Baudin, Noël (1844-1887). Fétichisme et féticheurs. 1884.

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Baudin, Noël (1844-1887). Fétichisme et féticheurs. 1884. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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Baudin, Noël (1844-1887). Fétichisme et féticheurs. 1884.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :  *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.  *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitsélaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :  *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sansl'autorisation préalable du titulaire des droits.  *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateurde vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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FÉTICHISMEET

FÉTICHEUR.S

Par le R. P. BAUDIN

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LYON

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Au milieu des 'explorations et des expéditions scienti-

fiques qui ravissent peu à peu à l'Afrique ses mystères, le

fétichisme a gardé les siens. Jusqu'ici ce mot n'a réveillé

en Europe qu'une idée assez vague d'adoration de la ma-

tière brute et qu'un sentiment de profonde pitié pour les

malheureux Noirs fétichistes. Avouons-le,les apparencesfavorisent ce sentiment. L'Européen qui arrive en Guinée

rencontre à chaque pas, dans les villages nègres, des idoles

aussi grotesques quimmondes, en bois ouen argile, gros-sièrement façonnées et barbouillées de sang de coq et

d'huile de palme par des adorateurs stupides. Un premier

regard suffit à l'Européen pour mépriser ce culte mais

bientôt il apprend que ces divinités informes sont altérées

de sang humain et qu'on leur Immole des victimes hu-maines pour les apaiser; aussitôt, Joignant l'indignation

RELIGION DES NÈGRES DE LA GUINÉE

LE FÉTICHISME

tPREMIEREPARTIE

OULA

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au mépris, il exècre fétiches et fét~beurs qu'il considère

désormais comme indignes de son attention. Et ainsi s'ex-

plique l'idée incomplète, fausse même, que l'on a du féti-

chisme. On a appelé fétichisme ce qui n'en est que l'enve-

loppe matérielle. Mais, si, à la lumière d'une étude appro-

fondie, le regard réussit à lire &travers ce voile, le féti-

chisme apparalt tout autre et l'on est étonné de découvrir

sous cet extérieur grossier et repoussant un enchaînement

de doctrines, tout un système religieux où le spiritualisme

tient la plus grande place. Et chose remarquable, ces doc-

trines offrent de frappantes analogies avec le paganisme

des nations civilisées de l'antiquité. Remplacez des statues

informes par les chefs-d'œuvre de l'art grec, les cases

fétiches par les temples de Rome et d'Athènes, sous des

formes différentes, mais avec des attributions identiques,

le fétichisme fera défiler devant vous Neptune, Mars,

Mercure, Vulcain, Esculape, Apollon et autres dieux, demi-

dieux ou génies que nous rencontrerons dans cette étude.

Pendant que des savants se donnent infiniment de peine

pour étudier ces cultes anciens, pour déchiffrer dans les

hiéroglyphes quelques mystères du bœuf Apis, ou retrouver

à grands frais, sous des ruines, ~quelque vestige d'une divi-

nité oubliée des Babyloniens, il semble qu'il n'est pas sans

intérêt d'explorer aussi les mystères du fétichisme qui est

actuellement, à côté de nous, la religion de millions d'êtres

humains. Le fétichisme, en effet, partage avec le mahomé-

tisme toute l'Afrique équatoriale; 11 est la religion des

innombrables populations noires qui habitent la Guinée, la

COte-d'Or, l'Achanti, la Cote des Esclaves, le Dahomey, le

Yorouba, le Bénin, et les bords du Niger et du Bénoué. Au

nord, il s'étend vers Tombouctou, à l'est vers le lac Tchad,

au sud jusqu'au Gabon et au Congo. Chez ces peuples

noirs le système politique et le système religieux, les céré-

monies du culte et les usages domestiques sont si intime-

ment associés les uns aux autres que la connaissance de

leur religion est indispensable pour comprendre leur his-

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toire et leur organisation nationale et, surtout, pour tra-

vailler efficacement à leur évangéiisation.Leurs traditions et doctrines religieuses supposent un

peuple plus civilisé que ne le sont aujourd'hui les Noirs de

la Guinée,et, d'un autre côté, plusieurs coutumes, usages et

industries montrent clairement qu'ils sont un peuple en

décadence. Les guerres et surtout la guerre civile qui a

désolé ces pays et les désole encore, leur ont fait perdre ce

qu'ils avaient conservé de cette ancienne civilisation quiétait en grande partie égyptienne, comme l'indiquent plu-sieurs usages et coutumes.

Leur système mythologique, aujourd'hui très incomplet,renferme bien des points vagues et beaucoup de petitsdétaiis difficilesà concilier, mais les points essentiels sont

généralement assez bien fixés dans l'esprit des Noirs parles chants, les usages, les figures et les symboles de di-

vinités placés dans les temples, les demeures particulières,ou bien encore gravés sur les portes et les colonnes des

maisons des chefs et des cases fétiches. Quoiquedispersésen divers pays d'une immense étendue, ces Noirs fétichistes

ont ainsi il peu de chose près l'unité de croyances reli-

gieuses leurs divinités sont identiques; les noms seuls

sont ditlérents, et les détaiis que nous donnons d'une ma-

nière particulière sur les Noirs de la COtedes Esclaves, du

Yorouba,du Dahomey,du Bénin et autres royaumes voisins

s'appliquent à toutes les nations fétichistes.

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La religion de nos Noirs est un mélange bizarre de mo-

nothéisme, de polythéisme et d'idolâtrie. Dans ce système

religieux, l'idée d'un Dieu est fondamentale ils croient a

l'existence d'un Etre suprême et primordial, le seigneur de

l'Univers qui est son ouvrage. Ce monothéisme reconnait

en même temps l'existence d'une foule de dieux inférieurs

et de déesses subalternes. Chaqueélément a sa divinité quilui est comme incorporée, qui l'anime, le gouverne et est

l'objet de l'adoration. C'est, sur une vaste échelle, la déiN-cation de la nature entière. Au-dessus des dieux et des

déesses se trouvent un nombre infini de génies bons ou

mauvais, puis vient le culte des héros et grands hommes

qui se sont distingués pendant leur vie. Les Noirs rendentaussi un culte aux morts et croient a la métempsycose ou

migration des âmes dans d'autres corps. Ils croient à l'exis-tence d'un Olympe,séjour des dieux et des hommes célèbresdevenus fétiches, a un monde inférieur, séjour des morts,et enfin à un état de châtiment des grands criminels. Ilsont aussi leurs métamorphoses, leurs animaux sacrés, leurs

temples et leurs idoles, etc. En un mot leur religion est entout semblable au vieux polythéisme des peuples anciens,et, malgré ces nombreux témoignages à l'existence de Dieu,elle n'est en pratique qu'un vaste panthéisme, une participa-'tion de tous les éléments à la nature divine qui se seraitcomme répandue dans ces éléments.

Voici des notions plus détaillées sur ce système.

(8y<t6me reU~tenx des N&gres de !& Gutnée)

1

FÉTICHISME

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COSMOGONIEET THÉ060M)E

L'idée de Dieu. Profondément plongés dans le poly-

thétsme, les Noirs n'ont pas perdu la notion du vrai Dieu,

quoique cette notion soit bien obscure et confuse. En face

des nombreux dieux et déesses du panthéon noir où toutes

les divinités se rattachent à t'androgynisme ou bien aux

couples divins, Dieu seul échappe également & l'andro-

gynisme et a l'association conjugale aussi les Noirs n'ont

ni statue ni symbole pour le représenter. Ils le considèrent

comme l'être suprême et primordial, l'auteur et le père des

dieux et des génies Ils le nomment Olorun ~0-!t-otttt~,c'est-à-dire le possesseur, le maître du Ciel ou Olympe

nègre, séjour des dieux et des déesses. Une ville du Yo-

rouba porte le nom de Dt-0!ort«t pelu si Dieu est avec

nous. Onle nomme encore OMt<m<H' le Tout-Puissant

0{f-o~o, le très glorieux Elemi, celui qui possède la vie,

le souffle, le maître des âmes humaines appelées emi. Ce

nom de Elemi est incommunicable, il appartient & Dieu

seul. Les dieux, disent les Noirs, peuvent, commeObatala,

faire tdes corps, mais ne peuvent pas les animer; Dieu

s'est réservé ce pouvoir.

Cependant, malgré toutes ces notions/t'idéo qu'ils ont de

Dieu est bien indigne de sa divine majesté. Ils se figurent

que Dieu, après avoir commencé l'organisation du monde et

avoir chargé Obatala de le parachever et de le gouverner,s'est retiré, et est rentré dans son repos éternel pour ne

s'occuper que de son bonheur trop grand pour se mêler

aux affaires de ce monde, il reste comme un roi nègre en-

dormi dans l'oisiveté.

Ainsi les Noirs ne rendent à Dieu aucun culte et le lais-

sent dans le plus outrageant oubli pour ne s'occuper quedes dieux, déesses et esprits auxquels Ils se croient rede-

vables de leur naissance et de leur sort dans cette vie et

dans l'autre. Cependant, quoique ne semblant rien attendre

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de Dieu, tes nègres par Instinct et naturellement s'adres*

sent a lui et l'invoquent dans un danger subit ou dans une

grande affliction. Quand ils sont victimes d'une injustice,ils prennent Dieu a témoin de leur innocence

Olorun Wmi Dieu me voit.

Olorun mopé eM<M puro, Dieusait que je ne mens pas.Olorun ~6s mi o, 0 Dieu, sauvez-moi.

Ils Jurent également par Dieu et très souvent par ces

simples mots

Olorun, Olorun t Dieu, Dieu t et en même temps ils

élèvent les mains au ciel.

Dans les saluts et dans les conversations on entend fré-

quemment le nom de Dieu, comme dans ce salut du matin0 ;'t )'e 6! vous êtes-vous bien levé ? auquel on répond or-

dinairement

A yin Olorun Dieu soit loué 1

Pour les saluts du soir on emploie souvent ces paroles~OtofMMk'ocho~0~60 wal Oh)que Dieunous garde tous 1

Mais si les Noirslaissent Dieu dansl'oubli, ils ne cessent

d'invoquer les fétiches auxquels ils s'adressent dans

toutes les circonstances de la vie directement et non

comme à des médiateurs ou intermédiaires entre Dieu et

les hommes. Les dieux du premier rang sont maîtres sou-

verains dans leur domaine, agissent suivant leur bon vou-loir et leur caractère propre et produisent immédiatementle bien et le mal. Les dieux secondaires et les génies sontsouvent soumis aux dieux supérieurs, mais ils ont aussi leurdomaine propre où iis sont considérés comme libres d'agirà leur volonté.

Les fétiches, du mot portugais ~(tpo, charme ou en-

chantement, se nomment en nago ottc~ft,mot qui veut dire

coutume, cérémonie religieuse, usage.Les Oricha se divisent en trois classes bien distinctesl* Les dieux et déesses supérieurs.20Les dieux et déesses inférieurs.30 Les génies bons et mauvais.

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DIEUX ET DÉESSESSUPÉRIEURS

Trois dieux principaux occupent la première place dans

le Panthéon nègre ce sont. Obatala, OfMtto et 7/a.

r OBATALA.

Le premier des dieux supérieurs est Obatala (Oba ti ala,

le roi de la blancheur et de la lumière). La couleur blanche

.ui est consacrée; une banderolle blanche flotte au-dessus

de ses temples qui sont toujours Nanchis. Ses statues, ses

symboles et les insignes que portent, ses adorateurs sont

également de couleur blanche.

On l'appelie aussi Oricha M~, le grand Oricha; ft!omo)'e)'e

celui qui possède la bonne argile, car les noirs disent que

c'est lui qui forme le corps humain dans le sein maternel

et les négresses s'adressent à lui pour avoir le bonheur de

devenir mères. Cette croyance fait considérer les gens

difformes et en particulier les albinos, assez communs à la

cOte de Guinée, comme t'œuvro ~e Obatala qui en agit

ainsi afin qu'on n'oublie pas sa fonction de demi-créateur

de l'homme.

On l'appelle encore Oricha ~o~o, le protecteur des

portes de la cité; en cette qualité H est représenté armé

d'une lance et monté sur un cheval; alabalache, l'oracle qui

prédit l'avenir; oricAft' oginia, le fétiche qui entre dans

l'homme: sous ce nom il est célèbre parmi les Nagop.A Porto-Novo, il est encore plus connu sous le nom de

Onsé. Dans tous les cas douteux, le roi a recours à lui

pour découvrir l'innocence ou la culpabilité des accu-

sés. Ce fétiche consiste en un gros cylindre de bois creux,

long do un mètre et demi et de la grosseur d'un homme,dont l'un des bouts est fermé avec des coquilles d'escargotset l'autre avec de l'étoue. On place le Mtfcho sur la tête de

l'accusé qui est &genoux et le tient de ses deux mains et

de toute sa force. Si le fétiche tombe par-devant, l'accusé

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est déclaré Innocent; s'il tombe par derrière, il est pro-clamé coupable. Chose inexplicable, malgré les efforts de

t'accusé, le fétiche exécute tous les mouvements que lui

commande le féticheur H s'agite de tous côtés et enfin

tombe devant ou derrière quand le féticheur lui commande

de déclarer l'innocence ou la culpabilité de l'accusé. Plu-

sieurs personnes pensent qu'on place un enfant dans le

cylindre et que cet enfant, après avoir servi quelques an-

nées, est tué et remplacé par un autre. Le secret est ainsi

conservé et le rot peut facilement et sans conteste rendre

la justice Onsé a parié, !a cause est unie)

Obatala est le plus grand des dieux; il est le premier des

êtres que Dieu, l'Etre suprême, produisit dans le principe.Il le plaça avec d'autres esprits dans la région supérieurede l'univers et l'unit à Odudua qui devint son épouse.

20 ODODUA.

Odudua,la grande déesse des Noirs, la mère des dieux,semble être considérée comme n'ayant point été créée,mais comme éternelle et coexistante avec Dieu. Odudua

qu'on appelle aussi Jj/ftAgba, la mère qui reçoit, habite les

régions inférieures de l'univers.

Obatala et Odudua dans le principe étaient étroitement

resserrés et comme renfermés dans une grande calebasseObatala en haut sous le couvercle et Odudua en bas,dans le fond,ablmée sous les eaux, enveloppée de ténèbres

profondes que la nuit, la peur et la faim parcouraient entout sens; elle n'était qu'une masse agitée, sans forme ni

figure et aveugle. Pour le peuple, les fétioheurs disent queOdudua fut rendue laide et aveugle par suite d'une que-relle de ménage dans laquelle Obatala arracha les yeux àsa compagne pour la forcer à rester en repos. Elle, dans sa

colère, le maudit et.lui dit « Tuauras des escargots pournourriture. o Olorun o<o<!oMMa~(Dieutout puissant), sup-plié par Odudua de lui rendre la vue, déclara que pour sa

punition elle resterait aveugle, mais que Obatala, pour avoir

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cédé &la colère, mangerait des escargots; c'est, en effet, le

principal sacrifice que les Noirs offrentà Obataia.

Obatalaest tout ce qui est en haut et Odudua tout ce

qui est en bas Obatala est l'esprit, Odudua la matièreObatala est le firmament et Odudua est la terre, ce qui est

symbolisé par une calebasse blanchie et munie de son cou-

vercle qu'on place dans les temples.Obatala et Odudua, disent les féticheurs, ne sont qu'une

seule'et même divinité, une divinité hermaphrodite. Cette

idée est représentée par une statue qui n'a qu'un pied et

qu'un bras avec une queue terminée par une boule ou

globe.Obatala et Odudua se rencontrent encore sous le surnom

de Aroni et AJa; seulement alors ils sont tombés peu à peudu rang de dieux supérieurs au troisième rang de géniesou lutins.

Dans les temples des villes plus récentes, Obatala et

Odudua se sont complètement dépouillés de leur caractère

hermaphrodite pour se dédoubler en deux divinités parfai-tement distinctes, qui sont alors représentées séparémentObataia. sous la forme d'un guerrier et Odudua sous la

forme d'une femme allaitant son enfant. Cependant, dans

leurs temples respectifs, on place généralement la calebasse

symbolique devant chacune des statues pour rappelerl'ancienne doctrine. Dansias maisons particulières ceux quine peuvent se procurer une statue se contentent de la

calebasse devant laquelle ils offrent leurs présents et leurs

sacrifices.

Plus récemment encore le dieu Obatala et la déesseOdudua sont devenus de plus en plus distincts et sé-

parés, n'étant plus même associés conjugalement. L'un

et l'autre Inspirent une confiance égale, prennent le même

rang, sont sur le même pied pour les honneurs leur per-sonnalité est complètement distincte et chacune a ses

temples spéciaux. Odudua, surtout, montant toujours en

puissance dans l'esprit des peuples, a perdu presque

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complètement son caractère d'épouse pour devenir indé-

pendante elle règne en souveraine comme déesse d'Ado,ville récente située non loin de Badagry.

La légende rapporte qu'un chasseur rencontra un jourOdudua qui se promenait dans ta forêt. La déesse lui

proposa de demeurer avec lui, ils vécurent ainsi longtempsse livrant au plaisir de la chasse et de la pêche et passantle reste du temps dans une cabane de feuillage bâtie au

pied d'un arbre au milieu de la forêt. Enfin, la déesse,

dégoûtée du mortel comme elle l'avait été de l'immortel, se

retira, lui promettant toutefois qu'elle le protègerait, lui et

tous ceux qui s'établiraient en ce lieu et lui érigeraient un

temple à la place de la cabane. Plusieurs personnes vinrent

s'y établir et ainst fut fondée Ado, qui signifie prostitution,en souvenir de la déesse.

Le temple élevé dans cette ville est céièbre parmi les

Noirs; les rois voisins font présent ù la déesse d'un bceuf

au jour de sa fête et on célèbre en son honneur des jeuximmondes en rapport avec la légende.

Cesdeux divinités, Obatala et Odudua,ont d'autres nomset d'autres symboles qui, pour le peuple, constituent desdieux difïerents. Cette multiplicité des dieux est donc plusapparente que réelle mais elle est très lucrative pour les

féticheurs.

UtYtSrrÈii DÈPEXDA.NTE8 C'OB&'f.\LA ET D'ODCDCA.

Nous avons dit précédemment que Dieuayant produit le

premier des êtres, Obatala, l'avait uni à Odudua. Peu aprèsleur union, Odudua donna le jour à Aganju, nom qui signifiele désert, et à lyemoja la mère du poisson. lyomoja eut deson frère un fils, Orungan (le milieu du jour, l'air, te firma-

ment).

Outragée par son fils Orungan, lyemoja s'enfuit Incon-

solable, sans écouter le coupable qui la suivait dans sa

fuite, la suppliant de revenir. Comme ii était près de

l'atteindre, lyemoja tomba & la renverse, ses deux ma-

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mettes gonflées démesurément se changèrent en deux

sources qui donnèrent naissance Ilune lagune qu'on appelleOdo lyemoja, la lagune de lyemoja près d'Okiadan. Son

corps devenu énorme s'entrouvrit. On montre l'endroit à

!f6, ville sainte du Yorouba (Ifé signifie étargissement).

D'Ifé, c'est-à-dire du sein ontr'ouvert d'Iyemoja, sortirent

avec une confusion extrême tous les dieux et déesses

dont voici les principaux

Olokun.

Le Dieu de la mer, le roi de l'Océan, le Neptune

nègre, habite un immense palais sous-marln. Sept énormes

chaines le tiennent maintenant captif. Dans un moment de

colère il avait voulu détruire les hommes qui s'étaient

livrés au mensonge; il n'en restait plus que quelques-uns

quand Obatala, s'en apercevant, le força de reculer avectes

flots et l'enchalna pour toujours dans son palais. De tempsen temps il s'agite pour briser ses fers et ses efforts mettent

l'Océan en furie. On lui offre des sacrifices d'animaux,

quelquefois des sacrifices humains.

Olosa.

Son épouse est Olosa(la lagune), qui a aussi son palaissous les eaux. Le caïman lui est consacré et est considéré

comme son envoyé. On offreà Olosades sacrifices dans de

petits temples sur la lagune; quelquefois aussi onlui immole

des victimes humaines afin de se la rendre favorable pourla pèche.

Maisle plus souvent les sacrifices sont offerts à son mes-

sager le caïman qui est censé porter à sa mattresse les of-

frandes des fidèles. A cet effet les fétichours désignent au

peuple le monstre qui a été investi de cette charge par la

déesse.

Quand le caïman ayantles marques voulues a été re-

connu, on lui fait une petite cabane ou bien quelques pi-

quets avec des feuilles de palmier désignent l'endroit qu'il

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a choisi pour sa demeure et tous les cinq jours féticheurs

et féticheuses lui apportent de la nourriture.

A Porto-Novo près de la mission, il y en a un qui est très

familier. Aussitôt qu'il entend les féticheuses veniren chan-

tant et en gambadant, il sort des eaux et court à leur rencon-

tre. Celles-ci, tout en se tenant à une distance respectueuse,

lui jettent leurs présents une poule, des acasas, etc. Près

de l'eau est son temple ou plutôt une enceinte de bambous

et de feuilles de palmier. Là, le jour de sa fête, on danse

et on se divertit; le monstre reste tout près plongé dans

l'eau et montre de temps en temps son museau pour voir

si le sacrifice est bientôt prêt, car alors il y a pour lui

grande fête, festin abondant et les adorateurs peuvent

jouir de la présence de leur dieu sans crainte d'être par

lui avalés.

Ces divinités ne sont pas a l'abri de certaines mésaven-

tures, ainsi que le témoigne le fait suivant

Un nègre mahométan, peu scrupuleux à l'égard de sa re-

ligion, puisqu'il avait laissé sa raison au fond d'une cale-

basse de tafia, entendit, un jour, les chants des femmes

payennes qui se dirigeaient vers la lagune pour offrir un

sacrifice au caïman. Se souvenant de la délicatesse de la

viande de cet animal dont il avait goûté dans son pays (t),

et sans plus réfléchir aux inconvénients auxquels sa témé-

rité l'exposait de la part des féticheurs, il s'arme d'un gros

harpon de pèche et court à la lagune à la suite des femmes

qui chantaient les louanges du caïman fétiche. Celui-ci s'a-

vançait déjà vers la rive pour recevoir son aubaine accou-

tumée.

Le Haoussa passe comme un trait au milieu des fem-

mes en criant « Ma)', Dieu est grand, s et entre

dans une pirogue. Les adoratrices de la divinité aquatique,

devinant son dessein, joignent les mains au-dessus de la

tête et s'écrient d'un air consterné a Ye1 Ye1 Oricha, d,

ma kpa d. Ye Te C'est le fétiche, ne le tue pas. t

(t) LesHMUMMmangentla chair du Mhnan qu'liatrouventexcellente.

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-j8-

Mais l'imprudent, sourd h ces cris et tout entier h son

entreprise, debout dans sa pirogue, le harpon h la main, est

déjà à portée du monstre qui s'avance à fleur d'eau, ou-

vrant la gueule, prêt à happer son festin accoutume. D'un

trait te Haoussa lance son dard qui s'enfonce dans la ca-

rapace du caïman; mais, peu solide sur ses bases, il tombe

à l'eau où il disparalt.Les femmes poussent un cri de terreur et restent comme

pétrifiées, les yeux fixés sur la lagune. L'eau bouiitonhe et

bientôt se rougit de sang. Le monstre, saisissant son adver-

saire, l'avait déchiré et affreusement mutilé. Le Haoussa

n'était plus qu'une épave humaine indescriptible, débris

sanglant flottant à la dérive et charrié par ie courant.

Les adoratrices acclamèrent leur fétiche en criant

« OrtcAaJ, o <tkpa d. Le fétiche Fa tué D

Mais leur triomphe ne fut pas de longue durée. Quelques

jours après, le monstre gisait comme une masse inerte à ta

surface des eaux. Les féticheurs, après des funérailles so-

lennetiss, poussèrent le cadavre dans son antre sous les

broussailles où il git encore.

Chango.

Après Obatala le dieu le plus cétëbrc est C/.a~o quel'on surnomme ~ttfa, lanceur de pierres. Parmi tous

les dieux ses frères, il est le plus puissant et celui qui a le

plus d'adorateurs. Sa demeure est au haut du firmament, et

il mène grand train dans cet.. immensepalais aux portes de

bronze, il possède de nombreux chevaux et s'amuse à la

pèche et à la chasse. Son frère Ogun, le dieu de la guerre,.lui fournit des chaînes de feu (w~tWMtMtt,éclairs) qu'illance du haut descieux contre ses ennemis. Il est toujours

accompagné de son envoyé (Ara la foudre), qui avec fracas

projette M<M(tm<tM«(la chaînede feu).Ses trois épouses sont

sés cotés Oya. avec son envoyé (le vent) 0<~ etOchunavec l'arc et le sabre du Dieu.. Blri (tes ténèbres)

enveloppe de tous cotés le Dieu et ses compagnons.

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21

Tel est le Chango de la théogonie nègre. Le Chango qu'on

vénère aujourd'hui n'est pas le même; quoiqu'il ait les

mêmes attributs que l'ancien Chango, il est de date plus

récente. D'après les féticheurs, ce dieu était un roi du

Yorouba très méchant et très cruel. La guerre, l'injustice,

le vol, le meurtre et toutes sortes de violence accompa-

gnaient ses pas. Il méprisait les anciens et les fétioheurs,

ne tenait aucun compte des traditions nationales, civiles et

religieuses et ainsi il se rendit odieux à tout le monde.'Le

gouvernement despays yoroubas est une monarchie patriar-

cale. Le roi, ainsi que les chefs de province et de famille,

ont chacun leurs associés qui les aident et les conseillent

dans le gouvernement. Sous eux les anciens sont les gar-

diens des coutumes et des usages de la nation ils ne per-

mettent point qu'on les change ou qu'on les altère et sont

ainsi une barrière contre le despotisme des rois, des gou-

verneurs de province et des chefs dj famille.

Quand un souverain outrepasse ses droits et ne tient au-

cun compte des avertissements des anciens, ceux-ci, qui

sont à la tête de la police de la ville, font savoir au roi

qu'on est content de ses services et qu'il est prié de se re-

poser du soin des affaires. A cet effet on lui envoie des œufs

de perroquet dans une calebasse, ce qui chez les noirs

tient lieu du cordon de soie des Turcs. De là est venue la

superstition populaire que quiconque voit des œufs de per-

roquet devient aveugle sur le champ. L'envoi des œufs de

perroquet signifie choisissez le genre de mort qui vous

paraltra le plus doux, autrement nous choisirons pour vous.

Chango comprit parfaitement le message; il voulut réunir

ses gens, mais tous avaient été prévenus à temps et per-

sonne n'osa désobéir aux anciens. Alors il choisit l'exil;

une seule de ses femmes consentit à le suivre avec un es-

clave resté fidèle. Chango s'enfuit la nuit pour gagner

Tapa, la patrie de sa mère au-delà du Niger. Pendant sa

fuite nocturne sa femme l'abandonna; lui et son fidèle

esclave s'égarèrent dans la forêt sans pouvoir retrouver

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leur chemin. Après avoir durant plusieurs jours erré à

l'aventure, Chango, harassé de fatigue et dévoré par la

faim, tomba dans un morne désespoir et dit à son compa-

gnon « Reste ici, je reviendrai et nous continuerons notre

route. DL'esclave attendit longtemps et, ne voyant pas son

maltre revenir, courut à sa recherche etle trouva mort,pendu

a un arbre appelé Ayan. Ne sachant que faire, le pauvre nè-

gre courut à la découverte et bientôt rencontra des gens qui

vehaient du marché d'Oyo. H les appela à son secours, afin

de rendre les derniers devoirs au défunt et bientôt la nou-

velle se répandit dans Oyo que le roi s'était pendu. Or,

d'après la coutume des Noirs, il n'est pas permis de dire

« Le roi est mort D, mais il faut dire « lié &a. oba ti !o. o

« La terre est perdue, le roi est parti car, chez les nègres,

la royauté est divinisée; les rois sont censés de la race

des -dieux et après leur mort ils deviennent des ;demi-

dieux.

Quand les anciens, conservateurs jaloux des antiques tra-

ditions, entendirent raconter que Chango s'était pendu, ils

furent effrayés. Le système religieux et politique allait re-

cevoir une atteinte mortelle et eux-mêmes seraient accusés

d'avoir causé la mort du roi. Il fallait, conte que conte, se

tirer d'un si mauvais pas. Ils réunirent au plus vite la

police secrète et les féticheurs e.t se hâtèrent d'accourir à

t'endroitoù Chango s'étaitpendu. Ils l'enterrèrent avec une

longue chalne de fer dont Ils laissèrent le bout sortir de

terre; et, ayant bâti au dessus une case fétiche, ils s'écriè-

rent « 0~;M'a M'aCAefHi/o.OtMt'M !o. Notre maître Cbango

est descendu en terre; 0 (li Of'tc/ta, il est devenu fétiche,

il est vivant chez les morts, e et tous de se prosterner.

Ils laissèrent des féticheurs pour te culte du nouveau

dieu mais dans la ville on disait

« C'est faux, Chango s'est tué, il s'est pendu, Chango so. &

Les anciens et leurs partisans répondaient

« (.'Ae~o ko M, o di ot'tcho Change ne s'est pas pendu, il

est devenu orlcha.

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LEDtMCMA~COMUtSTM'SetB9SESDOTfOBCBA.

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Comme les contradicteurs étaient nombreux et que le peu-

ple se montrait incrédule, les anciens ordonnèrent A la po-

lice de sévir et firent disparaltre les témoins: profitant d'un

orage, ils mirent le feu à la ville et dirent

« Chango qui est devenu fétiche est fâché; il ne s'est point

pendu; pour vous punir il a lancé la foudre e.

Il fut annoncé que, pour honorer et apaiser Chango, on

lui ferait des sacrifices. Des hommes et des femmes furent

immolés en grand nombre la terreur fut à son comble et

chacun de répéter

« CTmtt~oko so, ko so Chango ne s'est pas pendu xD

Ainsi la peur enchaîna toutes les langues et, pour mon-

trer sa foi, on disait

a Oba ?toM, le roi ne s'est pas pendu

De là est venu à Chango le nom de Obakoso, le roi de

la ville de Ikoso, qui est l'endroit ou le roi se pendit et

fut enterré et qui devint une ville, car peu à peu on s'établit

près du nouveau temple et des maisons des féticheurs.

C'est là, à Ikoso, que les nouveaux souverains du Yo.

rouba se rendent le jour de leur sacre pour recevoir le sa-

bre de Chango, insigne du pouvoir exécutif.

Enfin les féticheurs de Chango adaptèrent les anciennes

légendes du Chango primitif à leur nouveau dieu et for-

mèrent un amalgame bizarre de fables ridicules.

En voici un échantillon. Chango, avant de quitter la terre,

avait obtenu de son père Obatala une puissante médecine

qui lui donna le pouvoir de surmonter tous ses ennemis. il

voulut sur le champ essayer la médecine et confia à son

épouse Oya ce qui en restait. Celle-ci voulut aussi en

secret goûter la médecine. Or il arriva que, le lendemain, les

gens du roi furent enrayés de voir leur maître lancer des

flammes par la bouche à chacune de ses paroles tous

s'enfuirent épouvantés. Oya de son côté mit en fuite toutes

les femmes et tous les gens du palais, car aussi à chacune

de ses paroles les flammes jaillissaient de ses lèvres. Peu

de temps après, Change, sentant qu'il était devenu sembla-

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ble & son père, prit ses trois femmes Oya, Ochun et Oba;

il frappa la terre du pied, elle s'entrouvrit, et il descendit

avéc ses femmes en se tenant a une longue chaîne. La terre

se referma en laissant dehors une partie- do la chalne.

Change, depuis ce temps, est revenu sur terre plusieurs

fois et dans plusieurs endroits où des temples et des col-

lèges de féticheurs ont été établis en souvenir.

A Porto-Novo, près de la mission, se trouve un lieu

célèbre par une de ces descentes de Change. Il y avait ta

pendant de longues années un temple et un collège de

féticheurs et de féticheuses. Depuis quelque temps le

temple est désert, un seul féticheur en prend soin; le

collège a été transporté ailleurs, gêne par notre voisinage.

Voici )a légende consacrant ce fait. Change, qui, pendant

sa vie, avait été méchant et brutal, n'est devenu que plus

violent et plus méchant encore. Plusieurs fois chaque

année i) entre en des fureurs extrémes, lançant la foudre et

ne se calmant que pour entrer en fureur de nouveau.

Un jour Oya (~iger), son épouse chérie, redoutant sa fu-

reur, s'enfuit près de son frère 0/o/t (la mor). Change le

sut; furieux, il résolut de se venger. ![ suivit le soleil dans

sa course jusqu'à l'endroit ou ia mer et io ciel se touchent.

C'est ta, disent les Koirs, que les Blancs vont avec leurs na'

vires et trouvent toutes les choses dont ils les remplissent.

Change descendit dans l'empire do son frôrc Olokun.

Oya effrayée s'enfuit chez sa sœur Olosa (lagune qui com-

muniqne avec le Niger et avec l'Océan), toujours poursui-

vie par Change qui faisait un bruit et un fracas épouvan-

table. C'est pour cela qu'il n'y a plus d'arbres sur les bords

de la lagune; ils furent tous arrachés et jetés au loin.

Oya s'enfuit encore de chez sa sœur et se réfugia chez

Ifouësé, un habitant du pays devenu depuis fétiche, grâce

au pouvoir surnaturel que lui communiqua Oya au moyen

des médecines qu'elle avait volées a son époux lors de sa

fuite. Houésé prit chaleureusement la défense de Oya; il

s'ensuivit une lutte mémorabte, gigantesque. Le combat

Page 32: Baudin, Noël (1844-1887). Fétichisme et féticheurs. 1884.

27

commença près de l'eau où était batte la case de tïouésé.

Change saisit son canot en guise de massue; Houésé, se sen-

tant une force divine, s'arma d'un arbre; arbre et canot vo-

lèrent en éclats. Pendant ce temps Oya s'enfuit a Lokoro(1).

Les deux adversaires se saisissent alors corps & corps, Ils

lancent le feu par la bouche et se battent avec une fureur

extrême; leurs pieds creusent d'immenses sillons dans la

terre comme cela se voit encore près de la mission où l'on

montre de profondes excavations faites par ies pluies.

Enfin les deux adversaires ne purent se vaincre. Change

épuisé de fatigue, honteux et furieux, frappa )a terre du

pied, redescendit chez les morts et passa de là dans t'O-

lympe supérieur. Oya (io Niger) resta à Lokoro où on lui

bâtit un temple. La déesse y est représentée par une statue

à neuf têtes, dont i'une est entourée par les huit autres

symbole sans doute du Niger et de ses affluents. !!ouésé a

son temple à l'endroit où i[ descendit vivant dans la terre.

Les féticheurs de Houésé ne peuvent se rencontrer avec

ceux de Change sans se livrer bataille en souvenir de la

lutte mémorable de leurs chefs respectifs chacun des deux

partis soutient que son dieu est le plus fort. Le roi de Por-

to-Novo, pour tout arranger, a défendu aux féticheurs de

Change de franchir les remparts; et ceux de ttouésô doi-

vent rester de l'autre côté, lors des fêtes fétiches.

Les féticheurs de Chango, en souvenir des vertus picardes

de leur maltre, portent un sac, emblème du pillage. A

certaines époques ils peuvent voler les poules et les chè-

vres qu'ils rencontrent dans les rues. Quand une maison

est frappée de la foudre, ils ont droit de la piller et d'impo-

ser une amende aux pauvres incendiés afin d'achever la

vengeance de Change qu'on suppose no frapper de ses

foudres que les coupables. Et, comme preuve do la culpabi-

lité des habitants de la maison, ils cherchent de tous côtés

ta pierre du tonnerre et finissent toujours par la trouver. Ce

n'est pas difficile, ils l'ont apportée avec eux.

(<)QuertterdePorto-Novo.

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A Whydah le tonnerre tomba sur la mission et la réduisit

en cendres les féticheurs de Change exigèrent une forte

amende le P. Borghero, alors supérieur, fut mis en prison

et ne fut relâché que grâce aux négociants'français qui

payèrent l'amende pour la mission.

Les couleurs de Change sont le blanc et le rouge. On lui

offre des poules et autres animaux, même des victimes hu-

maines.

Oya, Ochun, Oba.

Après Chango naquirent Oya, Ochun, Oba, toutes trois

épouses de Chango. Oya (le Niger) a pour esclave ~y~ (le

vent) Quand son mari tonne, elle le précède avec son en-

voyé Aféfé. Oc/m~ et O&a(deux rivières du Yorouba) suivent

leur époux; l'une porte son arc~l'autre son sabre.Enfin Biri,

(lesténèbres) esclave

de Chango, accompagne son maltre,

dont Ara (la

Noudre)

exécute les volontés et les vengeances.

Dada.

Après ces trois déesses naquit Dada (la nature, les végé-

taux). Le symbole du Dieu de la nature est une calebasse

ornée de cauris blancs et une boule d'indigo végétai.

Ochosi,

Ochosi, chasseur, dont le symbole est un arc.

Ajé Chaluga.

AJé Chaluga, le Mercure africain, dieu de la richesse, fils

de l'Océan, a pour emblème un gros coquillage devant le-

quel se font les offrandes pour obtenirdu dieu les richesses

qul,à la Côte des Esclaves, s'acquièrent avec les cauris,petits

coquillages qui tiennent lieu d'or et d'argent. Toutes les

couleurs lui sont consacrées.

Ogun

Ogun (rivière du Yorouba qui se jette dans la mer près

de Lagos), est Je dieu de la guerre et de la chasse. Tout

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morceau de fer peut bsrvir comme son symbole. J'ai vu des

noirs jurer en disant: « Que Ogun me tue si je mens x et ils

embrassaient le fer de leur sabre.Les guerriers,les chasseurs,

les forgerons, et, en général, tous ceux qui se servent ordi-

nairement d'instruments de fer, lui offrent des sacrifices.

C'est plus spécialement le dieu des forgerons, car Ogun est

le Vulcain nègre et fournit à Chango l'éclair, MtfftMtmnna,

et les chalnes de fer rougies au feu que le dieu lance contre

ceux qu'il veut tuer. On offre à Ogun en sacrifice des

animaux, surtout le chien et aussi des victimes humaines.

Oké.

Oké est Dieu des montagnes; son symbole est une pierre.

Oricha-Oko.

Oricha-Oko, le dieu des champs et de l'agriculture,a pour

emblème une longue barre de fer. Ce dieu, le frère et l'ami

de Chango, est très honoré des Noirs et possède un grand

nombre de temples, de féticheurs et de féticheuses. Les

abeilles sont ses envoyées.

C/KtMptMM.

Champana(la petite vérole), est un dieu difforme, malade.

Les dieux étant réunis un jour chez Obatala, le père des

dieux, furent invités à danser. Cbampana trébucha, tomba

et fut exposé aux moqueries de ses sœurs les déesses. Dans

sa fureur et son dépit il voulut leur communiquer la petite

vérole, quand Obatala le repoussa de sa lance et le chassa.

Depuis ce temps il habite les déserts et les forets ses

temples sont toujours bâtis en dehors des villes dans un

bois ou dans un bosquet. Les moustiques et les mouches

sont ses envoyés. Son symbole est un gros bâton tacheté de

rouge et de blanc. C'est de tous les fétiches le plus redouté.

Orun et Ochu.

Orun et Ochu (le soleil et la lune), sont tombés en désué-

tude on ne leur offre plus de sacrifices. Le soleil et la

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lune eurent de nombreux enfants. Les jeunes soleils désirè-

rent suivre leur père, mais, celui-ci, Jaloux de son'pouvoir,

voulut rester seul il se jeta sur ses enfants et chercha &

les tuer tous. Alors ceux-ci se précipitèrent sur la terre et

se refugièrent auprès de lyemoja leur grand-mère. Elle

les changea en poissons et les reçut dans son sein. Quelques

uns restèrent avec elle les autres en grand nombre passè-

rent chez Olosa (la lagune) et chez Oiokun (la mer). Seules,

les filles de la lune trouvèrent grâce devant leur père; elles

accompagnent leur mère pendant la nuit.

Mais il arrive que quelquefois le soleil quitte son chemin

pour poursuivre la lune et ta maltraite. Alors tous les Noirs

sortent, crient, battent du tambour pour effrayer le soleil et

le forcer de laisser la lune en paix, vacarme qui arrive toutes

les fois qu'il y a éclipse de lune.

a File, laisse-la, va-t-en, crient-ils.

Enfin la paix se rétablit dans les cieux au grand conten

tement des Noirs.

3° tFA.

Après avoir énumëré les divinités inférieures, dépendan-tes des deux premières divinités supérieures, nous arrivons

à la troisième. Après Obatala et Odudua, Ifa est le fétiche

le plus en honneur parmi les Noirs. Il est le révélateur

des événements futurs, le patron du mariage et de la

naissance. On l'appelle aussi Dango (le dieu des noix

de palme), parce qu'on emploie 16 noix de palme pourconsulter le dieu et obtenir une réponse. La ville sacrée

d'Ifa est Ado située sur un immense roc.

On ne fait rien sans le consulter et on agit toujours d'aprèssa réponse. Il est le messager et t'interprète des dieux;c'est par son ministère que les fétiches manifestent leur

volonté et que les hommes leur font connaitre leurs besoins.

La légende fait sortir Ifa de la ville d'ifé, mals elle

n'indique pas clairement son père et sa mère; it semble

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qu'il fut, comme les autres, fils d'Obatala et d'Odudua.

C'est le bienfaiteur de l'humanité, le dieu de la'sagesse. Il

quitta la ville d'Ifa qui ne voulut pas l'écouter, et parcourut

la terre pour instruire les hommes dans les arts et surtout

dans la connaissance de l'avenir. On raconte aussi de lui

plusieurs épisodes qui montrent que, s'il était le dieu de la

sagesse, il n'était pas le dieu de la chasteté. Du reste l'im-

moralité est le caractère distinctif des dieux païens.

Après bien des pérégrinations et des aventures, Ifa se

nxa enfla & Ado, et planta sur le rocher une noix de palme

qui produisit seize palmiers sur la même tige.

La légende rapporte que, lorsque Olokun, lo dieu de la

mer, eut détruit presque tous les hommes sous les flots, il

n'en restait plus que quelques-uns que Obatala sauva, en

les tirant dans le ciel au moyen d'une longue chalne. Alors,

Ifa et Odudua descendirent sur la terre pour la rendre de

nouveau habitable c'est pour cette raison que If% et

Odudua sont en grande vénération; mais sur ce point les

traditions deviennent vagues et souvent contradictoires.

Une au:re tradition, qui semble n'être que la première

sous une forme différente, rapporte que les premiers habi-

tants du Yorouba, envoyés pour s'y établir (on ne dit pas

d'où ni par qui), furent obligés de marcher longtemps dans

l'eau qui couvrait toute la terre. Celui qui les avait députés

leur avait remis un peu de terre et une noix de palme dans

un morceau de toile et de plus une poule. Quand Us eurent

marché longtemps, comme l'eau occupait toujours la terre,

ils jetèrent dans les ondes la noix de palme, qui aussitôt

produisit un palmier avec s~ze tiges. Les Noirs montèrent

sur l'arbre pour se reposer. Alors ils jetèrent la terre dans

les flots; elle forma aussitôt un monticule sur lequel la poule

s'envola et se mit à gratter et étendre la terre avec ses pattes.

Peu à peu la terre se développa, l'eau disparut; les voya-

geurs purent ainsi continuer leur chemin, et ils arrivèrent

dans le Yorouba où ils s'établirent. On voit dans cette lé-

gende la terre déiBéo,et l'arbre sacré, le palmier, rappelle Ifa.

s

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34-

Voici comment Ifa enseigna aux hommes l'art de consulter

le sort, pour connaître l'avenir et la volonté des dieux.Dans

l'origine, quand il y avait un très petit nombre d'hommes

dans l'univers, Ifa et les autres dieux n'avaient pas, comme

maintenant, abondance de présents' et de sacrifices. Les

dieux étaient obligés de s'ingénier pour satisfaire leurs

désirs. Ifa, entre autres, se livrait à la pêche. Un jour,

harassé de fatigue, il s'adressa à Elegba qui passait pour

le plus fin et le plus rusé des génies, et en même temps le

plus méchant, car lui aussi souffrait de la disette, en par-

courant les déserts avec ses compagnons les esprits.

Elegba, consulté sur les moyens à prendre pour améliorer

leur position réciproque, répondit que, s'il avait seize noix

des deux palmiers que Olorun Olodoumaré (le dieu tout

puissant) avait conBés .a la garde des hommes, il pourrait

lui enseigner l'art de connaltre l'avenir et de rendre les

dieux favorables,afin d'avoir une part dans les sacrinces qui

leur seraient offerts. Mais, avant de lui livrer son secret,

Elegba stipula qu'il aurait lui-même les prémices dans les

sacrifices offerts aux dieux. Ifa accepta ces conditions, et

promit de faire respecter la volonté d'Elegba. Cet usage se

pratique encore aujourd'hui.

Ifa s'en alla donc trouver Orungan, le chef des hommes,

et lui fit comprendre tout l'avantage qu'il y aurait & con-

naltre l'avenir et la volonté des dieux et à s'attirer ainsi

leur faveur et éviter leur colère. Le chef se laissa gagner;lui et sa femme Arichabii coururent cueillir les seize noix de

palme nécessaires à l'opération magique, mais ils ne

purent les atteindra, car les palmiers étaient très hauts.

Dieu leur avait ordonné de bien garder ces deux arbres,

surtout de ne pas laisser les singes y grimper et les endom-

mager. lis se retirèrent à quelque distance et permirentaux quadrumanes de s'approcher pour jeter à terre les seize

noix demandées. Les singes, déjà tentés depuis longtemps

par la vue des seize noix de palme bien mûres, s'élancèrent

d'un bond sur les arbres et commencèrent à manger la

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pulpe rouge qui entoure la noix de palme, jetant à terre les

fruits ainsi dépouillés. Orungan et son épouse les ramas-

sèrent la femme les plaça dans une pièce d'étoffé, en fit

un paquet et l'attacha dans son pagne qu'elle passa

derrière elle à la manière dont les négresses portent leurs

enfants. Puis, tous deux voulurent chasser les singes, mais

ils ne purent y réussir; ceux-ci, repoussés d'un arbre,

sautaient d'un bond sur l'autre, brisant et détériorant à

plaisir ies belles palmes des deux arbres.

Ifa enseigna à Orungan la manière de se servir de ces

noix pour consulter le sort; celui-ci choisit un de ses Mêles

Ochougbolu et lui indiqua la méthode et le cérémonial

à observer dans la consultation de l'avenir. Comme souve-

nir de cette tradition, quand on veut consulter le sort et

fêter Ifa en grande cérémonie dans un bosquet sacré de ce

dieu, la mère ou la femme de celui pour qui on le consulte

porte dans son pagne et sur son dos les seize noix con-

sacrées. Et le féticheur avant de commencer la cérémonie,

salue Orungan et sa femme en disant

« Orungan ajuba ô Orungan, je vous salue. Orichabii

ajubà ô Orichabii je vous salue.

Puis, il fait un sacrifice à Ifa, dont les noix sont le

symbole. Enfin, il place devant lui une planchette, sur

laquelle sont marquées seize figures ayant chacune un cer-

tain nombre de points. Ces figures sont assez semblables

aux cartes à jouer, dont se servent les diseuses de bonne

aventure. Le féticheur les emploie à pou près de la môme

manière, faisant sortir à volonté bon ou mauvais jeu, selon

qu'il le juge expédient pour mieux exploiter le sot qui est

venu le consulter. Quand il a trouvé la figure désirée, il

commence à expliquer si l'entreprise en question réussira

ou non, les sacrifices à faire, les choses à éviter. Il va sans

dire que plus on paie, plus le féticheur est inspiré car il

y a grand et petit jeu.

De tous les dieux Ifa est le plus vénéré, son oracle est

le plus consulté et ses prêtres nombreux forment le pre-

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mier ordre sacerdotal. Ils sont toujours vêtus de blanc et

se rasent la tête et le corps. On offre à Ifa des sacrifices

et des libations, et, dans certaines circonstances graves, on

lui immole des victimes humaines.

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37

!DEMI-DIEUX

Divinisation de l'humanité.

Outre les divinités principales dont nous venons de

parler, beaucoup d'autres de moindre importance ne

sauraient être mentionnées, car le nombre de ces petites

divinités va s'augmentant chaque jour. Une famille s'établit

près d'une rivière, d'une forêt, d'un rocher, d'une mon-

tagne, l'imagination aidant et les féticheurs aussi, on croit

bientôt à l'existence d'un demi-dieu, d'un génie tutélaire

de l'endroit, et alors une nouvelle divinité fait son appari-

tion dans le panthéon nègre, et ne tarde pas à avoir aussi

sa légende.

Le culte des morts a puissamment aidé à augmenter le

nombre des dieux; à la nature divinisée s'est jointe l'huma-

nité.Un ancien, sur le tombeau duquel ses descendants ont,

de génération en génération, offert des offrandes et des sa-

crifices, finit par être adoré, comme une divinité locale, dont

l'originedevient de plus en plus obscure, et, par conséquent,

de plus en plus vénérable. Cela est arrivé à Porto-Novo

pour les chefs de famille de plusieurs quartiers de la ville,

dont les habitants actuels descendent.

Les noirs ont aussi accordé les honneurs divins à des

hommesqu'ils croient avoir été élevés, après leurmort,àun

degré de puissance qui les rend égaux aux dieux. Cet

honneur est accordé, non à ceux qui se sont rendus

célèbres par leurs vertus et leurs bienfaits, mais à des scé-

lérats devenus odieux par d'énormes forfaits, souiMés de

toutes sortes de crimes et d'infamies. Ce sont pour la plu-

part des rois et des princes pillards, ravageurs, qui ont

dévasté des contrées, détruit des villes entières, qui

étaient la terreur de tous leurs sujets et de leur propre fa-

mille.

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Tel est Ajahuto,qui a son temple dans le palais du roi de

Porto-Novo; c'est un de leurs anciens princes; i! tua son

beau-père.Une jeune Sile est préposée à son culte, elle doit res*

ter vierge à perpétuité; elle a le pas sur tous les chefs

de Porto-Novo; elle seule ne se prosterne pas devant le

roi; elle prend soin du temple du demi-dieu auquel elle

offre des sacrifices. La dernière a été exécutée pour avoir

manqué à son devoir; on n'en a pas encore trouvé une autre

pour la remplacer~ Chaque année, on immole des victimes

humaines à Ajahuto.Un autre demi-dieu, fameux au Dahomey, est Adanlosan,

encore un roi célèbre. Les noirs soutiennent qu'il n'est pas

mort, mais qu'il est devenu fétiche de son vivant et vient

souvent habiter son palais d'Abomé. Le roi actuel se garde-rait bien de rien faire sans le consulter; lui et iosféticheurs

savent à quoi s'en tenir.

Adanlosan était un chef d'une grande cruauté et en même

temps un terrible guerrier. C'est lui qui ferma avec des pa-niers remplis de sable l'embouchure par laquelle les eaux

du grand lac Nokumé se jetaient dans la mer à Kotonou,et les força d'aller par la lagune se décharger auprès de

Lagos. Sur la digue ainsi construite il passa avec son

armée et détruisit la ville de Tocpo, non loin de Badagry.La mission a établi une belle ferme sur les ruines de cette

cité.

Ce roi finit par se rendre si odieux à sa famille et à ses

sujets, que les anciens résolurent de s'en défaire.

L'occasion s'en présenta de la manière suivante. Unjour,un enfant, le fils de son frère, jeta, en s'amusant, une pierre

qui retomba sur Adanlosan. n ordonnaaussitôt do couper la

tête au coupable.Sonpère suppliait et implorait son pardon,ainsi que tous les assistants le roi demeurait inflexible

et commandait d'exécuter ses ordres. Alors le père de

l'enfant se jette sur le chef, le renverse de son siège une

lutte s'engage, mais le tyran détesté de tous est abandonné

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on lui attache les pieds et les mains et on l'enferme vivant

dans une petite case du palais. On mura l'entrée et on le

laissa mourir de faim. Le bruit fat ensuite répandu que le

roi, se faisant vieux, était devenu fétiche et s'était enfermé

dans la case, pour rester au milieu de son peuple et le

protéger.Le culte et les hommages rendus aux morts sont en tout

semblables &ceux des fétiches. Ils ont leurs temples, leurs

prêtres; on leur offredes sacrifices, quelquefois des sacri-

fices humains.

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-40-

I!f.–GÉNIES

Après les dieux et les demi-dieux, viennent les esprits oo

génies. Les génies sont très nombreux; les uns sont bons,les autres méchants. Un certain nombre servent de messa-

gers aux dieux et aux demi-dieux; quelques-uns sont con-

sidérés comme presque aussi puissants que les dieux mê-

mes, et ont autorité sur des esprits moins éiovés quisont leurs envoyés; ceux-ci, à leur tour, commandent a

d'autres, d'après une hiérarchie qui n'est pas bien dénnie.

Les forêts et les déserts sont la demeure la plus ordi.

nairo des esprits.

DONSGÉMBS

Les bons génies ou génies protecteurs sont ceux qu'onconsidère comme bien disposés en faveurde l'homme. Ilssont députés par Obatala, le père des dieux, pour

prendre soin de différentes parties de l'univers. Quoiquebons, ils sont sujets à se fâcher; Us sont d'humeur très

changeante et d'un service difficile.

Aroni,

Aroni est le génie des forêts. On le dit aussi habite

en médecine. Il n'est pas très bon, 11est surtout très capri-cieux et redoutablepour ceux qui ne connaissent pas son

caractère. Ce génie apparalt sous la forme humaine aveo

une tête de chien et un seul pied. D'autres fois,il manifeste

sa présence par un tourbillon de vent qui traverse la forêt

et soulève les feuilles sur son passage. Quiconque le ren-

contre dans la foret et a le malheur de fuir est dévoré.

Mais, pour celui qui reste ferme et le regarde sans crainte,le monstre devient doux comme un agneau. H conduit

l'heureux mortel dans son palais au fond des bois; là,pendant plusieurs mois, Uprend le plus grand soin de son

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hôte, lui enseigne toutes sortes de remèdes, lui indique

les propriétés des écorces et des racines, le reçoit enfin.

docteur en médecine et lui remet comme diplôme un poilde sa queue.

J'ai vu, un jour, unvieux féticheur qui se disait disciple

d'Aroni il me montra son diplôme, un gros poil qui venait

du dos de quelque sanglier. II se disait instruit en toutes

sortes de médecine et voulait me guérir de la Nëvre pour

toujours, assurant que je serais fort dorénavant comme

le bois de fer, et que je vivrais jusqu'à tomber de vé-

tusté, comme un vieux tronc d'arbre, couvert de mousse.

Le coquin ne demandait pas cher seulement deux sacs.

de cauris pour sa nourriture, pendant les deux semaines

qu'il lui fallait passerdans la forèt.aûn dese procurer toutes

les racines et écorces nécessaires pour me ligniuer; plus un

sac de cauris, pour acheter un pot tout noir et tout neuf; un

mouton pour consacrer le pot par un sacrifice solennel, et

enfin, naturellement, une bouteille de rhum,pourlui donner

la forcede gambader devant le pot, pendant la macération

mystérieuse. Je renvoyai ce fourbe avec ses promesses,sa médecine et son diplôme, en lui conseillant de faire le

remède, pour rajeunir sa vieille peau ridée. Il s'en alla en.

ricanant.

.EMda.

Chaque homme a trois génies ou esprits protecteurs. Le

premier est Eléda;iiason séjour dans la tête qu'il doit

guider. On lui offreen sacrifice une poule; on se met sur

le front un peu de sang du volatile, môlé à de l'huile. C'est

la portion du génie, puis onmange la poule.Un petit paquetde cauris blancs est son symbole.

Cj/e/tMttou Opin ~Mtt.

Ce deuxième génie a fixé son domicile dans les régionsdu ventre. C'est de tous le plus favorisé, et celui dont les

noirs prennent le plus grand soin par suite de sa position.

Opin ijélaun, dont le nom signine e Celui qui a part à la

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nourriture c, est aussi le génie conservateur du feu; il ne

permet pas que ce précieux élément, qui sert à préparer

les aliments, se perde jamais. Naturellement, il y trouve

son avantage.

Son messager est Ebi (la faim). Quand le noir s'aban-

donne à la paresse, Ebi lui pince le ventre, et le nègre fai-

néant est obligé de se mettre au travail, pour gagner de

quoi satisfaire Ebi et son mattre. li n'est pas rare de

voir des Noirs qui demandent à manger, en montrant leur

estomac vide et en disant « Ebi pa mi. Ebi me tue

Naturellement, on n'offre pas de sacrifice particulier à

Ojéhun; chaque jour, il est aussi bien servi que la richesse

du noir le permet.

~Ot't.

Ipori, le troisième génie protecteur de l'homme, a établi

son séjour dans les grands orteils des pieds. Ce génie est

le plus mal partagé: on lui offre bien rarement des sacri.

Bces cela arrive seulement quand le noir va entreprendre

un important voyage. Alors il fait fétiche à son grand orteil;

un peu de sang de poule et d'huile et le génie est satisfait.

Le noir part alors avec ses trois génies; il ne peut manquer

de rapporter intacts sa tête, son ventre et ses pieds.

Alaroyé.

Alaroyé est le protecteur du foyer; il a la garde de la

case. Armé d'un bâton ou d'un sabre selon la fantaisie du

mattre, il a pour office d'éloigner de la maison les mauvais

esprits, et, en partioutier,le terrible Elegba, qui stationne à

la porte sous un méchant toit de paille.

Osanyin.

De tous les génies, le plus estimé et le plus consulté est

Osanyin, le génie de la médecine. Son symbole, une

tige de fer surmontée d'une figure d'oiseau, se trouve

placé dans les cours de toutes les maisons, générale-

ment au pied d'un arbre. Quand le féticheur le consulte,

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le génie répond d'une voix assez semblable à celle d'un

poussin ou d'un petit oiseau. Naturellement, c'est le féti-

cheur qui fait et la demande et la réponse. Le rusé com-

père ne manque pas d'y mettre une certaine adresse.

Un jour étant en voyage, je m'étals retiré dans une ca-

bane fétiche pour me reposer; trois autres petites cabanes

étaient à côté de la mienne, dans le même bosquet sacré,

non loin d'un village appelé Ipobita. A peine étais-je ins-

tallé qu'une bande de Noirs et un féticheur arrivèrent ils

venaient consulter le dieu du génie de la médecine,pour un

pauvre hydropique. Le malade et les autres profanes res-

tèrent en dehors du bosquet, et le féticheur entra dans une

des petites cases sacrées, proche de celle que j'occupais.

Il parait que le génie était en promenade dans la forêt voi-

sine,car le féticheur commença, pour l'appeler, par tirer des

sons désagréables d'une vieille clochette de fer. Après

quelques coups de cioehette.on distingua un petit sifflement

dans le lointain. Peu à peu, il se rapprocha jusqu'à ce

qu'enfin il se fit entendre dans la case même ou était le

fétieheur. Alors un dialogue commença; le génie sifflait, le

sorcier répondait il expliqua enfin aux fidèles couchés en

dehors, le visage contre terre, ce que le dieu disait. Le

génie médecin demanda d'abord cher, pour guérir le ma-

lade. Celui-ci répondit qu'il ne pouvait pas payer, qu'il

était pauvre, qu'il avait déjà dépensé beaucoup et qu'il ne

pouvait plus travailler. Après beaucoup de pourparlers, le

tout s'arrangea, et le féticheur sortit content de son temple.

On but force vin de palme; le génie en reçut à lui seul une

pleine calebasse qui fut répandue devant son symbole. Les

fétioheurs produisent leur sifflement au moyen d'une feuille

ou d'un brin d'herbe placé entre la lèvre inférieure et les

dents.

Aidowedo.

Un génie en très grande vénération à Porto-Novo est

Aïdowedo (l'arc-en-ciel). Dans le Yorouba, il se nomme

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Ochoumaré. Les temples, dédiés à ce génie, sont peints

avec les couleurs de t'aro-en-cie), et, au milieu du prisme,

-est dessiné un serpent.

Ce génie est ungrand serpent. Quand il apparaît, c'est pour

boire, et alors, il appuie sa queue sur la terre et plonge sa

gueule dans l'eau. Celui qui trouve les excréments de ce

serpent est riche pour toujours, car il peut avec ce talisman

-changer les grains de maïs en cauris.

Les Noirs en sont fermement persuadés. Un jour, pour

détromper mes petits négrillons, je leur expliquai la manière

dont se forme l'arc-en-ciel, en reproduisant les couleurs au

moyen d'un prisme. Un grand nègre qui se trouvait là,

-en voyant briller les couleurs dans le prisme, sans faire

attention à mes explications, crut qu'avec ce morceau

de verre je faisais descendre l'arc-en-ciel à volonté. Il se

contirma encore davantage dans sa croyance et raconta

qu'il savait maintenant comment, sans faire de négoce,

nous avions des cauris pour acheter de la nourriture et

bâtir des maisons car, disait-il, ii m'avait vu faire entrer

Ochoumaré dans ma chambre. Bientôt, plusieurs Noirs

vinrent me supplier de leur donner un peu des précieux

excréments. J'eus toutes les peines du monde à m'en

débarrasser et ils s'en allèrent persuadés que je voulais

garder pour moi seul la susdite substance.

Chez les Yoroubas, le boa constricteur nommé Eré est

considéré comme le messager de ce génie-serpent.

Quand un boa a été déclaré messager du dieu, il n'est

pas permis de le tuer; au contraire, on doit lui faire des

présents. Des feuilles du palmier fétiche d'Ifa indiquent aux

dévots le repaire que le monstre a choisi pour sa demeure.

Malheur à la case qui se trouve dans son voisinage, car

poules, chèvres, moutons, et même, les petits enfants sont

<n grand danger.

Une de ces divinités subalternes, chassée par un

incendie, qui avait pris dans les broufsaiUés, choisit son

nouveau domicile dans un bosquet, proche de la maison

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d'un de nos chrétiens. Le féticheur du voisinage déclara

que le serpent était sacré, mit les feuilles du palmierdevant le bosquet, le proclamant aussi bosquet sacré. LesNoirs des environs offrirent quelques poules en sacrifice au

nouveau dieu. Mais les sacrifices étaient rares le dieu

sortait, la nuit, de son repaire, et tout animal, qui n'avait pasété bien enfermé, était dévoré le jour, toute poule ou

chèvre, qui s'approchait trop près du bosquet, payait de la

vie sa témérité. Mon chrétien n'osait se défaire de son

voisin, il en avait une certaine peur superstitieuse. Je lui

conseillai de faire aumonstre un sacrifice difficilea digérer;

par ce moyen il en fut débarrassé.

Au Dahoméet à Porto-Novo,un boa d'une petite espèce.très inoffensif et sans venin, appelé d<nt~ (dan serpent,gbé vie), est consacré &ce génie et considéré comme son

messager. Ce serpent a ses temples et ses fétteheurs, il est

défendu de le tuer, sous les peines les plus graves, et, sansles cochons, race peu superstitieuse, qui en dévorent un

grand nombre, il ne serait pas possible de garder d'ani-maux domestiques.

Dangbé, à son tour, a pour messagers, pour les petitesbesognes sans doute, les termites. On voit souvent un

monticule de termites, entouré de feuilles de palmier, pourIndiquer que ses habitants sont actuellement au service de

Dangbé. Peut-être, un Noir aura aperçu un serpent sortird'un trou du monticule; vlte,le fait aura été rapporté au féti-

cheur, qui aussitôt sera arrivé avec ses feuilles de palmier.

MAUVAtSGÉNŒS.

B<6~6«ou Ee~OM.

Le chef de tous les mauvais génies, le plus méchant et le

plus redouté, est Eohou, mot qui signifie le rejeté on lenomme aussi le Elegbaou Elegbara, le fort, ou bien encore,Ogongo Ogo, le génie au bâton noueux.

Pour se prémunir contre sa méchanceté, le Noirplace danssa maison l'Idole de Otarozé, génie protecteur du foyer, qui,

4

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armé d'un bâton ou d'un sabre, en garde rentrée. Mais, afin

de se mettre & couvert des cruautés d'Elegba, si l'on est

obiigé de vaquer à ses affaires au dehors, on ne manque

jamais de lui donner sa part dans tous les sacrifices.

Quand un Noir veut se venger d'un ennemi, il fait une

copieuse offrande à Elegba et lui présente une forte ration

de tafia ou de vin de palme. Elegba devient alors furieux

et, si l'ennemi n'est pas bien muni de grigris, il est en grand

danger.

C'est ce mauvais génie qui, par )ui-méme ou par ses

compagnons esprits, pousse l'homme au mal et, surtout,

l'excite aux passions honteuses; souvent, j'ai vu des Noirs

qui, châtiés pour vol ou autres méfaits, s'excusaient en

disant <<~c/fOttl'o ti ~t.' Hchou m'a poussé.

On phico la hideuse image de ce génie malfaisant devant

toutes tes maisons, dans toutes les places et sur tous les

chemins.

Elegha est représenté assis, les mains sur les genoux,

dans une complète nudité, sous une espèce de toiture en

feuilles de palmier; l'idole est en terre, de forme humatne,

avec une énorme tête des plumes d'oiseaux représentent

ses cheveux deux cauris forment les yeux, d'autres les

dents, ce qui lui donne une apparence horrible.

Dans les grandes circonstances, on l'inonde d'huile do

palme et de sang de poule, ce qui lui donne encore une ap-

parence plus hideuse et plus dégoûtante. Pour achever de

décorer dignement l'Ignoble symbole du Priape africain, on

place auprès de lui de vieux manches de pioche ou de gros

bâtons noueux. Les vautours, ses messagers, viennent heu-

reusement manger les poules, les chiens et autres victimes

qu'on lui immole et dont sans eux l'air serait Infecté.

Son temple principal est à Woro près de Badagry, au

milieu d'un charmant bosquet fétiche, sous des palmiers et

autres arbres de toute beauté. Près de la lagune où se tient

une grande foire, le sol est Jonché de cauris que les noirs y

jettent, comme ofil'ande à Elegba, afin qu'il les laisse en

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repos. Une fois chaque année, le féticheur d'Elegba ramasse

les cauris pour acheter un esclave, qui lui est sacriné, et de

l'eau de vie pour activer les danses; le reste est pour le

féticheur.

Le trait suivant montre l'inclination d'Elegba a faire !e mal.

Jaloux de la bonne harmonie qui existait entre deux voi-

sins, il résolut de les désunir. A cet effet it prit une calotte

d'une blancheur éclatante d'un côté et complètement rouge

de l'autre,puis s'en alla passer entre eux,tandis qu'Us étaient

à cultiver leurs champs. Il les salua et continua son chemin.

Quand il fut passé, l'un d'eux dit

Quelle belle calotte blanche n

a Pas du tout, dit l'autre, c'est une magnifique calotte

rouge." D

De là, entre les deux anciens amis, la dispute devint si

vive, que l'un d'eux exaspéré brisa la tête à l'autre d'un

coup de pioche.

C/tOttj/OKjoK.

Quand les Noirs veulent garder un endroit et en inspirer

la terreur, afin que personne n'en approche la nuit, les féti-

cheurs se rendent en ce lieu, font en. terre un trou peu

profond dans lequel ils immolent aux mauvais esprits soit

une poule, soit un autre animal, souvent même une victime

humaine, afin d'avoir un esprit plus, fort et plus méchant.

Ils recouvrent la victime de terre massée de manière à

former un tumulus rond au sommet duquel on place un pot

pour la pitance à offrir aux esprits. Ceux-ci sont alors

dûment installés et gardent le poste. Les noirs redoutent

beaucoup les Chougoudous, il ne veulent pas passer la nuit

auprès des endroits où ils se trouvent, de peur d'être mal-

traités par les esprits. Le palais du roi de Porto-Novo est

sous la haute protection d'un Chougoudou.

G~ttM des arbres.

L'iroko et plusieurs autres espèces d'arbres sont regardés

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comme le séjour d'esprits mauvais. L'arbre, désigné comme

hanté par un esprit., est marqué par une ceinture de feuille's

de palmier; un sentier conduit près de lui et on dépose

contre son tronc des pots de terre et des ossements. Grâce

à cette superstition, les beaux et grands arbres qui ornent

les villes et villages africains sont épargnés. Cependant,

si l'on en désire un et qu'il ne soit pas dans la ville, on

peut, avec des sacrifices en poules et huile et moyennant

Hnances, faire déguerpir le génie et l'installer ailleurs. Si

un Noir va dans la forêt et veut couper un des arbres que

les génies choisissent d'ordinaire, dans la crainte de l'es-

prit mauvais, le Noir fait fétiche à son bon génie en met-

tant un peu d'huile sur son front et ensuite coupe l'arbre

sans crainte.

A Porto-Novo, un Européen, qui ne connaissait pas les

usages du pays, ut abattre un grand arbre qui le gênait

pour construire. Le Noir qui exécuta ce travail crut que le

Blanc avait l'autorisation et que la cérémonie du transfert

avait eu lieu; il abattit l'arbre sans s'inquiéter. Mais le roi,

l'ayant appris, sans autre forme de procès, lui fit couper la

tête, disant que, si le Blanc ne connaissait pas les usagés

du pays, le Noir devait les connaitre.

Les Noirs croient que des sorciers nommés Ajé se réu.

nissent la nuit au pied de ces arbres pour vénérer l'esprit

qui y réside. Quand ces sorciers veulent se venger, l'esprit

met à leur disposition son messager, l'oiseau de nuit, le

hibou, qui,dirigé par un esprit inférieur, va dans la demeure

de la personne qu'ils veulent faire mourir et lui dévore le

cœur, pendant la nuit. Si cet oiseau est vu dans une mai-

son, c'est qu'il est chargé de tuer quelqu'un si on peut le

saisir, on lui brise les pattes et les ailes et on croit ainsi

faire le même mal au sorcier'qui l'a envoyé.

Cette superstition est l'une des plus enracinées dans la

tête des Noirs elle est la cause de.bien des vengeances et

de bien des crimes nos chrétiens eux-mêmes s'en laissent

difficilementdébarrasser.

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AMttE FÈtf :n6.

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Les vieilles femmes surtout sont souvent accusées d'être

ajé. On voit beaucoup de pauvres vieilles qui ont à subir

l'épreuve de Oncé, sont condamnées à mort et exécutées

la nuit suivante. Le plus curieux, c'est que souvent elles

croient réellement avoir commis le crime qu'on leur repro-

che. Sans doute que, pour se venger ou pour gagner une

somme d'argent, elles sont allées au pied de l'arbre sacré

demander au génie d'envoyer son messager tuer celui-ci ou

celle-là et, quand la victime est morte, elles croient que

l'oiseau lui a mangé le cœur petit à petit.

Chez les Noirs la magie blanche, dont le but est de faire

du bien, détourner le mal, guérir les maladies, est permise,

mais la magie noire ou malfaisante est défendue sous peine

de mort. Tout individu accusé de magie noire et trouvé

coupable, suivant les épreuves du pays, est exécuté et les

bourreaux lui mangent le cœur comme peine du talion.

Souvent, les Noirs n'attendent pas l'épreuve judiciaire pour

se venger. Dans un petit village près de Lagos, dernière-

ment,une vieille femme a été tuée avec une cruauté inouïe

par un nègre et une négresse qui l'accusaient d'être ajé, et

d'avoir, par l'office du hibou, dévoré.le cœur de leurs en-

fants.Tous les Noirs sont convaincus que la vieille était sor-

cière, et cette croyance assure l'impunité des meurtriers.

~&)'Ai<.

Il y a un autre génie nommé Abiku; au lieu de se per-

cher sur les arbres, il fixe son séjour dans le corps de

l'homme. Les enfants, qui meurent avant l'âge de dix à douze

ans, sont appelés aussi Abiku, et on ne les enterre jamais,

mais ils sont jetés dans les buissons on pense ainsi punir

l'enfant et l'esprit.

Il y a un grand nombre d'esprits mauvais nommés Abiku

et Eléré qui habitent les forêts et les déserts, souffrent de

la disette et ont grande envie de jouir des douceurs que les

mortels goûtent en ce bas monde. A cette fin, Ils guettent le

moment de la conception et attendent le passage de Famé

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dans le corps qu'à formé Obatala.L'un d'eux.s'y installe aussi,

après avoir promis aux autres esprits ses compagnons, de

leur faire part des biens, dont il va jouir en ce monde.

Quand un enfant crie et souffre plus que de coutume, les

Noirs croient que les esprits, compagnons de celui qui est

dans l'enfant, le maltraitent,afin d'avoir plus de nourriture.

Si l'enfant devient maigre et chétif, c'est que les mauvais

esprits volent toute la nourriture qu'il mange. Aussi, pour

jouer un tour aux esprits, on leur offre un sacrifice et, pen-

dant qu'ils sont occupés a se repaître des offrandes, on met

aux pieds de l'enfant des clochettes, dont le tintement sufflt

pour éloigner les mauvais esprits et les tenir distance.

Aussi n'est-il pas rare de voir des négrillons dont les che-

villes sont chargées de grelots et autres ferrailles, fardeau

insupportable pour les pauvres petits.

Si l'enfant que l'on considère comme hanté par un

mauvais esprit devient malade et va mourir, sa mère lui

fait des incisions sur le corps et y met du piment, croyant

ainsi faire souffrir l'esprit et le forcer de quitter l'enfant.

Si l'enfant meurt, on jette son cadavre à la voirie pour

être dévoré par les bêtes sauvages; souvent la mère s'a-

charne à mutiler le cadavre du pauvre petit, le frappe il

coups de pierre, lui coupe une oreille, un bras, menaçant

l'esprit s'il revient de le maltraiter; elle l'appelle scélérat.

voleur, etc.

Ce qui accrédite encore cette erreur, c'est qu'il arrive

quelquefois qu'un autre enfant en naissant porte les

marques des blessures faites au cadavre de son aîné et cela,

parce que l'image de l'enfant mutilé est restée gravée dans la

mémoire de la mère; mais les Noirs ne veulent pas de cette

explication et gardent leurs superstitions que les féticheurs

ont tout intérêt à accréditer.

Ces esprits mauvais ont un très grand pouvoir sur loi-

corps qu'ils possèdent. On raconte à ce sujet qu'une femme

avait un tout petit enfant, qu'elle avait l'habitude de laisser

dans sa case sur une natte lorsqu'elle allait au marché.

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–59–

Or, arrivait que, la porte étant bien fermée, sans aucune

effraction, tout ce qu'elle laissait de nourriture disparaissait.

De plus, une vendeuse voisine lui réclamait des cauris que

son fils, disait-elle, était venu lui emprunter. La négresse

lui fit voir son nourrisson couché sur la natte et trop jeune

pour marcher. La voisine affirmait quand même qu'elle

l'avait vu beaucoup plus grand sortir de la maison, venir

près d'elle pour prendre les cauris, acheter de la nourriture

et rentrer ensuite au logis. Pour approfondir ce mystère,

le père se cacha soigneusement dans la case; quand la

femme fut partie, comme à l'ordinaire, en fermant bien la

porte, le petit se leva, devint subitement un grand gaillard

et se mit à fureter partout, prit les cauris, et se disposait à

sortir, quand le père se montra. A sa vue le drôle redevint

un petit enfant pleurant et gémissant. Tels sont les contes

ridicules qui circulent parmi les Noirs et les entretiennent

dans leurs superstitions.

f&t. i.

Quand une femme a deux enfants jumeaux, on ne les tue

pas à Porto-Novo, comme cela se pratique dans le Benin,

mais les Noirs croient que ces enfants ont pour compa-

gnons des génies semblables à ceux qui animent des sin-

ges d'une petite espèce, très commune dans les forêts de

la Guinee.Quand ces enfants seront grands, Us ne pourront

pas manger de la chair de singe et, en attendant, la (mère

fait des offrandes aux singes de la foret, leur porte des

bananes et autres friandises pour les adoucir.

Un des enfants jumeaux est-il malade, la mère consulte

le féticheur qui invariablement ordonne de faire un sacri-

flce en règle aux esprits, afin qu'ils le taissent en repos. La

négresse, ayant son panier bien rempli de boissons, noix de

colas, bananes et autres friandises qu'aiment les esprits,

s'en va avec ses compagnes et le féticheur faire son of-

frande. On la dépose au pied d'un arbre; le féticheur évo-

que les esprits et, quand ceux-ci manifestent leur présence,

Page 65: Baudin, Noël (1844-1887). Fétichisme et féticheurs. 1884.

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on se retire pour les laisser manger en paix. Après quelque

temps, on vient voir, si les génies ont trouvé l'offrande à

leur goût. Lorsque tout a disparu, heureux présage pour la

santé de l'enfant L'esprit, qui accepte le sacrifice, est bien

entendu un esprit en chair et en os qui, prévenu à temps,

s'était caché près d'un endroit convenu.

.HartMCttatte( génie dM sautel'elles,

Le génie de I~larmatan nommé Oyé, habite avec le génie

des sauterelles, dans le grand temple officiel d'Elegba,

chef des mauvais génies. Ce palais est élevé sur le mont

Igbeti, près des rives du Niger. Chaque année, le grand fé-

ticheur d'Eiegba ouvre les portes de bronze du temple

et offre ua sacrifice solennel à tous tes génies et à leur

chef. Alors l'Harmatan sort et couvre toute la terre; les

sauterelles prennent leur volée, où les esprits les poussent;

puis, sur les ordres du génie Oyé, Harmatan et sauterelles

rentrent dans le temple.

G<;t!t'ede Togo.

Il y a près de Porto-Novo une lagune appelée Togo qui

servait aux épreuves judiciaires du temps des anciens rois.

Aujourd'hui elle a beaucoup perdu de son crédit; Oncé l'a

remplacée.

L'épreuve consistait à conduire l'accusé au milieu de la

lagune dans un endroit connu du féticheur préposé à ce

service. L'accusé était jeté dans l'eau s'il surnageait, on le

mettait dans la pirogue et il était déclaré innocent s'il ne

reparaissait pas, on disait que le génie de Togo l'avait tué

et le lendemain son cadavre était auprès de la rive sur une

estrade en bambous, où le dieu l'avait placé.

Voici la légende accréditant cette croyance. Une pauvre

négresse allait ramasser du bois sur les bords de la lagune

pour avoir de quoi se nourrir, elle et ses deux enfants. Mais,

malgré tout son travail, elle ne parvenait que difficilement à

soutenir sa malheureuse existence elle s'épuisait pour ses

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deux charmants négrillons qui, ignorant les misères de

leur mère, s'amusaient sur les bords de la lagune. Un

jour, la négresse n'aperçut, plus ses chers enfants; inconso-

lable, elle parcourut les environs, les cherchant de tous

cotés; mais en vain faisait-elle retentir les airs de leurs

noms. Sa douleur ne se calmait pas avec le temps et chaque

jour elle venait pleurer sur les bords de la lagune. Le génie

de Togo fut touché de sa douleur. Un jour, à son grand

étonnement, elle voit venir à elle ses deux chers enfants, te

corps à demi plongé dans les ondes et nageant à la manière

des poissons.

« Mère, lui dirent-its, ne pleure plus, car nous sommes ici

bien heureux. Le dieu de la lagune a eu pitié de toi, qui ne

pouvais plus nous nourrir,et nous a pris dans sa demeure où

nous avons du poisson et de la nourriture en abondance.

Nous sommes dans une belle case, au fond des eaux;

les poissons s'amusent autour de nous, et, chaque jour,

nous faisons fête. Va dire au roi que le dieu de Togo

veut qu'on lui élève un temple sur le bord de la lagune, dont

il est le gardien, et qu'on lui offre des sacrifices. Le dieu, en

retour, lui fera connaître l'innocence ou la culpabilité des

accusés dans les cas douteux. Car, tout accusé qui sera jeté

dans la lagune, s'il est innocent, ne sera pas tué; mais le

coupable sera tralné au fond des eaux et son cadavre préci-

pité sur le rivage.

Autrefois, les lagunes s'ouvraient, chaque année, et tout

le monde allait offrir des présents et des sacrifices aux

dieux et aux déesses, qui venaient s'amuser dans la magni-

fique case du dieu des eaux. Des lagunes on passait dans la

mer et, après avoir bien dansé et s'être bien divertis, les

hommes revenaient chez eux, et la mer et les lagunes se

refermaient. Mais, depuis que le mensonge est descendu en

ce monde, la mer et les lagunes ne s'entrouvrent plus H

faut se contenter d'offrir des sacrifices aux dieux, et sur les

bords des eaux, dans les temples élevés en leur honneur.

Une autre légende accuse un roi méchant du Dahomey

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–C2–

d'avoir mis (In aux communications des mortels avec laâ

immortels. Tous les dieux et déesses assemblés s'amu-

saient et dansaient, quand ce roi ordonna à ses amazones

de saisir les déesses, pour les'amener à Abomé et les incor-

porer dans leur régiment. Mais, lorsque les amazones se

précipitèrent sur les déesses pour les saisir, tout disparut,

les divines danseuses s'étaient changées en gouttes de

rosée. Depuis ce temps, on est privé en ce bas monde de

la vue des immortels.

Pouvoir divinifé.

Chez les Noirs de la Côte des Esclaves, le pouvoir est

divinisé, les rois sont regardés comme descendants des

demi-dieux et, à leur sacre, sont initiés aux secrets du

sanctuaire nègre. Le blanc, couleur officielle du premier

ordre sacerdotal, est aussi la nuance de leurs vêtements.

Pour faciliter le gouvernement et rendre la justice sans

conteste, les Noirs ont, de temps immémorial, fait intervenir

la religion, sous différents noms; ils ont divinisé le pouvoir

exécutif et vindicatif, de sorte que, c'est à des êtres surna-

turels que le Noir croit avoir affaire, soit comme juges, soit

comme exécuteurs de la vindicte des lois qui, elles aussi,

sont censées descendre des dieux.

Le pouvoir vindicatif est déifié dans le Yorouba, sous le

nom de ~x~MK (les ossements ou les morts). L'Egungun

apparalt dans les rues, sous la forme d'un démon fantasti-

quement habillé et masqué, qui marche ridiculement, en

faisant entendre un son sourd et discordant; de temps

en temps, il change de masque, et prend tantôt la figure

d'un chien, tantôt celle d'un singe. L'Egungun est censé

venir de l'autre monde, pour voir ce qui se passe dans.

celui-ci et emmener avec lui quiconque s'avise de troubler

les vivants.

Quand, dans une maison, il y a éu un d6oës,Egungun et

ses compagnons, accoutrés comme lui, ne manquent pas de

venir saluer les parents du mort et de leur en apporter des

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nouvelles, les assurent qu'il est bien, qu'il a franchi heureu-

sement le terrible passage et est arrivé sans encombre

dans le pays des morts. On comble de présents le charitable

Egungun et ses satellites; Hs sont invités à se reposer;

on met dans une chambre de la nourriture et surtout une

bonne ration de tafia ou de vin de palme et on se retire,

car on ne peut voir manger ies morts sans mourir. Egungun

et ses compagnons, comme les autres esprits noirs, ont

très bon appétit; quand ils ont bien bu et mangé, ils partent,

en remerciant par do sourds grognements les parents

du mort qui les chargent de faire des compliments & leur

cher défunt; de nouveaux grognements indiquent que la

commission sera faite.

Le coupable, après avoir été condamné à mort, est livré

aux Egungun.Ils lui coupent la tète qu'ils promènent par les

rues de la ville; le cadavre est jeté dans les broussailles et

ne peut recevoir la sépulture, à moins qu'il ne soit racheté

par les parents. Personne ne doit porter la main sur les

Egungun, pas même le roi; quant aux femmes, il leur est

même interdit sous peine de mort de dire ce qu'elles en

pensent.

Oro.

Chez les Egbas, le pouvoir vindicatif est déifié sous le

nom. d'Oro (tourment). Sous peine de mort, toutes les fem-

mes, Jeunes et vieilles, sont tenues de croire qu'Oro est un

puissant esprit qui habite le firmament en compagnie de

beaucoup d'autres génies. Il va sans dire qu'on ne demande

que la foi extérieure, c'est-à-dire que les femmes doivent

taire co qu'elles pensent. Quant aux hommes et aux jeunes

gens, tous savent à quoi s'en tenir.

Un accusé est-il condamné a mort, on le livre Il Oro qui

l'avale, et le lendemain, on voit les vêtements du malheu-

reux nottor sur la cime d'un arbre élevé; Oro les a laissé

là on remontant dans les airs, après avoir coupé toutes les

branches de l'arbre.6

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Quelquefois on entend tout à coup,à travers la ville,la voix

formidable d'Oro et de ses compagnons: c'est que le dieu

est sorti et alors, sous peine de mort, toutes les femmes

doivent se tenir renfermées dans leurs maisons; c'est ainsi

que les palabres peuvent se régler sans les caquets 'inter-

minables des négresses. La terrible voix d'Oro n'est autre

chose qu'un bruit produit en faisant tourner rapidement

une languette de bois attachée à une corde.

Oro, le jour de sa fête, apparalt, sous la figure d'un

monstre de forme humaine, le visage et les lèvres barbouil-

lés de sang. Dans toutes les villes ses rugissements se

font entendre et les Noirs vont faire grande bombance

dans le bosquet du dieu.

Zangbeto.

A Porto Novo, la police sacrée ne sort que la nuit; elle

se nomme Zangbeto (les gens de la nuit qui viennent de

l'autre côté de la mer). Les fonctions des policiers sont les

mêmes que celles de Oro et de Egungun, seulement ils font

encore un vacarme plus affreux; ils imitent la voix de

toute espèce d'animaux avec accompagnement d'un or-

chestre composé de toutes sortes de ferrailles, ce qui pro-

duit une musique infernale, indescriptible. L'esprit, en

revenant de l'autre coté de la mer, marche ridiculement,

fait mille zigzags, affublé d~un grand cône de paille qui le

couvre de la tête aux pieds. Personne alors ne doit sortir

sous peine d'être sévèrement fustigé. A l'époque des cou-

tumes où l'on immole des victimes humaines, les impru-

dents s'exposent à être vendus comme esclaves ou offerts

en sacriBce.

Ogboni.

Parmi les Noirs existe une société secrète dont les

membres sont nommés Ogboni. Cette sorte de franc-ma-

çonnerie dont les adeptes sont très nombreux dans le Yo-

rouba semble avoir pour but de conserver les traditions

anciennes et surtout les coutumes religieuses du paganisme

Page 72: Baudin, Noël (1844-1887). Fétichisme et féticheurs. 1884.

67

nègre. Ce sera plus tard, une terrible barrière devant la

civilisation.

Chez les Egbas qui forment une sorte d'Etats-Unis, une

quasi république, les Ogboni ont plus de pouvoir que le

roi. Cette Société évoque a son tribunal la plupart des

causes.

Les membres se reconnaissent à différents signes, mais

surtout a la manière de se donner la main. La mort et une

mort cruelle attend celui qui viole le secret. Le coupable,

une fois jugé et condamné mystérieusement, est enfermé

dans une chambre étroite; on pratique dans le mur à peu

de distance l'un de l'autre deux trous dans lesquels on

passe les jambes; les pieds sont solidement attachés a l'ex-

térieur à deux pieux; avec un sabre on racie lentement

le devant des cuisses jusqu'à, l'os et il meurt ainsi dans

d'atroces douleurs.

La loge ou case où se réunissent les Ogboni est interdite

aux profanes. D'après ce que j'ai pu savoir.cette Société ne

serait autre chose qu'une institution semblable aux Sociétés

secrètes des peuples parens de l'ancien monde où les adep-

tes étaient initiés aux mystères infâmes de la bonne déesse.

La divinité des Ogboni est Ilé (la terre), un des noms

de Oudoudoua, la grande déesse des Noirs.qui, elle aussi, a

ses rites et ses orgies dans la ville d'Ado où se trouve son

temple officiel.

MhtM.

Les Noirscroient fermement al'immortalité de l'âme, delà

vient que les funérailles sont tout ce qu'il y a de plus im-

portant dans la vie et occasionnent beaucoup plus de dé-

penses que le jour de la naissance ou celui du mariage. La

honte de ne pas faire convenablement les cérémonies des

funérailles est telle que souvent, quand une famille n'a pastes ressources nécessaires pour les frais d'un grand enter-

rement, le cadavre du défunt est enveloppé de nattes et

conservé avec des plantes aromatiques dans un coin secret

Page 73: Baudin, Noël (1844-1887). Fétichisme et féticheurs. 1884.

<j8

de la maison. Point de deuil, de pleurs ni de cris; on tra-

vaille pour se procurer les ressources suffisantes. Quand

tout est prêt, alors éclatent tout à coup les sanglots,les lar-

mes et les cris, comme si un défunt venait de rendre

l'àme, et on procède à l'enterrement de la momie. D'autres

mettent les enfants en gage pour avoir l'argent nécessaire

aux funérailles et les enfants restent esclaves jusqu'à ce

qu'on les rachète en payant le prix stipulé.

Les Noirs sont persuadés que celui qui a reçu les hon-

neurs de la sépulture arrive heureusement dans le pays des

morts appelé o~tw t'efe (le ciel bon) qui, suivant l'opinion

générale, est situé immédiatement sous ce monde, de ma-

ntère que les vivants et les morts correspondent entre eux.

Là les morts mènent une existence a peu près semblable a

la notre, excepté qu'elle est plus triste. Ceux qui étaient

esclaves en ce monde, le sont dans l'autre et ceux qui

étaient rois le sont aussi; ils ont tes mêmes besoins, ai-

ment les mêmes choses qu'ils aimaient de leur vivant.

Tout individu qui meurt sans avoir payé ses dettes ne

reçoit pas les honneurs do la sépulture, si le créancier n'y

consent pas. On place son cadavre sur une claie en dehors

de la ville et les parents ne peuvent lui donner la sépulture

avant d'avoir payé ce qu'il devait.

!1 en est de mcme pour les grands criminels dont le ca-

davre est aussi déposé sur uno claie en dehors des rem-

parts. Si les parents veulent lui faire dos funérailles, ils

doivent le racheter.

Quand quelqu'un meurt loin de son pays, ses parents font

tout ce qui est en leur pouvoir pour se procurer quelque

chose du défunt, si peu de chose que cela puisse être, un

morceau do ses ongles,de sos vûtements,que)ques cheveux,

et sur ces objets ils accomplissent les "itcs funèbres,

tant est grande a leurs yeux la nécessité des funérailles.

Car ceux qui no reçoivent pas les honneurs funèbres ne

peuvent pas aller dans le pays des morts et sont obligés

d'errer c~ et tH dans ce bas monde, exposés ù ûtro saisis

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par les mauvais esprits qui les maltraitent cruellement

et les jettent dans le feu de la grande fournaise appelée

orun-apadi (le ciel des pots cassés), c'est-à-dire un lieu

semblable aux fournaises où les Noirs font cuire leurs pote-

ries, lieu couvert de charbons et de débris des vases qui

ont éciaté pendant la cuisson.

Le principal châtiment qui accompagne la peine capitaleest la privation de sépuiture.Les plus grands scélérats, mal-

gré leurs crimes,ne redoutent rien pour l'autre monde, s'its

obtiennent ces honneurs; car le Noir n'a pas de conscience,tout consiste pour lui à n'étre'pas pris, i) n'a peur que des

châtiments temporels et surtout d'être privé de la sépulture.Pour savoir ce que fait un parent chéri et connaître son

sort dans l'autre monde, on s'adresse au féticheur. Celui-ci

prend un jeune enfant, lui lave le visage avec de l'eau lus-

trale, fait un sacrifice dans un pot neuf et va a minuit au

milieu de la grande place de la ville ou du village. Là, Il

creuse un trou dans la terre et l'enfant regarde dedans.

Alorscet enfantvoit les morts sous terre, observe ce qu'ils

font, entend ce qu'ils disent et transmet tout au féticheur.

Celui-ci,quand il a obtenu co qu'il désirait, lave avec de

l'eau sacrée les yeux de l'enfant qui perd aussitôt le souve-

nir de tout ce qu'il a vu et entendu. Cela montre que les

fétioheurs mettent une certaine adresse à exploiter la cré-

dulité des Noirs. Ordinairement on consulte les morts pardes sacrifices et des offrandes sur leurs tombes.

Mélempsycoa8.

Les Noirs croient que les morts reviennent souvent en ce

monde et naissent de nouveau. J'ai vu un enfant que sa

mère n'osait pas frapper; elle se soumettait à tous ses ca-

prices, car le féticheur avait déclare, le jour de la nais-

sance,que, c'était le grand-père de la mère qui était revenuen ce monde.

A Whydah on jeta dans la lagune un jeune enfant quiétait né avec des dents. Les féticheurs ayant déclaré que

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c'était le père du roi actuel qui était revenu, le roi força son

pèrearetournerchexiesmorts.Dans le temps que j'habitais Porto-Novo, on parlait d'un

nago massacré &la guerre et qui venait, disait-on, de re-

naltre de sa propre femme. L'enfant portait au front la mar-

que de la balle qui avait tué son père; la mèreaffirmait

que c'était bien à la môme place que son mari avait ét6

frappé.

M~MKOfp~OMa.

Parmi les nombreuses légendes qui prouvent la croyancedes Noirs à la métamorphose, j'en citerai deux seulement

Bujé.

Autrefois une négresse se faisait remarquer parmitoutes les autres, car son teint était du noir le plus foncé et

le plus brillant. Bujé était son nom. Tous les riches et les

princes de la contrée la recherchaient en mariage, mais elle

les traitait tous avec un égal dédain. Un jour un nègre des

plus laids, des plus hideux, eut l'adresse d'attirer Bujé dans

sa case et nt courir le bruit qu'elle l'avait accepté pour

époux. Tout le monde le crut et, malgré les protestations de

la belle, on ne lui épargna point les moqueries. Elle s'enfuit

dans les bois et la violencede son chagrin fut telle qu'elle futt

changée en un joli petit arbrisseau qui porte son nomet sertà donner aux femmes à peau noire la couleur d'ébène, per.feotion de leur beauté.

J~tOO.

Une pauvre négresse avait deux enfants qu'elle aimaittendrement. Chaque jour elle allait dans la forêt ramasserdu bois qu'elle vendait pour leur acheter de la nourriture.Tous trois un jour s'égarèrent dans la forêt ils marchèrent

longtemps, mais sans pouvoir retrouver leur chemin. La

faim, la soif, la fatigue forcent les deux enfants à s'arrêter,ne pouvant plus avancer, ils s'étendirent à terre, pleurantse lamentant et demandant de l'eau à leur mère. Ceiie-oi,

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après avoir cherché de tous cOtés, revenait auprès de ces

enfants qu'elle trouva presque mourants. Dans sa douleur

elle s'adressa a 01orun01odumarë,ledieu tout-puissant,

qui l'entendit. La mère, étendue près de ces deux Sis,fut changée en une grande lagune. Les deux enfants purentétancher leur soif, et plus tard Us vinrent s'établir dansce

lieu et donnèrent àla lagune le nom de leur mère: Odo-Iyewa,la lagune de lyewa. Cette lagune se trouve non loin de

Okiadan.

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TV. ZOOLATRIE.

Zoolatrie.

Au culte des dieux et des génies, les Noirs joignent

celui des animaux sacrés. Chaque dieu a un animal favori,

qui lui est dédié et lui sert de messager. Pendant tout le

temps qu'ils sont au service du dieu, les animaux sacrés

sont animés et dirigés par quelque génie inférieur.

Ainsi le caïman est consacré à Osun,'t'épouse de Chango,mais tous les caïmans ne sont pas sacrés; celui-là seule-

ment est sacré ';uo le féticheur désigne comme ayant la

marque qui le fait reconnaitre pour l'envoyé officielde sa

déesse.

Tout autre animal peut devenir sacré et passer pour un

messager divin. Quelque défaut naturel, quelque chose

d'insolite dans un animal suffit pour que les féticheurs ie

déclarent fétiche. Cela ne leur coûte rien et leur rapportemême de beaux profits,

Méponet son &C6X/.

Unboeufque j'avais offert on présent à Mépon, le roi de

Porto-Novo, devint bientôt son favori.Chaque jour le roi lui

donnait une petite ration d'acacia, et le bœuf chaquejour ne

manquait point devenir chercher sa pitance accoutumée.Les

jours de marché il traversait toute la fouledesNoirssansja-mais faire de mataporsonne.et de favoridu roi il était devenu

le favori de tout le monde. Quand Méponfut mort le bœuf

venait commeà l'ordinaire, mais ne trouvant plus sonmaitre,il se mettait à beugler. Les féticheurs en devinèrent la

cause; ils découvrirent que le génie de Méponétait passé dans

l'animal, Dos lors if fut défendu de le molester; it pouvait

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aller partout où il voulait et surtout ne manquait Jamais les

jours de marché sa promenadehabituelle. L'année dernière

quand il vint à mourir, le roi le fit envelopper de pagnes,et lui

fit rendre tous les honneurs des funérailles. Commede cou.

tume,tambours, gunguns et autres instruments capables de

fairedu bruit furent mis en réquisition le sang dessacrifices

et les libations d'huile de palme coulèrent en l'honneur du

nouveau féttche, pendant que les libations de tafia étaient

prodiguées au plus grand profit de ses adorateurs. Puis le

bœuf.suividu cortège des fétioheurs, des féticheuses et dela

populace, fut en grande cérémonie transporté sur les épau-les des nègres et descendu dans le trou destiné à sa récep-tion.Le sang des victimes immotées sur le bord de la tombe

l'arrosa une dernière fois et tout fut fini. Les mânes de

Mépondoivent être satisfaites t

La multitude des dieux et déesses nègres nous montre l't*

déede la divinité profondément altérée chezleurssectateurs.Ceux qui les adorent leur attribuent des mariages, une

postérité Ils leur prêtent les goûts, les besoins, toutes

les faiblesses et tous les vices de l'humanité. Ce sont des

dieux méchants, buveurs do sang, des dieux adultères,

voleurs, menteurs, difformes, ridicules. Il N'est point de

forfait, de débauche, de cruauté qu'on ne rencontre dansleur histoire. Ainsi le malheureux Noir, au lieu de trouverdans les croyances religieuses un élément de régénération,y rencontre des exemples et des motifs de perversion. Nousverrons la même influence corruptrice dans les pratiquesdu culte qui, naturellement, est en rapport avec les divi-nités auxquelles il s'adresse.

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FÉTICHEURS

Ministres religieux des Nègres de la Guinée

n y a quatre ordres de fétloheurs formant une hiérarchie ià la tête se trouve le roi qui, le Jour de son sacre, est initié

à tousles mystères d)t sanctuaire nègre.Il reçoit alorsun nom nouveau et le blanc est la couleur

ofBoieUede ses vêtements. Son titre, comme chef de la

religion, est E&e/tOricha, le premier après les fétiches.

Dans le Yorouba,le chef des Ogbont tend à se substituer

au roi commepouvoir religieux. Au Dahoméet à Porto-Novo

te roi est tout-puissanttant qu'il respecte les usages de la

nation. C'est lui qui convoque les féticheurs dans toutes

tes circonstances extraordinaires et qui juge en dernier

ressort.

Sous le -règnede Mési,prédécesseur de Tofa, roi actuel de

Porto-Novo,les fétioheurs voulaient brûler vif un jeunehomme qui, par mégarde, avait tué un serpent sacré. Sui-

vant la coutume, le supplice devait avoir lieu dans une ease

construite en feuilles de palmier et recouverte d'herbes

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sèches préparées à cet effet. Tout était disposé pour l'éola-

tante vengeance du fétiche, la fatale cabane était prête et

l'infortuné Noir, plus mort que vif, était enfermé dans une

case fétiche en attendant le supplice.La veillede l'exécution,

par des moyens restés inconnus, mais grâce, sans doute,

à quelques parents, le prisonnier réussit à s'évader et d'un

trait courut à Porto-Novodonner sa tête au roi, c'est-à-dire

se mettre sous sa protection en se constituant son esclave.

Lematin, à leur grand désespoir, les fétioheurs trouvèrent

la case vide mais ils apprirent bientôt la retraite du fugitif

et tous ensemble, comme une bande de furieux, allèrent

sommer le roi de le leur livrer. Celui-ci, touché de la jeu-

nesse du malheureux condamné qui avait involontairement

tué le dieu rampant, voulaitle sauver; il proposa aux féti-

cheurs de le punir et de lui imposer une forte amende,

mais de lui faire grâce de la peine du feu qu'il n'avait pas

méritée. Les féticheursno voulurent rien entendre il fallait

que justice fût faite, que le fétiche fut vengé, que la mort

du serpent fat expiée par celle du sacrilège.

Voyantque le roi refusait de le leur livrer, ils commencè-

rent à organiser un vacarme épouvantable fétioheurs et fé-

ticheuses, affublés des accoutrements les plus bizarres, les

uns la figure peinte en blanc et en rouge, d'autres avec des

plumes d'oiseaux sur la tête, ou bien, suivant leur caprice

et leur fantaisie, tatoués, barbouillés de manière à se donner

un air plus terrible, se mirent à parcourir la ville en criant

vengeance et en se démenant comme des possédés. Puis

ils revinrent devant le palais, recommencèrent leurs cris

et leurs vociférations,bousculant tous les passants et jetant

la terreur; le marché même ne put avoir lieu comme de

coutume.

Le roi, voyant son autorité méprisée, réunit les Za~beto

(la police), puis fit prévenir les féticheurs d'être tous, le

lendemain matin, près du palais, sur la grande place du

marché pour recevoir satisfaction. A l'heure marquée, le roi

(If battre le j~M~nM tous les féticheurs étaient là attendant

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leur victime; tout à coup les Zangbéto, secrètement réunis

au palais pendant la nuit, sortirent en masse et se jetèrentsur les féticheurs et les féticheuses qui prirent la fuitemais un bon nombre fut saisi, enchalné et vendu comme

esclaves au profit des Zangbeto. Quelquetemps après, Mési

mourut empoisonné, suivant l'opinion commune; mais il

avait fait respecter son autorité commechef des féticheurs.

~erordre.

Après le roi, le premier ordre sacerdotal est l'ordre des

Babalawo(le père qui a le plat) on les appelle aussi les in-

terprètes d'Ifa. Quoique Ifa soit le troisième des dieux su-

périeurs, ses prêtres forment le premier ordre de la hié-

rarchie. Ils ont deux chefs suprêmes le premier réside à

Ifé, ville sainte des Noirs, et l'autre à Ika, dans le Yo-

rouba.

L'officede Babalawoest de consulter les fétiches et d'in-

diquer ce qu'il faut faire pour apaiser les dieux et se les

rendre favorables surtout dans les grandes circonstances

comme la guerre, les épidémies. Ils veillent aussi au culte

d'Ifa.

A ce mémeordre, mais &undegréinférieur, appartiennentles ~(~onc/te dont l'officeest plus spécialement des'occuperde médecine. Leurs médicaments sont composés avec des

végétaux, à la préparation desquels ils ajoutent mille céré-

monies bizarres pour leur donner plus de valeur aux yeuxdes Noirs. Après Ifa, leurs divinités sont Oohosinet Oroni,dieux de la médecine.

Au premier ordre se rattachent aussi les féticheura

d'Obatala et d'Odudua qui veillent au culte de ces deux

divinités.

Les insignes du premier ordre sont: le pagne blanc,la tête

rasée, un collier de perles blanches et une queue de vache.

.8' ordre.

Le deuxième ordre est celui des Onichango, o'est-a-dire

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prêtres de Chango,le dieu de la foudre. Leur chef se nomme

hfagba (celui qui reçoit). Il a douze assistants le premier

s'appelle Oton (io bras droit) le second OatM(le bras gau-

che) le troisième JM~ht,le quatrième E~fw, etc.

Le séjour du chef et des assistants est Oyo, tout près

d'Ikoso, où Chango descendit vivant dans la terre et où se

trouve son sanctuaire le plus vénéré. Leur ofnee est de

veiUerau culte de Chango. Commeinsignes ils portent un

sac, emMemode pillage, ensouvenir des brigandages de leur

maitre.

A cet ordre se rattachent les féticheurs et féticheuses de

tous tes dieux et déesses inférieurs, comme le dieu de la

mer, de la petite vérole, des lagunes, du Niger, etc.

Les couleurs blanche et rouge désignent le second ordre.

Ses membres se rasent le tour de la tête, en laissant croltre

le reste de leurs cheveux, de sorte qu'ils ont l'air d'être

cotSés d'une calotte en peau de mouton noir dont la laine

serait restée en dehors. Quelquefois ils mettent un peu de

vanité dans leurs coiffures; Ils portent une calotte à bandes

rouges et blanches et arrangent leurs cheveux en petitestresses à la manière des femmes dans certains pays.

39ordre.

Le troisième ordre est celui do Oricha Oko, le dieu do

l'agriculture. Cet ordre est très nombreux. Le chef des féti-

cheurs est à Oyoet la grande féticheuse ou chef des féti-

cheuses réside à Irawo, ville du Yorouba,oùl'on se procureles barres de fer qui sont le symbole du dieu. Une marqueblanche et rouge sur le front est l'insigne de cet ordre.

40ofdre.

Enfin io quatrième ordro comprend les féticheurs des

génies et des hommes devenus fétiches. Us s'adonnent sur-

tout à la magie blanohe. Ceux qui se livrent à la magienoire ne sont généralement pas tolérés; ils se cachent et

naturellement n'ont pas d'insignes particuliers.

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-8f-

Co/M~'a<!o)t et o/<M<toM.

I.e sacerdoce des faux dieux est héréditaire dans une fa-

mille un membre remplace le père après sa mort. D'autres

personnes peuvent être introduites dans le corps des féti-

cheurs. Mais on leur fait payer cher cet honneur. Les aspi-

rants ont aussi à subir une initiation de plusieurs années

qu'ils doivent comptéter dans un collège spécial. Le collègede Chango pour les nIJes était installé dans un bosquet

fétiche prés de notre résidence à Porto-Novo. Chaque matin

avant le lever du soleil et, chaque soir à son coucher, on

entendait les aspirantes chanter en chœur, dirigées par une

vioitto féticheuse. Gen6 par notre voisinage, le collège

s'est transporté ailleurs.

Les cérémonies pour la consécration d'un féticheur durent

plusieurs jours. Los principales sont l'arrangement des

cheveux crépus qu'on rase complèment pour les uns, seule-

ment autour de la tête pour les autres, les aspersions d'eau

lustrale, l'imposition d'un nom nouveau, de nouveaux

vêtements, etc.

En dehors de cette consécration proprement dite, il existe

une sorte d'affiliation. Au lieu de la juridiction générale du

féticheur, l'affilié est préposé au service d'un dieu, mais

seulement dans sa demeure particulière. Les cérémonies

de la consécration et de l'affiliation se ressemblant beau-

coup nous décrirons scu)ement celles de l'affiliation qui

eiics-rncmes varient un peu suivant io fétiche auquel le can-

didat est consacré, quoiqu'eiies soient identiques sur tous

les points essentiels.

Le candidat est généralement un enfant, gardon ou fille,

de huit à quinze ans. Comme l'affiliation coûte cher, ce n'est

qu'un petit nombre qui peut y aspirer. Quand la mère de

l'enfant a réuni assez de richesses pour acheter le bonheur

de voir son fils aftilié, elle va do grand matin chez un féti*

cheur qui, avec une bande de ses confrères, se rend proces-

sionneliement au bosquet fétiche.

On commence par faire des sacrifices aux dieux auxquelsu

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-.82-

i'afuiié doit être consacré. Quand les dieux ont déjeuné, on

rise la tête du néophyte, on le dépouille de ses vètements,

on le lave avec une décoction de cent une plantes (il ne

faut pas qu'il en manque une seule), on lui ceint les reins

avec une jeune pousse de palmier et il fait avec les féticheurs

une procession autour du bosquet sacré; pendant cette

procession les assistants se prosternent la face contre terre.

Quand tous sont rentrés dans le bosquet, le néophyte est

revêtu d'habits nouveaux alors a lieu la cérémonie prin-

cipale. Il s'agit de savoir si le fétiche accepte le nouveau

prêtre qu'on lui propose; cette acceptation est unecondition

aine gud non; voici comment on le consulte. Lo néophyte est

assis sur le siège fétiche les féticheurs lui lavent la tête

de nouveau avec la décoction d'herbes et invoquent le féti-

che. Trois fois ils renouveitent cette cérémonie et en même

temps dansent et gambadent autour du néophyte pendant

que tambours et ferrailles de toutes sortes font un bruit

assourdissant. Chez les Noirs, rien ne se fait sans musique

et, plus le vacarme est infernal, plus la fête est solennelle.

A la troisième invocation, le néophyte commence à

s'agiter tout son corps tremble, ses yeux deviennent ha-

gards bientôt il entre dans une telle surexcitation que

souvent it faut le tenir ou l'attacher pour l'empêcher de se

faire du mal il lui-même ou aux autres. Alors tous tes fétt-cheurs et les personnes présentes acclament le fétiche en

poussant des cris de joie « Oricha <) C'est le fétiche

0;'t'c/t<tcu~ J Le fétiche le possède »

Enfin, après quelques heures de vacarme et de frénésie,on retire l'objet fétiche en contact avec le néophyte qui

aussitôt reprend ses sens. Son état de surexcitation et de

fureur cesse subitement pour faire place à l'abattement et à

une extrême lassitude. H en est qui restent alprs Immobiles

et comme morts pendant un temps assez long.

Les Kticheurs et les assistants font cuire les viandes des

victimes et Hy a grand festin dans le bosquet fétiche. Après

qu'on s'est bien réconforté, l'afHné est conduit au milieu

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–85

des danses et des chants dans une case féttoho où il doit

rester pendant sept jours en compagnie du dieu dont il

est censé être devenu l'heureux époux il lui est alors

défendu de parler. Ce temps écoulé, les féticheurs lui

ouvrent la bouche et lui donnent ainsi la permission de

parler; on lui impose un nom nouveau et les parents

déposent des cauris au pied de l'idole du fétiche en disant:

Je rachète mon nis.o On fait encore quelques sacrICceset

le féticheur apprend à l'initié les choses qui lui sont per-mises et celles qui lui sont Interdites,

Ces choses varient suivant les fétiches; aux uns, par

exemple, il est interdit de manger de la viande de mouton,aux autres de boire du vin de palme. Ennn les féticheurs

enseignent au néophyte le cérémonial à observer dans le

culte du fétiche auquel il est désormais consacré et que le

fétichour va installer dans la case du néophyte.L'affilié est censé appartenir &la famille du féttoheur qui

l'a initié il ne peut contracter mariage avec un membre

de cette famille et il devient aussi l'héritier du fétioheur si

celui-ci meurt sans enfants.

Au moment do l'épreuve capitale, si le néophyte n'est pas

possédé par le fétiche, on en conclut que celui-ci n'a pasvoulu l'accepter et alors t! n'y a pas d'initiation. La mère

païenne d'un de nos enfants baptisé et âgé de huit ans, avait

voulu l'initier à l'insu du père qui était chrétien. L'enfant

ne voulut pas y consentir. Malgré les caresses de sa mère

et des féticheurs, les menaces et les coups, il résista.

Les féticheurs le mirent par force sur le siège sacré de

Chango et essayèrent leurs incantations, mais tout fut inu-

tile, le fétiche ne vint point et ils furent obligés de laisser

l'enfant tranquille.Les féticheurs ne sont ni aimés, ni estimés mais ils sont

extrêmement redoutés. Leur personne est sacrée: si un

profane a l'audace de frapper un fétioheur, 11est sévère-ment puni. Dernièrement la femme d'un de nos chrétiensréclamait une somme que lui devait une féticheuse sa

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voisine. CeUe-c) ne voulut point payer; une querelle s'en-

suivit et )aféticheuse reçut un soumet aussitôt elle jeta un

grand cri, ses compères les féticheurs accoururent et elle

leur raconta le sacrilège commis sur sa personne. Tous se

mirent à pousser des hurlements et se saisirent de la cou-

pable qui fut enchaînée, maltraitée et enfermée dans une

case fétiche. Son mari et ses parents eurent à payer une

forte amende pour la retirer des mains des fétieheurs.

Les grands féticheurs peuvent vivre du revenu de leur

ofHce; mais.ies autres trop nombreux, ne retirant pas assez

de leurs fonctions, sont obligés de se livrer à diverses

Industries.

Comme caractère le féticheur est un être méprisable.

Trompeurs, lâches, hypocrites, impudiques et nefrés voleurs,ils ont généralement un extérieur sale, des vêtements

ridicules et déguenillés et ceux qui trempent leurs mains

dans le sang humain ont un air bestial, féroce et repoussant.

Ct'Oj/OttMSdes /et)'C/tCU)'~

Les grands féticheurs ou chefs féticheurs ont une doctrine

secrète qui diffère beaucoup de la doctrine populaire; à

cettedootrinesoerèteiisinitientgradueUement les fùtioheors

inférieurs. Tels sont les secrets des diverses épreuves judi-

ciaires, comme ceiie d'Once et de la lagune de Togo,

et aussi les recettes de médicaments et surtout de

poisons. Je ne crois pas qu'il existe au monde de pins

habiles empoisonneurs. Ils conservent avec grand soin ces

recettes et plusieurs des renseignements, contenus dans·

cette notice, n'ont été acquis qu'en gagnant la confiance de

quelques vieux féticheurs, surtout à l'aide de petits pré-

sents qui non seulement entretiennent l'amitié, mais sont

puissants pour délier les langues..

Quant aux dieux et déesses avec leurs ridicules légendes,

les grands féticheurs n'y croient pas; ils méprisent les

croyances et les pratiques absurdes et puériles qu'ils. entre

tiennent dans le peuple et même parmi les fëtiohem's de

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87

rang inférieur. Ils n'ont aucune idée de la création leur con-

naisance' de Dieu, quoique vague et obscure, le repré-

sente cependant comme l'ordonnateur et le mattre de l'uni-

vers. Ils croient aux esprits et sont entretenus dans cette

croyance par les pratiques du magnétisme et du spiritisme.

Par ailleurs ils ont beaucoup de coutumes superstitieuses

qui ne sont guère moins ridicules que celles du peuple.

Les Noirs sont persuadés que les différentes divinités

habitent, meuvent et gouvernent les différentes parties de

l'univers, auxquelles elles sont comme incorporées et que,

suivant leur bon vouloir, elles produisent immédiatement le

bien et le mal, distribuent ies bienfaits et tes maux de la

nature. Ils en concluent qu'il faut les adorer, leur adresser

des vœux et des prières,. Et ce culte rendu à leurs fétiches

est absolu, car ils considèrent chaque dieu comme ayant un

pouvoir tout à fait indépendant dans son domaine, dans sa

sphère propre où il peut agir à sa fantaisie. Chango, par

exemple, tonne quand bon:lui semble; de même Elegba fait

toutes les méchancetés qui lui passent par la tête, sans

prendre l'ordre ni l'avis de personne.

On a quelquefois comparé les féticheurs aux saints que

les catholiques invoquent comme intermédiaires entre

Dieu et les hommes. Ce rapprochement a pu sembler heu.

reux a quelques protestants,mais il démontre une ignorance

absolue. Nulle part on ne trouve parmi les Noirs un seul

exemple d'un culte subordonné à uu Etre supérieur l'idée

même leur en manque complètement.

Les Noirs n'adorent pas les fétiches seulement dans les

objets physiques qu'ils sont censés habiter et animer, comme

la mer, les fleuves, les lagunes, les montagnes, les ani-

maux et les arbres sacrés; ils les adorent encore dans

les statues, les symboles qui tes représentent et qu'on leur

consacre. A leurs yeux les féticheurs possèdent l'art et

le pouvoir d'unir intimement les dieux et les génies a des

objets matériels et ces objets, une fois désignés par des

cérémonies religieuses,deviennent comme des corps animés

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par tes dieux ou les esprits et ont assez de puissance pour

prédire l'avenir, opérer des prodiges, donner des maladies,

exciter les passions, nuire ou faire du bien au gré de ceux

qui les invoquent.

Ici encore, comme on le voit, nous sommes bien loin du

culte rendu aux images des saints nous sommes aussi très

loin de l'adoration de la matière brute..Ce que les Noirs ado-

rent,ce n'est pas la pierre, l'arbre, la rivière, mais bien l'esprit

qu'ils croient y résider. Dans les premières années de mon

séjour à la Côte des Esclaves,notre voisin le grand féticheur

de la foudre étant mort, on avait mis hors de la case tous

ses fétiches comme autant d'objets inutiles. Je demandai aux

Noirs pourquoi ils traitaient ainsi leurs dieux; ils m'affir-

mèrent que les dieux n'y étaient plus. Interrogés en effet

s'ils voulaient rester dans la famille et sous la garde de

l'un des fils du mort, ils avaient répondu qu'ils s'en allaient t

avec leur serviteur. Alors toutes les statues et autres

symboles des dieux désormais inutiles avaient été jetés

hors de la case.

Idoles.

Les statues et les symboles des dieux sont, comme les

divinités qu'ils représentent, des monstres; des objets ridi-

cules, des figures d'oiseaux, des reptiles ou autres animaux

et ces images souvent honteuses et scandaleuses sont dans

toutes les mains,.dans les temples, dans lc= maisons,'sur

les places publiques et au bord des chemins. L'immonde

statue d'Elegba est a la porte de toutes les cases.

Temples.

Une petite cave généralement de forme ronde, rarement

carrée, bâtie en terre glaise avec un toit de paille, peinte il

l'intérieur de la couleur du dieu auquel elle est dédiée,très étroite et si basse que le féticheur doit s'incliner pro-fondément on y entrant, voilà le temple fétiche.

Quelque grotesque statue et autres symboles du dieu avec

des plats, des pots de terre pour recevoir les libations et

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89

les offrandes, le tout horriblement barbouillé d'huile de

palme, de sang et de plumes de poule, forment un ensemble

peu agréable àla vue et encore moins à l'odorat, mais dignes

a tous égards des cérémonies du culte, des haillons des féti-

cheurs et des ignobles fétiches. Quel contraste entre ces

bouges malpropres et la place longue, spacieuse, ombragée

d'arbres magnifiques qui généralement les abritent

En dehors de ces temples publics,la plupart des Noirs ont

aussi chez eux leur case fétiche, tenue quelquefois même

assez proprement, mais toujours avec ce même style d'idoles

modelées sur le plus laid type nègre aux lèvres charnues,

au nez aplati, au menton rentrant, de vraies figures de

vieux singes.

Bosquets.

Outre les temples avec leur belle place ombragée, les

Noirs ont, de plus, dédié au culte des faux dieux de char-

mants bosquets situés en dehors des villes. Ils s'y rendent

en procession et là se livrent à la dansa en plein air sous le

frais ombrage de magnifiques arbres dont l'épais feuillage

arrête les rayons brûlants du soleil des tropiques. Au

milieu du bosquet sacré, du sein du massif de verdure,

plusieurs bombax dégagent leur tronc énorme et s'élè-

vent à une grande hauteur; géants superbes, ils étendent

autour d'eux, comme un immense parasol, leurs bras

monstrueqx couverts de verdure. Au centre du bosquet

se trouvent quelques petites cases fétiches une ceinture

d'arbres épineux entoure le bosquet lui-même et des feuilles

du palmier d'Ifa indiquent qu'il est interdit aux profanes.

(MsrfM.

Les Noirs portent sur eux, comme ornements et comme

objets fétiches, des colliers, des bracelets, des anneaux

dont la couleur indique le dieu qu'ils servent.Ils ontaussi,

soit sur eux, soit dans leur maison, des grigris ou charmpa

qu'ils appellent « médecines t. Un morceau de bois, une

feuille, une graine, une dent, une griffe d'animal, des os,

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des plumes d'oiseau, tout peut servir de grigris et les Noirs

ont une grande confiance dans ces objets que les féticheurs

leur confectionnent et cela non gratuitement.

Un féticheur de la COte des Esclaves vantait le pouvoir

d'un grigri de sa composition disant que, muni de sa méde-

cine, il n'avait plus rien à craindre rien ne pouvait lui

nuire, ni balle, ni sabre, ni couteau. Commeje me moquais

de lui et de sa panacée devant les Noirs présents, il me

mit au dén de lui faire aucun mal. JI était facile d'essayer

son invulnérabilité. Je l'envoyai quérir son talisman et

bientôt ii revint suivi d'une foule de Noirs accourus pour

être témoins du combat entre le féticheur blanc et le féti-

cheur noir. Le Frère docteur était allé chercher son cou-

teau de chirurgien le féticheur, la fameuse médecine dans

la bouche, s'avança crânement au combat et sans broncher

-présenta son bras au Frère qui, d'un léger coup de couteau,

lui Ct,une toute petite entaille. A la vue du sang qui cou-

lait,-le pauvre féticheur resta cloué sur place sa vilaine

figure qui ne pouvait rougir faisait d'affreuses grimaces.Tous les Noirs présents poussèrent un hourrah ce fut une

avalanche de moqueries sur le fétioheur qui, tout confus,

s'empressa de suivre le Frère dans la pharmacie pour faire

bander sa blessure. Quand il sortit, il avait déjà reprisson aplomb et trouvé un subterfuge sa médecine faite

pour les Noirs,disait-ii, ne valait rien contre les Biancs. J'ap-

pelai immédiatement un nègre et ie priai de saigner le vieux

sorcier à l'autre bras. Cette fois il n'attendit pas l'épreuve,il se dégagea et s'enfuit au milieu des huées de tous les

spectateurs.

Quelquefois on rencontre des marchandises déposées au

bord des chemins les plus fréquentés avec un signe pouren désigner le prix; par exemple, un panier de bananes

accompagné d'un certain nombre de cauris indiquant la

valeur d'une banane. Le marchand laisse la sa marchan-

dise en pleine sécurité, car à coté il a eu soin de placerun objet fétiche chargé de la garder. Y toucher sans mettre

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à la place la somme désignée serait attirer sur soi une terri-

ble malédiction; pas un Noir n'aurait une telle audace. C'est

là un usage qui a beaucoup d'avantages pour le vendeur et

pour les passants.

Il y a une grande différence entre lesgrigris, charmes ou

amulettes et les animaux ou arbres sacrés. Ceux-ci sont

regardés comme possédés, c'est-à-dire comme le séjour

d'un esprit, tandis que les grigris sont des objets auxquels

les dieux ont attaché une vertu particulière qui leur est dé-

sormais inhérente et qui produit son enet,comme,par exem-

pte, l'eau-de'vie produit l'ivresse. Les féticheurs prétendent

avoir l'art de composer les grigris et en font un grand

débit ù leur profit. Quoique ces articles manquent leur

effet très souvent, les Noirs y ont la plus grande confiance

et trouvent toujours quelque bonne excuse pour le grigri

pris en défaut. N'y a-t-il pas du reste en France des supers-

titions tout aussi naïves ?

Le M~MM,grand exécuteur des hautes œuvres et premier

ministre à Porto-Novo, possède une collection de talismans

d'un autre genre. Les murs de sa case sont intérieurement

tapissés de mâchoires humaines pour le protéger contre

les revenants. Chaque fois qu'il exécute un criminel ou

immole une victime humaine, le vieux bourreau garde la

mâchoire qu'il suspend dans sa case. Sans cette précaution,

les morts viendraient en pleurant et en gémissant frapper

contre la porte et troubler le sommeil de ce juste.

CfMmoMM du M<«e.

Les sacrifices sont la partie essentielle du culte. Dans

toutes les circonstances un peu importantes, rien ne

se fait sans consulter les dieux et leur .immoier des vic-

times.

Tous les cinq Jours on balaie la case fétiche on dépose

devant les idoles une provision d'eau fraîche avec quelquescomestibles qu'on arrose invariablement avec de l'huile de

palme. De semblables offrandes, plus ou moins copieuses,

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peuvent se renouveler chaque jour suivant la dévotion du

Noir qui veut se concilier la faveur du fétiche.

Dans les circonstances plus solennelles, le féticheur est

consulté et dirige le sacrifice. C'est lui qui désigne la vic-

time qui doit être pure pour le fétiche, car chaque fétiche

a ses animaux purs et impurs. Pendant que les Noirs sont

à genoux, il présente a l'idole la requête des suppliantsa Voici la victime qu'on t'offre, reçois-la; écoute leur de-

mande qu'ils soient en paix, etc. D Plus le féticheur est

éloquent, plus il a la langue douce, comme disent les

Noirs, plus il est recherché. Il immole ensuite la victime

et fait tomber un peu de sang sur l'idole; on dépose dans

un plat de terre la tête et les intestins que l'on va placer

devant la case fétiche avec accompagnement d'une sorte

de musique infernale impossible à décrire. Les féticheuses,

sous la direction de quelques féticheurs, sautent comme

une bande de forcenées, et exécutent, en tournant autour

des musiciens, des danses aux mouvements lascifs et

ridicules. De temps en temps, on active le feu sacré parde copieuses libations d'eau-de-vie, et chants et danses se

poursuivent avec une fureur, une frénésie dont on n'a pasl'idée. Les Noirs, accourus en foule de toutes les directions,

se pressent autour des musiciens et des danseuses les

petits enfants eux-mêmes trépignent de plaisir.

Après un jour et une nuit de ce charivari de fous furieux,

tous s'arrêtent pour se reposer et dormir. Quand ils ont

assez gambadé dans un endroit, ils vont recommencer

les mêmes scènes dans un autre et cela dure quatre,

six, neuf jours ou même davantage.. Il y a plusieurs fêtes

de ce genre pendant l'année, mais la principale, qu'on ap-

pelle Odun (année), se célèbre aux environs du 1or octobre.

~SC!'t/!CMhumains.

Le terrible Ogun, dieu de la guerre, ne se contente pas

du sang des animaux et, comme le redouté Elegba, il

doit être apaisé avec du sang humain dans la guerre et

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dans les calamités publiques, les victimes humaines peu-

vent. seules satisfaire les dieux irrités.

Les sacrifices humains se font généralement la nuit. Per-

sonne ne peut sortir de chez soi « La nuit est mauvaise, s

disent les Noirs. Le son du tambour et les chants lugubres

des féticheurs indiquent seuls que le sang humain va couler

devant des idoles. La victime est baillonnée et sa tète est

tranchée de manière àce que le sang jaillisse sur l'idole; puis

le cadavre est tratné et jeté dans les fossés de la ville

ou dans les broussailles. Mais auparavant, les féticheurs

ont ouvert la poitrine et arraché le cœur qu'ils gardent et

font dessécher pour faire des grigris et aussi pour donner

en temps de guerre du courage aux combattants. Le cœur

est alors réduit en poudre et mété à de l'eau de vie: chaque

chef en offre une ration à ses gens.

Si le sacrifice est fait à la lagune ou a la mer, on jette le

cadavre dans les eaux. Pour les espri'.s mauvais, comme

Elegba, le corps est ouvert, les entrailles placées devant

l'idole et le cadavre estsuspendu devant le fétiche où on le

laisse tomber en putréfaction. J'en ai quelquefois rencontré

sur le bord du chemin qui obligeaient de faire un détour

à cause de l'odeur infecte qu'ils exhalaient.

Ces sacrifices humains sont offerts pour différentes raisons.

Un jour, par exemple, un prince des forêts se trouvant

malade avait consulté Ifa la réponse fut que la maladie

venait d'un esprit irrité. Consulté de nouveau, Ifa répondit

que la maladie ne cesserait pas avant qu'on eût offert à

l'esprit une victime humaine. La victime fut immolée.

Un autre prince, en guerre contre Porto-Novo, voyant

que tous ses soldats perdaient courage, eut recours à ses

fétiches qui lui conseillèrent un charme puissant. Pour le

composer un petit enfant fut enlevé pendant qui sa mère,une jeune esclave, était allée puiser do l'eau. L'enfant fut

pilé vif dans un mortier et les féticheurs en composèrentdes charmes pour le prince et ses soldats.

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–96–

~tMMt~ce.

A la naissance d'un enfant, une féticheuse prend soin de

la mère et de son nouveau-né. Le neuvième jour pour

les garrons et le septième pour les filles, on fait. venir un

fêticheur d'Ifa qui tue une poule et un coq en l'honneur d'Ifa

et du bon génie de la tête de l'enfant. Les entrailles arrosées

d'huile de palme sont/comme de coutume, portées à Elegba

pour l'empêcher de venir troubler la cérémonie. Cela fait,

on prend l'eau f~tche, renouvelée tous les cinqjours, qui

se trouve placée devant les fétiches on la jette sur le toit

de la case, et la mère portant son nourrisson sort de la case

et passe avec lui trois fois sous l'eau qui tombe de la toiture.

Le féticheur fait alors l'eau lustrale qu'il prépare avec

des escargots et du beurre végétai. Si les circonstances

de la naissance n'ont pas désigné le fétiche qui a pris

l'enfant sous sa protection à son arrivée en ce monde, on

consulte Ifa qui le fait connaître. Après cela le féticheur

lave le front de l'enfant avec l'eau lustrale en répétant par

trois fois le nom que le père et la mère veulent lui donner,

puis il lui fait toucher la ten'e avec le pied.

On nettoie la case, on la balaie, on enlève le feu et les

cendres et, quand tout est propre, on fait du feu nouveau.

Un sacrifice à Ifa, suivi d'un festin, termine la cérémonie.

Quarante jours après, la mère se rase la tête, fait sa

toilette, rend visite u la fétichuuse qui l'a assistée et

offre avec elle un petit sacrifice au fétiche de l'enfant. Elle

va ensuite visiter ses pareuts et a partir de ce jour vaque

à ses occupations ordinaires.

A~tt'ttfjye.

Avant de se marier, ta première chose à faire est de con-

sulter Ifa pour savoir si le mariage peut avoir lieu, s'il sera

heureux. Sur la réponse affirmative, la cérémonie est déci-

dée le jour convenu on fait un nouveau sacrifice à Ifa et les

deux futurs consomment,dans le repas de noce, des viandes

offertes a l'idole. On boit, on mange et on s'amuse jusque

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minuit l'épouse est alors conduite par ses compagnes

dans la case nuptiale où l'époux se rond aussi et tout le

monde se retire. Si la Oancée n'est pas trouvée digne de

son noir mari, elle est châtiée et renvoyée; il faut alors

rendre la dot et tous les cadeaux à moins qu'on arrange

i'auaire. Si au contraire, elle est agréée, la mère reçoit

des compliments avec un présent de cauris blanches.

EnQn les vieilles femmes offrent à la mahëe des usten-

siles de cuisine. La mère exptiquo a son gendre le carac-

tère de sa fille, comment il faut la corriger a l'occasion et,

en général, la manière dont il faut la traiter.

Funérailles,

Aussitôt qu'un Noir a rendu l'âme, les femmes jeunes

et vieilles se précipitent, hors de la case mortuaire,

comme une avalanche et se répandent dans les cours

de la maison en poussant des cris perçants et des gé-

missements. Les unes, les mains jointes au-dessus de

la tête, pleurent, hurlent, trépignent; les autres courent

de tous côtés, s'arrêtent, joignent les mains sur leur tète,

sautent de nouveau, en un mot, manifestent le plus violent

désespoir. Les voisins accourent pour savoir quelle est ta

cause de tout ce vacarme; le tapage alors ne fait qu'augmen-

ter et les clameurs redoublent. Toutes les femmes ne veulent

pas de consolation, elles veulent mourir; les unes se jettent

à terre, les autres font semblant de vouloir se briser la tête

contre les murs. Les voisins les retiennent et font de leur

mieux pour les consoler, peine inutile. Les enfants qui ne

comprennent rien à ce manège, se croient perdus et com-

mencent à crier sur le dos des négresses qui courent de

tous côtés comme des folles.

Après cette première tempôte vient un moment de calme.

On raconte aux voisins comment le défunt est bien et dû-

ment mort on ne pensait pas que sa un fût si prcche; on

avait tout fait pour conjurer un si grand malheur, etc.

On va alors prévenir les paren~gjtujsa hâtent d'accourir

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i

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-98–

et ta scène avec les voisins se renouvelle.Nouveau vacarme;

nouveaux gémissements, nouvelle averse de pleurs et

nouvelle accalmie. Les parents unissent par tout consoler

et font retirer les femmes dans une chambre où elles

pourront se reposer, pleurer à loisir sur le mort et prendre

soin des enfants.

Le flls atné se concerte avec la famille sur les funérailles

et sur la solennité qu'on veut leur donner. Il envoie cher-

cher un prêtre d'Ifa, un babalawo qui, après avoir immolé

des pigeons et des poules, consulte son fétiche pour savoir

s'il n'y a pas lieu d'apaiser les dieux, d'éloigner les mauvais

esprits et autres dangers qui peuvent menacer le défunt

ou sa famille. Sur la réponse affirmative d'Ifa, le féticheur

se fait donner un chevreau, lui ouvre le ventre qu'il arrose

d'huile de palme, place ie tout dans un'panier ou dans un

débris de pot cassé et le fait déposer en dehors de la

ville, aun endroit oùtrois chemins se croisent; de cette ma-

nière les mauvais génies et autres diablotins pourront pren-

dre la route qui leur convient pour s'en aller.

Le babalawo fait ensuite l'eau lustrale dans un pot de

terre, avec la bave de gros escargots; il asperge la cham-

bre mortuaire, et les assistants, en se servant d'un rameau

fétiche, prient le défunt de sortir doucement et sans bruit,

disant en même temps « Que Dieu te montre le bon che-

min puisses-tu ne rien rencontrer de mauvais dans ta

route et autres prières.

Pendant qu'une partie des parents font cuire les poules,

les escargots et autres aliments, les autres commencent

la toilette du mort. Ils le lavent de la tète aux pieds avec

une décoction de plantes aromatiques et ensuite avec de

l'eau-de-vie si le défunt est assez riche. Ses cheveux

rasés sont enfermés dans une étoffe blanche que l'on va en-

terrer derrière la maison. Il est revêtu d'un cliokoto, espèce

de caleçon que les Noirs portent en guise de pantalon; la

tète est couverte d'une calotte; les deux mains sont posées

sur la poitrine,les deux pouces sont attachés ensemble ainsi

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LESFC!ft)tA)t.LES

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–1M–

que les deux gros doigts de pieds; puis il estorne de colliers,de bracelets, d'anneaux. St c'est une femme, eUeest peinteavec une poudre rougeàtre de bots de teinture mêlée au

beurre végétât ot autres substances odoriférantes.

Le mort est ensuite enveloppé dans un grand nombre de

pagnes; chaque parent en apporte un à cet effet, de sorte

qu'il y en a quelquefoisplus de quarante. Lecorps qui forme

alors un volumineux paquet, est exposé sur une natte funè-

bre M'entrée de la case mortuaire où H doit rester trois

jours. Les filles ou les soeurs du défunt s'accroupissent de

chaque coté avec dos éventails pour chasser les mouches.

Pendant ce temps on creuse la fosse dans la chambremortuaire. C'est une tranchée profonde au fond de laquelleest pratiquée une galerie souterraine en forme de caveau,de manière que le mort, une fois enterré, ait ia tête endehors du mur sous la véranda et les pieds à l'intérieur dela case. On prépare aussi un cercueil avec des planches du

pays grossièrement travaillées.

Cependant, on n'oublie pas les vivants; un enterrementest une fête, il faut surtout noyer le chagrin; aussi lasoirée se passe à manger, boire, danser et chanter pour le

mort. Tambours, ferrailles, coups de fusil, voilà pour lecérémonial obligatoire; de fréquentes visites aux calebasses

remplies de vin de palme et de tana entretiennent l'entrain.Au commencement du festin, les veuves et les filles du

défunt ont été conduites dans une chambre voisine ou elles

doivent rester pendant trois jours. Leurs pleurs, leurs criset leurs hurlements se mêlent au bruit des tambours, desohants et des détonations; enfin les parents bien récon-

fortés vont les consoler et les prier de manger. Elles refu-sent d'abord Comment pourraient-elles manger quandleur cher seigneur n'est plus Non, elles veulent mouriravec lui, elles ne veulent plus de nourriture. Les parentsprient, supplient elles Unissent par se laisser toucher etconsentent à prendre quelque chose pour soutenir leurmalheureuse ex~tenoe. A la vue des calebasses pleines de

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viandes arrosées d'huile de palme avec force piment, la

tristesse se dissipe un peu; des bouteilles de vin do palme

et de ta&a leur parviennent aussi en cachette. Le fils a!né

a tout intérêt &gagner leurs bonnes grâces, car, suivant un

usage dégradant, à la mort du père les fils se partagent

toutes ses femmes aucun cependant ne peut recevoir sa

propre mère.

La nuit et les deux jours suivants se passent en orgies

avec quelques intervalles de repos. Chaque jour, le matin,

à midi et le soir, les gémissement des femmes se font en-

tendre appelant les mêmes consolations.

Le troisième jour, après un copieux repas, une bande de

Noirs chargent sur leur tête la bière du mort recouverte

d'un beau pagne et s'en vont courir à travers la ville,pendant

que d'autres jettent des cauris à la foule qui les suit en se

bousculant pour les ramasser. Les porteurs sautent, gam-

badent et font mille extravagances en chantant les louanges

et en célébrant la richesse du défunt.

On rentre vers le soir et on procède à l'enterrement. Le

mort est mis dans le cercueil avec des cauris, de l'eau-de-

vie et autres articles; on enlève en secret les pagnes et

chaque parent reçoit le sien qu'il cache soigneusement. Le

cercueil descendu dans'la fosse et recouvert de nattes,

afin que la terre ne puisse le toucher, est arrosé avec le

sang d'un bouc qu'on immole sur le bord qe la tombe,comme

sacrifice expiatoire. Les Noirs jettent ensuite dans la fosse'

des cauris, des poignées de terre et font au mort leurs

adieux « Bonne route, que Dieu te fasse arriver en paix,

puisses-tu ne t'égarer ni à droite ni à gauche, DC'est a qui

fera le plus de souhaits.

Dans quelques endroits, on laisse libre la place de la tête

que l'on retire ensuite, et que l'on met dans une cabane

fétiche où se feront les offrandes.

Quand la fosse est bien remplie, les orgies recommen-

cent et durent toute la nuit et la matinée suivante. Après

avoir dormi pendant le milieu du jour, la bande des Noirs

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court de nouveau à travers la ville comme pour chercher

le mort. Unchœur chante a B«&<twa !'<tMH)o,cuM& )tt;nous cherchons notre père et nous ne le trouvons pas.a Les

autres répondent « 0 ile d,o rè ile re il est allé à la mai-

son, il est allé dans sa maison.

Les fêtes et letapage continuent jusqu'au lendemain soir.

On recueille alors les ossements des victimes immolées et

mangées et on les suspend au mur au-dessus du mort.

Plus il y a d'ossements, plus les funérailles ont été solen-

nelles. Une bande de Noirs armés de fusils sort suivie

d'autres Noirs qui portent natte, calebasse, cauris, eau-

de-vie et autres trésors du défunt; Ils vont ensemble briser

à coups de fusil et brûler le tout dans un bosquet fétiche en

dehors de la riUe pour signifier au mort de partir défini-

tivement.,car il n'y a plus rien pour lui dans ce monde.

Pendant es temps des jeunes gens tuent une poule dontils jettent les' plumes en marchant; ils la font cuire *et la

mangent sur le bord du chemin, non loin du bosquet. C'estlà ce qu'ils appellent Adie-Irana, la poule qui achète le

chemin.Elle est supposée précéder le mort dans son voyageet lui montrer la route.

A son arrivée à la porte de l'autre monde, il paie pour

passer et parvient ainsi heureusement au pays des morts,pays qu'ils appellent Orun t'~t'e.

Pendant les funérailles, tous les gens de la case, en signede deuii,ce se lavent pas et rie peignent pas leurs che-veux. Le dernier jour ils se rasent la tête et vont rendrevisite aux parents et amis qui sont venus les consoler

puis le deuilse continue de trois à douze mois, suivant leslocalités et consiste pour les Noirs à laisser en désordre

leur tête laineuse.

De temps en temps,les Noirs font des libations et desoffrandessur la tombe, ils offrentdes sacrifices,et,au moyendu sort, consultent le mort dans les circonstances les plusgraves.

Leur foi à l'immortalité de l'âme, aux rapports que les

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104

morts peuvent avoir avec les vivants est évidente, d'après

les cérémonies que je viens de décrire; et les histoires que

l'on raconte le soir assis sur les nattes, en prerrut le

frais au clair de la lune, viennent encore entretenir cette

pensée.

Voici un fait qui prouve la croyance des Noirs à l'influence

des morts.

Une femme remit un jour, en dépôtet devant témoins, un

collier de corail à une autre négresse, puis elle partit pour

aller chercher du sel au. loin sur les bords de la mer. où les

gens de la côte le préparent en faisant évaporer l'onde

salée d'abord au soleil, puis au feu dans des pots de terre.

La femme qui avait reçu le collier le cacha soigneusement

en pratiquant un trou dans le mur de sa case qu'elle crépit

ensuite de nouveau, de manière qu'il était impossible de

rien découvrir. Il arriva qu'elle mourut subitement sans

pouvoir indiquer la cachette a ses deux fils. Ceux-ci, après

avoir rendu les derniers devoirs à leur mère, cherchèrent

de tous cotés le collier, mais sans le trouver.

La négresse revint de son voyage et réclama le dépôt.

Les deux fils lui racontèrent toute l'affaire, mais elle ne

voulut pas les croire et ies accusa de vol devant le roi,

qui les écouta, mais refusa aussi d'admettre leur récit. Le

plus jeune fut mis en prison et la maison devait être con-

fisquée si dans onze jours le collier n'était pas rendu.

L'ainé, ne sachant ce qu'il devait faire, s'adressa au

grand prêtre d'Ifa et le supplia de le secourir.Touché de sa

douleur, le féticheur consulta Ifa. Celui-ci lui répondit qu'il

fallait aller au pays des morts demander & la mère où elle

avait mis le collier « Que le jeune homme, dit-il, offre ce

soir un mouton noir aux défunts près du bosquet sacré, en

dehors des remparts, qu'il lave ses yeux avec l'eau lustrale

et qu'il suive le premier mort qu'il verra passer, car c'est

là le chemin des morts. En payant le droit de passage, le

gardien de la porte le laissera entrer. Mais qu'il prenne

garde de ne point toucher les morts, car il ne reverrait plus

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la terre des vivants. A son retour au bosquet sacré, U se

lavera de nouveau avec l'eau lustrale et offrira une victimeaux dieux qui lui ont permis de visiter le funèbre pays sans

mourir, a

Le jeune homme accomplit tout ce qui avait été prescritet parvint heureusement au but de son voyage.Lapremière

personne qu'il rencontra fut sa mère; elle se dirigeait tris-

tement vers une fontaine; çà et là d'autres morts se tenaient

assis ou marchaient silencieux.

Voyant sa mère, 11cria

a 7~/ (mère).Elle leva la tête, le reconnut et s'avança vers !uia Comment, c'est toi, mon fUs1 comment es-tu des-

cendu dans le séjour des morts?

a Mon frère est dans les fers et notre maison sera

vendue si le collier de notre voisine n'est pas retrouvé. Le

grand Ifa m'a permis de venir chez les morts vous demanderoù vous l'avez pfaoé.

La mère lui indiqua la cachette. Le jeune homme, ayantobtenu ce qu'il désirait si vivement, oublia la recomman-dation d'Ifa et aiiait se jeter aux pieds de sa mère, mais lamorte se retira.

Ne me touche pas, mon fils; le chemin des vivantste serait fermé pour jamais. Retourne et délivre ton frèreoffrez à votre mère des victimes et des offrandes, cardans ces lieux J'en ai grand besoin.

Elle s'éloigna et disparut.Le jeune homme revint et, de retour au bosquet sacré, ii

offrit à Ifa les victimes promises 11trouva le collier et futfêté dans toute la ville. Il n'oublia pas sa mère; tous les cinqjours, 11 renouvelait l'eau sur sa tombe;et, de temps entemps, lui présentait des offrandes et des victimes.

Les Noirs croient que la terre des morts est assez sem-blable à celle où nous vivons, mals beaucoup plus triste.Les morts ont,dans l'autre vie, la même condition que danscelle-ci; ceux qui étaient rois le sont encore et ceux qui

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–doa-

étaient esclaves demeurent esclaves. Ils ont les mêmes

plaisirs, les mêmes habitudes et les mêmes besoins. Aussi

.regarde-t-on comme un devoir, comme un acte de piétéfiliale de leur offrir des libations et des sacrifices. Aux

rois, aux chefs et aux personnes riches, il faut fournir

une cour, des femmes, des esclaves pour rehausser leur

dignité et leur procurer les douceurs convenables à leur

rang. De loin en loin, ii faut leur envoyer un messa-

ger pour les Informerde ce qui se passe en ce monde, les

intéresser au salut de la patrie et prendre leur.avis en

temps opportun.On les irriterait si l'on ne satisfaisait pas libéralement à

leurs besoinsetàleurs désirs,cbacun suivant ses ressources

et sa condition. Au contraire, on leur est agréable en im-

molant sur leur,tombe les ennemis qu'ils avaient combattus

autrefois.

Cesidées et ces croyances sont la cause véritable des sa-

crifices humains qui, chaque année, ensanglantent ces

malheureux pays noirs, ainsi que des brigandages et des

guerres continuelles nécessaires pour se procurer les victi-

mes. Ala mortdes rois et des chefs, on immole sur le bord de

la tombe des victimes dont le sang jaillit sur le cercueil les

femmeset les esclaves sont égorgés pour aller accompagnerle mort et le servir dans l'autre monde. De tempsen temps,

on leur envoie de nouvelles femmes et, de nouveaux servi-

teurs et souvent même,des messagers pour leur apprendrece qui se passe sur la terre.

Un jour, le roi de Dahomeyavait ainsi expédié plusieurs

courriers à ses prédécesseurs, quand il se rappela avoir ou:

blié dans ses commissionsun détail insigninant. Unepauvrevieille femme passait près de la portant un pot d'eau sur ia

tête. Le roi l'appelle, lui donne sa commission.L'infortunée,toute tremblante, prie et supplie qu'on lui fasse grâce

« Je n'ai fait aucun mal, dit-elle.a Je' le sais, répond le roi, mais je t'envoie près de

mon père, pars et dépêche-toi, »

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-107–

Il n'y avait pas à résister la pauvre créature se met à

genoux, avale une demi-bouteille d'eau-de-vie et le Méhu

lui coupe la tête.

Les femmes, les esclaves, tes messagers qui sont envoyés

pour servir le défunt sont décapités mais les ennemis,surtout les chefs, les fétioheurs, ceux qui ont été vaincus,

après des bravades et dos provocations, expirent au milieu

d'atroces tourments. Il se passe alors des scènes de bar-

barie trop hideuses, trop repoussantes pour être décrites.

A Porto-Novo j'ai assisté à des funérailles royales quidurèrent pendant neuf jours et coûtèrent la vie à de nom-

breuses victimes. L'une fut écorchée et de sa peau on fit

un tambour pour servir dans la cérémonie. Sur la place du

marché, autour des cadavres, les nègres buvaient l'eau-de-

v<eà discrétion, dansaient et se livraient à toutes eortes de

divertissements.

Le Dahomey,surtout, s'est acquis une triste célébrité parles massacres de victimes humaines qui accompagnent la

fête annuelle appelée fête des coutumes. Chaque année,l'armée du Dahomey sort de son repaire et se met en cam-

pagne pour aller faire, chez les tribus voisines, sa provisiondo victimes et, aussi, d'esclaves que l'on vend pour acheter

l'eau-de-vie, la poudre, les étoffes que l'on envoie aux

défunts, ainsi que les récompenses que le roi distribue à

ses soldats et à son peuple pour qui l'époque des sacrifices

annuels est un temps de fêtes et de réjouissances.Ce système de brigandages annuels a (ait de vastes

déserts autour du Dahomey.Dernièrementencore, des nou-

velles de la Guinéenous apprenaient la destruction d'Ikétou,seule ville importante restée debout dans cette partfe ouest

des pays nagos; autrefois très peuplée, elle n'est plusmaintenant qu'un désert abandonné aux bêtes féroces.

Cette année, les Dahoméens avaient fait courir le bruit

qu'ils avalent été battus parles MaMs.Les Ikétous, croyantleur ennemi mortel loin d'eux, ne songèrent qu'à se réjouiret ne firent pas bonne garde. Pendant ce temps les Daho-

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108–

méens, suivant leur tactique ordlnaire,se glissaient comme

des serpents & travers les arbres et les broussailles do la

forêt. Lentement, sans faire le moindre bruit, ils rampent

avec les plus grandes précautions et, sans être aperçus,

prennent position autour de la ville, chacun à son poste,

le fusil chargé, attendant le signal.

Ce signal, c'est le premier chant du coq. Alors les Daho-

méens franchirent le rempart même avant que les habitants,

surpris au moment du plus profond sommeil, pussent se

reconnaitre: ceux qui voulaient fuir furent saisis et garrot-

tés ceux qui tentèrent de résister furent massacrés sur

le champ; hommes, femmes et enfants furent réunis par

groupes en dehors de la ville.

Le pillage fut vite achevé, les Noirs ne sont pas riches.

La ville fut alors incendiée et les malades, les enfants à la

mameite et les vieillards trop âgés, jetés dans les flammes.

Les captifs enchainé9 en longues nies furent dirigés sur

Abomé pour être partagés comme esclaves entre le roi, les

chefs et les soldats, à part ceux qui furent mis de coté pour

servir de victimes dans les sacrifices.

C'est simplement un épisode de ces sanglantes tragé-

dies qn; se renouvellent chaque année.

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m

CONCLUSION

Cette étude nous a montré dans le Noir un profond sen-

timent religieux. A chaque instant, dans toutes les circons-

tances importantes de la vie, le fétiche intervient. Cette

préoccupation suit le Noir partout; pas d'indifférence donc

en matière de religion.

Mais quelle aberration dans ce sentiment que le nègre,

comme tous les hommes, tient de sa nature. D'abord la

divinité perd son attribut principal, la bonté. Olorun

n'est pas malfaisant, on ne s'occupera donc pas de lui.

C'est le génie mauvais, c'est Elegba qui jamais n'est oublié;

on ne fait des offrandes aux autres dieux ou demi-dieux

que pour éviter leur vengeance. Le fétichisme c'est le culte

de la cruauté, c'est aussi le culte du vice le Noir le plus

immoral vaut bien son fétiche.

Etrange confusion du bien et du mal, mélange incohérent

de doctrines, le fétichisme 'nous présente le spiritua-

lisme le plus nettement affirmé et le matérialisme le plus

repoussant monothéisme avec Olorun le dieu suprême

polythéisme avec tous les dieux subalternes gouverne-

ment du monde par un pouvoir supérieur, mais un pouvoir

malfaisant; immortalité de l'âme, vie future, mais pas de

récompense pour la vertu, ni de ch&timent pour le vice,

par suite pas de conscience respect pour les morts, mais

respect souillé par les sacrifices humains qui en sont

l'expression; en un mot, c'est la religion complètement dé-

naturée qui,au lieu d'élever l'homme vers Dieu,sert à l'avilir.

Et pourtant au-dessous du Noir fétichiste il y a encore un

être plus vil c'est le fétichiste devenu musulman a la

corruption et aux superstitions qu'if garde, il ajoute deux

vices qu'il n'avait pas le fanatisme et l'orgueil, deux

obstacles au christianisme. Le nègre païen se con-

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-"IM.–

verUt et cônne ses enfants aux missionnaires. Le nêgro

musulman est inaccessible.

Les progr&s rapides du mahométisme dans ces contrées

effrayent tous les amis de l'Afrique, tous ceux qui portent

intérêt à ces populations malheureuseset suiventlamarche

des événements.

Qui les arrachera à ce nouveau danger ? La colonisation

par une population blanche est impossible à couse des

fièvres et du climat; du reste, autour des comptoirs établis

depuis des siècles sur ces côtes, le. fétichisme avec ses sa-

crifices humains n'a pas disparu. Seulement, dansle cercla

où l'influence des missions chrétiennes se f'aitsentir,it perd

de son crédit et ce fait nous indique le remède à des maux

dont nous n'avons pu donner qu'une faible idée. Pour !c

Noir fétichiste, f'évangéiisation catholique, la charité des

chrétiens d'Europe, Yoi!a!eseut espoir de ?nh;t.

riN. ("

Lyon. tmprhn~neMeuxm-Rusmd, rue Sieih