Bensaïd_Le Capital ventriloque cause toujours

download Bensaïd_Le Capital ventriloque cause toujours

of 6

Transcript of Bensaïd_Le Capital ventriloque cause toujours

  • 8/1/2019 Bensad_Le Capital ventriloque cause toujours

    1/6

    [Europe Sol idaire Sans Frontleres] Le Capital ventr iloque cause toujours

    [E urope Solidaire S ans F rontieres] - http://www.europe-solidaire.orglspip.php?article2676Francais > Theorie > Capitalisme & mondialisationL e C ap ita l v en trilo qu e cau se to uio ursBENSA i'D D an ielja nv ie r 2 00 0C es dernieres annees, le fond de l'air a repris des couleurs. Pour le liberalism e le plus agressif l'heure n 'estp lu s a ux ma tin s triomph an ts . La Bou rse co ntin ue d e f1 am ber. M ais, d es m ob ilisatio ns co ntre l' A cco rdM ultilateral d 'Investissem ent a celles contre I'OMC, de l'eclosion des m ouvem ents sociaux aux ebauches derenouveau syndicalles vents ont commence a tourner. Tout cela dem eure m odeste et fragile . C ' est assezpour dem oder le pret-a-penser postm odem e.P ierre B ourdieu et la Misere du Monde ont rem is la question sociale sur le tapis. E ric H obsbaw n et sonA gedes extremes rin gard isen t F uret et so n Passe d 'une Illusion. E ve C hiapello et L uc B oltanski, dissequent leNouvel esprit du capitalisme. L 'euphem isrre et la periphrase ont du plom b dans l'aile. O n ne m et plustouiours des patins sous les m ots pour ne pas rayer les parquets. On ose a nouveau appeler un chat lID chat,le p ro fit le p ro fit, l'e xp lo ita tio n l'e xp lo ita tio n, p arle r d e lu tte des classes et non de " conflictualite sociale ",de capitalism e et non seu1em ent de liberalism e. O n decouvre soudain qu 'un " grand recit " au m oins a survecua la m ort b ativ em en t an no nce e d es au tre s : I'h orrifiq ue m on olo gue d u C ap ital ve ntrilo qu e.L e livre de B ohanski et C hiapello est significatif du changem ent de contexte . D es m utations sociales et desp he nom en es c uh ure1 s d on t le ja rg on d e la p ost-rro dern ite cro yait p ou voir tire r a rg um en t, ils d eg ag en t d esco nc lu sio ns p ratiq ueme nt o ppo se es, L e monde connexion is te en reseau se caracterise par le degraissagede l'entreprise et de l'E tat, par l'a llegem ent et la rm bilite , par la tluidite rhizom atique et la coopetit ion im pito yab le, p ar le b ro uilla ge d u rap po rt e ntre v ie p riv ee et v ie p ub liq ue, p ar l'in div id ualisa tio n d u trav ail etl' effitcem ent de la distinction entre la personne et sa force de travail. M ais ce processus reste dom ine par lalo giq ue im pe rso nn elle d e la v alo risa tio n et d e l'ac cu nru lation d u cap ital, m ais il r eve t d es fo rm es n ou velles,c omb in an t la re vo lu tio n te ch no lo giq ue in fo rm a tio nn elle , la tra nsfo rm a tio n d e l' o rg an isa tio n d u tra va il, leren ou vellem en t d es m od es d 'e xp lo itatio n d u trav ail sa la rie.C ette fuite en avant a pour revers la rm ntee de l'exclusion Les desaffilies, les sans-rien, ceux que G abrielT ar de a pp ela it les refuses du m onde , ne sont pas les oublies ou les retardataires de la m ondialisationbeate chere a A lain M inc. lis en sont la contrepartie necessaire et la conditionLa d isco ntin uite d es p ro je ts, les in te rm itten ces d u trav ail, la p re carisa tio n et l'in sec urite p erm an en te o nt p ou reffet d e p ara lyse r l'im ag in aire d u futur et de pulveriser le tem ps vecu L e term e des engagem entsp ro fe ss io nn eIs o u p riv es s'abrege, La d uree re trecit, se retra cte d an s I'e phemere, I'in sta nta ne e t l'itnmed iat.L es contrats (a duree determ ine e) chassent les contrats a duree indeterm nee. L es statuts se decorrposentdans I'insecurite perm anente. Les classes et les m asses se diluent dans la toile et le reseauUn nouvel esprit du capitalism e s'eleve au firm am ent du m arche. Par e sp rit , B olta nsk i e t C h ia pe lloen ten de nt l'id eo lo gie ca pab le d e ju stifier la p art d 'ad hesio n c on se nsu elle d es e xp lo itee e nve rs le fetich e q ui lesexploite , sans laquelle le system e ne pourrait fonctionner. N ul rapport social ne saurait en effet survivre a lasimple nudite du rapport de force. La justification des dom inants et la collaboration, des dom nes sont lesdeux faces cornplem entaires necessaires a la poursuite du grand jeu de dupe. G ram sci avait deja dem asquecette com binaison diabolique d 'hegem onie et de coercition, d 'begem onie bardee de coercition et decoerc it ion hab il lee d'hegermnie,C orrnne I'horrnne de M alebranche, le C apital a toujours du m ouvem ent pour aller plus loin et plus vite. C etteruee perm anente, ces changem ents dans la contiauite, ces deplacem ents et ces depassem ents le m aintiennenten equilbre in sta ble . B oh an sk i et C hia pello d istin gu ent tro is esp rits su cce ssifs d u cap italism e. C elu i d e la

    .org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676 1/6

    http://www.europe-solidaire.orglspip.php/?article2676http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676http://www.europe-solidaire.orglspip.php/?article2676
  • 8/1/2019 Bensad_Le Capital ventriloque cause toujours

    2/6

    [Europe Sol idaire Sans Frontleres] Le Capital ventr iloque cause toujourssp ec ula tio n, d e l'in no va tio n, e t d u risq ue , d on t le c he va lie r d 'in du strie fu t la fig ure em blem atiq ue, av ec lacom pensation de la securse p atrim o nia le e t d e la sta bilite fum ilia le a ssise s su r la v ie ille mo ra le b ou rg eo ise .C elui de la grande entreprise hierarchique, dont le directeur fut la figure de proue, avec a I'horizon l'aventureexcitante du progres scientifique, et en contrepartie la garantie de l'avenir assure, des plans de carriere, de lasecurite sociale et des retraites, sous l'aile protectrice de I'E tat social C elui enfin , dont le chevalierconnexionniste est le heros, du reseau, des flux tendus et des stocks zeros, de la sous- traitance et desd elo ca lisatio ns, d u trav ailleu r m ob ile e t fle xib le : l'esp rit d 'u n m on de san s esp rit. L e n otre .C e decoupage a des vertus pedagogiques. M ais il n e resout pas le problem e de pediodisation auquelachoppe aussi tout le disc ours de la post-m odernite, L e "troisiem e esprit" serait-il l'erranation spirituelle du" troisiem e age du capitalism e " ? D ans son grand livre, paru en 1977 sous ce titre , E rnest M andel, analyse letroisiem e age connne celui de l' energie nacleaire et des rapports de forces sociaux issus de la guerre [1]. IIn 'existe pas - et peut-etre est-il encore trop tot pour que l'o iseau de M inerve prenne son envol- de travaile qu iv ale nt s ur lID capitalism e du quatrierre age , plus senile que tardif produit de la contre-reforrreliberale , de la deregulation m ondiale, et des innovations technologiques dans le proces de travailLe Nouvel esprit du capitalisme ma rq ue n ea nmo in s lID to urn an t. R app ela nt le d eb at in te lle ctu el a lIDprincipe de realite, il se donne pour objet les transform ations sociales qui ont accom pagne lestra ns fo rma tio ns re ce nte s d u c ap ita lisme . D efni de facon tres generale connne une exig en ce illim ite ed 'accum uIation du capital et par une course au profit pour le profit, ce capitalism e n'a pas seulem ent lID esprit . II a a ussi lID verbe et lID corps.Le Capita l, on le sait depuis M arx, est lID fe tic he a utom ate . II e st a ussi v en trilo qu e. La sc issio n q ui le h ante , lededoublerrent entre valeur d 'echange et valeur d 'usage, entre travail concret et travail abstrait, entrep ro du ctio n e t c ir cu la tio n, p arfo is devi en t f ol ie . A lors, l'argent crie son desir d 'un dom aine ou il puisseetre valorise en tant que capital [2]. M ais le C apital ne se contente pas de hurler, dans les m om entsp aro xy stiq ues, a pres so n id en tite b risee, II p arle a ussi au q uo tid ien lID 1 an gag e si fumilie r q u'o n o ub lie q u'il e nes t l 'au teur.L es "valeurs "cardinales de I'heure sont la vitesse (Ie m ouvem ent, le bouger, I'ephem ere, l'urgent,l'in sta nta ne , le quick, le fast) et le deplacerrent (Ie portable, le nom ade, le m obile, Ie flux, le reseau), C edouble im peratit: d 'acceleration et de m obilite, est la consequence logique de la reproduction elargie et de laro ta tio n ac celeree d estin ee s a co nju rer l'in fu rc tu s q ui m en ace le C ap ital: la m on dialisation elarg it so nd oma in e, d ev ore le s te rrito ire s, fait m archandise de tout; la course effrenee au" juste-a-tem ps "et au "stockz ero ", le s fu sio ns-c onc en tratio n d an s le c red it o u la d istn bu tio n, l'escala de p ub lic itaire v isen t a co ntreca rre rla hausse vertigineuse de sa com position organique par une rotations constannnent acceleree du cycle deproduction et d ' echange,D eja perceptibles il y a plus d 'un siecle, ces tendances prennent auiourd 'hui une tout autre am p l eur. A yantprovisoirem ent ecarte la subversion qui le m enace, le C apital ventriloque parle desorm ais sans detours, avecson cceur boursier en quelque sorte. L es cam pagnes de presse vantant les vertus des fusions-concentrationsdans la banque, le petrole, ou la grande distribution, font de la c rea tio n d e v aleu r l'im pera tf c ateg oriq uede l' ep 0q ue e t sa re lig io n q uo tid ie nn e.A h! C e m ystere de la Creation (de la valeur) et de la m ultiplication des pains (des dividendes) ! C e m ysterede l'auto-engendrem ent du capital! C e m iracle profane quotidien, par lequel une croissance de 3 % peutcreer une plus-value boursiere de 15 %, 50 %, 100 % par an! [3] Pour realiser de telles prouesses, ilfuut bien tirer des traites sur l'avenir ; et pour les honorer, il fuut augm enter sans cesse la productivite etin te nsifie r l'e xp lo ita tio n On e n a rriv era it p re sq ue a c on va in cre le s sa la rie s d es b ie nfa its d e l'a uto -lic en ciem en tgrace auquel ils sont censes gagner en tant qu 'actionnaires ce qu 'ils perdent en tant que salaries! R este a

    .org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676 2/6

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676
  • 8/1/2019 Bensad_Le Capital ventriloque cause toujours

    3/6

    [Europe Sol idaire Sans Frontleres] Le Capital ventr iloque cause toujourssavoir, lorsque tous les chorreurs seront actionnaires et tous les actionnaires chom eurs, qui paiera les retraitese t le s p en sio ns .L 'iI1usion selon laquelle l'argent s'auto-engrosse m iraculeusem ent est celle du rentier, du speculateur, duboursicoteur, et de leurs gogos. Le court-circuit de cet accroissem ent m agique occuhe le cycle com plet desm etam orphoses de l' argent en salaires et en rroyens de production, des rroyens de production enm archandises, des m archandises en argent. L e m iracle quotidien des plus- values boursieres m irifiques et du "retour sur investissem ent" escam ote ainsi le m om ent de la production O U la plus-value est extraite dans lessous-sols infernaux du m arche. II n 'y a pourtant pas d'irrm aculee conception du capital par lui-m em e m aise xto rsio n e t ap pro priatio n d e p lu s-v aln e.Car un crim e originel a ete corrnnis. E t c'est bien d'un m eurtre qu'il s'agit, "tout pareil a celui corrnnis par unindividu, si ce n'est qu'il est ici plus dissirm le, plus perfide, un m eurtre qui ne ressem ble pas a un m eurtreparce qu' on ne voit pas le m eurtrier, parce que le m eurtrier c' est tout le m onde et personne, parce que lamort de la victime sem ble naturelle" [4]. Ce n'en est pas rroins un m eurtre, im personnel et anonym e, unmeur tr e s oc ia lC ' est de 1 a que doit partir l' enquete. Les tueurs (les social killers) sont la ville. II y en a de toutes sortes : duvulg aire voyou au raider tranquille , en passant par le parrain patronal Ils ont vole la plus- value. C orrnne lavalise a billets des rom ans policiers, le larcin passe de m ain en m ain, se partage, se distnbue, se ram ifie. Lap lu s- v alu e tr an sfig ure e d ev ie nt m econnaissable , dit M arx. O n en oublie l' origine et on en perd la trace.Le souci de qualite des produits alim entaires a m is a l' ordre du jour la traeabilite . L e m ot est desorm aisdans toutes les corrnnissions et dans tous les m agazines de consorm nateurs. Pourquoi ne pas exiger aussi unetracabilite de la plus-value et du profit? L es debars su r la protection sociale et sur les enjeux reels de laflex ib ilite y g ag ne ra ie nt sa ns a ucu n d ou te en tran sp aren ce .L a pathologie du C apital se m anifeste aussi dans les pro funds rem aniem ents du rapport contradictoire entreprive et public. Com me l'a fort bien dit Laurent Fabius dans un elan de sincerite : tout ce qui est destine aum arche a vocation a etre prive, C ette privatisation generalisee de l'espace public a pour corollaire la m ise enscene m ediatique de la vie privee des personnages publics: les frasques de Clinton, M itterrand et sa fille, lec ou ple b ib liq ue d es T ib eri.C hef de file des C hicago B oys, M ilton F riedm an traduit cette nouvelle narration du C apital en programmeouvertem ent anti-social II s'agit selon lui de r enve rs er la tyrannie du statu quo , de triom pher desa va nta ge s a cq uis , et de " decourager les rentes de situation" . D ans ce discours decornplexe, ladepolitsation m ethodique va de pair avec la m oralisation a outrance. L 'heure est a la g ue rr e e th iq ue (T ony B lair), ala souverainete ethique (C olm -B endit), ala m ondialisation ethique et a l'investissem entethique, Pour apaiser les coleres paysannes, Jacques C hirac lui-m etre a cru devoir proclam er que noussorrnnes tous des paysans ... , au sens ethique du term e (! I?). Pris entre l'obligation absolue de la morale etl es au toma ti smes naturels du m arche, le citoyen a m auvaise m ine.A leur tour, la politique et le droit partent en fum ee.L ' escalade de l' e thique est censee adoucir les e:ffets inhum ains de la ju ng le m arc ha nd e. L orsq ue l 'obligationillim i:teede la m orale convole en noces barbares avec la suprem atie de la t ec hn ique impe ria le , l'e sp ac edem ocratique de la controverse est directem ent m enace.Dans ses Mythologies, R oland B arthes a dresse l'inventaire des cliches dont se nourrit l'ideologiebourgeoise: Le m ythe, dit-il, est m e parole depolidsee . U ne parole de depolitisation, Ces m ythes restent

    .org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676 3/6

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676
  • 8/1/2019 Bensad_Le Capital ventriloque cause toujours

    4/6

    [Europe Sol idaire Sans Frontleres] Le Capital ventr iloque cause toujoursd 'u ne e vid en te a ctu alite .La vaccine. El le consi st e a co nfesser certaines d efaillan ces d'un e in stitutio n d e classe p ou r m ieu x en m asq uerle m al principiel : o n legifere ainsi sur l' exclusion et on " traite " socialem ent le chom age pour m ieux m asquerl'e xp lo ita tio n d on t ils so nt a la fois la con seq uen ce et la co nd itio n; on irm rnm ise ain si l'im aginaire collectifpar une petite inoculation de m al reconnu pour m ieux le defendre " contre le risque d'une subversiongeneral is ee " .La naturalisation de l'histoire et de l'economie. Au m om ent du lim ogeage d 'O skar Lafontaine enA llem agne, les m edias se sont livres a lID concert d'abaissem ent et de denigrem ent de la politique : O n nefait p as de po litiqu e co ntre la m on dialisation . .. L 'econ om ie s'est rebellee con tre un e po litiqu e en con tradictiona ve c la c ompetitio n in te rn atio na le ... . O n ne peut pas faire de politique contre l' econom ic , sentenciaitG erhard Schroder en personne !L 'identification. E lle manife ste l'impuiss an ce du p etit-b ou rg eo is a im aginer l' Autre, si ce n 'est dans uncon tex te fulkloriqu e o u ex otiq ue : t ant q u'il n 'attente p as a la se cu rite d u c he z-so i , cet A utre est reduit aun pur objet de curio site ou de spectacle. C ette m em e im puissance peut se retourner soudain en crainte del' e tran ger o u de la b anlieu e, en m anifestation s racistes et xen op hob es.La tautologie. Elle exprim e une m efance m aladive envers les pieges subtils du langage, coupant court a lac ritiq ue e t a la con tro verse so us le seu l arg um en t definitif qu e c ' e st c orrn ne c ; a , parce que c' est corrnne ca ,

    " lus si 1" ., I"et meme, p snnp ement, parce que . .. , un point c est tout. .Le ninisme". S on b alan cier m aintien t I'eq uiliore entre le p ou r et le co ntre, et neu tralise les co ntraires. Lag au ch e m itte rra nd ise e a fait preuve de virtuosite dans cet exercice fim am bulesque : n i na ti ona li sa tion s, n ip riv atisa tio ns " . La tro isieme v oie ou le nouveau centre s'y adonnent a leu r tou r: n i dro ite, n i g auch e.L 'eventail des possibles se reduit aujuste m ilieu, entre deux centres, entre les dem i-teintes et les dem i-m esures, entre les extrem es du centre. A llez vous etonner, dans ces conditions, que la politique, ladem ocratic, et la cito yen nete so ien t affreu serren t m alades : a f or ce d 'avo ir a c ho isir e ntre rie n e t rie n, o n:fin itpar voter pour moins que rien, ou par ne pas voter du tout.La quantification de la qualite. Tout se m esure, tout s'achete, tout se vend. N on seulem ent les corps(ventes d'organes et trafics d'em bryons), les am es m ortes, m ais aussi le nom (C hantal Thom as ou Ines de laFressange se sont depouillees du leur contre argent sonnant et trebuchant). Signe des tem ps : a cote dudrapeau tricolore, flotte desorm ais sur la B ourse du Palais B rongniart, non le drapeau bleu etoile de I'U nioneuropeenne, m ais un etendard frappe au sigle de l'euro. Pourquoi se gener ?S i ces Mythologies paraissent aussi actuelles, c'est que, par-dela ses m etam orphoses, le C apital dem eure telqu ' en lui-me rre . S a mond ia lis atio n fait tourner a p le in re gim e sa m ac hin e a mythes.La generalisation dufetichisme et de la reification, e st inher en te a celle des rapports m archands : lape rs onn if ic ati on des m arches financiers (qui" ne tolereraient pas que ... ", qui" ne com prendraient pasque ... ", qui" se rncheraient si .. '') en est l'exem ple le plus eloquent. En depit de la fin proclam ee del'H istoire et de ses grands recits, le fetichisrre de l' A rgent, de I'H istoire, et de l'H um anite se porte aussi tresbien.Le culte decomplexe de lapuissance. II tire sa legitim ite de la m ise en scene quotidienne de la puissancesportive corrnne de la prom otion m ediatique de la force m ilitaire. II s' etend aux grandes m anceuvresstrategiques de l' econom ic : Choisiss ez la p uis sa nc e , martelaient symetriqu em en t les dirig eants d e la BNPet de la Societe generale. Et de la politique : A h ! cette apo lo gie narcissiq ue d e L 'Eu rope - Pu is sance ...

    .org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676 4/6

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676
  • 8/1/2019 Bensad_Le Capital ventriloque cause toujours

    5/6

    [Europe Sol idaire Sans Frontleres] Le Capital ventr iloque cause toujoursLe culte de la transparence . Plus 1a dem ocratic est anem iee, plus le rapport social est opaque, plus leC apital m ultiplie ses tours de m agie, et p lus sa nov1angue orw ellienne celebre 1a " transparence ". E lle evoqueaussi b ien 1a purete perdue que le vide d'une p1ace publique desertee offerte au voyeurism e m ediatiqueordinaire [5].L 'inflation de la methode. Moins i 1 y a de progrannnes et de projets, plus 1es disc ours de 1a methodeproliferent, N ous avons eu droit en quelques annees a 1 ameth od e R oc ard , a 1 ameth od e Ba1 1a du r, a 1ameth od e N otat, a 1amethode Juppe, a 1a m ethode Jospin. T outes se ressem b1ent connne des gouttes d 'eauet se reduisent a quelques lieux com n:n.m s de bon sens gestionnaire : p rendre le temps de 1a reflexion et de 1aconcertation, consuher avant d 'agir, reculer pour m ieux sauter, savoir raison garder, etc. C ette politique duv id e e st p ar fu it emen t resurree p ar u ne tro uv ai1 1e recente du m arketing politique : P arti o uv ert. C he rc hee sp ri ts hbr es . L 'euphorie duJaux mouvement. Le m onde bouge, tout bouge, i 1 faut savoir bouger et dejouer les pieges deI'immobilite. B ouger son corps sur 1a piste de danse, bouger professionnellem ent, bouger affectiverrent,bouger l'Europe. C ' est 1a version vulgaire et troupiere du Guepard de Lam pedusa : II faut que tout bougepour que rien ne bouge. L e sirrru1acre de 1a c onvivialite. C 'est le cache-sexe de 1a c oncurrence sans m erci L 'offre hostile d 'achat de1a BNP sur 1a Societe Generale fu t ainsi presentee connne un projet arnical . L 'accord entre Total et E lfprecisait que 1e com prom is avait ete trouve de facon am ica1e . L es g ra nd es familles s'e trip aien t n ag ue refum ilia1em ent ; d ans les conseils d ' adm inistration de 1a c or po ra te g ou ve rn an ce , on s' entre- tue desorm ais "a l'amia ble " .L 'art raffine de l'euphemisme et de laperiphrase. L es salaries deviennent des ressources hum aines ;le s lic en ciemen ts , d es depar ts c on tr ai nts ; les bom bardem ents, des f rappes ch iru rg ica le s ; 1esm assacres de civils, des donnmges collateraux ; u n ra id predateur, une offre non sollicitee ; 1aguerren' est m em e plus 1a guerre m ais une sim ple gestion de crise ou une lo giq ue d e c oe rc itio n . Alors que sedeveloppe un apartheid social et sco1aire ram pant, on ne parle plus de banlieusards et de trains de banlieue,m ais de " franciliens " et de "transiliens ". La lutte des c1asses s' estom pe dans 1a conflictualite du travail. L ec ap ital se d issimule d errie re 1 a va leu r, 1 ep atro nat d erriere l'en tre pris e, I'imperalisrre de rr ie re l 'humani ta ire.L a revolution devient soluble dans 1a transform ation socia1e . U n chat ne s'appelle plus un chat, ni Strauss-K ahn un fripon.Le gout du risque et de I'extreme. A venturier de 1a post-m odem ite, l'entrepreneur intrepide exerce sescadres a l'esprit de corps dans des stages connm ndos. Le risque fait partie d e l'univers im pitoyable dum arche : tous contre tous, chacun pour soi, et sauve qui peut. II est aussi une affaire rentable, connne le ditD enis K essler, president de 1a Federation francaise des societes d 'assurance : La m atiere prem iere del'assurance, c'est-a-dire 1e risque, est en pleine evolution [6]. E t m em e en p1eine expansionjuteuse pourpeu que se poursuive le dem antelem ent de 1a protection sociale : v ivre dangereusem ent, jouir sans entraves,et faire le bonheur des assureurs !Le syndrome de laJoule solitaire et laparodie de la distinction. L a d esin teg ratio n so cia1 e d efa it 1 esso lid arite s c ollec tiv es. L 'in div id ualisatio n march an de est d 'ab ord u ne p ulv eris atio n so cia le : i1 n'y a plus detravailleu rs, de chem inots, de po stiers, d 'instituteurs, d 'infirm ieres, m ais des gens sans qualite, 1a f oulesolitaire des sondes qui ne votent plus, des consorrum teurs dom inicaux, des tele-clients anonym es. Pourcom penser cette tendance dangereusem ent anom ique, le discours du capital m aquille une hierarchic socialeplus inegalitaire que jam ais en m uhipliant les titres personnalises et les distinctions de pacotille : le rapportso cial h ierarc hiq ue s'e ffa ce d errie re 1 a nome nc 1atu re d es c ateg orie s so cio pro fe ssio nn elles fo rm ellemen trevalorisees.Un mot pour I'autre. A potre ravi de" 1a m ondialisation heureuse ", A 1ain M inc s'est aussi fait le c hamp ion

    .org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676 5/6

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676
  • 8/1/2019 Bensad_Le Capital ventriloque cause toujours

    6/6

    [Europe Sol idaire Sans Frontleres] Le Capital ventr iloque cause toujoursde requite concue non corrnne le correctif et le com plem ent de l'e ga lite (o n pou rra it c on sid ere r a c e titrerage de 1 a retra ite p ou r les c hem in ots ro ulan ts, le s zo nes d 'e du catio n p rio ritaire, o u la fiscalite p ro gressiv e a ulieu de proportiorm elle, corrnne des m esures d 'equite sur fond d 'egalite) m ais corrnne son substitut. D em em e, la charite tend a rempla ce r s ub re ptic ement le s s olid arite s. A q ua nd la d ev ise lib era le , Marche,Equite, C harite , en lieu et place de 1 a d ev ise rep ub lic ain e au fro nto n d es m airie s.Le capi ta lisme abso lu developpe ainsi son systerre de valeurs et de norm es. II vaut toujours m ieux etreouvert que ferm e, flexible que rigide, rapide que lent, leger que lourd. C ' est le regne de l'instantane et del'allege, du versatile et du volatile (conm e le cours du C AC 40), du care sans cafeine, du beurre sans m atiereg ra sse , "d e 1 a vie sans vie et de I'h istoire sans histoire " [7].T out part en finree ? P re sq ue to ut. S 'il e xiste lIDn ou vel esp rit d e ce c ap ita lism e, il d oit b ie n ex ister au ssi lIDnouvel esprit (frappeur) du communism e qui le suit conm e son om bre.Le spectre n 'est pas soluble dans l'air du tem ps.Notes1 . E rn est M a nd el, Le troisieme age du capitalisme, prem iere edition P aris, U GE , 1977, reedition Paris,L es editions de 1 a P assio n, 1 99 7.2. K . M arx, Manuscrits de 1857-1858, Editions sociales, tom e 1, pp. 209 et 356.3. L es fum eux Fonds de pension exigent pour leurs placem ents lID R eturn on Equity (RO E) d 'au m oins15 %.4 . F rie dric h E ng els, La Situation de la classe laborieuse en Angleterre, op. cit., p . 140.5. Sur la rhetorique de 1 a transparence, voir les theorem es de la dom ination de M ichel Surya, inDe laDomination, P aris, F arra go , 1 99 9.6. Le Monde, 30 juin 1999.7. Selon la fom rule d 'un greviste dans le f ihn d e Domin iq ue C ab re ra , Nadia et les Hippopotames.* Ce texte constitue le chapitre 1 (partie II : Intennittences du spectre ) de l' ouvrage : D a niel B ensaid,L e sourire du Spectre, nouvel esprit du comm unism e , Ed. M ichalon, Paris 2000. C ette version necom prend pas necessairem ent les corrections m ites au m om ent de la publication

    .org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676 6/ 6

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676http://www.europe-solidaire.org/spip.php?page=article_impr&id_article=2676