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BIBLIOGRAPHIE Nod COULET. Alice PLANCHE. Françoise ROBIN. Le roi Reni, "prince, l, mtclne, l'tcrivain, le ",-y/he, Aix-cn - Provence. 1982.246 p_, 72 ilL Les manifestations qui ont marqué le cinquième centenaire du rattachement de la Provence à la France Ont entraîné, Outre la publication de quatre catalogues d'expositions l, la réédition de biographies anciennes concernant ) (' roi René. la publication de divers articles. consacrés le plus souvent à l'histoire de l'art. et la parution de deux biographies nouvelles 2 consacrées au monarque qui régna sur la Provence de 1434 il 1480 L'cruvre coll ective de Noël Coulet, Alice Planche et FrançOis Robin est une excellente monographie qui ne tombe pas. mais pas du tOut. dans une hagiographie pourtant presque de rigueur pour l'avant-dernier des comtes angevins de Provence C'est dans la partie la plus biographique que se perçoit le plus le changement d'optique qui réduit justement la geste du roi René à n'être plus lutte prométhéenne d'un prince art iste contre le Destin mais plus simplement un ( aspect de l'effacement des grandes principautés de l'espace français à la fin du siècle )). Les pages consacrées à la retraite provençale du comte d'Anjou mOntrent combien il est resté un homme du Nord. un franchiman qui sans doute ne parlait pas le provençal. n'aimait pas l'huile d'olive. ni sans doute les Provençaux qu'il n'a guère jugés dignes 1. Lt roi Rtni (J409-J4!?O) d«ora/ion dt StS chaptlltJ tl dtmturtJ, Paris. 1981. 56 p .. il!. par Christian De MERINDOL Lt roi Rtni (il l'()(casion dt la rommimoration du ânquitmt ctnltnairt dt sa morl, /480-/980), p" Elizabeth VERRY. Angers. 1981 .47 p.. ill . U PrOlltnct au ltmpS du roi Rtni, par Gérard GIORDANENGO et Maddeine VILLARD. M"seille. 1981. 72 p. ill. u roi Renr en son temps. 1382-1481. par Jean-Claude BOUVIER. Jean-Louis CHARLET. Denis COUTAGNE. Yves ESQUIEU. Daniêle IANCU. Aix-cn-Provence. 1981. 262 p.. il! . (catalogue commun avec l'exposition du Musée du Vieil -Aix sur la Fê-te Dieu par Noël COULET et d'Avignon sur Francesco Laurana par Elizabeth MOGNETTI et M"i e-Claude LEONELLl). 2. Voir infra le compte rendu du premier numéro de Chroniqut miridionalt. Ajouter Sylvia PRESSOUYRE. Lt chaltau dt Tarascon, Paris. Caisse nationale des monuments historiques. 1982,64 p .. il! . Voir aussi ProVtnCt hisloriqut, t. 31, 1981. p. 63-66; t. 32. 1982. p. 231-234: t. 33. 1983. p. 495-499 : t. 34. 1984. p. 372 - 375. et les .rtides résumés dans les Notts dt IUlurt, nO 3. t. H. 1983. p. 482-492.

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BIBLIOGRAPHIE

Nod COULET. Alice PLANCHE. Françoise ROBIN. Le roi Reni, "prince, l, mtclne, l'tcrivain, le ",-y/he, Aix-cn -Provence. 1982.246 p_, 72 ilL

Les manifestations qui ont marqué le cinquième centenaire du rattachement de la Provence à la France Ont entraîné, Outre la publication de quatre catalogues d'expositions l , la réédition de biographies anciennes concernant )(' roi René. la publication de divers articles. consacrés le plus souvent à l'histoire de l'art. et la parution de deux biographies nouvelles 2 consacrées au monarque qui régna sur la Provence de 1434 il 1480

L'cruvre collective de Noël Coulet, Alice Planche et FrançOis Robin est une excellente monographie qui ne tombe pas. mais pas du tOut. dans une hagiographie pourtant presque de rigueur pour l'avant-dernier des comtes angev ins de Provence C'est dans la partie la plus biographique que se perçoit le plus le changement d'optique qui réduit justement la geste du roi René à n'être plus lutte prométhéenne d'un prince artiste contre le Destin mais plus simplement un ( aspect de l'effacement des grandes principautés de l'espace français à la fin du XV~ siècle )). Les pages consacrées à la retraite provençale du comte d'Anjou mOntrent combien il est resté un homme du Nord. un franchiman qui sans doute ne parlait pas le provençal. n'aimait pas l'huile d'olive. ni sans doute les Provençaux qu'il n'a guère jugés dignes

1. Lt roi Rtni (J409-J4!?O) d«ora/ion dt StS chaptlltJ tl dtmturtJ, Paris. 1981. 56 p .. il!. par Christian De MERINDOL

Lt roi Rtni (il l'()(casion dt la rommimoration du ânquitmt ctnltnairt dt sa morl, /480-/980), p" Elizabeth VERRY. Angers. 1981 .47 p .. ill .

U PrOlltnct au ltmpS du roi Rtni, par Gérard GIORDANENGO et Maddeine VILLARD. M"seille. 1981. 72 p. ill.

u roi Renr en son temps. 1382-1481. par Jean-Claude BOUVIER. Jean-Louis CHARLET. Denis COUTAGNE. Yves ESQUIEU. Daniêle IANCU. Aix-cn-Provence. 1981. 262 p .. il! . (catalogue commun avec l'exposition du Musée du Vieil -Aix sur la Fê-te Dieu par Noël COULET et d'Avignon sur Francesco Laurana par Elizabeth MOGNETTI et M"ie-Claude LEONELLl).

2. Voir infra le compte rendu du premier numéro de Chroniqut miridionalt. Ajouter Sylvia PRESSOUYRE. Lt chaltau dt Tarascon, Paris. Caisse nationale des monuments historiques. 1982,64 p .. il! . Voir aussi ProVtnCt hisloriqut, t . 31, 1981. p. 63-66; t. 32. 1982. p. 231-234: t. 33. 1983. p. 495-499 : t. 34. 1984. p. 372- 375. et les .rtides résumés dans les Notts dt IUlurt, nO 3. t. H. 1983. p. 482-492.

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de figurer dans son entourage direct. Ses sujets provençaux, il ne les a jamais vus que comme les moutons de son élevage de Gardanne : bons à tondre. Rêveur. poète. bucolique. le roi René? C'est en réalité un réaliste cynique pour qui tous les moyens som bons pour alimenter un trésor tOujours vide; à côté d'expédients classiques. comme les taxes indi rectes ou les droits de circulation. la création du juge des crimes a au moins le mérite de l'originalité : faire payer est mieux que condamn~r. surtout si les amendes arrivent directement dans la bourse du roi. Même chose avec les Ju ifs. ils paient très cher une tranquillité qui rapporte plus à René que les persécutions. on les caresse pour mieux les pressurer. Une politique fiscale englobante' explique ainsi un grand nombre des activités du roi de Sicile qui devient berger, non pour taquiner la cornemuse mais parce que le mQuton rapporte gros. Noël Coulet se retrouve donc d'accord avec les thèses de Raoul Busquet qui. dès 1924, dénonçait. sur un ton polémique qui était celui de l'époque et qui s'expliquait par les traditions historiques qu'il tentait de combattre. l'administration du comte de PrQvencr

Du roi ou plutat du prince territorial. car même ce titre traditio nnel ne cache que du vide. il ne reste donc qu'un portrait assez misérable . Mais aussi bien ce ne sont pas ses échecs politiques répétés qui Ont valu à René sa célébrité posthume et encore moins son mauvais gouvernement. mais son mécénat et son œuvre littéraire.

A défaut de politique, il a eu en effet une politique artistique qui appara ît fort éclectique, encore que cette variété des goûts ne doive pas être interprétée avec sévérité. ct" n'est pas obligatoirement la preuve d'un amateurisme brouillon que d'aimer les peintres flamands et les sculpteurs italiens. La qualité de ce qui subsiste. peintures de manuscrit et de chevalet. sculptures. fait regrener de nf rien connaître. ou presque. de l'o rfèvrerit'' et des décors. malgré les découvertes de Fr. Robi n et de Chr. de Mérindol. On est surpris en revanche de constater que l'architecture occupe une si modeste place, René n'a fait que terminer des châteaux commencés par ses prédécesseurs Ct ct' que l'on peut lui attribuer. qui atteste qu'en ce domaine encore un an flamboyant à la dernière mode ne s'oppose pas à la sculpture italienne de la Renaissance. est somme toute peu de choses. Enlumineurs Ct peintres des Flandrt"s, sculpteurs itali ens, il semble qut" la place des Angevins et des Provençaux l soit un peu étroite dans ces pages; on connaît pourtant. grâce à leurs œuvres et surtout à des prix-faits abondants, nombre de peintres ct sculpteurs locaux. certains célèbres. mais je me demande quelle est la place réelle de René dans l'histoire de l'art (.'n Prove nce : quelle influence a pu avoir cer art de cour qui semble refermé sur lui - mème. même si cette apparence est trompeuse (ce n'est pas la question de l'évergétisme qU(' l'on soulève ici mais celui de l'impact sur les autres artistes, étrangers à la cour, mais qui avaient des moyens d 'information assez divers). En bref. quelles som les grandes œuvres réalisées avant le long séjour de René en Provence et commandées par de simples particuliers, communautés ou confréries? Ce n'était pas au reste le propos de Fr. Robin mais la chose mériterait d'être précisée: les peintres d'Avignon ne sont pas là car René les y appelés mais René s'adresse à Avignon car il y a un milieu artistique bien implamé qui s'était passé jusque là des command('s du comte de Provence qui contribue à l'activité mais ne la crée pas 4. POlir la sculpture, en

3. Je croyais que l'on venait il y a peu de démontrer que Nicolas Fro ment n'éta it pas d'Uûs mais des Flandres. Fr. Robin ne discute pas cette nouvelle hypothèse

4. Que doit Quanon aux peintres de René ? JI a rencontré à Aix Barthélemy van Eyck en 1444. voir le numéro spécial des EludtJ lIaudusitnnts consacré au COllrnnnement de la Vierge. nO 24-2L jUÎII .-déc 1980 - janv.-juÎn 1981.

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revanche, l'appel à Laurana semble bien avoir été décÎsif et donc à mettre à l'actif de René.

Quant aux écrits du roi René, ces jeux de symboles et d'apparences. c'est une­littérature à bout de souffle où la sincérité. si tant est qu'il y en ait. est noyée sous les lieux communs et les allégories contournées, et c'est pour le lecteur qu'est le mortifiement. Qu'clle soit de première importance pour comprendre l'homme. son milieu et son temps n'enlève rien à son insipidité (déjà L. Febvre avait dû subir «( l'ennui de lire tant de laborieuses prosodies » pour rédiger son Rabelais).

Seule l'extraordinaire illustration des manuscrits. que l'on n'accorde plus au roi René lui-même. sauve ces écrits et l'on en revient toujours là : c'est le goût de l'art. et non le mécénat. car le mot ne me semble pas convenir à cette jouissance tatillonne d'amateur égoïste. qui a fait du roi de Sicile le bon roi René dont le dernier chapitre retrace la destinée exemplaire. On a là un excellent modèle de glissement des compétences: de l'art à la politique. de la politique à l'art ... Un bon livre pour un héros des plus médiocres.

Gérard GIORDANENGO.

Chronique méridionale. Arts du Ml?yen age el de la RenaISsance. Numéro 1. 1981. Avignon. Centre international de documentation et de recherche du Petit Palais d'Avignon (paru fin 1982),49 p., ill.

Les revues françaises d'histoire de l'art ne SOnt pas si nombreuses pour que l'on ne se réjouisse pas grandement de voir paraître une nouvelle publication lancée par le jeune centre de docum~ntation du Petit Palais sous la direction de Marie-Claude Léonelli. dont le titre sous une résonnance stendhalienne. dévoile des ambitions géographiques assez larges : l'Europe méridionale des Xlye_xve s. Les huit contributions de ce premier fascicule apportent sur la peinture et la sculpture (cette oubliée des historiens d'art) du xye s. (anniversaire du roi René oblige) des informations de premier plan. Charles Sterling et Elizabeth Mognetti rendent à deux artistes bien connus une œuvre nouvelle. jusque-là anonyme : deux miniatures rajoutées au livre d'heures du maréchal Boucicaut à Pierre Villate. peintre avignonnais bien documenté mais à qui l'on ne pouvait attribuer aucune œuvre conservée. une représentation en marbre de sainte Anne et la Vierge. datée de 1476. restituée à Francesco Laurana. Réservé peut-être avec trop de scrupule. sur l'attribution à Audinet Estienne (Stéphani doit être abandonné), Bruno Ely rend à la chapelle de Jean Martin (des Martins est absolument à proscrire) la donatrice anonyme du Musée de Cluny qui est la femme. dont le nom doit encore être élucidé. du chancelier du roi René. Deux des œuvres majeures de la peinture provençale font l'objet des remarques de Dominique Thébaut qui ne suit pas B.-H. Meyer quand elle propose d'enlever à J'Annonciation d'Aix les volets représentant deux prophètes. Jérémie et Isaïe, pour des raisons de dimension et de la découverte d'Hervé Aliquot qui. portant un regard neuf sur un panneau pourtant scruté à la loupe par les critiques. reconnaît. dans les représentations de Jérusalem et Rome du retable du couronnement de la Vierge d'Enguerrand Quarton une vue idéalisée mais fidèle de Villeneuve-lès-Avignon. Orto Pacht revient sur les énigmatiques masques de

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femme attribués à Francesco Laurana et les rapproche de la dévotion du roi René pour la Madeleine (de son côté Christian de Mérindol est arrivé par d'autres voies à une solution voisine) et suppose qu'ils ont pu être des sortes d'ex-votü de luxe

Ce qui satisfait, dans ce petit fascicule (49 p.), c'est l'importance des découvertes, preuve que l'on peut renouveler certains sujets en peu de pages. ce qui est à méditer au coût actuel de l'édition d'art; si l'on dépasse ces considérations matérialistes on est frappé du petit milieu que constituent clientèle et artistes: on a vite dénombré mécènes. peintres et sculpteurs. les premiers appartenant pour la plupart à une noblesse récente formée au service du prince. Puissent les fascicules suivants nous apporter de l'aussi neuf.

Gérard GIORDANENGO

John H. PRYOR. Business contrats of medieva/ Provence. Se/ected" notulae "[rom th, carlu/ary of Giraud Ama/ricofMarstilles. /248. Toronto, Pontifical institute of medieval studies. 1981. in_8°. XlV-lI 1 p. (Studies and texlS, 54)

Depuis leur édition en 1885 par Louis Blancard 1 les 11olu/m du notaire marseillais Géraud Almaric som célèbres dans le monde des historiens du droit (il s'agit du plus ancien registre de notaire conservé en France) et de l'économie, encore qu'elles n'aient été exploitées qu'un demi-siècle après leur publication par E. Sayous. Ayant lui-même étudié en détaille registre de Géraud Amalric dès 1974 2, J. Pryor a estimé à juste titre que la publication d'un choix de quelques actes de (OUH'S les catégories d'actes du registre, accompagnés d'un commentaire historique ct juridique. serait une excellente inititiation à l'histoire économique et sociale du Moyen Age à travers les documents notariés. C'est cette conception pédagogique qui explique certains développements.

L'édition est précédée d'une copieuse et dense introduction consacrée à l'histoire des contrats, à la pratique et à la diplomatie notariale, aux principes de la présente édition et à une remarquable synthèse sur l'histoire politique sociale et économique de la cité phocéenne au XIW siècle. Un index détaillé d<.'s termes techniques et juridiques (p. 249-280) fait de cette publication un instrument de travail commode pour toute recherche sur de.<: documents de même nature à l'époque médiévale.

Des 1.031 actes transcrits dans les 151 feuillets du registre tenu par le notaire marseillais de mars à juillet 1248, cent-quatre ont été retenus, regroupés en trente­quatre chapitres (un par type d'acte représenté dans le registre) précédés d'une notice dégageant les caractéristiques juridiques et économiques des documents et

1. Il n'était cependant pas utile d'acc<l:bler l'archiviste des Bouchc~-du-Rhône: depuis un ~iècle les méthodes d'érudition ont évolué et ce qui était considéré comme ~ati~faisant en 1885 ne l'est plus. Il faut avoir « ~éché JI sur les pattes de mouche de Géraud Am<l:lric pour comprendre tout l'apport de Louis Blancard dont le travail présent e~t largement tributaire

2. Voir Provinu bis/oriqut , t. 29.1979. p. 101-102 et (( Mediterranean commerce in the middle ages: a voyage under contract of commenda >J. dans Vialor. MtditvaJ and rtnaisSanctSludits, t. 14, 1983. p. 133-194.

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fournissant une bibliographie et un renvoi aux sources essentielles du Corpus juris civilis et des formulaires de Rolandus Passagieri (v. 1255) et de Sala/hiel, (v 1242-1254); j'aurais plutôt choisi les formulaires italiens antérieurs: PSfudo­

Ir"trius, Rainier de Pérouse, Martinas de Fano et cherché du côté des œuvres doctrinales intermédiaires entre les compilations de Justinien et les formulaires. en particulier la somme d'Azon dont on connaît le prodigieux succès. Qudqu('s vérifications dans le formulaire inédit du notaire avignonnais Bertrand du Pont (mais l'auteur ne l'a pas connu) auraient été utiles

Sous sa forme condensée, cette édition soignée permet de constater combien les actes de Géraud Amalric sont juridiquement bien rédigés (ceci est très net à partir des corrections, repentirs et ajouts): le notaire marseillais n'est pas un tabellion ignorant armé d'un formulaire qu'il recopie sans bien le comprendre, comme le sera un siècle plus tard son confrère rural, mais un savant formé à l'Ars no/ariae qui, s'il utilise un formulaire (de ce point de vue la recherche devrait être approfondie) le maîtrise parfaitement. On a l'impression, en lisant ce choix de textes. d'avoir sous les yeux un recueil de formules tant les documents sont précis, élégants, ramassés. Le choix de l'ordre alphabétique pour la présentation des catégories d'actes est plus discutable (un a prothétique malencontreux fait passer le comoda/um à accomoda/um ; l'emphitiost est classée à son nom local. accap/um et la (onftssio dominii a été classée à son appellation anglaise ... ); n'aurait-on pas dû classer en contrats familiaux (dot, testament). agraires (accapte). commerciaux?

Une découverte importante. sans rapport étroit avec l'objet du volume. ne saurait passer inaperçue: évocant les 5/a/u/s de marseille J. Pryor établit qu'une partie de ses articles ont été empruntés au fameux Com/i/u/um usus de Pise l, d'un siècle antérieur, ce qui fait mesurer notre ignorance sur ce monument législatif malgré l'excellente édition qu'en a procuré Régine Pérnoud en 1949 et confirme que l'influence juridique d'Outre-Monts ne se fait pas seulement par le canal des droits savants, que Marseille et la Provence SOnt un carrefour d'influences mais que leur rôle propre est encore à définir et à évaluer

Gérard GIORDANENGO.

Is/am e/ Chri/iem du Midj(XIl~-XIve s. ). Cahiers de Fanjeaux. 18, Toulouse, Privat, 1983,435 p., index

Sauf pendant une courte période de son histoire médiévale - l'occupation momentanée de Narbonne par les Musulmans au VIW siècle - le Sud de la France contrairement à J'Espagne, n'a jamais été directement soumis à l'Islam. Pourtant, à la suite d'un certain nombre de développements politiques et économiques, les contacts matériels et spirituels entre le Midi et les Musulmans se multiplièrent au point que pendant les XII~ et les XIII~ siècles la région joua un rôle non-négligeable dans la diffusion de la connaissance de l'Islam en Europe. Les dimensions spirituelles que

3. Voir en dernier lieu Peter KLASSEN. (( Kodification im J2. Jahrunder : Die Constituta usus et legis von Pisa Il, dans Recht und 5chrift im Mille/alter, Sigmaringen, J977. p. 311-317.

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prirent ces rapports avec les Musulmans ont justifié l'organisation d'un colloque sur ct' thème dans le cadre des Cahiers de Fanjeaux, consacrés à l'histoire religieuse du Languedoc dans le but d'interroger et de préciser leur nature. Pour feu Ch.-E. Dufourcq. éminent spécialiste du sujet, qui aurait dû animer le colloque. il y avait également autre chose. Le Midi constituait pour lui« l'arrière-pays n, le second plan de la vraie froncière avec l'Islam qui était l'Espagne de la Reconquista qu'il étudiait Dans ses rapports il a cherché à retrOuver les causes et les effets des évént'mems qui s'y som déroulés

La conception du colloque avait exclu de la discussion. par définition. les grands facteurs de la diffusion de la connaissance de l'Islam. c'est-à-dire le commerce méditerranéen et les Croisades. Aussi les participants ont-ils été appelé à faire un effort considérable pour recueillir de rares documents et des données dispersées. sans traiter directement ces deux important éléments de l'histoire des XIW et XJV<' siècles. Il est pourtant évident qu'ils sont restés constamment présents. étant donné que les rapports évoqués étaÎent touS liés directement à l'un ou à l'autre

Guidés par ces critères, les contributions ont été groupées en trois sections dont voici brièvement le contenu. Dans la première. intitulée rapports de violence et de co-existence. est analysée par ordre chronologique d'une part l'histoire de la présence des Musulmans en Languedoc et de l'autre celle des Méridionaux en terre d'Islam Les deux premières communications. celles de Ph. Wolff et de Ph. Senac. rassemblant et clarifiant les renseignements existants sur la présence et l'héritage musulmans au VIlle siècle. principalement pour Narbonne. Pour sa part. le père Jomier. se basant sur l'identification à Montpellier de quatre stèles funéraires arabes dacant des XIe et XW siècles. propose d'admettre l'existence d'une communauté de commerçants musulmans dans cette ville à l'époque mentionnée. existence qui n'est pourtant pas signalée par les textes. Du côté musulman de la Méditerranée. J Richard décrit et analyse la prise du comté de Tripoli par la maison Saint-Gilles de Toulouse. et Y. Dossat traÎte la nomination de Guillaume II. évêque d'Agen, comme patriarche de Jérusalem à la fin de 1262. et ses manœuvres en vue d'assurer un secours en hommes et en argent à la défense des derniers bastions chrétiens. Du côté espagnol. la communication de P. Guichard met en lumière le phénomène de la participation peu importante des Français du Midi à la Reconquista de Valence L'auteur conclut qu'une fois passé le milieu du XW siècle. l'esprit de croisade ne survit qu'affaibli dans le Midi. et que ces même Méridionaux. qui au siècle précédent venaient peupler l'Espagne. ne s'intéressent plus à cette région. c'est ainsi que la campagne de Valence devient une affaire purement nationale.

Dans la deuxième section. intitulée l'impact sur la société. sont présentés les divers mécanismes de contacts entre chrétiens et musulmans. mécanismes tous propres à l'état de guerre qui existait entre les deux communautés. G. CipoUone étudie dans sa contribution l'organisation du rachat des captifs par l'ordre des Trinitaires. ordre fondé dans les dernières années du XIl<' siècle par le provençal Jean de Matha. La contribution de D. Le Blevec analyse le caractère commercial et pratique que prirent ces rachats de captifs effectués par les commerçants chrétiens. caractère qui se reflète dans les registres des archives de Marseille qu'il a exploités. Le rôle de l'Eglise dans le développement de ces rapports ne manque pas d'être signalé par plusieurs auteurs. H. Gilles rappelle la législation canonique et la doctrine de l'Eglise envers les Sarrasins. mais c'est surtout l'ampleur du commerce avec eux qui a toujours constitué un sujet de friction entre les marchands et les autorités

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ecclésiastiques. J. Trenchs Qdena décrit les mesures prises par l'Eglise." contre les activités des marchands d'Aragon. du Midi et d'Italie. surnommés « Alexandrini )l.

à l'aide dC's renseignements glanés dans les manuels de coUectoÎrC's; Ces détails permettent de dresser un tableau complet des amendes payées pa r les marchands. des procédés de pa iements et de la marchandise concernée. Ch. V crlinden dfcrÎt le commerce ct les conditions de vic des esclaves musulmans dans le Midi, lui aussi .i part ir des registres des notaires de Provence. Il conclut que ces esclaves. amenés d'Espagne, de 8erbérie et de Russie du Sud. n'obtenaient pas leur liberté une fois converti au Catholicisme, mais que certaines villes. Toulouse par exemple. offra ient as ile aux fugitifs en refusant de les rendre à leurs maîtres

Les commun ications groupées dans la troisième section, les relations intellectuelles et religieuses , traitent des œuvres polémiques rédigées par Pierre Alphonse, Alain de Lille, Raymond Martin et Raymo nd Lulle . L'étude de ces textes démontre , par l'important degré de connaissance du Qor'an, du Hadith et de quelques philosophes, la facilité de l'accès à la littératu re religieuse musulmane propre à cene époque. Ce qui est frappant chez ces auteurs est que. malgré le fait qu'i ls séjournèrent, étudièrent et enseignèrent dans le studium de Montpellier. leur attitude envers l'Islam est caractérisée par une méfiance et un mépris profonds qui sont propres à l'expérience historique espagnole. Leur dés ir de connaître l'Islam n'était pas motivé par la volonté de connaît re un monde intellectuellement supérieur au leur. mais par l'espoir d'une conversion massive des M usulmans . Ils confirment par leurs écrits les données historiques présentés dans les sections précédentes. à savoir que la coexistence religieuse entre chrétienté et islam n'était pas admissib le. Seule la commun ication de Ph. Wolff suggère pour l'avenir une recherche des éléments moins conflictuels. non traités dans ce colloque, tels l'influence de la poésie arabe sur les troubadours ou celle de' la Kabbale sur }e développement du Catharisme.

Ce volume. tra itant un large éventail de manifestations. de rapports et de contacts constitue donc un ensemble cohàent de thèmes et de sujets. Son importance nt réside pas seulement dans son contenu de recherche orig inale et les éclaircissement qu'i l apporte su r le sujet. mais également dans la richesse de la bibliographie qui accompagne les communications. l'édition des textes qui y sont présentés. la documentation et l'index. qui. réu nis. fo nt de ce volume un outil indispensable et un bon point de départ pour l'étude de cet important sujet.

Maya SHATZM ILLER.

Jean-Paul CLEBERT. MiS/ra/ ou l'Empirr du Soleil. Paris. 1983. 397 p.

Dans la carrière des lettres. comme on aurait dit jadis. M . Jean-Paul C lébert ne saurait passer pour un débutant . Il a publié des romans, des romans historiques. d es essais', une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Provence et l'un sur l'affaire Jean Mistral sous le titre: L'Amour, l'Argenl II la Fo/il. Il s'attaque maintenant à Frédéric Mistral : Frédéric Mis/rai ou l'Empirl du So/til. Ce citre. rappelle-c- il . (( est celui d'un discours prononcé par Mistral en 1882 . Il a d'abord écé utilisé par Arthur Meyer (L'Empiri dou Sou/iu) dans un article du Gau/oil du 18 août 188l. Il a été

'" plusieurs fois repris. en particulier par Armand Praviel. 1. 'Fmpire du soleil, NOllvelle Librairie Nationale. 1909. tandis qu'Albert Thibaudet int itulait sa ma~i stra l c:" étude.> Mis/ra' ou 'a Ripub/iqu, du So',iI. 1930»

L'enSt'mhle fournir;l une hiographie complète, traité-e d,· manière évènemen­tid ll'. I.e premier volume. celui qui nous est proposé. c'est la jnLncss(' de Mistral Mistral s(' dêco\lVfe et nous le découvrons. 1\ va dt' soi que M. Jean-Paul C\i,h('n;1 h1rgcment utilisé l.es MnnoireJ e/ RêcifS. Ct certains It" lui ont âprement reproché Pouvait-i l faire autrement? Et s'i l ne 1';lvaÎt pas fait. quclles justcs critiqucs lui ;wraient été adressées! C'est cHI fur et ;'1 mesure que la vie de Mistral s'enrichira en n:l1vrt'S et en succès quc M. Jean-Paul Clébt'rt pourra. nOlis l'espéron:-•. ;tpporter de:-> dément:; nouveaux . Pour notre part, nou:; regretter ions davantagt' que l'auteur fa:->:->t' p;trln :->cs pnsonnaf?e:->, ce qlli bisse toujours une impres:;ion d'histoire romancét'. Au moins nt' pourra-t-on dénier;1 M. Jean-Paul Clébert le don de vie et l'ap;rém('nt du :->ty le. Cenaines pap;es.les épreuvt's du haccl laurèat ;'1 NiOles. l'a:;cension du Ventoux :->nnt charmantes dt, nawrd

Dt' memt' l'auteur dit bien la manièrt' de miracle que fllt la composition de A1irt'ilh, dont rout appartient au poete. mème le nom.Son hèroïnt" « et' :;na Mireille. Mireio. Pan:e qUl' nulle fillette n'a jdmais porté ce nom ... Il est pur. il n'a jamais snvi II hli appartient. ;1 lui. rom ent itr: En b haptisant ainsi. il donnt' vie ;', un être diffàt'Ot dt's ;Ilttre:->. Flle est sa créatuf{'."

On ne saurait trop feconnaitfe pourtant comhien il t'St difficile. sinon impos:;ibk de ft'traCl'f de manière t'xhaliMive 1(,:; premiers pa:-> d'un poêtt·. ,.t't'nrt'p;istrn It's imap;es que le poete a retenue:;. le:; paysap;es qll'i! a fixés. les ètn's qui I\)nt rmu . Meme les écrivains qui ont ('voqué leur enf;mce ct !e-ur "dolt'scenet' avec!t­plus de wmplaisanc('. Marcel Proust, Juli('n Green. nt' disent pas tom dt, n 's prl'mièn's ann('{·s. Il f"ur tenir compte d'un trichnie inséparahle de l'écriwre. El quoi dt' plus tromptur qllt' ks sOllvt'nirs ~ Pe-l\t-etre J'ollvrap;e de M . .ft'an-Paul Clében nt' bit-il pas suffisamment sentir ce- silence de la création. ce mystèn' de la maturation. <'T que. dam le Lis de Mistral. Barrès aurait appelé un m~'stère ('n pleine lumière. M:,i.~ wmment faire .~cnt ir ce silence. « édifice de l'âme >J. ;IU p:rys des fifres et dl'~ umhourins?

Pime GUIRAI.

Fran(oî~-X;I\'i('f EMMANUELLI. L '1"lflldallCf dt' PrOl'fIICf /1/a fi" dll SVII' .iie(h, édition critique de$ Mémoires (( pour l'instruction du dllC dt' Bour,!l.o,!l.nt' H.

Pari~, Bibliothêque Nationale, 1980, 416 P

On dit lOujour.<; beaucour de mal des mémoires des intendants pour l'instruction du duc de Bourp;o,!l.ne. On ne peut pourtant faire- comme s'il$ n 'existaient pa$ : on \es uti li se et on le$ cite. Cela justifie \'entf{'prise de Louis T renard : les rublier a\'ec une introduction et des notes qui permt'ttent sur chaqm' point d'en me$UfCf le$ incertitudes et la portée. Chaque volume devient ainsi \'Occl<;Îon de faire le point $llf l'imap;e qut' l'on reut aujourd'hllÎ se faire de tdle ou telle rrovince il la charniêre des XVIIt' et XVIII ~' siècles.

Nul n'était plus qualifié que F.X , Emmanuelli pour pllblier l'enquète de l'intendance- dt, Pro\'ence. On connaît la belle thèse qu'i l lui a consacrée voici dix

ans POli voir ro.val et trit règionale et! Provt'na ail dèclil1 de la monarchie (1974). " y <1

étudié de l'intérieur l'action de l'intendant La Tour. lira montré à l'n:"uvr(' dans (('tt('

province. dont Cardin Lebret, un de ses prédécesseurs. ;lvait d ..... adresser il la cour)(' tableau p:énéral qu'on lui avait demandé une dizaine d'années après son arrivéc. Fort curieusement, dans le cas présent, la réponse avait été double, l'une ayant été rédiRét' par le propre fils de l'intendant, J'autre par ( un homme de ('onfiance Il au fait de~ réalités provençales sans appartenir à l'administration royale (p. 14). L'édition critique procurée par F.X. Emmanuelli met donc judicieusement à la portée du public les deux versions de l'enquète

L'auceUf e-xamine dans son introduction l'ordre de leur composition et conclut, contrairement au classement traditionnel. il. l'antériorité du manuscrit fi sur k manuscrit A, c'cst-à-dire de l'enquéte du fils sur celle de l'homme de confiance. La démonstration, un peu sinueuse, parait d'abord. hésitante. Mais l'éditeur date ensuite fermement ses deux textes de 1698 et de 1700. Il imprime successivement le « mémoire de 1700 )), puis celui de 1698. Peut-être aurait-il mieux valu respecter l'ordre- chronolo~ique. A la découvrir d'emblée, on aurait encore mieux saisi rori~inalité de la version, rapide- et systématique-, du tout jeune fils de- Cardin Lebret. On aurait mieux senti la hâte de la rédaction du second mémoire. {( itinéraire touristique pour bigot politique entiché de noblesse)) (p. 15)

De la seconde version, F.X. Emmanuelli a retrouvé les sources livresques, qui l'empêchent d'être une véritable enquête: Chorographie de H. Bouche (1664), Etat de la Provence de Robert de Briançon (1693). Dans une note publiée- depuis. il y ajoute l'Abrégé de l'histoire de Provence de P. Louvet (1676). Quand on sait le caractère répétitif de ces sortes d'ouvrages, on est en droit de douter de l'actualité du tableau de la Provence présenté au dauphin. Nous avons eu nous-même l'occasion de montrer que certaines pages de l'enquête ne faisaient, sur le climat ou sur le caractère provençal. que recopier textuellement des passages d'un géographe du XVIt" si~de. qui n'était probablement pas lui-même original. Ainsi se forgent les stéréotypes. Ils ne sont pourtant pas néglige-ables, car à force d'être répétés. ils finissent par jouer le rôle de modèles et quelquefois par devenir vrais

I( La Provence à la fin du XVII t siècle )) titre F.X. Emmanudli avant d'étudier la population, l'économie, les pôles de domination, dont l'Eglise. puis )'e-space provençaL C'est en effet à une exce-llente mise au point de- toutes ces questions essentielles qu'il procède dans la seconde partie de son introduction. comparant les deux mémoires qu'il édite aux études les plus sérÎe-uses et les plus récentes, notamment, pour l'économie, à celles de R. Baehre! et de Ch. Carriëre Curieusement. de ce-s mémoire-s bâclés et peu fidèle-s. se dégagent en ce domaine deux conclusions qui s'accordent avec ces savants travaux: sous l'influence de Marseille. l'horizon provençal de la fin du siêcle est méditerranéen et maritime. le caractère particulier des cycles de croissance provençaux

En marge des documents qu'il présente. F.X. Emmanuelli est conduit à reprendre ce qu'il avait eu l'occasion de démontrer ailleurs sur les rapports du pouvoir central et de l'administration locale-. Deux idées s'y trouvent confirmées: ( Les mémoires de Louis XIV se résument au couple ordre-exécution ). Mais les directives sont essemÎelle-ment d'ordre militaire- et fiscal : (( Gouverner. c'est mobiliser et au besoin dévdopper les capacités démographique-s. économiques et financières du royaume ») (p. 46). La spécificité et l'originalité de la Provence est

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ignorée plutôt que niée : I{ Il n'est apparemment pas question de faire prendre conscience au dauphin qu'il regnera sur unC' mosaïque de peuples et de nations )) , C'est la Révolution francaise. non la monarchie. qui a pris conscience de cette mosaïque et a décidé de l'unifier

Grâce il. cette introduction imelli~ente. méthodique et savante, grâce aussi aux excellentes notes qui donnent les éclaircissements nécessaires à la bonne compréhension d'un texte dont elles rappellent éventue llement les sources, les Mémoirts concernant la Provence sont devenus l'indispensable instrument de travail qu'il .. auraient pu êt re dès l'origine si on avait mis â les établir le soin qUt' F.X Emmanuelli a mis â en faire J'édition critique. Mais on n'avait pas en ce temps- là la même conception exiReantc du savoir. C'est aussi une des conclusions à tirer de la lecture de ce he! ollvraRC'

Ro~cr OUCHENE