Bilan des connaissances sur les guides de pratique en santé ...

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Études et recherches RAPPORT R-736 Monique Lortie Elena Laroche Denys Denis Iuliana Nastasia Cheikh Faye Sylvie Gravel Laurent Giraud Lise Desmarais Bilan des connaissances sur les guides de pratique en santé Enseignements clés et transférabilité pour la santé et la sécurité au travail Troubles musculo-squelettiques

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  • tudes et recherches

    RAPPORT R-736

    Monique LortieElena Laroche

    Denys DenisIuliana Nastasia

    Cheikh FayeSylvie Gravel

    Laurent GiraudLise Desmarais

    Bilan des connaissances sur les guides de pratique en sant

    Enseignements cls et transfrabilitpour la sant et la scurit au travail

    Troubles musculo-squelettiques

  • Solidement implant au Qubec depuis l980, lInstitut de recherche Robert-Sauv en sant et en scurit du travail (IRSST) est un organisme de recherche scientifique reconnu internationalement pour la qualit de ses travaux.

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    NOS RECHERCHEStravaillent pour vous !

  • Monique Lortie,Dpartement des sciences biologiques, UQAM

    Elena Laroche, Tl-Universit, UQAM

    Denys Denis et Iuliana Nastasia,Prvention des problmatiques de SST et radaptation, IRSST

    Cheikh Faye et Sylvie Gravel, cole des sciences de la gestion, UQAM

    Laurent Giraud, Prvention des risques mcaniques et physiques, IRSST

    Lise Desmarais,Universit de Sherbrooke

    www.irsst.qc.caCliquez recherche

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    Cette tude a t finance par lIRSST. Les conclusions et recommandations sont celles des auteurs.

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    tudes et recherches

    RAPPORT R-736

    Bilan des connaissances sur les guides de pratique en sant

    Enseignements cls et transfrabilit pour la sant et la scurit au travail

    Troubles musculo-squelettiques

  • Les rsultats des travaux de recherche publis dans ce document ont fait lobjet dune valuation par des pairs.

    CONFORMMENT AUX POLITIQUES DE LIRSST

  • IRSST - Bilan des connaissances sur les guides de pratique en sant - Enseignements cls et transfrabilit pour la sant et la scurit au travail

    I

    SOMMAIRE

    Les guides sont considrs comme un outil important au niveau du transfert des connaissances. Ils permettent une organisation et une mise en forme oprationnelle des connaissances pour que les milieux puissent se les approprier. Les guides sont un outil de relais, par ailleurs cibls par laxe en transfert de connaissances du Rseau de recherche en sant et scurit au travail du Qubec en tant quenjeu important voire central en SST. cet gard, le sujet dintrt particulier est lutilisation et lappropriation des guides. Daprs lenqute de Laroche (2009), mene auprs de chercheurs canadiens en sant et scurit au travail (SST), le tiers avait t impliqu au cours des cinq dernires annes dans llaboration dun guide.

    Cest dans ce contexte qua surgi au sein de cette quipe une premire question simple : Sait-on ce quest un bon guide et comment lvaluer? Existe-t-il une grille ou des critres dvaluation qui nous permettraient de poser un premier diagnostic sur un guide ? Les questions corollaires taient : Que sait-on sur leur utilisation et leur appropriation ? Ont-ils les impacts escompts ?

    Les guides en SST ayant t lobjet de peu de recherches, notre bilan de connaissances sest rapidement orient vers dautres domaines, o rapidement, limportance des travaux mens en sant sest impose. En effet, tant la production de guides de pratique clinique que le nombre de recherches menes sur le sujet ont cr de faon spectaculaire au cours des deux dernires dcennies. Nous nous y sommes donc arrts, avec pour objectif den saisir autant la logique que la cohrence, afin de mieux en comprendre les dveloppements et les questionnements.

    Cependant, faire une revue exhaustive des crits, vu leur ampleur, tait irraliste. Nous avons plutt opt pour une dmarche visant dgager des points de repre qui pourraient tre utiles aux acteurs en SST quant au dveloppement des guides, leur valuation et leur implantation. Deux grands axes de recherche et de dveloppement sy ctoient et sentremlent. Le premier axe est centr sur lobjet lui-mme, le guide : comment les dvelopper, les valuer, les implanter? Le second axe est centr sur son utilisateur : Quel usage en fait-il ? Quen pense-t-il? Que recherche-t-il ?

    Suite cette revue des crits, un premier constat a t limportance de limplication des organisations publiques, voire des tats, dans le dveloppement des guides, ces derniers voyant les guides de pratique comme une pierre angulaire des politiques de sant. Les guides pourraient en amliorer la performance en favorisant limplantation de ce quon appelle evidence-based medicine, une mdecine fonde sur des preuves obtenues de faon rigoureuse. Dans les annes qui ont suivi le dbut de llaboration de guides de pratique en sant, des groupes de travail nationaux ont t mis en place - essentiellement dans les pays anglophones - pour statuer et laborer des rgles de dveloppement dont le cur est le tri et lvaluation des preuves. En fait, fondamentalement, les guides de pratique sont des regroupements dnoncs, de directives. En anglais, on parle de clinical pratical guidelines. Cela est comprhensible en sant, mais sans doute moins appropri en SST, o les guides de pratique (et pratiques) ont un sens plus large. Certains organismes internationaux, comme le Bureau International du Travail, commencent cependant adopter cette perspective de guidelines.

    Globalement, le dveloppement des guides de pratique est abord de faon trs mthodologique dans le domaine de la sant, le droulement de chaque tape tant soigneusement dfini.

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    Cependant, nous navons pas trouv cest une critique qui leur est adresse aussi dtudes montrant que les guides de pratique ainsi conus sont de meilleure qualit. Les tudes de suivi menes auprs des dveloppeurs de guides de pratique montrent aussi que les rgles prconises ne sont que bien partiellement adoptes, les procdures tant considres trop lourdes et trop coteuses mettre en place. Les guides sont aussi avant tout dvelopps par des professionnels qui en font une spcialit. Cette approche professionnalisante ne nous apparat pas convenir la SST.

    Quant aux outils dvaluation des guides dvelopps en sant, ils suivent en fait la mme logique ; ils valuent essentiellement le processus de dveloppement du guide, ou du moins, sa description. Lapplication de ces outils montre que les guides dvelopps ny satisfont que bien partiellement. Le reproche prcdent signal demeure : les outils valuent le processus de dveloppement, ce qui en est dcrit en fait, et non la qualit elle-mme. Nous navons donc pas trouv de rponse satisfaisante notre premire question : si on ouvre un guide, y a-t-il un instrument qui permette dvaluer son contenu, sa structure, son organisation, etc ? Ceci dit, les questions poses par ces recherches et les rsultats obtenus sont riches denseignements pour la SST ; ils nous ont aids situer nos propres enjeux et perspectives, qui sont progressivement exposs dans ce rapport.

    De faon gnrale, nos travaux ont rvl que trois grandes critiques sont adresses aux guides (directives) : ils ne prennent pas suffisamment en compte lensemble des lments (ne sont pas suffisamment systmiques) ; ils ne collent pas suffisamment au processus de dcision du praticien (ils sont construits sur une logique de rsolution de problmes); ils ne cadrent pas suffisamment avec le fait que chaque patient est une entit spcifique (et non un ensemble ou un patient moyen). Ces critiques remettent en partie en question le processus dlaboration des connaissances. Les questions souleves et leurs dbats sont tout fait pertinents au domaine de la SST.

    Dautre part, les tudes menes auprs des utilisateurs montrent que ces derniers souscrivent aux efforts de rationalisation, mais les suivis dutilisation montrent que les recommandations ne sont pas appliques au niveau attendu. La raison premire nest pas que les gens ny adhrent pas, ni quils les mconnaissent. Ce serait plutt que les conditions dapplication, les contextes et les efforts investir y font obstacle. Les utilisateurs redoutent aussi toute approche coercitive qui pourrait se substituer leur jugement. Au vu des efforts investis, ces rsultats sont considrs comme dcevants. Les tudes dimpact confirment par ailleurs que les effets attendus nont pas t au rendez-vous.

    Ceci a amen les chercheurs se pencher plus sur la question de limplantation et chercher mieux comprendre ce qui fait obstacle ou au contraire favorise lutilisation des guides de pratique, reconnaissant que trop peu defforts avaient t consacrs cette question. Nous en retenons trois rsultats cls: la possibilit de voir (ex. quelquun utiliser le guide, ce que cela donne, les bnfices), de disposer de conditions adquates (ex. ressources humaines et matrielles, organisation, support) et leffort consentir.

    Enfin, au niveau de limplantation, lensemble des tudes menes montre que les moyens passifs comme la diffusion de matriel sont peu efficaces et quil faut laborer un plan dimplantation combinant des moyens. Cependant, aucune des synthses effectues sur la question ne met en

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    III

    vidence de moyens ou combinaisons foncirement efficaces. Les impacts demeurent au mieux modestes. Nous en concluons quaucune stratgie dimplantation naura de succs si le contenu des guides ne correspond pas suffisamment leurs conditions dapplication.

    Il nous apparat ainsi central dintgrer les questions dimplantation au processus de dveloppement lui-mme, non pas comme une tape finale, mais tout au long du processus. Et bien que lensemble des rsultats mentionns montre que statuer sur une mthode dlaboration ne soit pas un gage de succs, le processus de dveloppement demeure quant nous une cl importante. Dans ce processus, le coeur devrait cependant en tre moins celui de lidentification des preuves traduire en directives que celui de lidentification des personnes porteuses dun savoir pertinent aux questions dimplantation. Le rle dterminant des contextes qui ressort des tudes nous convainc quil doit demeurer au cur des dveloppements.

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    TABLE DES MATIRES

    SOMMAIRE ................................................................................................................................... I

    INTRODUCTION......................................................................................................................... 1

    1 HISTORIQUE, CONCEPTS ET APPROCHES RELIES A LA PRODUCTION DES GUIDES .................................................................................................................................... 51.1 Survol historique et mise en contexte ............................................................................. 51.2 Terminologie de base ....................................................................................................... 61.3 Approches relies au dveloppement des guides ........................................................... 9

    1.3.1 Modles pour colliger les donnes ............................................................................ 101.3.2 Mthodes didentification des donnes probantes : revue systmatique et mta-analyse................................................................................................................................... 111.3.3 Classification des mthodes qualitatives de recherche ............................................. 131.3.4 Les principales mthodes de consensus utilises ...................................................... 14

    1.4 Mise en parallle avec la SST ........................................................................................ 151.4.1 Les donnes alimentant les contenus des guides ...................................................... 151.4.2 Les guides produits en SST....................................................................................... 17

    2 LES GUIDES SUR LES GUIDES, LEUR UTILISATION ET LES INSTRUMENTS DVALUATION .................................................................................................................. 192.1 Les tapes dlaboration des guides ............................................................................. 20

    2.1.1 La slection du sujet ................................................................................................ 202.1.2 La dlimitation du but et du public cible anticip (scope)....................................... 212.1.3 Ladaptation du guide .............................................................................................. 212.1.4 La formation du groupe de dveloppement ............................................................. 232.1.5 La participation des patients .................................................................................... 242.1.6 Llaboration des questions ..................................................................................... 242.1.7 La revue systmatique ............................................................................................. 242.1.8 Les critres dinclusion et dexclusion des tudes et des donnes ................................ 252.1.9 Lvaluation des donnes probantes ou des preuves ............................................... 252.1.10 Le dveloppement des recommandations ................................................................ 272.1.11 Llaboration dune stratgie dimplantation .......................................................... 282.1.12 Le processus de consultation pour valuer la version prliminaire du guide de pratique . ................................................................................................................................ 282.1.13 La rdaction de la version abrge .......................................................................... 292.1.14 La planification de lvaluation, rvision et mise jour ......................................... 29

    2.2 Lapplication des recommandations des GsG ............................................................. 302.2.1 Les donnes colliges ............................................................................................... 302.2.2 La mise en place des tapes recommandes ............................................................. 312.2.3 Le respect des critres proposs par les GsG ............................................................ 31

    2.3 Les outils dvaluation des guides ................................................................................ 332.3.1 Les outils dvaluation destins aux chercheurs et aux organisations ...................... 34Portrait des instruments......................................................................................................... 34valuation des instruments ................................................................................................... 372.3.2 Les outils dvaluation destins au praticien pour dcider sil peut retenir ou non un guide ................................................................................................................................... 38

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    2.4 Tendances et questions de lheure pour les guides de pratique ................................. 382.4.1 Informatique et technologies de linformation (TI) .................................................. 382.4.2 Mises jour et cots ................................................................................................. 392.4.3 quilibre simplicit/complexit, standardisation/flexibilit ..................................... 39

    2.5 Les guides en SST .......................................................................................................... 40

    3 POSITIONNEMENT SUR LES GUIDES ET FACTEURS QUI ONT UN IMPACT SUR LEUR QUALITE ................................................................................................................... 433.1 Positionnements sur les guides ...................................................................................... 43

    3.1.1 Critiques et demandes ............................................................................................... 433.1.2 Craintes et inquitudes des usagers ........................................................................... 463.1.3 Dsirs et souhaits ...................................................................................................... 47

    3.2 Facteurs qui ont un impact sur la qualit des guides ................................................. 473.2.1 Date ........................................................................................................................... 483.2.2 Organisation implique ............................................................................................. 483.2.3 Objet du guide ........................................................................................................... 493.2.4 Longueur du guide .................................................................................................... 49

    3.3 Opinions sur les guides en SST ..................................................................................... 50

    4 UTILISATION ET IMPACT DES GUIDES SUR LA PRATIQUE................................ 514.1 Sources dinformation privilgies par les usagers ..................................................... 514.2 Portrait de ladhsion et de ladoption des recommandations .................................. 524.3 Barrires lutilisation et incitatifs .............................................................................. 52

    4.3.1 Connaissances ncessaires lutilisation des guides ................................................ 534.3.2 Clart et spcificit ................................................................................................... 534.3.3 Simplicit et convivialit .......................................................................................... 544.3.4 Observabilit ............................................................................................................. 544.3.5 Accessibilit et environnement ................................................................................. 544.3.6 Crdibilit des dveloppeurs ou des utilisateurs ....................................................... 544.3.7 Facteur culturel ......................................................................................................... 554.3.8 Portrait global ............................................................................................................ 55

    4.4 Impact des attributs des recommandations ................................................................. 564.5 Utilisation des guides en SST ........................................................................................ 56

    5 IMPLANTATION DES GUIDES ....................................................................................... 575.1 Dfinitions et concepts ................................................................................................... 575.2 Interventions possibles................................................................................................... 585.3 Pratiques valuatives ..................................................................................................... 585.4 Efficacit et cot des interventions ............................................................................... 595.5 valuation du potentiel dimplantation ....................................................................... 605.6 Limplantation des guides en SST .......................................... Erreur ! Signet non dfini.

    6 BILAN COMPARATIF SANT VS SST ET PISTES EXPLORER ........................... 61

    7 PERSPECTIVES ET RFLEXIONS ................................................................................. 65

    CONCLUSION ........................................................................................................................... 69

    BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................... 71

    ANNEXES ................................................................................................................................... 89

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    Annexe 1.1 Survol du rle des tats dans la production des guides laube des annes 2000 et de quelques acteurs cls. ............................................................................... 90Annexe 2.1 - Les attibuts des guides proposs par lInstitute Of Medicine et les ajouts proposs par divers groupes de travail ................................................................................. 92Annexe 2.2 Les instruments dvaluation des guides ....................................................... 94Annexe 2.3 - Tableau compilatif des dimensions, critres ou items proposs pour valuer les guides dvelopps............................................................................................................. 101Annexe 2.4 - Attributs des guides de pratique et d'valuation des traitements de lAmerican Psychologists Association (2002) ..................................................................... 109Annexe 4.1 - Principaux facteurs ou dterminants du transfert (Faye et al. 2007) ........ 111Annexe 5.1 - Termes de transfert appliqus aux guides (Faye et al. 2007) ...................... 112Annexe 5.2 - Rsum des approches destines changer les pratiques (Grol 1997) ...... 113Annexe 5.3 - Guide Line Implementation Appraisal (Shiffman et al. 2005) ................... 114

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    VII

    LISTE DES TABLEAUX

    Tableau 2.1 - Les atributs et critres que les guides de pratique devraient possder ....................19

    Tableau 4.1 - Sources d'information utilises par les cliniciens (Hayward et al. 1997) ................51

    LISTE DES ENCADRS

    Encadr 1.1 - La croissances de la littrature sur les guides et de la littrature mdicale ...............6

    Encadr 2.1 - La formulation des recommandations par NICE .....................................................28

    Encadr 2.2 - Pourcentage des 279 G confirmes aux standards recommands (Shaneyfelt et al. 1999) ......................................................................................................................32

    Encadr 2.3 - valuation de 51 guides sur le cancer (Harpole et al. 2003) ...................................32

    Encadr 2.4 - valuation des chapitres du Guide de l'American College for Occupational and Environmental Medicine (Cates et al. 2006) .........................................................33

    Encadr 2.5 - Variantes proposes pour les items portant sur le format et la formulation des noncs ...................................................................................................................36

    Encadr 2.6 - Items de l'instrument de Cluzeau repris par au moins cinq des dix instruments analyss ..................................................................................................................36

    Encadr 2.7 - Propositions d'noncs pour valuer directives et recommandations......................37

    Encadr 2.8 - Liste de contrle propose pour permettre aux praticiens d'valuer un guide ........38

    Encadr 4.1 - Les obstacles ou les facilitateurs de l'adhsion-adoption ........................................53

    Encadr 4.2 - Obstacles et incitatifs l'utilisation des guides .......................................................55

    Encadr 4.3 - Attributs des recommandations ...............................................................................56

    Encadr 5.1 - tude de Christie (2003) sur les pratiques d'valuation : points saillants ...............58

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    INTRODUCTION

    La prvention des risques professionnels est un enjeu majeur pour la sant des individus et la performance des organisations. Elle passe, entre autres, par une meilleure application des connaissances dveloppes dans le domaine. Ces connaissances ncessitent, pour que les milieux se les approprient, une mise en forme oprationnelle, dont les guides sont une manifestation importante. Intgrant les savoirs dexpertise et dexprience, Mercier (2010) considre dailleurs les guides comme reprsentant la forme la plus acheve de valorisation des connaissances.

    Comme les recherches documentaires ont rapidement mis en vidence labondance des travaux mens sur les guides dans le domaine de la sant, o non seulement le nombre de guides publis a explos au cours des deux dernires dcennies, mais o aussi la littrature publie sur le sujet, a elle-mme cr de faon exponentielle, nous avons dcid de nous y centrer pour en restituer la logique et la cohrence. Par consquent, bien que nous sachions que dautres domaines sont de grands utilisateurs de guides, comme le domaine social, nous avons dlimit nos efforts celui de la sant (mdical pourrait-on ajouter).

    Lobjectif principal de cette tude est de faire le point sur les crits publis sur le dveloppement, lutilisation, lvaluation, limplantation et les impacts des guides en sant afin den dgager les enseignements cls et de dterminer ce qui pourrait sappliquer la SST. Plus spcifiquement, nous avons cherch rpondre aux questions suivantes :

    Quels sont les grands enjeux et les principales perspectives de dveloppement adoptes par les guides? Que connat-on sur le dveloppement des guides et leur valuation? Comment value-t-on les guides? Que sait-on sur leur utilisation et leur impact? Comment sorganise leur implantation? Qu'est-ce qui fonctionne bien ?

    Dans ce rapport, la littrature recense porte en fait surtout sur les guides de pratique clinique (guidelines for clinical practice) ou guidelines. Ces guides ont un caractre relativement directif qui correspond au sens tymologique premier du terme guide et que conserve le terme guideline, une rgle ou un principe qui fournit des conseils pour mener un comportement adquat 1. On peut traduire le terme en franais par ceux de recommandations ou de directives. Les guides de pratique clinique sont constitus dun ensemble de guidelines. Ils suggrent, par le biais dnoncs ce qui devrait tre dcid ou fait dans la pratique compte tenu des connaissances scientifiques tablies. La notion de bonne pratique y est implicite. Sans doute ne reprsentent-ils quune fraction des 10 000 guides de pratique de toutes sortes auxquels rfrent Beaulieu et al. (2001), mais ils sont au cur dune abondante littrature et de propositions concrtes. Les diffrents termes seront revus au chapitre 1, mais dj le lecteur familier avec les guides dvelopps en SST sait que si certains guides ont des objectifs trs prescriptifs, dautres sont de nature plus suggestive ou informative que directive.

    1 Word reference dictionary. Hhttp://www.wordreference.com/definition. Cit in Schnemann 2006H.

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    En fait, les guides en SST visent de multiples objectifs : outiller les utilisateurs pour reconnatre les risques susceptibles daltrer leur sant ou de porter atteinte leur scurit, cibler les lments transformer, choisir les prconisations adquates, etc. La conception dun guide sur les machines ou les convoyeurs ou sur la meilleure mthode de dosage dun toxique donn ctoie celle sur les guides damnagement des horaires ou des espaces, les guides dvaluation des risques ou de prvention des troubles musculo-squelettiques, comme de sant mentale.

    Ce bilan sadresse avant tout aux chercheurs en SST, pour lesquels il est usuel de simpliquer dans le dveloppement dun guide. Par exemple, dans lenqute de Laroche (2009), le tiers des chercheurs canadiens en SST interrogs rapportaient avoir dj publi au moins un guide au cours des cinq dernires annes. Comme ces derniers ont de multiples intrts et perspectives, nous avons conu ce rapport comme un outil de travail o chacun pourrait y puiser des informations, des ides, selon ses intrts. Ainsi, nous avons laiss autant que possible des traces du travail de compilation des donnes, car elles pourraient servir de base des travaux futurs.

    Outre labondance de la littrature disponible en sant, une autre raison de sattarder tout spcialement au domaine de la sant est le partage entre les deux domaines dun objet commun, la sant, et de concepts qui prsentent des analogies avec le domaine de la SST : praticiens vs prventeurs, patients vs travailleurs, transformation des pratiques vs prvention/intervention, diagnostic des maladies vs des risques. Cette exploration dans la littrature mdicale visait mieux cerner les parents, mais aussi les diffrences dans la faon de rflchir et dapprocher les questions, en loccurrence, celle des guides. A priori, une diffrence importante est sans doute que la SST tient fortement compte de lenvironnement et des cadres matriel et immatriel dans lesquels volue le travailleur. La sant coexiste avec la scurit qui intgre des approches fort diffrentes. Les rfrences lpidmiologie en scurit sont par exemple rarement pertinentes. Un guide sur les machines ou les convoyeurs ou sur la meilleure mthode de dosage dun toxique donn ctoie des guides damnagement des horaires ou des espaces, des guides dvaluation des risques ou de prvention des troubles musculo-squelettiques ou de la sant mentale, car la SST couvre presque tous les domaines disciplinaires de recherche. Il est probable que certains adhreront fortement aux points de vue exposs et se sentiront trs proches de lunivers sant et dautres assez loin. Ainsi, bien que le titre parle de transfrabilit et que nous chercherons en cours de route situer autant les diffrences que les similitudes, sachant la diversit de nos interlocuteurs, cest avec humilit que nous entreprenons lexercice.

    tant donn labondance de littrature sur les guides, comme nous le verrons au chapitre 1, il tait insens de prtendre une revue exhaustive. Nous avons plutt tent de dgager, travers les lectures, des points de repre qui peuvent tre utiles en SST. Nous avons procd de faon itrative et organis la recherche partir de deux grands axes, lun centr sur lobjet, soit les guides - Comment les dvelopper? Comment les valuer? Comment les implanter? - et lautre, sur les utilisateurs : Quel usage font-ils des guides? Quen pensent-ils? Cela change-t-il leur pratique?

    Nous avons recherch des articles de synthse et privilgi les documents dapplication largie par opposition aux documents centrs sur lapplication de directives (guidelines) spcifiques. Le point de dpart (mots cls : asssesment tool/instrument, valuation, guidelines, guides, etc.) a t lidentification des principaux outils dvaluation. Ceux-ci nous ont orients trs fortement vers les guides de pratiques cliniques. Le travail effectu a consist colliger ce qui est commun

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    tous ces outils ainsi que leurs variantes (ajouts, suppressions, nuances). Cette premire tape nous a aussi rapidement amens constater combien les crits simbriquaient les uns dans les autres (ex. rfrences communes, mmes documents sources, auteurs communs) ainsi que limportance de la participation des organisations publiques, voire de ltat lui-mme, dans le processus. Il nous a alors sembl important de reconstituer lhistorique et le rle de certaines organisations. Ces historiques ont t retracs travers des crits synthses et les livres publis sur le dveloppement des guides.

    La seconde tape a t de faire le point sur le dveloppement des guides, les guides sur les guides (ou guidelines pour dvelopper des guidelines, GsG), ces derniers sadressant surtout, sans que lon puisse dire exclusivement, aux guides de pratique clinique (guidelines for clinical practice). Ce travail de dveloppement a t men essentiellement par de larges groupes de travail - nationaux ou internationaux - sous lgide dorganisations publiques. Comme pour les instruments dvaluation, le travail de synthse a consist colliger les principaux GsG diffuss afin de dgager ce quils ont en commun, ce qui les diffrencie et la logique ou la philosophie qui a sous-tendu leur dveloppement. Cest travers ces lectures quil nous est apparu important de faire aussi le point sur les concepts et les approches cls utilises (ex. les mta-analyses) et den restituer la logique et les fondements pour que le lecteur en SST en comprenne les orientations fondamentales. En raison de leur importance en SST, certains lments ont t retenus, comme les approches de consensus. Ces questions ont t explores surtout partir darticles de synthse ou de sries darticles consacrs ces sujets.

    Les questions qui dcoulent naturellement de cette dernire tape ont t : les GsG sont-ils utiliss? Quen pensent les dveloppeurs (individuel ou institutionnel) et les utilisateurs? Les guides dvelopps suivent-ils les propositions des GsG?

    Par la suite, nos efforts ont t centrs sur les crits portant sur les guides eux-mmes. Les guides produits sont-ils utiliss? Quen pense-t-on? Quest-ce qui favorise ou au contraire gne leur utilisation? Quels sont leurs impacts? Nous avons recherch a priori des articles de synthse qui font le point sur ces questions et privilgi les articles ciblant les guides de pratique dapplication largie par opposition ceux centrs sur le suivi de directives spcifiques.

    La base de donnes ainsi constitue a permis de recenser aussi un bon nombre dtudes portant sur les utilisateurs et les dveloppeurs. Elle a t complte en fonction des thmes qui prsentaient un intrt potentiel pour la SST. Par exemple : le rle des contextes, les crits qui interpellent sur le savoir inclus dans les guides ou quant aux sources dinformation utilises, les perspectives futures comme linformatisation des outils de dveloppement. Les pistes ouvertes par ces lectures ont t compltes partir des rfrences indiques ou par des recherches plus pointues sur ces questions. Il ne sagissait pas de faire le point sur chacune de ces questions (nous nen avions pas les ressources), mais dinclure des rsultats qui permettent douvrir des rflexions. Il sagit donc le plus souvent de pistes ouvertes la lecture dun article et des rfrences affrentes.

    La structure du rapport ne suit donc quen partie lorganisation de la recherche. Le premier chapitre expose les concepts cls, les approches qui sont au cur de tout le processus de dveloppement des guides en sant, mais aussi des connaissances. Le second chapitre runit dune certaine faon le dbut et la fin, savoir les procdures proposes pour dvelopper un

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    guide de pratique de qualit et en valuer la qualit. On parle donc des GsG et des instruments dvaluation des guides de pratique, qui de fait visent vrifier si les propositions du GsG sont appliques. Les deux sont donc troitement imbriqus. Le troisime chapitre est ax sur le guide en tant quobjet. Il trace le portrait : de la ralit des guides (ex. les procdures sont-elles suivies ?); des grandes critiques quon leur adresse ; des caractristiques des guides qui ont ou pas un impact sur leur qualit ; des opinions des dveloppeurs sur les processus de dveloppement ; des craintes et des apprhensions des utilisateurs.

    Les quatrime et cinquime chapitres sont quant eux centrs sur lutilisateur des guides, bien quil ne soit pas toujours possible de le dissocier de lobjet lui-mme. Ils regroupent des tudes portant sur lutilisation des guides et sur leur implantation. Dans ce dernier cas, le bilan est surtout mthodologique - approches proposes, dcoupages de variables, etc. - et les rfrences utilises sont essentiellement de vastes tudes de synthse qui permettent de tracer de grandes conclusions.

    la fin de chaque chapitre, les rsultats sont situs par rapport au domaine de la SST, au mieux de notre connaissance. Pour le second chapitre, qui porte sur le dveloppement des guides, les parallles sont tracs au fur et mesure des points abords, vu la longueur du chapitre. Enfin, plutt que de proposer ou de recommander un outil dvaluation (ce qui tait en partie lintention initiale) ou une mthode de dveloppement en particulier, nous avons synthtis au chapitre 6 ce que nous croyons important de retenir pour la SST. Ce bilan synthtique inclut des suggestions. Nous avons opt pour cette approche prudente en raison de la varit des thmes couverts par les guides en SST et de la nature mme des rsultats exposs travers les divers chapitres. Le dernier chapitre prsente une rflexion plus globale sur ce qui caractrise fondamentalement le domaine de la SST.

    Enfin, comme il nous est apparu sage de laisser au lecteur la libert dy trouver les lments susceptibles de lintresser, nous avons inclus de nombreuses notes de bas de page qui apportent des prcisions pouvant intresser des lecteurs spcifiques. Les diverses compilations effectues sont annexes au prsent rapport ou disponibles sur le site web du Rseau de recherche en sant et scurit du travail du Qubec (RRSSTQ).

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    1 HISTORIQUE, CONCEPTS ET APPROCHES RELIS LA PRODUCTION DES GUIDES

    Ce premier chapitre aborde lhistorique rcent des guides de pratique et prcise la terminologie utilise dans ce rapport. Les approches relies la production des guides sont ensuite dcrites.

    1.1 Survol historique et mise en contexte Les guides sont utiliss en mdecine depuis les annes 1930. Il sagit dune tradition surtout issue des pays anglo-saxons, en particulier du Royaume-Uni. Cependant, leur production a connu un essor important partir des annes 80 (Woolf 1995). Llaboration des guides, originellement centre sur un consensus dexperts, a alors volu vers une laboration centre sur les donnes de la littrature scientifique, examine selon des critres prcis et le rle de lexpert, redfini ou plutt dlimit (ex. combler les lacunes, statuer en cas de controverses). Soulignons ici que le Canada a t un prcurseur important dans ce virage, travers les travaux mens par un groupe dtude mis en place en 1976 pour se pencher sur la question de lefficacit des examens priodiques (Canadian Task Force on the Periodic Health Examination 1979). Ce groupe a dvelopp ce qui est considr comme le ou un des premiers guides fonds spcifiquement sur des preuves et pour lequel il a alors dvelopp un outil de graduation de la qualit de ces preuves (Beaulieu et al. 2001). Ce dveloppement a t troitement associ celui de ce quon a appel evidence-based medicine, une mdecine fonde sur des faits scientifiques dmontrs, sur des donnes dites probantes, issues dtudes scientifiques rigoureuses (Beaulieu et al. 2001). La dfinition des procdures et des standards mthodologiques visant reconnatre ou dterminer les donnes probantes est donc maintenant au coeur du processus de production des guides, qui sont en corollaire vus par les organismes de sant comme une vaste opration visant au transfert des connaissances issues des recherches mdicales. Les procdures pour slectionner les tudes et les donnes, pour en valuer la qualit mthodologique et pour en faire la synthse (revues systmatiques et mta-analyses) sont ainsi dfinies de faon rigoureuse.

    Les guides sont vus aussi comme des outils dorganisation des connaissances ainsi quun moyen privilgi pour standardiser et rationaliser les pratiques, et ce, dans un contexte de croissance des cots dans le domaine de la sant, dont une partie est attribue des pratiques cliniques juges inadquates (Woolf 1995). Les guides visent donc aussi amliorer les pratiques professionnelles, un thme central dans cette littrature. Le dveloppement des guides a aussi pour but de diminuer la variabilit des pratiques - phnomne observ inter- mais aussi intra- organisation - ce qui suscite aussi des inquitudes en sant (Armstrong et al. 2004).

    Tout ceci explique sans doute limportance de la participation des organisations gouvernementales (cf. annexe 1.1) et le mouvement de collaboration internationale mis en place (Ollenschlger et al. 2004), lequel na pas son quivalent en SST. Plusieurs pays ont mme fait des guides de pratique un lment important de leur politique de sant, incluant la mise en place de politiques actives et systmatiques dimplantation2. Les organisations professionnelles ont aussi fortement particip, en particulier aux tats-Unis3. Lnorme production qui en est rsulte (cf. encadr 1.1) a par la suite engendr le dveloppement doutils dvaluation, dans lequel les organisations publiques ont aussi jou un rle de catalyseur important.

    2 Cest en particulier le cas de la Hollande. Plusieurs auteurs majeurs y sont associs. 3 Aux .-U., les organisations prives et non gouvernementales participent aussi trs activement la production des guides.

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    titre dexemple, en 1989, le Congrs amricain amendait le Public Health Service Act pour crer lAgency for Health Care Policy and Research (AHCPR) et, sous sa responsabilit, le Forum for Quality and Effectiveness in Health. Le mandat de lAHCPR tait de concevoir des activits dans le but damliorer la qualit et lefficacit des soins de sant, entre autres par la cration, la diffusion et lvaluation de guides. Pour accomplir cette mission, lAHCPR sest adress lIOM (Institute of Medicine), qui son tour a mis en place un comit dtude avec mandat de fournir une assistance technique sur diffrentes questions : dfinitions, spcifications des attributs des guides, implantation et valuation. LIOM va tre le fer de lance dans llaboration dun premier guide sur les guides, le Guidelines for clinical practice: from development to use dont la premire dition est parue en 1990 (auteurs : Lohr et Field). LIOM a aussi mis au point, en 1992, un instrument destin provisoirement lvaluation des guides de pratique clinique structur autour de 8 attributs4 regroupant 142 items. Quatre attributs portent sur le contenu (validit, fiabilit, applicabilit et flexibilit clinique) et quatre sur le processus de dveloppement et la prsentation (clart, multidisciplinarit, mise jour et documentation). Cet instrument, qui sest avr trop lourd et trop difficile dapplication demeure cependant la base des dveloppements ultrieurs.

    Encadr 1.1 - La croissance de la littrature sur les guides et de la littrature mdicale Littrature sur les guides Croissance du nombre darticles (Medline) portant sur les guides de pratiques : 444 en 1993 4 975 en 2006 (Turner et al. 2008). Croissance du nombre de citations (Medline) sur practice guideline de prs de zro en 1990 prs de 2 000 (Marshall 2000). Guides chez les praticiens : 855 guides collects la suite de visites effectues auprs de 65 praticiens (Hibble et al. 1998). Guides et protocoles destins aux programmes daudits rgionaux : 2 000 comptabiliss par Stern et Brennan (1994) (cit par Jackson et Feder 1998). Aux .-U. : 1 500 guides de pratique avaient dj t dvelopps en 1993 (Woolf 1995) ; 40 socits mdicales ont tabli des comits pour laborer des guides. Littrature mdicale Nombre darticles annuels : deux millions publis dans plus de 20 000 revues, et ce, il y a dj 15 ans (Mulrow 1994). Croissance du nombre darticles annuellement indexs (Medline) : en 13 ans, de 413 375 727 546 (Turner et al. 2008) ; en

    1995, Jobson et Potter en recensaient 30 000 par mois (360 000/an).

    1.2 Terminologie de base tymologiquement5, le mot guide, apparu en 1370, est un emprunt de lancien provenal guida (XIIe sicle) celui qui conduit et du dverbal de guidar conduite (XIe) et de litalien guida (vers 1300), dverbal de guidare accompagner quelquun . Les deux termes, qui ont sensiblement le mme sens, sont drivs du gotique widam. Le terme guide a conserv depuis son sens tymologique de personne qui conduit au sens propre et figur (XVe). Par analogie, guide se dit (XVIe) d un principe directeur qui inspire quelquun (1534). Par extension, il semploie pour un ouvrage qui renferme des conseils dordre moral, spirituel (1552). la mme poque, il apparat aussi dans son sens moderne d ouvrage destin aider (ex. en donnant des informations sur un pays). On retrouvera par la suite le terme appliqu des objets (guide dans le sens de rnes, pour diriger un mouvement en menuiserie, etc.).

    Aujourdhui, le mot guide revt toujours plusieurs sens, notamment celui dun ouvrage destin aider par des informations gnrales ou pratiques 6 ou dun ouvrage contenant des

    4 Adopts par la suite par lAHCPR. 5 Dictionnaire historique de la langue franaise (2000) sous la direction de A. Rey. 6 Grand Robert.

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    informations pratiques . Toutes les dfinitions montrent lorientation utile, pratique, voire pragmatique prise par les guides, mais elles peuvent tre relies des finalits diffrentes : expliquer lusage dun quipement, indiquer les conduites tenir advenant certaines circonstances prcises, prsenter la dmarche suivre pour raliser une activit dtermine, etc. Le terme guide a donc un double sens de direction et de regroupement dinformations pratiques.

    Dans la langue anglaise, il est fait tat beaucoup plus du mot guidelines qui est dfini par le dictionnaire anglais-franais des sciences mdicales et paramdicales7 comme des principes directeurs ou des directives ou des recommandations . Le mot guidelines est considr comme [] outlines or directions on how to conduct or control some program 8 ou comme a rule or principle that provides guidance to appropriate behaviour 9. Vu sous cet angle, le mot guidelines est associ la notion de bonnes pratiques. Ce qui englobe et signifie beaucoup plus de choses que le mot guide utilis en franais.

    En franais, le mot guide peut tre suivi de ladjectif pratique, compris dans le sens qui s'applique aux situations concrtes , ou du complment de pratiques qui recouvre partiellement le sens du mot guidelines. Ainsi, la notion de guide de pratique est aussi lie au concept de bonnes pratiques ou de meilleures pratiques, lesquelles sont dfinies comme tant des savoirs ou une manire de faire qui, dans une organisation, conduisent au rsultat souhait et qui sont portes en exemple auprs des pairs afin de leur faire partager lexprience qui permettra une amlioration collective 10. Le concept revt, ainsi, un caractre polysmique et peut se dfinir de plusieurs manires selon son objet (aide la dcision, transfert des connaissances, rponse une question d'thique) ou ses utilisateurs potentiels (INESSS 2011).

    Les guides de pratiques cliniques11 quant eux sont dfinis comme tant des noncs systmatiquement conus pour aider les praticiens et les patients prendre les dcisions quant au choix de soins appropris dans un contexte donn12. Bien entendu tous les guides de pratiques ne sont pas cliniques et leurs dfinitions dans les divers domaines de la sant sont un peu plus larges, mais elles reprennent toutes sensiblement les mmes lments. Par exemple, selon lOrganisation mondiale de la sant (2003), les GdP : are systematically developed evidence-based statements which assist providers, recipients and other stakeholders to make informed decisions about appropriate health interventions. Health interventions are defined broadly to include not only clinical procedures but also public health actions. Guidelines are formal advisory statements which should be robust enough to meet the unique circumstances and constraints of the specific situation to which they are being applied . La Fdration qubcoise des centres de radaptation en dficience intellectuelle et en trouble envahissant du dveloppement les dfinit comme un ouvrage dcrivant la manire dexercer une activit dans un contexte spcifique sappuyant sur les valeurs et les principes reconnus. Il guide les choix

    7 Dictionnaire anglais-franais des sciences mdicales et paramdicales. 4e dition, 1996. 8 Dictionary and thesaurus of environment, health and safety US Department of Energy. Office of Environment, Safety and

    Health. CRC Press inc. ( 1992). 9 Word reference dictionary. http://www.wordreference.com/definition. Cit par Schnemann et al. (2006). 10 Dictionnaire illustr des activits de lentreprise franais-anglais. Presses internationales Polytechnique. Montral, 2008. 11 Dfinition propose par lInstitute of Medicine : Clinical guidelines are systematically developed statements designed to help

    practitioners and patients make decisions about appropriate health care for specific circumstances (Field et Lohr 1992). 12 Au Qubec, les GdP sont dfinis comme des recommandations formules de faon systmatique pour soutenir les praticiens

    et les patients dans leurs dcisions concernant les soins prodiguer selon les symptmes cliniques (INSPQ 2011).

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    dintervention, dtermine les actions pertinentes et acceptables et inclut des recommandations visant lamlioration des services. Il est gnralement produit par des comits dexperts et devrait contenir des standards de pratiques bass sur des donnes probantes. Il doit tre rgulirement rvis sur la base des nouvelles donnes disponibles (Mercier 2010). Cette dernire dfinition recouvre des notions (valeurs, principes reconnus, acceptabilit, donnes probantes, mise jour) traites dans les GsG que nous verrons au chapitre suivant.

    Dans le domaine de la sant et de la scurit du travail, lOrganisation internationale du travail a adopt un point de vue proche de celui de la sant. Les GdP appels tantt recueils de directives pratiques , tantt principes directeurs constituent un moyen de plus en plus recouru par lOrganisation pour promouvoir des bonnes pratiques13. Ils peuvent tre prsents dans des formats diffrents : protocoles, algorithmes, dclarations de consensus, recommandations de comits d'experts, etc. (OMS, 2003).

    Une autre expression souvent rencontre est celle de standard de pratique14 : Un ensemble de normes, de pratiques et de rgles qui dfinit une approche systmatique commune. Le standard de pratique sinscrit dans un plan damlioration de la qualit, il fixe les critres de performance et sappuie sur les donnes probantes disponibles. Il doit ncessairement comprendre des indicateurs permettant une valuation .

    Le terme evidence est un concept qui fait rfrence aux savoirs produits par la recherche, plus particulirement partir dtudes dont la rigueur permet den assurer la validit. Les termes utiliss en franais sont ceux de preuves ou de donnes probantes (ex. utilis par la Fondation canadienne de la recherche sur les services de sant, le FCRSS). Diffrentes expressions en sont drives, telles evidence-based medicine (EBM), evidence-based individual decision making, evidence-based guideline15. Le concept dEBM a t introduit par G. Guyatt en 1991 (Sackett 1996), mais on en crdite lorigine idologique A. Cochrane (1908-1988) dont on a donn le nom aux centres de recherche qui publie et diffuse sur son site des revues systmatiques sur les donnes probantes (Ulvenes et al. 2009).

    Les donnes probantes sont dfinies par la FCRSS comme tant les renseignements qui se rapprochent le plus des faits dun sujet. La forme quelles prennent dpend du contexte. Les rsultats de recherches de haute qualit, qui reposent sur une mthodologie approprie, sont les donnes probantes les plus prcises. Comme les recherches sont souvent incompltes et parfois contradictoires ou non disponibles, dautres catgories de renseignements sont ncessaires pour les complter et les remplacer. 16 Une dfinition plus courte propose par Lomas et al. (2005) est tout lment qui permet dtablir un fait ou donne raison de croire quelque chose. Conceptuellement, il sagit pour ces derniers dune connaissance qui est explicite (cest--dire codifie et propositionnelle), systmique (qui utilise des mthodes transparentes et explicites de codification) et rptable (cest--dire quen appliquant les mmes mthodes aux mmes

    13 Le GdP le plus connu cet gard est sans doute : Principes directeurs concernant les systmes de gestion de la scurit et de

    la sant au travail ILO-OSH, 2001 . 14 Autres termes utiliss pour rfrer aux pratiques : practice policy, practice parameters, clinical pathway, standard (voir Berg

    et al. 1997). 15 Le site du Dpartement de mdecine familiale de lUniversit Laval est cit par Graham et al. (2002) comme tant une bonne

    urce dinformation consulter sur la qualit des sites web portant sur la EBM. ( www.medicine.quebec.qc.ca/default.htmso ). existe une trentaine de sites web sur les guides. Il

    16 http://www.chsrf.ca/other_documents/evidence_f.php (consult en juillet 2010).

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    chantillons, on obtiendra les mmes rsultats). La valeur des donnes probantes est donc intrinsquement lie la qualit des mthodes qui les produisent. Elles sont par consquent values sur la base de critres mthodologiques. Probant qualifie aussi son caractre dapplicabilit et defficacit. Les deux termes - donnes probantes et preuves - seront utiliss dans les chapitres suivants, selon le contexte.

    1.3 Approches relies au dveloppement des guides Grol (1997) rsume la multiplicit des points de vue prendre en compte travers un dialogue fictif sur un problme de taux de csarienne jug trop lev. Ce dialogue rsume divers lments de discussion que nous retrouverons associs aux guides.

    The clinician either denies there is a problem or proposes setting up a well designed course to increase clinicians' knowledge and skills. "OK," says the clinical epidemiologist, "but we first need to know what the evidence is on the indications for a caesarean section. We should perform a meta-analysis and come up with evidence based guidelines to disseminate among the obstetricians." "No," says the educational expert: "that is a top down approach and such strategies will usually fail. Form small groups of doctors and let them discuss the problem, using cases and experiences from their own practices as the basis for local arrangements on new routines." "We should take a look at the facts first," says the health services researcher. "Let us set up a multicentre audit first and collect data on actual variation between hospitals and include data on casemix. Feeding this information back to the hospitals will probably stimulate improvement." "You are all focusing too much on the individual doctor," says the management expert. "The problem is not the doctor, but the system. We should analyse the process of decision making and performing the caesarean sections and see what structures determine the process. Next we need a quality improvement team." "This is all too much talking," says the representative of the health authorities. "Doctors are sensitive only to what happens to their budgets. We need to put a pressure on them to limit the number of caesarean sections per hospital, give hospitals a reasonable budget, and provide the obstetricians with an incentive when they reduce the rate."

    Woolf (1990) distingue quatre approches de dveloppement des guides, chacune visant rpondre aux critiques adresses la prcdente : 1) par consensus informel ; 2) par consensus formel ; 3) centre sur les donnes probantes ; 4) lapproche explicite.

    Lapproche la plus ancienne est le consensus informel. La seconde formalise le processus de consensus, qui se construit alors selon des rgles prcises, o le consensus est quantifi ou cot. Le but est de limiter les biais potentiels issus dun consensus informel. La troisime approche, dveloppe partir des annes 80, vise limiter/dlimiter la rfrence des opinions et amliorer la mthodologie de construction des guides. Le groupe tmoin doit suivre une mthode systmatique pour colliger les tudes pertinentes, revoir les donnes et valuer les liens avec les recommandations. La dernire approche, la plus rcente, ajoute une phase dont lobjet est dexpliciter les impacts attendus (bnfice potentiel, dommages possibles et cot des options) ; elle inclut une tape qui prcise les prfrences des patients pour chaque rsultat attendu. Ce processus dexplicitation a t propos pour rpondre aux diverses critiques mises sur la construction des guides savoir : ne prend en compte quun rsultat (Berg et al. 1997) ; faiblesse de larticulation entre les donnes probantes et les recommandations; manque de lien avec le

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    processus de dcision. Il marque en fait le passage du quoi au comment (Edwards 201017) et une plus grande attention accorde aux contextes pratiques (Browman 2001).

    Le choix des connaissances et des donnes probantes tant au cur du processus dlaboration des guides en sant, une abondante littrature traite aussi des approches et des mthodes qui permettent de collecter les connaissances, de les valuer et de les colliger. Elle correspond la premire grande phase du dveloppement dun guide, soit celle du quoi inclure. Cependant, cette tape ne suffit pas et il faut aussi un moment ou lautre sentendre pour valuer, interprter, combler les lacunes et tablir des liens (Giacomini et Cook 2000). Les mthodes de consensus ont donc acquis un statut mthodologique important. Enfin, lintrt grandissant pour le comment a amen les auteurs sintresser aux approches qualitatives. Nous prsentons donc maintenant un survol de ces questions o nous y situons les enjeux, les principes cls, les limites et les critiques des modles et mthodes proposes pour collecter, interprter et traduire les donnes probantes en recommandations.

    La premire section rsume les grands modles utiliss, la deuxime section les deux grandes mthodes de slection des donnes probantes que sont les revues systmatiques et les mta-analyses. La section suivante traite de lintgration de ces approches dans les guides. La quatrime section prsente une classification des mthodes qualitatives (mthodes phnomnologiques, thorisation ancre et tudes ethnographiques) et la dernire section fait le survol des principales mthodes de consensus utilises (Delphi, technique de groupe nominal, confrence par consensus).

    1.3.1 Modles pour colliger les donnes Audet et al. (1990) distinguent trois modles dont les diffrences rsident dans la faon de choisir les donnes qui seront la base du guide. Dans le premier modle, les donnes sont issues dune recherche systmatique o les faits proviennent essentiellement de la littrature, selon une procdure dtermine18. Le rsultat fait lobjet dun position paper qui est soumis lvaluation dexperts externes et que lon fait circuler pour y incorporer des opinions des praticiens et autres spcialistes concerns. La position publie est ensuite ouverte une priode de commentaires. Le second modle repose avant tout sur le consensus dun groupe dexperts internes19 ; les ressources dexperts externes sont utilises pour compiler et synthtiser la littrature scientifique. Le troisime modle combine revue systmatique et consensus dexperts, ce dernier tant obtenu travers des procdures formalises. Les auteurs concluaient quaucune tude ne permettait de dmontrer quel tait le meilleur modle de dveloppement.

    17 Lauteur fait rfrence aux guides dans le secteur du travail social. 18 Le premier modle est la base du Clinical Efficacy Assessment Project dvelopp par lAmerican College of Physicians. 19 Audet et al. (1990) citent en exemple le Clinical Guidelines Program dvelopp par le Harvard Community Health Plan. Le

    degr avec lequel on utilise des techniques formelles de consensus pour tablir la synthse varie. Cette synthse implique des praticiens, des experts locaux, des gestionnaires de clinique qui sont aliments par des documents et des rsums. Le rsultat prend la forme dun algorithme.

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    1.3.2 Mthodes didentification des donnes probantes : revue systmatique et mta-analyse

    a) Principes cls Une revue systmatique ou formelle de la littrature scientifique en sant procde par tapes prcises (Greenhalgh 199720, Sackett 1995). Woolf (1992) la dfinit ainsi : An effective scientific technique to identify and summarize evidence on the effectiveness of intervention and to allow the generalisability and consistency of research findings to be assessed and data inconsistencies to be explored . On attend de cette revue quon y prcise les objectifs, la stratgie de recherche des donnes, les critres utiliss pour inclure ou rejeter les tudes, une description de la mthode utilise, une procdure pour graduer la qualit (ou la force [strength] de la preuve) des donnes. Les critres dvaluation suggrs sont de deux ordres. Le premier groupe porte sur le contenu informatif de larticle et sur sa qualit descriptive. Comme ce premier travail de tri seffectue partir des rsums, des propositions ont aussi t dveloppes pour en standardiser le format (ex. Hayward et al. 1993). Le second groupe dfinit les critres pour valuer la qualit de larticle21. Ceux-ci portent gnralement sur la mthode dtude utilise. Comme les revues combinent des rsultats de plusieurs tudes, la mthode inclut aussi une procdure pour valuer la qualit des donnes ou la force des preuves . Armstrong (2003) propose trois niveaux selon que les preuves sappuient sur : 1) plusieurs essais cliniques randomiss ; 2) un essai randomis et plusieurs tudes non randomises ; 3) le consensus dexperts. Les textbooks ou ouvrages de rfrence, en gnral, et les articles de synthse publis ne se qualifient donc pas en tant que revue scientifique systmatique ou scientific overview 22 .

    La revue systmatique prend donc valeur de technique scientifique. Certains, par exemple, Grimshaw et al. (1995) considrent que seul le caractre systmatique dune revue permet un haut niveau de qualit scientifique. Une revue non systmatique vaut ainsi une cote moyenne, et le consensus dexperts, une cote faible. Selon Mulrow (1994)23, la revue systmatique prsente plusieurs avantages. Dabord, elle peut tre combine un processus de mise jour continu qui pourrait permettre de diminuer le dlai dintgration des nouvelles connaissances. Comme le dlai moyen dintroduction des donnes sur les traitements les plus efficaces serait de lordre de dix ans (Cook et al. 2004), lenjeu est important. En second lieu, la revue systmatique permet de statuer sur le caractre gnralisable des observations (findings). Et finalement, le recensement de multiples tudes permet de prendre en compte le rle du contexte et dvaluer la cohrence des relations, afin den expliquer ventuellement les inconsistances. Dans les approches o elle

    20 Lauteur a publi une srie darticles en 1997 dans le BJM sur le thme de How to read a paper dont Statistics for the non-

    statistian (315 : 422); Papers that summarise other papers/systematic reviews and meta-analysis (315 : 672); Papers that goes beyond numbers/qualitative research (315 : 740).

    21 La littrature sur le sujet est abondante. Guyatt et al. 1993, 1994, 1995; Jaeschke et al. 1994; Oxman et al. 1993. Beaucoup darticles sadressent aux praticiens et aux professionnels. Les praticiens en SST nont gnralement pas ce rapport la littrature scientifique.

    22 Il ny a pas dquivalent en franais. Loverview nquivaut pas une revue systmatique, mme si elle sen approche. Hayward et al. (1993) la dfinissent ainsi : A type of review in which primary research relevant to a question is examined and summarized, and an effort is made to identify all available litterature that pertains to this question. A systematic overview est dfini dans la base de donnes sur lEBM de lAssociation mdicale canadienne comme a formal review of a focused clinical question based on a comprehensive search strategy and structured critical appraisal. ( http://www.ebem.org/definitions.html)

    23 Lauteur avait not, dans une tude prcdente portant sur lanalyse de 50 articles, que seulement un dcrivait clairement la mthodologie, que peu (3) proposaient une synthse quantitative. Lauteur se montrait particulirement critique quant aux mthodes de synthse utilises (Mulrow 1987).

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    est au cur de la dmarche, les propositions sur le contenu de ces revues peuvent tre encore plus labores et aller jusqu en dfinir le format de prsentation. Le but est darriver des procdures standardises24. Plusieurs articles dcrivent ces mthodes (voir Greenhalgh 1997).

    Une mta-analyse est une revue qui incorpore des stratgies quantitatives25 pour obtenir une estimation globale. Une mta-analyse combine des donnes de diverses tudes. Elle accrot donc la puissance des tudes puisque lon peut combiner les effectifs, ainsi que la prcision dans lestimation des risques (Mulrow 1994). Que lon procde par mta-analyse ou par revue systmatique, les auteurs doivent prciser les critres utiliss pour trier les tudes qui seront retenues puis en estimer la valeur.

    Globalement, le point de vue est surtout pidmiologique26, et fait peu rfrence aux concepts dvelopps en recherche valuative (cf. chapitre 5.3).

    b) Limites et critiques Ces approches qui consistent tout recueillir, puis classer, trier et valuer sont coteuses en temps et en ressources (Browman 2001). On estime que le dveloppement dun guide prend de un trois ans et quil en cote de 100 000 $ 800 000 $ (Woolf 1995), dont une grande partie est relie ltape de revue systmatique. Ces cots levs ont par ailleurs amen diverses organisations et auteurs promouvoir la mise en commun des ressources et le dveloppement dadaptations nationales ou locales. Les GsG y consacrent maintenant une tape.

    La stratgie principale utilise pour rduire ces cots consiste prendre des raccourcis en utilisant des critres restrictifs pour autant quils soient systmatiques. Ces critres sont gnralement la langue (ex. ne retenir que les articles publis en anglais), lanne de publication (ex. moins de cinq ou dix ans), lappartenance une base darticles ou un type de publication (ex. revue avec comit de pairs). Ces critres introduisent un biais (Browman 2000), auquel sajoutent divers autres biais de publication comme la tendance publier surtout les rsultats positifs. cet gard, il est intressant de signaler que la publication par lAmerican Psychologist Association dun modle de dveloppement27 a entran une vague de contestations sur cette faon dtablir quels traitements taient efficaces (Reed et al. 2002). Les approches systmatiques finissent par liminer aussi un ensemble de donnes (Marshall 2000). Enfin, les tudes montrent quil y a des discordances de conclusions selon que lon agrge les tudes/essais ou les donnes sur les patients eux-mmes (cette critique fait rfrence aux mta-analyses).

    La critique sans doute la plus importante est que ces donnes sont gnralement spcifiques une situation prcise, et quelles ne prennent pas en compte dautres lments comme la comorbidit ou la situation du patient. Les preuves sont en quelque sorte trop spcifiques un type de patient, une situation. Des tapes ont dailleurs t ajoutes au processus de

    24 Ex. lAmerican College of Physicians Clinical Efficacy Assessment Subcommittee a dvelopp une position sur le contenu de

    ces synthses. La proposition inclut une phase de revue par des experts externes et des "content experts" : [] Both papers then undergo an extensive outside review incorporating opinions of practitioners and reviews by all relevant specialty and subspecialty societies. Finally, if the papers are published in the Annals of Internal Medicine, then they are opened to the Letters section, a process that solicits alternative views and disagreements on the subject.

    25 Il existe des mta-analyses qualitatives dont le principe est assez diffrent. Il sagit ici uniquement de mta-analyses quantitatives.

    26 Par exemple, le GsG neo-zlandais suggre dutiliser le General Appraisal Tool For Epidemiology pour valuer les preuves. 27 Portait sur les interventions pour les problmes de sant mentale et les aspects psychosociaux de problmes de sant physique.

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    dveloppement des guides pour pallier ces limites. Une critique corollaire est que les analyses systmatiques bases sur des donnes quantitatives mnent des drives lies la notion de moyenne (patient moyen, rponse moyenne) (New Zeland Guidelines Guide 2001). Comme le rsument Cook et al. (1997) : Clinicians reason about individual patients on the basis of analogy, experience, heuristics, and theory as well as research evidences. Awareness of treatments effectiveness does not confer knowledge about how to use that treatment in caring for individual patients . On pourrait remplacer les termes de patient et traitement par ceux de poste, travailleur ou intervention et nous nous y reconnatrions trs bien.

    La critique souligne aussi le fait que sappuyer essentiellement sur lexpertise externe et nationale (ou internationale, selon le contexte) revient questionner le jugement du praticien confront une situation relle qui, elle, est locale : What appears to be an implicit faith in the "better" judgment of academic experts and the utility of randomized clinical trials needs to be questioned and tested. (Audet et al. 1990). Cette critique a amen les dveloppeurs accorder plus de place aux praticiens dans llaboration des guides. La ncessit de prendre en compte les contextes28 est maintenant bien reconnue et les crits sur ladaptation des guides se sont multiplis. Les GsG prvoient une tape dadaptation.

    Enfin, plusieurs critiques sadressent lEvidence based-medicine. Les principales sont le ton vanglique adopt par ses tenants, labsence de dmonstration claire que les donnes issues des tudes alatoires prsentent moins de biais que les autres designs ou amliorent la sant des patients, la scientification de lart de la mdecine (Ulvenes et al. 2009). Cependant, lenqute mene auprs de 966 praticiens norvgiens29 par ces auteurs montre au contraire que les praticiens ont une opinion globalement trs positive sur le caractre alatoire des tudes, et systmatique des revues. Toutefois, les sources dinformation privilgies quand il sagit de prendre une dcision ne sont pas les revues scientifiques systmatiques (Hayward et al. 1997).

    1.3.3 Classification des mthodes qualitatives de recherche La place de la recherche qualitative est rarement aborde de front. Cependant, le New Zeland Guidelines Group (2001) sest attard la question. Il les regroupe en trois classes30 : mthodes phnomnologiques (les donnes - connaissances proviennent dexpriences rapportes par la personne), les thories ancres (grounded theory ; la mthode vise dvelopper une thorie qui sarticule partir de la ralit rapporte par les participants), les tudes ethnographiques (elles sont dcrites par leur objet : ex. comprendre comment les gens interprtent leurs expriences et modulent leur comportement en consquence). Les donnes sont issues de verbalisations, dobservations ou du recueil de traces (ex. crits). Les diffrences entre les mthodes ne sont pas exposes en matire de validit, mais de type dinformation recueillie. Lextrait suivant rsume bien les diffrences entre les donnes quantitatives et qualitatives :

    There are major methodological differences in terms of the type of question asked, sample selection, data collection and analysis and reporting the results. Qualitative study questions are designed to enquire about how

    28 Aux chapitres 2 et 3, le lecteur trouvera plusieurs exemples traitant du rle du contexte : ressources disponibles, ressources des

    patients, comptences, support, etc. 29 On demandait aux mdecins leur accord (chelle Likert cinq chelons) par rapport un nonc. Ont rpondu oui (valeur

    4,5) : pour lEBM, les tudes randomises sont importantes (87 %), lEBM est fonde sur des revues systmatiques indpendantes (77 %), utilise lexpertise des mdecins (53 %) et prend en compte les valeurs des patients (53 %).

    30 Source utilise : McKibbon et al. (1999) Evidence-based principles and practice.

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    people feel or experience certain situations. The number of people studied in qualitative studies is generally much lower as the focus is on themes rather than effective treatments and adverse events. Participants are often chosen on the basis of their knowledge or experience of the content area (known as an iterative approach) whereas in quantitative research samples are often chosen to be representative of the population, generally by using a random sampling method. The main methods to collect qualitative data are case studies, participant observation, in depth interviews and focus groups. Whereas the unit of analysis in quantitative studies is primarily numbers, the unit of analysis in qualitative studies is a thought, a concept or a theme. Study findings are usually presented in the form of detailed narratives that describe these themes and attempt to analyse how the themes are interrelated. Discourse analysis is another way to analyse the data. (P. 39)

    1.3.4 Les principales mthodes de consensus utilises Il existe un ensemble de mthodes de consensus. Le rapport de Murphy et al. (1998) en prsente une excellente synthse rdige sur une perspective dapplication au dveloppement de guides31. Comme ces derniers le soulignent, la littrature sur le sujet en sant est trs limite. Ce sont plutt les sciences sociales qui abordent ces questions. En sant, le consensus est surtout utilis pour les questions controverses. Cest un des rles que lon rserve lexpert comme on la vu prcdemment o le consensus est utilis principalement pour la prise de dcision. Il permet de faire un meilleur usage des donnes disponibles. La mfiance utiliser le consensus pour capturer les connaissances collectives32 vient de ce que le consensus peut aussi capturer lignorance. Cette crainte est sous-jacente bon nombre dcrits sur le dveloppement des guides et les revues systmatiques. La crainte de lerreur nest pas aussi omniprsente en SST.

    Ces mthodes comportent cinq composantes. La faon de les dfinir et de les structurer varie cependant dune mthode lautre : 1) formulation/utilisation des questions ; 2) participants : choix, rles ; 3) informations transmises ; 4) mthode pour structurer les interactions ; 5) mthodes pour synthtiser les jugements indpendants. Nous reprenons ci-dessous les principales mthodes. Elles comportent trois grands types dactivits qui se distinguent dans la faon de les organiser : la planification, le recueil du jugement individuel et lorganisation des interactions.

    La mthode Delphi La mthode a t dveloppe dans les annes 50 par la corporation Rand33 dans une perspective de prvision - do la rfrence loracle grec - par la synthse des opinions dexperts. La mthode a volu et est depuis applique de multiples domaines. Delphi est en partie quantitative puisquelle cote les estimations des participants. Elle est base sur lenvoi dun questionnaire. Il ny a pas de face--face. Un premier questionnaire sert dterminer les indicateurs, les indices pertinents et un second, les opinions. Les rponses sont colliges et retournes aux participants. Il sagit dun processus itratif intgrant les rtroactions, mais il est

    31 Le GsG du National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) consacre un chapitre cette question. 32 La notion de connaissances, dintelligence collective fait lobjet de nombreux crits en sciences sociales. Cette notion est considre importante

    aussi en biologie animale. Wikipedia en fournit la dfinition suivante : L'intelligence collective dsigne les capacits cognitives d'une communaut rsultant des interactions multiples entre des membres (ou agents). Les lments ports la connaissance des membres de la communaut font qu'ils ne possdent qu'une perception partielle de l'environnement et n'ont pas conscience de la totalit des lments qui influencent le groupe. Sous certaines conditions particulires, la synergie cre par la collaboration fait merger des facults de reprsentation, de cration et d'apprentissage suprieures celles des individus isols. L'tude de l'intelligence collective implique aussi l'tude des limites des interactions entre membres d'un groupe, limites qui conduisent des erreurs collectives parfois catastrophiques. Pierre Lvy (1994) dveloppe cette question sur lInternet : L'intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberespace.

    33 Le Value Health Sciences de la RAND Corporation (organisation prive base en Californie qui publie souvent des documents en transfert de connaissances : http://www.rand.org/ . RAND a aussi publi un handbook qui fait le point sur les audits dont Delphi (Ling et Villalba van Dijk 2009).

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    conu pour viter les interactions, vues comme une source de biais potentiel. Cela est considr comme le point faible de la mthode puisquelle se prive des impacts positifs des interactions.

    La technique du groupe nominal Cette mthode a t dveloppe la fin des annes 60 dans un contexte de comit dcisionnel. Les ides sont collectes individuellement, puis listes pour tre soumises la table ronde, et compltes. Elles sont ensuite discutes et votes individuellement, ce qui permet de faire des statistiques. Il en existe des variantes, dont celle adapte par la corporation RAND pour les guides (appele aussi Delphi modifi). Le rle du facilitateur y est important. La formule est relativement similaire celle des dcisions par consensus clair, utilise en travail communautaire. Berg et al. (1997) suggrent entre 10 et 20 participants. Globalement, on considre que la fiabilit diminue avec des groupes de moins de 6 ; avec plus de 12 membres, le groupe perd en efficacit, les gains en fiabilit se faisant au dtriment de lensemble des informations (Murphey et al. 1998). La taille suggre dpend de la diversit intgrer (ex. spcialistes, praticiens, gnralistes). Il existe aussi une version drive, utilise pour les questions simples, dite du staticised group, appele aussi parfois groupe nominal, mais dans laquelle il ny a pas dinteractions.

    La confrence de consensus Un groupe dexperts slectionns est runi ( 10) pour laborer un consensus sur une question donne. Ce groupe reoit des documents et des donnes. Le format de discussion demeure informel. Il peut y avoir un public et le rle du prsident de session est important34. La formule est relativement similaire celle utilise pour les dcisions par consensus clair.

    1.4 Mise en parallle avec la SST

    1.4.1 Les donnes alimentant les contenus des guides Quantit de donnes produites : Lexplosion du nombre darticles publis en sant et de la littrature sur les guides a impos la ncessit dlaborer des procdures de filtration-condensation . Ce problme na pas son quivalent en SST o nous faisons plus souvent face au problme inverse : il nous faut souvent combler les vides pour lesquels aucune recherche na t produite. Adopter une solution issue de la sant pour un problme qui na pas de commune mesure en SST ne serait pas judicieux.

    Source des donnes. Dans certains domaines de la SST, la source principale des donnes est la littrature scientifique et le processus de production de connaissances est proche de celui de la sant. Cest le cas par exemple de lhygine industrielle. Dans les domaines o la recherche-action ou la recherche terrain prdominent, les donnes issues des partenaires de la recherche ont un statut important. Le point de vue en est rsolument un de co-construction. Des exemples de cette intgration sont donns dans louvrage publi au RRSSTQ sur la dynamique du transfert de connaissances (Desmarais et Lortie 2011).

    34 Ce format est trs utilis dans le domaine qui sadresse aux dcideurs (policy-making). Voir la base de donnes de la

    communaut en transfert du Rseau de recherche en sant et scurit du travail du Qubec sous le thme prise de dcision/policy making. http://www.rrsstq.qc.ca/fra/activites.asp

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    La notion de ce qui est probant peut diffrer aussi en SST. Par exemple, dans le domaine de la scurit, le risque est une combinaison de deux lments : le potentiel de gravit et lexposition. On reconnat que des lments en mouvement (engrenage, lames) prsentent des risques potentiels importants ; les donnes nont pas tre issues de la littrature pour reconnatre la ncessit de dvelopper des procdures de cadenassage. Lexposition est value in situ.

    Validit et synthse des donnes. La faon dvaluer la qualit des donnes varie selon le domaine. La qualit du design est un enjeu quel que soit le domaine, mais les rgles varient. Tester un quipement a peu voir avec lalatoire. Autant le contrle des variables est central dans un contexte exprimental, autant il devient un biais sur le terrain qui peut nuire toute la validit de ltude. En SST, le contexte tient aussi une place parfois centrale. Autant il apparat imprudent de gnraliser partir de donnes contextualises, autant il apparat aussi imprudent de gnraliser tout contexte des donnes obtenues dans un milieu contrl. Autrement dit, la question fondamentale parfois souleve est celle de la validit externe. En sant, cette question est sans doute moins importante. Si les donnes probantes montrent quun traitement donn est efficace, le rsultat pourra tre modul par des facteurs externes (ex. ressources disponibles) mais sans que cela remette en question la dmonstration defficacit elle-mme. En SST, ce nest pas toujours le cas. Par exemple, il est dmontr exprimentalement que flchir les genoux sollicite moins le dos quune flexion du dos. Cependant, flchir les genoux nuit lquilibre et gne la mobilit. Dans un contexte o les surfaces dappui sont troites et o les imprvus sont frquents, cela deviendrait risque (Denis et al. 2011). Des donnes probantes obtenues dans un contexte exprimental ne le sont plus dans des contextes o dautres facteurs interviennent.

    Les procdures pour colliger les donnes apparaissent aussi trop coteuses et trop rigides pour la SST. Le processus propos ne permet pas les allers-retours, les chappes pour poursuivre une piste. Il loigne de la lecture des articles et de la comprhension de comment un problme est rflchi. La documentation systmatique de tout ce qui est fait devient rapidement lourde et nuit au processus cratif de recherche.

    Aussi, dans plusieurs domaines de la SST, les situations et les contextes voluent trs rapidement. Cest le cas en particulier des technologies, constamment en avance sur les sciences de lingnierie (ex. nanotechnologies). Les donnes obtenues sur la base de protocoles lourds et complexes peuvent tre rapidement primes. Par exemple, les problmatiques mergentes comme les transformations de la main-duvre (nouvelle gnration, travailleurs immigrants) ncessitent des solutions avant que les problmes ne sinstallent. Les donnes du milieu sont sans doute un reflet plus prcis de la situation que ce qui est publi dans la littrature scientifique (Gravel et al. 2010).

    Contexte : La notion de contexte est plus large en SST. En sant, le contexte rfre surtout au patient et aux ressources. En SST, le contexte rfre lensemble des conditions matrielles et non matrielles. Les donnes, dans un contexte autre que celui o elles ont t produites peuvent ne plus tre probantes. Par exemple, les recommandations sur lautonomie au travail ne peuvent tre oprationnelles quen relation avec un contexte spcifique.

    Consensus : La pratique du consensus a une longue tradition en SST et il intervient de multiples moments. Pour notre part, nous croyons donc que cest en admettant lexistence de consensus qu un moment donn, dans un lieu prcis, bas sur un lot de connaissances dfini,

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    ainsi quen gardant en mmoire lvolution rapide des savoirs, [] [qu] il est possible de parvenir une ide et une pratique de la justice ou de la science, une lgitimit elle-mme situe spatiotemporellement, limite (Laroche 2009, p. 2-3).

    1.4.2 Les guides produits en SST Les guides produits en SST ont de multiples teneurs. Le guide caractre prescriptif ou directif, proche de lesprit du guide de pratique clinique, ctoie le guide qui collige des informations de faon plus large. Une liste de prs dune centaine de guides francophones en SST publis au Qubec/Canada, France, Belgique et qui peuvent tre consults en ligne ou tlchargeables gratuitement est disponible sur le site web du RRSSTQ. Ces guides traitent : de prvention, dvaluation, de plan daction, dintervention, dinformation, dutilisation ou de gestion. Ils peuvent ne comporter que quelques pages, comme tre longs de plus de 100 pages. Le format nonc ne peut convenir qu une petite fraction de ces guides. Cela est dautant plus vrai que certains guides misent sur le visuel plutt que sur le texte. Cest par exemple le choix ditorial du groupe qui a dvelopp le guide sur les convoyeurs (Giraud et al. 2004).

    Les approches utilises pour dvelopper les guides sont multiples. Les approches qualitatives sont souvent accessoires en ingnierie ou en toxicologie, mais centrales pour les problmatiques en sant mentale ou de