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LETTRES DE MICHEL OHL à Philippe Billé Dans cette transcription, les énoncés (entre parenthèses) sont de Michel, ceux [entre crochets] sont de moi. Dans les références à mes publications, j'ai utilisé les abréviations Ld pour Lettre documentaire et Jd pour Journal documentaire. Dans la signature, j'ai transcrit horizontalement les trois lettres O H L, que Michel disposait le plus souvent verticalement. Brdô, jeudi [2 juin 1988]. Muy Felipe mío! vif merci des lettres et de Céline... Et de ton invitation. Je tenterai de venir. Mais, comme dit Dickens je ne sais où : «Quant à former des plans d’avenir, j’aurais aussi bien pu former un éléphant». J’ai retrouvé l’autre jour un «Errata» de Sacripants! en faisant le ménage. Le voici. Amicalmente. Mikhaïl Ivanovitch O H Le roseau pesant Brdô, mercredi [8 juin 1988]. Cher Philippe, quelques petites chosettes de Schéol – et il ne te manquera plus que le spicilège de Giraudet. + Anes et âmes de Claude Mauriac : il ne cite que de brefs passages de ma lettre, mais je l’ai oubliée. J’ai oublié aussi le très alléchant catalogue Fous à lier / lire / relier / relire chez toi : j’espère que c’est chez toi, parce que j’ai continué la Fête-Dieu ce soir-là. J’ai dû inscrire de bien pauvres dédicaces. Enfin, c’est comme ça, on n’y peut rien, c’est la vie, et voilà. Amicalmente Miguel O H L’homme à l’âme âcre et au coeur faux Le 17-6-88. Cher Philippe, vif merci des photos! Voici missive du grand Nougaro, la seule qui restait dans les archives de ma Maman. L’enregistrement est plutôt nullâtre... Nonobstant, je l’ai filé à mon ami musicien. Il doit noter les chansons, chansons d’inspiration Mastok et peut-être les agrémenter d’un accompagnement. Je me tire à Mimizan-Bière pour The lost week-end (c’est le titre d’un livre «terrible» sur l’alcool(isme) d’un certain Jackson, livre que j’ai perdu voici 15 ans). Amicalement à toi O H L’homme à l’âme amère bises à Sonia et Samuel [23 juin 1988]. Six chansons Mastok : La Complainte du Boucher Petit Caca Noël Sur l’air du «Régiment de Sambre-et-Meuse» 1

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LETTRES DE MICHEL OHLà Philippe Billé

Dans cette transcription, les énoncés (entre parenthèses) sont de Michel, ceux [entre crochets] sont de moi. Dans les références à mes publications, j'ai utilisé les abréviations Ld pour Lettre documentaire et Jd pour Journal documentaire. Dans la signature, j'ai transcrit horizontalement les trois lettres O H L, que Michel disposait le plus souvent verticalement.

Brdô, jeudi [2 juin 1988].Muy Felipe mío!vif merci des lettres et de Céline...Et de ton invitation. Je tenterai de venir. Mais, comme dit Dickens je ne sais où : «Quant à

former des plans d’avenir, j’aurais aussi bien pu former un éléphant».J’ai retrouvé l’autre jour un «Errata» de Sacripants! en faisant le ménage. Le voici.Amicalmente.Mikhaïl Ivanovitch O H Le roseau pesant

Brdô, mercredi [8 juin 1988].Cher Philippe,quelques petites chosettes de Schéol – et il ne te manquera plus que le spicilège de Giraudet.

+ Anes et âmes de Claude Mauriac : il ne cite que de brefs passages de ma lettre, mais je l’ai oubliée. J’ai oublié aussi le très alléchant catalogue Fous à lier / lire / relier / relire chez toi : j’espère que c’est chez toi, parce que j’ai continué la Fête-Dieu ce soir-là. J’ai dû inscrire de bien pauvres dédicaces. Enfin, c’est comme ça, on n’y peut rien, c’est la vie, et voilà.

AmicalmenteMiguel O H L’homme à l’âme âcre et au coeur faux

Le 17-6-88.Cher Philippe,vif merci des photos! Voici missive du grand Nougaro, la seule qui restait dans les archives de

ma Maman.L’enregistrement est plutôt nullâtre... Nonobstant, je l’ai filé à mon ami musicien. Il doit noter

les chansons, chansons d’inspiration Mastok et peut-être les agrémenter d’un accompagnement.Je me tire à Mimizan-Bière pour The lost week-end (c’est le titre d’un livre «terrible» sur

l’alcool(isme) d’un certain Jackson, livre que j’ai perdu voici 15 ans).Amicalement à toiO H L’homme à l’âme amèrebises à Sonia et Samuel

[23 juin 1988].Six chansons Mastok :La Complainte du BoucherPetit Caca NoëlSur l’air du «Régiment de Sambre-et-Meuse»La Chanson des GoetheLabouheyre’s boogie-woogie bluesBallade des Amis d’Ohl (avec musique)

Philippe,voici les chansons. Manque «Mauriac François» qu’a J.-M. Faubert. J’ai coup-de-filé à mon

copain musicien. Il me donnera musique et accompagnements fin de semaine prochaine. Dès lors je te les envoyerai. A moins que nous ne jetions tout ça aux ch.....s? [ce que nous ferons en effet]

Sobremento – amicalementO H Le tragique Ohl Mick

Bor. de Mer. [30 juin 1988].Philippe,je t’envoye peut-être pas très-raisonnablement le «nécessaire à montage» de Mastok. A la

réflexion l’intitulé Chansons Mastok n’est pas trop mal (il faudrait joindre le montage que tu pourrais refaire si possible). P. Sauboua a du mal à noter mes chansons. Je ne sais quand j’aurai les résultats

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de sa besogne. Je te donne son adresse [... rue de Grassi ...]. Pour la cassette ça risque d’être très-long.

Je ne sais pourquoi chaque fois que je vois le critique de cinéma Jean-Loup Demangeat je me sens tenu de l’agresser...

AmicalementBonnes vacancesO H L

[19 juillet 1988].Cher Philippe,merci de ton pli de Bergerac. Voici méchante photocopie d’un «papier» paru cette semaine

dans un magazine de libraires : extrait du Colloque au Schéol’s Bar (photo prise au Schéol’s Bar, bistrot sublime aujourd’hui remplacé par un « restaurant à fondues») [Entretien avec Eric Audinet].

Faits d’été : séance à la gendarmerie de Mimizan le 14 juillet dans la nuit (> ivrognerie), engueulo, et retour en fourgon à la datcha «La Névroseraie» pour vérification d’identité. Je me suis senti rajeunir. «Assez nullâtres» l’entretien et le fait d’été, ça rira mieux du côté de l’automne.

AmicalementShabby Hill O H L

Brdô, mercredi 27 [juillet 1988].Cher Philippe,Narcisse continue de t’envoyer ses ecbolades... joli mot cadeau de Littré Emile.Ici, fredaine freudienne d’un goût très-sûr [«Mon premier Noël»], que j’ai modifiée et reprise

dans ma «ripopée en quête d’éditeur». (Il y avait une chouette illustration que je ne trouve plus.)J’écris un peu (1/2 heure par jour environ)... un recueil à l’intention de Plein Chant intitulé L’an

Pinay (1 an Pinay = 1 siècle ancien – ou siècle lourd). Je cherche des titres ou des passages de poèmes que je pourrais convertir – ex. : La Légende des siècles, Vingt ans après, «Passent les jours et passent les semaines» (Si tu songes à des titres ou passages convenables note-les tu seras gentil)... C’est assez compliqué côté poétique car : 1 jour ancien = 14 ‘ 24 ‘’ Pinay. 1 semaine lourde = 1 h 40 ‘ 48 ‘’ Pinay. Quant à l’histoire qui s’appellera «L’an Pinay», je ne l’ai pas encore commencée.

Pas de faits marquants. D’inanes beuveries déclenchent le populaire «réflexe de paf-love»...Je me souviens très-bien de [Iker] Bosque [qui venait de se suicider] – seule et unique

rencontre...J’ai pensé l’autre soir dans un rade que j’aurais pu appeler «Mai gris» : «Mai de mes deux».

C’est la faute à la bière et au gros blond (le soleil selon J. Renard).AmicalementMikhaïl Ivanovitch O H Le ?A Sonia souvenir, à Samuel bise de tonton Michel, Old Mick le diable boit-tout

24 VIII 88.Cher Philippe,voici documents, «mon fondamental sirop d’ananas» est pris à Dickens, et les mouettes qui

ont l’air de s’appeler Emma, à Morgenstern.Je reste caché au logis sous Esperal (le merdicament anti-cuite qui «rend chèvre» :

Esperalda!), lisaillant un livre (pas excitant) à cause de son titre : Sheol (Présence du Futur).Esperalda ne me rend pas loquace...Amitiés d’O H Le je ne sais quoi

5.IX.88.Muy Felipe mío,je me musse encore quelque temps rue Jean-Soula. Tu peux à l’occasion m’y venir voir... Ou

m’envoyer copie de la «flaque [d’eau signée Jésus-Christ]». Je serais curieux de jeter un oeil sur les «populaires couplets».

Nous préparons la «renterrée». En réalité je prépare rien du tout et reste allongé à lire et dormir 14 minutes Pinay par jour léger. Mes rêves se déroulent dans mes bars de prédilection et je me réveille quand je tombe ivre mort.

Pour effacer cette impression de morosité que doit donner ma missive je joins un poème très-gai sur le non-être de Dieu [extrait de "Le roi sans fou"].

AmicalmenteMiguelito O H L (autor out du Sud-West)

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Bises à Sonia et Samuel(Mon frère libraire a fait récemment ses débuts littéraires...)

[19 septembre 1988].He aquí llaves. [Il avait envisagé de me prêter son studio de Caudéran?]Ces llaves-là ont provoqué froncement sourcils Lise. Laquelle pensait qu’il s’agissait des clés

de l’appart’ d’une petite amie.Mastoc vient selon Robert de Mastochs, allemand, «boeuf à l’engrais». Je crois que j’ai omis

«mastoc» dans la Postface du Spicilège tristachyé où il est beaucoup question de boeuf.J’ai tenu 17 h sans fumer, inclus sommeil de 8 heures.En ce moment, j’essaye de pas pinter.Ce genre de sport est du + haut ridicule mais, bon...AmicalmenteMiguel O H Le faux jeton ballot

Bordeaux, 30.9.88.Felipe,je t’envoye la photo d’une carte que je poste tout à l’heure en même temps que la présente

lettre. Au dos de cette carte une très-belle photo de Jarry à vélo, que j’ai eu la flemme de photocopier, elle.

A propos de vélo, j’avais songé autrefois (après la fameuse trouvaille VELO LOVE) à un salut que pourraient échanger deux cyclistes se croisant :  AVE! + HELLO! = AV’HELLO!!

J’essaye d’écrire une horrible histoire genre «Flaque d’eau» à partir de ce «radis policier» - mais ça ne marche pas.

Nicolas (fils) a l’air intéressé par cette histoire de radis. Nous allons en construire un. J’espère que je ne pose pas les jalons d’une folie future!

Amicalement à toiMichel O H Le Sire Camard

Mimizan-Bière, Datcha «La Névroseraie», jeudi [27 octobre 1988].Muy amigo mío,petite séjournée landaise. Recueillement et fleurs sur les tombes. L’ambiance «délectation

morose» m’a inspiré un poème nostalgique :«Je t’ai dans la peauEt je t’en sors selleAu fond de mon potDe nuit ô Marcelle!»Je rejoins Bordeaux pour le Jour des Morts.Le radis le plus ouvertement policier est le radis rose à bout blanc «Dupont-la-Milice».AmicalmenteMiguel O H Le bousanthropeBises à Sonia et Samuel

[4 novembre 1988] 11 h 15 ‘Philippe,mot écrit au bar prochain. Ai rendez-vous 15 h Guy-Marie Grassi. Y serai 14 h 30 après

déjeuner con hermano. Si tu pveux venir. Ai +ieurs choses à te demander rapport langue anglaise. Dessin dos pli dû Eyquem. Stylo bistro ‘bsolument nul. Amical

Mikhaïl O H L

Mimizan, [12] novembre [1988].Cher amigo,les Gardiens du Schibboleth ne m’ont pas invité. D’ailleurs je reste au bord de l’Océan deux

heures Pinay environ, pour faire le point. A moins que je n’écourte mon séjour, évidemment.Ci-joint coupure presse Présence Panchounette.Pas de poésie aujourd’hui : «On n’écrit point de poèmes tous les jours / Car il y a des jours où

il faut que l’on chie / A pleins tuyaux.» Scutenaire.Amicalmente,O H Le bousanthrope.

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Mimizan-Bière [15 novembre 1988].Philippe,je t’envoie la petite couillonnade que la revue ésotérique Quête n’a pas voulu publier dans ses

colonnes [«Balzaciens du monde»]. Tu verras que ça ne pisse pas loin. Mais ça fera partie, nonobstant, de la «pathopée cuculisante» destinée à Plein Chant : L’an Pinay, que j’écris en ce moment. (Pas aujourd’hui : aujourd’hui je vais boire quelques godets encourageants.) [...] J’ai songé, car je colle de plus en plus à l’actualité sociale, à un essai intitulé «L’effet salaire à l’hôpital». Affaire à suivre. A bientôt.

O H Le bousanthrope

97e anniversaire (léger) d’A. Pinay [30 décembre 1988].Cher Philippe,j’apprends ce matin dans Sud-Ouest que le vendredi 13 je fais une performance au Molière en

compagnie d’A. Reyes et d’autres régionaux. J’ignore encore si j’irai me voir. Je le saurai le 13. Mais ça m’étonnerait fort (que j’allasse m’y voir).

A propos de soirée : le 7 Alain Moïsés en donne une chez lui à 21 h 30. Il m’a dit au téléphone de t’en parler à l’occasion. Ne sais si j’irai.

Pas de Mimizan. Et pourtant un ami slavisant m’y attendait avec un seau de vodka. J’ai eu un peu peur peut-être.

Meilleurs voeux pour 89.Bises à Sonia et Samuel.AmicalementO H Le bousanthrope

Brdô, 10.1.89.Cher Philippe,voici des «stars» pour l’hiver. Ces listes me donnent toujours le vertige. Vertige qui passe

assez vite, d’ailleurs. En ce moment j’essaye d’apprendre par coeur la liste des Prix Goncourt, et celle des vainqueurs du Tour de France, épreuves nées la même année (1903).

1903 – Nau – Garin 1904 – Frapié – Cornet1905 – Farrère – Trousselier1906 – (Les) Tharaud – Pottier

etc. J’en suis à 1910 (Pergaud – Lapize). J’ai commencé hier. Quand je saurai tout ça sur le bout du doigt, c’est alors que j’épaterai l’assistance lors des soirées mondaines ! Un complice amènera le sujet là-dessus et hop! 1937, déjà? Plisnier, Lapébie!

Je continue de me morfondre rue Jean-Soula. Ne sais quand vienderai te vous voir.AmicalementMichel O H L’homme atteint côté coeur

Borideaux de Paupières de Veaux [14 janvier 1989].Amigo,pas de lettre de Gombrowicz au directeur del Banco Polaco, ni dans le Cahier de l’Herne ni

dans le livre de Rita. (S’agit-il bien d’une lettre à Julius Nowinski?)Pierre Ziegelmeyer, directeur de la collection «La tête reposée», m’écrit au sujet du Grand

Bi(centenaire) (serais curieux de savoir en quelle année a été inventé le grand bi?) Il lance l’idée de la «robe Espierre qui fait les seins justes».

Et moi je songe à un dessin représentant «Victor Hugo mettant le dernier pied à Dieu». Mais je n’ai plus ce dernier pied. J’ai «étudié» Dieu en fac, mais je l’ai vendu par la suite pour m’acheter du whisky. C’était le bon temps. J’avais vingt ans et des poussières.

AmicalementO H L’homme qui se penche sur son passé et qui s’y voit reflété dans une flaque de pipi

Bord. de Mer. 27.1.89.Muy Felipe mío,les quatrains [dans la Fazenda modelo de Chico Buarque] sont sacrément difficiles à

«rendre». Pour Q3, si j’ai bien compris, un seul aspect du «troca-troca» intéresse Du-Patron. Les vers 3 et 4 exprimeraient donc la même chose. Il existe une expression qui correspond à ce «troca-troca» : faire chou pour chou. Du-Patron veut faire chou pour chou en offrant le sien (de chou), mais c’est un tricheur, et il n’a pas tellement envie d’inverser les rôles. Pour «se faire enc....» nous avons : «se faire

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tarauder la bagouse», «lâcher du (ou donner du) rond, du petit, du dos, de l’oigne, de l’oignon, de la rondelle...» Pour «cul» : fion, troufignon, et pourquoi pas «fignon» (Fignon > pédale > Trou de France, pardon...). Un pédé : une fiotte, un emmanché, enfifré, enviandé, emprosé, etc. etc. etc. à l’inf. à l’inf.

Je m’inspire du réjouissant livre (de poche) de Boudard et Luc Etienne : La méthode à Mimile.Caradec, d’après ce que je sais, n’a pas une «âme essentiellement oulipienne», malgré sa

passion pour Roussel. Il est de la vieille garde des amoureux d’Alphonse Allais, des petits vieux bistrots en voie de disparition, et des chansons de Dranem. (Paragraphe un peu obscur – tout ça pour te dire que je trouve parfois aux oulipiens un côté un tantinet... ch...t!)

A propos : voici l’épigraphe que je tire de Leo Lipski pour L’an Pinay : «- Aux waters ! Uniquement aux waters ! Il n’y a qu’une seule liberté et elle est dans les waters ! Vive, à jamais vive ! Je veux y aller, j’y vais, moi, sur-le-champ... » ... Bien sûr, on ne peut à partir de ce fragment reconstituer l’oeuvre (comme un savant reconstituerait un diplodocus en partant d’un superétron momifié...) (Je te passerai Piotrus dès que possible.)

D’après la récente lettre de voeux d’Edmond Thomas (PDG de Plein Chant) la parution de ma «pathopée cuculisante» n’est pas pour demain. Il a beaucoup de travaux à achever avant de s’y attaquer. Edmond (mon éd., pardon !) est un type qui doit travailler 55 heures par semaine, sans doute beaucoup plus... J’ai rencontré chez lui des «fous de livres» auprès desquels je suis un gentil lecteur du dimanche...

Bueno.En 75, je m’étais mis en tête d’étudier le polonais. J’ai acheté une méthode, et je m’apprêtais

à prendre contact avec une Polonaise de la fac, via Kalinine... et puis j’ai noyé toutes ces inanes velléités dans un Atlantique de bière... (rapport lointain avec le passage sur John M. Bennett de ta lettre...)

L’Edmond de tout à l’heure me signale que 1989 est l’année du centenaire de la Suze, breuvage que j’ai aimé et pratiqué dans les années 70, lors de ma période dite «pyrénéiste». Je crois que la Suze mérite une lettre au Courrier des Lecteurs de Sud-Ouest. Mais je ne sais rien d’elle d’un point de vue historique. Quel est le génie inventeur? par exemple...

Je vais peut-être aller ce vendredi à la recherche du dernier pied de Dieu. Et si c’était Dieu? Alors là je rigolerais, crois-moi ! mais je ne saurais pas pourquoi... (C’est un paragraphe qui veut faire croire qu’il est profond. Mais ne serait-il pas tout simplement cucu ?)

Je verrai si à Mimésis la doublette François-Frérot te traite avec suffisamment d’égards.(Je suis un tout petit peu excité depuis l’anesthésie générale d’hier qui m’a rappelé

intensément le temps des intra-veineuses précédant les électro-chocs. On se sent délicieusement partir. Ca dure 2, 3, 4 secondes... Mais «électro-choc» est un mot qui n’existe plus. Il a été remplacé par «électro-narcose», «sismothérapie», «électro-thérapie».)

Stop. Aphorisme finalo-révolutionnaire : Tout compte fait !AmicalementMichka O.

10.2.89. Mimizan-Pli.La scieuse de seigle du premier plan me fait penser à la cultivatrice de Hugo «dont je voyais

la première syllabe». Ce doit être dans Choses vues, ou peut-être Pierres, je ne sais plus. (Un des rares souvenirs de mes Etudes de Lettres.)

Je renonce à la performance oulipienne pour les USA !Deux titres éventuels tirés de Love Boat III de Fitzgerald : Pleurnicheries au fond des

limousines, L’homme au sourire de cicatrice.Une embarcation franco-britannique prenant l’eau : bato-boat.A 10 km à vol d’ortolan de Mimizan, le grand orientaliste Jacques Berque traduit le Coran

dans sa demeure de Saint-Julien-en-Born (cf Libération du jeudi 9).Lettre d’un Michel qui n’a même plus un carat (0,2 g) d’âme, pas même un grain (0,053 g), ne

parlons pas de scrupules (1,27 g) ! (La sobriété y serait-elle pour quelque chose ?)Amicalement à toiBises à Sonia, SamuelO H L’amer Michel

9 mars 89.Merci de ton courrier... Je ne pige pas très-bien la dernière phrase de Daniel...Nicolas est malade. Rougeole? Il est «galopé de fièvre» (Zola).Je lis Cinq-Mars de Vigny en quête d’allusions à la nuit du 5 mars 1946 (j’ai vu le jour le 5

décembre).

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Impossible d’écrire correctement sur ces cartelettes-là.AmicalementMichel O H L (Rut-de-Boeuf)

La Mauriacqueuse, [25 mars 1989].Où aboutirai-je si n’êtes à Bergerac ?Au dos les ruines de la décennie passée au Palais-Gallien, Pal’ Gall’ pour les intimes.Laïdeur (nouvelle orthographie).Mon poteau mystique J.-C. Suffran m’ayant tenu la jambe tout au long de ce saint vendredi,

ne pus venir rue du Mulet.Il m’a dit qu’un jour d’extase un aveugle lui avait fait traverser une rue à Paris.Une phrase de Thomas Bernhard : «A l’auberge peut tomber un mot qui peut faire de moi

celui que j’ai été il y a vingt ans.» (Gel)Amitiés de Mikhaïl O H L

La Mauriacqueuse [14 avril 1989].J’ai oublié de te signaler ceci (renseignement fourni par Daniel, cf Fnac) : J. Bernar (un ami de

Daniel) prépare(rait) une expo sur «l’Art et les étiquettes de vin». J’ai pensé à Huitaine.Je continue à ne rien faire.Peut-être t’enverrai-je un jour un calligramme pour ton Manuel. J’ai des mains et des pieds

ridiculement petits, comme Jarry et Grabbe, et mon grand-père officier de marine d’extrême droite, qui était aussi un fier buveur.

Comme tu vois je ne suis guère inspiré. Et j’ai peur que l’ange Abaddon ne profite de cette saison atone pour me précipiter définitivo au royaume des ombres.

As-tu songé à un opuscule de lettres de Gombrowicz, avec commentaires de Vitek... (J’ai quelques bookins qui pourraient l’aider.)

AmicalementMichka OBises à Sonia et Samuel

La Mauriacqueuse, samedi [22 avril 1989].Cher Philippe,he aquí quatrième et ultime livraison [«Tourguéniev fait mouche»] de ma série «Les écrivains

et la pêche». Guy-Marie n’est + rédacteur et la Revue de Pêche à la Mouche «prend une nouvelle orientation», comme disent les gens. Tu verras une fine allusion à l’affaire Gregory, et un poème tiré d’Entre devins légèrement remanié pour la circonstance.

La soirée de merdredi dernier : une belle «gnagne» (les Landais appellent ainsi la «cuite») digne de la grande Epoque, que j’ai sans doute intérêt à ne pas rééditer trop souvent...

J’attends des nouvelles de la revue, et peut-être celle-ci, ou toi-même en personne.J’ai bien envie de quelques jours seul à Mimizan, c’est peut-être un peu risqué...AmitiésMichel O H LBises à Samuel et SoniaPS’t : j’ai pensé que peut-être j’avais lu certains des auteurs polonais dont parle Gombrowicz

(j’ai un petit rayon polak dans ma bibli : livres parus entre les deux guerres Q1 et Q2, et aujourd’hui difficilement trouvables).

[26 avril 1989].Cher Philippe,j’espère que je n’ai pas sorti trop d’âneries, mardi?J’ai lu L’homme des bois. Je ne comprends pas très bien «où il va»... Je suis indécis à son

sujet...Veux-tu que je te le renvoie – ainsi que les autres documents?Ci-joint petit texte dont je te parlai dans le temps, extrait de la ripopée fantôme Petchenègues.Je pars ces jours-ci à Mimizan.AmicalementMikhaïl O H L

Mimizan-Pli, datcha «La Névroseraie» [mai 1989?].Philippe,

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voici donc la famille Fenouillardoff au bord de la Mer. Cette nuit il a plu à Dieu de pleuvoir pour nous rappeler à tous sa puissance. C’est sa façon à Lui de Se fondre dans le paysage.

Au haut de la page, l’école d’Onesse en 1955-56 [photocopie de la photo de classe, avec explication des signes de repérage placés sur le front de certains élèves, parmi lesquels Michel lui-même, son frère Bernard, et ...] Mireille Lespessailles, premier amour (il est question de son papa, maire d’Onesse aujourd’hui mort, à la fin des «Oreilles fanées», je crois, dans Sacripants! Avant de mourir, Jeannot Lespessailles avait écrasé accidentellement l’instituteur avec sa voiture, et pris Renée Dupouy pour maîtresse, au grand scandale de la ruralité landaise). Jean Lataste est de nos jours dentiste à Hagetmau. Mon frère aîné Bernard a une «jolie situation» à Bordeaux, et il lui arrive de dîner, voire déjeuner, avec les plus fameux édiles de cette ville. Quant à Aline Berque, je ne crois pas qu’elle soit apparentée à l’islamiste du même nom... J’ai eu tout à l’heure une vision. Toute la famille est réunie au chevet du père mort. Et l’idée irrépressible de danser la ronde autour du lit surgit. Alors on détache le lit du mur, on le place au milieu de la pièce, et la ronde commence...

Voilà. Je resterai à Mimizan-Bière jusqu’au 8 mai. J’ai déjà un petit avant-goût de vodka sur la langue.

AmicalementMikhaïl Ivanovitch O H L’apôtre de la non-volence

Ascension [5 mai 1989].Cher Philippe,la revue est arrivée à bon port. Tout ne m’est pas d’une absolue clarté... (le «Manifeste du

recyclage»), je commence à entrevoir osé-je dire l’art de la photocopie.Rudes journées à Mimizan-Bière. Mardi (+ mercredi) «la plus bell’ cuite de ma vie» comme dit

l’homme-de-peu-de-foie (Serge Gainsbourg).Je regagne lundi La Mauriacqueuse si Dieu le veut.J’ai eu la vision d’un fermier jaillissant hors de sa porcherie, levant les bras au Ciel et hurlant :

«LES COCHONS SONT DETRUITS !!»AmicalementMichel

Corbeaux-sur-Garogne [29 mai 1989].Cher Philippe,si je vaincs mon oblomovchtchina (grosse flemmardise à la russe) je vais m’attaquer à la carte

du Pays ohl-landais : Guy-Marie m’a filé des feuilles grand format (2 x + grandes que la revue) [du A3, donc].

Dans mon dico de poche français-anglais il y a «port-folio» (portefeuille).Je lis Malherbe d’un oeil pas très dévorant et je tombe sur l’expression «siècles empennés»

(Ronsard l’employait déjà). Préfiguration de l’an Pinay ou je ne m’y connais pas. J’ai envoyé ma trouvaille à Pierre Ziegelmeyer qui est en train d’écrire une postface pour la mini-ripopée de Plein Chant (date d’apparition indéterminée).

Les élections européennes ont inspiré à Nicolas un dessin (via un calembour mien plutôt... grossier) que j’expédie, pour ne pas répéter «envoyer», ce jour à Sud-Ouest-Dimanche. Le calembour joue sur «L’Europe unie» (je te laisse réfléchir).

Voilà. (Mes lettres à propos de de Rivoyre ne recueillent aucun écho. J’abandonne ma campagne.)

Amitiés d’O H L

La Mauriacqueuse [17 juin 1989].Cher Philippe,la phrase ci-contre (C’est à Labouheyre que j’ai appris la mort de Christine de Rivoyre) est le

début d’une nouvelle que je n’ai pas poursuivie : je voulais parodier Djian qui dans son dernier recueil se désespère en apprenant la mort de Brautigan...

Je t’envoye le Spécial Mauriac : l’histoire de Linumé, je l’ai remaniée avant de la f....e dans Petchénègues. Quant je rirai (du verbe raller) à Mimizan j’essayerai de me procurer une carte d’Onesse, et l’article (écrit par le maire actuel Jeannot Pradère) vantant mon jeu de rugbyman.

J’ai envoyé à Ch. de Rivoyre «Bravo, les animaux !» avec une dédicace et une lettre de Marthe Goron. J’ai domicilié Marthe chez un copain landais d’Eysines mais il est probable que Ch. de R. découvrira la supercherie...

Ecrit itou à Su-de-Tous au sujet des animaux en général. J’ai signé Thérèse Dufranc [...] Chanson jointe à cette lettre animalière :

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Les chevaux que Mamy ferreDans la forge du hameauSont de charmants mammifèresD’adorables animaux Et de ma mère la mèreLa trop sensible IsabeauVerse des larmes amèresEn perforant leurs sabots... Cette chanson chevalièreDe soixante-treize motsChantons-la d’une voix fièreSans craindre les saligauds Que la douleur indiffèreQuand il s’agit de bestiauxAuxquels ils font des misèresEn riant d’un air idiot...J’espère te (vous) chanter cette chanson avant les vacances... (Je t’amènerai Tutuola qui te

plaira probablement.)Et je m’en vais clore cette lettre !AmicalementMikhaïl Ivanovitch O H L (Pataphysical daddy)Bises à Sonia et à Samuel.Comment se fait-il que tu n’aimes pas Ferdydurke bon sang de bois ?!!?J’ai décidé de lire ou relire tout Poe (collection Bouquins) cet été afin d’écrire – enfin – «mon»

essai sur la Mer dans Poe (veux-tu me dire comment on dit La mer dans Poe en anglais?)

Port-Saint [23 juin 1989].Petite grille d’été pour tuer un peu le temps [il m’a composé une grille de mots croisés].J’ai un peu changé la «chanson chevalière» :«Cette chanson chevalièreDe septante-quatre motsChantons-la d’une voix fièreA la barbe des salops ...»Je pars vendredi à Mimizan avec Nicolas (bus de 17 h 30). J’espère avoir la revue...AmicalementO H Le détraqué d’Onesse

Mimizan-Boche, Datchita des Cochons Secrets [8 juillet 1989]Cher Philippe,je crois que je vais faire de Hucleux mon peintre préféré. Au questionnaire de Proust j’avais

répondu : Pissarro (Pat. Baby, 1974). Les difficultés de mes rapports avec l’art n’ont fait que s’intensifier : - T’hait-on chez l’Art? – Ouais! l’Art hait Ohl! ... Après ça, il ne reste plus qu’à tirer l’échelle.

M. Delboeuf (ou –beuf) est cité 10 fois dans le gros livre de Freud sur les rêves (j’allais écrire «lèvres»). Il a écrit Le sommeil et les rêves dans les années 1880. Un rêve avec procession de lézards a particulièrement intéressé Sigmund. Mais j’ai oublié la citation de Fonseca.

Je lis Poe à petites doses. Il parodie une nuée d’auteurs aimés ou inaimés, si bien que la question s’impose : Où lit Poe ? Dans quels auteurs et aussi tant qu’on y est dans quels endroits?

Ne suis arrivé au bord de l’eau que hier. Les Allemands y sont beaucoup plus nombreux que pendant la guerre Q2...

La petite amie de mon petit frère me passe une chanson du groupe Odeurs intitulée «Petit Caca Noël» [...]. Je ne sais de quand date cette charmante chanson. L’eussé-je connue auparavant, j’eusse un poquito modifié Le ch...r fou!...

Bon.Continue de travailler courageusement.Le travail est le père de toutes les vertus.AmicalementO H Le menteur de la pleine luneBises à Sonia et à Samuel

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21.7.1989Mon brave!Nulle trace de la définition du rêve... Delboeuf, dans son joli rêve, ramasse, réchauffe et

rapporte dans leur petit trou de muraille, deux lézards raidis par le froid. Il agrémente la lézarde de quelques feuilles d’une petite fougère : «En rêve il savait que la plante s’appelait Asplenium ruta muralis...» (L’interprétation des rêves, p. 19).

Je n’ai pas les Babel, mon pôvre! Cavalerie rouge et Contes d’Odessa m’ont été prêtés par l’ami slavophile de Mimizan... Je regarderai si j’ai des textes sur lui.

Louis Nucéra me dit qu’il a droit à 25 lignes pour son article d’ohlogie... que je redoute un tantinet...

Je vais m’emparer de «fouthèse». La poésie doit être faite par tous (au sujet de Lautréamont, t’ai-je jamais parlé de mon vieux projet de conte, «Le culte de Lunéaval» : je pensais à des sectaires idolâtrant le divin comte...). Fouthèse pourrait qualifier un court récit auquel je pense : «Pie se damne» (il s’agit de Pie XII dont je ferais un nazi... ne nous gênons pas avec eux !)

Mimésis a vendu 40 Rushdie en deux jours. Le premier tirage est épuisé... Ah! si «Pie se damne» se vendait aussi bien!

Ne rêvons pas.(La mer dans Poe est en panne sèche. Ces grosses chaleurs me débilitent. Je ne peux lire

que des romans policiers.)Hier, sombre biture dont je sors les nerfs en capilotade. Attention le coeur ! Guy-Marie m’a

repêché aux Arts et ramené au logis, heureusement. Il m’a appris que la dédicataire de Visiter Ré était la soeur de la fiancée d’Audinet !! Audinet qui descend la Garogne à l’heure qu’il est – pour un nouvel ouvrage. Que pourrais-je descendre ? ou qui ? quoi ?

Bonne idée que cette «remise à jour» de la Carte du Tendre... Il faudrait que je puisse m’inspirer d’une carte du temps des Précieux-cieuses.

Quand reviens-tu à La Mauriacqueuse ? Début août je vais aller voir mon éditeur Edmond Thomas à Bassac. Le voÿage de l’année. (Je trouve voyage plus joli avec un ÿ !)

J’étais un honnête nageur (brasseur) dans le temps !!Hé oui.On dirait que Fignon a fait le trou...Stop.AmicalementO H L’homme qui se demande...

Samedi [29 juillet 1989]Je t’envoye un petit jeu gascon... [consistant à retrouver à quels 22 faux noms d’écrivains

locaux correspondent 22 faux titres d’oeuvres] Les pseudos sont tirés de L’an Pinay. Je suis un peu soûl.

Je rends la bise de à Sonia avec usure !AmicalementO H L

2.8.89Cher PhilippeIci, la m....a familial où je me vautre depuis 42 balais et quelques moutons mais dans ma

prochaine vie je serai Aventurier.J’ai serré la pince UNE FOIS à Brochier-le-Chasseur en... 1975. Et une fois il a parlé de moi,

je veux dire de Pataphysical Baby, à la téloche, lors d’une émission consacrée aux pataphysiciens (il s’agissait d’Italiques ce me semble). Le bookin n’avait pas suscité son enthousiasme !

Attendons-nous au Pire, avec ce n° du Magazine, ainsi ne serons-nous pas déçus. Telle est ma cioranesque philosophie...

C’est toi le boss, mon cher. Tes décisions ne sauraient être discutées. Si pourtant nous en discutions un peu courant août ?! Je rejoins Gros-Port le week-end prochain. Je t’appellerai au [téléphone].

Je n’ai rien fichu. Pas de carte ni d’Onesse ni du (ou de) Néo-Tendre. Lu quelques Série Noire : «L’endroit était aussi immobile qu’une photo...» (extrait de La reine d’Amérique, excellent ouvrage de Russell H. Greenan).

AmicalementMikhaïl Ivanovitch O H L

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Mimizan [4 septembre 1989, au dos de la copie tapuscrite d’une lettre envoyée à Sud Ouest sous un faux nom]

La lettre que j’ai envoyée vendredi à Sud-Ouest sous le nom de Renée Dupouy était manuscrite (j’ai déguisé mon écriture). Elle fut postée à Pissos (40410). Renée Dupouy a scandalisé Onesse en épousant Jeannot Lespessailles, le maire du village (aujourd’hui mort). Elle est donc devenue la marâtre de Mireille Lespessailles, qui se trouve assise à côté d’elle sur la photo de classe. Qu’est-elle (Renée) devenue ? Je l’ignore. Quand à moi, je passe sur le billard (je regrette le verbe «passer», mais c’est trop tard) lundi 11 septembre. Je vais être obligé de m’abattre la barbe !

AmicalementMichel O H L’homme qui n’en peut mais

[22 ? septembre 1989]En en-tête je voulais fixer l’un de mes derniers cheveux en forme d’i : tif Ohl i. Dieu et Mme

Rareté du Matériel ne l’ont pas permis. J’ai atterri au bord de la Forêt de Schizophrènes, et de poteaux schizophréniques, lesquels se sont mis à propager la bonne nouvelle... Passage assez obscur que je ne barrerai pas pour autant.

Lors de mes quelques jours de vapes j’ai fait un rêve (?) où il y avait une petite boîte à 2 compartiments, l’un noir, l’autre blanc, et je tenais cette boîte où se trouvait le pourquoi de la dérision totale de tout... et puis c’est tout, j’ai quitté le bois de somniphores... Les somniphores ressemblent aux «ombus» du Schéol.

Ainsi, Documents-Pages se termine (je triche un poquito !) par une chanson. La mauvaise impression des notules me donne à penser que l’éditeur a plus qu’envie de passer à une autre publication... Si tu veux bien envoyer un ex. à Pierre Ziegelmeyer, 4 rue de Crowborough, appt 34, 45200 Montargis. Je pense d’ailleurs que tu as à ha ha lui parler au sujet du n° Blavier. Peut-être. (La veille de l’Opération j’ai compté 19 anagrammes !!) Il faudra que je te montre au sortir du Klinik le chef-d’oeuvre d’Augustin Bousquet. Beaucoup d’autres dessins à légendes. J’ai pensé à d’éventuelles publications de fragments.

Nous étudiâmes de conserve, Frédéric Roux et moi-même, La case de l’Oncle Tom (66-67 ? 67-68 ?... si tu le vois demande-le-lui). Et j’ai pensé hier à un ouvrage intitulé La cause de l’Oncle Tam-Tam. Il y a déjà eu plusieurs variations autour de la Case (... Oncle Tomahawk) et probablement ce Tam-Tam là, pas mal de mecs et de mecques en ont-ils eu l’idée, mais il fera partie des 300 titres «à paraître» du recueil qui suivra L’an Pinay. DIABLE !

REDIABLE ! Le repos du guerrier est l’histoire d’un alcoolo. L’amour sera-t-il plus fort que C2H5OH ? J’ai oublié le dénouement du bookin. L’«heureux pot» peut très bien s’expliquer à mon avis.

Faudra que je te passe aussi LE Blavier. Et je vais t’avouer que ce qu’il écrit, lui, eh bé, comment dirai-je, heu, oh c’est un peu ch...t, quoi ! Nonobstant, l’Anthologie est un sacré bookin.

O H Le Marquis de Salade.Bises à Sonia et SamuelSi tu enregistres l’émission du 22, je l’écouterais volontiers dans le futur.

Papon-Port, Saint Jarry [2 novembre ? 1989]Cher Philippe,le père Ubu quittait le plan physique le 1.10.1907. Observons le silence pendant 36 tierces

Pinay :

Voilà. Ci-joint papier de Claude Jannoud tiré du Figaro (Jannoud collabore à Sud-Ouest-Dimanche). Je te le livre sans commentaires.

J’avoue que la pensée de Lloyd, eh bien peut-être m’échappe si l’on peut dire parfois... Le «bébé tiers-mondain» ne m’a pas échappé, lui. As-tu triomphé de la Préface aux Fous du père A. B. ? J’ai l’alcôve vocale toute fleurie d’aphtes, aussi ne tiens-je pas la forme – et ma lettre non plus.

Amitiés de Michel Duroseau

La Mauriacqueuse 16.11.1989Cher Philippe,les pages que je t’envoie, issues de Petchénègues, doivent en principe faciliter la lecture de

L’irrision du Diable (cf Fleur rouge).J’ai envoyé à Monseigneur Gayot Paul la Lettre documentaire n° 3.Bien à toi. Bises à Sonia et Samuel.Michel Duroseau

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La Mauriacqueuse [7 décembre 1989]Réjouissons-nous du succès de notre condisciple ! [joint une coupure de presse sur «Alain

Gerber, un stylo qui swingue»] Nous avions déjà «l’homme aux semelles de swing» (Nougaro).J’ai imaginé cet intitulé : Mes galops maniaques à dos de Big Bic.Je survole très lentement la ou le steppe 20 cm au-dessus du précieux ouvrage de Malte-Brun

(fils) que tu m’as offert. Nulle ombre de Petchénègue pour l’heure.Bousquet : ci-joint choix de citations du 4e bousquetaire – très judicieux. As-tu écrit à

Cessenon ? (Je songe à la trêve des confiseurs, qui pourrait retarder la réponse.) Pour ma part, je vais écrire aux conservateurs de quelques BM du pays du martyr errant...

AmicalementMichel O H L

La Mauriacqueuse, mercredi [13 décembre 1989]Cher Philippe,cette enveloppe en relation avec la lettre que je viens de bâcler pour Sud-Ouest. Dans cette

lettre j’ironise à propos de la citation de Mauriac choisie par Mollat pour sa publicité : «Quand j’erre aujourd’hui dans les rues de ma ville... je découvre dans quelle masse de poésie j’ai respiré et me suis mû...» Ce passage serait mieux à sa place dans un libelle genre Contre les poètes.

Je suis fier du Dr Michel Ohl! Tu devrais peut-être citer les noms de St-Chinian (nov. 59) et de Murviel (déc. 59). Il y a une petite chance que l’on tombe sur un fouineur local... Je te demanderai les références des publications de l’autre Bousquet avant d’écrire aux Bibliothèques.

J’ai retrouvé une cassette qui peut t’intéresser : un montage réalisé par des Belges à partir de Fous littéraires de Blavier. «Notre» Bousquet est mis à contribution. On peut entendre le début de l’essentiel Les miracles, sensations, assassins et crimes du souvenir de ma vie. Présent également : Roux (Pierre ?), un délirant d’élite que j’ai lu à la BM de Brdô, et que Blavier (et Queneau) citent abondamment. (Je pense qu’il vaut mieux que je te donne la cassette en mains propres.)

Je dors la moitié du jour. J’ai la télévision depuis quatre jours, mais ne la regarde guères. Depuis que je parle entre les dents, il me semble que j’ai une forme de pensée différente, plus terre à terre et, pour tout te dire plus étriquée, mais je suis peut-être mal placé pour en juger ! Bises à Samuel et à Sonia. Que j’espère revoir en 1990, après ma démandibulation !

Amicalement à toiMikhaïl

Aujourd’hui 30. 12. 89, 98ème anniversaire d’Antoine Pinay, si mes renseignements sont exacts.J’ai suivi tous ces jours-ci à la téloche les dernières aventures du couple Ceausescu. Un

journaliste de Libé parlait d’Ubucarest.Pas de réponse de Montpellier au sujet de Bousquet.Page 66 des Monitoires n° 14 : «... carte du dur, comme disait Julien Torma». Comme quoi...

(Comme quoi quoi ?) Dommage que je n’aie plus les délectables Euphorismes...Voici d’ailleurs l’un d’eux, cité in Pata Baby : «En chemin de fer dans la nuit, la situation est

claire. Il faut choisir : ou bien regarder ses voisins, ou bien scruter l’extérieur. Il y en a pourtant qui croient voir encore un rapport entre les deux.»

Je passe les fêtes dans ma chambre somnolant. Mes 3000 cuites ne tiennent aucune place et ne me reprochent absolument rien (que tu dis !) Elles sympathisent discrètement avec les 3000 livres lus. Ils vont peut-être se marier. La seule pensée de la nature de leurs enfants me fait froid dans le dos. Bavardage, patali patala pardonne-moi !

Amicalement. Bises à Sonia, à Samuel.Michel O H Le Danube de la pensée [rayé] Le phare de la Côte d’Argent

Vendredi [12 janvier 1990]Je t’envoie le récit d’un rêve que je viens de faire. Pour m’appeler au téléph. donner mon

numéro d’appel : 21560 au standard du Tripode (Etage 10 aile 1 chambre 1). Je me demande pourquoi ils m’ont hospitalisé si en avance...

AmicalementMichel O H LJ’étais cette nuit au Presbytère d’Onesse où je discutais à moitié soûl avec le curé du village

d’alors (abbé Bousquet) d’un philosophe grec (??) du deuxième siècle après J.-C. qui avait écrit un livre à ce propos : «Si la Terre est une bête, on peut donc lui apprendre à marcher.» (J’ai vu son nom dans un dictionnaire qui s’est refermé avant que je le mémorise.) Dans ce rêve-là j’avais rendez-vous

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à 2 h du matin rue Notre-Dame pour une réunion entre psychiatres et malades mentaux sur les «fous littéraires». Au lieu d’aller à ce rendez-vous je picolais. Aussi l’ai-je raté. Il y avait aussi la bonne du curé, Marie-Lys, coquette et rajeunie par rapport à mes années de catéchisme (1956-8). L’endroit du rêve tenait d’Onesse et de Bordeaux. J’ai pensé : retombée en enfance et rebondissement.

[16 janvier 1990]Pas de rêve eschatologique ou ésotérique mais une lettre parue ce 16.1.1990 dans Sud-

Ouest. Jacqueline Villenave a de nos jours 46 ou même 47 ans. Elle «vit avec un jeune» (dit ma mère). «Chouchoute» a été remplacé par «choucroute» !!

Le prochain pseudo-lecteur du courrier de Sud-Ouest s’appelle Michel Glize.J’ai lu que Ceausescu avait recyclé 20000 Bibles en les faisant transformer en papier

hygiénique.(Je crois avoir cité un poète de Béziers dans Plein Chant? – J’aime pas follement ce Plein

Chant...)AmicalementMikhaïl Ivanovitch O H L’ ?Bises à Sonia et Sam

Port-Saint 27.1.1990Cher Philippe,tout petit mot, merci de la très réussie Lettre. Je t’en reparlerai. Pas trouvé le nom du

philosophe grec... Nul docte propos sur la Grève de l’Art... J’ai, ou j’avais, dans mes Oeuvres d’Allais, quelques pages sur les Incohérents, des reproductions de «tableaux» d’Allais. Ma fenêtre donne sur Charles-Perrens, où je passai un jour une nuit!, «la Nuit de la Fleur Rouge...»

AmicalementMichel O H L

[30 janvier 1990]«Nous sommes les fourrés, les beaux, les surchargés, les prêts pour l’aventure» - Debussy

intente un procès à Mallarmé, responsable de ce vers où il (Mallarmé) prend la parole au nom – entre autres – de Debussy. Debussy ne se reconnaît pas du tout là-dedans, et il se fâche, et este (Je me mets à sa place...). Voilà avec quelle couillonnade dans la tête je me réveille ce matin (30.1.1990, 7 h).

J’ai écrit à Pivot au sujet de l’an Pinay, mais d’une manière un peu trop désinvolte. Lu une interview de Pinay in Le Figaro. On ne peut pas dire qu’il adore la plaisanterie, j’avais imaginé tout autre chose... As-tu envoyé la dernière Lettre à P. Gayot ?

Amicalement et à bientôt j’espèreMichel O H LBises à Samuel, à Sonia

Château Torpide, 4 fév. 1990Ce Château-là serait plutôt Charles-Perrens, malgré l’anagramme. Ce Charles-là me r’amène

à cette sacrée «fleur rouge». D’immenses fleurs sont peintes sur des colonnes au rez-de-chaussée du Tripode où je vais faire une heure de hall matin et soir pour ne pas aggraver mes problèmes d’identité. D’un rose sale ces fleurs je crois mais il est possible que l’ascenseur du 10ème trahisse chaque fois ma mémoire. En tout cas, pas de danger diabolique immédiat.

Une modeste suggestion : une Lettre consacrée à la scatologie. Il faudrait que tu lises le chef-d’oeuvre d’Antoine Husson (cf Le crestou), que je vais redemander à Edmond Thomas. J’y toucherai mot de L’an Pinay par la même occase... Antoine passe ce soir à Apostrophes. J’ai écrit à Pivot mais c’était une bafouille vraiment trop désinvolte...

Demain (vendredi matin) légère intervention, après quoi je serai fixé quant au jour de sortie. Le grand ponte landais Pince-Ohl (Pinsolle) va tenter d’arranger «mon lambeau» (greffe dans la bouche) et me faire un blépharo, quelque chose à la paupière fatiguée. (Anecdote : dans le vieux vieux temps et dans un livre, je parle de ce tic de la paupière qui guillotine plusieurs fois par seconde quelqu’un dans le monde : mon ami poète F. Giraudet en fit le «blépharotic».)

Pas de lettre dans Sud-Ouest. La machination serait-elle éventée ? Les Onessois (anti-martyrs-errants sur la Terre ?) ont pourtant quelques petites chosettes à dire encore. En regagnant le bercail je te parlerai de ce projet. Il me faut dessiner cette carte d’Onesse, qui tiendrait un peu de la carte du Schéol et de celle du (de) Dur. Agrandir la photo de classe (de chasse). Coller la bobine des petits condisciples à l’endroit où ils demeuraient. Ecrire texte sur cette importante notion de retombée

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en enfance. Fais gaffe, ivrogne en déséquilibre penché sur ton passé, si tu veux pas choir définitivo. Je te parlerai donc de tout cela si le Très-Bas ne m’entraîne avec Lui chez les intra-terrestres. Oh, là! y a l’ivrogne que je fus suis, l’homme aux 3000 cuites, qui m’appelle du parking du Tripode avec des gestillons saccadés (il mesure 2 ou 3 millimètres à tout casser : Viens, Michou! Vieeeeens Miiiiichou! Serait-ce lui le Très-Bas? Cet avorton à la Poe!

Voilà.Amitiés d’O H L

Château Torpide [16 février 1990]Cher Philippe,n’aie crainte, le texte pour Gilles est loin d’être mièvre. Il m’a plu d’emblée. Je n’en dirai pas

autant de la Lettre n° 6, qui est passée au-dessus de ma tête meurtrie aux cheveux se raréfiant. J’ai pensé à retardement que la Grève de l’Art pourrait aboutir à la Plage en Rôti de Porc (un des titres en préparation in Marie-Botte) en passant par la Greve (quel accent faut-il) de Lard. Pardonne la dérision! J’aime bien toutefois la réaction de M. Massa, qui prend conseil de M. Bloch pour trancher entre indifférence et perplexité... Le mystérieux texte américain m’intéresse fort. On reste sur sa faim mais c’est ce qui contribue au charme (sens sorcier) du récit. A la BM de Bordeaux, 6 ou 7 opuscules de La Poire-Molle. Chaque fois que j’en ai demandé un, «indisponible» m’a-t-on répondu. As-tu lu les extraits de Weyerse in Blavier ? C’est un des auteurs les plus épatants. Je l’ai lu en entier, lui, (BM) et lui ai piqué quelques lignes...

J’ignore si Piotrus te plaira... Dis-le-me-le.Ici : nouvelle intervention chirurgicale prévue pour lundi. Anesthésie générale. Ils vont

chercher à déterminer l’origine de la paralysie faciale. J’ai bien envie de refuser ce nouveau charcutage.

Voilà. AmitiésMichka O.Bises à Sonia, à Samuel

La Mauriacqueuse [fin mars 1990]Cher Philippe,j’ai l’impression en lisant Jim Xylocope [Jacques Abeille], qu’il pourrait aussi bien revendiquer

la qualité d’artiste, par ex., ou de romancier, c’est-à-dire qu’il a plusieurs argumentations qu’il peut sortir «à la demande». L’ironie joue son rôle. Cf Monitoires n° 15, p. 54 : «Il (Pia) était capable d’engager son temps, ses forces et même de jouer sa vie pour des causes auxquelles il ne croyait absolument pas.»

T’ai-je parlé des stercoranistes, ou stercoristes ? Ils pensaient que le corps du Christ était digéré et évacué par les communiants. Ce qui me paraît logique. Je ne sais de cette secte rien de précis, ce qui ne m’empêche d’en parler dans L’an Pinay. (Mon éditeur a dû confondre L’an Pinay et Lambiner.) Et j’ai imaginé une bible des stercoranistes : le Stercoran of course. Si tu déniches des renseignements sur ces stercoranistes...

Voici découpé dans Sud-Ouest de lundi 26 quelques lignes concernant l’incendiaire du Bronx, qui a réussi à photographier Jésus [joint une coupure où l’on dit que l’homme avait chez lui «une photo de Jésus»].

Lu dans un roman russe, La colombe d’argent, p. 296 : «’Comment n’ai-je pas remarqué plus tôt que ce visage est un mélange, il est à la fois saint et porcin?’ Il venait d’inventer la formule et il la trouvait bonne.» Q. : qu’est-ce que ça donne en russe ??

Bien à toi. Bises à Sonia et Samuel.O H Le phare du Born

Brdo [? avril 1990]Cher Philippe,ce document, je l’ai ôté d’un n° du Point qui traînait dans la salle d’attente de mon kiné. Cette

idée un peu follingue m’avait dans le temps inspiré ce mot : «Les morts m’ont.» (Entre devins). J’ai pensé à un nom qui pourrait convenir au grand prêtre du stercoranisme : Nestor Petar (ou Pétard). Tu vois le contrepet ! Lu dans un roman de Victor Hugo (93 ?) : Turdus sibi malum cacat (= La grive chie son propre malheur : la fiente de la grive nourrit le gui, avec lequel on fait la glu, avec laquelle on prend la grive.) Epitaphe : Il s’emmerdait sur terre, Il s’emmerde en dessous. Tout cela fait une cartelette plutôt déprimante et ne nous incite pas à croire en Dieu ni en l’homme. Aucun souffle chaleureux. J’aurais dû jeter cette cartelette mais non. Comme dit le Scarabée Stercoraire du conte d’Andersen : «Je suis fier, c’est ma fierté!» Puisse Mimizan m’amicaliser l’âme.

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Bien à toi, à Sonia et SamuelMikhaïl Ivanovitch O H L’esprit de la Pinaie

[13 avril 1990]2 documents. L’un tiré d’un périodique gratuit appelé Clubs et Concerts... l’autre issu de Sud-

Ouest [l’avertissement que désormais les lecteurs écrivant à la rubrique courrier doivent non seulement indiquer leur identité et leurs coordonnées, mais aussi «fournir une vieille enveloppe oblitérée à leur adresse, ceci afin d’éviter toute fraude et toute usurpation d’identité»] : ça va être coton pour faire passer les lettres des vieux Onessois. Si tu as une idée d’astuce pour tourner le règlement ? Partons lundi pour Mimizan qui n’est + hélas ! Mimizan-Bière. Un titre pour un récit : Vdekje (= mort, en albanais). Le mot de l’énigme de l’univers va-t-il être découvert ? et si c’était un poème univers ?

Hum.AmicalementMikhaïl Ivanovitch O H Le Musset des Landes

[5 mai 1990]Cher Philippe,petit mot juste avant départ pour le Born.Ci-joint papier bien dans le ton de Sud-Ouest.La «rivoyrade» est plutôt, disons débile, ou nullâtre, mais je te la montrerai peut-être.Nullâtre fus-je hier au téléloque, mais comme son nom l’indique cet appareil est propice aux

prestations minables. Je songe à un «Pour en finir avec le village natal». Si je vaincs ma léthargie.J’ai lu 1100 pages environ des Mystères de Paris et j’ai relevé ces 4 mots : «Droit chez les

âmes!» Ainsi parle un personnage, et il se tire une balle dans la bouche. Mais, si les «bons» de Sue sont tristes à pleurer, les «méchants», eux, sont buvables.

Retour merdredi début après-m’.A bientôt. Amicalement.Mikhaïl Ivanovitch

Jeu-di [17 mai 1990]Cher Philippe,c’est toujours le texte de Al Ackerman qui a ma préférence. Je subodorais un Kantor différent.

Plus follingue peut-être que le personnage de la Lettre 12. Le sang m’inspire le mot Hémocratie, tyran d’Hémocratie ?

Ci-joint le récit annoncé. Dis-moi ton sentiment là-dessus.Et maintenant la rubrique «Le petit coin du scatologue». Opinion de Tourguéniev sur Crime et

Châtiment : «C’est quelque chose dans le genre d’une colique prolongée pendant une épidémie de choléra. Dieu nous en préserve!» Opinion de Dostoïevski sur la nouvelle de Tourguéniev «Apparitions» : «A mon avis, il y a beaucoup de crotte dedans : quelque chose de sale, de maladif, de sénile, d’incrédule par impuissance, bref, c’est Tourguéniev tout entier...» (Lu dans le très-peu excitant Tourguéniev d’H. Troyat.)

Bon. A bientôt.Amitiés de Michel O H L’astre le + brillant d’Onesse nonobstant Rivoyre, Le col d’Aubisque de

la pwésie terroiriste

[28 mai 1990]Mon cher Philippe,2 pages extraites de Ce qu’il y aura après la mort, de Ladislav Klima, un «grand ivrogne de

rêve»...Envoyé la lettre de Michel Labeyrie (intendant de l’Hôtel des Vins) à Sud-Ouest : Labeyrie

tresse de frénétiques louanges à Jean Laforgue, lequel divorce d’avec Mollat. Je crains que Labeyrie n’exagère un tantinet.

Je viens de découvrir, au coeur d’une extase, que Jésus n’était pas charpentier mais ébéniste : «Je vous salue oh Marie pleine de grâce / Le Seigneur est avec vous / Vous êtes bénie entre toutes les femmes / Et Jésus le fruit de vos entrailles EBENISTE...» Je vais écrire une brève histoire à partir de cette trouvaille vraiment miraculeuse – et je te l’enverrai.

Ecouté Topor, que j’ai trouvé fort intéressant, intelligent et sympa (je le savais déjà!)Voilà. A bientôt. AmicalementMimick O H Le Tourmalet de la Clairvoyance

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[29 mai 1990]Cher Philippecette fois Jésus ne signe pas une flaque d’eau mais un tablier de jacquet... Qu’est-ce à dire?

Si tu as quelque bagage en psychanalyse théologique, tu éclaireras peut-être ma lanterne. Le titre est dû au doux fabuliste Florian (trouvé dans Robert).

AmicalementMimick O H Le Tourmalet de l’anecdote

[1 juin 1990]Copie de la lettre anonyme envoyée ce 1.6.90 à Joël Aubert de Sud-Ouest (rédacteur en chef)

écrite à la va-très-vite comme tu peux voir. Chute inattendue? N’oublie pas que ce torche-cul me coûte : 365 x 3,80 = 1387 F Pinay/an.

AmicalementMimick O H Le Tourmalet de l’Eglogue

Mimizan-Pli [11 juillet 1990]Cher Philippe,entrefilet de Libé touchant les Incohérents. J’ai las! perdu le tome des Oeuvres d’Allais

contenant «reproductions» et notes. Je ne vois pas Allais en dadaï-lama ou en grand prêtre de la dérision. Nestor Petar est bien d’origine bulgare. Petar = Pierre. «Tu es Petar et sur ce ... etc.» Tristesse, ici, à la datcha La Névroseraie. Je me souviens de ce héros de roman russe qui retrouvant la maison de famille se met à crier «TOMBEAU! TOMBEAU!» Je rentre vendredi après-midi. J’aimerais connaître ton adresse en Dordogne. Amicalement

Michka O.Bises à Sonia et Samuel

La Mauriacqueuse [18 juillet 1990]Cher Philippe,reçu le mot de St-Pompon «Silure de la Volga». Relu Ld 14 et 15 notamment la revue de

presse gratinée. «Bonjour, MM Courbu, Convert.» Au sujet de ma prosinette : tu as omis un ou une m à Assommoir. [...] C*** du p*** = cancer du pharynx. Je t’envoye coupures de Sud-Ouest concernant le président Moi (16 juillet). Charmé par le mot de Samuel [herbuisson]... Toute une histoire dans ce trimot. Une rubrique de mots d’enfants dans Sud-Ouest. Nullâtres pour la +part. A 20000 lieues sous les mers de l’herbuisson. J’en envoye toutefois, histoire de caser quelque camarade d’école. Cherchons maison Pyrénées pour 10 ou 15 jours d’août. Eu l’idée d’une parodie de la Passion, faite par des nains ou des enfants. Avec le Nain-Porte-Croix, Pilatome, Barabbasset... Didier Moulinier m’est venu visiter avec sa copine poétesse Sylvie Nève. M’a fait part d’une pensée d’un moraliste du XIXe appelé Lucien François : «La tenue d’une petite fille doit donner confiance aux moineaux.» (Le métier d’être femme).

Voilà. Il est tank G. I. (à la boîte !)Amitiés. Bises à Sonia et Samuel.Gaffe aux piquants de l’herbuissonMichel

Multiplication du Grand Fouàlier [24 juillet 1990]Cher Philippe,le frère du troquet de Campagnac se trouvait à Onesse, près de l’Eglise. Il a disparu dans les

années 70. Une seconde Pinay de silence.Un Bouteilles Saint-Sébastien près Verteillac, à l’autre bout de la Dordogne. [Je lui avais

signalé un lieu-dit Bouteil].Quelques problèmes avec cette location aux Pyrénées. Si nous partons (vendredi) je te

donnerai l’adresse. Du côté de Luz Saint-Sauveur. Un village proche s’appelle Saligos. Finies les escalades des tabourets de bar pour atteindre le Pic Ohl !? A voir.

Le palindromadaire s’est enrichi de cette misérable chose : «No... Noëlle... ô, ma soeur!... nue!... étêtée!... 1 rue Os-à-Moelle!... ô, non!!...» Les ô ô discutables sont les yeux du lecteur courroucé...

Extrait d’une lettre de Freud (29.11.1895, communic. D. Moulinier) : «J’espère recevoir bientôt de tes nouvelles, ainsi que de celles de ta femme, de l’enfant et de la sexualité par rapport au nez.»

Aujourd’hui mardi 39e anniversaire de la disparition du Mal Philippe Pétain, maître à penser.

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Le «gros blond» me ramollit la cervelle. Stop. Amitiés. Bises à Sonia et Samuel.Michka O.

Saint Fabrice, martyr [22 août 1990]Cher Philippe,n’ai pas trouvé de formule + concise pour ta recette. Recette qui intéresserait fort le bon Zieg

(elmeyer). Zieg dont je t’envoye une publication, que tu as peut-être déjà. Cette technique de survol fera-t-elle l’objet d’une Lettre, avec exemples ? [Oui : Ld 37] J’espère que tu me feras lire ton journal.

En fait de perspicaces remarques j’ai lu ceci à la montagne dans un roman de Valentin Raspoutine : «L’homme ne sait rien de lui-même.» (Vis et n’oublie pas.) Voilà qui est clair. Pas de quasiment rien, de presque rien : rien tout court.

J’aime beaucoup la, et non le, prose de Verlaine : «Mme la Poussière», «bonhomme un peu Jadis déjà», «mille-et-une-nuitamment belle», «travail malédictin» ... j’avais recopié ces expressions dans mon Carnet de Déroute.

J’ai pensé à un assassin qui laisserait le cadavre de sa victime tellement en évidence, que personne ne le verrait. Ca s’appellerait L’être volé. Mais je n’ai pas donné suite pour l’heure aux rares projets «littéraires» que je caressai.

J’ai cherché des anagrammes d’Adolf Hitler et j’ai trouvé Hardi Follet, Halte!... Fil d’Or!..., Teilhard Fol...

Sur fond de bruit de bottes...Bien amicalement. Bises à Sonia et SamuelMikhaïl Ivanovitch O H Le tragique Ohl Mick...!

Lordeaubem [7 septembre 1990]Cher Philippe,j’ai bien failli mercredi soir sortir dans la ville, la cosaquerie m’eût peut-être mené chez toi,

j’avais bu force bières, attention... Et voilà pourquoi je t’apparaissais en rêve. Demain Mimizan pour la Nativité de Jarry et Marie. A propos de maisons d’édition : un pote mimizanais (qui dirige une agence immobilière) veut en créer une. Il publierait un récit de Dostoïevski peu connu «ici», «Une sale histoire». Me demande une postface. Sale mais excitante histoire d’opprobre, d’ivrognerie et d’impuissance. J’ai dû te parler l’an passé de Serge Crocus (Safran) avec un peu de méchanceté. Je l’avais vu moins d’une minute Pinay. J’y avais prêté 2 n°s de Doc.-Pages. «Survol» tout court me semble judicieux. Pour l’heure le survol que je préfère est celui du Fleuve Noir de Ribes : «... C’est pas beau ça?» Je vis dans la frousse depuis quelques jours. Ce qui ne m’empêche de te poser la question du jour : «Qui l’homme êtwe?» Te récrirai prochainement.

Amicalement.Mikhaïl Ivanovitch

La Mauriacqueuse [8 octobre 1990]«Octobre porte closeVin nouveau! Vin nouveau!»Le poète de garde

Cher Philippe,Dieu du Ciel que je n’aime pas ces nouvelles enveloppes!Curieuse la formule «rien de guère étonnant»!Ai retrouvé l’Album primo-avrilesque d’Alphonse Allais, que je te passerai.Ai trouvé moi itou C. Charpin un peu bien effusive.En revanche : ne possède que la seconde partie de l’éd. critique de Faustroll. Mon

abonnement devait commencer à ce moment-là. Te prêterai Pléiade si tu le souhaites. [...]Achevé postface Dostoïevski : Epaves de foire.Dans une chanson de Fernandel, la femelle du cerf s’appelle cerfesse.Maître Baba [il joint une carte de visite de marabout] ne serait-il point un spécialiste des

amours antiphysiques, comme disaient les Décadents ? Je note en tout cas l’expression «Inouissance sexuelle».

Je serais venu avec joie dimanche après-midi. Mais... ceci cela... enfin, tu vois !(Peut-être une petite rubrique, in Lettre documentaire, signée Le poète de garde ?)AmicalementMichka Oh!Bises à Sonia et Samuel

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Lordeaubim [29 octobre 1990]Cher Philippe,Le petit auto refusant de démarrer sommes toujours à La Mauriacqueuse en ce samedi soir.La «lettre trouvée» me renvoie à l’époque où je regardais la téloche avec mes pamarents à

Onesse : Guy Lux, Sacha Distel, Jacqueline C(aurat), tout le monde y est. L’autre Jacqueline, Huet, s’est, comme on dit, suicidée. J’aime ce passage «il n’y avait pas de bougies ... soufflant dessus!»

Un distique intitulé Baudelaire 1990 :«46 balais d’être, 123 de tombeau,Mais l’Opéra nous reste et c’est déjà bien beau.»Il vient de la ripopée fantôme Petchénègues (87), je l’ai remis au goût du jour.J’ai pensé, hier, à un dé à jouer qui garantirait à chaque coup l’abolition du hasard, ah ah ah,

le DE SIX-IFS, que tu peux reconstituer à partir de la croix rouge ci-jointe. Le dessin sur chaque carré est censé représenter un if. La Mort romantique dispute volontiers avec le mort en puissance une partie de cartes, ou d’échecs, ou de dés, dont l’enjeu est un sursis. Voilà un dé pour elle.

Je dédie ce dit dé à la mémoire de Jarry, dont nous allons célébrer le 1er novembre le 83ème anniversaire de la +.

Peu gai l’Ohl.Amicalement. Bises à Sonia et Samuel.Votre Mikhaïl Ivanovitch O H L’éructe-lecture

[3] novembryon [1990], samedi.Cher Philippe,le burdigalipète et sa p’tite famille vont rejoindre La Mauriacqueuse sous peu.Le jour des morts, pluvieux, et la proximité (20 verstes) du cavö familial m’inspirent ce humble

(sic) poème :Il a plu à Dieu de pleuvoirEt de pleuvoir encorePlus la peine de pleurerSur la tombe de nos morts.Je n’arrive pas à lire Euréka d’E. A. Poe. Je n’y comprends rien. Je me suis rabattu sur

Fripounet et Marisette (années 50-55).Amicalement et à bientôtMikhaïl Ivanovitch O H L’ ?!

Bradexou, lundi [5 novembre 1990]Cher Philippe,«Some secrets of the magazine prison house» a été traduit par F. Rabbe, et publié in Derniers

contes, Paris, 1906. Ce texte ne figure pas dans le Poe de Bouquins. Peut-être serait-il intéressant de le retraduire, éditer?

Noté, dans la biblio de Bouquins, un Poe, Poe, Poe, Poe, Poe, Poe, Poe de Daniel Hoffman (Doubleday, Garden City, 1972). Intitulé alléchant. Sais-tu comment se procurer ouvrages en anglais ? Si je me procure ce Poe ... Poe, voudrais-tu y jeter un de ces yeux aquilins dont tu as le secret ? (sic)

Tiens-moi au courant de la lettre touchant Saint Michelena – le père de L’Abyssinie chez soi. (L’Etna chez soi était – me semble-t-il – un projet de Villiers de l’Isle-Adam.)

Le poète de garde a commis un tristique effectivement tristounet :«Je vins au monde à O*** et jeUn accroc dans la rêverie et le villageEt les vieux amis l’ont enseveli au pays»Ca pourrait [...] s’appeler Oneness – l’unicité essentielle et originelle du Dieu-particule (sic),

notion primordiale chez Poe ! (J’avoue que je n’ai pas pigé.)Voilà, mon gars.Amicalement à toi.Mikhaïl Ivanovitch

Lordeaubim, 23.11.1990Cher Philippe,voici articulet de Elle à verser à ton dossier Michelena. Le bandeau rouge ceinturait

judicieusement ce numéro.

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Je suis en train de lire les terribles Récits de Kolyma de Varlam Chalamov, et je relève ce passage : «Nous étions tous habitués à respirer l’odeur aigre des vêtements sales et de la sueur – encore heureux que les larmes n’aient pas d’odeur.»

Dans le Talmud, il est question du Guif, sorte de dépôt où s’amassent les âme en mal d’incarnation. Un antischéol ? Il faut donc procréer sans trêve, parce que le Messie ne viendra que lorsque le guif sera vide. Ce guif-là m’a inspiré un poème télégraphique :

TELLE AIGRE AME S’INCARNE.TELLE, EXQUISE, NON. STOP.

(Tout cela vient du «Colloque au Schéol’s bar». Et je viens de découvrir une langue qui pourrait fort bien être – avec le mastaraglu – une des langues du schéol : le radula. LA radula est la langue râpeuse de certains mollusques. Mais j’ignore si l’on compte les loches (naturels du Schéol) parmi ces «certains»? C’est Kolyma > Colimaçon, qui a declenché ce développement. Mais, la Kolyma, ça serait plutôt l’Enfer.)

Contrepéterie : DE GAULLE > GUEUX D’OHL !!!Lu dans Sud-Ouest : «SUISSE. Onze cerveaux de boeufs soupçonnés d’avoir été contaminés

par la maladie dite de la vache folle sont actuellement soumis à des examens.»Bon. Cessons ce tapage cacophonique. A bientôt. Amicalement.Michel O H L

La Mauriacqueuse, 11.12.1990.Cher Philippe,les poèmes de John M. Bennett me plaisent fort. «Poche» et « Essuyage de sang», en

particulier. Dois-je réviser le quatrain :«Tu sais bien qu’en artJe suis nul, cocoEt qu’en pwésie, c’estKif-kif bourricot!»Notes de lecture. [Six citations]A part ça, ennui, comme on dit, mortel !Amicalement à toi. Bises à sonia, et Samuel.Michel

La Mauriacqueuse, 29.12.1990Cher Philippe,au dos photo Sud-Ouest [d’Antoine Pinay]. 98 bougies ? Dimanche 99e anniversaire.Epluché le Poe de Bouquins : nulle trace de Foster. Ni de Leonard Scott. Je n’ai pourtant

laissé passer aucune note. Shylock : personnage du Marchand de Venise, de Shak. Type de l’usurier juif. Aphorisme qui m’est venu un matin au réveil, et que je ne saisis pas très bien : «La mort donne le signal du départ entre le rêve et le réel.» (?) Ai imaginé le dieu Quésaco-Atl et la raie-veille. L’année s’achève.

Amicalement. Meilleurs voeux. Bises à Sonia et SamuelO H L

[14 janvier 1991]Cher Philippe,le livre de Fonseca annoncé dans Libé. Tu as dû lire l’entrefilet ?Je note les points d’alternative. Itoudem «en-têter»...J’ai écrit «La vérité sur mon père» un peu dans le même esprit que «Balzaciens du monde»...

Imaginant qu’un journaliste voulant écrire sur mon père s’était trompé du tout au tout. Une forme très bizarre de délire découverte lors de mes villégiatures en divers «châteaux de santé mentale» (ça, c’est une expression de Beckett).

Tartinabilité – je note, je note...Les ouvrages de L’Age d’Homme ont presque toujours un nombre vertigineux de coquilles.

Mais j’ai la flemme d’en établir la liste.Le poète de garde a pensé à un poème où se glisserait l’expression «minuit moins nuit». Si

les bombes ultimatumiques ne réduisent pas la poésie de l’univers à néant, le poète de garde verra à voir quoi faire de ce «minuit moins nuit».

Amitiés de Mikhaïl.Ton O., devin mal vieilli

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La Mauriacqueuse, 29.1.1991.Cher Philippe,je n’ai donc pas su lire «Désintrigue».En revanche, «Situationnisme rotatif» m’a... botté. La névropatte d’A. A [Ackerman]

commence à m’être familière.Au sujet de Sébastien Mercier : un nouvel éditeur bordelais, docteur (psyc) Brenot (il a publié

un Mauriac/Suffran et un Darwin/Chauvin) songerait, m’a dit mon frérot, à publier des extraits de L’an 2440 (ou le texte intégral ?).

Louis Nucéra ne m’avait pas signalé ce n° du Sauvage – auquel il collabore.Ci-joint petit conte que j’avais envoyé à Sud-Ouest cet été. Je l’ai modifié, mais il faudrait le

refaire.Bonne séjournée à Bergerac.AmicalementMichka Ohlomov

La Mauriacqueuse [11 février 1991]Cher Philippe,vif merci de ta lettre qui m’a fait vachement – c’est le mot des mecs de ma génération –

plaisir ! J’ai écrit «L’ânon...» après tout ce mauvais cinéma du «Colloque au Schéol’s bar». Vengeance pas très méchante. C’est du mastaraglu, avec de ci de là un peu de radula... 13 syllabes ou 12 ? Au prononcé, je n’accorde qu’un pied à «chiffres» ! Trancherons-nous ? «Le roi sans fou» touche à des souvenirs, endroits, êtres, aimés, que l’ironie n’a pas encore tout à fait détruits...

Je t’envoie Compendia, lettre de Burns, un récit-journal de P. Z., le catalogue 87 de Plein Chant, une photo d’août 90.

Amitiés de Michel O H LBises à Samuel

21.2.1991Cher Philippe,peu à signaler. Ce passage énigmatique du livre de Pierre Véry intitulé Danse à l’ombre, peut-

être : «Les pages sont blanches. S’agit-il de l’homme nu ? »Une lettre d’une Mme Josy Froment, Direction de la Communication et des Relations

Internationales, Service Promotion, Mairie de Bx. «Une dizaine d’écrivains sont sollicités ... il s’agit de produire un texte de 10 à 15 feuillets sur le thème de la bibliothèque». J’ai dit Oui!

J’ai relu L’an Pinay à la va-vite [...]Voilà. Quasiment rien à signaler ! AmicalementMichel Zéronymo

Mimizan [2 mars 1991]Cher Philippe,je n’ai pas ton dernier pli sous les yeux. Je me souviens toutefois d’un mot-valise séduisant :

Sandwish (souhait de sable). Les 2 lettres ci-jointes sont issues de Toute la correspondance, de Michel Desvilles. Je trouve particulièrement bienvenu le «Je ne me fais aucun souci pour votre santé»... [...] Je serai à Bordeaux bien avant ma missive (nous sommes samedi soir – nous rentrons dimanche). Une Mme Josy Froment m’a demandé un texte sur le thème de la Bibliothèque. Une dizaine d’autres écrituriers ont été sollicités. Ces chefs-d’oeuvre seront réunis dans un opuscule publié pour l’inauguration de la nouvelle BM. J’ai accepté (cela va m’obliger à «travailler») bien que les éditions W. B. and Co soient de la partie. J’en suis au titre : «La bande à Bonnot de Mably» (vu in Larousse que Mably s’appelait Bonnot de Mably, et son frérot Condillac : Bonnot de Condillac). Bon, hé bé voilà. J’ai pas mal de documents à te rendre. De toute façon j’espère te voir d’ici peu.

AmicalementMikhaïl Ivanovitch O H LBar esquimau : igloo-gloo

Mauriac-City, Saint Serge, manchedi [11 mars 1991]Cher Philippe,voici l’article pour le Micheliana. Rien de bien neuf comme tu peux voir. Lu aucun des textes

que tu me passes. Incapable de lire sinon journaux. Le texte sur la Bibliothèque n’avance pas. A vrai dire, ça m’emmerde. «A travers l’écriture de nos auteurs contemporains, engageons ensemble une réflexion sur un nouveau concept de bibliothèque : c’est ce que je souhaiterais faire partager à

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chacun.» J. Chaban-Delmas. Une dame de France-Culture m’a demandé au téléphone si je voulais participer à l’émission Le Pays d’ici, en tant qu’auteur landais. Faudrait que j’allasse à Saint-Sever, près Mort-d’Homme-en-Sang, le 27 mars. Peu probable que je me décide. Cette proposition est due à Bernard Manciet, poète occitan de Trensacq, que je connais un petit. Il a une datchita à Mimizan. Rien d’autre. As-tu reçu Poe Poe Poe Poe Poe Poe Poe ? Georges Walter, qui vient d’écrire une biographie de Poe, est aussi une connaissance. Rencontré à Paris en 82, à Orthez en 80. A écrit article sur Pataphysical Baby. J’ai perdu son adresse. Bon. Je m’arrête. Je vais dormir. Je dors le plus possible. Amicalement. Bises à Sonia et Samuel.

Zéronymo

19.3.1991Cher Philippe,pièce à joindre au dossier Michelena. [...]Aimé les 3 textes que tu m’as passés, comme je te le disais au téléloque. Viendras-tu les

rechercher ? Pourrai-je garder quelque temps le petit livre Contes de la Tchoukotka ? Pas de lisure en ce moment. Le matin, de 5 à 7, avant le réveil des 2/3 de la famille Rikiki, j’essaye de travailler à «La bande à Bonnot de Mably». Pour le moment c’est piteux. Et après, la journée est finie. Je fréquente beaucoup les bistrots, en rêve. Mais je me réveille avant de tomber raide. J’espère recommencer bientôt à t’écrire des lettres plus rigolotes. J’ai un nouveau pseudonyme dont je te laisse trouver le pourquoi.

Ton Michel Minuit-Une O H LBises à Sonia et Samuel

Mauriac-City [27 mars 1991]Cher Philippe,voici le pensum : triste comme un pensum. C’est plutôt ringard, je crois, mais je n’aurai pas le

courage de recommencer. Il y a pas mal de notions, de mots, que tu connais déjà. Et vers la fin, la neurocité, ce qui contredit ce que je te disais au téléloque touchant Bordeaux, mais une ville n’existe que par ses névrosés (!?!). Les auteurs que je cite sont authentiques, hormis naturellement Jacques Uze et Plato (mais ne dit-on pas Platon «Plato» en anglais ?). Hippolyte Babou : certains érudits pensent qu’il a suggéré à Baudelaire son fameux intitulé Les fleurs du mal. J’ai lu d’Amédée Cloux un poème dans une anthologie de pastiches. Hannon était un poète ami de Huysmans. La Morvonnais (Hippolyte de) un ami et correspondant de Maurice de Guérin.

Voilà. Amicalement à toi.Mikhaïl Ivanovitch

Mauriac-City, 3.4.1991. Les Cartelettes aux Petits Oignons.Cher Philippe,as-tu reçu Poe Poe Poe Poe Poe Poe Poe ?Il y a 255 mer dans Poe (Bookins). Mais, parmi ces mer-là il faut compter 23 mers et 3 mare

(tenebrarium) et 10 mer que Poe cite. Restent 219 mer.Je vais tenter d’écrire un poème sur les auteurs que lut Poe. Il s’intitulera(it) «Où lit Poe».

Mais je vais avoir des problèmes de prononciation.Hissope ne viendrait-il pas d’Hysope ?Amitiés de ton frère en Poe.Mick O H L’homme 3 lettres

Mauriac-City, 8.4.1991Cher Philippe,je t’envoie donc «Où lit Poe». J’ai trouvé le nom de tous ces auteurs dans une Biographie de

Poe, et dans l’appareil critique de ses Oeuvres (Bouquins) et dans ses Oeuvres elles-mêmes. Mais Edgar Allan, au fond, se moquait un peu de l’érudition. Parmi les auteurs cités, bon nombre ne lui étaient pas du tout familiers. La dernière phrase («Le Seigneur vienne...»), ce sont les derniers mots de Poe. La nuit précédente, il avait invoqué le nom de Reynolds (le «théoricien du Pôle Sud») pendant des heures. Qui sait si en mourant je n’invoquerai pas le nom de mon médecin généraliste : Reynolds ? Peut-être se verra-t-on merdredi ? Je suis curieux de lire ce n° Ziegelmeyer [Ld 24]. Faudra que je pense à t’envoyer ce texte de Husson que je dois avoir à Mimizan : fais-m’y penser. Les vacances scolaires à Montargis et à Bordeaux ne coïncident pas. Je téléloquerai à Bassac un de ces sept pour connaître les dates du séjour de P. Z. Et voilà.

Amicalement.

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Old Mick H L’homme 3 lettresBises à Sonia et Samuel

Mauriac-City, 30.4.91Cher Philippe,nous n’irons pas à Bassac : P. Zieg. ne pourra venir, retenu au chevet de sa mère souffrante

en Vendée. (Ed. Thomas m’a dit au téléph. que L’an Pinay ne battait pas les records de vente...)Merci de tes traductions de Daniel Hoffman. Des passages intéressants («Je hais Poe», et le

livre devant le miroir, sur Nabokov, Poe et leurs amours...) mais je trouve comme toi ce Poe Poe Poe Poe Poe Poe Poe un petit décevant... Mon histoire de «mer dans Poe» tourne en brouet d’andouille, ou en eau de boudin...

La lettre à Helena Miche ne me convainc pas entièrement... Mais je ne saurais te dire ce qui me chiffonne... J’ai plutôt l’habitude d’écrire à des «Organismes» ou «Organes», Sud-Ouest, CRL... Je t’envoie un nouvel élément à joindre au Dossier. Et à propos de l’Année Rimbaud, j’ai pensé à d’éventuels «arthurs» - qui seraient les oscars, ou les césars (restons phrançais) de la Poésie. Il y aurait l’arthur du sonnet, l’arthur du poème en prose (ou emprosé), et nombre d’autres arthurs... Je songe à soumettre ce projet au CRL cité plus haut.

(Connais-tu ce Brochet admirateur de Jean Genet, et ce Lawton admirateur de Maurice Sachs ?)

Merci aussi côté Nancy. Je me suis fendu d’une longue lettre au conservateur de la BM de Nancy au sujet de Husson. J’attends les suites.

Ma mère me dit que je ne sais quelles relations officielles croyaient qu’OHL voulait dire Organisation Hospitalière Landaise...

Bien amicalement à toiMiguel Ohl d’Onesse, tors héros...Bises à Sonia et Samuel

Pentecôte [21 mai 1991]Cher Philippe,la voilà, la vraie carte postale des Landes [gravure de 1850 au recto de la carte postale]! Je

consulte Littré : Onanisme. Voy. Masturbation. Masturbation. Genre de libertinage solitaire, nuisible à la santé. – H. XVIe s. «Diogène exerçant en public sa masturbation», Mont. II, 351. E. Lat. manus, main, et stuprare, polluer. Manustupration. Voy. Masturbation. Lisant un roman policier je tombe hier soir sur ceci : «Et il se rappelait à quel point il avait eu peur en se masturbant ; il se rappelait que, la première fois, il avait essayé de faire rentrer ça, comme de la pâte dentifrice dans un tube (dentifrice Onan !) terrorisé à l’idée que ses enfants naîtraient avec un bras ou une jambe en moins parce qu’il avait gaspillé la précieuse substance, et il s’était juré de ne jamais recommencer. Plus tard, son envie avait été plus forte que sa peur et il avait compris que le truc qui sortait se refabriquait tout seul.» (Richard Harper, Les maîtres du bal, pp. 121-122, Série Noire). Ld 25 est loin de me laisser indifférent... Etrange Ignazio [Corsaro]... Il demeure énigmatique à mes humbles yeux, et cela est bien.

Nicolas m’accapare... Cette après-midi (dimanche) nous allons jouer au golf miniature... Le Tutu [de Princesse Sapho, 1891], chef-d’oeuvre de fumisterie et de parodie. Le héros y rencontre Dieu (un «homme très jeune») qui lui dit : «Si j’avais peuplé la lune, ses habitants n’auraient pas été aussi cons que vous. L’homme me dégoûte, parce qu’il a tourné trop tôt à la gélatine.»

AmicalementMichel O H L

Port-Mort [20 juin 1991]Cher Philippe,la citation de Torma est tirée de : Le Grand Troche (Sorite), éd. Elaia, 1925. 2 coupures de

presse touchant «vélo-love». 15 ans les séparent... Si j’avais gardé tous les papiers de ce genre, j’aurais pu réaliser un montage intitulé sobrement «Revélo Vérole». Pensé à une histoire : «Le cache-croûte». Il s’agit d’anti-vernissage. Après 15 jours d’exposition dans le vide, les toiles sont voilées au moment où les invités amateurs d’art rentrent dans la salle. Buffet auvergnat. (Ou alors cela peut être un «vernissage opaque».) A soumettre à Réthoré, s’il n’y a déjà pensé. Je joins le mot Documentaire lu dans un Série Noire de Henry Kane : «Les hommes sont nés avec deux yeux mais avec une seule langue, afin de voir deux fois plus de choses qu’ils n’en disent.» Sur ce, je t’abandonne.

AmicalementMichel O H L

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Bises à Sonia et Samuel

Port-Mort, jeudi [11 juillet 1991]Cher Philippe,donné lundi les 3 Lettres à Guy-Marie. Moulinier m’a apporté à domicile le n° 1 de sa

collection. Volume assez chiadé, sur le modèle des Petits Classiques Larousse. Très beau travail d’éditeur – et d’imprimeur – mais je «n’entre pas dedans»... l’opus de Suel me demeure étranger. Avons parlé du Ohl de 1992... Pourquoi pas ? Mais je n’ai pas l’impression que le lectorat va suivre. Didier filait chez Valprémy, son autre poulain. Reçu les épreuves de «La bande à Bonnot de Mably». Williamblakisation prévue pour fin septembre. Cela fait beaucoup de projets sous le soleil qui m’anéantit. Oustric m’a téléphoné (Husson le ravit). M’a l’air très gentil. Semble croire à présent qu’Ohl et Giraudet font deux (1 et 1)... Ce coup de fil fleuve touche surtout aux folingues de lettres. Mais j’ai parfois du mal à jouer les aficionados. Voilà les dernières nouvelles du front régional. As-tu recueilli réactions aux Lettres ?... Peut-être vais-je passer quelques jours chez mes paravents (javanais!) à Mimizan.

Amicalement à toiBises à Sonia et SamuelMikhaïl O H L

Mimizan-Pli [juillet? 91]Cher Philippe,je t’écris ce dimanche matin de la datcha de mes paravents (javanais...). Je viens de rêver

que j’étais mort subitement dans le lit où je dormais, et que Nicolas me regardait le cadavre. Les joies de la villégiature à 500 mètres de la mer.

Offert à ma maman ouvrage intitulé Landes, où est reproduite en tout petit p. 279 la carte de Ohl-Landes que tu as publiée le premier. C’est un coup de Guy Latry, membre influent du clan des Landais de Bordeaux. Il ne m’a point averti et Documents-Pages n’est point mentionné. Je figure en cette page aux côtés de ma soeur de lait de lettres Christine de Rivoyre.

Trouvé un nom pour un dixième de fou : décidément!Mon compagnon de virage de lycée (Montaigne 1964-65) Fanfan-la-Lisure, le

bibliothécanthrope, devrait avoir avec son amie un ministand à la Foire du Livre de Bordo 91. Il m’a invité à signer L’an Pinay. J’ai accepté, mais d’ici là beaucoup de noyés auront passé sous les ponts de Garogne, et beaucoup d’anesthésiés sur les billards.

Il me tarde, comme on dit, de voir les nouvelles Lettres... Husson en particulier. Je viens d’écrire à Ziegelmeyer (dont par parenthèse je suis sans nouvelles depuis 3 mois) et lui ai promis le n° Husson. N’oublie pas que les Plaisirs singuliers t’attendent rue Jean-Soula...

Amitiés de Mikhaïl Ivanovitch O H Le méchant messager

[23 juillet 1991]Philippe,la nouvelle de Bierce [Ld 32] déjà traduite. Lise en a deux versions. L’une : «Un cavalier en

plein ciel». Titre d’un pamphlet anti-corridas : Bouchers à l’arène (très probablement déjà trouvé 100 fois). Le poète de garde préconise «abîmetière» au lieu de «cimetière». Se répète-t-il ? C’est la chaleur et le gros blond. Oustric m’écrit et m’envoie des follingues – à bras raccourcis. Didier Vergnaud me sollicite. Amitiés de Mikhaïl Ivanovitch O H L

Dimanche à l’aube [4 août 1991]Cher Philippe,je n’ai pas le courage d’aller TOUT SEUL à la BM : j’irai avec Nicolas... Mardi, Bassac, et

ensuite, probablement, les Pyrénées. Voici ce que j’ai trouvé dans Gide et Renard [pour ma collection de citations du 29 février, Ld 43]. La phrase qui commence par «Demain ou après-demain [nous serons faux, et ainsi de suite, jusqu’à ce que cet univers soit las d’être inutile.» - Renard] me plaît assez... Dans Libé un papier sur Le Tutu, qui reprend le fameux passage touchant la lune. J’ai envoyé pas mal de «Mer dans Poe à la ronde» : Gayot voudrait «le» publier fin... 92. Oustric (qui m’a envoyé plusieurs opuscules, dont une Philosophie de l’An 2166 plutôt gratinée, tu liras ça...) Oustric, dis-je, aimerait lui aussi publier cette ou ce Mer-là. Au sujet du 29 fév. les Russes posent des problèmes à cause de leur calendrier (julien – grégorien). Amicalement. Profite du bon air de Dodogne... Est-il vrai qu’il a des vertus somnifères ? Bises à Sonia, à Samuel

Michka O H L

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31.8.1991Cher Philippe,je t’ai écrit à Brdx depuis ma crête de villégiature (l’expression «crêtin des Alpes», d’où vient-

elle?). Je mets de côté pour toi le Traité de Guy-Marie. Pas entendu parler, pour l’heure, d’une date d’inauguration de la BM. J’attends des nouvelles de cette fiancée du Cimetière. Oustric m’a envoyé un opuscule complètement dément, et fascinant, Histoire particulière de Lisieux, qui te plaira, c’est probable. Je te prêterai itoudem une précieuse publication de Lewis Carroll. M. Didier Vergnaud m’a demandé quelque chose pour L’Affiche : j’y ai envoyé La mer dans Poe, et une lettre Contre la poésie : pas à la Gombrowicz, non ! à la Plouck ! (Une trace de Voragine dans les «à paraître» de L’an Pinay : Holy Ohl, dormitive légende dédorée.) Terrible et mystérieux, le passage d’Ezéchiel. J’intitule une partie de l’aventure de Sherlock Ohl, que je récris : «La clef de l’énigme à travers la gueule».

Bien.Amicalement à toi, à Sonia et SamuelMichel Bec-en-Biais

Corbeaux-sur-Garogne [octobre 1991]Cher Philippe,je suis été un peu revoir de près les ombres des fous littéraires. L’autodidacte J.-B. de Mees

découvre les «matières subtiles», qui sont des composés d’éléments subtils, tels la lumière, la chaleur, le froid. L’ «ombre de la chaleur» en est un bel exemple. «... j’ai remarqué les secrets de la lumière dans les ombres derrière les masses opaques, sous les nuages et dans le brouillard. ... La chaleur a très vite embrouillé mes cerveaux, tout en exigeant beaucoup d’études. ... Comme j’ai dû travailler depuis l’âge de treize ans pour pouvoir vivre, très peu de temps m’est resté libre pour étudier à l’ombre et tout seul.» L’activité des subtils, 1934.

Barthélémy Audouy (Nouveau système ou Nouvelles explications du mouvement des planètes, 1726). «J’avoue que la nature m’a été marâtre pour la diction, ainsi que tu le pourras connoître, cher Lecteur (...) j’ose me flatter d’avoir découvert ce qui donne méchaniquement le branle à tout l’Univers.» C’est l’Ombre conique. L’ouvrage est à la BM. J’ai marqué «lu» en marge du Blavier, mais j’ai complètement oublié ce lu-là...

Le Salon du Livre m’aura au moins inspiré cette pensée : «Je préfère le calmar de l’obscurité à l’hareng saur de la gloire.» Je ne sais pas très bien ce qu’elle signifie.

Amitiés à toi, à Sonia et à la PologneO H L’homme au coeur pur mais fatigué

Mimizan-Pli [29 octobre 1991]Cher Philippe,trois jours seul à seul avec Nicolas. J’ai appris à jouer aux Mille Bornes. Je me replonge dans

mes souvenirs de Brassens. Dont je connaissais 50 chansons par coeur il n’y a pas si longtemps. Un livre de Tillieu André sur lui. Un peu agaçant lorsqu’il s’agit des fameux «amis de Georges». Retrouvé ce petit passage de La tour des miracles (le livre, je l’ai perdu) : «Ma vie privée ne regarde personne. Pas même moi.» Le poète de garde s’est vaguement souvenu dans son épitaphe d’un distique holorime d’Alphonse Allais que je ne parviens pas à reconstituer entièrement :

«... au bois du djinn où s’entasse de l’effroi... oh ! bois du gin ou cent tasses de lait froid!»

A Bordeaux, au retour, je procèderai enfin à une lecture comparée de «mes» 3 versions du récit de Bierce... (J’ai pensé à un petit dictionnaire des écrivains selon Céline, faudrait revoir les pamphlets...) Au retour itoudem, si tu en as le loisir, j’aurai une douzaine de pages à photocopier (format réduit) + 1 photo à inclure... Le papier ci-joint provient du Figaro de lundi.

AmicalementMichel O H Le prince sans rireBises à Sonia et Samuel

Lordeaubém [8 février 1992]Cher Philippe,ce «Lordeaubém», je l’ai vu pour la première fois chez Boudard, il s’agissait de boutanches de

vin de Bordeaux. Je viens d’emprunter La clef des ombres à la BM. Je ne suis pas toujours très bien Xylocope dans ses avancées par érosion. Pour tout dire, je trouve parfois un peu... longuet (un personnage s’appelle M. Longuet). Mais le livre se déroule à la frontière indécise des rêves et l’auteur ne peut pas foncer comme un âne en faisant tout tomber sur son passage. J’en suis à la page 87 – je

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vais donc aller jusqu’au bout. Noté ceci p. 42 : «Brice, dans son obscurité d’idiot de service, a peut-être trouvé le passage de la bêtise à la folie, autant dire vers nulle part ; là où on ne peut pas dire qu’il est.» Voilà qui est excellent. On songe à la Pologne jarryque. On pourrait remplacer «folie» par «mort». Ce qui m’amène à l’épitaphe du poète de garde. La nouvelle épitaphe : «Poseur il a vécu ce que durent les poses / L’espace d’un cliché.» Peut-être te l’avais-je déjà envoyée. J’y ai pensé en regardant l’album de famille à la mort de mon père. Il ne s’agissait pas de mon père en particulier, mais de toute la famille Rikiski-Fenouillardoff – car le schéol est aussi de ce bas monde.

Toujours l’incertitude quant au studio de Caudéran. Je peux te dépanner quand tu le veux, mais le père de Lise peut en avoir besoin du jour au lendemain.

J’ai pensé à un évangéliste androgyne qui s’appellerait Ivangèle. Faudrait écrire les aventures du Christ, chef du «gang apostolique», selon Ivangèle. Avec gitons, travestis, viriles demoiselles, dans un style lui-même hermaphrodite. Rude labeur.

(J’ai tenté d’appeler un n° avec ton sésame mais une voix m’a orienté vers le 36.50 Télécom.)Amicalement à toiMikhaïl Ivanovitch O H L’homme qui ne sait pas qui je suis (ça a l’air profond mais ça ne veut

rien dire !)

Mimizan-Pli [4 mars 1992]Cher Philippe,tu connais peut-être déjà L’unicoloriste, de Jules Moy ? Tu en as parlé ? La mémoire me

distance, ce qui doit vouloir dire que je n’ai pas souvent à ma disposition la mémoire du temps qu’il faudrait. < On ne peut plus vaseux. J’essaie d’écrire quelques pages pour un microscopus vaguement prévu aux éd. Galimart – dont j’ai au moins l’intitulé : Boobook.

Indipohdi, indipohdi... ce pourrait être un nom de secte... Dans les Récits de Kolyma de Chalamov, un bagnard répond «Dieu seul le sait!» à toutes les questions. « - Comment t’appelles-tu ? – Dieu seul le sait! – D’où viens-tu? Quel âge as-tu? – Dieu seul le sait!» Lu cette phrase traduite du russe (Platonov) : «Le triste chant du choeur des aveugles s’en allait flottant au-dehors et se confondait avec les faibles murmures des arbres morts.» La première fois j’ai pensé ceci de la traductrice (ou à peu près) : «Trop polie, jolie, pjolie pour être honnête, la nana traductrice!»

Et à présent je m’en vais te quitter pour m’en aller te poster ce mot et m’acheter Sud-Ouest qui me coûte environ 1500 F par an.

Amicalement, Mikhaïlo Patapytch (ainsi appelait-on l’ours en Sainte Russie.)

Mimizan-Pli [9 mai 1992]Cher Philippe,je me suis attaqué au Hitler de Marlis Steinert (Fayard, 1991). Cette anecdote, p. 29 : «C’est

pendant cette période* qu’Hitler s’enivre pour la première et dernière fois de sa vie. Il fêtait la fin du semestre avec ses camarades de classe, dans les environs de Steyr. En rentrant, pris d’un besoin naturel, il se servit de son certificat scolaire pour l’usage qu’on peut deviner. Pour comble de malchance, la pièce délictueuse fut rapportée le lendemain à l’école, et Hitler dut subir une humiliante algarade en présence du proviseur. (* environ 1903-1905, peu après la mort du père. La mère d’Adolf l’a placé à l’école de Steyr, le privant de la chaleur maternelle.) Je relève itoudem ce «propos de table» du 4 avril 1942 : «Lâcheté, ton nom est bourgeoisie.»

Nous revenons dimanche à Bordeaux.En voyant la petite chatte ruminer ses pensées du matin au soir j’ai imaginé ce titre :

Miaouriac, par Minou. Elle «pourrait» méditer cet ouvrage.Rien d’émouvant dans tout ça...A bientôt.AmicalementMikhaïl O H L

Mimizan-Pli, 6.7.1992.Cher Philippe,quelques jours encore à Mimizan nous deux Nicolas. Ne sais si te verrai avant ton départ en

vacances : veux-tu m’envoyer rue Jean-Soula ton adresse de campagne d’été ? J’ai lu ces temps-ci des bookins de Pierre Véry (son roman le plus célèbre est Les disparus de Saint-Agil), un Charentais de Bellon, près Aubeterre : connais-tu ce pays tout près de la Dodogne (nous dirons dorénavant Dodogne à cause du dernier dodo des noyés dans son lit). J’ai découvert par hasard à Bordeaux dans Larousse : Jules Bienaymé, statisticien (1796-1878). Dans le Larousse d’ici nulle trace de ce Jules. Si je me remets un jour à écrire des histoires, je lui dédie la première.

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Je m’emm...e tellement que je me suis mis à réfléchir à tue-tête sur l’Art et l’esthétique. L’une de mes réflexions : Ce qu’il y a de bien avec la peinture, c’est que c’est silencieux, à la différence de la musique, qui, elle, a toutefois cet avantage d’être invisible. Et la pluie continue de tomber, entraînant dans sa chute de petits poissons de nuages brisés en mille morceaux. Ne sais quand rentrerai à Burdigalurin... Cela dépendra de Nicolas, le vrai patron. Moi, c’est l’aboulie habituelle. Dont seul l’alcool a pu quelquefois triompher : STOP !

Amitiés de Mikhaïl Ivanovitch O H L

Burdigalurin [août 1992]Cher Philippe,ne sachant exactement où tu es je t’écris chez ta mère. Août sans histoires. Le gros blond

m’avachit. «Vacances», le mot ne viendrait-il point de «vache» ? Je n’ai trouvé la lettre de Gombrowicz dans aucun des bookins en ma possession. Rita n’y fait point allusion. Mais... les 2 dernières pages du Journal (T. III, 1961-1969) sont consacrées à M. Stanislaw Kocik, et son malencontreux article dans Le Monde. Je t’en envoie la photocopie. Si j’ai bien compris, Witold s’adresse à Jacqueline Piatier, à propos d’un dossier Gombrowicz paru dans Le Monde fin 1968. Après la petite incartade de l’autre jour, me contente de ptisanes et de menthe à l’eau. Corrigé épreuves d’un bouquin nullard sur la vie à Burdigaloche sous la botte nazie. Un «détail» intéressant, toutefois : le jeudi 16 avril 1941, à 16 h 30, Me André Saudemont, avocat à la cour de Paris, a prononcé une conférence au Musée de la Peinture du Jardin de la Mairie. Thème : «Louis-Ferdinand Céline et les Juifs». Manif. organisée par l’Institut d’Etudes des Questions Juives de Bordeaux. Peut-être serait-il intéressant d’aller un peu voir les journaux locaux de ce mi-avril-là...

Voilà.A part ça, côté psycho, c’est pas la joie, mais y a facilement pire.Donne-moi des nouvelles... adresse...AmitiésO H L

Mimizan-Pli, dilune [31 août 1992]Cher Philippe,la Pluie s’épanchant sans discontinuer dans le giron de la mère Soliterre nous n’allons

probablement pas nous attarder chez Mimi Zan ! Va falloir que je te passe cette troisième livraison du Dico-dico, qui regorge de trouvailles et de curiosités et de renseignements de premier ordre. La forêt m’a fait penser à une harpe éolienne qui s’appellerait un peu prétentieusement l’«orgue-yeuse». Rien à voir en tout cas avec le bon vieux tam-tambour. Je lis tout doucement un roman-fleuve russe, roman-Volga plutôt que Ienisseï : La Falaise. Je l’avais lu autrefois (1972 ou 73) sous un autre titre : Le Ravin, et bien que je fusse à l’époque complètement branque, j’avais tout de même enregistré pas mal de détails entre deux rhum-valium. Hier soir, au moment d’aller souhaiter Bonne nuit ! à Nicolas (nous sommes seuls tous les deux), j’ai eu cette pensée : «Si la nuit est une petite mer intérieure, le radodo la traverse facile, mais si c’est la Noire, de mer, aïe aya! aïe aya!» Et puis je me suis dit que la mer Noire n’allait pas, car c’était aussi une mer intérieure !! Affaire à suivre ?! Voilà. Amicalement à toi.

O H L, Finaud du Naïf

Burdig. [23.9.92]Cher Philippe,c’est l’automne, les feuilles tombent, voici Boobook, écrit peu après la mort de mon père.Il y a une chanson de Bob Lapointe intitulée «Je suis né au Chili» : «Je suis né au Chili,

Maman était au lit et mon papa auchi...» Ainsi commence cette chanson.AmicalementMikhaïl Ivanovitch

[Lettre non datée, écrite sur la couverture du catalogue 1992-1993 des éditions Contre-Moule]Burdigalère-sur-Garogne, vendredi.

Cher Philippe,Biblio-scato très précieux mais j’ai dû renvoyer mon exemplaire à Contre-Moule (le catalogue

donne l’origine de ce nom) car il manquait quelque 30 pages.J’ai pensé que ce mince catalogue t’intéresserait. L’Artsybachev à paraître est un Russe

début XXe très injustement méprisé à mon sens.

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Au relu, Cecilia Meireles, nonobstant mes a priori antipoétiques, me plairait plutôt, du côté des noms... «irresponsables et tendres, flottant, flottant sur l’ombre des âmes...» etc. Ouais, c’est chouette («et le langage de la nuit») [«Nocturne de Hollande» n° 2, Ld XV].

Quand je te parlais au téléphone des Cahiers du Collège j’omettais Lettre documentaire mais je n’ai pas besoin de te dire qu’elle fait partie des publications préférées. Bien sûr.

Faudrait que je relusse l’essai sur le rire de Bergson (pour un lointain projet de Schéol, une préface à un court texte hirsute ou fumiste, Le Nègre, de Osmont (fin XIXe)) mais j’en garde le souvenir d’un bookin sinistre...

AmicalementMichel O H L

Mimizan-Pli [17 février 1993]Cher Philippe,je t’envoie une petite histoire macabre que je viens d’écrire.Je suis seul avec Nicolas, car la mère de Lise a passé l’onde noire, comme on disait, vendredi

soir. Je ne sais combien de temps nous resterons. Un copain de Nicolas s’annonce, et ça ne me sourit guère, car je suis sombre comme la tombe.

Je ferai à Bordeaux d’autres notules (domaine hongrois) [cf Ld XXIV & XXV] mais pour l’heure je ne m’en sens pas le courage.

J’espère que ce pli ne te démoralisera pas trop et ce matin en me promenant dans la taïga tandis que Nicolas «roulait vélo», cette pensée m’est poussée soudainement : «La meilleure preuve de la réincarnation est le boeuf».

Qu’en penser ? Qu’en dire ?Amitiés de Mikhaïl Ivanovitch O H L

Mimizan-Repli [17 février 1993]Philippe,après avoir posté le récit macabre que tu devrais recevoir dans ce même courrier, je me suis

aperçu que j’avais commis une lourde faute au tout début. Je te demande donc de lire «Le jour de l’enterrement» et non «Le jour de mon enterrement». Cet erratum posté, je vais pouvoir je l’espère dormir sans trop de peine.

Je continue de brasser mélancolie, comme on disait autrefois dans le sublime Uylenspiegel par exemple, et j’ai pensé à un nouveau parti politique, le P.S.R. (Parti Sans Retour), qui serait largement majoritaire, puisqu’il réunirait tous les morts sans exception. Aux prochaines élections le PSR va-t-il prôner l’abstention ? Chaque mort, anar ou nazi, retourne sa veste dans sa tombe et adhère au PSR. Etc.

A bientôtMichou Michèvre O H LLa sage, reclus, trait cette vache de société par le biais de la boîte aux lettres de sa tanière (il

y a du Satan là-dessous).

19 février [1993]Philippe,voici quelques notelettes, les dernières. Comme pour les gosses, qui ont des 19+ et des 19-,

j’ai nuancé l’appréciation.Je m’en vais à présent rejoindre Nicolas et son copain, qui pêchent dans le «courant».Amitiés.Michel

Burdigalère [12 mai 1993]Cher Philippe,voici l’opuscule de L’E.DE N. Cette notion de «lotobiographie» reste un peu obscure, non ?Je viens de relire Une ascension du Suisse allemand Ludwig Hohl. Je te recopie ce bref

passage (p. 75) : «... est-il jamais arrivé que penché sur une carte, on soit pris de vertige et qu’on se cogne le front sur le bois de la table?»

A propos de carte j’ai pensé, pour cette affiche du diable, à une série d’agrandissements (ou réductions?) successifs entre lesquels sinuerait la vaseuse histoire : carte des Landes > carte d’Onesse > cimetière du village > squelette. (Si une idée te pousse...)

Ma mère a consulté un parapsychologue pour se renseigner au sujet d’une femme que mon père a connue avant la guerre de 40. J’ai pensé à un parapsy qui serait lui-même son propre pendule

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et qui, une fois délimité un certain espace, se laisserait tomber d’avion en parachute à l’endroit précis où mon père donnait rendez-vous à son amie. C’est malsain, j’ai imaginé ça sous le coup de la colère.

Amicalement à toiMichel O H L

[1 juin 1993]Cher Philippe,voici les notelettes. (Je ne cite pas la Lettre XXIV pour te forcer la main, mais par scrupule

scientifique !!) Ce que je dis de mon père et du Masque est vrai (du moins en ce qui concerne la collection policière). Voilà pourquoi je t’envoie le masque du Masque, qui pourrait être une bonne illustration. Avant de jeter «L’homme de nulle part» à la poubelle, j’ai découpé le petit passage.

Pour Trenet, je vais aller voir ou revoir du côté de son oeuvre romanesque, car les citations touchant la mort, si j’ose dire, sont moins nombreuses que je ne le pensais (les citations mémorables s’entend...)

Amitiés de H(uman) P(un) (l’homme calembour) Mikhaïl Ivanovitch O H L

16.6.1993[Avec un choix de citations agencées, intitulé «Poussière de Trenet»]

Philippe,Trenet a le temps de se retourner dans sa/ta boîte...Parmi les 3 romans de Trenet que j’ai lus (sur 4) Un noir éblouissant est de loin le meilleur. Le

chapitre La Babotte, consacré à l’enfance catalane, est un chapitre clé...J’avais pensé à «Poudre de Trenet».En réalité je ne sais ce que vaut ce petit montage...AmicalementMichel

Mimizan-Pli [5 juillet 1993]Cher Philippe,Landais sommes, les gamins et moi, jusques jeudi ou vendredi.Je voulais te demander d’envoyer les prochaines Lettres, Ohl y compris, à M. Dominique

Noguès [... Bordeaux]. Tu pourrais ajouter un catalogue et (éventuellement) le questionnaire dont tu me touchais un mot via l’appareil téléphonique.

Je vais abandonner le domaine homonymique [Ld XXXIII] (Ne plus chercher Le puits de solitude. Mais je suis preneur si tu tombes dessus par hasard.) Je songe au domaine alcoolique ou alcoholique. Outre Au-dessous du volcan, il est 4 ou 5 grands bookins dans ce domaine à ma connaissance.

Une idée me trotte : t’a-t-on déjà dédié un livre, ou quelque autre chose, «A Billé, chaudement» (dédicace hivernale) et, si oui, comment l’as-tu pris ?

C’était mon questionnaire...Amicalement

Miguel

Mimizan-Pli [11 août 1993]Cher Philippe,l’expédition à Bassac s’est bien passée. P. Z. m’a donné pour toi toute une collection

d’opuscules de l’Eden, dont quelques documents du plus haut intérêt : sur le «langage» de certains moines voués au mutisme, par exemple.

Edmond Thomas a lancé plusieurs séries d’ouvrages remarquables (à 200 ex. en général). J’en ai ramené plusieurs (ouvrages). Voilà qui devrait (en principe) intéresser les biblioches publiques. Je t’envoie un catalogue. J’en enverrai un autre à (Ro)Botineau dès mon retour à Burdigalère (demain mercredi).

Edmond va publier Onessa, un opuscule vert jade du format de Boobook, avec carte toute petite incorporée.

J’ai pensé tout à l’heure à une horlogeraie où les pendus marqueraient 6 heures en l’absence de vent.

Je te salue amicalementMikhaïl

La Mauriacqueuse [début octobre 1993]

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Cher Philippe,voici le petit objet.T’ai-je jamais parlé de cet auteur vivant à Onesse, âgé de 80 ans et quelques, publié par

(hélas!) William Blake ? Il s’appelle Jacques-Marie Dupin. J’aime bien ses écrits. Premier aphorisme de son 3e et dernier recueil : «Je me suis assis sur le bord de mon lit, la tête entre les mains, et nous nous regardons, ma tête et moi.»

AmitiésMichel

Mimizan-Pli, merdredi [27 octobre 1993]Cher Philippe,l’Après-propos de Geof Huth [Ld LIII] est vraiment excellentissime. Subtil, pas un mot de trop,

j’allais dire déplacé, pas un mot déplacé – mais je pense au tr(43i)n (le finale du texte est peut-être le meilleur). 37 H (lettre-barrière), 43 i pour le train : correspond-ce à des nombres précis dans l’original ?

Demain, je vais à Onesse-Onessa avec une plaque mortuaire...Et je reviens samedi à Burdigalère.Bitonneau, lus-je en Sud Ouest, doit prononcer un discours sur l’histoire de la BM de

Bordeaux.Envoyé à Christ. Petchanatz une réponse à son enquête sur l’écriture – peut-être un peu tard.

J’y fais l’éloge de Francis Giraudet : j’avais honte de ne point défendre l’un de mes plus vieux amis... un auteur de Schéol, en outre... S’il s’agissait de toi, je prendrais virulemment ta défense, naturellement... En paroles, car s’il s’agissait d’une bagarre à coups de poings j’aurais la trouille, probable.

Amitiés de ton Mikhaïl Ivanovitch O H L

Gros-Port-sur-Garogne, vendredieu! [5 novembre 1993]Cher Philippe,j’arrache la «page cochon» à une revue semestrielle de salle d’attente intitulée Naf-Naf... Le

cri des animaux à travers le monde, voilà-t-il pas un bon thème de recherche ? J’avais fait passer (dans Sacripants ?) un oral de contrôle à un coq français s’exilant en Angleterre (cooca doudeuldou, phonétiquement, le coq british ?) Le miaou, le ouah-ouah, le cocorico mériteraient peut-être un lexique polyglotte ? On pourrait ajouter aïe aïe, ouille ouille, le hi hi du rire, etc.

J’ai lu que samedi à 15 h la téloche FR3 investissait la BM.AmicalementMikhaïl Ivanovitch

Jeudi [7 avril 1994]Cher Philippe,Al Ackerman super, comme à l’habitude... Je prendrais bien d’autres exemplaires des Lettres

16 (où je figure aussi...) et 21. Ainsi que des Ld 10, 11, 22, 24, 27. Huit ou dix exemplaires.Nous partons à Mimizan dimanche, pour 2 semaines environ. (En début d’après-midi.) Peut-

être pourrais-tu passer, d’ici là ? Je te donne cette fameuse phrase de Ma vie de Jérôme Cardan : « Après qu’on eut essayé inutilement, à ce que j’ai entendu dire, des médicaments abortifs, je naquis le 24 septembre 1501, vers la fin de la première heure de la nuit, un peu après la demie, mais avant les deux tiers de l’heure.» Suivent de savants développements astrologiques. Ce chapitre (Ma naissance) fait 3 bonnes pages.

Amicalement à toiMichel OHL

Gourette [22 août 1994]Je suis là-haut depuis huit jours, et sans doute jusqu’au prochain samedif (la lugubre forêt :

manchedif, lundif, mardif etc...) Comme tu vois, je ne suis pas spécialement joÿeux dans ces montagnes.

J’avais fini par aller à Bassac. J’en ai rapporté cette infâme pochade, dont j’avais pris l’idée dans Bergson : «et pourquoi rion d’un nègre?», et dans la publicité... J’avais aussi relu Tintin au Congo.

AmicalementMikhaïl Ivanovitch

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[Novembre 1994]Cher Philippe,je romps mon long silence... Je suis «toujours» vivant, jusqu’à nouvel ordre, peut-être est-ce

mon côté sportif qui me permet de vaincre vaille que vaille les épreuves de l’unique existence.Lis donc le «Nous, sisyphes renouvelés» du n° 3 de Jour de Lettres, et tu pigeras, me

connaissant, je crois, pas mal... Oublions pas, pour bien peser les choses, si j’ose dire, que Periz et Schillinger ont publié ma Mer... que 10 ou 12 éditeurs avaient refusée. Sans eux, pas d’omelette poëtique... Le n° Ohl mériterait bien des commentaires. Trop, sans doute. Alors, silence...

Depuis quelque temps, j’ai des crises de «folie du doute». Je vérifie 10 fois les adresses, la fermeture des portes, du gaz... etc etc ... et j’ai aussi des manies qui frisent la superstition, et je me souviens de l’effet des neuroleptiques, une répétition aberrante des moindres gestes de la vie quotidienne... Se chausser, se déchausser, cinq, dix fois en suivant... C’est ce qui m’a poussé à écrire cette histoire de rituel : «Le prix du boeuf»... C’est un bon filon : j’ai raconté pour le prochain n° la liturgie de mes visites chez ma mère... Mais je vais m’arrêter là.

As-tu des nouvelles de Jacques Abeille?Et est-ce que tu travailles? et publies?Je vais le + souvent possible à Mimizan, mais là, je suis en période d’examens médicaux, ce

qui fait que je ne m’ennuie pas trop, nonobstant (tiens tiens !!) mon dégoût des livres, c’est sans doute exagéré, ma désaffection à l’endroit des livres?

AmicalementMichel O H L

[28 décembre 1994]Cher Philippe,je ne sais si tu as la chance inouïe d’être un «acteur culturel bordelais» comme mézigue...

Pour une fois, j’ai photocopié ma réponse – à François-Xavier Bordeaux – que je t’envoie. (Tu sauras démêler le vrai du faux dans cette missive, la frime de la franche inquiétude. Professeur O.)

A part ça, rien de bien neuf. L’an, bientôt... Mais ne vendons pas trop tôt la peau de 94!Meilleurs voeux, toutefois, en dépit de Bordeaux, F.-X. et Icity.AmicalementMikhaïl Ivanovitch

[17 mars 1995]Philippe,tout va bien! Sud Ouest s’écrit sans trait d’union sauf le dimanche!!Au relu, les poèmes de Juppé ne me semblent pas ridicules, venant d’un type de 16, 17 ans.

Aussi ai-je mis «fiévreux» à la place de «ridicule». Fiévreux comme tant de poèmes d’adolescence. Typo impecc!

Huidobro, pas encore lu.AmicalmenteMiguel

Mimizan-Pli [24 avril 1995]Cher Philippe,merci du Journal (3) [Ld 116]. J’aime bien cette forme-là... l’Ecclasiaste, Chaval... ça n’est

peut-être pas si hasardeux... Poursuis-le donc, ce Journal. Les oiseaux sont présents, j’allais ajouter «du ciel»... Je ne lis quasiment + de livres, mais je feuillette les journaux et suppléments littéraires et tombe sur ce papier de Libération [sur Dominique Meens], qui devrait te retenir, comme on dit... Naguère, je serais allé voir ce drôle d’oiseau de bookin de + près.

Tu ne dis pas si le ruisseau a un nom ?En général, les chemins de campagne n’en ont pas, je me demande pourquoi. Les baptiser

serait un beau programme politique. Penser écrire Cheminade.AmicalementLou Miquéu d’Onesse

[juin 1995]Cher Philippe,je t’envoie extrait du n°36 des Monitoires, parce qu’il y est question de toi...Et j’ajoute Jour de lettres n° 10 où tu pourras lire un hommage à Juppé par Ohl d’Oness’, le

fameux toréador corridor? inaficionado.

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AmicalementMiquéou

Canicula [22 juillet 1995, sur une carte de visite portant la mention : Michel OHL, Ecorché vif]t’envoie par la présente les papiers sur Gil Wolman et «l’été de tous les bruits»...Amicalmente

[16 janvier 1996]Philippe,ma mère vit ses derniers jours d’enfer au Tripode – du moins je l’espère. Le professeur de

l’Unité de Réanimation est beaucoup plus accessible qu’à Haut-Lévêque. Et il est décidé à interrompre son agonie dans les jours qui viennent. Si je me trompe, alors c’est à devenir fou.

Il n’empêche que je m’occupe encore le cerveau à de petites dérisions littéraires. Connais-tu Aubeterre ? Mitterrand passait jadis ses vacances dans un village situé à quelques kilomètres, Nabinaud. Un écrivain que j’aime j’aimais beaucoup est né à Bellon, non loin de là. Il parle de ce pays dans quelques ouvrages, dont Goupi Mains-Rouges. Et je me suis rappelé un passage d’un autre livre touchant Bordeaux : «J’allai droit à mon hôtel. J’avais vu Bordeaux suffisamment. Je n’étais pas autrement fier de moi. J’avais le sentiment que la période que je venais de traverser dans la «capitale du Sud-Ouest» serait un jour inscrite au grand livre de ma mémoire comme l’une des plus honteuses de ma vie.» (Le meneur de jeu, roman de 1934 [...])

AmicalementMikhaïl Ivanovitch

[15 février 1996]Cher Philippe,j’aime beaucoup le fragment du père Bernardes... [Ld 166] Si je relis, j’irai vers les livres de

cette inspiration, ou les récits du Pèlerin russe, ou Tolstoï, même si je suis «athée dans l’âme». Enfin, je dis ça maintenant.

J’ai jamais pu blairer Karl Zéro, moi non plus. C’est à 20000 lieues de l’humour noir. Et puis, il a piqué le nom du M. Zéro de Jim Thompson – un vrai humoriste noir, lui. Mais au fond, je ne sais plus ce que ça veut dire, humour, humoriste, etc.

Je t’envoie une vue d’Onesse (début du siècle, probablement). Elle m’a été envoyée par... Latry, collectionneur de cartes postales landaises.

J’aimerais écrire quelque chose pour Lettre doc., mais la mort et Brassens, non pour l’instant, alors peut-être Onesse-Onessa ? (c’est-à-dire la mort, également). J’ai lu ou relu les souvenirs de ma mère. Ca m’a glacé d’effroi, parce que j’ai vu quelques secondes ce que c’était que le «travail de deuil» (c’est les morts en deuil des vivants) mais je me suis repris rapido, comme tu peux voir... Mais je te reparlerai du projet documentaire, s’il prend forme.

Amicalmente!Miguelitito

Mimizan, dimanche 5 h 30 [24 mars 1996]Cher Philippe,j’ai regardé Anatole France chez ma mère mais je n’ai rien trouvé dans Vie littéraire, série II,

sinon un M. Bourdeau [Cette note et les suivantes sont pour mon anthologie Bordeaux cité citée]. Dans Eugénie de Guérin, rien non plus mais il faudrait voir de plus près parce que le livre fait 400 pages tassées. Il me semble que son frère Maurice, le poète romantique que j’ai beaucoup aimé, écrit des lettres de Bordeaux. Dans ma mémoire, il est descendu dans un hôtel des Grands-Hommes. Quant à France, il séjournait chez une amie (maîtresse?) dans un château de Gironde et venait parfois à Bordeaux – mais où en parle-t-il ?

A Mimizan, rien trouvé dans Littré. Lorsque Louis Nucera refaisait en 1986 le Tour de France 1949, étape par étape, sur les traces du vainqueur Fausto Coppi, il s’est donc arrêté à Bordeaux, à l’ancien hôtel Frantel, où j’ai passé la soirée avec lui. Je lui ai donné tout un tas de citations d’écrivains sur le vélo ou Bordeaux, dont il a utilisé certaines dans Mes rayons de soleil (Grasset, 1987, pp. 99 à 109). C’est un livre dont je préfère ne pas trop parler parce que Louis me présente tel un pédant étalant son érudition de façon éhontée – et parlant sans cesse (je n’ai ouvert la bouche que pour boire – toutes les citations se trouvaient sur des feuilles). Mais Louis Nucera a tellement fait pour moi aux moments où j’étais à la dérive (il m’a on peut le dire sauvé la vie) que mes reproches resteront entre nous sur cette page bleue tirée du bloc de papier à lettres de ma mère. (Je pense soudain que Blondin parle certainement de Bordeaux dans ses écrits sportifs ou autres.) Au fond, il n’y a pas grand

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chose à glaner dans ce chapitre de Nucéra. Surtout des noms : le poète Léon Valade, un ascendant de l’homme politique actuel, fut l’un des «inventeurs» de Rimbaud. Il a écrit A mi-côte.

Saint-John Perse habita, étudiant, le quartier Mériadeck.Achille Fournier, sorte de Ferdinand Lop, ou de Mouna bordelais des années 1945-50, est

amplement cité dans Les Fous littéraires de Blavier, mais je ne sais plus s’il parle de Bordeaux.Piste de La Boîte à clous, revue littéraire de Jean Forton des années 50.Note de Nucera : «Dans sa notice biographique du ministère des Affaires étrangères, Arthur

de Gobineau indique «né à Bordeaux». ‘Je croyais que vous étiez originaire de Ville-d’Avray, lui dit un de ses amis, archiviste de la Gironde – Et alors ? En ce 14 juillet 1816, j’aurais dû naître à Bordeaux. C’est mon point de vue et cela me suffit, car Bordeaux est une ville noble.’» Ce renseignement ne vient pas de moi. Voir peut-être la chronologie de la Pléiade – Gobineau.

Stephen Hecquet, écrivain que je n’ai jamais lu : «Bordeaux n’était plus une ville mais un vaudeville. Bordeaux ne s’appelait plus Bordeaux mais Feydeaux.» Pas de références.

Piste des gouvernements qui s’installent à Bordeaux, fuyant Paris.Et voilà. Je me demande ce que j’avais pu inscrire dans ces feuillets donnés à Louis au

Frantel.(Barbey d’Aurevilly a dû passer à Bordeaux pour aller dans les Landes chez des amis

châtelains.)Voilà, mon cher. La récolte est maigrelette. Mais je dénicherai autre chose, ici ou à Bordeaux

ou dans ma tête sans domicile fixe. Et à présent, beaucoup plus intime : Depuis la mort de ma mère je crois sincèrement de + en + que je vais mourir bientôt. Bourgeyx dit dans un livre que la sincérité a ses mots, qu’il faut savoir, comme l’exercice de la dissimulation. Moi je dis en frimant «je suis sincère, croyez-moi». Mais c’est vrai que je sens la mort très proche. Et je suis piégé par : - la vieille pente macabre de mes écrits, que je continue de dévaler.- la cigarette mortifère. Mais pour l’heure, pas un mot à ma famille.

Ma mère a agonisé 40 jours environ. C’est le temps du passage dans le Bardo-Thödol. Mais là, c’était le contraire. Elle a eu cent fois le temps de renier son Dieu, auquel je l’encourageais à croire dans ses moments de doute. De renier tout et tous et de mourir folle. Mais je ne sais pas. Pour la naissance il y a la sage-femme. Mais pour la mort il n’y avait personne. La passage-femme, la folle-femme, c’était elle, mais je recommence à jouer, comme lorsque à sa mort j’écrivais MEmoiRE pour signifier qu’une fois ma mère disparue, je redeviendrais larve ou foetus ou avorton. Donc, croyant mourir bientôt, j’ai décidé d’ «écrire mes rêves». Il me semblait qu’ils pourraient «éclairer la fin». C’est un leurre, bien sûr, mais j’ai voulu appeler ces histoires de rêves, Rêves d’avant la mort. Je n’en ai noté que 3, parce que la plupart du temps j’ai eu la flemme ou j’ai manqué de courage. Je te les envoie et ensuite je jette les pages de carnet où ils se trouvaient. (...)

REVES D’AVANT LA MORT1. (jeudi 27 février 96, Bordeaux). Jean Laforgue (libraire, ancien adjoint de Mollat) se livre à

des opérations bancaires pour mon compte ou pour le compte des 3 frères Ohl (à l’époque j’étais très angoissé à l’idée d’entrer dans une banque pour ouvrir un compte). Il trouve que les sommes manipulées sont dérisoires (5000 F). «Vous fumez?» il me demande. Et il dit quelque chose à propos de l’argent (billets) qui fume. Le rêve se passe à Onesse. Je descends la côte qui va de la maison natale au bourg en marchant bizarrement. La pointe de mes pieds racle la route. Il y a Tano (mon cousin Bertrand Dulau d’Onesse, 63 ans, chez qui nous allons à chaque enterrement) dans les lointains du rêve. Je vais souvent au bourg, le rêve me le dit. Laforgue se moque (se remoque ?) de la petitesse des transactions (5000 F) et aussitôt après apparaît comme une parodie de plage de vacances, avec armature de cabine de bain, et silhouette de baigneur en bois noir. C’est une plage de ploucs désargentés. C’est évident dans le rêve.

2. (mardi 5 mars, Mimizan). Je suis bloqué dans une station de montagne. Je suis venu en bus. Dans le bus, Jeannot Pradère, assis (un Onessois que j’aime beaucoup, ami de la famille, employé de la société de mon père – aux obsèques de ma mère il pleurait et sanglotait). Avec moi, Jean-Claude Suffran et un autre barjot, je ne sais qui (Suffran J.-C. est le cousin de l’écrivain Michel. Il a écrit une partie des Manuscrits de la Mer Morte DANS LE FUTUR. Lui-même ajoute : «C’est incompréhensible mais c’est comme ça.» Il s’est baptisé Maître de Sagesse et de Lumière, et Bras droit de Dieu. Quand je prends le bus avec lui, je suis assez gêné car il me parle en délirant à voix très haute.) Pour me démarquer d’eux, Jean-Claude et le barjot n° 2, et pour montrer à Jeannot que je suis AVEC LUI, je me mets à pleurer. Et puis me voici dans un bistrot (semblable à celui que je fréquentais à Cauterets en 74-75) que presque rien ne signale de l’extérieur. Une vieille dame le tient. En réalité, le bus m’a laissé loin du village. J’y suis allé à pied. Je suis perdu. Comment rentrer (à Bordeaux) ? J’envisage d’aller à Bordeaux dans un hôtel sans le dire (à Papa) et de boire. Mais dans ce rêve il ne semble pas que je boive. Au village perdu, une station de cars, tout de même. Mais je ne peux lire les

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noms des destinations effacés à demi sur la vitre où ils sont peints (des villes de Gironde, peut-être ? Pauillac ?) Et j’essaie d’établir le contact avec Jeannot dans le car tandis que Suffran m’accapare – c’est à ce moment du rêve que je me perds je crois.

3. (ce dimanche-matin, Mimizan). «Il y a une façon stupéphiale de faire marcher les malades sociaux» («stupéphiale» était écrit dans le rêve) dit un rééducateur à sa malade qu’il aide à marcher lors d’une rentrée scolaire dans un lycée. Je dois redoubler ou tripler (j’ai triplé ma philo). Je n’ai pas de quoi écrire, ni stylo, ni crayon (en fac, pour frimer, j’arrivais en cours sans rien d’autre qu’une de ces feuilles de bloc avec marque d’apéritif, que l’on trouvait dans certains cafés). Je retrouve un nommé Le Coullic (qui c’est ?) et un autre redoublant ressemblant à s’y méprendre à François, condisciple de Victor-Duruy de Mont-de-Marsan. Un prof d’histoire passe entre les rangées, cigarette allumée entre les lèvres serrées, fronçant le sourcil. Je lui dis quelque chose à propos de Le Coullic. Je pousse les tables de devant avec les pieds. Un élève est coincé entre deux tables. Un tout jeune. Et le rêve m’amène à La Landaise, la maison familiale d’Onesse. Dans le parc, à droite de la maison, Marc Chivracq (employé de mon père, mort voici 13 ou 14 ans) me remercie avec émotion d’une lettre touchante que je lui ai envoyée. Or Jeannot Pradère, qui est là, m’a remercié lui aussi, muettement, larmes aux yeux. Je suis gêné lorsque Marc se répand en remerciements en présence de Jeannot. Je me dis que Jeannot va se poser des questions : ai-je écrit la même lettre émouvante à tout le monde ? (A la mort de ma mère, j’ai songé à écrire à tous ceux qui avaient signé le Livre de Condoléances. En réalité, je n’ai écrit qu’une dizaine de lettres – il y avait 40 signatures – la plus longue, celle à laquelle je tenais le plus, je l’ai envoyée à Jeannot Pradère. J’ai voulu éviter le pathos, mais fatalement, il y en avait. J’ai joint à 5 ou 6 lettres des photocopies de cartes postales d’Onesse au début du siècle, choisissant pour chaque correspondant une carte pouvant le toucher – à mon humble sens.)

C’est fini, mon cher, t’en fais pas!Ah ! j’ajouterai pour être complet que dans un 4e rêve de cette même période, j’ai pu LIRE ce

calembour homophonique : «L’âme en dix cités.» Je l’ai noté pour m’en servir à l’occasion dans une histoire.

J’écris la fin de cette lettre en écoutant Radio-Landes et les infos m’inspirent cette connerie : BOUCHERIE SUICIDE, Steaks Fous. Ca, c’est la «réalité»!

AmicalementLou Miquèou d’Onesse(J’ai reçu avant de partir un coup de fil de la BM : la dame semblait très agacée par les

nombreux appels au sujet du «Colloque». Elle est restée aimable mais je sentais que ça la faisait vraiment ch...)

Je te parlerai des Lettres. Je les ai lues, j’ai trouvé la livraison excellente. Mais ze l’ai oubliée à Bx, où je rentre mercredi.

[3 avril 1996. M’envoie trois pages de citations littéraires sur Bordeaux, pour ma collection]

Mimizan-Pli [29 avril 1996]Alors, mon cher, on fait un malheur comme ça au Phylloxéra vastatrix? Je reste quelques

jours encore au Paÿs... J’ai écrit une sorte de tract à propos de galeries d’Art... que je te montrerai à Bordeaux au retour (dimanche 5 mai sans doute). Je ai (sic) noté un autre Rêve d’avant la mort. Je me sens obligé quasiment de te l’envoyer. C’est complètement idiot !!! Enfin c’est comme ça. Connais-tu l’histoire racontée par Crevel de ce type retrouvé un jour dans son lit la gorge tranchée : à son chevet était un papier avec ces mots : «J’ai rêvé que je me coupais la gorge. Quand je me suis réveillé, je me suis aperçu que c’était vrai!» Ca a l’air vertigineux comme ça, mais serait-ce dû, ce vertige, simplement à la formulation?

Amitiés de Mikhaïl IvanovitchRêve du 24 avril 96, à Mimizan (7 h 20 réveil, rêve noté à 19 h). Onesse : J.-C. Suffran trace

(à la craie ?) sur la route face au bistrot de Jojo Caule, une fusée ? une flèche ? une sorte de dessin scientifique terminé en pointe, pointe dirigée vers Morcenx (Est). Il vient parfois me demander des renseignements afin de mieux dessiner son engin. Mais je ne suis pas chez Jojo, semble-t-il. Il y a tout autour de J.-C. des Onessois, curieux, médusés, soupçonneux. Je vois en face le grand mur du Château Cadilhon. Là-dessus se greffe un article de Sud Ouest Bordeaux. La place vide laissée par l’article découpé apparaît béante. Mme Marquer (une psychiatre qui m’a soigné en 73-74 à l’Hôpital de Jour – où allait aussi J.-C.) intervient. Serait-il question d’elle dans l’article ? de l’Hosto ? (Je me souviens que Mme Marquer avait fait une thèse sur l’Hôpital, elle y déguisait mon nom, je devenais O. C’est ce qu’on m’a dit.) Un bus de la Régie de Bordeaux s’arrête devant le bistrot. J.-C. y monte-t-il ? Je ne sais, mais une voiture blanche vient me prendre. Elle ressemble à l’auto de Lise mais c’est Maman qui conduit. On tourne au carrefour, vers le quartier de la Gare (et la maison natale, direction

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opposée à celle du cimetière) mais des Onessois nous arrêtent. L’un d’eux, excité, nous parle à toute vitesse. Je crois que c’est Carrère, l’employé de la Société de Bois de mon père, à l’accent + ou – parisien, porté sur la chopine. Il semble sortir de chez Caule (où il était soûl voici 10 ans à ma dernière visite – il est venu s’asseoir à ma table). Ce qu’il dit n’a aucun rapport avec la fusée. C’est une question très embrouillée, onessoise, qu’il agite presque convulsivement. Je descends de la voiture (place du «mort») et m’adosse à la portière. Il continue de hacher son discours et c’est fini.

Tristamboul [12 mai 1996]Philippe,c’est bien, de préférer l’orthographie à l’orthographe... Au fond, je ne sais pas ce que veut dire

la petite chose jointe... Elle montre en tout cas combien lou Miquéou d’Onesse est étranger à l’art. Ce que je lis dans Sud Ouest touchant l’«art conceptuel» me fait bien rire. La caisse étiquetée QU’EST-CE me semble symboliser toutes ces couillonnades. Je voulais me moquer de ces expositions basées sur 3 ou 4 calembours et présentées par les jeunes duchampêtres avec une gravité admirable. Mais j’y comprends rien, et ça ne m’intéresse pas. Enfin, il faudrait plutôt un analyste pour décrypter ce pauvre tract. Mais je te l’avais promis et alors le voilà !

Amicalmente !Miguel

La Burdigaleuse [mai 1996]Cher Philippe,déniché le pli au retour du Paÿs. Un jour il sera sans retour mais commençons pas à broyer

du noir. Peu probable que je vienne te voir près Caguebeille, mais qui sait ? Je parle du week-end «porte ouverte». Plutôt viendrais-je à un autre moment. La lettre circulaire illustrée est pourtant alléchante.

J’ai rapproché La Fontaine de mon lit de travail...Curieuse erreur de Guégan au sujet des aiguilles de montre [cf Jd, de ce mois]. Il songeait à

midi et minuit ? J’avais lu ou pensé qu’une montre arrêtée marquait l’heure juste 2 x par jour. Mais – quand ?

Feuilleté à Mimizan un recueil de Francis Jammes, et lu ce poème dédié à Mauriac – dont extrait en noir non loin.

Et Sylvie Thuleux prend un petit peu de poids via Sud Ouest. [joint une coupure du journal du 21 mai, la rubrique «Ouvert cette semaine», annonçant une exposition de Sylvie Thuleux, suite probable d’une supercherie de Michel]

Je n’ai pas encore lu les pages sur Tolstoï : je t’en parlerai.AmicalmenteMiguel

21 6 1996Cher Philippe,je n’ai plus de nouvelles depuis longtemps. Comment s’est passé ce «week-end porte

ouverte»? Je passe quelques jours à Mimizan. Et puis reBordeaux, mercredi sans doute... Je t’envoie le dernier «rêve d’avant la mort», que j’avais noté dans mon carnet voici 15 jours. Je n’ai plus très envie de noter mes rêves... Je ne garde pas de double (mais peut-être te les redemanderai-je, ces rêves! J’ai envie d’en inventer un et d’écrire «3 rêves vrais, un faux» - sans dire lequel est faux). J’avais trouvé dans un poème de Jammes une citation meilleure à mon avis que celle que je t’ai donnée. C’est noté à Bordeaux. La pluie tombe sans arrêt. Il pleut même dans la maison, mais pas beaucoup beaucoup. Je me suis remis à lire, mais j’y vais mollo !

Amicalmente !Ohl d’Oness’ tors hérosA la fin de ce cauchemar du 6 juin noté à 1 h du matin j’arrive à Onesse sur le coup de 11 h

avec Jean Lataste (copain d’enfance revu récemment) et sa mère, laquelle m’offre un morceau de pain. Je m’insurge : «On m’enterre tout à l’heure et un morceau de pain!!» Parce que je viens me faire enterrer au cimetière d’Onesse. D’abord on me tuera en fouillant mes poumons pour y instiller des toxiques. La nuit précédente (dans le mauvais rêve) j’étais surveillé de près. On craignait que le mort ne s’échappe. Un type ressemblant à Bernard Chibrac jeune (copain d’enfance perdu de vue) mesurait les barreaux des fenêtres de ma prison avec une ficelle. (La veille j’avais rencontré, dans la réalité, mon ami Vachon, qui traverse une longue période de délire. Il m’avait dit qu’il «feuilletait le quartier». Et il m’avait montré une ficelle trouvée par terre : la ficelle employée comme étalon par les constructeurs d’automobiles pour déterminer la largeur des voitures... Et Vachon, tendant la ficelle,

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m’a prouvé la vérité de ses dires en mesurant l’arrière d’une voiture. La ficelle du cauchemar correspondait je crois à la ficelle de Vachon.) Dans ma maison-prison je vois Mireille (premier amour – aujourd’hui maire d’Onesse – nous ne nous rencontrons plus qu’au cimetière, à l’occasion d’obsèques : papa, maman...) Que l’on s’apprête à m’enterrer, ça va de soi mais tout de même ça la rend triste. La vie aurait pu s’arranger différemment (me dit-elle), elle et moi on aurait pu vivre ensemble. Mais elle dit ça pour me faire plaisir, je crois. A un type qu’on enterre le lendemain matin, on peut bien faire une petite fleur. Au matin, quittant la maison-prison je vois des jeunes dans une sorte de préau. Il s’agit peut-être de mes camarades d’école d’Onesse. L’un pourrait être Jean-Louis Courthiau (lui, je l’ai revu en réalité au bistro du village, il y a 6 ou 7 ans). Ils me regardent drôlement. Ils sont au courant. J’ai le sentiment qu’ils s’esclaffent. Et moi je fais le pitre. Je frime. La nuit j’avais pensé m’échapper de la maison-prison par des chemins remplis de feuilles humides.

La Burdigaleuse, 30.6.96Cher Philippe,hé bé je viendrai peut-être chercher mes rêves chez toi un de ces 7. Je m’en vais en écrire un

ou deux faux. Les faux, c’est peut-être ce qui tuera (sic).J’ai repiqué au truc (= je me remets à lire) et je m’aperçois que c’est bien une manie, un dada

sportif, rien de profond là-dedans.Jadis, j’ai lu tout Boileau, mais : que n’ai-je lu. J’ai même lu Que faire, le vrai, celui de

Tchernichevsky. De Boileau Nicolas j’ai retenu la bataille à coups de livres, et «Le moment où je parle est déjà loin de moi» (imité de je ne sais + quel ancien!) – ce pourrait être ma devise.

Et puis un jour à Mably j’ai lu le curieux ouvrage d’un abbé qui, ayant trouvé L’art poétique mal écrit, mal composé, l’a refait entièrement. Je ne me rappelle plus le nom de l’abbé, mais il doit figurer dans Blavier. (Ce qui me fait penser à Marcel Aymé corrigeant «La beauté» de Baudelaire, qu’il juge... grotesque... «Je suis belle ô mortels... Je hais le mouvement...» (Le confort intellectuel).

Je te donne deux citations. Celle de Francis Jammes provient de l’ouvrage déjà feuilleté-mentionné.

Je t’encourage à poursuivre la série Choses vues...Amitiés de Mietzschel d’Eon le SurhomonculeJe retiens aussi les néotoponymes, mots-valises, ces valises surétiquetées des grands

voyageurs diplomates diplodocus.Je repars probablement mardi au pays natal.

[30 septembre 1996]Philippe,voici le texte de Juppé [note de lecture sur Voyage au bout de la nuit] signé de son nom (à la

différence des poèmes signés Odalo). Juppé avait 16 ans ½. Je trouve qu’il réagit pas mal face au Voyage... Lundi je reçois mon vieux cousin Georges Ohl et peut-être irons-nous à Biarritz mercredi. Un pèlerinage dont je parle depuis 10 ou 12 ans. Ensuite, on pourra revoir cette question Poictevin (Ombres).

A bientôtMikhaïl

Merdredi [octobre 1996]Cher Philippe,je t’envoie la plaquette mienne appartenant à la revue de Vergnaud Le bleu du ciel (dont je

n’ai + de n° entier).Je pars à Mimizan cette après-midi. Si d’aventure tu as quelque chose à me dire (au sujet de

ce fou de Poictevin par exemple) : 58 09 05 17. N’hésite pas à me demander du pèze pour les frais de recherche, si j’ose dire...

Je vois dans Jours de Lettres que Periz ne t’a point contacté, pour le dossier Edition ? Je m’en vais le rappeler à l’ordre. Enfin si ça te dit envoie-lui quelque chose puisque la 2e partie apparaît en décembre.

Guy-Marie (qui a, m’a-t-on dit, serré la main de Juppé) Guy-Marie, dis-je, se plaint au téléphone de n’avoir pas reçu les dernières Lettres documentaires! Diable! Qu’en est-il?

Amicalmente!MiguelAu fond de moi je sais ce que c’est que la «politique de l’autruche brûlée», mais s’il s’agit de

l’expliquer clairement... macache! Je compte un peu sur les lecteurs amis pour m’aider à préciser

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cette notion, si l’on peut dire. Ou pour simplement me donner leur sentiment à eux. Quelle est la chanson de Trenet où il répète sans cesse A eux, A eux, Aheu, Aheu?

27.10.1996Je commence à effectuer des travaux d’approche en vue du «cinquantenaire» du 5 décembre.

Au début ça pourra sembler comme ça un rien ésotérique (Saint Kant en 1774) mais peu à peu le mystère s’éclaircira.

De Poppée je retiens le «baby-foot surgi de terre» - qui ferait bon ménage avec un tracteur tombé du ciel – et la fin «à la longue tous ces champs de pins et ces tristes bleds sans femmes s’éloignent dans la main chaude de Poppée qui a toujours une fontaine devant elle.» Mais si ça ne se passait pas dans les Landes ça ne m’intéresserait pas des masses...

Connais-tu le Panartisme ou Pan’Art, dont le slogan est Tout est art ?J’irai sans doute à Onesse ces jours-ci avec des fleurs, peut-être le 29 (Saint Narcisse) et

j’essaierai de me recueillir moi-même, mais je redoute toutes ces vieilles Onessoises qui jardinent autour des tombes, ma mère il y a 4 ans m’a chargé de poser sur la pierre du caveau de famille Dulau (mon père y est pour l’instant le seul Ohl) une plaque à la mémoire de mon père, et la plaque sous le bras j’ai dû demander mon chemin, je ne savais plus où était la tombe.

Pardonne-moi, ça devient quasiment machinal, ces considérations morbides, plus dure sera la chute.

AmicalementMiquèu, le mégalopin des LandesRésultat sportif : Dieu-Néant match nul 1 partout.Que penser de cet aphorisme : «Tous les jours s’appellent Edwige – sauf le dernier.»?Il faudra que je recherche dans les Mémoires de ma mère le passage où se trouve

«chounette» [joint un entrefilet de la veille sur une exposition de Présence Panchounette].Pour Poictevin rien ne presse, faut que je me remette dans l’ambiance fin XIXe si j’ose dire –

comme en 1975 à Mably. J’ai brûlé vers 77-78 tous mes documents touchant F. P., une nuit de cuite à Mimizan, jamais je ne les reconstituerai, mais je peux rêver mais la publication d’Ombres serait l’équivalent pour moi de la Chute de la Maison Usher alors Brrr ! Glas-glas-glas ! faut réfléchir, ne nous pressons pas, on verra, je verrai, en ce moment je suis disons nerveux, question peut-être de nicotine, d’incinération... Un petit choc cérébral et cette lettre devient une feuille de salade à mes yeux verts et je la bouffe en pleurant qui sait ?

Amen et merciMikhaïl Ivanovitch

Toussaint. «Ah ça, saint, tu veux ma peau?!» [4 novembre 1996][Joint entrefilet du Monde du 1 XI sur la mort de Poe et ses 23 explications possibles] «Les 23

morts d’Edgar Allen Poe» ne serait-ce une bonne idée de Lettre documentaire ? Encore faudrait-il écrire à Jeff Jerome à Baltimore... (J’en étais resté pour ma part à l’alcool).

Lu dans L’arche en toc, de Kôbô Abe, p. 327 : «Peut-être la coutume de placer un mort dans un cercueil de la même dimension visait-elle à le protéger de la terreur d’une vaste obscurité, en l’enveloppant d’une petite obscurité.»

Et voilà, mon cher.Amitiés de Miquéu O H Le mégalopin de terre natale (il revient d’Onesse) (où il a posé des

fleurs)

[13 novembre 1996]Ci-joint article de Réthoré + fragments de l’ouvrage de Firmin Maillard Les derniers bohêmes

(1872, rééd. Plein Chant 1995) il s’agit, l’auteur compris, de personnages de la bohême parisienne du temps de Baudelaire j’ai choisi les suicides et les fous (officiels) je pars cette après-m’oche à Mimizan.

Lou Miquéu d’Onessa

21 novembre [1996] Présentation de Marie [sur une feuille d’arbre doublée de papier]Cher Philippe,le CRL est banni de mon carnet d’adresses depuis un petit lustre mais je trouve l’adresse

dans l’Annuaire 96 : 139 bd Président Wilson ... Qui n’est pas subventionné de nos jours ? A part Edmond Thomas, Schéol et toi ? Même notre poète préféré La Fontaine est subventionné par le Roi. Verlaine a reçu de petits subsides aussi, je crois. De quoi se payer 7, 8 cuites peut-être. Très épineux de publier chez un non-subventionné. Enfin on peut y arriver. Mais quel effort pour un aboulique profond! Urquhart «le fais» quand tu peux.

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Amicalmente !MiguelitititoMondouilloux, Vendelais, introuvables au Code Postal, mais j’ai à Caudéran un dico des

communes + détaillé, je te dirai.Michel O de Mimizan

Lordeaubem 6 12 1996 Saint NicolasCher Philippe,mission accomplie. Le petit frère devrait t’envoyer sous peu le chequito de 200 F Pinay

[J'avais traduit pour Jean-Pierre quelques pages d'Urquhart]. Et moi, tant que j’y suis, hé bé je me réabonne, je dissimule 100 F (Est-ce le tarif ? Sinon, dis-le-me-le, entre nous pas d’hésitation!!) au milieu du n° 3 de Yann’s News (et c’est vrai que je songe au «Petit Onessois»...)

Ecrivant un pseudo-journal, Un vieux con en décembre, je reprends «Dieu-Néant...» et j’ajoute «après prolongations».

Invité le 12.12 à un concert de viole de jambe à l’Opéra (Grand Théâtre) pour le Centenaire de Mollat, j’envoie une tapée d’excuses d’absence (si j’ose dire) : dégoût des concerts (c’eût dû suffire), pas de pantalons convenables, je me couche le soir à 20 h 30, etc.

Et puis je m’en vais à Mimizan, c’est vrai, lundi probablement.Amicalmente !Miguelitito, El Quincuagenario con su diccionario!!

28 12 1996 [sur la photocopie d’un article de Sud Ouest à propos d’un canular, Michel ayant appelé anonymement à une réunion de café philo dans un ancien bar maintenant fermé]

Je croyais le Gustave abandonné depuis 20 ans. Si j’avais connu l’existence de cette dame, j’aurais choisi une autre enseigne. Somme toute, mieux vaut s’en prendre aux institutions. Elles ont les reins solides. Le placardage c’est pas moi ze le zure! La copie est dégueulasse, mais la photo de Taris est bien cadrée.

2.1.1997Cher Philippe,je t’envoie le texte paru dans le recueil du centenaire de Mollat. J’ai été le plus fidèle possible

à la vérité historique! A propos de «heurter» je trouve chez Robert le sens ancien de heurt : «éminence, élévation de terrain» (que l’on peut «heurter»). Aujourd’hui, en technologie, «point le plus élevé (d’une rue, d’un pont, d’une conduite d’eau...) d’où partent les deux pentes en sens contraire». Et tant que je suis chez le grand Bob je recopie ceci, trouvé hier au mot «signer» : «... il narre qu’un individu est mené à la pêche par un ami, qui jette l’épervier et retire une pierre sur laquelle est écrit : ‘Je n’existe pas. Signé : Dieu’ Et l’ami athée lui dit : Tu vois bien!» Curieux que je n’aie pas repéré ça autrefois. Je devais être soûl.

«J’ai dû cesser d’écrire nos articles hebdomadaires. Cela me permet de me consacrer à mes poésies et à ma pipe. Il paraît que les lecteurs du Libertaire ne prennent aucune espèce d’intérêt à la lecture de mes conneries» écrit Brassens le 24 octobre 1946. Citation tirée de GB ... chez Jeanne, textes Eric Zimmermann, photos Josée Stroobants, Ed. D. Carpentier, nov. 96 (bourré de coquilles)*.

En 71, un article du Libertaire : «nous regrettons qu’il se croie obligé, après une telle réussite, de sortir des chansons qui ne sont pas à l’image de ce que l’on veut de l’auteur» (sic).

Est indiqué un GB libertaire, de Marc Wilmet (peut-être le commanderai-je à mon frère).* Je te passerai l’ouvrage. Zimmermann est parfois, hum, un peu gauche. Comme beaucoup

d’admirateurs de Brassens lorsqu’ils se mettent à glorifier par écrit. (J’ai une cassette GB chante les chansons de sa jeunesse (Trenet, Scotto, Mireille, Tranchant). Il chante itou en espagnol «La mala reputación», «La pata de Juana», «El testamento», traduc. P. Pascal. J’ai longtemps cherché un disque où il chantait Bruant (de qui j’ai une super cassette).)

Ouf.Voici le premier vers de l’oulipoème dont je te parlais : «Ausonius cacatus Ibos néocaca» ...

Je n’ai pas lu Ibos, mais il a récemment publié du théâtre, et ce doit être le + jeune de ma liste. Dans laquelle je nomme Ange Goudar, publié chez un éditeur bordelais, mais je ne suis pas sûr que cet écrivain du XVIIIe soit du coin. L’aurais-tu rencontré?

Et voilà.Amicalmente !Miguelón(Si je me mets à dire du mal de mes rarissimes supporters! Je pense à Guégan. Qui me

soutient depuis 20 ans. J’ai une grosse honte (comme les «gros rêves» de Husson).

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Je note chez moi depuis quelque temps – je n’ai pas grand’ chose d’autre à faire – une dilatation bien dégueulasse de l’amour-propre vaniteux.

Mietzschel

Bordeaux-la-Vile [15 janvier 1997]Cher Philippe,rigueur / licence, tu as raison, c’est longtemps ce que je me suis dit face au dilemme, et je

continuerai, à savoir si on peut s’en tirer avec les mêmes pirouettes dans le domaine moral...Goudar Ange rimait avec Sylvie Monange, je l’ai balancé, et remplacé par... Chaval, qualifié

d’étrange, et il l’est, son oeuvre littéraire si brève itou – étranges étrangers dans cette ville où j’écris. (Ma confusion spatiale vient sans doute de cette rééd. de l’Horizon funèbre. Sargos le Landais m’est apparu funèbre le jour où je l’ai vu à Mimizan. Peut-être il pensait que j’étais mort, ou tout comme.)

Je connaissais l’autoportrait de Hucleux. Et j’ai pu voir un de ses cimetières. Et un de ses portraits grandeur nature. Un couple d’Américains richissimes. Il racontait dans ce journal lu à l’hôpital qu’après 12 ou 15 heures de travail acharné il sortait de son atelier en rampant. Dans Pataphysical Baby j’ai cité (questionnaire de Proust) Pissarro comme peintre préféré. Aujourd’hui je citerais Hucleux et Ziko (mon tonton Miki).

Amicalmente !Miguel

[23 janvier 1997]Cher Philippe,Guy-Marie m’a envoyé ce jeu de mots de 1909 (dos d’une carte postale publiée dans un

ouvrage des éd. Sud-Ouest) que je trouve pathétique à sa façon.J’écoute Brassens et peut-être un jour écrirai-je sur lui («sa» mort à lui, sa camarde) à ton

intention.Dans le disque des «Ricochets» j’aime beaucoup «Le boulevard du temps qui passe».Amitiés de Mikhaïl Ivanovitch O H Le non-mort

Mimizan [7 février 1997]Cher Philippe,je lis le Brassens d’Emile Miramont (= Corne d’Aurochs) et ma lecture est très très difficile

parce que la moitié du bookin est écrite en vers blancs hexamètres, ex. : «Tout au bout de la rue trônait le saint des saints... le haut lieu du football. Je l’annonce an fanfare : voici le ‘club des Frites’... Comme on gagne les guerres au café du commerce c’est au sein de ce club que l’équipe locale arrachait ses victoires. De l’aube au crépuscule, il y avait affluence. Plus heureux que Soubise au soir de la défaite, le président Bayrou ne manquait pas de troupes», p. 60 (Rassure-toi, p. 62 : «Georges goûtait peu les sports d’équipe...») Voilà donc un échantillon du style de Corne d’Aurochs. De quoi démolir le lecteur le plus courageux! [moi ça ne me déplait pas].

Réécouté «Le roi boiteux». Pour Nadaud, faudrait demander à Ed. Thomas. M’évoque le «Roi tout nu» d’Andersen. Musica/voix Brassens superbes.

Le Passant ordinaire me demande un texte pour le recueil Faims de siècle (sic!) («qui aura pour thème les phénomènes marquants de ce siècle, voire de ce millénaire») J’écris ces jours-ci ma lettre de refus d’inspiration Croix-de-Feu!

AmitiésMikhaïl Ivanovitch

Mimizan-Pli, Datcha «La vie là» [13 mars 1997] (Villa «La vie là» est le SEUL calembour que j’ai trouvé dans l’oeuvre (25 vol.) d’Emmanuel Bove, l’un de mes auteurs préférés (d’origine russe : Bobovnikof))

Cher Philippe,comme un vrai couillon j’ai oublié les Lettres... mais les aphorismes de celui qui se dit

«homme du monde, mais de l’autre» [Baldomero Fernández Moreno, Ld 222-223] m’ont beaucoup plu à première (rapide) lecture...

Oublié también mon dossier Brassens. Pour ce qui est du «chaqu’ fois qu’ je meurs ...» hé bé j’ai toujours trouvé ce couplet clair comme l’eau de roche... Ca fait partie il me semble de ce jeu macabre auquel Brassens excellait... jusqu’à tant que les vrais enterrements commencent... Alors là les plaisanteries se mettent à sonner faux, si j’ose dire, et «Trompe-la-mort» ne trompe plus personne... Il y aura encore un autre ressuscité, «Le revenant», mais qu’il est donc dérisoire nom d’un

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chien. Mariages, enterrements... La musique de la «Marche nuptiale» a été composée initialement pour «L’enterrement de Verlaine». Dans La tour des miracles, un cortège funèbre et un nuptial se... rentrent dedans... Le mort ressuscite, la fiancée court à lui, et la veuve se jette sur le fiancé... La première version d’«Hécatombe» enpruntait à ce thème, je crois... Je vais m’arrêter parce que je me sens pousser une toge de professeur convertible en ailes d’ange pour s’envoler au ciel de la Pédagogie Universitaire.

(Excellente idée de traduire des poèmes staliniens de grands Pwètes ! J’imagine gaîment une anthologie ! Je note qu’on a tendance en ce moment à gommer, ou à adoucir, à rendre presque sympa et attractif ce côté-là de l’oeuvre des Maîtres de la Pensée Poétique. Aragon!)

Amicalmente!Miguel!

[1997, date non notée. Je place ici cette lettre dont le sujet prolonge la précédente.]Cher Collègue,je t’envoie la photo du «coup du défunt» [Brassens faisant le mort, allongé sur l’herbe] tirée du

Brassens de Fallet (Denoël, 1976). A quoi j’ajoute ces mots du poète rapportés par Eric Battista (ex champion de France du triple-saut) dans son G. B. (Ed. du Grésivaudan, 87) : «Le cours de la vie est une succession imperceptible de dissolutions, de morts insenties et de résurrections. Nous nous dissipons continuellement pour nous reformer. Nous serions presque des petits phénix. A la différence de l’oiseau fabuleux, les hommes ne renaissent jamais identiques de leurs cendres.» (p. 94)

Saurais-tu où je pourrais trouver un plan de la ville de Sète ?Je pars à Mimizan ce mardi après-midi avec François Villon étudier les bruits comparés de la

mer et du sang dans mes artères (tempes).Je reviendrai Icity dimanche soir si Dieu le veut.Amicalmente !MiguelitoPS. Le La Fontaine de G. B. a été retrouvé à son chevet ouvert au livre neuvième, page du

«Dépositaire infidèle» (selon Battista).

Villa «Neurose» (9 avril 1997)Cher Philippe,t’ai-je parlé du poète onessois Jacques-Marie Dupin ? Il faudra que je te passe ses recueils de

pensées, d’aphorismes, de songes... Il est + voici 3 ou 4 ans. Le seul reproche au demeurant (Brassens, je le laisse un peu tranquille, sinon une moustache va me pousser à l’intérieur de la tête et je jetterai toutes mes notes au feu comme j’ai fait en 78-80 pour le dossier issu de 2 ou 3 ans de travail sur Francis Poictevin le décadent) qu’ait pu mériter ce directeur de la prospective à l’Aérospatiale, c’est d’avoir été (ré)édité par William (?)

Amicalmente!Miguel

Lundi soir [6 mai 1997]Cher Philippe,je recopie pour toi un poème de Francis Jammes, sans changer un mot, ni même une lettre.Et [joint] un papier de Réthoré – j’y ai écrit aussi sec pour le remercier de «grande plume», et

lui signaler que je ne participais point au dossier Mou ou plutôt Molinier. J’ai naturellement ajouté une petite gasconnerie suiresque et je ne sais pas si je suis devenu poète tout soudain comme on a un thrombus mais je ne lis + que des poètes : Villon, Lamartine, Jammes... Enfin quelques pages par jour. Je sors d’une petite crève, une crevette attrapée au bord de la mer (j’ai déjà placé cette ânerie). Je n’irai pas chez Condillac bien entendu (manie assez horrible de souligner que l’on n’est pas de ceux qui se montrent. La honte, Michou...). J’ai pensé aux «Couchantins», mais quel pays leur attribuer si l’on admet que les Levantins vivent au Moyen-Orient?

Je dois avoir encore un peu de fièvre!!!Amicalmente!Mikhaïl Ivanovitch

Mimize, mardi [20 mai 1997]Cher Philippe,le livre dont tu me donnes la table m’intéresse. J’aimerais bien que tu me le prêtasses. Je

rejoins Bordeaux ce soir. Et si je passais chez toi en fin de semaine ? Je te donnerai un coup de fil téléphonique!

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J’ai demandé à Eric S. Adam, le Belge aux opuscules, sa Guerre des Points (contre Onessa...)

Saurais-tu où je pourrais dénicher un plan de Sète?Le ciel en aura-t-il pas bientôt marre de m’entendre parler de caveaux ?A bientôtMikhaïl Ivanovitch

Mimizan-Grève, jeu-di [12 juin 1997]Cher Philippe,dans Littré ce matin à 5 h 30 un terme de musique pouvant s’appliquer à celle du «Roi

boiteux» : alla zoppa (à la boiteuse). (Tu trouveras dans les «Chansons inédites» un joli dialogue du roi et d’Eloi à propos d’une épingle...)

Acheté une anthologie de Paul Fort. Le préfacier prend bien soin de ne jamais citer Brassens. Et s’en prend à certaines «chansonnettes» (suis mon oroeil!). Quand les profs se mêlent d’être bêtes, ils n’ont plus de limites.

Vers 6 h 45 cette épitaphe de Victor Hugo pour un petit enfant :«Entre au ciel. La porte est la tombe.Le sombre avenir des humains,Comme un jouet trop lourd qui tombe,Echappe à tes petites mains.» (Toute la lyre)Dans le livre de Philippe Barret que tu m’as prêté, cette histoire : «à l’occasion de

l’exhumation qui a précédé la translation (de Voltaire) au Panthéon (...) deux dents sont distraites, l’une par Lemaire, rédacteur au journal Le Citoyen français, qui mourra aliéné à Bicêtre. Dans le médaillon où il avait enfermé sa relique, on trouva ce distique :

« Les prêtres ont causé tant de mal sur la terreQue je garde contre eux une dent de Voltaire.» (p. 343)(Et sais-tu qu’«un reliquaire contenant une épine supposée provenir de la couronne du Christ»

vient d’être «dérobée dans le tabernacle de l’église de Saint-Cyprien, un village de Dordogne situé près de Sarlat»? Sud Ouest du 2 juin 1997)

8 h 30. Je vais à la Poste, à l’Epicerie, et probablement au Surf Bar.AmicalementLou Miquéou d’Onesse

24 6 1997Cher Philippe,je t’envoie le texte de Jean-Pierre touchant Urquhart et Rabelais, paru dans «l’Atelier du

Roman».Je joins deux pièces du dossier Machine à Lire. Invité, et même annoncé à la Machine... ce

mercredi, je me défile (pour plus de sûreté je pars cette après-midi à Mimizan) grâce à un certificat médical... Une règle à ajouter à celles de lord Chesterfield, de Brassens et de Billé : la règle de la petite dizaine (pour moi, depuis que je suis sobre, ça fait beaucoup, parce que, ému, gai, soul, plein, la règle brisée admet, ou peut admettre, cent personnes, ou zéro, ça dépend du stade!)

La chanson [jointe : «A la Machine à Lire», sur l’air du «Nombril des femmes d’agent»] est une bien pauvre chose mais tu pardonneras parce que tu sais mon ironie tordue qui s’adresse surtout au fameux moi-même, sans pour autant dédaigner les autres bien sûr, mais je m’en prends aux noms, aux grands noms (alors je m’arrête : ça devient vaseux).

Amicalmente!MiguelitititoEn rangeant la Lettre dans le classeur que tu m’as donné, je m’aperçois qu’il me manque le n°

225.

[5 juillet 1997]Cher Philippe,je t’envoie le douzain de Michel Suffran. Serait-ce drôle ou pas de le mettre à la suite de la

chanson ? [Cf Ld 237] C’est peut-être une idée stupide. Je ne sais pas. Je m’en vais probablement à Mimizan lundi, jusqu’à vendredi. Au fait, si jamais tu voulais écrire à Jean-Pierre au sujet d’Urquhart, [adresse]. Suggestion, comme ça, peut-être aventureuse, voire bête. Je n’ai pas fumé de marihuana ce matin, mais je me trouve dans un état étrange, genre Malaisie, d’où mon mot peut-être...

Amicalmente !Miguel

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Pas su dénicher de «Je suis né» mais je n’ai pas encore cherché sérieusement.

[9 juillet 1997]Cher Philippe,voici un papier (paru hier lundi) que Réthoré a dû torcher entre deux bières sur un coin de

comptoir... Mais pourquoi pas, après tout? N’est-ce pas l’endroit idéal pour écrire pour Sud Ouest? JDL a 5 ans, si je ne me goure, et non 10, mais quelle importance, je te le demande!

(Voudrais-tu envoyer à Eric S. Adam la lettre ci-jointe ? Je n’ai pas son adresse. Je joins 2 timbres. Si ça suffit pas, je ferai l’appoint.)

Je pince ma lyre mais ça fait Couac! Couac! Il est vrai que le 15 juillet approche. La Saint Donald. Ma fête nationale. A cause des «canards» des lendemains qui chantent faux...

AmicalementLou Miquèou d’Onesse

Bdx 2 8 1997Cher Philippe,j’ai dû perdre ton adresse à Bergerac lors du dernier transbordement d’un carnet à l’autre.Je t’ai parlé naguère de mon ami des années noires d’ivrognerie. Il devait venir te voir : Michel

Seguin. Là, il se manifeste à nouveau. Il envisage un travail en bibliothèque. Peut-être t’appellera-t-il à ton retour. A moins qu’il ne redisparaisse...

Lu un maître livre, le premier Prix Goncourt (1903), Force ennemie, de John-Antoine Nau (dont je connaissais la poésie). Se déroule chez les fous. Un fou est censé écrire. Et je te donne le maître mot : «Ces sottes idées m’écrasent d’une si lourde tristesse, d’une si oppressante «pesadumbre», diraient les Espagnols, que je veux tout oublier, de nouveau.» (p. 16). Pesadumbre : chagrin, ennui, dans mon dico de poche. Poids d’ombre?

Lisant un tout petit livre de Paul Géraldy de 1917 je tombe pp. 25-26 sur ces mots d’une élégante Parisienne : « - Mon cher, mes toiles sont à Bordeaux, où j’ai suivi le Gouvernement pendant l’exil, avec tout le monde. (...) Au moment du retour, comme on était encore incertain de l’avenir, je les ai laissées par prudence en garde chez des Bordelais.» Si ça se trouve (expression très à la mode, elle aussi) elles y sont encore, à Brdx, les toiles.

Mais j’arrive après la bataille – cyniquement. (L’histoire des crânes terreux [joint «Les enfants qui chapardent des crânes terreux», poème de Brassens] obsédait notre héros. Il s’agit, ne l’oublions pas, du cimetière où il dort aujourd’hui. Le livre de [Jean-Paul] Sermonte [Georges Brassens, Le prince et le croquenote, Editions du Rocher, 1990] vaut par les documents. Fait trop vite. Au lance-pierres.)

J’avais quelque autre chose à te dire?Un nom de cité m’est venu dans un rêve récent : Fauchelande-sur-Solution.J’ai trouvé ce distique dans un état de demi-sommeil :«La terre ira loinSi tous passent bien.»Mais ça n’est pas ça, mais ça n’est pas ça, que je voulais dire d’autre.On verra. Si la clique céleste le veut.AmicalementMichka O

Icity, 23 9 1997.Cher Philippe,faudra que je t’écrive au sujet des pamphlets (tu sais que j’ai découvert Céline en lisant à 16

ans le Bagatelles... de mon grand-père Croix-de-Feu) et des fameux trois points (qu’appelles-tu «points normaux»? et ton recopiage, hmm, je demande à voir...), et d’autres choses encore...

Mais ces jours-ci, je tremble (je deviens de + en + trouillard) à la perspective de mes examens de la semaine prochaine, ça m’obsède et je ne peux m’en libérer, et... Donc, d’ici quelques jours, j’espère... (Je vais à Mimizan demain, je rentre dimanche...)

J’ai tout de même lu gaîment de la poésie légère !!! les chansons de Lattaignant, un charmant abbé du XVIIIe... J’y trouve l’expression «J’ai pendu ma lyre au croc»... Et j’emporte au pays un gros recueil de Nadaud qui renferme «Carcassonne» et «Le roi boiteux»... Faut donc pas exagérer mon angoisse...

... : où lus-je autrefois un petit essai touchant ces ... ... ... Il était question de Marie Noël, la poétesse, qui les employait couramment elle aussi? Dans les Cahiers de l’Herne?

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Et puis, mon cher, peut-on («peut-on» me fait toujours rire, moi qui chausse 37!) peut-on parler des 3 points sans parler de tout le système de ponctuation célinien? Non, ze crois pas!

Je viens de penser à un nouveau journal, l’organe des Juifs convertis, PDG Lustiger, Lévi catholique.

Et Céline moraliste... heu... j’y crois pas non plus dur comme fer.Amicalmente !Miguel Cobarde

Manchedi [28 septembre 1997][Relevé de coquilles de la Ld 237]Tiens, «documentaire» s’anagrammatise en «maudite encor».Mais, ce sont des peccadilles. Tiens, je songe à Peccadilly, la rue des Fautes Légères. Sans

doute les filles ne vous y vendent qu’un baiser.Pour Céline, si tout le monde t’engueule, je suis prêt à me rallier à ta cause. Le vrai célinien a

en lui le rhythme (hach’, hach’, as-tu remarqué, que l’homme penché à sa table au-dessus d’un livre, est en position d’avoir la tête tranchée ? Voilà une illustration pour un Salon du Livre – moi ze lis au lit...) et n’a pas besoin de la ponctuation. Aux maniaques des ... ... un livre spécial sera destiné, si j’ose dire, qui contiendra uniquement les ... ... (et eux tous). Non, vraiment, il n’y a pas de quoi s’engueuler. Ce que je peux dire de Céline, c’est qu’il m’a fait rire comme un fou, et frissonner, et vibrer, qu’il m’a épouvanté aussi, mais surtout ému et fait rire aux larmes. Mais je pense que je ne le relirai plus. Il y faut trop de temps et d’énergie.

Bla bla bla ...Amicalmente !Miguel[...] Periz m’a photographié en train de saler du livre, pour une affiche «Salons du livre avec

Michel Ohl». Je n’irai pas au Salon (cf certificat) mais peut-être irai-je saler quelques ouvrages un matin à la pointe du jour au Castan où Jour de Lettres devrait avoir tablette entrouverte, peut-être (cf certificats).

16 19 1997Cher Philippe,le jeudi 9 j’ai traversé le Salon dit du Livre complètement noir après l’opération «Salons du

livre!» au Castan. 1ère VRAIE CUITE depuis la Révolution d’octobre 89. Peut-être te dis-je cela parce que Guy-Marie m’a dit à l’appareil téléphonique t’avoir vu dans ce Hall V du Livre.

Faudrait que nous nous vissions...Au dos, la liste des suicides et/ou des fous d’un ouvrage sur la Bohème au temps de

Baudelaire (Plein Chant). Toutes ces petites étoiles d’alors ont à coup sûr serré maintes fois la main du maître...

Te récrirai bientôt, de Mimizan sans doute.Brassens en souffrance.Je coupe à l’opération.C’est un peu du charabia.Amitiés.Michel

Mimizan-Pli, villa «Bibicaca», 25 10 1997.Cher Philippe,tu dois connaître ce «bibi caca», qui est une traduction par Ziegelmeyer du «moi (est)

haïssable» de Pascal. Je m’en servirai un jour de titre ou d’épigraphe. Au fond, c’est aussi ma pensée. Les habitants du caveau d’Onesse que je vais aller fleurir la semaine prochaine ne m’apporteront pas de démenti.

Je t’envoie une page du Garde Champêtre du Born, où est annoncé un prix littéraire. J’ai bien envie de concourir. J’espère trouver le règlement aujourd’hui à l’épicerie. Je n’ai encore jamais eu de prix (à l’exception, soyons honnête, du Grand Prix de l’Humour Jaune (ou Vert ?) décerné par l’EDEN – mais c’est un prix secret, un prix d’ami... J’aimerais en avoir un avant qu’il ne soit trop tard. Il y a pourtant une contradiction en ce qui concerne les prix : im-primé. C’est un peu cucu-la-praline, excuse-moi.

Je prends les lignes suivantes à André Thérive, Clinique du langage, Grasset, 1956, p. 137 : «[Paul Valéry] disait par exemple : ‘Il existe trois sortes de femmes : les em...deuses, les em...dantes et les em...deresses’. Subtile distinction, que nos lecteurs méditeront s’ils ont le goût de la sémantique

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et de la psychologie.» J’avais déjà lu, et peut-être entendu, que Brassens s’était inspiré de son compatriote pour écrire sa chanson, et s’il avait trouvé ses sources dans la Clinique du langage?

Je rejoindrai Bdx après les vacances noires de la Toussaint et de la Tousmort.A bientôtMikhaïl Ivanovitch

Mimizan, 30 11 1997.Cher Philippe,une nouvelle fois au paÿs, mais je reviens à Lordeaubem le 4 décembre, si le clan surnaturel

ne s’y oppose.Le 6 décembre est mon jour noir. Mon père a eu l’accident dont il devait mourir (1991). Ma

mère est entrée en agonie, comme on dit (1995). Le 6 décembre (j’ai un jour).A propos de décembre, tu te souviens de ce fragment de Trenet en 4e de couverture de

l’Enterrement (tiens ! c’est l’anagramme de «Trenet en mer») qui ... : «Toute ta vie n’est qu’une chambre / Et cette chambre c’est décembre / Qui la peuple jusqu’à la mort». Ce «tristique» est tiré d’«Okahana», mais si j’ai bien lu «décembre» dans le recueil des chansons (Poche), dans le chapitre Trenet d’un ouvrage consacré à la chanson j’ai lu «septembre» : «... Et cette chambre c’est septembre ...» Et cette version se justifie parfaitement. Trenet fut longtemps obsédé par le mois de la rentrée, de son retour en pension, si ça se trouve (expression qui me fout mal à l’aise je ne sais pourquoi) il l’est encore (obsédé). Alors si jamais tu tombes sur une 3e leçon...

Et je lis toujours de vieux chansonniers. Je découvre Désaugiers (1772-1827), «Voeu d’un ivrogne» :

Si l’eau de la Seine un matinVenait à se changer en vin(Ce que je n’ose croire),Puissé-je à l’instant voir aussiChacun de mes bras raccourciSe changer en nageoire,Et, troquant ma forme et mon nomPour ceux de carpe ou de goujon,Hé ! bon, bon, bon,Devenir poisson,Pour ne faire que boire !(Air : Un chanoine de l’Auxerrois)Pour tenter de réaliser l’oniroplaquette dont je t’ai parlé, Pétain à l’île d’Yeu, que j’ai vu de mes

yeux en vitrine de chez Mollat sous couverture bleu acier, ou bleu Pétain, à de multiples exemplaires, hé bé je lis le pavé de Herbert R. Lottman. Une coquille m’accroche p. 41, «Pétain est parfois prince-sans-rire» - pour «pince» - m’accroche d’autant + qu’il fut un temps où je me rêvais en «petit prince-sans-rire». Exemple de «pinçage-sans-rire» de P.P. : «Pétain s’amusait souvent à arpenter la Canebière en demandant à tous les passants comment s’appelait cette rue.» Ce que Mauriac écrit le 3 juillet 40 à propos du vieux P.P. : «ce vieillard était délégué vers nous par les morts de Verdun». Ce que Weygand hurle un jour à Vichy à Laval : «Vous vous roulez dans la défaite comme un chien dans la merde!» Si jamais (n° 2), mon cher, tu tombes (id.) sur un ouvrage, un document touchant cet ultime séjour de P. Pétain à Yeu... J’ai noté un ... Isorni, naturellement, chez Flammarion : Le condamné de la citadelle.

Et voilà.Faudrait se revoir un de ces 7.J’ai eu la flemme de passer chez toi le matin.Mais... toi aussi, tu peux venir !Amicalmente!Miguel, coureur d’Idéal, soldat de la Pensée

7 1 1998.Cher Philippe,joint chequito de suscripción...«Triste comme le Nycticorax solitaire, je viens causer avec vous, mon amie, m’épancher, vous

dire ces je ne sais quoi qui passent sur une âme abattue...» J’ai retrouvé la lettre d’Eugénie de Guérin... Lu d’autre part chez Littré : «Nycticorax : Dans le style biblique, oiseau de nuit.» Et Eugénie connaissait la Bible par coeur, c’est vrai, mais je la connais beaucoup moins bien, et je n’ai pas souvenance d’un passage de Nycticorax...

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J’aurai d’autres petits renseignements à te demander... Faudra que je vienne te voir...A bientôt.Mikhaïl Ivanovitch

6 2 1998.Cher Philippe,merci des Lettres vouées à Dolet... [Ld 251-252] Ma règle préférée, peut-être parce que la

plus joliment exposée, est celle de l’’observation des nombres oratoires...Trouvé une épigraphe aux Rêves d’avant la mort : «Mais dans le rêve, on se réveille toujours

avant de toucher le sol car, si l’illusion allait jusque-là, le choc cérébral serait tel que l’on mourrait sûrement. Beaucoup de morts subites pendant le sommeil, inexpliquées, viennent sans doute d’un rêve mortel qui ne s’est pas interrompu.» (La vengeance du portrait ovale, de Gabriel de Lautrec, conteur, humoriste, traducteur, fin XIXe début XXe).

Je lis une assez terrifiante Histoire de la milice (Pierre Giolitto, Perrin). Bordeaux fut un haut lieu de la torture milicienne : «L’expert-comptable Pierre Touyaga avait été l’objet, de la part de Fouquey, de sévices si raffinés et si cruellement inédits que celui-ci, fier de sa créativité technique, invente le néologisme «touyaguer», que le Deuxième Service devait dès lors substituer au verbe «torturer». Suivent d’édifiantes scènes. Je te donne par ailleurs le dernier couplet de l’hymne du S(ervice) (d’) O(rdre) L(égionnaire), qui est en quelque sorte l’antichambre de la Milice : «SOL, faisons la France pure : / Bolcheviks, francs-maçons ennemis, / Israël, ignoble pourriture, / Ecoeurée, la France vous vomit.» (paroles d’Antoine Quebriac).

J’ai déniché un Victor Ohl huissier à Alger en 35. Décidément les Ohl aimaient les Colonies. Mon grand-père* a passé 25 ans en Indochine, où vécut aussi un Louis Ohl (dont j’ai un livre – sans grand intérêt – sur le Japon).

* à son propos, sa vie à Bayonne pendant la guerre de 40 me reste obscure, je crois qu’il avait des responsabilités en tant que PS (le parti issu des Croix-de-Feu) pour les Basses-Pyrénées (Hou ! le charabia !) Si jamais tu tombes sur un ouvrage d’histoire régionale...

Je me demande pourquoi je lis tous ces livres d’histoire. Et j’ai beau me creuser la tête, je n’y trouve pas d’opinions.

Le livre de Guégan ne m’a pas déplu, au contraire. Son univers est à 20000 lieues sous les mers de mon petit monde bourgeois, et je le découvre comme un paÿs exotique. Les va-et-vient de la mémoire ont quelque chose de névrotique, et de désespéré, j’ai toujours été sensible à ces navettes au fond dérisoires, spatiales ou temporelles... Pour les filles que se payerait le macho, ce dernier dit 4 ou 5 fois qu’il frime, qu’il en rajoute (Marseille!), qu’il a la pétoche...

Mais je ne relirai pas ce roman, et il ne m’a pas vraiment fait vibrer, et le fait que Guégan m’ait à la bonne depuis 20 ans, joue probablement, car je ne suis pas comme Abeille que les critiques élogieuses (et les autres) de ses livres font dégueuler. J’ai cette faiblesse, qui me vient sans doute de mon éducation rurale catho bourgeoise, de leur témoigner de la reconnaissance, à ceux que rien n’obligeait à défendre un pauvre couillon qui ne s’est jamais vraiment échappé de l’Ecole Primaire d’Onesse-et-Laharie !

Comprenne qui pourra ! (Moi, je comprends pas bien !)AmicalementMichel O H Lou coun d’Onessa

25 2 1998.Cher Philippe,le séjour au pays se prolonge, [...]J’ai lu La réponse du Seigneur et le lisant je me suis aperçu que je le relisais. Je suis même

tombé sur une phrase que je cite dans Entre devins : «l’homme le plus dangereux est celui qui orne des fleurs de son scepticisme les avenues de sa bienveillance amusée». Je serais plutôt cet homme dangereux que Châteaubriant – mais j’aime beaucoup ce livre écrit peu avant son ralliement au national-socialisme. Parmi les innombrables projets qui tournent ou tourneront court : D’un Châteaubriant l’autre... Je pense bien sûr à une scène de Céline (... château ..., Pléiade 229) dans laquelle Alphonse parle à Hoffmann, l’ambassadeur du Reich, «d’une bombe de concentration! de foi!...» «une terrible bombe morale!...» (231). Le thème de La réponse ... : la prière, qui triomphe de la mort, la contemplation : «prier, c’est contempler, et contempler, c’est devenir»... Exemple du papillon Kallima philarchus qui DEVIENT à force de contemplation la feuille jaunie de l’automne... les chenilles qui imitent jusqu’aux nodosités des petites branches auxquelles elles s’accrochent... Etc. etc. Entre la Réponse et Sigmaringen il y a quelques années de folie douce et de châteaux fous... «Les vieux

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châteaux occupaient dans la vie de mon coeur (dans ma jeune sorcière d’imagination) la place plus tendre.» Stop là. Bien malin qui pourrait tracer le plan d’un essai à partir de ce galimatias...

A part ça, mon cher, je dois dire que je m’emm..., que pas une lueur ne m’éclaire la destinée, qu’au lieu de prier je maugrée, je râle pour des riens domestiques, et que je ne ricane même plus lorsque je trouve des calembour tels : L’âme Aurora. Le sens profond de cette plaisanterie : plus on nourrit d’espoir, plus l’agonie sera terrible.

Connais-tu ce protozoaire flagellé des eaux douces appelé Euglène (= aux beaux yeux). Un joli prénom, non ? Manque le nom. Je vais le chercher, tiens. Ca va m’occuper.

AmicalementLou Miquéu d’Onessa

9 3 1998.Cher Philippe,j’espère que tu es revenu sans mal de Paris là-haut... Merci de l’envoi aux canards

d’Audubon. Pour l’abbé Lemire, je ne sais pas encore... En d’autres temps, l’idée seule des «vers justifiés» m’aurait ravi, aujourd’hui, je vais voir à voir...

Je lis pour l’heure deux des nombreux ouvrages de G. Lenotre, l’écrivain de la «petite histoire», dont Céline dit dans Bagatelles : «Je me ferais mourir pour Lenotre.» Si tu as l’occasion : Sous le bonnet rouge – La Révolution par ceux qui l’ont vue, aux Cahiers Rouges (Grasset). De brefs récits anecdotiques (6-12 pages) touchant des personnages oubliés, méconnus, érudition sans faille ni pédantisme et tant de passion et de SYMPATHIE de Lenotre (en réalité Gosselin) que... que... enfin tu verra(i)s. J’ai toujours préféré la petite histoire à la Grrrande qui, comme le Grand Loup, bouffe tout sur son passage : reste le conte, la petite histoire du Chaperon. Ceci, dans Lenotre : «la topographie, disait un sage, est l’un des deux yeux de l’Histoire ; l’autre est la chronologie.» Mais naturellement, il ne suffit pas de s’imposer une discipline documentaire (remarquable, par parenthèse, ta Lettre sur Fonseca), sur 100 chasseurs de documents, 1 ou 2 Lenotre.

Fais-je partie des «esprits rebelles»? Je ne comprends pas très bien ce problème du premier jour du XXIe... [Je soutenais que 2000 ne serait pas la première année du XXIe siècle mais la dernière du XXe, cf Jd de janvier] Ou plutôt, je comprends les deux positions... Et j’ai tendance à me dire in pecho : à faux problème, fausses solutions... Chaque fois qu’un siècle approche de sa fin, la question revient sur le tapis. Fin XIXe, à partir de 1895, 97, Alphonse Allais s’est fait le chroniqueur amusé de la polémique. Parce que les deux camps comptent à peu près autant de supporters !... Des philosophes, des logiciens, des mathématiciens, dans chaque camp : et si je ne me goure, des ouvrages qui défendent l’une et l’autre thèse. Personnellement, je ne sais pas. Allais avait conclu l’affaire comiquement, en «démontrant» que ça n’était pas le XXe mais bien le XIXe siècle, qui allait commencer en 1900 – ou 1901? Faudrait que je retrouvasse au moins cette chronique. Mais je n’ai pas relu Allais depuis 15 ou 20 ans. Et Guy-Marie? Qu’en pense-t-il?

Le «Ohl et moi» joint à ma lettre qui festonne a lui-même une histoire que voici : En mars 97 une jeune fille est venue m’interviewer à domicile. Après coup, j’ai eu honte des inepties, des blablablagues, des prétentiosités, que j’avais débagoulées. Le temps passe sur les mémoires, on oublie l’événement, mais la jeune fille réapparaît en janvier, l’article (avec mes propos piteux) apparaîtra au Festin. Pour essayer de... disons d’atténuer ma honte, j’écris ce... cet addenda, ce codicille. Mais je m’aperçois que mon nez s’enfonce encore plus dans – non pas dans mon propre rire – mais dans mon... Tu vois... Mieux vaut lire Lenotre!

AmicalementMietzschel le SurhomunculePS J’ai longtemps été fasciné par «Borgès et moi» - j’ai même écrit «Borgès et moi et moi» -

mais j’ai dû, mécontent, le bazarder.

15 3 1998Cher Philippe,«bercail», bien sûr, à l’origine, ça veut dire bergerie, et non berceau, et puis ç’a voulu dire

«sein de l’église», et puis famille, pays (natal), maison paternelle... berceau ! crèche du petit Jésus agneau !... Berceau et Bercail sont si proches dans le dico : seule la Berce les sépare dans Robert, la berce (Heracleum) ou grande-berce, ou patte-d’oie, ou fausse branche-ursine... J’aurais dû faire se traîner un agneau (peut-être une brebis) du bercail moi au cimetière moi mais à la hauteur de la berce (= patte d’oie) il se serait gouré de route. Retour au bercail. Redépart. Re-erreur. Parce qu’il faut bien que j’aie le temps de vieillir. Tout ce discours inspiré par quelques malheureux mots échangés dans ta voiture confirme une fois de + mon intrinsèque vanité.

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Pour le XXIe siècle j’exagère, tel Céline qui «se ferait mourir» pour Lenotre ! En réalité, je m’oblige à ne pas comprendre.

Et toute cette frime pourquoi? «On a beau prévoir le pire, l’avenir peut surenchérir» disait l’écrivain psychiatre hongrois Csàth, et puis il tombe fou, s’échappe de l’asile, s’en va tuer sa femme, et se suicide. (L’aurais-je pas déjà cité dans une Lettre documentaire?)

AmicalementMietzschel le Surhomuncule O H L

28 3 1998.Cher Philippe,voici le papier du Monde. Et je te demanderai en fin de compte le Suel (c’est mon sang juif

alsacien de revendeur de Haguenau qui resurgit 2 siècles après) La justification de la belle mire – autre lecture – Le titre à lui seul aurait pu justifier l’entreprise – et c’est ce qu’il a fait, non ? Enfin, je passerai peut-être mercredi matin. A bientôt.

Mietzschel le Surhomuncule«... phyla i pela, pela i phyla ... elle flottait et chantait, elle chantait et flottait... Bien entendu !

La mort d’Ophélie ! Hamlet ! dans la traduction russe du bon vieux Andrey Kroneberg, 1844, le bonheur de la jeunesse de Pnine, et des jeunes années de son père et de son grand-père ! Et ici, comme dans le passage de Kostromskoy, il y avait, on s’en rendra compte, un saule et des guirlandes de fleurs. Mais où s’en assurer ? Hélas, Gamlet Vil’yama Chekspira n’avait pas été acheté par Mr Todd, ne figurait pas à la bibliothèque de Waindell College, et quand il vous fallait vérifier quelque chose dans la version anglaise de Shakespeare, vous ne trouviez jamais tel vers magnifique, tel vers sonore dont vous vous souviendriez toute votre vie durant, les vers du texte de Kroneberg, dans la merveilleuse édition de Vengerov. Triste!» Vladimir Nabokov, Pnine, Gallimard 1962, traduit de l’anglais par Michel Chrestien, p. 89. V. N. parle cent fois de la traduction dans son oeuvre... mais je n’ai pas le courage de fouiner... Les premières traductions françaises de romans russes étaient parfois du pur délire. Je cite dans le n° Blavier de Plein Chant une lettre de Tourguéniev avec exemple gratiné de folie traductrice...

Dimanche [5 avril 1998]Avant de regagner le Pays, ce glossaire de Jacquou (Livre de Poche) que m’envoie l’illustre

Guy-Marie. (Tu pourras le joindre au roman.) Vinochet (petit vin) me suggère Pinochet (petit pin).Je rejoins ce soir la forêt de pinochets, armée paralysée.Mais comment appeler l’ensemble des pinochets ?J’emporte la Lettre 137, afin de consulter Littré.Retour le 20, le 19, ou le 18/4.AmicalementMietzschel le Surhomuncule

La Villace, 24 5 1998.Cher Philippe,pour te remonter le moral, je t’envoie une page sublime de Michel (pas le chausseur, le

rimbaldien, mais il est vrai que les deux ont en commun les semelles, cuir, crêpe ou vent), laquelle page pourrait figurer en bonne place dans une Anthologie du pathos fin-de-siècle. Il y a des passages irrésistibles, et je me suis payé une sacrée séance de rire (jusqu’au trismus : j’ai craint un moment une nouvelle paralysie faciale). Garde-moi l’article, por favor, je songe à une réponse, sous le titre de « Mairde!», à moins que je ne trouve mieux.

Suffran me doit une lettre depuis 2 mois environ. En général, il me répond aussitôt, alors je ne comprends pas. Peut-être cette ennuyeuse histoire de pont vis-à-vis les Quinconces (il milite contre le projet) l’a-t-elle rendu barjot.

Toujours délicat, l’envoi de machinuscrits aux amis ou connaissances... J’ai soumis voici 3 mois un recueil à Sorin, huile de chez Flammarion (Roux... Michelena...) et ancien supporter, et c’est bien la dernière fois. Il vient de m’écrire une lettre de refus emberlificotée qui dénotait une certaine gêne, et c’est moi en définitive qui me suis senti fautif et honteux.

Un autre éditeur, d’une filiale de Gallimard, m’a tellement raconté de couillonnades que sous le coup de l’ire j’y ai répondu illico – ce qui n’est pas malin de ma part. (Pour une fois, j’ai gardé un double de ma lettre, que je te recopie – c’est dimanche, pas de photocopieuse dans le coin.)

J’appartiens à une famille de militaires et de gendarmes, alors c’est O.K. pour l’Ecole, mais je suis devenu d’une ignorance crasse!

Amitiés

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Mikhaïl IvanovitchAprès quelques jours d’examens et d’interrogatoires au Tripode, j’ai été relâché. Mais je

risque d’être reconvoqué à tout moment. Un peu nerveux, j’attends.[PS, sur la copie d’une lettre à Bourgadier :] Bourgadier me disait que j’étais un pur. Un

authentique. Après dix lignes de louanges, il ajoutait qu’il me faudrait un éditeur qui adhérât totalement à mon oeuvre. Mais que lui c’était pas le cas. Mais que surtout je n’oublie pas de lui envoyer mon prochain recueil. Surtout. J’ai hélas ! jeté sa lettre. Un beau morceau, pourtant. La plus belle des 70 lettres de refus reçues dans ma vie déjà brève. (Ce «déjà» me fait penser qu’il y a quelques répétitions dans la lettre. Mais c’est une preuve de spontanéité.)

Villa «Neurose» 22 8 1998.Cher Philippe,pardonne-moi le lourd silence. Encore une petite semaine à Mimizan. Je me suis promis

d’achever l’Oeuvre romanesque de Mauriac avant de regagner Bordeaux. D’ailleurs, François le Mau-Mau parle de Bordeaux à chaque livre. Celui que je lis, p. 20 : «Je partis pour Bordeaux et m’inscrivis à la Faculté des Lettres» (Les anges noirs). Quand il fait trop chaud, on rentre dans les églises. L’oiseau le plus courant dans le ciel mauriaco-bordelais : le martinet. Et le pardonneret qui se nourrit de grains de chapelet. Non, le pardonneret, c’est le faux oiseau de mon ciel vide. Aussi faux que l’Oiseau Errant : oisard. Condamné à voler sans cesse n’importe où pour une histoire d’outrage que j’oublie. Mauriac parle de l’enfance, du destin, de la mort, aussi bien que Tolstoï (parfois) mais il y a toujours un petit curé qui lit son bréviaire au premier détour, et Mauriac pense à la belle âme. A propos, le créateur de Fripounet et Marisette, René Bonnet, est mort à 93 ans. Mes parents me l’achetaient le dimanche au sortir de la messe. Fripounet a beaucoup marqué Lucien Suel aussi, m’avouait-il dans une lettre. Je crois que je vais prendre ma retraite. Si elle n’est déjà prise. Ecrire m’emm...de de + en +. Le moindre pli me coûte !... Cela fera 15 jours que je pensais à une lettre à toi. La photo a déjà 4 ans ou 5 et 6 ou 7 dents sont tombées depuis. Dranem écrivait, lui aussi. Dans Le Petit Corbillard illustré, l’organe des croque-morts, dirigé par Cami, années 20. Déjà, ils pensaient à sponsoriser les corbillards, et même les cercueils. Dranem chante «On n’me comprend pas / Pa pa pa / Ma ma man non : / Pa pa pa» et la chanson des «P’tits pois».

A bientôt mon cher Philippe.Ton Mikhaïl Iv. O H Le surhomuncule, El autor out du Sud Ouest

[octobre 1998]Philippe,ces pages viennent du tome deuxième du Comte de Monte-Cristo (= Simbad) chapitre X. Je

n’ai plus les écrits de Gautier touchant le hasch («Le hachich» et «Le club des Hachichins») mais ils se trouvent dans l’édition Folio des Paradis artificiels de Baudelaire. (Nerval aborde ce sujet brûlant dans l’«Histoire du calife Hakim» in Voyage en Orient.)

Je suis saisi d’agraphie depuis des mois. Aussi ne t’étonne pas si mes plis se font rarissimes.AmicalementMikhaïl

9 11 1998.Cher Philippe,excellente lettre Ackerman [Ld 287] – mais je suis un fan de longue date. (Dis-moi quand je

dois me réabonner.)Je t’envoie un extrait du tome IV (il y en a 6) de Vieilles maisons, vieux papiers de Lenotre

(pseudonyme de M. Gosselin) dont j’ai lu une dizaine d’ouvrages ces temps-ci. Ca n’est pas mon texte préféré, mais je l’ai choisi à cause de Jean-Jacques et de la «fameu de gangaque» (p. 170).

J’aime bien aussi le «Je suis né...» ci-contre [«Je suis né aux environs de Metz le 7 octobre 1855, mettons 56 ou 57, je...»]. Dans une préface, vu que Lenotre avait été baptisé «L’ange de la documentation»!

A part ces lectures autour de la Révolution française, rien à signaler d’intéressant.Amicalmente!Miguel

28 mai 1999.Cher Philippe,merci du beau petit livre et des lettres trouvés il y a une petite demi-heure au retour de

Mimizan, où je me tire dès que m’y autorisent ma femme et mes docteurs.

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Amicalmente !MiguelJ’ai pris les calembours en horreur (les miens, s’entend) mais je t’en donne un, le dernier

avant la fin du monde : Tout para vole haut.[sur une carte de visite jointe, portant imprimé "MICHEL OHL n’écrit plus" :] qu’à Ph. Billé et

encore, pas souvent

Mimizan, 15 7 1999, Saint Donald, canard des lendemains qui chantent.Cher Philippe,j’ai retrouvé la nouvelle adresse de Yan Kerveno [à Fumel]. Mais je ne sais plus rien de lui

depuis longtemps.Tes récits de rêves [Ld 308] me plaisent fort. Parfois, j’ai envie de noter un des miens, mais

c’est trop tard. Non que le rêve ait disparu mais je n’en crois plus un mot et le glas va sonner, alors c’est inutile.

Je me suis souvenu que j’apparaissais en Monseigneur Ohl des Marais dans une histoire de pape de «mon» livre Sacripants! J’écris «mon» parce que toutes ces histoires me sont encore plus lointaines que les rêves.

Je m’en vais 15 jours à la montagne du côté de Saint-Lary. Si je tiens le coup aussi longtemps. Je songe à m’échapper avant ce départ en vacances, mais c’est un rêve. Dans la petite ville où j’irais, Bayonne ou Biarritz, je me ferais repérer tout de suite, et une ambulance me ramènerait à la maison, et pour la peine j’aurais un mois de vacances à la montagne et même à la mer.

AmitiésMichel Ohl, fier-de-lettres

[Février 2000]Cher Philippe,bien reçu les Lettres, dont le «Souvenir de Bernard Teulère» [Ld 316].Séjour ici prolongé.Pour La Bretagne mystérieuse, je te téléphone au retour.A surgi chez moi du fin fond du passé un condisciple de Victor-Duruy et de la Fac de Lettres,

aujourd’hui éditeur près de Mont-de-Marsan. Célinien de toujours, il prépare une revue sur Céline pamphlétaire. Il recherche Mea culpa. Voudrais-tu lui envoyer ton édition, ainsi que les Lettres touchant Céline. L’adresse : José Sanchez, Editions InterUniversitaires (Eurédit) [...] Saint-Pierre-du-Mont. Pardonne au cavalier de ma requête. Et si ça t’emm..., laisse courir.

Amicalmente!Michel Ohl

[Mars 2000. Parmi quatre pages de belles citations autobiographiques de Simenon, celle-ci et le commentaire qui suit (cf Ld 341) :]

«J’ai parlé il y a je ne sais plus combien de temps, de ce que j’appelais «la dernière fois que...». La dernière fois que j’ai joué au golf, la dernière fois que j’ai fait du ski, la dernière fois que j’ai joué au bridge, la dernière fois que j’ai nagé dans ma piscine d’Epalinges, la dernière fois que je suis monté à cheval, etc., etc. ; je crois avoir signalé alors qu’au fond ces «dernières fois» n’ont rien de dramatique. D’ailleurs, on ne sait jamais quand elles ont lieu. On monte à cheval comme tous les jours. Puis, quelques mois après, on se demande à quelle date on a cessé de monter. Chaque premier de l’an, je ne peux m’empêcher de me demander : Est-ce la dernière fois que...»

Simenon dicte ces mots le 1er janvier 1976 (A l’abri de notre arbre). Il a 73 ans. Il meurt en 1989. Les «dernières fois» qu’il évoque sont vraiment pour lui les dernières dernières. Il n’envisage pas de rejouer au golf ou au bridge. C’est un jeu de vieux et de malades.

LA DERNIERE FOIS QUE – je suis allé au cinéma : en 85 ou 86 avec Lise et mon frère Jean-Pierre : adaptation de Au-dessous du volcan.

- je suis allé chez le coiffeur : en 68 à Mimizan-Plage au salon de coiffure qui est devenu le bar Palace Beer. Depuis, m’ont coupé les tifs : ma mère, une ou deux amies, Lise.

- j’ai pris un bain de mer : été 68, plage de Catalogne du côté de Tarragone au retour d’un voyage à Alicante avec un copain de Mimizan d’alors.

- j’ai quitté la France : idem.- j’ai piloté une bagnole : celle de Lise en juillet 79 au Pays Basque. Elle s’est blessée au pied,

je l’ai conduite à la clinique de St-Etienne-de-Baïgorry.- j’ai assisté à un match de rugby dans un stade : Toulouse ½ finale du Championnat de

France 1960 (59? 61?) opposant Béziers à Agen.

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- j’ai pris une vraie cuite : le 10 (11?) octobre 1997 au Castan (avec traversée du Salon du Livre).

J’en ai marre de ce jeu.

13 4 2000.Doc,c’est moi qui risque d’être absent la semaine prochaine. Je n’ai pu encore quitter Bordeaux

pour cause de jambe rétive. A présent ça va mieux, et peut-être filé-je à Mimizan. Mais le 26, faut que je ressois au Tripode. Pour le Coco (ainsi certains familiers appelaient-ils Poictevin), tu m’appelles et j’aboule le pèze illico.

Repensant à mes gémissements en salle d’op’ (ainsi parlent les médecins) je me suis dit qu’à l’Epuration, j’aurais livré aux FFI tous mes copains collabos au premier semblant de torture. Et au deuxième, j’aurais donné le monde entier.

Et je me suis demandé si le «Maman!» que l’on crie lorsqu’on se voit mourir est vraiment un appel au secours, ou une ultime protestation d’amour? Est-ce que, au contraire, on ne la donnerait pas, à la Mort, dans l’espoir d’avoir la vie sauve en échange?

Un passage de Kessel. Il s’agit de souvenir du temps (en 1920, à l’âge de mon fils) où il était soldat (français) à Vladivostok, parmi les Blancs et les Cosaques.

«Je me souviens enfin que l’un des assistants raconta comment il avait cloué, à des poteaux le long de la route, les corps de paysans, de telle façon que leurs bras droits levés fussent orientés dans la même direction : celle du quartier général de Semenoff. Quand le gel avait saisi les cadavres, ils étaient devenus autant de flèches indicatrices jusqu’aux avant-postes de l’ataman.» (in Tous n’étaient pas des anges).

Sur ce beau crime contre l’humanité je te quitte, en espérant que ma lettre te trouvera encore à La Croix, mais si elle ne t’y trouve, ça ne sera pas la catastrophe.

Amicalmente!Mikhaïl Ivanovitch

5 6 2000.Cher Philippe,lu le papier de Réthoré (?) dans Sud Ouest aujourd’hui.Encore une fois je te fais faux-bond. Je pars au pays cet après-midi.«Allégorie du cinéma» [Jd de ce mois] : excellentissime.Pour les dernières Ld : pourrais-tu me les envoyer 5, rue des Cols-Verts? Sinon : au retour (je

reste là-bas 10 jours environ).Pour Poictevin, rien décidé encore.Amicalmente!Miguelito

31 7 2000.Cher Philippe,Bruno Richard risque d’être déçu, parce que je n’ai plus le roman de Pennel Initiation à la vie

cruelle : je l’ai envoyé en cadeau à Oustric il y a 6 ou 7 ans, et je n’ai pas gardé l’ombre d’une copie. Quant à Husson, impossible de remettre la main dessus. Alors j’ai expédié à Bru. Ric. un essai de mon camarade Noguès, dont les citations de Husson diffèrent des tiennes (Ld). Relisant cette dernière phrase je la trouve soudain très étrange. Comme s’il n’était pas du tout question de ce dont je parle, et qui au fond ne me préoccupe guère, comme si en réalité il s’agissait de réunir tous ceux dont il est question (B. Richard, moi (j’ai, mon), Noguès, Husson, toi, tiennes) dans une petite pièce, ou dans une grande panière que l’on agiterait avant de jeter le contenu de tous les côtés. Et le singulier de l’histoire, c’est que tout le monde retombe exactement à l’endroit où il est en train de vivre cette vie.

Sauf Husson qui retrouve son caveau.Voilà qui n’est pas étrange mais plutôt imbécile!Enfin, voilà.Je serai tout août rue Jean-Soula.Amicalmente!Michel

9 9 2000 [sur une feuille d’arbre doublée de papier]Cher Philippe,

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Ombres est à votre disposition... Je n’ai pas cherché d’éditeur... Ce sont toutes ces pages vouées aux peintres qui m’immobilisent. Ca n’était pas comme ça dans ma mémoire. Et en peinture, je n’existe pas, tandis que Poictevin (me rappelle Cuistrov-Pédantovski) fut le conseiller artistique de Huysmans pour A rebours... Mais Poictevin me trouble toujours, 25 ans après, et même cet été j’ai pleuré sur Ludine!!!!! (Mais ça tient peut-être à l’âge – comme l’énurésie.)

Pour ta Correspondance passive, faut voir... J’avais décidé de finir ma vie dans le silence (agonie non comprise) et la discrétion majuscule, mais déjà mon fils m’exhibe sur Internet, et pourquoi pas... Tout se vaut, Nitchevo.

Amitiés d’O H L

29 octobre 2000.Cher Philippe,j’espère tout de même que l’on se reverra avant la fin du monde : le tien, le mien, ou les deux

en un. Je vais à Mimizan aujourd’hui pour passer ce fameux «pont de la mort» de l’automne. Déjà, l’homme-aux-profils-ennemis m’attend devant la datcha.

Au téléphone après le message du chien [J'avais alors enregistré des aboiements sur mon répondeur] je parle du manuscrit de Poictevin sans doute à cause de la promesse de moine copiste de ton ami [D Baudouin?]. Je lui ai écrit, mais j’ai dû exagérer dans la région de l’enthousiasme, parce que au fond je n’aime plus grand chose alors j’en rajoute dans l’espoir de déclencher un ressort d’énergie vitale!

En tout cas mon vieux, Ombres t’attend dans sa chemise de simili-cuir vert sur ma table de travail jamais utilisée, et tu peux venir le chercher. Nicolas reste à Bordeaux ces jours-ci, et ensuite, si je reste au pays de mon cadavre, Lise sera là aussi.

A Biarritz ç’a été idem la marche funèbre à tout petits, tout tout petits pas. Mon cousin Georges et moi avons mis 20 minutes au cimetière de Bayonne pour aller du caveau Ohl n° 1 au caveau Ohl n° 2, distants de 300 mètres. Arrivé à sa tombe, Georges s’y est couché dessus pour se reposer, et j’ai dû le secouer pour l’empêcher de s’endormir. Le soleil tapait, j’étais tout en noir, mes cheveux se collaient de sueur, et je suis tombé à genoux avec des larmes aux yeux, les visiteurs arrivaient vers nous avec des pelles et hop ! me voici au studio de Caudéran en train de t’écrire alors tout va bien.

Je m’appelle Michel Jean Georges. Jean, mon père est mort à 500 m d’ici, Georges n’est pas flambard en Normandie, et moi je te laisse, mon cher. Ne me tiens pas trop rigueur de mes inconséquences!

Lou Miquèu d’Onessa

[5 février 2001]Cher Philippe,je passe autant de temps à Mimizan qu’à Bordeaux, mais en ce moment c’est Jean-Soula,

pour quelques jours...Impossible retrouver bibliotête bas violets Fabrice [Je ne sais plus pourquoi je recherchais

cette citation de Stendhal]... Faut dire que «ma Chartreuse» date d’une trentaine d’années – ma lecture – et je ne sais plus où j’ai fourré le livre...

«Duerme negrito» : je chante la chanson debout sur les W.-C. p. 56 du Prix du boeuf.Et Narcisse Boudigano (= Ver-Fouisseur) donne une traduction (après ma mort) p. 141 du

même Prix.(L’historiette intitulée «Papale» avait été refusée en 93 ou par là, pour racisme probablement,

par la revue Le Paresseux, d’Angoulême.)Quant à L’ami noir –Dis-moi où j’en suis de la phynance.A propos, j’ai décidé de faire le mur du Collège de Pataphysique.AmicalementMichel Ocette «dernière cuite» va devenir une référence chronologique. J’ai intérêt à me surveiller pour

pas brouiller les pistes

12 3 2001Cher Philippe,j’ai pu lire ton Nicolas [Gómez Dávila] grâce à mon Nicolas, qui l’a tiré pour moi. Il y a ce que

j’aime (+) et ce que j’aime pas (-) [Je simplifie les deux signes employés par Michel.]

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(+) imitateurs d’admirateurs, L’idée développée en système se suicide (la plupart des notes de cette tonalité) et les notes gombrowicziennes : impuissance créatrice...

(-) «Ecrire bref, pour conclure avant de lasser», et presque tout ce qui touche à l’art d’écrire : «dureté de la pierre ... tremblement du feuillage» (j’y ai eu cru ...). Le village, le monastère, le château et les paysans amoureux de leur Seigneur [Michou abuse un peu], le Moyen Age, le Petit Jésus (quand je lis certaines notes je vois Ferdinand en train de se fendre la gueule – j’ai été à l’école de sa mécréance absolue).

Mais (+) «Il ne faut pas désespérer de l’athée tant qu’il n’adore pas l’homme.» Je ne désespère donc pas de moi-même.

(+) la prétendue originalité de ceux qui la cherchent. Le paganisme autre Ancien Testament – mais gare au Val-Hall (Walhalla).

(-) le bon sens et les vieux proverbes, certes, c’est très bien, très très bien, mais A bon vin, point d’enseigne. (Dávila me donne parfois l’impression qu’il part en campagne pour les Municipales au bois et au bourg du Moyen Age.)

(+) «Devant celui qui ne nous comprend pas ... Devant celui qui nous comprend ...» (II 495). Sublime, dirais-je, n’était le côté c... du mot.

(-) sur le XVIIIe il y aurait tant à dire... il y a eu les poètes à la Jean-Baptiste Rousseau, les fous littéraires à la Restif de la Bretonne, d’autres plus délirants encore, notre Jean-Jacques, Voltaire est un petit peu nôtre aussi, les avant-courriers de Chateaubriand. Alors le Palais XVIIIe avec Sade aux latrines, ça fait un peu Lagarde et Michard. Et idem pour le XIXe, où il y a tout, et rien si l’on veut, pourquoi pas, Lamartine gnan-gnan et Lamartine voyant TOUS LES MORTS sous le gazon Y COMPRIS LUI.

Quant à notre époque de merde et de foutre que les historiens devront étudier avec des gants, c’est un peu ce que disaient Bloy et Barbey d’Aurevilly de leur époque, non? Et on pourrait remonter très loin, comme ça, de proche en proche, avec des gants, au moins ça ferait marrer les naturels.

(+) «Le châtiment de celui qui se cherche est qu’il se trouve.» Noms propres et dates... (II 71). (II 211) «En quel Dieu auront cru ceux qui cessent de croire en lui?»

(Dans mon bilan pré-tombal : 9 sur 10 des auteurs que j’ai aimés étaient réactionnaires «à mort», Gogol, Dostoïevski, Barbey d’Aurevilly –

(215) me fait penser à «Plus à eque moi – le mur» de Gueorgui Ivanov le Russe blanc cassé du Saint-Empire.

Je corrige 9 sur 10 : 5 sur 10. Les autres étaient comme moi : sansopinionistes. Il y a des gens qui ont réussi l’exploit, à l’époque, de NE PAS PRENDRE POSITION SUR L’AFFAIRE DREYFUS : Alphonse Allais.

Je corrige : 5/10 monarchistes, intégristes orthodoxes, extrême-droite, 4/10 Alphonse Allais et autres, 1/10 divers.

Mon cher Philippe,je crois que j’ai assez dit de conneries comme ça.Je ne retrouve plus mes Lettres 338, 339, 340... Pourrais-tu me donner l’indice de leur teneur

(L’INDICE DE LEUR TENEUR!!! non, quel cono!), que je voie si je les ai eues et perdues ou pas eues (pas perdues).

Je t’envoie le dernier texte (ah! l’horrible mot «texte», c’est peut-être uniquement pour ne plus rien avoir à voir avec lui que j’ai arrêté d’écrire!) que j’ai écrit, il y a 4 ans. Je l’avais recopié pour le dédier à Emmanuelle et Thierry de Finitude, parce que ma maison natale appartient aujourd’hui au père d’Emmanuelle, et que, tel que tu me vois... enfin, inutile de ressasser les mêmes histoires macabres éternellement.

Beaucoup aimé «Sur les îles» [Ld 344]. Et je me rends compte avec effroi qu’il n’y a pas eu d’îles d’Ohl.

Amitiés de Mikhaïl IvanovitchLisant Dávila j’ai eu la tête traversée par le calembour «protocolle». Protocolle : Dieu existe-t-

il? Et Dieu dans tout ça? Je me disais que, même lorsque j’ai cru croire à 12 ans, je ne m’étais même pas posé la question. Ni alors, ni jamais, question pas posée. MAIS SURTOUT, ce qui m’a fait peur, C’EST QUE LES CALEMBOURS revenaient me visiter, j’y ai vu un signe de mort, et pourtant, deux jours avant, j’étais allé à l’hosto persuadé que j’étais bon pour le billard et non... le sang va son flux. Ah! petit Jésus! faites que je ne réécrive jamais! avec ou sans jeux de mots! MERCI BEAUCOUP

16 mars [2001]

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Tu ne m’avais pas parlé du «rectificatif» au téléphone. Ari Boulogne... J’ai à présent l’âme en paix. Je peux repartir au pays. De deux choses l’une : ou je n’en reviens pas, ou on m’y conduit d’ici en fourgon mortuaire. Il y a d’autres possibilités...

J’emmène avecque moi Nicolas Dávila. [Malgré la date marquée, cette carte semble donc précéder la lettre du 12].

La page de García Márquez [Ld 346] pas mal du tout, comme on dit. J’avais lu un texte de lui sur G. B. écrit du vivant de Brassens, je ne sais plus dans quel livre.

Les mots qui déprécient sont bien plus sentis, et parlent mieux, que les mots favorables. Pas mal. Assez bien. Bien. Beau. Superbe. Génial.

Pardon. Je m’en vais.Amicalmente!Michel

25 6 2001.Philippe,merci de la photo à l’Oeuf philosophique et au Grand Chapeau d’Orient, je me doutais un peu

que tu avais fui le centre de Bordeaux pour tes Recherches Alchimiques.Je t’écris un «nicopatch» sur la hanche droite, car j’essaie de ne plus fumer. Jusqu’ici, je

n’avais arrêté que contraint et forcé dans les hôpitaux.Peyrehorade, ça n’est pas vraiment mon pays... je connais un tout petit peu... J’ai dû boire

quelques bières dans un café de la rue du Château. Un de mes projets de jadis concernait l’enfant du pays Dortignacq, dit «la gazelle de Peyrehorade», champion cycliste de l’orée du XXe siècle... Est-il question de lui dans ton gros livre? Certainement non?

Mon fils part demain à l’île d’Oléron. C’est peut-être le nom de l’île mythique, que j’ai tenté d’atteindre pendant 25 ans, à force de rames/verres, lors de mes cuites, sans jamais réussir, je coulais avant. Je regrette aujourd’hui de n’avoir pas gardé la lettre de Blavier où il m’invitait chez lui à Verviers en me faisant miroiter une file interminable de demis de bière. Hilh de pute j’aurais dû y aller. J’y serais peut-être encore. Mais j’étais déjà la pauvre limace que tu connais. Nom de dieu mieux vaudrait être mort (sans douleur, naturellement). Et l’adieu au tabac, en plus? Et puis quoi encore?

Amitiés d’un révoltéMikhaïl Ivanovitch

La Villace, 12. 2. 2002.Cher Philippe,ce petit plipli avant de repartir au paÿs pour la 721e fois, sera-ce le dernier voyage ? j’ai de très

noirs pressentiments- comme d’habitude, et même peut-être plus que d’habitude – comme d’habitude (ici, on entend dans sa tête, que l’on soit lecteur ou auteur de la présente, Claude François chantant «Comm’ d’habitude» dans sa baignoire juste avant sa mort : si on lui disait qu’il allait mourir dans quelques secondes, ça le ferait peut-être mourir de rire : et qui sait s’il n’est pas mort de rire parce que cette idée lui a traversé la tête ?... personne.)

Je t’envoie donc avant de partir le catalogue du royaume des ombres de Schéol, confectionné par le beau-fils du propriétaire de ma maison natale. Je regrette de n’avoir point créé avec Souvenirs et Autour des Souvenirs la collection A Fonds Perdus... Ca t’a un petit côté titre de collection de poésie – on pense à la mise en abîme, on se dit «Houlà! mais c’est lourd de sens!» Dans le cas de Schéol ça n’est pas compliqué, la phynance vient du Schéol et y retourne, si je puis dire.

Avant le dernier voÿage (ici, un léger rire un peu jaune : hi-hi !) je voulais te dire que voilà, parmi mes rarissimes amis lecteurs de l’Autour... trois m’ont parlé de mes fautes d’orthographe... or, et nous arrivons au grand Quiproquo de ma vie, le second par ordre de grandeur après ma vie elle-même : je me fous de l’imbécille orthographe et de sa soeur la grammaire, qu’on appelle les soeurs Laïdeuse dans les derniers bistrots où je bois en douce en rêve. Mon papa disait : «l’orthographe est la science des ânes», et je suis d’accord, bien que j’aime les ânes, à part ceux qui vont au Paradis avec F. Jammes, mais c’est de ceux-là qu’il parlait, sans doute...

Je fais très peu de fautes (vois la connotation caca péché pouah! pouah!) et lorsque j’écrivais selon la méthode Nicolas Boileau j’allais voir Larousse à chaque mot par maniaquerie comme si j’étais toujours à Sainte-Anne à Mont-de-Marsan et vérifiais auprès de l’infirmière Janine dix fois par jour l’orthographe de son prénom alors voilà Michel Ohl : Sans-Dieu tels Céline et La Fontaine et Brassens et sans aucune orthographe.

J’ai voulu me suicider lorsque mon ami Noguès m’a signalé mon «harcelle» avec deux l, j’ai avalé trois pages de Ronsard avec de l’Eau de Vichy mais ça ne m’a rien fait, et je suis été me konfaicé à Sinsoeurin mais le kuré madi que c’était pas une faute, que Ronsard écrivait lui aussi avec

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2 l, qu’il fallait s’occuper de la grande affaire, comme disait Louis XVI, tenter de, chercher à – s’en occuper... Tiens ! me dis-je : il y a encore un curé pas trop con ! sur la terre de la fille aînée de l’Eglise.

En ce moment, mon vieux Philippe, je suis comme on dit sur les nerfs : risquons neurosthénique. Il y a une histoire de nicotine, m’est avis, là-dessous. Et une autre histoire, et une autre histoire, et une autre encore, dont je ne parlerai qu’en présence de mon extrême-oignant si je n’ai dans la gorge le tube des agonies hospitalières.

Amitiés de ce vieux conneau de Mikhaïl Ivanovitch

La Villace, 23. 3. 2002.Cher Philippe,bien reçu le Journal documentaire [de 2001], lu hier soir, sans sauter un nom d’oiseau, et j’ai

été récompensé de mon courage p. 15, à «pigeons» : ouf ! me suis-je dit ! enfin un oiseau qui l’emmerde ! Puisque pigeons/bestioles = Venise, je pense à ce personnage de Simenon qui, à Venise, remplace la visite de la ville par la lecture d’un guide, à son hôtel, avant de repartir chez lui, en France. Et je pense à la Venise du Doubs (25870), sur l’Ognon (rivière), que j’ai découverte en lisant Les derniers jours de Venise du Bordelais Audinet de Pieuchon, assez drôle, et rigolo, le livre, sauf lorsque l’auteur revient dans l’ombre tutélaire de Barthes et de ses confrères et confréresses de l’avant-garde des seventies. C’est en lisant le Roland Barthes du Seuil que j’ai appris que le maître rasoir était né à Cherbourg, comme mon père. D’un père officier de marine, comme mon père. Qu’il avait étudié au lycée de Bayonne, comme mon père. Que Bayonne était la ville de son coeur (du coeur de papa c’était aussi la ville). Qu’il était mort, Roland, un mois après qu’une bagnole l’eut renversé, des suites de cet accident (comme papa). «Et alors?» pensons-nous, toi et moi. Alors rien. Barthes ne m’était rien. Il m’ennuyait mortellement. Papa – (voir Autour des Souvenirs pp 46, 7, 8, infra, supra) – j’essaie de me persuader qu’il a un jour existé, et que ce jour-là justement je l’aimais. Trenet ne prend pas d’accent, mon vieux, bisque bisque (p. 8). En ce moment je lis ou relis Lamartine, pour un florilège, peut-être, à base de chrysanthèmes, et de «pensées des morts», et ce n’était un réactionnaire, loin de là, et mon français préféré, Bove Emmanuel, ne l’était pas non plus, réactionnaire, où veux-je en venir, ah ouais! la page 5, les «9 sur 10», ou «5 sur 10», je disais ça un peu comme ça, pour te faire plaisir qui sait ? mais, Mikhaïl, es-tu bien certain (23 3 2002 / 5-10 > cf note p. 35), que ce que tu écrivais le 12 3 2001 à M. Billé n’est pas vrai ? Au fond, au vrai, en vérité, Nicolás Gómez Dávila m’emmerde un petit petit, ma lettre du 12 3 01 tient de la noyade de poisson. Ou non ? Punaise, je ne sais jamais ce que je dis. Un peu fadasse, trouvé-je, ce Dávila. Et dire que Billé est à présent obligé de l’aimer jusqu’à la mort. Comme ses chers oiseaux. Hormis le pigeon.

Je voulais lui parler de son Journal... méthodiquement, page après page, mais on dirait qu’il se lasse, l’Ohl, ne crois-tu pas, Philippe ?

Il faut dire à sa décharge qu’il vient d’apprendre la mort du chirurgien landais qui lui a sauvé la face en 1990. La semaine avant il enterrait, ou plutôt incinérait un vieil ami. Mardi, il apprenait que le stent dilatant sa carotide donnait des signes inquiétants de fatigue.

Le père de Lise, surnommé Papou, est mort d’une crise cardiaque trois mois avant le tien, de Papou. Le «mien» ne buvait pas. Mais j’aime le pastis dans le cercueil du tien. Avec quoi voudrais-tu être enterré ? Je pense à un paquet de Gitanes, une bouteille de Pelforth blonde, et une brune. Mais, je pense à me faire incinérer. Faudrait que j’écrivisse dans ce sens à mes frères et à Lise. Une lettre nette, claire, précise, pas incohérente comme la présente. Si je me laisse aller à mes divagations, mes frères (et Lise) diront «Ah! ah! c’est pour rire!» Et alors, pas d’incinération. L’enterroche, le cercueil dans sa loge. L’ennui, c’est que j’ai déjà écrit cette histoire de dernières volontés pas prises au sérieux (plusieurs fois l’ai-je écrite !!!)

Alors ? Si Bruno Richard trouve ses propres lettres ennuyeuses, pourquoi les envoie-t-il ? (p. 42) Voilà une réflexion (si j’ose dire) qui pourrait s’appliquer à d’autres, Michel Ohl par exemple.

Une autre fois le Pr Michou, du Collège de Pissos, le pays des époux Fénié, te parlera du Journal... de façon comment dire ? heu... merde enfin disons sensée, raisonnable, suivie. De Roux, du Moyen Age, du piège de ses «propres opinions» ou sentiments, ou prétendues préférences, du Grand Quiproquo Originel, et des surnombeux malentendus quotidiens, et attention aux larmes, Michel Ohl : «Certains, vous les amenez en pleurnichade assez rapidos, ils s’émeuvent d’un rien... un mélo bien ravaudé, ils y vont comme aux grenades lacrymogènes. Peu à peu j’ai appris que ça ne veut pas dire grand-chose. J’ai connu de sacrés larmicheurs, des sangloteurs pour le décès d’une violette, pourtant dans le fin fond de l’âme crapule pur porc...» A. Boudard.

Mon sens du ridicule ayant quasiment disparu je t’envoie ce disque fabriqué par un ivrogne littéraire célinien du lumpenproletariat bordelais après 2 h de jeudis d’enregistrement rue Soula. Jospin ne l’éliminera pas, car s’il fut longtemps SDF, il a aujourd’hui une chambre (si on peut appeler ainsi son gourbi).

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Stop-là. Je fatigue. Amicalmente!Miguel OhldOness!

4 avril 2002.Philippe,je t’offre ce petit Cyrano fabriqué par le beau-fils du proprio de ma maison natale sur sa

machine imprimante.Un rossignol bien gentil sur la branche. Ruiseñor. Monsieur Rui. Etre 3-lettres comme moi.

Mais... rêvé-je ou si tu me donnes du Monsieur sur l’enveloppe? Non! Non! Non! Ne fais pas ça! Ne fais pas ça! Et pourquoi non? Et pourquoi pas?

Je ne trouve pas le pic de Miquéu sur ma carte au 1/400.000e : un lac de Migouélou à 30 km environ à l’ouest de Cauterets.

A propos de Cauterets : le poisson blanc de la carte occulte la gare au buffet, à la buvette plutôt de laquelle j’allais boire lors de mes séjours solitaires des années 75. C’était un vieux bistrot d’ivrognes où je me suis plusieurs fois torché la gueule en prenant des notes pour mon journal «Cauterets-sur-Mer» (Zaporogues et Chez le libraire).

Je chantais à l’époque, lorsque j’avais un coup dans l’aile. Je chantais en rentrant cuver à l’hôtel du Ski bar. «La complainte du boucher». Ca fait longtemps que je ne chante plus. Et je n’écoute plus jamais de chansons. J’ai réécouté Brassens en 95, quand je voulais écrire «La mort de Brassens». Et puis quelques Trenet à la mort de Trenet. Et c’est tout. (Mais j’entends les disques de mon fils à travers le plafond – et ça m’horripile.)

Aussi peu amateur de musique que de peinture, mais la peinture a le mérite d’être silencieuse, enfin, en principe, avec les artistes contemporains il faut s’attendre au pire... (> La Criée ! Yvon Barbeau, qui a réussi à me refaire chanter le temps de deux jeudis matin, a longtemps vécu à Rennes.)

Mes chansons, si elles méritent ce nom, sont indissolublement liées à la bibine, à la gnôle, aux bistrots, aujourd’hui cela me semble préhistorique, mais je referais bien une plongée d’archéologue dans cette nuit des temps. Cela tient à un poil – ou à un diagnostic médical.

Jusqu’à 15 ans, sais-tu, j’ai couru les champs et les bois, comme on dit, je me pensais amoureux de la nature, et mon instit’ adepte de la méthode Freinet («oiseau frais-né», Mer dans Poe 32) nous emmenait presque tous les jours en pédagobalade au sein de la création. Il est mort, il est au ciel, il corrige en rouge mes écrits de là-haut, parce que moi-même je les relis plus. Et il me conduit et me reconduit sans arrêt à la mort et sur le chemin me donne et redonne et rere l’ultime leçon d’ornithologie (Mer dans Poe 25-26) un petit peu parodique bien sûr – comme moi (moussu Miquéu 1 m 69)...

Et, sais-tu, à la réflexion, à la remembrance : mes bookins sont pleins d’avions, je veux dire d’oiseaux.

«Tes adieux à l’écriture et à l’édition» : hé ouais, j’ai cru pendant une olympiade et demie que je saurais garder le silence jusqu’à la fin finale : tu parles !... Depuis mars 2001 j’ai noirci une cinquantaine de cahiers selon la nouvelle méthode, La Courante (après la Nicolasboileau). La dernière série, Les 26 jours du neurosthénique, journal écrit entre la date de la mort de mon père (24 décembre) et la date de la mort de ma mère (18 janvier), et envoyé par la Poste un cahier après l’autre (y en a 7 – comme pour Autour (oiseau de proie et de poing) des Souvenirs. J’essaie dans ces cahiers de m’expliquer en long, en large et en travers, mais je n’explique rien, naturellement : rien du tout.

Et maintenant, je ne sais pas. Adieux à la vie toujours repris. Elle ne tient qu’à un microfilm. On devrait dans cet état-là ne se préoccuper de rien d’autre que de la «grande affaire», non ? (> Louis XVI la veille du guillotinage).

Tu parles. Je parle. Mais je n’écris pas. C’est la plume à bec.Amitiés de Mikhaïl Ivanovitch Ohl-Souï-MangaEt quelle gasconnerie (entre autres!) que cette histoire de «mécréance absolue»! non que je

croie, oh, non, Seigneur! mais...

1er août 2002.Cher Philippe,à propos de Pierre Ziegelmeyer, justement, il m’envoie ce fragment de livre d’anticipation où

apparaît Janh Ohl...Lisant Caraco je me suis rappelé : la honte du vieillissement, la frénésie de nettoyage au

moment le plus noir... J’ai dû lire ce livre il y a quelque 25 ans à Paris un soir que Louis Nucera me l’avait prêté. Mais je devais être un peu... gris. Sans doute me reconnaissais-je dans le radicalisme, le

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nihilisme, et la drôlerie... Aujourd’hui que j’ai pour ainsi dire trahi la cause, en ne me tuant pas, même pas le jour de Noël, ou la nuit, (mon père Jean est mort le 24 décembre), que même l’enfilade de couloirs d’hosto que j’envisage ne me fait pas surmonter la peur bleue du suicide, je ris jaune au lu de Caraco... Mais pourquoi tous ces grands négateurs, pourfendeurs, rêvent-ils d’un bon vieux temps. Néant XVIIe, Néant Moyen Age. Ils ne voient pas que c’était la même histoire qu’aujourd’hui ? Té, moi, Mikhaïl, je me verrais bien en Russe début XIXe, avant l’abolition du servage, je serais Prince, naturellement, j’aurais 1000 âmes à mon service, dévouées et aimantes, 1000 moujiks qui se tueraient tous dans la minute pour éviter un souci boboïde à Not’ Bon Maître Ivanovitch. Qu’ils se foutent au moins un peu de leur nostalgie, ces cucus : «Je suis foutrement moyenâgeux.»

Je t’envoie une nouvelle lettre à H. Martin de la Machine (chez qui je ne suis allé entre parenthèses depuis l’été 1989), mais cette fois, je ne risquerai pas de perdre du pèze, le happening n’aura pas lieu, tandis que l’autre lettre : comment oserais-je à présent réclamer à Martin via Nicolas mes droits sur les Souvenirs ? C’est Schéol. C’est comme ça.

Je joins itou un extrait de naissance du demi-frère du père de mon père : Thrasybule. Document que ma mère avait depuis longtemps. L’Etat-Civil de Bayonne n’a pu retrouver d’Acte de Décès. Thrasybule serait donc mort «en nourrice» en dehors de Bayonne. Ce grand-oncle mort bébé m’obsède beaucoup plus que L’Escampette ou William Blake.

Bon. Doeuil-sur-le-Mignon? tu connais? Le village apparaît en je ne sais plus quelle histoire du vieil Ohl : le nom du village. Si tu y passes un jour : vois s’il existe des vues postales?

Janus [chroniqueur touristique insolite] : oublié. (Car je lisais Sud Ouest alors.) Parle-t-il d’Onesse? Morcenx? Mézos? Lesperon? Mimizan? Escource? Lévignacq? Taller?

Amitiés de Michou le Terrible

10 août 2002.Cher Philippe,j’ai bêtement déchiré Lesperon en ouvrant l’enveloppe – d’où le papier collant. Lesperon était

l’un des buts de mes courses cyclistes. Et puis je suis allé au bistro de la Place de l’Eglise. Entre l’Eglise et le café, la déchirure (je dis ça pour faire joli, mais il y a peut-être du vrai là-dedans). Des attaques de mercenaires, proviennent les noms des quartiers de Tireveste et Tireculotte. Tire-Culotte (et Lesperon) figurent sur le mini-plan de la p. 71 de Autour des Souvenirs. Il s’agit de l’un des deux itinéraires d’Onesse à Tartas, lors des années de collège religieux de ma mère. Sur l’autre itinéraire : Arjuzanx. Et donc, si tu peux m’envoyer Tartas et Arjuzanx (et Labouheyre itou) ...

Tu supposes juste : tel est, dans ces pages de Sombre est l’espace, mon passage préféré... Connais-tu ce prénom de Janh ? (Mercadieu me fait l’effet d’un de ces noms sans prénom qu’on entend, enfant, en famille, ce sont des relations d’affaires, ou des amis pas très intimes, Latapy, Moucheboeuf, Lafourcade... sont quelques uns de mes Mercadieu.)

Point n’avais-je pensé à la Sainte Barbe, et l’idée me plaît d’autant plus que l’on fête les Barbe le 4 décembre, la veille de mon anniversaire – on fêtait les Barbe : on fête à présent le 4.12 les Barbara... J’ai au mur de ma chambre un calendrier 1946 : au moins un tiers des saints ont été virés petit à petit ! Si le happening a lieu dans la nuit du 4 au 5 décembre, on passera comme en 1946 du mercredi au jeudi, mais de Barbara à Gérald, et non de Barbe à Sabas. Et si le happ’ se déroulait à Tire-Culotte ? Enfin, on verra, on a le temps...

Je ne reprendrai pas ces lettres en volume. Tu peux t’en servir – à des fins honorables.J’ai constaté une chose : autrefois je ne gardais quasiment jamais de doubles de mes lettres –

disons farceuses (la lettre à F.-X. Bordeaux et la lettre au Centre Régional des... Lettres, que tu as reproduites, sont peut-être les seules exceptions), et aujourd’hui, j’ai tendance à garder une photocopie. Punaise, ça n’est pas intéressant du tout ce que je raconte, je vais m’arrêter là...

AmicalmenteMiguel O H LJe vais peut-être récrire à H. Martin de la Machine, parce que cette anagramme m’a sauté aux

yeux : Michelena lira à / La Machine à lire. Voilà une affiche alléchante pour des Séances de lecture : le poète viendrait lire une après-midi par semaine. 20 euros le billet d’entrée. A étudier.

[...] Quand je rejette un oeil sur Le confort intellectuel de Marcel Aymé je me dis : Voilà un livre pour Billé... Mais j’ai dû te dire ça déjà il y a dix ou quinze ans!

19 8 2002.Cher Philippe,je vais faire un fascicule en recopiant les notes prises en marge des livres d’un auteur de ma

bibliothèque (un seul ! pour la forme... cette idée me paraît déjà un peu bébête... Gontcharov, qui a passé sa vie à rêver sur son divan, mais pas TOUTE SA VIE, puisqu’il y eut ce voyage au Japon de 3

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ans sur La frégate Pallas (1852-1855) : ce livre te plairait, mais le Russe qui me semble-t-il t’irait le mieux, si j’ose dire, serait Rozanov, ni romans, ni poèmes : aphorismes, notes, pensées détachées, Feuilles tombées, Esseulement...) Donc, à chaque page, cet encadré (la maquette-ci est ratée) et tout autour, les brefs passages recopiés. Je me demande si je vais le faire!

A propos de Lesperon : t’avais-je envoyé ce recueil d’anagrammes de La mer dans Poe, fabriqué par mon camarade Noguès (Ed. du Catoblepas) ? «Adam Lesperon» en est une. Le nom de l’auteur était tout trouvé. «Sa» photo a une histoire. Dans les archives héritées de ma mère, j’ai trouvé de vieux négatifs, que j’ai fait développer. Et j’ai découvert des portraits de ma parenté de Biarritz, ma tantine Hélène bien-aimée, mon tonton Miki de Tirana, et des inconnus, dont «Adam Lesperon». Je reconnais très bien la plage. Mais lui ? Peut-être l’ai-je rencontré du côté des sixties ? Les photos dateraient plutôt des années 50. Lorsque j’ai trouvé l’anagramme Planes m’adore, je l’ai envoyé à Planes, qui avait écrit dans Sud Ouest un article sur La mer... Et il m’a répondu, et j’ai recopié de petits bouts de sa lettre en imitant son écriture. Ses réflexions sur les titres anagrammatiques (Farrère – Montesquiou) sont judicieuses.

J’ai beaucoup lu Paraz jadis. A cause de Céline, d’abord. Et puis ensuite, pour lui-même. Mais j’ai revendu ses livres, sauf peut-être Le gala des vaches, je les ai revendus pour boire, vers 1982. Guillaume est venu rue du Palais-Gallien avec sa camionnette, et j’y ai fourgué 1000 bookins, il avait l’air content de l’affaire, moi je m’en foutais, j’étais à moitié soûl, et me voici, Mikhaïl Ivanovitch, d’Onesse-et-Laharie.

J’ai hésité si j’écrirais Monsieur Philippe Billé, ou Philippe Billé tout court, j’ai pensé à Mons Philippe Billé, mais c’est un peu cavalier, sauf pour les évêques, nous dit Littré, mais Mons(eigneur) Billé nous a quittés, et je me suis rappelé que les Onessois me donnaient du Moussu Michel, pour se moquer un peu de moi ( ?) car, tout petit bourgeois, je n’étais ni des leurs (du côté du populo), ni du côté des châtelains, qui ne me saluaient qu’une fois sur dix.

Ouf. C’est fini. Amitiés de Michou le TerribleSe sentant mourir, Ivan le Terrible, pour apurer ses comptes et sa conscience, a voulu dresser

la liste des milliers de Russes qu’il avait massacrés, torturés, empalés, grillés, rôtis, etc. Il n’avait pas de remords, mais pour être en règle avec Dieu, son Compère Eternel, il lui fallait se pointer au Ciel avec sa liste. Naturellement, il n’a retrouvé qu’une infime partie des noms de ses victimes. Troyat raconte cela avec maestria dans son Ivan – et Michou le Terrible vient de là : j’ai repris ce dernier chapitre en l’adaptant à mes morts à moi – poil aux doigts.

7 9 2002.Cher Philippe,merci des précieuses cartes de Doeuil... J’ai envoyé la «couleurs» à Pierre Ziegelmeyer

(Germaine est sa maman de 92 ans, qui vit à Chantonnay, en Vendée : elle vient de découvrir la peinture.) Je te renvoie la photo à la bicyclette («La bicyclette était appuyée au mur par une de ses pédales. Sur le papier la pédale avait produit une éraflure. On aurait dit que la bicyclette s’agrippait à cette éraflure.» Liompa) et je garde l’autre, celle d’avant le ravalement... J’ai connu à Onesse jadis un capharnaüm tenu par une mercière-sorcière-épicière (elle apparaît sur son chariot au seuil des Souvenirs de ma mère), un autre au village basque de mes vacances, mais ces vieux vieux vieux magasins se font rares... Et qui sait s’il n’y a pas à Doeuil un poète élégiaque lamartinien génial mais méconnu, qui pleure à seaux les jours lointains. A propos de poésie, sache que le Manifeste Dodécadent, que je voulais lancer à grand fracas, hé bé je ne l’écrirai même pas, ma dent n° 12 est tombée hier vendredi à 8 h 18 du soir, la n° 11 n’en a plus pour longtemps, relançons les décadents. Est-il vrai que casket signifie cercueil en américain. Ne finissons pas sur une note noire :

Félix Mail Ohl.Et connais-tu le village de Bran, en Charente? – mais c’est pas ta route.

23 septembre 2002.Cher Philippe,je garde précieusement les pages de Caraco sur sa mère... Je donnerai la photocopie quand

j’aurai acheté le livre. Parce que je vais relire ce Post mortem. J’ai peut-être croisé Caraco et Madame Mère à Biarritz à la fin des grandes vacances de 1960, je me promenais avec ma maman sur l’esplanade de la Grande Plage. Maman que j’appelais Madaman lorsque j’assassinais mes «pamarents» dans mes livres de leur vivant. Aujourd’hui qu’ils sont morts je voudrais plutôt les ressusciter. Je placerai le Caraco près du Manuscrit de ma mère de Lamartine, bien qu’ils soient très très dissemblables, pour ne pas dire opposés, mais j’aime autant l’un que l’autre. Caraco constate de même tout simplement ses propres contradictions. «J’écris et c’est tout dire, je m’égare à ma propre

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suite.» J’ai déniché le Manuscrit de ma mère dans une bouquinerie de Foix le jour même où j’avais écrit de très bonne heure le dernier mot (Onesse!) de Autour des Souvenirs, ces commentaires du fils de proie que je pensai longtemps appeler Manuscrit de ma mère – Autour du Manuscrit... Dans le «petit» livre de Caraco il y a la statue de Lamartine au bas de la page où l’auteur dit de sa Mère «c’est elle mon enfant». Il la porte dans son sein, et avec son père il va prendre place à quelques pas de Lamartine (la statue). «Je suis la résurrection de celle qui n’est plus ...» «ma fille». Il redevient le Fils un peu plus loin, mais je le suis dans ses méandres, je me rappelle avoir écrit «Maman est la Sainte Mère de Dieu en trois personnes» ... il s’agit de mes frères et de Michel (moi), le Fils de proie (p. 97 Autour – Caraco pp 324-325).

111 paragraphes, presque tous de 10 lignes, ça fait 1110, l’époque où saint Bernard fonde Clairvaux, les Cathares commencent à – comment dirais-je ? – sourdre au pays fuxéen. Céline, selon Lucette, ne lisait plus que des ouvrages sur les Cathares, en fin de vie. Je me demande où je veux en venir. Peut-être à ce Jean Cyprin, dont il est question dans Cancer!, «La léproserie», c’est peut-être pas mal ? Et à propos de schisme connais-tu les grabataires qui selon le grand Emile, «différaient de recevoir le baptême jusqu’au lit de mort». Dans ce sens-là, je ne serai jamais un grabataire.

Merci encore de ce ... subjugueur ? fascinant ? hum... merci de Post Mortem.Amicalmente !MiguelitoDans Bruno Richard il y a le village de Bran, et il reste choir et dru, voilà une idée de

performance néo-contemporaine à soumettre à B. R. du bout des lèvres, de façon qu’il n’entende pas très bien.

Sibyllinette de Cumont (Tarn-et-Garonne)La Miche cuite

Mardi 14 . 1 . 2003, Sainte Nina.Cher Philippe,nous en étions restés à Verlaine, je m’étais demandé à l’époque si neto ne pouvait s’entendre

au sens d’absolu, et je m’étais dit que les grands poètes faisaient tout plein de fautes, et ne gagneraient jamais les Championnats de Pivot (je devais penser un peu à moi dans l’histoire – mais un Je vous salue Marie / Maurice (Druon) et hop ! la faute s’efface).

Et puis il y a eu Rio même lu à peine reçu, mais j’aurais dû t’écrire tout de suite pour les impressions de voyage, je n’ai pas pris de note en marge, pas de ça sur les plaquettes, la dernière page était aussi un appel à la relecture, et je te r’écrirai après... [Hum] Je me suis dit qu’à mon échelle infime j’étais jadis un voyageur à ton image, ou dans ton genre, sauf que Rio était pour Bibi Lolo Orthez ou Cauterets, où il est difficile de jouer à se perdre, mais j’y arrivais à force de boire.

J’ai trouvé que vous étiez privilégiés Ziegel et toi par rapport à Francis Poictevin, si exquisément décadent pourtant, il aurait mérité une édition très-précieuse, et [...] je m’étais promis de te dire que joli n’allait pas du tout à F. Poictevin, parce que joli > vif, gai... D’accord pour beau pas beau, mais : joli parfois trop joli pour être joli (si j’ose dire à 5 h 25 du matin ce mardi ; si j’ose dire ... cette ânerie).

Pour Baldomero [Fernández Moreno], lu aussi, des aphorismes que je ne qualifierais de beaux ni de sublimes, mais qui me plaisent (hmm...) fort (r’hmmm), sur la mort «attendre les autres», l’angle droit du squelette et de l’ombre, la nuit (main à ne pas lâcher), de subtiles touchantes notations (la bibliothèque rangée, je devrais lire, je sors dans la rue), d’autres qui relèvent du titre, et ne me plaisent (cet intitulé m’évoque des ouvrages d’hommes politiques publiés naguère...), des affèteries animalières à la Renard (il doit être cité ?), des fantaisies florales. Si les efforts de l’ombre pour se transformer en flaque sont saisissants, l’ombre-sépulture est piquée chez Lamartine : il est vrai que tout gamin j’ai découvert les lois de l’attraction universelle en recevant une pomme de pin sur la binette devant la maison natale, complètement chamboulé j’ai pensé que j’étais le supergénie que l’univers attendait, avec ma «pigne de Michou» et... etc. etc. Mais en somme, chez Baldomero le mebottant annule facile le medéplaisant...

Pour le Semainier de l’agonie, point ne l’ai-je encore lu, je me voue à un auteur que je (re)lis jusqu’au dégoût (manque toutefois l’apomorphine), telle est ma méthode actuelle, ainsi fis-je pour Lamartine, + récemment pour Kessel, je t’enverrai bientôt j’espère un florilège, et puis j’ai aussi de quoi m’occuper avec la santé physique, et la peur de l’agonie à la maman...

Merci tout de même de L’art de deschiffrer, l’ouvrant je suis tombé sur Paternosterquiest / larmée est en marche. Je lirai de + près un de ces jours, c’est un bookin du côté, lui, de chez papa, et en ce moment je pense à lui – que veut dire ce lui ? «Je n’aime les vivants qu’une fois qu’ils sont morts» a dit Michou de Lapigne, mais : les aime-t-il vraiment, même morts ? J’en doute fort. Je crois

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qu’au fond il n’aime rien ni personne. A part la bière, le tabac brun, et le prétexte à frimer (surtout vis-à-vis de soi-même) qu’est la littérature.

Sur ces joyeusetés, mon vieux Philippe, je te salue amicalement si ça se dit.Docteur Michou et Mister Mike

29 janvier [2003]Cher Philippe,tu devrais envoyer Le cinéma de A à E à l’Utopia et au Jean-Vigo, pour rigoler... 2 tours de

guet de la bienpensance, si je ne m’abuse... Voilà un livre-évén’ revigorant, réjouissant, et pleinement non-conformiste.

C’est terrible, ce cinéma, mais j’ai vu des centaines de films, et il ne me reste que quelques images, quelques visages... J’avais à la bonne Fernandel, Raimu, Jules Berry, Michel Simon... Mitchum (fais pas trop gaffe à la pauvreté de cette lettre, je suis cloué au lit depuis 3 jours avec une fièvre de cheval – hippothermie – qui baisse depuis ce matin) peu de femmes actrices – en cites-tu toi-même une seule ? – ou alors des pas belles au nom en rapport... Pauline Carton (joue-t-elle pas dans La Poison ?), Annette Poivre... Et les acteurs de loufoqueries des sixties, autour de Francis Blanche... Et Noël Roquevert, Noël Noël, Bussières, Tissier. Je dois avoir vu environ 1/5e des films que tu notes.

En 68, sais-tu, en Fac de Lettres, c’était pas facile de garder son indépendance d’esprit. Même un mec comme moi, hé bé, fallait qu’il s’échappe au coeur des Landes, ou même chez Franco, s’il voulait pas être enfermé dans un cinéma d’art, condamné à regarder des heures et des heures de Rivette, Rohmer et Bresson... (en réalité, on y allait souvent pour faire plaisir à une fillette de l’avant-garde, qui devait s’emmerder autant que nous – au sujet de ces phénomènes paraculturels, lire Boudard...)

Bon. La fièvre fait encore effet. Différence notable : La Belle et la Bête... je me souviens de séances de rire avec le petit frère lorsque j’imitais la voix de Jean Marais... Petit Jean-Pierre qui regrette beaucoup l’Ancienne librairie où il lui arrivait de se sentir pépère peinard tandis qu’à présent au supermarché (chut... il a besoin de gagner sa croûte).

Pour Suel, ne sais si relirai. Je crois que mes trois mois de lisure de Lamartine, à la recherche de cadavres et de cercueils, m’ont... enfin, on verra. La prochaine fois, je te parle des arsenaux comparés du satirique et du diseur de bien. Comme quoi le premier a à sa disposition un attirail cent fois meilleur ([que] beau – joli – bien). Encore faut-il qu’il sache – comme toi, vieux roublard – s’en servir. (Je n’ai trouvé de faiblesses dans tes notes que dans les rares critiques A/B.) Ah! je te le dis! l’homme n’est pas fait pour aimer! Il n’a même pas de mots pour ça. Ca!... tu vois... c’est la fièvre au galop.

Amicalmente!MiguelPS : Connais-tu ce village (rencontré en une biographie de Kessel) espagnol au pied des

Monts de Galice appelé : Pétain??

Dimanche 5 h 20, 9. 2. 2003.Cher Philippe,la prochaine fois je te parlerai de tonton Xavier de Maistre, l’un des deux tonton Xavier du

poubellesque Pataphysical Baby... Dieu ce tertre solitaire de je ne sais plus quel chapitre, comme il m’a fait phantasmer, je voulais y être enterré... Voilà à quoi je rêvais en 68 au lieu de faire la Révolte. (Mais je te le dis en tout petit pour que tu ne te vexes pas Joseph le frère aîné m’a toujours fait ... hmm ... et à mon âge avec ma pauvre petite espérance de vie je vais pas me replonger dans les Soirées de Saint-Pétersbourg.)

Nicolas Mikhaïlovitch doit partir en avril au Mexique, je n’ai pas très bien compris pour quel «stage de gestion» (??). J’y ai dit de faire gaffe à la tequila et au mescal. J’y ai dit que son propre nom contenait le meilleur avertissement : Nicolas Ohl / sin alcohol. J’y ai dit tout ça sans y croire une seconde, naturellement, et sans plaisanter non plus.

Et à propos de consul, celui du Mexique n’est autre que Denis Mollat. Donc : rien à craindre.J’arrête mes conneries.AmicalementMiguel

19. 2. 2003Cher Philippe,

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ay ay ay mierda ! pour Petín c’est trop tard... le Kessel est terminé... Je le trouvais bizarre, aussi, ce Pétain espagnol... L’ennui, c’est que j’ai joué sur ce nom de village... un tout petit ennui... Et puis à présent je pourrai dire «hé, hé, Petín ? mais je savais, bien sûr ! j’étais au courant...»

J’ai – Lise a – tiré ce Kessel à si peu d’exemplaires qu’une fois les survivants de mes années Kessel... heu, comment dire, pourvus, approvisionnés, il ne me reste rien... (pour Rozanov tu mesureras l’honneur insigne : je t’ai donné l’un des 5 exemplaires que j’ai pu avoir !! Mais je pensais que Rozanov «t’interpellerait quelque part», et je ne crois pas que Kessel t’émouvra tant que ça...)

Pour le je/lui, oui, quelque chose cloche, mais les rusés comprendront (> regrettant / ne regrettant plus...)

J’ai encore une édition de Rozanov des années 60 (?), La face sombre du Christ, qui donne des traductions très différentes, ainsi la chanson juive, que je n’ai pas oubliée, car je la cite dans une merdopée (Zaporogues) : «Achète-moi 15 kopecks d’acide acétique / Je boirai et je mourrai / Parce que tu m’es infidèle». Voilà qui change tout ! Je préfère cette vieille version-là, même si elle est fausse...

Pour «l’ami Caouette» du youtre agnostique russe d’origine (ou de coeur), hé bé d’abord la chanson est construite selon un procédé dû à un goye fin XIXe de la bande à Alphonse Allais (qu’a... Caouette / qu’a... Ramba !), et ensuite, hé bé II cette pseudo-pensée me semble une assez jolie connerie, quand aux 2 fragments qui suivent, n’en parlons pas, les bras vous en tombent au point de se détacher du corps et de vous donner la fessée. Mais cette histoire de mouches et d’araignée, malheur de malheur on la lit partout depuis la nuit des temps, et ce pogrome (= destruction totale), que prônait Baudelaire, hé bé III, mon grand-père Croix-de-Feu s’y était préparé, et mon cousin Tano d’Onesse, le fils de tonton Paul (> Autour des Souvenirs – mon éducation politique) fourbit ses armes et... stop. Et si je susurre l’ami Caouette, c’est pour pas qu’on m’entende, parce que plus faux cul que moi tu te dissous dans l’air juste au-dessus de la foule. Tiens ! quelqu’un lève les yeux... Ah ! mais c’est un bombardier de plaisance qui passe.

J’ai pensé que ta maison s’apparentait à Schéol : le Silence – le lieu du Silence est souvent donné comme synonyme du Séjour des morts, du Schéol... [...]

Simenon : «Nous ne nous sommes jamais aimés de ton vivant, tu le sais bien.» La Lettre à ma mère, un bookin comment dire ? terrifique ? je ne sais pas, je le placerai toutefois 3e, loin derrière Post mortem et Manuscrit de ma mère (dead-heat), et si je me spécialisais dans la mort des mères ? hein ? qu’en dis-tu ? votre mère meurt ? hop ! Ohl ! Clin-Deuil ! il rapplique chez vous en bus, plus on est d’endeuillés, moins le travail (de deuil) dure ! – Le livre que je n’aime pas du tout c’est celui d’Albert Cohen, Le livre de ma mère, il y a une telle surabondance d’amour pour maman là-dedans qu’on a envie de ressusciter la sienne pour lui donner un coup de couteau dans le dos. Mais Joseph Kessel aimait ce Livre de ma mère, et il a voulu écrire aussi un hommage à sa maman Raïssa, à partir de ses Souvenirs, mais il y a renoncé très vite, il a vécu 2 ou 3 ans, et il est mort, et à propos de mort, un fragment de Simenon : «Lors d’un de mes rares voyages à Liège, tu m’as regardé longuement, avec une attention soutenue, et tu as prononcé cette phrase que je n’ai pu oublier : - Comme c’est dommage, Georges, que c’est Christian (le frangin) qui soit mort.» Sacrée maman Simenon. Et sacré Georges !... (Je lui trouve des points de ressemblance avec le Gogol de Rozanov – qui est aussi le mien – brrr... brrr...) Et toi, Michou ? brrr... ??

Toi qui es un fin gourmet [barré] limier [barré] renard ?, Phil Bill, tu dois savoir que : afin de vendre, il est indispensable de faire croire au public que les affaires vont grand train ! Le chiffre d’affaire de 70 % supérieur en décembre est juste (il n’est + en janvier que de 30 % supérieur) mais : les nouvelles installations ont coûté la peau des fesses + un bar, 2 employés de +, sans compter la barmaid – C’est de 150 % que le chiffre eût dû augmenter. N’envie donc pas trop la librairie Georges – et te fie pas trop aux journaux ! (Vois quelle sagesse j’ai pu acquérir au fil des ans !)

Le patron de la librairie est un phénomène. Il ne lit jamais. Il m’a expliqué un jour qu’il ne pouvait lire qu’à la lumière du soleil, et que lorsqu’il rentrait du travail, la nuit tombait. «Et le dimanche ? les vacances ? » ai-je susurré... Alors là il m’a regardé avec de si grands yeux... J’ai compris que lire le dimanche ou en vacances était l’équivalent pour lui de ce que serait pisser dans le ciboire pour Monseigneur Echegaray. Je m’entends bien avec ce libraire extraordinaire, que je comparerais à un boucher végétarien, on a eu un jour une discussion sur Picasso d’une haute tenue : «Qu’est-ce que c’est que ça ?! (Guernica) J’en donnerais pas 100 balles ! – Vous avez du fric à fiche en l’air !! » Voilà. Fais donc gaffe aux a priori. Et aux journaux aussi. Et ne te fie pas trop à moi non plus. Tout ce que je te dis est pure vérité mais où veux-je en venir... ça !!

Enfin, tout ça se tassera, tout finit toujours par se tasser, parfois ça prend un peu trop de temps, alors on hurle, 1 jour, 1 mois, 3 mois, et puis on crève, alleluia.

AmicalmenteMiguel

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Mimizan Demeure «Maison Mausole» mardi [11 mars 2003]Cher Philippe,tu as failli causer ma mort avec amicalmente! [Je venais de réaliser et de lui révéler que

l’adverbe «amicalmente», dont il faisait volontiers usage, était du faux espagnol.] J’avais déjà l’intuition que mon existence était faussée à la base, mais là, ç’a été l’indéniable horrifiante confirmation. Fausseté sur toute la ligne. Alors ce matin j’ai marché droit sur la mer, avec la ferme intention de ne pas m’arrêter. J’ai toutefois stationné à mi-chemin, aux Chicanos, pour la Desperados du condamné (2 euros 80). Et j’ai repris ma route mais, merde alors ! plage interdite aux promeneurs et aux baigneurs ! J’ai fait demi-tour. Je l’ai échappé belle.

Je voulais te donner quelques précisions touchant le Kessel. Te parler de Makhno réfugié à Paris, qui avait menacé Kessel de mort à la sortie de Makhno et sa Juive, de Michèle Kessel née O’Brien, rencontrée en 70 à la maison de charité mentale d’Orthez – dont j’étais un peu, comme on dit, épris, et de Collioure, de l’histoire vraie des Mains du miracle (mon ami Gérard, le Vacilli du Prix du Boeuf, a supporté la terrible opération – mais il ne parlera probablement plus), de Mermoz, star des Croix-de-Feu, dont un hôtel de Mimizan porte le nom car les amis de de La Rocque (dont mon grand-père Ohl) s’y réunissaient en congrès, de la (brève) période maurrassienne de Kessel (un livre en témoigne, mais il ne figure pas dans les Oeuvres complètes), du séjour du général Denikine à Mimizan (cf l’ouvrage Mimizan-sur-Guerre signé Marina Grey, c’est sa fifille), de Maurice Lazarevitch (Druon) – il n’aime guère qu’on lui rappelle son père, de Georges Walter, 82 ans, amoureux d’Edgar Poe, 2 ans d’hosto aux abois de la mort, et revenu parmi nous, etc. etc. etc.

Je suis jaloux de ce mot de l’Utopia [le cinéma Utopia, à qui j’avais envoyé mon ouvrage Le cinéma de A à E, m’avait répondu par une lettre rageuse]. Pourquoi jamais personne ne m’a écrit ainsi, remerde alors ! C’est pas juste, crotte.

Amitiés de Mikhaïl IvanovitchPensée du jour : «J’ai beaucoup été.» Simenon (Quand j’étais vieux)

5. 4. 2003.Je savais bien, mon cher, que tu avais une loupe à portée de main... Et que tu lirais le mot... Il

faut que le lecteur mette la main à la pâte, nom d’un chien ! [...] Telle est la leçon de Lautréamont, non ? (Nous fêtions hier la Saint-Isidore.) «La poésie doit être faite par tous...» A moins que j’aie mal compris. C’est possible. En tout cas, de nos jours, le lecteur rechigne au plus léger effort. Vous êtes 2 (sur 10) à avoir daigné prendre la loupe à déchiffrer... Je vais probablement fabriquer un ou deux autres in-quarto à rébus. J’ai pensé à un minirecueil de poèmes avant-gardistes avec index des mots employés.

J’ai trouvé chez le maître-chien Simenon (Sartre : «Simenon, ce chien...») une idée assez drôle... Dans Le document violet (écrit sous le pseudo de Sim) des espions «subtilisent des documents au ministère, et toute la nuit, travaillent à les traduire en langage convenu et à les imprimer sous forme de plaquette de vers dadaïstes...» Un seul exemple hélas ! de cette poésie d’espionnage : «Oiseau de vermicelle oublié sur autobus sifflé grand seigneur de la bagatelle venin de poussière...» Ainsi s’expliquent les poèmes dada de 1916 à 1918, écrits souvent par des Allemands, notons-le... Espionnage, tout simplement. Et Simenon va + loin... l’art lui-même est truqué : «Regardez le tableau ( ) avec des yeux nouveaux... Est-ce que ces taches de couleur, que vous ne vous expliquiez pas auparavant, ces lignes qui semblent inspirées par la fantaisie ou la loufoquerie, ne prennent pas un sens singulièrement précis ?... Supposez que rouge veuille dire canon de tel calibre, vert glacis, jaune coupole hydraulique... Des tableaux passaient la frontière... Et c’était les plans de tous nos ouvrages stratégiques...» (La galerie de Sim s’appelle «L’Art d’Après-Demain».) Etant aujourd’hui après-demain, j’imagine ce qu’un plasticien d’humour me répondrait : cl(ART)é > et de tendre une clé de verre lumineuse. Hum.

Je n’ai pas oublié Bloy : Cervantès est cité 2 x dans l’Index général des Oeuvres complètes mais, les 2 références touchent le tome XIV (4e volume du Journal) et c’est le seul que je n’ai pas !!! (Ce Journal a été ce me semble réédité.) Pour Apollinaire, je n’ai que le 1er volume des Oeuvres en prose : y a des chances pour que l’anecdote du Quichotte se trouve dans le 2e... Voilà, mon gars. je n’ai pas vraiment pensé à ta revue.

Je suis tombé sur ce joli mot anglais : rigmarole – qui voudrait dire «fadaise». Intitulé (de quoi ?) coupant court aux reproches de suffisance. Quoique le choix d’un mot anglais. Enfin. Je divague...

Amitiés d’O H L Mikhaïl

Samedi 11 h 25 [5 avril 2003]

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Felipe,rêvé-je ou si quoi ?! Je reviens de poster la lettre/Sim, et je trouve la lettre de 1974 d’Aline

Lasserre [un document de hasard trouvé sur mon lieu de travail ? je n’en ai pas souvenir]!Aline est la soeur de Jacques Lasserre, aujourd’hui artiste-peintre (il vient d’exposer à

Bordeaux à la Galerie de Mably – si j’en crois Sud Ouest), hier (1962-63-64) lycéen à Victor-Duruy : j’étais en 1ère et philo, il devait être en 3e et seconde. A Mimizan, nous nous vîmes mille fois dans les troquets, Jacques et moi (sans être amis pour autant – sauf en fin de soirée). Je lui préférais sa soeur cadette, que j’ai courtisée un brin, mais sans succès. Je me souviens d’un cadeau à Aline : les Oeuvres complètes de García Lorca en espagnol (achetées à Barcelone lors du voyage de 2 jours de l’Onesse-Stade de 1963 : il y eut donc une première cosaquerie en Espagne – avant le grand raid de 1968...) offertes à la petite hispanisante du côté de 1970... Tu me suis ?... A Mimizan-Plage, je me pointais souvent chez les Lasserre (les parents), à l’heure de l’apéro, et ils m’ont toujours accueilli gentiment, que leur fille soit là ou non. Après l’accident d’avril 73 évoqué dans la lettre («un terrible accident de voiture en Espagne») je n’ai revu Aline qu’en de rares occasions, à Bordeaux, entre deux séjours au lunatic asylum, dans la brume ou le brouillard, j’ai su qu’elle enseignait tout là-haut vers Paris, cela fait bien vingt ans que je n’ai plus de nouvelles, je croise sa mère de loin en loin, à Mimizan-Plage, et nous nous saluons, mais ne nous parlons guère, et je ne m’enquiers même pas d’Aline, qui doit bien avoir 50 ou 52 balais de callune, si elle n’a pas quitté le plan physique, et pourquoi ne serait-elle plus, il n’y a pas de raison, mais je parlerai à sa mère la prochaine fois, s’il y en a une... (Au fond, Aline et son frère et ses parents ne me préoccupent plus du tout... Si nous n’abandonnions personne en route, nous serions la grande armée aux approches de la mort, et avec tous les recoupements de toutes les bandes d’amis et d’amis d’amis et d’amis d’amis d’amis nous serions le monde entier et je ne suis même pas certain de tenir tant que ça à... terrains brûlant... défense de s’y aventurer...)

A l’origine, la loupe devait permettre de lire un titre de l’Action française que tonton Paul, que tous mes lecteurs connaissent, tient à la main droite en 1938 ou 39 (j’aurais joint la photo), et puis, pour simplifier, je suis passé à Duconlaloupeliseuse et non ! mon vieux, je n’ai pas lu Le secret de Tolède... mais, le Kessel dont je te parlais s’intitule De la rue de Rome au chemin du Paradis (deux entretiens avec Charles Maurras), 1928.

L’emplacement m’a tout l’air d’être celui du Nada – faudrait rechercher son nom du temps des Romantiques, un clan de chevelus macabres s’y réunissait, c’est sûr, chaque génération c’est le même tabac et moi qui ne peux cesser de fumer, et je m’avale quelques demis de temps à autre, Dieu que c’est bon.

A la prochaineMikhaïl Ivanovitch Ohl

Mimizan, 16 avril 2003.Muy Felipe mío,ici, au pays, je n’ai guère d’archives, une chemisette brune d’été d’où je tire un poème-liste

dont le préfacier docteur Paoli écrivit circa 1975 un roman à la Pensée Universelle, E pericoloso sporgersi, où il disait en substance que l’aliéniste avait tout intérêt à ne pas se pencher sur ses patients, de peur de les rejoindre au fond de leur gouffre. Ce en quoi j’étais d’accord, mais je préfère les poèmes-listes plus longs, 1000 noms au moins, et j’ai perdu E pericoloso... hélas ! y avait des copains qui y passaient, d’innombrables morts furent dues aux noms du poème-liste, c’était le temps des cobayes, mais il en reste quelques uns. J’en connais deux.

Je ne sais plus quoi faire pour profiter de cette rémission entre deux billards. Simenon me paralyse. J’ai 100 pages de notes, comme pour Brassens jadis, et ça finira peut-être au feu ou à la mer. Et les souvenirs que je voudrais exploiter sont froids comme la mort. Maniaque suis-je, comme toi je crois, et sensible seulement à la douleur. Ce senti mental explique sans doute le radicalisme que je pratique sans trop y croire. La vie privée, pour moi, est sans sens. Il fait beau. Hitler était un grand sentimental. Sobre comme l’au-delà il ne craignait cependant pas de bouffer le bord des tapis quand il était en colère. D’ici peu j’en serai là.

AmitiésMikhaïl IvanovitchQuelle autre langue, toi qui sais, inclut le père dans ton nom?Est-il compréhensible dans mon Kessel que le Lion était à Vladi pour aider les Blancs?

22 avril 2003.Philippe,

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tu seras le seul désormais dans l’univers à détenir le dossier Blake / Escampette / Incendie !! Je te donne le pouvoir de l’utiliser à ta guise (j’espère que l’on ne va pas se fâcher à mort, dans les temps qui viennent...)

J’ai retrouvé la 1ère lettre, mais aussi une quatrième, dans laquelle l’auteur s’énerve, parce qu’il n’aime pas vraiment qu’on ironise à son endroit, l’ironie c’est son apanage, au canulartiste ! Donc : 4e lettre + lettre H. Martin + reçu William Blake. (Il y a eu une 5e lettre, je me rappelle soudainement : j’ai donné à Martin 5 plaquettes de Bousmar de Schéol, en lui demandant d’en offrir une à tout acheteur des Souvenirs, pour pousser à la vente de charité : Martin n’a pas répondu, et ça s’est arrêté là.) Ne me renvoie pas les documents, por favor.

Je connais Daniel Labedan. Je l’ai surtout vu avant ma révolution de 89... dans les bistrots de Mimizan-Plage. C’est le cousin du Vacilli du Prix du Boeuf («La Révélation de Mimizan»)

Lequel Vacilli est Gérard Lavanant, l’homme qui s’est fait opérer du larynx peu avant Noël (il ne parlera probablement plus – il est encore à l’hôpital), né le 5 décembre 1947, russe de coeur, buveur de vodka (cf l’opuscule sans nom à visage de Kessel).

Gérard et moi apparaissons dans Mimizan-Plage. Nous sommes Vassili et Mikhaïl Ivanovitch («homme doux et un peu chétif» qui «tourne à la bière») et passons 2 pages dans le bistrot du roman.

Dans la 4e lettre / incendie, je parle du frère de Gérard, Jacques, dont l’ex-«femme» tient L’Ecu de France, rue Fondaudège.

C’est Jacques qui m’a envoyé Les mains du miracle, reçu au moment de l’opération du cancer de son frère.

Je ne sais si je me suis bien expliqué... (Je ne poserai pas la question oiseuse de l’intérêt général de toutes ces précisions...)

Je t’aurais envoyé la copie des pages où j’apparais «doux et un peu chétif», et du passage où me voici érotico-révisionniste (réédition du Grand Erratum : Comme quoi Napoléon...) mais je n’ai plus ces ouvrages.

A présent que mon alter ego Vacilli / Vassili / Gérard n’est plus à Mimizan, où il buvait A MA PLACE, les séjours là-bas sont dangereux. Les vieilles hantises. La Faucheuse toujours là derrière : voilà pourquoi je suis d’arrière-garde, prêt à faire volte-face au moindre signe funeste, pour affronter...

Bla bla bla.AmicalementEl Chocho, auto-écarteur

19 mai 2003.Pas très inspiré ces temps-ci lou Miquéu a pensé à Lettres sauvées des flammes, avec peut-

être un sous-titre, ou une note de la rédaction, précisant A propos du sinistre de ? (quel nom ?) et d’autres petites choses, éventuellement.

L’Escampette est l’invitée du Magasin Georges – déjà que mes visites se raréfient, je verrai mon frère Petit-Petar chez lui dorénavant...

Ziegelmeyer a produit 3 numéros de la Qu’Ohl lection : voici 3 ex. pour toi, et 3 pour Baudouin (les grands sont nominatifs).

Une plaquette composée par Plein Chant à partir de 2 de mes cahiers d’écolier noircis à toute vitesse selon la nouvelle méthode «La Courante» devrait apparaître sous peu (= La main qui écrit) : ne sais quand je pourrai te la donner.

AmicalementEl Chocho, tors héros de neige

21 mai 2003.La couverture me plairait bien sous cette forme, mon cher... As-tu reçu le pli où j’envisage

sans conviction Lettres sauvées des flammes ? (Le courrier est de + en + lent. Ah, si Mermoz voyait ça !) Mais c’est toi le chef, c’est à toi de choisir...

Je me demande si Bébert [Caraco] a lu Phonphonse ? Le Phonphonse au gazon/linceul, qui marche sur des morts en allant à la Poste ou sur la tombe de sa mère ? (Entre crochets, les pages de Lamartine, de Latrinâme, du saule pleureur (reprenons à notre tour les vieuxvieux poncifs, qu’un vrai franc-tireur écarte en ricanant d’une pichenette) que je préfère datent de 1845, 50, 60, La vigne et la maison, Les Confidences, Le manuscrit de ma mère ... je triche un peu : CERTAINES des pages... un peu mais pas beaucoup. Et de toute façon je ne relirai jamais le pleurnicheur.) Les biographes et exégètes que j’ai lus ne cachent pas du tout la fortune de la Martine («notre mère à tous» - Verlaine), son train d’enfer de vie d’artistocrate oisif et prodigue, ses châteaux et sa vie de château, ses largesses, etc... Lui-même, Phonphonse, aurait plutôt tendance à en faire étalade (Souvenirs, Voyage en Orient, Confidences, etc.) Donc Bébert se gourave dans les grandissimes largeurs. Si encore sa

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thèse était drôle et anti-conformiste ? Mais nous sommes loin du «confort intellectuel» de Marcel ! Quelles âmes simples ? Celles que les Magazines des Cours Princières (Point de Vue / Images du Monde), le prince Rodolphe d’Eugène Sue, Sagan et Delly (l’aristo épouse la couturière en réalité aristo qui s’ignore) – font rêver ? J’ai l’impression que Bébert se mélange un peu les pédales, comme Lui à Moi, et l’âme simple à l’esprit tordu. Beaucoup d’âmes simples aiment Lamartine châtelain richissime dandy et ne s’en cachant pas...

L’aventure socialisante du barde n’a fait que l’éloigner de ces âmes-là, et s’est terminée par un éclat de rire général, venu aussi bien des bancs des légitimistes que des modérés, ou des protocommunistes...

J’ai lu Lamartine au lycée, parce que son seul nom suscitait le sourire de nos andouillettes professorales (je suis même allé jusqu’à lire Brizeux, duquel nul ne daignait sourire, mais pour lire Brizeux, il faut un moral d’acier !!) dans le même temps, je lisais Artaud, Céline, que nul n’osait citer (aujourd’hui, si tu as le malheur de ne pas les aimer, tu es viré du Collège de Labouheyre) Où en étais-je ? Ah, ouais, en se documentant un peu mieux sur Lamartounet, Bébert aurait pu visiter rapido le pays des Petits Romantiques, des Frénétiques, Borel, Barbara, Aloysius Bertrand, et il aurait rencontré de bons p’tits poètes misérables en mansardes qui mouraient jeunes et fous. Ah ! génial auteur suicide de Post mortem et du Bréviaire du chaos, qu’est-ce que c’est que ça ! oh, que tu me déçois, réveille-toi d’entre les morts et reprends-toi.

Assez gâtifié, mon cher Philippe, j’aimerais bien consulter ce catalogue du FRAC, dis donc ! [joint un article sur ledit catalogue]

AmitiésMikhaïl IvanovitchEt du coup, mon vieux, en lisant cet Homme de Lettres, qui par des chemins perdus rejoignait

le troupeau des Hommesdelettres (où nous figurons avec Lamartine, un peu à l’écart, et l’air farouche des «à qui on ne la fait pas») toutes ces affèteries, ces préciosités, ces labruyérismes qui dans les autres livres ne me gênaient, bien au contraire, ceste fois m’ont fait rigoler comme un bossu. Et tous ces «n’avait», «n’avait», «n’avait», sans «pas» bien entendu ! Aussi appelai-je Caraco : Grand Pas-Pas ! Mais il n’a pas répondu. Au lieu de l’entendre répondre j’ai vu fondre sur moi un vautour d’Amérique : un Grand Papa... ça m’apprendrait à frimer, et frimer encore et toujours, les suicidés s’en vont au ciel et le vautour venait du ciel et ... N’est-ce pas moi qui ai tout faux ? Ne peut-on jamais faire autrement que de choisir parmi les idées qui nous viennent les rares qui nous arrangent, qui correspondent au moimoi qui nous semble (pour l’heure) le plus intelligent – subtil – raffiné – etc...

Vendredi [23 mai ]Cher Philippe,j’ai retrouvé la lettre à ma maman où figure l’«Elevage de stylos» - mais ça n’est pas l’original

(qui a disparu). J’écris dans cette lettre sans date : «J’ai dessiné au stylo le dessin ci-joint d’après une carte postale de Vignes (1) que m’avait envoyée Jean-Claude (2). Et j’ai songé à un roman de Platonov (3) dont le héros avait imaginé un élevage de stylos!»

(1) Le + célèbre photographe landais après Arnaudin. Livre à lui consacré éditions Confluences (photos / études critiques). Mesurait 2 mètres. Je dis ça, parce qu’il m’a photographié, enfant (photo de classe, de carnaval) et que je devrais me souvenir de ce géant mais non. Pas retrouvé carte évoquée.

(2) Suffran, le cousin de l’écrivain, vieux poteau d’asile, prévoyait pour 2000 un cataclysme, dont ne sortiraient vivants que de rares élus. Mort le soir de la «tempête du siècle» : ce qui m’a fait longtemps délirer à mon tour... Et qui sait s’il n’est pas mort dans l’extase de sa vérité ?... Je le souhaite.

(3) Peut-être La mer de jouvence, mais ça n’est pas sûr. J’ai lu ses livres en bibliothèque. Je ne peux «vérifier» (tu vois que ce mot sous mon bic attire les guillemets !! mot très suspect ! – de quoi ?... je ne sais au juste). Platonov Andreï le pervertisseur le plus inspiré du réalisme socialiste, me souffle Pr Michou, du collège de Castets, la patrie d’Emile Vignes.

Peut-être mon ami Louis Nucera parle-t-il de ce dessin dans un de ses livres... En tout cas il l’avait placé sous verre sur un rayon de sa bibliothèque (Suzanne, sa veuve, m’en a reparlé lors d’un téléphonage).

Punaise des bois que cet «Elevage» me rend fat !! Coupez-lui la parole ! Coupez-lui la parole ! Il va s’étaler encore pendant des heures !

Oui, je crois me souvenir de petites buvettes de sirop d’érable, dans des livres américains... (Tiens, ça me rappelle que le sirop de bois tordu est le vin en argot.) Bon, je vais m’arrêter, le proverbe des bagnards russes me revient : «Il laisserait pourrir un homme en parlant». Il est vrai que

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je ne parle pas. Il est vrai que tout le long des cahiers que j’avais noircis en 2000 et 2001 je dis que je n’écris mais parle. Il est vrai.

AmicalementMichel El Chocho

Vendredi [30 mai 2003]Cher Philippe,ce fameux «Elevage» remue des souvenirs et des pages de livres, je t’envoie le passage où

Louis Nucera en parle (Mes ports d’attache, 1994, Grasset). Ce que Louis a écrit à mon sujet m’a toujours mis très mal à l’aise et ... mais si je commence à m’épancher... Page 143 de cet ouvrage tu apparais. Enfin : ton nom apparaît. (Je crois me souvenir que ta mère l’avait lu.) Dans une liste où figurent Oustric, Ziegelmeyer, Giraudet... Boby Lapointe... «les explorateurs de la langue»... J’ai envoyé beaucoup de tes publications à Louis. Comme Suzanne Nucera garde tout précieusement, elles sont probablement toujours à Nice, rue Smollett. Itoudem 2 pages touchant Caraco... Les propos de Cioran (que Louis voyait souvent) sont un peu... étonnants, disons. Préférons ceux de Jean Gaulmier, le maître d’oeuvre du Gobineau de la Pléiade. Bon, je ne vais pas me mettre à aligner des noms, des noms, des noms de morts ou de non-morts... J’ai retrouvé La mer de jouvence de Platonov et je l’ai feuilleté page à page si je puis dire et c’est plein de kolkhoziens illuminés, rêveurs ou fous furieux, mais je n’ai su voir l’élevage en question, mais il est souvent question de silos, peut-être ai-je à moitié conscient pratiqué une opération amalgamante, mais c’est pas sûr et Platonov est mort à 50 ans d’alcoolisme comme tous les Russes, sauf Trotsky?

Assez déparlé.Amistosamente!Miguel Chocho

[26 juin 2003, sur une visite de visite au nom de «Michel Ohl, Homme de chambre»]Terrifiant! J’avais déjà jeté Libé, après déchirure ! Alors j’ai fait la poubelle! Souligné, un

aphorisme aux accents rozanoviens. Encadré, le nom d’un de mes Russes préférés. L’auteur d’un seul livre. Et d’une page sur... Rozanov, paru il y a 10 ans dans Lettres internationales (?) que j’ai perdue.

El Chocho (gâteux, radoteur, fou?)

Mercredi 2 juillet [2003]Moi qui ai honte lorsque je suis en bonne santé, honte, au fond, d’exister encore, voilà que

depuis hier je me sens coupable, en plus, vis-à-vis de toi... Comme si j’avais dédaigné la revue [Etudes, n° 1], ce qui est faux, là, il est 4 h 25 de la nuit, je viens de la lire... Plus éclectique tu voles en éclats, mais cela ne me déplaît point, au contraire. C’est, disons, un pendant de la Correspondance passive... Il y a un fil, un filigrane courant le long du recueil, que l’on a parfois la sensation de suivre du centre même de l’arantèle... (Au centre, Angelo : est-ce l’homme en prison ?) Ici, hi-hi, c’est Palissot qui s’esclaffe : «je doute qu’il s’entende lui-même, il m’ennuie» (dit-il – parlant de moi). Et justement, Palissot, je le lus, jadis, à Mably, parce que j’avais entendu dire tant de mal de lui, et comme toi j’avais sympathisé, et noté maintes phrases attachantes, non-conformistes (c’était pas plus facile qu’aujourd’hui, au temps des Lumières...), ou non-conformes... (Peut-être ai-je gardé quelque chose de Palissot en marge d’un livre – à voir...) Touché par les lignes sur ma mère... Et j’ai passé bien des jours à lire et relire ce roman préféré, à l’eau de rose, comme on dit, qui ne m’a pas ennuyé du tout, et la romancière préférée, mais tu es le premier à noter ces «déductions de lecture» si je puis dire (j’avais failli pleurer en les faisant : gaga, chocho, le Michel, te dis-je). Les propos sur la traduction me plaisent fort dans leur bizarrerie, et je les appliquerais volontiers à la traduction de la pensée, ou du sentiment dans toute forme d’écriture, ou d’art, c’est donc un avis AV LECTEVR de la revue, avis qui n’écarte nullement la part de l’ironie, ou de la coquetterie de l’aviseur soi-même !!! Hé bé, dis, lou Miquèu, pour un plouc d’Onesse ! il est pas si sot ! Hmm. Figure-toi qu’à la loupe j’ai tenté encore à l’instant pour la Xe fois de lire le nom du Paul de couverture... Gurigeuze... non, mais je vais peut-être user de ce Gurigeuze... Alors un artiste, et un traducteur, non identifiés, pour lancer les débats, c’est bien. N’aie pas peur. Je m’arrête. Une p’tite citation et c’est marre : «Je n’ai pour ainsi dire aucune curiosité littéraire. Dans un livre, ce qui me passionne, ce n’est pas ce que l’auteur a écrit, c’est la vie de l’auteur, et c’est pourquoi j’ai toujours dévoré les biographies et les recueils de correspondance» Simenon, Des traces de pas, en écho à quelques mots d’hier. Amitiés de

lou Miquèu [avec le dessin d’un] (pin d’exclamation)

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Bordeaux, 9. 7. 2003.«Puis il commença d’une petite écriture régulière, car il savait qu’il en avait pour longtemps et

il ne voulait pas se fatiguer le poignet : Monsieur le Rédacteur en chef...» (Simenon, L’homme qui regardait passer les trains)

Monsieur le Rédacteur d’Etudes,il faudrait que je te donne à lire deux ou trois cahiers (il s’agit parfois de classeurs à feuilles

perforées) de ma mère... J’ai mis beaucoup de temps à choisir les Souvenirs. Je voulais des pages qui puissent intéresser tout le monde, si je peux dire, et pas uniquement les proches, et qui à la fois touchent de très près mes soucis macabres, ceci afin que je puisse jouer les autours, les enfants de proie. L’essentiel des cahiers s’adresse à la famille, une famille un peu... imaginaire, formée d’une majorité de disparus... Au fond, je suis le seul à avoir lu ma mère, et relu, et rerelu, mais pour des raisons plus ou moins perverses, morbides. J’essaierai de photocopier Onesse en 1929 et Une vie ordinaire pour toi, mais la copie risque d’être très pâle, mais je ne veux pas confier l’original aux Postes / Téléc.

Le souvenir de la main qui se dessine... m’est revenu au-dessus d’Escher, dommage que la main qui écrit n’ait pu tirer à elle cette confréresse, mais peut-être un post-scriptum...

Ca m’a tout l’air d’être le Pays basque de mes vacances d’enfant, la photographie... je vois ça au paysage et aux costumes... Il ne s’agit pas d’un bookin de chez Guy-Marie par hasard ?

Ainsi, puis-je te dire qu’il m’a appelé, Guy-Marie, pour me remercier de l’envoi de la revue, qu’il avait tout l’air de trouver à son goût...

Le Paul de couverture me rappelle l’histoire du Pol (Antoine) des Passantes, que Brassens a découvert 30 ans après le poème, en réalité il lui a seulement parlé au téléphone je crois, il lui a demandé l’autorisation de chanter ses paroles, mais Antoine Pol n’a jamais entendu la chanson, parce qu’il est mort avant... Ca y est, je savais que Mister Mike, le Hyde du docteur Michou, allait sortir son histoire macabre désespérante, il est heureux à présent ?... O.K. mister.

J’ai eu l’idée l’autre matin, d’une stèle à la gloire des combattants de certaine cause, morts pour elle, stèle qui aurait sous terre un prolongement, une colonne symétrique à la gloire des héros de la cause opposée... Ainsi, en cas de changement radical de régime, ou d’idéologie, la stèle serait retournée cul par-dessus tête, et apparaîtrait... la sous-stèle, qui deviendrait stèle (et la stèle sous-stèle)... J’ai songé bien sûr aux événements que tu sais, à l’époque que tu sais (sixties)... J’ai écrit à un personnage très influent de Bordeaux, M. Eric Audinet, pour qu’il essaie de faire adopter le projet. Mais je n’ai pas photocopié la lettre...

Bon. Voilà. A bientôt. Bon séjour à La Croix. Puisse s’y esjouir l’âme en doline de Samuel.il Vecchio

[26 septembre 2003]Cher Philippe,«Quel fanatisme! etc.» [citation faite par Gómez Dávila] se trouve dans Madame Bovary, au

chapitre du comice agricole (II, 8), une vieille paysanne gagne une médaille qu’elle veut apporter à son curé, d’où Homais : - Pour ce besoin d’échapper au bonheur, ze sé pa, ce pourrait être François le Mau-Mau, et le bonheur du chrétien ? J’avoue que je ne comprends pas très bien non plus les lignes sur Mauriac (livre idéal).

AmicalementProfesseur Michou, du Cours complémentaire de Morcenx

Maison «Osirisette», 6 février [2004]Cher Philippe,j’ai répondu hier au questionnaire de Proust mais en relisant, je me suis trouvé si prétentieux

que j’ai déchiré la feuille en menus morceaux. Pas de Q. de P., donc, pour M. O.!Et si Ducourtioux [un dessinateur de cartes postales, représentant des vues de villages de

France, dont nous étions devenus fans] travaillait chez lui d’après photos ? Ma foi c’est pas honteux... Il demeure pas si loin de chez Zieg : peut-être a-t-il dessiné Châlette !

AmicalementMikhaïl IvanovitchJeu culturel. Qui a écrit : «C’est peut-être cela le pain quotidien du Pater, la droite de Dieu qui

au saut du lit vous assoit par terre pour la journée.»

Notre-Dame de Lourdes [11 février 2004] 4 h 28.Cher Philippe,

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depuis 3 mois ½ je ne peux plus lire, j’aurais pas dû avaler cette énorme histoire du Biarritz Olympique Rugby, qui a joué le rôle de l’apomorphine dans les cures de dégoût des seventies en HP ou Maisons de Pitié Mentale, sauf que ces cures ne réussissaient jamais, ce que j’ai déjà dû te dire 36 fois, d’où mon vieux surnom de Rabâchol, ceci pour te dire que je n’ai pas lu Ethudes [n° 2] d’un oeil aquilin, et en outre je suis de mauvais poil, je me remettrais volontiers à la gnole, ça tient à un poil, justement, une bonne cuite finale aux neuroleps et adieu la compagnie, mais il se réveille intubé en soins intensifs comme sa maman au début de l’agonie. A Joseph, qui me rase, j’ai toujours préféré Xavier, je suis allé chercher à Mably tout ce qu’il y avait de et sur lui, c’était mon époque Sterne Toepffer, Xavier avait des amis au joli nom, le Chevalier de Chevelu, et un joli coup de crayon et de pinceau, quel démon me poussait à lire lire et boire comme un trou ? L’Inquisition ? pourquoi ne pas s’y intéresser après tout ? En 2000, lors de ma dernière sortie, en Ariège, je suis devenu cathare, j’ai lu 25 livres sur le sujet brûlant, et d’ailleurs je le suis resté un petit cathare, mais un petit chouan, aussi, là c’est pas 25, mais 75 livres que j’ai blu, sur les guerres de Vendée, côté blanc of course, d’Aurevilly, Crétineau-Joly, Lenotre, la petite histoire ! la petite histoire ! les récits flamboyants de la décadence ! les ré... etc ! Pas de penseurs, à la lanterne les penseurs avec leurs ideâs ! Et j’ai lu les démonologues, et les inquisiteurs, et de Lancre si fasciné par les jeunes sorcières envoyées au bûcher : du balai ! Et l’Histoire des Gaules m’a attaché, le Tour de France, la Pologne, la métaphore de la hache dans Balzac, le chamanisme, etc. Je pense avoir le temps de tout oublier, sinon, c’est pas grave, c’est pareil.

Les réponses de Costes me plaisent assez, j’ai une photo de Anne van der Linden en rugbywoman avec toute une équipe d’artistes, dont mon pays Pierre Dourthe.

Belle double page centrale «Les croix du chemin». Dans «Observations» le rêve, «l’homme aux grosses idées», et surtout, surtout, le «Souvenir de mes montres», je t’écris la montre de mon père au poignet gauche, je l’ai prise à son poignet le soir de sa mort 24 décembre 1991, ça sentait le sapin de Noël et plusieurs nains s’étaient pendus pour protester contre leur statut de jouets Pouah ! quelles bêtises je dis là ! Faut que je fasse gaffe si je veux pas que ma montre meure.

Alain de Benoist, ça n’a pas l’air d’un marrant lui non plus ! Divertit-il, charme-t-il, son bouquin, ou te forces-tu à le lire en entier par fidélité à Billé ? Affaire à suivre ?

Bourgeois. Il y a bourgeois, bourgeois, bourgeois, bourgeois et bourgeois chez Bloy, Baudelaire, Flaubert, je veux dire chez tous et chez chacun, un bon florilège d’Untel devrait mettre côte à côte ses opinions contradictoires et ne pas omettre les endroits où il pousse un peu le bouchon. Charles Untel : «Belle conspiration à organiser pour l’extermination de la Race Juive» (Mon coeur mis à nu, LXXXIII). J’oublie que j’ai lu de près tout ce qui touchait les atrocités sans nom du grand tsar Ivan IV le Terrible [...] et que ce Terrible m’a inspiré un cahier entier d’écolier Clairefontaine...

Nabe je pense qu’en temps de lisure j’arriverais à l’ingurgiter in extenso si j’ose dire. Mais il m’a l’air très fort pour cacher son génie, et lui qui aime tant rire avec Allais, Céline, Sade... eh bien il est rarement drôle dans son bain de foule d’amis Sollers Luchini Ardisson Nougaro... Enfin je suis tombé sur de très belles pages sur Khlebnikov Vélimir, après de sensibles commentaires d’Allais Alphonse (mais Sarcey n’est pas du tout le fat connard corrompu...), Khlebnikov comptable dans l’âme (comme papa), l’un de mes Russes préférés du temps que je m’intéressais aux livres et aux auteurs... Nabe, lui, n’a pas été, tel Gombrowicz, gonflé par de Roux, il se gonfle lui-même tout seul et ça peut être touchant, pathétique, insupportable de conne prétention, ou tout à la fois, comme sans doute pour tous ceux qui passent leur temps en Moi 1er à raconter leur royaume et leur règne, eux, eux, eux, omelettes d’eux ! suis en pensée mon regard dans le miroir des toilettes (mon miroir, mes toilettes) (sans te montrer, bien sûr). Et s’il aime pas Gombrowicz, ce cucu de Nabe, c’est tout simplement qu’il se sent atteint en son nabisme au lu de Witold ! (J’écris ça – et le reste – sans trop y croire...) Quant à la méchanceté, à la verve du pamphlétaire Marc-Edouard, eh bien, je trouve pas que ça aille bien loin, que ça puisse choquer grand monde, n’est pas Céline qui veut, il lui manque peut-être un peu de vraie haine et de vrai bain d’horreur... Ne parlons pas de jazz, n’est-ce pas ? Ni de chianson. Ses néologismes sont pas terribles. J’ai connu Nicole Debrie à 20 ans elle m’a recueilli gentiment à Paris une nuit de détresse. Elle était heureuse que je connusse son Céline. Elle m’a donné des poèmes.

Amitiés de Mikhaïl IvanovitchBlondel a publié plusieurs livres chez Lattès – ceux que j’ai lus m’avaient plus que plu – Ziegel

le cite souvent à l’Eden – Son fils (?) Bonnefoy fut un des premiers à écrire sur Moi le Roi, je dois avoir glissé Ronceraille dans un livre mais où ?

Ohl le Gigantesque

12. 2. 2004.Rectifions nettement tir s’agissant Nabe – Nonobstant jazz cinéma snoberie Ardisson Sollers

etc prolongeons visite au fil de l’index – Pénétrantes pages Duchamp / toc, mort / Dali, l’Indien Willy

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de Spens Lucette Meudon Loti Frehel Khlebnikov Barnabé etc – Oeuvre à suivre – Stop – Espérons ne point repiquer truclu because pavé Nabe – Au dos ledit pavé tombant mare brave eau (Nougaro!) sous bravos cercle Ohls admirateurs –

Le temps est superbe ! Le paysage magnifique ! Oh, ces lacs encaissés ! Faune et flore irréprochables. Indigènes d’un grand gentil. Cuisine saine. Rentrons demain.

Bons baisersMikhaïl Ivanovitch

Sainte Julienne, 16 février [2004]Fait-ce trop cucu, un autre mea-culpa à propos de Nabe ? Parce que je me suis penché sur lui

pas mal d’heures samedi et dimanche, et si ce n’était pas encore vraiment du lu, ça n’était plus du tout du feuilleté. Or donc, c’est vraiment bien ! et m’apparaît dans sa grande bêtise ce que je t’ai dit auparavant, heurté par le bain mondain, la chianson, le «gonflage de Gombrowicz» (une critique de l’époque (seventies), de Sollers dans Tel Quel je crois, m’avait marqué : «Gombrowicz, véhicule à de Roux»)... Et, en faisant la part de l’ironie du pathétique, je commence à comprendre ce que Nabe écrit dans son «brouillon de préface» : «Plus j’avance, plus (...) je me dirige allègrement vers le zéro de l’infini, vers le rien sublime où la personnalité crève, sur les cimes de l’Anti-moi, irrespirables pour tout «Je» digne de ce nom!» Quelques lignes plus haut, avertissement aux «feuilleteurs» et aux «diagonalistes», «ceux qui trouvent que je n’y parle que de moi» alors «qu’il s’agit d’un film (lapsus) livre à grand spectacle, au casting costaud.» Là, je crois qu’il faut se rappeler la très subtile note sur Allais qui se fout de la gueule de sa propre rhétorique» ... «la distance qu’il (Alphonse) met entre son oeil (ou son oreille) et sa main en train d’écrire les conneries qu’il écrit»... (Entre parenthèses : pour 1200 pages de Kamikaze, je trouve que le nombre de coquilles ou fautes, répétitions... est infime, insignifiant) Cette distance-là, bien entendu, Nabe ne peut la garder dans son Journal, mais lorsqu’il est tout près de s’engluer dans la mélasse du pathos (avec les zigs qu’il fréquente, le risque d’enlisement est énorme), il (Nabus) redresse la barre et rigole in petto à la Allais, de telle sorte que l’écho caverneux de son rire nous parvienne... rire d’outre-tombe, ou du bord du tombeau, le seul vraiment prenant... (ici je me souviens de Gainsbourg prenant «son premier pied dans la tombe» : une télé-pleurnicherie je crois peu avant la mort). Et alors, en le lisant de près, je vois que Nabe est drôle, il est vrai qu’un début de carrière à 17 ans à Hara-Kiri ça peut servir de bon vaccin anti-emphase. J’ai rencontré il y a 30 ans une pilière de HaraK (oh, mais... arak... avalons le H avec un verre d’arak... je pige bien des choses l’ivrognerie Choron Siné le Liban gare aux Juifs), elle apparaît dans Kamikaze, Anne Vergne, avec un Le Haineux, elle est morte voici 2, 3 ans, elle ne m’a pas parlé de Nabe, c’était peut-être un peu trop tôt dans l’histoire, mais de la folle équipe où les extrêmes extrémismes faisaient excellent ménage... (Entre crochets ce souvenir marquant l’une de mes dernières apparitions à Paris quelques jours après l’émission de Polac où s’affrontaient Choron Siné Renaud Gainsbourg et ceux de Minute, Nucera, qui connaissait son Tout Paris, m’invite dans un restaurant branché, et me montre à une table Renaud et le directeur de Minute Bourdier en train de boire ensemble en se marrant comme bossus meilleurs amis du monde.)

J’aurais peut-être pu à 30 ans lorsque je plongeais à Mably des jours entiers dans le bain fin XIXe décadent – sataniste – rose-croix – mystique – fumiste ésotérique, solliciter humble place parmi les Ciliciens. Mais je n’ai pas tels eux approfondi Hello, aujourd’hui c’est trop tard, nonobstant Bernanos, et les fragments superbes – si le mot va – donnés dans Kamik – j’étais plutôt côté Huysmans Poictevin que Hello Bloy, mais que n’ai-je lu comme touchantes folies (c’est français ça ?) dignes de la Cilice... Et puis – et puis au sortir de Mably point n’allais-je retrouver Sollers, Hallier, Besson, Gébé, Berroyer, Nougaro, à la Gloserie d’Attila non, je me perdais seulabre à Saint-Michel où le vin à volonté du restaurant Le Caneton me permettait de bien mettre en train la Soûlerie des Dits «Ohl».

J’ai toujours bien aimé Jean-Edern (mort à vélo comme Louis Nucera et Nico), un bon remède, aussi, pour Nabe, contre le pathos et le délire mauvais, à condition de bien le doser... Ses premiers livres (d’Edern), Le grand écrivain (Chateaubriand ou nib), Le premier qui dort réveille l’autre (chez Footit et Chocolat, je veux dire Sorin et Guégan, au Sagittaire) m’avaient – t’avaient quoi, plu ? emballé ? ému ?

J’en ai un peu marre de ce mot interminable. J’avais noté «Un matin, au sortir d’un rêve agité, le sexe de M. X s’éveilla transformé dans son lit en un véritable enfant», début de conte d’un Marcel Aymé Hard – Vallès – Armand Robin – le méchant gamin qui se trahit «des livres antisémites que je ne connaissais même pas» (p. 3708). Tu te rends compte !! Et pour ce filigrane de l’antisémitisme ou anti-philosémitisme qui court tout le long de ce livre, une sorte de déchirement de papier lorsque Hélène à Auschwitz dit «Moi aussi ! Moi aussi !» en voyant les autres fillettes se faire enfourner, et sans doute trépigne-t-elle tel le petit Marc-Edouard vagissant : «des livres antisémites que je ne

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connaissais même pas !!!» Mais, tous nos auteurs adowés ne le furent-ils point ? Dosto Bernanos Léautaud Blondin ? (Au fond, je me sens coupable : au lieu d’assister à la naissance de Nicolas, j’étais allé me cacher au bistrot du village de Bruges, dans une arrière-salle : quelle honte !)

En résumé bâclons Nabe est un très bon, il sait être drôle et profond tout à tour ou à la fois, quand je vivrai ma prochaine vie de cathare non encore purement parfait je le lirai vraiment, en le recommençant par son commencement...

Mais dans cette vie, point sans doute ne le relirai-je, il n’entre pas dans ma bibliotête, Hasek, Klima, Gombrowicz, Bove, Céline, n’en veulent pas : un peu léger ton grandgrosoeuvre p’tit gars ! non mais ces pavés ! pour qui il se prend !

Bon. Stop. Amitiés à toi.Mikhaïl Ivanovitch(Je crois que j’ai compris, peut-être grâce à Nabe, le sens de «Tel père, tel fils» : celui qui dit

ces mots parle de son père et de son fils.)

27 mars [2004] Saint HabibMyrobolante coiffure, Madame Mère... mais ce regard, dis donc, brrr... Je n’ai rien de tel dans

l’Album de Famille... Si tu reproduis la Madame sur toutes tes lettres, peut-être la physionomie de ta Correspondance passive changera-t-elle peu à peu : oui ! sûrement !... et donc évolueras-tu toi-même dans le même sens, vers le diable sait quoi, un faux enfer kitsch où le mal se fait mal ... Bon. Assez là-dessus. Mais, holà, on pourrait trouver aussi du diablesque chez Ducourtioux... Je te laisse poursuivre l’enquête. J’ai l’impression que tu vas en découvrir de belles. Combien de nos églises de village ne sont-elles ducourtiouxées à l’heure qu’il est ? Et à propos d’heure, je crois me souvenir que les aiguilles de l’horloge d’Onesse dessinaient une +, mais je n’ai plus le dessin du sorcier Ducourtioux.

Finalement oui, j’aime bien Nabe, jadis ou même naguère j’aurais lu tous ses livres à la file, mais ça n’est pas un ami de coeur (je simplifie jusqu’au grotesque), plutôt un lointain cousin par les femmes de tête, genre Madame Mère, disons qu’il m’intéresse, sans m’être cher... Rebon. Il y a toujours des expressions de Nabe dans ma tête, ainsi «la plaie des clés» ou «cette plaie ...» à propos des livres à clés. Mais je n’ai pas rouvert Kamikaze depuis la lettre précédente, au vrai, c’est le dernier livre lu de près (en partie). Je ne lis plus rien que le journal. Si tu reveux Nabe, et le Céline Découvertes, tu peux venir rue Soula, naturellement, quand tu veux (ne me prête pas le vol. 3 dans l’immédiat) ou alors je passe les ouvrages au petit frère (je ne vais quasiment plus à la librairie Georges : ça marche trop bien, cette boîte, tu avais peut-être raison, mais dans aucune autre non plus – j’ai pourtant aperçu le tramway l’autre jour – Konno, en russe, d’après une méthode dénichée d’un tiroir à poussière : pourrais-tu vérifier ?)

Et j’entends la voix de mon cousin intégriste d’Onesse, Tano, « Alors hier Larissa ! elle était même pas catholique ! russe grecque orthodoxe et puis quoi ! Aujourd’hui Habib ! Hilh de pute Marie-France (sa femme) viens voir ça un peu ! »

Hasta bientôt me va :Hasta bientôtMikhaïl O H LAppelle-moi si tu veux livres rapido. T’attendent icigo mais je peux te les faire remettre

prompto.

Bordeaux 17 avril [2004] Saint Anicet (martyr sous Marc Aurèle) [le texte de la lettre serpente sur l’enveloppe pour former le nom du destinataire et l’adresse]

Mon cher Philippe,je t’envoie deux opuscules des Editions du Catoblepas qui abordent divers problèmes

religieux et psychologiques, tu verras. J’ai toujours Nabe à la maison, si tu le reveux, dis-le moi par le [...] l’appareil téléphonique. Je ne vais presque plus à la supérette où bosse mon petit frère et d’ailleurs ne lisant plus, ça serait très-cucu que j’achetasse encore des bookins ! En plus j’ai appris que la patronne avait manqué s’inscrire sur la liste UMP des Régionales. Bande de réacs, je me suis écrié tel Rebatet à l’endroit des Vichyssois dans Mémoires d’un fasciste (Pour ce vieux Lucien, Vichy c’était la curaille les métèques et socialos en recyclage : la Réaction). Eh ouais ! J’aurais dû écrire la lettre-adresse en vers en hommage au grand Stéph’ Maillarmé !!! Mais c’est déjà assez fastidieux et [...] comme ça ! et le pauvre destinataire tenu de se payer de telles [...]eries, t’y penses Michel ? Bien [...] Et alors ? Alors, rien. Ah, bé, [...] Je te donne les amitiés d’el Chocho (les miennes sont sous-entendues).

[Au verso] Paranoïaquerie du jour : «Tout mai passa.» Saint Justin, martyre sous Marc Aurèle, fêté le 1er juin.

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1er mai [2004]Si tu viens reprendre Nabe, passe un petit coup de fil, Philippe, auparavant : je risque de

m’échapper quelques jours au pays.Pour les cartes-adresses il me faudrait un bic vert, je n’avais pas envisagé la pluie, une autre

chose : tout au libellé de l’adresse, on en oublie la lettre, on écrit donc des bêtises, mais tant pis, qu’est-ce que tu veux, lorsqu’on réfléchit avant d’écrire ou de parler, c’est pareil : la preuve ! (C’est du moins ce que la marchande dit à l’élégante en me désignant...)

Amitiés deMiguel

19 mai [2004]Bien reçu recueil. T’en reparle dès lu.Ne lis plus depuis l’automne, j’avais beaucoup trop lu beaucoup trop vite toute la vie ça faisait

horrible macédoine ça commence à s’éclaircir, je vais pouvoir me risquer à relire à petites doses.J’avais la nostalgie des Lettres documentaires... Peut-être pour l’une d’elles si Dieu le veut

des Notes de lecture imaginaire...?PSR : Je suis obligé de continuer, tous les michelohls de toutes les tendances et mon propre

yo m’y obligent : quelle honte ! le slogan «et rataplan et rataplan» n’est pas de Trenet mais de Jean Tranchant, une chanson que chante Frehel. A toi, p’tit gars

La Miche cuite

Dimanche [30 mai 2004]Philippe,dans un rêve d’il y a deux ou trois nuits à Mimizan, nous étions ensemble 33 rue Jean-Soula,

et je te proposais un anagramme de Bordeaux que tu trouvais excellent : A la veille !!! Il s’agit du titre d’un roman de Tourguéniev, et tu me disais qu’en le citant j’avais voulu me dédouaner, parce que Tourguéniev était, au fond, réactionnaire, et que j’étais gauchiste... Au réveil je me suis mis à anagrammatiser et j’ai (re)trouvé ex-radoub, doux aber, Aube d’Orx, dur à boxer, box ruade, et cette anagramme qui me semblait en rapport avec tes soucis géodésiques, BORdeAux > deux Bora > Bora-Bora, anagramme dédiée aussi sec à Xavier de Maistre et Alain Gerbault, mais Bora-Bora île française jumelle occulte de Bordeaux ne se situe pas aux antipodes n’est-ce pas ? c’est la Nouvelle-Zélande ?

AmicalementMichou

27 juillet 2004 [lettre-adresse].Cher Philippe,revoici la Lettre voilée, soeur cadette de la Lettre volée, laquelle a environ 160 ans, mais leur

vrai père à toutes deux, Padre Ego, est immortel, Bravo Michou ! ce qui explique l’énorme différence d’âge... Du nouveau sur l’affaire Ducourtioux? J’ai triché à propos du Mat’ des Anges ! J’y écopai de quelques lignes en 1994 ! et même que l’on me cite le nom dans le dernier, ça fait deux je te bats honte à moi la coupe de la honte ! Figure-toi que j’ai promis de présenter en septembre chez Georges l’ouvrage de mon frère ! le projet d’invitation dit : sous la férule de Michel Ohl : t’aurais pas ça dans tes bagages ? une bonne vieille férule de maître d’école ? Si la présentation se faisait, cela ferait la troisième : Chapeau ! en 63/64 au lycée Victor-Duruy j’ai présenté à mes condisciples de philo Brassens, puis Céline (j’avais lu des extraits de Bagatelles touchant le corps enseignant ! 40 ans après, ce serait rigolo de reprendre la parole ! jamais 2 sans 3 ! je m’entraîne tout seul à la maison, voix basse pour commencer, et puis élévation progressive de ladite voix, pour atteindre le commun des hommes, mais je vais à tout hasard réactualiser Ah ? le certificat médical que tu connais... zéro note de lecture pour l’heure, mais j’ai pensé à quelques titres dont Neuf mois en ballon (mémoires d’un nouveau-né). Autre pensée : Beau pas beau, joli trop joli : Le beaujoli nouveau est à rêver... Bon. Sur ce mon cher Philippe, je vais te quitter pour m’en aller glisser dans la boîte magique la pas si voilée que cela !

Amitiés à toi, à Dany.Mikhaïl Ivanovitch

[5 août 2004]Lettre à Billé [présentée comme une publication de 4 pages].

Après qu’il a daté Lettre à Billé au stylo bleu (Parker) [je ne vois cette date que sur le tampon de la poste], l’auteur repasse au noir pour raconter à son destinataire, qui n’en peut mais, que Lettre à

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Billé devait s’intituler à l’origine A Billé, sans façon... mais que, pour le libellé, ça posait d’ardus problèmes et que bla bla bla etc... on sautera sans façon quinze lignes d’explications oiseuses... et voici que l’auteur de Lettre à Billé, de but en blanc, parle de... Voyage au bout de la nuit ! en attendant son tour chez le docteur Reynolds il a lu dans Gala, ou Voici, ou Bonnes Soirées, qu’un cinéaste de Tartas (40400) s’apprêtait à tourner Voyage au bout de la nuit, il (l’auteur de Lettre à Billé) a eu un léger soubresaut, très léger, et puis il s’est dit pourquoi pas ? pourquoi ce Tarusate ne serait-il le Titan de la pellicule qu’on attend depuis soixante-dix ans hein ? hein ? (on peut se demander, sachant l’indifférence de l’auteur de Lettre à Billé vis-à-vis de l’art filmique, qui est on dans le qu’on de qu’on attend...), l’épistolier d’Onesse (40110) dit alors à Billé, sans la moindre transition, qu’il a cherché ces jours-ci des anagrammes de Michel Fourniret, afin de les réunir sous le titre «Sur un visage», sous le visage du chasseur de vierges, qui a découvert André Breton en prison, mais il (Ohl) n’en cite qu’une, Humilier ce front, et le voilà qui revient à Céline ! par le biais de Pierre-Jean de Béranger ! du Ménétrier de Meudon de P.-J. de B. ! à chanter sur l’air de la Contredanse des petits pâtés : « Dansez vite ! obéissez donc / Au ménétrier de Meudon, / Dansez vite ! obéissez donc, / Il est le roi du rigodon »... et ce pauvre radoteur de Michou de raconter pour la 77e ou 78e fois, les 2 exposés de 1963/64 au Lycée Victor-Duruy, Brassens, et Céline, trois pages fastidieuses au possible, qui permettent à l’épistolaire d’annoncer (« jamais deux sans trois ») sa prestation de septembre à la Librairie Georges, dans le rôle du frère coach psychico-synthétique, mais le frangin du romancier ajoute qu’à tout hasard, il va faire renouveler le certificat de 1997 anti-meeting, on ne sait jamais, et Michel Ohl salue amicalement Philippe Billé.

O H LMichel Ohl ne fait rien. Cette lettre est sa 11731e.

19 août 2004.Muy Felipe mío,je devrais parfois m’excuser de ma promptitude à répondre, au fond, je souhaite que mes

correspondants prennent tout leur temps, sinon, l’aller-retour de courrier incessant conduirait à la folie, et l’affaire pourrait se régler dans un duel à mort à mi-distance.

Déjà, en 1952, l’instituteur n’utilisait plus la férule, Littré nous la définit «petite palette de bois ou de cuir avec laquelle on frappe les écoliers dans la main», la règle a remplacé la férule, mais je ne sais pas si les professeurs d’école ont encore le droit de donner des coups de règle ? A défaut de férule, une chanson, souviens-toi de A la Machine à Lire, sur l’air du «Nombril...» de tonton Georges... D’ailleurs, le 24 septembre, il s’agit de la librairie Georges, je cherche d’abord le petit air, et pourquoi pas «Les Amis de Georges», de Georges Moustaki? Mais non, ça traîne, ça manque de rhythme... Enfin, on verra. Parce que d’après mon Institut de Sondage Intime, mes chances de défection, si j’ose dire, le 24, aujourd’hui voisines de 33 %, seront le 22 septembre de 80 %, telles sont les prévisions de M. Michelu, l’actuaire maison, qui voit un très très mauvais signe dans ces 15 mois passés sans la moindre intervention chirurgicale : pas 80 %, 89 %, je me suis trompé.

Le professeur Michou, lui, qui avait jadis, je cite, un gros goût pour la Marguerite des Marguerites [de Navarre], lue sur place en 1974 à Cauterets, me parle de 2 histoires à caca, celle (sic) de la dame Roncex engluée chez les Cordeliers, et celle de l’étron gelé devenu pain de sucre (je le soupçonne d’être allé en douce se réviser l’Heptaméron).

«Hep ! t’as mes ronds ?!... » c’est ce qu’a dû lancer à Michel Fourniret le gangster des Postiches en sortant de prison, mais le monstre au visage de toi et moi (hum !! à discuter...) a fait l’innocent, il avait prévu le coup, il ne vivait dans son château, mais dans une pauvre caravane... J’ai lu chez le docteur quelques articles sur Fourniret... Il détaille ses crimes dans un langage suranné, il chérit l’imparfait du subjonctif, il a lu ce maître de l’Emphase, A. Breton, en prison... Il creusait une fosse avant même de partir en «chasse aux vierges», telle est son expression, il enterrait les mortes couchées ou debout... Peut-être cet homme s’est-il pris pour un belartiste de l’assassinat, Breton a dû l’encourager à poursuivre son oeuvre, s’il avait lu Boudard, à la place, avec sa galerie de grotesques monstres, il aurait ri une petite fois, et ç’aurait suffi pour ruiner le château aux tortures, le nom ET le visage, les deux me hantent ensemble, côté anagrammes rien, ou pas grand chose : Fichu mortel rien ! Chut ! mon rire file... Frémit-il, ce huron ?... Un film : Torcherie... (peut-être la vision d’un Pasolini, d’un film d’épouvante surréaliste, l’a conforté dans sa mission ?) Chien fleuri mort...

Christou de Rivoyre est une vieille amie de Déon... Lors de notre rencontre historique à Onesse, du côté de 68/69, Christine m’avait parlé de lui, de Salinger, de Félicien Marceau, de Jacques Laurent..., à sa métairie de Petit Publanc, quartier d’Onesse à 3 verstes du bourg, au coeur de la pinaie, nous buvons du blanc sec à une table devant la porte, c’est vrai, elle levait le coude, mais elle n’aimait guère les radicaux de l’ivrognerie, ainsi (je te parie qu’il va prêcher pour sa paroisse ?!) à Paris, ne m’ouvrit-elle qu’à moitié sa porte de la rue Suger, lorsque je vins la voir, en 73 ? 74 ? je

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m’étais annoncé, et puis soûlé, et je m’accroche à la porte, qu’elle me ferme au nez : «Une autre fois ! Une autre fois !». Dans la forêt de 68 elle me raconte une buverie avec William Faulkner, qu’elle interviewe pour Elle, ou Le Monde, elle met un mois à s’en remettre. Elle va parler du petit Onessois, et de son recueil de nouvelles de + en + courtes intitulé Le Laminoir, d’après l’idée de J. Renard, à son ami Christian Bourgois, elle est toujours en vie, sauf contrordre (?!!!), ses livres sont agréables, ma mère était en délicatesse avec Christine, Christine est une ironiste, une fine langue, elle s’est frottée au beau monde des Arts et des Lettres et du Cinémoche et de la Politique etc. pendant 40 ans, ma maman rêvait à Onesse cette si haute société, en lisant Les Veillées des Chaumières, ou Marcel Proust, pourquoi non ? entre deux ménages à fond... etc. etc. J’ai su de source sûre que Christine avait été PRISE par les Souvenirs de Charlotte Ohl...

Et après Charlotte, voici Jean-Pierre, il faut gérer cet événement, l’intégrer en le système schéolique, sinon, c’en est fait de toi, Michel Ohl, t’as plus qu’à t’échapper de chez toi pour/par le dernier voyage... Je ne sais si tu connais cette remarquable «critique équitable» du Prix du boeuf, par Jean-Pierre ? [la lettre est écrite en marge et au verso de cet article paru dans Jour de Lettres] Je vais la reprendre dans Le petit jean-pierre des familles, l’opuscule que je prépare pour le 24 sept. J-P a pris le nom de 2 camarades. Je ne sais même pas si ils sont au courant. Ah ! c’est un malin, lou Janicot ! lou Pierroulic ! Et puis, ce qui est bien, également, c’est qu’il n’a pas vraiment d’opinion, qu’il les a toutes, qu’en tout cas il en a beaucoup, ça lui permet de tenir le coup, en cette usine Georges où il faut ménager la chèvre municipale, le chou humanitaire, les fous de Béthanie, les extrémistes de tout bord (sic, j’en rajoute un peu, emporté par l’élan), tous les centres et les au-dessus de la mêlée, les au-dessous de la mêlée, les, etc. etc.

AmicalementMichel Ohl le Bien-NomméPS veux-tu m’indiquer références Déon – Rivoyre ?

30 août 2004.... Un rêve d’anthologie, mon cher Philippe, comme on dit aujourd’hui, Liac... [cf mon Journal

au 26 VIII] Peut-être y suis-je passé, dans mon enfance, en allant à Luchon ? (Le matin du reçu de ta lettre, je pensais à la finale du Championnat des Premiers Souvenirs... Parce que le souvenir de ma grand-mère me traînant à l’école, n’est pas à coup sûr le premier... l’autre finaliste : souvenir de Luchon, hôtel Métropole, mi-juillet 1953, mon grand-père m’emmène auprès des coureurs du TdF descendus au même hôtel... La finale aurait lieu à mi-chemin d’Onesse et Luchon... le village équidistant s’appelle Coslédaà (Lube Boast) Basses-Pyrénées, à 30 verstes à l’oiseau de Liac... Jumelons Liac et Cosledaà ! et je te donne un rêve du livre de Jean-Pierre : «Je survolais un désert, parfaitement quadrillé de pistes. Venant des quatre points cardinaux s’acheminaient lentement des caravanes. Elles investissaient le désert, se disposaient en ronds, en arcs de cercle, en triangles. Peu à peu, je prenais conscience de la forme bizarre des chariots qui la (les ?) composaient. C’étaient des lettres, et ces lettres formaient des mots. Sur la page blanche du désert, les mots tracèrent un nez, une bouche, des yeux béants. Un visage.» Ce Monsieur Dick («dick», si je ne me goure, veut dire maboul, détective – et bite – comme galimard/gallimard) me touche, et me turlupine, pour des raisons pas vraiment littéraires, des raisons plutôt graves, si je puis dire, ça va m’être difficile, d’enrôler le nouvel auteur dans l’Armée des Ombres du Schéol – je suis peu explicite pour l’heure mais tu imagines l’affaire... En tant que psychicoach, j’avais conseillé à J.-P. d’aller à Paris se faire photographier dans ce bus 2844, il était réticent, je crois qu’il est aujourd’hui bien parti dans les Championnats... Le jour du Figaro, ou le lendemain, il a eu aussi l’éloge de La Croix... Et quel beau linge superfin en ce bus Châtelet ! Sybille de Bollardière ! Aude Bellin du Coteau ! (Peut-être le meilleur poète du lot est-il l’employé à casquette ? va savoir...) J.-P. m’a dit que le boute-en-train de service était l’auteur de Main gauche, Patrick Piet (je m’en doutais !!!)... Pour moi, la gloire que je lorgne se situerait plutôt au nadir. Enfin tu vois ce que je veux dire... [hum, pas vraiment...] Ducourtioux Yves : mon petit doigt, et mon oeil aquilin me disent qu’il n’y a rien à tirer des anagrammes... mais une voix me murmure à l’oreille que je peux me mettre le doigt dans l’oeil... Christou : si mon auxiliaire de vie Lise Le Lay ne va me chercher Bagages pour Vancouver à la Bibli, je te demanderai une photocopie à ton retour.

J’ai dû t’envoyer par le passé les oeuvres de la maman Germaine [auteur des cartes où est écrite la lettre] de Pierre Ziegelmeyer... Elle a 92 ans, ou davantage, elle s’est penchée au-dessus de l’onde noire, mais elle est encore «parmi nous» à la jolie adresse La Marzelle, Chantonnay – pas bien loin de chez toi.

Amitiés deMikhaïl Ivanovitch

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Dimanche 26 septembre [2004] Ss Côme et Damien.Cher Philippe,je voulais écrire Ss Damien et Côme, histoire de te montrer que j’étais resté un

révolutionnaire, nonobstant le poids des ans (58 le 5.12), hé bé c’est râpé...Tu as bien vu, d’ailleurs, l’autre soir [à la librairie Georges], combien je m’émoussais !

Désespérément sobre le Michou parmi ces philistins de tous les bords. Quand je parle de bords... le centre-droit prédominait, mouvance Monférier... J’ai mis au point une stratégie, réutilisable à l’occasion : lorsque Monf’ se reprofessorisait dans ses interventions littératrices, je me mettais à marmonner dans ma barbe en prenant l’air excédé, et voilà ce que je disais, que nul n’entendait : «Ah ! c’est un très brave homme, au fond ! Ce qu’il a été gentil avec toi jadis ! Il aurait pu mille fois te virer, mais non ! Au contraire ! Il arrivait qu’à l’issue du cours il vînt te demander si t’étais malade ! Plein, oui, t’étais, salope ! Pour qui tu te prenais, bordel ! Robert Nietzschum ! Et lorsqu’il t’a proposé une place d’intérimaire en 1973 à la Bibli malgré tous les risques de bouffées psy ! Tout juste si tu lui as pas craché dessus en guise de merci ! De non, merci... bien sûr ! Etc...» Ainsi ménageais-je la chèvre et le chou, si l’on peut dire. En me voyant, on pouvait penser que je murmurais des injures à l’endroit de l’ex-doyen, et j’étais en train de lui adresser des louanges à la grande joie de ma conscience morale, Carolina-Médina Hapax. Mais personne ne me regardait, et la soirée s’est terminée dans un grand cri : Tous bons et tous gentils les amis ! un cri qui est sorti tout seul de derrière un vieux rayon de livres d’enfants, une fois la librairie entièrement vide. Enfin, j’ai failli lancer «Vendu!» à Jean-Pierre, mais là, c’était plaisanterie, en vrai de vrai nous rigolons ensemble depuis la nuit des temps, quand je lui racontais Noire-Merde et les 7 Géants pour l’endormir. Mais, le livre de Jean-Pierre a suscité en moi bien des sentiments troubles. M’a fallu ingérer, digérer, gérer. Ou faire mine ... Enfin, l’opuscule bleu, je ne sais s’il peut aider à lire, ou compliquer la lisure, ou s’il reste à usage intime, familial... J’ai repris Dickens, à l’occasion, j’ai lu ce fameux livre inachevé à héros opiomane, j’ai repris mes souvenirs des seventies, j’ai repris les Ecrits de notre mère... Le résultat, ce doit être des pages obscures, après les récits simples et naturels de la maman, et puis fallait pas mettre au pied du mur les deux vieux complices de frères farceurs un couteau de cuisine aiguisé à mort à la main (je plaisante). Bon. Pardon de ce galimatias...

Amitiés deMikhaïl Ivanovitch Ohl

Dimanche 3 octobre [2004].Cher Philippe,Ezequiel est un vieil ami de lycée de Jean-Pierre. Il travaille à France Bleu Gironde. C’est vrai,

il était fort bien dans son rôle. Interventions toujours judicieuses et sensibles. Avec lui, je suis en confiance, il a eu l’idée de ces enregistrements, parce que je ne voulais pas prendre la parole, et il est venu à la maison avec son magnétophone de compétition, et ainsi, en tête à tête, j’ai lu Jean-Pierre sans encombre (à part un trébuchement sur «linoléum») et quelques lignes de mes commentaires divagateurs, et le petit frère ne semblait pas mécontent. (Il a encore le souvenir de mes apparitions intempestives de jadis, au bord des courts de tennis, lorsqu’il disputait ses tournois, je faisais l’andouille, j’applaudissais à contretemps, je lui faisais perdre ses moyens, et il perdait son match... et la séance de la Sainte Thècle était un genre de rencontre sportive !... mais non... pas de souci... J’ai eu envie simplement de m’interpeller moi-même à 2 ou 3 reprises, pour me dire de fermer ma gueule... mais non... je suis devenu sage... J’ai eu l’idée toutefois, en écoutant attentivement Jean-Pierre et Ezequiel, de la Révolte Equitable, notion qu’il va falloir que je creuse et précise... figure revêche à sourcil froncé, et marmonnements de protestation inintelligibles en opposition avec le réel assentiment et la sympathie intérieurs... Je t’en reparlerai peut-être !...) Ce raid irlandais en quête de la potcheen à 80 ° qui arrache tout sur son passage m’a bien amusé. Christine devait avoir 30 ans à l’époque. Je ne crois pas qu’elle ait jamais été buveuse dans l’âme, malgré son nom : De Rivoyre > roide yvre. D’après mes indicateurs onessois, elle est encore, disons, gaillarde... Pour sa réplique au sujet de la bagnole, Déon a dû rater sa transcription. Je ne reconnais point là ma Christine (une être il est vrai en grande partie imaginaire). Jean-Pierre pourrait appeler Monsieur Mick le livre dont je serais le héros (J’ai cessé de me pencher sur Monsieur Dick, parce que les chassés-croisés des doubles plus ou moins fraternels joints à mon délire narcissique, me filaient le vertige... – Il faudra que je te présente l’autre frère, Bernard, le montagnard fervent, il était là, chez Georges, retour d’Himalaya, à son propos je pense toujours à l’admirable parabole de Ludwig Hohl, Une ascension, et à nos jeux d’approche hautement symboliques de la toute enfance : approche naïve de la mort, un frère au faîte du sapin, l’autre progressant dans les herbes sans se faire voir.) Admirable, aussi (je vais finir abbé Michou !), Michel Suffran, il était venu s’excuser de ne pouvoir venir, il a subi de terribles opérations,

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les miennes à côté sont de la gnognotte... mais le photographe a su saisir le profil à peu près indemne qu’il fallait. Fin de la lettre. Amitiés à toi et à Danielle.

Michou le moi chu

Marcredi 13 octobre [2004]Cher Philippe,je n’ai retrouvé mon Semainier... Puisqu’il n’est ni ici, ni à Caudéran, il doit être à Mimizan, où

j’ai transbordé pas mal de livres. Le plus simple est que je t’envoie le Bréviaire... Garde-le aussi longtemps que tu veux : après la phase Jean-Pierre Ohl / Dickens je n’ai pas relu, et si je repique au truclu, je reviendrai plutôt à ma bibliothèque d’enfance, la dive comtesse par exemple...

Autre chose : Periz se démarque d’Opales et lance sa maison : Pleine Page. Il envisage de publier un recueil genre ripopée avec : mes textes de Jour de Lettres jamais repris en volume, des inédits totaux, des tracts + ou – canularesques, des fascicules de chez Ziegelmeyer... Il a pensé item aux «Lettres à propos d’un sinistre». J’imagine que tu n’y mettrais pas ton véto?... Naturellement, je signalerais la 1ère publication dans Etudes...

Et de mon côté, j’ai pensé au Compte de Monte-Cristo, mais je n’ai plus un seul exemplaire... Pourrais-tu m’en adresser un à Jean-Soula 33 ?

Voilà, mon cher, ce que te veut Ohl l’Ancien !AmicalementMichou Le moi chu

24. 10. 2004.Cher Philippe,gatos > singes... j’ai été convaincu par ta démonstration... mais, pour les macaos, j’ai un petit

doute... quel est donc l’origine du toponyme asiatique, justement ?Bien reçu Le compte de Monte-Cristo. Me suis alors rappelé que les pataphysiciens l’avaient

repris. Ce serait donc la 3e publication. Mais, le projet de Periz est encore assez vague. Je commence à me foutre un peu de tout, mais j’aimerais nonobstant que ce recueil, si recueil il y a, ne soit pas agencé n’importe comment. Je suis encore assez con pour me préoccuper de cela.

Je t’envoie un portrait de Fourniret (j’ai découpé 2 photos). Il se prenait déjà en 1984 pour un artiste du crime... Et s’il en était un ? Il a des expressions saisissantes : «dominé par le pour cent restant, glissant dans les ténèbres.» Baudelaire voudrait pour lui, pour donner une chance à son âme, un guillotinage à grand spectacle...

Tout autre chose : la demeure de Danielle est à 2 petits pas de celle d’Ezequiel Fernandez [il dessine un petit plan des rues du quartier, à Talence]. Tu te rends compte de l’intérêt de la découverte ! Et si je devenais vraiment chocho ? Et si Blanqui, Vallès, et Lamartine étaient de simples homonymes des glorieux personnages ?...

Je pars au pays natal, et si Dieu le veut je reviens, après le pèlerinage, pour les examens d’automne.

AmitiésMichou

10. 11. 2004.Parfois je me dis, mon cher Philippe, que tu me lances des noms comme appâts, et lorsque tu

reçois en retour mon laïus tu te marres comme un bossu «Encore mordu ! Oh ! le fou, encore mordu!» le fou ou le vieux couillon ! Je ne crois pas vraiment cela mais si c’était vrai je rirais de bon coeur. A vous, professeur Michou : Mimizan-sur-Guerre (Stock, 1976) est le Journal de la maman de Marina Grey : Xénia Denikine (la femme du général Anton). Les Denikine ont vécu à Mimizan pendant l’occupation. Marina était jeunette. Xénia raconte plaisamment la vie au village, les visites des prisonniers russes, les suicides de soldats, la disette, les prodiges des cuisinières... Ce livre, Louis Nucera l’avait offert à Ohl dès l’apparition, et il a beaucoup compté pour lui, et pour sa Maman, qui, ayant vécu à Mimizan pendant la Guerre, reconnaît nombre de héros de Xénia (Cf Contemp. favoris p. 20 : P. Zieg. cite judicieusement Mimi/s/Guerre à côté de Zaporogues. Voir le «Mimizan-sur-Naguère» de Sacripants ! ibid. 54. Marina Grey, le livre de sa mère, le général, passent +ieurs x chez Ohl, de façon + ou – furtive.) Marina écrira un livre sur son père le héros (Perrin), mais Ohl ne le lut point, mais il lut Les armées blanches, que Marina écrivit avec Jean Bourdier, du journal Minute. Ohl a toujours été russe Blanc d’âme, tel le prince Youssoupoff. Son pays natal, il s’est ingénié à le russifier, dans sa caboche et ses écrits, le livre de Marina Xenia sur Mimizan russe a donc apporté de l’eau de Volga à son moulin, et le livre de Marina Ivan lui servit aussi beaucoup, pour ses opérations d’alchimie moqueuse – Marina a publié un ouvrage singulier, sur Jacques Hébert, agent royaliste. Ohl, que le

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Père Duchesne toujours fascina, tel un avant-courrier d’Ubu (< Hébert), a avalé le livre, et la thèse de Marina ne lui sembla pas si extravagante, le rôle de Hébert n’a jamais été vraiment précisé, ultra révolutionnaire / ultra royaliste, les 2 opinions ont leurs souteneurs. Marina Grey a épousé l’historien Jean-François Chiappe. Ce chantre des Chouans, qu’Ohl lut aussi en sa période vendéenne, est mort voici quelque 10 ans, mais auparavant (la bonne blague !) il fut membre éminent du Front National, avec son frère en chouannerie Michel de Saint-Pierre. Ce sont hommes que Louis Nucera aimait, et connaissait, comme il connaissait Déon, chez qui chaque année il allait séjourner avec Suzanne ; et le regretté A.D.G., qu’il publia chez Lattès. On aurait plus vite fait de dresser la liste des célébrités que Louis ne connaissait pas... Bon, ça suffit, j’en ai marre, je refile la parole à Mikhaïl Ivanovitch, qui apparaît en Ukrainien dans le roman Mimizan-Plage (La Table Ronde) avec son ami Gérard-Vassili, à toi, vieux con : Merci, professeur ! Dans un de ses bons maxi jours de bonne platine il aurait pu te parler de Marina Grey jusqu’à tant que tu meures de vieillesse, et il aurait suivi ton cercueil en parlant, et construit un parloir sur ta tombe pour continuer.

Je n’ai lurelu que les romans de Mauriac. C’était une lecture sportive à visée de record, si je puis dire, mais j’ai survolé les Mémoires et Nouveaux mémoires, qui m’apparurent beaucoup plus attrayants que le Blocnotes dont on nous fatigue les oreilles. Je te parlais voisinage pour la forme, pour des raisons de cartographie topographie toponymie évidemment ! Loin de moi l’idée de vouloir créer de nouveaux liens entre les hommes. Au fond, je serais plutôt pour leur destruction totale. Sans douleur, bien sûr !

Amistosamente !El Chocho !

18. 12. 2004.Pardonne-moi, frère Philippe, parce que j’ai péché, j’aurais dû m’enquérir plus tôt du succès

de la causerie, il est vrai que j’ai passé huit jours au lit bronchiteux «galopé de fièvre» (Emile Zola) mais ça n’est pas une raison... Alors ?... J’avoue que je ne connais les auteurs présentés. Sinon Augusto Pinochet Ugarte, si il s’agit bien de notre petit père président général. (Et García Calderón ?) J’ai reçu ta lettre le 6 décembre, 6 mois tout rond après ton anniversaire, et le lendemain du mien, j’ai rencontré souvent le nom : Jacques d’Arribehaude, oublierais-tu que je suis un vieux célinien ? J’ai été une sorte de Roberto Benzi de la célinistique ! (Ca y est, c’est reparti, armez-vous de patience les garstons !) Tandis que tu apprenais à lire à la Communale (?) je lisais devant mes condisciples estomaqués (c’est pas vrai... à part 1 ou 2 ils s’en fichaient complètement) les pages de Bagatelles sur le stupide corps enseignant, lors de mon exposé historique et ultime... Et pendant 15 ans, mon petit, bien qu’ivrogne et encore plus lourd, donc, que l’humanité sobre (qu’est-ce qu’il raconte ?), plus fervent célinien il n’y eut pas en Gascogne, Ohl avait réussi à se procurer de rarissimes ouvrages, l’Apologie de M. à C., Céline en chemise brune... et d’innombrables articles de presse religieusement recueillis en un Album (j’abrège) ... J’ai bazardé l’album, et la célinothèque (à part l’Oeuvre, bien entendu), du côté de 1980, lorsque la critique s’est emparée de Mon Céline, et lorsque les diplômes ou comment dit-on ? mémoires de maîtrise et de doctorat se sont entassés dans les pièces construites spécialement pour les célinologues si bien vus des autorités de droite, du centre, de gauche, toutes céliniennes jusqu’à la moelle naturellement... Mille excuses, je dois avoir encore un peu de fièvre... Et c’est rien con, ce que je raconte. En réalité, Jacques d’Arribehaude, je n’ai connu son nom qu’après ma période de célinopathie de Haute-Maniaquerie, dans les années 80 c’est probable, j’ai toujours lu pour m’occuper entre 2 verres les journaux littéraires, je ne connais pas La grande vadrouille, et ses entretiens je ne sais plus... Lu récemment un papier du célinien Sollers ( !) sur le Dictionnaire Céline de Philippe Alméras (je me demande combien d’ouvrages sur Céline apparaissent chaque année dans le monde («la terre, ce cadavre au fond des nuages») ? Au bon vieux temps c’était un l’an : plus c’est vieux, plus c’est mieux) Point ne lus-je le Céline d’Alméras, mais j’ai lu son Pétain, savais-tu que j’étais un fier pétainologue (d’aucuns disent «péta», ou même «péti»), j’ai lu un bel et bon rayon d’ouvrages voués à Henri, Philippe, Omer, Benoni, ça date de mon enfance, ce goût-là, de mon oncle l’aviateur héros de la Grand’ Guerre, mais aujourd’hui je m’en fiche un peu, du Maréchal, il y a 5 ans je voulais organiser les Journades Pétain, pour faire suite au Colloque Ohl, j’avais relu quelques études, quelques livres d’histoire, et puis j’ai renoncé, j’ai fourgué ma pétanothèque, lorsque l’ourse est morte à Urdos, j’ai repensé au cher Maréchal, à cause du Portalet, à la Maréchale, au médecin du Maréchal, que j’ai longtemps croisé à Caudéran, le docteur Cougoul (père), sans oser l’aborder, il est mort maintenant, il s’était fait virer d’Urdos, parce qu’il sympathisait avec le Maréchal – et puis je me suis rappelé, Philippe et Lucie Delarue (pas encore Mardrus), leur liaison fin XIXe, à Provins, Lucie en tire un poème que je ne pus jamais retrouver, (si toi ... ?) ils ont tous les deux «profané le clair de lune», ce sont les seuls mots du poème que je connaisse – et puis je me suis dit : Rimbaud, Pétain, s’ils s’étaient rencontrés ? En 1872, tiens, à Arras (il y a un trou de 2

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semaines dans la bio de Rimbaud à l’époque, et certains pensent qu’il a fugué à Arras, il avait 18 ans, Philou 16, collégien à Saint-Omer, c’est tout près, sacrée rencontre ! Verlaine en a vent (sic), rage noire ! – et je n’oublie qu’à Arras environ 1910 Pétain aurait supplanté le jeunot de Gaulle dans le coeur d’une belle... perdu itou la référence hélas...)

Bon. La fièvre tombe. Je te dis adichats, mon cher Philippe... Ca veut tout dire en landais, comme adieu.

A bientôtMiquéou

[5 janvier 2005. Sur l’enveloppe, le nom de BILLE est formé par un texte polychrome (bleu, rouge, noir et vert) disant :] Bonne année, bonne santé, le Paradis à la fin de tes jours = Meilleurs voeux, c’est grotesque, j’aurais pas dû me lancer là-dedans, honte à moi ! honte à moi ! honte à moi !!!

[Quant au reste :] La mainmise des Ducourtioux sur la France se confirme [joint une carte de Laguépie dessinée par Ducourtioux].

Rencontre à la nrf – 2 pages d’éloge des Petites nuits d’André Blanchard par Pierre Perrin (comme le chanteur du Clair de lune à Maubeuge mort il y a 10 ans environ), et «poème critique» signé Jean-Paul Michel d’un concert de Beñat Achiary et son orchestre (octobre 2004).

Relisant Caraco, je me rends compte que les NE sans PAS ne m’agacent plus. Bien fait pour moi, non mais.

Toussenel, Alphonse [collage de sa notice découpée dans le Petit Larousse Illustré de 1910] J’ai de lui L’esprit des bêtes (1868) dont je t’ai peut-être parlé, que je voulais te donner, une longue introduction drôle et folle très inspirée par le maître Fourier, et puis 400 pages sur les Mammifères de France, j’ai oublié depuis le temps mais je tombe d’entrée sur : «Aussi les voyageurs de l’Amérique septentrionale, qui savent toute l’importance que la bête (l’ours – à détruire, pourtant) attache aux procédés de politesse et aux moindres considérations de la part de l’homme, n’oublient-ils jamais de le saluer quand ils le rencontrent sur leur route. Buenos días, hombre, lui font-ils : Bonjour, l’homme.»

... mais je ne peux toujours pas m’attacher au Livre de ma mère, j’y pense à cause de d’Arribehaude : «Mort d’une mère» (p. 12).

J’ai eu et lu 1 ouvrage de Guenot (autoédité il me semble) qui était peut-être l’interview de 1960, je ne me souviens plus, j’ai dû fourguer ce livre en 1981 au bouquiniste Guillaume avec le reliquat de mon rayon Céline.

Les histoires de coeur, de cul, de coeur et cul mêlés, peuvent être très bonnes, tout dépend de l’historien !! J’ai dans l’idée que d’Arribehaude manque de verve... Euphémisme. Il est loin de Nabe. Ou de Paraz (cher à mon coeur, lui...).

Bayonne. La ville des Ohl pendant un siècle. Qui sait si d’Arribe n’a pas entendu parler de la famille ? (Où vit-il à présent ?) Mon grand-père pat’ le marin était encore, peu avant sa mort, pendant la guerre, responsable du PSF né de la scission des Croix de Feu, Permanence, quai des Corsaires 48 ... (c’est pour cela que j’ai fait naître mon Parti Sans Retour juste à côté, dans la Nive...) Naturellement, je ne te demande pas de parler des Ohl à d’A le Bayonnais !!!

Merci de la liste et de l’index. J’ai oublié beaucoup de notes, et de noms, comme je l’ai montré à propos des auteurs de ta causerie, mais nous en sommes tous là, non ? et nous nous oublions nous-mêmes, malheureux présage.

Merde alors c’est toi c’est pas moi le maudit ! et je me voyais déjà grand jeanjacques d’or au palmarès de la persécution ! Pardonne-moi, la fin de ta lettre m’a un peu chiffonné. Je ne suis pas l’abbé Pierre ! Tu pourrais être demain spartakiste, LVF, intégriste orthodoxe, derviche tourneur, je te parlerais encore. Les opinions ne m’intéressent guère ! Peut-être parce que les miennes sont fuyantes comme les nuages.

AmistosamenteEl Chocho

Sainte Angèle [27 janvier 2005]Cher Philippe,j’ai relu de mon côté les pages de ma mère consacrées à Bayonne, et les documents

bayonnais, pas de d’Arribehaude... Parce que la famille Dulau (maternelle), vois-tu bien, avait aussi des attaches à Bayonne, mais restons-en là !! Ce dernier filon où l’on creuse me tient depuis des années, la Sainte Famille, mais ça commence à faire... Aujourd’hui, je pense aux séances de généalogie, ou de psychogénéalogie, dans les hospices de vieillards...

Je note Gretz Ohly... J’en parlerai à mon frère l’écrivain, il s’intéresse à Traven, dont je n’ai lu que Le trésor, il y a quelque 30 ans... Et j’ai fourgué tous mes Paraz, même le Gala... même le Bitru de chez Lattès (?), trop tard pour que je revienne à lui... Je ne lis plus guère, et le peu que je lis ne

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m’encourage guère : «Louis XVI lisait trop, a écrit Bainville, il a péri pour avoir trop lu» Maurice de la Fuye, Louis XVI, Denoël 1943, p. 43.

Chaque année aux alentours du 21 janvier je reviens à Louis XVI... Il y a 32 ans, j’avais choisi ce jour de guillotine pour me flanquer un coup de rasoir, c’est la fois où j’ai été le + près de la gloire immortelle de nos aïeux !... Dis donc y a un grand homme qui a fait le rapprochement Pétain-Rimbaud, m’a-t-on dit, dans le film de... Guédiguian [sur] François Mitterrand !! [...]

AmicalementO H L

18 février [2005]Cher Philippe,d’une première rapide lecture d’Etvdes [n° 3] je retiens qui me plaisent fort les pensées

choisies de Benavente, et la lettre de Baudouin du 9 janvier 2004... je te reparlerai bien sûr de la revue, mais j’attends un peu, je n’ai pas grand’ confiance en moi, je veux voir si mes idées changent...

Ca n’est pas que je n’ose pas te dire... c’est que je ne sais pas trop quel crédit m’accorder... et Michou ne croit pas que tu sois maso, pas du tout ! Seulement il a tendance à croire que les autres fonctionnent comme lui, qu’ils ont toujours à portée cet éventail de sincérités où choisir sans jamais trahir leur moi préféré du moment... Ah ! ah ! ça c’est mon dada, et j’aurais beau t’écrire des milliers de pages là-dessus, je ‘narriverais pas plus à m’expliquer, que tu n’arriverais à me convertir à la dive Réaction [je ne me souviens pas d’avoir essayé...] en me... etc.

Pour Benavente, ma chaude sympathie m’a l’air, heu, solide (ça m’emmerde d’employer durable, le mot devient de + en + laid). Dans la collection Prix Nobel de mon père il y a un Benavente, ces ouvrages contiennent une étude fouillée et une bibliographie idem, je vais rechercher le bouquin, le petit frère écrivain l’a sans doute chez lui.

Edmond Thomas de Bassac m’a envoyé récemment 2 pages de Guégan, tirées de Les Acharnistes n° 11, octobre 2004, qui m’ont inspiré les 2 pages ci-ci, là non plus, je ne m’embarquerai pas dans les commentaires, j’en aurais pour vingt-cinq ans, je continuerais donc au caveau tels les morts du 3e écrivain préféré d’Arribehaude qui parlent et parlent jusqu’à tant qu’ils ne puissent plus dire que Bobok ! – «bébé» en kirghize, si je ne m’abuse – la retombée en enfance et la corruption allant de pair...

D’Arribe n’a pas connu d’Ohl, mais il a connu d’Arcangues fils, le Prince mort il y a peut-être un mois, dont parle ma mère dans ses Souvenirs, elle parle aussi de son père (j’ignorais ce surnom «la folle du folklore»...) il aurait eu une fabrique de couronnes mortuaires au village basque de nos vacances !! Guy esthète alcoolique d’un raffinement de musée, deux trois fois je l’ai vu fascinant à la télévision... Bon. Restons-en là.

AmicalementMichou

Saint Guénolé [3 mars 2005]Eminentissime Philippe,n’oublie pas que toi aussi, tu es le plus grand... Ne serait-ce amusant de demander aux 2 ou

300 critiques littéraires français leur tiercé vainqueur, et de le publier ? Ensuite on sonderait les heureux élus. Et ainsi de suite. Pas très drôle, au fond, et même en surface. Une bien vieille triste histoire, si tu veux mon avis : de la pure connerie. Pure connerie ?! c’est vite dit, mon gars !... Enfin, ce qui me rassure, et même me réconforte, c’est qu’à Paris, dans le milieu même des libraires, des éditeurs, et des auteurs, personne n’a jamais entendu parler de moi, Jean-Pierre a réalisé la gaffe commise, il a mis la main sur sa bouche comme jadis gamin, mais la «révélation» était faite, on a bien mis 2 minutes à l’oublier et à rerire aux éclats du premier calembour venu, des mots-sthènes, disons, ou «Bois ta lettre!» L’histoire de coeur de Jacques d’A., je ne l’ai point négligée, au contraire (par pur égoïsme certainement, les maux des autres me... hmm... disons touchent). Le quartier Saint-Charles est agréable, et paisible, je le hante à chaque voyage à cause de l’Eglise Russe, mais pas n’ai-je réussi à rentrer en l’Eglise depuis 40 années, je ne désespère pas, pourtant... Merci du Caraco. Caraco... Nucera... Nice... hé-hé si Jacques d’A. avait connu Louis... Bon. Stop-là.

AmitiésMichel O H L’emmerdeur

11 avril [2005]Cher Philippe,je t’envoie les pages promises sur Benavente, «La vie et l’oeuvre de Jacinto Benavente» par

le Dr Luis Jaramillo, Rombaldi, collec. des Prix Nobel de Littérature, 1962. Le portrait est de Michel

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Cauvet. Dans cet ouvrage, 2 comédies, Les intérêts créés, belle pièce, si je puis dire, Molière après les passage du Revizor, et Roses d’automne, plutôt ch...t. 15 pages de biblio en fin de volume. Le pli était prêt depuis longtemps, mais j’ai dû prendre un bol d’air, et des vacances, pour une histoire de coeur, le viscère rassure-toi ! le siège des sentiments ne pose aucun problème, ils s’assoient dessus sans la moindre douleur, à propos, j’ai vu un joli titre dans un opuscule de l’Eden : Marie Trouducoeur (de Marcel E. Grancher).

Amitiés deMikhaïl Ivanovitch O H L

31 mai [2005], VisitationCher Philippe,je me demande si tu es fâché (peut-être je vieillis mal), ou malade, ou les deux, je te donne

lelivrepapa, c’est Schéol, c’est mieux ainsi, 200 ex., collec. A fonds perdus, c’est mon papa qui paye, encore, 15 ans après, tu es là, par le biais de ton écriture, et de la Lettre documentaire, amitiés

Mikhaïl Ivanovitch

11 juin [2005]Cher Philippe,j’ai vu défiler ton Journal documentaire à toute vitesse, mais j’espère que Nicolas, le Maître de

la Machine, me le fera lire vraiment un de ces quatre ou sept... lelivrepapa date de la période de «frénésie Clairefontaine», 2000-2001, je l’ai écrit après Autour des Souvenirs, sans beaucoup respirer entre, tu noteras : l’Autour – le livre-papa (en pâture au regard dévorant du lecteur) – ceci pour l’aspect fils de proie. J’avais presque oublié ce lelivrepapa, et puis j’ai eu cette idée de conjonction livresque papa/maman, attendons-nous à un petit boobook début 2006, si Dieu ne S’y oppose (hé bien !!) –

Mon cher je n’ai plus aucune certitude pour le livre que tient mon père... En 2001, je croyais dur comme fer que c’était un Masque, je VOYAIS le masque, et ses cornes, sur le dos de couverture, ça ne faisait pas pour moi l’ombre d’un doute... Aujourd’hui, je ne sais plus. La photo originale est à Bassac, il me faudrait la rééxaminer à la loupe. Mais, mince alors, les Masque des années 50 étaient recouverts de carton fort, qui se cornait difficilement... Enfin, cela me dictera plus tard, lorsque la frénésie me reprendra, Le Mystère du Masque 2 (parce qu’il y en a déjà un [de Maurice Renard]. Autre question capitale : Pinson-sur-Saule : j’ai imaginé ce nom pour le village d’une âme – où vivait mon père à mes yeux. Et je suis (re)parti de sa date de naissance. Pinson-sur-Saule dépendait donc d’un «centre postal» 13. J’ai gardé Bouches. Et pensé aussitôt à l’Averne, aux bouches de l’Enfer, au volcan de Lowry («para meterme en ellas», en espagnol dans le texte), au village d’Avernes où meurt Kessel au milieu de sa cigarette, mais il y a d’autres implications – perdues. Ton écriture (ta voix...) me semble au contraire bienvenue dans la légende familiale à la main. Mais, au fin fond du fin fond, je dirais comme Brassens (sacré portrait ringard comme les bières) : «je ne crois pas un mot de toutes ces (mes) histoires», et à Prague, si tu déniches un portrait-cartelette de Klima ou Hasek, que j’ai suivis en d’innombrables cafés (gare à la bière : elle est costaude...)

Amitiés deMikhaïl Ivanovitch

33 septembre [= 3 octobre 2005]Merci, cher Philippe, de la livrette aux cadrages subtils [Les croix du chemin]... On a beau

feindre d’être à couteaux tirés avec le gang apostolique, par fidélité aux maîtres anciens, on est plutôt du côté du chemin de croix que du raid du bull, si c’est pas trop mal dit. «Adieu la vigne / Adieu cerisiers / Qui restez dignes / Comme des fusillés / On vous emporte / La vie est morte / Adieu chemins et sentiers / A coups de pelle / A coups de marteau / Tombe la chapelle / En haut du coteau / Et sur la roche / Se meurt la cloche / En disant Gratias Deo / Voilà ma mie / Les grands bulldozers / Dans la prairie / Où plus rien n’est vert» Tu sais d’qui c’est, de Charles Trenet, depuis 4 ans et des poussières, en cendres dans son globe au cimetière. Je ne t’envoie pas de livre en retour, y en a pas, mais j’y pense ! c’est les Lots à la Landaise de la 8e station qui me le rappellent, t’ai-je donné la livrette du royaume des Ombres touchant le Livre des Morts Landais de 14/18 ? (Il y a dedans de beaux monuments.) Dis-le-me-le, si tu ne l’as je demande à ma collaborateure une autre copie. Je suis toujours l’Actu de très près, ce qui me permet de pousser parfois de petits cris, en silence bien sûr, je vais pas risquer la bagarre, «A l’assassin ! au secours ! / Noir Désir est de retour ! / A nous le trou temporel / Où fuir ce destin cruel !» J’ai l’impression que le quatrain faiblit vers la fin juste après le début, eh bé tant pis, j’ai au moins justifié le «33 septembre», à présent je peux m’en aller.

Amitiés de

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Mikhaïl Ivanovitch

31 décembre [2005, sur une feuille reproduisant le dessin de «La main qui écrit», avec les mots «Bonne année»]

Cher Philippe,évidemment que tu n’avais rien demandé aux gars du Dictionnaire [biographique des

Charentais]... la bonne blague ! et le champion de l’édition suicide Edmond Thomas non plus n’a rien demandé !...

Mais, après tout, demander quelque chose aurait pu relever de la provocation plaisantine, des gens aussi intègres que toi et moi l’auraient pu faire sans déchoir d’un nanomètre.

«que l’on a eu la grande indulgence de me consacrer» hé-hé ! oublierais-tu que tu parles au Champion de Modestie des Landes ? (j’ai battu Alain Juppé en finale : il méritait pourtant amplement de gagner.) La Modestie, tu sais, est une discipline très astreignante, ça ne s’apprend pas du jour au lendemain, je... (stop, la récré est finie, fin des âneries entre petits écoliers). Simenon a vécu en Charente assez longtemps, et en Vendée, avant et pendant la guerre, une dizaine de ses livres se passent dans la région, le docteur Malempin se souvient de son enfance dans un hameau à quelques lieues de Saint-Jean d’Angély. Simenon déguise le nom des villages, il a eu des procès avec des modèles de personnages, il fait gaffe, ses livres sont toujours tirés de la vie, la sienne, il r’ouvre sans arrêt l’armoire aux cadavres de la famille, comme il dit, de sa famille, les sombres affaires, les fous, les clochards, les ivrognes, ainsi, dans Malempin, si je me souviens bien, le monde fantastique de Liège transporté en Charente, «Simenon, ce chien» a dit Sartre, rien que ce mot m’aurait incité à le lire (Simenon). Je lis encore un petit, ainsi le Hongrois Sandor Marai, ses Mémoires, il a connu successivement la terreur nazie et stalinienne, à Budapest, il s’est tiré in extremis, il se demande laquelle a la palme de l’Atroce, les formes de torture changent, certes, mais... Enfin voilà. Ceci à cause de Pío Baroja, peut-être, mais, chez l’auteur des Confessions d’un bourgeois, nazisme au lieu de fascisme, et Sandor est parti aux Etats-Unis – où il s’est suicidé à... 89 ans. Si je veux l’imiter, faut jeter illico les cigarillos. Et l’instit’ s’en va, la cloche a sonné, fin des plaisanteries, pour aujourd’hui, on attend les choses sérieuses, le dessert, ça va finir par arriver.

AmitiésMikhaïl IvanovitchLa datcha de Mimizan, que tu connais, est en vente, sommes donc condamnés à La Villace

désormais.

18 janvier [2006] «Aujourd’hui, maman est morte depuis dix ans juste.» L’étranger à Bordeaux.Cher Philippe,j’ai lu ton blog (question du plouc landais : quel est le sens du mot blog ?) dimanche, d’une

traite. Quelques notes de lecture :Picasso me gonfle aussi : «on se moque de l’art, il dit «Picasso!», «Tablo!» je réponds en

écho, et l’on rit» Mer dans Poe, 10). Mais la Vie de Rancé fut pour moi une révélation (pas relu depuis 25 ans).

Aimé les cailloux que recrache la terre.Toujours eu un faible pour Louis XVI. Lu pas mal d’ouvrages sur lui. J’avais choisi pour la

tentative de suicide qui fut le plus près de réussir (1973) le jour anniversaire de sa mort. Mais je ris toujours de mes faibles : Journal de Louis Seizon : «21 juin. Rien. Eté.» N’oublions pas que «guère» signifie «beaucoup», et «rien» : «quelque chose». (Le Landais baron de Batz, qui a essayé de sauver Louis XVI sur le chemin de l’échafaud, s’est vu consacrer un livre de G. Lenotre – et un de Marina Grey – je ne les connais pas.)

29 août 2004. Deux moi, deux pesures.J’ai passé 15 jours au Pla d’Adet (environ 1995). En juillet. Du balcon (le même ?) le matin je

voyais des vaches. J’avais aménagé des caches de cigarettes à l’abri de rochers. la tenancière du café ne descendait à Saint-Lary qu’une fois l’an. Mon passé de montagnard, séjours solitaires à Cauterets, je ne quittais jamais le bourg : ski non, whisky.

Sainte horreur du mail fait art.La narchie – mon parti politique d’adolescent : Organisation Anarchiste Secrète > l’affiche

cachée dans la forêt d’Onesse (je n’ai pas beaucoup évolué).Cau, Dutourd, je leur préfère Jacques Perret, Marcel Aymé, Blondin – pour rester dans la

famille.«des heures où faire dérisette n’est pas facile» : bien joli

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(retour avril 2004 : «et combien de lettres a le mot trois ? combien dites ?... Cinq ! cinq vous dis-je... Et le mot cinq devrait avoir cinq lettres, non ? Eh bien, il en a quatre ! quatre ! comme sept, huit et neuf... C’est dément!» Traité de tous les noms 23)

17 juin 2005. «Toujours est-il qu’au cours de leurs disputes, Tesson introduisait un testament (rédigé sur un minuscule papier pelure) plié menu sous l’ongle de son index qu’il portait très long. Avec des mines espiègles, il agitait ce doigt devant tante Elise en bêtifiant : - Petit, petit, petit !... Comme les paysannes qui appellent leurs poules le soir. » extrait de Malempin retrouvé dans mes notes Simenon en souffrance depuis 10 ans. Dans les dernières années de sa vie, il n’a plus écrit, il a dicté ses réflexions et souvenirs au magnétophone. 1500 pages. «Je n’ai pour ainsi dire aucune curiosité littéraire. Dans un livre, ce qui me passionne, ce n’est pas ce que l’auteur a écrit, c’est la vie de l’auteur, et c’est pourquoi j’ai toujours dévoré les biographies et les recueils de correspondance.» (Des traces de pas). N’a lu de romans que dans sa jeunesse. Ne relisait jamais ses livres. (Pour le scénario d’un roman :) «Je l’ai fait relire par quelqu’un d’autre et je lui ai demandé de me le raconter dans les grandes lignes» (Un homme comme un autre). A dicté une belle Lettre à ma mère, après la mort de celle-ci. «Lors d’un de mes rares voyages à Liège, tu m’as regardé longuement, avec une attention soutenue, et tu as prononcé cette phrase que je n’ai pu oublier : - Comme c’est dommage, Georges, que c’est Christian qui soit mort.» (Christian, le frère, collaborateur, a pu fuir l’Europe à la Libération, grâce à Georges, lequel Georges a eu lui-même de sérieux ennuis à cette époque.) «Et Simenon, ce chien!» Sartre (Lettres au Castor). «Les mots, avec leur précision, vont toujours trop loin.» Simenon (Malempin).

Le troène débranché, bonnard !Conique ?... Misogynie... une des rares chansons de Georges qui ne me branchent guère...[indication de coquilles]Kafkaïen, surréalistes, à toutes sauces. J’aime Kafka mais plus encore Hasek et Klima : as-tu

trouvé trace là-bas de ces saints buveurs de bière et de gnôle ?J’aime, j’aime plus encore : façon de parler n’est-ce pas. Aimé-je encore quoi que ce soit ?Beau jeudi 8 septembre 2005 (...) je tombai du rêve. Brrrr.Merci du gentilhomme, j’ai oublié quel jour !Noté âme gourde. A ranger près de machinale, parmi les qualificatifs d’âme.Peut-être mon jour préféré, mardi 22 nov., Sonnet du chemin de croix.Lenotre : sa fille a écrit paraît-il un livre sur lui [oui : Notes et souvenirs, recueillis et présentés

par sa fille, Thérèse Lenotre, 1940]. Le voleur de Maigret et le voleur paresseux lit «un ouvrage de Lenotre sur un épisode de la Révolution ... relié d’une toile noire et lustrée qui faisait penser à une vieille soutane». Lenotre apparaît 2 ou 3 fois dans les derniers Céline – je ne les ai pas sous la main – il doit y avoir des notes dans la Pléiade. Auteur préféré, donc, dans Bagatelles, en compagnie de Morand, Aymé, Simenon... Lu qu’un volume de Correspondance de Céline était prévu (interview Antoine Gallimard). Céline demande à Gaston de lui envoyer des Lenotre, non ? Je m’arrête là.

AmicalementMikhaïl Ivanovitch O H Le pédant d’OnesseLa sainte droâte peut être aussi rasoir que la sainte gôche n’est-ce pas, ne l’oublions pas, ni

toi, ni moi, ni Jacques, ni etc... – Et le saint centre ?

25 janvier 2006Cher Philippe,voici les Rêves ... «consignés» en août et septembre 2001, entre les Souvenirs et lelivrepapa.

J’ai une sacrée veine d’avoir rencontré Edmond Thomas (et Ziegelmeyer...) 20 ans de fidélité. Plein Chant vaut Lattès. Et lorsqu’un de ses ouvrages marche un petit peu (= 1000 ex) (je pense aux Oiseaux de Vesaas), il se désespère. Reçu une carte de Frédé Roux (ce doit être la seconde depuis 1946) représentant l’Eglise d’Ascain (B.P.) (la carte date d’au moins 36 ans, si je ne me goure) dont l’horloge marque 15 h 30, et Roux écrit (je recopie tout) : «En 2006, il est 15 h 30 dans le Pays basque. Frédéric Roux» comme tu vois je suis voué au sibyllin, mais il s’agit ici de sibyllin amusant, si je puis dire... Je répondrais à Roux si j’avais son adresse : me la donnerais-tu ? (on dirait une réplique de drame : 1 alexandrin, et puis un hexamètre... nom d’un cul merdeux serais-je poète ?!) Je joins quelques publications de l’Eden. Quentin Vivier s’inspire d’Armand Vivier, un alias de Ziegel... J’ai découpé le Figaro du jour de ma naissance. – Sorin m’a défendu jadis, du temps de Lattès, aujourd’hui c’est une éminence de l’édition. Bourgadier, éditeur de L’Arpenteur, m’avait écrit une lettre admirable, refusant sèchement mon manuscrit il ajoutait en substance : Ne m’oubliez pas, la prochaine fois... Réservez-moi la primeur du nouveau manuscrit... Au dos, photocopie du n° de janvier des cahiers du Collège («les murs de ce collège sont les murs de mon coeur», comme dit Trenet, mais lorsque j’essaie de le faire, le mur, je suis rattrapé par la patrouille). Simenon, c’est une de Mes

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dictées, qu’il a publiées à la fin de sa vie. Il y a un mois, j’ai écrit à Libération, pour leur indiquer une source d’Hitler, Baudelaire et sa «conspiration pour exterminer la race juive», je n’ai pas le texte sous les yeux, pas d’écho bien sûr. Le Juif Héron tient du héron de Buffon (trouvé dans Littré). Cette couillonnade apparut dans Jour de Lettres, de Didier Periz, qui lui aussi m’a aidé, mais il a renoncé aux recueils qu’il voulait m’éditer, faute de parraineur, mais j’ai pris un agent littéraire, Jean-Pierre Ohl, et je risque de connaître la gloire, et, chamboulé, d’en tomber dans la rigole, et d’y mourir. Madame la libraire Josette qui te foudroie du regard ! Ca alors ! C’est comme si tu m’avais dit que son mari, avec qui je discute souvent de vélo années 50, préparait une thèse sur Merleau-Ponty ! Aurais-tu peur du bon vieux poujadisme ?? Et la bonne Josette te prendrait-elle pour un maoïste ??

Amitiés de Michou, le mauvais plaisantin, tartuffe de platine au festival «Mourir ou Mentir» d’Onesse.

27 janvier 2006.Cher Philippe,merci des renseignements, précisions et documents. Et le dessin me plaît fort. J’utiliserai

peut-être une photo de Marai pour un samizdat... «Puisque je voyage dans l’empire des morts, il convient que je baisse la voix. Si quelques-uns de ces défunts ont cessé d’exister pour moi, d’autres survivent encore dans mes gestes, dans la configuration de mon crâne, dans ma façon de fumer ou de faire l’amour ; j’ai souvent l’impression d’être mandaté par eux pour manger tel ou tel plat. Et les morts sont légion. Longtemps, on se sent seul parmi les hommes, jusqu’à ce qu’un jour, on débarque parmi ses propres morts.» (Les confessions d’un bourgeois, 1934). Je ne crois qu’à moitié au motif de suicide invoqué («attente insupportable dans l’exil») mais... qui sait ?... Pardon de ne pouvoir m’empêcher de sortir des plaisanteries douteuses et pas finaudes dans les lettres – et les livres aussi ! C’est d’un garnement mal vieilli... Puisque aujourd’hui on porte plainte dès qu’on a une manie (alcool, cigarette, jeu...) je devrais m’intenter un procès à moi-même pour dépendance à l’ironie vaseuse. Et puis ça me ferait de la publicité. A moins que je ne me refasse enfermer.

AmicalementMichka

7 février [2006].Cher Philippe,merci de ce que tu me dis des Rêves... Sensible suis-je à ce mot de «chamanisme»... Et puis,

ils t’ont été des rêves d’insomnie [...] J’avoue que la page sur Brassens [un article de journal ?] ne me plaît pas du tout ! Mais j’ajoute que jusqu’ici, je n’ai rien lu de vraiment digne de lui... Et je me suis farci une quantité de livres à son sujet... Ses amis sont chaleureux mais peut-être un peu trop sentimentaux, ou anecdotiques. Et les critiques oublient de subtiles influences, et lorsqu’ils les repèrent, ils sous-estiment l’alchimie du poète – trop souvent «tonton Georges» (me dicte le professeur Michou). C’est un de mes grands regrets de n’avoir su écrire sur lui. C’est trop tard, maintenant. Et je ne l’écoute même plus. (Tu as vu qu’il apparaît – que son nom apparaît – à la fin des Rêves... Suivent Gainsbourg et Trenet (par le biais de Guéthary !). Date des disparitions : 1981, 1991, 2001. 2011 est très très loin, mais reste-t-il quelqu’un qui ne déparerait pas la liste?) Nicolas m’a déniché (internet) le livre d’Albert Marchon, Le bachelier sans vergogne (1925), qui a inspiré la chanson. Je t’en parlerai après lu. Le coup de Jean le Bon, j’ai dû l’évoquer dans une histoire du côté de l’An Pinay – si je ne me goure le 5-12 sont morts Mozart et Alexandre Dumas (père). Ah, ce A de trop !... (Dondestalpico). Bueno ! Trêve de bavardages.

AmicalementMichelSi tu peux me réserver un paquet de fiches bristol 15 x 21...Tout gosse j’ai rencontré – le Vivier pelotari à Villefranque – le Vivier cycliste à Luchon

(1953 !) La carte, peut-être l’enverrai-je à Ziegel.

4 mars [2006]Bien reçu, mon cher, les précieuses pages touchant le 5 décembre !1933 Fin de la prohibition ! Mieux vaut sans doute que je n’apprenne qu’aujourd’hui cette

coïncidence ! 1792 Ouverture du procès Louis XVI. Ca m’avait échappé ! J’ai pourtant lu pas mal autour du

bon Louis... Le nom de son plus ardent défenseur m’a marqué : Romain de Sèze (de Bordeaux). Saint Sabas a disparu du calendrier.Goury de Kazan : ne serait-ce une coquille ? (Et : trouve-t-on un calendrier orthodoxe sur la

Machine ?)

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J’imagine qu’il existe des documents pour les 365 ou 6 jours de l’année ? Tu as dû repérer ce qui te concerne. J’ai égaré le jour de Ziegelmeyer – mais je crois que ces renseignements l’intéresseraient... (Pour certains, je confondais les dates de naissance et de mort, ça ne m’étonne pas de moi.)

Beaucoup lu Reymont jadis – son cycle des Paysans, et le beau livre sur le pèlerinage de Czestochowa (on dirait que j’en suis fier : «je me gonfle comme un boeuf».)

Au dos, une page abandonnée du projet Simenon – en suspens depuis 10 ans...L’«épigraphe introuvable» est la phrase que je n’ai jamais pu retrouver dans l’oeuvre

gigantesque : «Il vivait parce qu’il était né, et qu’il n’était pas encore mort» (ça n’est peut-être pas exactement ça).

AmicalementMichka O H L

24 avril [2006] Saint FidèleCher Philippe,je suis venu, plutôt en skeleton qu’en luge, te faire un aveu.Faire-Fairon : M. Fairon m’a demandé il y a un mois un texte/hommage pour ton jubilé (?), et

mes lèvres, adeptes de la «méthode qu’ouais», ont répondu oui au téléphone, mais non, à peine la communication coupée : non, pas d’hommage, je ne serai pas du florilège Fairon (tenu secret, n’est-ce pas ! Je ne t’ai pas écrit !), et sa lettre arrivée peu après, avec le «poème à Ohl» en prime, ne m’a pas fait changer d’avis. Quand je te recevrai à l’Acadéfraise, peut-être... On verra ! En attendant, amitiés de ton fidèle

Mikhaïl Ivanovitch

Saint Elisée [14 juin 2006]Cher Philippe,je ne vais pas me mettre à gloser ce Chalet sur le gave et la Neva, aujourd’hui il n’abrite plus

que les dossiers des malades, paraît-il, certains (dossiers) datent de la Seconde Guerre mondiale, m’a dit le docteur Lionel au téléphone l’autre jour, Michèle Kessel l’appelait Blessed Cabbage, il est toujours alcoologue, comme si l’alcool était une maladie !!! Georges le Magyar en avait marre, à la fin, de ce Chalet, il a laissé passer quelques fautes, omis de corriger des erreurs scientifiques, Michka répondait à ses questionnaires, de son bastion de Mouriroumentir, «Perçant la palissade de mes mensonges pieux / La mort viendra d’Onesse elle aura 2000 yeux», remplaçons Onesse par Orthez et 2000 par 20000. Atlantica a un catalogue myrobolan, rien de ce qui est humain ou non-humain ne lui est étrange, Nikolaï m’en a montré un morceau sur la Sainte Machine, le patron fait principalement dans l’immobilier, je l’ai eu 2 fois au téléphone, on a parlé de mon cousin Jol de Biarritz international de rugby, puis bistro ivrogne jusqu’à la coupe finale.

Amitiés de Miguel Dondestalpico

30 juin 2006, Saint Martial.L’affaire Fairon m’obsède, cher Philippe, je bats ma coulpe, sac et cendre ! ingrat et livreur de

secret je suis, voilà, mais... mais... outre la Fairon attitude, qui ne me charmait guère, il y eut ceci-là : j’étais persuadé que ce collectif hommageant, comme eût dit Bousmar, t’indisposerait, voilà pourquoi, après mon «oui» téléphonique des lèvres, je n’ai pas mis la moindre conviction en mon essai d’hommage... comme quoi, on a beau avoir travaillé sa psycho pendant dix ans, sur le tas et sur le tôt, ce qu’on apprend ou rien, c’est idem. Quand tu liras ma correspondance posthume, ou même, puisque nous serons tous sauvés (même Richard Bohringer), post-resurrectionem, tu verras que les hommages à Billé ne manquent pas, pour l’hommage public, ça c’est une autre histoire, faudrait que je me remisse à boire grave (mais c’est un de mes projets, mais j’ai intérêt à me dépêcher, si je ne veux être pris de vitesse par la Camarde).

Xavier Forneret, l’homme noir blanc de visage [figuré sur la livrette Mois sans tête, au dos de laquelle cette lettre est écrite], j’ai toujours eu penchant pour ce phrénétique naïf – cucu – incompréhensible – fulgurant. En 71 ou 72, j’ai fait le mur d’un HP pour aller à Beaune enquêter sur tonton Xavier – j’ai été rattrapé au premier bar.

Denis Mollat, à qui j’ai parlé une fois dans la vie, il y a 20 ans (mais nous correspondons, ou dîmes, j’y ai écrit 50 lettres, il m’en a écrit 3 – 50 à 3, score sans appel), m’a invité voici 4 ans à la cérémonie de remise de sa Légion d’Honneur, or je subis à ce moment-là une petite intervention. D’où les lettres/poèmes.

Olette, c’est du côté de Prades ! Je me souviens pourtant d’un nom très proche, un hameau du Pays basque traversé dans les sixties...

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J’ai perdu mes Polonais, mais l’auteur du récit d’évasion est peut-être Szymanski ? Sieroweski ? Dans Chalamov, les évadés s’en vont à 3, et l’un d’eux est la vache pour manger en route.

15 juillet [2006], Saint Donald, patron des couachoeurs des lendemains qui chantent faux.Cher Philippe,l’homme qui meurt de peur d’être pris au sérieux a pu lire ton blog, comme tu vois... en partie,

du moins, et un peu vite... Tu as mis le doigt dessus (l’une des plaies). Tu dis plus exactement «hantise que l’on puisse croire le moins du monde qu’il se prend au sérieux»... Hantise qui ne date pas d’hier. Elle remonte à la jeunesse. Elle s’accompagnait de hantises annexes : que l’on puisse croire que je me prenais pour un révolté, un poète, etc. Le monde s’en fiche et s’en fichait mais tu sais comme on est ! D’où l’exhibition de l’auto-dérision (devant qui, Seigneur ?!), comme tu le notes avec la petite nuance d’ironie billéenne («billéen» est pas terrible... que faudrait-il dire, hein ?... c’est comme «ohlique»... d’ailleurs peut-être les ironies sont parentes ? ou peut-être pas...). Et ce qui intensifiait l’obsession, c’est que j’éprouvais le besoin cucu de la souligner, d’en rajouter encore et encore, docteur (sûrement j’ai dû aussi le raconter à des médecins de l’âme en 1970, cela !... c’est désespérant, mon vieux ! c’est un plus vieux qui te le dit ! plus vieux de 10 ans, et pourtant né de la dernière pluie : cette nuit – je dormais dans le noir – et à présent il est, voyons voir : 5 h 20 au réveil Jaz). Et donc Georges Walter a eu bien raison de choisir Jean Fettrot parmi mes noms. Même Vermot ne voudrait pas de Jean Fettrot, mais il me semble que c’est mon nom le plus significatif (c’est moi qui souligne, moi, Jean Fettrot). Deux pages après «Jean Fettrot», Walter répond à ta question «qui payait ?», non ? page 15 : «Sécurité sociale ... démocratisation ... l’ouvrier peut déprimer» ... question pas du tout déplacée, mais Georges n’a pas jugé bon d’y consacrer de longues lignes d’explication ! Au point de vue formel ç’aurait détonné dans la ligne un tantinet poétique de son propos : et puis tout le monde a compris (sauf peut-être les personnes «étrangères à elles-mêmes» dont parle je crois Lionel Bénichou, et qui se cacheraient derrière leurs lits avec épouvante si des militants surréalistes se pointaient en hurlant le slogan «Ouvrez les asiles !» Je t’entends murmurer, 20 cm environ au-dessus de moi, Jean Fettrot : «Mais ils le sont déjà, ouverts... Kes kilnouconte, le vieux !» (punaise, le goujat ! il fait parler son pote sans y demander son avis, et d’une, il le fait parler comme un cochon, et de deux !) Parce que je vais aborder la question des sorties, des promenades «romantiques» dans les parcs de nos doux asiles... Georges Walter, je l’ai revu en 2001 ou 2002, ici même, pour la 3e et dernière fois, enfin, dernière... j’espère le revoir... (on dit ça pour pas passer pour un méchant sans coeur, et si on le pense vraiment, ça alors... tu m’as compris ! inutile de te faire un dessin : à propos, très fier fus-je d’être apparié à Ackerman en ton blog... c’est un frère d’âme, et ma «Tête reposée» préférée...) Avecque Georges on a évoqué les seventies à Orthez. Je l’y avais vu la première fois lors d’un pèlerinage. J’en ai effectué plusieurs, ce qui m’a permis de connaître la plupart des cafés de la ville. Aux frais de mes parents. Lesquels payaient aussi un supplément lorsque j’étais au Chalet. Peut-être pour l’alcool de la cure de dégoût. Ou pour un traitement imprévu. Genre coma provoqué à l’insuline. En 70, je n’ai pas souvenance d’une cure de dégoût de Michèle. Georges devait corriger l’ambiguïté de la page 27 (bière mâtinée de cognac, c’était bibi, non elle). J’ai vu apparaître Michèle au bout de 3, 4 jours. Les infirmières l’ont ramenée dans sa chambre parce qu’elle est tombée. Elle n’a pu venir au réfectoire qu’après une semaine. Pour parler, c’était difficile. Les neuroleptiques te font bafouiller. Enfin, on s’habitue. C’est vrai que l’on a ri, ou souri. Mais, j’ai forcé sur le côté loustic. Michèle ne sortait jamais en ville. Sa seule sortie fut la virée historique (p. 30). Elle était épuisée. Ces traitements te ratiboisent en moins de deux. Alors les «vacances pittoresques» dont parle Georges, j’ai trouvé cela vraiment raide. Walter en a convenu, il devait corriger, mais il a oublié. A 23 ans, ça va, tu es costaud. Consigné une semaine au Chalet, je me suis échappé en ville le 8e jour. Au retour, j’ai été bouclé dans la chambre, mais pas lié sur le lit (je n’ai connu cela qu’au Centre Abadie). On te passait la pitance par un guichet. Mon compagnon de chambre préférait rester sur son lit. C’était un électricien de Gan ou de Nay. Les ¾ des patients étaient des ouvriers, des artisans, Lysianne était vendeuse de magasin à Paris. Ils ne pouvaient payer de supplément. Comme bourgeois, il y avait 2 fils à papa, avec moi 3, Kessel devait payer une chambre individuelle à Michèle. Il y en avait 2 autres. Dans l’une, Mme Pluton-Hadès, qui était là depuis la fin de la guerre. Sa famille devait être riche. Elle ne sortait de sa chambre que pour les repas pris seule dans un coin face au mur. Son nom réel : Adès, peut-être. Elle allait en ville en taxi une fois par mois, le temps d’acheter des savonnettes qu’elle entassait dans une armoire. La «vieille dame» chaque soir en tenue de voyage ne sortait même pas dans la courette. Elle était là depuis des années. Les soins étaient probablement coûteux, pour tous, et 9 fois sur 10 inutiles. Jamais personne n’a su, ou voulu me dire à quoi servait l’électrochoc (sismothérapie...). Nous avions parmi nous des épileptiques. Eux, je pense, n’avaient pas besoin de convulsions provoquées par le courant électrique. Les sorties en ville autorisées, après 15 jours, si on

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avait été sages. 4 ou 5 «jeunes» bien embrumés allant tout doux pour éviter les faux pas. Au retour, examen de passage, et bouclage ou non. Les buvettes clandestines eurent bien lieu. Flasques de rhum ramenées par moi ou une «bonne âme» (est-ce que cela passait vraiment inaperçu ?). Ou alcool rectifié piqué au cagibi des infirmières. Totalement inconscient, je donnais de la gnôle à Michèle. C’était souvent catastrophique. 15 cures au Chalet, et elle n’offrirait guère de résistance au cancer qui la tuerait à 60 ans. Joseph Kessel n’a jamais été un buveur repenti. Il continuait de boire. Mais les spécialistes ne le considéraient pas comme alcoolique (la fameuse «liberté de ne pas boire»). Mais Michèle était parfois si insupportable qu’il l’amenait à Orthez. Il restait 2 jours chez Benichou et il repartait retrouver ses compagnons. Et j’ai tellement emmerdé mes parents, que parfois c’était intenable pour eux. A leur place, aurais-je eu leur patience d’ange ? Le fossoyeur de la Sécu tu l’as sous les yeux. C’en est indécent. Un type un peu digne aurait fait seppuku. Et lorsque je suis passé des établissements psychiatriques aux hôpitaux ordinaires, j’ai continué de creuser le trou de la Sécu. Des mois et des mois d’hôpital. Des opérations plus coûteuses, et de loin, que les traitements des maisons de santé mentale. Je n’ai jamais travaillé. J’ai par je ne sais quel miracle cessé d’avaler des neuroleptiques il y a 25 ans, mais bien vite j’ai dû prendre des médicaments pour le coeur, les artères, fuidifiants, anticoagulants, trinitrine, etc. et je continue. Le Hongrois Groddeck dit que si on refuse d’être malade, on reste sain. Et l’on peut même refuser la mort. J’ai dû mal m’y prendre au début. Tu parles de capital symbolique à propos de l’alcool. C’est vrai. Au fond, je n’ai guère parlé que de cet univers-là toute la vie. Pour moi, écrire n’est pas du tout un travail, c’est plutôt une frime, une satisfaction de l’amour-propre, une justification plus ou moins vaseuse du passage ici-bas. Et peut-être aussi, depuis les vrais malheurs, après les années psychiatriques (qui m’ont laissé de très bons souvenirs (même si des années entières ont passé à l’as)), une façon de conjurer la vraie hantise, non point celle de la mort, mais celle de la douleur, et plus précisément je pense, de la douleur de l’agonie, hantise qui relègue à des années-lumière (puis-je dire cela) la hantise rigolote que l’on puisse croire que je me prends au sérieux, hantise qui poursuit son office toutefois, sous forme de manie, de marotte, avant le gâtisme. Enfin, je ne suis pas mécontent d’avoir perdu 2 ou 3 millions d’anciens francs, probablement davantage, au cours de ma si jolie carrière littéraire. Pour la Sécu, j’ai dû lui coûter 100 fois plus, la Sécu, la république, le contribuable, Georges Walter a travaillé, lui, toute sa vie (à part 3 ans de calvaire dans les hôpitaux), et il continue, je dois être son assisté, comme Kessel était le juif russe de Béraud («Tous les juifs russes sont révolutionnaires sauf toi !» lui disait-il – cf Courrière). Je voulais en rester au florilège-samizdat à 15 exemplaires, mais cette idée de livre de Walter est un très beau témoignage d’amitié – même si ce Chalet... me fiche terriblement mal à l’aise et me pousse à écrire tout un flot de... de quoi ? d’âneries, d’insanités, de couillonnades, à l’homme d’un Blog obscurantiste et j’en oublie de te dire Chapeau bas ! pour la page sur Lenotre : celle que je préfère, et j’ai même obligé mon assistante de vie à repasser la page sur l’écran pour que je la savoure. Amicalement

O H LOhlette. Mais c’est bien sûr. Repéré sur la carte. Le fief de mon père. Tout proche Ascain. J’ai

dû y passer vingt fois gamin. Voir plan Ascain lelivrepapa. Et la photo de mon père fumant à 14 ans l’une de ses premières cigarettes. Photo éliminée du livre Atlantica. Tu dois avoir le samizdat. Bois du guif : le guif est ce réservoir où poireautent les âmes en puissance. Comme quoi mes exclamations ne sont pas toujours incongrues.

Porta clausa. L’oracle du poète de garde provient de l’un des livres amenés à Orthez 70 : Etes-vous fous? de Crevel. «Comme après les vendanges est chantée l’ivresse du dernier soleil et de la première cuvée, ainsi dans la pénombre glaciale voltigea un duvet de refrain : Février porte-fièvre. / Temps nouveau. Temps nouveau.» (p. 35). J’ai regardé mon Missel de la Nativité (imprimatur 7/11/1907) les «Litanies de la Sainte Vierge», et j’ai vu Rose mystique, Tour de David, Tour d’ivoire, Maison d’or, Arche d’alliance, Porte du ciel, mais pas Porte close, mais je n’ai pas le texte latin (il est vrai que je n’ai pas fait de latin).

Simenon. Peut-être les «Dictées» qu’il a enregistrées à la fin de sa vie, à 100 lieues du romanesque, te plairaient ? (3000 pages).

Bukowski. S’il n’a touché qu’un quart du prix des entrées, tout s’explique ? Vu moi aussi en direct à la téloche le fameux Apostrophes. Cavanna et le docteur Ferdière sont apparus à mes yeux sous un très mauvais jour ! Eprouvé beaucoup de compassion pour la traductrice du soûliloque de Buk !

Les souffrances du jeune ver de terre [expression de Suel] : 9/10.En regard du sidérant «il serait ridicule de mettre en avant que Duras ou Handke ennuient»,

ce mot de Klima (cf Florilège) : «L’ennuyeux en littérature est synonyme de nul» (inutile de préciser la pente de mon coeur).

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27 juillet [2006]L’homme qui jaunit à l’idée que l’on croie qu’il se prend sérieux lance sa tournée d’adieu. Le

nom de scène (L’homme qui jaunit etc.) est lourd à porter, mais l’artiste espère que le spectateur sera indulgent. (Je me demande si les affiches de la tournée des vieilles gloires des sixties, Richard Anthony, Michèle Torr, Jean-Jacques Debout, Leny Escudero, etc., ne l’auraient pas inspiré un petit?) Le tube de l’été ci-joint sera hurlé/haché en guise de performance sonore et une fois débarrassé de l’écot dû à la poësie contemporaine on passera à la vraie chanson des familles, «Une amitié aussi intime / C’était rarissime / Au lycée de Mont-d’-Marsan / Pur reflet d’Oreste et Pylade / Ou d’Anquetil et Darrigade / A Mont-d’-Marsan», par exemple, car (ce «car», et çui de la tournée d’adieu, me font penser à la défense du car, de Vincent Voiture, que j’ai relue l’aut’ jour chez Lagarde et Michard, mes critiques préférés (l’un d’eux, je ne sais plus lequel, fut le professeur d’Alain Juppé Normale supérieure ?, a-t-il dit un jour)) car Alain, l’ami revient, et il va vivre à ½ verste de l’homme qui jaunit..., un peu avant que le cours Marc-Nouaux rejoigne le boulevard Wilson, et ils se croiseront donc, fatalement, ou se doubleront, en allant au petit matin siffler un blanc secret en grillant un clope au bar-tabac des 3 Chalets en cachette de leurs femmes, Lise et Isabelle, Lise + Abel = Isabelle, je signerai donc

Abel, l’homme à l’aise en ses charentaises(les dernières lignes sont typiques de l’homme qui jaunit..., enfin je veux dire que j’essaie de

me moquer ici de sa manie débile de l’exhibitionnisme autodérisoire, qui n’est autre, comme chacun sait, et lui aussi, qu’une des formes les plus piteuses de la vanité.)

Juliette Juillet [31 juillet 2006]Hou mais notre Michka n’aurait-il quelque chose à se faire pardonner quelque part !? Je

trouve bien suspect cet afflux de courrier tout soudain. Il se sent coupable, m’est avis, le prétendu loustic. Faut lui rabattre le caquet, nom d’un jabiru touyou ! J’y ai dit d’arrêter les frais postaux, il m’a promis de se taire tout août, «ça me fera un entraînement pour le silence éternel» (sic), mais comment se fier au vieux galapiat ? C’est la question que je pose en achevant ce mot.

AmicalementMichel Jean Georges

26 août [2006], Sainte Natacha.Cher Philippe,je ne quitte Bordeaux la Villace, mais Lise part en vacances, pour elle et pour moi, une

semaine à Loctudy, chez son oncle Georges «l’Erudit», qui parle le russe et le breton, et se croit au temps des recteurs, de Brizeux, des Chouans, une semaine dans le Tarn chez sa soeur aînée, elle me ramène Intuition et raison, choix de sermons de saint Bonaventure traduits, présentés et annotés par ladite soeur Annie et son époux Bernard Verten, Editions Grégoriennes, 2006. Feuilletant je tombe (en douceur n’aie crainte) sur Ezéchiel – les portes par lesquelles les cités de la vie terrestre passent dans la cité de la patrie céleste, 4 portes triples, si je ne me goure, pureté, chasteté, décence, pour la porte du sud... Oh ! Seigneur ! je reste catholique, nulle autorité sainte ne m’a excommunié, l’Eglise m’a marqué à jamais, et mes ridiculissimes blasphèmes n’ont de sens que pour cela : je reste catholique – même si je ne crois plus en Vous/Toi et que je préfère aux catholiques les orthodoxes et les cathares.

Je connais saint Benoît Labre, non mais! Et Suel! le poème en question! et l’oeuvre de Suel! A propos de Lucien Suel, j’ai pu voir, parcourant un livre de Hervé Le Tellier, un bel éloge de lui, mieux écrit que ces lignes miennes. Je t’envoie un document exceptionnel. Le lien avec Le Tellier est Le Castor Astral. Sous le nom de mon fils et de ma compagne de vie, j’ai soumis le recueil dont Didier Periz ne voulait plus, il y a un an, à une dizaine d’éditeurs, rêvant d’une belle mystification (à la réflexion, le choix de ce pseudo est ambigu, peut-être pervers...) Dix refus dont çui de Tillinac. J’ai alors filé ce recueil (le titre est de Toulet) à Jean-Pierre (Ohl) qui l’a proposé au Castor, qui l’a accepté (il y a 8 mois), a confirmé son acceptation (auprès de JP), mais ne m’a encore rien dit, comme s’il s’agissait d’un manuscrit posthume.

Replet-réplétion. Lorsque je t’ai connu, je pesais 20 Kg et des (sacs de) poussières de + qu’hui. J’avais un joli ventroquet, et de très bonnes joues. Comme en témoignent quelques photos. Je pense à celle où je suis avec ton fils. 14 ans (c’est plutôt 12 ans ½ - 13 ans) : je bouffais comme un cochon. On m’appelait R.Q.D.B. (Rien Que Du Boeuf). Je voulais me faire pilier de rugby, comme je te l’ai déjà dit. Et puis voilà que se pointent les muses, Erato, Polymnie, Calliope, Terpsichore, au moment même où je vois qu’au rugby je suis nul (quelle coïncidence !!), mais... le hic... les muses m’emm... et pour faire semblant d’aimer la poësie, faut se rincer la dalle (ainsi ne renié-je pas complètement le rugbyman > 3e mi-temps...) Voilà ma version de l’Histoire du Monde d’aujourd’hui...

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Dom. Noguès : après 2 ans douloureux et inquiétants, le virus semble neutralisé par le traitement (interféron ?), je le vois de loin en loin. M’a l’air ces temps-ci assez en forme.

Mon cher, Lise (décidément c’est mon ange gardie et messager – elle m’emmerde à la fin) a déniché à la BM le Répertoire des peintres et sculpteurs du Pays basque de Gilbert Desport, Atlantica 2005 (2e edition, remise à jour). Je détache pour toi la note touchant Dagrant. Explications sur Ziko. Il y a 5 ans Desport (né le 5 décembre 1932, selon sa propre notice) m’a contacté au sujet de tonton Miki (dont tu connais certains tableaux). J’y ai répondu... Silence de sa part. Je croyais qu’il m’avait oublié : hé bé non !! Il y a une dizaine de verriers dans le Desport (mais ce pavé est on ne peut plus indigeste).

Benichou : j’ai pu voir son commentaire, et celui d’«Une Prévilienne». Il me faudrait à mon tour 10 pages de commentaires. Trop tard. Inutile. Vain. Oiseux. L’addictologie est une discipline vraiment ennuyeuse. La pluie à côté c’est des larmes de rire. Que ne va-t-elle investir ? Pauvres accro-battes forcés de se munir de leurs bâtons à chaque sortie pour cogner sur les passants. Qui parfois passent vraiment, mais ils font ça par force les intoxiqués de la batte. Pour les ivrognes (je préfère ce mot, ce sont des frères et je les ai trahis) à ma connaissance aucune plainte n’a encore été déposée contre la Société Ricard. Entre Benichou et moi, il y a un malentendu profond. Le mot ne va peut-être pas. On ne parle pas de la même chose, du même endroit. La seule fois où nous nous sommes revus depuis 82, c’était encore et toujours le maître docteur et l’élève patient. Mais, c’est un homme charmant. Je ne vais pas lui raconter aujourd’hui qu’il a basé sa cause, sa vie, sur rien. Il pourrait me retourner le compliment. On aurait raison tous les deux. Alors, par lettres, tout baigne. Et peut-être, au niveau le moins inhumain, la vérité amicale est dans nos lettres. Je dis des conneries. J’écris comme un cochon. Comme R.Q.D.B. dévorait. J’arrête là. Je joins une page où apparaissent quelques animaux familiers de Brassens.

Amitiés.Michka O

30 septembre 2006.Cher Philippe,je n’ai plus le Desport, Lise l’a rapporté à la BM, mais il y a bien d’autres verriers, et les frères

Mauméjean y sont, si mes souvenirs sont bons.Mes alexandrins : 2 choses de rien du tout à la relecture : artère Judaïque, et l’alinéa pour Et

vendredi. Pas de quoi piquer la rogne de l’auteur blessé ! Si j’ai copié ces lettres avant de les envoyer à doc Denis (ces deux seules sur cinquante au moins – lui, m’en a envoyé 4, ce qui n’est pas mal, déjà ! dont le certif médical qui prolonge l’autre, et qu’il a rédigé, à ma demande, pour que je puisse justifier mon absence chez lui le jour de la causerie du petit frère Jean-Pierre) c’est sûrement que j’en étais fier !

Sans coquetterie ni affectation je te dirai que la lecture sur écran, hé bé j’aime pas des masses... C’est le vieux marathonien de lisure qui n’arrive pas à s’y faire ! Nicolas nous a installé son vieil engin très fatigué, mais c’est pareil lorsque j’ai l’occasion de consulter le sien (c’est Nicolas qui a fait avecque moi ce site à la gomme il y a 5 ou 6 ans, et un autre jour plus récent, on a écrit des commentaires sur un autre site, des couillonnades que j’ai retrouvées dans un lien tien, si j’ose dire, «La foire à tout» me semble-t-il), pas répulsion, mais pas loin parfois.

J’ai pensé à un hit parade Brassens... Nous nous rejoignons sur quelques chansons, 1/3 environ de ton choix. Peu attiré par les vitraux ou les oiseaux, je suis intéressé nonobstant par tes notes. Et malgré mon corazón de roc – je suis plus RAZON que COeuR, au fond, et, pleuré-je, lorsque ce n’est pas de douleur (physique...), c’est sur mon insensiblité, je vibre quand tu parles de tes disparus, de ta mère (la pierre peut vibrer, aussi)... Des pages me font rire, des critiques me plaisent fort (Lenotre), faudrait que je relusse, mais, comment dire, le lu sur écran, machine oblige, reste un peu – machinal. J’y reviendrai, s’Il le veut...

Internautilus, interne-hôte : les 2 composés veulent dire chacun 2 choses opposées... Vive Clairefontaine (où la maniaquerie prend d’autres formes, qui m’apparaissent moins étrangères, ou étranges...) Tiens : «Mai 2002» pas très loin de «Mai de mes deux».

Je t’envoie mon Autobio (graphie) (après le Car, l’Auto – pour le Vélo, Jean Bobet a écrit voici 30 ans au moins une Vélobiographie de son frère Louison, pour le Train et la Marche, nous verrons. Je n’ai jamais pris le Tram, dont j’ai peur, à tête et queue interchangeables : Tramphisbène, un sournois dévoreur) et 2 textes de Juppé (Odalot est son pseudo), je trouve plutôt bonnard qu’à cet âge (il est du 15 août 45) on puisse écrire un tel papier sur le Voyage (Je n’ai pas de double, je le récupèrerai un jour...)

Le recueil (Pauvre cerveau qu’il faut bercer) doit paraître au Castor et je culpabilise, ou quasiment, alors qu’à l’époque Lattès, tout me semblait normal !

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Amicalement !Michel O H L

4 octobre 2006, [sur des corrections de détail. A un moment Michel cite l’apologie du Car par Voiture :] «je ne sais pour quel intérêt ils tâchent d’ôter à car ce qui lui appartient, pour le donner à pour ce que, ni pourquoi ils veulent dire avec trois mots ce qu’ils peuvent dire avec trois lettres» (Lettre 53).

10 octobre 2006.Cher Philippe,Norev (Nevro) m’avait échappé, Sheila Chalot aussi... Les Norev étaient en plastique, trop

légères pour gagner nos courses... «car on» me va ! restons-en à «car on». Il n’est pas mauvais que ce vers soit très mirliton – et puis, tu as raison, ça fait comme qui dirait les pieds au nocher funèbre ! j’avais pensé au pseudonyme de John Mirliton...)

Tabac : je ne devrais pas en reparler... je ressasse cette obsession à n’en plus finir. Mes derniers bookins en sont pleins. Ca doit faire ch... le monde (6 hab/lecteurs). Je suis au pied du mur depuis 20 ans. Depuis le jour où une crise cardiaque m’a expédié à Saint-André. Diagnostic : angine de poitrine (spasmes de la coronaire). Que je soigne aux médicaments Trinitrine tjrs en poche. Crises espacées. Dans la foulée, en 87, 1ère angioplastie. Mais je n’ai pas eu la trouille, alors. Sans doute à cause de l’alcool, excellent anxiolytique. J’ai eu une peur bleue en 89 et 90. Mais j’ai recommencé à fumer à la première occase. Et la trouille n’a jamais disparu. Encore 5 (ou 6) angioplasties, la peur bleue est à demeure. Et la dose de cigarettes (aujourd’hui cigarillos) augmente, bien que la perspective d’une nouvelle partie de billard me terrorise. Peur à chaque piccolini qu’un stent ne défaille et que je me retrouve gaga, ou paralysé. Alors, pour moi, comme pour d’innombrables fumeurs, qui souvent ont subi de bien pires épreuves, la trouille ne rend pas moins furieusement bête. Et à présent, une nouvelle rigolote ! Ca me fait les pieds. Que je t’explique. J’avais envisagé une sorte de séance pour mes 60 ans. Cérémonie de Raccrochage de la Lyre. Et de Prise de Retraite. Pour couronner le tout, Jean-Pierre me donne le Prix «Pas Vu Pas Pris» réservé aux auteurs qui, en 30 ans au moins de carrière, n’ont jamais eu un seul prix ! Et je viens d’écoper de La Plume d’Or de Phébus, de la ville d’Orthez. C’est pas des blagues, la preuve : c’est sur Internet. Remise de la POP ce vendredi 13. Je me défile, naturellement, c’est mon comprimé (si j’ose dire cette atrocité) qui sera de corvée – et il est déjà en grand’rogne à la suite du rédigé grotesque du programme de la manifestation. Et voilà ! Une nouvelle honte à cacher au fond de la satanière ! J’ai été une nouvelle fois beaucoup trop bavard. J’ai pourtant repris La Bruyère, et ça devrait rabattre un peu le caquet des frimeurs dans mon genre.

AmicalementO H L’homme qui meurt de peur que l’on croie qu’il se croitJ’oublie : Pour la citation, je pense à ceci (écrit pour la plaquette des cent ans de Mollat, sous

le titre «Mollat blues») : «L’amour ça érode, ça daille, décochons-y deux trois traits de notre fléchier mystico-narquois et quittons-le pour Dieu et les Belles-Lettres. Dieu, au moins, Il ne vous accable pas de Ses soucis de soutien-gorge et de bigoudis. Inutile d’Y tenir la main dans la rue le dimanche et les Lettres, oh maman l’aimable refuge !» Mais je ne suis pas du tout sûr que ce soit ce que tu cherches [si, je cherchais exactement à retrouver les 7 derniers mots de cette citation].

Repatch : j’ai peut-être loupé ma chance, parce que, à cause justement des problèmes cardiaques, je n’ai pu me coller que le patch le plus faiblement dosé.

Lorsque, il y a 3, 4ans, je voyais une tabacologue, elle m’a raconté le premier suicide aux patches : un désespéré s’en était littéralement tapissé avant de se mettre à fumer à grandes bouffées. Ca s’est passé à Bayonne. Stop.

26 octobre [2006].Cher Philippe,c’est Georges Walter qui était à Orthez à ma place. Je redoutais la catastrophe (C2H5OHL) :

j’y suis pas été. Georges s’est occupé de ce Chalet... du diable tout seul. Courtois comme il est, il a attendu d’être dans le train du retour pour se débarrasser de la Plume «très laide et encombrante». J’espérais recevoir ma Plume par la Poste, afin de faire des photos, pour un projet canularesque : «Les Aventures de Plume d’Or» - mais ça m’a l’air râpé. Ca dis donc ! la dissertation de Juppé publiée! [dans le Bulletin célinien, par mon entremise] ça m’épate ! Je trouve ça plutôt bonnard ! (C’est bibi qui avais fait publier dans le Canard Enchaîné le poème de ce même Grelot où Alain se voyait seul au gouvernail d’un vaisseau ! – paru voici 10 ans.) Pas de souci (expression très «in»...) pour l’attribution à Phil Bil’ ! Mais ne manque pas de m’envoyer le Bulletin ! Dans la bibliothèque de mon papa, il y avait quelques livres publiés chez Conard, éditeur prestigieux d’il y a un siècle ( ?).

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Précisions sur internet, probable, mais je délaisse de + en + la Sainte Machine, je songe à la larguer. Comptes-tu toujours tirer le Blog Obs’ sur papier pour les moyenâgeux ? Dans ma petite mythologie – le mot ne va mais tant pis – Xavier devance tjrs son frangin Joseph, très largement. Voilà au moins une constante dans mon esprit de girouette affolée. Je t’envoie «Attila Express». J’ai découvert Joszéf Attila récemment. Grâce à Walter Georges. J’ai signé Öl parce que en hongrois ça veut dire à la fois «il tue» et «giron», «retour dans le sein», si je me rappelle bien la notice. La prochaine fois je viendrai à vélo. Ca sera moins macabre. Ca rime avec rigolo. Mais j’y pense : Louis Nucera... Alors, ça sera peut-être pas si drôle que ça. Mais je compte revenir au vrai calligramme. Pour le tabac : aucun espoir pour Michou. Si j’ai un autre cancer, ou une horreur dans ce genre, je ne pourrai supporter le charcutage, je suiciderai (qu’il dit, le mec).

AmitiésO H L

[2 novembre 2006]On se lève à la même heure, mon cher, 4 heures, tjrs je fus du tout tout petit matin, même

avant la Révolution, pendant l’Ancien Régime, période grise...«Attila Express» : doc Mollat se l’approprie ! L’autre jour il me demande 1500 signes pour le

dossier Hongrie de son site. J’y envoie le train de la mort : il est preneur. Tout cela se passe par lettres traditionnelles, naturellement.

Pour le tirage de ton blog : Nicolas le fera – et puis, à dosettes infimes, j’arrive à lire, avec un peu de décalage... (Découvert hier le cigare de Lapinos planté dans le bec des fumeurs repentis de frais : très bien vu ! Mais il aurait pu ajouter aux emmerdeurs les fumeurs qui continuent, et qui parlent, qui parlent > Ohl et Billé... C’est vrai que la France entière parle tabac. Pauvre papa. Obscurant : celui qui est opposé aux progrès des lumières et de la civilisation, est pas mal, dans Littré, où je lis también Télé : «Nom, dans le Pas-de-Calais, de vases plats en terre où l’on dépose le lait», Les primes d’honneur, Paris, 1869, p. 74.

Amic.O H LAsséo a commis un horrible livre sur Kessel. Son Nucera doit être une bien piètre chose.

Samedi [2 décembre 2006]J’ai chopé un zona oculaire qui a fait de mon joli visage une face d’épouvante, et je suis

«galopé de fièvre» comme disait Zola, aussi ne t’écrirai-je la longue lettre-glose prévue. Mais tu es assez malin pour faire la part des choses. J’ajoute (blogomachie) Littré : R = 800, R = 80. «Devant que bien l’on cognoisse un amy, / Manger convient muy de sel avec luy» Le Roux de Lincy (Littré). Muid peut être minot de sel (ce qui n’est pas du tout le même volume. Mange (Je ne ... plus). Comme on dit à mots bas : «Il boit !» (de l’alcool) bientôt on dira «Il mange !» (du gras). C’est ta façon de parler aux ouvriers qui m’a fait entrevoir ce nouvel emploi. (Simenon dit qu’en Amérique parfois on fiche un cigare entre les lèvres du corps embaumé «pour faire plus vivant».) J’attends un livre à t’envoyer, Pauvre cerveau qu’il faut bercer. Tu sais que tu es tjrs parmi les premiers servis. Le Chalet, j’en ai eu 20 / 2 = 10. Otés les 4 frères / filston / bobonne : reste 6. Ne bondis pas trop haut de joie, tu risques de t’enfoncer le crâne, mais tu es donc parmi les 6 premiers hors famille. Ducourtioux à Orthez ! [le mot est écrit au verso d’une enveloppe reçue par Michel, au recto de laquelle est imprimée une vue d’Orthez par Ducourtioux.] Amicalement

Michelu

12 décembre [2006].Cher Philippe,reçu mes exemplaires manquants ce matin, en voici un. Je pourrais ajouter une flopée de

commentaires. Serait-ce vraiment utile ? Quelques uns, peut-être, plus tard. Parce qu’en ce moment, Zona me tient encore. Sauf que la fièvre plus ne me galope. Ce serait plutôt l’ennui. «Il n’est rien que nous ne fassions / Pour éviter l’ennui qui nous galope» Dorat. Nicolas m’a suggéré de porter pour sortir une moitié de voile islamique. La moitié droite – mique (Miquéu en gasconno-allahique). Sur cette finesse je m’en vais (te quitter). Amicalement.

MichouPour «Attaque au hachoir» (je crois que c’est le titre que j’avais donné, j’ai gardé le texte seul,

sans les notes), si jamais tu veux t’en servir, nihil obstat [cf Ld 375]. Quoique : tu pourrais mettre «héros africain» au lieu de «héros tutsi». Pour les notes, bien sûr, ne pas parler d’Eimer. (J’avais écrit à la mairie de Biarritz à propos de M. Forgiarini, mais ils n’ont rien pu me fournir, il leur aurait fallu la date de son décès. Me reste une photo de lui...)

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19 décembre [2006] Saint Urbain.Cher Philippe,t’épargnant le calembour sur le saint du jour, je te dis tout de suite que ta page sur Pauvre

cerveau... m’a, disons cela sans pathos : touché. Pas de commentaires de ma part, sinon sur des points précis, que tu soulèves, ou évoques. Il y a des fragments de Lettres documentaires, et aussi de lettres personnelles, en t’écrivant je notais sur ma manche (façon de parler) les trucs qui me venaient. Les 2 citations de la fin ont 30 ans d’écart. La 1ère («Je n’ai jamais vécu...») vient de Sonica, la 2e ... eh bien sans doute de l’un des livres écrits à la main courante récemment (des plongées dans le passé, souvent familial, où les trouvailles étaient prises au passage, comme elles venaient). Avant de te connaître, j’ai été un peu le gugusse de 3e mi-temps, et certains copains, cela peut sembler bizarre aujourd’hui ! se fendaient la gueule rien qu’en me voyant, alors je disais «gugu», c’était l’éclat de rire ! Rien d’ésotérique ! Jean-Pierre se souvient bien de cette époque lointaine... Les autres témoins ne sont plus là, pour la plupart... (Curiosité ? cela fait plus de 50 ans que je n’ai pas mis les pieds au cirque, mais j’aime les clowns, dans ma caboche (> G. des Cars, tu vois que je te lis, tout de même) – je viens de lire l’autobiographie d’un clown gai : Grock, qui m’a enchanté.) Jadis non plus, je crois, je n’écrivais pas mes historiettes pour y sertir mes trouvailles, mais il est vrai de nombreux paragraphes, ou phrases, ont été écrits en fonction d’elles. La moitié des «miettes» viennent de livres publiés, ¼ de cahiers en souffrance, d’articles, d’opuscules à 10 ou 20 ex., ¼ ont été ajoutées pour faire nombre : 415, si je ne me goure, car j’ai dû ajouter 2 lignes, au moment des épreuves, pour une question de mise en pages. Ce sont celles de M le maudit, le seul film que j’ai vu en entier (à la téloche) depuis Au-dessous du volcan* (*genre navet) en 1985 ou 6. Blogomachie : je voulais te parler de plusieurs choses. J’en ai oublié pas mal. Je me souviens au moins de l’emploi des majuscules. J’ai été très marqué par Transatlantique (roman ? je ne sais pas : les livres qui me plaisent perdent leur genre ! (hé bé !)) où Gombrowicz emploie la majuscule en dehors de toute règle, selon son «inspiration poétique» - disons – (en parler à l’autre Witold, mais : que devient-il ?) et par référence aux Polonais du XVIIe : «Je n’invite quiconque à partager des miennes Nouilles vétustes, ce Radis Noir ... brouet Maigre ... et qui plus est Honteux.» J’ai tenté dans L’An Pinay de procéder de même, surtout dans l’histoire scato du Ch...r fou. «Je m’étais réveillé en Pleurs ... j’avais découvert un Trésor» etc. Bon. Je vais m’arrêter. J’écris des deux yeux mais le zona me travaille encore. Je vais essayer de me rappeler d’autres points de blogomachie.

Et j’ai pris ma famille en dégoût. Et je l’ai maudite. Et ma famille m’a dit : «Va-t’en !» Et j’ai dit : «Famille, je vais où ?» Et ma famille m’a dit : «Reste, va !» Et je suis resté.

Ca, mon cher, c’est un petit peu autobiographique. Un petit peu...J’ai cherché une anagramme d’André Gide – pour signer. Rien trouvé de bon.AmicalementMichkadorDernière note à propos du Cerveau : voulant le publier sous le nom de Nicolas Le Lay, j’en ai

banni Ohl (moi qui fous ce nom mien à toutes sauces) d’où diverses modifications. P. 13 : «Ohl est mort» > «Il est mort». P. 30 : «Ici-gît Michel Ohl d’Onesse.» Il reste cependant un «Micheloir» quelque part.

23 décembre [2006]Cher Philippe,j’ai vu les points sensibles de «l’Attaque au hachoir» et tu as raison sur tous – je relirai

l’histoire de près un de ces prochains jours par acquit de conscience. Les notes donnent un petit cachet domestique bien sympathique ! Peut-être Cantat se verra-t-il dans cette page, il est en vacances de Noël, avec Rady Kriztina si ça se trouve, à Bordeaux qui sait ? – Lorsque les premières douleurs du zona sont apparues, j’ai cru que le stent de la carotide se déglinguait définitivement, et le visage se gonflant à vue d’oeil, que c’était la «fin des haricots gris» (c’est dans l’une des délectables parodies de Georgius : «Triste lundi» < «Sombre dimanche»), que j’allais clamecer avant la nuit, aussi étais-je joice en apprenant ce que j’avais... Et si je ne cours pas chez le sorcier (car je crois à ses pouvoirs, si je ne crois pas en Dieu – du moins je ne crois pas...), c’est que cette maladie à beaucoup diminué ma consommation d’herbe catherinaire (le tabac a été dédié à Cath’ de Médicis, me dit ce je-sais-tout de Prof), et que début janvier je saurai si j’ai droit à une 7 ou 8e angioplastie. Toulet, tu aimerais peut-être les Lettres à soi-même, les notes de voyage – ou peut-être pas ! L’histoire du pipi accroupi, j’y ai pensé, et puis j’ai (re)trouvé cette idée dans Boudard. Cela, et d’autres retrouvailles, tout au long de ma carrière sportive, m’ont dicté mon avertissement, pendant du «Toute ressemblance avec des personnes...» du romancier. Dans ce Pauvre cerveau...-là, je demande en quelque sorte à frère lecteur de mettre un peu du sien, ça fait tendance, mon cher, ça fait moderne (et pas chiquito),

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alors, Sade et Kant, à toi de voir, laisse agir encore, la solution t’apparaîtra peut-être bientôt ! – En vérité je te le dis, tous ces «mots» à la gugu, genre mastaraglu, ont pour Bibi Lolo un sens qui les attire du côté de la Mort, et, n’est-ce pas, je ne parle vraiment que d’elle, et de la trouille (foire, caca) de la Fossoyeuse et de l’Agonie, c’est le seul sujet qui (m’)importe, les blagues non funèbres, ou funèbres du pro (pro mon oeil), c’est la stratégie défensive, pour survivre encore un peu (encore 5 minutes, 5 jours, oh ! et puis 5 ans, té ! M. le Bourreau...) A propos de bourreau, j’ai pensé, en lisant La Bruyère : «Il reste encore Bronte le questionnaire (bourreau) : le peuple ne parle que de sa force et de son adresse ; c’est un jeune homme qui a les épaules larges et la taille ramassée, un nègre d’ailleurs, un homme noir» (on a en prime une définition fort belle, dans sa simplicité, du nègre) (Des Femmes) – j’ai pensé à une nouvelle forme de questionnaire de Proust, qui s’adapterait à chacun, questionnaire de Cantat, de Ohl, de Billé, les questions qui dérangent, ou sont censées déranger, pas torturer, quand même, on n’est pas si sauvages ! les intéressés. Le questionnaire pourrait être un ami (on sait ce que c’est que «l’amitié... authentique»), un ennemi (il serait peut-être moins vache, l’ennemi, pour montrer sa grandeur d’âme...), l’intéressé soi-même. (Mais ceci me rappelle ce que dit Brassens à Nucera dans Délit d’amitié : «Si je fais un peu d’introspection, je me trouve tous les défauts, tous les vices, et en même temps toutes les qualités, du reste. D’ailleurs, il y a très longtemps que je ne me livre plus à ce jeu.») Pas besoin de patch pour arrêter d’écrire. Regarde moi. J’ai arrêté il y a 10 ans, sans effort, comme qui rigole. Jadis, je n’y arrivais pas, car j’accordais trop d’importance à l’écrire. Cesser d’écrire hou là là mais c’est grave, ça ! Ca engage tout l’être. Y a des gars, à l’époque (je sortais beaucoup, cherchant à éviter tout lieu à culture, mais, soûl, on fait plus gaffe), qui me demandaient : «Alors, couillon (couillon sous-entendu), t’écris toujours ?» «Oui, tiens, ce matin encore, à ma grand’mère, pour lui demander un peu d’argent.» D’autres : «Alors ?» (et le geste de la main qui écrit, que je feignais de prendre pour une esquisse de masturbin). «Eh ouais, mec ! je m’entraîne ! je me marie bientôt». Et un jour, le déclic : écrire, pas écrire, c’est kif-kif bourricot. Ca n’a aucune espèce d’importance. Et voilà comment j’ai arrêté d’écrire. Si ça marche pas, tu as la méthode (terre labourée). Bon. Trêve d’âneries. Bonnes fêtes à toi aussi.

Miguelito [...]

2 janvier [2007]Cher Philippe,l’«Attaque au hachoir» avait inspiré à Jean Eimer une «carte postale», fabriquée sur sa

machine, et je lui en ai demandé un double pour toi, reçu ce matin. Il a déjà fait plusieurs montages, pour m’aider (Parti Sans Retour entre autres), je t’enverrai bientôt j’espère une histoire d’ombres indochinoises, il a joliment agencé des photos de famille de Saïgon 1934.

AmicalementMiquéu

10 janvier [2007] Saint Guillaume.Cher Philippe,trois d’un coup (livres de Michel Ohl) !!! foutre tombe !!! ça me rappelle ce tavernier de la rue

Abbé-de-l’Epée qui m’offrait une bière toutes les 3 bières, du côté de 1975, je devrais offrir un livre à Laurent, mais de qui ? – mon petit doigt, tous ses confrères, et le restant de mon corps, sans parler de mon âme et de mon esprit, me disent qu’il n’aime pas les livres de Michel Ohl – il les a achetés je sais pourquoi : parce que son mentor en a parlé dans son blog, avec plus ou moins de faveur – je sais donc lesquels il a achetés, et je sais donc quel auteur je lui pourrais offrir... Pour l’heure, j’hésite entre plusieurs... Et pour ton oeuvre, la librairie Georges bat la Mollat, la dernière fois que j’y fus il y avait deux de tes livres, mais c’était fin novembre, peut-être n’y sont-ils plus, mais tu étais largement distancé par Michou, lequel comptait en rayon 7 ou 8 livres (c’est toujours gênant pour un auteur d’aller compter le nombre de ses ouvrages dans les boutiques spécialisées), mais 7 ou 8 à 2, c’est un score de quel sport ? pas de rugby, de foot c’est improbable, de hockey sur gazon ? A propos de sports j’ai imaginé les Championnats d’Acquiescement (le mot ne colle pas vraiment), en demi-finale il y aurait les Okayeurs, les Absolumentaux, les Toutàfaitistes, et les Affirmatifosi – battus d’avance, les pauvres, mes préférés pourtant, je croyais le «Tout à fait» en perte de vitesse, hé bé non ! il est tjrs là, intensément là. Michou, lui, dit «ah ! bon», «ah ! bon», «ah ! bon...», en vieillissant il est passé d’«à quoi bon !» (qu’il ne disait d’ailleurs qu’in petto, avec gêne) à «ah ? bon» qu’il dit couramment, il dit aussi «d’accord», «d’accord», «d’accord», et «oui», «oui», mais le «oui» peut parfois créer le malaise, s’il vient tout seul, comme le «non» sec, ce que j’aime le mieux c’est «je ne sais pas», mais il s’agit de le dire simplement, humblement (mais pas trop), y introduire comme un léger sentiment de douloureuse impuissance, «- Tu crois en Dieu ? – Je ne sais pas. – Tu aimes ton père ? – Je ne sais pas. – Et tes frères ? – Je ne sais pas.» Et l’on passe aux préférences politiques.

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La chanson est de Gainsbourg, oui, et il la chante de façon très drôle : c’est le disque Je suis venu te dire... évidemment, on n’entendait jamais les autres chansons et un aveu douloureux à présent mon vieux (voilà que je t’appelle comme mon fils !) : je n’aime pas beaucoup beaucoup Cueco... vu ce que j’ai vlu sur ton blog ton enthousiasme z’ai été déçu ça ne m’accroche pas vraiment ! (et maintenant il va chercher à se justifier, qu’est-ce que tu paries ?) Mais je dois te dire que depuis quelques jours, pour atténuer les douleurs faciales de l’interminable zona, ou de ses séquelles, je prends un sédatif très costaud, de la famille des anti-épileptiques, qui... (tu vois ce que je te disais, c’est toujours pareil avec lui, ainsi pour gugu, pour les petits mots saugrenus, radu, gayu, pourquoi n’a-t-il parlé des mots des bébés, des ivrognes, des fous, des agonisants, de leurs cris de douleur, du rire sardonique, du dico-dico de Bibi-Lolo... etc.) Bon. Je m’arrête là, parce que je me perds moi-même dans ... dans je ne sais quel pêli-mêlo : ça y est, casé ! le mot. Amitiés de Miguel, qui a bien reçu Le naufrage du Santiago, et t’en parlera après lu, je ne sais encore quand, Edmond Thomas, dont je cherche en ce moment des anagrammes, je n’ai trouvé qu’Ahmed d’Osmont pour l’heure, m’a offert ses nouveautés, dont Anagramméana, poème de 1821, de 962 vers intégrant 1862 mots anagrammatiques, et Jolies ordures de l’Ancien Régime, plaisant florilège, la censure était d’une prodigieuse tolérance, nègre se disait teinturier (nègre livresque – nègre de Dumas).

AmicalementMichkador

[10 février 2007]En lisant ta lettre...«L’amibe y est. (Tu vois je ne le prends pas mal» ... un joli alexandrin... Eh oui j’ai lu le

Youssoupoff jadis – et le Napoléon de Bainville... Te r’écris bientôt pour le touchant (je préfèrerais un autre mot) Venceslau de Morais et les proverbes du jeu de 48 cartes. Le blog après la mort. Gugu. Céline et l’abbé Frime. (Souvenir : je ne peux relire D’un château... chez mon fils mes livres d’élection les petits cris des mourants – ou des fous – dans les hôpitaux etc.)

Est-ce que nos «trouvailles» ont bien eu lieu devant le bureau de tabac de la place Gambetta, toi poussant le landau, et nos retrouvailles chez Guy-Marie, moi gris téléphonant pour un RV médical ?

Amitiés deMiguel

21 février [2007].Cher Philippe,je choisis le jour des Cendres pour l’aveu de mon ignominie – sûrement moins émouvant que

celui de Jean-Jacques à propos du ruban (non pareil ?) et de Marion... J’ai délégué mon cousin Achille pour «répondre» à Michel Ciry (voir documents joints). J’ai lu et relu 10 fois cette page, et l’ai trouvée toujours aussi plate et mal fichue. Elle vient après d’autres pages fort à mon goût, Aurelia Arkotxa, Wenceslau, le comte de Vimioso, et avant ces Divineries, qui, elles, m’ont d’autant plus touché peut-être, que j’y reconnais de fortes tendances, pas toujours explicitées, de mon humble moi gasconno-russe. Dans mon «petit panthéon personnel» [cf Jd, le 16 II], il y aurait d’autres saints, le Pèlerin russe des Récits, François de Sales, des écrivains, souvent slaves, des parents, que j’ai connus ou non, des amis, des chanteurs, bien que je ne puisse plus écouter de disques, mais pas Edith Piaf, mais je ne la déteste pas, je lui préfère Frehel, de très loin, énorme pouffiasse, elle, poivrote qui se payait des gigolos quand elle avait des sous. Il y aurait aussi des saints qui seraient les mêmes que les tiens, certainement. Je n’aime guère la citation de Blondin choisie par Buffier, mais Blondin est en train de zigzaguer vers mon petit panthéon, je ne sais qui je vais déléguer, pour lui faire passer l’examen d’entrée ? quelque ivrogne russe... J’ai lu et relu Blondin ; lorsque je lisais Rivarol (grâce à mon tonton Paul) (lui, est au panthéon), je n’ai probablement pas rencontré sa signature, il a été de l’équipe fondatrice, avec Laudenbach et Brigneau, je crois bien, mais il donnait des articles dans les toutes premières années. Je me demande ce que je pigeais, à 15, 16 ans... Heureusement, je ne lisais pas que le Romantisme fasciste de Sérant, Rivarol, Bagatelles, Le Monde libertaire, Kropotkine... Je ne manquais pas un Bibi Fricotin, et j’étais pris par les Bécassine de la collection de ma mère, «le Pays basque c’est comme la Bretagne, sauf que tout est différent» (je n’ai pas noté cela gamin, mais lors d’une lecture récente). Donc, Valeurs actuelles, Louis Nucera y écrivait, dans ses dernières années, il m’envoyait souvent des numéros, mais c’est après ta lettre que je fais le rapprochement... Mais je ne suis plus depuis longtemps lecteur de revues. Je prends parfois Midi Olympique. Pour essayer de saisir le nouveau vocabulaire sportif. A cause d’un projet. Un match de rugby entre XV de mes morts et XV de mes moi. Au Stade du Schéol. Un projet bien ambitieux ! (Et ce journal, Midol, est plutôt nullâtre : plus un seul Blondin dans le paysage sportif !) Vanne : selon les

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grands maîtres de l’argot, le mot est masculin. La féminisation est un dévoiement. Saint Alphonse Boudard dit toujours «un vanne». Saint Céline, son maître, je ne sais pas... (Comme héritier de Céline, Boudard me semble le plus subtil... En vérité ses livres autobiographiques – les meilleurs – sont facilement compréhensibles pour un mecton comme mézigue, qui dévide très mal le jars (j’espère que je me goure pas).) Un petit = un petit peu : «Ne lui donnez plus rien qu’un petit de panade» La Fontaine (Littré). Mais, c’est dans les Oeuvres en prose de Verlaine que j’ai découvert la locution, il affectionnait ces archaïsmes... Je garde précieusement la page Suárez Araúz. Je ne suis pas autrement étonné de découvrir cet ancêtre de la lettre/adresse, si je puis dire. Zieg m’avait révélé jadis des précurseurs de la plume-doigt et du point de merde. Comme quoi on n’a pas inventé la poudre à fusil. A propos de Ziegel, j’ai envoyé un quatrain un peu... hâtif à un blog où il était à l’honneur (Alamblog). Il ne fallait pas envoyer d’e-mail, alors j’ai pu le faire tout seul. Mais, croyant que ça ne s’enregistrait jamais... j’en ai envoyé 4 ! Identiques. Signés Tonton Miki. (Il y a 20 ans, j’ai tenté de publier dans le Courrier des Lecteurs de Sud Ouest, des lettres signées de tous mes camarades de classe d’Onesse. j’en ai casé 6. Après quoi, le journal a exigé un justificatif d’adresse... L’affaire Buffier s’explique aussi un peu par la renaissance de ce projet – touchant cette fois la famille...) Tu dois être cité dans L’An Pinay comme éditeur d’une historiette. Tu l’es dans les Cahiers inédits. Et probablement dans quelques samizdats. Je donne beaucoup, beaucoup de noms, mais il est des amis, et même des saints du panthéon, que je ne cite pas, je ne sais pas tjrs pourquoi. Lu un jour dans je ne sais plus quel recueil : Pan ! T’es «on» ! Ce qui veut dire je pense qu’on devient anonyme en entrant au Panthéon (mais peut-être à celui avec un grand P – pas au petit nôtre). Oui, les Divineries tiennent un peu de la Confession, elle ne me sidère pas, et toi, n’as-tu pas deviné le mot plus ou moins fin de l’affaire Buffier ?

AmicalementMichka/Miquéu O H L’homme aux profils ennemis

31 mars [2007]Je me suis payé ma toile du jeudi, après mon 4-heures, l’affaire de l’inspecteur Clarisse

m’intrigue, importance du sommeil (surtout fiévreux), du rêve, chez Maigret, Simenon était somnambule et/ou voyant («Tous les somnambules, tous les mages m’ont...»). Le Maigret du sommeil fiévreux : Le fou de Bergerac, dont s’inspira 1 assassin – rien déniché. Un échec de Maigret : «Cependant il rêvait. Mais n’arrive-t-il pas qu’en rêve on ait soudain une intuition qu’on n’aurait pas à l’état de veille ? Ne se peut-il pas que certaines fois, l’esprit s’aiguise au lieu de s’assoupir ?» (1956, chap. VII). «Sa pensée tournait en rond, aiguisée par la fièvre.» (Le témoignage de l’enfant de choeur, 1947). Pas de plaisir du sommeil agacé dans l’entrepôt. L’inspecteure Clarisse n’aurait-elle pu se tromper de citation ? – La Napoule apparaît en un Rêve d’avant la mort – situé(e) dans l’île de Chypre dans un premier temps. Mais pas de prémonition de Clarisse [?] ni de Buffier. – A l’époque de Wenceslau de Moraes a vécu au Japon Louis Ohl, auteur d’un livre sans grand intérêt, Au pays du soleil levant ( ! ou qq chose dans ce goût-là), que j’ai offert à la BM de Bordeaux (donation postale il y a 5 ans). Je ne sais ce que ce livre est devenu. Dans mon Panthéon il n’y aurait que des morts. Beaucoup plus de parents, d’Onessois, que d’écrivains. Des sportifs. Des médecins qui m’ont sauvé avant de partir. Mais avant je voudrais faire le calendrier de ma dent du bas, avec ses 365 prénoms. Mais il faudrait photographier ma bouche d’égout ouverte. Je m’entraîne à écrire mal.

AmicalementAchille Buffier

18 mai [2007]Cher Philippe,les poèmes de Nicanor Parra [Ld 380 à 387] me plaisent beaucoup, je te le dis sans fard –

tout net ! Ecrits très simplement, ils demeurent mystérieux. L’ironie est difficile à caractériser, une ironie de rêve, de rêveur, elle change de nature (l’ironie/ironie, je n’aime guère), il faudrait un mot qui tienne d’ironique et d’onirique. «Nous sommes les Tables de la Loi» disent les pierres. «Mais moi je bâillais». Et puis, on dirait qu’il se méfie, et s’amuse à la fois, de sa poésie, et de son rêve. «Un autre détail qui peut intéresser» > là, il faudrait donner une impression de lecture inattendue, voire saugrenue. Bueno ! Je ne sais pas, mais tu pourrais peut-être composer un recueil et chercher un éditeur ? La revue Le Lecteur existe-t-elle encore ? – Et non, tu ne m’avais rien dit, pour ta thèse... Honoré Champion : une de nos prestigieuses maisons ! (Pour Parra : sais-tu beaucoup de choses de sa vie ?) Merci de l’hommage au poète landais. Je suis allé il y a 15 jours fleurir la tombe de mes parents, avec 6 mois de retard – mon frère aîné a donc réussi à me sortir de Bordeaux, une après-midi, après un an de sur-place (il y a eu toutefois un autre voyage : à Bassac). Nous avons mesuré le rétrécissement des paysages, des terrains de jeu de l’enfance. Bernard a pris 15 photos, je pourrais

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peut-être te les faire envoyer à ton adresse électronique ? – J’ai vu plusieurs fois le professeur Bon chez mon ami Sagarzazu, rue Mondenard. Je crois que c’était du côté de 1975. Peut-être avant ? M. Bon est resté silencieux. Sagar a eu une attaque cérébrale. Il a fini ses jours à Camp de Prats (je ne savais jamais s’il me reconnaissait) – comme Achille Buffier. Je te reparlerai d’Achille. J’ai croisé beaucoup de noms, de paysages familiers, dans son livre – pas d’évocation directe de la famille Ohl-Cazaux (ma grand-mère). Achille est né rue du Bourg Neuf, comme mon grand-père (ici aussi : remarque ironico-onirique à la Nicanor, pour faire passer l’histoire). L’autre livre que tu m’as procuré : Ombres, de Poictevin, son dernier ouvrage, superbe... mais j’ai renoncé au projet de réédition Schéol, parce que je me suis enfermé dans l’armoire aux souvenirs de famille (le meuble venu d’Indochine que tu as pu voir l’autre jour, dessous l’isba de Tikhonov.

AmicalementMichou[...] Je joins ces notes [du 16 mai] prises à la va-vite après lecture du texte espagnol et retour sur

ma mémoire du trajectotrain.Tren instantáneo (et trajectotrain). Le dernier mot du poème : «trayecto», comme un mot

témoin que j’aurais repris sans le savoir, comme la montre au poignet de mon père mort, mais Nicanor Parra (1914-) n’est pas mort. «sólo para viajes de ida», aller simple, voyage sans retour (Jozsef Attila : «Dans la nuit éternellement, Foncent les jours qui se font suite, Dans chacun des compartiments c’est moi qui m’accoude et médite»). Nicanor Parra est-il né à Santiago ? Où vit-il ? Au bord de l’onde noire, mais encore ? Puerto / muerto / muerte. Très fier de pouvoir lire le poème sans l’aide d’une traduction. (Lichtenberg dit en substance d’un lecteur de Kant qu’il aime Kant parce qu’il le comprend – mais ça n’est pas mon cas ! Ce proyecto (tiens ! le 1er et le dernier mot riment richement !) m’accroche en lui-même. Cette idée devait trotter dans sa tête depuis longtemps. C’a l’air comme ça d’une plaisanterie, mais on subodore «le» sens profond, et l’on cherche... Lise me dit que je racontais cette histoire de train aussi long que le trajet, du côté de 1975 (notre 1ère rencontre) déjà. J’ai indiqué 13 juillet 1974 au site Ohlnic, ça correspond à peu près, mais pourquoi précisément ce jour ? Le 13 juillet 1974, mon père faisait 64 ans. Pour ma part j’étais à Cauterets où j’écrivais chaque jour mon journal dans un bar le matin pour m’en débarrasser. La révélation que j’ai eue à Cauterets : d’un petit café qui dominait la ville, je me suis vu nettement buvant un verre dans un café au coeur de la ville – ça voulait dire : inutile de continuer, restons-en là. Peut-être ai-je aussi pensé au train/trajet. Peut-être y a-t-il une allusion au tr/tr dans une de mes pages d’alors (hoja/hora). En tout cas, l’idée ne me lâche jamais. Début 1996, Jour de lettres n° 13, dans une histoire assez piteuse, «Chant de la pensée humaine», il y a un «Bordeaux-Toulouse qui longe la Garogne (...) sa queue touche Bordeaux et sa tête Toulouse, ou vice versa, tête et queue se confondent comme chez le reptile amphisbène de l’Amérique tropicale». Ce train diffère donc del tren de Nicanor – (à quand le trajectotramphisbène ?) «tu y circules à vélo ou à pied» - dans l’histoire je vais à vélo voir Nougaro, je croise des cyclistes, des «anquetilopes» me doublent, mais en réalité je descends à «Malagare». Dans la même histoire, «un autre trajectotrain (...) le long de la Dodogne, le Bordeaux-Mauriac (15200), mais les forcenés de Force Ouvrière l’ont balancé» dans la rivière – le trajectotrain Bord.-Toul. assure en quelque sorte le service minimum. Et donc, voilà. Je me suis cru capable de traduire le proyecto, qui m’apparaissait d’une divine somplicité, et qui l’est, sans doute, mais : macache ! il y avait sept-huit tournures lourdaudes qui foutaient tout à l’eau. El hombre imaginario : m’évoque l’«Histoire de faussaire» de Brassens, le palpitant seul réellement ému. Enfin, le rapport n’est pas si intime. Et je préfère Proyecto. Si je comprends bien, poemas para combatir la calvicie (título excelente !) est une partie du livre Hojas de Parra (treille, no ?) ou si je me goure ?

9 juin [2007]Cher Philippe,pas mal de temps que je dois t’écrire, depuis la découverte de la nonpareille «Résurrection»,

mais j’ai la main qui correspond en grève générale depuis 15 jours – j’ai tout juste pu engager une petite négresse pour le service minimum : donc je te réécris, et te parle, aussi, de «L’anti-Lazare» (bel appariement) [Ld 391], Haddock, Buk entre bars et biblioches, etc. etc. etc. – J’appellerai cela Le Point du Jour, c’est l’heure à peu près où j’écris les épîtres, pas vrai, ma doudou ? – Si, patron !

AmicalementMikhaïl

18 juin [2007].J’arrive sûrement après la bataille pour Ferdinand, les chiens furibards et Saint-Jean d’Angély,

qui se suivent au début de Rigodon... Pas d’index des lieux mais un résumé en fin de Pléiade. Mais

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S.-J. d’A. doit apparaître en d’autres livres... Quant à ce pauvre Alain, mon vieux pays, je l’ai revu le dimanche 10 à 8 heures devant chez lui. On s’est regardé fixement 2, 3 secondes, et peut-être sans le vouloir lui ai-je jeté le mauvais oeil ? C’était notre première rencontre depuis 45 ans. Mais je te l’ai déjà dit, je crois. Vive la France éternelle, quoi qu’il en soit.

Michoutka

[9 août 2007] Saint Amour («c’est un saint dont on ne sait rien» me dit Sud Ouest ce matin).J’ai su très vite ton arrivée – via Malaga ? – le petit frère me l’a dit... Juillet, rien à signaler, il a

fallu que je m’ennuie beaucoup pour envoyer une énigme à l’Alamblog. La réponse est : Jean Fayard, Mes maîtresses, mais, le lot que l’on gagne étant Onessa, ça n’est pas très encourageant ! Je joins ce qui pourrait faire l’objet d’un autre jeu : en tenant compte de l’avis d’autodissolution et de la Croix de Lorraine (et de Hongrie) trouver les règles du jeu : les meilleures gagneront. Exorcisme, sans doute, mais de quel genre ? – J’ai noté dans la solitude et le silence, des machins à te demander, ou à te signaler. Je ne ferai probablement jamais mon Blog de Mimi le Bogomile, alors j’écris en vrac avec la main. Adolphe Feder : c’est l’illustrateur de Kessel, natif d’Odessa, exilé à Biarritz, que cite Gilbert Desport (est-ce l’homme-Feder, dont tu m’as parlé un jour ?) Connais-tu les mères-de-familles ? un personnage d’un roman de Marcel Prévost (années 1920) dépose sur une tombe «deux jardinières, pleines de giroflées et de mères-de-famille»... Rien pu savoir de ces fleurs... Lazare : Jésus n’était pas très chaud, j’ai l’impression, pour le ressusciter. Il craignait peut-être de passer pour un sorcier. Il n’a pas dit gentiment «Lève-toi et marche !», il a crié «Viens ici ! Dehors !» Après la commémoration «ratée de justesse» de la mort de Louis XVI, je me suis retrouvé à Béthanie, à Talence, je me suis pris pour Lazare ! (Quand j’étais gosse, si elle me voyait pensif maman me disait : «Tu penses à la mort de Louis XVI ?» Plus tard, à l’éternelle question «A quoi tu penses ?» je répondais : «A la mort de Louis XVI») Et j’ai écrit ceci : «Ressuscité une centième fois, / Lazare se lève, pousse la porte de l’isba, / Et s’en va dans le froid. / - Pour la centième fois ! / ... Il a pris soin de ne point se couvrir, / Pour attraper mal et mourir / Mais le chaman a fait les choses bien : / Il lui a donné une santé de chien ! / Et Lazare mettra une fois encore / Un temps infini à trouver la mort.» Traité de tous les noms : «La joie de givre», titre qui provient de La joie de vivre de Zola, dont le héros suicidaire s’appelle Lazare. (Un de mes Zola préférés – et je pense à Un rêve, d’Emile, inspiré de la Légende dorée, plutôt raté si je m’en crois, mais tous ces lus-là sont si vieux...) Et à propos de ce que je te racontais, si le crabe revient, paroles ! paroles ! paroles ! comme chantait Dalida (avec Delon je crois) des mots ! des mots ! (Hamlet) sait-on ce que l’on sera capable de faire ? le passage est difficile, on peut se r’accrocher même dans l’horreur, etc. Mamléiev, Russe longtemps en exil en Amérique, et à Paris, retourné depuis peu en Russie, mathématicien de 76 ans : «Un instant, Stepan eut l’impression que le monde entier était mort, puis qu’il ressuscitait en un éclair, comme si de rien n’était (...) Le monde, cependant, clignotait, mourant et ressuscitant tour à tour.» (Le monde et le rire). La photo a été prise par Dominique Noguès à mi-chemin du Tripode et de la Chartreuse. Lu dans Marc Elder, Le peuple de la mer (Goncourt 1913 devant Le Grand Meaulnes) : «- Gaud est à dormir... – Tu l’as fatigué un p’tit !» «- Y aurait-il du malheur, dites ? – Un petit...» Comme quoi l’expression avait cours chez les humbles (de Noirmoutier en l’occurrence). A moins que l’auteur n’ait triché. Oh ! Louis a eu raison de me présenter lors de l’étape Bordeaux de son Tour, tel un étalagiste de connaissances livresques, exhibant son su pendant toute une soirée, sans reprendre souffle, c’est ma vérité profonde. Même si en apparence je n’ai ce soir-là ouvert la bouche que pour murmurer quelques mots et boire quelques verres. Et cette vérité est répandue à 15000 exemplaires, tandis que mon méchant opuscule rampe à 15 ex. – Fanfaron et menteur. Me promenant l’autre jour du côté du Marché de Lerme, je suis passé devant le bar-cave de José, où le coiffeur de Chaban avait téléphoné il y 25-30 ans dans le creux de ma main. L’histoire est vraie, mais le «coiffeur de Chaban», je l’ai rencontré à Orthez, pas à Sainte-Anne. Voilà la vérité ! Triché, aussi, j’ai, pour gugu. Private joke, peut-être, un petit, mais ce pauvre cri, ainsi que beaucoup d’autres, à l’origine du mastaraglu, c’est ce qu’on entend parfois, en provenance du lit voisin, ou de la chambre voisine, dans les hôpitaux. C’est un agonisant qui crie. Ou un délirant en crise. Il ne crie plus français. Et j’ai dû pousser ce genre de cris, moi-même, quand la douleur était trop grande. La première fois qu’on entend cela, on ricane. C’est tellement ridicule. Mais bien vite, on ne rigole plus. Sauf si l’on a une paralysie faciale, qui vous donne l’expression du rire à plein temps. Lise croyait que je me fichais d’elle, le premier jour. Au fond, c’est assez marrant, lorsque l’opération de décompression du nerf facial réussit, ce qui arrive une fois sur deux, mais j’ai toujours eu une veine insolente (jusqu’ici !), et je ne rirai donc pas jour et nuit (ou sourirai) jusqu’à «la fin des haricots gris» (Georgius : voilà un excellent chanteur de gaudrioles, spécialiste des parodies foldingues.) Et je n’ai pas non plus raconté, à la fin de la lettre en vers à Miles Dalton (> Denis Mollat), que la patiente arrivée après moi en salle de réveil s’était retrouvée hémiplégique, la carotide ayant été obstruée, en cours d’intervention un instant de trop. Mieux vaut ne dire que le dicible, qui peut devenir amusant, si

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tout se passe bien. Un jour viendra où ce ne sera plus possible. Pourquoi raconter le côté sinistre du Chalet sur la Neva, les crises furieuses, les rixes, les chutes du haut de l’escalier, les séances d’électrochocs tournant mal, gasconnons ! galéjons ! jouons les loustics ! on était jeune et costaud... L’ennui, c’est que le personnel soignant actuel s’est ému de cela. Mea culpa. J’aurais dû répondre plus consciencieusement aux questionnaires de Georges Walter. Je vois que je commence à m’énerver, sans aucune raison, je voulais écrire Pli d’Ami sur l’enveloppe, et la glisser dans la boîte avec des timbres au-dessus du tarif, en principe les amis vous sont chers, alors on affranchit au-dessus de la norme, quel charabia ! mais non, je vais aller à la petite poste de l’angle de la rue, faire peser l’envoi ! – L’idée du train instantané, ou trajectotrain, doit dater du premier train. Enfin, je me dis ça. C’est un dada de Bibi. Vélo/love date de l’apparition du vélo. Probablement revélo/vérole d’un peu plus tard. L’été ne me va guère. Bien que pour l’heure soleil et chaleur nous aient épargnés. Et quel temps eus-tu là-bas ? Et Nicanor Parra ? j’aimerais bien lire d’autres poèmes, textes, de Nicanor. Est-il toujours des nôtres ? parmi nous, comme on dit ? Si tu arrives au bout de ces 8 pages, je te donne une médaille, j’en ai gardé quelques-unes venues de ma bonne vieille famille, amitiés, amitiés !!

La Miche Cuite

[14 août 2007]Pardon, mon cher, de la lettre de Grand-Guignol ! un scientifique préciserait sans mal le rôle

des bières ingurgitées en cours de rédaction, «Quand la souris n’est pas là, le vieux matou se grise mine» dit le proverbe onessois. (Il n’est d’ailleurs pas encore très clair.) Mais que veux-tu, en vieillissant, on parle davantage de ses maux que de ses oeuvres. Ces dernières apparaissent de plus en plus tels des pets de lapin. Le mot n’est peut-être pas si con. Mon fils, qui fait dans l’équitable (ce qu’il peut), aime bien de mot de Blondin de 1963 : «Une fatalité équitable exigerait que nous naissions et que nous mourions tous ensemble», et là-dessus, ceci posté, je rejoins ma cellule psychologique.

AmicalementMichou

Jeudi 30 [août 2007].Cher Philippe,voyage annuel à Bassac, d’où je ramène le 1er Schéol-Eden fabriqué sur imprimante par Zieg

et Thomas, 40 ex. hors commerce, si l’expression n’est pas trop pompeuse... Ai tenté de savoir quelque chose au sujet du «problème de l’ingratitude», évoqué lors de notre sombre colloque en la chambre aux souvenirs morts – par allusions et fines approches : vaines tentatives, ne sais rien de + que rien. «Tinamou. Oiseau gallinacé de l’Amérique» (Petit Larousse 1909). «Tinamou. Oiseau assez primitif de l’Amérique du Sud, où on le chasse sous le nom de perdrix» (Petit Larousse 1970). Vu à la volée dans le Larousse du XIXe d’Edmont que l’article Tinamo était diablement copieux. Et vif merci de Studia Etymologica Cracoviensia. Les dernières nouvelles de Cracovie c’était le petit frère allé là-bas en 2006 pour la traduction polonaise de son livre. «Tu me dis que t’es allé à Cracovie pour que je croie que tu étais à Varsovie mais je sais bien, moi, que tu étais à Cracovie ! Pourquoi tu mens, toujours ?» Voilà l’histoire drôle que je connais. La seule avec celle du type compatissant qui va taper sur l’épaule du candidat à la noyade en lui disant «Allons ! Allons ! mon vieux ! ne désespérez pas ! rien n’est perdu !» mais il tape trop fort sur l’épaule, l’autre perd l’équilibre et se noie. (La 1ère doit venir de Freud.) (Hommage bizarre au Pr Bon, ami de mon prof préféré, Sagarzazu, cité dans la Perf Estaunié – au fond, tu sais, il m’a bien souvent fait ch..r, cet Estaunié, comme les ¾ des livres que je lis me font ch..r, mais je trouve tjrs 2, 3 trucs à glaner, et puis ça passe le temps en attendant de crever.) Fin de mois difficile. N’ai pas lu de près ton blog des jours brésiliens. Oui, tu as subi une éclipse d’oiseaux lors du 1er voyage. A une époque ton goût de la faune et de la flore s’est éclipsé. Alors je me dis que moi bibi, ce goût-là peut me revenir. L’éclipse dure depuis 1961/1962, environ. Car j’ai été un fou de Dame Nature. Toujours j’étais fourré en son sein. Aujourd’hui elle m’emm... autant que la ville, le Tour de France, le ... etc. (ici, 128 cartes d’Aucun noircies, bleuies à mort [cette lettre est écrite sur deux cartes postales d’Aucun (Htes-Pyr.)]). Un frêne d’Amérique classé, de 200 ans, «sous surveillance», écrase sans préavis Carolyn Thorpe, 61 ans, à Brouage. A Bitsevski, le manutentionnaire Alexandre Pitchouchkine voulait tuer autant de personnes qu’il y a de cases dans l’échiquier. L’assassin au marteau est arrêté après 61 meurtres (revendiqués). Procès le 13 septembre à Moscou. Heureux que les «mères-de-famille» ne soient pas sur la «toile». (N’y a-t-il en ton Brasil des «langues de belles-mères» ? J’ai de + en + de mal à lire sur l’écran.) Vu tout de même Castorp. Dans les Landes, jamais ouï «un p’tit». Aprè 25 téléphonages de dames au timbre étrange, pour des enquêtes bizarres, des offres de crédits... je n’ai presque plus décroché une semaine durant.

AmicalementLa Miche Cuite

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Jeudi 20 (sic) [septembre 2007].Cher Philippe,«fameux» ... les Comptes de Monte-Cristo... c’est presque une raison de relire – mais non :

trop vague, imprécis (le calcul) ... et puis, j’en ai mon content de Monte-Cristo et ses aventures... mais, si une autre idée de performance te vient comme ça, un intitulé incitateur, à propos d’un bookin pas trop long, dis-le-me-le... Aimé también beaucoup «Le hibou et le geai bleu» [Ld 398] - je ne connaissais pas Charles Krafft, et d’ailleurs, j’ignorais jusqu’au nom des écrivains, poètes, que tu proposes (de la plupart) – bizarrement ça me console de tant de temps perdu toute la vie à lire de bout en bout tant et tant de livres, sept, huit mille, sans être sûr que ça me plaise, 9 fois sur 10, et lorsque je vois à Talence ces milliers de nouveautés, dont je ne connais qu’un auteur sur cinquante, j’ai un sourire d’aise, ouf !, je l’ai échappé belle ! (je ne saurais expliquer cela...) Rêves bizarres, tu t’interroges sur leur possibilité, et je prends (ou plutôt prenais – je l’ai bazardé) un médicament censé atténuer l’envie de fumer («Les effets indésirables ... maux de tête, difficultés à dormir, rêves anormaux...»). J’ai noté 2 rêves sous Champix, 2 petites choses pas plus anormales que ça : Rêvé que François Mitterrand pesait 53 kg 500 au moment de mourir, et que je lui en voulais beaucoup de ce poids... Rêvé que mon cousin Georges, 86 ans, qui vit à Flers dans sa chambre, trop impotent pour sortir, était – avait tjrs été Darry Cowl (officiellement mort il y a ... 2 ans ?). Les explications lumineuses de cette double vie ne venaient pas de Georges, mais d’un reporter inconnu : elles ne laissaient pas le moindre doute : Georges Ohl = Darry Cowl. (Il y a 15 jours Lise s’est enfermée à clé à cause de mes yeux fixes et des petits cris que je poussais – ce soir-là j’ai balancé Champix). Tiens, j’ai une autre source de «gugu» : «Quand Huguette se tut, M. de la Vrillière dit : - Je m’étonne, Gugu, de te trouver si gaie...» (c’est dans un livre de Binet-Valmer, Les Métèques, lu déjà voici 45 ans environ, à Onesse, où l’une de mes mignonnes camarades de classe s’appelait Huguette.) Lorsque j’aurai 23 sources, 23 comme le nombre d’explications de la mort d’Edgar, je ferai un recueil ! Je compte r’aller voir du côté de Céline, grand spécialiste des cris-tics de la déraison pure (je suis entraîné par le calembour – mais tu comprendras), insurpassable en ce miné domaine... Hurla gémoralé : ça n’est pas du mastaraglu, mais 2 mots que les éditeurs de lettres en français de Tourguéniev ont cru lire en un manuscrit difficilement déchiffrable, et c’est le titre de la ripopée (recueil de chosettes apparues de-ci de-là, chez toi entre autres : «Le compte de Monte-Cristo», décidément) que j’ai envoyée en janvier à 3 éditeurs : Tillinac, Joëlle Losfeld, et le problème c’est que j’oublie l’autre. Seul Tillinac m’a répondu, le 27 juillet : «Votre désespoir sonne juste. Malheureusement c’est trop décousu pour faire un livre. Quel dommage que vous ayez autant de mal à vous recentrer sur un sujet, car certaines pages sont admirables.» Lui ne fait pas de fautes, et puis je l’ai à la bonne, Blondin, rugby, bibine, Table Ronde... Je note que Tillinac avait, il y a 2 ans, mis 10 jours seulement à répondre à Nicolas Le Lay, pour Pauvre cerveau... 10 jours, un record, et je m’y connais, je suis un vieux routier de la lettre de refus, 150 environ, depuis mes... 14 ans, avec intermède Lattès, je pense que nous devons être 500 000 vieux routiers français de la confrérie, mais bien sûr, j’ai eu toujours cette veine indécente de tomber sur des samaritains, Nucera, Zieg, Periz (toi même, venu à moi à pied), mon coach Jean-Pierre (il envoie des manuscrits à Paris depuis 1980. Espoir, donc ! Espoir ! Son livre Monsieur Dick est traduit en grec, cet été il a rencontré en Ecosse sa traductrice anglaise, il est question du russe : imagine combien Mikhaïl est heureux de cela ! Parce qu’il profite de l’affaire ! il est traduit par la même occasion ! Parce qu’il figure en épigraphe [insère l’épigraphe extraite de Sacripants ! traduite en polonais] Brawo ! Miquéu ! Des lettres à la Maud, j’en ai reçu pas mal, mais pas de Maud, mais Dominique Gaultier un jour m’a répondu en substance : «Hé non, Michel Ohl ! Désolé ! A la Maison, votre génie nous laisse froid ! Brrr ! Voyez ailleurs. Bonne chance.» J’ai eu une réponse de Belfond de ce style : «Honte à moi dans les siècles des siècles ! Michel Ohl m’ennuie ! ...» Au fond, ce sont mes préférées ! 90 fois sur cent, c’est le «Malgré ses (grandes ou pas) qualités, votre manuscrit...» La nouveauté, en effet, c’est que pas mal d’éditeurs ne répondent même plus. Je te trouve bien vaniteux, mon cher, «conneries qui n’intéressent personne» ! Tu guignes la médaille au Championnat des Mal-Aimés ? Il y a du monde en lice, vois-tu. En France, il y a plus d’auteurs que d’âmes. Et tous plus ou moins maudits, méconnus, incompris, n’est-ce pas, même les notoriétés, Renom > Morne, tu me diras que dans notre humble sphère, le morne, on connaît aussi, mais... bon. Je vais abréger. Pour ma part, écrire ne m’amuse plus, mais ne m’ennuie pas, et ce n’est pas un travail, la preuve, c’est que c’est pas rémunéré, non, c’est une frime parmi tant d’autres, vis-à-vis de soi-même (je parle pour moi), et surtout une maniaquerie, pourquoi ne pas y céder à l’occasion ? Je crois que tes notes sur le Brésil intéressent beaucoup plus de personnes que cette couillonnade Estaunié, plus personne ne la connaît, cette ex-célébrité, sauf quelques fous, Ziegelmeyer, le Bibliothécanthrope, les stakhanovistes de l’exhumation des méconnus, genre Alamblog, ils remontent vers aujourd’hui, après les décadents fin XIXe, les années 20, d’après mes calculs, leurs enfants nous

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exhumeront toi et moi hacia 2095 – mon Bordeaux des quatre coins du dispatching, c’est un cercle rayon 500 m autour de chez moi (je change de domicile dans un mois, 1 ½, avons déniché appart. 2e étage 33 rue Jeanne (Caudéran) beaucoup + petit certes mais au loyer beaucoup – cher, nonobstant situation, t’en reparlerai), j’ai voulu être rigoureux, sais-tu, les livres furent découpés soigneusement, déposés délicatement, à l’heure dite (à 5’ près), le soir, ou le lendemain, ils n’étaient plus là, pour Les choses voient, j’ai soigneusement nettoyé au pécu le dallage avant de déposer l’ouvrage en regard si j’ose dire des – hmm Putain, y a des coups de pied dans le cul qui se perdent. Mais je dépasse les frontières de ce mini Bordeaux, parfois, lorsque la Faculté me convoque, lorsque je vais voir le petit à Talence, le vendredi 7 septembre j’ai pris un taxi pour aller au Crematorium de Montussan, incinérer Michel Valprémy, j’avais laissé sans réponse sa dernière lettre, il y a 2 ans, ses envois de livres, le pêcher originel arbre à quiproquos, le «mourir ou mentir, j’ai compris : c’est «se mentir».

A bientôt p’tit gars. Sursum corda.Toto Corde (j’ai l’impression que ce médic. fait encore son effet pervers).

[26 octobre 2007].Je ne sais trop où t’écrire, mon cher ! Va pour La Croix... Le déménagement a lieu le 2

novembre. Je suis rue Jean Soula depuis 20 ans et quelques, 22 ans ? Auparavant, un an rue Sullivan, à 200 m. Et puis, encore avant, rue du Palais-Gallien, lorsque j’ai tenté de quitter Lise !

Où étais-je, l’année de nos trouvailles ? Peut-être ici ? Quand la châtelaine ne voulait pas de moi, je filais à Caudéran, chez papa-maman, si j’y parvenais.

Ce Jean Rateau-Landeville m’intrigue ! Je ne sais rien de lui. Tu m’apprends son nom. Dis-m’en plus !

Nous aurons le même n° de téléphone rue Jeanne, mais entre le 1er et le 5 : pas de téléph.Je ne sais plus combien de Contemporains dans la collection. Mais le poète Christophe

Tarkos est mort voici deux ans je crois. Le petit livre à lui voué fut le dernier ?Mon petit frère m’a donné un Fleuve Noir appelé Sarkô des Grandes Zunes, de 1984, dont

l’un des auteurs, Fontana, avait écrit un Shéol assez emmerdant, SF aussi, Sarkô est sinistre également, mais je n’ai pas l’art d’un JP Michel dans le maniement des ciseaux, et puis la besogne m’a vite fatigué [lettre écrite sur une feuille où sont photocopiées quelques phrases du livre, contenant le nom du personnage Sarkô]! J’ai découpé Larousse idem : Fléau d’armes, Basilic, Moloch et Salamandre... Voilà. C’est pas brillant.

Le plus notable, peut-être : la relecture de Bernanos, 40 ans après, et je retrouve ce passage jamais sorti de la mémoire : «la Peur est tout de même la fille de Dieu (...) elle est au chevet de chaque agonie, elle intercède pour l’homme» - peut-être est-ce resté d’autant plus vivace que – merde ! je ne sais plus. C’est la faute à M. et Mme Déménagement.

AmicalementMiquéu

[2 novembre 2007].Te r’écrirai d’ici dix vingt jours si Dieu veut. A propos des grands Fernandel et Raimu. Du

rugby de ma toute enfance, devenu triste chose. Et puis de... On verra. Si tu te dis parfois en me lisant «Ca fait chier, ces plaisanteries à la noix, merde !», je te signale que Duphalac est le nom d’un laxatif, si tu ne le sais déjà (traitement d’attaque : 1 à 3 sachets/jour)

Bueno !AmicalementMichel O H LMa mère écrit bien «Marie Burrhus» dans ses Souvenirs : c’est le nom de ma 1ère

pourvoyeuse de tabac. Nom bizarre. Il y a des Burosse dans Annuaire des Landes. Pas de Burrhus.Mon téléphone resera le même [...] après coupure de 4/5 jours.

9 novembre [2007].Bien reçu, mon cher, au 33 rue Jeanne, Les proscrits de la Paix... [un bizarre vieux livre

trouvé] ne sais si le lirai en entier mais je becquète de-ci de-là tel l’oiseau d’après la bataille... J’avais regardé : il y a encore une Mme (Mlle) Rateau, au 61 rue Jean-Soula (depuis, j’ai perdu l’Annuaire...) Sur Les massacres de Septembre, lu jadis, un excellent Lenotre (pléonasme), il y est sûrement question de Jean-Joseph, mais j’ai oublié, et puis j’ai filé tout Lenotre au frérot, il voulait écrire un livre autour de la Révolution. Admirables ces Médailles (de vermeil, de bronze) de la Société d’Encouragement au Bien... j’aimerais bien en décrocher une, mais je m’y prends peut-être un peu tardivement. Lise me dit qu’elle a eu un Pr Rateau à l’Université, quant au Pr Flottes, préfacier des Poésies complètes, grande figure bordelaise. (Je suis curieux de cet autre Rateau, si j’ose dire :

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Jacquot, histoire d’un illustre perroquet.) Donc tu viens rue Jeanne si tu veux un de ces jours – mais, pendant une quinzaine encore, règnera le désordre, et je suis maniaque à ma façon, «ordonné», chaquechoseàsaplacéiste, etc. Tu plaisantes, Philip ! la déesse Caca est en mon Panthéon depuis longtemps déjà... J’ai dû la caser en quelque petit coin de page mais où je ne sais plus... C’est peut-être dans le Dico-dico de Ziegelmeyer que je la découvris. La 1ère mouture. La nouvelle sera 50 x + volumineuse. Sans exagérer. Mais Pierre en un an n’a fait que P et Q... Et connais-tu Libitine, la déesse des funérailles ? Un sacré nom de dieu... Je suis tristounet, ça transparaît peut-être, la main de celui qui me suit ne me quitte l’épaule, je voulais t’écrire vois-tu le long des (sombres) allées Bernanos, bordées de citations de 3 de ses livres (je ne sais plus lire sans ciseaux), mais ça n’est pas au point, enfin, les fragments découpés [quelque 18 phrases photocopiées sur la feuille de la lettre] me touchent de près, l’un d’eux surtout, la douleur / l’angoisse, les souvenirs d’horreurs cliniques reviennent, mais Bernanos c’est «A nous deux !», lorsqu’il entrait en agonie, la Très Sainte Agonie. Pour le blog, mon vieux Philou, pour l’heure cela ne me tente guère, non, je crois que point ne m’y mettrai-je, Mimi le Bogomile, l’Ami de Dieu, et Son image, un blog virtuel... hum... je déconne. (Jusqu’à l’an prochain, en tout cas, pas de Toile, freecassée ? non ! mais il semble que pour se rebrancher, il faille quelques mois, c’est Nikolaï qui dit ça, le Vénérable, j’irai chez lui de temps en temps te lire...) En vérité je te le dis l’écriture à la papa, à la main, les rites du courrier à l’ancienne, etc. etc.

AmicalementMichelou, le Pape de la Contre-Addiction (j’ai pas encore réfléchi à ce que ça voulait dire

précisément – tu peux donner ton sentiment)Le «Grec horrible» figure dans Les métèques, de Binet-Valmer, Suisse, guerrier de 14-18,

puis président d’une Ligue d’Anciens Combattants, employa Simenon comme factotum. Initiateur du Culte du Soldat Inconnu (pas certain). Les métèques date d’avant 14. De nombreux B.-V. dans la bibli de mon grand-père C.-de-F. En lus quelques-uns à 15/16 ans. Nonobstant toute ma bonne volonté à l’égard de tous les auteurs du monde, je dois avouer que ce B.-V. est plutôt du genre ch...t.

30 novembre [2007].Cher Philippe,je la fous mal, moi le soi-disant Onessite de Russie landaise ! C’est vrai que Libitine a un côté

russe, très prononcé, même ! et j’avions rien vu... Reste à trouver le prénom et pourquoi pas Andreï, c’est sa fête aujourd’hui, Andreï (Ivanovitch ?) Libitine, héros d’un récit russe. A écrire. Je vais y penser lors de ma promenade quotidienne. Alors voilà, au sortir de l’Hôtel du Départ, (c’est ainsi que j’appelle l’appartement, pour l’heure) Libitine allume son cigarillo, tout en vérifiant de l’autre main qu’il a bien en poche sa trinitrine, et se rend au carrefour où son papa s’est fait renverser en fumant sa pipe, il y aura 16 ans à la Saint-Nicolas, c’est tout près, ½ verste, et dans la foulée, à 3 pas du carrefour, Libitine longe la résidence où sa maman est entrée en agonie il y aura 11 ans à la Saint-Nicolas, ensuite il se dirige vers la maison où son ami le baron Xavier Rebère d’Albis de Gissac (revenu alcoolique forcené de son long séjour chez les Aborigènes pour son doctorat d’ethnologie) le 8 janvier 2005... Tout compte fait, je m’en vais appeler Libitine Mikhaïl... Je te tiens au courant de l’histoire... Et j’ai lu en entier les chants de Jean Rateau. Eh bé c’est gratiné, je te l’dis, mon poteau ! Nonobstant une bonne volonté d’enfer, je n’ai pu/su glaner grand chose, «un petit âne bis» (p. 145), «L’hostie aux feux de neige» (156), «vous, hommes à cerveaux» (59). Un petit espoir avec l’«enfant-palmipède» (La hutte des Sans-Dieu), qui disparaît (l’espoir et les palmes disparaissent) après une opération décrite bizarrement... Naturellement, Lamartine n’a pas évité le ridicule, le grotesque, dans Jocelyn, La chute d’un ange, mais... comment dire, même le risible me plaît chez ceux que j’aime bien, c’est touchant «Son pied qu’il avançait resta levé de joie...» Rateau, lui, a un risible pas émouvant : «Que le coeur de chacun d’Idéal soit crépi» (149) – et il n’atteint pas à l’outrance des dits fous littéraires (catégorie poètes ratés). Enfin. Mot de passe «Maman !» On a envie de relire le début du Voÿage : mot de passe «Merde !» (ta maman, elle t’emmerde, conneau de mourant). Tu sais pourtant que j’aime beaucoup les bons sentiments, aussi aptes à faire de la bonne littérature, que les mauvais (Dieu quel langage !), mais il y a la manière ! Je mise donc désormais sur le prêtre-martyr Jean-Joseph Rateau.

AmicalementLa Miche CuiteJe te reparlerai de Goad, «Le dernier instant» [Ld 403], si l’on peut en parler, et des

aphorismes (si tu ne réponds plus que Oui, Non, et Je sais pas – très vite le malaise...)Pour ce qui l’ennuie, Nicolas a les côtes un peu en long, c’est vrai ! (l’expression est jolie !)

mais Internet va revenir chez nous bientôt... A vrai dire, j’étais en train d’oublier son existence dans le monde ! Mais ça y est, je me rappelle !... Et que devient ce pauvre petit vieux Minitel ? Il a rejoint la

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TSF de tonton Paul ? (les livres au dos [sur une photo] proviennent de sa bibliothèque. Le meilleur est Monsieur Bille (et pas Billé)). (Quand j’ai appris que Lacassin voulait faire un catalogue de tous les livres qui n’étaient pas à la BN ! j’ai songé à tout ce que l’on ne trouvait pas sur Internet – mères-de-famille etc. Si tu les y vois : chut ! ne dis rien ! ça pourrait causer le déclic fatal ! – et que l’on obtiendrait en cliquant 36 15 Miche Cuite !

R’amicalementMiquéu la Révolte

15 décembre [2007], Sainte Ninon.Affreux micmac à La Chartreuse. Le Chat de Saint-Martin, La Tombe de Tantine, enquêtes

posthumes de Libitine.Vois-tu, mon cher Philippe, ce nom Libitine me travaille... C’est un privé des cimetières, qui

pourrait s’appeler Michka... Mais les enquêtes en resteront à ce triple titre, et puis, il est déjà mort, ce me semble... La petite annonce jointe («Funéraire. Une personne étrangère à notre famille a été inhumée ds notre caveau de La Chartreuse sans notre accord [...]») provient de Sud Ouest du mardi 27 novembre. Dans le livre voué au petit cimetière jouxtant l’église Saint-Martin de Biarritz, une photo montre un chat étendu, mais pas mort, il a l’air en bonne forme, sur la tombe où repose l’une de mes quadrisaïeules : Jeanne Dastugues. Sortons de ce cimetière, marchons 7 à 8 minutes en chantonnant Trenet, «Le ciel est bleu Le ciel est bleu Réveille-toi Réveille-toi C’est un jour nouveau qui commence Le ciel est bleu Le ciel est bleu Réveille-toi Réveille-toi Réveille-toi Les oiseaux chantent dans les bois Réveille-toi», nous voici au Cimetière du Sabaou. J’y suis allé une fois depuis la mort de Tantine, mais le gardien n’était pas là, il était, d’après une affichette, au prochain cimetière, celui de Ranquine, à un km 500, je n’ai donc pu trouver la tombe d’Hélène et Dimitri (Ziko), mais j’ai pu voir ensuite une photo : la pierre tombale a été déplacée, profanation, 3e enquête de Libitine. – Dans un dictionnaire de mythologie : Libitina, très vieille divinité romaine du monde souterrain, ni légende ni mythe, on la confondit avec Proserpine. Par suite d’une étymologie erronée, on la rapprocha de Libido, et elle devint une auxiliaire de Vénus. Cherchez la femme. Eros & Thanatos, duo si cher à nos poteaux analystes. Mais le Libitine des enquêtes posthumes n’est pas Libitina. Et peut-être Libitine a un sens, en russe ? Mon saitout, équivalent du faitout dans le domaine de la cuisine du savoir, est tjrs hors d’usage, ça n’est pas la faute à Côtes-en-Long (se dit d’un homme bizarre, capricieux, qui ne fait rien comme les autres, et aussi d’un homme paresseux – mais pour te dire un secret, longtemps j’ai affecté bizarrerie, sautes d’humeur, pour me dispenser d’en fiche une rame, mais j’y ai mis trop de coeur... Note de Miquéu Côtes-de-Couleuvre : mamo (ma grand-mère me disait parfois, en rigolant, que j’étais «feignant comme une couleuvre»). Bueno ! je vais avoir un sacré retard lorsque la machine remarchera. Heureusement que je ne regarde que le Buffalo Billé blog (faut-il «blog’s» ? : tu sais qu’au canton de Morcenx nous n’avions qu’un seul prof de langue – española : Mme Gourgues, qui nous faisait chanter : «Si vas a la romería / morena mía / de San Andrés» - j’oublie la suite) et, pour entretenir mon dégoût des livres, le blog du stakhanoviste du désenterrement des méconnus, oubliés, dédaignés, Dussert, goût/dégoût, mort/vie, sucre/sel... Pardonne-moi, la lettre s’allonge un peu trop. Un jour, maman m’a dit de lui ramener une pigne de Mimizan. En 1992. Mon père mort, très malade elle-même, elle ne quittait plus son appartement. A un clou de cercueil/cigarillo du lit où je t’écris. J’y ai rapporté une pigne. Elle l’a placée sur une étagère de sa chambre. Quand elle est morte, j’ai pris la pigne, que j’ai posée sur un livre de Francis Jammes relié par elle, dans ma chambre. Et il y a un mois, je l’ai jetée à la poubelle. Ecrit après lu de «Michel va ramasser des pignes», de Jean Balde. Jadis, je me cuitais souvent dans la forêt. On pourrait dire à la rigueur que j’y «ramassais, ou prenais des pignes». – Noté «Trui... trui...» pour le Dico-dico de Zieg. Dans ma «Foire de Bordeaux», un cinquantain scatologique fait de noms d’auteurs d’ici (1997) : «Caca Balde émouvant vain caca Ginestet / Caca Léon Valade Armand Got Lacouture / Caca caca Le Corre Escarpit Porto-Riche / Caca Vauthier caca caca Helena Miche / Caca André Lafon caca Sylvie Monange / Caca Ville-Mirmont Chaval caca étrange» Bon, je m’arrête là. A l’Hôtel du Départ, je suis aux aguets. Ca ne va pas tarder éternellement, si j’ose dire. Tout à l’heure, je suis allé peser Littré sur le pèse-personne : 12 kg. Dans le plus grand silence possible. Car le moindre bruit résonne. Au retour, je me suis mis à fouiller dans une chemise pleine de vieux papiers. Le panda Gu Gu, neuf Littrés 16, c’était dans Sud Ouest Dimanche (Sud Ouest est décidément mon baveux préféré) le 6 décembre 2006 (cet article a été collé sur un cahier) le titre «Crotte alors !» Le zoo thaïlandais de Chiangmai recycle les crottes du couple de pandas (25 kilos par jour) pour alimenter ses caisses. Les produits en papier multicolore (cahiers, éventails, marque-pages ou porte-clefs) issus du retraitement des fèces, nettoyées, bouillies, javellisées et séchées, ont remporté un grand succès dans la boutique du zoo et ont déjà rapporté 5200 dollars. Il ne s’agit pas de Gu-Gu. Mais cela fait un lien. Et le papier hygiénique ?

Pour le Rateau-Landeville, dis-moi si tu le reveux.

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AmicalementCéphalo Bill* [rayé], Miquéu le Raskolnikov d’Onesse et Laharie* ça doit venir de Bagatelles, où Ferdinand dit aussi, je crois, qu’en Russie «Raskolnikov c’est

Bouboule», nos atypiques les plus paroxystiques chez eux là-bas c’est l’ami Duraton et sa grosse Bobonne et à propos, toi qui es au moins pentaglotte, l’équivalent anglais du «rat de bibliothèque», n’est-ce le «ver de bibliothèque» ? [en fait : a book worm] (je pense à un hybride, le verrat de bibliothèque).

2 janvier [2008].Au cas où te prendrait l’envie de lire du Rateau, revoici le Poème de Verdun. Je lis un homme

ces temps-ci, qui lui aussi a écrit sur Verdun, Bordeaux, Henry Bordeaux, mais la perf’ envisagée, «J’enterre Bordeaux», (33 Bordeaux), va rester virtuelle, ou conceptuelle, je pense, enfin, on verra, ou on ne verra rien... Je joins une petite chose de la série «Pour en finir avec...», chez L’Hôte et Moi, une succursale de Schéol, pas de commentaires, sauf peut-être à propos de Dimitri Tolstoï, qui, d’après le dernier des copains landais, est en vrai l’arrière ou l’arrière-arrière-petit-fils de Léon, sur l’annuaire il vient juste après Tocheport (impliqué dans «Une attaque au hachoir – un ancêtre Torchepot a dû changer de nom, j’imagine...) Deux mois que le saitout est hors d’usage, Free a envoyé une boîte qui n’allait pas, et quand on (Lise) appelle la «maison», des voix étranges nous répondent des bizarreries, mais nous payons encore une taxe, il va falloir réclamer auprès du chef de service, à moins que nous n'annulions, ce qui serait peut-être mieux.

Bonne année mon cher PhilippeMikhaïl Ivanovitch O H L

10 janvier [2008].Cher Philippe,Marai Sandor, c'est lui! tu l'avais cherché sur la toile pour moi, on y donnait des raisons

vaseuses à son suicide, je comprends qu'il se soit tué plutôt que de finir sa vie à l'hosto (article du journal : tu surestimes sans doute mes connaissances en español, mais enfin tant bien que mal, avec mon petit dico Toro y Gisbert, j'ai pu piger, à peu près. La pérdida paulatina de sus seres queridos = la disparition successive des êtres chers? Toro dit «lente»…) Le Tierra, tierra!, en français Mémoires de Hongrie (Föld, föld!), excellente autobiographie, la tyrannie des nazis et des soviétiques, que Marai ne pouvait que fuir, il s'exile lorsqu'il comprend : exil ou mort… L'article espagnol ne parle pas du chapitre voué à Krudy, mon magyar préféré, dont Marai parle avec ferveur. - Mais en anglais, là j'ai zéro! J'ignorais même, ou j'avais oublié, que Graves voulait dire «tombes». C'est le genre de liens qui me pendent au nez. Et «hole»? fosse de cimetière? - Les 3/4 du recueil, je les notai en août, seul à Jean-Soula, et puis j'ai repris la chemise, et ajouté le reste, Libitine te doit la vie en partie!… et dans mes lettres effectivement, j'ai dû aborder d'autres sujets… J'ai envoyé récemment à l'ami Zieg 3 pages de notes explicatives, j'ai eu la flemme de les photocopier, mais peut-être les sortira-t-il à l'Eden. (Certains titres viennent de Bordeaux - Henry!) Littré (je dois être ch…t, à force, avec l'Emile!) donne Torche-pot, torche-poteux, torche-pertuis, sittelle, et à Sittelle, sittèle : perce-pot! Je traverse souvent le bordelais parc mais je ne vois jamais rien - misérable que je suis! Reçu le blog, et tu as très bien fait de me l'envoyer, je serai 100 x + à l'aise pour le lire, mais d'ores et déj', au premier survol, quelques notes en commençant par la fin : La traversée de Paris m'avait beaucoup plu (il y a … 25 ans) comme la plupart des Autant-Lara (dont le papa et la maman visitaient souvent Claude Duboscq à Onesse - la photocopie [au verso de laquelle il écrit] vient de La tournée des Grands-Ducs : Les Russes sur la Côte Atlantique, par Alexandre de la Cerda, Atlantica, 1999 - tu vois que Dimitri Tolstoï, arrière ou arrière-arrière-petit-fils de Léon, n'est pas le 1er Russe à séjourner à Onessa) et Marielle, j'aime aussi - sinon, tous les acteurs que j'aimais sont au royaume sombre - hmm, non : Jean Rochefort, Nicholson, Delon-jadis. Beau quatrain de l'abbé, choisi Chassiron à cause de lui…Cecília Meireles j'ai oublié ses poèmes de Ld mais - le mystère - l'envoûtement. La poétesse à laquelle je reviens : Emily Dickinson, mais elle n'a pas «quelques aspects funèbres», elle n'a qu'un, disons, centre d'intérêt, pas la peine de te faire un dessin, y aurait une faux, un squelette. Le maître de Mimizan : j'eusse autrefois pu en tirer un héros de récit initiatique et épouvantable, une lovecrafterie gasconne! Jim Goad voilà un type très, très, comment dire, prenant. Plaisanterie préférée : «Si je n'avais plus que 5 minutes à vivre…» type de drôlerie peu commune. (Klima, Thompson peut-être?, le soldat Chveik, mais j'avais pensé au soldat à propos de la pensée de Mencken (qui c'est) sur la bigamie : un ami du soldat ne pouvant se débarrasser de la femme qui se colle à lui trouve un moyen de s'en sortir, le seul : il se suicide avec elle - et si certains suicides de conjoints étaient dus à cela?) Sinon Dosto, Kafka, Dickens, des goûts classiques en effet. 5 décembre : ton inconscient ne t'aurait-il lancé un appel? avec Europe-Hein? Souviens-toi du calembouriste Mikhaïl, hein? hein? (en Bouristie il doit pas y avoir

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des masses de Mikhaïl…) Tartempion : lu dans Boudard jadis que Tartempion était une trouvaille de… Landru! avant de s'en prendre aux dames mûres, il avait commis pas mal d'escroqueries (son papa, désespéré, s'en était tué! ah! s'il avait tout su) et pris pas mal de faux noms, dont Tartempion… Est-ce une blague d'Alphonse? Va donc voir au saitout! Ah, ça fait du bien d'écrire à la va-vite comme un petit cochon!

AmicalementMikhaïl Ivanovitch Ohl[sur un extrait joint du Guide Nicaise des Associations d'Amis d'Auteurs :] … il n'existe pas à

mon su d'Association d'Ennemis d'Auteurs?

Saint Marius [19 janvier 2008, sous la forme d'un livret].Lettre à Billé à propos de BrizeuxTon «je brise là» de mercredi soir me rappelle Brizeux… Mais, mon cher, sur le «doux Brizeux

(buveur de cidre)» (Verlaine) je remplirais 2 cahiers Clairefontaine… Clé : «Pas d'omelette poétique sans Brizeux» - que j'ai mis dans Pauvre cerveau… car le doux Auguste m'a suivi si j'ose dire toute la vie, depuis le Lycée Victor-Duruy, où j'ai déniché Marie d'occasion (Gainsbourg appelait Catherine Deneuve : Catherine d'Occase), étant à 16 ans révolté, il me fallait me révolter contre ma révolte, et puis, chez les adorateurs de saint Céline et saint Artaud et saint Dosto, dont j'étais, aimer Brizeux me semblait très chic, le signe d'un esprit raffiné (c'était un petit cinéma pour 2, 3 amis, n'est-ce pas, et encore ne suis-je pas sûr aujourd'hui de ne pas avoir été seul), je me suis donc évertué à aimer Julien Auguste Pélage (1803, Lorient - 1858, Montpellier). Dieu du ciel à mon âge il n'était plus, déjà, depuis 5 ans - et je l'ai aimé, et naturellement je me suis aussi moqué de lui, et de ce côté mièvre en moi qui trouvait des échos en lui… J'ai lu ses autres oeuvres, ensuite, à la BM, Les Bretons, Histoires poétiques… une biographie, oeuvre d'un curé, les éloges de Sainte-Beuve, les éreintements de la plupart de ses contemporains, sauf Vigny, son grand ami, les Romantiques le trouvaient ringard! ah! ça n'était pas un frénétique, le Brizeux (voix à la Raimu : «Tu nous les briseu!»), voilà pourquoi sans doute je l'ai choisi, avec ces foldingos de Forneret et Roussel, comme poètes préférés du Q. de P., (il est iota dans l'Index - Pataph. Bab.) Au Lycée Montaigne j'ai eu le temps, avant d'être viré, de concourir pour les Bourses Zellidja, avec Le parcours de Brizeux en Bretagne, petit essai très documenté, avec cartes, j'ai bazardé cette chose, les pages miennes que ma mère préférait, les seules qu'elle aimait, pour tout dire, et d'ailleurs maman avait alerté des amies, certaines devenues religieuses, et j'allais être accueilli en Bretagne à bras ouverts à chaque étape de mon Parcours (ou Itinéraire) Brizeux mais hélas! ce si beau projet ne fut pas retenu par les hautes instances… Il a tout de même laissé des traces dans l'esprit du condisciple Jean-Marc Faubert (disparu voici un an) qui, dans plusieurs de ses papiers de Sud Ouest, évoque Brizeux à mon sujet («Fils de Jarry et de Brizeux» écrit-il, et j'ai inclus ce titre dans l'EdeN des références de Pauvre cerveau) (et de l'Etranger). Cucu, certes, l'épigraphe «Oh! ne quittez jamais…» cucûment dit, mais c'est aussi mon idée, rester à la maison natale, ne pas s'éloigner du cimetière, ni de l'école communale, où j'ai appris à écrire la présente lettre, ni non plus de l'église, ni non plus du café originel (et l'on a reproché à Brizeux de préférer les veillées à l'auberge avec les paysans aux soirées parisiennes littéraires - il a recueilli auprès d'eux proverbes et chansons, Avel, avelou, holl avel, vents, vents, tout n'est que vent… La plaisanterie est facile). «Ma rie Marie» (Entre devins) Le cercueil de la couverture de la Débâcle - eh bé il vient de Brizeux, aussi. Telen Arvor, La Harpe d'Armorique bilingue mis en français par Auguste (qui traduisait aussi Dante). «Epouvante! à travers les champs et la lande on vit / Ces jeunes soldats porter leur bière ; / Ils menaient à leur tombe et devant eux le deuil, / En chantant avec le prêtre la prière des morts.» (Les conscrits de Plo-Meur) (révolte contre Napoléon «vrai loup de guerre») Bueno! Stop-là! J'ai failli ajouter au Dernier des A paraître : Brizeux, c'est beaucoup plus que Brizeux. Je n'ai plus qu'un des quatre volumes de ses oeuvres, mais je ne pense pas le relire! C'est une histoire très cucul elle-même!

Si je «pète le feu», c'est les dernières cartouches.Satie fut un ami de Claude Duboscq, dont les titres d'oeuvres musicales s'apparentent parfois

aux noms bizarres donnés par Satie…Oublié aussi de te parler de Michel Valprémy. Je suis allé revoir cette 4e de couverture : je n'y

comprends plus grand chose, il faut dire qu'une ligne entière a été omise par l'imprimeur : mais je l'ai perdue! L'Appartement… m'avait charmé, Michel Valprémy aussi…

Pas connu de Gazel à Mimizan. Tu penses que j'aurais retenu ce nom! Il figurerait dans une ripopée! Hé non!

AmicalementMichel

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Dimanche 3 [février 2008]Cher Philippe,je ne changerai pas grand chose à la lettre/Brizeux [cf Ld 418], ou alors il faudrait tout récrire.

Ce serait plutôt «Evocation d'Auguste Brizeux». Bien que baptisé Julien-Auguste-Pélage (avec tirets) (remarque, je l'ai vu aussi écrit sans traits d'union), il signait Auguste. Le poème utilisé en exergue s'appelle «Le Pays». Brizeux a retravaillé son poème, l'édition que j'ai reprend celle de 1840, apparemment, mais le préfacier cite deux vers d'une version antérieure : «Oh! ne quittez jamais le seuil de votre porte! / Mourez dans la maison où votre mère est morte!» c'est probablement cette version que j'ai lue à 16 ans, et qui m'a marqué au point que je l'ai parodiée : «Oh! ne quittez jamais le deuil de votre Porte! / Faites-vous un manteau peint en noir, de Son bois, / Glissez-vous-y tout nu et restez dans le froid, / Ou dans le chaud, debout sur le seuil de la Morte, / Attendant que le diable, ou la mort, vous emporte.» (Entre devins, 106)

Je te donne les lignes de Verlaine : «O oui, ce qu'il existe de tenue dans la taverne de L'Envol! Car, en dépit de leur talent très apprécié, surtout à L'Envol, je crains fort que Villon, ni Musset, ni Shakespeare, ni même le doux Brizeux (buveur de cidre) ne se fussent jamais vus admis dans ce choix d'hommes exquis. Fantômes «pas bien», na!» (Ce «Fantômes «pas bien», na!» me semble un excellent titre d'A paraître.)

[Diverses suggestions de corrections, dont je tiens compte dans ma transcription ci-dessus de la lettre du 19 janvier…]

[…] les éreintements de tant d'autres (tu peux donner un exemple : «un pauvre petit filet de pensées et d'images bretonnes, sincère mais monotone jusqu'à l'ennui, il impatiente encore malgré sa concision asthmatique ; c'est de la poésie chétive, de la naïveté contrefaite, et de la nudité pénible à voir» Amiel, Journal, Mardi 14 août 1855)

[…] Je ne suis pas un fana des !! parfois, dans mes lettres, ils sont des baffes que je me donne pour me punir de mes tics et manies.

Enfin, mon cher, j'allais dire «tu fais comme tu sens», mais j'ai frémi, je me suis repris, tu vois ce que tu peux tirer de ces notes.

Jamais de ma vie entendu parler d'une publication Discréto… mais : le saitout?AmicalementMichéu

[même date, en marge d'une feuille d'épreuve de la lettre du 19 janvier sur Brizeux, qui devait être publiée dans la Ld 418]

la parodie de Entre devins, attribuée à Brizeux soi-même, personnage de l'histoire, qui l'aurait écrite dans «Ma rie Marie», me paraît symptomatique, si je puis dire, de mon rapport à Brizeux - rester où l'on naît, y attendre la mort, en se berçant d'histoires touchantes, pathétiques

j'espère que tu te retrouveras dans cette relecture - appelle-moi le cas éch' (jamais entendu un jeune dire «le cas éch'», mais ils ne doivent pas user de l'expression. Et «d'ores et déj'»…!)[même date, en marge d'un article sur Yves Moélo :] J'attends «La fin du monde» (de l'ami Yves de Brizeux) devenu «La Bonne Nouvelle» dans l'édition que la BN doit m'envoyer incessamment (40 p.) Je t'en reparlerai. Cette «Histoire d'un saint homme original» a été envoyée à Lise par son oncle de Loctudy, Georges Le Lay, 92 ans, qui parle le breton (et le russe…)

Vendredi 8 [février 2008].Cher Philippe,le «Brizeux» me va impec. La parodie, pour tout dire, je l'avais oubliée, j'y ai repensé en

t'écrivant la 2e lettre… Ce retour éternel à Brizeux, c'est bien le signe de son pouvoir sur mon coeur, si coeur de pierre : Brizeux/aimant. Merci de ton accueil gracieux, qui sait si le «Brizeux, c'est beaucoup plus que Brizeux», à présent…

J'attends la Bonne Nouvelle du condisciple du poète, la BN ne se casse pas le cul, si l'on peut dire, j'attends aussi d'autres nouvelles, peut-être moins bonnes, je me demande si je ne t'ai déjà envoyé Oeufs d'auteurs.

AmicalementMichou (j'allais écrire «le regretté Michou» mais non! ce serait con! me suis-je dit… et je l'ai pas

écrit)Mon ami Georges Walter publie ses Mémoires curieux d'une espèce de Hongrois, que j'attends

impatiemment. Son grand ami Frédéric de Towarnicki vient de disparaître.

Lundi 11 [février 2008].Cher Philippe,Pélage, oui : erreur de ma part!

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Q. de P. : Questionnaire de Proust, mais oui!Dans Pataphysical Baby, une liste alphabétique des noms cités, sans références, baptisée

Index des Personnages : Amiel … Brizeux (Auguste Julien Pélage), doux poète … Carlsberg, bière danoise … Géraldy (Paul), doux poète … Laval (Pierre) … Michou … (quelque 350 noms).

Je n'ai pas d'imprimante, Nicolas me tire textes ou photos, parfois, si je le tanne… Merci donc, pour l'Auguste…

Récupéré l'anthologie de Got, beaucoup d'inconnus, je vais voir ça de plus près.Lu pas mal de prêtres illuminés, lors de la période fous littéraires, m'étaient fort sympathiques,

pour la plupart.Lise me dit que l'oncle Georges sait le grec, le latin, l'hébreu, l'espagnol… en sus du breton et

du russe… En son hospice aujourd'hui ne lit plus que la Bible.Roux : on s'envoie tous les six mois une carte postale avec l'heure à une horloge, un clocher…

C'était mon condisciple à la Fac, le sais-tu? Mais il a dû décrocher le Deug (ça s'appelait comme ça je crois) complet. Valprémy était dans l'autre section de Lettres : j'ai dû le croiser 1000 fois sans le connaître, du côté de 68… Roux, j'aimais bien son attitude nonchalante je-m'en-foutiste mais nos rencontres ont toutes tourné court, pourquoi te raconter tout ça, la lettre aussi tourne court… Des hémorragies sans 2e h compliquées par 20 ans d'anticoagulants nécessitent une endoscopie du larynx, on va voir s'il y a lieu de crever de peur en fin de mois. L'hiver indien de Frédo Roux salué comme on dit un peu partout. «Grognon» d'accord mais que veut dire «schtroumph» en cette occurrence? et je ne connais pas non plus «nain bleu électronique» ah! je suis largué ah! il est temps que je me fasse fou de Dieu en Russie sur les chemins du XIXe siècle.

AmicalementMikhaïl Ivanovitch

Jeudi 28 [février 2008].Cher Philippe,recyclage pour recyclage, je t'écris sur une carte de M. Dussert. Il me demande ce qu'il en est

de ce «point d'aisance» qui m'est attribué sur le Saint-Ecran : il s'agit tout bêtement du point de merde (mais je trouve «point d'aisance» charmant!) Demain 29, Saint Auguste, pas étonnant que ce pauvre Brizeux soit oublié!… [en fait, le saint Auguste «principal est fêté le 7 octobre»] mais nous oeuvrons pour lui (et j'ai dû te dire que tes retouches m'agréaient). Reçu La Bonne Nouvelle de l'ami Moëlo de Brizeux, saint homme et doux fou, je n'ai su le suivre dans ses calculs, je le relirai, il voit la fin du monde en 2004, le temps de vie terrestre de Jésus joue dans sa démonstration, il compte 33 ans, aujourd'hui on dirait 37, 38? Est-ce à dire que la F. du m. est pour 2008 ou 2009? Affaire à suivre. Mais j'essaierai d'écrire une page sur ce brave prêtre… Loctudy?… hmm… faudrait d'abord que j'allasse à Biarritz, pour le devoir de mémoire envers la famille, le seul qui compte à mes yeux : et je ne le remplis pas! Salaud de Michenka, va! Au saitout, aussi l'autre jour : je tape Thrasybule Ohl (le demi-frère de mon grand-père) : il est mort à 2 jours au Boucau! le 6 mars 1869, donc! (Mais j'avais concentré mes recherches sur Bayonne.) Quand j'écrivais Rêves d'avant la mort, j'en parlais à mon grand ami le baron Xavier de Gissac, il me suggéra d'écrire Rêves d'après la mort -- et il est mort. C'était une note de Mimi le Foufou, après la découverte de Pepe le Fou. Endoscopie gorge / trachée non concluante. Et ils m'ont arraché la dent du bas pour les besoins de l'anesthésie générale. Me voilà décadent. Faut que je me grouille pour le Manifeste : dents du haut pourries. Je passe aux mains du gastro : endoscopie probable + biopsie because taches suspectes oesophage.

AmicalementMichou

Jeudi [20 mars 2008] Printemps.Cher Philippe,Nivat, je suis même allé l'écouter parler de Nabokov à la BM il y a quelque 15 ans, j'avais été un

peu déçu, par rapport à ses préfaces subtiles aux auteurs les plus différents, Gogol, Soljénitsyne, Alexandre Blok, mais il faut dire que les étudiants, certains du moins, l'avaient remis rapidos dans le droit chemin scolaire… Et puis, j'ai écrit à Nivat à Genève, je voulais son avis sur un texte à propos de Dostoïevski, mais je n'ai pas eu de réponse, peut-être le courrier s'est-il perdu… En tout cas, il la connaît bien, sa Russie… Ce qu'il dit de la «célébration de la démesure et de la performance» pour expliquer la révolution, qui «a continué jusqu'à la férocité la plus extrême, sa débâcle absolue» - Nivat parle longuement d'un homme mystérieux, qui l'a fasciné, Pierre Pascal, auvergnat comme Blaise et Nivat, un drôle de coco! si l'on peut dire… P. P., j'ai découvert grâce à ses traductions et commentaires, des écrivains inconnus ici, ou quasiment, je garde précieusement son édition de l'archiprêtre Avvakum, le premier à avoir abandonné le slavon pour le russe, l'initiateur du schisme

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des Vieux-Croyants… Je n'ai fait que feuilleter, jadis, le Journal de Pascal à L'Age d'Homme, trop tard aujourd'hui pour le reprendre, je me souviens que dans la préface de l'un des 3 (ou 4?) volumes, il y avait le n° de téléphone de Raspoutine, qui pouvait joindre directement l'impératrice… (Une chanson guillerette de Trenet, composée peu avant sa mort : «Raspoutine» (qui devient «Raspou») Nicolas me l'a passée un jour.) J'ai souvent téléphoné à Raspoutine, le soir, et puis j'ai perdu le numéro, qui sait s'il ne figure dans le saitout? Merci, donc, de cet entretien… Et d'où vient cette carte-vue de lycéens studieux au jardin public? Années 60? Espagne? ou Portugal? Pas plus de flegme, en moi, que de beurre allégé à l'aire de l'aigle, comme dit le (mauvais) poète! En vérité, je fais le faraud, dès que ça va mieux, que j'ai un sursis, que la douleur s'atténue ou s'en va… Beaucoup font de même. Je dois passer une endoscopie de l'oesophage et l'estomac le 11 avril, saint Stanislas, patron de la Pologne: c'est très bon signe! Auparavant, figure-toi, si Dieu le veut, le 30 mars, je pars à Onesse avec le petit frère! Quelques heures chez un Onessois de ton âge, qui s'occupe d'un site, La Mémoire d'Onesse, et il a eu recours à moi pour des photos d'autrefois, et les Souvenirs de ma mère touchant le village, l'ont «passionné», tel est son mot, j'ai un petit ricanement, les rares fois où je l'entends, mais quand il l'a prononcé, j'ai eu la décence de me maîtriser, ah! maman, tu peux être fière de ton galopin… Bon : Audubon, je l'ai découpé dans Sud Ouest.

AmicalementMichenkaBéa Brizeux rechante!! (Barbezieux-Charente)

5 avril [2008].Cher Philippe,quelques nouvelles petites chosettes. «Amas de neige» : je voulais les dédicacer en mettant le

nom du destinataire en guise de nom d'auteur, ainsi ai-je procédé au début, et puis j'y ai renoncé (il y en a 15). Je ne sais à combien de «gugu» j'en suis, mais je dois être encore loin des morts d'Edgar Poe… Un jour je tape Thrasybule Ohl (dont ma mère avait pu apprendre qu'il était mort «en nourrice») sur le satanique saitout, hop! état-civil de Boucau : Thrasybule fils d'Aricie mort à 2 jours (le roi Jean Ier, lui, vécut 6 jours…) Je joins «Coupe sombre du monde», surtout pour mon grand-oncle Pierre (Virginius Pierre à l'état-civil, mais il a largué Virginius!), demi-frère de Thrasybule, que j'ai connu, gamin, à Onesse, et Villefranque, mais dont je n'ai gardé qu'un très très vague souvenir… «Boudigans» : ces quelques notes ont trait aussi à la «Débâcle de l'A paraître». Pour la propriété littéraire du titre, mon frère me dit que la liberté est totale, mais je n'ai pas vraiment cherché plus avant (ce n'était que prétexte à faire le couillon). Le 1er avril figure-toi je devais réaliser la prouesse de me rendre à un Atelier d'Ecriture et de parler, répondre au moins aux questions de l'assistance (dans mon territoire, proche Saint-Seurin), j'avais après 2 ans de tergiversations accepté la proposition du très aimable animateur. Le 31 mars, je me casse la figure à la maison à la suite d'un malaise, bloque le côté dextre de mon dos et ne peux quitter le lit de 3 jours. Désormais, jusqu'à la fin des haricots gris, plus aucune tentative de prestation. Et la fin du monde est pour mai.

AmitiésMichel O H L

Dimanche [13 avril 2008]J'ai sous les yeux en ce moment vois-tu mon cher La Fleur du Cercueil par le Révérend Père

de Préville (comme le château) collection Bijou, la livrette ne s'est pas perdue! je l'avais mise de côté, près des écrits du curé Moélo, le calculateur de la fin du monde, parce que je trouvais une parenté, entre les doux délires, prévoyant d'écrire quelques mots sur Yves Moélo, je songeais à les embellir d'images de La Fleur du Cercueil, et puis le héros est frère du pèlerin russe, sa prière du coeur, c'est Marie, et non Jésus, reveux-tu le petit livre? ou si je peux le garder? j'ai omis de t'en parler, au milieu de mes soucis… je n'ai pas pété les plombs, il m'arrive parfois, dans mes lettres mouvance farce, de raconter que l'on m'enferme, mais ça n'est pas arrivé depuis 25 ans, Garderose 83 il me semble, ensuite je suis passé aux maisons de pitié physique, je parle de Barbezieux, car j'ai fait poster la lettre aux éd. Descartes par Thomas, près Barbezieux (en arrière-pensée Chardonne de Barbezieux, auteur du Bonheur à Barbezieux, l'Amour c'est beaucoup + que l'amour > Brizeux bcp + que Brizeux…), la lettre à Mollat (au fait : te l'ai-je donnée?), Zieg l'a postée du côté de Châlette, j'étais censé me morfondre dans une clinique par là-haut, un jour Ziegel a posté une lettre à Bordeaux-en-Gâtinais, destinée à M. Audinet Eric, dont le livre qui raconte un voyage à Venise (Doubs) évoque Bordeaux-en-Gâtinais -- soucis de santé physique, le dernier examen à Saint-André plutôt rassurant, pas de tumeur maligne de l'oesophage, s'agit à présent d'attendre les résultats de l'histologie, rien ne me fut tchouré cette fois pendant l'anesthésie, j'aurais quelques bonnes histoires à raconter, je pourrais faire à force un blog opératoire, certaines histoires sont un peu longuettes, ou carrément longues, je te dirai

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seulement qu'en partant, j'ai demandé humblement une ordonnance, des compléments alimentaires (un breuvage aussi mauvais que ce Zythogale, mi-bière, mi-lait, que je me fis servir un soir aux Arts, au haut Moyen Age), car mon poids s'est mis à évoquer la dernière année de la Seconde Guerre mondiale et au lieu de dire Fortimel, j'ai dit Fournirel, j'étais encore un peu endormi, mais que pourrait être un médicament appelé Fournirel? Bueno! Dis-moi donc pour La Fleur du Cercueil et je me demande ce qui poussera sur «ma» tombe quand j'y serai bien sûr : Nicotiana tabacum, les professeurs addictologues y conduiront leurs élèves au moins je ne serai pas mort en vain.

AmicalementMiguel!

1er mai [2008].Cher Philippe,tu es très bon en français accentué tudesque, ça me replonge dans les soirées d'enfance

lorsque mon papa nous lisait à Onesse les passages de la dive comtesse née Rostopchine, où intervenaient des Allemands un brin caricaturaux (La fortune de Gaspard?). Le père Balzacaoua, lui, en faisait un peu trop dans ce domaine, mais pas d'Honoré sans outrances. Bueno! Me suis aperçu en rouvrant le Guide de la Bretagne mystérieuse (page Le Folgoët) que le Révérend de Préville, de La Fleur du Cercueil, s'était contenté de paraphraser, assez mal parfois, la légende de Salaün, d'Albert le Grand (XIVe siècle). Mais il reste les jolies images -- Autre oubli de ma part : chez Jarry, dans Faustroll, écrit du côté de 1900, apparaît un Tartempion, chef de rayon du magasin Au Luxe bourgeois - Landru avait 30 ans… Ce qui m'amène à Boudard : dans un livre d'entretiens et de souvenirs, se trouvent ses réponses au questionnaire de Proust. Si cela t'intéresse, je t'envoie une copie. «Mes poètes préférés? - Landru, le docteur Petiot et Déroulède. - Vos héroïnes dans la fiction - Bécassine, la Mère Michel et le Grand Meaulnes.» -- Passons au père Michel (Fourniret) : tout se tient, vois-tu, parce que, dans sa cellule, «il a fait ses propres corrections sur un chapitre du Grand Meaulnes.» L'ennui, c'est que le passage incriminé, eh bien, d'après les «précisions» d'Alain Hamon (Les diaboliques face à leurs juges), je ne peux le retrouver, si je m'exprime bien. Sud Ouest a cité iota l'arrachage des yeux. Il s'agirait d'une lettre à Sélim, le fils qui servit d'appât, ce pauvre Sélim vit aujourd'hui dans le Midi, avec deux demi-frères, qui le protègent vaille que vaille. Fourniret, attention au phraseur… Il contamine, entre autres, ses biographes. Hamon dédie son livre «A toutes les victimes et à leurs familles». Autre fleur du florilège : «Pour moi, une femme, ça ne défèque pas. C'est dégradant, ce n'est pas à la hauteur de l'image de la sainte Vierge.» (M.F.) «Fourniret n'avait de l'affection pour les gens qu'une fois morts» disait sa fille Marie-Hélène peu avant de se tuer. (Ici : temps de méditation.) L'auteur de cette lettre se rappelle avoir écrit de lui-même «il n'aimait les êtres, en gros, qu'une fois morts» (Onessa). Il se dit que 5200 auteurs ont déjà écrit ça, mais ça n'arrange rien. Dans une guerre bien atroce, Fourniret eût été Tartempion, Bouboule et Machin. J'ai lu Willy de Spens, jadis, mon pays landais, à l'époque où je me partageais entre mon grand-père Croix de Feu, mon grand-oncle bien plus extrémiste, Les Veillées des Chaumières, Kropotkine, Bibi Fricotin… Sarkozy a déclaré que Céline était son écrivain préféré, je sais que ça fait plaisir de savoir que ses chouchous sont un petit peu maudits encore, victimes de la discrimination mais c'est fini, cela.

AmicalementMichou

Lundi [5 mai 2008].Cher Philippe,si tu rencontres Marguerite de Montebello, pas de calembours sur le nom du maréchal Lannes,

c'est peut-être sa descendante? Une flopée de noms de personnages bayonnais, biarrots, basques, me reviennent d'autrefois, sûrement d'Arribehaude a connu certains d'entre eux… Parmi les plus célèbres les d'Arcangues, l'ami de mon grand-père Claude Farrère, Régis-Bastide, Joseph Peyré… Je me suis amusé à torcher une circulaire autour de Mai 68, après avoir considéré la montagne de livres sur le sujet, apparus ces temps-ci… Oui, si la petite histoire t'intéresse, j'aimerais bien que Domingo y figurât en homme à la faux. J'ai fouillé les albums de photos une ixième fois, et revu ce qui devait être une maison familiale des Ohl, à Guéthary, il y a 90 ans… Mon père, gamin, pose devant elle. Et n'oublions surtout pas le grand Paul-Jean Toulet des Lettres à soi-même, et autres merveilles… Dans Sud Ouest il est question parfois de Patrick Scarzello. Il est à l'honneur dans le gros livre Bordeaux Rock, feuilleté chez Georges. Il a «fait» je crois une chanson appelée «Mon caca». Un léger quiproquo, il y a quelques années, quand je lui ai envoyé mes modestes chansons! J'ai enregistré ça à tout berzingue, avec un matériel du Moyen Age, pour rigoler un brin (ça m'arrivait encore), techniquement bien sûr, c'était de la vraie mouise, je ne lui demandais pas une critique de professionnel… Enfin, je me rappelle ses visites amicales à Jean-Soula et Bardamu… Amitiés à lui le

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cas éch' (Ca fait jeune de tout abréger, mais cette expression ne doit plus être employée), recuerdos à toi itou […] Et connais-tu les films de Jean Boyer, le chansonnier de «Pour aller à mon bureau», allègre chanson reprise à ravir par Brassens? J'ai un souvenir excellent de Nous irons à Paris, vu à Bayonne, au Vigilant, il y a 46 ou 7 ans…

Mikhaïl Ivanovitch

Jeudi 15 mai [2008].Tout d'abord, Felipe, ce mot de rêve, «marcenada»… [dans mon Journal au 7 mai] as-tu appris

quelque chose d'autre? (j'imaginais un rêve de Santander où marcenada serait revenu - un jeu de saute-frontières…) Il y a cette étrange correspondance : relisant Toulet ( le poète qui s'est marié, et puis éteint, à Guéthary) il y a 2 ans je suis retombé sur : «J'ai rêvé que je parlais russe, et que bisteron signifiait : étrange.» Journal, Ile Maurice, jeudi 4 août 1886. Cela m'a inspiré une histoire (funèbre!), «Bisteron», que je n'ai pas dû t'envoyer, car je n'ai eu de Guy Ferdinande que 3 ex. d'auteur. Et j'ai pensé à un dictionnaire : le Bisteron des mots rêvés… Je me demande si j'ai noté moi-même des mots rêvés?… Possible. Pas sûr . (Tu notes une signature d'internaute qui intrigue, avec «petit samouraï») Bueno! Pour Sarkozy, j'ai lu l'information dans la salle d'attente du masseur : le Figaro-Magazine peut-être. Not' président y dit que Céline est son préféré, et ajoute : «On peut aimer Proust sans être homosexuel et Céline sans être antisémite.» Je ne crois pas me gourer dans l'expression mais c'était peut-être une autre revue, pas Gala, ou Voici, mais Elle? que sais-je… Et si tu t'adressais à saint Google (j'ai vu que tu sanctifiais, toi aussi, tel bibi…)«Dans la tempête» : je serais d'accord pour un petit Discréto (et tu m'éclaires sur ce 2e sens du mot, que j'ignorais, le titre de la collection me va bien, ainsi) mais je te récrirai à ce propos dans quelques jours, te renverrai la maquette après lecture attentive, l'un de mes défauts étant la précipitation. Domingo à la une, oui, dans un format intermédiaire entre mon document et ton agrandissement. Je t'envoie Poésies complètes, qui demanderaient un kilo de notes, mais tu pourras tjrs admirer les 3 frères en 1960. Jean-Pierre m'a parlé du paquet laissé chez Georges, Lise va aller le chercher. Je vais voir à l'hosto les résultats du jardinage de ma flore intestinale, mais ce devrait être bon (me persuadé-je). Ci-joint Phonphonse aux prises avec le Q. de P.

AmitiésMiguelito

Lundi [19 mai 2008, en marge d'une épreuve corrigée du texte de «Dans la tempête»].Voilà ma lecture, à quoi j'ajoute notes d'Arribe (je t'avoue que je n'ai pas été subjugué, sensible

fus-je toutefois à certains passages, sur sa maman à Bayonne, quelques âmes du Purgatoire littéraire). Michel O H L

D'Arribehaude.Vu Quelques jours de la vie d'Oblomov en 81 à Paris avec Jean-Pierre, lors de mon avant-

dernier voyage là-haut, admirable, c'est vrai, dans mon souvenir… Oblomov, peut-être le livre qui m'a le + marqué - pas sûr que d'Arribe l'ait lu - aimé, du moins.

Willy de Spens / Dufilho, pas étonné de leur amitié, doux fous rêveurs tous deux, aux bizarreries touchantes.

Lignes sur Gombrowicz, bien vu.Guy d'Arcangues, l'âme de toutes les fêtes aristocratiques de la côte basque. Ma mère m'en

parlait souvent. Elle raconte que son père (qui a écrit au moins une chanson pour Luis Mariano) avait une fabrique de fleurs / couronnes mortuaires à Villefranque! (site de «Dans la tempête») Guy d'Arc alcoolo, tirs son flacon de scotch sur lui, m'a dit Periz autrefois. Il l'a publié chez Opales (ses livres ne m'ont pas emballé). + voici 2, 3 ans?

Nelson / Livres de demain / Comtesse de Ségur. Ces livres étaient aussi chez mes parents. Ne serait-ce plutôt le Voyage aux Pyrénées de Taine? Il y raconte un séisme du côté d'Argelès / Cauterets.

J'appelais «papé» mon grand-père landais de Morcenx. A Tartas où ma mère était pensionnaire, a pu croiser le papé de d'Arribe.

Gorostarzu, un nom qui revenait dans les conversations à la maison d'enfance, mais aucun des noms des amis de Bayonne de l'auteur ne me dit rien.

Festival du film maudit : un ami de JP avait le projet de faire un documentaire sur le sujet, recherchait les témoins survivants.

Rue Victor Hugo, Bayonne (ex Chegaray) où naquit ma gd-mère pat'.Jean Lagrolet : à Orthez un type nommé Zéroville m'avait parlé de lui. J'ai lu (75 environ) Les

vainqueurs du jaloux. Même impression à la lecture que celle de d'Arribe (on a voulu le classer avec les néo-romanciers, bien à tort m'avait-il semblé, beaucoup moins ennuyeux en tout cas, «folie qui

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bout dans la chaudière etc…») Aux oubliettes le pauvre Lagrolet.Nive / Néva, vu!Monteilhet vit (vivait?) à Dax.Lu Daphne Adeane de Baring jadis, enchanteur itou (était diplomate en Russie je crois?)L'aéroport de Parme a été inventé par mon tonton Paul, le 1er à s'être posé sur ce site.Curtis d'Orthez, un autre locataire des Oubliettes, me souviens de savoureuses parodies que

Zieg cite parfoisVeux-tu récupérer ces pages?AmicalementMichel

[27 mai 2008], Saint Augustin, roi des Meaulnes.Cher Philippe,je te dois de vifs mercis! pour «l'ambassadeur des Landes», qui me plait bien, car je ne me

sens pas du tout âme de cette grosse ville, ambassadeur des Landes d'autrefois, ambassadeur d'Onessie (et voici aussi Onesse dans ton poème des communes…) Heureux itou de me retrouver aux côtés de mon défunt confrère le grand Edgar… Il y a pas mal d'«Hommes trois lettres» en vérité (c'est un «A paraître» de La mer dans Poe, et j'ajoute cette liste : Fet Ilf Roy Gay Cau Nau Ady Sue Lee Aub Lem Poe Kis Huc Ray Bon Pla etc!) Alors donc, j'ai la bonne cote! D'A-D'A ne gagatise pas, non, mais il ne me soulève guère d'enthousiasme… Malgré tout j'ai retrouvé parfois en le lisant de petits airs, des souvenirs du pays de mon enfance… (Pour «Dans la tempête», je me demande au fond si les précisions de l'histoire familiale apporteraient grand chose, ou brouilleraient encore plus les pistes - je n'ose pas montrer ces pages à mon compagnon de jeux, diamino, nain jaune, courses cyclistes d'escalier, Bernard, le frère aîné, souvent, mes retours au passé le fichent très mal à l'aise). J'ai un tout petit peu survolé le vocabulaire basque, pour écrire à la mort de mon père, un conte qui me tient encore à coeur, le seul peut-être, je me fonds en lui dans la glace murale d'un bar à Bayonne, à mi-chemin de nos naissances (je remonte vers lui dans le temps), le 23 septembre 1928 (Queue de Fugue, in L'Enterrement qui etc.), j'ai casé en ces quelques pages de beaux mots, Zirimiri, Hegobelza, Etchekojauna, Iguzkia («soleil» en basque et en samoyède) et j'ai joué avec eux, mais je ne sais plus trop comment, le sens s'est perdu (et «egia» = vérité, basque/samoyède : est-ce vraiment vrai?) En vrai, il y a 5 lignes qui me touchent encore : le dernier paragraphe de la page 25, le reste : bof! et puis allons! allons! «peu de chose tout court», je suis aussi «peu de chose tout court» : syndiquons-nous et j'allais dire : c'est mieux que rien, mais rien, mon vieux, veut dire «quelque chose»! Merci enfin des variations sur «Tout est qui fini» [proverbe ohlien, dont j'avais fait des collages]. Je te renvoie le Bulletin [célinien], j'ai pas été emballé, non plus, à ce lu-là! J'ai la nostalgie de ces années d'adolescence où je découvrais le Monstre de Meudon, ce fut une fixation, une névrose, une idolâtrie de 10, 15 ans de durée dans le temps vulgaire, aujourd'hui je suis un peu fatigué… Et prends ton temps pour me répondre, moi bibi j'ai rien d'autre à faire (ou presque rien).

AmicalementMichelou des Steppes mentalo-merdiques

14 juin [2008].Noté rêve vendredi 13, 4 h 15 matin : Je rentre à la maison, ceint d'une serviette de bain. Le fils

de Paul Bolai, «Le Cosaque» (un très grand ivrogne que tu as peut-être vu en ma compagnie il y a 25 ans), le fils du Cosaque m'aborde avec sa bande. Nous voici à la maison. Ils n'ont pas de cigarette. Bolai fils ne ressemble en aucune façon au vrai fils. «Vous devez passer tout l'été en pyjama?» me dit-il. «Non! Pur hasard!» «On vous a volé vos habits?» «J'ai dû les jeter pour m'échapper je ne sais plus d'où!» Le fils Bolai me dit que son père est mort près de Bordeaux (en réalité, en 86 ou 7, il m'a appris un jour à Saint-Seurin la mort récente du Cosaque aux Baléares), et qu'il lui avait dit (Paul à son fils) qu'ils iraient au Stepanetto (= paradis). Ce mot un peu ridicule pour «paradis» est apparu en toutes lettres dans le rêve. -- Bueno! Je suis allé ensuite à l'hôpital pour le petit billard (tout s'est bien passé mais bien sûr il ne s'agissait point d'une tumeur au cerveau comme pour le protégé du PDG des farces de l'Enfer, J. Goad) et en m'endormant je pensais au stepanetto, si je ne m'étais pas réveillé de l'a. g. (en 68 les A. G. ressemblaient à des anesthésies générales, me dis-je ce matin…), j'aurais été admis peut-être en ce ringard stepanetto. -- Ci-joint essai anagrammatique sur Michel Fourniret, la vignette de couverture ressemble à une boîte de sardines à l'huile, j'aurais dû ajouter une clé avec sa plaquette de métal enroulée tout autour… C'aurait pu se justifier aisément… Et puis, au Championnat de France d'Assistance aux Matches de Foot, Lucette Destouches bat Bibi 1 à 0, car je n'ai jamais vu de match de foot en vrai, et qui sait si elle n'en a pas vu beaucoup plus d'un? Je suis sans doute encore sous l'effet des drogues d'hier, il suffirait d'un clinamen pour que je fonçasse me

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cuiter à mort.AmicalementO H L'homme sans anagramme - ni âme

29 juin [2008].Cher Philippe,j'ai vu que tu t'illustrais! parce qu'il m'arrive de regarder aussi l'Ecran le dimanche… Kauffmann,

c'est bien Pissos. Je n'ai lu de lui (en diagonale) que son livre sur Raymond Guérin. J'ai utilisé le passage où il dit avoir lu 20 fois La Nausée : pendant des mois il n'a eu d'autre livre. Lu quelques entretiens, autrefois, il a dû en voir de drôles, mais il ne se lamente pas. Peut-être ces 20 Nausées expliquent en partie sa perte du goût de lire! Avec effet-retard. Le Guérin ne m'excitait pas. J'ai lu La maison du retour écoeurant de Mac Orlan jadis… J'ai retrouvé ce fragment des Diaboliques… sous mon lit : «Alors, Marie-Ascension commence à prier à haute voix… Au bout d'un moment, il arrête sa camionnette et dit à son otage : "Tu m'agaces avec tes prières."» Je voulais chercher une anagramme en rapport. Maintenant, c'est fini. La petite qui a réussi à s'échapper s'appelle plutôt Asunción (Assomption), non? Une lueur dans le noir, j'ai dû l'éteindre en fourrant la coupure sous le lit en cachette de moi-même! J'en viens à Dickens. Le lien occulte est peut-être le sentimentalisme. L'un des aspects de son oeuvre. Où il y a aussi le rêve, la folie, le pathétique, la verve, enfin : tout! Et ce que dit ton écrivain uruguayen (dont j'aime à peu près tous les psychogrammes) sur le pouvoir de sympathie qui nous oblige à lire les méchants passages, est vraiment juste et subtil! Mon Dickens préféré est sans doute M Pickwick, mais c'est un livre à part, plutôt «pour les hommes», dirais-je! Tavernes, comique, satire… Pour aborder Dickens, le Pr Michou conseillerait plutôt Les grandes espérances. J'oubliais le funèbre, dans les composantes de l'oeuvre, et le héros des Grandes espérances apprend à lire en déchiffrant la pierre tombale de ses parents (comme je le racontais déjà chez toi il y a une petite paye : Krudy / domaine hongrois…) Mais je n'ai pas lu tout Dickens, et le spécialiste, c'est le frérot (dont le 2e roman sort chez Gallim à la rentrée…) (Si tu choisis d'offrir les G. E., tu me diras si ma suggestion était bonne…) J'ai dû lire La marguerite et le chrysanthème, mais je ne te l'ai prêté, parce qu'à l'époque où je projetais «La mort de Brassens», j'empruntais les livres à la BM. En vérité, je n'ai pas lu un seul ouvrage à lui voué qui m'ait emballé… Imprimerie Boucherie : je ne connais que le remarquable nom… Je ne sais plus où j'ai lu que la Mort est, en basque, des 2 genres? Et le diable me ramène au Faubourg des Enclos (j'ai tapé ce titre, ça renvoie au Nouvel Obs : d'ici que Fourniret l'apprenne, il est capable de s'évader pour me faire la peau, à moi le voleur de titre - il est pas mal, son titre!), je pourrais écrire une flopée de notes explicatives, je me contenterai d'en envoyer une à chaque destinataire du samizdat, je commence par toi. Uggug, Lewis Carroll aimait les petites filles (8/10 ans) et détestait les petits garçons, il a baptisé Uggug un garçonnet hideux de son livre Sylvie et Bruno, dans ce nom un critique croit reconnaître «le bruit que font en tombant des matières fécales». -- Voilà pour les efforts de l'anagrammaticien… Je vais envoyer une Tempête aux couleurs basques à Ziegelmeyer (merci des nouveaux ex.) -- Je ne sais si le De Gaulle / Pétain fait allusion à la rivalité amoureuse qui les aurait opposés (selon Pierre Bourget, je crois) à… Lille? Arras? au sujet d'une belle dont Phil aurait gagné les faveurs? C'était le thème d'une communication prévue pour les Journades Pétain, que je devais organiser avec mon ami Noguès, possesseur d'une respectable pétanothèque, il y a 10 ans, après le Colloque Ohl. Autre thème : Pétain et Rimbaud, la rencontre d'Arras de mars 1872 (chronologiquement possible : Arthur fuguait dans la région, alors, et Philippe était à l'école dans les parages). Les Journades ont foiré. Dommage! C'aurait pu être rigolo…

AmicalementMichel O H L

Dimanche [20 juillet 2008], Sainte Marina.Ah! la voilà bien, l'âme russe, mon cher Philippe! [joint une coupure de journal indiquant que les

deux Russes les plus populaires dans leur pays sont Nicolas II suivi de Staline] aussi incompréhensible qu'au temps d'Ivan le Terrible, autocrate, lui, champion de cruauté et de mort exquise, mais Nicolas II… rien de commun avec Ivan… Les millions de victimes de Staline, c'était donc un mauvais rêve, on se frotte les yeux au réveil et (dernière anagramme de ma vie, je le jure!) Staline > Le Saint… Attendons octobre 2017 et Lénine II, pour mettre sur orbite Staline II. J'aurais peut-être mis Nicolas II en tête, devant le chaman Raspoutine, mais je suis simplement Onessite… (Nicolas II dont le caractère m'évoque Louis XVI…) Je t'envoie les pages que m'a signalées Lise, de Mu, de Jodorowsky, [joint 4 pages de Mu, le maître et les magiciennes, sur Violeta Parra] un livre qui l'a passablement ennuyée (et j'ai partagé cet ennui, j'ai flanché assez vite), mais elle connaissait Nicanor Parra, dont elle aime les poésies, le train, le pigeon, Lazare… A ce propos : relisant l'Idiot je retombe sur le passage où il cite «Lazare, lève-toi» et l'autre résurrection, de la fillette de 12 ans, mais

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elle n'était au tombeau, «la fillette se leva et elle se mit à marcher» (Marc, V, 42), on parle rarement d'elle, elle n'a pas de nom… Stavroguine, c'est le plus raffiné des fous dostoïevskiens, il viole une petite fille, qui se pend, il épouse «par désoeuvrement» une candide mystique bossue, et il se pend lui-même en laissant ces mots : «N'accusez personne. C'est moi.» Petite lueur pour Thérèse, mais malgré cela, je doute que l'histoire te prenne! Je te la donne pour la forme, et qui sait si Lewis Carroll n'a pas pensé à «ugly»? pour son si laid garçonnet, ce n'était pas un scatologue (j'ai pris la version caca car ça m'arrangeait pour Fourniret).

La petite miraculée s'appelait Marie-Asunción. L'auteur du livre s'est gouré. Et les Journades, j'y repense, vois-tu… Si le Grand Seul de Lamartine me prête encore un peu vie.

AmicalementMichel

Mercredi 30 [juillet 2008], Sainte Juliette.Cher Philippe,je vais essayer de lire «El Barba Azul contable», avec mon petit Miguel de Toro y Gisbert de

chez Larousse… Pour le jardin enclos je songe à closerie, à pourpris, nos vieux poètes appelaient le ciel le céleste pourpris… [je crois que je cherchais à retrouver le mot courtil] Lu ce que tu écris dans le blog des naufragés des Andes [Jd, 26 VII], je connaissais un petit peu l'histoire, qui m'aurait accroché, même si les héros n'avaient été des rugbymen (à propos de rugby, si j'ai choisi Mussolini pour la partie de nom à XV avec Fourniret, c'est qu'il aimait le rugby, a encouragé sa pratique, y a même joué). Lise est passée à Machecoul au retour d'un séjour au pays de ses ancêtres Le Lay, elle y a pris des cartes postales [dont celle où il écrit cette lettre] sans savoir que j'en parlais dans «Le Faubourg». L'Ogre a en effet traversé le Pays de Retz avec une de ses proies - a-t-il pensé à Gilles? -- Ce livre de Dostoïevski a porté de nombreux titres en français : Le sous-sol, Notes d'un souterrain, Notes écrites dans un souterrain, Du fond du souterrain, La voix souterraine, un test pour lire Dostoïevski, si t'aimes pas, inutile d'insister [Je n'ai pas aimé, mais j'avais déjà lu au moins deux romans du même, qui m'avaient plu]. -- Parapluie : les copains jadis se foutaient de moi car au moindre nuage, j'emportais mon parapluie, comme Bécassine, alors que nombre d'entre eux préféraient se tremper jusqu'aux os, plutôt que de s'encombrer de cet objet ridicule, emblème de MM Prudhomme, Rikiki et Fenouillard. Je suis heureux de voir ce seigneur fou de Stavroguine en arborer un. Voilà, Fulub, je blanchis l'amorce d'un nouveau discours [il a passé quelques mots au blanco], si j'ose dire, et te salue amicalement.

Mikaël[…]

Dimanche [10 août 2008].Felipe!je t'envoie quelques pages qui devraient te dailler grave (est-ce que les jeunes disent ainsi?)

mais les voici toujours, ne serait-ce que pour l'heure que donnent les cyprès, les 17? cheveux sur le sommet du crâne à Michou, 2 ou 3 autres détails, peut-être, tu pourras calculer la position de la maison d'hygiène mentale à la fin du conflit israélo-palestinien (4 ou 5000?), à mon avis une petite fin du monde risque de se produire d'ici là, mais tu sais combien peu je me fie à mes avis, l'oeuvre du poète Gaulmier (je ne sais d'où elle me vient) est passablement ennuyeuse, hormis la lettre citée en préface, qui m'a rappelé mes années folles, et je m'y suis replongé, par la pensée, et même le rêve, pour oublier les hôpitaux d'aujourd'hui, avant de partir pour ma 157e hospitalisation, je te signale 3 pages denses et demie à ton travail vouées par Pierre Ziegelmeyer dans Plein Chant, au retour de l'endoscopie je te les copierai si tu le souhaites, je t'envoie la jolie enveloppe, qui va avec la carte [«Entre messe et vêpres, le pique-nique des pèlerins»].

AmicalementMiguel

[19 août 2008, au verso d'une vieille publicité pour les Gitanes («Deux amis… un bon livre, une bonne cigarette»)].

Choses lues à l'instant :Et qui lit sans tabac n'est pas digne de lireQui bouquine en clopant grillera en enferFumez ne fumez pas la fin sera cruelleVous renierez vos dieux* vos idées vos amours*Si vous croyiez ne pas en avoir, ils apparaîtront à ce moment-làGare aux auto-da-fé : les morts lisent les cendresMiguel Chispo

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Saint Bernard [20 août 2008].Cher Philippe,c'est vrai, mon frère aîné a plusieurs fois joué les saint-bernard! il m'a tiré de situations difficiles!

mais, avec la police, j'ai toujours filé doux, ils me relâchaient au petit matin - au poste de Caudéran, j'ai souvent déclaré la perte des papiers d'identité, jamais d'ennuis sérieux… Bernard a pris sa retraite en juin, il n'était pas éminence grise, il jouait parfois les doublures, lorsque son chef, Frémont ou un autre, était indisponible. Markowicz a traduit presque tout Dostoïevski, il est beaucoup plus fidèle, paraît-il, à l'original, et c'est bien possible, j'y suis allé voir et je n'ai pas été subjugué, je préfère mes vieilles traductions (Peut-être m'extasié-je devant des faux-sens… qui sait? Ca me rappelle ce professeur Pnine, de Nabokov, qui trouvait dans sa version russe de Hamlet, des beautés qu'il cherchait en vain dans le texte de Shakespeare…) J'ai entendu daille, ou dail, pour faux, dans mon enfance landaise, c'était plutôt la daille, me semble-t-il, faucher, raser, dailler. -- J'aurais dû mettre la publicité pour la cigarette sous enveloppe, sans doute… Ce sont bien sûr tes «Choses vues» qui m'ont inspiré, ce jour-là j'étais légèrement éméché, ça m'arrive encore de loin en loin, mais ma dernière vraie cuite date toujours d'octobre 1997 (j'ai la Lettre 341 sous les yeux : merci de cet envoi en nombre! en retour, je te donne un ex du dernier Plein Chant, je viens d'en recevoir 2. A noter que ce n° était prévu depuis 3 ans environ. J'ai du envoyer ma «Foire», avec le texte de Jean-Pierre, en 2005 ou 6, Zieg a assuré la traduction de l'épigraphe, et j'ai risqué ce mot-valise de Stepactor, et donc tu verras que Pétain et Rimbaud, et le dictionnaire des mots rêvés, ça n'est pas une histoire nouvelle… Le n° 81-82 date du printemps 2006…) L'hosto, ça n'a pas été bien méchant, il s'agissait de l'oesophage, j'y retournerai en octobre, si Dieu me prête vie… Je connais pas mal de livres du catalogue d'Akribeia, certains je les lisais dans mon adolescence anarcho-rivarolienne (heu… ça a l'air crétin, comme ça, mais la librairie Publico du Monde Libertaire proposait alors, vers 1964, des titres que Rivarol prônait également), enfin, ça manque un peu de drôlerie, je trouve (je suis triste, personnellement, comme un bonnet de nuit, tu le sais, mais n'empêche…), Jean Cau est souvent assez drôle, mais reste loin, loin de Marcel Aymé… Je crois que j'ai assez dit de conneries pour aujourd'hui. Assez frimé aussi. Je n'y mets plus guère de conviction, et ça doit se voir comme le nez.

AmicalementMichel O H Le bien nommé

(Ce n'est pas tous les jours) dimanche 24 août [2008].J'ai su apprécier je crois, eu égard aux éléments psycho-humains en jeu dans l'histoire, ta note

d'aujourd'hui sur Plein Chant, et comme j'ai vu aussi la publicité Gitanes, je t'indique pour ta gouverne, qu'il s'agit de la 2e de couverture d'un ouvrage de Jean Fayard assez amusant (Mes maîtresses) publié en septembre 1931 chez son papa Arthème (Coll. Le Livre de Demain). Quant à la présente carte [un portrait de Dostoïevski], elle m'a été envoyée par un ami (plutôt ami de mon frère, dont il présentait le 1er roman il y a une olympiade chez Georges, c'est lui qui déclenchait (et avait enregistré rue Jean-Soula) ma voix) qui revient de Saint-Pétersbourg (Ezequiel Fernandez, demeurant […] à Talence, où tu ne seras plus cette année si j'ai bien compris).

AmicalementMichenka O H L

[28? août 2008].Halip (Philippe) (Toponymie gasconne, Ed. Sud-Ouest, p. 84),dandy, dis donc, c'est pas banal… Le dandy aux bottines «Geologic Sentier Cognac» : je viens

de vérifier : c'est ça! et l'on peut y trouver un sens en suivant mon parcours de piéton de pointure 37 à la trace. Sinon : dandy/dandin, plouc/dandy. Je t'envoie les oiseaux de la collection [de timbres, je pense] que je dispatche, pour te remercier de ce «dandy», et la prochaine fois je tâcherai de t'écrire à propos de l'amitié (sans majuscule).

Miqueu

Croix Glorieuse [14 septembre 2008].Si j'entends parler d'une piaule, mon cher, je t'avertis, j'ai touché un mot de l'affaire à mon frère

romancier. Ce «poids de l'âme» me plaît beaucoup. Je me souviens que 2 notes alléchantes (de toi, me semble-t-il, et de l'organe des pataphysiciens?) m'avaient donné envie d'acheter Le cachet de la poste [de Jean-Pierre Le Goff], et puis ça m'était sorti de la tête (mais il est encore temps). Le Peseur d'âmes : lu avec grand plaisir, jadis, ainsi que d'autres Maurois : réédité, donc (et Thieri Foulc est un ponte du Collège de 'Pataph'…) Je pense qu'il faut aujourd'hui se soûler dès le matin pour supporter Saint-Pierre, mais naturellement ne vois pas là un conseil d'ami. Cet été, une page de Sud Ouest est

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vouée à Vincent Ravalec, écrivain vivant à Lévignacq, village voisin d'Onesse, dans une grande maison en face de l'église. Ravalec s'intéresse aux fontaines miraculeuses, je lui écris à ce sujet, je joins une histoire que j'avais située à Lévignacq, d'où la présente carte, et je me demande si l'homme aux Cartes Fines [c'est encore une carte dessinée par Ducourtioux] n'a pas un «superprojet occulte», tout simplement prendre le pouvoir, il s'agit maintenant de comprendre sa stratégie tarabiscotée… Peut-être Le Goff du Cachet de la poste nous donnerait-il là-dessus de précieuses idées. (Pas sûr que tu puisses vendre la présente carte dans une foire…) J'avais pensé à un dessin «Pli du Râble» avec collage de lièvre mais j'y ai sagement renoncé. J'espère que tu pourras sortir prompto de cette burdigalère!

AmicalementMichel O H L[sur un feuillet joint, portant d'un côté la photocopie d'un article sur Jean-Pierre Ohl :] Tu noteras

que le Ohl aujourd'hui, c'est le frérot. Il a investi le nom, n'a + besoin de prénom. Du coup le Michou, qui se voulait «l'homme-nom», est en voie de disparition, alors permets-lui cette tentative désespérée de revalorisation avant la solution finale :

«j'ai pesé au dernier chapitre les "vingt et un grammes perdus en mourant" (…) "Le saviez-vous, ces fameux vingt et un grammes de pure séduction perdus en mourant, c'est la culotte et le soutien-gorge moussant à l'incroyable nom d'Amortem!"» (Sacripants!, 1997, p. 166)

(A l'époque, on parlait de ces fameux 21 g, et une marque de sous-vêtements avait joué sur cette correspondance entre le poids de sa lingerie et le poids de l'âme, si je me souviens bien.)

J'attends des jours meilleurs (s'ils viennent) pour te parler du «psycho-humain».

27 septembre 2008, Saint Vincent de Paul, de Pouy (Landes).Philippe,c'est le très bel «éclat de rêve» de l'oeuf GOD [Jd, 24 IX], qui m'a incité à composer les mots

croisés en forme de croix gammée. Mais je suis plus à l'aise pour remplir les grilles. D'où tarabiscotages. J'aurais dû mettre plus de cases. Le premier mot me vient de l'illustration de l'édition GF des Notes d'un souterrain, retrouvée récemment au fond d'un carton. Je crois me souvenir de la quincaillerie [Fougère, rue Honoré Tessier]. Il y avait non loin une cave où le rhum Negrita se vendait très bon marché. Guy-Marie (pas vu depuis 2 ans au moins, mais je lui écris parfois, et il m'appelle, de loin en loin) fêtait hier les 20 ans de ses Editions. J'aime beaucoup Chaval. Ses petits textes et ses dessins. La revue Bizarre a (peut-être) donné des «dessins de guerre»? JPLG [Le Goff] : supercherie possible, oui. J'en parlerai à Zieg. Il m'a écrit voici un mois : il partait au chevet de sa belle-mère (ainsi appris-je qu'il était marié) dans le Midi. Sa mère (très âgée) est malade elle aussi. J'attends un signe de lui pour le voyage rituel à Bassac, repoussé jusqu'ici. Bon courage.

Mikhaïl Ivanovitch[joint la grille de mots croisés en forme de croix gammée, dont j'avais eu la vision en rêve]

Samedi [11 octobre 2008], Saint Firmin.Ainsi, mon cher, ma croix serait plutôt un symbole bouddhique… bueno! (je me suis représenté

Adolf se livrant à ses essais de croix sur cahier d'écolier, avec ses rêves de Thulé, à un moment donné tout aurait pu basculer, un sourire d'enfant lui est venu, il venait de penser à «croix gamine» : «mais non, c'est impossible, je ne sais pas le français!» -- mais il est resté un brin de coquetterie enfantine dans son «sautoir gammé») une fois cette horrible ânerie close entre parenthèses renforcées je te dis : d'accord pour la 2e moitié d'octobre, c'est le début, qui sait, d'une nouvelle carrière («nouvelle» est peut-être de trop) : illustrateur de rêves. Je passe tout naturellement à Jean-Pierre Le Goff, j'ai dû faire une pause de 2, 3 jours, aux 2/3 de son livre, tellement ses… aventures? (performances, rituels, cérémonies, obsessions, rêves activés, calculeries, etc. etc. ça n'est pas ça…) me touchaient de près, moi dans mon lit spéculant, lui dans ses pages traçant la route (je roulais sur une bicyclette La Perle à Onesse enfant) mais je penche, vois-tu, pour son existence, donc je suis enclin à penser qu'il est! et qu'il a réalisé ses exploits (il est, avec cet humour bizarre qui m'évoque E. T. W. dit E. T. A. Hoffmann : «Le jeu de mots, aux mains de la folie, est un fer incandescent qui lui sert à friser les pensées» -- je n'aime pas le mot «humour», j'en cherche un autre, depuis quarante ans et le pouce!). La Préface de Réda, c'est un peu filandreux, je retiens les lignes sur la banalyse, j'ai reçu autrefois quelques Cahiers de Banalyse, J.-P. Le Goff pourrait s'apparenter à ce mouvement, mais de très loin, c'est un possédé, il sait où il va, même s'il l'a appris cette nuit, ce matin, dans une anagramme de rêve chiffré! (Et où as-tu trouvé «Le poids de l'âme», qui n'est pas dans le livre?) Dimanche dernier j'ai passé quelques heures à Bassac, Ziegel m'avait appelé la veille, il rentrait lundi auprès de sa mère en Vendée (au sujet de la «belle-mère», mieux vaut observer le plus grand silence… C'est ce que j'ai compris dimanche…) Ziegel ne connaît pas Le Goff, mais il a consacré voici

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10, 15 ans un article dans Plein Chant aux Cahiers de Banalyse. -- Pour la revoyure (je repasse à toi et bibi), soit la cathédrale, soit Saint-Bruno, Saint-Bruno ce serait un pèlerinage, et je pourrais aller à la Chartreuse comme naguère. Si tu tombes sur Spirit, tu verras que la gloire frérote a des effets singuliers («un écrivain légendaire» se traduit en onessois par «vieux couillon»). Juste lu Valera au sprint : je le lis de tout près demain! Me faudra chercher también fragments russes sur montagnes idem. Une soudaine lueur : mais oui! il était avec Céline à Sigmaringen! Bout de l'An Francis! et je suis été voir D'un château l'autre (Pléiade, 131) et ça m'étonnerait pas qu'il réapparaisse dans la Trilogie finale, pour son obsession du grand Meaulnes, j'avais dû lire ça dans l'Histoire de la Milice. Pour la santé, c'est surtout Lise qui pâtit, opération de la mâchoire envisagée, moi Michou j'attends jour après jour le signal de l'agonie mais ça va.

AmicalementMichka

22 octobre [2008].Philippe,hé bien, avec le recul, les indices de réalité disparaissent! et je vois Le Goff dans sa chambre

aux mystères close (mais lui, Le Goff, il existe sous son nom, Le Goff, autant que lui) créant de toutes pièces ses histoires féeriques, pour ses lettres aux amis, il a un petit atelier d'expériences à porte secrète, et le sens de l'ironie souriante, le danger c'est qu'à la longue le sourire se fige, se fendille, etc… Autre Le Goff la prochaine fois… Pour la grille, impec… enfin, figure-toi, n'ayant gardé de double, j'ai dû me creuser la tête pour retrouver certains mots, quel tireur par les cheveux ce Michelou, sac à papier! «Sa croix tourne en bouddhique» très bien! Croix du bien, mais pas trop, croix gammée du pas très bien (Je voulais intituler Fleurs du Pas-Très-Bien une version de Baudelaire où le Vin de l'Assassin par exemple fût devenu le Coca du Chapardeur, etc.) Ce que tu me disais du rêve ne précisait pas le sens de la croix… Je ne suis pas fou de Kilodney, je trouve Goad et Ackerman plus drôlement dingues, il y a ceci aussi peut-être, pendant 2, 3 ans de la vie, je me suis penché sur les «fous littéraires», à la limite de l'équilibre, les candidats toqués sont légion (XIXe) en notre doux pays, ils accaparent un gros chapitre de Blavier, drôlerie souvent involontaire, quoique… «Paulin Gagne candidat universel, perpétuel, surnaturel et inamovible au Sénat et au Députat» préconise la philanthropophagie, la Républiquéide-Empire-Royauté, vélocitête-opéra, en cinq fastes à réveils, bon, mais je ne me replongerai pas là-dedans, comme candidat Kilodney me semble un poquito pâlichot, ses «Mille premiers dollars comme écrivain» : ce que je préfère pour l'heure… «je n'ai jamais inhalé la fumée depuis 36 ans», un autre grand mystère, pour moi inhaler = fumer! il est vrai que mon papa me disait qu'en passant, à 45 ans, de la cigarette à la pipe, il avait cessé d'avaler la fumée, mais… mais… peu importe… J'ai eu 2, 3 secondes de désarroi en voyant Choses vues : Coupe du Monde de Rugby, et puis, lueur, flash : il s'agissait de rugby à XIII (ensuite appelé Jeu à XIII), à XV la Coupe du Monde a vu le jour 30 ans après et le Pernod, mon cher, c'était indissoluble du sport-roi, aujourd'hui régime! régime! haut niveau mondial! hier bibine gnôle vive la France! (on a battu les Anglais en 54 en XIII). (J'avais une belle image de coureurs cyclistes des années 20 sur une route des Landes en train de fumer, tout en roulant : Un moment de détente sur le Tour, ou quelque chose comme ça… (Eric Pougeau, lui, me plaît, pathétique, mais cette machine est traîtresse : peu à peu, en numérisant les fous de jadis, on s'apercevra que ceux d'aujourd'hui n'ont pas créé grand chose de nouveau.) Voilà ce que dit le vieux conneau [rayé] sage!

Frédéric Roux m'envoie ceci [carte d'invitation à l'exposition Auras, à Paris, figurant un égouttoir à vaisselle], dont je ne sais rien te dire, sans mot joint… Un jour, il m'a envoyé «l'heure du Pays basque», carte postale à clocher, depuis je lui ai envoyé à mon tour une douzaine de clochers, une douzaine d'heures, je crois que je l'ennuie, mais légèrement, ce qui est peut-être pire, enfin je me vante sans doute.

Pour la rencontre : Saint-Bruno, donc, fin nov. si tu veux, après énième endoscopie, j'aimerais bien regagner mon statut de malade de la famille, mais sans trop souffrir : quel salaud, ce Mikhaïl, presque aussi dégueulasse que Dosto : «Je crains que la mort de ma femme ne soit proche, il y aura alors une interruption de travail. S'il n'y avait pas cette interruption, je pourrais sans doute terminer le Sous-sol.» (Lettre à son frère Mikhaïl Mikhaïlovitch). (A Onesse, à 25 m de «mon» caveau de famille, cette inscription sur un tombeau en grosses lettres d'or gravée : Si nous sommes ici, c'est que nous ne sommes plus là.

AmicalementO H L

[25 octobre 2008].Monsieur,

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je pense que l'anonymat des doigts de pied [cf Jd 23 X] est une bonne chose! Parce que chaque possesseur de pieds peut personnaliser ses orteils, en leur donnant de petits noms de son invention. J'ai choisi pour votre pied droit 5 noms qui fleurent bon la France de Fernandel, et dont les initiales forment votre nom [sur le dessin joint : Barnabé, Ignace, Léonard, Lucien, Emile]. Pour le pied gauche, je suggère des noms qui commencent par F, U, L, U et B. Ainsi, en cas de trou de mémoire, il vous suffira de regarder vos pieds (nus, bien entendu!) pour vous rappeler votre identité nationale. Autre chose : vous n'étiez pas des nôtres en 1954, lorsque le médicament appelé Stalinon a causé la mort de 1000 personnes, en France. J'ai pensé à un nouveau remède, le Marxiton, qui, stimulant les facultés spirituelles, permettrait à nos étudiants de se transcender, philosophiquement parlant.

Amitiés d'Alain Sem

16 novembre [2008].Fulub,vu avec plaisir que les suggestions d'Alain Sem semblaient te botter, si je puis dire… Les […]

vont peut-être te donner du mal… (j'en vois 2, 3 d'assez jolis mais… chut!) Et la preuve que cette question épineuse des orteils me travaille depuis des siècles, dans cette vieille histoire de Chez le libraire : «Elle me tend un petit pied droit, peton numéroté 37. J'ai lu le titre sur les doigts, une lettre majuscule par orteil : EL PIE. Quant à Ohl, artistiquement gravé dans la cheville, il me fit l'effet bizarre d'un mot de remplissage» (p. 29). Cette chose-là vient sans doute d'un rêve… Avec le tien dans le tien [rêve dans le rêve], ton rêve à Xavier Bertrand, inutile que je cherche une imagerie, je renonce à l'illustrer… Sûrement il m'est arrivé de rêver dans mes rêves, mais je n'ai rien enregistré, je ne me rappelle plus, il faut se précipiter sur la proie, j'ai bien le petit carnet de la table de nuit, mais je ne m'en sers plus… Connais-tu Les rêves et les moyens de les diriger? J'y pense soudain… Si je le retrouve, je pourrais te le passer? Si tu ne l'as lu. Je te ramènerai Le Goff à Saint-Bruno : le 6 décembre 10 heures m'irait. Parce que le 22, je projette un pèlerinage à Onesse, avec Nikolaï, depuis quelques années je néglige mes devoirs sacrés, l'idéal serait que j'allasse aussi à Biarritz, à Bayonne, donc j'ai fixé 22/23, ouiquende du dernier recours… Le 6 à 10 h j'aurai 62 ans et deux tiers de jour, si je ne suis d'ici là rayé du Catalogue des Etres Vivants (te rends-tu compte si nous disions sans cesse : à tantôt, je vais pisser et je reviens, attends-moi je grille ma sèche et j'arrive - si je ne suis d'ici là rayé du Cata etc… Est-ce que les jeunes loups du bibliothécariat disent Cata, pour Catalogue?) Stalinon : je ne sais même pas si ce remède a agi après la mort de Staline ou avant, c'était 53 ou 54, je ne sais plus quel mal Stalinon guérissait (à part la vie)… Météo rétrospective, ce Discréto me plaît, j'y dénote un humour (un peu legoffesque?) «le ciel était tout embrumé de cette idée etc…», je crois avoir déjà lu au moins le nom de l'auteur Provansal… chez toi? (Attention que cette Météo rétro ne tourne au filon, danger chez Le Goff itou - Note du + odieux exploitant de filons du monde : filon papamaman, filon mort, filon agonie êtres chers, filon néant de tout, filon hostop, aïe aïe… L'endoscopie s'est bien passée. L'intervention n'est pas méchante du tout. Me faut attendre à présent résultat biopsie. Alors, c'est dit, Fulub, 6 déc. 10 h.

Michel

Dimanche 30 novembre [2008].Cher Philippe, […]Dès que j'ai vu sur le site Mollat sur le Windows 98 le bref hommage à François Caradec, j'ai

envoyé le poème «Les êtres un jour arriveront / jusqu'à la porte du néant» apparu dans Plein Chant (posté par Satan-la-Toile). J'aimais bien Caradec, son goût des canulars, d'Alphonse Allais, des troquets, de Töpffer, je le partageais, du côté de 1982 il a gentiment répondu à mes lettres, à propos de Töpffer, dont je rêvais de rééditer Festus, de La fleur rouge (il a reconnu Troppmann en frontispice : «Je trouve Troppmann en pleine forme» m'écrivait-il), de Blavier, j'ai perdu ses lettres, ces souvenirs sont aussi oiseux que le calcul du nombre de morts d'ici un mois, au fond, et en surface. -- Hé oui, je m'amuse à poster des commentaires, ces temps-ci, ça tient un peu de la rigolade, du passe-temps machinal, du fun funèbre, comme dit le poète. Mon vieux Philou, le docteur Michou ne tient nullement Kilodney pour un fou littéraire (un mot qui ne signifie pas grand chose, Blavier le reconnaissait, «hétéroclite»?…), c'est un malin singe, il joue de ses effets on ne peut plus consciemment, ses drôleries ne sont jamais involontaires, tu ne me l'as pas présenté tel un f. l., non, j'ai dû mal m'exprimer, j'écris parfois à toute bringue, laissant la pensée très loin derrière, encore heureux si le fourgon-mortuaire-balai l'embarque pas. Je voulais dire que parmi les innombrables candidats répertoriés parmi les «f. l.», j'avais déniché des spécimens d'hurluberlus aux écrits bien + attachants pour moi que ceux de Kilodney, ouf! quel sinistre charabia (mien), mais «Polycarpe» [Ld 441] m'a botté, tout de même, oui… Au docteur Michou il ne faudrait un double monsieur Hyde, mais une doublure un peu risible dans le cadre d'une schizophrénie bébête, la Miche Cuite ou un nom

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comme ça, à Mollat (qui a mis en toile ma 97e lettre), j'ai posté […] sous le nom Professeur Cloret, Gordon Brown (John McCain c'est le frérot) à l'Alamblog à propos d'un bouquin décevant, Les Soirées du Merd's Bar! = Maréchal Pékin. J'ai pensé à Sergent goulu : oiseau de mer genre Fou. Les traductions de Gomez de la Serna, ça m'a l'air d'un casse-tête, Ziegel s'y retrouverait peut-être, il m'écrit rarement, plongé dans son Dico-dico. Guy-Marie doit passer un de ces 7 : cela fait 2 ou 3 ans qu'il me le dit, au téléphone, deux fois l'an. Au coin des yeux : j'écrirai sans doute à Baudouin. Si le 6 le froid est trop vif, l'église fermée, si je me souviens il y a des fauteuils au hall de la BM? 6-XII-2008 10 h St-Bruno, donc (inutile de te dire que je n'ai pu quitter la villace).

AmicalementMichel O H L

9 décembre 2008, Saint Pierre Fourier.Cher Philippe,tu as bien fait de me donner ces Réflexions de Michel Balfort, elles me séduisent quasiment

toutes, ma préférée, c'est peut-être aussi la plus effrayante, «La souffrance humaine est si subtile, si pénétrante, qu'on pourrait croire que le fait de penser à un mort lui redonne encore assez de vie pour qu'il souffre en nous, et qu'une ombre de vie suffit pour la souffrance» («recopier c'est lire deux fois» a dit je ne sais plus qui). La réflexion sur «la mort d'un être familier» (expression à retenir pour chasser «proche», «être cher» parfois) est aussi très saisissante, je mets les deux côte à côte, elles s'interpénètrent. «… la mort n'est rien» - que la souffrance physique, morale (du détachement), l'agonie, le trépassement. Comment mourrai-je? - «Ce serait peut-être une nouvelle souffrance…» pensé aux derniers mots de Tolstoï, rapportés par son fils Serge, «Et c'est donc tout?… … Je n'ai pu deviner si c'était déception ou soulagement» (Florilège Chalet Neva) Je suis hanté aïe aïe, ayayaïe, aïe aïe aïe, mais bien souvent on ne peut crier, ni même gémir, il reste les yeux, vive la France dans les siècles des siècles amen. - La chanson de Trenet «La folle complainte» (1945) «Donnez-moi quatre planches / Pour me faire un cercueil / Il est tombé de la branche / Le gentil écureuil», il y a une parenté poétique avec Balfort et Brassens, sans doute, je suis sûr que l'omniscient Satan-la-Toile nous proposera 57 variations sur ce thème précis fin 2013, je ne serai plus là, bien entendu, mais pité devant l'écran tu te diras «Ah le con! il avait raison! Et lui aussi feu Michou, il a fait dans l'arbre au cercueil! et chez moi en plus! "Il est debout, le chêne de ton cercueil : t'y pends"» (Les vers suivant «le gentil écureuil» : «J'n'ai pas aimé ma mère / J'n'ai pas aimé mon sort / J'n'ai pas aimé la guerre / J'n'ai pas aimé la mort», servent d'épigraphe, je crois, à un livre de ce type qui te donne dans un rêve des liasses que tu refuses!) Je vois que l'Arbre vengeur s'imprime sur les presses de Lussaud, à Fontenay-le-Comte, comme Finitude (qui se partage entre Lussaud et Ed. Thomas). Je te donne l'adresse personnelle de David Vincent, de l'Arbre … (lorsque Denis Mollat veut me toucher, il demande à Vincent de m'écrire) [adresse]. Quant à ma paÿse Emmanuelle Boizet née Dupin et son mari Thierry, Finitude [adresse] (c'est leur bureau). Tu peux tjrs leur soumettre manuscrit traductions? Ne nous faisons trop d'illusions nonobstant [en effet], récitons-nous Balfort in petto, «Tout n'est que fumée, tu le sais.» Panne Windows 98 aussi mystérieuse que Machine soi-même, jetterai oeil site Baudouin avant de lui écrire (j'ai retrouvé un «Faubourg des Enclos», lui as-tu déjà passé?). Ce qui m'a le plus étonné samedi c'est ce «Non!» terrible à cette pauvre enquêteuse! N'en suis pas encore revenu.

AmicalementDoc Michou […]

17 décembre 2008.Pas d'impair, mon cher, le coup du timbre ça n'est pas moi, mais François Huglo, poète

viticulteur oenologue à Lugaignac, je l'ai rencontré le 7 septembre 2007 à Montussan, aux obsèques de Michel Valprémy, dont il avait préparé autrefois les Morceaux choisis, je ne l'ai point revu, on s'écrit de loin en loin, le 30 octobre dernier il m'écrit : «Le timbre : en réponse au "travailler plus pour gagner plus", l'arborescence du poil dans la main.» Té, tant que j'y suis, je te donne quelques lignes du petit livre que Huglo m'a envoyé, Le corps fabuleux du vin : «Le vin est une photographie prise à une vitesse très lente : le diaphragme grand ouvert pendant un an sur tout ce qui est imprimé à la terre puis à son fruit par le temps et le travail se referme lors de la mise en bouteilles, non par un rideau, mais par un bouchon.» Naturellement, comme ivrogne honoraire j'ai du mal à comprendre cela… Bueno! Tu as été le 1er à me proposer de m'ouvrir un blog, et puis le méga-libraire Denis Mollat, que j'appelle parfois Miles Dalton, m'a proposé de bloguer chez lui, enfin si l'on peut dire, mais là aussi j'ai dit NON! NON et NON! (enfin je l'ai pas dit comme ça, j'ai enrobé le refus dans ma lettre de plaisanteries fines) non comme à la pauvre enquêteure un peu forte, à qui, lorsque j'ai ouvert la bouche pour lui parler, je ne savais ce que j'allais dire, avec les commerçants de mon quartier je suis

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d'une bassesse servile, ma marchande de tabac chantonnait l'autre jour et j'ai reconnu une chanson de Barbara, j'ai dit à la dame que j'adorais Barbara (c'est archifaux), que «Dis quand reviendras-tu» était ma chanson préférée, et j'ai donc eu droit à «Dis quand…» en entier, reprise au début, et je prenais l'air grave et ému tandis que la queue de clients s'allongeait -- qu'est-ce que j'ai besoin de te raconter ça nom d'un barzoï serait-ce une transition pour passer à Dostoïevski? hé-hé! «C'est dit! je m'en vais!» dit l'homme du Sous-sol, et : «… Je ne bougeai pas naturellement.» Ca ne m'étonne pas du tout du tout que le livre t'ait giclé des mains pour s'enfuir (Windows 98 s'est remis en marche), tu aurais aimé je crois que ma vision de l'univers en aurait pris un sacré pet, je serais sans doute retombé fou, définitivement cette fois, peut-être même aurais-je tué Bobonne avant de me faire enfermer (je dis bien «peut-être» : ça n'est pas sûr). Ca me donne l'idée, tiens, d'une course de livres gicleurs… J'ai écrit une petite plaquette autrefois, quand je voulais rééditer Une sale histoire de Dostoïevski, où je cite l'opinion de Tourguéniev sur Crime et châtiment : «C'est quelque chose dans le genre d'une colique prolongée pendant une épidémie de choléra. Dieu nous en préserve!» (et voici l'opinion de Dosto sur Apparitions, fantaisie poétique de La Tourgue : «A mon avis, il y a beaucoup de crotte dedans : quelque chose de sale, de maladif, de sénile, d'incrédule par impuissance. Bref, Tourguéniev tout entier.») Nabokov trouvait Dosto grotesque et odieux, il ne garde de toute l'oeuvre qu'une marque laissée par un verre de bière sur une table de jardin des Frères Karamazov, quant à Michou, il a découvert le Sous-sol à 15 ans, et ce fut une révélation, il a relu ce livre 7 ou 8 fois depuis, la dernière cet été, mais il a lu et relu aussi Tourguéniev et Nabokov avec ferveur, aujourd'hui bof! bof! bof! il fait un peu semblant, mon vieux Philon, il s'en fiche ou presque, son fin mot, c'est peut-être la chanson de Georgius à la fin d'Onessa, parodie des pathétiques chansons russes qui font pleurer à verse, Kaoutchouski, «C'était un cosaque grand comm' ça / Amoureux d'la bell' Petrouchka…» Eh ouais! j'aimerais qu'à la fin de la messe de mes obsèques à Onesse, on passe Kaoutchouski. Messe en latin, of course, quoique athée dans l'âme je n'admets de messe qu'en latin.

AmicalementMichel O H LMichka = l'ours russe, Michka Toptyguine je crois, à cause de la démarche.Je ne me suis donc pas trop gouré avec ce prêt de livres de la Bibli : Töpffer, ses bandes

dessinées, ses récits d'excursions, te plairaient sûrement.Serafini : très séduisant, je t'en reparlerai.

Mardi 6 janvier [2009].Tu vois, mon cher, à quoi je m'amuse encore à 62 balais… Cette photo a paru dans Sud Ouest

samedi, jour de l'anniversaire du frérot. Sur la photo envoyée au journal, Jean-Pierre tient, comme au garde-à-vous, un petit balai qui lui arrive presque au menton, il a été coupé au montage, dommage!… je voyais en lui le balai russe, dont j'ai dû te parler (les âneries comme ça, je m'y accroche), unité de temps qui te rajeunit sacrément : JP a 47 balais russes environ. (Pour l'Olympe dont le momignard s'approche, et la jonchée de fleurs qu'il foule, j'y suis pour rien, ce doit être l'hasard objectif des surréalistes, que j'essayais de comprendre jadis, couillon que j'étais. - Tu l'es plus? - Non. - Félicitations.) -- Je t'ai prêté des livres que j'aime (Plaire aux vaches un peu moins que les autres - Töpffer un peu plus) mais naturellement, je les ai choisis en fonction de ce que je présume, quelle suffisance mon dieu! de tes goûts. Je crois que tu aimerais de Töpffer les Voyages en zigzag, les bandes dessinées, les Réflexions et menus propos d'un peintre genevois (le titre un peu ronflant de la plaquette serait ironique, ou parodique, que ça ne m'étonnerait pas…) Et je crois aussi, mon vieux (tiens?!), que tu ne devrais pas r'essayer Dosto, même en sautant la préface (9 fois sur 10, les préfaces sont pénibles à lire, elles embrouillent tout, enfin, 7 fois sur 10!), non, je t'en conjure! Dosto n'est pas de ton paysage, pas plus que Klima, Sologoub, Hasek, Andreiev, Artaud, Lautréamont, DAF de Sade… (enfin je me goure peut-être). Mais je te prêterai de petits livres d'autres hommes… Le corps fabuleux du vin, j'ai aimé, disons, par Maître Cerveau, c'est bêta mais je ne trouve pas mieux, comme j'aime ce que tu dis des oiseaux ou des arbres, qui m'indiffèrent aujourd'hui dans la belle mère Nature, sauf quand j'ai peur qu'ils ne me crèvent les yeux ou ne m'écrabouillent, Huglo ne se soûle jamais, et bien sûr Bukowski ou Antoine Blondin écrivaient des choses fraternelles, hum, je détaille un peu. -- Les 2 Discréto, sois sincère, Michel, tu n'as pas vraiment su aimer, n'est-ce pas? - Si l'on peut dire, oui… Bordeaux, Bordel, Burdigalère, non je ne sais pas, peut changer de genre, transformiste, bisexuée… hum, bêtises : et dans l'anthologie que tu m'avais prêtée?

Meilleurs voeux pour 2009Michoutka[joint une petite page de citations touchant Audubon et son confrère naturaliste Rafinesque…]

Je vais prendre ce joli nom de Rafinesque pour poster un commentaire à une page de blog un jour.

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Dimanche [18 janvier 2009].Cher Philippe,Rafinesque est bien connu, je vois, il est plaisant comme son nom, dont je me servirai peut-être,

mais pour un commentaire bienveillant… Pour le rendez-vous, Saint-Ferdinand me semble bien. Repli café possible… J'ai gardé tout Töpffer, j'apporterai les Réflexions et menus propos. Mais, rien n'urge, nous en reparlerons, j'ai de nouveaux examens, un mini-billard, la chance est avec moi, malgré tout, pour l'instant. Je recherche figure-toi une copie d'un tableau de Kramskoï représentant le chien Mimi de l'écrivain Gontcharov (environ 1870) (ceci, pour m'inciter à fabriquer un petit samizdat au lieu de sombrer dans le marasme!) Si tu as une idée de filière possible… Ca me semble duraille! Très impressionné, lou Miquéu, par la Coulée de bois! (J'ai vaguement esquissé un poème des rues de Caudéran : ça ne marchait pas!) In girum imus nocte -- rue Ver-de-Terre, et c'est terra… Je déraille. Déraillé-je? Amicalement

Michoutka

Dimanche [25 janvier 2009].Philippe,le rigolard bébé à la pipe [d'une publicité pour Maïzena, au recto de la carte postale où il écrit]

me rappelle un passage de Quand vient le froid, l'une des Dictées de Simenon : «La nudité complète, naturelle, si je puis dire, je l'ai connue vers 1930 en Afrique… Les femmes ont beaucoup d'enfants, qu'elles nourrissent pendant un an ou deux et davantage. Je me souviens de l'une d'entre elles, dont le jeune bébé tétait son sein gauche, tandis que son frère, qui devait avoir quatre ans, s'interrompait parfois de fumer sa cigarette pour venir téter le sein droit», peut-être vit-il toujours, ce frère (il aurait l'âge d'Aznavour, environ) et fume-t-il encore, on pourrait essayer de le retrouver, pour une campagne pro-tabac. - Pour le portrait du chien Mimi, le Bibliophile russe est une bonne idée, si j'ose dire (un personnage de Dickens dit : «La nature est une bonne idée…»), je vais voir de près. - Pour le prix du Discréto, j'avoue que… hmm… je ne sais! (Puisque Talmont a échangé le sien contre un demi, si j'ai bien compris, on pourrait donner le prix d'une pression : j'ai pu encore en boire à 2 euros 20 en septembre, en un troquet antédiluvien : ç'a dû passer à 2 euros 50, depuis…) «Mon» Dali est tout entier (façon de parler) en son Q de P : c'est la 1ère fois que je le lis, mais pas mal de livres ont paru sur/de lui, ces temps-ci, inédits ou non, non? Suzanne Nucera : je lui écris de loin en loin, elle préfère me téléphoner, ses coups de fil se raréfient (le dernier il y a 4 ou 5 mois) mais elle est toujours aussi aimable, tu peux lui écrire [adresse à Nice etc…]

AmicalementEl Chocho

Dimanche [15 février 2009].Cher Philippe,Suzanne Nucera ne m'a écrit ni appelé depuis bien longtemps, elle vit dans le souvenir de

Louis, et serait sûrement heureuse que tu le cites, tiens-moi au courant. Au courant aussi des livres de TheBookEdition (je ne connaissais pas), d'ores et déj' je retiens un exemplaire du tien. Je tombe parfois sur des cartes postales singulières, touchantes, comme celle de Toulouse 1952 [Jd, 11 II] : j'ai été sensible à ce fragment de vie, et au commentaire. Pour Kilodney, il m'amuse, mais je trouve qu'il lui manque ce petit rien qui provoque le déclic dans la tête, ce brin ou grain d'étrangeté pure de… disons d'Al Ackerman. Et tu avais fort bien choisi les extraits de Balfort que tu m'as donnés, les autres Réflexions que j'ai lues à l'écran me semblent beaucoup moins fortes, enfin il faudrait les passer en revue une à une. Je venais de découper le crâne de Descartes, je tombe sur Des têtes d'Olivier Prieur : l'opuscule me tenterait assez. («Je pense, donc je crâne» [maxime qu'il a écrite sous la photo du crâne de Descartes], à la réflexion, ce n'est pas faux en ce qui me touche.) Encore et toujours les visites à l'hosto, corazón et esófago (je viens d'aller voir le mot), as-tu l'intention d'aller en Charente? Pour Saint-Ferdinand, tu pourrais me donner 2, 3 dates possibles et je verrais alors selon les impératifs de la médecine.

AmicalementMichel O H Le concentré d'énergie sain et fruité

Samedi [28 février 2009].Camarade Billé,samedi 7 mars à 10 h, Saint-Ferdine : voilà qui m'irait impeccable, mot de reconnaissance : «La

Lorraine est un balcon parfait» [cf Jd, 24 II]. Si contretemps, s'appeler téléphone rouge. Sinon : serai meeting heure et jour dits. - Merci Des têtes (très bien ces têtes / crânelets Prieur) et des courses : 2 jours après t'avoir posté crâne Descartes, figure-toi! j'ai cru lire inscrit au frontal : 1/2 jambon fumé, et

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puis toute une liste de commissions… J'ai aussitôt fait part de cette découverte extraordinaire à la librairie Mollat (aucune réaction depuis). Dommage que je ne te l'aie envoyée à toi… T'aurais pu bloguer le crâne, si j'ose dire, en regard d'un pisseur, «Je pisse, donc je sens» [Jd, 6 III], en légende, Descartes pissant, ce doit être coton à dénicher, Goya a portraituré quelques pisseurs, je crois, en vieillissant on a de plus en plus de mal à pisser, c'est de plus en plus long, ça se sent, ça se sent. «Il existe un poisson dans l'amazone, dit-on, microscopique et mal intentionné, capable de s'élever dans le jet courbe de l'urine d'un homme. (…) A mon âge, le débit est intermittent et fait plus songer à un message en morse envoyé à la mort qu'à une colonne ascensionnelle pour poisson microscopique.» (Le plaisir le plus triste, Thomsen).

Suzanne ne m'a encore appelé. Ses téléphonages sont toujours assez longs, une demi-heure, ou par là, je pensais bien, donc j'étais presque sûr, qu'elle serait heureuse de ta demande. Ce cogito de mierda m'obsède depuis toujours, On pense donc on est, donc on est dès qu'on pense : qu'en pensez-vous? - Qu'on est con. / Je pense donc je suis en tant qu'être pensant, mais du coup plus ne suis en tant que non-pensant / Je sens, donc, si je pue / etc. Hanté itou par mon ignoble attitude lors du dernier meeting, j'essaie de me rédimer, gravi peut-être échelon vers Ciel du Rachat l'autre matin mon jus de pruneaux à la main répondant avec conscience et précision au questionnaire d'une jeune fille devant Casino, portant sur le «budget d'alimentation des ménages de France», te tiens courant ascension spirituelle.

AmitiésMichka

Samedi [7 mars 2009], Sainte Félicité.Rien de méchant, mon cher, une amusette, je rentre lundi à la maison, où les perfusions se

poursuivront une semaine sous la haute main d'une infirmière, et la mienne, de main, est libre une bonne partie du jour. Si cela t'est possible, tu peux me fixer un autre rendez-vous à Saint-Ferdinand, à dater du 13 mars, sachant que la prochaine endoscopie est prévue mi-avril. Vu l'autre jour que le petit-fils de Véry t'avait écrit. J'ai un bon souvenir du film Goupi Mains Rouges avec le génial Le Vigan dans Goupi-Tonkin (mais dans Le Vigan il y a Génial, et il reste le V de la Victoire, hum, de la Victime, du Vaincu). J'avais préparé pour toi 3 échantillons d'âme suisse, si j'ose dire, dont les Réflexions et menus propos, ce sera pour la fois prochaine.

AmicalementMichkador II, tsar d'Onessie (II : parce qu'il y a déjà une petite Michkador sur l'écran de Kobal,

préposé aux farces de l'Enfer selon le Dictionnaire infernal de Collin de Plancy.)

Mardi [10 mars 2009].Cher Philippe,je découpe ce matin dans Sud Ouest les paroles d'Alain Juppé : «Nous voulons que Bordeaux

reste belle à vivre, qu'elle devienne métropole et fraternelle.» [Avec une coupure de journal annonçant une enquête sur le thème «Et si Bordeaux était une femme?»] Pour lui, Bordeaux est donc la ville-mère, et aussi la ville-soeur, du moins est-elle en passe de l'être. Je n'ai pas vu les témoignages des «personnalités bordelaises», je ne sais ce qu'a répondu Juppé. Voit-il Bordeaux isabelle? c'est-à-dire jaune clair? ventre de biche? Isabelle Juppé est blonde, ou châtain clair, je crois… Peut-être Odile, qui aurait inspiré ses poèmes sentimentaux de Victor-Duruy, était-elle isabelle? Bien que je ne fasse partie des personnalités interrogées, allez! zou! au plouf! je me jette à l'eau : Bordeaux est rousse! [Au recto de la carte, il colle une photo de D'A. Dombasle sur la place de la Victoire.] En fait de génie aérien, Arielle me semble plutôt une brasseuse de vent, en étant gentil avec elle, mais je n'aime guère Bordeaux non plus, mon choix se justifie… Mais, si Bordeaux était un homme, je ne remplacerais pas la Dombasle par le camarade Roux! Hou, là, là, loin de moi cette idée! Assez déconné. Je te signale qu'en principe je serai à l'hosto les 9 et 10 avril. Cette semaine, je suis traité ici. Avec ces aléas, le meeting devra être gros de sens.

AmicalementMiquéu

Annonciation [25 mars 2009].Rien de miraculeux à t'annoncer, mon cher. Jean-Pierre, invité par des lycéens de Quimperlé

séduits par son roman, est allé à Arzano, poussé jusqu'au pont Kerlô il a, «Un jour que nous étions assis au pont Kerlô / Laissant pendre, en riant, nos pieds au fil de l'eau» (c'est Brizeux et Marie environ 1813), pris des photos il a aussi, pour son Michel bien-aimé, ici le fameux pont [photo au verso], et puis le monument assez moche dressé en hommage au poète, ensuite de quoi il est allé boire quelques bolées au Brizeux, quai Brizeux, à Quimperlé, où personne n'a lu Brizeux, ce que je

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comprends fort bien, parce qu'il est plutôt rasoir, le Brizeux, enfin je me suis trompé, après «où personne n'a lu Brizeux» il faut lire : ce qui me scandalise, parce que Brizeux est après Lamartine, le grand poète du XIXe, sinon, j'ai eu l'idée l'autre jour, à cause peut-être du Dictionnaire des Charentais, de photocopier les vieilles pages sur 12000 Landais morts pour la France, je ne sais s'il existe l'équivalent pour ton pays, trois ou quatre Landais illustres, parmi les 11729, ou 5 ou 6, poètes, sportifs, illustres en dehors de leur gloire de héros, il vaut mieux que je m'arrête là, «l'humble et bon vieux curé d'Arzannô, digne prêtre», à qui je donne ma lettre à noter, me donne 4,5 / 10, je trouve qu'il est bien gentil, à sa place je me serais donné zéro, et je me serais coupé en morceaux. Fait à Caudéran à 3 h 30 ce matin.

AmicalementMichou

29 mars [2009].Reçu coup sur coup lettres tézigue et Ziegel, et Rohan-Rohan apparaît dans les 2, MARCHé

AUX LIVRES (je serais curieux de connaître le «projet de développement au Burkina Faso» financé - en partie! - par les recettes des emplacements et de la buvette, je note la présence de Mme Proust-Bouffard, nom difficile à assumer, en poésie surtout, en chimie j'ai découvert l'autre jour William Prout, spécialiste des gaz du suc gastrique, a-t-il rencontré Joseph Proust, savant confrère, initiateur de la loi de Proust? peut-être le saurai-je à temps, en tout cas pour nous c'est tjrs OK! 3 avril 10 h Saint-Ferdine, avec leurs préparatifs, contretemps, courriers diplomatiques… nos entrevues revêtent peu à peu un caractère quasi sacré, telle l'entrevue de Tilsit, que je prends comme référence, plutôt que l'entrevue de Montoire, à cause d'Alexandre Ier, mais elle a duré 20 jours! tu parles d'une entrevue! j'imagine une entrevue de 20 jours Billé/Bibi : punaise des bois je suis sûr que le 2e jour ça ch…ait des bulles à coups de Ciry et de Dostoïevski dans la bobine, vodka, bibine à portée de la main) et Dico-Dico de Bibi Lolo : alors voilà, Clyde a une petite amie [ces 5 derniers mots rayés], si Bescherelle en 1861 connaît Frontenay et Rohan-Rohan, 2 chefs-lieux de canton, le NLI de 1900, lui, cite Frontenay ou Frontenay-Rohan-Rohan, et, sur une suggestion de P. Z. j'ai écrit à Rohan-Rohan à Bibi Lolo, via ledit P. Z., ouille, ouille, où vais-je… Attention, pour Plauchut : point ne l'ai-je vu dans les écrits autobiographiques de la Pléiade, mais ça ne prouve rien, peut-être fut-ce un secrétaire-amant et George un jour l'a chassé de sa vie et de sa mémoire, ou de ses Mémoires, faudrait voir la Correspondance (je pense qu'en 3 mois de lecture, à raison de 10 heures de lu/jour, on peut arriver au bout : punaise des bois je voudrais voir le sportif à la sortie du marathon de lisure! et dire que jadis c'eût pu être moi! qui lut, ou plutôt lus, pas de dédoublement le dimanche Michou, interdit par le syndicat (et ça fait 2 «punaise des bois», on n'attend + que l'accouplement) qui lus donc dis-je, ou qui eût lu? ou qui eus, ah, mon pauvre, il est temps, temps que je finisse, la lettre de l'épistolier du dimanche, ou épistolographe, dimanche 29, de Garrett je ne sais que ce que dit Robert.

AmicalementMichou O H L

Mardi [7 avril 2009].forêt des Landes, «Forêt d'écrits», voilà ce qui m'avait marqué le matin du 3, et le tsar en exil

d'Onesse en a fait quelque chose de slave, le temps de venir à l'entrevue. - Un personnage de Toulet, dandy railleur comme lui, dit des Landes en les traversant en train : «C'est odieux s'il n'y a pas d'incendie» (il dit à peu près ça) et je me demandais si d'Arribehaude, à Guéthary, avait évoqué Toulet, sur les lieux mêmes de son hiver et de sa mort (de Toulet), je pensais que d'Arribe était du genre à l'aimer (Toulet). Le cinéma de Céline, ne sais si lirais, mais cela m'intriguait, le thème, en 1), et en 2) je prévoyais jadis dans mes A paraître, Le ciné Céline (en ciel enlicé) - jadis : il y a 30 balais et un tas de poussière. - Oublié aussi de te demander si tu avais reçu les pages touchant les morts landais de 14-18. - Le livre de Lloyd Dunn est intéressant de bout en bout, et le mot est faible, ou impropre, pour nombre de pages, ou passages (dicton à trouver commençant par : «pages pas sages, … … …») Je n'ai jamais rencontré Lloyd (ça se prononce comme lluvia?), je suis venu rue Sainte Cath' bien après son départ, un dimanche d'août 97 par exemple, le jour de la mort de lady Diana, j'étais allé boire un coup au bar où la radio donnait la nouvelle, en 95, tu étais passé à Mimizan ce me semble, dans quel pays est-il à présent (Lloyd)? P. 15 Le vol «comme si je retrouvais la trajectoire de ma vie dans une représentation géographique - comme une carte routière finement détaillée» (alors gars Billé où t'en es avec Hohl?…) (cherchant anagramme avec ton nom qui pût convenir à Bibi Lolo du Dico-dico, trouvé cette ânerie sans sens Pepe Philbilli). L'apprentissage, la compréhension du français, de belles notations, images, «… ces mots se tiennent comme au sommet de petites collines … … ignorance». 36/37 : «pour bien comprendre le français parlé, il fallait que je refuse de le laisser me pleuvoir dessus». Le «c'est joli, ça» de Grenade. (Catherine Deneuve a été l'épouse de plusieurs

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mais Lebovici?). «quelques jeunes arteux» (53) je crois voir ce mot pour la 1ère fois mais je serai tjrs je crois étranger à l'art, à un tel point, que même ses parodies, dérisions, détournements, me laissent froid. Mais, qu'est-ce qui ne te laisse froid, sinon la douleur, la mort, et Sylvie Thuleux te rappelles-tu? (elle avait été annoncée dans Sud Ouest à la galerie l'Arsenic, l'art se nique, située à l'adresse de Michelena : là je dois m'adresser à toi, si je comprends bien, et non à moi). La passion de sainte Lucie. 60 : «je décidai que moi et ma vie allions redescendre…» Les réflexions p. 65. «Cela me semble très étrange, mais cela me plaît en quelque sorte.» (Et : ah! ce sacré Gilles! je me demandais combien de fois je l'avais rencontré : cinq? six? jamais de cuite ensemble à la haute époque, je ne vois + non + son nom dans le gros Spirit, je pense gnôle, gniaule ou gniole niaule, «et Gilles trayait encore le bar» - le «psychodrame» fort bien raconté, «à travers une vitre épaisse»). Té, le camembert, c'est aussi le «promenoir» où Fourniret peut faire quelques pas. Les vignettes, la 1ère surtout, la fumée épaisse comme du lait, volutes baroques, yeux sculptés, nuage du plus fin blanc, saint François-Xavier. 148, Bordeaux avec l'intonation de «aisselle puante», c'est une comparaison de Lloyd qui s'en va de Bordeaux la laide à Prague la belle (selon la femme), choix bizarre, «aisselle puante», senteur d'évacuation (y avait un peu de merde quelques pages + haut - faudrait voir comment il quitte Prague). Et donc, excellent livre, les 2 index si faux que c'en est une perf' digne du Livre des Records [en fait il s'est laissé dérouter, car l'index renvoie aux numéros des paragraphes et non à ceux des pages], mais ça ne me gêne pas, j'allais dire au contraire, mais faut pas non plus attiger, on a beau être gascon y a des limites. Ce système d'édition me plairait pour l'un des cahiers de ma mère (ou 2 en un livre), il faut faire gaffe à la composition (noté pb des guillemets par ex.) et puis je devrai me trouver un collaborateur sérieux, et penser aux photos d'illustration… Mes frères, et ça m'a surpris, pour ne pas dire retourné! ne s'intéressent guère aux écrits de notre mère - c'est du côté des amis et connaissances, vieux Onessois, que j'ai entendu des échos, parfois ç'a été quasiment de l'enthousiasme, gascon! le mot est un peu fort c'est vrai : révélation? Pour moi bibi ces Souvenirs sont beaux, pathétiques. Bueno! Pour Rrêves à chaque ouverture, «Vu un cercueil, des clous entassés dedans» (j'ai pensé à la longue aux cigarettes clous de cercueil selon Bogart, 350 000 cigarettes entassées dedans le cercueil d'X), «Il écrivait des vers», 66, 133, je t'écrirai à propos de Rrêves, lu bien sûr, vlu un chat mort / pendu à ma statue / une pancarte / au cou du chat, Edgar Poe centenaire. - Connais-tu Colas-Jean Gagé? le révolutionnaire? clique donc son nom clavier satané, c'est peut-être un petit frère, un neveu de Sylvie Thuleux?

AmicalementMichenka O H L

Sainte Emma [19 avril 2009].Philippe, je reviens à la lettre du 7 au timbre de la série Horlogerie ; Roux, donc, les pages de

Copié/collé m'ont plutôt épaté, je pense qu'il se réfère au livre poubelle Pataph-baby, où le Q. de P. est artificiellement casé (mais le reste n'est pas mieux loti), où l'Index compte 15 noms de l'Index de Co./co. : Artaud, Barthes, Borges, Céline, Crevel, Gombrowicz, Graf (Rolf, coureur cycliste suisse des années 60!), Morisson, Mozart, Musil, Nabokov, Ohl, Perec, Queneau, Renard. Pour le Q. de P., je ne reconnais presque plus rien dans mes réponses, en 78 Fred était déjà aguerri, il ne m'a jamais parlé de ce livre (ni de Co.co. ni de Pat Bab), «nous ne nous sommes jamais adressé la parole en fac», et ensuite, lors des 3 ou 4 rencontres hasardeuses, j'étais dans le brouillard, je ne sais ce qu'on s'est dit, enfin, je serais curieux de voir ce Co/co de + près, je m'en vais proposer un troc à ce vieux condisciple. - Georges Walter ne m'a jamais parlé de Caraco : je lui poserai la question, ces temps-ci, il s'inquiète, pour sa vie, certes, pour son dernier livre, dont personne ne veut (il voulait créer le Prix du Dernier Roman, encore faut-il que le roman paraisse), ce qui ne l'empêche de plaisanter, il m'appelle en imitant la voix de Cioran… (son entretien avec lui est dans L'Herne)… «Ne le dites à personne, je ne suis pas là», ainsi Cioran atteint du mal d'Al parle à l'oreille de François Bott, à l'hostop. - C'était tout de même pas sorcier, le coup de l'index… Il me semble que tu es venu à Mimizan à la fin du séjour de Lloyd, quand vous étiez las l'un de l'autre? [c'est exact, et ce fut là ma seule visite à Mimizan]. - Deneuve Lebovici après tout peut-être y eut-il love story, comme on dit dans Voici, et + rarement dans Sud Ouest, j'ai appris que Dalida avait pris Blondin dans ses filets, il a voulu fuir à Tokyo, aux J.-O., elle l'a suivi, il a manqué devenir fou à tout le temps lui échapper pour se soûler la gueule. - Bennett, j'ai du mal, faut dire que je suis encore en Suisse XIXe, le passage est périlleux d'un pays à l'autre, mais je crois que mes lectures d'autrefois, Lettres doc déjà, ne me soulevaient pas. Jolies photos d'ouvrages basques (?) sur quoi t'écris. - Je ne sais ce que fabriquent les fourmis sur les éléphants, il fallait du n'importe quoi, comme dans le «poème résistant» dont se moque M. Aymé (c'est pas très bien transcrit dans l'Alamblog, chaque fois il se goure un peu) : Le confort intellectuel, j'ai dû t'en parler, Baudelaire y est corrigé d'importance, sa «Beauté», «Je suis belle ô mortels…», est un poème mal foutu, qui ne signifie rien, il s'agit de le refaire de fond en comble…

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Sambaqui j'ignorais, je note, maniaque je vais voir l'Emile, une citation de 1876 : «immenses amas de coquilles d'huîtres, analogues aux Kioekkenmoeddings danois», maniaque je saute à K, Kioekkenmoedding (Kieu-kèn-meu-ding), Terme de préhistoire. Amas de débris de cuisine d'anciens peuples. (Lorsque j'ai voulu lire Littré «en suivant», en 80 ou par là, j'ai flanché à K.) Enfin un motif pour moi de m'arrêter en traversant le Parc voisin, 2 ânes des Pyrénées, ils viennent vers le matin, je leur raconte mes soucis.

amicalementMichenka O H L

Saint Pacôme [9 mai 2009].Oui, j'ai eu la main lourde et malheureuse, et même le livre de dame Monique, je n'ai pas

pensé, couillon que je suis, que tu ne connaissais presque personne au petit cimetière, tandis que c'est pour moi pays de connaissances. (J'avais commencé un index mais le silence de l'auteur m'a découragé.) La prochaine fois j'essaierai d'être plus malin. - Par voie de troc! reçu Copié/collé et, sans blaguer, je tombe en ouvrant sur Régis Michelena, le chef de Combat ouvrier (page 93), lequel qualifie le situationnisme de règlement hystérique de l'hégélianisme… Si tu ne dis pas cela pour me faire plaisir (ce que je ne crois pas une seconde), la ressemblance avec Soljenitsyne, eh bé ça me booste l'égo, té! Peut-être à la longue si je vis encore un demi-siècle, je deviendrai russe, le Saint-Esprit descendra m'apprendre à roucouler le russe, mais je dois impérativement reboire, et pas à la sauvette à la russe, vite et beaucoup à la face du monde : le monde, ça ressemble au miroir où tu te regardes en t'égalisant la barbe, égalisant n'est pas vraiment le mot, y a un joli trou au profil droit, pour tromper bobonne, tu as écrit SODA VLAC sur la fiole de calvados : mais bobonne a l'odorat si fin… (à suivre). Hecquet, point ne le lus-je, mais je l'ai souvent croisé, chez son alter ego Nimier surtout, quand j'étais hussard (en face les hippies les Enfants de Dieu me sautillaient tout autour : «Pourquoi t'es triste? Pourquoi t'es triste?» mais je n'étais pas triste du tout aujourd'hui je le suis : l'homme bien mûr tout au bord de la décomposition). Je n'ai gardé que les livres de Blondin, dans Mes petits papiers, chroniques de Rivarol, L'Equipe etc, 2 pages sur Hecquet, des Guimbardes (roman sans doute) on n'apprend rien, Blondin aime surtout le récit Anna ou le Garçon de verre, Hecquet avocat, journaliste, a laissé de nombreux articles, comptes rendus de procès, mais je ne sais rien de ces Guimbardes, pour la gangrène en revanche j'ai côtoyé… enfin stop-là, effrayant, oui, amicalement

O H L

Dimanche [24 mai 2009].Cher Philippe,je voulais te donner Lire en Suisse, un choix de fragments de mes dernières lectures, mais

faudrait recopier tous les passages marqués [de divers signes] dans les marges, ou recopier encore les passages déjà recopiés rapido sur mon bloc, lorsqu'il s'agit de livres de la BM, «Je viens de passer une demi-heure en pensée en Turquie et j'ai trouvé cela très ennuyeux. Je préfèrerais tenter ma chance avec le défunt royaume de Pologne», en ajoutant parfois une petite note (l'éditeur de R. Walser l'a assez vu, il veut l'envoyer en Turquie ou par là), et j'ai la flemme, mais voici un morceau de Henri le Vert, de Gottfried Keller : «Le maître d'école avait abattu de ses mains, il y avait déjà plusieurs années, un sapin bien lisse qu'il destinait à son propre cercueil. Il était scié en planches, derrière la maison, protégé par l'avant-toit, et on s'en était toujours servi comme d'un banc sur lequel le maître d'école aimait à lire et sa fille à jouer, quand elle était petite. Il apparut que la moitié supérieure de l'arbre, plus élancée, permettait de faire la bière plus étroite d'Anna, sans préjudice du cercueil réservé au père. Les planches bien sèches furent enlevées et coupées en deux l'une après l'autre. Mais le maître d'école ne put supporter longtemps de rester là et même, dans la maison, les femmes gémissaient d'entendre le bruit de la scie. Aussi, le menuisier et moi nous portâmes les planches et les outils dans le léger canot et nous allâmes aborder à l'écart, au point où la petite rivière sort des bois et se jette dans le lac.» Mais la suite est peut-être mieux si je puis dire, le menuisier et Henri le Vert fabriquent le cercueil de la petite Anna, «donnez-moi quatre pages / pour me faire un cercueil» me suis-je chanté sur un air de Trenet, à la hauteur de la tête une ouverture munie d'une glissière, où insérer une vitre, le narrateur («dans un livre à la première personne, je est un modeste personnage et pas l'auteur»), qui est aussi l'auteur ou son double le plus intime, découvre dans le verre «la plus délicieuse merveille», «trois petits anges musiciens», «J'ai su depuis lors que les gravures sur cuivre ou les dessins qui sont restés de longues années fixés sous un verre (…) durant les nuits obscures de ces années lui abandonnent pour ainsi dire leur reflet», j'aurais pu recopier tout le chapitre (III, VII) je dirais qu'il m'a ému un max si j'ignorais la nature de pierre de mon coeur, il s'agit toujours de senti mental, mon vieux (c'est à moi que je cause), ou presque toujours, attends les prochaines douleurs physiques la Miche cuite tu t'émeuvreras tu verras (sic), je savais que tu aimais

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les fausses couleurs, par tes notes de cinéma, vois comme je suis attentionné, peut-être deviendrai-je saint Michou, en 2146, j'espère que le Michou des boîtes de nuit parisiennes sera pas canonisé en même temps que moi, punaise des bois ça m'emmerderait qu'on fête les ss Michoux le même jour («un jour il nous faudra nous en aller, sans rire et pour toujours»). L'art magnac et la lamproie, j'avoue je ne réagis guère, je me souviens de la guerre poétique entre les pond-pieds et les crée-peu-à-l'art-maniaque et je me souviens d'une boîte de lamproies mise au bain-marie du côté de 1966, mon frère Bernard et sa femme m'hébergeaient, ils partaient le week-end, j'ai vidé pas mal de verres, oublié les lamproies qui se sont collées au plafond après explosion de la boîte, c'est le genre de souvenirs qui me viennent en tête au moment des anesthésies générales, le SODA VLAC m'est venu en t'écrivant la dernière fois, souvent je bois en rêve, à différents stades de ma carrière d'ivrogne, et me réveillant j'ai des symptômes de gueule de bois, proches il faut le dire aussi des troubles dus au vieillissement, à la fatigue envahissante, et me viennent en se traînant les jeux de mots éternels… Soljenitsyne est loin d'être mon préféré, mais je suis loin de le dédaigner, au bord du Styx ou aux Portes du Paradis je trouvais qu'il ressemblait à Dostoïevski, le visage et si les idées sont derrière elles aussi : Cent-Noirs tous les deux, en simplifiant à l'extrême, les idéaux se simplifient tout seuls bien avant la mort la plupart du temps, ils s'anéantissent j'ai l'impression, on croirait que jamais - blablabla… Je n'ai pas laissé tomber Bennett, il n'est pas si loin de moi, surtout comme ce matin au sortir de mauvais rêves, et Fredo, eh bé il m'écrit des cartes, un modèle de brièveté : 10 mots, 30 record absolu, dédicace de Copié/collé «Au type de la page 281, qui est sorti moins diplômé que moi de l'Université» (il a le Duel entier, moi Miguel 1/2 Duel, Deug aujourd'hui?) mais je te reparle de ce livre et de Roux Frédéric et pour juin : d'accord… Soumets-moi donc quelques dates possibles si tu veux, j'ai des RV médicaux déjà programmés.

AmicalementMikhaïl O H L

3 juin [2009].Cher Philippe,on pourrait se voir le week-end du 14? Le vendredi ou le samedi? Où cela t'arrange. Du côté de

Talence, même. Je rapporterai les numéros du Bulletin [célinien], lus consciencieusement, en me demandant parfois si je ne rêvais pas, un rêve un peu crétin… les acteurs d'Y et la professeure Miguet-Ollagnier sont gratinés dans le genre rasoir et/ou cucu la praline… enfin, d'autres pages, sur d'Arribehaude, attachantes (la critique favorable a un vocabulaire indigent) ; l'image de Céline en pop-star fin de galère, élément pour portrait-robot maudit romantique Artaud hippie rescapé cheveux ineffables spécial fan-club à imprimer sur tee-shirt petits princes pervers de la décadence (c'est peut-être moi qui deviens gaga, mais je me sens nerveux devant ce portrait de fanzine des années 70… Ai-je le droit de ricaner, ou si je retourne à l'asile?)

Tiens! Bon anniversaire! Je me souvenais que tu avais écrit à d'Arribe à cause du 6 juin - (Les numéros de l'Herne, achetés à la parution, hélas! fourgués depuis lurette.)

Bibi Lolo, la carte Nous, je l'ai trouvée dans Sud-Ouest, format pleine page, il y avait de la couleur rouge, j'ai omis les territoires d'Outre-Mer qui s'entassaient dans le golfe de Gascogne (je crois me souvenir). La carte a été affichée sur les panneaux mobiles à l'occasion du recensement (pas vu la couleur d'un agent recenseur pour l'instant). Zieg : Bibi Lolo l'accapare de + en +. En 2 ans, il est passé de P à Ta-Ta. Zieg se dédouble, donc, tels les mots, syllabes, lettres, du Dico-dico, et moïmoï, grand maître du Diablo (DIrectoire des Amis de Bibi LOlo), je deviens un peu zinzin avecque cette histoire. Demande donc l'aval du maître de l'EdeN! (je pense que tu procèdes ainsi d'habitude - de la Serna…) Il dira «oui!» bien sûr. (Pas de sort plus noble en vue, c'est déjà beau ainsi.) Adresse Rohan-Rohan : P. Z. m'a demandé de la lui envoyer sous enveloppe, et il a procédé au montage (c'était l'époque où tu m'écrivis au dos d'un Marché aux Livres de Frontenay Rohan-Rohan).

Pour les marabouteries - peut-être avec «ficelle», ficelles de marabouts, marabouts ficelle, hum! aïe, aïe! en fait de ruse, tu repasseras (quoique…) mais ça pourrait sonner ironique. Non. Décidément.

Lu en Suisse : «Imaginons qu'un homme recopie le Faust mot pour mot, tout en remplaçant sur la page de titre le nom de Goethe par le sien propre. Ce ne serait pas si terrible, on pensera que cet homme ne manque pas d'idée.» (Ludwig Hohl, Notes, VI, 30, L'Age d'Homme, livre écrit entre 1934 et 1936). J'ai envie de recopier le «Pierre Ménard» de Borges, sous l'épigraphe de Hohl, en signant Miguel Ohl, mais je n'ai pas gardé Borges à la maison et ne veux le racheter. Si tu peux me faire une copie de ce texto pour la prochaine rencontre. Je ne sais même + si c'est long ou bref. Ce ne serait pas mal de recopier le texte espagnol, non? Mais il faudrait alors traduire l'épigraphe de Hohl en espagnol? C'est ainsi, que s'achève cette lettre, à 5 h 30 : il était temps!

Amicalement

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El Chocho

22 juin [2009].J'ai assisté, mon cher, en 1962, à un concert de Johnny Hallyday aux arènes de Mimizan, les

arènes de fortune d'alors en face du café Le Thermal, où nous nous sommes précipités en fin de spectacle, Gratadour et moi, Gratadour le camarade de collège de Morcenx, accordéoniste à l'ensemble folklorique Lous Cigalouns : voilà pourquoi j'ai voulu apprendre l'accordéon, au bout d'un an je ne savais jouer que «Verte campagne / Où je suis né / Verte campagne / De mes jeunes années…», alors j'ai troqué l'accordéon contre une guitare, mais à la guitare, jamais je n'ai rien su jouer, je l'ai donnée à un compagnon de route, la route qui relie entre eux les divers cafés, fin de carrière musicale.

Pour Borges, ce «Pierre Ménard» est un peu longuet, Borges ne me fascine plus comme jadis (mais je faisais peut-être semblant d'être subjugué), et je me suis souvenu opportunément d'un texte très court : «Borges y yo», au lycée Victor-Dur', j'avais écrit «Borges et moi et moi», que j'avais donné à José Sanchez, ce devait être rigolo, et puis j'ai écrit «L'âne et moi», à cause de Platero, et «Ohl et moi», et pour la Fête des Pères je me suis offert L'auteur et autres textes, où se trouve «Borges y yo» : «Al otro, a Borges, es a quien le ocurren las cosas…» (c'est une édition bilingue), alors c'est peut-être «Borges y yo» que Miguel Ohl va recopier sous l'épigraphe de Ludwig Hohl, ç'a l'air absurde comme ça mais ça ne l'est guère : à moins que je ne recopie rien du tout. Mais si tu veux bien, à un moment perdu, pense à la traduction de l'épigraphe. Je n'ai mis les pieds au Musée Basque depuis 50 ans et puis je me suis trouvé devant la photo murmurant Musée Basque > Masque et buses. […]

AmicalementMichel O H L

8 juillet [2009].Cher Philippe,l'impressionnante photo de rue de nécropole me renvoie au cimetière Saint-Martin de Biarritz,

où Carcabueno est inhumé, c'était un cousin de ma grand'mère, Mme Rousseau lui consacre une page, dans mon petit dico «carcamal» est traduit par «vieux débris» : comment traduirais-tu «carcabueno»? Merci de la phrase de Hohl, si je fais ce travail de recopiage, je te le réserve - et si jamais Sylvie Thuleux t'intéresse, tu peux en disposer aussi, à la réflexion, ce doit être Jean-Pierre le «compositeur» du prospectus, oui, je lui avais filé 2 ou 3 tracts à réaliser, à l'époque, je n'ai jamais repris cela dans un livre. C'est Lichtenberg que je te donne, j'ai une édition augmentée d'autres aphorismes, José Corti a publié depuis une édition plus riche encore. Cette Lettre de Simenon est sans doute le plus attachant de ses livres dictés. J'ai une autre édition, assez laide, sans aucune photo (il me semble avoir découpé déjà quelques portraits?…), et donc, à la rentrée, si d'ici là nous ne sommes pas victimes de trop de fins du monde, ou de monde, hmm, ah oui : je récupère le bouquin, par maniaquerie… Bien aimé anagrammes céliniennes [mien poème du 24 VI], surtout «Indocile Deus infernal». Bizarre que je ne me sois jamais vraiment penché sur le problème… Me souviens de «Le ciné Céline en ciel enlicé». Ces temps-ci, depuis le loustic Fourniret, je n'ai plus eu d'accès de fièvre. Cherché seulement quelque chose avec Dali. La gasconnade chien andalou n'était qu'un prétexte à caser la trouvaille (me suis aperçu qu'on pouvait donner un titre aux commentaires [de blog]…) Je ne suis pas méchant, allez! Il faudrait pour expliquer mon attitude, remonter à l'époque où, presque encore gamin, à la fois bravache Ohl et Céphalo Bill, je déifiais Céline, oui, c'était comme une religion, avec temple tenant du panthéon, de la folie baroque… J'avais amassé d'innombrables documents autour du Dieu, je… je… ici 200 pages d'historique, et puis, lorsque les publications critiques se sont multipliées, jaloux sans doute j'ai flanché, je n'ai gardé et relu que les Oeuvres du Maître, sûrement des livres excellents paraissent, et paraissent même du côté de l'Université, mais je suis resté dans les années 60, le plus précoce célinien landais (j'allais à vélo à Mézos chez le plus vieux célinien landais, un tailleur ami de mon grand oncle, il me prêtait des raretés sacrées). Noël - H. Noël! tu vois que je suis toujours le naïf Michou du pays natal, «la Miche cuite» (disait la cousine de Carcabueno!). Pour prendre l'air vache, vois-tu, je me file des baffes morales, ainsi je combats l'atonie, mais ça ne marche guère, et dans le sens contraire, les antibaffes ne sont guère efficaces non plus.

AmicalementMichelWeïté je ne vois pas [j'avais acheté un livre d'un certain Pierre Weité, dont je me demandais si

ce pouvait être Pierre Veilletet] … intrigué par la préface de J. Perret. Veilletet ne me donne plus de nouvelles depuis une éternité, je lui en aurais touché un mot sinon.

30 juillet [2009].

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Cher Philippe,je prendrai donc le Journal 2002-2007 en septembre, j'étais au courant par le blog, vu itou

d'excellents collages charcutiers (le 1er le meilleur à mon sens…) Pour La mer dans Poe, si c'est encore en vente yo no sé, Periz ne m'a donné signe de vie depuis 3 ans environ, je ne sais si tu trouveras preneur à 10 euros… (retrouvé papier de G. Walter du temps des Lattès, où il me qualifie de least-seller, et me situe «quelque part entre Lautréamont et Boby Lapointe», j'avais dû alors me gonfler comme un boeuf). Liompa 1 euro pas désobligeant pour bibi, no! Olécha l'Odessite tjrs aussi peu lu malgré rééditions. Suel : je te demanderai de me prêter son premier livre de La Table Ronde, et sans doute m'offrirai-je La patience de Mauricette. Recopié «Borges y yo», du recueil L'auteur et autres textes / El hacedor (je me sers de l'édition bilingue de L'Imaginaire, trad. Roger Caillois) et les lignes de Hohl : ne sais si ç'a un sens, ni quel si c'en a un! T'envoie aussi «Ohl et moi». Et petits commentaires. Tu fais de cela ce que veux. Ce sont vieilles histoires de 40 ans et plus, bien plus, y revenant je mérite encore davantage mon nom d'El Chocho.

Amicalement[Parmi les notes de la feuille jointe, cette blague :] PROFITEZ DE L'ETE! TESTEZ VOS

CONNAISSANCES! Téléphonez-leur au coeur de la nuit. «- Philippe… Michel… Fredo… Guy-Marie… (temps lourd de sens, sanglot réprimé) J'ai tué … Bobonne … le filston … Ixou Ixovitch … (silence de 100 kilourds = 125 kg) Toi seul peux m'aider… Sauve-moi… Viens de suite … (ou : J'arrive…)» - Ainsi mesurerez-vous le degré de confiance à accorder aux vieux poteaux …

Mercredi 19 [août 2009].pour «Borges y yo» d'accord, mon cher, nous verrons en septembre (la notice s'impose je

crois : soumets-me-la! quand tu voudras…) [Discreto 16]. Le Simenoniana, hé bien Zieg l'a repris (EdeN) et depuis, en 2006, j'ai écrit un florilège abondamment illustré et commenté, de quelque 80 pages (Madre mía!) qui a fait un très joli Flop! auprès des 3 simenoniens à qui je l'ai envoyé, Sorin et Guégan ne m'en ont dit un seul mot, Assouline m'a dit qu'il ne voyait vraiment pas pourquoi j'avais fabriqué cette chose, mais que j'avais «une belle écriture (graphie)» : ce «graphie» entre parenthèses, ajouté au cas où j'aurais cru qu'il s'agissait d'écriture (style) m'a fait rire jusqu'à la douleur, tout en me vexant au point que j'ai déchiré sa lettre! Aujourd'hui, je crois que je m'en foutrais (?)… Me reste un double de ce travail, que je te passerai peut-être, mais c'est pas sûr, je crains que ça ne t'emmerde [ce ne fut pas du tout le cas]. Le Journal des 26 jours, cahiers que j'ai adressés à Ziegel au fur et à mesure, il les a tirés à 10 ex., naturellement y avait itou collages et fioritures, je rejetterai un oeil sur ce Journal… Caroline chérie figurait dans la bibli de papa, mais je me souviens seulement de certains émois d'adolescent sorti tout juste de l'enfance à la lecture onessoise de certaines pages (c'est mon assistante familiale qui revient de Bretagne : aie pas peur, j'ai pas bougé) … La petite église baroque de Notre-Dame, heu, vois-tu, difficile à justifier, expliquer, mais je m'interdis d'aller dans ce secteur-là… Maniaquerie, ou je ne sais quoi. - Cet été, j'ai poussé 2 cosaqueries jusqu'au Riche, café avec vue sur Bidassoa, de l'autre côté, l'Etranger, mais, en rusant, je peux tjrs rejoindre l'église Saint-Nicolas (si c'est ainsi qu'elle s'appelle) cours de l'Argonne, ou l'église Saint-André (près de -), ou telle autre, dans mon territoire bizarrement découpé de mystico-dingo sans Dieu. Les pages de l'exposition, mon copain lecteur de Ciry a dû les trouver dans un vol. du Journal. Je joins la dernière des 20 lettres que Suffran m'a écrites. Il m'en reste 6. Comme tu le sais, j'ai des crises de jetage (pas au sens où les vétérinaires emploient ce mot - quoique…), que je regrette, internet provoque en moi d'autres crises. Je me sens la cible de très mauvaises influences dès le matin dans la glace. Si mes inconséquences me valent 6/20 en dignité humaine, je donne 3/20 aux 4 pages autour de Ciry. Remarque, avec les nouveaux barèmes, 3/20 = 9,5/20. Je serai peut-être repêché au bac.

AmicalementMichel[joint 4 pages A5 de citations de et notes sur Michel Ciry :] Un jour, Guy Clemence est venu

timidement à moi, comme un petit enfant vers le Seigneur, cinq ans après, quand je le vois, il me donne un coup de poing dans le ventre en s'écriant : «Alors, vieux couillon! qu'est-ce que tu nous mijotes?» J'exagère un peu, mais cet homme a des attaches landaises, il a vécu à Mimizan, et sa femme est née à Mézos, grâce aux bons offices de Mme Verge, dont ma maman parle amplement dans La naissance de Michel, et, hmm, eh bien ce lecteur courageux lit assidûment (dit-il) les 2 Michels, Ohl et Ciry, c'est lui qui me fila la copie de la lettre trouvée entre les pages d'un tome du Journal, voici 10 jours il m'a prêté 3 volumes : 1968/69, 1970, 1971 (il en a d'autres, dénichés d'occasion, et il a semble-t-il une «piste Journal complet», mais il est loin d'être riche, il doit économiser encore), j'en ai lu un en entier (1971 Les armes de lumière, dédicacé au stylo noir : «Pour Madame Tauzin, ces nouvelles confidences mêlées de tendresse et de colère. En amical hommage, Michel Ciry». Le t de tendresse ressemble à un A : j'ai d'abord lu Andersen (à propos de Nils

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Holgersson : son voyage de rêve est une traversée du pays des bêtes, autant que de la Suède, on en survole, croise, rencontre, devine, d'innombrables, animaux de toutes classes et familles, oiseaux majoritaires, si ma mémoire ne m'enc…)) et deux en oblique. Ne pouvant écrire dans les marges, j'ai noté quelques miettes, pages et noms sur une feuille. «Michel Suffran … qui m'a déjà donné tant de gages d'une amitié confondante de dévouement» (7.1.71). Ciry venu de chez André Mattlinger «à une dizaine de kilomètres au-delà de Bergerac» visite Suffran en sa maison-musée (23.7.71). «Michel envoûte, captive» (Suffran m'a gentiment invité chez lui mais je n'y fus jamais). Bordeaux longuement évoqué 21/22/23 nov 70. Mauriac, grande admiration, omniprésence, mais j'ai dans l'idée que Ciry est plus séduit encore par 1) Bernanos, 2) Green (apparaît dans un rêve 23.1.71), 3) Proust, à la façon passionnée dont il en parle (pages «Exposition Marcel Proust» 6 août 71). Autres écrivains vénérés : Gracq, Jünger, Romain Rolland «cette belle âme à qui il arriva d'errer mais qui jamais ne s'abîma» (12 juillet 71), Marivaux «dissecteur de génie» (27.11.71), Paul Valéry Mon Faust «jeu magistral et soufré qui enchante un temps que l'on trouve trop court» (1 déc 70), «Merveilleuse Colette … Nul doute que cette prodigieuse terrienne était un écrivain de génie» (11 mars 68). Ici, pause cigarillo + autre adjuvant. Je te laisse pendant ce temps méditer cette coupure de Sud Ouest [jointe, sur une histoire de perroquet].

Mots revenant souvent : «crêté», «désâmé». Page pénétrante sur Simenon après paragraphe d'éloge de Courteline («Inaltérable jeunesse d'une oeuvre dont l'irrésistible comique voile le pessimisme d'un moraliste férocement lucide» 13 mai 70). Simenon («talent considérable - créateur très perceptif à toutes choses - fictions habiles et passionnantes») avoue n'avoir pas d'amis, froidement, et passe à autre chose. En vérité il s'agit surtout du ton de Simenon pour passer à autre chose (son côté empoisonneur de toutes les sources) et pas de l'amitié. Ciry daille un brin avec l'amitié. Mais je retrouve chez lui Maurice Toesca. Je croyais cet homme présent dans la bibliothèque de mes parents définitivement oublié (mais nous sommes en 70!) Outre ses romans, biographies : Lamartine, Renard («exquise dégustation des Histoires naturelles» 16 oct 68, «Ce douloureux et cocasse chef-d'oeuvre Poil de carotte» 13 nov 68, le Journal de J.R. itou ne sais + où) et Forneret, singulier attelage (les parents n'avaient que les romans). Ciry : «des vaches noires et maigres, ayant l'air de porter le deuil de leurs flancs» (24.12.71). «Le sécateur, bec ouvert comme un oiseau goulu, ne fermait sa gueule luisante que pour broyer du bois» (16 nov 71). Oiseau / Ciseau. «ex-voto de marins éperdus en mer et finalement sauvés» (26 sept 71). «laps de temps d'une densité terrible durant l'éternité duquel je vis s'approcher la mort à la vitesse d'une puissante voiture» (22 juin 71). (Le 11 janvier précédent Michou s'étonne de l'obsession de la mort de sa Maman de 80 ans : quoi de + naturel au contraire? aussi naturel que la mort naturelle). Anecdotes «une odieuse vieille toupie slave n'arrêta pas de jacasser à très haute voix, sa vantant de parler cinq langues. L'envie me prit de lui demander s'il en existait une dans laquelle il lui arrivait de se taire» (17 octobre 71). Grouchy, veuf inconsolable, «fit incinérer par deux fois» sa dame adorée «ordonnant de mettre un peu de cet étrange et impalpable condiment dans une salière, durant des années il saupoudra sa nourriture des restes de la femme aimée …» (27 oct 71). Simenon trouvait les cendres de sa fille suicidée, qu'il avait goûtées : salées. Un peu avant : «Grouchy … dont le retard eut les conséquences que l'on sait (personnellement je serais plutôt porté à bénir une catastrophe horaire à laquelle nous dûmes d'être enfin débarrassés à tout jamais du fléau sanglant qu'était Napoléon)» «Napoléon. Pourquoi ma pensée va-t-elle vers ce monstre que j'ai toujours honni?» (2 XI 68). «Le sang des autres, baignade favorite de ces messieurs à épaulettes» (id.). «Tout ce qu'a d'odieux l'univers des armes» (15 oct 71). (14 juillet 71 - chez Toesca) «L'isolement de Jabrun et son état de très humble hameau nous gardent des débondages militaro-trémousseurs dont il est d'usage de marquer ce jour comme d'un sceau de vulgarité et de bellicisme etc.» Je mesure l'inanité de ce recopiage de notelettes (à propos de mesure, je crois bien que le kilourd trouvé jadis en poussant une porte, sans doute un peu coincé, vaut 1 kg 250, j'ai dû me gourer en t'écrivant : 100 kilourds = 125 kg vulgaires. Mais ne dit-on parfois «silence d'une tonne»? alors 1000 kilourds. Pour le kilométrop, si tu en as besoin un jour, ça fait 1 km 1/4, jusqu'à nouvel ordre. Nouvelle pause. Je vais dire bonjour aux ânes du Parc Bordelais. Petite citation pour la route : «Louanges et désapprobations étant le plus souvent trop douteusement fondées pour m'être de quelque secours, je dois me résigner à l'état d'errant solitaire et lucide, véhiculant un rêve fou» (19 oct 71). Ah! Ciry, sacré loustic! A tout à l'heure mon poteau.

«Dans cent ans, François Mauriac et Saint-Exupéry respireront encore à pleins poumons. Que restera-t-il de Claude Mauriac? Le peu de cendre qu'aura laissé la morne calcination d'un très mince élément de décadence. Et encore le vent de la postérité se sera-t-il vraisemblablement chargé de répandre ces ternes résidus aux quatre coins d'un ciel qui n'en conservera aucun souvenir.» (16 juillet 71). Exercices d'admiration souvent plus difficiles qu'exercices de détestation. Surtout peut-être lorsqu'on est ami de celui que l'on admire. Question de ressources de vocabulaire et de métaphores? Ziegelmeyer, lecteur de Ciry, le cite à maintes reprises dans sa «Galerie des Crasses». «O difficile

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charité!» (27. 6. 71). «L'estime que je porte à Guéhenno ma fait regretter son idolâtrie pour Rousseau. Comment ce modèle de droiture qu'est G peut-il admirer à ce point le type même de l'ingratitude, du louvoiement, du cabotinage, de la sensiblerie? Très grand écrivain, certes, cet abominable geignard, mais quel sinistre spécimen humain!» (29 nov 68). «Délicieuse musique de Musset, élégante maîtrise du verbe, sans mièvrerie, douce et forte» (22. 3. 69). «Samuel Beckett Prix Nobel. L'éboueur sur le trône. Nouvelle manifestation de la peur des hommes. Cette distinction honteuse vient consacrer un des plus sordides dynamiteurs de l'humanisme. C'est hausser la crasse au rang de dogme. Honorer de tels dieux est faire de la merde une hostie.» (30 oct 69). L'opposé des stercoranistes pour qui les espèces de l'Eucharistie sont digérées comme les autres aliments. Belle 1/2 page sur le suicide de Mishima «éminent écrivain». «Cette apothéose dans l'étripage est à la fois sublime et absurde» (15 XII 70). Suicide de Martine Carol et Marilyn Monroe je ne sais + où : leur beauté et leur désespoir. «Maurice Ronet, vu hier, est de la famille des artistes habités. De même que Perkins, Jean-Louis Trintignant, Vaneck, il peut longtemps se taire et dire bien des choses. Le reste se développe ou même s'acquiert, ceci, pas ; c'est le beau don de Dieu.» (31 août 70). «Le colonel Chabert avec Raimu. On le disait stupide. En ce cas, vive une imbécillité à même d'aussi intimement cohabiter avec un semblable génie dramatique» (11 nov 71). «Fernandel est mort. De cette gueule énorme et dérisoire, il sut faire un atout majeur dans un jeu prodigieux … On ne pouvait mieux user de ces disgrâces.» (1 mars 71). Passage d'un «Grec moustachu comme Brassens» (16/17 XII 71). Cinéastes (je me suis cru cinéphile pendant 10 ans mais je n'y connais rien mais : Ronet, Fernandel, Noël Roquevert, Darry Cowl, Robert Mitchum) d'élection : n° 1 Fellini «films fameux que l'on connaît par coeur mais qu'on reverrait indéfiniment tant leurs beautés sont grandes et multiples» (1 déc 69) et puis Antonioni (30. 1. 70) avec «Jeanne Moreau, laide, antipathique et admirable». Bunuel : éloge de Nazarin (31 juillet 70). Pasolini, Médéa (19 mai 71). Losey, Le Messager, La mort à Venise, et puis heureusement à côté de ces génies qui nous écrabouillent, les bons vieux westerns, et Fernandel, donc. «Robert Lamoureux, si doué, tellement drôle», hmm, je préfère 100 x Fernand Raynaud, mon chouchou! «Un peu notre actuel Sacha Guitry», r'hmm! (17 sept 70) mais Lamoureux n'est pas cité comme cinéaste… Mes parents l'adoraient et je me souviens encore de quelques chansons… «Papa maman la bonne et moi». Quelle andouillerie ce recopiage!… d'autant que tout cela doit se retrouver sous de nouvelles formes dans les volumes suivants (27?). Mais les intersignes maléfiques se multiplient. Arrêt buffet.

Aveugle et sourd en peinture et musique (et cinéma art 7e) je pensais ne pouvoir lire un volume où il en est question les 3/4 du temps mais va te faire ficher : j'ai pu! Et me suis même amusé, parfois, grâce aux bêtes noires «Stridentes dégueulasseries où s'agitent de minables pantins … La + conne des pornographies … Rien n'est + fatal à Buffet que de vouloir penser - désordre, laideur, misère et chiennerie» (17 II 71). Enfin, il est d'autres pages plus violentes et drôles, restant nonobstant loin de Céline ou de Klima, la saine et sage folie étant rarement au rendez-vous, en musique Monsieur Cuicui Messiaen est le plus amusamment descendu, à nombreuses reprises, il en sort tout rapiécé minable, dommage que je suis aussi sourd, je l'écouterais pour me bidonner. Buffet, M. Cuicui, et Balthus, Stockhausen etc. etc. «témoignages significatifs d'une époque décomposée, méchante, stupide, mûre pour le coup de grâce» (11 fév 70). Avec Buffet et Cuicui le + détesté : Dali, «il est de ces gens qui traînent la corporation des peintres dans les excréments de la piste des cirques», «pas de quartier admissible pour ces tenants forcenés du déshonneur» (25 avril 71), «faiseur de toile cirée» (expression coutumière de Ciry pour les abominables peintres), «Ah, l'ignoble! il déshonore notre corporation. Il ne lui suffisait pas de faire une peinture détestable, léchée comme par les pires des pompiers, il faut qu'il ajoute à cela les basses clowneries qui en font un agent publicitaire à tant la seconde … La nausée.» (23 mars 70. Chocolat Lanvin? Personnellement je trouve Dali 1000 x + drôle que Ciry, et puis j'aime bien les clowns, bien que mon dernier spectacle de cirque remonte à 1958 ou par là. Vive Chocolat, Rafaël Padilla, mort d'alcool et de misère à Burdigalère! La peinture de Dali ne me dit pas plus que les visages, les dessins de Michel Ciry ou les chefs d'oeuvre de Van Gogh ou Modigliani mais ses écrits, ses mises en scène). «Fossoyeur bigle, ce satanique, talentueux comme peu, laissera au monde, qu'il poignarde de son prestige, le souvenir très disgracieux d'une bobine impayable dont il aura voulu faire un boulet rouge. Qu'on ne croie pas que je me moque sottement d'un tel cataclysme physique. J'essaie de l'expliciter … la laideur de Sartre, qui fait de sa face un cauchemar, aura coûté cher à la société» (29 mai 70). Les «ailerons» de la môme Piaf sont aussi les attributs du «petit roublard barbu César» : il «gesticule de ses moignons, déversant une verbeuse filandre confessionnelle … Il enfile des lieux communs en battant de ses ailerons». J'ai failli écrire «oraisons», pensant à l'abbé Oraison, qui me semblait aussi risible que César du côté de 1970 (même page 71 du journal 71). Ciry dit sa «désespérante incapacité de (se) concentrer en Dieu» (8 nov 71). Dommage que ma grand-mère soit morte (elle aurait l'âge de la maman de Michel que la mort obsédait au bord de la mort mais je ne sais si lui est mort : il est né en 1919?), elle aurait pu donner à

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Ciry des cours de prière : elle pouvait prier tout en regardant un combat de catch ou un match de rugby à la télévision, commenté par Roger Couderc, elle égrenait son chapelet en lançant des «Hilh dou diable! Hilh de clouque!» C'est peut-être cette façon de prier qui a retardé mon succès au bachot philo : ma grand-mère Marguerite a dit des chapelets pendant 3 ans, avant que ses prières ne me fassent obtenir ce diplôme de rêve. Sinon, en religion, étant tout sauf rationaliste, je ne suis point libre-penseur, je les trouve bien timorés vis-à-vis de l'Eglise, je me reconnaîtrais plutôt dans les dernières pages de L'école des cadavres, «Qui mange du pape en meurt! La foi! La foi! Quelle foi de merde! … Pierre Al Capone du Cantique etc.» Evidemment on interprète différemment, c'est comme la Sainte Bible. Sinon, j'ai la nostalgie du village où j'ai servi la messe chez les soeurs de ma retraite pour la Communion - curé en soutane, facteur à vélo un peu ivrogne etc. J'ai relu François de Sales il y a peu. Ecriture précieuse, si l'on veut, mais si merveilleuse. A mon avis, c'est depuis Charlemagne que les carottes sont cuites. Ou plutôt, depuis son fils le Débonnaire, l'enviandé fameux, l'illuminé fait chrétien de foi la plus vive, à moins que ce ne soit depuis la mort de tantine Hélène, en sept. 67? à moins que ce ne soit depuis le 5 XII 1946, ou le mois de mars de cette année-là? «Je ne tairai pas la répulsion que m'inspirent les jaunes. Cent fois je préfère à leur impénétrable façade la bonne grosse sensualité des noirs» (26 sept 71). J'en croise de + en + dans le quartier, c'est vrai, des chinetoques niakoués, les soumettre à coups de cognac? j'ai peur qu'ils n'aient prévu la chose, ils se sont mithridatisés.

[31 août 2009].Cher Philippe,mon grand frère a subi jeudi cette dangereuse opération, qui s'est passée sans accident, à ce

qu'il semble, je pourrai peut-être entrevoir Bernard ce dimanche, reste un mois d'hosto. -- Et sans transition ni vergogne, aux lettres éternelles (elles), parce que ceux qui font dedans, meurent tous, eux, regarde Virgile, Mauriac, et j'en oublie (le 4 à 11 h à la cathédrale Saint-André d'accord, dernier rang - mais je peux plus tôt itou). Et ce florilège Simenon de 80 p ne saurait s'imaginer autrement qu'en fac-similé, ce machin-là est tout basé sur les imitations de graphie, les dessins, les collages, la diversité des écritures, j'avais pensé en faire faire 20 ex à l'imprimante comme pour Estaunié, aujourd'hui je ne sais pas, je voulais te le filer pour y jeter un oeil. Pour «Borges y yo», nous verrons cela vendredi. Les vingt-six jours, j'ai reparcouru (re, parce que j'étais revenu y voler quelques mots pour mon Cerveau à bercer) : ce Tout est bien qui finit, je n'ai su le retrouver, c'était l'époque de la frénésie froide des cahiers d'écolier, plusieurs années de ressassement d'obsessions et de dadas, beaucoup de cadavres depuis ces 26 jours, je n'ai pas de double des cahiers envoyés au fur et à mesure à Ziegel, quel cran il a eu de retaper ça, il est toqué, l'amigo! Je me demande si on ferait pas mieux de laisser dormir ces fascicules en attendant que leur papa dorme à son tour? Enfin, j'y repense. Mais, pour le «conneau» Guytou et le «malin finaud» Desiderio y aurait besoin de zéro rabotage vois-tu, t'imagines pas comme je peux être grossier avec certains potes, certains je dis bien, Periz me parlait de même, et nous riions, il savait imiter de Gaulle, dommage de son éclipse, un matin sans préavis, à ce que j'ai appris récemment, il a quitté femme et maison pour aller ailleurs, où niche la vraie vie, à 2 ou 3 verstes, «Pêche Nature Traditions» a laissé seulabre sa Chantal, lui aussi, 3 ans environ que je ne l'ai vu, «conneau joli», «pauvre cul», «abruti», c'est des mots amicaux, tout ça, mon fils me donne couramment du «vieux cul», avec d'autres «amis» (Ciry me met mal à l'aise, comme Louis, avec les Amis et l'Amitié, enfin, c'est une attitude sympathique) il s'agit de rester poli, parfois jusqu'à la préciosité, il en est que j'ai vouvoyés, des amis d'enfance, des ivrognes à moitié fous, des aristos, ou de prétendus ploucs, mais ce crétineau joli de Guy-Marie, que je regrette fort de ne plus voir, restait sobre et courtois, ah! on s'est bien fendu la pêche ensemble, le Rimbaud de la mouche et moi […] Zut, je m'éloigne du sujet, jamais je n'aurai le Duel… Ciry, une Lettrasse, vaut-ce le coup, mon vieux? (attention aux gros mots amicaux, vieil enculé de Michou) Je l'ai lu sans ennui (ce que tu avais donné touchant la belle Edith, me semblait vraiment cucu), certaines pages m'ont même ému (la gaucherie d'expression : «même ému», c'est exprès, pudeur! sainte pudeur! l'oublie jamais, merdeux Michka!), mais ce recopiage de l'autre jour tient un peu trop de la maniaquerie, non? Pour Guy Clemence, les «coups de poing dans le ventre», c'était une gasconnade, je me réentraîne, au cas où je passerais l'éternité dans les Landes, non : Clemence, qui me visite de loin en loin, au sortir du boulot, il vient sur sa moto, avant de regagner ses pénates [adresse à Camblanes et Meynac] Clemence ne s'autoriserait certes pas de tels gestes, il n'est plus intimidé du tout (encore heureux), mais reste digne, quoique amical, hou! comme c'est dit! il est temps que j'arrête! l'Onessois par alliance Boizet m'a dit que Kilodney ne l'avait pas séduit, sans commentaires. Assouline, à présent, sa lettre me fait bien rire (in petto : j'ai la gueule douloureuse), je crois que je vais me contenter de lire, désormais, en attendant.

AmicalementMichel

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Bernard, se voyant mort, a tenu à revenir voir une dernière fois, avec ses frères Michel et Jean-Pierre, le village natal, les quartiers de l'enfance, nous sommes en fin de pèlerinage allés voir Tano (s'il lisait mes écrits y aurait à gommer nombre de conneries que je dis sur lui oh! oui?), lequel Tano (Bertrand) m'a donné un carton de livres des années 20, je vais lire ceux que je ne connais pas, et même les autres, qui sait, je suis tombé d'entrée sur un Chérau qui se déroule dans ta région - nous avons chargé le carton et sommes repartis à Brdx, tous tristes, les 3 frères dans la bagnole, et je pense aussi le cousin et la cousine dans leur demeure.

[joint deux pages d'expressions du marais poitevin tirées de Le flambeau des Riffault, de Gaston Chérau (Niort 1872 - Boston 1937)]

15 septembre [2009].Le Journal… a fort bonne allure, ma foi, je t'en reparle après plus sérieux examen. L'intitulé au

dos nouveauté notable. Je songe non pas à bibi, mais aux Souvenirs de ma mère. Hélas! mes frères s'en fichent un peu… Je suis pris dans les remous de la rentrée littéraire, il s'agit du carton de livres de tonton Paul d'Onesse, l'inventeur de l'aérodrome de Parme, années 1920/1930. Trouvé bulletin docteur Lucien-Graux dans les pages de Lucie Delarue-Mardrus (éd. Ferenczi, pourtant, et non Fayard). -- Catalogue : Sade Bibliothèque des Curieux : as-tu regardé la cote à l'Argus? Peut-être sous-estimé, peut-être pas... Les cartes de Wiesbaden 1 euro c'est pas cher…! En vrai, ce recueil, je te le prendrais bien, ainsi que Voyage en Sibérie. (Vu la façon dont j'ai foulargué 4 ou 500 livres à Guillaume jadis venu en camionnette au Palais Gallien, je ne peux me poser en spécialiste.) Plus un mot dans Sud Ouest touchant le garde-forestier, stratégie du silence? attendu à l'orée du bois? Hier, toutefois, un beau fait-divers. On aimerait en savoir plus. Difficile d'en tirer une arme anti-alcoolique. Pour le texte joint à «Borges y yo» : «Un mot de l'éditeur» ou quelque chose comme ça? / Lisant en français LES Notes (c'est semble-t-il l'oeuvre majeure de Ludwig) / signer à son tour un texte? (je suis trop flemmard aujourd'hui pour recopier tout un ouvrage, et même le pas très long Pierre Ménard.

AmicalementMichel Ohl

26 septembre [2009].Alors à présent, mon cher, le cachet ne dit plus où sont postées les lettres : bonne chose pour

les hors-la-loi, les évadés d'Auxerre. Bien reçu les Discreto, déjà promus sur l'écran, ai-je vu hier. Pas un mot de bibi, et tous les mots, cependant, belle occasion de me fondre dans le paysage, discrètement, de sorte que moi-même j'aie le plus grand mal à m'y reconnaître, mais attention à ne pas ressortir du décor comme un diable pour de nouveaux adieux, à propos du tramway, té! Je mesure la chance que j'ai, de n'être pas obligé de prendre le tram, d'autant qu'il me fait peur, il va et vient dans un sens et dans l'autre, tel l'amphisbène, je le redoute autant lorsqu'il y a dix personnes dedans, sûrement de nombreux portés disparus y ont transité, pourtant le bon moyen d'y échapper serait d'y monter, je n'en ai jamais eu le courage encore. Holà, tramphisbène, / Reptile odieux / De la jungle urbaine / File hors de mes yeux! (C'est pas un quatrain d'enfer… Et à propos du jeune gars endormi sur les rails : j'ai appris son nom en rêve : Olivier Dante, je ne sais si l'histoire l'a rendu fou, s'il est devenu le roi de son village, abreuvé partout, peut-être les deux). Guy Clemence est collectionneur, et il n'a pas Liompa, ni Etudes n° 1, je te les achèterai au prochain colloque à Saint-? (à voir). Guy Clem, loin d'être boxeur, est plutôt timide… il risque de mettre un peu de temps à se décider à te répondre. Je lui ai dit quelques titres de ton catalogue au téléphone, il regardera de près au prochain passage, quel bavard je fais, moi qui suis si taiseux. Très élégante page du Nouvel Obsc [mon Journal documentaire était alors intitulé Le Nouvel Obscurantiste] sur nos rencontres - et Simenon - j'espérais qu'un lecteur trouverait l'origine de l'épitaphe, mais : l'espéré-je vraiment? Ca me casserait la baraque peut-être! (Je me suis dit que cela provenait d'un autre, lu à la même époque. Bove? ça lui ressemble un peu. Par ailleurs : l'idée de tester les amis, en leur demandant du secours après assassinat, je me demande ce matin si ça ne sort pas de Simenon : il m'emm… çui-là.) Au feuillettement de ton livre-cadeau, vieux crétin que je suis, j'ai sauté la dédicace, déjà, elle seule serait une justification poétique supérieure de l'ouvrage, je suis remonté à Nicolle Le Febvre d'Honfleur au travail perdu dans le naufrage, par le simple canal de l'index. Si je comprends bien, Baudouin a fermé son blog? Je regrette certains mots ineptes de ma part, nés de quiproquos, signes aussi que je recommence à dérailler, mais je ne peux plus incriminer l'alcool, ça se traduit aussi chaque jour dans la vie domestique. (Si tu en as l'occasion, tu peux lui passer le recueil Simenon, bien qu'il ne soit pas fana.) Et cette lettre pas très cohérente va s'achever bientôt.

AmicalementMikhaïl Ivanovitch

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Lundi 5 octobre [2009].Tu m'as envoyé 5 «Borges y yo», mon cher, avec la lettre où tu me parles de courtil et de

dentiste. J'en ai suffisamment, pour l'heure. Le 10, je visite sans doute le frère aîné solitaire (il demeure à 200 m de la courette d'angle Argonne / Duluc : j'y irai samedi…), donc, le vendredi 16, dis-moi l'heure et l'église… Attention au tramphisbène, il a tué le 29 septembre une dame de 77 ans place Stalingrad et le même jour, voué pourtant à l'archiange Michel, renversé un cycliste à Mériadeck ; ne sais s'il est sorti du coma. - Pour les coquilles et places vides du Simenon, note où c'est por favor afin que je corrige. La dernière photo «A l'écart» du site de Baudouin m'impressionne fort, je crois voir mon fils. L'histoire de ton père apprise à un enterrement : peut-être les gosses jouaient-ils à quitter la voie in extremis? et ton père était-il le champion? Mais les papas pudiques n'en disent guère. Je connais des va-de-la-gueule qui au contraire ne parlent devant filston que des plus horribles prouesses et des plus grotesques ratages, enfin j'en connais un, son nom ressemble à celui du poisson OLHo-de-boi, oeil-de-boeuf?… A propos, je suis allé voir dans mon Poe le pétrel-brise-os ou pétrel-balbuzard dans cette page de Pym lue par Baudelaire, il y a une nue d'oiseaux… poule de Port Egmont, cormoran vert, pigeon du Cap, nelly, guifette, plus loin fréquente apparition de la biche-de-mer, avec cette note : «forme francisée du portugais bicho do mar». Littré donne bêche-de-mer. Mais : bicho, ne veut-ce dire ver? Ce serait une holothurie (concombre de mer selon Larousse). Et le pétrel brise-oeufs, nihiliste breton? Très beau livre Mort d'un jardinier / tu as toute la vie devant toi, tu as toute la vie devant toi, jusqu'à la fin tu as toute la vie devant toi / le nom d'un fou s'écrie partout / ici dans le jardin tu pourrais sentir l'odeur puissante de la porcherie mais ton corps se ferme, tu n'es pas là, tu viens d'entrer dans la maison de Gaston et Mathilde / Jack London et James Oliver Curwood sont là aussi avec leur enfance (et qu'importe le jazz pourvu qu'on ait Mitchum). Quand j'ai cru clamecer je n'ai rien vu de ma vie, rien du tout, c'était… enfin n'en parlons pas. Très grossièrement, Suel a peut-être cet avantage sur Fred Roux qu'il (Suel) est poète, c'est couillon, dit ainsi! J'ai relevé dans Et mon fils…, «chaque couillon a sa ruse», à Onesse la vieille Landaise qui venait aider ma mère disait «Chaque pec a sa ruse». Pec = un peu fada, idiot du village, niais. Roux se méfie de la poésie, ce me semble, et lisant Et mon fils… j'ai eu le sentiment de connaître déjà la famille, le papa et l'oncle foldingues, l'agonie de la maman (serait-ce souvenir de Mal de père? le fils n'abrège-t-il l'agonie de maman?) Chez Fredo les exécrés parents (?) sont là bien vivants, bien plus que les enfants et la p'tite femme, quand le fils est loin d'eux, qu'il se révoltille un peu contre ceci et cela, c'est raté, l'abominable parentèle manque, sans elle tout fout le camp! Ne serait-ce le sens de la scène finale au cimetière?

AmicalementMichel

Samedi [10 octobre 2009].Désolé, Felipe, de t'avoir infligé, si je puis dire, ce vain tapage, pour me faire pardonner j'ai

songé à recopier pour toi de ma jolie écriture les lettres de Treiber, Treiber ou la vie dans les bois, et puis j'ai renoncé, les voici tout de même, tirées de Paris Match, peut-être sont-elles visibles sur l'écran, m'ont eu l'air cousues de fil blanc, tout d'abord, et puis, «Si c'était la pure vérité, qu'il raconte?» me suis-je dit, le 23 à 11 h à Saint-Ferdinand donc, sauf imprévu.

Eliot Ness l'Onessite«hartzala» petit coeur, ça fait basque, peut-être mon trisaïeul alsacien appelait-il ainsi ma

trisaïeule de Bayonne?J'espère que la séance chez le dentiste s'est passée sans mal.

Lundi [26 octobre 2009], Saint Dimitri.Je voulais envoyer ce matin un commentaire au dernier article du Nouvel Obsc : «Prendre un

sandre est meilleur et plus doux que l'amour.» Alexandrin pêché dans l'oeuvre de Tchékhov (le nom du traducteur m'est sorti de la tête). Autre fragment plus prosaïque : «Quand on sort une lotte ou un chevesne, ça vous fait comme si on revoyait son frère!», commentaire qui eût touché aussi une autre note, mais impossible de caser mon pseudonyme : Maxime de La Rochefoutoir : ça se bloquait à Roc, explique-moi ce mystère! -- Brassens-Giono : les lettres datent de 1963. Giono : «On est en train de tourner dans les montagnes de Lozère un film d'après mon roman Un roi sans divertissement. J'aimerais que vous fassiez la musique de ce film.» Brassens, première lettre : «Je suis heureux que vous ayez pensé que ma musique pourrait convenir à votre film (…) Mais je relève d'une pénible maladie de reins (les torturants calculs) qui me rend incapable (…) de m'adonner à quelque chose de sérieux (…) Cependant si vous le voulez, envoyez-moi votre découpage, et j'essaierai quand même.» 2e lettre : «Je n'ai rien oublié (Giono lui a envoyé découpage et dialogues du film de Leterrier : «Je vous remercie par avance de ce que vous ferez»). Pour le moment, je n'ai rien réussi. Mais si vous avez un peu de patience encore, ce sera peut-être possible …» Brassens renonce. Je ne sais pas qui

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fera la musique [Maurice Jarre, avec une chanson de Jacques Brel]. Je me demande si j'ai vu ce film? Brassens chante ses chansons dans Porte des Lilas, bien sûr, mais il interprète Heureux qui comme Ulysse dans le film pas terrible de son ami Colpi - paroles de Colpi, musique de Delerue. Fernandel n'est pas très à l'aise dans ce film, dans mon souvenir… Fin du baratin du Pr Michou. Le Voyage en Sibérie est un superbook… Wiesbaden, c'est sans doute le Roulettenbourg du Joueur de Dostoïevski. J'enverrai sans doute quelques unes des cartes postales que tu m'as données, mais je commence à ressentir une grande lassitude épistolaire, si je puis dire… Cette nuée de lettres de toute la vie, elle va me retomber dessus, me submerger… Je vais espacer mes courriers, désormais, c'est probable, même aux rarissimes qui me répondent régulièrement, comme toi! Oui c'est probable… Et peut-être que ton père, comme Tchékhov, comme Guy Mouche, était un poète de la pêche? Ah, quels mystères que nos papas en allés. (Moi j'ai pêché «à la bouteille» enfant dans l'Onesse et puis : fini. Je suis passé à la bouteille de gnôle, de bière, et aujourd'hui? rien.)

AmicalementMikhaïl

Dimanche 15 novembre [2009].Je viens un petit peu illustrer une page du Nouvel Obsc (j'ai fini par m'apercevoir qu'il suffisait

de taper Obsc…) Beau passage Simenon («rêve enfantin») chez Dimitrijevic, l'un de mes éditeurs préférés (> Sainte Russie!… Suisse, aussi), Louis Nucera le connaissait, du côté de 1980 Dimitri est venu présenter L'Age d'Homme à la librairie Mollat, Louis l'avertit qu'un «jeune homme de lettres de ses amis» se présentera en fin de séance, mais je me défile, je pars comme un voleur. Troyat, peu d'écrivains vraiment sont traités avec un tel mépris… J'ai offert à mon neveu Benjamin un recueil Omnibus, biographie des tsars, il (JeanPierrovitch) est en 1ère année d'Histoire à la fac, il a dévoré le livre mais je l'ai averti : «Troyat : chut! pas un mot à la fac…», il me dit l'autre jour avec un petit rire un peu gêné : «Tu avais raison…» Tous les livres de l'imposant domaine historique de la bibli de mon père seraient écartés avec dégoût par nos savants. Le + terrible pour la mémoire de Troyat : ses pairs de l'Acadéfraise incapables de parler le jour de sa mort d'autre chose que de sa «production impressionnante», son «travail acharné - jusqu'à la mort». Passons… Vu Clemence, qui est intéressé par Préférences, de Gracq : si tu l'as encore, réserve-me-le veux-tu. Peut-être une amateure pour Frida Kahlo itou, mais c'est pas sûr… Je t'envoie coupures de Biarritz à la Belle Epoque, de M. D. Lormier, Ed. C. M. D. La photo provient des Archives Municipales de Biarritz. Ma mère doit citer Alphonse XIII dans ses Souvenirs parce que sa mère biarritzienne, ma mamo, l'avait vu, admiré dans son enfance. Me suis remis à Knut Hamsun. J'ai encore quelques-uns de ses livres. «Quand je pénètre dans la forêt, par le sentier où l'herbe repousse, mon coeur tremble d'une joie non terrestre.» (1ère page de Sous l'étoile d'automne, 1906).

Amitiés de Michkador, dit Jaw Ohl ganache

7 décembre [2009].Le 11, une radio à passer, de bonne heure, certes, mais je risquerais d'être en retard au RV,

disons donc le 18 à 11 heures, téléphonage si autre contretemps. Je t'apporterai un livre de voyage de Knut Hamsun au Caucase (et te prendrai Kahlo, si j'ose dire aussi grossièrement, pour offrir à une amateure : moi pas branché Frida, nul en art que je suis). Sur l'écran, mes préférences : le corbeau toquant à la vitre - cette vision me hante encore - le poème de Peter W Zapffe, dont j'ignorais jusqu'au nom, mais bizarrement sa tête me dit quelque chose (sic)… Par sainte Marie de la Tête! même des athées dans l'âme, tels Michou et bibi, peuvent être sensibles à l'imagerie de saint Isidore… Envoyé comme carte postale l'homme de l'Art d'écrire, cigarette au bec, pendant de la publicité Gitanes Un livre Une cigarette - pendant pauvre. Y el conde de la Casa Eguia! à la longue, matière à composer recueil plume-doigt. Beaucoup de livres de Knut Hamsun se passent dans la région de Bodo - il a été docker, tout jeune, à Bodo. J'en ai lu/relu pas mal. A la page 209 de l'1 d'eux, Auguste le marin, je tombe sur : «Pleurer, moi? Je m'en bats l'oeil!» Tilt. C'est une réplique que j'ai casée telle quelle dans une ripopée. De ce livre de 400 p. lu il y a sans doute une 40aine d'ans, je ne me souvenais donc que de 1, 2, 3… 8 mots. Superlivre, pourtant! me souffle Michou, ou bibi, ou Mikado. Ah! je me souviens de parties interminables de mikado à Villefranque, Basses-Pyrénées, jadis nain jaune diamino jeu de l'oie petits chevaux mikado. Pour Hamsun, déterminé son fin mot : «Ah bon». Or, je remarque dans les + vieilles traductions l'absence de «Ah bon», et l'omniprésence de «Naa… naa…» J'en ai finement conclu que «Naa = Ah bon», mais je n'ai su vérifier cela sur la Machine, où j'ai pu voir en revanche ou par contre des photos d'Alphonse et Victoria villa Mouriscot. Bueno! par manie stupide il faut que je remplisse les lettres d'écriture, ce qui induit flopées de sottises de remplissage et de macabrioles superfétatoires, la vie se vit jusqu'au bout et ça n'est pas drôle non plus.

Amicalement

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Mikhaïl Ivanovitch[joint des coupures de Biarritz: le centre, les plages, de Monique Rousseau et ces notes :]

Retrouvé dans les Souvenirs de ma mère évocation des villas historiques dont lui parlait sa mère, la villa Velleda de Bolo Pacha, Javalquinto où descendaient les grandes familles espagnoles, «Mouriscot : Alphonse XIII et Victoria Eugénie de Battenberg y abritèrent leurs amours». Ma mémoire me joue des tours, je mêle sans doute à des conversations avec maman, des paroles de ma grand'mère, et des souvenirs de lecture, dans cette page des villas. L'abbé Mugnier et la princesse Bibesco étaient les invités de Calaoutça. Au dos, fragments de l'un des + beaux livres biarritziens : Le perroquet vert, de la princesse, se passe en partie à Saint-Martin, (je garde intact l'ouvrage sur le cimetière), les deux amis, l'abbé et la princesse, sont ensemble dans ton catalogue.

[17 décembre 2009].Bizarre. E. Berry, bizarre : bigearrer, disputer ; espagn. et portug. bizarro, magnanime, vaillant ;

ital. bizarro, emporté, colère. Notre mot français vient de l'espagnol et il a eu d'abord le sens de vaillant, brave («Le soldat françois est beaucoup plus bisarre, et ne peut quasi vivre sans se battre» Lanoue). 2 étymologies s'offrent : le basque bizarra, barbe, décomposé par Larramendi en biz arra (qu'il soit un homme) et l'arabe basharet, beauté, élégance, d'où vaillant, chevaleresque, puis les sens de colère, emporté, extravagant. J'avais complètement oublié, j'ai dû lire et relire dix fois cette page, et sans doute même à l'époque du breuvage : qui sait s'il ne vient pas de là? C'était du côté de 1980. Peut-être je raconte l'histoire quelque part. J'appelais Biarritz Bizarritz. Etrange! «J'ai rêvé que je parlais russe, et que bisteron signifiait : étrange.» Toulet. En tout cas, dans mon conte bayonnais de L'enterrement qui frétillait… où il s'agit pour moi en vérité de rejoindre mon père, la boisson magique est le bizarra bleu, je l'avale au Zirimiri d'Etchekojauna, j'évoque le bar Hegobelza, je n'ai plus le sens de ces mots, mais j'affirme [!] que iguzkia et egia signifient soleil et vérité en basque et en samoyède… (Et je t'ai peut-être déjà dit tout ça, ou à peu près, il y a cinq ou 8 ans, dans une lettre.) [sur le dernier point, un an seulement, 27 mai 2008].

«Détruisez par le feu un objet que vous aimez. Ramassez les cendres. Dispersez-les dans le vent.» J'y pense, parce que, en tendant le bras, je touche le semainier, chiffonnier à 7 tiroirs où je range mon linge. Ce chiffonnier a suivi la famille dans plusieurs maisons depuis un siècle. Il a dû être le témoin d'agonies. A présent, on agonise plutôt à l'hôpital. (Mon Caraco préféré est Post-mortem.) «Des livres et moi» : je voulais suivre mon grand-oncle Paul à la trace (cendres tombées entre les pages de ses livres) mais j'y ai renoncé et je me débarrasse de cette affaire en découpant 29 des 80 livres reçus en héritage (ceux qui me couvrent) [sur une photo de la performance] (filmer l'agonie du semainier bourré de livres et incendié).

AmicalementMichou El Chocho

5 janvier [2010]. Courrier spécial photo.- Alphonse XIII.- Michka La Miche cuite, tsar d'Onessie en exil, figure sur la photo [il écrit au verso d'une

photocopie de celle-ci] d'Emile Vignes (l'un des + célèbres photographes landais, exposé actuellement au Musée d'Aquitaine) prise en plein coeur du XXe siècle à Onesse. Les gamins on tous l'air épaté, inquiet peut-être? Il faut dire que Vignes mesurait un peu plus de deux mètres. Enfants de gauche à droite : Bernard Ohl, Thérèse Dufranc, Michel Ohl, Mireille Lespessailles, ??, Jean Dufranc, Jeannine Lespessailles, François Talaska, Nicole Talaska, Jean Larrouy, Marie-Françoise Larrouy, Pierrot Dufranc, Geneviève Courthiau. Le conducteur du char de carnaval est l'inoubliable Gérard Benoit, que l'on peut voir encore dans le film Le petit matin, tiré de l'oeuvre de Christine de Rivoyre. --- Le bleu-blanc-rouge épinglé sur l'étendoir m'a beaucoup plu… J'ai l'habitude ces temps-ci d'ajouter FRANCE [avec un petit drapeau tricolore entre les deux barres horizontales du F] aux adresses de mes lettres, je m'en dispense cette fois, bien que cela n'ait rien de provocant. --- Pour remplir la page, Le salut automatique selon Hohl : «Les gens qu'on croise en rue le dimanche provoquent un tel sentiment d'horreur que les cheveux se dressent sur la tête, soulevant le chapeau, qui salue tout seul.» Notes, VIII, 18.

Michoutka O H L(Si cette lettre n'est pas à sa place dans l'alternance [je redoutais toujours les chevauchements

chronologiques dans la correspondance], disons qu'elle ne compte pas…)

[15 janvier 2010, papier aide-mémoire pour une de nos entrevues]- cartes château-fort de Bouillon, disponibles?- royaume des Eaux-Blanches, Raskol, Vieux-Croyants, Pierre Pascal (le n° de téléph. de

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Raspoutine est dans la préface d'un tome, 2?, de son Journal).- mes drapeaux tricolores : celui que l'on hissait chaque année à Villefranque au balcon

donnant sur le décor de «Dans la tempête» ; la lame bleu blanc rouge de la faux brandie par la Mort (livrette).

- M. Bille, de Pierre Villetard de Prunières (1874-1956).- Alphonse XIII, Bernanos (Grands cimetières), Sanjurjo, Kessel.

Dimanche [7 février 2010].L'homme au pied raccourci a raison : mon père est né le 13 juillet 1910 à Cherbourg, où son

père officiait, 107 rue de la Bucaille à 2 h 3/4 du matin (rêvé-je ou si un jour d'il y a quelque 10 ans tu m'as envoyé un plan de Cherbourg qui m'a permis de dessiner une carte?). - La livrette s'appelle «Mois sans coeur» mais ça me sidérerait pas que des caricaturistes 1900 eussent dessiné colorié une armée de Morts à faux bleu blanc rouge. - Caumon exprime les choses, si j'ose dire, très élégamment, un poil trop peut-être? je ne sais pas… («La nuit des temps» me va mieux.) (Si j'ai bien compris il habite à Saugnacq et Muret, quartier Castelnau?) Dis-moi si c'est ça, mais je ne sais si je lui écrirai, mes essais de renouailles sont la plupart du temps des foirades déprimantes. - Ta remarque en marge du précieux article sur Hohl m'a saisi, parce que j'ai ressenti la même impression, et pas seulement pour l'Ascension, pour Nuances et détails, pour Notes, et il me semble que lui-même, ce buveur de haut niveau, ascétique miséreux et grandiose, ait pressenti cet effet qu'il ferait, si je le lis bien (Céline aussi pendra ses manuscrits comme du linge, j'ai failli écrire linceul). Et Hohl parle même de moi : «Il en va de la vie comme de l'écriture : plus on est nul, plus on y met de fioritures.» (Le traducteur aurait dû éviter le distique?)

AmicalementMichoutkaJe prendrai donc les cartes du château de Bouillon.[joint un feuillet avec ces quelques citations et notes :]«Que dire de Saint-Sébastien (en basque, Donostia), la belle grande plage du Guipuzcoa, où

l'on ne manque jamais d'aller voir, sur le sol même et dans l'atmosphère spéciale de la bouillante Espagne, les grandes corridas de toros, et rencontrer sur la concha le jeune roi Alphonse XIII, dont la villa Miramar domine la baie et dont la coquette caseta real, ou cabine de bain sur rails, fait sensation!» pris dans La vie à Biarritz, 1910, par Mars (Maurice Bonvoisin) caricatures et légendes et textes, Lavielle Reprints.

En relisant les pages de Nabokov sur Biarritz : «C'est de lui (le préposé aux cabines de bain) que j'ai appris, et j'ai toujours conservé cela depuis sous verre dans ma mémoire, que "papillon" se dit en basque "misericoletea" - c'est du moins ce que j'entendis (parmi les sept mots que j'ai trouvés dans des dictionnaires, celui qui en approche le plus est "micheletea").» Autres rivages, VII, 2. Si tu vois le professeur de basque?

Justo Sanjurjo, «capitaine de l'aviation espagnole, blessé à un poumon pendant la guerre contre les rebelles marocains et que Jef avait rencontré à Davos en 1926, lorsqu'il rendait visite à Sandi», fut le modèle de Ramon de Jasarte, héros des Enfants de la chance (1934). «Fils du général Sanjurjo Sacanell, chef de la garde civile d'Alphonse XIII (…) lors d'une tombola de bienfaisance au Ritz de Madrid, Justo Sanjurjo, qui avait acheté tous les billets, s'était retrouvé possesseur des 3 voitures du gros lot … avec 2 amis … il était sorti … pulvérisant les glaces de la façade (…) Après l'exil d'Alphonse XIII, le général s'était rallié à la République puis, devant les excès de la gauche et les violences antireligieuses, s'était laissé entraîner par son fils Justo dans la rébellion (…) Les deux hommes avaient soulevé la garnison de Séville et fomenté un coup d'Etat … août 32 … après échec Justo croupissait dans un de ces camps de déportation installés dans les forts du Rio de Oro que Kessel avait découverts lors du reportage sur l'Aéropostale.» (Kessel / Courrière, pp. 431-432).

Michel Ciry a illustré avec d'autres artistes un volume groupant 4 romans de Kessel, Gallimard, 1964.

Lundi [22 février 2010].Aïe, aïe, j'ai dû mal m'exprimer, mon cher! j'ai seulement repéré l'ouvrage illustré par Michel

Ciry, et d'autres, dans l'une des notices bibliographiques de G. Sigaux aux Oeuvres complètes, Rombaldi : il s'agit d'un volume regroupant L'équipage, Belle de jour, La passante du Sans-Souci, et Le lion (Gallimard, 1964). Très belle découverte, Gainsbourg par Zurbarán!! [Jd, le 20 II] Peinture préfigurative pourrait-on l'appeler? Si tu en déniches d'autres, Gainsbourg, dans les oeuvres magistrales, il y aurait peut-être possibilité d'un portrait-robot rétrospectif à la fois posthume et prénatal (déjà il faudrait trouver un nom un peu moins couillon à cette technique…) Il existe un portrait de Musset où j'ai cru voir Gainsbourg, mais mieux vaut le tien, les protogainsbourgs encore anonymes

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dissimulés dans les chefs-d'oeuvre… J'ai été voir les commentaires à la photo, eh bien ça n'a rien de méchant… C'est des petites choses comme on en sort ou pense nous-mêmes couramment, mais Satan-la-Toile n'est pas tjrs là pour les enregistrer, enfin je parle pour moi, le fait est que j'ai l'air de + en + d'un vieux schnoque atteint de ratatinette, heureusement que j'ouvre pas ma bouche d'égout avec sa grille d'8 dents, et que je bave pas comme cela m'arrive à l'insu de mon plein gré, du coup j'ai regardé d'autres commentaires de-ci de-là, autant que je puisse en juger le citoyen Lapinos fait l'âne pour avoir du bran, du son, et des lumières, il a très bien compris que les histoires de Kilodney, c'est des faux reportages, il mijote une secte n'importequoiiste occulte dont il serait le gourou, une sorte de néosituationnisme ésotérico-opportuniste,un occurrentisme lapinostrogoth tendance - ça va de soi! (j'arrête de déconner - il est, qui sait, très malheureux, cet homme, et il appelle au secours? mais alors, qu'il crie «Maman!», ou «Au sec…» comme dans Fripounet. Une rencontre de la Secte des Mantelets [rayé], des Endimanchés [rayé] (j'ai pas compris cet endimanchement selon Suel). Enfin on pourrait se voir le 26, ou le 27? Si tu as dentisterie vendredi 26 Saint-Louis, sinon samedi Saint-Ferdinand, ou ailleurs, enfin ce qui t'arrange… A propos de Ferdine, c'est vrai qu'on parlait de cette figuration du temps que j'étais chef des Jeunesses Céliniennes des Landes, y a 45 ans, chef et membre unique (je pense soudain que lorsque je me suis pointé au Lycée avec Bagatelles et L'école des cadavres, et que j'ai lu des pages entières, j'étais hors-la-loi, il est vrai qu'on m'a viré peu après, mais c'était sans rapport) ce qui m'étonne, pour ne pas dire me sidère, c'est que la découverte n'ait pas été faite avant, autrefois, jadis, Céline n'avait pas 36 amis cinéastes, j'ai croisé de mes yeux croisé Deval 100 fois lors de mes lectures de célinopathe, enfin tu me diras «que n'es-tu monté à Paris enquêter, vieux frimeur?» (Dans les lettres à la Canavaggia, juste feuilletées, il est question d'un projet abandonné (de film?) de Deval à partir de Semmelweis.) Et lus-tu le récit plutôt drôle si je me souviens bien des 2 rencontres de l'abbé Mugnier avec Céline? c'était un subtil ironiste que l'abbé M! Cela doit faire 2 pages 1/2 dans le délectable Journal. A la pêche au Goujon chez Toulet n'ai vu que le sculpteur aux Caryatides. Je te reparlerai de P.-J. Toulet. Tu peux garder le Voyage aux Eaux Blanches aussi longtemps que tu veux. Bien sûr que non : je ne prends pas au sérieux les histoires de taxes! Pas plus que les reportages de l'autre zygomar : le comparer à Hemingway, ça c'est fort! pourquoi pas au père Huc au Tibet ou à Stevenson dans les Cévennes avec son âne?

AmicalementMichel

Lundi [1 mars 2010].Cher Philippe,j'espère que la tempête dite Xynthia a épargné La Croix-Comtesse… La Charente et la Vendée

ont beaucoup plus enduré que les Landes, cette fois… Le 5 à 11 heures à Saint-Ferdinand : d'accord. Pour les pages céliniennes de l'abbé, tu trouveras aisément, car il y a un index. Et je me suis trouvé un frère prestigieux dans l'incompétence en peinture : «Je ne comprends rien, absolument rien à la Peinture chère Marie (Canavaggia). Pour moi le moindre coup de pinceau tient du génie, alors pensez donc mon avis! Bébert en sait autant que moi… peut-être bien plus…» Il est vrai que ma nullité artistique s'étend à d'autres domaines. Et je te donnerai le 5 une olla podrida qui te sera peut-être indigeste, mais j'y cite quelques écrivains, la 1ère citation : «Quelle aile a-t-il pris pour suaire? / La vôtre, ange? Ohl, est-il des tiens? / Car, berçant lentement sa bière, / Sa mère sanglote en prière / Viens!…» dernière strophe d'une poésie de Mallarmé ado (1859), Ohl, «Ohl le follet» est le mauvais ange en quelque sorte, et j'aimerais bien savoir où Stéph' a déniché ce Ohl (repéré par Nikolaï le fureteur, ne figure pas dans l'édition de la Pléiade)… En toute modestie j'ai cru reconnaître dans Larousse à une époque des copains ou des vedettes, fin de lelivrepapa, j'ai reregardé, c'est plutôt vaseux.

AmicalementEl Chocho

An 7518 [8 mars 2010].C'est juste pour t'envoyer la livrette, ne t'en fais pas, ça ne compte pas pour l'alternance… Il

s'agit de savoir comment prononcer le titre «Les Bouffées de M. Ego» : j'enquête auprès de 12 personnes - en vérité, tout le reste de la plaquette n'est que remplissage, support à intitulé .,. Je raconte ces conneries, parce que je ne sais quoi dire des Bouffées, et je m'aperçois que j'ai semé en chemin un bizarre signe de ponctuation .,. serait-ce l'épistolier qui te regarde et t'interroge […] Ce signe doit dater, d'ailleurs, de ma jeunesse, voire de l'enfance de l'imprimerie. - Et tu verras [sur un entrefilet joint] que, dans la discipline du suicide aux patchs, le Canada ne pèse pas lourd face à Bayonne (je t'ai conté l'histoire rapportée par ma jeune tabacologue, et tu l'as transmise au public), je suis fier du pays de mes pères. Hier dimanche, vu la liste d'ouvrages que tu recherches. J'aurais su ça

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il y a 27 ou 28 ans, je te filais Détachements, et Attachements en prime, mais j'ai fourgué ma collection de Chardonne à l'époque, peut-être parce que Mitterrand m'énervait, à proclamer son amour de Chardonne, le lugubre Mitterrand (Chardonne n'est pas d'une folle drôlerie non plus) mais non, j'ai revendu mes livres sans réfléchir, Baudouin et Clemence en ont encore trouvé, récemment, chez Guillaume. Christian Guillet : Clemence en a un ou deux volumes je crois. Brassens le petit père, acheté du côté de 2000, ne m'a guère emballé : comparaison Céline / Brassens pas du tout convaincante. L'étrange, c'est que dans ma mémoire je t'avais donné le bouquin. Pour la livrette, je pourrais ajouter des kilos de commentaires, ça meublerait «le cercueil du reste de mes jours». Il y a des diableries venues de jadis. Lorsque j'étais, lorsque je me croyais possédé. Rien n'était donc encore perdu. Martinet est un écrivain que j'aime beaucoup (je pense qu'il te giclerait des mains, tel Dostoïevski : voilà une note qui m'a bien fait rire, et je ne ris plus des masses!), mort depuis longtemps, rencontré une fois en 87, 3/4 d'heure environ. J'ai envoyé ce récit à moitié faux à Mollat (je lui écris depuis 1/4 de siècle : depuis le jour où il m'a très gentiment reconduit à la porte de la salle Albert-Mollat, où j'avais piqué une crise : ce fut notre seule rencontre, mais lui, il vit encore, il m'a répondu 3 fois, 2 fois sous forme de certificats médicaux - il passe parfois une lettre dans le blog de la librairie). Vandromme a écrit aussi Chardonne, c'est beaucoup plus que Chardonne, en écho à L'amour, c'est beaucoup plus que l'amour, de Chardonne - d'où Brizeux, c'est beaucoup plus que Brizeux… Je vais m'arrêter là. Pour que Ohl le follet ne se sente pas trop seul, je signe

L'honorable Azaël, baron OhlAsaël a des pieds de gazelle, dans Samuel […]Amicalement!

[19 mars 2010, notes éparses]

Samedi [3 avril 2010].Patrick Rabiller : je comprends le choc ressenti. J'ai pu agrandir la photo : je ne pense pas

l'avoir jamais vu. J'aurais pu le rencontrer à l'époque de la rue Sainte-Cath'. J'ai revu Moune, 20 ans après Mimizan. Tu as dû me parler de Patrick, alors, et je n'ai pas oublié Les croix du chemin, ni les passages de ton Journal ou de celui de Lloyd… Noté cette allusion, touchante pour moi, au Tournoi des VI Nations… Pour la mort, je songe d'abord à la douleur, à l'agonie, et naturellement, à ce qui m'adviendra, aussi, ma mère 45 jours, mon père quelques secondes, et puis, ceci dit, je ne sais rien du tout. Vous étiez très liés. Les amis que je voyais souvent, et longtemps, c'était sous le signe de l'alcool. Je n'ai jamais été amateur de haschisch, mais peut-être y a-t-il une correspondance. Et aujourd'hui je ne peux voir les copains survivants que rarement et brièvement.

Suzanne Nucera m'a appelé après 6 mois de silence : elle m'envoie un livre de Louis, mais je n'ai pas compris si c'était Ils ont éclairé mon chemin, ou la réédition aux Cahiers Rouges de Mes ports d'attache. S'il s'agit du 1er, je te photocopie les pages sur Caraco. -- Je demanderai à Guy Clemence les n°s qu'il veut. -- Dommage que j'aie perdu la belle longue lettre du marquis de Goulaine : il y parlait du livre du Prince Korab, un «fou littéraire» (le mot ne m'enchante pas mais je ne trouve rien d'autre) de 1ère grandeur (dont je ne connais que des bribes). -- Ci-joint les 2 «lettres» du docteur Mollat. Le «chocolat», c'est une idée à lui. Le certificat, je l'ai pour ainsi dire dicté, afin de justifier mon absence à la prestation de Jean-Pierre (librairie Mollat) (lequel Jean-Pierre était au parfum). Tenons ces documents secrets, afin de ne pas causer de tort à cet homme (peut-être qu'un jour il se refera médecin!) qui fut si doux avec Michou un soir de 198? -- documan vert délequetable.

Amitiés. A bientôtO H L'être-lettres

Saint Jules [12 avril 2010].Cher Philippe,j'étais à Montussan il y a 2 ans 1/2 pour Michel Valprémy, et l'endroit est vraiment hideux…

Moins inhumain si j'ose dire le crematorium de Mérignac, parce que sans doute il s'ouvre sur une petite forêt, et le «jardin du souvenir», je parle pour les survivants, et donc pour les morts aussi, nos nécrologies sont un peu des avis de recherche lancés aux mémoires des amis, nous compris. -- Seigneur, je dois te battre largement au nombre de sottises débitées, mais j'ai 10 ans de plus que toi. […] Moune, je ne sais son âge, je l'ai vue à Mimizan à l'époque sombre où ma mère essayait de me lire des livres, et je répétais des mots «mort, mort, mort», et des gestes mécaniquement. -- On dirait que les toubibs s'obligent à écrire comme des cochons. J'en ai connu d'innombrables : un seul, à Mimizan justement, écrivait ses ordonnances d'une superbe écriture, comme des poésies de récitation. (Je crois qu'un mot latin (?) à la fin du certificat de Mollat, veut dire quelque chose comme «durée illimitée»?) -- Le jeu de l'oie (Tu en parles dans une Lettre, non?) m'a fasciné aussi, j'y jouais

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enfant, jeu de l'oie, jonchets, diamino, nain jaune. La forme du jeu : j'ai tenté jadis vainement d'en tirer quelque histoire illustrée. -- Discreto : je n'ai pas vu Guy Clemence ces temps-ci, au prochain RV (Jardin Public?) tu pourras amener une collec. complète? d'ici là je l'appellerai pour savoir les n°s qu'il veut. -- Suzanne Nucera m'envoie Ils ont éclairé mon chemin. L'article du Monde (4 mai 84) recoupe celui de Subjectif (j'ai comparé rapido en regardant le site Caraco). Je te le donne tout de même et une force mystérieuse m'interdit d'user de l'enveloppe à ton nom et le document vert c'est «Je vous signal que votre chien et sur votre balconet…»

AmicalementMichú (je pense à Machu Picchu, 2045 m…)

7 mai [2010].Etrange que Cizia Zykë n'ait pas marqué ma mémoire, les cosaques de sa trempe m'attirent

toujours, peut-être en a-t-on parlé à une époque où j'étais sur la touche. Et puis les souvenirs se déglinguent. Ainsi la mémoire des chansons, dont j'étais si naïvement fier, j'ai bien vu lors de notre colloque (vous étiez sur le canapé au-dessous du tableau mal reproduit ici au dos), j'ai mélangé L'affiche rouge, Je chante pour passer le temps, Est-ce ainsi que les hommes vivent… Tonton Miki (Ziko) et tantine Hélène, années 30, devant arènes de je ne sais quelle ville (fragment [joint] de photo non légendée). Le mystère demeure autour des origines de Ziko, de sa vie avant Biarritz. j'ai des lettres troublantes d'une peintre d'icônes russe de Biarritz, qui l'a connu (c'était un ami de son père), et d'autres documents. Je t'enverrais bien quelques copies, mais qui sait si je ne l'ai déjà fait? (Dis-le-moi…) Christian Guillet : eh bé, ça ne me déplaît pas, loin de là! Il est vrai que tu as choisi des pages dont le macabre et la drôlerie et la maniaquerie mêlées avaient de fortes chances de me retenir. Et c'est ce qui s'est passé. L'échange de répliques foldingues avec Simone est en soi assez gratiné, déjà, et me renvoie aux vieux débats délirants des Ohl, touchant les caveaux de famille, dont je surprenais des échos dans l'enfance (et j'évoque aussi les diablesques époux Jouhandeau). Ma hantise du mortuaire est tjrs vivace, si j'ose dire! elle s'en va quand je me sens en danger de mort, quand je rentre à l'hôpital par exemple, ou que j'ai une crise violente d'angor, alors la panique et la douleur chassent etc blabla!… A noter que dans le recueil de Sorin 21 irréductibles, les 3 non-morts sont Guillet, Macé Gérard, et bibi. Ils ont une chance sur l'infini de ne pas être réduits à néant. Sinon, je ne vois pas ce que veut dire «irréductible». Il s'agit des rencontres de Sorin. Mais, pour Michou, qui l'a rencontré, pourtant (4 fois en tout), Sorin a simplement réuni 3 articles du Monde, au temps de la gloire. -- D'accord pour L'invention… C'est une belle ânerie, mais je ne la renie nullement, c'est ce genre de truc qui permet peut-être de combattre le patati-pathos (cf supra). Tu as raison pour la virgule à changer en point, et le «m'a été échangé» à supprimer. On parlait d'ânerie, «prêtroire» a la palme, sans doute, mais laissons ce mot tel quel, il me saura gré de lui avoir donné vie, le pauvre misérable (mais il a certainement une flopée d'autres pères) et puis, l'ânerie est la chevalerie des humbles! J'ai une photo que tu as prise rue du Mulet le samedi 7 mai 1988, où nous rigolons, Samuel et moi (j'exagère : sourions), j'y ai repensé en voyant sur l'écran Samuel et Rabiller le 9 11 1988, n'y a-t-il pas eu cette année-là une réception (le 6 6 88?), pas mal de personnes circulant dans l'appartement (je revois Rétho, mais ne me souviens de Patrick Rabiller). Mais la diapo accompagnant le poème (j'ai tiré naguère à 15 ex. mes Poésies complètes : tu avais si je ne m'abuse remarqué «Mini, ma liste…» : naturellement pas d'Invention de l'eau de mer dans ces Poésies complètes-là) montre bien mieux le Savant inspiré (avec gitane et bière, non?) Pour la date du trente-sizain, je ne sais pas… disons début 88? Mon Windows s'essouffle, et se bloque… Les terrasses de cafés prennent de l'ampleur, certes, dans le Centre nerveux, elles ont plus d'espace pour se développer, mais le troquet, le vrai de vrai, décline, entre Jean-Soula et Jeanne, barrières Judaïque et Saint-Médard, j'ai répertorié 20 disparitions, aucune naissance, 3 cafés barrière Judaïque remplacés par 3 banques, c'étaient des cafés à terrasses symboliques, une ou 2 tables où personne ne s'installait. Onesse : 4 cafés dans mon enfance, 1 aujourd'hui, phénomène général, remarque je m'en fiche, je n'y vais plus, je ne pars plus pour la gloire ou le voyage au bout de la nuit. Je crois que Jim Goad bat Kilodney à mon hit-parade. Stop-là. Amicalement.

MichelJ'ajoute autre andouillerie. Je ne me lance pas dans les commentaires…

[2 juin 2010, lettre adresse à Philippe Billé, aux bons soins d'Isidore Krapo 17 rue Elie Gintrac, 33000 Bordeaux, avec la mention «Michel Ohl. Pas un jour sans une lettre»]

Je ne sais si l'idée est bonne, ou si elle ne vaut pas un clou, mais :- cette chose-ci doit être postée- et j'hésitais à l'expédier à la Fac- et si elle te parvient comme il faut : Bon anniversaire!

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-parce que je n'aurai pas le courage de venir à l'Atelier d'Isidore (il me semble y être allé un jour d'il y a 25 ans ; s'en souvient-il?)

Il me reste encore des cartes de Bouillon, mais j'ai déjà trop parlé du rendez-vous de Verlaine et Rimbaud.

T'ai-je dit que l'épouse de Guy Clemence était née à Mézos, village qui touche Onesse, et que la sage-femme qui officiait était Mme Vergès, de «la naissance de Michel», lui a longtemps vécu à Mimizan, liens entre nous, son amour des vitraux, lien plutôt avec toi…

La machine est de + en + rétive mais - j'ai eu ce Donald aux oeufs cubiques, mon cher, et puis pfftt, disparu…

Une carte pour laquelle Ziko a oeuvré (mais qu'a-t-il fait au juste?) : Ziko Arnaga.AmicalementMichoutka O H L'être-lettres, L'andouillette [avec cases à cocher]

Lundi 14 juin [2010, avec un faux article de Sud Ouest, «Pissos, première commune française à célébrer Michel Ohl»].

Philippe,le montage de Nicolas (> Pas un jour sans une lettre) sent le canular à plein nez, n'empêche

que l'ECLA (ex Centre des Lettres) l'a diffusé sur son site quelques heures (des amis de Nikolaï ont pu l'y voir). -- [Henry] Bordeaux : j'aime certains de ses titres… mais les 33 (environ) livres que j'ai lus sont plutôt rasoir! (hormis Le fantôme de la rue Michel-Ange, oeuvre d'humour noir). Enfin, j'ai déniché de belles phrases de-ci, de-là… j'ai enterré chez Noguès (oui, c'est lui, Domingue, qui rime à dingue) L'ombre sur la maison, il y a 2 ans, dans une boîte noire de carton fort, ouvrage que j'ai exhumé récemment : la terre a avalé la boîte, restait un magma, lisible cependant par endroits, que l'amie de Noguès (je ne le vois guère depuis qu'il n'est plus célibataire) a photographié, en vue d'une petite livrette (dans J'enterre Bordeaux je ne dis qu'une partie de la vérité, racontant que j'ai brûlé le roman à la hauteur de l'Hôpital de Jour du boulevard Wilson…) -- Ziko : je nage dans le mystère! Il est mort, j'avais 8 ans. Sur ses origines, il était muet. Le certificat de décès : né à Tirana, épouse une Grecque née Bibi (sic - le nom du «quartier» où il vivra avec ma grand-tante Hélène). Ma mère, dans ses Souvenirs, le dit russe, né en Sibérie… Katia Bonneau-Tcherniaeff, la peintre d'icônes, semble fiable, elle aussi… Je t'enverrai d'autres documents, à l'occasion, tout aussi troublants… L'ânerie-chevalerie, non, je n'ai dû sortir ce mot que dans la lettre… Et quel rêve diablesque! (en vérité, à part quelques bisbilles insignifiantes, on est resté très liés, Jean-Pierre et bibi : j'ai le sentiment que nous cherchions à t'arnaquer!). Très belle photo d'Alphonse, en effet (le comte de Paris, si c'est lui dans Rivarol, fait presque ringard à côté…)

AmitiésMiguelón(Ziko - et bibi - doivent avoir un sens en basque?)(Je prendrai le petit dernier du Silence)

Dimanche 27 juin [2010].Cher Philippe,tu dois connaître l'article de Sud Ouest, enfin, au cas où… J'ai tenté de réfléchir à cette notion

d'auteur culte, de livre, de film culte, eh bé c'est vague, il est plutôt confidentiel, l'auteur culte, il flirte avec l'occulte, mais parfois il a une audience assez large, en tout cas l'auteur culte a des happy few, ça c'est aussi sûr que 2 et 2 font 4, et culte, dans auteur culte, n'est pas le contraire d'inculte, parce que rien n'empêche que l'on soit inculte et culte à la fois, mais c'est rare et… je suspends là mes réflexions… Lise emprunte des livres à la BM pour bibi, des albums sur le Pays basque, les Landes, dans Autrefois Bayonne (Atlantica 2001, le père Darrigrand a un gigantesque catalogue et aussi paraît-il une grosse fortune) une photographie d'Alphonse XIII en automobile (coll. auteur : Philippe Salquain) p. 159, photo mal reproduite apparemment (impossible de la copier à mon tour, le livre risquerait de se déglinguer). Le roi fréquentait le Château de Caradoc (construit à Bayonne par le second Lord Howden) du marquis de Fuente Hermosa, lequel marquis donnait des fêtes mémorables - garden-party organisée pour Alphonse XIII et Victoria. Du roi Alphonse à Alfonso Reyes : qui sait s'ils ne se sont connus? C'est bien dans Larbaud que j'ai rencontré Reyes, chez Borges aussi, sans doute, mais je n'ai plus les livres… J'ai oublié à Saint-Ferdinand (aujourd'hui : Fernand) de te parler de Dimitri Ziko (tonton Miko), de te demander ton impression rapport aux lettres de Mme Katia Tcherniaeff? Le «Va te faire etc.» du footballeur repris par L'Equipe est d'une grande banalité, je médite l'insulte anelkaesque selon Paris Match : «Enc… de tes morts!» Tiens, je pense à la revue Inculte qui, elle, serait plutôt tendance que culte, à moins que je ne me goure dans les grandes largeurs… Merci encore de la délectable «petite somme» du Silence (Silence qui me semble parfois

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synonyme de Schéol dans la Bible) avec sa raffinée personnalisation côté numérotage.AmicalementMiquèuL'intervention oesophagienne s'est bien passée...

6 juillet [2010].Cette pluie de m… à Saint-Pandelon… tu te doutais bien, mon cher, que je suivrais l'affaire, si

je puis dire… Une page dans Sud Ouest jeudi ou vendredi dernier, plutôt rigolote, je l'avais mise de côté, elle a disparu, nouveau mystère, serait-ce Nicolas (il y a dans Nicolas Ohl une horrible chose : Allô? Chions!… motus et bouche cousue), pour Saint-Pandelon, les derniers suspects en date : les martinets, mais je subodore d'autres pistes… «Le jour de l'enterrement il s'est mis en signe de deuil à neiger du caca. - Signe de deuil, mon oeil! lança Fuzèche. Il pensait, lui, que des oiseaux s'étaient oubliés dans les nuages.» ainsi commence Onessa 2 (1994), mon convoi funèbre passe à Labouheyre, naturellement, l'un de mes hauts lieux, la gare de Labouheyre est ma gare de Perpignan à moué! que de trains et de bus ai-je attendus, loupés, au Brémontier, le café à côté, tout cela pour en venir à Y Lavigne : c'était couru, qu'il expose dans les Landes! -- Karr, je dirais à peu près comme toi… je me demande si c'est dans ce Voyage que j'ai rencontré la villa «L'Abri côtier»? -- Peut-être à cause du 13 juillet qui vient, j'ai tapé «Camille Ohl», le nom de mon grand-père, et j'ai été sidéré de voir apparaître toute une correspondance autour de La Berthilde, le bateau qu'il commandait, et qui fut torpillé en 1917, une note précise sur Camille, et un chercheur demande sa photo. -- (Je serais plutôt auteur trouduculte, le culte des morts est très ambigu chez Michel, ça ressemble à un filon, je commence à multiplier les sottises, stop.)

AmicalementMichelBeaucoup de mal avec l'article italien!Chanson Kanterbräu particulièrement gratinée...

Dimanche 18 juillet [2010].Merci beaucoup de ces cartes postales, Philippe, elles feront autant de lettres, dont elles

inspireront le contenu, lorsque je ne saurai pas trop quoi raconter! Lavigne : les Lavigne de l'Onesse de mon enfance ont suffi pour que le nom me semble landais, en vérité il y a une flopée de Lavigne en Gironde, à Bordeaux, et probablement dans tout le Sud-Ouest… Un Jean Lavigne à Labouheyre, rue des Grillons, et zéro Lavigne à Onesse, dans l'annuaire 2003. Suis sans nouvelles de Guy-Marie. Je trouve que ses livres s'améliorent, aspect, qualité des photos (reproduction). Ma foi je vois cet album d'un bon oeil… (Lavigne connaît peut-être D. Mollat aviateur comme lui du côté de Saucats.) Le train en gare de Labouheyre pourrait être le Brdx-Mt-de-Marsan, il s'arrête à Morcenx, comme dans la chanson «Le Larifla de Labouheyre», dans l'histoire du même nom, où je dépense les droits d'auteur de La mer dans Poe au Brémontier Hôtel, et me remets à pinter lorsque j'apprends ma propre mort dans Sud Ouest (en 1ère version c'était la mort de papa, et en 2e la mort de Christine de Rivoyre…) Mordancé-le-Vison, village à la fois corrosif et suave, j'ai recopié le plan d'Onesse/Onessa à la va-vite. Je situe le village dans le Cantal à cause du nombre de lettres… Nous avons parlé un jour de jusqu'à ce que et de jusqu'à tant que, j'ai dû écrire l'histoire après que parlé itou avons, mais rue Jeanne, de Mickey Lesbordes, le médecin chantant landais et depuis : il est venu me serrer la main dans un rêve - le 46.46.46, c'est vrai, à Saint-André j'ai commencé à calculer mentalement la date fatidique, et là-dessus j'ai été anesthésié, et j'ai perdu la marche à suivre - j'ai appris récemment phloème pour liber, on ne peut y écrire que mentalement, sans doute comme au coeur du papier d'un livre? et je sais que l'arbre voisin de mes copains cochons est un chicot du Canada parce que… c'est écrit dessus! Ohl né sous-bois a longtemps hanté la forêt et puis la tête pleine de livres de deuil et de cercueils, hum. Stop-là.

AmicalementMiquéu

Assomption [15 août 2010].Cher Philippe,l'arbre aux ossements (tu m'apprends le nom) a l'air à moitié mort, je viens de passer devant

(expression bien malheureuse elle aussi, croisons les doigts et faisons glisser dessus une règle de bois comme à l'école d'Onesse et Laharie), il est creux (mais pas au point de dissimuler un Chouan - dans Quatre-vingt-treize une mère cache ses enfants dans un arbre, d'où le papa, maman! du père Hugo), oui le chicot a pauvre mine… les porcs, ç'a l'air d'aller (je ne sais pas trop d'où m'est venu Ledoyen-Mijanou, je me suis souvenu de la soeur de Brigitte Bardot dans un film vu il y a peut-être 40

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ans : La Collectionneuse), ils sont plutôt silencieux, et je n'entends jamais braire les ânes non plus. La chanson des Beatles [«When I'm 64»?], je ne connais pas : j'avais 20 ans au temps de leur ascension glorieuse et je ne les écoutais guère, Michel Delpech a 65 ans dans une jolie chanson d'autrefois, il est de 46 je crois, je suis revenu à Saint-André mardi et c'était pareil : 46.46.(46) mais je n'ai pas eu d'idées trop sombres, et ce ne serait peut-être pas mal de clamecer anesthésié? Je remonte parfois la rue Judaïque jusqu'au cimetière du clown Chocolat, mais reconnaîtrais-je Lavigne? - Le marquis [de Maricá], tu disais que tu t'y plongerais, et à propos du Nouvel Obscurantiste : l'Invincible Armagnac : da! si! oui-da! départ glorieux > désastre… Les pinteurs ont leurs époques, tels les peintres, mon époque armagnac fut la moins pire, parce qu'un ami landais me procurait un alcool de qualité (autant que j'aie pu en juger!) à vil prix, ensuite, ç'a été le rhum de cuisine, et d'autres casse-pattes très bon marché (une sorcière tenait boutique entre Pasteur et Ste-Catherine). Stop-là.

AmicalementO H LAujourd'hui Alain Juppé a 65 ans et Sylvie Vartan 66 ans. Napoléon est du 15 août me dit mon

neveu historien : je ne crois pas y avoir pensé lorsque j'écrivais mes «souvenirs» de Mont-de-Marsan.Lise revient du baptême en Haute-Loire d'une petite nièce. [il écrit sur une carte postale du Puy-

en-Velay]Après les lignes épatantes de Cl. Bernard, que devient La main qui écrit?

6 septembre [2010].Philippe,la carte de Darrigrad m'a servi à revendiquer l'incendie du hangar Bertherotte (Cap-Ferret) au

nom du Collectif Erostrate Landes. Tout l'été, jour après jour, Bartherotte, l'ami des stars, Adjani, Olivier de Kersauzon, Chedid junior, Cotillard, Claude Lanzmann, etc etc, a eu les honneurs de Sud Ouest Bordeaux avec ses fils rockers qui créent dans un hangar, d'où le nom de leur groupe : Hangar, eh bé maintenant ils créeront ailleurs, té. Lettre anonyme aux mots découpés dans Sud Ouest et collés au dos de la carte, ça m'a pris 2 heures, j'ai perdu la main, lettres anonymes et télégrammes, excellents exercices de français pratique. Poésie flash aussi : «Cap-Ferret / Bartherotte pète, / Juste après : / Avis de tempête» (précédent courrier à Sud Ouest, inanonyme. Ce M. Bartherotte est peut-être la crème des hommes, qui sait. Je n'ai plus fait de vélo depuis que ma monture s'est cassée en deux, il y a 25 ans, au milieu du Pont du Courant de Mimizan. Le grand poète du vélo, Blondin, ne savait en faire du tout. Notre Ferdinand national : «… et le vélo au point léger qu'il avancera presque sans moi, du soupçon de l'envie que je l'enfourche!… marque : l'Imponder…», «le cycle panacée», «Mon Imponder?… ma fourche, mes deux roues!… des toiles d'araignée… tout le cycle : cinq kilos! Cette fragilité dans l'essor!…» Féerie I. Vélo écriture aériens c'était plutôt Lucette la cycliste ailée (elle est centenaire, aujourd'hui, non?) Ferdinand a transposé - Gen Paul rêvait de faire cycliste Charles Pélis-- J'ai viré le professeur Duconneau. Tjrs à étaler son bagage l'enfoiré. Il va me falloir lire de plus près les pensées du marquis, pas si anodines. Pour Caraco, ce que tu dis du Journal d'une année m'a incité à le commander. Louis m'a cité ses amis fervents de Caraco, Boudard et Gaulmier, peut-être, l'exégète de Gobineau? (mais je n'en jurerais pas) etc. La chanson de Delpech : c'est 73 ans, et non 65. (Ouf.)

AmicalementO H L

Ce samedi 18 [septembre 2010].M. l'automne s'amène, ami, puisse-t-il n'être l'avant-courrier de Mme la mort, non que cette

dernière m'épouvante, ce sont ses gardes du corps, ils peuvent te torturer des semaines, avant de te livrer à elle, ils peuvent aussi t'expédier en un clin d'oeil, ça dépend de… de quoi? Je lis le Journal d'une année depuis quelques jours, je ne l'ai guère quitté que pour dormir, je l'ai lu trop vite trop longtemps, je vais le délaisser un peu. J'en suis à ce que je prends pour l'éloge de Sade, et 5 pages auparavant, on (Caraco montre fort bien à un moment que On est un con…) a «Ma vie est une preuve. Preuve de quoi? Vous le saurez demain. Je prouve que … et je vous laisse des blancs à remplir …» (ce qui suit est assez délectable!… le lendemain, un de ces passages que l'on dirait pathétique, si l'on ne craignait de recevoir une averse de coeurs de pierre sur la tête : … … je ris sous cape (dans le Silence formidable! autour de mon oeuvre) de quoi je ris sous cape? Vous le saurez demain en trouvant mon corps) Caraco plus difficile d'accès que Céline, cela tient au style, les deux monstres s'expliquent, le jars célinesque, le vers blanc et l'inversion «et si j'étais moi je ferais comme vous» (ceci, c'est un petit os à sucer pour le lecteur qui est tout de même assez crétin - je parle pour moi, bien entendu). «Messieurs, à vos derrières, tenez les fesses prêtes!» L'enculade et le suçage ne se disent de la même façon chez Car. et Cél., et enculeurs et enculés ne sont les mêmes, «A genoux

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devant les babouches!», les rôles peuvent s'inverser, remarque, nos deux génies en tout cas seraient d'accord sur Rome : «priez et forniquez, nous vous enterrerons ensuite. Amen.», «Seigneur, Vous n'êtes point dans ces cavernes d'où la foi chasse la lumière!» Comme je n'ai pas la foi (et qu'est-ce que ça peut vouloir dire, Seigneur, la foi? dites-le moi) je veux bien me rendre en une sainte caverne, de loin en loin, pour des obsèques ou un R.-V., et même, en vérité je te le dis, je ne tiens nullement à la destruction des églises, j'aimerais qu'elles restent toutes dans le décor de mon pays, même si en passant près d'elles je chantonne le refrain d'enfant d'Albert «Famille, Travail et Patrie, trois soufflets à Jésus-Christ», les mosquées nous envahissent (au temps où l'on disait Mahom ou Mahon, on disait mahomerie pour mosquée) enfin, je disparais avant, «Hitler fut le Mahon du siècle» (n'aie crainte, je r'ajoute aussi sec Lénine et son tombeau) - Mais je lis surtout «L'esprit, mon travail et la mort» … «ceux-là qui mourraient, s'ils ne pouvaient noircir des feuilles» … vocation > refus de vivre … «Ma vie? Une fumée à quoi mon oeuvre seule donne consistance» … «moins Juif qu'homme de lettres» (de quel frères parle-t-il? dix sur douze, au moins, il ne les aime guère, trop mondains, trop archaïques, trop natalistes, les Juifs frères en Esprit, eh bien (cheville hideuse) c'en fait pas des masses, et de toute façon, ce ne sont des amis, zéro ami, Juif ou Gentil) «ma volonté m'ignore, c'est à peine si je suis à moi somnambule», «apprenons à désirer la mort», chaos, néant, la mort dès la petite enfance, la mort le suicide pour meubler le cercueil du reste de mes jours, l'oeuvre mais l'oeuvre la Chimère veut l'esprit -- Merci beaucoup des Pensées du marquis [de Maricá], j'ai tjrs du mal à llire les longues pages sur l'écran, j'en ai retenu + de 4 : 260 (je le prends pour moi : mais j'ai honte de tant de choses… de vivre! de ne plus me soûler!) 419, 502, 509, 641, 832 (anti-Albert : «il faut abolir les cimetières»), 1545, 1658 (A propos : je n'ai jamais fait de copie de lettre anonyme, mais elles ne sont pas vraiment anonymes. Parfois je les signe! ou alors la signature est sous-entendue, si je puis dire. M. Mollat a passé une lettre de menace («Ohl l'anonyme : pas mal. Je signe parfois O H L'être anonyme»). 1709, 2167, 2226, 2242, 2414, 4161 (Quant aux regrettés télégrammes…) A la réflexion, le «cercueil du reste des jours» convient mal à Caraco, c'est une expression d'Oblomov -- J'ai collé sur une page blanche de Petersbourg (1er volume de la collection Classiques Slaves, L'Age d'Homme, 1967, dont je te donne les 1ères pages) ta perspective Nevski. Biély : une étoile de première grandeur, et un foldingue magnifique (avec ou sans Rudolf Steiner) (dans un de ses poèmes : «Russie, Russie, Russie, / Brûle-moi dans ta démence» > Roussie, pays brûlé). Vieux couillon que je suis : Gaulmier, Louis Nucera le cite dans la page de ton site : il y a donc une correspondance Caraco-Gaulmier. Bueno! Je vais laisser 10 jours Caraco à son rire silencieux, et puis je reprends le Journal.

AmicalementO H Le folJe n'irai pas importuner Lavigne je pense

[18 octobre 2010].Cher Philippe,la page «… et je vous laisse des blancs à remplir» : 218. Lu ce Journal d'une année du grand

Albert (et je ne lui vois pas d'émule : pas de petit Albert à ma connaissance, il est si singulier qu'il semble condamné à demeurer seul) et relu Post Mortem, non je n'aime Madame Mère, mais oui, je l'aime, et bien sûr que les souvenirs sont d'inertes insignifiants fétiches, mais je me rappelle toutes les stations du chemin avec quelle vivacité… J'ai acheté un joli cahier pour y recopier mon florilège de Caraco en m'aidant des innombrables signes en marge, mais il se passe ceci, que je ne peux plus écrire, ni lire, depuis 15 jours, cette lettre est la première d'octobre je crois bien. («Eh bien» ne me déplaît pas non plus… il en est des flopées dans mes noircisseries, et veux-je gasconner cela devient «hé bé», voire «hé bé té»! et notre A. C. emploie lui-même «eh bien» à +ieurs reprises.) Ce florilège aurait eu la mort en perspective,et malgré les constantes références aux Lumières, une veilleuse de chambre comme éclairage, dans la maison de papa et maman (Madame Mère est morte, il me tarde que Monsieur Père meure, pour que je me tue, parce que c'est la mort qui fait le style, mon confrère monstre Céline ne dit pas autre chose.) Ne nous risquons à tirer à nous Caraco, cela serait passablement ridicule (je parle même ici de ceux qui se réjouiraient presque des constantes contradictions du solitaire, M. Ohl par exemple). Alors à présent on ne sait plus d'où on t'écrit, le cachet de la poste ne fait plus foi que de la date! Je te rencontre à ce sujet. J'ai écrit à Sud Ouest cet été pour m'indigner de ce scandale, et de celui des plaques d'immatricul… Je joins un livre-cadeau de Guy Clemence ramené pour toi fin août de vacances chez son père. L'abbé Devert est un curé selon mon coeur, j'ai pas mal de ses oeuvres au logis, dont un poème disant en alexandrins l'histoire de sa famille, il y est question de son oncle Léon, célinien que je visitai voici 45 ans, et ami de mon oncle Paul, mon mentor politique qui me fit lire Rivarol, «l'innommable Rivarol» (Albert) à 15 ans, mais je lisais aussi alors Bibi Fricotin. Stop. Je reviens des Pyrénées (vrai) et… et puis rien.

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[15 novembre 2010].Está, aqui fala Miguel, posso falar com Filipe? (j'ai déniché un guide de conversation Harrap's!)

- Je connais très bien ce jeu de patience! J'y jouais gamin, et les carreaux étaient métalliques, et j'y ai joué à 20, 25 ans, dans ma turne, au café, à l'hôpital, mais le nom… impossible à retrouver! 3 syllabes, chute en O? il y a peut-être eu plusieurs noms… [c'est le Taquin, cf Jd le 16 XII] Guy Clemence : tu pourrais lui offrir un autre n° d'Etudes? Il aime bien Suel, aussi… Ci-joint page du dernier n° de l'organe du Collège de 'Pataph' (pas encore réussi à faire le mur…) Je t'enverrais bien fragments poétiques de l'abbé Devert, mais ça risque de te dailler… En tout cas, je n'ai pas révélé aux Collégiens la poésie de l'abbé Michel, ils se seraient moqués de lui sous couleur de Science (science mon petit oeil), c'est des méchantes gens (je suis parmi eux le brave type exceptionnel!), je me suis contenté de communiquer la photo du vitrail, piquée dans une revue (?), mais elle est je crois sur internet -- J'avais revendu mes Bukowski, eh bien je les relis, et je découvre des oeuvres inconnues, il me revigore, comme autrefois, je le lisais en m'accompagnant de bière ou de pinard, aujourd'hui je le laisse boire tout seul, Lise emprunte ses bouquins à la Bibli, j'ai recherché tes traductions, et ce que tu dis de lui (il me semblait qu'il y avait comme un hommage indirect de sa part? où donc dis-moi), dans Je t'aime, Albert y a itou une visite à une poétesse («L'oiseau en vol»)… terrible! En 80, 85 j'étais du côté de Buk et pas de Ginsberg, Burroughs, etc… Hollywood - autour du film Barfly, le «vieux» a tjrs une énergie d'enfer - livres posthumes - enquête policière foireuse (comme il se doit) sur sa propre mort - il en a marre, je pense, cancer de la peau et/ou leucémie - Grande Faucheuse (je la mets au goût du jour) - Le capitaine - pathétique sans pathos, courtines, encore, boisson, poèmes sur ordinateur : elle se pointe.

AmicalementMichoutka

[29 novembre 2010].Ecoute, écoute! comme disait un comique de mon enfance, si je n'appelle 05 57 12 46 26 d'ici

jeudi, je serai au meeting de Saint-Louis vendredi à midi… C'est bien «taquin», Google le prouve, mais je ne me rappelle pas du tout ce nom, je jouais jadis à ce jeu de non-société sans savoir son nom -- Noté, de Bukowski : «la boîte aux lettres, voilà par quoi tout commence et tout finit» - et puis : «la pire invention de l'homme a trois têtes : boîte aux lettres, postier et épistolier» - Prolongé séjour à Los Angeles par le biais de John Fante, l'un des rares modèles de Buk. - La faiblesse de dire «oui!», que je rattrapais autrefois grâce à l'alcool qui me faisait trouver des excuses souvent tordues de dernière minute. Aujourd'hui, la retraite dans l'ombre raréfie les sollicitations, mais il en est encore parfois. Il y a 2 ans 1/2 j'ai été invité à un atelier d'écriture, où j'ai bavardé avec cinq aimables dames, et le sympathique chef d'atelier. L'année dernière, j'ai été filmé (2e film de la vie : le 1er, Mimizan 1975, je joue au ping-pong (j'adorais ça) devant l'appareil filmeur du petit frère (sans compter la vidéo-surveillance!)) dans la maison où vivait Valprémy. Et me voici sur Youtube, ce dont j'ai honte, il n'y a peut-être pas de quoi, mais il m'arrive d'avoir honte d'être encore en vie, comme la maman de Simenon, et les dernières années, je l'ai senti, ma maman aussi. Caraco me dirait : «pendez-vous donc!», mais je n'ai plus ce courage. Compromission par lettres (cf Buk) : un livre d'artiste (Dieu sait pourtant!) de pataphysiciens reprenant au royaume des Ombres Mordancé-le-Vison. A Berlin, un type de mon âge s'est emmuré involontairement en murant sa cave. Après quoi il a percé le mur du voisin. Au 3 XII midi, sauf imprévu.

Michoutka

Dimanche [23 janvier 2011].La gare n'est pas bien loin [joint la repro d'une vieille carte postale de la gare de Labouheyre],

mais pour aller à Labouheyre il faut quitter la grand' route. Et voici la 70e carte du pays natal, l'Onessie, avec le royaume voisin ami de Mézossie, et quelques principautés au statut mal établi, en vérité ce sont des villages de lettres ...

[dessine une carte du secteur de Mézos, Onesse, Uza, Lévignacq, avec ces indications marginales :] ONESSE : grand homme : le musicien poète chrétien Claude Dubosq, ami de Jammes, de Satie, suicidé de la société (voir Machine Info). - LEVIGNACQ : y vivait il y a deux ans encore l'écrivain Ravalec Vincent sur la place de l'église réputée pour ses fresques, où je ne suis jamais entré nonobstant nombreuses visites au café Thiolin (voir Moïxe in Prix du boeuf). - UZA : fief de la famille de Lur-Saluces, super château! Livre de 1933 d'un marquis de Lur-Saluces (s'agit-il de Pierre? dernier de la lignée semble-t-il) voué à Lomonossof, le prodigieux moujik, papa de la poésie russe.

… comme les hommes (de lettres), dans le genre Mordancé-le-Vison, de lettres et de chiffres, au chevet j'ai l'annuaire des Landes 2003 et j'ai relu Mézos sans trouver Christian Guillet, il y a des

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noms qui en jettent dis donc! : Simone d'Aubigny de la Dure, Fabrice d'Echallens, Geoffroy et Françoise de Montmarin, Pierre de Roualle, Hugues de Dieuleveult, Sébastien d'Ornano, Louis du Suau de la Croix, Paul de Saint-Exupéry! le premier de la liste est Ulrike Aha. Je ne sais si je lirai Guillet, à la Bibli de Bordeaux on peut emprunter La porte d'ivoire et Au nom du père, je pourrais lirelire Jouhandeau aussi, et quelques centaines d'auteurs qui j'en suis sûr me plairaient beaucoup, si j'ai expédié 3 quintaux de lettres environ, j'ai dû avaler 2 tonnes 1/2 de livres, où est le produit du transit cérébro-jenesaisquoi? dans mes ripopées? eh bé alors c'est pas brillant le résultat. J'ai recopié les fragments choisis du Journal d'une année, «Qui scribit, bis legit» (pages roses) et ça m'a pris du temps parce que j'ai relu de nombreux passages (ter legit… j'ai pas fait de latin…) j'ai relu aussi Post mortem, à présent la dame de peine du Schéol va photocopier et puis je t'enverrai cela (peut-être sans un mot, en hors lettres, ah! je suis probablement aussi maniaque que toi, ou davantage, mais nos manies ne sont les mêmes : faudrait que j'en répertorie quelques-unes, des miennes, parmi les plus ridicules, ça frise parfois l'odieux!). L'homme qui a rencontré Cioran une vingtaine de fois, est un lecteur de Caraco, il m'a dit (au téléph) avoir lu chez Cior une dédicace de Car disant en substance : Quand se suicide-t-on ensemble tous deux? Enfin je te reparlerai de Lucien Elie, collectionneur d'écrivains, que Louis Nucera m'a présenté voici 35 ans, je l'ai vu 2 ou 3 fois, un sacré zygomar. Crumb très drôle et je comprends ses liens avec Bukowski… Je pense que tu n'as jamais reçu la chose appelée Vison visu? Il y avait une longue lettre de commentaires (qui ne faisaient peut-être qu'obscurcir ces histoires déjà brumeuses) et l'avis de décès de Michel Ohl de Saint-Ciers / Gironde. Et qui l'eût cru patate crue - dit carotte radis - osé rêver courgettes navets - des condisciples du Collège de 'Pataph' ont publié à 99 ex. sous forme de (cramponnons-nous) livre d'artiste Mordancé-le-Vison (et tu sais qu'en art je suis qu'une oie, mon chien Eddie en savait + que moi) mais je ne te l'envoie pas, restons-en aux samizdats, il me semble que j'oublie deux, trois choses?

AmicalementMikhaïl IvanovitchLes démêlés de Simone et son mari dans les rares pages lues de Christian Guillet me font

penser au couple d'enfer Elise / Marcel Jouhandeau, mais Elise écrivait, elle.Un métier d'avenir au nom gracieux, appris hier : tendanceur, tendanceuse.

8 février 2011.[joint la repro d'une vieille carte postale de Dax (le Casino et l'Etablissement thermal)] Dax il y a

100 ans, Caraco est à mi-chemin à peu près, as-tu reçu le floril? - c'est vrai que certains fragments du florilège sont prêts à en découdre, si on les lâche dans l'arène, c'est ainsi dans le livre, parfois, à Dax, à Biarritz, par exemple, on dirait d'un enfant frimeur, aux provocations très très puériles, d'autres fois, l'homme qui nous avertit de notre mort est vieux comme le monde. Je retiens surtout David Muralla, le nom venu de Madame Mère, et qu'il s'approprie enfermé dans sa chambre, «c'est que j'avais un pan de muraille à garder», et dont les lecteurs sont tout à côté, il les entend respirer en écrivant, à part Père et Mère, il n'en a guère. J'ai commandé La luxure et la mort. - un raffinement vachement subtil, et une pudeur - stop… Guy et bibi nous entendons bien, mais, entre amis, il vaut mieux se voir peu souvent, sous peine de se porter sur les nerfs, Clemence lit dès qu'il a un moment, aucun genre ne lui semble étrange mais il a un faible pour la poésie et les journaux intimes, ancien interne de collège religieux, son éducation chrétienne a laissé son empreinte, il aime les vitraux, il visite les églises, il est sensible à toutes formes d'art, mais lorsque son copain landais Ohl, dont les racines m'ont tout l'air d'être uniquement grammaticales, lui cite ce mot d'un dandy de Toulet, «Les Landes, c'est odieux quand il n'y a pas d'incendie», ma foi ça ne lui déplaît pas [à moi, si], et les paysages et les animaux ont sauf erreur grossière un sens profond pour lui, et je m'arrête là. Je ne sais qui a photographié Louis Nucera et Cioran. Je demanderais bien à Suzanne, mais elle ne m'a appelé depuis quelque six mois (de mon côté, je préfère lui écrire). Je dégustais moi-même, enfant, des «filets de résine». Il y avait encore des résiniers, alors, et des attelages de mules, des scieries perdues dans les bois. Si Guillet trouve que «la mentalité et les moeurs se sont attardées» en ce pays malgré tout mien, qu'aurait-il dit en 1955 ou 60? (mais ce passage p. 267 est fort bien venu). De nombreux «étrangers» ont retapé des métairies pour y vivre, les lotissements, les campings, se multiplient. Les églises se vident (il y avait une messe chaque matin, jadis, que je servais parfois), les prêtres desservent chacun 5 ou 6 paroisses, les bistrots disparaissent, comme partout en France, sauf au centre nerveux des villes. Un homme qui écrit P.T.T. ne peut être foncièrement mauvais. Il se souvient sans doute des chansons de Mireille et Jean Nohain. Qui sait si je ne connais ce «Landais rencontré chez les mondains médiocres»? Eh bé, j'en raconte, des choses.

AmicalementMiquéuCe que j'aimais, c'était le nom du village, ces n°s mystérieux dont tu parles [ceux figurant

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maintenant sur les tampons à la place du code postal]… bof… Mais je crois qu'aujourd'hui les lettres ne sont plus estampillées au village, elles vont au Centre de Tri le + proche? Enfin, je ne sais au juste… Guy Clemence travaille à / pour Orange si je ne me plante. Il est naturellement timide, oui, je pense, mais, hilh de pute, il gasconne dans sa lettre à toi! il gasconne à l'envers, si j'ose, à notre 2e rencontre il était déjà à l'aise avec moi (ou alors c'est un comédien dix fois meilleur que Fernandel, Michel Simon et Raimu réunis), faut dire que ses attaches landaises ont facilité l'affaire, il a longtemps vécu à Mimizan, y reva souvent, voir sa mère, tandis que Françoise, native de Mézos (avec l'accent, té, bien évidemment! quoique, sur une carte des Landes de 1820, j'aie lu Mexos…), va voir la sienne, et donc connaissances communes, bistrots, rugby, blagues grossières, qui, comme tu te doutes, dissimulent à grand peine une sensibilité à fleur de p' (à prononcer à fleur d'eup', et Mézos, Mézoss).

Samedi [12 mars 2011].Adieu Philippe,c'est ce que l'on dit cheu nous lorsqu'on se rencontre, se quitte, se croise simplement… adiou,

adiu, adichats… Je trouve Guillet, disons le mot, beau, sur la photo (Lise a le même avis). Mais, bien que je ne croie pas être un pervers, mon oeil landais s'est porté, après avoir admiré le beau visage au regard inquiet, sur le derrière de la jeune femme moulé peut-être dans une culotte de cheval? Et si je tenais là une caractéristique de l'esprit gascon, qui cherche tjrs à avilir sa première impression? - Cette «fusée» m'intrigue pas mal! (tu ne m'en as pas parlé au bigoph'). Je ne sais vraiment qu'en penser. Il y aurait là une sorte de drôlerie supérieure? Serait-ce une de ces phrases que l'on découvre soi-même en les prononçant (je suis personnellement coutumier du fait)? On peut évoquer aussi naïveté, gentillesse, gaucherie, et puis, en y regardant de près : hilh dou diabble c'est vrai que le poupon te préfigure! Quelque chose du Phil Bill d'aujourd'hui m'apparaît (sans déc') (Faut abréger, abréger les mots, de nos jours!) - Guy Clemence, en fait, a presque tous les livres de Guillet : il lui en manque un seul, si j'ai bien compris. Il m'a dit avoir acheté un volume + la livrette à 200 ex pour 2 euros chez Emmaüs. Il a des envois : à Amouroux, à un journaliste nommé Dufillot (?). Il n'a pas les morceaux choisis, mais ne tient pas plus que ça à une dédicace (mais faut-il le croire?). - «La» maison natale a été transformée en «complexe notarial» par son acheteur Me François Dupin, le papa d'Emmanuelle, épouse Boizet, directrice en titre de Finitude. La maison en face appartient aussi aux Dupin. J'ai joué une ou deux fois dans les arbres, au «jeu d'approche» sans doute, avec François, ses frères, et mon frère, et puis ça a tourné court. La famille Dupin est une classe au-dessus de la Ohl! Et même maintenant, un léger malaise persiste entre nous. Je fais gaffe à mes vannes, elle fait de valeureux efforts de gentillesse, tout se passe mieux, maintenant, la fréquentation de barjots de lettres dans le milieu de l'édition, facilite les choses. Les Irréductibles : ça me fait penser à un feuilleton d'illustré d'enfant : Les Indégonflables de Chantovent, une jolie couillonnade ce titre Les Irréductibles, pour moi c'eût pu être : Vieux Conneaux de Lettres. - Le grand-père d'Emmanuelle, connu pour ses travaux scientifiques (il était ingénieur en aéronautique) a publié des recueils d'aphorismes que j'ai bien aimés, chez… Michelena. J'ai haussé le sourcil, jusqu'au moment où j'ai appris que Jacques-Marie Dupin (il a ajouté son second prénom pour se démarquer du poète Jacques Dupin) avait tout payé. Et là, j'ai baissé le sourcil. - Je ne sais encore si vendredi 18, je pourrais venir. Pour tout te dire, avec pathos, ça ne va pas fort, je suis de nouveau la proie de vieilles obsessions revenues en force! Enfin, je t'appellerai. Si je viens, ce serait après le R.-V. A quelle heure? Où? Le 1er avril je rentre à l'aube à Saint-André pour endoscopie + dilatation oesoph' + biopsie (ils n'ont pas prélevé ce qu'il fallait la dernière fois…) J'espère que ça ne tournera pas à la mauvaise plaisanterie. Ca s'ajoute aux obsessions supra. - Pas lu un livre depuis 10 jours (autre signe négatif), mais je t'envoie (c'est aussi pour Danielle - aussi ou surtout) un recopiage de notes en marge de Sophie Tolstoï. (J'ai un bel album de photos de Léon, de la famille Tolstoï, du décor, des paysages, par Sophie. Je peux vous le prêter. J'ai Crumb à te rendre!)

Adieu! A bientôt!Miquéu[joint deux pages de notes, «Ce que j'ai autrefois recopié ou noté en marge du Journal intime

de Sophie Tolstoï»]

Dimanche [3 avril 2011].J'ai les livres, mon cher Phil, ne sais quand les lirai, par suite d'overdose ne lis plus une ligne

depuis 3 «bonnes» semaines. En faisant les cent pas dans l'appart' ce que je vois c'est ma vieille bobine tordue et les murailles de livres, pouah! pouah! pouah! Et c'est grâce à vous que je serais encore là, salopes?! que je leur lance au passage. - Qui l'eût cru, patate crue, qui l'eût dit, carottes radis, qui l'eût même rêvé, courges blettes navets! Michou le Justicier du Sud Ouest a pris la défense de l'un des 356 écrivains de son panthéon. J'ai effectivement voué plusieurs mois à Thomas

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Bernhard, dont le ressassement funèbre et dément m'a envoûté, les cahiers écrits en ce temps-là lui doivent beaucoup. Mais, je me garderai bien de te conseiller sa lecture! Oh là la mon vieux il te giclerait des mains plus vite et loin que les Mémoires du sous-sol… Ta formule m'avait fait rigoler. J'aime bien que les livres qui m'ont marqué soient ainsi expédiés. A condition que ce soit joliment dit bien sûr! Et souvent, les éloges de ces mêmes ouvrages préférés me crispent. Punaise, de qui il parle, ce couillon? Il prétend aimer le génial Untelovitch? Il y a rien pigé, ce sale conneau! Enfin, j'en rajoute! (Et puis, je redoutais, le soir de la traîtresse machine, que le 1er avril ne se transforme en très mauvaise plaisanterie. Mais ça s'est déroulé au mieux. Pour la 1ère fois en 25 ans, je n'ai pas dû attendre des heures, les infirmières me connaissent tel un vieux client pas trop ch.ant et à présent il s'agit de guetter les résultats une petite quinzaine. Ce serait bien peut-être de clamser en cours d'anesthésie, mais l'on se réveille parfois intubé en réanimation et hum pardonne-moi, il est 2 h 45, si j'avais un livre, comme ça, de but en blanc, à te conseiller, ce serait l'oeuvre en prose de Verlaine, Voyage en France par un Français, par exemple, nous avons, côté belles-lettres (puisque l'on fait dedans tous les deux parlons-en, pourquoi pas, c'est pas une honte!) des goûts communs (oh la laide formule!), La Fontaine, Verlaine, sans parler de Brassens, natürlich, (pour une parenthèse c'est une parenthèse que je ferme là). Crad, je ne suis pas un fervent, on dirait que le bon petit grain de folie qu'il sème, il redoute de le voir trop vite germer, il a peur de soi-même et reste prévisible, c'est un grand timide (je me demande de qui je parle? c'est le passage des planètes Jupiter et Mercure qui m'évoque la planète de 20.000 km2 que je voulais donner aux Basques jadis, qu'ils se démerdent avec leur autonomie et leurs problèmes de gravité! par moimoiisme je vais de Crad à Michou). Oui, la préface annonce bien la couleur, rien à redire. S'il se laissait aller, il deviendrait le monstre de lettres mortelles de la confrérie maudite, qui sait? Pour l'heure il atermoie, le Mich [rayé] Crad, s'agit de passer aux vraies provocations, mon vieux, ça, c'est de l'amusoire! - Ils m'ont filé vendredi un cocktail bizarre, dont je ressens toujours les effets ce matin.) «Qu'est-ce que je voulais dire qui n'est pas la messe?» comme disait ma grand'mère… Utilisé déjà 2 cartes d'Amalfi, une pour l'Ecla, ex Arpel, ex Centre régional des Lettres, à propos des Résidences d'auteurs et/ou artistes, un sujet très amusant, que Fred Roux (l'as-tu vu?) a traité de belle façon dans ses Contes de la littérature ordinaire, une pour Sud Ouest (merde, j'en ai oublié la teneur). Je vais regarder de près ce Brassens de Découvertes. Vieux de la vieille de la célinolâtrie, les jeunes fans d'aujourd'hui me font sourire fine ironie au coin des lèvres, ils découvrent la source de la Loire au mont Gerbier-de-Jonc, nom d'un cul! Ah, et ce Lucchini, si ça s'écrit comme ça [en fait Luchini], plus onctueux sucré melliflue sirupeux que jamais foutre d'azur! Vu 3 minutes un soir le supergénial Sollers à ses côtés, je m'étonnais que la gelée de groseille ne dégouline de ses lèvres (je me donne des coups sur la tête pour me mettre en colère… mais ça sonne faux). Il y a 20, 25 ou 30 ans de ça, j'ai lu une certaine Guerre langéenne, d'un certain Jean-Marie Turpin, petit-fils de Céline, lu avec ennui, tout oublié. Depuis que Céline est la star aussi envahissante que ce sale youtre de Gainsbourg, je le garde dans ma cache secrète des sixties (Gainsbourg aussi d'ailleurs). Amicalement

Miquèu

[27 avril 2011].Avec Moustache et Brassens, c'est Zanini, pas de doute! [sur une photo où il m'avait semblé

reconnaître ce dernier]. Peut-être enregistrent-ils «Elégie pour un rat de cave»? (ça, c'est moins sûr!) J'envoie des notes par la poste à une dame professeure à la retraite et érudite espiègle qui là-bas loin près de Paris les numérise pour le site Plein Chant dont elle s'occupe. Ceci pour te dire qu'une Lettre documentaire apparaît à propos de Boobook. Et que Caraco se trouve en compagnie de Luis Mariano (si je me souviens bien) à l'occasion du Prix Falubert de la coquille. Voilà à quoi s'amuse le vieux Michou. En faisant les cent pas je passe devant des glaces et j'ai mesuré la dégradation de ma bouche qui mériterait de figurer sur les paquets de cigarettes, alors j'évite de parler maintenant, mais parfois on y est obligé. Le «Grand-père de tous mes tombeaux» [ainsi baptisait-il la photo d'un bizarre bonhomme rustique dans sa lettre précédente] c'est plutôt la tombe soi-même, tombe chrétienne de Sibérie, tirée d'un bel album de 1981, Russie, Images d'un Empire. J'ai pensé à la «Mère de toutes les batailles» (mot de Saddam Hussein, je crois). Je m'emmerdais tellement, ces temps-ci, que j'ai réuni tous mes «A paraître». Ca fait un recueil de 50 pages et quelques. A peine achevé je me suis dit : «Qu'est-ce que c'est que ça?!» Et puis Jean-Pierre l'a pris. C'est lui, le frérot, qui avait casé Pauvre cerveau… mais là, je crains que ce ne soit pas du gâteau à la crème… Et donc, le «Grand-père de tous mes tombeaux» est l'un des innombrables «A paraître» du recueil appelé tout bêtement A paraître. - «Oeuvre admirable lue et relue», j'ai dû écrire ça à propos de Bernhard, c'est du pathos de chez pathos dis-moi! Mais je me dis de très loin en très loin qu'il faut marquer le coup, j'ai voué 2 ou 3 mois à Bernhard, j'en suis arrivé à imiter ses vagues et spires de ressassement. Parfois, je me mets à parler comme dans certains livres singuliers. Lise me trouvait des expressions bizarres de langage

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quand j'étais plongé dans Caraco. «Dix fois sur douze» par exemple. Et je parlais même en vers blancs! - Merci de la photo de Guillet… Sont-ce pas des Tuc devant les alcools? Longtemps, ils m'ont servi d'aiguillons à soif. Aujourd'hui, j'en prends encore, ils finissent par fondre dans la méchante bouche. - Un rêve d'il y a quelques nuits. Réthoré, toi et moi marchons dans la broussaille le long du cimetière d'Onesse. Mais le décor est celui de mon enfance. Pas d'habitation autour du cimetière. Aujourd'hui, un lotissement a été bâti. Une vingtaine de maisons. Et nous allons tous les trois chercher… Réthoré. Ou le visiter. On le soigne dans une maison psychiatrique qui doit être à proximité. J'en ai conclu qu'il devait souffrir de schizophrénie. De troubles graves d'identité. (Peu avant ce rêve, j'avais feuilleté Spirit, et noté le retour de Réthoré, qui y signe des chroniques, que je n'ai pu lire, l'art et Ohl faisant 2, mais qu'importe, voilà une clé.) Et je ne vais pas t'emm….. plus longtemps!

AmicalementOhl d'Oness', El Michelito, tors héros du Patrimoine Irréel de la France(Le gosse coiffé d'un béret est pris à Biarritz à une époque où j'aurais pu être au même endroit

dans la même tenue)Prends ton temps pour répondre à ma lettre brouillone

[16 juillet 2011.]J'espère bien que le quatrain postal me mènera à bon port (là, je parle au nom de ma lettre, je

ne pense pas la trahir). [Sur l'enveloppe, il a formulé mon adresse à la façon d'un quatrain : «Chez l'ami Billé / (20) Rue de l'Amitié / A La Croix-Comtesse (17330) / Attrayante adresse»]. Le quatrain postal idéal, selon le Pr Michoutka, compte un nombre de pieds égal au code du département du destinataire. Ainsi, je pourrais, idéalement, t'écrire à Bergerac, avec adresse en hexamètres. Cette adresse-ci, côté pieds, irait pour la Corse, je connaissais là-bas un bibliophile (tu le cites je crois dans tes publications : Antonetti?), il ne s'est manifesté depuis 15 ans… Les Landes, c'est impec pour moi, 4 décasyllabes, au prix d'acrobaties on case le n° de rue, même le code entier (pas tjrs!), et puis il me reste quelques parents, amis, au pays, enfin, jusqu'ici les lettres à quat. post. sont arrivées où il fallait, pour autant que je le sache, celle envoyée à Sud Ouest je saurai jamais sans doute, SO ne répond pas. Mais j'écris beaucoup moins de lettres… Ah, ce recueil d'«A paraître»… Très vite, ça m'a semblé nase, crétin, «c'est fait, c'est fait!» comme dit la Genèse en parlant de l'Univers… et j'ai regretté de l'avoir refilé au frérot, mais par chance ce recueil ne recueille aucun suffrage, je pense à présent à une autre occupation des petits matins : Le retour de Pauvre cerveau, suffirait que je piquasse et picotasse parmi mes multiples livrettes, histoire de m'occuper, n'est-ce pas, en attendant la fin des haricots gris, ah! ce «gris» de la chanson de Georgius, «Triste lundi», il m'obsède depuis des lustres, ce serait un joli mot de la fin : «C'est la fin des haricots gris!», mais d'après mon expérience des agonisants et de l'agonie, les jolis mots de la fin, c'est de la douce foutaise, on hurle, on s'asphyxie, on râle, on renie tout (eh bé il est gai le Professeur) -- Sur l'agonie de l'Empire, le livre de Kessel : Les rois aveugles, où naturellement Raspoutine est omniprésent (Kessel a connu le prince Youssoupoff, qui lui a dit de fort belles choses) Nuits de princes, les Russes à Paris, Pigalle, Montmartre, tziganes, cabarets où les boyards servent les bourgeois (oh, la belle caricature, bon sang)… Les 2 livres sont réunis dans un vol. Rombaldi, mais l'édition est vraiment moche. Je pense qu'ils intéresseraient ta mie russophile (ma performance autour de Kessel, naguère, m'a tenu lieu, un peu, de cure de dégoût… mais c'étaient les oeuvres à âme russe qui me plaisaient). Et non, je n'ai pas le Lénine à Zurich (je ne le connais pas, à vrai dire… si j'ai lu pas mal Soljenitsyne jadis, je n'ai jamais été fervent de son oeuvre, bien que ses modèles soient les miens, la plupart du temps, mais aujourd'hui je me balance un peu de tout - sans avoir acquis une once de sagesse…) Lu interview Luchini touchant Proust et Céline, ma foi subtile et nuancée, au fond c'est la lecture à voix haute qui ne me dit rien, quels que soient l'oeuvre et le lecteur, pour Céline, Le Vigan, à la rigueur, ou Céline soi-même, eussent tenu la rampe? J'ai mis 10 ans à lire Proust, je l'ai lu une fois, je crois que ce sont les 100 premières pages qui m'arrêtaient. - Donné photo n° 2 à Guy Clemence. Lequel Clemence a eu chaud l'autre matin, allant à vélo au boulot, un scooter l'a renversé, Samu, Tripode, crâne ouvert, soucis ophtalmiques, fracture de l'épaule, et j'en passe, en perspective examens, peut-être opération, enfin il est chez lui, 6 semaines d'arrêt, j'ai pu lui parler, il devait t'écrire mais naturellement c'est impossible dans l'immédiat. - La lettre de Marchais [sur l'immigration] va faire une jolie carte postale pour Sud Ouest. Et la dame de Positivo Placer a bien du charme… (Pour Marchais, il carburait au Pastis, me disait un ancien du PC… ça se voyait lors de certains entretiens - avec le slave Mourousi par exemple, lui-même buveur «respectable»… «Comme je descendais des fleuves de Pastis…» poursuivez le poème en démarquant Rimbaud. Vous avez 4 heures.) Bueno! J'arrête là l'invraisemblable bric-à-brac. Malgré tout, je vais me faire du mouron à propos de ma babillarde. Si tu la reçois, tu pourrais mettre un mot de passe sur ton blog, ou un simple signe, un double point d'exclamation peut-être (insolite, car tu n'en es point coutumier), enfin, je dis ça comme ça, par maniaquerie, elle vaut pas un kopeck, la bafouille, je me réveille tjrs aussi tôt, 4 h,

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mais je n'ai + cette forme, ce tonus de l'aubelette, de la piquette du jour, plus jamais…AmicalementMiguelJ'y pense pour ta mie : Bounine (Allées sombres), Kouprine (Le duel), en poche crois-je. El

Chocho

[7 septembre 2011].Cher Philippe,l'homme aux «Cartes Fines» quadrille toute la région! peut-être même la France entière! [il écrit

sur une carte de Ducourtioux figurant une vue de Podensac] il doit oeuvrer d'après internet, c'est pas Dieu possible! Je voulais te parler de Kiki [Christian Guillet] fils de Lonlon (si j'ai bien compris…), mais je vais d'abord lire Pièces à conviction (sans lunettes je lisais Pièges…). Ah, c'est vrai qu'avec l'amour, Eros, sentiment, on sombre facile dans le plus profond ridicule, s'il manque drôlerie, verve, démesure… La famille, les «chers disparus» peuvent s'y prêter aussi (j'ai souvent eu la sensation de nager dans le ridicule). Cette passion de la noblesse demande aussi de l'ironie supérieure, une dérision raffinée, et il vaut mieux être soi-même noble… La Varende, loin de Barbey pourtant, est probablement l'un des derniers chantres inspirés de ladite noblesse. -- C'était le 1/4 d'heure abrégé du professeur Michou. Relisant la lettre à la tante centenaire (auteur de poèmes et d'ouvrages ésotériques) le désespoir de Kiki (ah! ce surnom…) me touche, cependant… Et puis je note l'anagramme terrien / rentier (j'ai cherché quelque chose pour contrecarrer «Au barde chiant», mais en vain). -- Le titre [de Kilodney] : garder l'original, traduire littéralement, j'ai pensé à Villes / Cités très exotiques… hm! pas fameux. Je joins 3 lettres dont tu voudras bien glisser la timbrée en boîte… Voilà à quoi s'amusent les vieux ringards landais en exil… Je te signale l'apparition prochaine d'une biographie de Dickens par le petit frère Jean-Pierre, chez Gallimard (qui a refusé son 3e roman). Ceci pour la lectrice des Grandes espérances.

Amistosamente (si ça se dit…)Miguel

Saint Gérard [3 octobre 2011].Muy Felipe mío,merci de ce «siguiendo los pasos dulces y canallas» de Gainsbourg, je lis sans trop de mal

(mais je ne manque pas de repères…) Et la photo jointe des Landes d'antan correspond à ta carte de la foire aux bouquinistes de Bazas. J'ai pensé à un romancier, balzacien laboureur, Honoré de Bazas, et puis à un peintre, fauve naïf, Gauguin de Sore, quand j'aurai découvert un musicien, génie méconnu de cette région-là, Landes, Gironde… eh bien il ne restera plus qu'à écrire une présentation de ce trio d'artistes à exhumer. - Pour Crad [Kilodney] (la bibine, c'est pas non plus son truc, je pense?), ça m'a l'air de bien se dessiner. Faudrait que Gaultier organise à présent sa conquête de la France. Une tournée à la Bukowski. Leurs oeuvres n'ont guère de points communs, ce me semble, mais n'empêche. Je n'étais pas fana de Pivot, mais il y a eu de jolies rencontres chez lui. Aujourd'hui je ne sais si ce serait possible. Je n'ai plus la patience de suivre les «émissions culturelles»… Ah! nouvelle d'importance : je dois partir une semaine aux Pyrénées avec le grand frère, le ouiquende prochain. (Si d'ici là tu reveux L'homme de lettres, je peux le laisser à la librairie Georges. Téléphone-moi, en ce cas. Cette lecture de la comtesse de Ségur m'a dévoyé (J'ai écrit des devoirs de vacances inspirés par cette lecture mais la dame à tout faire de Schéol n'en a pas tiré assez cette fois, je te les enverrai plus tard!), je ne lisotte plus que des livres du vieux vieux temps. Sinon, je te redonne Caraco au retour. Pour le Dickens de J.-P., il sort ces jours-ci, collection Biographie Poche, ou quelque chose comme ça, cette collection devrait disparaître ensuite. JP excelle à parler des écrivains qu'il aime, sans raser le lecteur, il est passé sans mal au travers des pénibles théories des critiques glorieux.) Cet été, j'ai tout de même effectué une sortie, près de Libourne (merci aussi du cachet géant : ça fera une jolie cartelette…), la réunion des Amis de Valprémy, je me suis défilé 3 ans, cette année j'y suis été, j'ai retrouvé Didier Moulinier, j'ai écouté sans broncher une heure de poésie (Michel, lui, était un homme charmant, il avait vu d'emblée que la Poésie, hum, c'était pas ma passion, et l'on s'entendait bien : 7, 8 rencontres, 8, 10 heures dans une vie, ou deux). Sur ce, je te dis adieu à la landaise, c'est-à-dire au revoir.

Miquéu

[8 novembre 2011].Bonne réception de l'enveloppe, cher Phil, mais je ne t'en parle pas aujourd'hui, je n'ai pas lu de

près florilèges et documents, Céline, Renan, Mencken, Ciro Bayo, il y a eu un épisode plutôt sombre, défaillances, épuisement, malaises répétés, en fin de compte l'a fallu appeler le Samu, et à Saint-

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André, après analyse de sang catastrophique, me transfuser 2 kils de rouge château A+, et j'ai ressuscité le Jour des Morts… Vive la solitude, mais parfois, quand ça va mal, je dirai en tout égoïsme qu'il n'est pas si mauvais d'avoir un proche qui décide à ta place (moi bibi j'aurais attendu, attendu, et le corps méd' m'a laissé entendre que j'avais pas été loin du schéol). Donc, tjrs la chance de mon côté. Pas lu non plus encore le Dickens du frérot, et ça ne me ressemble pas, de conseiller un livre illu, mais c'est le petit JP, que veux-tu, le vieux complice… Mais, avant les histoires physiologiques, j'avais relu (25 ans après sans doute) les pages de Tandil du Journal 1957-1960 de Witold Gombrowicz… Et retrouvé «mon» Witold tout entier si proche et fraternel que je me suis dit pour la 1001e fois «Merde alors? De quel droit!?» J'avais oublié complètement. Ou presque. Le Vigan n'apparaît pas, mais je l'ai évoqué à plusieurs reprises. Surtout lors des pages terribles, ou terrifiques, de la montée de la colline aux groupes sculptés dans le marbre illustrant l'épisode du Golgotha. Tandil a longtemps obsédé W. G. Il recevait des lettres de là-bas de jouvenceaux de sa petite cour. Qui ont dû connaître aussi Le Vigan. Enfin, je l'imagine… Faudrait consulter l'ouvrage où les connaissances et amis argentins de W. G. témoignent. Mais j'ai donné ce livre (à Noguès je crois). Bueno! J'attends à présent les résultats des prélèvements, rapport à l'ulcère sanglant, et nous verrons. Vive la France de mon Enfance!

Michou[…] A Campan je n'ai pas su identifier l'auteur des vitraux, qui autant que je puisse en juger,

n'étaient pas des chefs-d'oeuvre.

Saint Nicolas [6 décembre 2011].Cher Philippe,j'ai trouvé touchante l'histoire de Chéri et Marie Billé [Jd, 17 XI], à l'époque Marie devait être le

prénom le plus répandu de France, Chéri l'un des plus rares (et je crois que tu as raison : l'ami Roux n'a déniché - ne répétons pas «trouvé» - aucune contrepèterie!) Pas de Ohl épousant une Ohl, à ma connaissance, mais l'une de mes arrière-grands-mères, Laurentine, de Biarritz, s'appelait Jol, jeune fille, je n'ai pas cherché ce que ça voulait dire en basque, ç'a peut-être un rapport avec l'alcool, dans le cousinage Jol ça buvait sec, Marcel, le + célèbre, l'international de rugby, tenancier de café, est mort d'alcoolisme… … Au sortir de l'hosto, j'apprends la mort de Jef Mézergues, ancien de Sud Ouest, côtoyé pendant 20 ans dans les bistrots de Bordeaux, il s'est tué en bagnole en revenant dans son village natal, juste avant que je ne rentre à Saint-André il me téléphone pour me dire que sa femme doit être opérée d'un cancer, mais qu'il a grande confiance, c'est la 3e fois qu'il me téléphone depuis la Création, il attend un mot de moi, quelque chose qui lui donne du courage, mais je ne sais que dire, lui-même a survécu à un cancer du poumon, et à des aventures très risquées à travers le monde, son surnom est «Trompe-la-mort», je vais donc à ses obsèques, où je vois Iturria Lafont(aine), mais nous ne nous parlons pas, et d'autres journalistes de Sud Ouest, et pour la 1ère fois de la vie la femme de Mézergues, à qui je parle longuement, en réponse à ce qu'elle me dit, tout près du cadavre, quelques jours plus tard merde alors! voilà que le cousin Georges Ohl meurt à Flers, dans la maison de retraite où il se survivait depuis 2 ans, à 2 pas de son domicile, il ne reconnaissait plus personne, les infirmières ne savaient quoi me dire lorsque j'appelais, un dimanche, une aide-soignante me l'a passé, au téléphone, chose interdite je pense, après lui avoir dit «C'est Michel!», j'ai entendu sa voix : «Michel!», sans savoir s'il répétait machinalement, ou quoi, une de ses nièces m'avertit de sa mort le jour de son inhumation à Bayonne, bon sang, impossible d'y être en une heure, au cimetière Saint-Léon, où j'accompagnais Georges chaque année, du côté de 2000, nous fleurissions la tombe de sa femme, Marie (un Ohl doit être très amoureux pour épouser une Marie - ou odieusement farceur), un jour un coureur cycliste à l'entraînement, qui prenait sans doute son raccourci habituel entre les 2 rues riveraines (j'allais dire du Styx), est arrivé au sprint, a frôlé Georges, qui s'est affaissé sur ce qui est aujourd'hui son tombeau, j'ai cru qu'il passait (titre lu pour la mort de Mme Mitterrand : Larmes à gauche - Libération), je raconte cela dans un livre, il doit même y avoir la photo de Georges, et de Marie (née Errante), et du père de Laurentine, et de Laurentine (?), et de nombreux souvenirs de Georges, des anecdotes souvent macabres, mais à la longue on a envie de rire (le rire et la mort mêlés dans l'onde noire comme le tapioca et les crêtes de coq dans le consommé impérial) enfin! Nicolas a promis de m'emmener à Bayonne, un de ces jours… Et donc, voilà que l'homme qui m'a donné mon 3e prénom, Michel Jean Georges, n'est plus, Jean c'était mon papa, et Michel, en principe c'est moi. Quant au frérot, hé bien j'ai lu son Dickens à temps, ce qui m'a permis de mieux suivre la séance, il parle vachement bien de ce qu'il aime, le petit, il a l'habitude de parler en public, mais ce jeudi-là, c'était autre chose, de plus intime, malgré les 50 personnes, foule immense pour bibi, après l'immense foule (50 aussi) des obsèques de Mézergues, et celle, immense, de la nuit des Urgences où certains se mouraient, ça faisait un monde fou, dont je connaissais une bonne partie, et j'ai eu l'impression, après la séance, d'aligner gaffes et conneries et indélicatesses d'un groupe à l'autre, il y

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avait plusieurs Onessois, outre la fille du notaire occupant mon berceau, un grand type que j'aime bien, depuis des années il recueille les photos, documents, pour un site éventuel, La mémoire d'Onesse, et je l'aide comme je peux, entre eux c'est pas l'amour passion, et entre d'autres non plus, des sabots m'ont poussé autour des petons (37) et j'allais de l'un à l'autre avec mes paroles hypocrites dans ma bouche difforme, dans l'ombre éternelle du Quiproquoia, l'arbre de la méconnaissance des autres et de soi-même (surtout de soi-même : mais c'est un avis personnel - ça en fait au moins 1). Et je finis par une mini-poésie, pisque depuis tout petit on fait dedans (la poésie) : «Eleveur de vers bio pour un trust halieutique, / J'ai un péché mignon : l'art subtil du distique.»

AmicalementMichka

[19 décembre 2011].Si tu rends l'âme le premier, mon cher Phil, je jure sur la tête du petit frère libraire socialiste que

je viendrai à tes obsèques, mais si c'est moi le premier, je compte sur toi, n'est-ce pas? pas de blague! il peut arriver aussi que nous mourions en même temps, et que nos obsèques se déroulent le même jour, comme ce fut le cas pour Georges Brassens et son ami Riffard (je me souviens de quelques chansons assez drôles de lui, «Mon copain d'Espagne» notamment), et alors là… pauvres amis communs! (mais, sont-ils si nombreux?) - A propos d'Espagne, j'ai déjà dû te dire, en bon radoteur, que mon trisaïeul Jean Pierre Ohl de Strasbourg a connu le Pays basque, et son épouse biarritzienne (d'origine landaise probable) Etiennette Carrère, à l'époque de l'expédition du duc d'Angoulême, dont il faisait partie… Il s'agissait de secourir Ferdinand VII, mais contre qui? et quel rapport avec le carlisme? Voilà une chose qui me revient en tête cycliquement, et je ne fais jamais aucune recherche. Pour le Jean Pierre (qui devrait s'écrire sans tiret, comme le grand ancêtre) fraternel, hé bien c'est vrai qu'il vote socialiste, et que je le charrie depuis 30 ans à propos de la seule participation je crois à une manifestation populaire, place de la Victoire, pour l'élection de Mitterrand, l'homme inquiétant qui lançait des messages en morse à la postérité, ou peut-être à la mort, en clignant des paupières. Je n'ai pas le même souvenir que toi, JP devait parler du «Conte des deux villes», où Dickens condamne aussi bien les révolutionnaires que l'Ancien Régime. Mais la Révolution n'est qu'un fond de décor, que JP reprochait à Dickens par-dessous (ou par-dessus?) la jambe. L'historien de chevet du frérot est Lenotre, qui penche bien sûr du côté des royalistes, mais n'en parle pas moins avec verve et vigueur d'innombrables révolutionnaires. JP a souligné à 2 ou 3 reprises l'ambiguïté de Dickens, sa compassion envers les misérables, et son dégoût des émeutes, même des grèves, il est à peu près révolutionnaire, le petit garçon, comme tu es fervent de rugby et de Dostoïevski, ou moi de jazz, de rap, ou de musique classique. Et la révolution lui ferait plutôt peur, d'où qu'elle vienne. Il aurait bien voulu faire sa révolution en librairie, en arrachant la grotesque affiche Libraire Libre, ça l'accablait, au début, maintenant il en rigole, il me dit que cette affiche avait déjà fleuri il y a 25 ans, et que ça m'avait incité à chercher des anagrammes, mais je ne me rappelle pas les circonstances. Quand je l'appelle «libraire socialiste», il maugrée un peu, il préfère que je l'appelle «petit morpion», lui me donne du «vieux facho», ou du «grand couillon», et me récite un poème de mon recueil d'enfance, publié grâce à papa chez Millas Martin, je parle de lui parce qu'il vient de mourir, il était né à Tandil en 1921, mais n'y a vécu que cinq ans. Ces poèmes cucul-la-praline ont mis + d'un an à paraître, entre-temps j'en ai eu très honte, quand mes exemplaires sont arrivés, je les ai brûlés dans la chaudière, avec l'aide de Mamouck, ma «nounou», la grand-mère de l'onessologue avec qui je bavardai, le soir de Dickens, nous avons parlé de rugby et de béret (il avait le sien à la poche, il m'a conseillé d'en coiffer un, parce que sinon, avec mon crâne dénudé, j'allais attraper la crève). Et je connais la chanson, naturellement… la dernière fois que j'ai vu Dassary, c'est dans une rétrospective de Sevran. Et l'homme que je t'ai présenté, c'est Bernard, le frère aîné voyageur… «Le poète de garde a repris du service» + le distique : pieds 36, et je chausse 36 (en pantoufles - sinon, 37), c'est une pointure d'auteur au petit pied, mais ce fut aussi celle d'Alfred Jarry. Mencken me plaît, ma foi, (à noter qu'une femme pourrait écrire «La bigamie consiste à avoir un homme de trop. La monogamie aussi.») et jadis, ou même naguère, je me serais procuré les ouvrages traduits, mais à présent, je me contente de relire, l'aphorisme relevé par ton lecteur, «Tout problème compliqué etc», et puis, «Le communisme, comme toute autre religion révélée…», mais pourquoi pas «toute autre religion» tout court? La religion révélée, c'est le christianisme, non? Les lendemains qui chantent ont une Grande soeur tout aussi redoutable, l'éternité qui chante, enfin, elle chante différemment selon les religions, en ce moment le chant le plus funèbre me semble être celui de l'Islam, mais tel n'a pas toujours été le cas. Je ne me relis pas, car j'ai probablement changé d'idée depuis tout à l'heure, allons, allons, «presque unanimement déteste», «lire mes conneries», c'est pas très gentil pour les copains qui te lisent régulièrement, laissent-ils ou non des commentaires. Et n'y aurait-il un peu de vanité là-dessous? Je déconne. Je parle de moi, champion incontesté de fausse-modestie, et de

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soliloque débile. Si tu peux tirer deux ou trois lignes qui se tiennent de ce fatras, bravo. Bonnes fêtes de Noël, bon séjour à Bruxelles, «hasta bientôt» est jolie formule.

AmicalementMichel Ohl

Dimanche 8 janvier [2012].Cher Philippe,J'ai trouvé l'image aux lévriers russes [je lui avais trouvé sur le net la couverture du Chasseur

français du mois de sa naissance], je la regarde et reregarde et tu as raison, elle est plus expressive que les laïus astrologiques, je finirai bien par écrire ma légende (j'écris sur les derniers feuillets d'écolier réchappés des années Clairefontaine, les lévriers auraient pu occuper 2, 3 cahiers de leur course, aujourd'hui on est en bout de course, longtemps, longtemps ce sont les ombres des lévriers qui ont couru… enfin, pas trop de noirceur funèbre - l'encre soi-même doit jouer son rôle sinistre là-dedans…) Ah! je ne te soupçonne pas de vanité, je ne sais plus ce que j'ai écrit exactement mais ce devait être une de ces plaisanteries tellement tarabiscotées que si on les dit mal, en oubliant un élément de l'histoire, plus personne n'y comprend rien, je torche sûrement mes bafouilles 10 fois trop vite, et peut-être redevrais-je user des pages d'écolier de CP, tiens, comme guide-âne et garde-fou? Vanitas vanitatum etc. mais l'ironie, lorsque tu n'y crois plus du tout, cesse donc de l'utiliser, elle ne peut que te jouer des tours diablesques (là, c'est à «moimoimoimoi» - comme m'appelle Lise (Céline, c'était l'abbé Pierre le moimoiiste) - que je parle). Un rêve l'autre nuit : maison à immense parc à herbes hautes avec cabanes / dépendances, un peu Onesse, un peu Villefranque, par la fenêtre je te vois jauger la hauteur des herbes, rapplique des coulisses mon frère aîné, discussion à propos de l'herbage, qui s'envenime, vous venez l'air furieux me prendre à témoin, mais je reste neutre, je n'ai pas d'idée sur la question, ou alors je ne veux pas me mouiller, votre fureur se tourne contre moi et vous fichez le camp, apparemment réconciliés «sur mon dos», ça pourrait signifier que même en rêve, je reste hypocrite, je refuse de prendre position, je pèche par excès de sincérité! et redoute de mentir… … Louis Nucera m'a laissé entendre qu'il en savait long sur Mesrine, les négociations autour du livre (qu'il m'a donné à sa sortie), les menaces à l'endroit de Lattès… Mais il craignait que je trahisse ses confidences en état d'ivresse, et il ne m'a pas dit grand chose, à juste titre : je restais discret en général, mais pas toujours! En tout cas j'aime bien (de loin, à l'abri de mon nid) les gangsters genre Mesrine, je les préfère dix mille fois aux horrifiants chefs de gang comme le petit père dépeupleur et le «Mahom du siècle» (XXe), entre lesquels je ne vois guère de différence, leurs critères de dégénérescence diffèrent sensiblement, mais les visées, assez peu, mais je peux me gourer, je parle à travers les livres de tous les bords que j'ai lus toute ma vie comme un trou maniaquement bien trop vite et je vis à l'écart de la place publique, quoique ni serein ni contemplatif : ça tourne au charabia… Je voulais t'envoyer une lettre à Denis Mollat où je parle de la légion d'honneur de Lubat, rebelle de chez rebelle, mais j'ai pensé que c'était une forme de vanité de ma part, une sorte d'appel du pied, pour que tu la divulgues dans l'univers par le biais du blog, alors je ne te l'ai pas envoyée, je ne l'ai pas copiée non plus, mais j'ai pensé que c'était aussi une forme insidieuse de vanité, parce que : quelle outrecuidance de croire, ne serait-ce qu'un instant, qu'une telle lettre puisse avoir la moindre valeur. Et ainsi de suite… (J'ai repéré sur l'écran 5 Ohl légionnaires : François Joseph, Albert Frédéric et Pierre, 3 inconnus ; mon grand-père officier de marine Camille, mon grand-oncle Virginius Pierre («l'oncle Pierre»), dont ma mère disait qu'il avait magouillé pour l'obtenir… Bueno! Je fais des taches comme un mauvais écolier. Je vais m'arrêter là. Il me semble que j'oublie quelques questions… Ca me reviendra peut-être. La Belgique et les «espions» chez Baudelaire?…

AmicalementMichel

[3 février 2012].Mon cher, ce rêve au Byrrh [Jd, 16 I] m'a interpellé kék part! ce radin de Céline a été bien

accommodant je trouve! et j'ai cherché à me souvenir des autres Byrrh de l'Opus (sans jeu de mots) lorsque j'étais le cador célinologue de 20 ans, j'aurais retrouvé ça en 6 secondes, aujourd'hui en voici qu'1, grâce à l'aiguillon du TdF, à la fin de L'Ecole, page 204 de ma rééd 42 «C'est le Tour de France, moi, qui me fait chier (…) les duels Byrrh, Suze, Bartali, Pernod», en 38 c'est Bartali qui gagne > maillot jaune, et pour certains amateurs, le Pernod c'est «le jaune» - et j'étais aussi circa 66 le pape des surréalistes d'Onesse et Laharie, mes surréalistes préférés : les Belges, et parmi eux Scutenaire (mais je ne lui trouvais pas grand chose de surréaliste! à ses compatriotes non +! et je cite Scut in l'index de ce livre poubellesque illisible Pat. baby, «Tout ce qui est profond est amusant», qu'entendais-je à l'époque par là? ne sais pas, aujourd'hui pas très bien non plus, ensuite j'oublie

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Scutenaire, je le relis quand Plein Chant le publie, le roublie derechef - le rêve aux billes [Jd, 20 I], je me suis dit sans réfléchir «billes de bois flotté au fil de la rêvière» (un mot lu jadis chez un poète) -- Il y a des flics bien singuliers, des prococos pronazis proriendutout, des rugbymans itou : ton cinéaste mexicain fut international de l'équipe du Mexique (au statut mal défini). Ah, «Je t'aime malgré la dureté que j'enfile dans ces périodes de tourments. Ouvre-toi.» Tu as déniché cette lettre d'un livre? Le Journal d'un écrivain, je crois que les 2/3 te dailleraient… Faut être maniaque russophile pour se l'enfiler - polémiques avec confrères oubliés, chroniques un poquito datées autour de sujets très russes. Bloc-notes plutôt que Journal, il ne te giclerait pas des mains, tu le reposerais tel le Feu noir doucement. Le Journal de Renard, conseil n° 1. (De Quincey, sans doute, dont je ne connais qu'une petite partie.) Mais je peux me tromper du tout au tout en tout. «Self made man», hé bé dis… j'avais vraiment oublié, j'ai repris des expressions, de brefs passages ici ou là, en d'autres histoires, la date m'épate : je venais de sortir de 6 mois pour le moins difficiles, «lirelion gratte-moi le fion, la vie est un long-courrier sans destination», serais-je point un peu poète, par hasard?

Je risque de moins déconner et fanfaronner d'ici peu. J'ai appris hier (jeudi) que j'avais un cancer de l'oesophage. Suite à un examen d'il y a 10 jours. La biopsie ne laisse planer le moindre doute. Il n'est pas à un stade avancé. Comme çui du pharynx qui nécessitait opération immédiate. En tout cas je vais devoir très bientôt multiplier mes visites et séjours à l'hosto (à partir de la semaine prochaine). Radiothérapie probable, et ça peut être assez déglinguant. Je n'oublie pas ce que je te disais un jour à propos d'une éventuelle récidive. Bon. Silence là-dessus. 150 hommes et femmes sont morts de mort naturelle depuis que je te parle de cette histoire. (Je n'en parlerai plus désormais.) Motus bouche cousue! (Je me demande comment ces prisonniers arrivent à se coudre les lèvres.)

[Joint un dessin de Kaïkou] Le type qui dessine Kaïkou n'a plus grande latitude pour oeuvrer, à Ustaritz, je crois, appareillé qu'il est de tous côtés sur son lit. Et, tel le mec rongé de remords sur le point de clamecer (je redéconne, donc ça va pas si mal) je te ferai un aveu. Un jour tu m'as dit rue Jeanne assis sur le canapé que tu trouvais Urbs très bon et aussitôt j'ai fait «oh, oui! excellent!» C'est tout moi, ça! Je ne l'aime pas du tout et je mets une heure à le comprendre (quand j'y arrive). Voilà l'aveu douloureux. A présent, je peux partir l'âme en paix au Schéol où m'attendent Staline, Mussolini, Gloria Lasso, Ivan le Terrible, et tous les autres morts.

[12 juin 2012].Cher Philippe,le conte anticonte de la fée doreuse de pilule [Les trois pilules dorées, Ld 496] est très

subtilement mené vers sa fin, et Crad a su écrire l'histoire simplement, je trouve, on est tous refait, comme dans la vie, ça finit, non pas mal : ça finit… Et certains enfants désaxés aiment ce genre, moi en tout cas (Villes bigrement exotiques, lu/relu en suivant, la drôlerie macabre tjrs là, naguère j'aurais «ri comme un âne», comme disait Mamo, ma grand-mère, mais ces derniers temps, j'ai repris certains des bouquins qui m'ont le + réjoui dans la vie, Le soldat Chvéik, Ferdydurke (ça fait 20 ans que je sais - quel génie intuitif! - que Gombrowicz te tombe des mains, et j'ai l'impression que tomber seulement, c'est pire encore que gicler, si un livre me giclait des mains, je me dirais «hou là, Michou! hou là! Gorgulax!» et je me jetterais à sa poursuite…) et je me disais : «Tiens! là, c'est marrant! té! ça c'est à se pisser dessus de rire! oh, la vache!» mais je ne riais pas, je souriais, de ma connerie sans doute. Crad est tjrs inventif, jamais à court de vannes ravageurs - il y en a peut-être un peu trop, de villes exotiques, les plaisanteries deviennent quasiment prévisibles, mais l'ouvrage est ainsi + cohérent, il faudrait un autre recueil avec des histoires, petits essais, + divers, + singuliers encore, que tu as traduits par ailleurs - et tu vois que je lis cent x mieux sur le papier que dans le cristal, ce qui veut pas dire que je sois opposé à Satan-la-Toile, ni au net, ni à rien, Bueno! je te parlerai de Soljenitsyne une autre fois, quand j'ai reçu ta dernière je le lisais justement, Le pavillon… le relisais, puisqu'il y avait des [signes] en marge, mais j'avais oublié, il y est question de Tolstoï, Ce qui fait vivre les hommes, oui : qu'est-ce qui les fait vivre jusqu'à la hmm?… Un livre idéal pour bibi en ce moment. Sinon, Soljenitsyne est sans doute + apparenté à Dostoï, mêmes convictions, sur les Juifs entre autres, et qu'il lui ressemblait, à la fin, à moins que je ne rêve, ah! j'ai lu tant et tant d'ouvrages sur la question juive, aussi convaincus et documentés les uns que les autres, contradictoires, ou différents, avec nuances, ou etc. etc. à 15 ans j'étais antijuif, croyais-je, à 16 je n'étais + rien, je vais à Toulouse encore un petit mois, 3 jours/semaine, les interventions sont à la chirurgie lourde connue lors du 1er cancre, comme les Veillées des Chaumières à l'Enfer de Barbusse, ou, enfin… d'ici juillet je n'en saurai pas beaucoup plus, je suis un poquito cansado mais j'arrive à lisailler certains jours! cette semaine, traitement interrompu, 2 séances la semaine après - Après tout, ce serait peut-être pas mal le «conte pour enfants» illustré? Et qui se trouve en tampon entre les compères d'Ubu Marx et Lénine? Bakounine? [mais non, c'est Engels] [cette fin de lettre est au verso d'une carte du Tampographe Sardon figurant son tampon «Dataires de tous les pays, unissez-vous»].

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AmicalementMichel Ohl!

[10 août 2012].Je regarde régulièrement le Journal doc, mon cher Phil, je savais donc : Bretagne, forêt

magique, et… Néant [nom d'un village]… Coïncidence, la nécrologie de Jean-Pierre Le Goff, la date (+) doit correspondre au 25 ou 26 février dernier, si je ne me mélange les pédales. Ce poète si singulier était paraît-il de Douarnenez. Je te dirai aussi en toute fatuité que Michel Ohl fait mourir Brizeux à Néant-sur-Yvel page 106 d'Entre devins, le livre où il exploite sa lecture de la liste des communes de France, en en casant une 40aine aux noms accrocheurs : Plurien, La Morte, Conchy-les-Pots, Précieux, Risquons-Tout, Faux, Crevant-Laveine, Poids-de-Fiole etc. (J'ai peut-être écrit à Néant, à une adresse bidon, Michel Ohl, Maison «La Vie Là», Route de Josselin, avec au dos la vraie adresse du prétendu expéditeur : JP Ohl, ou quelque copain, ou Mollat, selon ma technique d'alors, souvent les lettres revenaient avec le tampon : Bran, Consolations, Maisonnettes). Pour Witold, le même Ohl l'étouffe avec le torchon de la cuisine hantée des Envoûtés dans les pages de La politique de l'Autruche brûlée, où il tue ceux qu'il a cru aimer. Cette serviette vibrante fut comme un signe de reconnaissance entre Michel et Jean Pierre Ohl, et nous en parlons encore de temps en temps (j'ai lu que cette cuisine… ha, ha, ce torchon est éminemment gombrowiczien!). L'édition complète doit être en Folio. Je ne connais pas la fin. J'avais l'édition préfacée par Paul Kalinine, qui fut mon professeur, mais je l'ai prêtée ou perdue. (Kalinine traduisit des Russes d'élite. Je l'ai revu un soir 15 ans après les «études», et je te raconterai.) Après avoir subi le contrecoup de la radiothérapie à bout portant à haut débit j'émerge, j'attends d'être convoqué pour les examens qui montreront s'il reste quelque chose à brûler ou si le miracle a eu lieu comme pour le cancer de Soljenitsyne.

Jeudi [15 novembre 2012].Cher Philippe,au dos et à côté, planches des Cent métiers de Bécassine, à cause de Plurien, c'est loin de

Josselin, à quelques bornes du cap Fréhel (pays de la grand-mère de la chanteuse, qui s'appelait Boulch), et donc ces temps-ci j'ai relu Bécassine, la collection de ma mère (les Cent métiers, ça me manquait, j'ai acheté l'album au tabac-journaux voisin, une réédition plutôt inattendue). Je n'ai pas lu grand chose d'autre. A part Fripounet et Marisette, toutefois. Pour amortir le choc de la retombée en enfance, disons (une centième fois…) Ohlsdorf c'est bizarre, le Ohl m'a fait penser à l'écriture de mon père… Ca doit vouloir dire «village d'Ohl?» ou quelque chose comme ça? J'ai pas mal gambergé sur ce nom, le fameux cimetière de Hambourg, et le village du bunker de Bernhard. Té : dans mon Bernhard préféré, Perturbation, où un personnage mange les pages-clef de son Schopenhauer, passe un garde-forestier nommé Gombrowicz, passe et disparaît. Je me souviens d'un long texte de Brodski dans L'Herne, «Gombrowicz et Nabokov», il dit qu'aucun des deux n'a lu les oeuvres de l'autre, ils n'en parlent jamais en tout cas, l'un des points communs les plus évidents est l'arrogance outrancière, cela ne me gênait pas du tout lorsque je les lisais comme un fou, parce qu'ils étaient fous eux-mêmes peut-être, aujourd'hui mon Dieu toute cette fièvre (la mienne) me ferait plutôt rire, en vrai, le cidre à volonté est ce qui m'a le plus touché dans l'histoire de SanSe [Jd, 12 IX] (où je suis allé jadis 3 ou 4 fois, des raids très alcoolisés, d'une nuit, ou 2 ou 3 jours, j'ai menti quand j'ai parlé de l'unique voyage à l'étranger en 68 à Alicante…) J'ai parlé de Nabokov un peu comme les morts de Dosto continuent d'échanger leurs potins. Jusqu'au moment où ils ne peuvent plus dire que «bobok» («bébé» en kirghize, m'a-t-on dit). (Je n'ai pu finir la phrase car ça s'est bloqué…) (De Roux, dans son Gombrowiz, raconte une visite à Montreux, qui m'a l'air de tenir du rêve, en partie au moins, où Nabokov confond Gombro et Kosinski (fait semblant de confondre… Pour Jünger et Gombrowicz, ils s'ignoraient sans doute). Je crois que le filston de de Roux est l'éditeur de ce texte de Millet, que je n'ai pas, je l'ai seulement feuilleté à Talence, je pense qu'on peut le lire en un petit quart d'heure. Je ne comprends pas pourquoi Gallimard ne l'a pas publié, vu son catalogue. Breivik ne m'intéresse pas des masses (mais ce qui est sans doute dégueulasse, c'est que je n'ai pas de compassion pour ses victimes [moi, si], certaines doivent encore terriblement souffrir, mais la compassion que j'ai eue pour les agonisants croisés cet été à l'hôpital a disparu bien vite, et… hmm… Il paraît que le courrier de Breivik est censuré, poveretto! d'après la Machine, il recevait 70 lettres d'amour par jour, une femme admirait son sourire, mais la Machine, il paraît qu'on la lui supprime aussi, il s'est longuement entraîné grâce à des jeux vidéo, ce massacre sur l'île a peut-être donné naissance à d'autres jeux, nous allons peut-être subir une colonisation, relisons le Voÿage (je pense à nos colons français au moins aussi abrutis que les nègres)).

AmicalementPetit-Bonobo (bourgeois non bohème)

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Je joins une lettre à Sud Ouest dont je me demande si elle est inepte, débile, ou quoi d'autre. Tu regardes et puis tu postes. Ma lettre part en quenouille, comme d'habitude, je ne crois jamais bien longtemps à ce que je raconte.

Je ne vais pas mal, je suis suivi ici, la guéguerre intestine se poursuit, je devrais en savoir + début décembre.

Je regarde l'Ecran chaque jour à présent, 15' environ et donc ton blog, suis resté longtemps en arrêt devant «Souvenir précis mais vague» [Jd, 25 X], phénomène très singulier.

[29 janvier 2013].Muy Felipe mío, désolé pour ta maman, la mienne aurait à peine un peu plus d'ans, c'est peut-

être le mal d'Al, un joli prénom Aloïs pour une telle chose, ici mon ami Noguès a bien failli partir, il a été rattrapé aux urgences, ensuite réanimation, soins intensifs, 10 jours, et puis je l'ai vu dans le couloir des rescapés, il devait tout juste émerger car l'interne lui a demandé son nom, et le mien tant qu'il y était! Dominique a répondu juste en esquissant un sourire… C'a été une sorte de coma diabétique, aujourd'hui Noguès est chez lui et doit se faire ses 6 tests de glycémie et 4 piqûres d'insuline / jour. J'y avais apporté à l'hosto Kilodney, il a pu le lire au bout d'un certain temps et m'a dit que ça lui redonnait du coeur au ventre, ou quelque chose de cet ordre, une infirmière est venue un jour inquiétée par son rire, mais il avait toute sa tête, voilà une destination pour le bookin, les hôpitaux. Mais l'essentiel bien entendu, pour nous (de politesse), c'est pas les malheurs des autres, c'est les nôtres, à la dernière endoscopie ma lésion a disparu, encore beaucoup de chance, avoir pu bénéficier de cette curiethérapie technique de pointe, comme il y a 15 ans, au moment où se profilait la chirurgie lourde, des stents artériels. Punaise j'écris comme un cochon. Mais heureusement, c'est fini cette histoire d'écriture. L'année 2012 a été très bonne de ce côté-là. Et j'espère aussi me débarrasser de cette ridicule lecture sportive. Le cancer se cache peut-être par ruse de guerre et réattaquera à la prochaine occase, mais ça n'entre pas en ligne de compte. C'est couillon à dire mais j'ai lu 2 fois les 3 Pléiade de Jules, la 1ère à 25 ans, la 2e à 45, ç'a été une petite folie (parce qu'il y a eu les grrrosses folies, Céline, Nabokov, Bove…), entre temps j'ai révisé page à page pour un collage ou montage pour Guy-Marie, sa revue de pêche à la mouche, et j'y ai piqué dix ou 20 expressions, à Jules Verbe, ou bien plus, «L'enterrement qui frétillait de la queue» ça vient de lui, vois ci-joint, et z'ai lu, c'est cucu à dire, tout ce qui touchait Jules à la Biblioche Mably, là, j'ai derechef tout oublié, n'empêche que ma caboche est encore pleine de chose littéraire, pouah, pouah, avant j'avais l'alcool pour délayer, aujourd'hui même l'humble bière ne passe plus le tuyau, ça laisse des traces, malgré tout, ces mals-là, hé-hé. Je crois t'avoir suggéré Renard quand tu me consultais au sujet de volumes de la Pléiade. Tu avais choisi Tallemant (dont je n'ai lu qu'une partie) [il confond : je me suis payé ou fait offrir J. Renard, et j'ai emprunté Tallemant dans une bibli où je l'avais découvert par hasard]. Pour Robert de Goulaine, j'ai dû être trompé par l'«effet papillon». J'ai lu de lui un autre livre. Sur le baron balte des armées blanches. Pas vraiment convaincant. Il faudrait un foldingue lyrique du genre Barbey pour ce guerrier mégalo. Mabire est très pâle, aussi. Et ce «frère Sérapion» dont le nom m'échappe. N'aie pas peur de ces revenez-y littéraires. C'est rien. Des remugles déjà presque dissipés. Reçu l'autre jour lettre de Paris. Le tampon à l'ancienne est donc utilisé encore dans certains bureaux (Corvisart, joli nom de rue). Le livre, le rugby, ce correspondant, l'1 des derniers, a bien saisi la coupure, sport, perf, and niaiserie, je me suis demandé très longtemps pourquoi l'Allemagne avait du temps d'Hitler une épique de rugby assez performante, ma foi, eh bien, Midi Olympique m'apprend l'autre lundi que Speer était un fervent du ballon ovale, et c'est vrai qu'après la guerre, le rugby alboche, pffuiitt… Comme quoi, on aura beau dire, le nazisme avait du bon. Je crois que ce qui l'a perdu, c'est le mot «nazi». Ca voulait dire «vérolé», en argot, en France. Adolf aurait dû se renseigner. Raccourci saisissant je passe du Mahom du siècle XXe à ce cher alcoolo Alfred de Musset, «Là, de sa roue en feu le coche humanitaire / Usera jusqu'aux os les muscles de la terre», «Le monde sera propre et net comme une écuelle ; L'humanitairerie en fera sa gamelle, Et le globe rasé, sans barbe ni cheveux, Comme un grand potiron roulera dans les cieux.» Et le reste. Poésie «Dupont et Durand», 1838. Préfiguré dans les Lettres de Dupuis et Cotonet, je me rappelle, mais je n'ai + le livre. Un prêté pour un perdu. Mais à présent que je ne lis +… Et je ne suis pas allé à Bilbao ces temps-ci [il écrit cette lettre sur du papier à en-tête de l'hôtel Ercilla, à Bilbao], mais je me demande si du côté de 1954 ou 5… avec papa et maman et grand frère?… Donc, ça ferait un voÿage supplémentaire à l'étranger, 2 jours maximum. Fourniret j'ai rêvé il y a quelques années qu'il apprenait que j'avais écrit moi-même Le faubourg des enclos. Et alors il s'évadait et venait me massacrer. J'aurais dû noter les péripéties tout de suite au réveil. Ca disparaît à tout berzingue. J'ai regardé l'écran, et c'est vrai : Son Faubourg est noté - et ma volerie aussi. Je n'ai pas lu Breivik. A part les notes de Wikipedia. Quand j'ai vu qu'il aimait Le Procès j'ai senti comme un déclic. Mais je ne vais pas relire Kafka en quête d'une clé. Pour meubler les temps morts je regarde Satan-la-Toile, mais pas très longtemps, tjrs difficile lire longtemps

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l'écran, histoires de tueurs en série : le «film» le + effrayant, c'est un tueur de lui-même : essai raté du manteau parachute, ce tailleur autrichien, si je me souviens bien, est quasiment l'homonyme du 1er champion de rugby français. Des amis, ou relations d'autrefois, ou jadis, sont morts, je suis allé incinérer si j'ose dire cette horreur à Mérignac un copain d'adolescence, sa fille Eva a choisi ses chansons préférées, dont «Le petit cheval», à «mort par un éclair blanc» : soubresaut. Et je me suis souvenu. 1963 ou 4 Mimizan place du Marché sortie d'un troquet Yves et moi chacun son cyclomoteur discutant chanson : Leny Escudero s'est inspiré de très près de «Je suis un voyou» pour sa «Ballade à sylvie», après tout hum! c'est bien possible, «J'ai perdu la tramontane / mon âme». Sur ces joyeuses considérations, je te dis Snovim godom! et comme mon grand-oncle Pierre aux joueurs du Puc dans les vestiaires : Haut les coeurs! Volonté tendue!

Miguel El Chocho

[2 juillet 2013].Cher Philippe,j'en suis à peu près au même point, la sonde bien enfoncée dans l'estómago pour x temps, la

différence tu la vois ici sous tes yeux un semblant d'énergie je réécris quelques mots ; et je regarde la Machine… je pressentais qu'en dehors du Journal tu aimerais d'autres pages de Jules [Renard], pas toutes mais beaucoup, quel devin je fais. J'ai dû voir Le trou normand jadis, ne me souvenant de rien j'ai consulté Google : Arlette de Pitray, la petite-fille de la comtesse née Rostopchine, a écrit les dialogues, et peut-être apparaissent dans le décor des fantômes de la grand-mère? Jean Boyer, Brassens le chante («Pour me rendre à mon bureau» entre autres : on dirait une musique de Georges, comme «Le grand café» de Trenet), Noël Roquevert, je l'aimais beaucoup, déjà, enfant, il excelle en militaire pète-sec… Bon. L'essentiel était de bleuir la carte pour un signe de vie…

AmicalementMichelUn salut à Baudouin de ma part, à l'occasion.J'espère que tu me liras. Je ne sais où t'écrire.

[12 février 2014].Mon cher,pardonne-moi, je ne t'ai pas encore remercié de l'opuscule. A vrai dire les choses se

compliquent ou s'aggravent. j'ai couru à nouveau les hôpitaux et voici : retour du cancer à l'oesophage, cette fois tout en bas, parmi une mycose proliférante. Inopérable. Mais le professeur qui s'occupe de moi me dit qu'il me reste de bonnes chances si je puis dire avec radio et chimiothérapie. (Il est gentil.) Le traitement commence dans 10 jours après gavage par sonde car j'étais plutôt cachectique. Sainte Vierge je ne parle que de mes maux. Je vais devenir un emmerdeur de 1ère. J'ai beaucoup aimé je me souviens Pas de jour sans une ligne. J'ai dû le relire avec moins de ferveur par la suite. J'en parlai à Valprémy un jour et c'était devenu son livre de chevet. Olécha d'Onessa qui tenait beaucoup de ses écrits secrets pour éviter le zigouillis. Mais les belles-lettres s'éloignent de moi à un train d'enfer hélas. Je crois qu'Anatolia a publié une version + complète du livre d'Oliécha, mais faut-il s'y fier? Donne-moi de tes nouvelles mon cher Philippe.

Amitiés de Michou.

8 mai [2014].Cher Philippe;je t'ai écrit plusieurs lettres dans ma tête où je parlais de Kilodney, lui souhaitant de pouvoir

soulager ses souffrances, et puis j'apprends sa mort, il te disait l'envisager avec sérénité, enfin ça n'était pas ses mots exacts sans doute, et voilà, après Al Ackerman. Les divulguer chez nous, voilà une belle oeuvre (divulguer n'est pas le mot qu'il faut…) Eh bien, je n'attends pas le trépas, le passage, sereinement, quand je souffrirai trop je ne sais ce que je ferai, pour l'heure, calmants et somnifères suffisent à m'apaiser, je dors + que je ne rêve (tjrs le même rêve avec quelques variantes toutefois, je m'égare dans une ville aussi animée que chez Bernard Buffet, mais en m'enfonçant dans le décor je trouve un café où m'attendent mes amis de jadis, mon père me cherche partout mais la cicatrice dans le mur s'est refermée derrière moi). Oui, tu as raison pour cette page de Dumézil du singulier document, surtout dans le passage à l'italique, en tout cas j'essayais d'écrire ainsi je ne sais pourquoi, je me dis que le scribe est l'auteur lui-même… La semaine prochaine je vais à Haut-Lévêque, j'apprendrai probablement l'effet des rayons sur l'ennemi, et le traitement prévu dorénavant, c'est mal barré mais j'ai la chance de souffrir à peine. Je note Rides, Lise me le prendra à la BM s'il y est.

Amitiés de Michka

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[19 juillet 2014].Cher Philippe,alors comme ça je ne te connais plus dans cette étrange boutique. Je viens de lire et il y a

beaucoup d'effroi dans ces récits pour moi. J'ai envoyé un Krúdy à Baudouin (j'espère qu'il demeure tjrs à Sainte-Foy) et je crois bien t'avoir oublié… Pourtant le Domaine Hongrois te doit pas mal… Ce choix date de 2 ans je pense. Sur l'original j'avais mis une photo de Krúdy, et pas de titre, mais celui de Zieg est très bon, mais il n'aurait pas dû mettre mon nom, enfin on ne va pas se battre au couteau de boucher pour ça! Chalamov mon cher, j'ai été chamboulé par ses Récits, je les ai tjrs (Verdier), mais je ne les relirai sans doute pas. Je sors de l'hosto car je dégobillai ma pitance, ils pensent que c'est mécanique, dû à ma position trop allongée. J'ai à présent une prothèse dans l'oesoph', au moins une bonne chose, car je peux avaler eau, café (je brave la contre-indication) et même soupe claire. Joie, joie, pleurs de joie! Ca me rappelle le point final de mes relations avec le CRL, vers 1980 ou 82. Ils m'ont proposé de siéger à une commission pour donner un prix. Ca m'a atterré. J'ai envoyé un télégramme (bel exercice hélas! disparu) au CRL : «Accepte siège grosse commission. Joie joie pleurs de joie.» Depuis ils m'ont laissé peinard. Je suis ahuri de tout ce que j'écris ce matin! Il est vrai que j'ai pris un bon remède stimulant. J'ai des calmants assez efficaces aussi. J'aurais pas mal de commentaires pour ton journal, mais je commence à fatiguer. Ton ami est du genre pilier de bar? comme bibi autrefois. Ah, je le suis encore, en rêve, je fume, je bois, je me cuite, je m'éveille en tombant. Ce qu'un auteur suisse appelait Mr Crab, progresse à une allure d'enterrement! mais je suis bel et bien fait comme un rat (je me dis que c'est le cas de tout le monde).

AmitiésMichel

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