Beck ou ShneidmanBeck ou Shneidman dans la prédiction des conduites suicidaires ?dans la prédiction des conduites suicidaires ?

Frédérick DionneFrédérick Dionne, M.Ps., candidat Ph.DRéal LabelleRéal Labelle, Ph.D, Jacques BaillargeonJacques Baillargeon, Ph.DDépartement de psychologie Université du Québec à Trois-Rivières

8 mai 2007, Trois-Rivières8 mai 2007, Trois-Rivières

Dans le domaine de la Dans le domaine de la suicidologiesuicidologie au cours au cours des dernières décennies, deux théoriciens se des dernières décennies, deux théoriciens se sont particulièrement distingués…sont particulièrement distingués…

IntroductionIntroduction

Aaron T. BeckAaron T. Beck Edwin S. ShneidmanEdwin S. Shneidman

Aaron T. BeckAaron T. Beck, psychiatre, « père » de , psychiatre, « père » de la psychothérapie cognitive et la psychothérapie cognitive et comportementale comportementale

Pour lui, le Pour lui, le désespoirdésespoir est la variable est la variable la plus proche au suicide la plus proche au suicide

Le désespoir se définit comme un Le désespoir se définit comme un schéma cognitif relativement stable schéma cognitif relativement stable caractérisé par des caractérisé par des attentes négatives attentes négatives (pessimistes) à l’égard du futur (pessimistes) à l’égard du futur

IntroductionIntroduction

Le désespoir est un meilleur corrélat des Le désespoir est un meilleur corrélat des conduites suicidaires que la dépression conduites suicidaires que la dépression au sein de diverses recherches: au sein de diverses recherches:

-Prospectives (Beck et al., 1985; Beck et al., -Prospectives (Beck et al., 1985; Beck et al., 1990; Brown et al., 2000)1990; Brown et al., 2000)

-Avec des idéateurs suicidaires adultes -Avec des idéateurs suicidaires adultes (Beck et al., 1979; Wetzel et al., 1980; Holden et (Beck et al., 1979; Wetzel et al., 1980; Holden et al., 1985)al., 1985)

-Avec des individus ayant fait une tentative -Avec des individus ayant fait une tentative de suicide (Beck et al. 1975; Beck et al., 1976; de suicide (Beck et al. 1975; Beck et al., 1976; Dyer & Kreitman, 1984)Dyer & Kreitman, 1984)

-Avec des individus ayant un diagnostic de -Avec des individus ayant un diagnostic de dépression majeure (Beck et al., 1993) ou de dépression majeure (Beck et al., 1993) ou de schizophrénie (Drake & Cotton, 1986)schizophrénie (Drake & Cotton, 1986)

IntroductionIntroduction

Ce pouvoir du désespoir sur la dépression Ce pouvoir du désespoir sur la dépression n’a cependant pas été établi dans des n’a cependant pas été établi dans des études portant sur:études portant sur:

-Des adolescents issus de populations -Des adolescents issus de populations cliniques (Cole, 1989)cliniques (Cole, 1989)

-Des jeunes adultes idéateurs suicidaires -Des jeunes adultes idéateurs suicidaires et étudiants au collège (Cole, 1988; Rudd, et étudiants au collège (Cole, 1988; Rudd, 1990)1990)

IntroductionIntroduction

Edwin S. ShneidmanEdwin S. Shneidman, psychologue, , psychologue, « père » de la suicidologie moderne« père » de la suicidologie moderne

Le suicide est causé par leLe suicide est causé par le psymalpsymal(Shneidman, 1993; (Shneidman, 1993;

2006)2006)Le psymal est une Le psymal est une souffrance psychologiquesouffrance psychologique, ,

un trop-plein d’émotions désagréables un trop-plein d’émotions désagréables telles la honte, la culpabilité, la solitude, la telles la honte, la culpabilité, la solitude, la douleur… douleur… (Shneidman, 1999)(Shneidman, 1999)

IntroductionIntroduction

Au plan Au plan théoriquethéorique, d’autres auteurs ont aussi , d’autres auteurs ont aussi associé de près ou de loin le concept de associé de près ou de loin le concept de souffrance psychologique aux conduites souffrance psychologique aux conduites suicidaires (Orbach, 2003; Leenaars, 1996; suicidaires (Orbach, 2003; Leenaars, 1996; Kral, 1994; Baumeister, 1990; Baechler, 1975; Kral, 1994; Baumeister, 1990; Baechler, 1975; Frankl, 1963; Murray, 1938)Frankl, 1963; Murray, 1938)

Néanmoins, Néanmoins, peu de recherchespeu de recherches ont ont

mis ce concept en relation avec mis ce concept en relation avec d’autres construits déjà établis dans d’autres construits déjà établis dans l’étude du suicidel’étude du suicide

IntroductionIntroduction

Edwin S. Shneidman (1918-…)Edwin S. Shneidman (1918-…)

Dans des études auprès d’Dans des études auprès d’étudiantsétudiants, de , de contrevenants contrevenants mâlesmâles ( (offendersoffenders) et de ) et de patients psychiatriquespatients psychiatriques en en crise, des études font ressortir que les crise, des études font ressortir que les « raisons « raisons basées sur des perturbations émotionnelles »basées sur des perturbations émotionnelles » ((internal-based reasonsinternal-based reasons) ont un pouvoir prédictif ) ont un pouvoir prédictif prédominant sur le désespoir ou la dépression dans la prédominant sur le désespoir ou la dépression dans la prédiction de la plupart des composantes des prédiction de la plupart des composantes des conduites suicidaires (Holden & Kroner, 2003; Holden conduites suicidaires (Holden & Kroner, 2003; Holden & McLeod, 2000; Holden, Mendonca, Kerr & Velamoor, & McLeod, 2000; Holden, Mendonca, Kerr & Velamoor, 1998; Johns & Holden, 1997) 1998; Johns & Holden, 1997)

IntroductionIntroductionUn courant de recherches trouve que les raisons Un courant de recherches trouve que les raisons

les plus souvent évoquées par des individus les plus souvent évoquées par des individus ayant commis une tentative de suicide par ayant commis une tentative de suicide par overdoseoverdose sont d’obtenir un soulagement face sont d’obtenir un soulagement face à un à un état d’esprit douloureuxétat d’esprit douloureux (Bancroft, (Bancroft, Skrimshire & Simkin, 1976)Skrimshire & Simkin, 1976)

Edwin S. Shneidman (1918-…)Edwin S. Shneidman (1918-…)Holden et ses collaborateurs opérationnalisent Holden et ses collaborateurs opérationnalisent

l’échelle du psymall’échelle du psymal et démontrent que le concept et démontrent que le concept du psymal a un pouvoir prédictif du psymal a un pouvoir prédictif plus important que plus important que le désespoir ou la dépressionle désespoir ou la dépression dans la prédiction de dans la prédiction de la plupart des composantes des conduites la plupart des composantes des conduites suicidaires au sein d’une suicidaires au sein d’une population étudiantepopulation étudiante (Holden et al. 2001) et de (Holden et al. 2001) et de personnes ayant commis personnes ayant commis une tentative de suicideune tentative de suicide (Delisle & Holden, 2004) (Delisle & Holden, 2004)

Toutefois, d’autres auteurs Toutefois, d’autres auteurs ne trouvent pasne trouvent pas que que l’échelle du psymal est plus fortement corrélée aux l’échelle du psymal est plus fortement corrélée aux conduites suicidaires comparativement à la conduites suicidaires comparativement à la dépression et au désespoir dans un échantillon de dépression et au désespoir dans un échantillon de contrevenants mâlescontrevenants mâles (Mills, Green & Reddon, 2005) (Mills, Green & Reddon, 2005)

IntroductionIntroduction

Edwin S. Shneidman (1918-…)Edwin S. Shneidman (1918-…)La présente étude cherche à déterminer La présente étude cherche à déterminer

le pouvoir prédictif du le pouvoir prédictif du psymalpsymal comparativement à celui du comparativement à celui du désespoirdésespoir, , confrontant ainsi la théorie de confrontant ainsi la théorie de ShneidmanShneidman à celle de à celle de BeckBeck

À la lumière des récentes études sur la À la lumière des récentes études sur la souffrance psychologique, nous souffrance psychologique, nous prédisons que prédisons que la souffrance la souffrance psychologique sera équivalente ou plus psychologique sera équivalente ou plus importante que le désespoirimportante que le désespoir dans la dans la prédiction de l’appartenance au groupe prédiction de l’appartenance au groupe suicidaire.suicidaire.

HypothèseHypothèse

MéthodologieMéthodologie ParticipantsParticipants

N= 615 jeunes adultes universitaires N= 615 jeunes adultes universitaires d’origine canadienne françaised’origine canadienne française

Entre 18 et 30 ans (M= 21,81; É-Entre 18 et 30 ans (M= 21,81; É-T=2,38)T=2,38)

422 femmes (68,6 %) et de 193 422 femmes (68,6 %) et de 193 hommes (31,4 %) hommes (31,4 %)

Premier cycle universitaire (96,9 %)Premier cycle universitaire (96,9 %)

MéthodologieMéthodologie Instruments de mesureInstruments de mesure

L’échelle du psymal (Holden et al., 2001; L’échelle du psymal (Holden et al., 2001; Dionne, Labelle, Baillargeon & Daigle, Dionne, Labelle, Baillargeon & Daigle, 2004)2004)

L’échelle du désespoir (Beck et al., 1974; L’échelle du désespoir (Beck et al., 1974; Bouvard et al., 1992)Bouvard et al., 1992)

L’échelle de dépression II (Beck et al., L’échelle de dépression II (Beck et al., 1996)1996)

Les conduites suicidaires (Questions Les conduites suicidaires (Questions Enquêtes Santé Québec, 1993Enquêtes Santé Québec, 1993)) 2 groupes: suicidaire et non suicidaire2 groupes: suicidaire et non suicidaire

MéthodologieMéthodologie DéroulementDéroulement

Participants rencontrés dans leur Participants rencontrés dans leur groupe classe en septembre 2003 groupe classe en septembre 2003

Temps de passation= 30 minutesTemps de passation= 30 minutes Les participants traités selon les Les participants traités selon les

normes d’éthiquenormes d’éthique

RésultatsRésultats

Échantillon total(n= 615)

Groupe non suicidaire

(n = 573)

Groupe suicidaire

(n = 42)Coefficient

AlphaM ÉT M ÉT M ÉT

Psymal* .95 20.6 8.6 19.6 7.2 35.0 12.4

Désespoir* .70 3.2 2.8 3.0 2.6 5.9 4.6

Dépression* .89 8.5 7.3 7.8 6.4 18.6 11.1

Tableau 1Coefficients alpha, moyennes et écart-types pour l’échantillon total, le groupe non suicidaire et le groupe suicidaire.

Note. * Le groupe suicidaire obtient des moyennes significativement plus élevées (p<.001) que le groupe non suicidaire sur chacun des trois prédicteurs.

RésultatsRésultats Tableau 2Première analyse de régression logistique de type séquentiel sans la dépression

*p < .05; **p < .01; ***p<.001

Variables ∆R² R² cumulé

RC

Étape 1

Sexe ,029** ,029** 2,52

Étape 2

Âge ,028** ,057*** 1,18*

Étape 3

Désespoir ,118*** ,175*** ,767

Étape 4

Psymal ,189** ,364*** 6,29***

RésultatsRésultats Tableau 3Deuxième analyse de régression logistique de type séquentiel avec la dépression

*p < .05; **p < .01; ***p<.001

Variables ∆R² R² cumulé

RC

Étape 1

Sexe ,029** ,029** 2,324

Étape 2

Age ,028** ,057*** 1,159*

Étape 3

Dépression ,202** ,259*** 1,858

Étape 4

Désespoir ,002 ,261*** ,406

Étape 5

Psymal ,106*** ,367*** 5,40***

DiscussionDiscussion

Équivalence et même Équivalence et même prédominanceprédominance du du psymal sur le désespoir et la dépressionpsymal sur le désespoir et la dépression

Les résultats appuient la théorie de Les résultats appuient la théorie de ShneidmanShneidman

Au plan Au plan empiriqueempirique, cela suggère de , cela suggère de prendre en compte le psymal au sein prendre en compte le psymal au sein de futurs recherches sur le suicidede futurs recherches sur le suicide

DiscussionDiscussionAu plan Au plan cliniqueclinique, on doit chercher à (1) atténuer la , on doit chercher à (1) atténuer la

souffrance psychologique et (2) traiter la souffrance psychologique et (2) traiter la dépressiondépression

Au plan de l’Au plan de l’évaluationévaluation, le désespoir , le désespoir n’est pas nécessaire avec un n’est pas nécessaire avec un échantillon semblableéchantillon semblable

Implications qui touchent aux recherches Implications qui touchent aux recherches sur les conduites suicidaires, sur les conduites suicidaires, le le désespoir et la dépressiondésespoir et la dépression

DiscussionDiscussion Les limites de la recherche:Les limites de la recherche:

Plan expérimentalPlan expérimental Mesures auto rapportéesMesures auto rapportées Échantillon non cliniqueÉchantillon non clinique

Pour le futur:Pour le futur: Population cliniquePopulation clinique Tester le modèle tridimensionnel de Tester le modèle tridimensionnel de

Shneidman (1993) équivalent au modèle Shneidman (1993) équivalent au modèle cognitif de Rudd (2004)cognitif de Rudd (2004)

Inclure des variables comme le « seuil de Inclure des variables comme le « seuil de tolérance  » (Orbach et al., 2001) et être un tolérance  » (Orbach et al., 2001) et être un « fardeau » pour une autre personne (Joiner « fardeau » pour une autre personne (Joiner et al., 2002)et al., 2002)