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d'excusa': puisqu'ri faut le nommer. l'appeler par son nom, dire le mot. Ex. litt.: J'al le sentiment de dénver en haute mer, sans sextant, sans boussole et sans vivres! J'allais dire: sans radeau, tellement me semble fragife l'hypothèse à laquelle je me cramponne H. AOUIN, Trou de mémoire. p. 139. Une demi-prétérition peut encore dénuder un euphémisme'. Ex,: "la Morgue (un endroit peu engageant pour ne pas dire extrêmement lugubre. surtout la nuit)" (J OYCE, Ulysse. p. 537). La vraie prétérition est pseudo-simulation'. Elle ne cache que pour mieux montrer. C'est surtout utile dans les discussions. mais cela peut aussi venir de la difficulté de dire. "Charme de l'amour, qui pourrait vous peindre!" (CONSTANT, Adolphe). Allais tente de ridiculiser la prètérition en la dénudant: Le secret protessioanet m 'interdit de faire cooneître mon client aussi ne le désignerai-je pas dans cette lettre. Toutefois, ne désirant pas passer pour un blagueur, j'observerai simplement que ledit malade est un nommé A. L.. .. marchand épicierà Saint- H... par S... (Hautes-Alpes). auprès duquel on peut se renseigner. (Tous les noms propres contenus dans cette parenthèse sont en toutes lettres. L'edministretion du Sourire a jugé que de simples irutietes suffisaient amplement.) A. ALLAIS, la Barbe et autres contes. p. 109. Rem, 2 Un autre type de prétérition consiste à feindre de ne pas vouloir faire ce que l'on fait néanmoins... Ex,: Ce n'est pas pour vous décourager, mais... (ou: ennuyer. détromper, etc.). Loc,: se faire l'avocat du diable. Oue ces déclarations d'intention soient faites de bonne foi ou qu'au contraire ri s'agisse de litotes' ne change pas grand-chose à leur effet. Ex,: PREMltRE EUMÉNIDE -Je n 'ai aucune arrière-pensée. Je ne veux pas t'influencer... M81s si une épée comme celle-là tuait ta soeur, nous serions bien tranquillesl GIRAUDOUX, Électre, p. 86. V. aussi à eposiopèse. rem. 2. Rem, 3 Le procédé inverse. dire qu'on l'a déjà dit et le redire, pourrait être appelé contre-prétérition. Ex.: "Mais je me rappelle, je crOIS, t'avoir déjà fait cette description; je t'al parlé de cette haute muraille de hêtres qUI finissent par vous enfermer. de cette allée tetc.)" (GOETHE. les Souffrances du jeune vvertber. p. 83). Rem. 4 La prétèrition peut se rapprocher de la dubitation '. Ex.: 'Oserar-je parler de la Chronologie ..... Oserai-je troubler votre jeune notion de la causalité ..... Vals-je vous dire que 18 sotte des millésimes (etc.)" (VALÉRY. O; t. 1, p. 1 131). V. aussi à transition. 360

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d'excusa': puisqu'ri faut le nommer. l'appeler par son nom, direle mot.

Ex. litt.: J'al le sentiment de dénver en haute mer, sans sextant,sans boussole et sans vivres! J'allais dire: sans radeau, tellementme semble fragife l'hypothèse à laquelle je me cramponneH. AOUIN, Trou de mémoire. p. 139.

Une demi-prétérition peut encore dénuder un euphém isme'.

Ex,: "la Morgue (un endroit peu engageant pour ne pas direextrêmement lugubre. surtout la nuit)" (J OYCE, Ulysse. p. 537).La vraie prétérition est pseudo-simulation'. Elle ne cache quepour mieux montrer. C'est surtout utile dans les discussions.mais cela peut aussi venir de la difficulté de dire. "Charme del'amour, qui pourrait vous peindre!" (CONSTANT, Adolphe).

Allais tente de ridiculiser la prètérition en la dénudant:Le secret protessioanet m 'interdit de faire cooneître mon clientaussi ne le désignerai-je pas dans cette lettre. Toutefois, nedésirant paspasser pour un blagueur, j'observerai simplementque ledit malade est un nommé A. L.. .. marchand épicierà Saint­H... par S... (Hautes-Alpes). auprès duquel on peut serenseigner. (Tous les noms propres contenus dans cetteparenthèse sont en toutes lettres. L 'edministretion du Sourire ajugé que de simples irutietes suffisaient amplement.)A. ALLAIS, la Barbe et autres contes. p. 109.

Rem, 2 Un autre type de prétérition consiste à feindre de ne pasvouloir faire ce que l'on fait néanmoins... Ex,: Ce n'est pas pourvous décourager, mais... (ou: ennuyer. détromper, etc.). Loc,: sefaire l'avocat du diable. Oue ces déclarations d'intention soientfaites de bonne foi ou qu'au contraire ri s'agisse de litotes' nechange pas grand-chose à leur effet.

Ex,:PREMltRE EUMÉNIDE -Je n 'ai aucune arrière-pensée. Jene veux pas t'influencer... M81s si une épée comme celle-là tuaitta soeur, nous serions bien tranquilleslGIRAUDOUX, Électre, p. 86. V. aussi à eposiopèse. rem. 2.

Rem, 3 Le procédé inverse. dire qu'on l'a déjà dit et le redire,pourrait être appelé contre-prétérition.

Ex.: "Mais je me rappelle, je crOIS, t'avoir déjà fait cettedescription; je t'al parlé de cette haute muraille de hêtres qUI

finissent par vous enfermer. de cette allée tetc.)" (GOETHE. lesSouffrances du jeune vvertber. p. 83).

Rem. 4 La prétèrition peut se rapprocher de la dubitation '. Ex.:'Oserar-je parler de la Chronologie ..... Oserai-je troubler votrejeune notion de la causalité ..... Vals-je vous dire que 18 sotte desmillésimes (etc.)" (VALÉRY. O; t. 1, p. 1 131). V. aussi àtransition.

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PRÉTEXTE Argument' Irréfutabl e e t qui n 'a qu 'undéfaut , difficile à dén oncer en face , qu i est d 'êt re faux ounon pe rt inent à la quest io n en l it ige.

Ex.: un parti q UI prétend être apo litique. V. à sbstrection,rem . 6 . Ex. litt .: NOue suis-je e t q ue puis-je fa ire sans lesautres? En arrivant. j' éte is dans leurs ma ins, en m 'enallant. j e se rai da ns leurs mains" (proverbe Bambara). Cen'est pas la dépendance des débuts et de la fin, mais celle del'âge mûr. que vise le proverbe . Pour mieux prouve r, Il déplacela quest ion. V. aussi à concession, rem . 3 .

Syn, Pareurêsis.

Rem. 1 Dans les devi nettes, le Jeu ' de mots est une raisonpér emptoire, un préte xte . Ex.:- Quel est l 'emmet qui s 'attachele p lus à l'homme? - La sangsue.

PRIÈRE Texte, perso nnel o u o ff icia l isé par une soc ié térel ig ieuse , a u m oyen duquel le locuteu r se met enprésence d 'un ê t re transcendant ou im ma n e nt (pluspu issant ou plus profond) .

Ex.: Ô monde que j e ne senta is plus q u 'à p eine et fuyanttu reparais à nouveau, je illisse nt! Et m oi auss itôt tel unmfirme désemparé, suis renversé en Ta présence.MICHAUX, Passages, p. 98

Analogues Oraison, méditation (réflexi ons et non adorat ion; V.ex, à exhortat ion). patenôtre (péj.: pri ère marmonnée), oremus(péj .: prière latine orale).

Rem. 1 La pr ière débute par une mvocetton, avec la forme d'uneapostroph e' et une fonct ion "de con tact " (V. à énonciation). Ex.:au début despsaum es. on Irt : Yahvé! / Seiçn eur / Dieu de malouange / 0 Dieu! C'est devenu un e locut ion co urantedépourvue de son sens' , presque une int erjec tion ' : Mon Dieuqu'JI est changé!

Ensuit e. on peut trouver une des nombreuses fo rmes dedem ande (V . à suppticetion, re m . l . à exorcisme). unebénédiction (V. à céléb retiorû. une maléd ict ion (V. à souhait). dud ialog ue' , Ex.: (après le passage d'un aumônier qui lui a fait réciterun acte de charité , le malade se reprend) "Comme nt savoir qu 'onaime! Est-ce que j e vous eime? dem ende- t-il à Dieu. " (G. ROY,Alexandre Chenevert . p. 321).

La prote stat ion n'est pas exclue, comme on voit dans Job etchez Hugo: Considérez qu 'on doute, Ô mon Dieu! quand onsouffre, Que t 'oe it qUI pleure trop fmit par s 'aveuglerÀ vüieauïer. dans les Contemplat ions.

la prière a une marque de sa fin (V. à chute, rem . 2):Amen.

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Rem.2 L'être, quel qu'il salt auquel on s'adresse par les figuresdites religieuses n'a besoin d'être défini, pour leur identificationque d'une façon très large: quelque chose ou quelqu'un de pluspuissant que le locuteur, c'est-à-dire de plus capable que lui deréaliser ses propres desseins, en lUI. en autrui ou dans le monde.La transcendance de cet être. que nous appellerons lePuissant. paraît notamment dans les demandes de victoires surl'ennemi. de catastrophes à détourner, etc. Son immanence(puissance Intime) paraît dans les demandes d'action intérieure.

Ex.: Rivière au coeurJamaisdétruit dans ce monde fou de prison.Garde-nous violent et ami des abel/les de l'horironR. CHAR, la Sorgue.

Rem. 3 Selon J. Ladrrère (la Pertormetivité du langageliturgique. dans Concilium. 82, p. 58 et sv.). le langageliturgique, spécialement le langage chrétien, est performatif àtrois points de vue. 1 Il "éveille une certaine dispositionaffective N par des attitudes de "confiance, vénération gratitude,soumission, contrition. etc." et des mots comme "Seiqneur"."Père". 2 Il crée une communauté des locuteurs, qui disentensemble "nous", et en participant au repas liturgique,deviennent "membres du corps du Christ", communautémystérieuse plus vaste. 3 Par la reprise de paroles historiques,par la proclamation de "accomplissement en choeur dumystère, par la réeffectuation sacramentelle du repas, il y a"présentitics tion " d'une temporalité particulière,eschatologique.

PROLEPSE Prévenir les objections en se les faisant àsoi-même et en les détruisant d'avance. LITTRÉ.Ex.: On dira que les médiums ne sont visités que par lesesprits inférieurs, incapables de s'arracher aux soucisterrestres ..... mais ne pourraient-ils tout au moins nousapprendre où ils se trouvent, ce qu'ils éprouvent cequ'ils font?MAETERLINCK, la Mort, p. 96.Autre ex.: PROTÉE. - Vous me direz: à quoi sert cet appendicecaudal? Mets c'est purement décoretitlCLAUDEL, Théâtre, t 2, p. 413.

Mêmedéf. Fontanier (p. 410), Lausberg, Marier (sens 2), Robert.

Syn. Réfutation' anticipée: prévention (Scaliger: Bary, t. 1. p.426); anticipation (Littré, Ouillet. Marouzeau, Lausberg,Robert); occupation (Girard, p. 287; Fontanier, Littré, Ouillet);entéoccupetion (Fontanier: Littré: Arnar, p. 101): préoccupation(Fontanier).

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Autres déf. - Anticipation' aux divers sens du terme (Littré etMarouzeau). - Sens prégnant (Marouzeau et Marier); (V. à sens5) - Dislocation'

Rem. 1 il ya deux parties dans la prolepse. Dans la première, onfait parler l'adversaire. en insérant "direz-vous" dans l'énoncéde l'objection. C'est pour Lamy (cf. Le Hir. p. 136) la prolepseproprement dite. Dans la seconde, on réfute. Pour Lamy, c'estl'upobole.

Une mise en scène plus poussée Ira Jusqu'au dialogue". Maison distinguera nettement la prolepse de la subjection (V. àquestion rem 3), qUI ne concerne pas les objections d'unadversaire.

La partie de réfutation peut prendre toutes les formes de laréfutation, y compris \'apod;oxls et la disqualification (V. àargument, rem. 2). Ex.: "Ici. quelque sot me dira... "(J.PAULHAN, Lettre aux directeurs de la Hésœtsnce. p. 39). Onpeut aussi la remplacer par une excuse'.

Ex.:Vous allez dire que je SUIS assommantet que je ne viens chezvous qu'avec des femmes. Je sais combien ces présentationsdoivent vous ennuyer, mais les femmes ont une manièred'insister si particulière et si tenace que toutes les résrstancesen demeurent paralysées. Mlle Rosa Bruck me demande depuisplusieurs mots de la présenter à vous.MAUPASSANT, Correspondance. p. 344-5

PROPHÉTIE Un événement à venir est annoncé avecassurance, sa connaissance ayant été communiquéeintérieurement par un Être transcendant de qui l'avenirpourrait dépendre.

Ex.: (Un aigle passe. Hélène se lève et dit) "VOICI la prophétiequ'un dieu me jette au coeur et qui s'eccompi/re.....Ulysse rentrera chez lUI pour se venger. "TODOROV, Poétique de la prose. p. 76.

Ex. publicitaire: Vous porterez un Jeans dans dix ans.

Syn. Oracle (V. à énigme), vaticination, pronosticatton(Oueneau), diabolo (Lanham).

Rem. 1 La temporalité de l'énoncé cotncide avec celle det'énoncratron". d'où la forte valeur rllocutoire du procédé. Laprophétie est réalisation Simulée. Cette valeur est impossible enrécit' (à moins d'mtrcdurre un énoncé de deuxième degré).De même, tllocut.on réduite à une notonètédans une annonce"située au cours d'une explication" théorique. Ex.: "Les amateursde beau langage contmueront à déruqrer ces néologismes'(Greimas). Ainsi. les beaux paradoxes' de Mrchaux sonttrop universels pour constituer des prophéties: Dans le noir.

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nous verrons clair, mes frères /Dans le labyrinthe, noustrouverons la voie droite.Mais le futur avec une actualisation temporelle précise etunique suffit à conférer au texte le plus banal une allure deprophétie. Ex.: "Tu le reverras un peu plus tard. .. Un amil'accompagnera, et tu entendras ces paroles... " (QUENEAU.Exercices de style. p. 15). Il ne manque que la caution divine.C'est elle qui distingue la prophétie de la simple prévision. de ladéclaration d'internions. de la convictton et de la promesse. (V. àenttcipstton. rem. 1).

Le futur est parfois implicite. comme dans ce titre dereportage sur la pollution: LES TRENTE DERNIÈRES ANNÉESDE LA TERRE

Rem. 2 La malédiction est prophétie de catastrophe.Ex.:"Malheur à ceiut qUI se décidera trop tard. Malheur à celuiqUI voudra prévenir sa femme. Malheur à celui qui Ira auxprovisions." (MICHAUX. l'Époque des ïtluminés).La prophétie peut encore prendre la forme d'une apocalypse'.V. ausst à supplicetion. rem. 1.

Rem. 3 On distingue de la prophétie le kérygme. annonceévangélique. où ce qUI est proclamé de la part du PUissant estun événement quasi-présent.

Ex.:(Dieu) a envoyé sa parole aux enfants d'Israël. leurannonçant la bonne nouvelle de la paix par Jésus-Christ: c'est luile Seigneur de tous. Vous savez ce qUI s'est passé (etc.)Actes des apôtres. 10. 36-7

Rem.4 La simple perception, confuse plutôt que proclamée, dece qUI doit se produire plus tard. est une prémonition.

PROSOPOPÉE Mettre en scène les absents. les morts,les êtres surnaturels. ou même les êtres inanimés: lesfaire agir, parler. répondre. FONTANIER, p. 404.

Ex. cité par Fontanier: Ô Fabricius! qu'eût pensé votregrande âme..... ? Dieux! eussiez-vous dit. que sontdevenus ces toits de chaume et ces foyers rustiquesqu'hebiteient jedis la modération et la vertu?

J.-J. ROUSSEAU. Discours sur les Sciences et les Arts) .

Même déf. Scaliger (III. 48). Littré, Bénac. Lausberg, Morier,Robert.

Rem. 1 C'est une figure du sublime (V. à grandiloquence. rem.1). Fontanier ajoute qu'il ne faut pas confondre prosopopée etpersonnification', apostrophe' ou dialoqisrne (V. à dialogue).Ces trois figures vont souvent ensemble. Ex.; "Oui. c'est mal,Superstition. Qui. moi? MOI. l'Humanité" (GIRAUDOUX.

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Intermezzo, p. 147). Toutefois. il n'y a dialogisme que si l'on faitparler et converser "être absent ou ce qui est personnifié; il n'v aapostrophe que si l'on s'adresse à lUI ou à cela; il n'y apersonnification que SI l'être mis en scène n'est pas déjà unepersonne ...

Rem. 2 La prosopopée est une figure étrange. Bien que, par sasituation, elle appartienne au récit'. el!e en récuse la doubleactualisation en s'efforçant de présenter comme uneénonciation' directe ce qUI est raconté. Le personnage devientinterlocuteur réel, d'où l'apostrophe' et le dialoqisrne'. L'absentest installé dans le présent. On verra, dans cet exemple, leJaillissement de la figure et sa parenté avec l'hallucination,

Oh! Je ne veux pas que tu sortesL'automne est plein de mains coupéesNon non ce sont des feuilles mortesCe sont les mains des chères mortesCe sont tes mains coupéesAPOLLINAIRE, Rhénane d'automne, dans Alcools.

Le premier tu désigne une personne du Village. Le glissementde feuille à main se heurte d'abord à une dénégation, puisl'hallucination prend le dessus (chères mortes = amantesperdues) et se fixe sur une personne précise. évidemment Annie(cf. notre Étude des styles, p. 262) Le dernier tes désigne doncune absente, l'Absente.Il y a souvent exaltation délirante (V. à réectuelisetion. 7) enmême temps que prosopopée, mais cet effet n'est obtenu que sila prosopopée n'est pas de pure forme (V. à faux, rem. 1),

Rem, 3 Ce caractère de rendre l'absent présent. la prosopopéene le partage-t-elle pas avec d'autres figures, l'hypotvpose ' parexemple? Outre des personnages, ne pourrait-on rendreprésents des lieux, des décors, des événements? Maisl'hvpotypose. en décrivant les choses comme si on les voyait.reste dans le cadre du récit', alors que Michaux, qui. sousl'Influence de la drogue, se sent réellement transporté dans unechambre ovale, au Luxembourg, fait une toute autreexpérience. Il n'y a plus de comme. L'ailleurs devient un ici, V.aussi à métaphore, rem. 4.

Nous nommons évocation le procédé général qui prend unélément de contenu lointain ou passé et l'installe dans leprésent de l'ènonciation '. L'hypotypose est une évocationrhétorique, de pure forme, mais l'évocation au sens fort aquelque chose de surréel ou d'obsessionnel. Ex,: le poème deMichaux intitulé Projection (l'Espace du dedans, p. 58-9).L'exaltation délirante est une évocation de l'imaginaire.Il ya aussi évocation quand on revit un événement passé,

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Ex.: Je suis la même route et je reconnais tout. Je remets mespassur mespas et mes émotions... /1 y avait un banc de pierre oùje m 'assis. - Voici. J 'y lisais. Ouet tivre? - Ah!: Virgile. - Etj'entendeis monter le bruit des battoirs des laveuses. - Jel'entends. - L'air était calme. - comme aujourd 'hui.GIDE. Romans. p. 206-7.

Le truquage. au cinéma. est le moyen employé pour donne rl'apparence du vrai au fantastique' (le héros progresse sur unefaçade. en réalité horizontale). On pourrait identif ier de même.en littérature . les moyens (faux) de cautionner globalement unrécit' (lettre à "éditeur présentant le texte comme ayant ététrouvé dans une bouteille Jetée à la mer par exemple).

Rem. 4 La prosopopée rhéto rique util iséecomme argument' estaventurée. Quand L. Pauwels. dans sa Lett re ouverte aux gensheureux. fait parler Lénine. le style reste celui de Pauwels.

PROSTHÈSE Add it io n d 'une lettre ou d' un e syllabe aucommencement d' un mot. sans en changer la valeur.LITTRÉ. Ex.: estvlo, esquelette.

Même déf, Marouzeau. Quillet. Lausberg (§ 482), Robert.

Syn, Prothèse (Marouzeau. Robert).

Rem. 1 Term e de l'ancienne grammai re. qu i correspondaujourd'hui à un procédé appart enant aux métaplasmes'. Ex.:Rrose Sélavy (Marcel Duchamp). '1/ commençait à être un peugivre' pour ivre, par mimologie' (QUENEAU. le Chiendent. p.293) . 'Ma robe! Ma brobe! Ma crobe! Ma trobe" (R.DUCHARME. l'Avalée des avalés, p. 104).

Rem. 2 La gémination ' est une forme de prosthèse. Ex.:'LECHOEUR: Assez! Assez!Assessezt: (CLAUDEL.Jeanne d'Arc aubûcher. p. 18).

PROVERBE Maxime' en t rée dans l'usage cou ran t ,réut ilisable en d ivers conte xtes. Ex.: Autant de têtes,autant d 'avis. Un tiens vaut m ieux que deux tu l'auras.

Ex.litt.:HIERONYMU5. arrogan t. -Je ne comprends pas?Répétez? À mort? Le bourreau? (II se dégage.) M ieux vauten rire!GHELDERODE. Magie rouge. dans Théâtre 1. p. 179.) C'est leproverbe: Mieux vaut en rire qu'en pleurer. V. aussi à prétexte,et à symbole. rem. 1.

Analogues Adage. dicton.

Autre déf. V. à énigme, 5.Rem. 1 On peut considérer le proverbe comme une expressionfigée de la dimension d'une phrase' : il joue dans la conversation

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courante le même rôle que, dans un cadre plus restreint. Jecliché ' . En effet , il semble avoir un sens fixe, en réalité il prenddes sens' contextue l, accomm odatic e. plénier; on peut se servirdu texte pour y opérer des substitut ions' , etc. Ex.: Qui tropembrasse, manqu e le t rain (mal étrei nt), où embrasser n'a plusson sens abstrait. V. aussi à compa raison figurat ive, rem. 3.

Rem . 2 Les proverbes sont devenus tels à force de servir commeci tat ion ' . Ils viennent de recueil s antiques de sagesse (L'hommene vit pas seulement de pain) ou de décla ratio ns célèbres.parfo is récen te s (Quand le bâti men t va . t out va). Laparémiolog ie les étud ie et le perértuoq rephe en fait des recueil s(Robert). Cf. M . MALOUX. Diet des p roverbes. sentences etmaximes.

Rem. 3 Sédimentation de cultures dive rses. ce procédé ne peutrenv oyer à une pensée cohé rente. Ex.: À père avare. filsprodigue / Tel père. tel fils.

Rem. 4 V. ausst à syllepse de sens. rem. 4; à j eux littéraires, n. 3 .

PSEUDO·LANGAGE On a d u pseudo-langage q uandun segment de texte a une form e nette aux poin ts de vuesonore , ryth m iq ue. m élo d iq ue et même g ra ph iq ue , etq u 'il se m ble fait de mots. mais q u 'il n 'y a ni lexème usité.ni form e g ra m m ati ca le . ni fon ct ion syn t ax ique. Lepseu do-lan gag e im ite le langag e consti tu é. Il véhiculepar exe m p le une mélodie ch ant é e (la lalala la),notamm ent dans le s cornptines ' (trade rid e ra tralala,mi ronton to n ton mirontaine)

Ex.: Mard i se ra le j our le p lus long . De tout ce t heureuxno u ve l an, m aman. ra taplan. plan. plan.... .. La servan teétait au Ja rd in , e t tin e t rin...... Le ro i comptait ses écus. etru e t ru.J OYCE. Ulysse. p. 50 et 64Svn. Inanité sonore (Pons). kyrieile syllabique, métalalie.

Rem. 1 Le pseudo-langag e est le mode privilégié de la fonct ionphat iqu e (V . à énoncietion. 2). VoiCI par exemple le préambulepar lequel le conteur. dans les veillées canadiennes de [adrs.obtenait l' intent ion d'une assemblée bruyante:Cric. crac, les ententst Psrtt. parla, penons ! Pour en savoir lecourt et le long. passez l'crachoir à Jas Violon. Sscetebi. sac-à­tabac! A la porte les ceuses qu 'écouteront pestL. FRÉCHETIE. Tom Canbou.

La loc. ta ta ta est destinée à empêcher l' Interlocuteur depour suivre.

1 Récilatton enfantine. parte-schantée. pouvant servir ttOOsI9nef par le compte dessyllabes. celUi qUI devra so rt« du Jeu ou COU " f pour attraper res autres

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Rem. 2 Le pseudo-langage peut prolonger du langage oudevenir peu à peu langage. Cf. musicstion. rem. 3. Il peut venird'un trouble psychique (V. à faute. rem. 2).

Rem. 3 La lallation (ou gazouillis). émission vocale sansIntention expressive chez le nourrisson. est le premier pseudo­langage. La glossomanie. Imitation' sonore du langage. en estle stade ultime. L'interjection (V. ce mot. rem. 4) n'en est pasloin.La glossolalie' en diffère parce qu'elle est pourvue d'un sensintentionnel déterminé.

PSEUDO-SIMULATION Simulation' évidente, qui nese cache pas. qu'il serait donc inutile de dénoncer et quis'annule de soi-même, en quelque sorte, gardantcependant son etticacrté.

Ex.: Il est très certain. a compris le Conseil. transposantsans le savoir un mot de Desnoyers. qu'II vaudrait mieuxque ce fût pendant la canicule qu'II tît froid parcequ'alors on ne s'apercevrait pas du chaud et pendantl'hiver qu'il fÎt chaud parce qu'alors on ne s'apercevraitpas du froid.JARRY, la Chandelle verte. p. 505

Autre ex.: - Êtes-vous enti-etcoolique? que dit Joe. - PrendsJamais rten entre mes consommations. que j'diS.JOYCE, Ulysse. p. 281.

Rem. 1 La théorie de la pseudo-simulation a été esquissée par J.Simeray (Erreur Simulée et logique différentielle. dansCommunicetions. t. 16. p. 36, 56), qUI a soutenu sonImportance dans toute littérature, y compris en poésie, dansune simple métaphore'. Il est assez clair que le théâtre. soustoutes ses formes Jouées, appartient à la pseudo-simulation laplus usuelle.

Pour que les exemples soient brefs, nous devons les prendredans les erreurs, et patentes. Ainsi le "hurlement d'un pouponédenté" (QUENEAU, le Chiendent, p. 119), où l'on faitsemblant de croire que s'il manque des dents au nouveau-né,c'est qu'il les a perdues.

Rem. 2 Une variété retorse de pseudo-srrnulation consiste àfeindre de crotte que le destinataire s'Imagine une choseInexacte, votre irnpossible. et qu'il faut lUI ouvnr les yeux. Ex.:NL 'obus n'a pas de chez SOI. Il est pressé quand même.'(MICHAUX. l'Espace du dedans, p. 278). L'erreur simulée estque te destinataire tentera de s'expliquer l'obus comme un êtrevivant. égoïste. La slng ulansauon' si mu le l'ig nora nee decertains préjugés.

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Rem, 3 La prétérition', la permission', le truismesont presquetoujours des pseudo-simulations, Morier parle d'une figure, laparvponoïan. où l'on "teint de croire qu'une Idée jaillit de soncontraire (Ex.: 'ses yeux pétillaient de bétise"). V. à nigaudene.rem. 3.Rem. 4 Le trait d'esprit" peut passer par la pseudo-simulation.

Ex.: "Sa jambe se promène toute seule dans la chambre, etquand elle s'endort (ma femme. bien entendu. pas sa jambe)elle doit la tenir avec la main." (GOMBROWICZ, Ferdydurke, p.105). V. à humour, rem. 2 & 5.

Rem. 5 V. aussi à humour. rem. 2 et 5; mqeuderie. rem. 3; faux.rem. 2.

PSITTAC!SME Langage sans pertinence, parautomatisme de la mémoire. On répète des chosesentendues "comme un perroquet".

Ex.: Au bar. je dis à Dean: "Vingt dieux, mon pote, je saisparfaitement que tu n'es pas venu me trouver pour apprendrel'art d'écrire" ..... Il répondit: "Oui. bien sûr ..... ce que je brigue,c'est la concrétisation de ces facteurs qUI dépendraient aupremier chef de la dichotomie de Schopenhauer pour une partintimement accomplis..." Et cela continueit sur ce ton ..... c'étaitun gosse frais émoulu de la Centrale et tout surexcité par lapossibilité merveilleuse de devenir un vrai intellectuelJ. KÉROUAC, Sur la route. p. 18-19.

Autre ex.: (Chamberlain pense à) l'Angleterre et la foule quis'écrasait contre les barrières de l'aérodrome. attendant sonretour. mon amour, toujours...SARTRE, le Sursis. p. 138.

Les derniers mots sont amenés par une rengaine de l'époque:J'attendrai, le jour et la nuit j'attendrai toujours. patiemmentton retour, mon amour.

Syn. Stéréotypie verbale (Marchais). adj.: stéréotypé.

Terme analogue Hexagonal (cf. R. de BEAUVAIS, l'Hexagonaltel qu'on le par/el. Il s'agit des mots savants mal assimilés,employés pour leur connotation terrorisante en dehors ducercle des initiés, non pour communiquer.

Déf. analogue Marouzeau (forme de langage comparable à celledu perroquet - d'où le mot psittacisme).

Rem. 1 Le psittacrsrne est plus une nmtstion (V. ce mot rem. 7)qu'une citation'. On le distinguera de la Simple réminiscencecar. consciente ou non. celle-ci est pertinente dans sasignification. Ex, de réminiscence: "les haillonneux troupeaux..... de borgnes de boueux et de bossus" (CL. SIMON, Histoire,

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p. 22 6 : souvenir de Quasimodo, bossu, bou eux et bo rgne,HU GO, Notre-Dame de Paris, 1, 5).

Rem. 2 Le psittacisme s'accompagne d'une Intonat ion ' plus oumoins automatique. V. aussi à slogan , rem. 1

QUESTION A ssertion' dont le p rédicat demande à êtreco m pl été o u confirmé par l 'i nterlocuteur.

Ex. courant: Oui est là? Jean est-if là?

Autredéf. Thèm e' , au sens de "su je t traité" . Loc.: Là n'est pas laquestion. V. à p rétext e: à ambiguïté. 3 : à déchronologie, rem l .

Rem. 1 La marqu e mélodiqu e de l'inte rrogat ion est une forteélévation 1 du ton à la fin du mot phonétiq ue auqu el on peutrédu ire la qu estion (V. à po nctuat ion exp ressive). Sa marquegrap hiqu e quasi universelle est ?

L'interrogation totale porte sur le noeud verb al et se marquepar "est-ce que". l' inversion ' du pronom (même si le syntagmenom inal sujet est déjà expri mé). voire la Simple in tonat ion ' . Ex.:Est-ce qu'il vient? Vient-if? Jean vient-if? Jean vient? Dans cecas. c'e st la réalisat ion de l'act ion (ou l'effect ivi té de l'état)exprimée par le verbe qUI est mise en question.

L'interrogation est part ielle qu and Il manque quelque chose àl'a ssert ion ' , ce que ma nIfeste un morp hème inte rrogat if(comm ent ? po ur q UI?).

La même essertton. rérnversée ou comp létée. const it ue larép onse' , Questions et réponses peuve nt êtr e el li pt iques(Vous? Non ! QUI? LUI) .

Rem. 2 Fonctions, La question n'a pas seulement la fo nct ionréférent ielle . Elle peut rem pl ir les fonct ion s émotive , de contactet inj oncti ve. comme on le VOit dans les dialog ues'

La fon cti on In jo ncti ve dev ie nt p répondéra nte dansl'interrogatoire. Par une accum ulation ' de questions. lelocuteur cherche à prendre le dessus, à obliger l'a llo cutai re àlivrer des renseignement s qu 'i l semble vou toir taire .

Ex.: - Savez-vous où est mon beau-Ms? - Comment le seurets­j e? - Ouand l'avez-vous vu pour la derruére fOIS?Ah! ça. pensaPitteeux. ils m 'tnterroqentlSARTRE, le Sursis. p. 16 8.

On vo it que l 'al locutaire pe ut t ente r de se dé ro ber àl'interrogatoire . L'un des meil leurs moyens d'y parvenir est derépondre par une question, com me ten te d'abo rd de le fairePitteaux. C'est ce qu'on appelle une requestion . V. aussi àinjonction , rem . l .

1 v . è continua tion et à exclamatio n, n 1

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Inversement la fonction émotive domine quand la quest« >1 1

ne s'adresse à personne, qu'elle trahit une angoisse.

Ex.:'On aurait dit ..... qu'elle était devenue un désert dans lequo!une faculté nomade l'avait lancée dans la poursuitoInterminable de quoi? On ne savait pas." (M. DURAS, 10Ravissement de Loi V Stein. p. 24).Dis, qu'es-tu fait. toi que voilà / De ta jeunesse?VERLAINE, Sagesse

Ici, le poète s'Interroge lui-même, sans attendre toutefois deréponse: c'est plutôt l'atténuation' d'un reproche. Mais on peutaussi s'Interroger sot-même par de vraies questions. Ex,:"Personne ne s'en aperçoit, personne encore, personne? ensuis-je sûr?" (M. DURAS, le Ravissement de Loi V Stein, p.125). Dans ce cas, la fonction conative s'exerce de façonréfléchie sur le locuteur. (V, aussi à dialogue intérieutï.

Rem. 3 La forme la plus rhétorique de la question estl'assertiondéquisèe ou interrogation oratoire ("fausseinterroçetion" dit Courault).Fontarner. qUI l'appelle aussi interrogation figurée, y voit mêmeun défi à l'allocutaire "de pouvoir mer ou même répondre" (p.368), Il observe aussi la valeur affirmative du tour négatif etInversement. Ex.: "Ah! fallait-II en croire une amante insensée?Ne devais-tu pas lire au fond de ma pensée?" crie Hermione àOreste après l'assassinat de Pyrrhus, qu'elle a elle-mêmedemandé (RACINE, Andromaque),

Ex.cont.: "À coup de ridicules, de déchéances (qu'est-ce que ladéchéance?), j'expulserai de moi la forme" (MICHAUX, Clowndans l'Espace du dedans).La pseudo-interroçetion est fréquente dans le discours'littéraire, quand il s'agit de communiquer des impressions. Ex.:"Qu'y a-t-il de plus vivant que les troupeaux (dans les peinturesrupestres)" (MICHAUX, Passages, p. 69), C'est quel'Interrogation convient à la communication' même dessensations. Ex.: "Ne sentez-vous pas le bon ragoût qUI embaumetout le presbytère?" (A. HÉBERT, le Temps sauvage).

Un autre rôle de la pseudo-interrogation est d'atténuer lespropos qUI pourraient choquer, les arguments' trop puissants.voire les accusations - et dans ce cas, c'est le public. érigé enjury, qui est censé répondre à des questions dont l'accusé estl'objet. C'est une figure de cour d'assises,

Ex.: Mais dites donc, Monsieur, est-ce moi ou vous qui nouslivrons sur la critique "à tous les sévices auxquels lesIroquois de jadis se livraient sur leurs prisonniers"? Et est­ce bien à vous de me reprocher ma cruauté? Et savez-vous queje vous soupçonne fort d'être au fond. sous votre maquillage

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motns violent et sous vos attitudes de CIVilisé, tout susst peau­rouge que je le suis? . faut-li que vous lui ayez voué uneanimosité féroce, un peu, à cette pauvre critique de chez vous,pour l'accabler comme •...DUS faites?J. FOURNiER, Mon encrier, p. 42-3

L'interrogation orato.-e se fait avec une :r,toniJtlon' specia!e. qUIsembie Impliquer la réponse.

La rhétcnque classique a prôné un oseudo-rntenoqato.re. quiconsiste à mettre sous forme de question 1 réponse, alternant.une ou plusieurs esset tions', et comme on répond à la place del'adversaire, on feint d'avoir obtenu son aveu. C'est lasubjection (Le Clerc, p. 280: Fontanlsr, p. 374: Littré;Suberville, p. 202: lausberg) ou bvpobole (Lausbergl.

Ex.: Je me demande comment cet homme est devenu SI liche:lui a-t-on laissé un ample petrimoine? Tous les biens de son aèreont été vendus. LUi est-il survenu quelque hétiteçe? Non, tousses parents l'ont déshérité.CICtRON. Rhetonca ad Herennium. IV, 23.

La subjection a un emploi littéraire étendu. Ex.: "Elvire. oùsommes-nous? Et qu'est-ce que Je VOl? / Rodngue en mameisonl Rodngue devant moi!" (CORNEILLE. Le Cid).

Une autre forme de pseudo-interroqstion est linterroqauondélibérative, où l'on feint d'interroger le public, alors qu'il s'agitde l'amener à prendre une décision (V. à délibéretioni. à moinsque l'on ne feigne de s'Interroger SOI-même, alors qu'il s'agit deproposer une objection (figure utile notamment dans lesdiscussions savantes: V. à dubitetiom. Quand il s'agit de fairetrouver à un étudiant la chose que l'on dés-re lu! enseigner, c'estla méthode de Socrate qu'on appelle maïeutique.

Ensomme. la question est une forme dans laquelle on met à peuprès n'importe quoi, même Indépendamment de toute fonctionconative.

- Des supposiuons':

Elle s'immobilise sous le coup d'un passage en elle, de quoi? deversions Inconnues, sauvages, des Oiseaux sauvages de sa vie.qu'en savons-nous? qui la traversent de part en parts'engouffrent? puts le vent de ce '/01 s'apaise?M, DURAS, le Revissetnent de Loi \/ Stein, p. 168.

- Des jeux' de mots:

Pagnol? Est un chien? (Jeu de mot avec epagneul) ... OUIest-cequi dit des stupidités? MoiR, DUCHARME. le Nez qUI vaque. p. 84.

- Des jeux' littéraires, notamment les propos Interrompus.

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- Des niqaudenes':Qu'est-ce qu'un soldat doit mettre dansson fusil?Laplus entièreconfiance.JEAN-CHARLES, les Perles du facteur, p. 205.

- Et même une action romanesque (cf. JOYCE, Ulysse, p. 589à 655).

Ex.: Quel remède sppotte-t-tl à cette Irritation? Défaisant sonfaux col Il le déposa ..... (p 630).

Rem.4 Laquestion peut s'étendre à la dimension de l'alinéa touten demandant un grand nombre d'assertions' en réponse: onparle aussi dans ce cas de problème et la problématique estl'art ou la manière de poser un ensemble de problèmes: ladialectique. l'art de les discuter. AinsI, dans Platon, la drscussiondialectrque a la forme question / réponse'. Plus précrsêrnent. onappelera dialectique un exposé qUI se noue en preuve,objection. discussion. conclusion, qUI feint d'être le dialoguequ'II pourrait être SI un adversaire était en face du locuteur. V.auss: à détibéretion.

Commencer, établir une drscussion a été un genre littéraire,parmi les docteurs JUifs cherchant des sens allégonques àl'Écnture: c'est la sysétèse (Littré).Il suffit d'ailleurs de mettre en question une proposition del'adversaire pour éveiller à son endrort quelque soupçon. Lasimple question est chargée de toutes sortes de valeursperlocutorres. éventuellement de prèsupposmons subreptices(V. à énonciation, rem. 3: paralogisme, rem. 2 et réfutation. rem,4).

Rem. 5 Pour la question fourrée, V. à Impasse et à paralogisme,rem. 2. Pour I'ernplot de ne...pas dans la question, V. à négation,rem. 2. Pour l'accumulation de questions brèves, V, àépitrochasme.

RAISONNEMENT Ensemble organisé d'arguments'menant à une conclusion.

Ex.: S'il faisait chaud répondait sèchement le princeAndré, il sortirait en chemise mais comme il fait froid ilfaut tu, mettre des vêtements chauds qui sont faitsjustement pour cela. Voilà ce qu'il faut faire quand JI faitfroid, et non rester à la maison, alors que l'enfant abesoin d'air

TOLSTOï. Guerre et Paix. p. 544.

Même déf. Robert.

Analogues Syllogisme, argument' en forme, dans les règles,

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Rem. 1 Le syllogisme, ou raisonnement dans les formes de lalogique ancienne. comprenait au moins deux arguments' (lamajeure et la mmeurelentraînant la conclusion. Ces troisassertions' devaient se recouper. Ex.:Lesvêtements chauds sontfaits pour être rrus quand il fait froid (majeure). Or il fait froid(mineure), Donc Il faut mettre des vêtements chauds(conclusion).

En pratique. même quand on veut argumenter. on nedéveloppe Jamais entièrement le syllogisme. de façon à éviter lalourdeur des répétitions. Une des prémisses (les prémissessont les arguments' constitutifs d'un syllogisme) ou même laconclusion reste sous-entendue. Ce type de raisonnement. qUIsemble n'avoir qu'un argument. est l'enthymème iredditiocausee. etiologia). Ex.: "Nicolouchke ne doit pas sortireujourd tun. Il fait trop froid (d!salt la prrncesse Marre)" (lb,)

L'enthymème est constant en philosophie (Je pense donc Jesuis) comme en littérature Ex.: NL 'amour ne dure pas: donc je terecommence" (P, PERRAULT. En désespoir de cause, p. 34), Ilévite le truisme (V, ce mot rem 2).

Fontanier (p. 382 à 384) appelle enthymémisme laformulation particulièrement vive et frappante d'unenthymème, Ex.:Je t etmets Inconstant: qu'surets-je fait fidèle?(arq, a fortiori), On sera rrdtcule. et je ne pourrst rtre? (Boileau).L'enthymémisme est souvent dérobé sous une forme nonlogique. Ex,: Un peu. c 'est déjà beaucoup, Contradrcuon(annloqie Ten apparence seulement. qu'on dénoue enétablissant une majeure comme Il est parfois presqueImpossible d'obtenu quelque chose: une mineure comme: Ornous avons réussi un peu.

L'enthymème perd son etficacrtè quand l'argument" sous­entendu n'est pas Immédiatement évident Ex.: Il y a des plantescettuvores puisque les mouches sont des animaux. (II auraitmieux valu sous-entendre la majeure et exprrmer la mineure: Il ya des plantes qUI mangent les mouches)

Le sorite ou ootvsvnoçisme est un enchaînementd'arguments dont la conclusion reprend un terme au premier etau dernier. Ex,: La prudence est une vertu' toute vertu est unequalité: toute qualité est un eccident: donc la prudence est unecctdent (Bary, 1. 19). Le sente. plus aisément encore quel'enthymème. peut déboucher sur une conctus.on lIlattendue(V, à paralogisme). Ex,: Il faut obéir au capitaine C'est un hommequi a de l'expênence. Il en a parce qu'il a fait autrefois toutes leserreurs possibles. Un âne ne tombe pas deux fOIS dans le mêmetrou. Donc le capitaine est un âne

Mais les arguments' ont eux-mêmes besorn bien souvent.d'être soutenus par une preuve. qu: peut prendre place

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immédiatement auprès d'eux: c'est l'épichérème. Ex. analysépar Barthes (l'Ancienne Rhétorique, p. 205): la note soviétiquesuite à une manifestation des étudiants chinois devantl'ambassade américaine à Moscou (mars 1965); Majeure: Ilexiste des normes diplomatiques respectées par tous les pays.Preuve de la majeure: Les Cr-mois eux-mêmes respectent dansleur pays ces normes d'accueil. Mineure: Or les étudiantschinois à Moscou ont violé ces normes. Preuves de la mineure:C'est le récit de la manifestation (Injures. vOies de fait et autresactes tombant sous le coup du code pénal). La conclusion n'estpas énoncée (c'est un enthymème), mais elle est claire.

Rem. 2 Les prémisses. la majeure surtout sont souvent des lOISgénérales. Dans ce cas, que la conclusion SOit une propositioncatégorique (vérité de droit) ou une proposition assertorique(vérité de fait), le raisonnement est déductif. Tout ce qui est tiréd'un principe est déduction tandis que tout ce qui part d'uneobservation particulière est induction. On peut avoir. en effetcomme argument', un fait 'plus fort qu'un lord-metre".

Ex.: Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien;tout ce qui est utile est laid. car c'est l'expression de quelquebesoin, et ceux de l'homme sont Ignobles et dégoûtants,comme sa pauvre et infirme nature. - L'endroit le plus utiled'une maison, ce sont les latrines.TH. GAUTIER, Préface à Mlle de Meupin.

Mais cela ne fait pas aussitôt une Induction: il faut voir quel rôlejoue le fait dans le raisonnement. Est-il une conclusion? Ouplutôt un argument'? Dans ce cas-cl, on peut hésiter, car leprincipe de l'art pour l'art n'est pas tiré de l'observation surl'utilité des latrines! Or cette observation n'est pas non plus tiréedu principe. sinon à titre d'argument et, comme on ditd'exemple. L'exemple ne fait donc pas partie d'unraisonnement construit sa preuve n'est qu'rllustrative. Il montreplutôt qu'il ne démontre.

Ex.: cartes vendues en bloc, senes-souvenir d'une région oud'une ville (comme: Nice - Le Château, Nice - La Promenadedes Anglais; Nice - Vue du port; Nice - La Place Massénat etles jardins...)CL. SIMON, Histoire. p. 104.

On peut ausst remplacer une Idée par un ou des exemples,même s'il s'agit d'un adjectif sans plus. Ex.: "Ouend ce qut estincroyable sera regardé comme une vérité de l'ordre de 2 et 2font 4" (MICHAUX, l'Époque des Illuminés). S'il s'agit d'uneassertion' et qu'on multiplie les exemples, c'est un mode trèsvivant d'amplification',

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Ex.: ELVIRE - Que ne me jurez-vous que vous êtes toujoursdans les mêmes sentiments pour moi, que vous m'aimeztoujours avec une ardeur sans égale, et que rien n'est capablede vous détacher de mal que la mort? Que ne me dites-vous quedes affaires de la dernière conséquence vous ont obligé departir ....,MOLIÈRE, Don Juan. 1. 3. L'Idée est: Que ne faites-vous encorecomme SI vous m'aimiez.La concrétisation' est un remplacement de ce type, mais outré.

Rem. 3 Une conclusion obtenue par déduction ne pourra êtreplus vraie que sa prémisse la plus généraie, et une généralité estrarement tout à fait sûre. Obtenue par Induction, eile dépendradu nombre de faits qu'on aura pu observer. Ouand cettedémarche ne suffit pas à établir une preuve, on transpose, c'estle raisonnement par comparaison, par analogie, appeléargument a pari. similitude' (Bary, 1, 60) et assimilation(Scaliger. III. 50).

Ex.: Je n'ai Jamais senti le moindre orgueil de ce que nousappelions la Victoire. On ne saurait être fier de se montrer enpublic au bras d'une belle femme qui porte votre nom maisrefuse de coucher avec vous,BERNANOS, Essais. p. 776. Devant la difficulté d'établir unaxiome duquel déduire le sentiment mêlé de certains en 1945,l'auteur va prendre un autre fait concret le manage sans lajouissance. De celui-ci à l'Idée. il ya induction: et de l'idée ainsiévoquée à l'absence de fierté devant la victoire. déduction.

Le raisonnement fonctionne comme dans la métaphore', car il ya transposition. Avec son double mouvement. la comparaison'démonstrative est plus souple que les types de raisonnementsimples.

Mais les transferts de sens ne se réalisent pas sans danger.

Ex.:rUn médecin consciencieux doit mount avec le malade s'ilsne peuvent pas quérir ensemble. Le commandant d'un bateaupérit avec le bateau, dans les vagues Il ne lui survit pas'(IONESCO, la Cantatrice chauve. p. 19).Le paralogisme (V. ce mot rem. 3) est plus net encore quand onprésente comme argument une simple métaphore', et non unecomparaison' où le loisir de peser les équivalences est offert:C'est ce que Morier a proposé d'appeler épitrope 1 . Il donne unexemple de Renan: 'Le catholicisme? C'est une barre de fer: onne reisonne pas avec une barre de fer'

La défiance du raisonnement par analoqie paraît dans j'adage:

1 tpitropll, selon Lausbe<g (§ 856-7) 'concession' (V. ce mot) ou"permission "'.

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Comparaison n'est pas raison Pourtant rien de plus,expre~.I'

et dans certains cas, de convainquant qu'une comparaison'

Ex.: "Le premier élément d'une dictature est une force militairepermanente comme le premier élément d'un civet est unlièvre. N (G.-P. CLUSERET, dans le Nouveau Oict. de citations fr.•11803).Cette comparaison peut prendre les dimensions d'un apologue(V ce mot rem. 3).

Rem. 4 Autres types de raisonnement V. à paralogisme:réfutation: supposition: etternstive. rem. 2: esprit.

Rem. 5 Pour Aristote et la tradition classique, la vérité de laconclusion dépend de celle des arguments' et de la logique deleur articulation. De nos jours, on assiste à un développementde la logique formelle, de plus en plus symbolique, rejoignantpar la théorie des ensembles la mathématique, et,simultanément. à l'abandon des logiques classiques. Dans lesdomaines scientifiques (y compris certaines sciences humainescomme l'économie et la sociologie), la logique automatisées'installe: dans le raisonnement 'courant. politique, juridique.littéraire, on se défie de plus en plus du "logique", on considèreplutôt le raisonnement comme un arrangement a posteriori, quipeut voiler autant que confirmer, artificiel. donc moins vrai quele témoignage spontané, organisé, mais textuel. microcosmede toute une affaire.

Le témoignage s'oppose au raisonnement un peu comme unfait à une explication'. V à remotivetion. rem. 2.

RAPPEL En réponse à une question' muette, effectiveou simplement plausible, de l'auditeur. on insère, entredeux pauses', un segment explicatif qui rep rend uneidée ou un mot déjà énoncé ou seulement implicite.

Ex.: Ça va tout de suite (l'air) vous faire du bien...JOYCE, Ulysse, p. 584.

Autre sens V. à déchronologie, rem. 2; à répétition, rem. 4.

Rem. 1 Il y aussi des rappels syntaxiques. V. à réamorçage.

Rem.2 Le rappel apparaît en langage parlé. Dans le phrasé, il esttenu pour une négligence. Il relève de l'énonciation'.

Ex.: "Ma bonne Rachel (c'est ainsi que s'appelait la femme dujuif), "lui dit ma femme. je SUIS bien fâchée de ce qUI est arrivé. n

(Les mille et une Nuits. 1. 3, p. 215).

Rem. 3 Le rappel est effectif si son contenu a déjà été indiqué;dans le cas contraire, il est simulé.

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RÉACTUALISATION L'actualisation du syntagme. qUI

s'opère excellemment au moyen des pronoms. s'établit,pour chaque phrase. entre un locuteur et un allocutaire.et plus exactement entre les divers facteurs de lacommunication (V. à énonciation) Alors qu'il est normald'avoir. dans un ensemble de phrases. la mêmeactualisation. on observe parfois un changement portantsur un ou plusieurs facteurs; il y a réactualisation.

1. Changement de locuteur. C'est le cas dans le plagiat. lepsittacisme. la citation avec accommodation (V. à sens. 7). Ils'opère dans le cadre même de la phrase lorsque les parolesd'autrui sont rapportées en discours' direct (passage del'énonciation' à I·énoncé). " est naturel dans le dialogue',où l'allocutaire "répond" en devenant le locuteur (etinversement). Cette réactuaiisatron peut s'effectuer dans lecadre d'une phrase.

Ex.:ALARICA. - .....vos vaisseaux finiront par sortir du.....LA GOUVERNANTE - radoub.AUDIBERTI. Le mal court. p. 59.

Le mot' d'auteur. où le locuteur est un personnage mais aussil'auteur lui-même. constitue une double actualisation.

2. Changement de destinataire.

Ex.: LE CARDINAL. - ..... Or. le rOI d'Espagne a une soeur.ALARICA. - Mercédès.LE CARDINAL. -Ah! Vous savez. (Au roi) Elle est au courant(À la princesse) Mes comptimentst (ib.) La réactualisation estmarquée par le changement de pronom. et soulignée par lesindications scéniques (au théâtre par le geste).

3. Changement de contact. Ce facteur, qUI correspond à lafonction phatique. s'établit sur un mode (égalité ou non,distance ou non) qUI est modifié par ce qu'on appelle unchangement de ton.

Ex.: HOMME -Attends un peu que je te retrouve, chenille decagarelle. raclure de bordereau/ Attends un peulMONIOUE - Cher Monsieur. tâchons de nous comprendre.AUDIBERTI, l'Effet Glepion. p. 162.

4. Changement de référent. Le discours passe habituellementde thème' à thème par le moyen d'une transition'. mêmebanale (d'ailleurs, tiens, etc.)

Ex.:LE CARDINAL. - ..... GU/manque à cette crainte perd la Vie.C'est net. En attendant, je mangerais bien un morceau.AUDIBERTI, Le mal court. p. 57.Il Y a réactualisetion du référent quand le changement estbrusque. V. à coq-à-l'âne.

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5. Changement de code. On passe d'une langue à une autre,

Ex.:CÉLESTINCIC. - ..... Ne viendront dans ma maison que mespropres invités. Sdourno zak pravoudnié refus d'obéissancepecbimlero stomt(10, p. 91). Ce baragouin' est censé représenter le dialecte de laCourtelande.

On peut aUSSj ne changer que la forme grammaticale (V. àcorrection). Ex,: "_II boit beaucoup ton papa? -II buvait qu'ilfaut dire. Il est mort," (QUENEAU, Zezie dans le métro, p. 51).

6. Changement de forme poétique. C'est le cas, par exemple,lorsque Soljenttsvne. dans sa description' de la défaite (Août74, p. 4 06). passe de la prose à un verset poétique. du récit' àune sorte de VISion dantesque,

7, Changement de situation (dans le temps ou dans l'espace),Ce n'est plus seulement le référent. mais le moment ou le lieude la communication qui sont modifiés dans l'exaltationdélirante (ou transport) au cours de laquelle le locuteur se sentprojeté dans l'Imaginaire. Ex, classique: la dernière tiraded'Oreste (Andromaque), Oreste converse avec Pylade devantquelques soldats, mars. sarsi du souvenir de l'assassinat. voiciqu'il "voit" Pyrrhus. Hermione, pUIS les Érinyes.

Ex.actuel: Dans Kamouraska. Tassv. premier mari d'Élisabeth, aété assassiné vingt ans avant le début du récit'. Y est relatée lamaladie du second, Jérôme Rolland Élisabeth rêve qu'elledevrait aller lUI donner des soins.OUI m'entreînere dans l'escalier ..... Me déposera saine et sauveau chevet de Jérôme Rolland? Deux balles dans la tête. Lacervelle lui sort par les oreilles. On lui a bandé son horrible blessure.

A HÉBERT. Ketnoureske. p, 80. Sans transmon. la voilàramenée vingt ans en arrière, à l'ancienne VISion d'horreur.Ce décollage est marqué par une pause', un changement detimbre', un ô tvrique. une mise en Italiques, un allongement dela voyelle cu: peut aller Jusqu'à un redoublement (Morier. p.85)

Ex. : "Et, ô ces VOIX (j'enfants chantant dans la coupote!"(VERLAINE, Parsifa!) V, aussi à déchronologie (flash back) et àprosopopée, rem 2

RÉAMORÇAGE (Néol) En vue de rattacher denouveaux groupes de mots à un segment central aupoint de vue syntaxique. on l'énonce à nouveau, aumorris partielternent.

Ex.: Car, vois-tu. rien n'empêcherait la race d'hommes àl'oeil unique. que, nouveau Prométhée, tu veux

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substituer à la nôtre, qui te devra de grandes actions degrâce, continua Jules en éclatant de rire, rien nel'empêcherait, dis-je, de clignoter de l'oeil, puisque c'estune recette infaillible pour faire des dupes, et de le tenirde temps en temps ouvert pour observer.PH. AUBERT DE GASPÉ, les Anciens Canadiens, p. 49.

Autre ex.: C'etert pour cela. pour bien la dresser, qu '1/ était passé- pour cela eusst. j'en suis sûr. je ne m 'en éteis pas renducompte sur le moment. on ne peut être partout à la fOIS.chacune de leurs paroles. le plus insiornttsnt en apparence deleurs mouvements. est comme un carrefour où s'entrecroisentdes chemins Innombrables menant dans toutes les directions etje me retrouve ICI tout à coup sans trop sevoir comment. aprèsun long détour - c'était pour cela, pour lUI apprendre àmarcher droit. comme il dit. qu'il était passé sans tourner latête devant les jouets. les poupées en celluloïd, les moulinetsN, SARRAUTE, Portrait d'un Inconnu. p. 177,

Syn, Rappel syntaxique (Quémada).

Rem. 1 Le réamorçage n'a pas nécessairement recours àl'èpanalepse'. Il est plus élégant de redonner le syntagme' pivoten d'autres termes: c'était un conseil des rhéteurs, qUI enavaient fait une figure. ïenepodoton (V. à anacoluthe, rem. 2),

Ex. litt: La lumière qUI s'infiltrait d'en bas. entre les fentes desvolets clos. et renvoyait au plafond blanc les reflets verts de lapelouse, cette clarté du soir m'était la seule chose délicieuse ..

A. GIDE. les Nourritures terrestres. p. 27.

Rem. 2 Le syntagme' Pivot peut changer de formegrammaticale, mais il garde toujours la même fonction. S'ilchange de forme. il y une sorte d'anacoluthe', comme l'indiqueMarouzeau.

Ex.: "Et les autres, que Gerinett ne connsît pas, toutel'Organisation autour de Bona, au-dessus même, cette immensemach ine se trouve-t-elle arrêtée à cause de lui?" (A.ROBBE-GRILLET. les Gommes. p. 39),

Rem. 3 Le réamorçage est fréquent en langue parlée. et fait trèsnaturel.

Ex.: "déjà petite fille déjà les rares fOIS que son père après lamort de sa mère les rares fOIS qu'il venait la voir avant qu'il ne seremarie ..,.. une des rares fOIS où il l'avait sortie (etc.)" (G.BESSETTE. l'Incubation. p. 168)./1 peut aussi y avoir arrêt et redépart syntaxique. Ex.: "J'ai vu laplaine, pendant l'été. attendre, attendre un peu de pluie."(GIDE. Romans, p. 161 j, V. à eutocorrection. rem, 2,

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RÉCAPITULATION On reprend en une formulecondensée les différents points d'un exposé,

Ex.:Nous avions toujours été épargnés, protégés par unecommune indifférence envers la vie. nous étions d'unerace différente (a) disais-tu. nous étions incapables desouffrir ('0). nous étions d 'une race supérieure (c) aimais-tuà répéter eusse nous étions beaux (a), insensibtes (b) etfiers (c)....M.-CI. BLAIS, l'Exécution. p. 55

Analogue Anacépha!éose (Marier).

Rem. 1 La récapitulation est un moment essentiel dudiscoursclassique 1 (V. à plan). Ex.: "Nous avons dit que.,." Maison la rencontre aussi en littérature (ex. Cité). Dans les limites dela phrase, elle est l'inverse de la régression'.

Rem. 2 On distinguera récapitulation. division et résumé. Lesdeux premières sont rattachées au corps du discours': larécapitulation SUIt et la drvision précède. Le résumé. lUI, estIndépendant.

Si le résumé s'étend à un ouvrage, on l'appelle encoreabrégé, précis. mémento. diçest. livre condensé. Le sommairerésume très brièvement. par simple énumération', les sujetstraités dans un chapitre.L'argument ou synopsis d'un scénario cinématographique,d'un opéra. d'un essaI. d'un discours' est une brève analyseportant sur l'essentiel.

Rem. 3 Parce qu'elle rassemble plusieurs éléments. larécapitulation prend aisément la forme d'une énumération'.Ces éléments conduisent normalement vers une conclusiongénérale ou synthèse (cf. L. SPITZER, Études de style. p.283-4).

RECETTE Résumé des ingrédients et des actions quipermettent de confectionner qqch. Ex.: TOMATESFARCIESCreusez de belles tomates, saupoudrez l'intérieur defromage râpé. garnissez chacune d'un demi-oeuf dur.salez. poivrez avec du piment doux.J. M. SIMMEL On n'a pas toujours du cevier. p. 209

Ex. litt.: POUR FAIRE LE PORTRAIT D'UN OISEAUPeindre d'abord une cageavec une porte ouverte (etc.)J. PRÉVERT, Paroles, p. 151

1 Cicéron conse.He même de rappeler les arguments de la preuve. mars en variantson style (le Clerc. p. 149).

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Rem. 1 La liste des plat s est le menu, qu i leur acco lle un titre ' :Poulet chasseur (aux peti ts pOIS), trutte meunière (panée). Lequalifiant ind ique la garn iture.

Rem. 3 La recette a une marque de sa fin (V. à chute, rem. 2). quiest " Et servez chaud " ou une variante.

RÉCIT Le réc it (t erm e g én én q ue) est créé par lasépa ration du desti nat a ir e et de l'hist o ire . Celu i-ci nepeut la con naître q ue pa r un narrat eu r et une narration.La description' . le d ial ogue ' . le d isco urs'. le m onologue'i n t é r i e u r t ent ent de franchir cette di stance,habituellement t emporelle .

Le récit peut donc toujours êt re fict if. mêm e s'i l e:Jtsitué dansle passé. comme c'est habituell ement le cas. De plus, c'estsouvent un type de texte très élabo ré. vu qu'il rend compted'une action , avec personnages. lieux, objets. Circonstances,paroles, durée. etc.

A ussi le récit a-t-il reçu dès l'on qme un grand dévelop pemen t:mythes' , contes, fables, apo logues' . épop ée; et Il se trouveencore aujourd'h ui des plus répand u: roman s en tous genres.nouvelles. biograph ies. recon stitutions hrstonques. reportages,etc .

La premiè re marque du récrt est la double actualisationtemporelle créée par l'absen ce du destinataire au moment del'action. Il y aura un présent de l'action (appelée encore htstoue.fable, fiction, narré) et, en sunrnposrtron. au moins implicite. unprésent de la narrat ion . (V . à énoncte tionï. Ces deuxtemporalités peuvent s'ignorer ou se JOindre (cf. G. GENETTE.Figures /II, p. 232 à 234), mais Jamais se confondre. sous pemede déboucher dans un vrai présent qUI abo lit le récrt. Ex.: Audébu t de la Peste. on lit des phrases comme: "Nos concitoyenstrevetttent beauco up. mais touj ours pour s 'enrtchir" (A.CA MUS, Théâtre, réctts. nou vel/es. p. 1219). alo rs que le récrtdébute tro is pages plu s 1010 sur l' ind ication d'un temps pr ècis.séparé de cel ui de la narration: "Le mattn du 16evnt. le docteurBernard Rieux sortit de son ceb tne t et buta sur un rat mort. aumt/leu du palier. " Les Oranais ont pu s'indigner des vues deCamus dans son préambule. mais non contester les événementsdu récit. car il relève d'une autre temporalité, séparée duprésent et dès lors, parfois. du réel.

Cette particularité d'une double temporalité entraîne, le plussouvent, dans le rècrt. une seco nde rnarqo-i. l'emploi d'untemps du passé. J . Dubois (t. 2. p. 209 et sv.) a réun i un faisceaude marques conco mitantes qUI opposent l'énoncé direct auréci t.

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ËNONCË DIRECT RËCIT

TEMPS DU VERBE

présent: ancrage !paSSé simple ancragenunégocentrique allccentriqueimparfait simple imparfait: simultanéité àantériorité l'ancrage allocentrique

plus-que-parfai t antérioritédans l'ancrage allocentrique

passé composé passé antérieur résultatrésultat d'une action d'une action antérieureantérieure dans dans l'ancrage allocentrique

ancrage nunégocentrique

PRONOMS

je (nous) le locuteur 1l l t s j . e l Ie rs j : personnagestu (vous) destinataire

ADVERBES DE TEMPS

le lundi d'après (suivant) /le lundi d'avant (précédent)

le 16 avril (par exemple 1le lendemain / la veille

y a deux un an après / deux jours avant

aujourd'hui.demain / hierdans un an / iljourslundi prochain / lundidernier

(ici)

ADVERBES DE LIEU

(ailleurs)

C'est par un procédé, le dialoqisme (V, à dialogue), Ç1uel'énoncé est réintroduit dans le récit sous forme de dialogue". Etquand le récit contient des descriptions' ou des explications", ilpeut perdre sa forme caractéristique et revenir à j'énoncédirect.

Ex.: Ouelques personnes hardies se tisqueient .....à constater enGilliatt certaines circonstances atténuantes. quelquesapparences de qualités. sa sobriété ..... Mais être sobre. ce n'estune qualité que lorsqu 'on en a d'autres,HUGO. les Travat/leurs de la mer, 1. 1 5

Même t'acnon. du reste. peut apparaître au présent. qu'onappelle "présent iustortque". et qUI donne plus d'actualité à cequi s'est passé. Ce présent dort cependant être mieux amenéque dans l'exemple suivant: *11 se mit (le cordonnier) à taper trèsfort sur une semelle et le type (un client) s'en va" (QUENEAU.Zezœ dans le métro. p. 83),

Inversement. il suffit de construire en "discours indirect" unénoncé pour qu'il devienne du récit. Ex.: "Mlle vetnez. sanss'expliquer davantage. ajouta qu'elle l'adorait plus que jamais *(FLAUBERT, l'Éducation sentimentale), Et "on peut même fairel'ellipse' de la principale. ce qUIdonne l'indirect libre, récif quireprend l'énoncé presque mot pour mot. en conservant mêmeles exclamations', les Intonations' (M, UPS, le Style indirect

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libre, p. 51), mais en modifiant deux marques: les pronoms etles temps. Voici, en exemple, la surte du texte de Flaubert quivient d'être cité:Le comédien, à l'en croire. se classait détin.nvement parmi niessommités de l'époque". Et ce n'était pas tel ou tel personnagequ'il représentait, mais le génie même de la France, le Peuple!

L'indirect libre (libéré du syntagme' Introducteur) a unelégèreté qUI l'apparente au discours' direct mais sa formerenvoie à une présence du narrateur derrière le personnage.Dans le monologue' Intérieur ou le dialogue', le narrateurs'efface. L'importance de ces formes dans le roman actuel. où leprésent est fréquent s'explique peut-être par une conscienceaiguë de la nature du texte littéraire, qUI sera de toute façon àune certaine distance du réel, qUI ne peut coïncider avecl'action narrée, mais qUI la re p rod urt plus ou moinscomplètement et indirectement de façon diffé rée, dans uneautre temporalité, toujours sous-jacente. et qu'on s'amuseramême à faire surgir:Gabriel ...._prononça ces mots: "L'être ou le néant, voi là leproblème ..... Gabriel n'est qu'un rêve (charmant), Zazie lesonge d'un rêve (ou d'un cauchemar) et toute cette histoi re..... à peine plus que le délire tapé à la machine par unromancier idiot (oh! pardon) ......" Des voyageurs faisaientcercle autour de IU/~ l'ayant pris pour un guide complémentaire.QUENEAU, Zazie dans le métro. p. 90-1

Il n'y a donc, tant qu'on passe par le typographe ou la dactylo,aucun risque réel à permuter les marques du récit avec celles del'énoncé direct à dire vous à ses personnages (M. BUTOR, laModification), à se faire dire vous par un de ses personnages(HC'est vous l'essessin", dit Poirot au narrateur dans le Meurtrede Roger Ackroyd: cf TODOROV, Poétique de la prose, p. 63),etc. Le lecteur n'en saura que mieux qu'il est en train, ensomme, de faire une lecture, tout au plus devra-t-il décoderdavantage.

Rem. 1 De même que le présent est le temps non marqué dusystème nunégocentrique (celui dont le centre est moi,maintenant), l'imparfait passé de l'énoncé, sert de temps nonmarqué au récit. De là est venue l'utilité d'un temps spécifiqueqUI marquerait l'ancrage allocentrique: le passé simple; ainsis'explique qu'il y ait au récit un temps de plus qu'à l'énoncé,

On s'étonnera peut-être aussi de la répartition des pronoms,La troisième personne n'a pas de rôle spécifique en énoncédirect parce que les tiers y sont adjoints soit au locuteur (vousexclusif). soit au destinataire (nous exclusif). Dès qu'on emploieiI(s), elle(s) pour des personnes, il y a une certaine distanciation'et c'est un premier pas vers le récit...

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Inv ersem en t. les 1re et 2e personnes n' on t pas de rôlespécifique dans le récit. Ouand elle s apparaissent. c'est que lerécit tend à imiter "énoncé direct.

Ex.: "Catherine dit qu 'on lui demandait p lus qu 'elle ne pouvaitdonner. Une sorte de rage montait en elle " Cela aurait pu êtresi simple entre no us" . "J e su is f atiguée" , dit Catherine. " (A.H ÉBERT, les Chambres de bo is).

Rem. 2 Un r éc it étend u est formé de ptusieu rs épi sode s. dontl'en chaînemen t constitu e une intrigue . Le fd directeur de cella­ci est souvent l'évo lut ion des att itu des ou des caractères. cequ'on appe lle " action (pour l'action mténeure Cf. l 'Étude desstyles . p . 16). A insi. par exem ple . le monoli th is me d epersonnages comme ceux du thé âtr e de Montherlant. enfe rmésdan s leur "mécaniq ue mo rale" et qui s'att ronte nt sans espoir decompromis. fai t que l'act ion en profond eur n'a pas lieu sur lascène. mais en Coulisse ou ent re les actes. Le rythme du récit (V.à ryth me' de l'act ion) est déte rm iné par la duré e des épisodes:"dans les drames. les ép isodes sont brefs tand is que dansl'épopée, ce sont eux qUI donnent A l'oeuvre son étendue "(AR ISTOTE . Poét iq ue. § 145 5 bl . La p é r i pé t i e est unrevir eme nt de l'action dans un sens Inverse à celui de l'é pisodepré céden t . Le r e bon d iss em e nt e s t u n nouvea udéveloppement. qui retardera le dénouem ent. La d ive rsio n estun événement qUI change le cours de l'senon. Le co up dethéâtre est une modifi cat ion spectaculaire et Inatt endue det'act .on , El(,: le dénouement de l'Astragale dA Sarrazin. Ledénouement heureux est appelé happy end L'ép ilog ue est unrécit de ce qUI se passe après le dén ouement.

Au point de vue de la fo nct ion . on dist ing ue, en narraroloq ie.les épi sodes (ou s éque nces) nécessaires à l' inte llig ibilité. quiont une fonct ion ca rd inale: et les aut res, "expsnston par luxesou déta ils, qut ajoute à l 'att raction ", qui ont une fonction decatalyse (Diet. des médias).

Rem, 3 Ou bien le r écrt est du type objecti f. comme en histoire,où un aut eur relate les faits de son po int de vue, qu i estextérieu r à l'én oncé: ou bien il y a "f ocalisat ion " (Genette) surun person nage: c' est ce qUI lUi apparaît qu i est racon té . Cepersonnage est souvent le héros (comme dans l'Étranger deCam us, où Meursa ult est à la fo is "personnage-po int de vue",héros et nar rateur figuré) mais parfo is Simple tàrn om. Dans lerécit autobiographique. l'aute ur lui-mêm e se met en scènecomme person nage et il assume aussi bien le r écrt que la miseen perspect ive (ce que G. Genette appelle VOIX et mo de, "quiperle?" et "qUI voit?": cf. Figures III. p. 183 et 225).

La focalisation appa raît comme un procédé presque artificiel

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dans Août! 4, où Soljenitsyne p!ace le récit. qu'il assume IUI­même, successivement aux POints de vue d'un Jeune homme,Santa (chap 1 et 2), d'une Jeune femme Irène (3 et 9), d'uneJeune fille, Xénia (4 et 5), d'un koulak, Zacharie (6 et 8), dugénéral Samsonov (10, 11, etc). d'un Jeune colonel fringant,Vorotyntsev (12, 13, etc.) Pour donner au lecteur une vued'ensemble des opérations militaires, il .ntrodurt çà et là desrésumés de type objectit. Imprimés en plus petits caractères(chap. 32, 41 notamment).

Rem. 4 Rien n'empêche le récit d'engendrer un autre récitdistant de lut. et donc doublement distant de l'énoncé direct: ilsuffit que le premier récrt SOit la narration du second. G. Genettepropose pour le second le nom de métsdtéqése (qu'il critiquedu reste avec pertinence. dans Figures III, p. 239, n. 1). AinSI,les Mille et une NUits racontent que Schéhérazade raconte ... Leprocessus se renouvelle SI Haroun-al-Rasch:d. héros de l'une deses historres. se fait raconter l'histoire de Sidi Nournan. V. àmiroir, rem. 5.

Même le récit au 3e degré peut être transposé en énoncédirect AinSI, dans les Conquérants (p. 134 à 137), Malraux meten scène Garine qUI met en scène Tcheng-DaL qut se met enscène vingt ans plus tôt:Monsieur Getine. dit-II (Germe Imite presque la VOIX faible.mesurée. un peu doctorale du Vieillard) . Je sais ou 'une viehonorable n'échappe pas aux Injures. et je les dédaigne. MaiS;'al dit à des hommes dignes de respect de constdéretion. qUIavalent placé en mOI leur confiance: "Vous voulez bien croireque je suis un homme juste (etc.)"

Une autre façon d'engendrer deux niveaux de récit est defaire apparaître l'énonciation' .mplicrte. qUI devient énoncé du1er degré (l'autre énoncé devenant énoncé au 2e degré). C'estce que fait Gide d'un bout à l'autre de Paludes.

Rem. 5 Plusieurs genres brefs courants sont à I'mtersectron duréctt et du discours' Ce sont le reportage. la Circulaire, leprocès-verbal. le rapport. le mémorandum (mémo). Le scénarioabrège le récit. Il supprime la mimèse (tentative dereproduction de la temporalité de l'actron) et résume la diégèse(histoire du passé). Un scénano est habituellement postérieur àun roman mais anténeur à un film,

Rem.6 En ce qui concerne la disposition des séquences. il y a denombreux procédés. L'Identification en a été entreprise:L'ENCLAVE: une séquence élémentaire se développe .9t'intérieur d'une autre séquence élémentaire. SOit qu'ellemédiatise le passage à l'acte ou l'achèvement. SOit qu'elle yfasse obstacle; IACCOLEMENT' deux séquences élémentaires

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se développent simultanément.CI. BREMOND, Logique du récit, p. 132.

Rem. 7 V. à actant, rem. 1; elluston. rem. 4; anachronisme, rem.1;enticipetion. rem. 1; apocalypse. rem. 1, apostrophe, rem. 1;atténuation, rem. 3; chute, rem. 2; déchronologie; déttrutton.rem. 4; description. rem. 4; ellipse. rem. 5; enchessement.autres dét.: énigme, 2; énoncietion. rem. 1; escalier, rem. 4,exploration, rem. 4; qénéretisetton. rem. 4; hiatus, autre déf:Incohérence; mythe; portrait, rem. 3; prophétie, rem 1;prosopopée. rem. 2 & 4; répétition. rem. 5; reprise, aut re déf.;symbole. rem. 3.

RÉCRIMINATION Au lieu de se disculper, on accusel'adversaire.

Ex.: Et tut m'a donné un coup de pied. V. aussi à excuse, rem.1-

Rem. 1 La récrirnmation a son intonation'.

Même déf. Robert

Autredéf. Métastase' (QUillet. Littré, Lausberg). "Pletnte emére"(Robert)

Syn. Antanagoge (Littré).

REDONDANCE Redoublement expressif de l'idée pardeux phrases proches. QUILLET

Ex,: Ce qu 'JI faut à. tout prix qUI règne et qUI demeureCe n'est pas la méchanceté, c'est la bonté.VERLAINE, Sagesse, 1,3.

Même déf, En théone de l'information. plusieurs parties dumessage transmettent la même chose

Syn. RéduplicatIOn' (Fabn). redoublement (Quillet).Autres déf, Pour les anciens. pour Littré (repris par Lausberg etRobert). le mot a un sens pius large: "exces dans l'abondance oules ornements du style H; V. à bettotoçie. baroquisme.grandiloquence, métabole. rem. 1; phrases, 5; verbiage.

Fontanier, lui. y voit surtout un défaut. "Hedondence.pléonasme vicieux ou périssologie. c'est tout la même chose"(p. 302).

Rem, 1 S'il ya redondance dans les mêmes termes. c'est unehoméologie (Lanharn. "homoioloqieïï; en termes différents (2eexemple). une macrologie (Fabri).

Rem. 2 La redondance apparaît comme Justifiée quand JI fautinsister sur l'étrangeté d'une assertion' par exemple.Les oeufs pour le repas du soir ont disparu. Cherchez-les dehorsmais au chaud. Oeufs dans l'haleine d'un veau. Les oeufs s'envont là. C'est là qu'ils se plaisent. Ils se donnent rendez-vous

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dans l'haleine des veaux.MICHAUX, la Nuit des disparitions. dans Un certain Plume.

Rem. 3 La redondance peut prendre la forme d'une antithèse'.Ex.: "Trotsiérne partie après Pim pas avant pas avec" (BECKETTComment c'est p. 14).

RÉDUPLICATION Répéter consécutivement. dans lemême membre de phrase, certains mots d'un intérêtmarqué. LITTRÉ.

Ex.: ... ce tyran qui ne peut rien. rien laisser faire

H. MICHAUX, Mon roi dans La nuit remue

Ex. litt.: Ô triste, triste était mon âmeÀ cause. à cause d'un femmeVERLAINE, Ariettes oubliées, 7.

Même déf. Fontanier (p. 330), Marouzeau, Ouillet Robert.

Autres noms Redoublement (Marouzeau, Ouillet. Robert).conduplication (Fabrl, t. 2. p. 175), épizeuxe (Mener). palillogie(Morier). V. aussi à çéminstion. autres déf.

Autre déf, "deux foys dire son compte en deux manières,comme: Tbobie estait homme ieusne et non Vieil" (Fabri. t. 2, p.73). C'est la redondance'. iCI sous forme d'antithèse'. V. aussi àpolysyndète.

Rem. 1 Marouzeau distingue une réduplication copulative (joliet joli) et une réduplication asvndétique (joli, joli).

Ex. litt.: De mille et mi/le Idoles de soleilLa mer, la mer toujours recommencéeVALÉRY. le Cimetière marin. vers 135 et 4.

L'effet est parfois Ironique (V. à interruption. rem. 3).

Rem.2 La réduplication est une répétition'. Ouand elle n'est pasimmédiate, avec un effet de soulignement", c'est une demi­réduplication.

Ex.: NOn aurait dit que deux petites lampes s'éteient alluméesdans ses yeux - deux petites lampes dont la lueur vecülente(etc.)"(G. ROY. Bonheur d'occesion). V. à ensdiptose, rem. 3.

Si la répétition est eXigée par la syntaxe. l'effet est pratiquementnul et on a une fausse rédupiicetton. Ex.:On appelle ce comité.comité directeur. Notre problème est un problème declassement.

La répétition Immédiate n'est pas toujours syntaxiquementpossible, notamment avec les pronoms. Littré considère doncavec raison comme une réduplication ce vers de Hacme: "Et quem'a fait à mal cette Troie où le cours". V à isotexisme. rem. 4.

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Rem.3 Si le segment répété est un syntagme" Isolable, on a uneépettelepse (V. ce mot, rem. 1J.Rem.4 Il faut savoir user de la réduplication sans en abuser. Ex.:Cette émission. chers téléspectateurs. vous parlera de labeauté, de la beauté de la flore, de la flore de la toundra, de latoundra de la Baie James.

Rem, 5 La réduplication peut servir d'épiphrase (V. ce mot. rem.1J ou d'autocorrection (V. ce mot. rem. 2)

RÉÉCRITURE Le lecteur a droit à plusieurs étatssuccessifs du même texte, états qUI se distinguent nonseulement par quelques variantes], mais par desdifférences parfois considérables dans le contenu, laforme, voire l'intention et les dimensions.

Ex.: La première Éducation sentimentale; Holyoke. de FrançoisHébert. qUI présente quatre versions 1 révisions d'un texteinachevé. Ponge donne deux versions successives de l'Appareildu téléphone (le Grand Recueil. vol. 3, 1)

Analogues Rewrttinç (anqlais). version nouvelle, refonte.

Rem. 1 La surcharge (Littré rescnptionï est une écritureajoutée après coup, à côté ou en marge. Elle est utilisée commeprocédé dans les affiches publicitaires (adv. de soulignement"ajouté à la main par exemple) La rature est une surcharge oùun mot est biffé. Ex.: l'oeil ~ Michaux. La préposition bifféeopère une identification. Et ce titre de Butor: Où. L'accent bifféintroduit une syllepse'.

Rem. 2 Le repentir (terme emprunté par Marier au vocabulairepictural) est un court passage modifié, ajouté ou retranché à sontexte par l'auteur avant publication. S'il s'agit d'éliminer uneimperfection, on parle de retouche, "L'étude des repentirsmet en évidence (le) métier (de t'écrtvam). ses scrupuleslmqutsttoues. son SOUCI de logique, de propriété (des termes).de cohérence, de préciston. sa délicatesse, sa pudeur" (Marier)"Pertots l'expresston se Valle: des grottes obscures deviennentdes grottes inconnues (coup d'estompe): souvent elle gagne enretiet: ce sont les grottes basaltiques de Baudelaire (coup deburin)" (lb.)

Rem. 3 L'interpolation est une modification par autrui du texteoriqinal, en sorte que le sens' est entaché par erreur ou parfraude,

1 Dans le cas où l'on possède plusieurs formulations d un même texte. chaquevanante consntue ce que la phllolGgle appelle une leçon. Les variantes inventées parle lecteur en VL'e d'explorer les sens du texte. oarr.cuuèrernent le sens subjectal (V àsens, 8), ont un Intérêt plus actue:

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Rem. 4 En paléographi e, pour marquer qu 'u ne lettre est àsupp rimer. on place un pomt dessous (parfoI s dessus); poursupprimer un mot. on l'entoure de pornts. C'est l'exponction ouexponctuetio n (Grand Larousse encyclopédique) .

Rem. 5 La réécntu re en résumé est une méta ph rase (V. àparaphrase. rem. 1).

Rem. 6 Des textes entiers sont rééc rits pou r passer d' un genre àun autre (ex.: le roman de Malraux l'Espoir, adapt é pour lascène). d'un public à un autre (vulgarisation. version abrégée).etc.

REFRAIN M o ts rép ét és à chaque c ou p le t d' u nech an so n. LITTRÉ.

Ex.: la Chanson de la plus haute to ur de Rimbaud. QUI a deuxcouplets dont voici le refrain:

Qu 'il vienne, qu 'II vienne,Le temps dont on s'ép re nne.

Même déf, QUillet. Robert .

Autres noms Ritournelle . rime ' ky nerle (vers' revenant à la fm dechaque str op he' ): rebrrche (refrain de ballade ' , Cf. Marier).

Rem. 1 La l itanie est une sorte de refrern dans laquelle leth ème' change tandrs que le préd icat est maint enu. Ex.: V. àInjure. rem, 3 : à colte tto n. rem. 4; cf. JOYCE. Ulysse, p. 3 44. Onappelle ca ntilation la lecture liturq.que pub lique fa ite sur unmod e récitat if.

Rem.2 R, Char (Jo uvence des Névons. dans les Matinaux), a desanaphores étendues qUI sont des refrains en déb ut de stro phe.Dans le parc des Névons / Ceinturé de prames, / Un ruisseausans talus, / Un enfant sans ami / Nuancent leur tri stesse / Etvivent mieux etnst. / Dans le pa rc des Né vans / Un rebelle s 'estJOint / A u nusseeu. à l'enfant, / À leur m irag e enfin. // Dans leparc des Névons / Mortel serait l'été / Sans la VOIX d 'un gn l/on /OUI. par Instant. se tait.

Rem. 3 Le refrain peut avo ir des eff ets co miqu es. Ex.: R.Quen eau tExercic ee de sty le. p. 120) scande le récit' enajoutant al t ern at ivement. après chaque syntagme " 'pardevant" et ' par derrière", comme dans les Jeux

Rem. 4 Le leitmotiv est une phr ase ou une Idée qUI réapparaîtavec constance. Ex.: 'Peu imp orte ". dans le Libraire de Sessette.p. 7. 10 . 34,54.66.67. 88. 89 .90. 12 5. 14 3. 146. 153Rem, 5 V. à épenstepse. rem. 5; inctuston. rem 1. nm e. rem. 3.

RÉFUTATION Raisonnement' tendant à renverse r laconclusion de l 'adversai re à parti r d 'u n (o u pl us ie u rs)argume nt ' susceptib le de saper l' un ou l'autre des siens.

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Ex.: On avait reproché à Jules Fournier d'avoir "critiquéinjustement" un professeur de l'Université Laval. Il y a méprise.dit-il. et pour "plusieurs bonnes raisons, dont une suffiraseule: c'est que je n'ai pas critiqué du tout M. du Roure.Car enfin, qu'al-je écrit vraiment? (etc.)" (J. FOURNIER,Mon encrter. p. 101).

Rem. 1 Le Clerc propose de réfuter en cherchant les défauts del'argumentation adverse.S'il a prouvé autre chose que ce qUI était en question s'il aabusé de l'ambiguïté des termes. s'II a tiré une conclusionabsolue et sans restnctton de ce qui n'est vrai que par accidentet à quelques égards. s'it a donné pour cleir ce qui est douteux.pour avoué ce que nous tui contestons, pour propre à la causece qui n'est que vain dtscours...Nouvelle Rhétorique, p. 137.

Mais les principaux "lieux" de la réfutation sont les "lieuxcommuns" (V. à argument). Angenot en spécifie quelques-unsdavantage.- Lacontradiction IPerelrnan. t. 1. p. 262), où l'on montre quel'adversaire n'est pas logique avec lui-même.- L'incompatibilité, où l'on dit qu'il veut obtenir à la fois deuxchoses inconciliables (On ne peut pas être et avoir été).- Le dilemme (Kibedi-Varqa. p. 65-6), appelé aussi argumentcornu (T.L.F.), où l'on oblige l'adversaire à choisir entre deuxpartis ausst désavantageux pour lui l'un que l'autre.- Le pseudo-dilemme. où l'on reconstitue deuxraisonnements' contraires tenus tous deux alternativementprétend-on, par l'adversaire, et en vue d'aboutir de toute façon àla même conclusion (Perelman, t. 1. p. 319).- La dissimilitude, où l'on montre que l'adversaire confonddes cas tout à fait distincts et pratique l'amalgame.- L'exemple du contraire. qUI a pour effet de réduire unevérité générale à une vérité simplement occasionnelle.- La redéfinition du sujet avec citation' d'autorités à l'appui.Ex.: "J'appelle République. disait J.-J. Rousseau. tout État régipar des lois sous quelque forme d'administration que ce puisseêtre. car alors seulement l'Intérêt public gouverne et la chosepublique est quelque chose". À ce compte, neri ne ressemblemoins à la République que le régime où nous Vivons.R. DE JOUVENEL. la République des camarades, p 265.- La partialité probable. où l'on montre que nul n'est bonJuge dans sa propre cause. Ex.: 'Le fonctionnaire de la pensée(alias le prof) se défend de pensées commandées. personnen'avoue tecilement des tâches de pohcier" (NIZAN, les Chiensde garde, p. 96).- L'absence de preuve à I'eppui de telle ou telle affirmation.

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Ex.: "Ces choses-là - on conviendra qu'elles sont d'importance-sontposées sans l'ombre d'une preuve. Et c'est sur elles queva reposer tout l'édifice" (J. BEN DA, le Berqsonisme. p. 22).Pour la réfutation du dilemme, V. à stternstive, rem. 3.

Rem. 2 L'apodloxls, ïécbeppstoire et d'autres réfutations demoins bonne fOI sont décrites à argument rem. 2. V. aussi àsophisme, rem. 3, entipsrestese. rem. 1: concession. rem. 3:contre-litote. rem. 2: excuse. rem 1,

Rem. 3 La réfutation prend place dans la seconde partie dunoeud (V. à plan). Elle caractérise la relation locuteur 1destinataire. (V. à énoncietion. rem. 1). Elle a son intonation'Elle prend la forme d'une dissimilitude (V. à parallèle, rem. 1),On peut la simuler (V. à faux, rem. 1).Anticipée. c'est une prolepse'.

Rem.4 Lacontre-réfutation consiste à réfuter une réfutation. Sil'argument" opposé à un raisonnement" est présenté d'avancecomme susceptible d'être réfuté éventuellement. c'est uneobjection sans plus. L'objection caractérise la discussionmenée de bonne foi (on ne cherche pas à réfuter mais à voirclair). Aussi se présente-t-elle de préférence sous forme dequestion', Ex.: "Oue faisiez-vous au temps chaud? dit-elle à cetteemprunteuse" (La Fontaine). Elle peut être aussi simulée(argument ab absurdo; V. à supposition. rem. 1).

RÉGRESSION Reprendre ..... les mots qUI se trouventau commencement (d'une phrase) ..... en les expliquantun à un. LITTRÉ.

Ex.: ..... l'injustice des gens et des choses; de ces gens àqui, en donnant la terre. Il avait tout donné de ce quin'était pas IUI~' de ces choses à qUI~ en donnant sa vie etson coeur, il avait tout donné. tout sans réserve. À quoiboniRINGUET. Trente Arpents, p. 303

Autre ex.: Elle le quitta avec impatience et dédein: Impatienceparce qu'il la contrsrieit. dédain parce qu '11 n'était pas riche.MONTHERLANT, le Chaos et la nuit. p. 161. V. aussi àépenorthose. rem. 4.

Même déf. QUillet. Lausberg (§ 798), MOrler (sens 2).

Autre nom Épanode (Littré. Quillet. Lanham).

Rem. 1 La réqression est une récapitulation' anticipée.

Autre déf. "Reprendre ..... les mots qUI se trouvent aucommencement (d'une phrase), en les rangeant dans un ordreinverse' (Littré, Morier. sens 1). À ce sujet. V. à réversion.

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REJET Fait de rejeter à la fin de la proposition ou de laphrase un élément important et significatif. l'ordrenormal étant abandonné dans un SOUCI d'expressivité.ROBERT.

Ex.: Est-ce qu'II n'y aura vraiment pas quelqu'un pourreconnaître ..... tout cela, pour lui arracher, le crayond'abord à la main et puis la plume. le sens.P. CLAUDEL. 0 en prose, p. 644.

Autre nom Rejet syntaxique. Trajectio (chez Mener. lorsqu'ils'agit du rejet d'un adverbe). Ex,: HTu vas te reconneîtte au leverde l'aurore Amèrement la même.:." (VALÉRY, O. t. l. p. 105).

Autres déf. 1 - Rejet prosodique: en fin de vers ou àl'hémistiche; V. à enjambement. rem. 2; césure, rem, 6.

2 - Rejet énonciatif, Ouand le locuteur ne reprend pas à soncompte certaines expressions, il utilise des marques de rejet(Dict. de Img.), les guillemets, la citation des sources,'prétendu' ou 'sol-disant', "ce qu'on appelle'. etc. V, à assise.53 - Rejet rhétorique ou apodioxis (V. à argument. rem. 2).

Rem. 1 Le rejet à longue distance d'un syntagme' inclus produitun effet de suspension'. S'II s'agit d'un syntagme exclu, V. àhyoerbate.

REMOTIVATION La motivation linguistique est larelation qu'établit l'esprit entre une forme et son sens',La remotivation est un changement apporté dans cetterelation.

Ex.: HLa poésie n'est pas seulement belle. elle est rebelle.belle et rebelle" (R. DUGUAY). Rebelle est ici remotivé en ra­et belle, donc "deux fOIS belle".

Autre ex.: La graphie de locomotive. où Claudel voit uneImitation de l'engin, le 1et le t figurant les cheminées; les 0, lesroues. (0 en prose. p. 83).

Rem. 1 La motivation est souvent mconscrente, Elle compensele caractère arbitraire du signe, car la relation établie n'a jamaisun caractère de nécessité absolue, Comme "a montré Saussure.il n'y a pas de raison pour que tel Signifié reçoive tel signifiant (àpreuve la diversité des langues) La motivation est unphénomène psychique qui vient se greffer sur le lien préexistantentre le Signifiant et le Signifié.

Il se réalise de diverses façons: onomatopée'. amorce sonore(V. à Jeu de mot), graphisme', assocranon à une famille de mots.étymologie', Avec des segments plus étendus, c'est lamétanalyse", Parfois, c'est seulement l'allure générale du mot.

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qu'on associe à la chose et par laquelle s'explique le pouvoirévocateur de certains mots-valises'

Plus subtil est le mot dévalisé, Inverse du mot-valise', danslequel on suppose qu'un terme usité est en réalité le résultat dela contraction de plusieurs mots qUI en sont un équivalentpériphrastique.Dans son Glossaire, M. Leiris en a accumulé des exemples.Sangloter: ôter ses sangles Foudre.' le feu en poudre. Décimer:détruire les cimes Abrupt âpre et brut.Le procédé n'est pas dédaigné des umversrtarres. À propos deChateaubriand, A. Brochu déclare par exemple: "Rancé - ceRené ranci ... -" (Hugo, amour /crime/Révotution. p. 25).

Plus facile à réaliser: la rernonvanon syntaxique, qUI ramènetelle catèqorie grammaticale à telle autre dont elle vientdiachroniquernent ' Un adj. ou un subst. qUI viennent d'unparticipe présent peuvent être ramenés à cette forme verbale.Ex.: Un étudiant des révolutions. L'objet direct réveille l'actiond'étudier alors que un étudiant fait seulement penser à un jeunehomme qUI fait des études.

"y a aussi rernotrvatron quand on revient du sens figuré, entrédans l'usage, au sens propre toujours actuel.

Ex.:"Tout à l'heure ..... j'avais été frappé (mot étonnant. Oue demots semblent avoir été Inventés par des névrosésl) parl'affreuse chaise qui s'y trouve (dans la salle d'eau d'un asiled'aliéné)." (MICHAUX, Connaissance par les gouffres. p. 78).

V. aussi à cornperetson figurative. rem. 3: à dénominationpropre. rem. 3.

Rem, 2 Quand un sens spécifique est attaché à un terme envertu d'un raisonnement. la motivation est parfois flottante. Parexemple, en statistique, moyenne objective e, subjective. Lamoyenne objective est celle des différentes mesures d'un mêmeobjet la subjective est celle des mesures de plusieurs objetsanalogues. Objective semble avoir été pns par référence aucaractère unique de l'objet. mais un autre raisonnement seraitaussi vraisemblable: avec un seul objet. la moyenne porte sur ladiversité des estimations (leur aspect subjectif): avec plusieurs.le calcul considère chaque variable comme Immuable,"objective"1 On obtiendrait alors des sens spécifiques Inverses.

RÉPÉTITION Employer ptusieurs tors les mêmestermes... FONTANIER, p. 329.

1 Dtachroruquernent "à travers le temps' En diachronie. on compare unphénomène à ce qu'tl était précédemment En synchrome. on le compare à d'autresphénomènes actuels analogues

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Cette définition. plutôt étrorte puisquelle ne concerne que les"termes". englobe déjà plusieurs figures spécifiques V. àréduphceuon. tnphcetton. tautologie. Pour d'autres types derépétition. V. à allitération. entrmétetbése. assonance. chiasme.écho sonore. qérnmet.on. pléonasme. verb.çéreuon. et ledoublon (à faute)

Même déf. Littré. Quillet. Lausberg.

Rem. 1 SI la répétition porte sur plusieurs termes. Ils peuventrevenir dans un autre ordre.

Ex.: Voix en bas: Coopequesne - Jean Mldi-Toutmouillé­malvenu Autres voix' Toutmoutllé - malvenu - Jean Midi ­coupequesne -P. CLAUDEL. Jeanne d'Arc au bûcher. p. 65

Rem. 2 La répétitIOn. quand elle n'est pas utile. est unenég!lgence. N. Arnaud (les Vies parallèles de Borts Vlan. p. 294)raconte qu'un romancier pnx Goncourt avait charqé Vlan derevoir ses textes pour ôter les répétitions. De là peut-être lemalin plaisir que prendra Vlan plus tard à en accumuler degratuites. "C'est compliqué. dit Chick ..... C'est merveilleux. ditChick." (6. VIAN. l'Écume des jours. p 13)

Rem. 3 Il Y a des répétitions intensives (V à ernphhcetton. rem3: anaphore; sntéptphore. éptpbore). même renforcées (V. àsoulignement. rem 1)

Rem. 4 Lapalilalie. maladie de la répétition. consiste à redire lemême mot mdét.rurnent. la palimphrasie. la même phrase. Vaussi à épenetepse. écholalie La répétition quasi mécaniqued'un acte est appelée itération en psychiatrie (Marcbais]. Lesmédiévaux se signaient avant de compter 1. 2. 3. 4 de craintede l'automatisme (diabolique) qUI les forcerait à poursurvre

Rem.5 Dans le récit'. on trouve des répétitions d'épisodes. sousforme d'annonce' ou de rappel. ou avec des variations'. C'est ler ëcrt ' "répétitif". auquel s'oppose le récrt ' "stnqutettt"(GENETTE, Figures III. p 147). V aussi à boucle.

RÉPONSE Énoncé dont la fonction est de compléter, deconfirmer ou d'Infirmer une question'

Ex.:Où je prétends aller? Je te le dirai en confidence. (Etc.)GOETHE, Souffrances du jeune vvertber. p 110

On VOit que la réponse peut commencer par reprendre laquestion (en adaptant les actuahseteurs). Elle peut aussi laretourner treouesttom. ou en reprendre les termes (SI c'est enretournant leur sens, on a une sntenectsseï. Loc.. prendre laballe au bond. Ex.: "Le roman-fleuve Ce fleuve est le Léthé"(CLAUDEL, Journal, t2. p 116)

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Analogues Répondre du tac au tac: " rendre coup pou r coup"

Ex,: "- Venez à la première de Pygmalion avec un ami, SI vousen avez un ", aurait écrit G. B. Shaw à un zoïle en lui envoyantdes billets. Celui-ci aurait repar ti: "- Je ne SUIS pas libre, mais jeviendra i à la deuxième, s'il yen a une."

Repartie: "r éponse vive et spirit uelle" .Rép lique: " réponse à une réponse" . Ex. courant: Si! Ex, litt.;"Tou te ma poésie est là: /e décalque / L'Invisible (invisible àvous)" (COCTEAU, Poèmes, p. 79) .Rétorsion ' : réponse à une object ion.Répons: "ch ant exécuté par un sol iste d'une part et répété enparti e ou complété par le choeur, qin représente le peuple ". Lapart ie à chanter par tous est marquée d'un R orné.

Loc. Servir la soupe: "donner la réplique à un comédien pourqu 'il puisse bri ller ou quand il mémor ise son rôle" . Fin de non­rec evo ir. V. à tautolog ie, rem. 1.

Rem, 1 Le Jeu alterné question / réponse (V. à dialogue) estprésent dans des segments plus courts ou plus longs que laphrase, et d'abord au coeur de la simple assert ion' . Celle-cin 'est-elle pas divrsèe en présupp osés d'une part , en poséd'autre part ? Les présu pposés for ment le contenu plus ournoin s implicite d'un e quest ion (qu i précise habituellement enout re que lle est la pièce qUI manque au puzzle). Le posé est laréponse.Dans un texte plus étendu, la posinon de la que stion peutrequérir plu sieurs al inéas tandis que la réponse s'artic ulera enargu ments multi ples, hypoth èses. conclusrons et r étlexrons.

Signalons aussi l'accumulat ion d 'échanges brefs, comme lescatéc hismes, " recueils de véri tés doctri nales" sous forme dequesti on 1 réponse, qu'il fallait apprendre "par coeur". Not reépoque connaît un autr e type d'accumula t ion d' échanges brefs:le sondage d'op in ion . Dan s ceu x-cl. la rép onse est àl'i nterlocute ur. Plus dida ctique, le test ne donne à choisi rqu 'entre des réponses toutes faites. C'est une variété del'examen, où la réponse est cotée et permet de calculer unrésultat , base d'un classement des candidats.

Rem, 2 La plup art des textes parti cipent au dialog ue du moi etdu monde. On Interroge les aut res, on leu r répo nd , ons' inte rroge soi-même. Les textes les plus Impe rsonnels sonten core des rép onses et se comprennent plus netteme ntrep lacés dans leur contexte. Selon Jolies (Formes Simp les,p. l 04 et sv.), le genre htt éraire primitif du mythe est réponseaux interrogat ions implicites d' un audito ire, par opposit ion à ladevinette , où c'est la réponse qu i est Implicite. Le bon écrivainsait guid er l'esprit du lecte ur, l'amener à se poser une question,à laquelle il va se faire un plaisir de répondre.

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Ex.: Il essaie de 1""8 C'est le sou. La lumière de la lampe éclaireson livre. ses metos. le diven. Lire cependant devient difficile.Quelque chose quelque part diffère. Il jette un coup d'oeil par­dessus le texte. La chambre est devenue plus grande.notablement plus grande. Celte-ci ....se trouve dans une grandedemeure où Il est allé quetquetots. chez une grande dame. Ellepourrait entrer.MICHAUX, les Grandes Épreuves de l'esprit. p. 93.

P,US éVident. le mot-thème qu'on garde en réserve Jusqu'à ladernière ligne, comme fait Éluard dans Liberté et XavierForneret dans son Pauvre honteux (Anthologie de l'humournoir. p. 128-9). De même Breton (ib.. p.l 24-5) décritlonguement "un Bourguignon" avant de dire qu'il s'agit deForneret Le procédé est dénudé par Green décrivant un voyageen cargo sans nommer ni port ni mer, purs. avec une sorte decoquetterie de conteur: "Ai-je dit que la Bonne-Espérance allaitde France en Amérique? Elle SUIVait la route la plus longue etfilait droit sur Savannah. "(J GREEN,le Voyageur sur la terre, p.234,)

Au théâtre, il y a les phrases destinées à dévoiler à la salle lesdonnées de l'Intrigue, les personnages se nommant l'un l'autreet se faisant part de leurs préoccupations. C'est le dialogued'exposition (V. à explication. rem. 1) Ex.: Le début d'lphlgéme,est parodié en argot de Bruxelles (Brusseleer)AGAMEMNON. - Keboebet. moi je SUIS Ghamemnon.KABOEBEL. - Ghamemnon? Mo. Gbememnon. mal je sais bienque tu es Ghamemnon. Pourquoi c'oue tu me le dis le me le?AGAMEMNON. - Mo, Kaboebel, mal je sais bien que tu saisque je SUIS Ghamemnon. Je te dis ça s'ment parce que tu esmon confident,KABOEBEL. - Et ça est tout ce que tu as pour me contider?Merci s'tu'AGAMEMNON. - Keboebelke. mOI je te dis ça pour que lesaut'là le soûriont qUI sont s'essisdans la salle et qui ont donnéleurs censs pour ça.KABOEBEL. - Pourquoi c'que tu leur aispas ça toi mêm' dansleur fughuur?R. KERVYN, les Fables de Pitje Scbremoutlle. p. 85-6

Rem. 3 La réponse véhicule les marques d'un type de contactentre les Interlocuteurs. Celui-ci se modifie parfois en cours deroute (V. à résctuetistion. 3). L'Identification du destrnataire sefait sentir dans le ton, et c'est "chose capitale" (Valéry). Les troisstyles (sublime, Simple, familier) définissent à peine descatégories, autrefois SOCiales, d'auditeurs (V. à ruvesu delangue). On distinguera plutôt aujourdhu: ton oratoire.intellectuel. affectif Valéry, préoccupé de la réponse

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silencieuse de son lecteur, va jusqu'à en imeqrner le caractère:. ...un peuple. un garçon superttctet qu 'II faut éblouu: étourdtr.remuer - ou un d étien t tndtvtdu difficile à ouvri r - ou un de ceslégers-profonds qUI laissent tou t dire, accueillen t. setsissent.devancent. mets vite annulent tout ce qUI fut écritVALÉRY, o.. t. 2. p. 577

. Une part inavoué e de la réponse est à prendre en dehors del'énoncé propreme nt d it. not amm ent l'Id en ti f icati on dulocuteur. Par exemple, on parlera français au Danemark. mêmesion connaît l'anqlais. alors que l'angla is a plus de chancesd'être compris... uniqu ement parce qu 'on ne veut pas êt re prispour un Anglais. C'est la valeur petlo cutotre de l'én oncé.) Le tondévo ile a uss i l 'h ume ur du per sonna g e (m enace ,déco uragement. etc.)

Rem, 4 Un autre type de réponse, pas toujou rs att endue (nibienvenue) est l'o bj ect io n. On s'en fait soi-m ême: c'est lafon ct ion de négativité. Reprend re quelques mots de la questionsur un ton donné y suffit. Ex,:- C'é tett couru. - Couru,.. couru...On ne salt temets.

On n'évite pas les object ions. mais on peut te nter de lesréfu ter d 'avance . C'est la pro lepse ' et la subj ect ion (V. àqu estion. rem. 3). Les préfaces, avertissements, avis au lecteur,postf aces, etc. sont parfors des réponses qu'on essaie d'opposerd 'avance à des objections.Dans la discussion comme genre académique ou Simplementlors des assemblées, l'objection pre nd la forme d'une simplequestion ' .Pour la réponse à côté, V. à argument. rem. 2. Pour le retour surles présuppos és, V, à impasse. rem, 1, Pour la réponse posit iveattendue et pour la réponse de Nor mand. V. à négation. V. aussià mterjection: jeux Ilt téretres: persiflage: rappel: teutoloqie.rem. 1; souhait. rem. 2

REPRISE Nous proposons d e donner à ce terme unsens restreint, celU I de répét it ion ' , non du lexème, maisde son environnement g rammatica l: forme et fon ction(et donc articles , termina isons, p r é p o s rtt o n s ,con jonctions de subordination, etc.).

Ex.: Un ruisseau sans talus / Un enfant sans amiRENÉ CHAR. Jouvence des Névons dans les Matinaux.

Autre ex.: La femme et son ootssonLa vierge et son grillon le lustre et son écumeLa bouche et sa couleur la VOIX et sa couronneËLUARD, o.. t , 1, p. 599. V. aussi à synon ymie, rem. 1;triplicetion. rem. 1.

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Rem. 1 Ce serait une figure assez proche de l'homéoptoteclassique, où la déclinaison Identique permettait de rapprocherles lexèmes de même fonction (cf. hotnéotéleute. rem. 1). V.aUSSi parallélisme. rem. 1: période, rem. 2.

Rem. 2 SI le lexème est modifié, mais non les affixes, c'est unedemi-reprise. souvent avec homéotéleute V. aussi à tsolextsme.rem. 1.

Rem. 3 La reprise devient un procédé de collage" parsubsntution'quand on remplace les lexèmes arbitrairement.Éluard l'enseigne (0 c.. t. 1. p. 991):Prenant pour modèle cette chanson stupide: S'il n'y avait pas desoupe, il n'y aurait pas d'cuillers. S'il n'y avait pas d'gendres, il n'yaurait pas d'bell'-màres ,..,. nous obtenions S'il n'y avait pas derêva, il n'y aurait pas de lunettes noires. S'il n'y avait pas de noir, iln'y aurait pas de poètes...

V aussi à sétisttoo. rem 2, anaphore. rem. 1.

Autres déf. (Sens plus général).

1 Au théâtre, fait de Jouer une pièce à nouveau.

2 Demi-vsrietion. Dans un récrt ' ou une descnptron". on revientsur le même point. en des termes différents mais sansIncompatibilité. (V. à venettorû.

Ex.: (Les yeux de Julien. dans le Voyeur de Robbe-Grillet) netrahissaient nt ettronterte. nt malveillance. ils éteient affltgéstout simplement d'un très léger strabisme Un défaut deViSIOn. certetnement. troublett l'expression du jeune homme.mais tf ne louchait pas. C'étett autre chose.. Une myopieexcessive? Non .. . Ou bien étett-ce un oeil de verre. qUI rendaitSI gênant son regard? (p. 210) Seules les images (du crime)enregistrées par ces yeux, pour toujours. leur contéretentdésormais cette fierté msupportable. Cependant c'étetent desyeux gns très otdmsttes - nt laids nt beaux. nt grands nt petits- deux cercles parfaits et Immobiles. situés côte â côte etpercés chacun en son centre d'un trou noir. (p. 214) Il regardaitMathias droit dans les yeux. de ses yeux riqides et bizarres ­comme mconsctents. ou même aveugles - ou comme idiots. (p.215)

RESSASSEMENT Retour des mêmes mots un grandnombre de fOIS.

Ex.: L'écho l'écho qut joue à répéter plus fort plus fortplus fort plus fort plus fort PLUS FORTMICHAUX. Connaissances par les gouffres. p. 107.

Autres ex.: YSÉ - DIS. Mesa. nos deux coeurs, ces deux coeurs,dis. tu le sens, ces deux coeurs. mon coeur contre le tien. ma

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chair contre la tienne, on va mourtr. on est bien au chaudensemble tous les deux! ces deux coeurs, Mesa, c'est drôle lamanière qu'its ont de se détester!CLAUDEL, Partage de Mid). Théâtre, t. L p. 148.Ensuite tI a neigé de t'oubli. de t'oubù. de l'oublt. de t'oubti. del'oubtt. .MONTHERLANT. Romans, p. 732.

Analogue Matraquage (en publicité).

Rem. 1 Il ya de l'Insistance dans le ressassement mais aussi unecertaine dose d'èqarernent.

Ex.:Mr. MARTIN. - Mais alors, mets alors, mais alors, mais alors,mais alors, nous nous sommes peut-être vus dans cette meison.chère Madame?IONESCO, la Cantatrice chauve, p. 30.

V. aussi Pièce fausse de Breton, dans Clair de terre, Unprototype du ressassement se trouve dans la lamentation deDavid sur la mort d'Absalon: "Mon fils Absalon, mon tits. mon ftlsAbselon... Absalon mon tits. mon tits" (Samuel. Il, 19, 1 & 5).

Rem. 2 Queneau a repéré une sorte de ressassement morpho­syntaxique qUI consiste à construire toutes les phrases de lamême façon. NAlors l'autobus est amvé. Alors j'al montédedans. Alors j al vu.. N(Exercices de style, p. 61).

RÉTORSION Retourner un argument' contre celui qUIs'en est servi. (Verbe: rétorquer)

Ex.: Ils nous objectent lugubrement que le temps descontes est tint.Fim pour eux' SI je veux que le monde change ..,.. cen'est pas dans le vain espoir de revenir à l'époque de cescontes mais bien cetui d'aider à atteindre l'époque où ilsne seront plus seulement des contes.A. BRETON, IAmour fou, p. 6-7.

Même déf. Lalande, Robert.

Autre déf. Antrrnétathèse'

Rem. 1 Un autre type de rétorsion. plus courant consiste àmontrer que "adversaire ne met pas ses pnncrpes enapplication dans sa conduite (cf Perelman,t. L p. 274). Ex.:"l'tnvective à la bouche et la haine au coeur, Il se réclame d'unIdéal hutnetntetre pour mépriser les hommes vivants" (R.ARON, Polémiques, p 58).

Rem. 2 Il y a une rétorsion purement rhétorique ou fausserétorsion, qUI consiste à tirer de l'adversaire une phrase donton va se servir contre lui, en en sollicitant l'Intention. Ex.: "je sais

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que Giraudoux disait: Laseule affaire c'est de trouver son style,l'idée Vient après Meis JI even tort: l'idée n'est pas venue"(SARTRE, Situation Il, p. 76). On peut prendre l'adversaire aumot de façon plus anodine encore, et plus rusée, C'estl'antanaclase'.

RÉVERSION Présentée par Littré, Ourliet. Morier.Robert comme un synonyme de régression', et d'autrepart, chez Fontan.er et Lausberg (Lexique) commesynonyme d'antimétabole', la r éverston pourrait seréduire à ce qu'il ya de commun entre ces deux figures:la répétition' d'une suite de termes dans un ordreInversé.

Ex,: Hors des Entrepôts Prince, des bequetiers auxbrodequins balourds boulaient de sourds barils et lestetsetent rebondir sur le haquet de la brasserie, Sur lehaquet de la brasserie rebondissaient de sourds barilsboulés par les bequetiers aux brodequins balourds horsdes Entrepôts Prince,JOYCE, Ulysse. p. 1 11

Rem. 1 À la différence de l'antimètabole'. la réversion n'est pascréatrice de sens' nouveau.

Rem.2 La figure est plus facile à réaliser en latin, où la place desmots est plus libre. En français, on Inversera les syntagmes'plutôt que les mots

RIME Identité d'un certain nombre de phonèmes à la finde deux ou plusieurs vers'.

1. - Qualité des rimes,

Rime suffisante: Identité de la voyelle tonique et de tous lessons qUI la suivent. Toutefois, la nrne d'une lettre ne suffit pas(monta - tomba) tandis que la rime d'un son écrit en deuxlettres est admise (aveu - enjeu). Ceci montre que le vers'classique était surtout de la littérature écrite.En deça de ces exrqences minimales. on n'a qu'une assonance',votre une contre-assonance (V. à assonance, rem. 3),

Rime riche: Identité de la consonne d'appui (celle qUI précèdela voyelle accentuée), Malherbe. Banville exiqèrent la nmeriche. C'était pour eux un moyen de parvenir à des essec.etronsrares et originales (un peu comme les Jeuxsurréalistes). La nmesuffisante du type harem / Jérusalem est dite enrichie.Rime dissyllabique (ou léonine): plus nene encore, Identitéde deux syllabes. Trop riche, la rime tourne au Jeude mots', Cesont les rimes équtvoquées des rhétonqueurs (V. à équtvoqueï.qUI portent sur plusieurs mots.

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Ex.:,GlolfB du long désir, IdéesTout en mal s'exaltait de voirLa famille des tridéesSurgir à ce nouveau devoirMALLARMÉ, Prose pour des Esseintes.

Cependant la rime trop riche peut aUSSI, à l'Instar desparonomases' et des échos sonores', conférer à une Idée ou unsentiment sa forme définitive

Ex.: L'amour s'en vaComme la vie est lenteEt comme l'espérance est violenteAPOLLINAIRE, le Pont Mirabeau

Pour le détail des règles de la rime, cf PH. MARTINON, Dict.des rimes tr.. p. 43 à 53La rime est dite défectueuse entre un mot et son composé(heur et bonheur) ou un mot avec lut-même (sauf s'il est pnsdans un sens différent).Elle est dite pauvre ou rurale quand elle n'est pas 'suffisante"Elle est dite provinciale ou normande lorsque j'Infinitif rimeavec un mot en -er où le r s'entend (amver- hier). parce que le rfinal des infinitifs en -er s'entendait encore en Normandie auXIXe Siècle.

2. - Place des rimes.

On appelle rimes plates (ou suivies, ou jumelles) celles qu:sont accouplées deux à deux (aabb): rimes croisées (oualternées) celles qUI sont formées de deux couples, l'un demasculines, l'autre de féminines (V. cr-dessous. rem. 3).entrecroisés (abab) Les rimes embrassées ont un couple d'uneespèce enserré dans un couple de l'autre (abba)Les rimes mêlées et les rimes redoublées ne forment pas decouple mais reviennent plus de deux fOIS, les mêlées sans ordreles redoublées dans l'un des trois ordres prévus pour le"couples,

À ces catégories s'ajoutent les inventions plus retorses desGrands Rhètorrqu eurs. La rime annexée, dite encoreenchaînée, concaténée ou fraternisée, est répétée au débutdu vers suivant. La rime batelée (ou serpenttne suivant GUiraud)revient à l'hémistiche du vers suivant. GUiraud (p. 260) endonne un exemple tiré de la Fileuse de ValéryLe songe se dévide avec une paresse 1 Angélique. Et sanscesse au doux fuseau crédule 1 La chevelure ondule au gré dé,la caresse.

La rime couronnée (ou rhétonque à double queue) se répèteImmédiatement (TOUjours est en vie envie) La rime empérièreest doublement couronnée (... très diligents gens gents). La rime

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interne ou brisée se répète à l'hémistiche du vers lui-même. ensorte que les deu x hémistiches riment ensemble (ce qu'onapp elle encore un vers léonin).

Pour pousser le je u plus loin, on pouvait prévoir que le poèmeconserve du sens quand on n'e n li sai t qu e les prem iershém istic hes (qui rimaient comme un poème régul ier , pu isqu' il yavait une rime interne). Cf. MARTI NON, Dict. des rtmes fr.. p.58. Le procédé fut assez répandu pour recevoir un nom , celuid'asynartète (Littré. Quillet. Preminger).

Autre curiosité proch e de celle -CI: les oms btocete des Leysd'emets occitanes. Ce sont des rim es Internes disposées defaçon que le poèm e' puisse être récité sur plusieurs mètres auchoix: alexandrin, octosy llabe. vers de SIX syl labes. P. Guiraud enparle à propo s d'Aragon. q UI s'y est essayé. "Le désir d'adapterle poèm e à des mélodies diitéren tes " serait à "l'origine de tellescombinsisons" (Essais de stylistique. p. 261 -2).

3 . - Rimes mascul ines, rimes fémin ines.

Il s'e st instau ré pr ogressive me nt du XIVe au XVIe sièc lel'hab itude de fa ire alterner les rimes où la ton ique est suivi ed'un e muet et les aut res. Cet e pe rdant de plus en plus sa valeurdans la p ro non ciat ion courante , un e red ist r ibut ion s'estmanifestée notamment che z Verlaine et Aragon, où riment lesfinales vocaliqu es avec ou sans e (rue et disparu), les finalesconsonantiques avec ou sans e (peine et pollens). Réf.: Deloffre,p. 139-140. De toute façon, la règle de l'alternance ne doit plusêtre observée que pour un poème' à forme fixe.

Rem. 1 Quand on adopte une forme fixe (V. à poème), la placede s rim es est dét erm inée par ce l le-ci . Si la st rophe ' esthétérométrique (V. à vers ' syllabique), les vers de mêmelongueur riment habituellement ensemble . Dans ses quatra ins,P.·J, Toulet fait l'inverse (Ba. ôb . Bb. 6a), ce qu'il a appelécontre-rime (J. M AZA LEYRAT, Cours de métrique. Sorbo nne,1971·2).

Rem, 2 Pour la rime dans un texte en prose, V. à homéotéleute.

Rem, 3 Le mot rune a la même orig ine que rythme et son sensspécifique ne s'est dégagé que progressivement. aux XIVe etxve siècles (cf . P. ZUMTHOR, Un problèmemorphosémsnttque: le couple fr. RIME-RYTHME dans lesTravaux de tinquistique et de littérature de Strasbourg, Il, 1. P187 à 204).A insi rime rétrograde d èsiqne une façon de faire le vers (onpeut le déchiffrer à rebours, mot par mot). Ex.: Triomphalementcherchez honneur et prix.Rime senée d èsiqne le tautogramme ' , Rime kyrielle c ësrçneun refrain'. Rime serpentine, une assonance' , non seulement

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des deux voyelles finales, mais de toutes les autres (G. deMachaut cité par Morier ' ). On n'est pas loin du vers holorirne: ilsuffit d'ajouter la concordance des consonnes. Mais il devientalors assez difficile d'obtenir deux vers' différents (V. àéquivoque)1Le vers holor irne. c'est ce qu'on appelle aussi rimesmillionnaires.

Rem.4 La rime, par sa difficulté. est encore parfois le cerbère dela poésie française. Une poétique fondée sur la rime n'est-ellepas condamnée à la stérilité à longue échéance, comme l'amontré P. Guiraud?Le Dictionnaire des rimes présente 720 mots en -oire(baignoire, boire. ciboire. mâchoire. etc.) qUI peuvent donc secombiner en 75.000 couples. Mais l'ensemble des contrainteslexicales, phonétiques. morphologiques, syntaxiques de lapoésie classique réduit ce nombre à deux ou troiscombinaisons. (Dans le Cid: çloire - victoire; mémoire ­qloire: croire - gloire; victoire - histoire)Essais de stylistique. p. 234-5

Signalons les efforts contemporains de renouvellement de larime (faux rejet. contre-assonance ', etc.). L'entreprise poétiquedes surréalistes. portant à la fois sur la forme et sur le fond.rouvre la voie aux procédés universels de la poésie: on voit ladiversité des rythmes succéder au syllabisme et la rime. elle.céder la place à des échos' sonores. dont les combinaisons senuancent indéfiniment.

RYTHME Au sens large. le rythme concerne la duréerespective de segments du discours', de quelquedimension qu'ils soient. On parlera du rythme de l'action'dans un récit aussi bien que du rythme binaire outernaire d'une phrase'.

Au sens strict, le rythme de la prose est l'organisationdes mots phonétiques en groupes' rythmiques. La prosepoétique se caractérise par une certaine régularité dosaccents'.

Le rythme du vers' est plus élaboré.

Rem. 1 La poésie est à la prose ce que la danse est à la marcheelle a un rythme particulier. qu'il est possible de saisir en battantla mesure.

Morier signale qu'on peut le faire "en décrivent un cercle di'la main' et que "c'éteit peut-être la mamère de scander le ver.sntique? • (le Moment de l'ictus. dans le Vers trsnçeis. p. 8(3)

1 D'autres tra.tés appellent rune serpentine celle qu'on retrouve de strophe Li 1

strophe (alors que vane l'autre nrne)

2 Pour conftrmer cette hypothèse. MOfler propose une nouvelle étymologie

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"Dans cette manière essouplie de battre /a mesure, rictus setrouve tndtqué par le passage au point zéro, au nadir du cercledécritè ." L'avantage de cette façon de marquer le rythme estévident: spontanéité, naturel. rapidité. souplesse ...

Cette méthode convient particulièrement à la scansion d'unvers' rythmique, dans lequel la coupe' ne serait plus trop liée àl'accent On préserve amsi le Jeu des syllabes longues, qUIpeuvent prendre place aussi bien au début qu'au milieu ou à lafin des mesures, ainsi que le Jeu des accents expressifs. Battre lamesure en rond permet de faire sentir la régularité de la duréedes mesures même lorsque changent le nombre et la durée dessyllabes, des silences Il est aussi possible de déplacer t'ictus. dele poser sur I'arsrs. par une sorte de changement de pied,comme en danse C'est ce que fait notamment René Char. dansses admirables dictions de la Sorgue, de Jacquemar et Julte

À trop faire coïncider les coupes et les ICtUS, on aboutiraità des marches militaires, plutôt qu'à des vers.

Rem, 2 Francis Poulenc, qUI a mis de nombreux poèmes' enmusique, a expliqué, lors d'une entrevue à l'O.R T.F.. le 10 nov1968, comment Il procédait pour établir un rythme

Lorsque j '81 élu un poème. dont je ne réalise pertois /atransposition musicale que des mots plus tard. je I'exemme soustoutes ses faces Lorsqu 'ti s'agit d'Apollinaire ou d'Éluardj'attache la plus grande Importance à la mise en page dupoème, aux blancs. aux marges.

Je me récue souvent le poème, je 1écoute. je cherche lespièges. je note les resptrettons. {essaie de découvrir lerythme tnterne par un vers qut n'est pas forcément le premier

Lorsque je bute sur un détail de prosodie, je ne m'acharneJamais. J'attends pertots des jours, j'essaie d'oublier le mot,jusqu'à ce que je le vote comme un mot nouveau

Rem. 3 V. aussi à apocope, rem. 5: cadence, rem. 1 & 2: césuretypographique; chute; écho rythmique; enjambement. rem 1:faute. rem. 2: harmonie Imitative; ode; parallélisme, rem l'pause, rem. 1; période; strophe; tempo, rem. 3: tnpltcetton.rem. 1.

RYTHME DE l'ACTION Faute d'étalon, le tempoévénementiel n'a guère été analysé. " y a, par exemple,

versus (vers). qui seran relié au latin vertère (tourner) par ce mouvement CIrculaireqUI pouvait accompagner la diction. Il réfute aisément lètvrnoloqre traditionnelle dusillon en rappelant que (e vers fut oral avant d'être écot

3 Le rythme binaire est divisé en temps faible / temps fort (arsis 1 thésis ou levé 1posé; YI ts'ing YI tchoue disent les ChinOIS) et le nadir du cercle correspond au tempsfort.

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dans le roman policier, alternance de phases derecherches lentes, et de phases d'action rapidesComment jauger les accélération et ralentissements durythme de l'action? Le critère intrinsèque le plus naturelreste le premier épisode de l'oeuvre, auquel on peutcomparer irnpressrvernent les SUivants, Dans les romansd'action. le tempo général est croissant. Inversement.dans la Recherche du temps perdu. les derniers volumesdissolvent l'action dans la réflexion,

Rem. 1 Le rythme du récit ' a été étudié par comparaison'.irnpressive aUSSI, du temps du narré (historre) et du temps de lanarration G, Genette (Figures III. p. 129) distingue la scène, oùla durée du récit paraît Identique à celle de ihistorre: lesommaire (sens dérivé), où l'acuon est résumée: la pausedescriptive ou explicative, où la relation et l'action sontsuspendues: l'ellipse, où le rec.t est escamoté tandis quel'action suit son cours.

L'ellipse est Implicite quand !e récit s'arrête, pUIS reprendsans que l'on sache rien de ce qUI s'est passé dans l'IntervalleElle est déterminée ou Indéterm inée dans sa durée (deux anspassèrent / quelques années), Elle est parfois qualifiée (aprèsquelques années de bonheur)

Il ya bien des stades Intermédiaires entre le sommaire et lascène. Dans Guerre et Pe »: Tolstoï jette un COL!p d'oeild'ensemble sur la retraite de Napoléon, pUIS résume l'sctivrtéd'un escadron, pUIS décnt la matinée d'un des héros, puistranscrit Je détail de sa conversation enfin s'attache àdévelopper sa pensée. à exphcrter ses sentiments

Il semble difficile aussi de ne pas considérer certaines pausescomme faisant partie du récit de l'action Les descnptions' sontsouvent faites par les yeux d'un personnage au moment où Ilcontemple. et parce que la contemplation mporte à ce pointprécis de l'action. Et dans le Planétanum de N Sarraute, parexemple, la mo.ndre impress.on du héros est développée endescrtpttons. exphcetions et surtout dialogues' rrnaqmatres. ceqUI donne au temps de la narration plus de durée qu'à celui dunarré Plutôt que de ralentissement, qUI concernerait l'actionelle-même, on parlera ICI de dilatation, La dilatation est prochede l'étoffement (V. à empùttcettonï. qUI concerne l'expressionplutôt que le contenu: et de l'étirement" L'action subit unétirement à l'opéra, où le chant fait durer des heures un librettodont la lecture prend quelques minutes. Souhaitable auxpassages lvriques. l'accroissement de durée paraît gênant auxendrorts où l'action se précrprte. d'où les éclats de VOIX avecaccompagnement rnusical. et la solution apportée parl'opérette (parties parlées). V. aussi à eccumoietton. rem. 5.définitiOn. rem. 4; çénéreuseuon. rem 4: récn. rem, 2,

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SARCASME Moquerie agressive et souvent cruelle.

Ex. (À propos de Thiers): Peut-on voir un plus triomphantimbécile. un croûtard plus abject. un plus étron/formebourgeoisl Non. rien ne peut donner l'idée duvomissement que m 'inspire ce vieux melondiplomatique. arrondissant sa bêtise sur le fumier de labourpeoisie! ..... Il me semble éternel comme lamédiocrité!FLAUBERT. Correspondance. à G. Sand. 1867 V. aussi à titre,rem. 3.DM. analogues Scaliger, 1. 3, p. 86: du Marsais, 1. 3, p. 187; LeClerc. p. 262; Littré: Lausberg.

Autres noms Diatribe, satire, libelle (bref écrit polémique etdiffamatoire: Bénac), pamphlet (brochure où est attaquée uneInstitution). Ces parasynonymes dèsiqnent des sarcasmes plusétoffés, parfois des genres littéraires. V. aussi à ironie.

Rem. 1 Parmi les attitudes à l'égard du destinataire, celles quidétruisent la confiance et l'entente mutuelle parce qu'elles lemaltraitent (en paroles) sont le persiflage', le sarcasme etl'injure". Péguy a nommé ces attitudes des "bsrbeties" (lesbarbarismes concernant seulement la langue). Blâme,reproches. vitupération échappent à la barbarie par l'intention.La forme rhétorique du reproche s'appelle objurgation (LittréRobert).

La barbarie est communicative à sa façon.

Ex.: PÈREUau. - Abattez trois vieux chevaux. c'est bien bonpour de tels sagouins.MÈRE Uau. - Sagouin toi-mëme!JARRY. Tout Ubu. p. 61.Autre façon de dêtruire l'entente, et plus radicale: l'anathèmeou excommunication, condamnation spirituelle. Ici. commedans les condamnations judiciaires, comme dans les coups etblessures. on sort du domaine rhétorique.

Rem. 2 Le sarcasme se combine avec l'apostrophe' etl'exclamation'. Ex.: #Ahl Malraux! De combien de phrasesstupides et creuses vous êtes responsable - sans omettrecelles dont vous êtes t'auteur" (J.-Fr. REVEL, Contrecensures.p. 40). Cette apostrophe est rhétorique, en fait car le véritabledestinataire était le public tèrnom. qu'on veut parfois instruiresans accuser trop nettement la Victime, qUI sert d'exemple, deplus en plus étrangère au débat désrqnée allusivement parfois.

Ex.: Il est connu qu'un universitaire septusçénetre spéctslisédans les fromages depuis sa tendre jeunesse. a mis avecenthousiasme les deux ou trois cellules de son cortex cérébral

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qui fonctionnent encore au service de t'eudto-vtsuet.J.-F. REVEL. Conttecensures. p. 169-170. V. à caricature, rem.2Rem. 3 Le sarcasme a son intonation". L'épigramme" estvolontiers sarcastique. V auss: à chleuasme; à ambiguïté, 1.

Rem. 4 L'inverse du sarcasme est la louange (V. à célébration,rem. 2). V. auss: à faux, rem 1.

SCHÉMATISATION Au lieu de raconter. de décrire oude mettre en scène. on ne donne qu'un schéma del'oeuvre.

Ex.: Le personnage principal du livre est un fonctionnairedes douanes. Le personnage n 'est pas un fonctionnaire.mais un employé supérieur d'une vieille compagniecommerciale. Les affaires de cette compagnie sontmauvaises, elles évoluent rapidement vers l'escroquerie.Les affaires de la compagnie sont très bonnes. Lepersonnage principal - apprend-on - est malhonnête.Il est honnête, il essaie de rétablir une situationcompromise par son prédécesseur. mort dans unaccident de voiture.ROBBE-GRILLET. la Jetousie. p. 216.

Rem. 1 Dans la plupart des romans, il ya des épisodes racontésrapidement en style indirect Ce sont des résumés de l'action(V, à rythme. rem. 1) et non pour autant des schématisations.

Ex.: WEt les voilà partis sur le sport national et les jeux irtendeis..... et le pur terroir et reconstituer une nation et tout ce quis'ensuit. w (JOYCE. Ulysse, p. 304).

Pour qu'il y ait schématisation. il faut que le texte se présentecomme une épure d'un autre texte qUI est le vrai. qu'il remplacel'oeuvre. que son auteur se donne seulement pour lecommentateur de l'oeuvre faite ou à faire. AinSI le roman deKlossowski la Vocation suspendue est le résumé critique d'unrécit" intitulé la Vocation suspendue .. Ce résumé remplace uneoeuvre non rédigée et il y a donc schématisation.

N. Brossard a introduit le procédé dans son titre en appelantune de ses oeuvres Un livre, sans plus. Le reste de l'oeuvre estaussi schématique. chaque texte indiquant un épisode quiresterait à écrire.

La schématisation apparaît déjà chez Lautréamont"J'établirai dans quelques lignes comment Maldoror fut bonpendant ses premières anrlées où il vécut heureux: c'est fait. Ils'aperçut ensuite qu'II était né méchant (etc.)" Début du Chant3.

Ce procédé s'Inscrit dans le mouvement qui tend à dissoudre,

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tort urer ou rempl acer l'oeuvre atin de lUI ôte r sa résistanced'objet parfait achevé, et de libérer l'imag maire en une plura litéde lectures.

Rem. 2 Trop résumée. l 'act ion m oue de devenir banal e.L'i nverse est l'hypotypose (V . ce mol. rem. 2).

Rem. 3 Le résumé reçoit parfois la larme d'une notat ion ' . Ex.:"marchant dans les rues solitaires (Maggie les enfants Néa !IIéaCutie A lexander Magg ie Vveiriq erter) event de regagn er lamaison sotite ire. " (BESSETTE, tlncubetion . p. 128)

SENS Qui s'é to nnera qu 'i l y en él it de nombreux? Letext e, après réd action , avant lect ure, n 'es t qu'un fa it . Lesen s, pour le lecteur, est un effet pr od u it par le texte,eff et immédiat o u différé par des réf lexio ns, des ana lyses,et d iversif ié non se u le m e nt par la m ultiplicité descultures, ma is aussi parce qu 'i l y a plusieurs façonsd 'a border le s é léments d u texte, e t l 'ense m ble. Cesangl es de visée, p rocédés de décodage, l 'au te ur a pu lesprévoi r. en ten ir co mpte en vue de comm uniquer unsen s ini tia l d onn é . L 'ét u d e d es modali tés de lasig n if icat io n est donc essent ie ll e à celie des procédés.

1. - Sens fondamental/sens spécifiq ue,

Le sens fondame ntal d 'un mot est un concept anc ien (cf.Beauzée. cité par A. REY, la Lexicologie. p. 4 2) redéfini parBloomfield comme "ce qui viendrait à l'espri t en prem ier lieu sile contexte ne jouait aucun rôle" (W. EMPSON. dans Poétique,t. 6 , p. 250) , (Syn. sens dominant, sens majeur).Empson observe que ce concept peut recouv rir des idéesdiverses: le sens pr imordial. c'est-è-dire le plus fréquent: lesens central. autour duquel les aut res sont censés rayonner; lesens étymologique, en rela tion avec le proce ssus de ladérivat ion; le sens premier, c'est-ê-dire le plus ancie n dans ladiachron ie.Ceci intéresse avan t tout le lexi cologue. Le sémio loguepréférera le concept de c\assème. que 8. Potti er définit comm eune parti e du sémème . regroupant les sèmes1 génériques (ceuxqui indiquent l'appartenance à une classe: pour le mot rouge, lesème "couleur " par exemp le). Au classème. Pott ier oppose lesémantème, ensemble des sèmes spécifiques (Ex,: les sèmes quidistinguent rouge de vert et de pourpre) - et le virtu èrne.en semb le dos sèmes occasionn els. qu i dépendent desco nt extes. (Cf. Dict. de ling uistiqu e). Ces deux conceptsn'étaient pas étrangers à la philolog ie classique. Beauzée parlait

1 Sème: " t rart s éman nque " . é lé ment de se ns L'analyse s émique oucomponentiette les dég8~e par comparaison

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de sens spécifique pour celui qu'un mot partage avec sessynonymes', ce qui n'est pas loin du sémantème; il parlait desens accidentel pour les valeurs d'emploi particulières auxcontextes, ce qUI n'est pas loin du virtuèrne (Ex., V. àcatachrèse).

L'attribution d'un sens spécifique à un vocable, par exempledans une langue de métier, s'accompagne parfois d'unemodification de la forme de ce vocable. Ex.: En linguistique,brévité désigne spécifiquement le caractère bref desphonèmes; Fénelon appelle passive té une attitudeintérieurement passive et extérieurement active, pour qu'on nepuisse confondre avec la passivité extérieure; le louchement'ou construction ambiguë, dans le présent ouvrage, se distinguede la toucberie. état d'une personne qui louche.

Le sens spécifique peut évoluer. Ex.: un livre comme leTriomphe du sexe risquerait de passer, aujourd'hui. pour uneoeuvre érotique alors qu'en 1749, année de sa publication parl'abbé Dinouart. Il était évident qu'il s'agissait d'établir lasupériorité de la femme sur l'homme.

Il peut même arriver qu'un sens spécifique vienne s'opposerau sens fondamental. ce qUI provoque des malentendus. J.Mazaleyrat en relève un exemple (Pour une étude rythmique duvers français moderne. p. 10, n. 2): "Tel ouvrage sur le versalexandrin se trouve (classé) entre deux études sur la littératurehellénistique". Plus fréq uent: l'acception de moderne dans"l'époque moderne", où il s'agit des XVIIe et XVIIIe siècles.souvent remplacée par le sens fondamental, notamment dansles Temps modernes (titre de revue, traitant de problèmesactuels).

Dans les dictionnaires, la multiplicité des acceptions vientsouvent du fait que l'on distingue sens spécifique et sensfondamental. Ex.: " Essence. 10 carburant; 2 0 extraitconcentré." La première acception, même SI c'est la plusfréquente, est une spécification de la seconde (extrait concentréde pétrole).

2. - Dénotation 1 connotation.

La dénotation, réunissant les sèmes constants, doit se définirpar l'ensemble de ce que Pottier appelle classème etsémantème, de ce qu'on appelait naguère sens fondamental etsens spécifique, Dans la connotation, on pourra faire entrer lesautres sèmes, qui dépendent du contexte, le virtuème ou lesens accidentef/ . (Analogue Valeur d'emploi).

2 Le concept d'extension. avec t'accepnon qu'on lUI donne en mathématiques.concerne le référent plutôt que la connotation. Sur l'emptoi de connotation par lestoç.c.ens. cf Lalande

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Parmi les sèmes complémentaires de l'Idée essentielle, on peutdistinguer avec Sally ceux qUI dévoilent une attitude de l'auteur(sens expressif) et ceux qUI sont destinés à produire sur lelecteur un effet donné (sens impressif). Les uns et les autresforment l'ensemble des effets affectifs, avec lesquels il estcourant d'identifier la connotation.la recherche d'effets affectifs entraîne le chOIX entreparasynonymes Ex.: médtévot / moyenâgeux.La connotation est laudative (ou mélio rative) quand le termeChOISI présente la chose sous un Jour favorable; elle estpéjorative dans le cas contraire (Ex.: le suffixe -ard danschauffard). V. à compensation rem. 1.Aux effets affectifs, Bally ajoute les effets par évocation,certains mots apportant avec leur sens spècrhque toute uneambiance Implicite, celle de leur milieu naturel. Ex.: "- Le votlàbien le rasta out roule des yeux blancs, que dit le citoyen qut n'ajsmsrs misé sur un cheval même avec une fleur." (JOYCE,Ulysse, p 323). On croirait qu'on se trouve au café du coin.RéCiproquement. pour le lexicologue, le contexte contribue àdéterminer le sens. Empson (lb.) appelle sens thématique celuiqUI est commandé par le contexte de l'oeuvre en général (Ex.poste dans un livre sur les Postes et Télécommunications) etsens probable cetui qUI s'Impose par le contexte réel (Ex.:corniche SI l'on se trouve en montagne).

Le sens accidentel de Beauzée était aussi appelé sens divisépar du Marsais (Des tropes, p. 249). Une analyse sémiqueimphcrte pourrait avoir préstdé au chOIX de ce terme. Certainscontextes abolissent des sèmes essentiels et privilégient dessèmes secondaires, Ils "divrsent " le sémème l Ex.: 'Unacadémicien vient de décéder. Il y a donc un fauteuil." Seulel'Idée de "place vacante" est retenue. Le complémentaire dusens divisé est le sens composé, où tous les sèmes entrent enjeu. Ex.: "SI le nombre des académiciens était augmenté, onmanquerait de fauteuils".

Un sens accidentel peut entrer dans l'usage et devenir unsens spécitrque. Il prend alors le nom de sens dérivé, tandis quele sens spécifique dont li dérive accidentellement s'appelle sensprimitif. Ex.: crucial, dont le sens primitif est "en forme decroix": Impact. dont le sens primitif. resté dans l'usage, est"heurt d'un projectile" et le sens dérivé, "effet brutal'.

3. - Sens strict / sens large.

Le prestige dont Jouissent certains termes à la suited'événements socro-culturels. ou simplement l'usage qu'en fontde non-spécialistes, leur confère de plus en plus d'extension, ensorte qu'ils finissent par perdre certains sèmes spécifiques. Ilsprennent un sens large, ou étendu, élargi, tout en continuant à

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pouvo ir êt re empl oyés au sen s strict bu restretnt . Ex.:métaphore' . souvent employé au sens large d'i rnaqe' li tt éraire,alors qu 'il dèsiqne seulemen t les images à phare uniqu e, mêlésyntaxiquement au reste de la phrase.

Il arr ive que le sens strict soit postér ieur au sens large. Ex.:structure, qUI Signifiait simplement "forme. organisation" et qUIa pns le sens stnct de "système de formes définies par leursdifférences mutuel/es '. Dans ce cas. on parlera plutôt de sensrestreint ou l im ité (surto ut si l'accept ion n'est pas co urante).

4. - Sens propre / sens f iguré.

Fontaruer (p. 5 7) appelle sens tropologique ou fig ur é celui qUIrésulte d'un emploi part icu lier où plusieurs sèmes deviennentnon perti nents. en sorte que l'on quitte. mais volontai reme nt. lesen s propre du terme. Les t ro pe s son t les pr océdés defigur ati on. V. à Image. 2; métaphore. métonymie. synecdoque.antonomase et. pour des proposit rons entières. à ettusion.

Des sémant iciens comme Darmesteter et Bréal voient dans lamétaphore' et la méto nymie ' (si elle Inclut la synecdoque' ) lesbases de tou t glissement de sens (P. GUIRAUD. la Sémantique,p. 37-8). Mais en do nnant à ces te rmes t raditio nnels un sensplus larg e. Jakobson a favorisé le remplacement de la log ique etde la rh ètonqu e par la sémiolog ie. L'analyse sémique pr éciserala not ion de figure en montrant que le changem ent de signifiantlexical entraîne dans le signi fié un changement de dénotat ion.et pas seulement de connotati on, pour un référent (objet extra­lingu ist ique) Inchangé. Le lexème, q UI ne désigne le référentque par un de ses sèmes secondaires, présente à tit re gracieuxtous ses sèmes essentiels. Gide Illustre astucieusement cesrenversements: "Printemps, aurores des ét és! Printemps detous les Jours. auro res!" (GIDE, Romans. p. 22 0-1).D'abord . c'est aurore qui est figu ré: pUIS c'est printemps...Les tropes mult iplient les synonymes' sans augme ntat ion dunombre des vocables.

5 . - Avant de passer à des sens qui concernent non plus lesmots mais les ensemble s de mots, signalons enco re pou rmémoire :- Le sens extensif (Fontanier. p. 58). sens f igu ré devenusp écifique. ent ré dans l'usage après avoir sub i l 'un despro cessus tropologiques. Ex.: tio!e dans le tour se payer la fiol ede quelqu 'un: (V. à clich é. rem. 4; Image, rem. 4).- Le sens abstra it qUI place le sémème parmi les idées, le sensconcret qut le pousse vers l'Indivrdualisat ion (Du MARSAIS.Des tropes. p. 251 ; Fontanier. p. 5 7). Ex.:la témérité d'un soldat/ un soldat téméraire (...a entra îné le peloton).- Le sens col lectif, qui ne s'ap pliqu e qu 'à des référentsgroUpés, tandis que le sens d istributif s'applique à chaque

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élément. Cf. R. BLANCHÉ, Introduction à la logiquecontemporaine, p. 176, Fontanier. p 56. Ex,: Les hommes sontnombreux. Or Socrate est un h. Donc S. est nombreux! On diraque nombreux, ayant un sens collectif, ne peut servir deprédicat à un sujet indivis, Ex. litt.: HTu t'en Iras trots par trois /Comme ils ont emmené ton père' (Chanson du galérien). 'Lepolicier se dispersa' (Beckett) 'D'une seule voix, /e cne: Viveles emeteurs!" (Satie)- Le sens indéfini ou indéterminé s'applique au lexème situéde manière Imprécise (un, certain.). tenors qu'iI est défini oudéterminé quand le lien entre le lexème et l'environnement estnet (le, ce. notre). Les marques de l'Indétermination dusyntagme' verbal sont les pronoms indéfinis, plus on, Cf.Fontanier. p. 56.L'indétermination peut cependant provenir de la disparition ducontexte. Ainsi Ducrot (Dire et ne pas dire, p. 136) montra-t-ilqu'une simple affiche comme "Ouvert le mardi' peut signifier"méme le mardi' ou 'seulement le mardi', selon la coutume dulieu. V. à ambiguïté, rem 3

- Le sens implicite est attribué sans marque spécifique. vul'état embryonnaire de l'expression par rapport au contenu.Ainsi les commentateurs de déclarations politiques tentent-ilssouvent d'explicrter des formules à l'Imprécision voulue.Le sens Implicite peut être dévoilé par une périphrase.' quidéveloppera les sèmes Visés

Ex,:•Ethson fut toujours poussé par une bose de prospérité. Et jene me sers pas Ici du mot prospérité dans son sens purementmondain. Je l'emploie comme synonyme de bonheur H(E POE,Histoires, p. 620).Jespersen (Phtlosophte de la grammaire, chap. 8) a repéré deuxtypes implicites de rapport entre les lexèmes dans le groupesubst. + complément: la Jonction (junction) et la connexion(nexus). Ex. proposé par Empson (dans Poétique, t. 6, p.269-270): La compétence du médecin était grande. Pourcertains. compétence et médecin seront simplement enJonction et la phrase équivaut à "le médecin était trèscompétent". Les sèmes s'additionnent. Pour d'autres, le sensImplicite est différent. Compétence et médecin sont enconnexion. c'est-à-dire qu'ils ont des sèmes communs, tous lesmédecins étant nécessairement compétents. La phraseéquivaut alors à Hie médecin avait une compétence toutespéciale', 'Parmi les compétences médicales, la sienne étaitqrende".- Le sens prégnant est un sens impticite mais sans aucuneambiguïté. la vraisemblance suffisant à lever les doutes. Ex.:dans leurs larges bras pour dans leurs bras largement ouverts.(Analogue Sens proleptique. V à prolepse).

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6, - Sens littéral 1 sens symbolique.

Parmi les façons d'aborder un texte dans son ensemble. la plusimportante est celle qui consiste à instituer une Isotopiegénérale différente de celle qu'Indique le thème'; Isotopie'souvent abstraite, ou "profonde"et qui ne contredit pasnécessairement le thème mais l'éclaire et à l'occasion leremplace (V. à symbole. 1).

Analogues Sens spirituel. moral (Fonranier. p. 59), allégorique,analogique, anaqcqique ' .Le sens non symbolique est dit littéral. ou logique. Cf. DUMARSAIS, Des tropes, p. 251 et sv.

7, - Sens d'origine / sens accommodatice.

Bien que l'Influence du contenu de l'alinéa sur celui de la phrasen'ait guère été étudié, il est évident qu'il suffit de modifier lecontexte ou la Situation d'une phrase pour en modifier le sens.Ce sens nouveau, né d'une citation' hors du contexte (SOitlittéraire, soit réel) est appelé sens accommodatice ou sensadapté, Cf. DU MARSAISDes tropes. chap. 3. Voici uneaccommodation dénudée par Zola (le Roman expérimental,dans Anthologie des préfaces. p. 3 16):Je citerai encore cette image de Claude Bernard. qui m'abeaucoup frappé: "L'expérimentateur est le juge ded'instruction de la nature", Nous autres romanciers. noussommes les juges d'instruction des hommes et de leur passions

Presque toutes les citations' doivent être prises mutatismutandis (en changeant ce qui doit l'être), voire cum çreno selisEx,: Rabelais exploite habilement une phrase de l'apôtre Paul,"'a chanté croit tout", pour engager son lecteur à le croirequand il raconte la naissance de Gargantua par l'oreille de samère.L'accommodation va Jusqu'à la réactualisation'. Ex.: Je voussalue. Marie, pleine de grâce ..... Ces paroles, attribuées àl'archange Gabriel. qUI s'adresse à la Vierge, prennent. dans labouche du catholique qUI les "récite" un sens tout autre (nulleannonce'4 ).

Souvent, le contexte d'Origine restreint le sens tandis que lacitation', dans son Isolement. le dilate. Dans ce cas, le sensaccornrnodatice est appelé sens plénier (du latin pletuorï. Laplupart des auteurs seraient défigurés par l'attribution d'un sens

3 AIJ~gorique ou analogique, quelle que salt l'Isotopie. du moment qu'elle n'es!pas celle du sens httéral: moral s'JI s'aqrt des moeurs: spirituel s'il s'agit demvsncrsrne. anagogique s'il s'agit de vie éternelle

4 Il est encore JIItèrent dans tel poème adressé par Hugo à Mane. une de ses amiesdont il va "saluer" les "grâces·

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plénier à la moindre phrase . Donn ez-mal une tiqne d 'un hommeet je vous le ferai cendre. d it un proverbe. D'aucuns, pou rtant.sem blent choisir leu rs Idées de telle sorte qu'elles ai llents'appliquer ici ou là, V. à mot d eute urLa validité d'un sens accom moda tice dépend de l'ut il isateur. Aulieu d'être plénier. Il peut aussi êt re l imitatif Ex, Bossuet cit eOohêlet : "Tout est vant té ". en omett ant sorqne usernentd'In clure dans ses exemples la 'vanité de la sagesse elie-même,dont ri ent reprend au cont raire l'é loge.

L'accom modation des textes est un droit du lecteur , Gidenous y invite en comm ençant. à notre place, une Table desph rases les plus remarquables de Paludes où l'on lrt notamment(p . 91) - Il dit: " Tiens! Tu tre ve ütes?". Hors contexte, cepersiflage amical s'é rige en pro gramme doisivet é..

8 . - Sens manifeste / sens subjectif,

De l'écriture à la lecture, le contenu peut subir des disto rt ions,Chacun est seul. en principe. à savo ir ce qu'ri comprend, À côtédu sens manifeste , ri y a place pour un sens subjectif, Infinimentd ive rs i f ié , e t q UI pe ut do nc fa ir e l' o bj et d 'on é reuxcommentaires: de la part d'un Mont herlant par exem ple (cf . lespostfaces successives au Maître de Santiago),

Ava ta r i n té r e ssant de ce c o u p la g e d e n ot ionscom plémenta ires, l'op posit ion sens év ident ou obvie / sensvisé ou intentionnel. Elle surgit de façon très nett e dans lestextes au contenu plu s ou moi ns ob l igé (drscoursdecomm ande, enseign ement de disci ples. endoct rinement). danslesquels la liberté d 'expr ession est réduite à des conn otati onsfugit ives, ou limitée par l'ensembl e de la cultu re de l'époque. Lesens visé est alors "ce que le texte voudrai t dire, l'intent ionexpressive qUI. probablement, l'anime. au-delà du sens courantdes mots employés" (J,-P. Audet).

On peut dire que le sens subj ect if est un sens intent ionnel qUIn'est pas du tout mani feste. On le percevra davantage en sefamil iarisant avec l'ensemble de l'oeuvre d'un auteur (méth odede recoup ement).

Ex.: " Ce/a s'est passé / Je sais euj ourd 'tun saluer la beauté "

RIMBAUD, Une setson en enferIl semble que Rimbaud veuille dire, non qu'il a appris le respectdu beau, mais qU'II vient d'apprendre à résister aux excès del'extase du Beau, à "saluer " sans plus, à garder ses distances

Du côté du lecteur. le sens subject if est aussi assez fréquent(plu s qu 'on ne le VOit), votre recommandé . On parle ra dans cecas d'extrapolation e l. 5'!! y il ten tcuve délibérée de fairepasser un sens subjecrif de lecteur pour celui de l'auteur, onparlera de sollicitation du texte ,

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Outre le sens intentionnel et le sens subjectif. on distingue, ducôté de l'auteur, un sens qUI pourrait être appelé subjectal.c'est-à-dire vécu par le sujet: c'est sa manière d'être et des'exprimer, son style 8U sens le plus strict du mot. La recherchedes marques du style personnel semble facilitée par la méthodede commutation littèraire: établissement de variantes propres àl'analyste: de stylèmes ou couples dans lesquels l'auteur a dûfaire ses choix: Interprétation des ChOIX, c'est-à-dire hypothèsessur les motifs: Intégration des hypothèses qUI se recoupent. Ledétail de cette méthode, capable de préserver l'objectivitéd'une recherche qUI concerne le sujet. est exposé dans notreÉtude des sty/es .

g, - Signalons encore:

-- Le sens forcé, qUI ex.plolte te texte pour lui ta.re dire plusqu'il ne dit; il fait voir autre chose que le sens naturel.

- Le sens équivoque, double sens basé sur la polysémie destermes. Ex.: AllaiS, proposant le chauffage à la nitroglycérine:"On nsquera de sauter, dues-vous? : QUOI de plus gal qu'unepetite seuterte. après dîner?" (la Barbe et autres contes, p. 142).

- Le sens louche, double sens basé sur un défaut de clartédans la construction syntaxique.

Ex.: "Nous sommes à votre entière dtsposttion pour résoudre vosdttttcultés de tsbr.cstion ou pour en créer de nouvel/es. N

(JEAN-CHARLES, les Perles du tecteur. p. 56). De nouvellesdifficultés ou de nouvelles fabrications?

- Le sens principal. que Fontanler (p. 60) oppose au sensaccessoire: le sens exempiatif (M Dupont / un quidam)... etc.

SÉRIATION Classement d'un grand nombre d'élémentspar séries de deux ou plusieurs.

Ex.: C'était l.éendre. la bête noire des pères, des mans,des tuteurs, l'amour des femmes, des ftlles et despupilles.TH. GAUTIER. te Capitaine Fracasse, p. 123.

Rem. 1 Le classement peut être marqué par Juxtaposition (deséries dont les éléments som cooraonnés) ou par coordination(de séries dont les éléments sont juxtaposés). Ex.: Han SUYInparle de te France et de te Chine, des femmes et de l'amour.Souvent. on a une drsjonct.on ' avec, pour introduire chaquesérie, des termes antinomiques.

Ex.: ICI, les termes. les sucres, les pâtes alimentaires. lesconserves, les sauces préparées; là, les fruits trets. les légumes,les pnmeurs. les agrumes.Les séries alternées sont -narquées sur le plan sonore par un

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changement de ton; sur le plan graphique, on pourrait mettreun trait" oblique. Ex.: Corneille, le Cid l, 6 deviendrait: "Père /maîtresse. honneur / amour: Noble et dure con tram te / aimabletyrannie".

Rem. 2 Comme la repnse. dont elle prend la forme. la sénatronpeut servir de prétexte ("JustificatIOn formelle dérisoire". V. àImage, rem 1) à des Inconséquences'

Ex.: A. Paul et Virginieau tenon et à la mortaiseà la chèvre et au chouà la paille et à la poutresu-dessus et au-dessous du pemer (etc)PRÉVERT, Paroles. p 163

SiMILITUDE Comparaison' fondée sur l'existence dequalités communes à deux choses. Petit Robert.

Ex.: Ouel/es affinités particulières tu. paraissaient existerentre la lune et la femme? ...sa prédorninenco nocturne:sa dépendance de satellite son pouvoir de rendreamoureux, de revêtir de beauté. de rendre fou ..... sasplendeur quand elle est VISible: son attirance quand elleest mvisible.JOYCE, Ulysse. p. 623

Autre sens "Ressemblance", "trait commun" (V. à paronomase,rem. 1).

Rem. 1 L.a Similitude est un type de parallèle'. E!le peut se prêterà un raisonnement (V. ce mot rem 3).

SiMULATION Attitude ou déclaration tendant àinduire l'Interlocuteur ou le lecteur en erreur sur ce quel'on est, ce que l'on pense. ce que l'on veut ce que "onressent etc.

Ex.: Je m'inscris sous le nom de Percy C. Rice et je tailleune petite bavette très beurre et oeufs à la réception. defaçon à passer pour le provinciel qui trouve New York unendroit épatant pour les touristes. mais un peu grandtout de même,P. CHEYNEY, la Môme vert-de-ons. p. 8

Analogues Feinte, attrape. mystification, comédie, Jeu.cabotinage, théâtre, pose (l'inverse est le naturel)

Rem. 1 Quand la Simulation ne trompe personne - qu'elle esttrop évidente - on a une pseudo-srrnulauon' Tout procédétant salt peu faux' ou rhétorique au sens péjoratif relève de laSimulation ou de la pseudo-srmutation. attitude très générale. L.adiplomatie, la Simple politesse ne vont pas sans une certaineSimulation. V. à ambiguïté.

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Rem. 2 La verbigération' simule du langage: l'assimulation(Quillet) est une Ignorance feinte en vue d'attirer l'attention, elleest donc proche de la communication': le parenthyrse est unenthousiasme Simulé (THÉODORE, cité par LONGIN, Dusublime, III, 5)

Rem. 3 Le trait d'esprit' peut se présenter sous la forme d'uneerreur simulée. Ex.: "BLAISE - . Vous, à force de vivre ICI.vous finissez par attraper la médecine. La médecine, moi. le.\malades m'en guériront." (AUDiBERTI. l'Effet Glepion. p. 233)Le docteur parle comme SI la médecine était une maladie.

Rem. 4 Le trait d'esprit peut aussi être Simulé. C'est le cas dansune anecdote sur Gounod et Mme Strauss. réputée pour sonesprit. Il lUI murmura lors d'une prem ière: "Ne trouvez-vous pascette musique un peu... octogone? - C'est ce que} 'allais dire.rétorqua-t-elle" (CH. LALO. le Comique et le spirituel. p. 324)ayant flairé la taquinerie.

Rem. 5 V. aussi à cbteuesme. rem. 1, Citation. rem. 4: dututettonénonc/stion. rem. 1. nigauderie. rem 3: perttusston. rem. 1

SINGUlARISATION Présentation d'un épisode durécit' à partir d'un point de vue Singulier, inhabituel. palles yeux d'un tiers qUI n'y comprend mie, d'un enfant. desorte que le lecteur est amené à y voir des détails et desvaleurs insolites.

Ex.: Alexis lvetiytch. voici dé}â cinq ans qU'II a été mutéchez nous â la suite d'un meurtre... Il est allé, vois-tu. horsde la vitte avec un lieutenant. Ils avalent pris leurs épéeset les voilé à se pousser des pointee et (il) a transpercé lelieutenant. et encore devant tétnotnslPOUCHKINE. la Fille du capitaine. cité par TOMACHEVSKI. p291.

Analogue Ostrenérue (Cf. JAKOBSON. préface à Théorie de lalittérature, p. 11),

Rem. 1 Le procédé a été repéré par Tornachevski (rb.. p. 290). Ilserait assez fréquent. sa fonction étant d'mtrodurre dansl'oeuvre "du matériau extreiittéreire ..... vieux et habituel (dansl'exemple ci-dessus. le duel) comme du nouveau et del'inhabituel (le meurtre)" Le procédé appartient à la pseudosimulation'.

La sinqularisatron est une façon de faire table rase des Idéesreçues pour aller aux choses mêmes. Ex.: 'Un certainphénomène qu'on appelle musique" (MICHAUX, titre d'unepréface à une Encyclopédie de la musique. reprise dansPassages. p 181).

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Rem. 2 Le procédé est diffus dans bien des romans. lorsquel'auteur arrive à voir toutes choses par les yeux de sonpersonnage. Ex.: la guerre vue par Pinette. Philippe. Gros-Louis,etc. dans les Chemtns de la liberté de Sartre.

SLOGAN Le slogan est une maladie de la formule.

L.-P. FARGUE, dans le Nouveau o.ci. de citettons tr.. 13689.Autrement dit. c'est l'emploi d'une formule (V. à maxime)considérée comme riche et pleine de sens et de valeurscorinotanves diverses. mais en réalité banale par latrivialité du sens (publicité) ou par un emploi tropcourant. Ex.: Qui a bu boirs ... chicorée Pacha. Autre ex.:Avec Coke. 'y a d'la Joie!

Ex. litt.: LE POMPIER. - Je parle de choses que j'aiexpérimentées mOI-même. La nature, rien que la nature.IONESCO, la Csntetnce chauve. p. 48.

Analogues Devise. mot d'ordre.

Rem. 1 Le slogan partage avec le lieu commun (V. à cliché). labanalité du contenu: avec le cliché' il se caractérise par unesorte de psittacisme' qUI fait attribuer un sens déterminé etunique à un segment plus long que le mot (au moins unsyntagme'). Ainsi. Desnos, chantant la Marseillaise. ajoutait:Halte là, les Montagnards sont làl

Rem. 2 Le slogan, à l'origine, est un Cri de guerre lancé parl'entraîneur et repris par le groupe des attaquants. "Montjoie.Saint-Denis!" On le retrouve dans les compétitions sportives.quand il s'agit d'encourager les athlètes. V. aussi à épigramme.rem, 2,

Rem. 3 Le slogan a une intonation publicitaire (forte intensité).

SOLÉCISME Emploi. fautif dans un cas donné. deformes linguistiques par ailleurs existantes.MAROUZEAU,

Ex.:En un soir que je suis été avec un copain dans une deleurs soirées chant et danse .....JOYCE. Ulysse. p. 299.

Même déf. Littré. Ouillet. Lausberg, Robert,

Autres noms Agrammaticalité. antiptose ('figure de grammairepar laquel/e. dit-on, on met un cas pour un autre', du Marsais. t.4. p. 148). Comme ce sont les prèposittons qUI. en français,Jouent souvent le rôle des cas. on pourrait considérer commedes antiptoses les exemples suivants:j'ai mal la tête (à);je ne merappelle de rien (supprimer de). V. aussi à berberisme. autre déf.

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Rem. 1 V. à faute, rem. 2, et à syllepse grammaticale, rem. 1.Claudel affecte des négligences qui, selon lui. vont de pair avecl'enthousiasme poétique. Ex.: *11 attend pour tOI deux vieillardsdans la vieille maison natale * (Cinq Grandes Odes, p. 96: tourimpersonnel. au lieu de: deux vieillards t'attendent .....1

R. Ducharme se donne des licences" poétiques.Ex.: Une avalanche les avaleSur le chemin de le cheval (Le Nez qui voque. p. 70.)L'article a été dé-contracté. pour que le vers" ait huit syllabes.(Observer aussi l'écho' sonore entre les deux hémistiches). PourDucharme, d'ailleurs. il s'agit rnorns de licence que de fantaisied'écriture.

Vous voulez des s au pluriel? Qu'à cela ne tienne: Je ne SUIS pasavare de mes s. Uns. Deuxs. TrOIS. Quatres. Ctnqs. SIXS. Septs.(ib., p. 103).Emporté par son élan, il est allé cette fois Jusqu'au barbarisme'

Rem. 2 Il ya des demi-solécismes. Ex.: "ma mère me proposade me faire prendre ..... un peu de thé *. Me proposa de prendreou de me faire setvtt: ce n'est pas le jeune homme qUI "se faitprendre son thé". Peu d'auteurs échappent à ce genred'inadvertances, que l'on voit souvent dans la langue familière."J'aurais le ménage à m'occuper. /e me porterais mieux"(AUDIBERTI. Le mal court p. 142). 11 y a aussi le solécismeintentionnel (V. à énonciation, rem. 2).

SONNET C'est la principale forme fixe de poème" enfrançais, du XVIe au Xlxe siècle. Il fut aussi très répandudans les autres littératures européennes. En général. ilcomporte deux quatrains à rimes' embrassées puis deuxtercets dont les SIX vers' présentent d'abord deux rimessuivies, puis quatre rimes embrassées (abba. abba. ccd.eed).

Le sonnet français a les quatre dernières rimes croisées(abba. abbe. ccd. ede). Il présente ainsi toutes les variétés deplace des couples de rlmes' 1 .

Rem. 1 V. à chute: imitetion. rem. 3: pointe.

SOPHISME Raisonnement' faux' (malgré uneapparence de vérité). ROBERT.

Ex.: MARGUERITE. au roi. - Tu as fait massacrer mesparents, tes frères rivaux. mes cousins et errières-petits­cousins, leur famille. leurs amis, leur béteit.LE MÉDECIN. - Sa Majesté disait que de toute façon Ils

1 On peut en dire autant du dizain de Malherbe. qUI fut Imité Jusqu'au X1Xe Siècle Lesvariétés de place s'y présentent en ordre inverse (ababccdeed)

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allaient mourir un jour.IONESCO, Le roi se meurt, p. 95.Grâce à Pasteur, II y a plus de petits vieux malheureux et deoetites vieilles malheureuses sur la terre qu '11 n y en aurait.R. DUCHARME. le Nez qui vaque, p. 99.

Même déf. Du Marsais. Le Clerc (p. 141). Littré, Quillet

Analogues Paralogisme'; adj.: spécieux (argument" -). captieux(raisonnement" -).

Rem, 1 Le sophisme est un paralogisme' de mauvaise fOI.où l'ona l'intention de tromper. Le sens péjoratif du terme. qui en grecvient de sophia, la sagesse. est dû à Socrate. dénoncrateur delhvpocrisie des sages (ou sophistes). logiciens mercenaires. ouprétentieux. Le vrai sage salt que la sagesse. comme la vérité.est un Idéal ou'rl faut chercher sans cesse. Il est donc ami de lasagesse (philo-sophe).

Rem. 2 Les formes du sophisme sont les mêmes que celles duparalogisme (V. ce mot. rem. 2). Il peut aller Jusqu'à l'antiloqie'.

Rem. 3 Montrer le sophisme de ïerqumentstron adverseConstitue une excellente réfutation'. Son efficacité est si grandeque même une conclusion valable n'y rèsiste pas.

Ex.: (Les naturistes) ont un désir Irrépressible de manger ce queles autres jettent PUisque les gens meurent d'habitude avantcent ans, il faut qu'II y ait dans ce qu'ils jettent le petit quelquechose qUI fait les centenaires Cela semble irréfutable.CL. MARTIN, Dans un gant de fer, p. 39.Les naturistes se contenteraient sans doute de soutenir quec'est dans la pelure et dans le coeur que se trouvent lesmeilleurs éléments de la pomme.

Rem. 4 Dénudé, le sophisme tourne au mot d'esprit".

SOUHAIT Attitude d'auteur ou de personnage, oùs'exprime un ardent désir que qqn bénéficie de qqch.

Ex,: Beauté, ma toute droite, par des routes si ladres .....Que je me glace et que tu sois ma femme de décembre.R. CHAR, la Double Tresse dans Poèmes des deux années.

Analogues Optation (Fontaruer. p. 438) Littré. Guillet et Robertprécisent qu'elle dort avoir la forme exclamative. En rhétoriquetraditionnelle. l'optation figure parmi les arguments' propres àse concilier la faveur du Jury: on terminait le plaidoyer ensouhaitant une Issue heureuse.Voeux (V. à lettre).

Rem. 1 La forme du souhait est le subjonctif (subordinationimplicite à un verbe de sentiment) ou l'adjectif bon. dans une

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phrase nominale: bon voyage, bonne année. bon appétit.bonnes vacances, etc, Le pomt d'exclamation' éventuel dépendde l'intensité du sentiment. Le souhait a son Intonation '.Mr. MARTIN (au pompier qUI s'en va) - Bonne chance, et bonfeulIONESCO, la Cantatnce chauve, p. 59

Rem. 2 Les anciennes formules, "plaise au Ciel que", "à dieu neplaise que", tenaient compte du peu de puissance de l'hommesur son destin. Quand le souhait s'adresse directement à celuidont on peut penser que sa réalisation dépend, on a la demande(V. à Supplication). la prière', l'exhortation' Mais les formule,figées favorisent une certaine hypocrisie. Ex.: l'abréviation'R.I.P.. qu'on lit sur les épitaphes. "qU'II (ou elle) repose en paix"C'était une formule de pardon récrproque (lUI souhaiterl'absence de ces remords ou ressentiments qUI auraient fait drlUi un revenant possible). V. à notation, rem. 1.

Ex.: "Le man était servi. - Merct pour ta cutstne. quAllah t'ensalt reconnaissant" (A. KOUROU MA, les Soleils destndépendences. p. 49). Ces souhaits sont présentés comme de"clichés', le héros se faisant servir sans amère-pensée grâce i:ces réponses toutes prêtes.

Rem. 3 La supplrcanon '. quand elle ne s'adresse pas àquelqu'un, n'est qu'une forme de souhait.

Ex.: "- Ahl que vienne entin. suppùets-je. la crtse aiguë, lamaladie, la douleur vtvet Et mon cerveau se comparait aux Cielsd'orage"(A GIDE, Romans, p 159)En revanche, un souhait extrêmement ardent tourne à laSupplication'

Ex.: "Pourvu qu'elle ait réussi, Oh! pourvu qu'elle ait réussi."C'était une espèce de prtéreSARTRE, l'Âge de raison, p 253

Rem. 4 Le mauvais souhait est la malédiction,

Ex.: Je te souhaite que ta 101 (il s'adresse à un certainMoutonnier, auteur de la législation de 1916 sur lesstupéfiants) retombe sur ton père, ta mère, ta femme, tesenfants et toute ta posténté. Et mamtenant avale ta loi.ARTAUD, l'Ombtttc des limbes p. 72.La formulation rappelle les antiques imprécations, variétéreligieuse de la malédiction, où l'on s'adresse au PUissant poutobtenir le malheur d'autrui. (Cf, Fcntaruer. p. 435). Un poèmede Michaux, Je rame, décnt sur un mode incantatoire le!'maléfices que veut opérer le locuteur:L'air que tu respires te suffoqueTu ne peux pas fuir

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Ta bouche te mordTes ongles te griffentJe rame contre ta vie (Face aux verrous, p. 25 à 29).Il s'agit d'un charme au sens ancien du terme, chant magique.

SOULIGNEMENT On attire l'attention, par diversmoyens, sur certaines parties du texte.

Ex,: Ce mouvement (de saisissement) m'a toujours averti dela présence du beau. Et je puis bien dire qu'à cette place,le 29 mai 7934, cette femme était scandaleusementbelle.BRETON, l'Amour fou, p. 50-'. Les mots soulignés le sont parl'auteur.

Syn, Mise en relief. mise en évidence.

Rem, 1 Formes du soulignement,

À une plus grande mtensité (volume de la voix) correspond dansle texte la mise en caractères gras (dans un manuscrit on secontente de souligner, d'où le nom du procédé). Mais le gras estsouvent remplacé par des italiques (V. à assise). Pour évitertoute confusion, on distinguera le soulignage d'un trait simple,marque d'un ton spécial. à Imprimer en Italiques: le soulignaged'un trait double pour les capitales: celui d'un trait ondé,marque d'intensité, pour le gras.

Dans sa thèse: la Mise en relief d'une Idée en françaismoderne, M,-L. Mueller-Hauser observe divers autres modes desoulignement.

- La séparation syllabique ou svllabation'.- La pause' phonétique. Ex.: Un coup // épouvantable. Latranscription normale est le tiret (V. à esstse;'- La répétition'. Ex.: Il ne dit rien. Rien. (V. à rédupticsttorïï. Lemot repns ICI constitue à lui seul une assertion', d'où sa force.Son Isolement ne l'empêche pas d'être clair, à cause de laphrase qUI précède. On répète seulement le segment qUIcontient le posé.- La répétition' renforcée Ex.: WJ'avais le désir de lUI affirmerque j'étets comme tout le monde, absolument comme tout lemonde" (CAMUS, l'Étranger, p. 95). "Feues-mot du punchGriqnolles. OUI, du punch!" (BERNANOS, Romans, p. 832).- La répétition' en forme de dialogue' Ex.: Hter jastementè-s­Justement hier SOir.- L'ordre anormal des mots, c'est-à-dire la mise en évidence audébut du segment essentiel, par dislocation '. Ex,: Vingt minutes,on est resté.- Les incises qui soulignent. Ex.: Toutetots - et cela est grave- (etc.) Car, et ceci est le prodige, le type vit (Hugo).

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- La segmentation de la phrase (hyperparataxe). Ex.: Lapolitique, mOI, tu sais...- L'ernplor de c'est. .. qUI... (tour présentatif ou emphasis).- L'ellipse ' (V. à réticence). Ex.: Il a un charme...

On peut ajouter: - l'explétion (Fontanier. p. 303). ernolo.apparemment inutile de mots explétifs. Ex.: Saisissez-moi cepetit vaurien. Je vous le traiterai de la belle manière. Lesméridionaux raffolent de ce tour: Ils se mangent une bonneratatouille. Analogue Datif éthique.- Certains graphismes' (V. aussi à gémination).- Des accents'.---,. l.'arnptificanon'. Ex.: 'La plus riche parure de Genie était sanscontredit le trésor de son Incomparable chevelure" (JOYCE,Ulysse, p. 336).- L'abstraction'. Comp.: Tout ce que son espnt bizarre avaitconçuTout ce que la bizarrerie de son esprit avait conçu.

- La conjonction qUI annonce une conclusion (donc! estaffaiblie en soulignement. Ex.: Arrête donc!

Rem. 2 Le rôle de la majuscule n'est pas de souligner.En principe (la majuscule ou grande capitale) ne s'applique qu'àdes noms propres ..... à des débuts d'alinéa. de phrase. de vers.Les petites capitales (servent à) mettre en valeur certains mots..... signature d'un article de journal, noms d'interlocuteurs dansune pièce de théâtre, ou suite d'une Initiale très agrandie,pertois ornée, dite lettrine.P. LECERF, Manuel pratique du typographe, p. 119 et 126.

On trouve cependant les petites capitales dans le rôle descaractères gras. Ex.: 'chose déjà pleine et parfaitementaccomplie - LA LUNE -s-douce. douce, douce' (GIDE.Romans, p. 176). Et même la grande capitale:

"Dans le bureau dAbakoumov. le Plus Brillant Stratège de Tousles Temps et de Tous les Peuples était représenté sur une toilehaute de cinq mètres.' (SOLJENITSYNE, le Premier Cercle. p.78)

Rem. 3 Divers procédés peuvent avoir un effet de soulignementV. à cliché, rem. 1: comperetson tiquretive. rem. 3; contre-litote.rem. 3; diérèse, rem. 2; énigme, 3; énumération, rem. 5;épenediplose. rem. 1: étirement, rem. 2: étymologie, autre déf.euphémisme, rem. 5: çénérstisstion. rem. 2; mterjecnon. rem5; isolexisme, rem 3 & 4, métanalyse. rem. 1; pléonasme. rem1; réécriture. rem. 1; truisme. rem. 2, litote, rem. 3; déceptionrem. 3; exctsmetton: distenctetioo, rem. 1; hyperbate. Pour lesoulignage dans la citation, V ce mot. rem. 7.

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STROPHE Ensemble de vers', limité par deux pauses'étendues (silence ou ligne de blanc).

Ex.: Ce charme a pris âme et corpsEt dispersé les effortsÔ saisons, ô chêtesuxlRIMBAUD, Une saison en enfer

On a des strophes de trots à douze vers. Elles ont reçu les nomsque voici: tercet quatrain, qumtil (ou cinquain). Sizain (ousixain). septam. huitain. neuvain, dizain, onzain, douzain.Cependant Il ne faut pas exclure le distique.

Ex.: Pourquoi suis-je SI be/le?Parce que mon mettre me lave.ÉLUARD, les Petits justes.

Le monostique n'est pas Ignoré non plus. V un ex. à symbole, 1.

Analogue Couplet (d'une chanson) V. à paragraphe, rem. 1 et àpériode, rem. 4.

Syn. vieilli Stance 1 (Benac. Robert). Un ensemble de quatre versliés par rime' et rythme' a été appelé quartier (Cf. Marier).

Rem. 1 On distingue des formes actuelles de la strophe, lastrophe classique, que Morrer définit: Ensemble constitué parun nombre de vers limité, avec une disposüion fixe des rimes etdes mètres, et qui peut se reproduire indéfiniment.De plus, dans la strophe classique, il ya alternance des rimes'masculines et féminines, les unes prenant la place des autresdans la strophe postérieure.

Rem. 2 La teisse groupe des vers assonancés, en nombrequelconque. C'est la strophe des chansons de geste,

Rem. 3 Mener caractérise divers types de strophes d'après lafigure géométrique de leur transcription graphique. Strophescarrées: six vers de SIX syllabes, dix décasyllabes, etc. Stropheshcrizontales: quatre alexandrins: verticales: dix vers de troissyllabes: sans compter divers types de stropheshetèrornétriques. en forme de cône renversé, d'enclume, etc,

Quand les vers écourtés riment ensemble, on a la strophecouee. Marier propose l'adj. homorime pour qualifier lesstrophes qUI ont les mêmes nmes (souvent en ordre Inversé), V.à poèmes (forme des -).

Rem. 4 La césure strophique est la principale articulation dusens entre deux vers', Marier montre qu'elle peut se placer aucentre, vers le début ou vers la fin de la strophe (césuremédiane. avancée, ou différée)

Ex. de césure différée:

, Au XVIII" Siècle, stance devient synonyme d'ode (Le HlfJ

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Le loup criait sous les feuillesEn crachant les belles plumesDe son repas de volailles:

Comme lUI Je me consumeRIMBAUD. Une saison en enfer

Ex. de césure avancée:

Je ne partirai pas. je ne penserai rien:

Mais l'amour in/ml me montera dans l'âme.Et j'Irai toin. bien tom. comme un bohémien.Par la Nature. - heureux comme avec une femme.RIMBAUD. Sensation

Rem.5 Lastructure de la strophe actuelle. comme celle du vers'libre et celle du poème' à forme propre. reste à déterminer. Elleparaît parfois très régulière. comme chez Prévert. qui alignevolontiers au centre.

Ex.: Immense et rougeAu-dessus du Grand PalaisLe soleil d'hiver eppereît

Et dispereît

Cf. Paroles, p. 176. 139. 146, 153. 160, etc.Elle paraît très irrégulière (mais motivée) chez Reverdy.

Rem 6 V. ausst à acrostiche: antépiphore; ballade,' célébration;coupe rythmique; épiphrese. rem. 3; ode: refrain; inclusion,rem. 1.

SUBSTITUTION Dans une formule attendue, cliché',syntagme' figé, proverbe', citation', idée "reçue", onremplace certains lexèmes par d'autres, inverses, ouétonnants.

Ex,:Mes efforts ont déjà porté des légumes. Sans coeur etsans reproche. Tout ce qui brü!e n'est pas ordure. Pourqui sont ces serpents qui sifflent à mes pieds. Pasteur. lemalfaiteur de l'humanité.R, DUCHARME, l'Océentume. p. 38, 131, 136, 83 et le Nezqut vaque.

Dès ma naissance, j'ai eu le front couronné de poux.M.-CI. BLAIS, Une saison dans la vie d'Emmanuel. p. 49. Onattendrait "de lauriers" car c'est l'autobiographie nalve d'unpoête. M.-CI. Blais mêle au drame un humour ironique.

Analogue Paraplasme.

Rem. 1 La substitution de lexème. Incontrôlée. relève de lapathologie du langage (paraphasie). le lexème substitué étant

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parfois un mot' forgé. Dans ce cas, la Substitution a pour effetd'effacer le sens'. V. à verbigération, rem. 2.

Les substitutions en littérature, quand elles ne sont pas desimples jeux de mots', poursuivent au contraire des butsdéterminés. Simon fait frémir avec son 'Image à faire-part'(Histoire, p. 383). Tardieu. en écrivant Un mot pour un autre, avoulu montrer que le lexème n'avait pas la primauté dans lacornmurucauon. ~QUOI, vous ICI, cher comte? Ouette bonnetulipe! Vous venez renflouer votre chère pitance? ... Maiscomment donc êtes-vous bardé?' La place et la sonorité detulipe éveillent plus ou rnorns consciemment un autre mot.surprise. bardé pourrait rappeler entré V à faute. rem. 2:humour. rem. 1

La poésie de Gauvreau. plus proche de la paraphasie.magnifique Jusque dans le mot' forgé. est. suivant son auteur.pleine de sens' nouveau. Ex.: <Totltcudms donss drassicdessiqnc çssstc gossulupe bessiç / Ofneuf nif nsrip niptok depou« ofton de brak azik siqur" (Etal mixte. p 50). V. aussi àglossolalie. rem. 1Ces substitutions ne semblent pas aussi systématiques quecelles du groupe surréaliste. pour qUI ce fut un procédé derecréation. voire de récréation. Ex.: "Quand la raison n'est pas là,les SOUrtS dansent" (152 proverbes mis au go Dt du jour, dansÉLUARD. O: t. 1. p. 153 et sv.) V. à anaphore. rem. 1; à faux.rem. 4: à repnse. rem. 3.

Rem. 2 La substitution arbitraire étonne. mais il y a une autresubstitution très courante. qUI se contente de rajeunir lesclichés' et d'adapter les Citations' à de nouveaux contextes. Onla rencontre dans les textes les plus sérieux. Ex.: 'La poésietrençeise sera métrique ou ne sera pas' (Sounau adaptantBreton. "La beauté sera convulsive ou ne sera pas'). Valéryétudie le procédé (l'Idée fixe, dans O: t. 2. p 237 à 240) et lUitrouve un nom cocasse. celui de perroquet. "Descendre unperroquet", c'est reprendre une phrase ou une expressioncélèbre en la pilant à un sens nouveau. 'OUi je distingue... C'estle propre de moi!" (ISSU de me est le propre de l'homme). Voiciun perroquet plumé (V. à dénudation):

'Pascal a dit un mot bien juste: "l'éloquence continueennuie". Je serais tenté de le modifier en disant: la musiqueconttnue ennuie... La poésie continue ennuie. ' (CLAUDEL. 0en prose. p. 152)

La force de la substitution naturelle Vient de la présence, dansl'Inconscient collectif de l'auditeur. d'une séquence signifiantequasi identique. en sorte qu'on lui donne à la fOIS du connu et del'inconnu, avec la connivence d'une astuce à découvrir. Un trèsbel exemple littéraire en est le titre de Desnos: Deuüpour deuil

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(issu de: Oeil pour oeil et dent pour dent).Outrée. la substitution devient altération. Ex.: *J'81me mteuxpondre un oeuf que voler un boeut" (IONESCO, la Cantatricechauve, p. 54). Dans cet exemple. Ii y a plus qu'un simpleperroquet: le proverbe OUI vole sutourd'tuu un oeuf. demainvolera un boeuf est rappelé mais dans un contexte toutdifférent. celui des préférences personnelles, et sur un modeabsurde (pondre). Cette altération va Jusqu'à la subversion.

La réminiscence est un demi-perroquet. Ex.: "Rompezvagues, rompez deeu réjouie... "(VALÉRY, Cimetière marin) qUIpourrait lUI être venu de son cher Racine: "Rompez, rompeztout pacte avec l'Impiété" (Athalie. 1. 1).

Certains perroquets font un clin d'oeil au lecteur: "Mon sang,dans lequel les globules rouges sont juxtaposés par leurs facesen piles plus ou moins longues" (BUTOR, Intervalle. p. 112).

Rem.3 Pour la substitution graphique. V. à paragramme. Pour lasubstitution sonore. V. à faute. rem. 1 et 2. Pour celle des nomspropres. V. à enechromsme. rem. 1. Il ya une substitution deconstruction; V. à faute. rem. 2.

Rem. 4 Valéry a pratiqué la substitution d'Idées, ce sont sesrhumbs, pensées présentant des "écarts détints par contrasteavec je ne sais quelle constance dans t'intention profonde etessentielle de l'esprtt".

Rem. 5 La substitution de personnages est une des ficelles dudrame classique. le quiproquo. Ex.: Frombellbed, dans l'EffetGlepton d'Audiberti, se faisant passer pour une bonne femme,un bandit. Monique se faisant passer pour la princesse, cettedernière se faisant passer pour la bonne, etc.Le quiproquo se dénoue par la reconnaissance, scène SIhabituelle au théâtre classique, à cause probablement del'Importance que lUI avait accordée Aristote. Le quiproquo estun malentendu (organisé ou non) sur l'identité d'unpersonnage. Le malentendu proprement dit porte sur unesituation. Ex. tiré d'Occupe-toi d'Amélie. de Feydeau. acte 3:Le parrain croit assister à un vrai mariage, les autres, saufÉtienne et le maire, s'imaginent qu'il s'agit d'un pseudo-mariageet qu'ils perticipent à une comédie. Étienne et le maire saventqu'en fait. le mariage est réel.Y.-A. FAVRE, le Comique de Feydeau. dans la Revue dessciences humaines, na 150, p. 241. Cf. aussi les malentendusdans le Malentendu de Camus.

Rem.6 Il y a une substitution d'action dans le roman. qu'on peutappeler "relei narratif". Ainsi Maupassant. laissant au pied d'unarbre Henri et Henriette à leur oaristys. décru le chant d'unpinson, d'abord langoureux. puis ardent. puis rauque, enfinapaisé.

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Rem.7 Une façon moderne d'opérer des substitutions surréellesserait de faire passer le texte par un programme de traductionautomatique par ordinateur, mais dans les deux sens. aller puisretour. Un aphorisme comme l'esprit est prompt mais la chairest faible ayant transité vers le russe serait revenu ainsi: lespiritueux est rapide, mais la viande est rama/Ile ... (C'est-à-dire.Bulletin du Comité de linguistique de Radio-Canada. 6. 3. P13).

SUPPLICATION Requête insistante et humble

Ex.: Thalie, par pitié une teuitle de ton lierreBECKETT, Comment c'est. p. 46

Analogue Déprécation (terme de rbètorique judiciaire: onimplorait l'indulgence du Juge; cf. Verest. § 454; puis dans unsens plus large. "figure de passion": cf. Girard, Fontanier. p.440; Littré. Lausberg. Morier. Robert).

Rem. 1 l.'épiclèse est une prière impétratoire. c'est-à-direqu'on fait en vue d'obtenir qqch. dont on sent le besoinindividuellement ou collectivement. Ex.: les dizaines de chapeletrécitées au chevet d'un malade. L'imploration consiste àdemander avec des larmes. Le mémento est une demande trèsgénérale faite pour autrui. La Puissance est requise de "sesouvenir" d'un mort ou d'un vivant.

L'obsécration est une demande d'assistance (Littré, Quillet.Lausberg) par laquelle on se revêt de l'autorité de la puissanceinvoquée ou de sa force. Ex.: "Domine ad adjuvandum mefestina ". leitmotiv liturgique.

L'imprécation est une malédiction (\1. à souhait. rem. 4) qui apris la forme d'une supplication. Ex.: "Et tOI. Élohim. tu les ferasdescendre dans le putts de la fosse. ces hommes de sang et defraude: ils n'atteindront pas la moitié de leurs jours!" (Psaumes.55.24). On n'est pas loin de la prophétie'.

Rem.2 Il suffit d'une apostrophe' pour que le souhait" prenne laforme d'une Supplication. Ex.: "Si sous mes lois. Amour, tupouvais l'engager" (RACINE. Andromaque. 2. 1) V. auss: àblasphème. rem. 1; célébration, rem. 4; exctemation. rem. 1;exhortation rem. 1; intonation: injonction. rem. 2.

SUPPOSITION Modalité de l'assertion' Elle consiste àposer qqch. comme possible. Idée qu'on envisage envue de la vérifier plus tard, pure éventualité oùI'irnaq ination s'avance.

Ex.: La pensée agit sur te corps d'une manièreInexplicable: l'homme est peUi"-èrre fa pensée du grandcorps de l'univers.CHATEAUBRIAND. Génie du cbristien.sme. p 530.

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Autres ex.: Un temps. SI tous nous devenions subttemend'autresJOYCE, Ulysse, p. 105.

Ouand vous serez bien vieille, au soir. à la chandelle (etc.) aV81la conclusion: "N'attendez à demain" (Ronsard).

Syn. Hypothèse.

Rem. 1 Même Imagmalre, la SUpposition porte sur qqch de réelmais il y a une SUpposition gratuite, purement expressivepseudo-supposition. Ex.: 'Si /a mer prononçait des noms dan:ses marées / Ô vieüterd. ce serait des noms comme le tien(HUGO, la Légende des siècles. p. 354-5).

Le raisonnement' "par temüierisetion" (Angenot), qUI InVII'l'auditoire à se mettre à la place d'autrui pour rrueucomprendre, est à mi-chemin de la pseudo-supposition. Ex,: QUI

dinons-nous SI c'était nous qUI...Bien différent est le raisonnement' ab absurdo 01

apagogique (Lalande), car, par le même chemin, il aboutit CI

fait à une réfutation' de l'hypothèse. L'ayant acceptée pdfeinte, on en tire par déduction logique des conséquences aus:ridicules que possible. Ex. lltt.: "Si elle n'a pas demene.quarante-deux fOIS je ne suis pas trop pokée?, j e ne sais pdcomment je m'appelle" (R. DUCHARME, l'Hiver de force. r251). L'évidente fausseté de la principale est là pour soulignevigoureusement celle de la conditionnelle. L'indignation de Joidans le malheur s'expnrns de façon analogue. Ayant supposé Lpossibilité de certaines fautes de sa part, il profère pour lumême des malédictions qUI,en réalité, prouvent son mnocenctSI mon coeur a été séduit par une femme / et qu'à la porte dlmon procham j'al fait le guet. / que pour un autre ma tetnm.tourne la meule / et que sur elle d'autres se couchentl (Le LIVIIde Job. 31. 12).

Rem.2 Le raisonnement' nvpothètico-déductlt, assez larqernonutilisé en SCiences, consiste à développer les conséquencod'une hypothèse en vue de mieux la v é r rtr oexpénmentalement. Ex.: "Tout se pesse comme si... "(et l'on fill

ses déductions).

Ex.: "Pour te plaire. il faudrait Jouer un rôle n'est-ce pas? et CC/I

d'un homme triste! et qu'est-ce que la société me donnera (',échange de mon ennui? et cette contrariété serait de tous /1'instants." (STENDHAL Lucien l.euwen. p. 13).

hem. 3 En littérature, la SUPPOSition est la porte ouverte ail

transports de l'irnaqination. ce qu'Audiberti dénommait "I'ett.Glepion". Biaise explique à Monique de quoi il s'agit:BLAISE. - Vous-même... On sonne.MONIQUE - On a sonné? MOI qui d'habitude entends tOUI

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BLAISE. - Restez donc trenquitte. On sonne, je suppose. Vousouvrez. Vous vous trouvez devant une personne qUI vous frappepar je ne sais quot d'Inattendu, de CUrieux. À partir de cetteapparence vous devinez tout un roman, énorme. Instantané, dé­lirant. Effet GlepionlAU DIBERTI. l'Effet Gtepion. p 14 1

Les hypothèses peuvent porter sur n'Importe quelle question.s'accumuler. être rejetées. entrer dans une antithèse'.

Ex.: Leur amour seul m'Importe; et tI ne m'Intéresse potnt parcequ'il m'attendrit ou parce qU'II m'étonne, ou parce qu'IIm'émeut ou parce qu'II me fait songer. mais parce qU'II merappelle un souverur de ma jeunesseMAUPASSANT, Amour début

Rien de plus hypothétique que les intentions d'autrur. N.Sarraute en tire longuement parti.(Le père prend une attitude plus conventionnelle encore.) Il estditticüe de savoir exactement SIc'est malgré lUI. sans qu'tl sachepourquoi. qu'il durcit ernst de plus en plus, ou bien SI c'estdélibérément qu'il force etnst sa ligne pour puntr celui qUI selivre devant lUI à ces pttrenes dégradantes. tui rendre pluscuisente sa turpitude. ou encore SI c'est pour découragerl'adversaire. pour se défendre, en tetsent le mort ..... ou SIc'estau contraire dans l'obscur espoir d'exacerber ces efforts, decorser le jeu..N. SARRAUTE. Portrait d'un Inconnu. p. 63-4

Rem. 4 Elle peut prendre la forme d'une question (V. ce motrem. 3). Pour l'argument' par SUpposition niée, V. àparalogisme, rem. 2

Rem. 5 L'hypothèse, par la SUite, sera Infirmée (rejetée). ouconfirmée. à rnorns qu'on ne dispose pas d'Indices: elledemeure alors à l'état de conjecture,

SURENCHÈRE On qualifie un objet. une Idée, unargument', un être de plus fort, plus extraordinaire queles autres, ou on le présente comme tel.

Ex.: tneccessibtet MaiS Il ya encore quelque chose de plusInaccessible que l'avenir, c'est le passé.CLAUDEL, 0 en prose, p. 271

Autre ex.: Là, non seulement le naturel et t'ettitîciet ont réUSSI às'équttibrer d'une manière parfaite mais encore sont réuniesélectivement toutes les condittons de libre extension et detolérance mutuelle qUI permettent le rassemblementhermonteux des individus de tout un règne.BRETON. l'Amour fou. p. 84

MlllmI déf. Curtius. p. 200

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Syn. Renchérissement.

Rem. 1 Souvent le point de comparaison' de la surenchère esidéjà ce qu'il peut y avoir de mieux, et l'on peut parler dl!paroxysme, Ex.: "AL VARO - Je ne tolère que /a pertectton"(MONTHERLANT, le Martre de Santiago). NÀ la moindre raturole principe d'inspiretion totale est ruiné" (ÉLUARD, 0 c.. 1. 1, p478).

Le genre littéraire médiéval du panégyrique a fait de LIsurenchère paroxystique son premier "heu N, comme le montreCurtius:Dire de la personne dont on fait l'éloge qu'elle surpasse lesDieux est une ttetterie très en vogue .....Wa/ahfnd Strabonchante les mérites d'un certem Probus, ou, compose mieux qUI'Virgile, Horace, OVide... (La Littérature européenne et le moyenâge Latin p 200)

Rem. 2 Ce qUI distingue de la Simple comparaison' 1"surenchère, c'est qu'elle semble toujours Impliquer qu'en allant"plus toin". le locuteur l'emporte sur un Interlocuteur réel ailpossible (d'où le paroxysme, forme Irréfutable du procédé)

Rem. 3 Les marques de la surenchère sont principalement lescomparatifs, les adv. de liaison non seulement. ..mals encore.des locutions comme disons mieux, je dirais même, et un dictonÀ melm. malin et demi. V. à mtro.r. rem. 1. Elle peut s'étofferdavantage: "Les. un beau jour, des japons nacrés et dorés, desblancs wethmens, des hollandes bis ..... il avait commandé desvergés à /a forme" (HUYSMANS, À rebours, p. 181),

On peut considérer l'ensemble du mouvement précieux duXVIIe siècle, lui-même héritier du maniérisme, du néo­platonisme et du platonisme, comme une surenchèregénéralisée, dans le fond et dans la forme, par un groupearistocratique. Les classiques. en revanche, considèrent le SOinexcessif, l'affectation (V, à beroquismei comme un manque denaturel (cf. Lausberg, p. 523).

Rem. 4 À l'instar de la gradation', qUI est ascendante oudescendante, la surenchère peut se faire dans le sens d'unediminution, Ex.: Nil n'avait été qu'en Prusse, et encoreseulement sur le tront" (SOLJENITSYNE, le Premier Cercle, p15).

Une autre variété de la surenchère est l'hvpercorrection. où,à force de vouloir parler mieux que les autres, on tombe dansdes incorrections

Ex.:Eh. mon cher Vicomte, intervint Anna Pevtovne, l'Urope (elleprononçait on ne salt pourquoi l'Urope. comme s'il s'agissaitd'une tine nuance de la langue trençsise. qu'elle pouvait sepermettre en s'entretenant avec un Français), t'Urope ne sera

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jamais notre alliée smcère.TOLSTOÏ, Guerre et Paix, p. 475.La surenchère peut aussi prendre la forme d'une correction (V.àeutocorrection. rem 1).

Finissant en tautologie', la surenchère sera déceptive. Ex.:les deux Dupondt: "- Bizarre affaire .. - Je dirais même plus:c'est une affaire... heuh... bizarre. "

On peut aussi présenter comme plus fort un terme moins fortce qUI donne lieu à des Implicat ions' Ironiques. Ex.: "Cettepolitique est inhumaine, mais surtout elle est maladroite" (J.FOURNIER, Mon encrier. p. 61).

SUSPENSE Attente anxieuse d'une issue dramatique,plus près de l'angoisse (thriller) que de la sustentation (V.à suspension rem. 2). Mot anglais (cinéma).

Ex.: Dans Procham Épisode d'Ho Aquin, on s'attend à voir lehéros rattrapé par ses poursuivants.

Rem, 1 Le suspense a son Intonation' prometteuse. Il constitueun moyen facile d'accrocher le lecteur ou le spectateur deshistoires pof iciè res et films d'aventures. V. aussi àdéchronologie, rem. 1.

SUSPENSION Faire attendre Jusqu'à la fin d'unephrase ou d'une période, au lieu de le présenter tout desuite, un trait par lequel on veut produire une grandesurprise ou une forte impression FONTANIER, p. 364.

Ex.: Un mal qui répand la terreur, / Mal que le ciel en safureur / Inventa pour punir les cnmes de la terre, / Lapeste. puisqu'il faut l'appeler par son nom .....LA FONTAINE, les Ammaux malades de la peste, cité parFONTANIER.

Ex. cont.: La pipe, dit-elle en éclatant d'un rire forcé qu'elleprolongea bien au-delà du temps nécessaire, je veux fumer lapipe du mort!BERNANOS, Romans, p. 730.

Même déf. Du Marsais (1. 5, p. 286), Littré, Ouillet. Willem (p.36). Lausberg, Mener. Robert.

Autre sens Interruption (V. ce mot rem. 5). V. aussi l'expressionpoints de suspension.

Rem, 1 Moner étudie diverses formes de suspension: insertiond'une subordonnée (voire d'une seconde subordonnée dans lapremière); réticence, après laquelle on s'adresse au lecteur et'on le taquine sur son attente"; mots couverts destines àprovoquer les questions de l'Interlocuteur: développementd'une indépendante à valeur annonciatrice du drame. Ajoutons

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la digression (V. ce mot. rem. 2); l'accumulation' et le rejet (V. CA

mot. rem. 1).

Ex.: 'Comme Il est attentif auprès d'elle. VOilà qu't! déplace,pour qu'on ne le p.ét.ne pas - comme Il don savourer cela, cospréceutions. ce respect - le baluchon.. " (l'J SARRAUTE.Portrait d'un Inconnu plO 5)

Rem. 2 Fontaruer '(p 36 4) distingue la susoensron. figure destyle, et la sustentation (p 4 Î 7), figure de pensée, cu:"consiste à tenir tonatemos le lecteur ou l'auditeur en suspenset à le surprendre ensuite" On remarquera que les trou.dernières formes de suspension exaronèos par Marier sontpour Fontaruer. des sustentat.ons

Rem. 3 La suspension peut provoquer un louchement (V. cemot. rem. 2).

SYLLEPSE DE SENS Figure par laquelle un mot estemployé à la fois au propre et au figuré. LITTRÉ

Ex.: BLAISE. - . Le capitaine de gendarmene tene.tqu'on s'embarque tous les quatre, plus les toutous, dansla "quatre cent trois' qU'II Vient de se payer Une voiturenouvelle, ça vous transporte, les premiers jours!AUDIBERTI, l'Effet Glepton. p. 232

Même déf. Du MarsaiS (II 11) Fontan.er (p 105). LausbergPreminger.

Syn. Syllepse oratoire

Rem. 1 La syllepse' grammaticale n'est pas une figure.

Rem. 2 La syllepse est une des formes du Jeu' de mots.

Ex.: (Sur le menu d'un restaurant) "Nos petites CUillères n'ayantneri à VOir avec des médicaments. nous prtons notre aimableclientèle de ne pas les prendre après les repas.·(J EAN-CHARLES, les Perles du facteur, p. 71).Bien des devinettes (V. à énigme). y compris certamesdéfinitions de mots croisés ardus, se fondent sur le passage dufiguré au propre ou l'Inverse. Ex.: - Quel est le comble del'habileté pour un plongeur, sur un paquebot? - Essuyer unetempête.

On l'utilise même en vue de donner du farfelu à un récit'.

Ex.: Dupont ..... préparait dans sa cutstne une autre boîte deconserve pour le repas du sou: Il lUI teltett. tout d'abord. fairecuire avec l'assaisonnement ..... pUISdistiller la soudure, remplitde méture la boîte de tôle étamée avec la nournture cuite àgrande eau ..... et pUISsouder le couvercle.. et ça faisait uneboîte de conserve pour le repas du SOif

B. VIAN, l'Automne à Pékin. p. 69

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Rem . 3 Fontaruer (p. 105 à 108) distingue une syllepsemétonymique (Ex. de Vlan, ci-dessus. où c'est le contenant qUI

est donné pour le contenu), une syllepse synecdoctuque (PlusNéron que Néron lui-même) et une syllepse métaphorique.

Ex.: PYRRHUS. - Je souffre tous les maux que j'al faits devantTroieVaincu. chargé de fers. de regrets consuméBrûlé de plus de feux que le n'en allumaiRACINE,Andromaque Spitzer (Études de style, p. 266) relèvechez Racine de très nombreux exemples de ce type, où il VOitune forme caractéristique du maniérisme (V. à beroquismeï.

Rem. 4 11 suffit partois de modifier le contexte pour créer unesyllepse. Ex.: "Glissez, mortels, n'appuyez pas", légende placéepar un hebdomadaire sous une photo de tueur au revolver, à"époque des attentats contre De Gaulle. La phrase recevait unsens propre (N'appuyez pas... sur la gâchette) alors que le sensdu proverbe était figuré (= N'InSistez pas).

Rem. 5 1/ ya des syllepses involontaires et ridicules. Ainsi cetextrait de lettre à une Cie (de machine à laver?):

'Votre agent a besoin d'un savon: dès qu '/1 a placé la machine, /1s'en lave les msms." (J EAN-CHARLES, les Perles du facteur, p.58).On crée amsi des incohérences', le sens figuré, même endormi,étant parfois trop facilement réveillé. Ex.: Il mourut décapité.mais la tête haute.

SYLLEPSE GRAMMATICALE Rapprocher dans unemême construction syntaxique des termes de formegrammaticale différente sans faire l'accord entre eux.

Ex. proposé par Marouzeau: "étant donné son caractère etles circonstances ". Ex. québécois: le Monde sont drôte. titred'un recueil de textes de Clémence Desrochers. (Le monde:"les gens"). De même, en fr. populaire: Tout le monde sont là?

Autre ex.: 'une cheise dorée dont les restes flottait sur un lac desang' (J. COCTEAU, Opéra, p. 88) Il ne s'agit peut-être pasd'un lapsus' calarru (distraction d'écrivain). car les restes peutformer un tout.

Autres noms Synthèse (Fontanier. p. 308), accord selon le sens

Autre déf. La plupart des auteurs (Littré: Vannier, p. 127:Blinkenberg, 12 à 26: Metier. Preminger) définissent lephénomène en créant une opposrtion entre un accordgrammatical et un 'accord selon le sens'. oooos.uon qui nousparaît forcée, vu que l'accord grammatical n'est pas, de SOI.

contraire au sens. Il s'agit seulement d'une autre façon de

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conceptualiser. Parler d'absence d'accord entre deux termesest d'ailleurs plus conforme à l'étymologie grecque de syllepse(laisser ensemble).

Rem, 1 Si l'absence d'accord ne se Justifie pas, sait par l'usage(comme c'est le cas pour étant donné, assimilé à unepréposition), salt par l'évocation (comme pour le monde avecverbe au pluriel. qu: est un régionalisme). sait par le sens'(comme dans le troisième exemple). on a un solécisme'.

Rem. 2 l'attraction (V. à lapsus, rem. 2) est l'Inverse de lasyllepse grammaticale.

Rem. 3 Il existe peut-être une syllepse svntaxique EI!e consisteà donner à un syntagme' simultanément deux fonctionsdistinctes par rapport au noeud verbal. Ex.:,4 l'ombre de l'Ottord(1929). le poète estrien entend pleurer en /Lii Hies grandsespaces blancs" (l. MAllHOT, la Littérature québécoise. p.62). le titre du recueil d'Alfred Desrochers est complément delieu, à la fois comme titre et dans la phrase.

SYMBOLE le symbole peut se présenter sous troisformes:

1. Un texte, auquel son auteur attribue un sens' dans lecadre d'une isotopie' plus générale. Il s'établit alors deuxniveaux d'isotopie', "un évident, l'autre symbolique (V. àsens. 6): l'un à la dimension du mot (ou de la phrase).l'autre à la dimension de la phrase (ou de "oeuvre).

Ex.: Cf-/ANTREEt turuque cordeau des trompettes mannesAPOLLINAIRE, Alcools.

le sens' littéral de ce poème, qui ne compte qu'unseul vers', concerne un instrument de musique du XVIIesiècle, appelé trompette marine à cause de sa sonorité,et qui consiste en une guitare allongée, à une corde,employée sur les vaisseaux du rOI pour annoncer lesrepas...

Un autre sens est probable vu qu'il s'agit ici d'unpoème'. le titre, chantre. peut désigner le poète ou toutce qui, dans l'homme, chante. Et est une continuation' etrelie ce chant à la vie, à tout ce qui précède le poème.Unique convient au monastique (V. à strophe). Cordeauest aussi la qualité de ce poème "tiré au cordeeu ". dedimension si étroite. Trompettes. proclamation (de lapoésie), Marines parce que, comme la mer, la poesie estmouvante, profonde et universelle, mettant les êtres encommunication.

le sens symbolique Importe plus ici que le senslittéral.

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Rem. 1 On distingue sens ou valeur symbolique et interprétationsymbolique (ou Interprétation allégorique, anagogique,analogique, V. à sens. 4 et 7). L'interprétation des oeuvreslittéraires s'effectue couramment par la recherche d'un ou deplusieurs sens svmboliquets), On peut donner à une oeuvre desvaleurs de symbole très diverses, à l'aide de la psychanalyse. dela sociologie littéraire. de la symbolique des nombres. etc. Cesvaleurs. même SI J'auteur ne les a pas cherchées, ne sont peut­être pas moins réelles que celles qu'il avait dans J'esprit. Maiselles restent postérieures à la création, extérieures même àcelle-ci peut-être. Une Interprétation symbolique dépendentièrement de son auteur, qUI est le lecteur, alors que lesymbole comme procédé dépend de l'auteur du texte etdemande à être perçu par le lecteur.

La présence d'un sens symbolique intentionnel se décèlenotamment:a Par l'Insuffisance du sens littéral dans le contexte. Ex.: "Le lionrugit dans la brousse H (proverbe bantou, cité par M. MALOUX.Dict. desproverbes. sentences et mextmes. p. 248). Le sens viséest Immédiatement senti par l'autochtone, qUI utilise ceproverbe" pour parler du courage: sur le champ de bataille serecon naît le héros.b Par le caractère hermétique, énigmatique ou absurde dusens' littéral. Ex.: "Le sage trouve l'édredon dans la delle"(MICHAUX, Tranchesde savoir). Qu'y aurait-il comme sagesse àutiliser des dalles en quise d'édredon? (V. à sens).

Rem.2 Les tropes, par lesquels on remplace un Signifiant par unautre (V. à image. 2), peuvent s'opérer notamment à la faveurd'une relation de type symbolique entre les Signifiéscorrespondants (V. à métonymie. rem. 4).

Rem. 3 Pour le récit' symbolique. V. à mythe et à apologue.Dans le nouveau roman. spécialement chez Robbe-Grillet. lesymbole reçoit un statut plus intériorisé. Il devient. selon le motde Bruce-Morissette. le corrélatif objectif! de la subjectivitédes héros, c'est-à-dire le support de sensations. de sentiments,de souvenirs sur lesquels I'individu projette ses obsessions.criminelles ou sexuelles. et qui devient amsi un élément deJ'action. Ex.: le mille-pattes, dans la Jalousie: les gommes, dansle roman du même nom. Le héros. qUI va constamments'acheter des gommes à effacer. en guise d'alibi. tente aussid'effacer le temps. les 24 h qui séparent le meurtre manqué dumeu rtre effectué.

Rem. 4 On distingue le symbole de la correspondance'.

1 De l'anqlars objective correlative, utilisé dès 1850 par W. Allston.

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2 . Un ge ste o u un objet au xquel s la trad it io n cu lt ure ll eattribue un sens' part ic u lie r dans le cad re d'une isotopie 'plus généra le . Ex.: le salu t mil ita ire. l 'éc ha ng e desan neaux lo rs d u ma riag e. le "signe de la croix". lelan gage des f leu rs. la sy mbo liq ue de s nombres. etc .M or ier don ne une list e d 'o bjet s à va le ur symbo liq uetDict. de po étique et de rhé torique, à symbole).

Dan s ce type de symbole . le passage d 'un te rm e àl' aut re s' effectue non se u le ment pa r a na lo gi e , ma isen core par mét onym ie (V. ce mot. rem. 5) o u sy necdoq ue' .voire en vertu d 'une p ure co nvention. Ex.: la t o urt er elle ,pou r la fidélité en am o ur.

Si l'objet sym bo l iq ue représe nte un e nse m b le deval e ur s, on pa rle d'emblème: s'il ind ique l'ap part enanceà un e inst itu ti o n, o n parle d 'i nsig ne.

3 . U n si g ne gra p h ique . a uq ue l le s sp é c ia l ist e sattrib uen t un sens ' dans l'i soto p ie ' de leu r sc ience o u deleu r t echn iq ue part icu liè re. Ex.: les sig nes du zo dia que. lecod e d e la sig na l isa tio n ro ut ière , le s lég en d es d edéch iffreme nt des cart es g éographiques. Cf y po u rmascu lin et pour fém in in, etc.

Oua nd le signe g raphique rep ro duit. de façon p lus oum o in s sty li sée mais sans cod if icati o n, la fo rm e d u sig ni fié .o n a un Simpl e dessin et non un sym bo le : a ut re ment dit.se lon la terminolog ie de Peirce, un e icône. Mai s il suff itque l 'Icône ent re dans un en semble de signes ana log ues.ou qu 'elle soit fréq uemmen t ut ili sée, pour qu e le sig nese si mpl if ie e t d ev ien ne u n sy m bole Ico n iq ue . Ex. :~ pou r bata il le , Quand la forme d u signifié n 'e st p lu s

cl a irement pe rçue. on a un pur sym bo le graphique. Ex.:(J;), ou les v ig nettes des ma rques de fa briq ue . des

ensei g nes.Tou s les symboles ne sont pa s d 'Orig in e Iconiq ue. Les

scrences c réen t des sym bol es commodes pour abrégerle s t ransc ript ions e t réd ig e r des fo rm ul es. Ell es on tsouvent recours, dan s ce b ut. à l' in iti a le d u t e rm etechnique. Ex.: H pour hyd rogèn e, Kg po ur kil ogra m me.db pour décibel. 0 pour l 'en se mble d es no m b resfract ionnaires (d 'après le mot q uotient) Ce son t dessymboles d'origine lexicale. L'absence d u POin t lesdistingue de la simple abréviation (V ce mot. rem, 1).

Rem. 1 Le mot signe, qUI est le génénque de la série mdicesymbole, etc. reçoit aussi un sens restreint par op posinon auxautres termes. On passe du symbole au signe pur pareffacement de la relat ion Iconique, Ex.: V, la tête de taureau.styl isée sous forme de A majuscule tête en bas. perd son signifié

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à mesure qu'on l'utilise davantage pour désigner un son, et leslgni~iant s'incline, <! .jusqu'à se retourner, A preuve de ladisparition du symbole.

Les lettres sont des signes. Les chiffres également. Enalgèbre, a. b. x. y ne sont pas des symboles mais des signesparce qu'ils peuvent représenter n'Importe qUOI.

L'opposition Icône / signe apparaît manifestement dans lesymbole c de la mathématique ensembliste. qUI veut dire "estcontenu dans". Il faut le déchiffrer comme Icône (le côté ouvertvisant le contenant). alors que comme signe. SI l'on se référait àla lettre c, Initiale de contient. on aurait un sens inversé.

Rem. 2 On distingue souvent deux types d'Icône. celle quiconstitue un message et remplace une phrase (pictogramme'ou phrasogramme. cf. Dict. de /mg.) - Ex,: l'écriture indienneprimitive: Ex.courant: un x au COin d'une carte pour dire "beiser"- et celle qUI vise le contenu d'un mot sans plus. comme dansl'écriture chinoise (Idéogramme ou /ogogramme.) Ex.: lessymboles au sens 3.Rem. 3 Les léglslgnes (Peirce) englobent tous les types designes. par opposition aux réalités, aux "documents". quipeuvent aussi, souvent. recevoir. par leur contexte. une valeurSignificative. (Une réalité qUI en accompagne une autrehabituellement n'en sera pas un signe, mais un indice, unsymptôme). Cette distinction reparaît dans "oppositionsémiologie / sémiotique. Sémiologie: SCIence des signes ausens large, c'est-à-dire des signifiants en rapport avec leursSignifiés: sémiotique: SCIence des réalités Significatives, dessignifiés dans leur rapport avec les sociétés humaines.

Rem. 4 V. à acronyme. rem. 4

SYMPLOaUE Emploi simultané de l'anaphore' et del'épiphore ',

Ex.: Dans le noir. dans le soir sera sa mémoire

Dans les bras tordus des désirs à jamais inassouvis serasa mémoire.H. MICHAUX, l'Espace du dedans. p. 293-4.

Autre ex.: Les yeux noirs de Stella, les yeux d'oiseau de Stella.se dilataient dans son visage creusé.A. HÉBERT, le Torrent. p. 229.

Même déf. Bary, t. l . p. 316: Mener: Lausberg. p. 633-4;Preminger

Autres noms Complexion (Fabn. t. 2, p. 160: Littré; QuilletLausberg: Preminger). vananon .(Bary).

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Autre dét. Littré: commencer ou finir plusieurs membres dephrase par le même mot.

Rem. 1 V. aussi à entépipbore. rem. 1: à openelopse. rem. 6

SYNCOPE Retranchement d'une lettre ou d'une syllabeau milieu d'un mot. LITTRÉ.

Ex. cité par Littré: j'evoûrei pour j'avouerai.

Même dêf, Marouzeau. QUillet. Lausberg (§ 489). Robert

Rem. 1 Terme de l'ancienne grammaire. qUI correspond à unprocédé actuel. Ex.: "Omttdtrvoir. Blmsl va. " (JOYCE. Ulysse. p275; probablement pour: Oh mais. faut dire au revoir Bloorn seleva.)

Rem. 2 Le procédé n'est pas ausst artificiel qu'il le paraît. Il estfréquent dans la langue parlée. Ex.: "Reviens chez M'men. P'pe"(JOYCE. Ulysse, p. 66), "Bsoir msteuts dames. dit Pierrot'(QUENEAU, Pierrot mon ami. p. 169).

Rem. 3 La syncope est un mètaplasrne'. V auss: à césure. rem5.

SYNECDOQUE Trope (V. à sens. 4) qUI pe rmet dedésigner qqch. par un terme dont le sens inclut celui duterme propre ou est inclu par lUi (V. à inctusiom

Ex.de Littré: une voile pour un navire. l 'eirein pour les canons

Ex. litt.: 'il regarde ..... grimper sur la pente de la côte. lesguêtres du voyageur, aidé de son bâton ferré'(LAUTRÉAMONT. les Chants de Metdorotï. 'Un arbre pardessus le toit / Berce sa palme" (VERLAINE. Le Ciel est pardessus le totti.Dét. analogues Du Marsais (II 4), Fontan.er. Littré. Le Clerc (p260). Lausberg. Morier, Robert. Preminger.

Svn. Le type de synecdoque dont Valle ou guêtres sont desexemples (partie pour le tout) pourrait être appelé gros plan surun détail. Mais le gros plan n'est pas toujours tropo loqique Ex.:Ses lèvres cherchaient le sein. Mes yeux pleurent mais pas mOI

(de froid).

Rem. 1 Fontanier énumère de nombreuses variétés desynecdoque:1 La partie pour le tout. Dans les êtres animés: une ganachepour un cheval (ganache. "mâchoire inférieure du cheval") :'J'Ignore le destin d'une tête si chère" (RacHle). Dans les objets'la poupe pour le vaisseau: là netssent des épis pour des blésDans les pays: la Seme a des Bourbons. pour la France (mais laSeine pour les habitants de Pans serait. souligne Fontanier. unemétonymie"). Dans un groupe humain Israël pour le peuple JU if

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Ignace pour les Jésu ites. Dans un tout abstrai t: il compte quinzeprintemps pour qu inze ans. Dans les êt res spi ri tuels: laProvidence pour Dieu. .2 La matière pour l'ê tre ou t 'obje t. ' Vous êtes le sang d'Atrée 'pour son fils. "Rome est dans les fers" pour l'esclavage.3 Le nombre. Le singu lier pour le plu riel: l'ennemi pour lesennemis. Le pluriel pour le singulier: "II fut loin d 'imiter lagrandeur des Colbert" Volta ire) pour de Colbert. C'est le plur ielemphatique: (V. à grandiloquence).4 Le genre pour l'espèce. "L 'arbre tient bon. le roseau plie " (LaFontaine). pour le chêne. "Le quadrupède écume " pour le lion.5 L'espèce pour le genre. Refuser du pain pour de la nourrit ure.6 L'abstrait pour le concret. "Celle dont la fureur poursuivitvotre enfance" (Racine). "Le fer ne conneître ni le sexe ni l'âge"pour n'épargnera ni les femmes. ni les vieillards.7 Un nom commun pour un nom propre. Un nom propre pourun nom commun. Un nom propre pour un autre nom propre.Etc. V. à antonomase.

Rem, 2 Pour la distinction ent re synecdoque et métonymie, V.ce mot. rem. 2.

Rem. 3 La synecdoque introduit une distance. ce qui permetdivers effets. Ladiplomatie en use et abuse pour dire ce que l'onne peut dire.LDUIS.- C'est à cause de la bouche que vous me haïssez?

TURELURE- Non. c'est à cause du nez et du front.CLAUDEL. Théâtre, 1. 2, p. 456

Mais l'effet est parfois inverse, comme dans cel exemple où lasynecdoque expr ime la rage impuissante du héros:

"La pol ice et la médecine étaient là de nouveau. Elles étaientinclinées au-dessus du lit elles auscultaient Chateaugué. " (R.DUCHA RME, le Nez qui vaque, p. 74).

Pour la périphrase synecdochique préc ieuse, V. à baroquisme,rem. 2. La synecdoque a son isotopie (V. à image, 2). Elle peutconcrétiser (V. à concrétisation, rem. 3) ou personnifie r (V. àpersonnification. rem. 1). V. aussi à d étinition. rem. 1: titre , rem.1: appas/fion. rem, 4.

SYNONYMIE Il ya syno nymie lor sque plusieurs termesdésign en t la même ch ose et qu'o n peut en principeemployer l'un à la place de l'autre. D. DELAS.Ex.: En so mme, j'étais peu à peu conquis, p eu à p eu sa isi.VALÉRY, o.. 1. 1, p. 668.

Même déf . Fontan ier (p. 332), Lausberg (§ 649 à 656), Robert

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Syn. Dittologie (selon Lausberg, qui cite Vossler. maisMarouzeau emploie dittologie dans un autre sens, V. àgéminatIOn).

Rem. 1 La synonymie est un mode d'amplification". Elle ne seréduit pasà l'emploi d'un synonyme, mais constitue une figureexpressive, qui juxtapose à un terme. avec la même fonction,des termes qui conviennent aussi à l'objet du discours, qUI endévoilent d'autres aspects.

Ex.: "L'étude du droit m 'eiçrù le caractère au plus haut point: jebougonne toujours, je rognonne, je maugrée, je grognemême contre mal-même et tout seul." (FLAUBERT,Correspondance, 26-7-1842)."L'affaire Dreyfus, le d reyfusisme, la mystique, lemysticisme dreyfusiste fut une culmination. un recoupementen culmination de trOIS mysticismes au motns: JUIf, chrétien.français. (PÉGUY, Notre Jeunesse).

On a donc une accumulation de lexèmes, avec reprise". Ex.:"l'enchanteur pensait aux poissons et aux êtres ailés (auxoiseaux)" (APOLLINAIRE, 0. en prose. t. 1, p. 59.)

Rem.2 SI les sémèmes sont Identiques (synonymes parfaits). lafigure devient gratuite, inutile. ce qu'on peut rendre encore plusévident en coordonnant plutôt qu'en juxtaposant. On obtientainsi des périssologies'. Ex.: "II est et se trouve avec un ami etcopain" (OUENEAU, En partie double. Exercices de style, p. 8)."Le monde rit / Le monde est heureux, content et joyeux"(ÉLUARD. Animal nt, dans 0. c. t. 1, p. 309). Toutefois, lessynonymes parfaits sont plus rares que les imparfaits ouparasvnonvmes. Ex.: prospérité / bonheur. V. à sens, 5.Certains termes ont un grand nombre de synonymes. Ex.:V. ànigauderie, rem. 3.

Rem. 3 Si les sémèmes sont éloignés (analogues), on ne peutplus parler de synonymie, mais d'énumération", voired'accumulation". Ex.: "ce mobilier est vieux, crevassé, pourri,tremblant, rongé, manchot. borgne, invalide, expirant."(BALZAC, le Père Goriot. p. 25). C'est ce que Bary (t. 1, p. 369;t. 2, p. 31) appelait polyonymie. V. aussi à approximations.

Rem.4 Quand les synonymes apparaissent dans des phrases oudu moins des propositions distinctes. Ils ne répondent plus à unsouci d'expressivité, mais d'élégance: éviter la répétition'. Ex.:"Et mes yeux dans le noir devirieient tes prunelles"(BAUDELAIRE, le Balcon).

Autre ex.: ...nouvel instant ..... qui s'annonce, qui se fait. qui seforme, qui s'achève et s'exténue dans le suivant. qui neît. qui sedresse, qui succombe et au suivant se raccorde, qui Vient. qui

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s'étiqe. mûnt et au SUIVant se jomt... qUI se forme et sinsi sansfin..MICHAUX. l'lnùru turbulent p. 75-6. V. à contre-pléonasme.rem. 2.

Rem. 5 Ouand ils apparaissent dans la même phrase avecdiverses fonctions. ils forment pléonasme', verre périssologie'.

Ex.: «: tu retombes assez souvent tOI et tes pensées,recouvertes de la lèpre noire de l'erreur. dans le lac funèbredes sombres metédicttons. N (LAUTRÉAMONT. les Chants deMeldoror. p. 81).La synonymie Inutile était appelée datisme (Littré. MOrler).

Rem.6 La littérature connaît une synonymie Inversée. Elle portesur les catégories grammaticales (0 fangeuse grandeur! sublimeIgnominie 1 !) ou sur le sens (Une douleur très simple et nonmystérieuse). ce qui produit une antithèse'

La synonymie peut aussi porter sur des syntagmes' et passerpar la métaphore'. Ex.: "Le feu de ses prunelles pâles. clairsfanaux, VIVantes opales" (BAUDELAIRE. le Chat).

Rem. 7 La fausse synonymie consiste à opposer le sens du motdans la langue (ce que Benveniste appelle la siçnitience? ) ausens attendu par le contexte. Incertam a pour synonyme peuprobable. mais pas dans le contexte suivant:Pour le moment, i!avait un tiers d'an devant lui. tmtant déjà desécus de sa paye. Il y avait de quoi être heureux et content pourquelqu'un qut conneisseit en permanence les jours incertains.les semames peu probables et les mois très déticients.QUENEAU, Pierrot mon ami. p. 22.

Rem.8 Il y a des synonymes intensifs. V. ex. à interjection, rem1. La synonymie peut porter sur des syntagmes et des phrases.V. à métsbote. Elle peut masquer une tautologie (V. ce mot.rem. 1). Il est possible de donner des synonymes à un nompropre. V. à titre (cotletson de -). rem 5. Les tropes multiplientles synonymes. V. à sens. 4.

SYNTAGME Groupe de mots graphiques caractériséspar le fait qu'ils jouent un rôle par rapport au noeudverbal. qu'ils ont une fonction dans la phrase. Quand onenvisage la chaîne parlée dans son déroulementtemporel. que reproduit le déroulement linéaire3 de la

1 Le premier adj. est synonyme du second subst. et réciproquement.

2 v.à ce sujet les diverses acceptions de sens fondamental. Ouand un terme n'a pasde synonyme. on recourt à la périphrase"

3 La tinéerité du langage. de la musique s'oppose à la spatialité des artsgraphiques.

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chaîne écrite, le syntagme est intermédiaire entre le mot.segment Insécable (on ne peut y introduire d'autressegments) et la phrase. unité d'expression.

On distingue le syntagme nominal (SN). le syntagme verbal(SV),appelé aussi proposition. et le syntagme qualifiant (SO) Cedernier est le rnoins développé (adverbe. adjectit). Le SV est leplus développé. avec ses nombreux morphèmes grammaticaux(VOIX, mode. temps, nombre, personne) et ses expansions.nominales. verbales ou qualifiantes.

Rem. 1 L'analyse syntagmatique commence par un découpageen syntagmes et se poursuit en marquant par la méthode desparenthèses. de l'arbre ou des crochets, la hiérarchie qUIpréside à leur agencement. Nous exposerons la méthode descrochets.

On procède comme pour toute analyse en constituantsimmédiats, c'est-à-dire que, parmi des termes voisins, on choisit.pour les unir. ceux qui entretiennent le rapport de dépendancemutuelle le plus étroit. Les syntagmes sont réécrits à la ligne defaçon qu'il suffise d'un trait plein dans la marge pour les unir. Letrait est fermé par un crochet vers la droite là où le texte commeparole pourrait s'arrêter ou commencer.

Ex.: Anne H.ébert

l, \ Ils tnSI.ste.~rent. )

elle. i pour qu'il resteest là. aussi longtempsimmobile, que l'exigeaitpassive. la politesse.

(a) (b)

Dans le second exemple. les crochets lèvent une ambiguïté. Onpeut rattacher "aussi longtemps .. "à "pour ou'i! reste" (a) ou àl'ensemble des deux premiers syntagmes préalablement réurns(b). ce qui donne un sens très différent (Ils sont contents de levoir partir).

Le crochet vers la gauche marque la possibilité d'exclure unsyntagme sans que le sens' du reste de la phrase s'en trouvemodifié. Il correspond presque toujours à une virgule (cf. la 101

des deux virgules, à césure. n. 1). La rareté. relative, dessyntagmes exclus est caractéristique du style de Proust. Leurfréquence est remarquable dans la phrase, également ampleparfois. de Mane-Claire Blais.

Rem. 2 Le syntagme est partois construit "en exclusion". V. àcésure typographique. rem. 1 et adjonction, rem. 3. Ouand lestermes du. syntagme ne sont pas disposés linéairement. mais"en saute-mouton". on a une distaxie (Diet. des media). Ex.: "ne..... jamais",

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Rem. 3 V. à abrègement. rem. 3 : alliance de phrases. n. 1.amphibologie: anastrophe. rem. 1: assise. 3. a et c: brouillagesyn taxique: césure typogra phique. rem. 1; compensation.contrepèterie : dénomination p ropre. rem. 2; deux-points.disjonction. rem. 2; dubitetion. rem. 4; écho rythmiq ue. rem. 2enchassement: enjambement. rem. 2.3 et 5: épenstepse. rem1; érosion. rem. 1: faute . rem. 2; hendisdyn, rem. 1 et 2homonymie. rem. 2: jeu de mot: j uxtapos it ion graphique. rem1; j ux taposition lexicale: louchement: m étenelvse. rem. 1métathèse. rem. 2; monologue: parataxe. rem. 1: parenthèse.rem. 2; ponctuation expressive. rem. 1: psittacisme. rem. 2;r éectustisetion. rem. 3: régression . rem. 2: slogan. rem. 1syllepse grammatica le. rem. 3: synonymie. rem. 6: tête-à-queuerem. 1: traduction. rem. 2: trai t d 'union. Pour les variétés dusyntagme. V. à l'Index.

TACTISME (N éot.) Constru ire la phrase de façon quel'ordre des mots reprodu ise qqch. du sens' .

Ex.: une main de. autant que peintre. sculpteur.P. CLAUDEL 0. en prose. p. 86 8.

Cet énoncé. commente G. Anto ine (le Geste Iinç utstique. p1 13). se présente comme un objet en ronde bosse. à l'imagemême de l'art de Rubens (dont ii est question).

Autre ex.: ' De nouveau combattre.' (A. MALRAUX. la Voieroyale. p. 163.) Combattre est placé vers l'avenir (du syntagme'et de l'action) . Autre ex.: V. à dénudation.

Rem. 1 Le mot tact isme pourrait avoir été emprunté à la chimieorganique. par analogie: mais il a été forgé sur TQTTW 'jerange', avec un suffixe -tsme qui peut désigner une attitude.

Rem. 2 Le procédé a été repéré notamm ent par Spitzer. qUIcommente le vers de Phèdre. 'C'est Vénus tout entière à sap roie atta chée'. dans les termes suivants: ' L acharnementsur laproie prend forme d 'un enlacement. d 'un enserrement du corps- grâce à l'ordre des mots!' (Études de style. p . 279). V. àinversion. rem. 3.

TAUTOGRAMME Ver s' ta utogram me : dont les motscommencent par une même lettre . LITTRÉ.

Ex.: Ma mer. m 'em is. me murmure : Nos n ils noient nosnuits nées ne ig es.DESNOS. cité par ËLUARD. 0. c.. t. 1. p. 1169.

Syn. Paronoméon (Fabri. t. 3. p. 128). rime' senée (Deloffre. p.89) . rime ingénieuse (Marier). vers iettr isès (Littré . Mor ier).

Rem. 1 On a aussi la phrase tautogramme. Ex.: 'Pete r Pipe picottp icota un p i po peu de poivre en poudre' (JOYCE. Ulysse. p .183).

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Rem. 2 Le procédé entraîne habituellement une allitération'excessive d'où son allure comique, ou allusive. s'il s'agit parexemple de l'initiale d'un prénom. SI l'effet est manqué, on il

une teutopttonie (V. à cecopbonieï.

Rem.3 Les Grands Rhétoriqueurs se sont complu à ce Jeu. Fabnpropose une dénomination pour le tautogramme avec 1. avec m.avec s...

TAUTOLOGIE Vice logique consistant à présentercomme ayant un sens une proposition dont le prédicatne dit rien de plus que le thème'. ROBERT

Ex.: Les enfants sont les enfants et nos deux jumeaux nefaisaient pas exception à cette règle universelle.JOYCE, Ulysse. p. 334.

Ex. courant: on est comme on est

Syn. Proposition Identique (terme de logique). Antonymeantiloqre",

Autre déf. "On redit toujours la même chose" (Littré, Lausberg)."fausse démonstration par laquelle on répète la thèse avecd'autres mots" (Robert). "répétition de mots consacrés dans lesformules de droit. Vente faite et consommée" (Marouzeau)

Rem. 1 C'est le thème et le prédicat psychologiques qUIcoïncident. et la tautologie n'a pas nécessairement la formed'une proposruon avec prédicat grammatical (attribut). Ex. "Ah'j'ai été jeune. dans ma jeunesse, mOI ItOU" (A MAILLET. laSagouine). Je l'al acheté où ça s'achète (fin de non-recevoir àune question). Élève Durond, comment vous appelez-vous?(réponse contenue dans la question). Lasynonymie . camoufle latautologie sans la supprimer. Ex.: Ouand trots poules vont auxchamps. la première va devant: la seconde SUIt la première. latroisième vient par derrière. (Comptine).

Rem. 2 La tautologie est, en prmcrpe. un défaut (V. àparalogisme, rem. 2). Mais Il ya une vérité de la. tautologie. qUIest Victoire de l'existence sur les essences, comme le montre V.Jankétévrtch (Traité des vertus. p. 108). "Parce que parce queForme du cercle non pas vtcteux mais vertueux qUI fait du biensa propre ongine. " De même: ."L'ert. pour Gautier. ne peut êtreau service d'aucune cause. stnon celle de l'art même"(Anthologie des préfaces. p. 3 1). Et René Char: "Je SUIS seulparce que je SUIS seul. amande entre les parois de sa closene"(la Parole en archipel. p. 159).

La forme tautologique est chargée de sens' aussi dès que l'undes termes est autonyrruque N. à court-cucuu. rem. 4). Ex.: "IIfaut appeler les choses par leur nom / un chien c'est un chien"(PRÉVERT, Paroles. p. 111), Ou encore lorsque l'un des termes

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est elliptique. Ex.:Lundi. c'est lundi; pour: lundi prochain, nousaurons l'horaire habituel du lundi (mais: mardr. c'est jeudi.fausse entitoçie'ï.

Finalement presque toutes les tautologies s'accompagnentd'une diaphore" plus ou moins marquée, cu: les Justifie. "Laterre au goût de femme teite femme" (SAiNT-JOHN PERSE,0poétiques, t. 2, p. 258). "- Je ne crains pas de m'avancerJusqu'à... être sur le point de penser que le rêve.. est un rêve"(VALËRY, 0, 1. 2, p. 223) [et nen de plus, c'est une contestationdu freudisme]. Les sèmes supplémentaires du prédicat sontsouvent dans le ton. Ex.: Trente mille, c'est un chiffre. Ouand Jem'ennuie. Je m'ennuie. Il est d'ailleurs commode de n'avoir pasà donner trop d'explications. Ex.: "Les choses étant ce qu'ellessont... • (De Gaulle). MaiS la tautologie peut au contraireintroduire des explications (V ce mot, rem 3); comme letruisme'. dont elle fait partie. La tautologie peut répondre à unSOUCI d'atténuation' et constituer une litote'. Ex.: le passé est lepassé et le présent est le présent/ Double tautologie soulignantun truisme': le passé n'est pas le présent. Ce truisme' est unelitote' pour: Les façons de faire d'eutreiots ne sont plus valablessujourd'tiui. Ce sont là des pseudo-tautologies.

Rem. 3 Si les tautologies évidentes sont souvent fausses (ellesveulent dire autre chose). il y a par ailleurs des tautologiesdéquisèes. les pires, parce qu'elles sont vraies. Ex.: Florentmeest Florentine parce qu'elle correspond à ce que nousettendtons d'elle et son geste est rtçoureusement celui qu'ildevait être.

Les sciences ont un ta-ble pour ces demi-tautologies. Ex.: lepavot. qui fait dormir parce qu'il a une vertu sopontrque.L'abstraction (V. ce mot rem. 2) les tavonse. Ex.: Mon escotfureteur m'a permis de retrouver mon bonnet

Rem. 4 V. à tntonetton. pléonasme; surenchère. rem 4

TÉLESCOPAGE Condenser en une seule deux phrasesayant un syntagme' Identique.

Ex.: Soldats de Fontenoy, vous n'êtes pas tombés dansl'orel/le d'un sourd.J. PRËVERT, Spectacle, cité par ANGENOT. p. 255

Autre ex.: ..... ma diction laissait à désirer l'amour du prochainP. PERRAULT. En désespoir de cause, p. 15 Le poète veut direqu'il parlait Joual (patois du Québec) pour S'Identifier à sescompatriotes.

Même déf. Morier: Angenot p. 165: en pure perte + perte devitesse = en pure perte de vitesse).

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Autres noms Phrase-valise (par analogie avec mot-valise: V. cemot. rem . 4) ; mixage (mais ce terme désig ne déjà la tec hniqueperm ett ant de combi ner sur une même bande magnétique dessons d' origine variée).

Rem. 1 Le télescopag e peut créer des dissociat ions' . Ex.: Lapendule sonne deux coups de couteaux" (ËLUARD . o.. 1. 1. p.297). Des télescopages répétés peuven t fai re partir le sens' à ladérive (V. à verbigération. rem. 3) .

Rem. 2 Il peut introdui re dans une énumération' la "justiticetionformelle dériso ire " suscept ible de créer une "Image' surréell e(V. à image. rem. 1).

Ex.: ..... que pourront-ils. que pourron t-elles. contre les exploitsque je lis dans la main de la drave l'eau du rutsseeu l'or desgrèves ..... le chien de fusil le fusil de chasse la chasse aux lièvresle lièvre de la oeur la peur du loup .....P. PERRAULT. En désespoir de cause. p. 34 .

Rem. 3 C'est un jeu Iitt érsire ' : les mots en chaîne.

TEMPO Fréq uence de la coupe ' ry thm ique.

Oéf. analogue Marouzea lL Robert. Morier,

Syn. Mouvement (au sens musical). agog'iou e (Souriau . p. 188).cadence'

Rem. 1 Mori er a prop osé un tableau des tempos en littératurelue à haut e voix . tab leau analogue à ce lui de la musique maisbeaucou p plu s restreint en étendue (de 50 à 98 batt ements parminute contr e 40 à 120). avec les mêmes divisions générales :largo . larghet to. adagio. andante . al legro et presto. Rousseau(Dictionnaire de musique. à mo uvement) avait t radu it: lent.modéré, gracieux. gai. vite.

Ajoutons agitato. tou rmenté (Robert) .

Rem. 2 L'importa nce du tempo en poésie a été soulignée parSouriau:Je croirais volontiers qu 'un des prem iers points quicondit ionnent le choix d 'une poésie au point de vue musical.c'est le fait même que le poème à lui seul suggère une agogiquedonnée qu i peut être en rapport soit avec certaines form essentimentales. idylliques, d 'autres avec un élan rapide. oud'autres au contraire avec une déclamation solennelle. et ainside suite.É. SOURIAU , Musique et po ésie au X VIe siècle. p. 319 .

Rem. 3 On oppo se au mou vem ent général du texte lesmodification s plus ou moins brusques qu i interviennent dans cemouvement. Ex.: Dans l'Avenir (poème cité à vers ), le rythmedev ient haletant à 'Quand les mâhahâhahâ'.

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On peut parler ici de changement de vitesse (Grammont, p.103). de métabole' (Quintilien) et spécifier accélération ouralentissement SOit brusque, soit progressif Morier appellegroupe dynamique la mesure seule de son type parmi lesautres et groupe cinétique la mesure raoide jau nombre élevéde syllabes). Il donne l'ex. dp \'élé-Griffln, parlant d'un musiciendont les doigts "couraient sur la flûte / en rythmes de dense".(lire en une seule mesure par hémistiche)

Les chansonniers ont beaucoup de liberté à cet égard. Ilspeuvent étendre même démesurément certaines syllabes. Ex.:"ton vlsa-a-a-ge" (J.-P. FERLAND). Le a atteint jusqu'à la valeurde trois blanches pointées. C'est un procédé d'ailleurs constanten finale: il ancre profonJément l'effet et i'ettusion.

TÊTE·À·QUEUE Le lexème principal reçoit la fonctiondu lexème secondaire et rcc.proquement. moyennantles translations" nécessaires.

Ex.:C'est son porte-monnaie perdu qui la fait rager (au lieude la perte de son porte-monnaie).

Ex, urr.: "oû est-elle, cette soupière de ventregris deqouvernente?" (AUDIBERTI, Le mal court, p. 93).

Analogues Sicilia armssa (Deloffre), tour implicatif (Marier),inversion des lexèmes.

Rem. 1 L'expression tête-à-queue est tirée de l'analyse enconstituants immédiats. On y appelle tête la partie de syntagmeqUI a la même fonction que l'ensemble du syntagme' (Dict. deling.), donc le substantif dans un groupe subst. + adj. ou subst.+ complément du nom, ou subst. + relative, par exempleL'autre partie, le modificateur, est ici considérée comme laqueue du convoi. où l'inversion' réalise donc un • tête-à­queue".

Ce type d'inversion est assez fréquent aussi dans lesmétaphores'. Ex.: les cailloux du bruit (Éluard).

Rem. 2 SUivant que le lexème secondaire est plus abstrait ouplus concret que le lexème principal (qui est le noeud dusyntagme'au point de vue psychologique tout en cessant deJ'être au point de vue syntaxique). l'effet est une concrétisation'ou une abstraction' (V. ce mot, rem. 3).

THÈME Dans "oeuvre, le thème est une idée fréquente(motif1 , leitmotiv). fondamentale (thèse, image'obsessionnelle) ou essentielle (forme structurante). Dansle paragraphe, c'est le sujet traité (isotopie'). Dans

1 Motif (v. ce mot) est partais confondu avec thème (cf CLAUDEL. O. en prose. p60).

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