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    THEORIE DES CATEGORIES, THEORIE DES TOPOSAlain Badiou (1995-1996)

    [Notes de Daniel Fischer]

    1. Introduction 22. La querelle autour de l'axiome du choix 3

    3. Le thme contemporain de la finitude 4

    4. Construction catgorielle de l'axiome du choix 6a) 6 Diffrenciation logique de l'axiome du choix 84.1 8

    NOTE ADDITIONNELLE SUR LA DIFFRENCE 9

    b) 11

    dmonstration............................................................................................................................... 124.2 124.3 13

    5 Qu'est-ce que le classicisme en Thorie des Topos ? 15

    Voyons pour commencer o nous en tions arrivs la fin de l'anne dernire. L'ide centralec'est que des contraintes formelles nouent entre eux ce que j'ai appel les cinq conceptsfondamentaux de l'onto-logie : la dcision, le vide, la ngation, la diffrence et l'infini. Cescontraintes formelles sont exprimes dans des thormes qui constituent l'armature logique detoute dcision ontologique.

    Ces thormes nous permettent de penser l'ide fondamentale suivante : la logiquertroactivement institue par une dcision est le prix payer pour une libert. En ce sens, trevritablement libre c'est en ralit tre consquent avec un principe. Dans mes termes : toutelibert est une fidlit ( un vnement). C'est l le sens de la formule de Mallarm : "le hasardvaincu mot par mot".Deux de ces thormes ont fait l'objet d'une dmonstration. J'en redonne l'nonc :

    1. Tout Topos qui admet un oprateur de succession en position universelle admet unobjet intrinsquement infini.

    Autrement dit : un Topos qui admet le concept de l'infini comme rcurrence ou itrationindfinie (i.e. l'infini potentiel) admet aussi une dtermination intrinsque de l'infini (i.e. l'infiniactuel). Plus exactement : un Topos qui admet le premier type d'infini est contraint d'admettre lesecond. L'infini conu comme itration indfinie n'est par consquent pas une limitation, car on

    ne saurait penser, dans une sorte d'entre-deux prudent, un statut autonome de l'indfini;ultimement, la dcision ontologique consiste soit admettre qu'il y a de l'infini soit le refuser.2. Si dans un Topos il y a unicit du vide et que la logique du Topos est classique, alors

    le Topos est bien point.Ce que nous avons en ralit dmontr l'anne dernire, c'est la rciproque de ce thorme, savoir que, dans un Topos bien point, il y a unicit du vide et que la logique laquelle ceTopos obit est ncessairement une logique classique (la dmonstration de l'nonc direct est,quant elle, particulirement aride).On peut formuler ce thorme de la faon suivante : s'il y a du Zro (Zro tant le nomgnrique du vide comme unique) et que le Deux est central (par o s'exprime le caractreclassique de la ngation : force maximale de la disjonction p ou ~ p - principe du tiers exclu - etattnuation de la force cratrice de la ngation - quivalence de p et de la double ngation de p),

    alors il y a de l'Un dans la diffrence (diffrence extensionnelle o l'on conclut la diffrenceentre deux ensembles par la monstration d'un lment qui entre dans la prsentation de l'un et

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    non dans celle de l'autre). On peut d'ailleurs se demander si toute dcision ontologique dans lapense n'est pas toujours un rgime particulier de connexion entre Zro, Un et Deux ...Abordons donc le 3me thorme, qui fait noeud de la dcision et de la ngation.

    Thorme 3 : tout Topos qui admet l'axiome du choix est classique (thorme deDiaconescu : 1975).

    1.INTRODUCTION

    Il y a des thories de la dcision qui supposent, pour toute dcision, une rduction au fini deson espace d'exercice; autrement dit : tant que la situation est proprement infinie, la dcision estconsidre par ces thories comme impraticable ou arbitraire. Une fois la situation ramene safinitude, pralable ncessaire toute dcision rationnelle, elle pourra le cas chant tredclare "complexe" et mme un point tel que toute dcision concrte s'y rvlera en ralitimpossible - on aura reconnu l une thse majeure du monde contemporain. Or, l'axiome duchoix nonce qu'on peut dcider dans l'infini

    1[1]. D'o les controverses auxquelles il a donn lieu

    et qui sont loin d'tre teintes aujourd'hui.

    Notre thorme pourra par consquent se formuler ainsi : si dans votre univers vousadmettez la dcision infinie, alors la logique de cet univers est ncessairement classique : toutedcision y est sous la loi d'un Deux en disjonction effective (soumis au principe du tiers exclu);vous ne pouvez plus tre dans le modal quant la ngation (le monde des situations"complexes" est un monde de la modalit), la position centriste est intenable.

    La dcision ontologique tablit donc, avec ce thorme, une connexion entre l'infini et leDeux, connexion qui, il faut le reconnatre, n'est pas immdiatement perceptible

    2[2].

    Nous avons vu l'anne dernire que les logiques non classiques, dans lesquelles il n'est pas vraique ~~p p, impliquent la fois une attnuation de la force disjonctive de la ngation et unerelle force cratrice de celle-ci - partant elles impliquent une topologie qui n'est pas trivialecomme dans les logiques classiques, mais une authentique cration d'espace, une topologie desvoisinages. Par consquent, notre thorme s'exprime galement de la faon suivante : si vous

    admettez la dcision infinie, alors votre univers, en tant qu'il est contraint au classicisme, n'estpas compatible avec un fonctionnement topologique.La logique hglienne est un exemple typique de logique non classique.Comme vous le savez, toute diffrence est, pour Hegel, ce que le ngatif qui est au coeur del'tre fait surgir comme expression de lui-mme. Mais la ngation n'est pas seulement au coeurde l'tre, elle doit d'une certaine manire y revenir : la ngation va se projeter dans desdiffrences concrtes, des figures, puis ces figures vont retourner, ou se rinjecter, dans leurorigine de telle sorte que la ngation va elle-mme tre nie. C'est le thme, fondamental chezHegel, de la ngation de la ngation comme moment de la vrit. Autrement dit : la vrit d'unechose, c'est son devenir, i.e. le travail en elle du ngatif; mais pour faire vrit de ce devenir, ilfaut que le devenir rentre en lui-mme comme conscience de soi, il faut donc qu'il y ait enquelque sorte un devenir du devenir, c'est--dire effectivement une ngation de la ngation. Leretour l'immdiat de p, une fois que p a t deux fois ni, produit autre chose que p, mais aussile principe d'intelligibilit de l'immdiat lui-mme : p peut alors tre dit conscient de lui-mme.La double ngation est chez Hegel la fois cration (avnement d'une nouvelle figure) et retour(ce qui rend raison de son origine).Revenant notre thorme, nous pouvons donc noncer que la possibilit de la dcision infinieest incompatible avec la dialectique; et rciproquement : si la double ngation est cratrice,alors la dcision infinie est impossible.

    1[1]Rappelons la dfinition de l'axiome du choix : tant donne une collection infinie d'ensembles disjoints

    non vides A1, A2, ..., Ai, l'axiome du choix pose qu'il existe toujours un ensemble compos en prenant un

    lment, et un seul, de chacun des ensembles initiaux.2[2] La connexion entre l'infini et le Deux de la diffrence des sexes a cependant t entrevue par Lacan,ainsi que nous l'avons vu l'anne dernire.

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    On comprend que ceci a pu embarrasser les marxistes. Car la question est la suivante : o est lacapacit cratrice, par o le nouveau advient-il ? Est-ce au travers de la ngativit elle-mme (le"travail du ngatif") ? On a alors affaire la figure dialectique hglienne (et en fait, pluslointainement, Hraclite). Ou bien la cration est-elle une figure d'extension l'infini de ladcision, ce que j'ai appel la dcision infinie ? - ce qui suppose, pour que le nouveau puisseadvenir, que la dcision comporte ncessairement (c'est l'axiome du choix qui nous l'apprend)une part de pari, implique que quelque chose soit gag sans aucun calcul. Or, le thorme nousapprend qu'il y a incompatibilit entre ces deux figures. Soit vous tes l'homme des trajetstopologiques et vous dclarerez que les choses suivent leur cours au travers du travail dungatif, moyennant certains ajustements imprimer ce cours; vous serez alorsimmanquablement amen prononcer, dans une situation que d'aucuns jugeraient "pr-rvolutionnaire", que les paramtres ne sont pas (encore) runis pour la qualifier comme telle etqu'il faut (encore) attendre. Soit, tenant de l'autre figure, vous poserez qu'une dcision estncessaire sans que l'on puisse tre dans l'assurance d'une connaissance adquate de la topologiedu systme (car dans une situation infinie il y a toujours la possibilit qu'il y ait des paramtresincontrols) et qu'au contraire, pour reprendre les termes de J.C. Milner, il est possible "qu'ungeste puisse crer les conditions qui, rtroactivement, le font juste et opportun" (J.C. MilnerLes

    noms indistincts p. 16 note 3). Il y a l-dessus un texte extraordinaire de Lnine datant del'automne 1917 :La crise est mre. Il y expose, l'intention des dirigeants du Comit Central, pour qui la force des bolchviks c'est d'attendre, que les conditions pour dclencherl'insurrection sont dsormais runies : il se place de ce fait dans une logique hgliano-marxiste.Mais il ajoute, dans le mme texte, que de toute faon, et en quelque sorte indpendamment des

    proprits cumulables lies ces circonstances objectives, il faut y aller: cette fois-ci il est dansla position o il assume l'axiome du choix (cf. Thorie du sujetp. 187-188 et S. Lazarus : "La

    politique n'est historique que rtrospectivement, au simple titre qu'elle a eu lieu (...) La priodede la prise de pouvoir est dcisive parce que c'est une priode o la myopie historique de la

    politique est atteste, o ses intrications l'histoire relle sont les plus fortes et les plus grandes"(Lnine et le tempsp. 23-24)).

    2. LA QUERELLE AUTOUR DE L'AXIOME DU CHOIX

    Supposons une collection infinie d'ensembles disjoints non vides A1, A2, ..., Ai. L'axiome duchoix pose qu'il existe alors toujours un ensemble compos en prenant un lment, et un seul, dechacun des ensembles disjoints. Cet ensemble, compos par consquent de "reprsentants" desdiffrents Ai de la collection initiale, est appel l'ensemble-choix. Autrement dit : dans unesituation infinie, existe une reprsentation, elle-mme infinie, selon l'Un (car chaque ensembleest reprsent par un lment et un seul).L'axiome du choix est un axiome existentiel, il pose l'existence de l'ensemble-choix. On peutdire aussi que ce dont l'existence est affirme c'est une fonction - la fonction de choix fc - qui, chacun des ensembles A1, A2,... de la collection initiale, fait correspondre un de ses lments :( fc) ( Ai) ( xi) xi Ai et fc(Ai) = xiLe point essentiel est que si la collection est infinie, la rgle selon laquelle les choix s'oprentn'est pas explicitement dfinie : "en ce sens, la fonction de choix est essentiellement illgale auregard de ce qui prescrit qu'un multiple puisse tre dclar existant" (EE p. 251); on dmontremme que, si la suite des ensembles initiaux est infinie, l'ensemble-choix n'est pas dfinissable,i.e. qu'il n'est constructible par aucune formule explicite. On ne sait pas "qui" sont lesreprsentants, comment ils sont selectionns dans l'ensemble auquel ils appartiennent, on saitseulement qu'il y en a un, mais c'est n'importe qui : "ce reprsentant n'a pas d'autre identit qued'avoir reprsenter le multiple auquel il appartient. Illgale, la reprsentation par choix est toutaussi bien anonyme" (EE p. 253).

    L'axiome du choix est une dcision sur les puissances de la dcision, c'est une dcision sur la

    dcision car on atteint ici un degr de non-constructibilit radicale. C'est prcisment ce qui faitle fond de la querelle autour de l'axiome du choix, querelle qui est avant tout de nature philosophique, car les grands analystes franais de la fin du sicle dernier en faisaient

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    implicitement usage dans leurs propres dmonstrations; c'est son explicitation formelle qui leur parut excder absolument ce qu'ils acceptaient quant au maniement de l'infini. Et surtout lacontroverse portait sur la question de savoir s'il est ou non acceptable d'tendre le rgime de ladcision au degr o le fait l'axiome du choix (puisque celui-ci nonce que le caractre infini dela situation ne fait pas obstacle au principe qui consiste injecter de l'Un dans le multiple d'unesituation).

    C'est trs prcisment sur ce point que l'acceptation de l'axiome du choix a suscit, et ce trstt, des objections. Bettazi, un mathmaticien italien de l'cole de Peano, les a noncesexplicitement ds 1892 : il est impossible qu'une traverse de l'infini saisisse chaque fois unseul point. Le mathmaticien franais Borel a formul la mme objection dans les termessuivants en 1908 : l'axiome du choix consiste en une suite infinie de choix arbitraires. Ilentendait signifier par l que, de l'existence affirme par l'axiome, nous ne comprenons que lersultat mais pas le mode opratoire de l'opration qui a conduit ce rsultat. L'axiome duchoix est inconstructible. Il y a certes choix, mais comment on choisit - ou plutt comment achoisit - nul ne le sait; comme s'il y avait l un inconscient opratoire inaccessible, dont nousn'aurions que le rsultat - ou le symptme; comme si nous avions affaire un lapsus - mais sans

    thorie du lapsus. L'insupportable est en dfinitive qu'il y a l du sans-raison, qui cependantopre. La "consolation" trouve par Borel rsidait en ce que le prlvement d'un point dans unesrie infinie d'ensembles, en quoi consistent les choix de l'axiome, est nanmoins revtu d'unsens, mme prcaire ou approch, si je peux y introduire une clause de finitude : si la srie estinfinie, mais que cet infini est dnombrable, j'ai au moins la consolation de savoir que chaquechoix n'est obtenu qu'au bout d'un tempsfini.

    Ce que nous apportera l'approche catgorielle de l'axiome du choix, c'est d'abord quel'univers des catgories n'est pas un univers dcid : cette approche considre, nous l'avons dit

    plusieurs reprises, les universpossibles. Le sens n'y est pas envisag de faon absolue, mais esttoujours rapport un univers particulier : un nonc ne reoit une interprtation que dans unTopos donn. Autrement dit : l'assignation du sens dpend de l'univers choisi. La questioncatgorielle n'est donc pas : "l'axiome du choix a-t-il un sens ?" mais celle-ci : "dans quel type

    d'univers l'axiome du choix est-il possible ?" ou encore : "quelle est la forme logique d'ununivers tel que la corrlation singulire de l'Un et de l'infini, en quoi consiste l'axiome du choix,y aura t dcide?"

    3.LE THEME CONTEMPORAIN DE LA FINITUDE

    Le principe de finitude est, vous le savez, essentiel la philosophie contemporaine. Mais il fauten prendre prcisment la mesure : il ne s'agit pas tant ici, en effet, de savoir si ce qu'il y a estfini, i.e. en fin de compte du rappel l'homme de sa condition mortelle, que de la pense de laconvocation au fini de l'tre-l de l'homme (pour user d'une terminologie heideggerienne)."Fini" sera donc entendre simultanment en deux sens : ce qui a rapport une fin (au sens dufinir) etce qui est dans l'exposition de sa limite.

    Kant peut en ce cas tre considr comme le premier penseur de la finitude, par l'accent qu'ila mis sur le caractre fini de la connaissance, celle-ci ne pouvant tre dsormais apprhendeque selon le principe de sa limite. Ce n'est pas par hasard si c'est dans le livre que Heidegger aconsacr Kant que l'on trouve la maxime suivante : "L'laboration de l'essence la plus intimede la finitude doit toujours elle-mme de manire principielle tre finie", maxime qui estcentrale dans ce que je considre comme le trait contemporain le plus systmatique de lafinitude (en dpit des dngations de son auteur quant ce caractre de trait), savoir Une

    pense finie de J.L. Nancy. Celui-ci tablit que la question de la finitude s'impose au point ofinit un registre dusens antrieurement opratoire

    3[3]. Puisque les catgories de Dieu, d'Homme,

    3[3]

    Pour J.L. Nancy, ce dont nous manquons dsormais c'est du sens comme renvoi autre chose que cemonde-ci - une transcendance, une extriorit quelconque, que ce soit sous la forme thologique ou quece soit sous la forme du Wittgenstein du Tractatus ("Le sens du monde est hors du monde"). Si pour lui le

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    d'Histoire, de Sujet, ... en sont venues dfaillir, la tche qui nous incombe est celle "d'unepense hauteur de fin" (p. 12). Il s'agit de dcliner une pense finie dans la finitude du sens -d'o la signification que le terme de "finitude" prend chez Nancy : celle d'une existence conuecomme sans essence, sans fondement. Le "sans-essence de l'exister", c'est en effet pour luil'exister soustrait lui-mme comme sens.

    On comprend que dans un tel cadre une dcision au regard de l'infini serait proprementexorbitante; elle outrepasserait la ressource (pour nous puise) du sens, elle ne nous serait pluscontemporaine; en un mot : elle serait mtaphysique en son principe.

    Dans le dbat que j'entretiens avec J.L. Nancy, je voudrais dire ceci : son dispositif suppose qu'ily ait eu naufrage du sens et convoque cette fin une historialit pose de faon dramatique (lacatastrophe nazie ...). Or je n'entrine aucunement que quelque chose comme un "naufrage dusens" ait eu lieu; ma position est que cet vnement est construit et que le retrait du sens est enfait entam depuis toujours et en outre depuis toujours proclam - proclamation qui, galementdepuis toujours, s'accompagne de la promesse d'un Retour. A l'poque de l'puisement de lamtaphysique, Heidegger affirme, reprenant le thme Hlderlin, "Seul un Dieu peut noussauver" - le mot "Dieu" dsignant ici "la venue sans concept d'un retournement salvateur"(Conditions p. 58). Mais c'est de toujours qu'il a t dit : il y a une fin du monde et il faut que le

    monde revienne. Le couplage de la perte et de la promesse du comblement de cette perte est cequi constitue le sens lui-mme (dont Lacan avait bien raison de dire qu'il est intrinsquementreligieux) et c'est pourquoi il ne saurait y avoir de "naufrage du sens" (sinon qu' faire naufrage,c'est le sens mme du sens qui alors advient) : de toujours le sens est perdu, et le sens c'est celamme. Il n'y a que le Capital qui soit un fauteur gnral de perte du sens sans tre en mmetemps dans la prtention identifier un sens venir dans la forme d'une donation - c'est l salacit intgrale, impeccablement reconnue par Marx, qui crditait le Capital d'tre le "dissolvantgnral des reprsentations sacralisantes" (cf. Manifeste pour la philosophie p. 36), lui qui "anoy les frissons sacrs de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de lasentimentalit petite-bourgeoise dans les eaux glaces du calcul goste"; ce mme Marx qui apingl du terme de "socialisme fodal" le voeu d'une restitution du sens, d'une ractivation dusens au point de sa perte (c'est une ractivation au sens o l'entendait Nietzsche qu'il faut ici

    comprendre). Plutt qu'une "pense hauteur de fin", qui nous expose en fin de compte unretour des vieux dieux, supports d'une pense du sens (retour effectif : les nations, les ethnies,etc.), c'est une pense hauteur de Capital qu'il nous faut.Pour J.L. Nancy si la finitude est notre lot, l'infini de l'tre est expos comme sens. Or selonmoi, l'tre doit tre au contraire pens comme une multiplicit insense (et trs exactement : in-

    sense - le trait d'union dsigne ceci que l'tre ne relve en aucune faon de la question dusens), multiplicit infinie qui en outre, parce qu'elle est une multiplicit inconsistante, ne fait pasUn - c'est la version que, quant moi, je propose du thme nietzschen de la "mort de Dieu" :l'infini ne fait pas Un

    4[4]. Dans ces conditions comment l'Un opre-t-il dans l'axiome du choix ?

    sens peut tre encore "sauv", c'est en tant que le sens suppose le partage; du sens, il n'y en a qu' plusieurs. La question devient alors pour lui celle de l'avec, mais un avec qui chapperait toute

    intgration dans l'unit, un avec dlibrment envisag dans sa pauvret : le rapport en tant qu'il n'est pens ni comme oblig ni comme finalis, mais comme le lieu d'une libre circulation du sens; la proximit (avec le "prochain", dans les termes chrtiens), mais en tant que toute proximit supposel'loignement (sinon elle est fusion), ce que danstre singulier pluriel, il nomme le "ctoiement".4[4]

    "Dieu" est en effet le nom reu dans la tradition pour dsigner l'Un-Infini, soit cela mme dont jeprtends que cela ne se laisse pas exposer la pense. Deux remarques ce propos :a) Pourquoi Spinoza a-t-il gard ce nom de "Dieu" ? "Substance" ne suffisait-il pas son immanentismeradical ? C'est que l'Infini reste chez lui sous le signe de l'Un, mme si cet Un est extnu (multiplicitinfinie des attributs de la Substance). Spinoza ne dissimulait pas; ainsi que l'atteste sa correspondance, ilse considrait rellement comme un individu "honorable", ce qui ses yeux voulait dire : certainement

    pas un athe.b) Cantor, vous le savez, est all interroger le Vatican sur le caractre religieusement acceptable ou non

    de son invention, qui est quand mme, qu'il le veuille ou non, une lacisation inoue de l'infini. La rponsedes cardinaux, qui tmoigne d'une imperturbable continuit de l'Eglise (car, en substance, c'est la mmeque celle qui avait t faite Galile) revient en gros ceci : "Pourvu que ce ne soit que de la

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    Au lieu de dire que "l'Un est", ce qui renverrait une donation de sens, je propose uneinterprtation particulire de la formule "il y a de l'Un". Il s'agit d'une opration de traverse del'infini telle que la trace de la traverse soit chaque fois sous le signe de l'Un, une troue maissans totalisation; de l'Un est extorqu l'infini par le trac d'une traverse. Je dirai qu'il n'y a d'Unqu'en traverse de la multiplicit infinie, mais sans qu'elle soit scelle, sans qu'elle soitrecollecte : si l'Un est, il n'est que de travers et cette traverse est lie une dcision.La rponse que fournit J.L. Nancy dans son livre la question : "qu'est-ce qu'une dcision de

    pense ?" est ici du plus haut intrt. La dcision est, selon lui, "l'objet indcidable parexcellence", tout en tant "appropriation d'elle-mme" (p. 111). Je souscrirais volontiers la

    premire formule (en mettant cependant des rserves sur le mot "objet") : la dcision qui prendla forme d'un nonc purement existentiel ("il existe ...") touche l'in-fond, car l'exister est

    prcisment ce qui est sans essence, ce qui est sans fondement; la dcision se meut doncncessairement dans l'lment de l'indcidable. La deuxime formule, quant elle, pose que ladcision est dans l'exposition sa propre limite et, par l, rintroduit le thme de la finitude aveclequel je suis en foncier dsaccord. Le caractre existentiel de l'axiome du choix supporte, pourJ.L. Nancy, le fait que la figure de l'exister pur expos la perte du sens puisse attester quandmme, dans l'lment de la finitude, de la venue d'un sens. Il reconduit par l un dispositif qui,

    mon avis, est en fin de compte chrtien : le christianisme est en effet fondamentalementl'exprience d'unefinitude de Dieu, finitude qui est releve par une opration du sens au point dela perte absolue de celui-ci. Quand Jsus sur la croix prononce "Mon Pre, pourquoi m'as-tuabandonn ?", la perte du sens est son comble, c'est le sens lui-mme qui est crucifi - mais

    pour tre relev : dans un exister. Le christianisme est une religion de l'existence.Je soutiens au contraire que le caractre existentiel de l'axiome du choix tmoigne d'unedcision d'existence qui prend sur elle la dimension de l'in-sens. J'en vois le symptme dansceci que l'axiome comporte trs peu de dfinitions de ce dont il affirme l'existence, ce qui aintimement voir avec son caractre inconstructible. Comme nous le verrons plus tard, l'axiomedu choix, en vritable camlon, se donne dans une grande varit d'noncs d'allures trsdiverses, noncs dont l'quivalence est elle-mme difficilement perceptible; ce qu'il pense esten ralit dli d'un nonc particulier, il est un dire plutt qu'un dit. L'axiome lui-mme estce

    dire, dpos dans tel ou tel dit.

    4.CONSTRUCTION CATEGORIELLE DE L'AXIOME DU CHOIX

    a)

    Situons-nous d'abord dans le langage ensembliste. Considrons deux ensembles A et I etsupposons qu'il existe une fonctionsurjective g prenant ses arguments en A et ses valeurs en I.Cela signifie que tous les lments de I sont des valeurs pour les lments de A : pour toutlment i appartenant I, il existe un lment (au moins) appartenant A, tel que i soit sa valeur

    par g.Ceci n'interdit pas que deux lments diffrents de A, x1 et x2, aient la mme valeur en I par g.Considrons prcisment l'ensemble Ai des lments de A qui, par g, ont i pour valeur dans I; lafiguration de tout cela donne un pi de bl dont le "germe" serait i et dont les "grains" seraientles lments de Ai. Si i, j, k, ... sont des valeurs en I de la fonction surjective, on voit apparatre... un champ de bl, i.e. une collection de sous-ensembles de A (Ai, Aj, Ak, ...), sous-ensemblesqui sont ncessairement disjoints (par dfinition de ce qu'est une fonction, il n'existe dans Iqu'une seule valeur correspondant un lment de A) :

    mathmatique, i.e.pourvu que cela ne touche aucun rel, vous pouvez y aller". La solution personnelle

    de Cantor a t d'appeler "transfini" cela qui, situ au-dela de , devenait, du fait de son invention, uneextension du calculable, mais de ne rserver l'Infini vritable - au sens du scellement par l'Un - qu' Dieuseul.

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    Si I est un ensemble infini, la collection des Ai, Aj, ... est elle-mme infinie (on a un champinfini d'pis de bl).Supposons une fonction de choix fc et appliquons-la la collection infinie des sous-ensemblesdisjoints Ai, Aj, ...; ceci permet d'affirmer qu'il existe un ensemble dont chacun des lments xi,xj, ... appartient l'un des sous-ensembles disjoints Ai, Aj, ... que nous avons repr, et dont ilest l'unique reprsentant.Dfinissons une fonction de I vers A, appelle s, qui soit telle que s(i) = fc(Ai) = xi. Il est clairque si l'on considre successivement les fonctions s puis g, on aura gs(i) = i. La fonction s estappelle section de g. S'il y a une fonction de choix, toute fonction surjective admet une section;l'criture gs(i) = i n'est en effet possible que sous condition de l'axiome du choix, car c'estseulement supposer l'existence d'une seule valeurdans Ai selon s que l'on peut "remonter" enA.

    b) L'quivalent catgoriel de la fonction surjective est l'pimorphisme. Rappelons qu'une flchee est un pimorphisme si, dans le diagramme suivant, h o e k o e h k

    Ce qui fonde cette quivalence c'est que l'pimorphisme opresur la totalit de b : si les actionsh o e et k o e s'avrent diffrentes en c, la diffrence ne peut provenir de "l'action" de e sur bmais seulement d'une diffrence entre h et k (on dit que e prserve les diffrences). Il en est demme pour la fonction surjective : ce sont tous les lments de Iqui sont des valeurs pour leslments de A selon la fonction surjective.La transcription catgorielle de l'criture gs(i) = i sera par consquent : e o s = Id(b) dans letriangle commutatif suivant :

    Une prsentation catgorielle possible de l'axiome du choix sera ainsi : un Topos admetl'axiome du choix si tout pimorphisme admet une section. Nous noterons cette prsentation :Ch 1.Dans Ch 1 l'pimorphisme a une parent avec l'isomorphisme. A la diffrence de celui-ci, il n'ya cependant d'inverseur que d'un ct : on peut dire que dans un Topos qui admet l'axiome duchoix, l'pimorphisme se comporte comme un "demi-isomorphisme". Autrement dit, dans un telTopos, l'identit catgorielle de deux objets est demi accomplie dans l'pimorphisme. Qu'est-ce que cela signifie ? Si vous avez une action totale d'un objet a sur un objet b, le fait quel'axiome du choix opre dans le Topos o sont situs les objets a et b (i.e. le fait que cette actionadmette une section), implique qu'il existe entre ces deux objets pour le moins une proximit

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    structurelle; ou encore : dans l'espace de la dcision infinie, une action totale d'un objet sur unautre ne se conoit que si ces deux objets sont "assez proches".Une autre prsentation possible de l'axiome du choix dans l'univers des Topos fait intervenir lecompte-pour-un de l'objet, soit 1(a) : la flche unique ayant a pour source et 1 pour cible (cf.93/94 p. 19).

    Nous avons dj eu l'occasion d'utiliser le thorme selon lequel toute flche dans un Toposadmet une dcomposition en un pimorphisme suivi d'un monomorphisme; autrement dit : tantdonne f, il existe m (monomorphisme) et e (pimorphisme) tels que : f = m o e (cf. 93/94 p.21). Appliquons-le la flche 1(a) :

    L'objet qui, dans le diagramme prcdent, est la source du monomorphisme est appel : supportde a - not. : sup (a) - et l'pimorphisme qui entre dans la dcomposition de 1(a) est appel :pimorphisme support.

    Une version restreinte de Ch 1, que nous noterons Ch 2, sera par consquent : un Topos admetl'axiome du choix si tout pimorphisme support admet une section

    5[5]. Cette version, moins

    forte que Ch 1, mais dans laquelle il y a une lisibilit de l'action sur 1, est en fait la prsentationla plus utilise de l'axiome du choix en thorie des Topos.

    1

    Ch 2 s'crira par consquent : e o s = Id (sup(a))

    Diffrenciation logique de l'axiome du choix

    4.1

    Nous allons dmontrer que l'unicit du vide dans un Topos quivaut ce que sa logique soitbivalente, et qu'il valide l'axiome du choix dans sa version Ch 2.

    dmonstrationa) dans un Topos, si le vide est unique, la logique est bivalente - dmonstration dj faite il y aquelques annes, et dont je redonne ici le squelette.Considrons un lment f de l'Objet central C (donc une flche f de 1 vers C). Le pullback de fet de v existe ncessairement, puisque ces deux flches ont C comme cible. Il y a donc le carrsuivant, qui est un pullback :

    5[5]

    Dans la littrature mathmatique, qui est majoritairement en anglais, section se dit split. Je proposedonc la formulation suivante de Ch 2 : tout support admet une refente (ce qui constituera une fructueusesource de mditation pour les lacaniens).

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    La flche v est un monomorphisme (comme toute flche lmentaire). Par consquent, la flche1(a) est aussi un monomorphisme, en vertu du thorme (que nous ne redmontrerons pas) "le

    pullback d'un monomorphisme est un monomorphisme". Si 1(a) est un monomorphisme, notrepullback est un pullback de centration et notre lment f de C est en fait la centration de 1(a).On distingue alors deux cas :a) l'objet a est isomorphe 0. Dans ce cas, la flche 1(a) est similaire la flche 1(0). Ces deuxflches ont donc mme centration (thorme fondamental de l'Objet Central). Or, par dfinitiondu faux, la centration de 1(0) est le faux (flche F). Comme nous venons de voir que lacentration de 1(a) est f, on en conclut : f = F.

    b) l'objet a n'est pas isomorphe 0. Si nous supposons que le vide est unique, tout objet a qui

    n'est pas isomorphe 0 n'est pas vide, i.e. possde un lment. Considrons alors le diagrammesuivant :

    Supposons que h o 1(a) = k o 1(a). Il vient alors :h o 1(a) o x = k o 1(a) o xMais 1(a) o x est une flche de 1 vers 1, donc n'est autre que Id(1), puisque 1 est terminal (l'inverse de tout autre objet, il n'y a qu'une seule flche possible de l'objet terminal vers lui-mme; mtaphoriquement : l'objet terminal est cet objet singulier qui n'a qu'une seule faon dese rapporter lui-mme, et qui est l'identit : cf. 93/94 p. 14).

    Ainsi : h o Id(1) = k o Id(1); d'o il suit que h = k.Ayant montr que si h o 1(a) = k o 1(a), alors h = k, nous avons montr que 1(a) est unpimorphisme.Finalement 1(a) est la fois un monomorphisme et un pimorphisme. En vertu du thorme(que l aussi nous ne redmontrerons pas) "dans un Topos, une flche qui est la fois unmonomorphisme et un pimorphisme est un isomorphisme", 1(a) est un isomorphisme. S'ilexiste un isomorphisme entre a et 1, il en rsulte que la flche 1(a) est similaire la flche 1(1),soit Id(1). Mais deux flches similaires ont mme centration. Or nous savons que la centrationde Id(1) n'est autre que v, cependant que celle de 1(a) est f. Donc f = v.Au bout du compte, notre suppos lment f de C s'avre ne pouvoir tre que F (si a estisomorphe 0), ou v (si a n'est pas isomorphe 0). Il ne saurait y avoir de troisime actionvaluante. Le Topos est bivalent (CQFD).

    Nous venons de voir que si, dans un Topos, il y a unicit du vide, alors il n'y a que deux valeurslogiques. Autrement dit, si vous supposez que l'tre n'est ultimement tiss que du vide, que l'trese prsente la pense comme nom propre du vide, vous vous contraignez reconnatre qu'enfait d'actions valuantes, il n'y a que le vrai et le faux.Mais vous pouvez aussi supposer qu'il y a deux (ou plus) vides diffrents. Ceci revient admettre qu'il existe dans votre univers un principe diffrentiant intensif ou qualitatif - ontologiedu virtuel, de la puissance (Aristote), ou du Chaos (Deleuze) - un principe qui ne se laisse paslmentairement localiser : ce ne peut tre par leurs lments que ces vides se diffrentient,

    puisqu'ils n'en ont pas (cf. 94/95 p. 6) ! Par consquent la contrapose du thorme que nousvenons de dmontrer dit que la multiplicit des vides, soit une ontologie de la diffrenceintensive, suppose une multiplicit des valeurs logiques, une logique nuance.

    C'est une question de prfrence ! Car en ralit toute pense, avant mme d'avoir commenc, adj dcid sur ce point; on est l dans les arcanes de la pr-dcision onto-logique. En ce qui me

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    concerne, je "n'aime pas" les diffrences intensives (je les juge obscurantistes), ma pr-dcisionest par consquent d'ordre ontologique (option pour un rgime extensionnel de la diffrence);mais je dois en payer les consquences logiques, je dois m'arranger comme je peux de ce que,

    par exemple dans l'action, je n'aie le choix qu'entre deux valuations possibles - et c'est cettelaboration qui constitue vritablement le travail philosophique. Je pense qu' l'inverse les"intensivistes" procdent une pr-dcision logique : ce qu'ils "aiment", c'est pouvoir se faufilerentre le vrai et le faux (Deleuze l'a explicitement dclar dans Rhizome), mais ils doivent en

    payer les consquences ontologiques : explorer jusqu' plus soif la ramification des diffrencesintensives.

    NOTEADDITIONNELLESURLADIFFRENCE

    La question de l'identit de la diffrence en tant que diffrence, qui est la question de l'espace delocalisation auquel on assigne la diffrence en gnral (question de l'opposition entre le globalet le local) est une question d'une importance actuelle absolue. Nous tentons d'y rpondre entermes logiques : nous cherchons en effet caractriser les univers possibles qui sont tels que

    nous puissions y spcifier la question de la diffrence - c'est l le sens de notre recours laThorie des Topos en tant qu'instance contemporaine de la logique.En politique, cette question se formule de la faon suivante : l'action peut-elle changer lasituation par modification de l'un de ses termes ? Ou encore : la politique est-elle localisable ? Sivous soutenez que toute diffrence locale est en dfinitive inscrite dans l'identit du tout, quec'est au niveau de ce tout qu'inluctablement tout se passe, alors la seule possibilit dechangement c'est le changement du tout, la rupture qualitative. L'ide lniniste selon laquellel'Etat ne peut tre trait que globalement est ce que rsume la notion de Rvolution prise dansson sens absolu ( savoir le remplacement massif de l'Etat bourgeois par l'Etat proltarien).L'exprience n'a cependant pas attest que c'tait l le bon moyen de rsoudre le problme del'Etat; au lieu de le faire dprir, comme il tait prvu, on ne fait ainsi que le reproduire, qu'en

    perptuer la nature. C'est que la question "Qu'est-ce qu'une localisationpolitique de l'Etat ?" n'a

    pas t rsolue de faon satisfaisante; il y faut des oprateurs de pense spcifiques qui, dans lelninisme, sont indisponibles. Ou alors vous soutenez que l'altration du tout est possible parquelque chose dont la porte est lmentaire ou locale, sans que ncessairement un autre toutn'en advienne - ce qui est produit c'est un rgime du tout qui est sous une loi antrieurement nonreconnaissable. Comme vous le savez, la conception de la politique que je dfends assume cettedeuxime option ( quoi se rattache une autre thorie lniniste, celle du "maillon le plus faible"),ce qui revient dire que l'univers de la politique est un univers bien point : toute diffrenceglobale y a un test local (cf. 94/95 : p. 30 note). Nous avons vu l'anne dernire que tout Topos

    bien point obit une logique classique : le Deux structural pur y est en position centrale (p.31 sq). C'est le sens de la formule de Marx : La lutte des classes est le moteur de l'histoirehumaine. Sous le nom de "lutte des classes", Marx fait ici du Deux de l'antagonisme l'ObjetCentral de la Politique, i.e. ce qui donne l'intelligibilit de l'ensemble, indpendamment du faitempirique qu'il y ait des riches et des pauvres, des gens qui sont possesseurs du capital etd'autres qui sont obligs de vendre leur force de travail - fait qui, il y insistait, avait dj ttabli auparavant par les penseurs bourgeois, et dont ne se dduit nullement que le Deux del'antagonisme soit central pour l'espace de la Politique. Dans la "lutte des classes", la classe enelle-mme n'est jamais donne "en personne"; la politique effective consiste en un mouvementde localisation de cette diffrence globale. C'est tout l'office de ce qu'on pourrait appeler lesoprateurs subjectifs de localisation : positions de classe, points de vue de classe; c'est desdispositions subjectives localisables, et non "la classe" dans sa globalit, qu'a affaire la

    politique effective.La formulation quivalente de la mme question dans le domaine de l'art serait : une squencenovatrice se donne-t-elle ncessairement dans une mta-conception globale de l'art, dans un

    projet esthtique gnral ? Les Romantiques se sont indiscutablement identifis de cette faon.Mais on peut aussi estimer qu'une telle reprsentation de l'art par lui-mme relve de l'epistemdu XIXme sicle et qu'en ralit les novations artistiques sont localement induites sans que la

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    configuration artistique ainsi dessine ne soit commande par l'ide d'un programme, lgitimantainsi ce que Mallarm appelait "l'action restreinte".De mme, dans le domaine de la science, je pense qu'il existe (et qu'il a toujours exist) desnoncs qui, tout en tant locaux (ce ne sont pas des mutations de l'axiomatique gnrale) ontune valeur stratgique - l'inverse par consquent de ce que proclame l'opinion selon laquelle"on ne trouve plus grand chose aujourd'hui".Est-ce de cela que traite J.F. Lyotard quand il parle de la "fin des grands rcits" (notre poqueserait celle de la fin des grands rcits politiques ou esthtiques) ? Je ne le pense pas. Le proposde Lyotard est de dire que nous sommes dsormais privs du sens de l'Histoire, qu'il n'y a plusde destination du sens. Ce n'est pas dans ces termes que je situe le dbat. Je pense qu'il faut

    plutt se poser la question suivante : tout en ne renonant pas l'hypothse selon laquelle il yaurait des diffrences totalisantes (comme, pour Marx, le Deux de l'antagonisme), se demandercomment orienter l'oprateur de novation - dont il peut s'avrer que le point d'impact ne peuttre que local. L'ide dominante aujourd'hui c'est que la diffrence dont la pense est comptableest inluctablement locale, ceci tant la mesure de ce que, au niveau global, le Capital a toutaccapar. Autrement dit : puisque la pense ne peut que localement, elle ne peut pas grandchose, alors que le Capital, lui, peut tout. C'est cela en dfinitive que signifie le thme de "la fin

    des idologies". Or, il est selon moi essentiel de ne pas confondre cette conception partoutrpandue aujourd'hui avec le thme, que je registrais tout l'heure l'action restreinte deMallarm, selon lequel ce dont il s'agit, dans les investigations contemporaines les plusdifficiles, c'est d'une tentative de novation point d'impact local qui ne renonce pas l'hypothse de la diffrence globale (ce que Mallarm avait en vue c'est d'ailleurs unemodification radicale du Pome).Je voudrais rappeler, cet gard, que la psychanalyse vise dans sa pratique une diffrenciationglobale puisque ce qu'elle a en vue c'est ni plus ni moins qu'une diffrenciation du sujet d'aveclui-mme (qu'elle y arrive ou non selon les cas ne change rien la nature de cette vise). C'estce qui explique que l'on a toujours eu des difficults ne la considrer que comme une simplethrapeutique de tel ou tel symptme. Mais cette diffrenciation globale passe par laconvocation du sujet en ce point de rel o se situe l'objet de son dsir; ce rel a donc pour

    fonction de localiser la diffrentiation subjective. L'enjeu d'une analyse c'est l'advenue -lmentaire (un point de rel) - de l'objet du dsir autrement que sous la modalit de son tre-lcomme cause.Si la question "Que peut la pense ?" est dterminante aujourd'hui, et si elle se pose bien, ainsique je le soutiens, dans les termes de l'opposition entre le global et le local, qui est une questiontopologique essentielle, il s'ensuit que les problmes actuels de la pense sontfondamentalement topologiques, qu'ils concernent avant tout l'espace et non le temps. Je le diraiautrement : dans la passe contemporaine de la pense, il ne faut pas s'embarrasser du temps.C'est bien entendu une condition indispensable pour rompre avec l'historicisme; mais c'est aussique l'exigence topologique de la pense est obnubile par la prvalence des catgoriestemporelles. C'est grce Lacan que l'espace n'est plus pour nous cette extriorit que sesubordonne le temps conu, lui, comme domaine privilgi de l'intriorit. Il ne faut plus perdre

    son temps, comme l'a fait Husserl, scruter dans le sujet "la conscience intime du temps"; aucontraire, l'espace, avec Lacan, est la bonne voie d'accs l'intime, toujours plus fconde que letemps. Je suis indiscutablement son disciple sur ce point. Entre nous, c'est la raison pourlaquelle j'ai tent de rhabiliter la catgorie d'ternit : car qu'est-ce que l'ternit sinon unespatialisation immobile du temps ? L'ternit est donc pour moi une faon lgante de medbarrasser de la catgorie du temps. Ce n'est plus Sein und Zeit : il nous faut une thorie nontemporelle du Da du Dasein. D-temporaliser la pense : voil le mot d'ordre !

    b)

    Reste dmontrer que si, dans un Topos, on suppose l'unicit du vide, ceci implique l'axiome du

    choix dans sa prsentation Ch 2. Cette dmonstration est facile et recourt avec un automatismebestial aux mmes noyaux de raisonnement que prcdemment.

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    Considrons le diagramme de la dcomposition canonique de la flche 1(a) :

    Supposons que le vide est unique. On a alors deux cas :1. sup(a) est isomorphe 0.

    Nous savons que tout objet isomorphe l'objet initial est lui-mme initial. Il n'y a donc qu'uneseule flche de sup(a) vers 1, ce qui implique que a est lui-mme isomorphe 0.L'pimorphisme e est par consquent l'identit de 0 et e est lui-mme sa propre section (si l'onveut : Id(0) o Id(0) = Id(0)).2. sup(a) n'est pas isomorphe 0.Si nous supposons que le vide est unique et puisque sup(a) n'est pas isomorphe au vide, sup(a) ancessairement un lment f : la flche f telle que 1 ----f---- sup(a) existe.Considrons alors le diagramme suivant : 1 ---f----- sup(a) ----m------ 1. En reprenant le mmeraisonnement que tout l'heure, nous pouvons dire que le monomorphisme m est aussi un

    pimorphisme. Il est donc aussi un isomorphisme (en vertu du thorme prcdemment utilis).Qu'il existe un isomorphisme entre sup(a) et 1 revient dire que la flche m est similaire l'identit de 1.Il vient : Id(1) o e = 1(a) et par consquent e = 1(a)

    Nous avons alors le diagramme suivant :

    Il est ais de voir que a ne saurait tre isomorphe 0. En effet la flche de 0 vers 1, qui, nousvenons de le voir serait alors un pimorphisme, est l'vidence un monomorphisme, et donc elleserait aussi un isomorphisme. La supposition que a 0 implique donc que 0 1 : le Topos estdgnr.Par consquent a n'est pas isomorphe 0, et comme le vide est unique, a possde un lment. Laflche 1 -----x---- a existe.

    Nous pouvons donc crire : 1 ---x---- a ---e---- 1Or, nous savons qu'il n'y a qu'une seule flche de 1 vers 1 et c'est l'identit de 1.Donc : e o x = Id(1)Mais nous avons vu que sup(a) est isomorphe 1; et par consquent :

    e o x = Id(sup(a))L'axiome du choix dans sa prsentation Ch 2 est valide. Il suffit que dans un univers il y ait unicit du vide pour qu'il y ait dans cet univers uneinstance de choix - selon l'axiome du choix : celui-ci n'a pas besoin d'tre dcid, il estcontraint par l'unicit du vide dans l'univers en question.c) Il nous faut encore dmontrer la rciproque, savoir que si nous supposons dans un Toposque la logique de celui-ci est bivalente et qu'il valide l'axiome du choix dans sa prsentation Ch2, alors dans ce Topos le vide est unique (c'est seulement alors que notre dmonstration aura taccomplie car celle-ci suppose une quivalence entre deux noncs).

    dmonstration

    Dire que le Topos est bivalent, c'est dire qu'il n'y a que deux lments de l'Objet Central, le

    vrai et le faux. Ceux-ci tant les centrations de deux monomorphismes de cible 1

    (respectivement 1 --1, et 0 ---- 1), il rsulte de la correspondance bi-univoque existant entre

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    lment de C et sous-objet de 1 que, dans ce Topos, il n'existe que deux sous-objets de 1 : 1 ----

    1 et 0 ----- 1 (cf. 93/94 p. 9 et p. 19).

    Considrons le diagramme de la dcomposition canonique de 1(a)

    Le nombre de sous-objets possibles dans le Topos tant limit deux, la flche m ne peut treque l'une des deux flches suivantes : 1 -- 1 ou 0 --- 1; autrement dit : sup(a) ne peut treisomorphe qu' 1 ou 0.Si sup(a) est isomorphe 0, l'objet quelconque a est aussi isomorphe 0 (nous savons que dansun Topos, s'il existe une flche de a vers 0, alors a est isomorphe 0) et la catgorie estdgnre. Si nous supposons que a n'est pas isomorphe 0, sup(a) ne peut donc tre isomorphequ' 1; et comme 1 possde 1 lment (qui est l'identit de 1), sup(a) possde aussi un lment x: 1 ---x-- sup(a) existe.

    Ch 2, que nous supposons ici valid, nous permet par ailleurs de dire qu'il existe une flche s desup(a) vers a : sup(a) ---s-- a existe.

    Nous pouvons donc crire : 1 ---x-- sup(a) ---s--- aL'objet a possde donc un lment (qui est s o x) et n'est donc pas vide. Nous venons donc dedmontrer que, dans un Topos o il n'y a que deux valeurs de vrit et qui valide Ch 2, toutobjet a non isomorphe 0 est ncessairement non vide - autrement dit que 0 est le seul objet l'tre - CQFD.

    Au total (1) : unicit du vide logique bivalente + Ch 2

    Dans un Topos, il s'avre qu'une pense ontologique, qui est ultimement une pense de ladiffrence (l'unicit du vide) quivaut la figure d'un certain type de rapport entre libert(l'espace de dcision pos par Ch 2) et logique (la bivalence).

    4.2

    Considrons une troisime prsentation de l'axiome du choix (elle sera note Ch 3)Alors que, par rapport Ch 1, Ch 2 est une prsentation restreinte, Ch 3 se veut une formulationaussi globale que possible de l'axiome du choix : elle doit concerner les flches en gnral (et

    pas seulement les pimorphismes).Une fois de plus, situons nous dans ce Topos particulier qu'est le Topos des Ensembles.

    Soit deux ensembles A et B et une fonction f qui prend ses arguments en A et ses valeurs en B.Isolons dans B le sous-ensemble des lments qui sont des valeurs effectives selon f et notons lefA. On a : y fA x x A et y = f(x)

    Appelons f*

    la fonction qui prend ses arguments en A et ses valeurs en fA. La fonction f*

    estune fonction surjective extraite de f, puisque tous les lments de fA sont des valeurs selon f.

    L'axiome du choix pose que, en tant que fonction surjective, f* admet une section, soit unefonction s de fA vers A.Prenons un lment quelconque xo de A et dfinissons une fonction g de B vers A qui soit telle

    que :(a) si y fA g(y) = s(y)(b) si y fA g(y) = xo

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    Autrement dit : si y appartient fA, sa valeur dans A selon g sera identique celle de la section

    s de f*; si y n'appartient pas fA, cette valeur sera une valeur arbitraire xo.

    Soit un lment quelconque x appartenant A; faisons f (qui amne en fA), puis g (enl'occurence confondue avec s, qui ramne en A), puis f nouveau (qui conduit en fA); comme,

    par dfinition de ce qu'est une section, le segment "f puis s" se ramne l'identit, on peut crire:f o g o f = f

    parenthse : l'criture f o g o f, utilise pour des ensembles, n'est pas un abus : les Ensemblestant un Topos particulier (le Topos des Ensembles), l'criture gnrale des Topos s'applique eux sans problme.Donnons une transcription catgorielle de ce que nous venons d'tablir. Si dans un Topos, ilexiste, pour toute flche f, une flche g telle que f o g o f = f, alors ce Topos admet l'axiomedu choix. C'est ce que nous noterons Ch 3. Il faut remarquer que Ch 3 ne s'applique que sil'ensemble initial A (l'objet a en langage toposique) n'est pas vide; car la chane prcdente deraisonnements resterait valide dans cette ventualit sauf en un segment: celui o il est dit "

    prenons un lment quelconque xo de A" - car A, tant vide, n'a pas d'lment !

    4.3

    Nous allons maintenant dmontrer que si un Topos valide l'axiome du choix dans saprsentation Ch 3, alors il est caractris par l'unicit du vide, la bivalence de sa logique et ilvalide l'axiome du choix dans sa prsentation Ch 1.Supposons un objet a non isomorphe 0. La flche f telle que a--f--1 existe ncessairement(puisque 1 est terminal). Ch 3 permet d'affirmer l'existence d'une flche g telle que f o g o f = f

    L'objet a possde donc un lment (et n'est donc pas vide).Donc : sous condition de Ch 3, tout objet du Topos non isomorphe 0 possde un lment 1--g--a. Autrement dit : le vide est unique (CQFD).Mais aussi on peut crire : 1 --g--a --f--1

    Nous avons vu au cours de la premire tape que, dans un tel diagramme, f s'avre tre unisomorphisme et par consquent avoir mme centration que Id(1).Si nous supposons maintenant que a est isomorphe 0, il en rsulte que f a mme centration que1(0). Et si les centrations de Id(1) et de 1(0) puisent le nombre des lments de C, c'est que leTopos est bivalent (CQFD).Il faut maintenant montrer que l'pimorphisme a --e--b admet une section (i.e. que Ch 1 estvalide).- si a est isomorphe 0 : la flche a ----b, tant la fois un monomorphisme (toute flche detype 0 ----- est un monomorphisme) et un pimorphisme, est un isomorphisme. L'objet b tantisomorphe 0, notre flche est l'identit de 0, qui admet une section : elle-mme.- si a n'est pas isomorphe 0 : Ch 3 permet de poser l'existence d'une flche g telle que :e o g o e = e

    Rien n'interdit de multiplier par 1 (l'identit) et d'crire : e o g o e = Id(b) o e; et comme on peut"simplifier" par e dans toute formule du type h o e = k o e (puisque c'est la dfinition mme de

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    l'pimorphisme qu'une telle formule implique h = k), on peut crire : e o g = Id(b) : ce quisignifie que g est une section de e (CQFD).Il faut bien comprendre que dans le Topos des Ensembles les prsentations multiples del'axiome du choix (Ch 1, Ch 2, Ch 3, ...) sont quivalentes : on peut montrer qu'elles peuvent sersoudre en un seul nonc, qui est la formulation canonique de l'axiome. Mais si cettequivalence est identifiable l'intrieur d'un univers dcid comme l'est celui des Ensembles,elle n'est nullement donne dans le registre des univers possibles qui est celui des Topos engnral, i.e. dans le registre logique. Le niveau logique pluralise en effet volontiers les notionsqui, de l'intrieur d'un univers particulier, sembleraient identiques. Mais en outre les conditionsdans lesquelles les diverses prsentations de l'axiome du choix sont lies au niveau logiqueindiquent des caractristiques intrinsques de l'univers des Ensembles. Ainsi dire : Unicit duvideLogique bivalente + Ch 2 (c'est notre premire tape) et Ch 3Unicit du vide + Logiquebivalente + Ch 1 (que nous venons de dmontrer), de mme que Ch 1 + Topos bien point Ch 3(thorme qui est en quelque sorte l'inverse du prcdent, et qui nous montre ce qui empche,d'un point de vue logique, l'quivalence entre Ch 1 et Ch 3) c'est clairer la singularitontologique de l'univers des Ensembles dans lequel Ch 1, Ch 2 et Ch 3 sont effectivementquivalents.

    Qu'avons-nous fait en ralit ? Nous sommes partis de l'axiome du choix dans la prsentationontologiquement unifie qu'il a dans cet univers singulier qu'est l'univers des Ensembles. Puisnous avons procd une analyse de cet axiome dans la thorie des Topos, ce qui nous en afourni une diffrenciation logique, traduite par les formulations varies de l'axiome (Ch 1, Ch 2,Ch 3) : l'analyse toposique rvle en effet que ces formulations ne sont pas quivalentes si l'onse situe dans le registre des univers possibles. Enfin, nous nous posons la question suivante :"quelles sont les proprits du Topos des Ensembles qui font que la rduction l'Un des

    prsentations multiples de l'axiome du choix y est ncessaire ?" et cette question est celle descontraintes d'univers. Cette mthode de va-et-vient n'est pas sans rappeler celle de J.P. Sartredans la Critique de la raison dialectique, mthode qu'il qualifie de "rgressive-progressive" :notre temps d'analyse logique correspond ce qu'est pour lui la dmarche "rgressive", alorsque notre temps d'investigation ontologique, correspond ce qu'il appelle la dmarche

    "progressive". A la rserve prs que Sartre se dsintresse totalement des mathmatiques et quela singularit qui l'occupe dans la Critique de la raison dialectique c'est ce qu'il appelle lapraxis, savoir l'Histoire concrte, celle qui a effectivement eu lieu. Son but est, partir decelle-ci, de penser une logique historique pure, l'aide d'oprateurs formels d'historicit (legroupe en fusion, le groupe asserment etc.). En d'autres termes il cherche penser des espaceshistoriques possibles (les "ensembles pratiques formels") : c'est le temps "rgressif" de sadmarche. Mais l'articulation des niveaux logiques ainsi dgags doit, dans un second temps,

    pouvoir rendre compte de la singularit historique effective : c'est la promesse du moment"progressif". Or, il est significatif que Sartre n'a jamais crit ce second temps qui n'est rest qu'l'tat de brouillons. Cet chec s'explique, mon sens, par le dfaut de la dimensionvnementielle pure qui est ce qui s'interpose entre les ensembles pratiques formels et lasingularit proprement dite pense comme contingence. Ce qui est venu la place du deuxime

    tome annonc de la Critique (qui n'a jamais vu le jour), et donc ce qui est venu la place del'Histoire, c'est une monographie : son Flaubert. "L'Idiot de la famille est la suite de Questionsde mthode. Son sujet : que peut-on savoir d'un homme, aujourd'hui ? Il m'a paru qu'on ne

    pouvait rpondre cete question que par l'tude d'un cas concret : que savons-nous - parexemple - de Gustave Flaubert ?" (J.P. Sartre Prface deL'Idiot de la famille 1971, t. 1, p. 7). Jene m'intresse pas assez Flaubert pour dire si la mise en oeuvre son propos de la mthode"rgressive-progressive" lui a permis de traiter son objet de manire adquate

    6[6].

    6[6]Note DF : la trace de cette difficult se manifeste peut-tre dans l'hsitation entre plusieurs

    commencements la fois dans le "Flaubert" ("A prsent, il faut commencer. Comment ? Par quoi ? Cela

    importe peu : on entre dans un mort comme dans un moulin" - fin de la Prface L'Idiot de la famille p.8) et dansLes mots (cf. P. CampionLa littrature ... p. 381-382 : "comment donner un commencement un rcit qui se veut dialectique ?").

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    Dj dans Questions de mthode Sartre formule ainsi son objectif : dcouvrir "le pointd'insertion de l'homme dans sa classe, c'est--dire la famille singulire comme mdiation entrela classe universelle et l'individu : la famille, en effet, est constitue dans et par le mouvementgnral de l'Histoire et vcue d'autre part comme un absolu dans la profondeur et l'opacit del'enfance (p. 47). Et, dans la Prface L'Idiot de la famille, les termes seront les suivants : "Unhomme n'est jamais un individu; il vaudrait mieux l'appeler un universel singulier: totalis et,

    par l mme, universalis par son poque, il la retotalise en se reproduisant en elle commesingularit. Universel par l'universalit singulire de l'histoire humaine, singulier par lasingularit universalisante de ses projets (...)" (Prface p. 8). La notion de projetest en effetdcisive : "Dduit de quelques conduites juges fondamentales, le projet sert ensuited'hypothse pour rendre compte de la totalit des conduites (...) Le rsultat, unique, faitimaginer que la cause l'tait aussi (de sorte que) la libert y apparat n'tre qu'un autre visage dela ncessit; (mais cette illusion rtrospective n'est choquant fatalisme) "que si l'on n'a pas saisique pour Sartre la libert n'est pas le bon plaisir arbitraire, mais la manire qu'a l'homme decollaborer la dialectique de l'histoire, de la raliser" (P. Lejeune Le pacte autobiographiquePoints-Seuil 1996 p. 238-9). On peut ajouter que cette mthode Sartre a tent de l'appliquer son propre "cas" dansLes mots.

    Revenons notre question, qui relve d'une dmarche "progressive" : quelles conditionsd'univers l'univers des Ensembles doit-il obir pour que les diverses prsentations de l'axiomedu choix y soient ncessairement considres comme quivalentes ? Les thormes prcdentsnous ouvrent une premire caractrisation de l'univers des Ensembles. On dira de faongnrale qu'un univers qui est comme l'univers des Ensembles est : a) un Topos; b) qui plus estce Topos est bien point, ce qui est une condition ontologique particulirement forte, exprimedans la thorie des Ensembles par l'axiome d'extensionnalit - il s'ensuit que le vide y est unique(un objet qui n'a pas d'lment est isomorphe 0), et que sa logique est la fois bivalente(dmonstration ancienne, dj sollicite plusieurs fois) et classique (c'est notre deuximethorme fondamental de l'anne dernire - dmonstration in ONTLOG p. 32); c) ce Topos

    possde en outre en son sein un objet nombre naturel (qui fonctionne comme l'quivalent

    catgoriel de ce qu'est l'axiome d'infini dans la thorie des ensembles : cf. ONTLOG p. 14); d) iladmet l'axiome du choix (le thorme de Diaconescu affirme que la logique d'un Topos quiadmet l'axiome du choix est classique). En ralit, on peut montrer qu'un tel univers, qui n'est

    pas identique cet univers singulier, dcid, qu'est l'univers des Ensembles avec la totalit deses axiomes, mais qui lui ressemble furieusement, est un peu moins puissantque ce dernier :certaines oprations possibles dans les Ensembles ne sont plus possibles dans cet univers. Ceque l'on obtient, ce stade de la dmarche "progressive", ce n'est pas une singularit, mais uneespce. Une espce c'est donc ce qu'une dmarche progressive permet d'atteindre comme lieu de

    pensabilit de la singularit. On ne revient jamais strictement la singularit dont on taitpourtant parti au temps "rgressif": la configuration obtenue est comme la singularit initiale,mais ne s'identifie pas elle, le cercle ne se boucle pas. "Comme" est ici un oprateur devoisinage; autrement dit : le mouvement progressif ne revient pas la singularit initiale comme

    telle, mais parvient du topologique. Je pense que l'articulation de ces deux moments est unematrice dcisive de la pense

    7[7].

    7[7]La priodisation de la pense de Lacan s'en trouve par exemple claire. Parti d'une singularit, dont il

    a de nombreuses occasions soulign le caractre irrductible, savoir la scne analytique, Lacan a, dansun premier temps, procd une "analyse" logique de ce qui s'y joue : c'est le moment de la logique dusignifiant. Les proccupations topologiques du dernier Lacan correspondent selon moi une tentativeinluctable pour serrer au plus prs l'objet dont, pour en extraire la logique, il tait initialement parti. Lerecours la topologie, faisant suite au temps de la logique du signifiant, n'est donc pas la substitution d'un

    modle un autre mais un temps ncessaire dans le cadre d'une rythmique fondamentale de la pense; jem'carte ici sensiblement de la reconstitution de la pense de Lacan telle que l'a propose J. C. MilnerdansL'Oeuvre claire.

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    5QU'EST-CE QUE LE CLASSICISME EN THEORIE DES TOPOS ?

    Nous avons vu l'anne dernire (ONTLOG p. 31 sq) que l'analyse toposique revient penser le

    classicisme comme une structuration de l'Objet Central par le Deux considr comme Un et Un.

    Cette souverainet du Deux structural pur s'exprime catgoriellement sous la forme d'une

    isomorphie entre l'Objet Central et le co-produit de 1 et de 1, i.e. avec l'objet 1+1.

    Nous avions dmontr qu'un Topos bien point est la fois bivalent (il ne possde que deux

    valeurs de vrit, le Vrai et le Faux) et classique : le Deux dans sa forme la plus radicale y est

    central. Ou encore : si dans un univers la diffrence est localisable en un point, cet univers a le

    Deux en son centre et celui-ci n'est pas le Deux de la diffrence extensionnelle mais le 1+1 du

    Deux structural pur. C'est minemment le cas de la thorie des ensembles dans laquelle l'ensemble

    (0,1) - i.e. 2 - fait office d'Objet Central. La diffrence de ces deux Deux se fera mieux comprendre

    si l'on arrive exhiber un Topos qui soit bivalent mais qui en mme temps ne soit pas classique.

    Un tel Topos est connu sous le nom de "Topos action monodale 2" (et est not : Topos M2). En

    raison de ses proprits remarquables il a donn lieu, dans la littrature mathmatique, un grand

    nombre de commentaires et d'exercices qui en font un peu le panda du zoo catgoriel.

    Le Topos M2 est constitu de la faon suivante : on part d'un ensemble X et on considre, parmi

    les fonctions de X dans X, les fonctions qui sont telles que ( (x)) = (x)8[8]. est caractrise comme

    une action de X dans X.

    Ainsi soit (x) = x'; si on applique nouveau sur x', on obtient toujours x'

    ( (x)) = (x) = x'

    Ainsi partir d'un lment x de X, on ne peut, par , procder de faon successive qu' deux

    actions (d'o le nom du Topos); plus exactement dfinit une condition de stagnation partir du

    deuxime pas.Les objets du Topos M2 seront des couples (X,); ces objets seront donc constitus d'une part

    d'un ensemble et d'autre part d'une action qui a les proprits que nous venons de dfinir pour

    (action monodale 2). Un objet du Topos M2 se prsente donc sous la forme suivante : X ----- X.

    Lesflches du Topos M2 seront des flches f qui auront pour source des couples (X,) et pour

    cible des couples (Y,) o Y est un ensemble et une action monodale 2 de Y dans Y. Les flches f

    sont ici des fonctions de X vers Y au sens ensembliste (elles prennent leurs arguments en X et leurs

    valeurs en Y). On ne retient que les flches quivariantes, i.e. celles qui font commuter le

    diagramme suivant :

    Erreur ! Des objets ne peuvent pas tre crs partir des codes de champs de mise enforme.

    o f = f o

    En d'autres termes : ne sont retenues comme flches du Topos que les flches qui sont telles que

    l'lment (f(x)) est le mme lment que f ((x)).

    Il est ais de montrer que les flches f sont associatives et que pour tout objet il existe la flche

    identique; on a donc affaire une catgorie.

    8[8]Attention ! L'ensemble X appartient l'univers des ensembles, univers qui ressemble furieusement au

    Topos des Ensembles, mais qui en est distinct; le Topos des Ensembles, en tant qu'univers dcidsingulier, avec l'intgralit de ses axiomes, a les caractristiques d'un Topos bien point, ce qui n'est pasle cas du Topos M2.

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    Mais cette catgorie est aussi un Topos. La dmonstration complte de ce point est

    particulirement fastidieuse; dans le trait classique de Goldblatt, l'auteur lui-mme avertit avant

    d'en donner le texte (qui occupe plusieurs pages) que le lecteur qui la suivra de bout en bout "aura

    bien gagn son salut au ciel". Je rappelle que cette dmonstration exige que l'on montre que dans

    cette catgorie :

    - existent les limites et les co-limites pour tout diagramme fini (un thorme affirme que si dans

    une catgorie il y a un objet terminal et les pullbacks, les limites pour tout diagramme fini existent

    dans cette catgorie; de mme, s'il y a un objet initial et les pushouts, y existent les co-limites pour

    tout diagramme fini; "il suffit" donc de montrer que cette catgorie possde un objet terminal, un

    objet initial, les pullbacks et les pushouts)

    - qu'elle admet l'exponentiation

    - et qu'il y a un Objet Central

    A titre d'exemple, l'objet terminal du Topos est le couple (a, Id), o a est le singleton de a. En

    effet, puisque a est la seule valeur possible dans a, il est clair qu'il n'existe qu'une seule flche f

    faisant correspondre dans a un lment quelconque x d'un ensemble X. De mme, l'objet initial du

    Topos est le couple (, f), o f est la fonction vide : une fonction du vide sur lui-mme et qui bien

    entendu n'opre rien.

    On dmontre que dans le Topos M2, le vide est unique. Rappelons qu'un objet est vide s'il n'a

    pas d'lment. Mais qu'est-ce qu'avoir un lment dans M2 ? C'est, pour un objet, tre la cible d'une

    flche e ayant le couple (a, Id) - i.e. l'objet terminal - comme source :

    Bien entendu, ce diagramme doit tre commutatif : e(a) doit tre le mme que (e(a)); autrement

    dit : la flche e est lmentaire la condition qu'elle fasse correspondre a un point de X qui soit

    invariant par (l'action est dans le cas prsent stagnante ds le premier pas).

    L'objet initial, i.e. le couple (, f), n'a pas d'lment et est donc vide. Par contre, pour tout couple

    (X, ) tel que X (i.e. un X dans lequel existe au moins un x), on peut toujours mettre en vidence une

    flche e qui fasse commuter un diagramme du type ci-dessus. Tout objet non initial a donc un

    lment. Par consquent le vide est unique (c'est l'objet initial).

    Construisons maintenant l'Objet Centralde M2. Il faut pour cela se demander ce que peut tre

    un monomorphisme dans ce Topos. Soit le diagramme suivant :

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    Pour que la flche m soit un monomorphisme, il faut qu'elle fasse correspondre deux points

    diffrents x1 et x2 de X, deux points diffrents y1 et y2 de Y (la diffrence des deux points initiaux

    est conserve par la flche m). Si tel est le cas, ce qui se passe c'est que m inclutdans Y un sous-

    ensemble qui est en fait isomorphe X; ce sous-ensemble est not mX. Mais il faut encore, pour

    que m soit un monomorphisme, que le diagramme prcdent commute : i.e. que et oprent de la

    mme faon sur mX (le point dans Y selon l'action doit appartenir au sous-ensemble de Y qui est

    isomorphe X).

    Dans ces conditions, un Objet Central de M2 se prsenterait de la faon suivante :

    Dans le diagramme ci-dessus, il faudrait en fait pouvoir se reprsenter X ----m---- Y comme la

    rduction une ligne du diagramme dfinissant le monomorphisme dans M2 que nous avons vu

    plus haut : la figuration des actions respectivement associes aux ensembles X et Y est "sous-

    entendue" pour des raisons de commodit de prsentation; mais la figure complte est en fait dans

    l'espace : ce serait un cube et non plus un carr. De la mme faon, le (a) du diagramme vaut pour a

    ---Id--- a et l'ensemble (0,1,2,3,...) qui est mis provisoirement en place de l'Objet Central doit tre

    considr comme associ une action que nous nommerons . Et la flche verticale de droite Y ---c-

    -- (O,1,2,3,...), i.e. la flche de centration, est l'aplatissement du diagramme suivant :

    diagramme qui doit bien entendu commuter. Mais il y a ici trois cas qu'il importe de distinguer

    :

    a) y mX : on considre un point y qui appartient au sous-ensemble que le monomorphisme m

    inclut dans Y; en vertu des proprits du monomorphisme, on a ncessairement (y) mX; on donne

    alors c(y) la valeur 2

    b) y mX, mais (y) mX (rien n'interdit cette hypothse, puisque en dehors de mX aucune

    contrainte lie aux proprits du monomorphisme n'opre); on pose alors que c(y) a la valeur 1

    c) y mX et (y) mX; on pose alors que c(y) a la valeur 0

    Etant donn un monomorphisme m, celui-ci distingue par consquent 3 possibilits pour les

    lments de Y : pour la premire, on parlera de concidence entre les actions et ; pour la troisime,

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    on parlera d'htrognit; et pour la seconde, on pourra parler d'interfrence (car l'action rend

    possible l'action ultrieure de ). L'analyse de ces diffrents cas peut donc tre effectue par un

    Objet Central 3 constituants; nous dsignerons donc dsormais celui-ci de la faon suivante :

    (0,1,2,).

    Dans le diagramme qui dfinissait l'Objet Central, considrons a ---v---0,1,2; il est clair que v(a)

    ne peut prendre qu'une seule valeur (il n'y a qu'un seul lment dans l'ensemble a); convenons que

    v(a) a la valeur 2.

    On voit alors que le diagramme ci-dessus, qui dveloppe dans l'espace Y---c---(O,1,2),

    commute si y mX : la valeur est en effet 2 que l'on parcourt le carr dans un sens ou dans l'autre - il

    faut bien entendu pour cela que (2) = 2. Si y mX et (y) mX, le diagramme commute aussi : la

    valeur est alors 0 si (0) = 0. Enfin si y mX, mais (y) mX le diagramme commute (la valeur, quel

    que soit le sens dans lequel on parcourt le carr, est 2) mais la condition que (1) = 2.

    est donc une action de l'ensemble 0,1,2 sur lui-mme qui est telle que :

    - (0) =0

    - (1) = (2) = 2

    est donc bien une action monodale 2 :

    C'est ici que pointe le caractre non classique de cette logique. On n'a pas affaire une logique

    du tout ou rien puisque ce que nous avons appel l'interfrence, et qui dsigne la proximit de deux

    actions, est trait de la mme faon que leur concidence.

    Combien d'lments l'Objet Central de M2 a-t-il ? Autant que de flches qui font commuter le

    diagramme suivant :

    Erreur ! Des objets ne peuvent pas tre crs partir descodes de champs de mise en forme.

    La flche quivariante f de source a et de cible 0,1,2 telle que f(a) = 2 est la flche Vrai (elle est

    un lment de l'Objet Central);

    La flche g, qui est une autre flche quivariante de source a et de cible 0,1,2 telle que g(a) = 0,

    est la flche Faux (et est donc un autre lment de l'Objet Central);

    Par contre il ne saurait y avoir de flche h telle que h(a) = 1; en effet le diagramme prcdent

    n'est alors plus commutatif : puisque d'un ct (h(a)) = 2 et que de l'autre ct h (Id(a)) = 1. L'Objet

    Central n'a par consquent que deux lments, le Topos est bivalent.

    Par contre il est non classique : l'Objet Central n'y est pas isomorphe l'objet 1+1. Qu'est-ce que

    l'objet 1+1 dans M2 ? C'est 2 fois un objet terminal, et l'isomorphie entre lui et l'Objet Central se

    donne dans le diagramme suivant :

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    La question est de savoir si la flche VF, dont la source est le co-produit (a,b), Id(a,b) et la cible

    l'Objet Central (0,1,2),, est ou non un isomorphisme; rappelons que, sachant qu'elle est un

    monomorphisme (dmonstration technique), il faut dterminer si elle est aussi un pimorphisme

    (puisque toute flche qui a ces 2 proprits est un isomorphisme).

    La flche VF serait un pimorphisme si o VF = Id (0,1,2) o VF avec = Id (0,1,2). Pour que le

    diagramme commute, les 2 seules valeurs possibles en combinant les flches sont 0 et 2; or nous

    savons que (1) = 2; par consquent Id (O,1,2), VF n'est pas un pimorphisme, ni donc un

    isomorphisme et l'Objet Central de notre Topos n'est pas isomorphe l'objet 1+1. Ce Topos, tout en

    tant bivalent, et tout en n'ayant qu'un seul vide, n'est pas classique.

    Il s'ensuit qu'il n'est pas bien point : cela se dduit de ce qu'un Topos bien point est la fois

    bivalent et classique; et cela se confirme immdiatement : puisque Id (O,1,2), ces deux flches

    parallles diffrentes (puisqu'elles ont une mme source qui est l'Objet Central, qui est par ailleurs

    leur cible commune) devraient, si le Topos tait bien point, tre prcdes d'une flche

    lmentaire x telle que o x Id (0,1,2) o x

    Or il n'y a pas une flche de 1 vers C, mais deux (le Vrai et le Faux) qui conservent la diffrencedes deux flches et Id (0,1,2) ...Par ailleurs on peut montrer que le Topos valide le tiers exclu; mais il n'en est pas de mme

    pour l'quivalence de l'identit et de la double ngation et la raison en est nouveau l'existence

    du 3me cas (celui que nous avons nomm le cas de l'interfrence).Considrons en effet la ngation, note ~, qui, rappelons-le, est la centration du Faux :

    Le diagramme commute si ~ (0) = 2

    Il n'est pas gnant de poser ~ (1) = ~ (2) = 0

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    Faisons fonctionner ~ 2 fois et nous verrons que le cas intermdiaire ne se reproduit pas pardouble ngation, mais qu'il est renvoy aux cas extrmaux (comme s'il n'y avait que 2 cas, alorsqu'il y en a 3 au dpart).

    La ngation dans M2 est donc moins forte en un sens que dans un Topos qui obit une logiqueclassique (car on se meut dans M2 dans une situation o existe un cas intermdiaire) mais, en unautre sens, elle est plus forte car elle est destructrice de quelque chose qui est prsent au dpart :on part d'une situation 3 cas et la double ngation ne raffirme pas cette situation mais unesituation qui est de type classique (2 cas) et qui est donc plus classique que la situation initiale(le cas intermdiaire a t incorpor la situation Vrai)

    Au moment de partir en vacances, vous avez donc deux Topos que vous pouvez emporter dansvos bagages : le Topos des Ensembles et dsormais le Topos M2.