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Bienvenue à l’école du futur ! Francis pisani Pour une «littératie» numérique < psychanalyse > Quand les jeux vidéo soignent nos névroses < tendances > Face aux transformations du monde et à la révolution des nouvelles technologies, comment l’école s’adapte-t-elle ? Tour d’horizon des nouvelles tendances pédagogiques mondiales. MARS 2008

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Bienvenue àl’école du futur !

Francis pisani Pour une «littératie»

numérique

< psychanalyse >

Quand les jeux vidéo soignent nos névroses

< tendances >

Face aux transformations du monde et à la révolution des nouvelles technologies, comment l’école s’adapte-t-elle ? Tour d’horizon des nouvelles tendances pédagogiques mondiales.

mars 2008

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2.2_regards sur le numérique 2.2_regards sur le numérique

2 3sommaire

Éditorial~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~_•

2.2_regards sur le numériqueMagazine trimestriel

www.regardsurlenumerique.fr

Microsoft FranceSAS au capital de 4 240 000 euros, 18 avenue du Québec 91957 Courtabœuf 1 Cedex

Directeur de la publication Éric BoustoullerDirecteur de la rédaction Marc MosséDirecteur délégué Bertrand Salord

rédactrice en chef Constance [email protected]

Conception et réalisation graphiqueJBA - 2, rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris [email protected]

Directrice artistique Virginie Kahn

ont collaboré à ce numéroAnaïs Coutrey, Pauline Feuillâtre, Alice Gracel, Caroline Marcelin, Emma Rebelova

remerciementsRandom International Delaware Olivier Ratsi

Photos non créditéesdroits réservés

imprimerieEscourbiac GraulhetDocument imprimé avec des encres végétales sur du papier blanchi sans chlore, fabriqué à partir de pâtes provenant de forêts gérées de façon durable. Couverture imprimée avec des encres non toxiques.

Les opinions exprimées dans ce magazine n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de Microsoft.

Conformément à la loi « Informatique et Libertés », toute personne ne désirant plus recevoir le magazine peut en informer la rédaction ([email protected]) qui annulera immédiatement son abonnement.

5 La vie numérique en bref, l’actualité

de la société numérique

10 Panoramiques Tour du monde

de la création numérique

38 rePères Les indicateurs de 2.2

39 Lu La sélection livres de 2.2

eT aussi

Le titre 2.2 (prononcer « deux point deux »), qui fait suite à 2.1 sorti en novembre 2007, est d’abord un clin d’œil à l’expression « Web 2.0 », laquelle désigne la génération actuelle de sites Internet, plus participative que la première génération des années 90, décrite rétrospectivement comme « 1.0 ». C’est aussi un clin d’œil au jargon informatique utilisé pour distinguer les versions successives des logiciels. Premier magazine au titre évolutif, 2.2 deviendra bientôt 2.3 puis, sans doute, 3.0 afin d’illustrer notre volonté de demeurer au plus près d’une société numérique en perpétuel changement.

Le regard de …

Francis PisaniPour une « littératie » numérique.

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<tendances >

Bienvenue à l’école du futur

On les accuse de couper du monde, d’abêtir… Michael Stora, lui, les utilise pour soigner. À mille lieues des pourfendeurs des jeux vidéo, ce psychologue-psychanalyste revendique, dans son travail avec les enfants, ces terrains de jeu numériques où se dénoueraient nos conflits inconscients.

Lorsque nous avons décidé de consacrer ce grand dossier de 2.2 à l’école du futur, nousnous attendions, victimes d’automatismes paresseux, à voir immanquablement la nouveauté provenir d’outre-Atlanti-que ou d’Asie, reléguant nos écoles hexagonales dans l’âge révolu des cahiers à spirales et des tableaux noirs. La réalité nous a surpris à trois égards. D’abord, et comme le dit très bien Richard Descoings (p. 29), « la révolution numérique est tellement rapide que même ceux qui ont un peu d’avance sont en retard ! ». Partout dans le monde, enseignants, parents d’élèves, gouvernements et collectivités s’interrogent sur la bonne façon d’adapter l’institution scolaire à un monde qui a déjà profondément évolué, et dont la vitesse de transforma-tion s’est emballée. Un sommet mondial sur le sujet, organisé récemment par Microsoft à Helsinki, a bien montré ce four-millement aussi perplexe qu’enthousiaste. Deuxième surprise, la nouveauté ne nous vient ni des États-Unis ni du Japon mais de beaucoup plus près de chez nous, du Royaume-Uni, où une véritable révolution est en marche. L’heure des bilans n’a pas encore sonné, mais il y a fort à parier que les élèves anglais vont bientôt étonner le reste de l’Europe. Dernier constat, enfin, la France n’a pas à rougir de ses écoles. Aux quatre coins du ter-ritoire, des enseignants passionnés et des collectivités vision-naires explorent, testent et évaluent de nouvelles pratiques, avec l’adhésion complice des élèves et de leurs parents. Reste toutefois à donner à ces initiatives dispersées l’impulsion qui saura les fédérer et faire de l’école non plus le seul reflet mais le moteur d’une société moderne qui ne laisse personne de côté. La rédaction [email protected]

rendez-vous

ClairvoyantJérôme Adam, 30 ans, entrepreneur spécialisé dans l’accessibilité numérique. Aveugle depuis l’adolescence, il entend faire du handicap une source d’innovations pour tous.

Face aux transformations du monde et à la révolution des nouvelles technologies, comment l’école s’adapte-t-elle ? Quelles tendances se dégagent et quelles expériences pilotes sont déjà conduites dans le monde ? Voilà à quoi pourrait ressembler l’école du futur, dans quinze ans à peine…

grand-angLe

Quand les jeux vidéo soignent nos névroses

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4Le regarD De…

5La Vie numériQue

4Le regarD De…

5La Vie numériQue

« Il est essentiel de préparer les jeunes à jouer un rôle social actif dans la société numérique. »

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Pour une « littératie » numérique

ue doit-on savoir et comprendre du web, des réseaux et des médias en ce début de xxie siècle ? La question a-t-elle un sens ou, comme le pensent certains, suffit-il d’attendre la dispa-rition des derniers barbons du papier et de la plume d’oie pour atteindre enfin une sorte de nirvana numérique collectif ?

Il suffisait, à la fin du xixe siècle, de parler d’alphabétisa-tion. Le terme atteint ses limites aujourd’hui pour trois raisons fort simples. Tout d’abord, nos moyens d’expres-sion sont multimédias et ne se cantonnent pas aux let-tres de l’alphabet. Ensuite, le terme ne dit rien des outils - applications et appareils - auxquels nous pouvons avoir recours. Enfin, le web nous ouvrant de nouveaux univers, il est important d’en comprendre la logique. L’effort doit donc porter aussi bien sur la pratique que sur la culture. Ignorant le fait que la référence exclusive aux lettres de l’alphabet est insuffisante dans un monde qui privilégie le multimédia, le terme « littératie » semble aujourd’hui le plus usité pour traduire le concept anglo-saxon de « lite-racy »2. Il implique la capacité d’utiliser, la compréhension des logiques en cause, l’approche critique.

Car les lacunes sont sérieuses. Beaucoup de gens n’ont pas encore accès au média numérique ou se refu-sent, souvent par peur, à s’en servir alors même qu’ils auraient beaucoup à y gagner. Un grand nombre de ceux

qui y ont accès croient s’en servir convenablement ; ils n’utilisent en réalité qu’une fraction de ce qui pourrait leur être utile.

Contrairement à une idée communément admise, les jeunes en savent souvent moins que leurs aînés ne l’imaginent. S’il est vrai qu’ils sont plus à l’aise, l’expres-sion « digital natives », souvent traduite par « génération numérique », est trompeuse, voire dangereuse, dans la mesure où elle masque des disparités croissantes. D’où la nécessité d’envisager une formation spécifique à la dimension numérique. Selon la Commission européenne, « la “digital literacy”devient vite une des conditions de la créativité, de l’innovation et de l’esprit d’entreprise. Sans elle, les citoyens ne peuvent ni pleinement participer à la société, ni acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour vivre au xxi e siècle »3.

Cela est d’autant plus crucial que domine large-ment chez les adolescents la « culture de participation », décrite par Henry Jenkins dans son ouvrage Convergence Culture 4. « [C’est] une culture dans laquelle les critères d’expression artistique et d’engagement civique sont relativement bas, ce qui encourage à créer et à partici-per. [...] Ceux qui s’en réclament considèrent que leurs contributions comptent et sentent un certain degré de connexions sociales entre eux. »

C’est dans un tel contexte que l’éducation aux médias doit être conçue. Trois raisons y incitent. Premiè-rement, tous les jeunes n’ont pas les mêmes opportunités de participation (en clair, la « fracture » ne disparaît pas quand on a résolu la question de l’accès). Deuxièmement, il serait bon qu’ils comprennent comment les médias affectent leurs perceptions du monde. Enfin, il est essen-tiel de les préparer à y jouer un rôle social actif.

L’autoformation, individuelle ou de pair à pair, infor-melle par définition, est le premier pas. Elle est toujours essentielle pour se maintenir à jour, pour avancer dans ce monde en constant changement. L’éducation formelle n’en est pas moins indispensable, dans les écoles, les universités et les entreprises. Ce travail ne peut être mené à bien qu’avec la participation des institutions publiques. Il y va de notre responsabilité sociale à tous les niveaux. ■

Q

1. Éditions Pearsons Education, en librairie en avril. 2. Olivier Le Deuff, « La Culture de l’information : quelles

“littératies” pour quelles conceptions de l’information ? » in VIe Colloque ISKO-France 2007, 7-8 juin 2007, Toulouse, IUT de l’université Paul Sabatier.

3. Commission européenne, « eLearning : Better eLearning for Europe », 2003.

4. NYU Press, 2006.

¦2500 c’est le nombre de sites, blogs et forums qui ont été interdits, en Chine, à l’occasion du 17e Congrès du Parti communiste,

selon les chiffres annuels de Reporters sans Frontières. Depuis fin janvier, seules les sociétés contrôlées par l’État ont le droit d’y diffuser des vidéos sur Internet. ¦

Saviez-vous que l’email avait été inventé en 1961 ? Que le premier disque dur, de la taille d’une armoire à glace, permettait de stocker 5 mégaoctets, soit 5 000 fois moins que le contenu actuel d’une clé USB ? À la suite du succès de l’exposition « Cinquante ans d’histoires d’informatique », l’an passé, le premier musée de l’informatique va ouvrir ses portes le 15 avril prochain sur le toit de la Grande Arche de la Défense. Au pro-

musée

Histoires d’octetsvoTe ÉLECTRONIQUELe Forum des droits sur l’Internet vient de publier un premier bilan de l’utilisation des machines à voter aux scrutins de 2007. 1,5 million d’électeurs, soit 3,3% du corps électoral français, étaient concernés par ces appareils qui équipent 1 633 bureaux de vote. Les collectivités s’en montrent globalement

satisfaites tout en pointant la nécessité d’améliorer la confiance des électeurs sur les questions de sécurité. Elles demandent également un meilleur soutien des pouvoirs publics et un aménagement du cadre juridique.

gramme : une collection inédite d’objets qui permet d’évaluer le phénoménal chemin parcouru en quelques décennies. « Mais nous ne voulons pas nous cantonner à une approche nostalgique, assure Philippe Nieuwbourg, son directeur. Nous voulons adresser un message fort aux jeunes, leur montrer à quel point ces outils étaient révo-lutionnaires en leur temps et, surtout, les stimuler sur tout ce qui reste à inventer. »

1. Modem acoustique AJ 311. Il fonctionnait à 300 bps au début des années 80. Il aurait fallu vingt-quatre heures pour télécharger une chanson en mp3.

2. Le CDC 6600, l’ordinateur le plus puissant au monde jusqu’en 1968. Prix à l’époque : 3 millions de dollars.

DON D’ORDINATeuRs Dans le cadre de la loi de finances 2008, les entreprises peuvent désormais donner leurs ordinateurs amortis à leurs salariés, sans qu’ils soient considérés comme un avantage en nature et donc soumis à des cotisations sociales ou fiscales.

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Francis pisani Auteur, enseignant, conférencier et blogueur sur Transnets.net, Francis Pisani est un journaliste indépendant basé

dans la région de San Francisco et de la Silicon Valley. Il va publier Alchimie des multitudes - Comment le web change le monde1, sur le web participatif.

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6 7LA VIE nuMÉRIQuELA VIE nuMÉRIQuE

sous-marins et jungle tropicale. Les visiteurs traversent les paysa-ges en train, munis de jumelles de réalité augmentée et d’un bracelet capteur de mouvements qui leur permettent non seulement de voir mais également d’interagir avec ce règne animal futuriste.

100 images par secondeInnovant par son contenu, « Les animaux du futur » constitue, en outre, un bijou technologi-que. « Avec l’objectif d’accueillir 800 personnes par heure, il nous a fallu synchroniser, en temps réel, les mouvements des animaux avec les éléments du décor, la position et les gestes de chaque visiteur, ou encore le paysage sonore », expli-que Valentin Lefèvre, cofondateur de Total Immersion.Cette start-up parisienne a fourni son logiciel D’Fusion, qui met en cohérence le réel et le virtuel, ainsi que les jumelles immersives, reliées à un ordinateur placé sous le siège du voyageur. Dotées d’une caméra et de deux écrans LCD, les jumelles restituent 100 images

RéALITé AuGmeNTée

Un safari du futur plus vrai que nature

par seconde. Chaque écran offre une perspective différente, l’une pour l’œil gauche, l’autre pour l’œil droit. Il en résulte un effet de relief, avec une impression saisissante de réalité.Au total, le projet a coûté sept millions d’euros, dont 24 % pour la conception et la mise en œuvre des animations. Total Immersion compte bien poursuivre sur sa lan-cée. La jeune société prépare déjà de nouvelles applications de réalité augmentée, destinées aux web-cams et aux téléphones portables.

Cinq millions d’années après notre ère... Les calottes glaciaires sont disséminées partout sur la Terre. Dans la steppe, aride et froide, de curieux rongeurs à carapace, les cuirassons, côtoient les caracou-reurs, de grands oiseaux carnivo-res qui, comme l’autruche, courent mais ne volent pas. Un baboukari, descendant du singe, s’approche de vous. Médusé, vous lui tendez un fruit virtuel. Il s’en saisit aus-sitôt et s’enfuit dans un arbre… Telle est l’aventure que propose le Futuroscope de Poitiers avec sa nouvelle attraction, « Les animaux du futur », qui ouvre ses portes le 5 avril prochain.

Interagir avec le monde virtuelLa mise en scène s’inspire d’hypo-thèses scientifiques pour montrer ce à quoi pourraient ressembler notre planète et les espèces qui la peuplent dans cinq à deux cents millions d’années. Plus vrais que nature, les animaux en 3D évo-luent au sein de décors reconsti-tuant steppe, marécages, fonds

Au Futuroscope de Poitiers, la réalité augmentée donne vie aux animaux du futur et leur permet d’interagir avec les visiteurs.

< eT vous >

Que FaiTes-Vous Pour Le numériQue LoCaLemenT ?

e-INseRTIONPour la Commission européenne, 2008 sera l’année de la lutte contre la fracture numérique. Une grande campagne de sensibilisation est lancée : en Europe, seuls 10 % des plus de 64 ans utilisent Internet.

UNIVERSITÉ numériqueHenri Isaac, maître de conférences à l’université Paris-Dauphine chargé par Valérie Pécresse de réfléchir aux enjeux de la numérisation de l’enseignement supérieur, a remis son rapport en janvier. Le constat est sévère : les universités françaises, inadaptées aux besoins des étudiants de la « génération Internet », sont trop faiblement présentes dans les réseaux numériques de la connaissance. À la clé, un risque de marginalisation au niveau international.

GUICHET DE L’innovaTionEn janvier, l’Agence de l’innovation industrielle (AII), fondée en 2005 pour promouvoir les grands programmes d’innovation, a fusionné avec le groupe Oseo. Objectif : créer un guichet unique d’aides et remédier à la faiblesse actuelle du soutien aux moyennes entreprises innovantes. Les nouveaux financements en faveur de ces entreprises sont portés à 300 millions d’euros.

¦25000 c’est le nombre de téléchargements du module bilingue français-alsacien pour la suite logicielle Microsoft Office

depuis le mois d’avril 2007. Mis gratuitement à la disposition des internautes, il s’appuie sur un glossaire de 47 500 mots conçu par des linguistes et des étudiants alsaciens. ¦

« À Drancy, nous avons choisi de déployer des efforts substantiels pour que le numérique soit au service de l’éducation et des jeunes. Dans un premier temps, cette ambition s’est concrétisée par l’installation de 350 ordinateurs dans les écoles élémentaires. La mise en place de ce parc informatique s’est faite en étroite collaboration avec les directions d’écoles, également équipées. Il en découle un gain de temps doublement bénéfique : la gestion des diverses données des établissements est moins lourde, plus efficace, tandis que la communication entre la mairie et les écoles est optimisée.Dans un second temps, ces établissements ont été connectés à très haut débit grâce à un réseau de fibre optique. De ce fait, les écoles drancéennes sont

parées pour la mise en place des Espaces numériques de travail (Ent) qui vont y faire leur entrée en 2008, mettant en relation, via un “bureau virtuel”, directeurs d’écoles, enseignants, parents et élèves. Ce réseau de fibre optique a été exploité pour un autre usage : la vidéosurveillance, qui contribue à la sécurité des Drancéens. tous les espaces municipaux dédiés aux jeunes ou susceptibles de les accueillir abritent un coin cybercafé leur proposant gratuitement un accès et des formations à Internet. En outre, la création d’une networking Academy est en gestation. Ses objectifs : former les jeunes aux technologies réseau et leur permettre de concrétiser leurs projets de reconversion professionnelle.Ces divers efforts ont d’ailleurs

valu à Drancy de recevoir en 2006, à Washington, un prix du “Computerworld Honors Program” distinguant les dix meilleures administrations mondiales dans le domaine de l’informatique. Mais si l’accompagnement de la jeunesse est une priorité pour la ville, les autres générations ne sont pas en reste. Mise en place de formations à Internet pour les retraités, d’un réseau wifi gratuit dans tous les bâtiments publics municipaux ou encore de l’accès, d’ici à quelques mois, à une connexion Internet à 100 mégas et à la télévision Haute Définition pour tous les locataires de l’Office public de l’habitat… À Drancy, agir pour le développement du numérique, c’est ne laisser aucun déconnecté ».

“ www.drancy.net

Jean-ChrisToPhe LagarDe DÉPutÉ-MAIRE DE DRAnCy

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8LA VIE nuMÉRIQuE

9LA VIE nuMÉRIQuE

< les favoris de >

¦un million, c’est le nombre de noms de domaines enregistrés en .fr selon l’Observatoire 2007 de l’Association française pour le nommage internet

(AFNIC). Créée en 1986, l’extension .fr n’a été ouverte aux particuliers qu’en 2006. 11 millions de noms sont enregistrés sur le domaine allemand .de et six sur .uk. ¦

TechCrunch, mon blog favori de décryptage du web. Installé au cœur de la Silicon valley et très orienté Web 2.0, c’est le meilleur site professionnel de ce type à l’heure actuelle. La version française Techcrunch.fr, également intéressante, traduit certains articles américains et y ajoute des informations sur la France.

“�www. techcrunch.com

arrêt sur images. On aimait l’émission de Daniel Schneidermann, on fut triste de sa disparition. La voici qui renaît sur le web. Schneidermann et ses amis, dont David Abiker de France Info, proposent quotidiennement une « réflexion critique sur les médias ». Nouveauté : le site s’ouvre désormais à tous les médias, non plus seulement à la télévision.

“�www.arretsurimages.net

Le site du New York Times, la source d’information la plus fiable et la plus riche depuis qu’il est accessible gratuitement pour tous ses articles et archives. Je le lis tous les jours, à partir de la newsletter, de la homepage, mais aussi à partir des nombreuses sélections thématiques. Une mine d’or : vivement que Le Monde suive...

“www.nytimes.com

L’INRIA vient de souffler ses 40 bougies. Créé dans le contexte du plan Calcul voulu par le général de Gaulle pour assurer l’indépen-dance technologique de la France, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique a su se renouveler et s’adapter à un monde où la diffusion de l’informa-tique touche désormais l’ensemble des secteurs de la société. Dès les années 1980, l’Institut encourage ses chercheurs à créer de jeunes entreprises innovantes. Plus de 80 start-up vont être créées. Parmi elles, des championnes comme Ilog ou Kelkoo. L’ouverture au monde industriel passe aussi par des partenariats avec les grands groupes. En janvier 2007, l’INRIA fonde ainsi, à Orsay, un centre de recherche fondamentale en par-tenariat avec Microsoft. Objectif : améliorer la fiabilité des logiciels et mettre l’informatique au service des autres sciences. En décembre dernier, il s’est associé à Alcatel-Lucent pour développer les réseaux Internet du futur.

Une organisation modèle Fort d’un budget de 162 millions d’euros, l’INRIA mise sur la réacti-vité et organise sa recherche autour de 150 équipes-projets. Celles-ci « mobilisent leurs forces autour d’une thématique durant quatre à

INfORmATIque

L’INRIA fête 40 années de révolution technologique

De BONDY À NeuILLYLe Bondy Blog fait des petits. Le média citoyen, lancé durant les émeutes de l’automne 2005, vient de créer deux antennes, l’une à Marseille, l’autre à… Neuilly. « Ce n’est pas parce que le Bondy Blog veut être la voix des banlieues qu’il restera enfermé dans les cités, assure la rédaction, Neuilly est aussi une banlieue, qui véhicule autant de clichés que le 93. » “neuillybondyblog.fr

Bruno Salvy, du centre de recherche fondamentale Inria-Microsoft, en pleine équation.

INFORMATIQUE en TensionEn application du principe de « l’immigration choisie », les préfets peuvent désormais délivrer des autorisations de travail aux étrangers exerçant des métiers confrontés à des difficultés de recrutement. Parmi les six métiers « en tension » reconnus pour l’ensemble des régions françaises, deux concernent l’informatique : informaticien d’étude et informaticien expert. La filière informatique a généré 76 400 offres d’emplois en 2007, soit plus du tiers des offres diffusées par l’Association pour l’emploi des cadres (APEC).

Payant versus gratuit, le feuille-ton continue. Après le passage au gratuit, cet automne, des versions web du New York Times et du Wall Street Jour-nal, l’arrivée de deux journaux en ligne payants ranime, en France, le débat sur le modèle économique de la presse web. @rrêt sur images, lancé par

Daniel Schneidermann en jan-vier en remplacement de son ancienne émission de France 5, est réservé aux abonnés à rai-son d’environ 30 euros par an. MediaPart.fr, que l’ancien directeur de la rédaction du Monde Edwy Plenel s’ap-prête à inaugurer en mars, fonctionne sur un modèle

similaire (9 euros par mois) et table sur 65 000 abonnements d’ici à trois ans. Tout comme leurs prédécesseurs gratuits Rue89.com et Bakchich.info, ils revendiquent l’indépen-dance de l’information et le retour à un véritable journa-lisme d’investigation tirant parti du multimédia.

PeRsPeCTIVes

Les paris du journalisme en ligne

¦81% c’est la part de Néerlandais qui fréquentent le net au moins une fois par semaine, selon l’étude annuelle de l’European Interactive Advertising Association (EIAA). ¦

douze ans, ce qui donne une grande dynamique », explique Michel Cos-nard, PDG de l’INRIA. Tous les qua-tre ans, une commission d’experts extérieurs évalue les projets menés. Et bien qu’il n’existe toujours pas, en France, d’agrégation d’informati-

que pour former les enseignants du secondaire, la recherche continue d’élargir ses thèmes, de la modé-lisation des cellules à la planète numérique, en passant par l’inté-gration sociale des enfants sourds ou malentendants.

NOuNOu mOBILe

L’opérateur japonais NTT DoCoMo a lancé

un téléphone portable spécialement pensé pour la sécurité des enfants. En cas d’urgence, il déclenche son alarme de 100 décibels, émet une lumière visible à plusieurs mètres et envoie automatiquement aux parents un message d’alerte donnant la localisation de l’enfant.

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10PanoramiQues

11PAnORAMIQuES

< peinture experimentale >

PIxELrOLLEr_AngLETErrEVoilà le rouleau de peinture du futur ! Conçu sur les bancs du Royal College of Arts par les jeunes fondateurs du collectif d’artistes Random International, Pixelroller est une imprimante numérique manuelle et intelligente : elle sait identifier à tout moment sa position dans l’image et permet au peintre de nombreux effets de rouleau. Adaptable à un grand nombre de surfaces, elle rend possible « la fusion du digital et de l’analogique », en transformant des œuvres numériques, a priori reproductibles à l’infini, en pièces uniques. Ses créateurs développent actuellement le prototype d’une version commerciale. “�www.random-international.com ~~~~~~~~~ _•

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12PAnORAMIQuES

< design >

DELAWArE_JAPOnLes trois Japonais déjantés du collectif Delaware se veulent des « artoonists », à la croisée des chemins entre l’art et la bande dessinée (cartoon, en anglais). Adorateurs de la simplicité du format bitmap dont ils accueillent les contraintes comme un défi créatif, ils exercent leur art sur toutes sortes de format, y compris des écrans de téléphones portables, comme c’est le cas ici. En 2001, ils ont même organisé au Japon la première exposition d’art sur téléphone mobile. “�www.delaware.gr.jp ~~~~~~~~~ _•

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14PAnORAMIQuES

15PAnORAMIQuES

< imagerie numerique >

OLIVIEr rATSI_FrAnCEArtiste multimédia, Olivier Ratsi développe, au travers de la photographie et de la vidéo, un processus de création fondé sur la déconstruction des repères spatio-temporels. À travers cette photographie, et la série dont elle est issue – intitulée « Anarchitec-ture », l’artiste interroge la notion de réalité en la modifiant, incitant ainsi le spectateur à remettre en question son environnement quotidien. �“�www.ratsi.com ~~~~~~~~~ _•

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2.2_regards sur le numérique 2.2_regards sur le numérique

16à La une BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR

17

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« Le saviez vous ? Parfois, la taille compte vraiment. Les 25 % de Chinois qui ont le QI le plus élevé sont plus nombreux que la population totale des États-Unis. Tra-duction pour les profs : la Chine et l’Inde comptent plus d’élèves brillants que nous n’avons d’enfants tout court. Le saviez-vous ? Les dix emplois qui seront les plus cotés en 2010 n’existaient pas en 2004. Nous sommes en train de former des étudiants à des métiers qui n’existent pas, utilisant des technologies que nous n’avons pas encore inventées, pour résoudre des problèmes qui n’en sont pas encore. » La présentation ne dure que six minutes mais elle a de quoi faire tourner la tête. Karl Fisch, directeur d’une école du Colorado, l’a concoctée et mise en ligne il y a tout juste un an. Depuis,

elle a été visionnée des millions de fois sur YouTube et est citée dans les congrès du monde entier. Elle a en effet le mérite d’être très, très claire : le monde change « d’une manière exponentielle » et exige que l’on repense dès à présent l’école de demain. Alors, quels sont les bouleversements qui sous-tendent cette (r)évolution nécessaire ? Quel sera, ou quel pourrait être, si nous par-venons à changer, le visage de cette école du futur ?

L’impact des tice sur L’écoLe

Il n’aura échappé à personne que la muta-tion la plus rapide concerne les technologies de l’information et de la communication (TIC). L’augmentation de la taille des ban-des passantes va démultiplier les services

et les informations disponibles sur Internet. Selon Karl Fisch, le savoir technologique double tous les deux ans : pour les étudiants qui entrent en licence, cela signifie que la moitié de ce qu’ils ont appris pendant leur DEUG sera périmé dès la troisième année. Les coûts liés au hardware (matériel en dur), au software (logiciels) et au stockage des données vont dégringoler. Résultat : un accès quasi universel à des outils per-sonnalisés, multifonctionnels, équipés de logiciels plus intelligents et mondiale-ment standardisés. Quant aux moteurs de recherche, ils seront toujours plus puissants. Aujourd’hui, près d’une dizaine de milliards de recherches sont lancées tous les mois sur les différents moteurs (Google, Windows Live Search, Yahoo Search, …).

< tendances >

Le monde change à une vitesse sans précédent. L’explosion d’internet et des nouvelles technologies a bouleversé les modes de travail et d’acquisition du savoir. Les cohortes de la « génération numérique » arrivent en masse, déjà virtuoses des claviers. comment l’école va-t-elle s’adapter ? Quelles tendances se dégagent et quelles expériences pilotes sont déjà conduites dans le monde ? Voilà à quoi pourrait ressembler l’école du futur, dans quinze ans à peine… EnquêtE : AlicE GrAcEl. illustrAtions : HEAtHEr GAtlEy

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2.2_regards sur le numérique 2.2_regards sur le numérique

18BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR

19

MySpace compte aujourd’hui 110 millions d’utilisateurs dans le monde : si ce site était un pays, il se situerait au 11e rang mondial en termes de population, pile entre le Japon et le Mexique. Sur Windows Live Messenger, ce sont près de 300 millions d’internautes qui communiquent chaque jour en direct. Quant à l’encyclopédie en ligne Wikipédia, elle ne compte pas moins de 23 000 contributeurs en France. Dans les écoles, le numérique permet déjà des avancées pédagogiques inimaginables il y a seulement dix ans. À Élancourt, certaines classes de primaire suivent des cours d’anglais par visioconfé-rence en direct de Grande-Bretagne. L’ar-rière-pays limougeaud a mis en place un réseau d’éducation à distance destiné aux élèves habitant en pleine campagne. Dans les Landes, l’école d’Othevielle concocte chaque semaine un « JT des bonnes nou-

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velles », podcast que toutes les classes de France s’arrachent… Et ce ne sont là que quelques exemples parmi des centaines d’autres.

Les éLèVes ne sont pLus ce Qu’iLs étaient

Premiers adeptes de ce changement tech-nologique, les jeunes de la « génération numérique ». Les Américains les appellent les « digital natives ». Indigènes du monde digital, ils ont des attentes et des compé-tences différentes parce qu’ils baignent dans le numérique depuis leur naissance. Selon Marc Prensky, spécialiste américain des TICE et inventeur de l’expression, « les “digital natives” sont de plus en plus multi-tâches ». Autrement dit, ils sont capables de faire leurs devoirs tout en chattant sur MSN, entre deux envois de SMS, l’iPod vissé sur

les oreilles. En contrepartie, leur capacité de concentration en souffrirait – encore que certains professeurs contestent cette obser-vation. En tout état de cause, « les élèves d’aujourd’hui ne sont plus ceux que notre système éducatif était censé former », pré-vient Marc Prensky.

Pas étonnant, selon Daniel Andler : « Les mécanismes d’apprentissage des jeunes évoluent au fil du temps ». Ce philosophe, spécialiste des sciences cognitives, est le fonda-teur de COMPAS1, un « think tank » de l’Institut de l’École normale supé-rieure réunissant cher-cheurs et professeurs de toutes les discipli-nes ainsi que quelques industriels, pour réfléchir aux pédagogies du futur. Selon lui, la génération numérique s’éloigne de plus en plus d’un apprentissage dogma-tique, combinant mémo-risation pure et logique d’entraînement/récom-pense. En revanche, « les jeunes adoptent volon-tiers des processus d’ap-prentissage fondés sur la déconstruction/recons-truction des savoirs, sur l’interactivité des méthodes et des points de vue… un peu sur le modèle des jeux vidéo, qui permettent de passer au niveau 1, puis au niveau 2, etc. en essayant différentes clés, quitte à aller dénicher la solution sur des sites spécialisés . Ils ont intégré le fait qu’on peut apprendre en se trompant, qu’on peut recy-cler à son profit les expériences d’autrui », poursuit Daniel Andler. Du coup, ce n’est plus le savoir lui-même qui est essentiel, mais bien l’habileté à trier et à décoder l’informa-tion proposée en ligne. La frontière entre l’individuel et le collectif devient poreuse. Les DRH du monde entier l’ont bien compris, qui sont de plus en plus nombreux à valoriser les « compétences du xxie siècle » : capacité à gérer simultanément des dossiers différents, à travailler en groupe sans créer de conflits, à travailler sans supervision marquée,

À qui donc adressait-on toutes ces questions avant l’apparition de la recherche sur le web ? Aux parents, aux proches sans doute… mais surtout à l’école. « L’évolu-tion des TICE (voir glossaire p.19) change nos manières de penser et d’agir, d’où un impact fort sur l’école, en termes de rapport au savoir, à l’autorité, à l’évaluation », recon-naît Richard-Emmanuel Eastes, spécialiste

des sciences cognitives appliquées à l’édu-cation. « L’école d’hier nous a habitués à des réponses claires et uniques. À présent, d’innombrables interrogations émergent de l’explosion des blogs et des forums de discussion. Et les réponses ne sont plus uniques, en vertu de la mutualisation des connaissances de milliers d’internautes. » Trois exemples pour illustrer cette réalité.

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Glossaire CLASSE MOBILE

Petit chariot avec des ordinateurs wifi sans fil que l’on s’échange d’une classe à l’autre.

EnT

Environnement numérique de travail. Outil de travail collaboratif sous la forme d’un portail Internet mettant en contact les parents, les élèves et les enseignants, et proposant des services et des infos sur l’école.

CyBErPOrTFOLIOLivret scolaire numérique qui conserve les notes et les appréciations des professeurs et qui peut également servir de « vitrine de devoirs » aux élèves, enregistrant leur progression au fur et à mesure.

TABLETTE PC

Ordinateur portable qui permet aux élèves de prendre des notes « à la main » avec un stylet, ou de naviguer grâce à un écran tactile.

TnI

Tableau numérique interactifÉcran interactif relié à un ordinateur.

TICE

Technologies de l’information et de la communication appliquées à l’éducation.

« L’évolution des tice change nos manières de penser et d’agir, d’où un impact fort sur l’école, en termes de rapport au savoir, à l’autorité, à l’évaluation. L’école d’hier nous a habitués à des réponses claires et uniques. À présent, d’innombrables interrogations émergent de l’explosion des blogs et des forums de discussion. »RichaRd-EmmanuEl EastEs, chaRgé dE mission au dépaRtEmEnt d’étudEs cognitivEs dE l’EcolE noRmalE supéRiEuRE.

« La génération numérique adopte volontiers des processus d’apprentissage fondés sur la déconstruction/reconstruction des savoirs, sur l’interactivité des méthodes et des points du vue… ils ont intégré le fait qu’on peut apprendre en se trompant, qu’on peut recycler à son profit les expériences d’autrui. » daniEl andlER, spécialistE dEs sciEncEs cognitivEs Et fondatEuR du think tank compas1.

1. www.iens-compas.fr

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20BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR

21

à être créatif, entreprenant – à pratiquer, en somme, le travail collaboratif. Les program-mes de demain seront moins fondés sur les connaissances pures que sur les compéten-ces et l’intelligence sociale.

des mutations Qui poussent L’écoLe À se transFormer

Comment toutes ces mutations affectent-elles l’enseignement ? D’abord de manière structurelle, en changeant le rapport des élèves au savoir et aux enseignants.

« Aujourd’hui, un élève n’arrive plus face au maître dans un état d’ignorance totale, tant le web facilite l’accès à des informations sus-ceptibles de contredire les dires du maître », remarque Richard-Emmanuel Eastes. Dans ce contexte, les professeurs deviennent des accompagnateurs éclairés et non plus seu-lement des dispensateurs de savoir. Dès lors, l’école doit éduquer à la critique. « Dans le système traditionnel, la critique est mal vue, la coopération entre élèves carrément inter-dite. Mais dans l’école du futur, critiquer n’est

plus un manque de respect », souligne Fran-çois Jarraud, enseignant et fondateur du Café pédagogique, le site Internet de référence sur les nouvelles pédagogies2. Et réaliser un devoir à plusieurs n’est plus du copiage mais du travail collaboratif. « La pédagogie actuelle de nos écoles vise encore à former des salariés reproducteurs, s’insurge Fran-çois Jarraud, or critiquer et interagir sont les deux clés de voûte de la société du futur. » La version autoritaire de l’enseignement, la pédagogie frontale, l’école de l’effort et de la discipline auraient-elles fait leur temps ?

Fin de La cLasse uniQue, pLace aux pédagogies du Futur

Une chose est sûre : pour préparer l’avenir, il faut briser la structure de la classe telle

qu’on la connaît. C’est la fin du modèle uni-que – un seul prof, devant un tableau noir, face à trente élèves plus ou moins passifs, pendant des séances de cinquante-cinq minutes. « Nous allons vers des modèles beaucoup plus modulaires, qui utilisent toute une palette de formats, du cours magistral devant cent cinquante élèves, jusqu’aux mini groupes d’élèves, pas forcé-ment du même âge ni du même niveau, note François Jarraud. Et c’est souvent quand on adopte de nouvelles postures qu’on découvre des compétences insoupçonnées chez certains gamins. » Les TICE viennent soutenir très naturellement ces nouvelles pistes pédagogiques, en stimulant même des expériences inédites.

Parmi les pédagogies qui s’imposent un peu partout, l’apprentissage par projet : on ne travaille plus en abordant un programme

linéaire chapitre par chapitre, mais sur un projet qui peut durer six mois et embrasser différents aspects de la discipline ensei-gnée, voire plusieurs disciplines. « C’est un apprentissage par expérimentation, très autonome, où le prof est surtout chargé d’évaluer la progression », insiste François Jarraud. Excellente mise en musique de cette tendance, le cyberportfolio (voir glos-saire p. 19). Mario Asselin, un ancien direc-teur de l’Institut Saint-Joseph du Québec, en a fait son cheval de bataille : « En 2003, je cherchais un moyen efficace de faire pro-gresser le niveau général en français, et de rattraper les élèves en échec scolaire. Le portfolio électronique m’est apparu comme l’outil idéal : chaque jeune est responsable du sien, s’améliore à son rythme », explique-t-il. Un cyberportfolio permet de présen-ter des productions personnelles (devoirs,

exercices, réflexions), tout en annotant, dans une colonne sur la droite, les étapes de l’apprentissage, les erreurs corrigées, les sources…, et en sollicitant les lecteurs en ligne, qui aident l’élève à résoudre certains problèmes, le corrigent, le stimulent. « Mes élèves se sont ouverts à la critique et mobi-lisés pour parfaire leurs textes, car ils ne voulaient pas que la vitrine virtuelle de leurs idées ne soit pas à la hauteur, analyse Mario Asselin. Dès qu’ils deviennent producteurs de contenu, leur motivation est décuplée. » Aujourd’hui, Mario Asselin forme les écoles du monde entier au cyberportfolio.

une réponse À L’échec scoLaire

Autonomisation, motivation, sur-mesure, les mots-clés de l’école du futur font la part belle au renouveau très socratique d’un prof « accoucheur » de petits groupes

« nous allons vers des modèles beaucoup plus modulaires, qui utilisent toute une palette de formats, du cours magistral devant 150 élèves jusqu’aux mini groupes d’élèves, pas forcément du même âge ni du même niveau. » fRançois JaRRaud, EnsEignant Et fondatEuR du café pédagogiquE2.

Le PoTenTieL FranÇais en maL De CohérenCeUne myriade d’initiatives isolées mises en œuvre par des profs enthousiastes ou des collectivités visionnaires, mais un manque d’impulsion par le haut. État des lieux de la situation française.

La France a un grand potentiel… qui se développe un peu dans tous les sens ! C’est, en substance, ce que nous apprend le Rapport sur la contribution des nouvelles technologies à la modernisation du système éducatif en France1 (l’un des plus complets jamais réalisés). Commençons par nos atouts. Côté équipements, on ne compte plus les collectivités qui investissent dans les nouvelles technologies. Citons la Lorraine et ses enT (voir glossaire p.19), les Landes et ses tableaux numériques, les Bouches-du-rhône et la distribution d’ordinateurs portables… Côté ressources, le ministère de l’éducation joue bien son rôle de relais pour faire connaître aux enseignants les ressources accessibles, notamment via eDuCneT, où les profs s’échangent des scénarios de cours. Côté pédagogie et programmes, la loi d’orientation et de

programme pour l’avenir de l’école de mai 2005 a donné la définition d’un socle commun de compétences, et elle oblige l’éducation nationale à s’assurer que tous les enfants acquièrent ces compétences pendant la scolarité obligatoire. « C’est une révolution en marche, souligne anne-marie Bardi, inspectrice de l’éducation nationale, la mission d’un enseignant en classe ne sera plus de “parcourir le programme”, mais de faire acquérir par chacun des élèves des compétences listées. À l’école, il existe désormais une obligation de résultats. Et ces résultats concernent également la maîtrise de compétences dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, qui constitue l’un des sept axes du socle commun. »évidemment, ce bel élan se heurte encore à quelques obstacles. Les conditions matérielles sont très

hétérogènes selon les territoires, les établissements, les niveaux d’enseignement – notamment dans le primaire, très à la traîne par rapport au secondaire et à l’enseignement supérieur. L’échelon central de l’éducation nationale n’est pas encore à même d’assurer la cohérence des initiatives, qui restent émiettées – et le plus souvent liées à l’enthousiasme de quelques profs pionniers. D’ailleurs, les enseignants ont encore du mal à intégrer les TiCe dans leurs pratiques pédagogiques. enfin, la gestion professionnalisée des équipements n’est pas encore à l’ordre du jour, sauf exception (comme à Limoges, où la maintenance est gérée par la mairie). en conclusion, les auteurs du rapport recommandent un recentrage de l’administration centrale sur la définition d’une vraie politique éducative, et sur son application pratique. mesdames, messieurs les ministres, au travail ! ■

2. www.cafepedagogique.net

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1. Mission d’audit de moder-nisation pour le ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, mars 2007.

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Trois questions à… Jean-Michel Fourgous

2.2_regards sur le numérique 2.2_regards sur le numérique

22BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR

23

« Les TICE démultiplient et intensifient les stimuli pédagogiques »

Docteur en psychologie, ancien ingénieur CnrS à l’Éducation nationale et créateur d’une entreprise dans les nouvelles technologies, Jean-Michel Fourgous est député-maire d’Élancourt (yvelines). Il y pilote depuis quatre ans le projet « École du futur », une série d’expériences audacieuses d’intégration des TIC dans les pratiques éducatives.

Quelles expériences avez-vous mises en place à élancourt ? Nous avons fait fabriquer par des chercheurs un logiciel pédagogique, Mémosaure, qui stimule les fonctions cognitives et enseigne aux élèves les procédés mnémotechniques. Nous avons également installé des tableaux numériques interactifs (TNI) et des classes mobiles (voir glossaire p. 19), mis en place des ENT et instauré les cours d’anglais par visioconférence. On s’était rendu compte que les ensei-gnants du primaire n’étaient pas très à l’aise avec l’anglais. Alors on s’est dit : pourquoi ne pas avoir un professeur de Washington, Toronto ou Brighton qui dialoguerait en direct avec les élèves ? Nous avons aussi testé d’autres cho-ses, comme le fait d’avoir une retrans-cription automatique au tableau des paroles du professeur pour permettre aux élèves de mieux suivre. Les pistes sont innombrables, mais on ne peut pas tout faire. Nous avons donc choisi de nous concentrer sur un petit nom-bre de projets, pour prendre le temps de les mener à bien et, surtout, de les évaluer.

Quel bilan peut-on déjà dresser de ces actions ? Il est extrêmement positif. Les TICE démultiplient et intensifient les stimuli pédagogiques. Avec le TNI, l’enseignant va faire un cours beau-coup plus riche et ludique. Il va échan-ger davantage avec ses collègues pour améliorer ses supports de cours. En face, l’enfant est plus impliqué, plus motivé. Or on sait qu’il existe un lien direct entre la motivation et la perfor-mance de l’élève. L’utilisation du logiciel pédagogique est très intéressante dans le travail avec les enfants en difficulté scolaire. Le logiciel, sans se substituer à l’en-seignant dont il n’est que le complé-ment, s’adapte au rythme de l’élève et joue sur les « renforcements positifs », c’est-à-dire la valorisation des progrès individuels. Cela a beaucoup d’impact sur l’enfant qui a décroché, et qui est souvent inconsciemment mis à dis-tance par le professeur. Pour les élèves issus de milieux socioculturels moins favorisés, le logiciel peut aussi être très utile, car il est moins impression-nant que le maître dont ils ont parfois

un peu peur parce qu’il véhicule une culture bourgeoise avec une richesse de vocabulaire… D’ailleurs, c’est assez extraordinaire, quand on entre dans cette classe de trente élèves, au bout d’une heure de Mémosaure, on entend une mouche voler. Croyez-moi, ça n’arrive pas souvent !

il est question de vous confier bientôt une mission de réflexion sur l’école du futur. Quels premiers enseignements souhaitez-vous mettre en avant ? L’Éducation nationale est face à une véritable révolution culturelle. Un temps d’appropriation, de formation, va être nécessaire, il ne faut pas le négliger. En contrepartie, je pense que nous entrons dans une période de revalorisation du rôle des ensei-gnants, ne serait-ce que parce qu’ils vont améliorer leurs résultats, donc la reconnaissance des enfants, des parents et des institutions ! ■

Maire d’Élancourt et député de la 11e circonscription des yvelines.

menant des activités parallèles. Beaucoup y voient la réponse à l’échec scolaire et à l’hétérogénéité grandissante des niveaux des élèves. La palette des outils technologi-ques disponibles permet en effet ces confi-gurations multiples, qui feraient devenir chèvre plus d’un professeur d’aujourd’hui. Le travail autonome encadré par ordinateur (à travers des logiciels pédagogiques sur mesure, par exemple) rend possible l’iden-

« dans l’école de demain, le droit de tous à la maîtrise de l’information, dans toutes les disciplines, dans tous les environnements et pour tous les niveaux d’apprentissage, devient une idée centrale. » stéphanE vincEnt-lancRin, chERchEuR au cERi (ocdE)

tification précise et continue des niveaux de chacun, permet à l’enfant d’avancer à son propre rythme, sans stigmatisation et dans la valorisation des progrès effectués. « Dans l’école de demain, le droit de tous à la maîtrise de l’information, dans toutes les disciplines, dans tous les environnements

et pour tous les niveaux d’apprentissage, devient une idée centrale », assure Stéphane Vincent-Lancrin, chercheur au Centre pour la recherche et l’innovation dans l’ensei-gnement (CERI)3 qui a publié un ouvrage de référence sur l’école du futur. L’idée qu’il y a « ceux qui suivent et puis les autres » devient caduque.

Pour que l’école du futur soit une réus-site, s’accordent les experts, il faut une

réforme holistique - qui implique l’archi-tecture, la pédagogie, les technologies, l’or-ganisation du temps, de l’espace, etc. Randy Fielding, fondateur de Fielding Nair Inter-national (FNI), est le premier à avoir saisi l’impact de l’architecture modulaire sur l’école. « L’architecture scolaire doit accom-pagner le changement du paradigme prof/élèves, explique-t-il, mais aussi favoriser l’esprit de groupe au sein des équipes d’en-seignants. » Illustration au collège Western Heights de Geelong, en Australie. Tous les couloirs et les salles ont été remplacés par un immense espace aux cloisons modula-bles. Les cent élèves inscrits en 6e sont sui-vis par quatre profs. Ces derniers peuvent choisir d’isoler trois élèves en rattrapage de géométrie et les faire travailler sur des tablettes PC (voir glossaire p. 19), tandis que les autres planchent sur un projet de groupe grâce à un tableau numérique interactif (voir glossaire p. 19). Ils peuvent aussi réunir toutes les classes pour un cours par visio-conférence, leur permettant de dialoguer en direct avec un enseignant ou une école du bout du monde... Des sondages menés dans l’établissement ont montré une progression de la motivation et du moral général chez 80 % des élèves ; 87 % des profs s’estiment efficaces (contre 20 % auparavant), et 85 %

d’entre eux affirment qu’ils collaborent entre collègues, contre 10 % avant.

une réForme gLobaLe, Visant Le « LiFeLong Learning »

Cette dynamique d’ouverture pédagogique se traduit par une intégration accrue dans la communauté urbaine. Baies vitrées, espaces verts ouverts parcourus de sentiers, audito-riums accessibles à tous... « Depuis la révo-lution industrielle, nous avons segmenté les domaines, les âges et les niveaux », note Randy Fielding. Pour lui, « l’école du futur est multigénérationnelle : il faut l’ouvrir, faire intervenir en cours des entrepreneurs, donner l’occasion aux jeunes de sortir de l’espace-classe ». Au collège Crystal de New York, les élèves de 14 ans et plus passent un quart de leur temps en apprentissage pro-fessionnel. Fait exceptionnel, huit d’entre

eux ont même intégré la « Geek Squad », brigade d’intervention et de réparation informatique du célèbre Bespa (l’équivalent de Surcouf chez nous) : ils se partagent deux postes salariés à 28 000 $ par an. L’école a même créé sa propre agence d’emplois. Sans aller jusqu’à cette démarche parti-culière, nul ne doute que notre école doive s’ouvrir davantage, sans renoncer à être ce lieu singulier où l’on forme avant tout des citoyens éclairés.

Le but ultime de cette ouverture ? Que les écoles se transforment en « lifelong lear-ning centers », des lieux d’apprentissage où l’on peut revenir, tout au long de son exis-tence, pour mettre à jour ses connaissances ou faire profiter les autres de sa sagesse. Et si l’école de l’avenir, c’était tout simplement le retour à une forme de partage et d’ap-prentissage tout au long de la vie ? ■

3. Le CERI, qui dépend de l’OCDE, a publié en 2006 Quel avenir pour nos écoles ?

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royaume-uni

FRAnCE

BELGIQuE

PAyS-BAS ALLEMAGnE

IRLAnDE

SuèDE

nORVèGE

DAnEMARK

ESPAGnE

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24BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR_idées d’aiLLeurs

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BsF LA RÉVOLUTIO N BRITANNIQUEC’ était il y a quatre ans

exactement. Un jour de février 2004, sans

tambour ni trompette, Tony Blair annonce la nouvelle, dans une salle de classe d’une modeste école du nord de Londres : le déblocage d’un budget exceptionnel pour mettre en œuvre une refonte inté-grale de l’école britannique. « Ce programme nous permettra de rattraper des décennies de sous-investissement », assure alors le Premier ministre travailliste. Simple effet d’annonce ? Pour une fois, les esprits chagrins ont dû se raviser.

Car, aujourd’hui, « Building Schools for the Future » – BSF pour les connaisseurs – est tout simple-ment le projet éducatif le plus vaste et le mieux doté du monde : 45 mil-liards de livres (60 milliards d’euros), couvrant l’ensemble du territoire britannique. Les travaux se divisent en quinze étapes et doivent être achevés d’ici à 2015. 3 500 écoles britanniques sont concernées : du jamais vu. Depuis 2004, le projet se précise, s’étoffe, prend de l’am-pleur : observateurs et spécialistes du monde de l’éducation pressen-tent que ce n’est que l’amorce d’un changement qui prend des allures de révolution.

un programme ambitieux et très bien articulé

L’axe central de la réforme : une école « sur mesure », conçue pour permettre la mise en pratique de méthodes pédagogiques innovan-tes, faciliter l’utilisation des nou-velles technologies, encourager les projets individualisés. Les syn-dicats d’enseignants, comme les associations de parents d’élèves, n’en reviennent pas.

Comment se passe la mise en pratique de cet ambitieux pro-

gramme ? Nouvelle surprise : BSF propose là aussi un chamboule-ment des modes de gouvernance et pratique une décentralisation décomplexée, basée sur le parte-nariat public/privé. En clair ? Le gouvernement met les fonds à dis-position des 150 autorités locales (LA) britanniques – l’équivalent de nos académies et de nos rectorats. Dans chacune d’elles, BSF organise de puissants consortiums privés, auxquels on accorde un contrat de dix ans, avec possible reconduc-tion de cinq ans. Ensuite, chaque projet BSF local est défini par un Partenariat local d’éducation (PLE), qui prend la forme d’une entreprise à risques partagés, composée à 80 % des entrepreneurs membres du consortium privé, à 10 % de représentants du BSF et à 10 % de représentants des autorités locales. « Cette organisation ouverte aux idées du privé est idéale pour faire éclore non pas une vision natio-nale unifiée, mais une multitude de visions communautaires locales », s’enthousiasme Steve Moss, direc-teur stratégique d’ICT Partnership for Learning, l’organisme chargé de coordonner les efforts des LA. « C’est un peu comme si l’on avait 150 variétés de la même fleur. »

« sur-mesure » éducatif

Côté pédagogie, c’est la même métaphore botanique qui s’appli-que. « Nous croyons au " personali-zed learning " (l’apprentissage per-sonnalisé, le sur-mesure éducatif), souligne Steve Moss. « En clair, les élèves doivent créer leurs propres hypothèses, se fixer eux-mêmes des buts à atteindre, s’entre-coa-cher… Nous voulons esquisser le squelette de la structure éduca-tive, sans la figer ni la restreindre. » Plus précisément ? « Il n’y a plus de cours magistraux, poursuit Steve

Certains ont cru qu’il s’agissait

seulement de rénover

quelques écoles décaties…

Ils ont eu, en lieu et place,

une véritable révolution.

« Building Schools for the Future »,

lancé il y a quatre ans par l’ancien

Premier ministre Tony Blair, est tout

simplement le projet éducatif

le plus osé et le mieux doté

du monde. EnquêtE.

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« bsF nous permettra de rattraper des décennies de sous-investissement. » tony BlAir

Moss, les profs aident les élèves à être en situation de stimulation permanente, à valider leurs acquis et à passer à l’étape suivante. » Un bouleversement pédagogique qui se reflète dans l’architecture : écoles ouvertes sur la ville, salles de classe décloisonnées et modulaires, points d’ancrage pour tous types de TICE, lesquelles représentent 15 % du bud-get total. La réforme se veut globale : il faut préparer les élèves au xxie siècle, en mettant l’accent sur les notions de compétences et d’autonomisation, et non plus simplement sur les savoirs. En améliorant, donc, leur adéquation au monde professionnel.

Parfaite illustration de l’esprit BSF, le comté de Knowsley. Depuis quatre ans, cette région, systéma-tiquement reléguée au bas des classements éducatifs, a décidé de prendre les choses en main : péda-gogie de projets, utilisation prioritaire

des nouvelles technologies, auto-nomisation maximale des élèves, décloisonnement des espaces des classes… Damian Allen, responsa-ble des programmes éducatifs de Knowsley, estime que la plupart des jeunes habitants de ce comté en pleine débâcle sont en fait des élèves « kinesthésiques », qui assi-milent plus facilement des notions lorsqu’elles sont associées à une activité physique. Du coup, Allen a encouragé une pédagogie avant-gar-diste, promouvant les cours en plein air, allant même jusqu’à rebaptiser les cours de lettres « Désastres et Dilemmes » et les cours de théâtre, « Rêveries ». Mieux : Allen et son équipe réfléchissent actuellement à une autre manière de gérer l’école, en substituant aux directeurs d’établis-sement des collèges de professeurs qualifiés, voire des comités profes-seurs/parents/élèves.

Tableau idyllique tout droit sorti du Cercle des poètes disparus ? Pas tout à fait. Une réforme aussi audacieuse fait forcément grincer quelques dents. À travers BSF, les travaillistes posent et revendiquent deux axes-clés de leur politique éducative : l’ouverture au privé et la professionnalisation, deux principes qui ne font pas l’unanimité dans le pays. La position des travaillistes, ouvertement favorables à l’externa-lisation des services sans recours aux ressources internes, n’est pas toujours bien comprise. En d’autres termes, si le programme « Building Schools for the Future » prend le che-min du succès, il reste l’expression d’une position politique forte, ancrée dans une culture typiquement anglo-saxonne qui laisse une forte marge de manœuvre aux gouvernements locaux. Ce modèle sera-t-il expor-table ? ■ ALICE grACEL

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26BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR

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Dessine-moi une éCoLe… SUR POwERPOINTe ntouré de pelouses en

pente douce et de jeunes arbres, ses grands murs

blancs réfléchissant le soleil, le bâtiment contraste avec la rue qui le longe : un triste alignement de maisons délabrées. Welcome to West Philadelphia, sa pauvreté, sa violence... et sa nouvelle école. Ce quartier, situé à l’ouest de la ville, est plus connu pour son taux d’homicides que pour ses résul-tats académiques. Quoique. Le niveau des élèves y est tellement catastrophique qu’il est devenu une triste référence : un élève sur cinq ne termine pas le lycée et deux tiers des lycéens n’ont pas le niveau minimum requis par l’État de Pennsylvanie en maths et en anglais. C’est là, au milieu de cette jungle urbaine, que le Philadel-phia School District, l’académie qui gère les 340 écoles publiques de la ville, en partenariat avec Microsoft, a décidé de relever un défi ambitieux : inventer l’école du xxie siècle. Il a fallu trois ans à peine entre le moment où l’idée

a germé et l’inauguration, en septembre 2006, de cette « École du futur ». Trois années pour tout repenser : la méthode pédagogi-que, les outils, le cursus, le recrute-ment des professeurs, la sélection des élèves… « Tout le monde se rend compte que l’enseignement qui a été dispensé aux États-Unis ces quarante dernières années n’est plus adapté à la société, explique Tony Franklin, chargé par Microsoft de faire le lien entre l’entreprise, l’école et le District qui finance et supervise ce projet pilote. Pour nous, la question est : comment s’adresse-t-on aux jeu-nes des ghettos pour qu’ils aient envie d’apprendre ? On est là pour remettre en cause le système et profiter de ce que ce siècle peut nous apporter. »

une pédagogie renouvelée

Le détecteur de métaux franchi, on est frappé par la luminosité et l’espace. Les salles de classe sont ouvertes sur l’extérieur par

Un lycée du ghetto sans « budget

papier »… mais où chaque élève

– pardon, chaque « apprenant » –

est doté d’un ordinateur portable connecté à Internet.

Bienvenue dans l’École du futur

de Philadelphie, révolution

pédagogique en marche.

paR notRE EnvoyéE spécialE à philadElphiE, Emma REbElova.

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des panneaux de verre, les tables ne sont pas alignées mais réu-nies pour favoriser le travail de groupe. Finis la cloche qui rythme le début et la fin des cours, les élèves en rang, les cahiers, les crayons… Ici, l’enseignement se veut « adaptif, approprié, et constant ». « Nous faisons en sorte que le désir de connais-sance vienne d’abord des élèves, explique Thomas Gaffey, profes-seur de mathématiques et de technologies (voir encadré p. 28). Quand ils posent des questions, alors on fournit le contenu. »

La transmission du savoir ne s’appuie plus sur des matières mais sur des projets communs. Au lieu d’enseigner les maths et les sciences sociales, Aruna Arjunan, par exemple, a mis sur pied le « projet vote », qui encou-rage les élèves à enquêter dans le quartier, où moins d’un quart des habitants vont voter. Ils abordent ainsi les statistiques, l’histoire, l’éducation civique… « De cette façon, les sujets leur parlent. Les

élèves comprennent et retiennent mieux », assure-t-elle.

un espace entièrement wifi

Les élèves et les professeurs que l’on croise, de la salle de gym à la cafétéria, ont tous un ordina-teur portable sous le bras. L’école est un espace entièrement wifi où l’enseignement ne doit plus s’arrêter aux murs de la classe et où Internet s’est substitué aux manuels scolaires. Dès la rentrée, les élèves suivent une formation à la recherche sur la Toile. « Je mets toujours l’accent sur le fait qu’il faut multiplier les sources pour vérifier une information », précise Aruna. Pour préparer ses cours, elle-même fait souvent appel à netTrekker, un programme informatique créé par et pour les profs, qui permet de sélectionner les sites fiables. Les élèves surfent essentiellement sur les moteurs de recherche, les encyclopédies en ligne ou le portail de l’école. Ils utilisent aussi un certain nombre

de logiciels pédagogiques en ligne comme Rosetta Stone, Criterion ou mathforum.org. Quetta Fairy, une élève de 15 ans, ne regrette pas ses manuels « tout déchirés » : « Avec un livre, les informations sur un sujet sont limitées à deux pages, alors qu’avec un ordinateur on a accès à tout Internet. Et quand on ne comprend pas quelque chose,

Le réseau Des éCoLes innoVanTes DE MICROSOFTaprès l’expérience concluante de Philadelphie, microsoft a étendu son programme à douze écoles pilotes dans le monde. à la base du projet, la conviction que chaque école est différente et doit innover en fonction de ses besoins spécifiques, de sa culture et de ses traditions. L’entreprise apporte donc, bien

sûr, son savoir-faire technologique, mais propose surtout aux établissements une méthodologie de conduite du changement et un processus de réflexion afin d’identifier collectivement, pas à pas, la meilleure façon de mettre les technologies au service de chaque projet pédagogique. Les douze

écoles disposent du soutien et des conseils du réseau mondial d’experts de l’éducation de microsoft, et bénéficient des retours d’expériences des autres établissements du programme. Les projets mis en œuvre sont étudiés par des laboratoires de recherche qui rendent compte à l’université

de Washington, chargée de synthétiser toutes les études pour une évaluation globale. en France, c’est l’école primaire Châteaudun d’amiens qui a commencé, depuis le début de l’année scolaire, son processus de réflexion, sous l’œil intéressé de l’institut national de recherche pédagogique de Lyon. ■

on peut aller chercher tout seul la solution sur d’autres sites. »

une bibliothèque sans livres

Un large couloir central traverse toute l’école. Ici, on l’appelle le « streetscape », comme une rue. Les élèves, eux, sont devenus des « apprenants » et les professeurs

des « éducateurs ». « Nous met-tons en place un langage commun auquel les apprenants peuvent se référer », explique Tony. Même la bibliothèque a été rebaptisée « centre d’apprentissage inte-ractif ». Mis à part quelques CD, les rayonnages y sont vides : les livres, comme le papier, n’ont plus leur place à l’École

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© PHOtOS : EMMA REBELOVA

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l’eNTrÉe PriNCiPale De l’ÉCole DU FUTUr

UNe salle De Classe

CoUrs De DessiN sUr la PersPeCTiVe oU CoMMeNT DessiNer UN PorTaBle eN 3 D

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28BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR

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du futur. « Les apprenants ont accès à l’information en quelques clics, affirme Aruna. Ils n’ont plus besoin de passer en revue plu-sieurs livres pour se procurer le bon, ce qui prend un temps fou et demande d’apprendre le système de classement de la bibliothèque. » Thomas, lui, estime que « le mot “bibliothèque” a une connotation

Les DéFis PéDagogiQues De L’éCoLe Du FuTur : ENTRETIEN AVEC THOMAS GAFFEy, ENSEIGNANT

Depuis la rentrée 2007, Thomas gaffey, 25 ans,

enseigne les maths et les technologies à

l’École du futur.

Quelle différence y a-t-il entre vous et un enseignant classique ?Dans toutes les écoles, les professeurs sont des passionnés mais ils ne peuvent pas vraiment innover car ils sont contraints par l’obligation de résultat aux examens. alors que dans une école traditionnelle, on se demande ce qu’on va enseigner, ici, chaque jour, on se demande comment on va enseigner. il faut être innovant tout le temps. C’est un vrai défi.

Comment savez-vous que cette méthode fonctionne ?on voit tout de suite quand les apprenants sont concentrés. Quand ça ne marche pas, ils envoient des mails, chattent... en somme, l’accès à internet en permanence, c’est votre meilleur ennemi…est-ce qu’ils seraient plus concentrés s’ils n’avaient pas de portables ? Les résultats, et mon instinct, me disent que non.

Comment leur apprenez-vous à se repérer sur internet ? une énorme part de ma philosophie pédagogique consiste à encourager l’esprit critique, qui permet de repérer les informations biaisées, l’exagération et la désinformation. Cela existe dans tous les médias, pas seulement avec internet. Je leur apprends à multiplier les sources d’info et à appliquer systématiquement une méthode de recherche quand

ils abordent un nouveau thème. Le papier ne vous manque-t-il pas ?en maths, le papier reste indispensable pour faire des calculs. Pour l’instant, comme on n’a pas de budget papier, je travaille avec des cahiers et des feuilles qui ont été donnés à l’école. mais on essaie de trouver des solutions technologiques, comme des tableaux numériques interactifs ou une technologie proche de Powerpoint. ■

de contrôle et de centralisation », alors que, justement, le Web 2.0 s’inscrit dans « une époque de décentralisation et de collabora-tion autour de l’information ».

Des élèves tirés au sort

Pour que les élèves aient le temps de s’adapter, ils entrent à l’École du futur en première année (le

lycée américain en compte qua-tre) : 170 ont été admis en 2006 et 170 cette année. À terme, l’École en accueillera 750. Les trois quarts viennent des quartiers défavori-sés de la ville et ce sans aucune sélection : ils sont tous tirés au sort informatiquement. « On les accepte tels qu’ils sont, avec leur passé, leur bagage, sans se préoc-cuper de leur ancien comporte-ment et sans penser à la discipline, explique Tony. On espère que ce nouvel environnement va les transformer. » Mais l’École du futur va aussi se transformer au contact des lycéens. Tony y veille. Son rôle, en plus de former les professeurs

aux différents programmes infor-matiques, est de définir les besoins de l’école et d’imaginer des solu-tions technologiques : il veut tester de nouveaux programmes éducatifs et incorporer certaines technologies, comme des écrans intégrés aux tables de classe, qui permettraient de ne pas avoir à transporter son ordinateur.

Si l’École du futur tient ses promesses, les élèves de demain n’auront bientôt plus envie de faire l’école buissonnière. Il leur faudra chercher en ligne la signi-fication de ces mots archaïques : craie, cahier, stylo… ■

RICHARD DESCOInGS

directeur de sciences po depuis 1996 et réputé pour l’audace de ses réformes, richard descoings prépare la grande école à sa révolution numérique et prône la réhabilitation des « humanités scientifiques ».

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CalCUl Des DÉPeNses D’ÉNerGie DaNs la salle De GYM

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DeBrieFiNG eNTre les ProFs eT ToNY FraNKliN

« La révolution numérique est tellement rapide que même ceux qui ont un peu d’avance sont en retard ! »

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30BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR BIEnVEnuE À L’ÉCOLE Du FutuR

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Vous commencez à voir arriver à sciences Po des générations d’étudiants ayant baigné dans les nouvelles technologies depuis un âge précoce. sont-ils vraiment différents de ceux qui les ont précédés ? La différence est colossale. Et elle se voit beaucoup à l’œil nu. Dans « Boutmy » (le grand amphi de Sciences Po, NDR), un élève sur deux aujourd’hui prend ses notes sur son ordinateur portable. Quand je passe le soir, je vois tous les étudiants étrangers

qui téléphonent via leur ordinateur, la tête penchée sur leur micro. On assiste éga-lement à l’explosion de tous les réseaux sociaux. D’ailleurs, quand on veut prendre le pouls de la vie étudiante, c’est sur les forums et les sites internes que l’on va. Les élèves de l’école de journalisme ont créé une web radio… Partout ça bouillonne, ça fourmille !Je ne sais pas si une telle rupture entre les générations a jamais existé. Quand la TSF ou la télévision sont arrivées, toutes deux étaient des outils de communication par-tagés, un possible élément de ciment fami-lial. Le passage au numérique, les réseaux sociaux, MSN, Second Life…, tout cela est en train de créer un incroyable fossé entre le savoir et le savoir-faire des nouvelles générations versus le non savoir et le non savoir-faire des générations précédentes. Les enfants et les adolescents se construi-sent aujourd’hui, à un moment très impor-tant de leur vie, dans un monde dont leurs parents sont complètement exclus. C’est une situation inédite et fondamentale.

Le système éducatif et les pratiques pédagogiques doivent-ils s’approprier cette révolution numérique ? C’est évident. Si on ne le fait pas, cela nous rendra totalement ringards. Dans les années qui viennent, nous avons d’immenses efforts à faire concernant, d’une part, la for-mation des enseignants et, d’autre part, la conceptualisation de ce qu’est la structure intellectuelle d’un adolescent dont l’éveil au monde se fait à travers le numérique. Cela promet d’être passionnant à vivre, mais cela

va constituer aussi un choc d’une brutalité absolue qui va coûter très cher. Quand vous pensez qu’à l’Éducation nationale, premier budget de l’État, il n’y a ni crédits ni pos-tes affectés à la maintenance informatique ! Quelle entité

humaine, aujourd’hui, ne dépense pas des mille et des cents pour assurer la mainte-nance informatique de ses équipements ?

Vous avez le sentiment d’un retard français en matière d’intégration du numérique ? Non. Je me trompe peut-être, mais l’arrivée de la révolution numérique est tellement rapide que même ceux qui ont un peu d’avance sont en retard !

Comment sciences Po envisage-t-il ce tournant ? Nous nous sommes donné un double objec-tif. D’une part, la réflexion sur le numéri-que et les transformations sociales qu’il va enclencher ; d’autre part, la restructuration de notre effort de recherche, notamment par l’intégration de techniques très avan-cées de quali-quantitatif, et par la création d’un Média Lab sur le modèle de celui du MIT, avec, entre autres, la collaboration de Microsoft. Le défi est de parvenir à réunir les moyens financiers et à mobiliser les ressources intellectuelles, tout cela avec des technologies et des comportements sociaux qui évoluent sans cesse. Jusqu’à présent, quand vous lanciez ce genre de

chantier stratégique, vous aviez à peu près le temps d’élaborer une vision, de vous fixer un objectif et puis de mener à bien le projet. Aujourd’hui, les choses changent tellement vite que, d’ici quelques années, le terrain sur lequel nous nous appuyons pour construire notre projet se sera encore transformé.

Le miT vient de finir de mettre en ligne l’intégralité de ses cours. ils sont à disposition de tous, notamment sous la forme de vidéos, et ce dans une dizaine de langues. Que pensez-vous de ce type d’initiatives ?Quand on regarde ce qui se fait, la plupart du temps, il s’agit de la transposition en images, sur ordinateur, de ce qui se passe dans un amphi. Ce n’est déjà pas mal : vous pouvez écouter une conférence du MIT ou du Collège de France chez vous, tranquille-ment. Sauf que, au bout de dix minutes, vous arrêtez parce que c’est insupportable. L’at-mosphère de l’amphi, le regard du profes-seur, la réaction du public, rien de tout cela ne passe à l’image. En d’autres termes, pour avoir un bon podcast, il faut concevoir un produit ad hoc, avec une scénarisation spé-cifique. Ce qui requiert un investissement en temps, en amont de l’investissement technologique et financier, et ce qui soulève en outre deux questions. D’abord, quel est le retour sur investissement ? Est-il finan-cier, de notoriété, de démocratisation dans l’accès au savoir ? Les réponses ne sont pas simples. Ensuite, se pose le problème des droits d’auteur. Avant, les enseignants pas-saient peut-être trois ans à mettre sur pied leurs cours, mais ils en tiraient des livres. Si on diffuse leurs cours en ligne tout de suite, sans limitation et sans rétribution, cela leur est préjudiciable d’une certaine façon. Donc, j’ai quand même un doute sur le fait que cette pratique se généralise au-delà d’universités très bien dotées – comme le MIT –, qui sont dans une logique d’image.

Plus globalement, comment voyez-vous sciences Po dans quinze ans ? Dans quinze ans, on aura sûrement finalisé l’ensemble des mesures de recrutement qui permettront de composer le corps étu-diant. J’y travaille déjà depuis dix ans, il en faudra peut-être encore dix, mais il faut sortir de l’idée que ce sont les étudiants qui choisissent une grande école : c’est l’uni-versité qui doit choisir ses étudiants. On aura également composé notre corps de professeurs et de chercheurs permanents, ce qui sera une révolution pas moins impor-tante. Par ailleurs, j’espère qu’on aura été meilleurs qu’aujourd’hui, en ayant réussi à convaincre que les sciences sociales sont indispensables au genre humain et qu’il faut donc investir dans cette discipline. Enfin, et j’y tiens beaucoup, on aura achevé la constitution, ou la reconstitution, des humanités scientifiques. En France, on a dissocié la formation par les sciences de la formation par les humanités. On a installé des générations d’élèves puis d’étudiants dans le refus de toute approche technolo-gique et scientifique. Dans un monde où l’accélération du progrès est inouïe par rapport à l’échelle de l’histoire, où jamais la technologie n’a été autant imbriquée dans la vie quotidienne, c’est un handicap extraordinaire. Quand vous ne pouvez pas vous approprier les outils, vous êtes pieds et poings liés. Vous n’êtes pas armé pour accepter, refuser, comprendre, exiger, etc. Donc, sans qu’il s’agisse d’enseigner les mathématiques comme on le fait au lycée, on va essayer, au niveau « undergrad », de reconstituer l’unité de la culture fondamen-tale, pour penser la technologie autrement. Cela se fera également à travers le profil des étudiants, qui seront de plus en plus nom-breux à avoir une double formation : école d’ingénieur/Sciences Po. Cette double for-mation est essentielle pour l’avenir. ■PrOPOS rECUEILLIS PAr COnSTAnCE PArODI

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« en France, on a installé des générations d’élèves dans le refus de toute approche technologique et scientifique. dans un monde où l’accélération du progrès est inouïe par rapport à l’échelle de l’histoire, où jamais la technologie n’a été autant imbriquée dans la vie quotidienne, c’est un handicap extraordinaire. »

« Que le système pédagogique doive s’approprier la révolution numérique est une évidence. si on ne le fait pas, cela nous rendra totalement ringards. »

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À mille lieues des pourfendeurs des jeux vidéo, michael stora, psychologue-psychanalyste clinicien, les revendique comme outil thérapeutique et utilise, dans son travail avec les enfants atteints de troubles du comportement, ces terrains de jeu d’un genre particulier, où se dénoueraient nos conflits inconscients. ///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

On les accuse de couper du monde, d’abêtir, de favoriser les comporte-ments agressifs… Michael Stora, lui, les utilise pour soigner. À l’heure où les jeux vidéo, devenus premiers biens culturels devant la musique, cristallisent les peurs des parents, ce psychologue-psychanalyste clinicien n’a pas peur d’aller à l’encontre des idées reçues. « Les jeux vidéo ne coupent pas du monde, ils en permettent une re-création, assure-t-il. Et ils n’appauvrissent pas l’imaginaire ; au contraire, ils le font émerger à des endroits où on ne l’at-tend pas. » En digne héritier de Mélanie Klein qui, dans les années 30, avait eu, la première, l’idée d’analyser les enfants par le jeu, ce psy de 43 ans, lui-même « gamer » invétéré, entreprend depuis six ans de faire arpenter les mondes virtuels à ses petits patients.

Car les enfants qu’il traite, victimes de trou-bles dits « limites » - le plus souvent troubles de l’apprentissage et de l’attention avec échec scolaire et comportements violents -, se refu-sent à jouer le jeu de la psychanalyse classique. Les supports habituels des jeux de rôle : play-

mobils, animaux, maisons, etc. ne fonctionnent pas. « Ces jeunes répriment toute forme d’émer-gence de leur imaginaire. Les seules histoires qu’ils peuvent avoir envie de raconter sont celles qu’ils ont vues à la télévision. Lorsque je leur demande d’élaborer, explique Michael Stora, ils me regardent en me demandant de quoi je veux parler. » Un des enjeux du théra-peute est donc de leur faire retrouver le plaisir du « comme si ».

une anaLogie éVidente entre L’ inconscient et L’espace VirtueL

Dans cette entreprise, le jeu vidéo s’impose comme un outil de choix. « La culture des enfants aujourd’hui, c’est la culture de l’image ;

utiliser le jeu vidéo, c’est déjà parler leur lan-gue », continue Michael Stora. Mais cela va bien au-delà. Pour le psychanalyste, il y a une ana-logie évidente entre l’inconscient et l’espace virtuel. « Les jeux vidéo favorisent l’automati-sation des actions, explique-t-il. Lorsque l’ava-tar, incarnation du joueur sur l’écran, répond au doigt et à l’œil, marchant, courant, sautant, tirant…, la main qui le dirige accomplit des ges-tes automatiques et peut se faire oublier. » Le joueur joue alors pleinement à être un autre, et la manipulation du jeu rend possible l’expression de conflits inconscients.

Un souvenir restera à jamais gravé dans l’esprit de Michael Stora. Au centre médico-psychologique de Pantin, où il a exercé

psychanalyse

Quand les jeux vidéo soignent nos névroses

< reportage >~~~~~~~~~~~~~~~~ _•

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« Les jeux vidéo ne coupent pas du monde, ils en permettent une re-création. et ils n’appauvrissent pas l’imaginaire ; au contraire, ils le font émerger à des endroits où on ne l’attend pas. »

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michaeL storaPsychanalyste et psychologue clinicien, Michael Stora utilise les jeux vidéo comme outil de médiation thérapeutique avec les enfants et les adolescents.

Auteur de Guérir par le virtuel et de Les écrans, ça rend accro, fondateur de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines, il prépare l’ouverture, à Paris, d’un Institut des mondes numériques entièrement dédié à l’utilisation thérapeutique du virtuel.

« En France, nous avons un mépris pour l’image, qui explique que très peu de

psys travaillent sur les mondes numériques. Aux États-Unis, des chercheurs de l’université d’UCLA ont depuis longtemps démontré que la pratique des jeux vidéo stimule certaines de nos compétences cognitives, comme la spatialisation en 3D, l’intelligence déductive et la capacité d’effectuer plusieurs tâches en parallèle. »

« Contrairement à l’idée reçue, la pratique du jeu vidéo est tout

sauf facile. Il faut persévérer, accepter la frustration, développer des stratégies inductives, choses que les enfants que je soigne ne savent pas faire. Or les victoires virtuelles sont pour eux des victoires réelles, qui leur permettent de mieux affronter certaines situations. »

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pendant sept ans, on lui adresse un jour Kevin1, dix ans. D’une extrême violence, il a attenté à la vie de plusieurs bébés. Toutes les thérapies jusque-là entreprises ont échoué. Les mots, les paroles glissent sur lui. Michael Stora lui propose de jouer à Fable 2, un jeu vidéo qui commence par un choix métaphysique : deve-nir un héros qui fait le bien ou un héros qui fait le mal. Kevin choisit le mal et incarne son avatar avec une violence inouïe. Arrive un personnage secondaire du jeu, sous la forme d’une petite fille, qu’il se met à frapper sans relâche. « Pour-quoi es-tu si méchant ? », sanglote la petite fille virtuelle. Comme dans un mauvais scénario, l’impensable se produit alors : la manette tombe

1. Le prénom a été changé. 2. Microsoft Games

des mains de Kevin, qui s’effondre en larmes, parvenant enfin à éprouver une culpabilité jusqu’à présent profondément réprimée.

« prozacs interactiFs »

Que se passe-t-il donc dans les mondes virtuels pour que s’y règlent ainsi des conflits incons-cients ? Michael Stora, enthousiaste, évoque une situation analogue au rêve, mélange d’in-teractivité et de narration où le joueur peut rester actif face aux situations proposées tout en revisitant à son insu, à travers le scénario imposé, les pulsions de vie et de mort. Sur les personnages secondaires du récit, figures ami-cales ou rivales créées par le programmeur du jeu, le patient va projeter ses propres figures, et des processus inconscients d’identifica-

tion ou de contre-identification vont émerger. « Les personnages non jouables dans le jeu sont comme des parties du soi qui nous parlent », explique le thérapeute. Enfin, le jeu a souvent une dimension réparatrice. Le personnage incarné surmonte les pires épreuves, combat les ennemis les plus féroces, sauve les êtres aimés, bat tous les records et sert d’exutoire pour toutes nos pulsions agressives refoulées. « D’une manière générale, les mondes virtuels sont des mondes d’épanouissement de soi et de désinhibition. Ils permettent un travail sur l’image de soi, indique Michael Stora. Ce sont de véritables “Prozacs interactifs” ! ».

des contes de Fées modernes

Bien sûr, même si, au quotidien, « on peut se faire beaucoup de bien en jouant », les effets bénéfiques de ces pratiques ne prennent vrai-ment leur sens que dans un cadre de soin. Par ailleurs, Michael Stora trie sur le volet les jeux qu’il utilise : « Il en existe d’absolument remar-quables. Certains possèdent une telle force métaphorique et symbolique que les enfants

vont y trouver l’occasion de franchir des étapes importantes d’élaboration psychique. D’une certaine manière, ils sont la version moderne des contes de fées que Bruno Bettel-heim parait de toutes les vertus 3. » Dans son panthéon personnel figurent Fable, les Sims 4 et Ico 5, l’histoire d’un petit garçon enfermé dans une forteresse vide à cause de sa diffé-rence (une paire de cornes) et qui doit s’échap-per en emmenant avec lui une jeune fille livide

3. Bruno Bettelheim, La Psychanalyse des contes de fées, 1976.

4. Electronic Art Inc. 5. Sony Computer Entertainment

et fragile, malgré les attaques incessantes de l’inquiétante armée des ombres. « Ce jeu crée une empathie rare avec les enfants que je soigne et les aide à s’affranchir des images parentales. »

des jeux À Visée thérapeutiQue

L’étape suivante consistera à développer des jeux vidéo à visée explicitement thérapeuti-que, comme Re-mission 6 créé aux États-Unis pour les malades du cancer. Première cible, l’obésité infantile et adolescente. Ce sera l’une

6. HopeLabs

des priorités de l’Institut des mondes numé-riques que Michael Stora s’apprête à ouvrir à Paris. Hué par ses pairs il y a encore cinq ans, celui que ses collègues avaient surnommé le « psy qui console » a aujourd’hui convaincu que sa méthode fonctionne, au prix d’efforts incessants et d’une médiatisation croissante. Après plusieurs ouvrages7, la création de l’Ob-servatoire des mondes numériques en scien-ces humaines8 (OMNSH) et d’innombrables conférences, il officie comme expert auprès de plusieurs ministères dans le cadre du Plan d’éducation au multimédia (PEM). Et il a fait école. Deux de ses étudiants en thèse vien-nent de créer la toute première « consultation pour avatars » de Second Life. De quoi souffrent ces patients d’un genre nouveau ? De troubles existentiels pour sûr… ■ COnSTAnCE PArODI

7. Guérir par le virtuel : une nouvelle approche théra-peutique, Presses de la Renaissance, 2005, et, plus récemment, Les écrans, ça rend accro…, Collection « ça reste à prouver », Hachette littérature, 2007.

8. www.omnsh.org

« d’une manière générale, les mondes virtuels sont des mondes d’épanouissement de soi et de désinhibition. ils permettent un travail sur l’image de soi. ce sont de véritables “prozacs interactifs” ! »

« il existe des jeux vidéo absolument remarquables. certains possèdent une telle force métaphorique et symbolique que les enfants vont y trouver l’occasion de franchir des étapes importantes d’élaboration psychique. d’une certaine manière, ils sont la version moderne des contes de fées que bruno bettelheim parait de toutes les vertus. »

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« La particularité du jeu vidéo est le geste

interactif. L’enfant joue avec les images, les manipule, se les approprie… »

« Le jeu vidéo permet aussi

de jouer, sans culpabilité, avec ses pulsions agressives, ce qui est salutaire, notamment pour certains enfants souffrant d’inhibitions ou de blocages. »

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éléphone portable à la main, Jérôme Adam tourne, virevolte, donne le tournis. Il arpente le couloir de son appartement, règle quelques détails avec les ouvriers qui s’affairent dans son jardin, expédie un mail à la vitesse de la lumière avant de se consacrer à ses visiteurs. Si ce n’était cette étincelle espiègle, quasi juvé-nile, qu’il a au coin de l’œil, aucun signe ne

viendrait troubler l’image de l’entrepreneur conquérant. À 30 ans, Jérôme Adam a à son actif un cursus de bon élève (Sciences Po et l’Essec) et la création de deux entreprises. La première, Visual Friendly, ne comptait pas moins d’une quinzaine de salariés juste avant sa fer-meture, fin 2004. La seconde, Easylife Conseil, a fêté ses deux ans en novembre dernier. Entre les deux, Jérôme a coécrit, avec Patrick Blanchet, Entreprendre avec sa différence, un livre qui s’apparente presque à un manuel du bonheur… L’important, écrit-il, c’est d’aller au-delà des apparences pour dénicher et encourager le talent. Il faut « croire en son étoile », « foncer » et trouver un équi-libre professionnel et privé en acceptant ses différences et celles des autres.

Une autre façon de voir les chosesParmi les différences de Jérôme Adam, il y a la cécité qui l’a frappé à l’âge de 15 ans à la suite d’une tumeur au cerveau. Puisant dans ses réserves d’optimisme et de volonté et avec l’aide de ses proches, il a appris à vivre avec. Et a su l’utiliser pour développer des qualités essentielles à un entrepreneur : par la force des choses, il délègue facilement, instaure un climat de confiance et réagit à l’instinct. Il a également réussi à rendre son han-dicap tout petit aux yeux des autres. Et sans l’étrange voix synthétique qui s’échappe de temps à autre de son PC, l’observateur distrait ne remarquerait presque pas sa

t cécité. Jérôme Adam, lui, perçoit rapidement la confu-sion et s’amuse gentiment à déstabiliser l’étranger sur-pris de tant d’aisance. La dédramatisation a participé au processus d’acceptation de son handicap. Il se souvient qu’à l’Institut des jeunes aveugles – une parenthèse de deux ans au cours de laquelle il a appris les réflexes essentiels – les étudiants chamailleurs se donnaient sans vergogne du « bigleux » dans les couloirs.

Né dans une famille de viticulteurs champenois, il s’engage naturellement sur la voie de l’entrepreneuriat. Son passage aux États-Unis, dans le cadre de ses études à l’Essec, va marquer ses choix professionnels. À l’AB Freeman School of Business de Tulane University, il découvre « une autre façon de voir les choses », devient pragmatique, apprend à répondre à une question précise par un simple « yes or no », à ne pas se perdre en conjec-tures. Il se familiarise avec le concept du « friendly », qui désigne tout ce qui est convivial, facile d’accès et d’utilisation. Lors de sa deuxième année de Sciences Po, un stage au sein des Laboratoires Vichy l’avait ini-tié à la notion d’accessibilité. Il avait alors imaginé un serveur vocal qui donnerait aux handicapés visuels explications et conseils sur les produits cosmétiques. Très vite, Jérôme propose d’élargir ce champ d’action : pourquoi se limiter à une cible déterminée quand ce service pourrait simplifier la vie du plus grand nombre ? L’idée de faire du handicap une source d’innovations pour une multitude de personnes – il rappelle que la télécommande a été inventée pour les tétraplégiques – devient l’axe central de sa réflexion.

Des sites accessibles à tousQuand Jérôme Adam revient en France, fin 99, le web offre un marché évident et prometteur. Avec trois asso-ciés il monte Visual Friendly. Objectif : améliorer l’ac-

cessibilité des sites Internet, simplifier la lecture des pages web (avec des polices plus grosses, des liens plus évidents, des contenus plus rationnels) et, in fine, faciliter la vie de tous les internautes. Des recommandations techniques internationales pour l’accessibilité ont été publiées en 1999 par la Web Accessibility Initiative (WAI) du World Wide Web Consortium (W3C). La France, pour sa part, après avoir développé son propre référentiel, a adopté en 2005 une loi obligeant tous les sites publics à se conformer à ces recommandations dans un délai de trois ans.

Jérôme Adam et ses amis de Renaissance numéri-que – une association regroupant environ quatre-vingts experts et dirigeants de l’Internet français – attendent toujours la promulgation du décret... Pour lui, seule une approche industrielle pourra faire bouger les choses, le handicap mis en avant par les associations ne suffi-sant pas pour convaincre de l’intérêt de l’accessibilité numérique. Car les décideurs sont avant tout sensibles aux arguments économiques : un site accessible permet à l’internaute d’acheter trois fois plus vite un produit, améliore le référencement, facilite les mises à jour et, par conséquent, réduit les coûts. L’accessibilité ouvre également plus facilement le marché de l’Internet à l’important contingent des seniors.

Pendant quatre ans, Visual Friendly réussit à tirer son épingle du jeu. Avec son logiciel Label Vue – qui

permet à l’internaute d’adapter l’affichage des pages web à ses besoins particuliers – la société conquiert des clients comme la RATP, Nestlé et Nouvelles Fron-tières. Mais, arrivée trop tôt sur le marché et affaiblie par quelques erreurs stratégiques, elle doit déposer le bilan fin 2004. Pour autant, Jérôme Adam ne baisse pas les bras. Il a pour lui sa jeunesse et affirme être « toujours naïf ». Une naïveté grâce à laquelle il reste à l’écart de l’immense bataillon des velléitaires, et peut continuer d’entreprendre sans peur de l’inconnu. La lucidité, il l’acquiert avec l’expérience. Il cite Churchill pour qui « le succès consiste à aller d’échec en échec sans jamais perdre son enthousiasme ». Quelques voyages, un saut en parachute et un livre plus tard, il monte Easylife Conseil en 2005 et s’associe en 2007 à un ingénieur, Flo-rence Daumas. Sa nouvelle société assure des services (comme la mise en place d’une politique d’accessibilité numérique dans les grandes entreprises) et la réalisa-tion de produits (le boîtier électronique Easymetros qui permet de connaître très facilement son itinéraire de métro) liés à l’accessibilité.

S’il fait part de ses difficultés de financement, Jérôme Adam n’a pas perdu une once de son enthousiasme. Et demeure avant tout, comme on peut le lire dès les premières lignes de son site Internet, « un aventurier » pour qui « entrepreneur rime avec bonheur ». ■CArOLInE MArCELIn

CLairVoyanT

jérôme adam, 30 ans, entrepreneur spécialisé dans l’accessibilité numérique. Aveugle depuis l’adolescence, il entend faire du handicap une source d’innovations pour tous. < portrait >~~~~~~~~~~~~~~~~ _•

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jérôme adam en QueLQues dates

• 1977 : naissance à reims • 1992 : perte de la vue • 1992-1994 : Institut

national des jeunes aveugles

• 1995-1998 : Sciences Po • 1998-2000 : Essec • 2000 : création de Visual

Friendly• 2005 : reprise des actifs

de Visual Friendly par Kinoa - Création de Easylife Conseil Cours à Sciences Po « Être entrepreneur aujourd’hui » (avec xavier Monmarché)

• 2006 : sortie du livre Entreprendre avec sa différence (avec Patrick Blanchet)

• 2007 : association avec Florence Daumas – Prix du livre d’entrepreneuriat.

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2.2_regards sur le numérique 2.2_regards sur le numérique

38rePères

39Lu

au troisième trimestre 2007, 57 % des Français sont des internautes*, une population qui a progressé de 23 % en deux ans.

L’équipement numérique des foyers français

L’équipement en ordinateurs poursuit sa lente progression (+ 10 % des foyers en un an), talonné de près par l’équipement en appareils photo numériques, qui augmente beaucoup plus rapidement (+ 18 %). Le haut débit continue à gagner du terrain (+ 20 %), en partie grâce aux « box DSL » que possèdent aujourd’hui plus de 8 millions de foyers, et qui expliquent l’essor spectaculaire de la téléphonie sur IP (+ 46 %).

14,9 millions de foyers français sont équipés d’un ordinateur, soit 58 % des foyers.

* On considère comme « internaute » toute personne de plus de 11 ans s’étant connectée au moins une fois au cours du dernier mois.

e n juillet 2005, le gouvernement labellisait 67 pôles de compéti-tivité ou clusters. On en compte

aujourd’hui 71. Le principe : adapter à la France le modèle de la Silicon Valley, en encourageant le regroupement d’activités économiques et de recherche d’un même secteur sur un territoire donné.Publié mi-janvier par quatre économis-tes de renom, l’opuscule Les pôles de compétitivité : que peut-on en attendre ? va à contre-courant de l’enthousiasme qu’a suscité cette politique. « Malgré les nombreux rapports (…) visant à promou-voir les clusters, la logique économique à l’œuvre est rarement analysée au-delà des références obligées à la Silicon Valley », écrivent-ils, en rappelant qu’il existe très peu d’exemples réussis de politiques de ce type.

Le raisonnement des auteurs est d’une grande clarté. Pour eux, l’idée fondatrice des pôles - à savoir que le regroupement

d’entreprises d’un même secteur génère des gains de productivité - est juste. Les clusters se constituent d’ailleurs souvent de manière naturelle. Mais faire jouer la puissance publique, à grand renfort de subventions, pour tenter de doubler la taille de ces clusters n’a, en revanche, que peu d’effets économiques. Pire, ces poli-tiques pourraient se révéler néfastes en faisant courir le risque d’une trop grande spécialisation à des régions, qui devien-draient ainsi tributaires du destin d’un secteur. Par ailleurs, rappellent les auteurs, une politique uniforme priverait les terri-toires défavorisés de toute chance d’attirer des entreprises en jouant sur des salaires et des prix fonciers plus faibles. Conclu-sion : il faut développer des instruments d’intervention publique plus appropriés qu’une politique centralisée de création de clusters, visant d’abord à réduire les freins gênant leur expansion naturelle, tels que, en France, la faible mobilité des travailleurs.

gilles Duranton, Philippe Martin, Thierry Mayer, Florian Mayneris, Les pôles de compétitivité : que peut-on en attendre ?, Collection du CEPrEMAP/ Éditions rue d’Ulm, 84 pages, 5 € TERRITOIRES

Conçu par la Caisse des dépôts en partenariat avec l’Association des régions de France, ce septième cahier pratique dresse un état des lieux de l’économie de l’immatériel et propose des pistes pour améliorer la compétitivité numérique des territoires.CDC, ArF, Compétitivité numérique des territoires, la Documentation française, 168 pages, 15 €

wIkIPÉDIAL’enquête d’un groupe d’étudiants du master de journalisme de Sciences Po sur l’encyclopédie en ligne Wikipédia. Très bien documenté et sans parti pris, l’ouvrage remet en cause

la méthodologie et les conclusions de l’étude publiée par la revue Nature, en 2005, qui fit grand bruit en proclamant que Wikipédia était aussi fiable que l’Encyclopædia Britannica. Il explore les rouages du fonctionnement collaboratif, expose les risques d’erreurs et de manipulations, s’interroge sur la place de Wikipédia

par rapport aux encyclopédies traditionnelles et, en conclusion, donne quelques pistes pour devenir « wiki-intelligent ».P. gourdain, F. O’Kelly, B. roman-Amat, D. Soulas, T. von Droste zu Hülshoff, La Révolution Wikipédia, Mille et une nuits, 142 pages, 12 €

MÉTA-MORPHOSESLe regard du psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron sur les métamorphoses que les nouvelles technologies - on y trouve, pêle-mêle, le téléphone portable, la télévision, Internet, les jeux vidéo, les sites de rencontres… - ont induites dans nos vies.Serge Tisseron, Virtuel, mon amour, Albin Michel, 227 pages, 17 €

PôLES DE COMPÉtItIVItÉ

La PoLiTiQue Des CLusTers en QuesTion

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jérôme adam

Clairvoyant

< panoramiques >Peinture expérimentale, design, imagerie numérique…

Tour du monde de la création numérique

< en bref >

L’aCTuaLiTé De La soCiéTé

numériQue