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CHAPITRE 1 Le comportement anormal dans un contexte historique Sommaire 1. Comprendre la psychopathologie 2 2. La tradition surnaturelle 13 3. La tradition biologique 18 4. La tradition psychologique 23 5. Le présent : la méthode scientifique 43 Une compréhension complète de la nature de la folie, une conception correcte et distincte de ce qui constitue la distinction entre le sain d’esprit et l’aliéné n’a,  pour autant que je sache, pas été trouvée . Schopenhauer , Le monde comme volonté et comme représentation.

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CHAPITRE1Le comportement anormal

dans un contexte historique

Sommaire

1. Comprendre la psychopathologie 2

2. La tradition surnaturelle 13

3. La tradition biologique 18

4. La tradition psychologique 23

5. Le présent : la méthode scientifique 43

Une compréhension complète de la nature de la folie, une conception correcte 

et distincte de ce qui constitue la distinction entre le sain d’esprit et l’aliéné n’a,

 pour autant que je sache, pas été trouvée.

Schopenhauer,

Le monde comme volonté et comme représentation.

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2 C h a p i t r e 1  – Le comportement anormal dans un contexte historique

Ce matin, vous vous êtes levé, avez pris votre petit déjeuner ; ensuite, vousêtes allé étudier en classe. À la fin de la journée, vous avez apprécié la compagnied’amis avant de tomber dans les bras de Morphée. Il ne vous est probablement

 jamais venu à l’esprit que de nombreuses personnes en parfaite condition physiquesont incapables d’accomplir de telles activités ou l’une ou l’autre d’entre-elles. Ceque ces personnes ont en commun est un trouble psychologique , c’est-à-dire un dys- 

fonctionnement psychologique  associé à un sentiment de détresse  ou à une dégrada- 

tion fonctionnelle   ainsi qu’une réaction atypique ou inattendue dans un contexte 

culturel donné . Mais avant d’avancer plus en détail dans la compréhension de ce quecela signifie, penchons-nous sur un cas individuel :

Gardant en mémoire les problèmes de Julie, penchons-nous sur la définitiondu trouble psychologique  ou du comportement anormal. Un trouble psychologiqueest un dysfonctionnement psychologique  associé à un sentiment de détresse  ou à unedégradation fonctionnelle. Un comportement anormal

 

est une réaction ou réponse 

comportementale atypique ou inattendue   dans un contexte culturel donné

1 Comprendre la psychopathologie

1.1 Qu’est-ce qu’un trouble psychologique ? 

JulieLa jeune fille qui s’évanouissait à la vue du sang

Julie, une jeune fille de 16 ans, avait été envoyée à notre Centre clinique detraitement de l’anxiété suite à des évanouissements de plus en plus fré-

quents. Deux ans auparavant, lors de son premier cours de biologie, son pro-

fesseur avait projeté un film décrivant la dissection d’une grenouille afin

d’illustrer divers points d’anatomie. Il s’agissait d’un film particulièrement

expressif montrant des images très « réalistes » de sang, de tissus et de mus-

cles. Vers la moitié de la projection, Julie eut un léger haut-le-cœur et sortit

de la classe. Mais les images de cette dissection ne la quittèrent pas et conti-

nuèrent à l’importuner et à lui donner parfois des nausées. Elle se mit à éviter

des situations l’exposant à la vue du sang ou de blessures et n’ouvrit plus de

magazines où ces genres d’images risquaient d’apparaître. Elle se mit à

éprouver de la difficulté à la vue de viande crue et même d’un simple spara-

drap. Tout ce qui risquait d’évoquer des images de sang ou de lésion provo-

quait en elle des étourdissements. Elle en vint au point de ne plus pouvoir

entendre l’un de ses amis dire « coupez ! » sans se sentir défaillir. Environ6 mois avant sa première visite au Centre, elle s’évanouissait chaque fois

qu’elle se trouvait confrontée à un objet ou à une situation déclenchant une

association d’images en rapport avec le sang. Son médecin de famille ne

trouva rien d’anormal, pas plus que d’autres spécialistes qu’elle alla consul-

ter. Au moment où elle nous fut envoyée, elle s’évanouissait cinq à dix fois

par semaine, souvent en classe. Cette situation était devenue problématique

pour elle et perturbait le déroulement normal des activités scolaires : chaque

fois qu’elle s’évanouissait, ses camarades se précipitaient vers elles pour

l’aider et le cours s’en trouvait interrompu. Du fait que personne n’avait

trouvé quoi que ce soit d’anormal chez Julie, le proviseur finit par conclurequ’elle était une manipulatrice et l’exclut de l’école, en dépit du fait qu’elle

était une élève studieuse et disciplinée.

En fait, Julie souffrait de ce que nous appelons aujourd’hui une phobie du 

sous-type sang- injection-accident  1.  Sa réaction, plutôt sévère, satisfaisait

au critère de sa qualification de phobique , la phobie étant un trouble psy-

chologique caractérisé par la peur marquée et persistante d’un objet ou

d’une situation. Toutefois, nombreux sont ceux qui ont des réactions sem-

blables à celles de Julie — quoique moins sévères — au moment où ils vont

recevoir une injection ou être confrontés à la vue de lésions — avec ou sans

saignement. Pour les personnes dont la réaction est aussi sévère que celle de

Julie, cette phobie peut être très handicapante. Elles pourraient être ame-

nées à éviter certains choix de carrières, médecine ou soins infirmiers et être

effrayées par les aiguilles et les injections au point de mettre leur santé en

danger quand ces dernières sont nécessaires.

1. Le DSM -IV (abréviation pour « Diagnostic and StatisticalManual of Mental Disorders (Manuel diagnostique et statistique destroubles mentaux) » distingue 5 sous-types de phobies ditesspécifiques   : le type animal, le type environnemental, le type situa-tionnel, le type sang-injection-accident et enfin la catégorie « autre ».Le type qui nous intéresse est supposé héréditaire et 55 à 70 % descas sont des femmes (voir DSM-IV, pp. 476/479) N. d. T .

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Comprendre la psychopathologie   3 

Troublepsychologique

Dysfonctionnementpsychologique

Détresse ou dégradationfonctionnelle

Réaction atypique

Figure 1.1Les critères de définition des troubles psychologiques

(figure 1.1). À première vue, ces trois critères semblent triviaux, mais en réalité, ilsne sont pas faciles à déterminer et valent la peine d’être sondés quant à leur signifi-cation exacte. Vous constaterez, et c’est important, qu’aucun critère unique permet-tant de définir l’anormalité n’a encore été développé.

1.1.1  Dysfonctionnement psychologique

Un dysfonctionnement psychologique  se rapporte à une cassure dans le fonc-tionnement cognitif, émotionnel et comportemental d’une personne. Supposons quevous soyez sorti et participiez à une soirée sensée amusante, mais qu’au lieu de cela,vous ressentiez durant toute la soirée une peur insupportable et que ce à quoi votreêtre aspire soit de retourner au plus vite chez vous ; dans ce cas, vos émotions sesont révélées inadéquates. Par contre, si vos amis vous ont averti que la personneavec laquelle vous avez rendez-vous est dangereuse, il n’est pas dysfonctionneld’éprouver de la peur et de vouloir prendre la poudre d’escampette.

Dans le cas de Julie, on peut parler de dysfonctionnement  : elle s’évanouit à la vue

du sang. Cependant, de nombreuses personnes éprouvent une version « allégée »d’une telle réaction (se sentent mal à la vue du sang), sans pour autant satisfaireaux critères définissant le « trouble ». Autrement dit, il est souvent difficile de tra-cer la limite entre le dysfonctionnement normal et le dysfonctionnement anormal.C’est pourquoi ces problèmes sont répartis le long d’un continuum ou sont consi-dérés comme des dimensions  plutôt que d’être désignés par la présence ou l’absencede catégories. C’est également la raison pour laquelle le constat d’un dysfonction-nement ne suffit pas pour poser le diagnostic de trouble psychologique. C’est la rai-son pour laquelle, nous concevons souvent ce type de difficultés en termes dedimensions ou de difficultés  arrangées le long d’un continuum plutôt que commedes catégories de dysfonctions qui seraient présentes ou absentes chez un indi-vidu. C’est également pourquoi la simple présence d’une dysfonction n’est pas unecondition suffisante pour satisfaire aux critères de trouble psychologique.

1.1.2 Détresse personnelle

Que la conduite en cause ou le trouble soient associés à de la détresse  est unélément important et sans équivoque dans la définition d’un comportement anor-mal. Ce critère est satisfait dès lors qu’un individu affecté par un trouble du com-

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4 C h a p i t r e 1  – Le comportement anormal dans un contexte historique

portement est extrêmement bouleversé. Nous pouvons affirmer sans hésitation queJulie était très contrariée par sa phobie et en souffrait considérablement. Mais rap-pelons-nous que le critère de la souffrance est, en soi, insuffisant pour définir uncomportement anormal. Il est, par exemple, normal d’être affligé quand meurt un

de nos proches. La condition humaine est ainsi faite que la souffrance et la détresseprennent une part importante dans notre vie. D’autre part, l’absence de souffranceet de détresse constitue un paramètre de définition de certains troubles. Prenons,par exemple, une personne dont les sentiments d’exaltation extrême et la possibleimpulsivité font partie d’un épisode maniaque. Comme nous le verrons auChapitre 7, l’une des difficultés majeures liées à ce trouble est que ces personnes sesentent très bien quand elles traversent un épisode maniaque au point qu’elles répu-gnent à entamer ou poursuivre un traitement. Ainsi, définir un trouble psychologi-que par la détresse qu’il engendre est insuffisant, bien que le concept de détressecontribue à une définition appropriée.

La notion d’altération est utile, quoique non entièrement satisfaisante. Par exem-ple, beaucoup de gens se trouvent timides ou paresseux. Cela ne signifie pas pour

autant qu’il s’agit de personnes anormales. Si toutefois vous êtes timide au pointd’éviter toute rencontre, bien qu’au fond vous aimeriez vous faire des amis, alorsvotre fonctionnement social est altéré. La phobie de Julie a clairement altéré soncomportement social, mais nombreux sont ceux chez qui de telles réactions moinssévères n’altèrent pas le fonctionnement social. Cette différence illustre bien quela plupart des troubles psychologiques sont simplement l’expression extrêmed’émotions, de comportements et de processus cognitifs normaux.

1.1.3 Caractère atypique ou inattentu du comportement

Finalement, le 

critère 

du caractère atypique ou inattendu  du comportement

dans un contexte culturel donné est important mais encore insuffisant pour déter-

miner l’anormalité. Quelque chose peut être qualifié d’anormal parce que rare. Nouspouvons trouver quelqu’un anormalement grand ou petit. Cela signifie que la taillede la personne considérée dévie substantiellement de la moyenne, mais cela ne cons-titue évidemment pas un trouble. Nombreux sont ceux dont le comportement dévieconsidérablement de la moyenne et que nous regardons comme exceptionnellementtalentueux ou excentriques. Beaucoup d’athlètes, d’acteurs et d’artistes sont classésdans cette catégorie. Par exemple, il est anormal de se masturber en public, pour-tant, la chanteuse Madona l’a fait à de nombreuses reprises sur scène ; J. D. Salinger,l’auteur de Catcher in the Rye,  s’est retiré dans une petite localité du NewHampshire, refusant toute visite pendant de longues années, sans pour autant ces-ser d’écrire ; le chanteur Marilyn Manson apparaît sur scène habillé et maquillé enfemme. Ces personnages célèbres qui gagnent beaucoup d’argent semblent appré-cier leur carrière. Dans la plupart des cas, plus quelqu’un est productif, plus ses

excentricités sont tolérées. C’est pourquoi « dévier de la norme » ne suffit pas pourdéfinir l’anormalité.

Un autre point de vue stipule qu’il y a anormalité lorsqu’une norme comportemen-tale établie par la société est violée, même si un certain nombre de personnes sou-tiennent cette violation. Cette définition tient compte de l’importance desdifférences culturelles dans le rapport au trouble mental. Par exemple, être en étatde transe et se croire possédé est considéré comme pathologique dans la plupart

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Comprendre la psychopathologie   5 

des cultures occidentales, mais non dans beaucoup d’autres cultures où ce compor-tement est accepté, voire attendu (voir Chapitre 6). (La perspective culturelle ser-vira souvent de référence importante tout au long de ce livre.) Un exempleinstructif de ce point de vue nous a été rapporté par Robert Sapolsky (2002), illus-

tre neuroscientifique qui durant ses études travailla en étroite collaboration avecla tribu masaï en Afrique de l’Est. Un jour, Rhoda, une amie masaï de Sapolsky, luidemanda d’amener sa jeep le plus vite possible dans un village masaï où une femmeavait présenté un comportement très agressif et affirmait avoir entendu des voix.Elle avait en fait tué une chèvre à mains nues. Sapolski et quelques Masaïs réussi-rent à la maîtriser et à l’emmener dans un centre de santé local. Réalisant que seprésentait pour lui l’occasion d’en apprendre un peu plus sur le point de vue masaï à propos des troubles mentaux, il retranscrivit la discussion suivante qu’il eut avecson amie Rhoda :

« Eh bien, Rhoda, » commençai-je laconiquement, « qu’est-ce qui, selon toi, n’allait pasavec cette femme ? »

Elle me regarda comme si j’étais fou.

« Elle est folle. »« Mais comment peux-tu le savoir ? »

« Elle est folle. Ne peux-tu t’en rendre compte à la façon dont elle se comporte ? »

« Mais comment détermines-tu, toi, qu’elle est folle ? Qu’a-t-elle fait ? »

« Elle a tué une chèvre. »

« Oh », fis-je, empreint d’un détachement tout anthropologique, « mais les Masaïs tuentdes chèvres tout le temps… »

Elle me dévisagea comme si j’étais devenu vraiment  idiot. « Seuls les hommes tuent leschèvres », me répondit-elle.

« Bon, et à quoi d’autre peux-tu déterminer qu’elle est folle ? »

« Elle entend des voix. »

Une fois de plus, je me montrai perplexe. « Ah, mais les Masaïs entendent des voix,parfois. » (lors de cérémonies, avant de partir en transhumance avec le bétail, les Masaïs

exécutent des danses rituelles induisant des transes durant lesquelles ils affirmententendre des voix), et en une phrase, Rhoda résuma la quasi-moitié de ce que chacundevrait savoir en psychiatrie trans culturelle :

« Mais elle a entendu des voix au mauvais moment. » (p. 138).

Cependant, la violation de la norme sociale établie comme critère suffisant du dia-gnostic d’anormalité , a parfois été utilisée abusivement. L’exemple des interne-ments psychiatriques de dissidents politiques, jadis pratiqués dans l’ancienneUnion Soviétique avant la chute du communisme, montre que le comportementdes dissidents considéré comme une violation des normes sociales, n’aurait jamaisdû être la raison de leur internement.

Dans une analyse très pénétrante, Jérôme Wakefield (1992, 1999) utilise un style

télégraphique dans sa définition du trouble mental : « dysfonctionnementdangereux ». Un concept apparenté et également utile consiste à déterminer lamesure dans laquelle le comportement observé est sous le contrôle de la personnequi le présente (s’agit-il d’un comportement qu’elle ne veut consciemment pasavoir ? (Widiger & Sarkis, 2000). Une variante de cette approche du trouble men-tal est souvent adoptée dans la pratique psychodiagnostique courante, commel’illustre la quatrième édition du manuel diagnostique et statistique DSM-IV-TR(publié par l’American Psychiatric Association en 2000) qui contient la liste cou-

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rante des critères des troubles psychologiques. C’est cette approche qui guidenotre réflexion tout au long de cet ouvrage.

1.1.4 Vers une définition acceptée de l’anormalité

En conclusion, il est difficile de distinguer « le normal » de « l’anormal »(Lilienfeld & Marino, 1995, 1999) et le débat n’est pas près de s’achever (Houts,2001 ; Clark, 1999 ; Klein, 1999 ; Spitzer, 1999 ; Wakefield, 2003). La définition laplus largement acceptée figurant dans le DSM-IV-TR décrit comme anormaux les 

dysfonctionnements comportementaux, émotionnels ou cognitifs inhabituels 

dans leur contexte culturel, associés à de la détresse personnelle ou à une altéra- 

tion considérable du fonctionnement. Cette définition peut s’avérer utile au tra-vers des cultures et sous-cultures dès lors que l’on accorde une attentionparticulière aux concepts de « fonctionnel » et « dysfonctionnel » (ou non contrôlé)dans une structure socioculturelle donnée. Mais il n’est jamais facile de déterminerce que sont une dysfonction ou un manque de contrôle, et certains chercheurs

arguent de façon convaincante que les professions de la santé ne pourront jamaisdéfinir de façon satisfaisante la « maladie » ou le « trouble » (par exemple, Lilienfeldet Marino, 1995 ; 1999). Le meilleur moyen d’y parvenir est d’examiner la mesuredans laquelle le trouble où la maladie correspond au « profil typique » d’un trouble— par exemple, à la dépression majeure ou à la schizophrénie — en présentant tousou la majorité des symptômes que les experts s’accordent à identifier comme témoi-gnant de la présence du trouble. Nous désignons un profil typique par le terme de

 prototype  et, comme nous le verrons dans le Chapitre 3, les critères diagnostiquesdu DSM-IV que vous trouverez au long de cet ouvrage sont tous des prototypes.Cela signifie qu’un patient peut présenter quelques symptômes ou caractéristiquesd’un trouble (un nombre minimum), mais pas tous et pourtant, satisfaire aux critè-res du trouble parce que les symptômes qu’il présente correspondent suffisammentau « prototype ». Une fois de plus, ce concept est décrit de façon plus complète dansle Chapitre 3 où le diagnostic des troubles psychologiques est discuté.

Actuellement, le processus de planification pour l’élaboration de la cinquième édi-tion du Manuel diagnostique et statistique  (DSM-V) a commencé (Kupfer, First, &Regier, 2002) et les comités de planification ont déjà commencé à se débattre avecles questions d’améliorations pouvant être apportées aux définitions des« troubles » évoqués. Premièrement, ils proposent d’entreprendre une analyseminutieuse des concepts qui désignent couramment les troubles mentaux tels querepris dans le DSM-IV-TR et d’évaluer le degré auquel ils sont conformes (ou non)à leurs nombreuses compréhensions actuelles. Deuxièmement, ils proposent deréaliser des sondages auprès de professionnels de la santé mentale à travers lemonde afin de se faire une meilleure idée de la façon dont le concept de « troubles

mentaux » est compris d’un pays à l’autre et de vérifier l’émergence de dénomina-teurs communs indiscutables. Finalement, par ce même procédé de sondages, ilscomptent vérifier ce qui, aux yeux des professionnels de la santé mentale à traversle monde, sépare un sujet qui satisfait véritablement aux critères de trouble mentald’autres individus qui pourraient présenter une forme légère du même troublesans que celle-ci n’interfère avec leur fonctionnement (Rounsaville et al., 2002).Nous espérons que ces sondages nous éclaireront sur l’épineux problème de la défi-nition d’un trouble mental.

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Comprendre la psychopathologie   7 

Au terme de ce paragraphe, nous vous proposons de relever le défi d’amener leproblème de la définition du comportement anormal vers une étape ultérieure enfonction de la considération suivante : qu’adviendrait-il si Julie s’évanouissait sisouvent qu’après un certain temps, ni ses camarades de classe, ni ses professeurs

ne le remarqueraient plus parce qu’elle reprendrait conscience très rapidement ?Et si Julie continuait à obtenir de bons résultats scolaires, le fait de tourner de l’œilà chaque évocation du sang constituerait-il un trouble ? Parlerait-on d’altération ?De dysfonctionnement ? De détresse ? Qu’en pensez-vous ?

La  psychopathologie   est l’étude scientifique des troubles psychologiques.Elle comprend des professionnels spécialisés dans de nombreux domaines apparen-tés tels que psychologues cliniciens et conseillers, psychopédagogues, psychiatres,assistants sociaux et infirmiers spécialisés dans les soins psychiatriques, ainsi que

les thérapeutes familiaux et de couples et les conseillers en santé mentale. EnFrance, en Belgique, en Suisse et au Québec, les psychologues cliniciens  doivent pré-parer un diplôme universitaire spécialisé dans le domaine de la psychologie cliniqueou un doctorat selon qu’ils souhaitent s’orienter vers le conseil en entreprises pri-vées ou la recherche. Aux États-Unis, les psychologues cliniciens  ou conseillers  doi-vent obtenir le grade de docteur et suivre pendant environ cinq années un stagepost-doctoral qui a pour objectif de les préparer à la recherche sur les causes et lestraitements des troubles psychologiques ainsi qu’au diagnostic, à l’évaluation et autraitement de ces troubles par une intervention psychosociale. Les psychologuesexpérimentalistes et les psychologues sociaux se consacrent, quant à eux, à larecherche relative aux déterminants de base des comportements humains, sans sepréoccuper de l’évaluation ou du traitement des troubles mentaux. De plus, bienque beaucoup de ses spécialités se recouvrent considérablement, les psychologues-

conseillers ou d’orientation, se consacrent à l’étude et à l’orientation sociale et pro-fessionnelle d’individus essentiellement sains alors que les psychologues cliniciensse destinent généralement à la recherche et au traitement des troubles psychologi-ques sévères.

Les psychiatres commencent par obtenir leur diplôme de médecine pour, ensuite,se spécialiser pendant 3 à 4 ans d’internat en service de psychiatrie. En recherche,ils s’intéressent également à la nature et aux causes des troubles psychologiques,mais orientent leur réflexion vers une compréhension des fondements biologiquesde ceux-ci. Eux aussi (comme les psychologues cliniciens), pratiquent la psychodia-gnostic et proposent des traitements appropriés, essentiellement médicamenteux,bien que beaucoup y intègrent un traitement psychosocial.

Les assistants sociaux psychiatriques  sont titulaires d’un diplôme spécialisé les habi-litant à recueillir l’information pertinente relative à la situation familiale et socialed’individus souffrant de troubles psychologiques. Ils traitent également ces trou-bles en portant le plus souvent leur attention sur les problèmes familiaux qui leursont associés. Les personnes spécialisées en soins infirmiers psychiatriques obtien-nent un diplôme spécial (une maîtrise ou même un doctorat aux États-Unis) et fontpartie d’une équipe soignante traitant les patients hospitalisés pour troubles psy-chologiques. Finalement, les thérapeutes familiaux et les thérapeutes de couples

1.2 La science de la psychopathologie