environ), les galaxies satellites sontdisloquées par les frottements avec ledisque galactique et intégrées à ce dernier.La matière noire qu’elles renferment serépartit elle-même en un disque.

L’absorption de satellites entraîne ainsila formation d’un disque de matière noired’un diamètre de l’ordre de celui du disque

d’étoiles (environ 80 000 années-lumièrepour la Voie lactée). La densité de ce disquede matière noire varie entre 0,02 et 0,1 foiscelle du disque d’étoiles.

Avec une densité si faible, le rôle de cedisque dans la dynamique galactique estmodeste. Néanmoins, son existence pour-rait avoir des conséquences importantespour la détection de la matière noire. Eneffet, contrairement au halo, le disque dematière noire tourne avec la galaxie, desorte que son mouvement relatif par rap-port aux observatoires terrestres est trèsfaible. Il en résulte que le signal émis parla désintégration de particules de matièrenoire potentielles serait alors plus fort quele bruit de fond galactique, ce qui per-mettrait sa détection.

.➜ Ph. R.-G..

Monthly Notices of the Royal Astronomical Society :Letters, vol. 389 Issue 3, pp. 1041-1057.

http://lanl.gov/abs/0803.2714 (ou arXiv:0803.2714)

Astrophysique

Un disque de matière noire dans notre galaxie ?Des simulations révèlent que l’absorption de petites galaxies satellites aurait engendré un disque de matière noire au sein de la Voie lactée.

© Pour la Science - n° 373 - Novembre 2008

Un disque de matière noire(contours rouges) existerait

au sein de la Voie lactée.

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14] Actualités © Pour la Science - n° 373 - Novembre 2008

CERVEAU SCHIZOPHRÈNE ?

Des chercheurs français et anglais ont montré que le cortex du lobetemporal du cerveau d’adolescentsschizophrènes présente des anomaliesanatomiques, notamment au niveaud’une structure nommée sillon collatéral :ce dernier est situé à proximité de l’hippocampe, région impliquée dans la mémoire, l’apprentissage, les émotions et la reconnaissancedes visages. Or ces facultés sont altéréeschez les personnes schizophrènes. En outre, la maladie se développesouvent à l’adolescence, périodeoù le lobe temporal subit de profondsremaniements.

ACCÉLÉRATION RECORD

Qu’est-ce qui se déplace à 25 mètrespar seconde avec une accélération de 180000 g? Les spores d’un champignon ! Le détenteur de ce record est Ascobolus immersus,un champignon ascomycète fréquentdans les selles des herbivores. Grâce à un dispositif fondé sur la pression hydrostatique, l’organismeenvoie ses spores à plus de deux mètresde distance, là où elles ont le plusde chances d’être absorbées par des herbivores.

En bref

On ne savait de quelle montagne le nuage sortait ; on sut depuis que c'était

du Vésuve. De tous les arbres le pin est celui qui en représente le mieux

la ressemblance et la forme.Pline le Jeune, dans sa lettre sur lamort de son oncle Pline l’Ancien à Tacite

En 79 de notre ère, une éruptionexplosive détruit cinq villesautour du Vésuve. Aujourd’hui,

un million de Napolitains vivent aupied du volcan, de sorte que l’un desplus grands défis de la volcanologieeuropéenne consiste à maîtriser lerisque qu’il représente. Or une équipefranco-italienne attire l’attention surun détail qui change tout : de plinienqu’il fut, le Vésuve serait en train dedevenir strombolien.

L’histoire du Vésuve est balisée pardes dates d’éruption : –18000, –7800,–3600, 79, 472, 1631, 1944… À chaquefois, une chambre magmatique, c'est-à-dire une sorte de grosse épongerocheuse saturée de magma plus oumoins visqueux, a expulsé son contenu.Or la richesse en eau et autres sub-stances volatiles du magma vésuvienproduit de dangereuses éruptionsexplosives accompagnées de nuéesardentes et d’immenses panaches decendres et de ponces : on les qualifie depliniennes. Bruno Scaillet, de l’Insti-tut des sciences de la Terre d’Orléans,et ses collègues ont évalué la pression

subie par les magmas vésuviens enles reproduisant dans un autoclave soushaute pression dans le cas des magmasanciens ou en déduisant sa valeur desinclusions de substances volatiles dansle cas des magmas récents. Ce travaila montré que, jusqu’à la destruction dePompéi, les magmas provenaient d’unechambre magmatique située à sept kilo-mètres de profondeur (au moins) ; maisdepuis 472, ils proviennent d’un réser-voir profond de moins de trois kilo-mètres. En outre, depuis cette date, levolcan a changé de comportement : ils’exprime de plus en plus souvent, touten expulsant des volumes inférieurs demagmas bien plus chauds.

Selon B. Scaillet, la chambre mag-matique profonde de sept kilomètresaurait cessé de s’exprimer après lacatastrophe de Pompéi et une nouvellechambre située entre trois et quatre kilo-mètres de profondeur aurait pris lerelais. Moins volumineuse, elle s’estvidée en moyenne tous les sept ansdepuis 1631, et serait donc plus sou-vent alimentée en magma d’origineprofonde. En termes volcanologiques,le Vésuve évoluerait d’un type pli-nien (volcan explosif peu actif, maistrès dangereux) vers un type strom-bolien (volcan explosif très actif, maisbien moins dangereux).

Pour que les Napolitains puissentcontinuer à dormir sur leurs deuxoreilles comme ils le font depuis Pom-péi, il faudrait être certain qu’aucunechambre magmatique active ne setrouve encore à sept ou huit kilomètresde profondeur. Or l’exploration partomographie sismique du volcan révèleune anomalie à cette profondeur. Maisil pourrait s’agir d’un réservoir d’eauhydrothermale… À préciser !

.➜ F. S..Nature, vol. 455, pp. 216-220, 2008

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Géophysique

Le Vésuve, un volcan strombolien ?Le régime éruptif du volcan napolitain a changé depuis Pompéi. La reconstitution en laboratoire des magmas du volcan l’atteste.

La dernière éruption du Vésuve, en 1944 (ci-dessus), fut plinienne, c’est-à-dire

effusivo-explosive. Le graphique (en bas à gauche) indique l’évolution au cours

des millénaires de la pression dans les chambres magmatiques successives.

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© Pour la Science - n° 373 - Novembre 2008 Actualités [17

Chez l’animal, on sait que l’activitédes neurones dopaminergiques(qui libèrent de la dopamine) du

mésencéphale – une région profonde ducerveau – est liée au traitement des récom-penses. Des indices indirects existaientchez l’homme, mais rien ne le prouvaitdirectement. C’est désormais chose faite.Qui plus est, on découvre que cette acti-vité dopaminergique, et par conséquentcelle du circuit de la récompense, se modi-fie au cours du vieillissement.

C’est le travail réalisé par Jean-ClaudeDreher, du Centre de neurosciences cogni-tives à Lyon, avec des Américains de l’Ins-titut pour la santé mentale. Ils ont utilisé

deux techniques d’imagerie cérébrale chez20 personnes d’une vingtaine d’années etchez 13 sexagénaires. La première, l’ima-gerie par résonance magnétique fonc-tionnelle, mesure l’activité de certaineszones du cerveau ; la seconde, la tomo-graphie par émission de positons, estimela production de dopamine. Pendant lesséances d’imagerie, les participants obser-vaient des images de machines à sous,suivies ou non d’une image montrantun gain d’argent.

On observe que le striatum ventral– une aire du circuit de la récompense –s’active chez les jeunes avant même qu’ilssachent s’ils ont gagné ou non, mais

qu’il ne s’active pas chez les sexagénaires.C’est l’anticipation du gain qui active lesystème de la récompense chez les jeunes.

En revanche, la production de dopa-mine est similaire dans le cerveau desjeunes et des personnes âgées, et l’onconstate que l’activité du cortex pré-frontal – une aire également impliquéedans la sensibilité à la récompense – estplus importante chez les personnes âgées.Ainsi, il existerait un mécanisme de com-pensation dans le cortex préfrontal dessexagénaires qui régule la fabrication dedopamine.

.➜ B. S.-L..PNAS, en ligne, septembre 2008

Neurobiologie

Le cerveau vieillissantapprécie moins les récompenses

Voici peut-être une bonne nouvelle pour les femmesenceintes qui ne doivent plus manger de fromagesau lait cru ou de viande saignante au risque de

contracter la listériose : le groupe de Marc Lecuit à l’Ins-titut Pasteur, dans l’Unité INSERM 604 dirigée par Pas-cale Cossart, a découvert comment la bactérie Listeriamonocytogenes traverse le placenta pour infecter le fœtus.

La listériose, l’infection bactérienne causée par Lis-teria, ne concerne pas seulement les femmes enceinteset leur bébé: les personnes âgées et dont le système immu-nitaire est déficient sont aussi des sujets à risque, la lis-tériose provoquant septicémies, méningites etencéphalites. Chez la mère, l’infection entraîne une gas-tro-entérite, une fièvre (parfois sans aucun symptôme).Mais pour l’enfant à naître, elle est très grave, car Liste-ria traverse le placenta, infecte le fœtus, risquant de pro-voquer un avortement ou un accouchement prématuré.

Or Listeria est présente dans le sol, l’eau, les fruits,les légumes, le lait et les fromages. Pour éviter tout risquede contamination, la femme enceinte évite de consom-mer des viandes crues, des fruits de mer, du lait cru, cer-tains fromages et des fruits et légumes mal lavés. Untraitement antibiotique existe, mais il n’est efficaceque dans deux tiers des cas.

Comment les biologistes ont-ils déterminé la façondont Listeria traverse la barrière intestinale et le placenta

in vivo ? Ils ont utilisé deux modèles animaux de l’in-fection : la gerbille, un rongeur sensible à Listeria, etune souris génétiquement modifiée exprimant une pro-téine humaine présente à la surface des cellules épi-théliales de l’intestin et du placenta, nomméeE-cadhérine. Grâce à ces modèles ils ont montré quedeux protéines de la bactérie, InlA et InlB, interagis-sent avec leurs récepteurs spécifiques, la E-cadhérine etMet (naturellement présente dans la paroi intestinale),pour adhérer au placenta et le traverser. Ces deux récep-teurs existent naturellement chez l’homme: Listeria lesreconnaît, s’y fixe, infecte la mère, puis le fœtus. Connais-sant ces molécules, peut-être pourra-t-on mettre au pointdes molécules interdisant l’interaction redoutée.

.➜ B. S.-L..Nature, en ligne, septembre 2008

Biologie moléculaire

Comment Listeria infecte le placenta

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18] Actualités © Pour la Science - n° 373 - Novembre 2008

Biologie

De nouveaux prions nés in vitro

Les encéphalopathies spongiformes transmissibles, telles que la maladie deCreutzfeldt-Jakob, impliquent un mécanisme moléculaire au cours duquelune protéine cérébrale normale, la PrP, change de conformation spatiale au

contact de prions, les protéines PrPsc, et tend alors à s’accumuler pour formerdes amas responsables de la maladie. Or certains prions sont connus pour pou-voir franchir la barrière d’espèces : c’est le cas du prion de la « vache folle » qui setransmet à l’homme, le condamnant. Claudio Soto et ses collègues de l’Univer-sité du Texas ont reproduit à vitesse accélérée le mécanisme moléculaire en causeà l’aide d’une technique in vitro. Des prions de la souris ont ainsi converti des prionsnormaux de hamster en prions pathogènes, et inversement. De surcroît, cestransformations ont produit deux souches de prions inconnues jusqu’alors, patho-gènes l’une pour le hamster, l’autre pour la souris. Ainsi, en théorie, la propaga-tion de prions d’une espèce animale à une autre pourrait faire apparaître de nouveauxprions potentiellement pathogènes pour le bétail ou pour l’homme.

.➜ J.-J. P..Cell, vol. 134, pp. 757-768, 2008

L’ ancêtre de toutes les fourmis était-il aveugle ? Christian Rabeling duMuséum de Karlsruhe et des col-

lègues allemands et américains ont décou-vert une nouvelle espèce de fourmi dansle sol de la forêt amazonienne, dont laforme serait proche de celle de la toute pre-mière fourmi.

Issues des guêpes, les fourmis évoluentdepuis 120 millions d’années. Dès leurapparition, elles se sont probablementdiversifiées très vite pour s’adapter à lavie dans divers milieux : sol, litière fores-tière, arbres, etc. Il en existe aujourd’hui21 sous-familles, dont les liens de parentésont mal connus. Si les études morpholo-giques s’accordent depuis longtemps surle fait que les fourmis ont un ancêtre unique(elles sont monophylétiques), elles s’op-posent sur son identité. Cependant, deuxétudes génétiques récentes ont fait de lasous-famille Leptanillinae la parente detoutes les autres sous-familles, ce qui sug-

gérait que la diversification des fourmisse serait faite sur la base d’énigmatiquesfourmis aveugles ayant un mode de viesouterrain. Pour autant, les plus anciennesespèces fossiles, découvertes récemment,ne sont pas du tout aveugles…

La nouvelle espèce est nommée Mar-tialis heureka. Le choix du nom (fourmivenue de Mars) traduit la combinaisoninhabituelle de ses caractères externes.Longue de deux à trois millimètres, Mar-tialis heureka est adaptée à une vie souter-raine ; elle est aveugle et dotée de fortesmandibules, qu’elle utilise sans doute pourla prédation. Une nouvelle sous-famillea été créée pour Martialis heureka. Un telévénement ne s’était pas produit pour uneespèce vivante de fourmis depuis 1923.Les analyses génétiques pratiquées àpartir d’un matériau prélevé sur l’une deses pattes prouvent par ailleurs qu’elle setrouve près de la base de l’arbre phylo-génétique des fourmis. Ces deux indices

suggèrent que l’ancêtre de toutes les four-mis était proche de Martialis heureka.Pour C. Rabeling, cela n’implique pas quecette espèce primordiale était aveugle etsouterraine, mais que ces caractères sontapparus très tôt dans l’évolution des four-mis et se sont maintenus depuis.

.➜ F. S..PNAS, vol. 105, pp. 14913-14917, 2008

Biologie animale

La fourmi de Mars

200 MILLIONS DE FOIS PLUS LUMINEUX que la galaxie lointaine où il s'estproduit, le sursaut gamma GRB 080319B est le plus puissant jamais observé.

LES PRIX NOBEL DE L’HUMOUR

Chaque année, en marge des prix Nobel, les prix Ig Nobel sont décernés aux chercheursdont les résultats publiés « font d’abord sourire,puis font réfléchir ». Cette année, le prix de biolo-gie a été décerné à des chercheurs ayant montré que la puce du chien saute plus haut que celle du chat ; celui de chimie à des chercheurs ayanttrouvé que le Coca-Cola a un effet spermicide et à d’autres qui ont publié le résultat inverse ;celui de médecine pour avoir mis en évidence quel’effet des substances placebo augmente avec leurprix ; celui d’archéologie pour avoir révélé que le tatou perturbe l’arrangement des vestigesarchéologiques ; ou encore celui de la paix auComité helvétique pour l’éthique qui a adopté unerésolution reconnaissant la dignité des plantes.

En bref

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20] Actualités © Pour la Science - n° 373 - Novembre 2008

LE SEXE DES DAUPHINSDifficile de déterminer le genre d’un dauphinau premier coup d’œil : les zoologistes recou-rent souvent à des biopsies, une méthode trau-matisante pour les cétacés ! Grâce à desbiologistes néo-zélandais, cette procédureappartient peut-être au passé. En effet, avec ungroupe de dauphins déjà connu, ils ont mon-tré que les ailerons des mâles auraient nota-

blement plus de cicatrices que ceux des femelles.Des photographies suffiraient ainsi à distinguerle sexe. Les zoologistes s’en réjouissent… etles dauphins y gagnent !

GÈNE ET CANCERChaque année, en France, on diagnostique unneuroblastome (un cancer) chez 150 enfants,dont 50 pour cent ont moins de deux ans. Une

équipe de l’Institut Curie vient d’identifier un gènequi, lorsqu’il est muté, prédispose à ce cancer:il s’agit du gène Alk. Il code un récepteur exposéà la surface des cellules qui, dans les cellulestumorales, leur ordonne de se multiplier sanscesse. Des médicaments utilisés dans d’autrescancers bloquant ce type de récepteurs pour-raient être efficaces contre le neuroblastome.Pour le savoir, des études débuteront bientôt…

DERNIÈRE minute ...

On pensait que les réseaux de val-lées de la planète rouge avaientété creusés, il y a 3,5 milliards

d’années, par de brusques délugesconcentrés sur une courte période. C’estun tout autre scénario que proposentCharles Barnhart, de l’Université de Cali-fornie, et ses collègues : selon eux, lesvallées se sont formées sous l’effetd’inondations récurrentes étalées surune longue période.

Afin de parvenir à leur conclusion,les chercheurs ont réalisé plus de70 simulations numériques de l’évolu-tion de la surface de Mars sous diversesconditions climatiques. Or si l’on sefonde sur les simulations qui aboutis-

sent à une surface topographiquementproche des réseaux de vallées obser-vés, ces derniers se seraient forméslorsque le climat de la planète rouge étaitsemi-aride, voire aride. Des inondationspériodiques auraient alterné avec delongues périodes de sécheresse, et ontcreusé les vallées. Le processus auraitopéré pendant plusieurs dizaines ou cen-taines de milliers d’années.

Ce scénario s’oppose à celui quidécrit la constitution de réseaux devallées à partir de déluges massifs etbrefs provoqués par des chutes d’asté-roïdes. Les collisions de ces corps avecMars auraient créé un climat chaud ethumide, qui se serait traduit par des pré-cipitations abondantes, mais celles-cin’auraient duré que quelques centainesou milliers d’années. Ch. Barnhart récusecette explication. Si c’était le cas, argu-mente-t-il, l’eau se serait accumulée dansles cratères et aurait fini par rompre leursremparts. Or aucune trace de telles rup-tures n’est observée.

.➜ Stéphane Fay.

Journal of Geophysical Research - Planets, à paraître

Astronomie

Déluges sur MarsLes réseaux de vallées martiens résulteraientd’inondations répétées sur une période de plusieursdizaines, voire centaines, de milliers d’années.

Des réseaux de vallées sont observésdans la région de Parana Valles,sur Mars (a). Les simulationsd’épisodes répétés de pluie suivis de longues sécheresses reproduisentbien les observations (b), ce quin’est pas le cas des simulations faisantintervenir des déluges intensespendant de courtes périodes (c).Ch

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22] Actualités © Pour la Science - n° 373 - Novembre 2008

On estime aujourd’hui l’âge de la Terre à4,55milliards d’années. Des roches presqueaussi âgées viennent d’être mises en évi-

dence dans le Nord-du-Québec, le long de la côteEst de la baie d’Hudson.

Jonathan O’Neil, de l’Université McGill, àMontréal, et trois collègues de Montréal et deWashington ont analysé des échantillons de laformation rocheuse nommée ceinture de Nuv-vuagittuq. Ils ont estimé l’âge des roches par radio-datation, en analysant de façon détaillée lesconcentrations en isotopes des éléments néodymeet samarium (le samarium 146 se désintègre parradioactivité en néodyme 142 avec une demi-vie de 103 millions d’années). Moyennant cer-taines hypothèses, l’équipe de J. O’Neil estparvenue à la conclusion qu’une partie des échan-tillons, ceux provenant de roches nommées faux-amphibolites, ont 4,28 milliards d’années. C’est250 millions d’années de plus que le record pré-

cédent, détenu par les gneiss d’Acasta, au Canadaégalement, dans les Territoires du Nord-Ouest.Des dates plus anciennes, allant jusqu’à 4,36 mil-liards d’années, étaient connues, mais elles neconcernaient que des grains minéraux de zircontrouvés en Australie, et non des roches entières.

Les roches étudiées par l’équipe canado-amé-ricaine seraient ainsi des vestiges de la croûte ter-restre originelle. De tels vestiges sont très rares,le matériau de la croûte ayant été généralementrecyclé plusieurs fois dans l’intérieur de la Terredepuis sa naissance, sous l’effet de la tectoniquedes plaques. Par ailleurs, la composition chimiquedes roches anciennes de Nuvvuagittuq ressembleà celle de roches volcaniques présentes dans descontextes géologiques où des plaques tectoniquesse rejoignent, et fournit donc des indices sur lafaçon dont s’est formée la croûte terrestre.

.➜ M. M..Science, vol. 321, pp. 1828-1831, 2008

L’ apoptose, ou mort programmée descellules, est un processus essentielau développement de l’embryon,

par exemple dans la formation du cerveauou la désolidarisation des doigts. Dans cesdeux cas, il s’agit d’un remodelage desorganes. Yusuke Toyama et ses collèguesde l’Université Duke, à Durham, aux États-Unis, ont mis en évidence chez la droso-phile un autre rôle : elle fournit une forcemécanique qui favorise le mouvementde tissus voisins.

Dans l’embryon de l’insecte, lesorganes en cours de formation sont pro-tégés par un tissu, l’ectoderme. L’une desétapes du développement consiste à enfer-mer dans ce tissu l’amnioséreuse, uneannexe embryonnaire équivalente à l’am-nios des mammifères, lors d’un proces-sus nommé fermeture dorsale oùl’ectoderme se referme à la façon d’unefermeture Éclair. On connaissait quelquesmoteurs de ce phénomène, par exemple

le grossissement des cellules de l’ecto-derme concomitant avec le rétrécissementde celles de l’amnioséreuse, mais la listen’était pas exhaustive.

À l’aide d’un laser, l’équipe de Y. Toyamaa procédé à plusieurs microdissections dansl’embryon de la mouche et étudié leurseffets. Premier résultat : aucun site uniquede dissection n’empêche la fermeture, d’oùla conclusion que les forces mises en jeu sontréparties dans l’ensemble des tissus. Dansune autre expérience, les biologistes ont neu-tralisé ou au contraire favorisé les proces-sus apoptotiques : dans le premier cas, lafermeture est retardée alors que dans lesecond elle est accélérée. La mort des cel-lules participe donc bien au mouvement.

Des modèles physiques en ont préciséles modalités. L’apoptose des cellules del’amnioséreuse fournirait de un tiers à lamoitié des forces nécessaires à la ferme-ture dorsale. Dans ce tissu, où les cellulessont solidaires grâce à des jonctions, lamort de l’une d’elles contracterait le tissuet entraînerait le rapprochement des bordsde l’ectoderme. Le rôle moteur de l’apop-tose intervient peut-être dans d’autresétapes du développement.

.➜ L. M..Science, vol. 321, pp. 1641-1642, 2008

Biologie

Un moteurà apoptose

Géologie

Les plus vieilles roches terrestres

La fermeture dorsale chez un embryonde drosophile : l’ectoderme recouvre

peu à peu l’amnioséreuse.

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La ceinture de Nuvvuagittuq, où ont été trouvées des roches

de 4,28 milliards d’années.

L’une des roches les plus âgées,des « faux-amphibolites ».

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Ectoderme

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24] Actualités © Pour la Science - n° 373 - Novembre 2008

P r i x N o b e l 2 0 0 8

Il y a un siècle, le prix Nobel de médecine allait à IlyaMechnikov et Paul Ehrlich pour leurs travaux révélant com-ment le système immunitaire combat les maladies. Cette

année, en décernant la moitié du prix à Luc Montagnier et Fran-çoise Barré-Sinoussi, le jury récompense l’identification d’unvirus, celui de l’immunodéficience humaine (le VIH), qui meten déroute cette défense.

En 1981, aux États-Unis, un syndrome inconnu est décrit,puis nommé par le CDC (les centres américains de contrôle desmaladies) syndrome de l’immunodéficience acquise (le sida).La nouvelle pathologie est aussi repérée de ce côté de l’Atlan-tique et, en 1983, en étudiant avec Jean-Claude Chermann unéchantillon de tissu prélevé sur un malade, les deux lauréatsmettent en évidence l’activité d’une enzyme, la transcriptaseinverse, caractéristique des rétrovirus (virus à ARN). Un nou-veau micro-organisme est alors isolé et nommé LAV (il prendle nom de VIH en 1986). Peu après, des expériences montrentqu’ils tuent les lymphocytes CD4, des éléments clefs du système

immunitaire, ce qui les distingue d’une autre catégorie de virus,les HTLV, un temps incriminés notamment par l’AméricainRobert Gallo, leur découvreur. L’attribution du prix à L. Mon-tagnier et F. Barré-Sinoussi met définitivement fin à la querellequi opposa les deux équipes. Rappelons que le sida a tué plusde 25 millions d’individus depuis le début de la maladie en 1981et qu’aujourd’hui, plus de 33 millions seraient porteurs du virus,dont beaucoup en Afrique subsaharienne.

Le corécipiendaire du prix Nobel est l’Allemand Harald zurHausen pour la découverte du rôle des papillomavirushumains (HPV) dans le déclenchement du cancer du col de l’uté-rus (le deuxième cancer le plus fréquent chez les femmes aprèscelui du sein), un rôle qu’il a postulé dès les années 1970. Aujour-d’hui, on connaît plus d’une centaine de virus HPV, les HPV-16 etHPV-18 entraînant 70 pour cent des 500 000 cas de cancer du colde l’utérus détectés chaque année. Depuis 2006, un vaccin contreplusieurs HPV est disponible; on attend encore celui contre le VIH.

.➜ L. M..

Médecine

Deux virus au piloriUn prix pour les découvertes du virus du sida et du rôle du papillomavirus dans le cancer du col de l’utérus.

Colorer les cellules pour mieux les repérer et comprendrece qui s’y passe : l’idée a pris une nouvelle dimensionaprès la découverte de la protéine fluorescente verte, la

GFP, dont les découvreurs ont reçu le prix Nobel de chimie.En 1962, Osamu Shimomura, jeune chercheur japonais recrutéà Princeton, isole cette protéine d’une méduse du Pacifique,Aequorea victoria. Éclairée dans l’ultraviolet, la molécule émetune fluorescence verte. Dans les années 1970, il lui découvreune propriété intéressante : la fluorescence se produit sponta-nément, en présence d’air, alors que les autres protéines lumi-nescentes exigent des cofacteurs.

Au début des années 1990, le deuxième lauréat, Martin Chal-fie, de l’Université Columbia, utilise la protéine comme unmarqueur lumineux, grâce à des constructions génétiques incluantle gène de la molécule. Il peut suivre ainsi des processus cellu-

laires dans le ver Caenorhabditis elegans (ci-dessus, la GFP met enlumière l'expression de gènes dans ses neurones). C’est le coupd’envoi de son utilisation généralisée pour marquer des cellules,étudier l’expression de gènes ou pour localiser les protéinesqui ont été fusionnées avec elle.

Au même moment, le troisième nobélisé, Roger Tsien, del’Université de Californie, commence à créer, en changeant cer-tains acides aminés, une palette de variants de la protéine, etautant de couleurs qui vont diversifier ses utilisations. Entreautres applications récentes, le Français Jean Livet a inventé latechnique du Brainbow (l’arc-en-ciel cérébral) avec laquelle descircuits de neurones peuvent être caractérisés par différentescouleurs chez la souris grâce à des combinaisons aléatoires deprotéines fluorescentes.

.➜ J.-J. P..

Chimie

L’arc-en-ciel cellulaireUne protéine fluorescente pour la biologie.

L’AMÉRICAIN PAUL KRUGMAN reçoit le prix d’économie pour sa contribution à la nouvelle théorie du commerce international.

Économie

© 2005 Kunitomo et al. ; licensee BioMed Central Ltd.

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26] Actualités

En physique des particules,diverses symétries inter-viennent de façon essen-

tielle. Certaines ne sont pascomplètement respectées par lesparticules élémentaires et leursinteractions, mais ces « brisuresde symétrie » jouent néanmoinsun rôle crucial, dont témoignele choix du comité Nobel. Amé-ricain d’origine japonaise, Yoi-chiro Nambu reçoit la moitié duprix de physique pour « la décou-verte du mécanisme de brisurespontanée de la symétrie en phy-sique subatomique », tandis quel’autre moitié est partagée par lesJaponais Makoto Kobayashi etToshihide Maskawa pour « ladécouverte de l’origine de lasymétrie brisée qui prédit l’exis-tence d’au moins trois famillesde quarks ».

Un exemple simple de « bri-sure spontanée » de symétrieest fourni par un ensembled’atomes magnétiques dontl’énergie est minimale quandtous les moments magnétiquessont parallèles. La direction prisepar ces moments peut être quel-conque – il y a initialement symé-trie par rotation –, mais le systèmeen choisit spontanément une, etl’état fondamental ainsi obtenubrise la symétrie de rotation.Y. Nambu a développé vers 1960l’idée de brisure spontanée desymétrie dans la théorie BCS de lasupraconductivité proposée en1956. C’est la symétrie dite dejauge de l’électromagnétisme quiétait en jeu, et sa brisure sponta-née élucidait notamment l’exis-

tence d’un gap d’énergie élec-tronique. Y. Nambu a ensuite pro-posé un mécanisme analogue enphysique des particules. Notam-ment, il a conçu un modèle où labrisure spontanée d’une symétriedite chirale expliquerait la massedu proton ou du neutron. Ces tra-vaux pionniers ont ouvert la voieà d’autres, notamment ceux dePeter Higgs, qui ont abouti à laprédiction du boson de Higgs,particule que l’on espère biendécouvrir au collisionneur LHCdu CERN – lequel ne redémarreraqu’au printemps 2009, en raisond’une fuite d’hélium.

Les travaux des deux autreslauréats portent sur la violationde la symétrie CP par l’interac-tion faible, CP désignant la trans-formation particule-antiparticulecombinée avec une symétriemiroir. Cette (très faible) viola-tion a été observée en 1964 surles désintégrations des mésons K.En 1972, alors que le modèle stan-dard de la physique des parti-cules était né et que l’onconnaissait trois quarks (un qua-trième était prévu), M. Kobaya-shi et T. Maskawa ont montré quepour rendre compte de la viola-tion de CP dans le cadre dumodèle standard, il fallait aumoins six espèces de quarks. Lesdécouvertes des années suivantesleur ont donné raison: on connaîtaujourd’hui trois familles de deuxquarks, et les mesures récentesde la violation de CP par lesmésons B sont conformes auschéma de Kobayashi-Maskawa.

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Physique

Brisures de symétriechez les particulesDes travaux au fondement du modèle standard de la physique des particules.

UN CHAMPION TOUTE CATÉGORIE

La Chine fête son taïkonaute et sa récentesortie dans l’espace, mais il était protégé par une combinaison. Les tardigrades n’enont pas besoin. Déjà connus pour résister à une dessiccation poussée, à destempératures extrêmes (de –272 à 151°C) et à des pressions énormes, ces petitsanimaux (moins de un millimètre) surviventaussi au vide spatial auquel ils ont étéexposés, à partir d’une fusée russe Soyouz-U. Reste à découvrirles mécanismes de cet exploit.

TOMBE HUARI À LIMA

Une tombe inviolée vient d’être retrouvée au milieu d’un quartier résidentiel de Lima au Pérou. Un masque de bois révèle que la défunte était une femme. Installée dans sa tombe, empaquetée dans des tissus, en position assise, le menton entre les genoux qu’entourent les bras, elle a 1300 ans. C’est la période où les Huari, un peuple andin pré-incaïque, avaient fondé une civilisation occupant toute la côte et les hauts plateaux du centre du Pérou.

MASSE LIMITE DES TROUS NOIRS

Les trous noirs supermassifs qui se cachentau cœur des galaxies grossissent-ils sanslimite en engloutissant de la matière? SelonP. Natarajan, de l’Université Yale, il existeraitune limite : environ dix milliards de massessolaires. Connaissant les relations entre lamasse de trous noirs centraux – les plusmassifs avoisinent un milliard de massessolaires – et la luminosité du bulbe de leursgalaxies hôtes, l’astrophysicien les a extrapolées à une vaste population de galaxies abritant potentiellement des trous noirs. Il en a déduit cette limite.

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