Badiou 1977 - Contre Deleuze Et Guattari

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    Vive le marxisme-lninisme-maosme!Guerre populaire jusqu'au communisme!Union Communiste de FranceMarxiste-LninisteLa situation actuellesur le front de la philosophie1977

    Contre Deleuze et Guattari

    I. Le flux et le parti (dans les marges de l'anti-dipe)

    On serait tent d'applaudir des deux mains. Oui, oui ! Lisez : Il s'agitde savoir comment se ralise un potentiel rvolutionnaire, dans sonrapport mme avec les masses exploites ou les "maillons les plusfaibles" d'un systme donn. Celles-ci ouceux-ci agissent-ils leur place, dans l'ordre des causes et desbuts qui promeuvent un nouveau socius, ou au contraire sont-ils le

    lieu et l'agent d'une irruption soudaine inattendue ?

    Deleuze et Guattari seraient-ils dialecticiens ? La dialectique

    rvolutionnaire, comme thorie des discontinuits et des scissions,comme logique des catastrophes, c'est bien cela : l'ordre des

    causes n'assigne nul lieu o puisse s'entraver la rupture. Nullecumulation quantitative n'enferme sa qualit neuve, ni ne compte salimite au nombre de ses termes, bien qu'elle produise, et

    ncessairement, la qualit comme la limite.

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    La crise rvolutionnaire, c'est l'irruption, en effet, des largesmasses dans l'histoire. La rvolution c'est un tournant brusque

    dans la vie d'normes masses populaires [Lnine, uvrescompltes, t. II, p. 237]. Deleuze-Guattari sont ici en cho, avecce rien de pdantisme et de vaine latinit qui colle leurssemelles de nomades aux pesants bagages ( promouvoir un nouveau

    socius , ce n'est pas joli, joli).

    N'importe quel marxiste-lniniste-maoste apprend sur les bancs del'cole (l'cale de cadres, a va de soi !) que les proltaires

    parisiens, les gens des soviets, les paysans du Hounan et lesjeunes ouvriers de Sud-Aviation en mai 68 se sont, un jour,

    rvolts ; et il sait mieux que personne que quiconque prtendavoir lu dans son horoscope mental la bienheureuse nouvelle en son

    exact droulement venir ne veut, par ce mensonge, que justifieraprs coup sa dconfiture personnelle au moment mme.

    Le marxiste-lniniste fonde prcisment sa particulire nergie etson invariable persistance sur deux faits :

    - L o il y a oppression, il y a rvolte. Mais c'est larvolte qui prononce son heure ce qu'il en est de l'oppression,non l'inverse.

    - On a raison de se rvolter contre les ractionnaires. Larvolte proltaire et populaire est la raison de l'oppressionbourgeoise, c'est elle qui rend raison, et elle est notre raison.

    La vraie rvolte de classe surprend par essence. C'est la guerrepar surprise, la brutalit gnrique de la scission. Comment largle institue de l'ancien, y compris l'ancien rvolutionnaire,pourrait-elle s'accommoder d'une dduction de ce qui tend larompre ? En a-t-on vu des gens s'extasier de ce que personne

    n'avait prvu Mai 68 ! Je souponne mme que l'envol de l'anti-

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    OEdipe, et de toutes les affabulations sur les purs mystres duDsir, se prend de cette question. Or c'est une question proprement parler stupide. Imagine-t-on un Mai 68 prvu ? Et

    par qui ?

    Qui ne voit que l'imprvisibilit est partie constitutive,essentielle, de la force historique de Mai 68 ?

    Baptiser irruption du dsir cette imprvisibilit vaut peu prs lavertu dormitive de l'opium.

    Cependant ce baptme n'est pas innocent. Il machine l'entre enscne de l'irrationnel. Imprvisible, dsirant, irrationnel : va o tadrive t'emmne, mon fils, et tu feras la Rvolution. Il y a beau tempsque les marxistes-lninistes ont cess d'identifier rationnel etanalytiquement prvisible. La dialectique, le primat de la pratique,c'est d'abord l'affirmation de l'objectivit historique des ruptures. Lesmasses font l'Histoire, pas les Concepts.

    Nul ne sait jamais comment, dans tel atelier, une grve rvolutionnaire(anti-syndicaliste) a prcisment commenc. Pourquoi mardi et pas

    jeudi ? Le geste des masses clt une priode et en ouvre une autre. Cequi se divisait a renvers ses termes, le point de vue de classeproltarien prend le dessus. Une rationalit dialectique locale s'ouvreun espace pratique nouveau.

    La rvolte concentre un temps rationnel et dploie la scission d'unautre. Le procs d'organisation rvolutionnaire est lui-mme remani,refondu, pntr et scind par le primat de la pratique : Le groupedirigeant ne doit ni ne peut rester immuable au dbut, au milieu ou lafin d'une grande lutte (Mao).

    Ce qui est la base matrielle objective de tout (la pratiquervolutionnaire de classe) n'est jamais intgralement puis dansce quoi il donne lieu. L'histoire rvolutionnaire rpudie lacircularit hglienne, impose la priodisation, l'ininterrompu par

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    tapes : la rationalit d'une squence ne peut absorber la rupturepratique d'o elle se dploie comme squence. La rupture peut trepense dans sa gnralit dialectique.

    Historiquement, elle n'est que pratique. Le concept, la stratgie et latactique, l'organisation, ont une solidit squentielle ; mais en arrired'eux il y a ce qui fonde la squence comme nouveaut de l'histoireet que le concept intrasquentiel laisse ncessairement en dehorsde soi comme son reste. Les masses font l'histoire, la pratique est

    premire par rapport la thorie.

    Donc il y a quelque part un reste de pratique pure , le rompuhistorique en tant que tel, que le matrialisme historique et la thoriene pourront plus jamais intgralement dduire ni organiser, car leursdductions et leurs principes d'organisation le prsupposent commefait.

    Ce reste cependant n'est pas la cause, ni l'essence cache. Il n'estnullement inconnaissable : il est une source historique infinie, au

    moins dans toute la priode historique rgie par la mme contradictionprincipale (bourgeoisie/ proltariat). Le reste , c'est ce qui, dans lascansion priodisante (Commune, Octobre, Rvolution culturelle ...),dploie une telle force de rupture qu'il faut le long travail des ruptures venir pour que se clarifie, dans une approximation sans fin elle-mme constamment scinde (lutte entre les deux voies), l'apporthistorique des masses, sur quoi s'tayent, et se portent en avant, lathorie et l'organisation. Qui ne voit ainsi que la pratique, par lesouvriers de Changa en 1967, du mot d'ordre de Communeouvrire , fait retour vers l'inpuisabilit pratique, historique, de laCommune de Paris ? Et, en mme temps, l'laboration positive de cemot d'ordre, dans la forme nouvelle du comit rvolutionnaire de tripleunion, porte en avant ce retour.

    De Paris 1871 Changa 1967, la rvolte est le fond, la grandeproduction de classe. De l'ide juste dmembre la rupturecontinentale, tout est l. Le fond du heurt de classe, en tant que

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    rvolte, est sans feu ni lieu.

    La chance active du rvolutionnaire marxiste-lniniste n'a jamais

    t de prvoir et d'assigner la rvolte, mais au contrairel'irrparable soudainet de son orage. Les armes que le marxiste-lniniste a rassembles pour le peuple - d'organisation, dedoctrine, de prvision, de patience, de compacit proltaire -, onle jugera la capacit qu'il a de se les faire sans crier garearracher des mains par ceux, soudain levs, qui ils les destinaiten effet, mais trs gnralement pour plus tard. La rvolte surprendaussi le marxiste-lniniste et son organisation.

    Elle doit le surprendre, d'une surprise elle-mme detype nouveau. Car le marxiste-lniniste doit prcisment se tenirl o il recevra de plein fouet la surprise. Le rvolutionnaire,qui professionnellement se prpare pour la leve en masse, pourl'irruption rvolte, n'est forcment jamais assez prt. Il estmme le seul pour qui possde un sens rigoureux le n'tre pasprt historique, puisque ce qui advient est seulement pour lui,

    professionnel du combat de classe, ce quoi incessamment il seprpare. Mais il n'est pas prt : s'il l'tait, le potentielrvolutionnaire proltarien, qui est le seul fonds de cetteprparation, comment aurait-il pu le laisser en rserve ?

    Le marxiste-lniniste qui analyse, prvoit, dirige, qui seul connat chaque instant le potentiel rvolutionnaire, est par excellence celui quipose la question du temps de la rvolte. Toute la question, pourl'organisation marxiste-lniniste, est de ne pas changer le c'tait pourplus tard de sa prvision, rserve approximative de srnit tactique,en le c'est trop tt rpressif du droitier. L se joue en une seule foisson identit.

    Marx devant la Commune : le soulvement des proltaires parisiensest vou l'chec, mais je suis inconditionnellement ses cts ;son mouvement rel instruit et remanie de fond en comble la thoriede ma prvision (juste) : l'chec historique, en tant que leve

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    proltaire, travaille et dplace ma prvision.

    Il la critique, bien qu'elle soit juste, parce qu'elle est juste.

    Mao et la rvolte paysanne de 25-27 : la rvolte paysanne, c'esttrs bien, c'est fondamental. Notre application tactique,insurrectionnelle-urbaine, du primat de la classe ouvrire doitvoler en clats. Les paysans rvolts nous enseignent ceci que cen'est pas l'exigence agraire qui est prmature, mais lesoulvement proltarien. La rupture violente des masses porte cetterationalit venir : l'encerclement des villes par les campagnes.

    Le dirigeant marxiste-lniniste est celui qui se rompt et se scindelui-mme, entre la forme objective de la prparationrvolutionnaire rationnelle et la raison inconditionnelle etinconditionnellement immdiate de la rvolte rvolutionnaire desmasses, ce que Lnine dsigne comme moment actuel. Que maprparation claire se rompe et s'avre au feu de l'irrfutableimprparation historique : telle est l'essence de la direction marxiste-lniniste, de la direction du parti. Il n'est de direction que du nouveau.

    L'ancien se gre, s'administre, il ne se dirige pas. La directionrvolutionnaire scrute l'tat conflictuel des choses, la lutte des classes,les indices cumuls du processus rvolutionnaire proltarien en cours.Elle systmatise partir de l une prvision dirigeante,stratgique et tactique. Nous dirons par exemple : la rvolte desO.S., depuis 70, met en oeuvre un programme de classe disperscontre la hirarchie capitaliste. En condensant le plus ttpossible ce programme, en formulant les mots d'ordre combattants desa force de classe originaire, nous nous portons certes en avant,

    mais cet en-avant n'est que le point o recevoir exactement, etcumuler, la vague d'assaut nouvelle.

    A s'y cramponner, on resterait pour toujours en arrire : Renault 73,quand c'est de Renault 75 qu'il s'agit.

    Et pareillement pour la prvision analytique : il y a aujourd'hui crisedu capitalisme, il y aura rvolte anticapitaliste. C'est du marxisme.

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    Donc s'y prparer : propagande, coles ouvrires, comits populairesd'action directe anticapitaliste. Mais o et sur quoi les masses feront-elles porter leur verdict violent ? Il faut serrer cela du plus prs

    possible, numrer dans le travail de masse les hypothses pratiques demi vivantes. Alors seulement la perce inattendue, arme de cetravail antrieur sur elle-mme, charriant la charpente d'uneorganisation esquisse, portant avec elle sa virtualit dirigeante,drainant et remaniant la stratgie des marxistes-lninistes, ira au plusloin dans le dchirement de la trame oppressive.

    Une ligne juste est le chemin ouvert la puissance de frappe

    maximale de l'irruption proltaire. Le parti, c'est l'instrument deconnaissance et de guerre pour que soit toujours plus large

    l'espace de manoeuvre et d'irruption.

    Une ligne juste, une organisation d'avant-garde, une discipline de fer,

    une liaison organique aux masses populaires, un constant exercice,

    repris et dmembr et refait jusque dans le dtail infime, de l'analysemarxiste-lniniste, porte jusqu' l'ombre de la trace du nouveau ;

    l'corce de la lutte des classes presse jusqu' son imperceptibleacide ; toute chose interpelle par directives : il faut tout cela,qui est le parti, pour que la rvolte rvolutionnaire livreentirement, hors des mailles, sa frappe de classe dans l'unicithistorique du nouveau.

    Il faut que l'activit dirigeante du partisoit inlassable, parfaite, puisante, pour qu'il soit exig de lui,par l'inattendu de la rvolte et l'unicit du tempsrvolutionnaire, d'tre encore scind au-del de tout ce qu'ilpouvait prvoir, et avait effectivement prvu, et contraintimplacablement une nouveaut de classe qui le jette en avant.

    Alors la pense proltaire nouveau s'y filtre et s'y rassemble,tablit par lui son royaume, avant de le dtruire encore : sansdestruction, pas de construction (Mao). Ajoutons-y : sans

    construction, pas de destruction ; de le dtruire par o il ne peut plus

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    rien dduire ni grer.

    Le marxisme-lninisme et l'ide du parti de classe vont plus loin

    que le moralisme anti-dialectique des thoriciens du dsir.Moralisme, oui, et des plus plats.

    Voyez la tablature deux colonnes sur quoi ces subversifs cliquetantsveulent nous faire conclure : Les deux ples se dfinissent l'un parl'asservissement de la production et des machines dsirantes auxensembles grgaires qu'elles constituent grande chelle sous telleforme de puissance ou de souverainet slective, l'autre par la

    subordination inverse et le renversement de puissance ; l'un par cesensembles molaires et structurs, qui crasent les singularits, lesslectionnent, et rgularisent celles qu'ils retiennent dans des codes oudes axiomatiques, l'autre par les multiplicits molculaires dessingularits qui traitent au contraire les grands ensembles commeautant de matriaux propres leur laboration ; l'un par leslignes d'intgration et de territorialisation qui arrtent lesflux, font garrot sur eux, les rebroussent ou les recoupent suivant

    les limites intrieures du systme, de telle manire qu'ilsproduisent les images qui viennent remplir le champ d'immanence

    propre ce systme ou cet ensemble ; l'autre par des lignes defuite que suivent les flux dcods e t dterritorialiss, inventantleurs propres coupures ou schizes non figuratives qui produisent de

    nouveaux flux, franchissant toujours le mur cod ou la limiteterritoriale qui les sparent de la production dsirante ; et,rsumant toutes les dterminations prcdentes, l'un par lesgroupes assujettis, l'autre par les groupes-sujets [Anti-dipe, p.439-440].

    Et a se dirait par-del le Bien et le Mal , peut-tre ? Tout cetintamarre culturel, et ce gonflement du biceps subversif, pour nous

    glisser la fin que la Libert c'est le Bien et la Ncessit le Mal ?

    La Libert, au fait, quelle Libert ? Groupe-sujet , la Libertcomme Sujet. Deleuze et Guattari ne s'en cachent gure : retour

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    Kant, voil ce qu'ils ont trouv pour conjurer le fantme hglien.

    Je me suis longtemps demand ce que c'tait que leur dsir ,

    coinc que j'tais entre la connotation sexuelle et toute laferblanterie machinique, industrielle, dont ils le revtent pourfaire matrialiste. Eh bien, c'est la Libert de la critiquekantienne ni plus ni moins. C'est l'inconditionn : impulsionsubjective vade invisiblement de tout l'ordre sensible des buts,de tout le tissu rationnel des causes. C'est l'nergie pure,dlie, gnrique, l'nergie en tant que telle. Ce qui est soi-mme sa loi, ou son absence de loi.

    La vieille libert d'autonomie, repeinte htivement aux couleurs de cequ'exigeait lgitimement la jeunesse en rvolte : quelques crachats surla famille bourgeoise.

    La rgle du Bien chez Deleuze, c'est l'impratif catgorique remissur ses pieds par substitution amusante du particulier l'universel : agis toujours en sorte que la maxime de ton action

    soit rigoureusement particulire. Deleuze voudrait bien tre Kantce que Marx est Hegel, Deleuze est le retourneur de Kant : unimpratif catgorique, mais dsirant ; l'inconditionn, maismatrialiste ; l'autonomie du sujet, mais en tant que flux quifile.

    Hlas ! Retournez Kant, et vous trouvez Hume, c'est--dire lamme chose - et les premires amours universitaires de Deleuze.

    L'idalisme critique n'a ni envers ni endroit, c'est mme sadfinition. C'est le ruban de Mbius de la philosophie. Sur letoboggan du Dsir, on file la tte en bas, la tte en haut, sansplus savoir qui est qui, de l'objet ou du sujet. Au bout du compte,

    que ceci soit le Bien et cela le Mal n'est qu'affaire d'humeur

    rversible, et sans grande consquence : agis toujours en sorte quela maxime de ton action n'intresse rigoureusement personne.

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    Le marxisme-lninisme pense des schizes autrement fortes, etqui arriment autrement la matire de l'histoire. L'unit descontraires, c'est--dire l'impossibilit de saisir l'Un autrement

    que comme le mouvement de sa propre scission ; la lutte pied piedcontre toute figure de rconciliation (deux fusionnent en un :essence du rvisionnisme en philosophie) ; le rejet de toutedisposition binaire arrte, comme est celle du moralisme dsirant,ce structuralisme honteux.

    Oui, c'est bien autre chose que le catchisme du Systme et du Flux,du Rationnel et de l'Irrationnel, du Despote et du Nomade, du

    Paranoaque et du Schizo, le tout l'enseigne incolore d'une libert quicoule invisiblement sa strile rversion.

    C'est tellement autre chose qu'un objet historique majeur comme le

    parti de classe chappe radicalement la prise schizo ,prcisment parce qu'il concentre l'extrme les divisionsdialectiques. Les schizos s'imaginent en avoir fait le tour

    avec le concept de reprsentation. Le parti reprsente la

    classe ouvrire, c'est le Thtre, l'image, l'assujettissementterritorial. Et a finit forcment par le Grand Despote.

    Parti bourgeois, en effet, parti rvis, c'est--dire un versant,isolment indchiffrable, du parti comme un en deux. Ce thtre,c'est la menace intrieure ncessaire, car le parti est lui-mmescind. S'il ne l'est pas, il est cadavre : S'il n'y avait pasdans le parti de contradictions et de luttes idologiques pour lesrsoudre, la vie du parti prendrait fin. (Mao.)

    Le parti, c'est, plus que tout autre objet historique, un en deux : unitdu projet politique du proltariat, de son projet tatique, dictatorial. Et,en ce sens, oui : appareil, hirarchie, discipline, abngation. Et tantmieux. Mais aussitt l'inverse historique : l'aspiration essentielle desmasses, dont le parti est l'organe, le bras d'acier, au non-Etat, au

    communisme. Et cela donne tout le contenu stratgique du particomme direction.

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    Le parti dirige le dprissement de ce qu'il doit diriger (l'Etat,la sparation du politique). Le parti n'a de ralit proltarienne

    que dans l'histoire tumultueuse de sa propre rsiliation. Mlez-vous des affaires de l'Etat , dit Mao aux larges masses. Et c'est

    parole du parti, en tant que parti communiste, prcisment. L'Etat,c'est l'affaire srieuse, l'affaire centrale. Le gauchiste petit-bourgeois sevautre dans le mouvement de masse, il y parade avec dlices. Maisqu'il soit question du pouvoir, de l'Etat, qu'il soit question de dictature,

    car tout pouvoir tatique est dictatorial, le voil tout furieux, etrclamant grands cris le Droit du Dsir.

    Le voil mme, comme le prouve le ralliement lectoralhonteux, soulag, de tant de gauchistes la clique Mitterrand-Marchais, qui rvle leur got profond pour le parlementarismebourgeois, cette dictature qui crase le peuple, mais laisse sommetoute les intellectuels bavarder leur guise. Au fond, la rveriepolitique gauchiste , c'est le mouvement de masse continulinairement jusqu' la constatation bienfaisante que l'Etat s'est

    doucement effac. Et, comme l'invariable nature de la pense desclasses oscillantes est la confusion, on ne s'tonnera pas que celadise le vrai avec le faux.

    Le faux, principalement : l'Etat est la seule question politique.

    La rvolution, c'est un rapport radicalement neuf des masses l'Etat. L'Etat, c'est l'dification. Une rupture qui n'difie pas,c'est la dfinition concrte de l'chec, et dans la forme, le plussouvent, du massacre : Commune de Paris, commune de Canton,anarchie catalane...

    Le vrai, cependant : il est vrai que le mouvement de masse entre en

    dialectique ncessaire avec l'Etat. Entre eux, nulle continuit,mais l'unit des contraires. Si l'Etat est proltarien, lacontradiction peut tre de type non antagoniste. S'il est un Etatd'exploiteurs, elle est antagoniste en son fond. Mais, dans un cas

    comme dans l'autre, il y a contradiction, et svre, en ceci que

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    les masses n'ont d'autre manire de se mler srieusement desaffaires de l'Etat que de le pousser, brutalement ou organiquement,

    dans le sens de sa dilution ; que de pousser la disparition pure

    et simple des grandes dichotomies tatiques : ville et campagne,agriculture et industrie, travail manuel et travail intellectuel,

    militaires et civils, nation x et nation y.

    Les masses s'emparent toujours de l'Etat dans la vise communiste deson dprissement. S'il en va autrement, soyons srs que c'est l'Etat quis'empare des masses : Etat bourgeois, parti gangren par labourgeoisie.

    En fait, toute vaste rvolte des masses ouvrires et populaires lesdresse contre l'Etat, invariablement. Toute rvolte prend positioncontre un pouvoir, et au nom d'un autre rflchi comme pas en avantvers la dilution tatique.

    Toute rvolte de grande ampleur, travers les contenus spcifiques quisont les siens (cole, campagne, hirarchie d'usine, etc.), est une

    proposition anti-tatique.

    Et c'est cela qui met le parti au supplice, en mme temps que laproposition anti-tatique des masses n'a d'autre chance, n'ad'autre issue, que de voir russir la sommation qu'elle adresse auparti, ou ce qui en tient lieu.

    C'est l que le parti (qui nourrit, en tant qu'appareil, en tant qu'objethistorique rel, sa propre prvision permanente sur le pouvoir, surl'Etat), somm de basculer dans la ccit transitoire d'une autre pensepolitique, celle qu'exige la sommation anti-tatique des masses, doitfranchir sa propre peur.

    C'est l qu'il aura toujours le got de dire : C'est trop tt. Alorsqu'il n'est que temps de basculer dans ce qui dj s'est ouvert commeautre squence de la pense politique.

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    Voyez La crise est mre [uvres Compltes, t.II, p. 452], cetexte littralement inspir de Lnine : la giration du c'est troptt au c'est presque trop tard soude en un bloc ces pages o

    Lnine met dans la balance sa dmission du Comit central.

    S'y trouvent brutalement accoles :

    1) La contrainte imprvisible exerce par le soulvement populaire,dans son acclration quasi quotidienne.

    2) La prvision rationnelle du parti, elle-mme aussitt scinde en:

    - l'attentisme de la majorit du Comit central (c'est trop tt) ;- l'anticipation lniniste (seule l'insurrection immdiate galisela prvision du parti la pratique foudroyante des masses ; lesmasses en rvolte ont rompu avec l'Etat : elles nous somment dediriger et pratiquer notre propre forme de rupture l'ordre

    d'insurrection - ou de n'tre plus rien. Si nous refusons l'insurrection,du jour au lendemain, nous, le grand parti bolchevique nous devenons

    un ramassis de canailles).

    Lnine dit : il y a soulvement paysan. C'est incroyable, maisc'est un fait. Cet incroyable objectif ne nous tonne pas,nous, bolcheviks, qui analysons la lutte de classe.

    Le gouvernement de Krensky protge les capitalistes et lespropritaires fonciers, il opprime les masses paysannes qui espraientleur libration.

    Mais la seule question rvolutionnaire c'est : notre prvisionthorique large (notre absence d'tonnement) va-t-elle se laissertransformer, se laisser rvolutionnariser, par la ralit proprementincroyable du soulvement paysan ? Comment le parti va-t-il porter enavant sa prvision juste, sous la contrainte historique imprvisible del'irruption des forces populaires ?

    Comment va-t-il formuler en direction des larges masses cela mme

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    qu'il en reoit de plein fouet, et qui est la ralisation divise,rompue, immdiate, de ce qui se donnait dans le calme organis dela connaissance marxiste ?

    A cette question, Lnine rpond : insurrection immdiate, dont lesignal, le temps, l'urgence, sont en vrit intgralement fixs par lemouvement de masse, l'histoire concrte.

    Cependant que, ne pas briser leur systme ncessaire de causes, debuts et d'chances, les majoritaires du Comit central persvrentdans un c'est trop tt perptuel, mettant ainsi la prvision marxiste

    l'abri des temptes. Et Lnine, intuitivement au plus profond de laleve populaire, transport de fureur, transperce littralement le parti,le crible de tout ce que l'histoire exige : [...] il existe chez nous, au

    Comit central et dans les milieux dirigeants du parti, un courant ouune opinion en faveur de l'attente du Congrs des soviets et hostile laprise immdiate du pouvoir, hostile l'insurrection immdiate. Il fautvaincre ce courant ou cette opinion. Autrement, les bolcheviks se

    dshonoreraient tout jamais et seraient rduits zro en tant que

    parti.

    Car laisser chapper l'occasion prsente et attendre le Congrsdes soviets serait une idiotie complte ou une trahison complte.

    Toute la force, contre la trahison complte et la rduction zro, tient en ceci que le parti est ce quoi s'adressent lessommations de l'histoire, ce qui doit se tenir dans l'exacerbation

    du mouvement, ce qui est questionn par la rvolte en termes dedirection : vous qui avez tout prvu, et donc serr de plus prsl'irruption, quoi nous sert aujourd'hui votre proximit ? Allez-vous vous y tenir, ou laisser filer loin devant ce dont vous vous

    tes dclars comptables ?

    Lnine, ici, c'est la question jete du dedans par la pratiquervolutionnaire des masses (imprvision, rupture) la vocationdirigeante du parti (prvision, projet). C'est le parti comme un en

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    deux, la classe ouvrire elle-mme comme un en deux : son appareild'un ct, sa vise non tatique de l'Etat de l'autre. De l'un l'autre, le vertige, dans le mouvement de l'histoire, c'est la

    scission entre une rationalit tactique installe et une rupturequi exige plus que la rationalit politique, qui exige unengouffrement dans ce qu'ouvrent les masses. L'insurrection, dira

    Lnine, est un art. Pas une science, un art.

    Le parti dirige toujours la transition proltarienne. Il est ladialectique. Son effet propre, c'est la scission cratrice desmasses et de l'Etat comme processus dirig, comme dictature du

    proltariat.

    Le parti, c'est un tre des lisires. Il se tient dansl'cartlement du prvisible thorique et de l'imprvisiblepratique, du projet et de la rvolte de l'Etat et du non-Etat.

    Fusion du marxisme-lninisme et du mouvement ouvrier , disentles classiques. Fusion est une mtaphore, qu'il faut son tour

    diviser. Le parti est le procs de division dialectique du marxisme-lninisme et du mouvement proltarien. Il est leur rencontrecartele, constamment refaire.

    Entre le marxisme-lninisme et le mouvement proltarien, pas deconcidence (ni spontanisme ni thoricisme), pas de simultanit : lathorie est en avance, mais le mouvement de la rvolte rvolutionnaireest en avance sur cette avance. Marx dit bien dictature du proltariat avant la Commune de Paris.

    Mais la Commune, qui ralise le mot d'ordre, n'en est pasmoins une avance dcisive sur la question de cette dictature.Entre le marxisme-lninisme et le mouvement ouvrier, il y a unit,oui, mais des contraires. Le parti marxiste-lniniste estl'existence de cette contrarit. Le parti, c'est le point aveugled'o le proltariat saisit sa propre pratique de classe, la trie,l'pure, la concentre, et prpare une autre tape de sa guerre,

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    autre tape cependant ralise par les masses, non par le parti, ensorte que ce que le parti apprhende est toujours la fois devantlui (projet) et derrire lui (rvolte), mais jamais exactement sa

    hauteur. Le parti, c'est l'organisation constamment dplaable duprsent proltarien, en tant qu'unit scinde de la prvision et dubilan.

    C'est ce que veut dire Mao : Les masses populaires sont les

    vritables hros, alors que nous sommes souvent d'une navetridicule. La matrise marxiste-lniniste est l'essence de ladirection communiste. Elle est le srieux de la science. Mais aussi

    bien la navet ridicule, si elle croit pouvoir faire l'histoirepar dlgation, par reprsentation, si elle croit pouvoir sesoustraire la sagesse hroque des masses, donne sans appel dansleur irruption pratique.

    Et Staline : il souligne que le parti est certes direction, mais en

    mme temps partie de la classe ouvrire, dtachement. Dtachement,c'est tout autre chose que reprsentation, c'est le contraire : le

    parti proltaire est le contraire d'une image. Il est ce qui coupe,ce qui dtache. Il est un corps de classe sa csure : une lisire.Il y a une essentielle instabilit historique du parti.

    Et c'est pourquoi il est constamment menac du dedans par les forcesbourgeoises de la restauration, qui prennent appui sur le spar duparti. Le parti, qui concentre la force dirigeante du proltariat,est aussi sa faiblesse latente, la menace la plus grave. Rprimerla rvolte au nom de la prvision ; craser le nouveau au nom de lalgitimit ; sortir du prsent vivant, cder l'ombre, abandonnerla lisire mobile ; dresser l'Etat contre le communisme agissantdes masses : la bourgeoisie opre en permanence sur l'instabilitessentielle du parti.

    Ce qui fait de Staline et de Mao de grands dirigeants proltariens,par-del leurs diffrences, qui sont normes, c'est entre autreschoses cette conviction que le projet proltarien est constamment

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    reconqurir, constamment instable et rong du dedans ; cetteconviction que les inerties vont toutes dans le sens de la

    restauration ; qu'il n'y a nulle part d'ajustement mcanique.

    Lnine, Staline, Mao, critiquent de plus en plus profondment lemcanisme ractionnaire, le pacifisme, l'attentisme en forme detrahison du rformisme et du rvisionnisme. Le parti, qui est cepar quoi le proltariat s'ajuste sa propre pratique de classedans la dimension du projet, de l'dification tatique, le partidoit lui-mme tre en retour ajust.

    C'est en lui que se ramassent aussi les plus grandes pesanteurs. Contre

    cette menace ne vaut qu'une contre-menace. Staline et Mao divergentabsolument partir de l, mais cette divergence est interne l'histoiredu proltariat, interne au mouvement dialectique du marxisme-lninisme.

    Staline n'a vu qu'une seule contre-menace possible : la terreur,

    omniprsente. Se mfier, inlassablement, du parti d'abord(quasiment extermin dans les annes trente), des masses tout aussi

    bien, au moindre soupon de mollesse ou de rsistance dans legrandiose bouleversement industriel.

    Mao part de la mme ide : la transition met cet objet dialectique,le parti, rude preuve. Et la transition est longue : La luttequi dcidera de la victoire du socialisme ou du capitalismes'tendra encore sur une longue priode historique. Mais larponse est le renversement de celle de Staline.

    La rponse, c'est : avoir confiance, inlassablement, dans les massesd'abord (la confiance dans les masses est l'lment central de la contre-menace), dans le parti ensuite, et surtout dans la corrlation carteledes deux : rvolution culturelle proltarienne, la fois assaut desmasses, dans leur vise non tatique de l'Etat, contre les stabilisateursractionnaires du parti et rtablissement, rgnration,rvolutionnarisation du parti lui-mme en tant qu'instabilit, en tantque lisire, en tant qu'inducteur dialectique du communisme.

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    Qu'opposent ces formidables dialectiques de l'histoire, cesobjets instables, ces leves proltariennes d'une violence et

    d'une richesse inoue, les petits professeurs de l'embuscadedsirante ?

    Qu'opposent-ils, ici mme, ces labeurs de prvision et de rvolteimmerge au plus profond des divisions ouvrires, qui composent laforce affirmative sans quivalent des militants maostes ?

    Qu'ont-

    ils faire valoir contre ces penses bties en force mme lerel, et sans cesse refondues et traverses de part en part par lesinterpellations proltaires ?

    Existe-t-il quelque chose qui vaille le projet de se laisser arracher des

    mains par les masses l'ide du parti, qui, en France, n'est pas tabli etjou, mais proposer et refaire ?

    Quel dsir vaudra jamais celui, dploy dans tous lesenchevtrements et tous les contre-courants profonds de notre histoire,que formulent les marxistes-lninistes : remettre aux mains de la classeouvrire la question de son parti communiste de type nouveau ?

    Quel est leur dernier mot, ces adversaires haineux de toutepolitique rvolutionnaire organise ? Lisons : accomplir ceprocessus qui se trouve dj accompli en tant qu'il procde [Anti-dipe, p. 459]. Bref, couler comme un pus.

    De telles maximes, au fond, sont innocentes.

    Regardons-les, ces vieux kantiens qui font semblant de jouer casserles bibelots de la Culture. Regardons-les : le temps presse, et dj ilssentent la poussire.

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    II. Le fascisme de la pomme de terre

    La formulation la plus gnrale - la formulation ontologique - dubilan des annes soixante se dessine aujourd'hui. Au coeur de laquestion, il y a que la leve de masse de mai 68, rvolte populairesans prcdent, n'eut pas, aux yeux de ses protagonistesintellectuels, d'ossature de classe tangible et qu'elle fut

    rflchie, de ce fait, comme une insurrection du multiple.

    tudiants, ouvriers, employs semblaient s'tre levs

    paralllement, dans une sorte de tempte horizontale, de dispersioncumulative, o de surcrot la petite bourgeoisie intellectuellepouvait revendiquer le rle d'avant-garde tactique.

    L'attaque immdiate contre les pseudo-centres syndicaux, et plusencore contre leur garant politique bourgeois, le P.C.F., taitdans sa forme objective une composante essentielle de la tempte.Toute unit extrieure de type bourgeois tait violemment rcuse.Mais il s'en fallait de beaucoup que la rvolte contre les pseudo-centres ouvre sur-lechamp la pense maoste neuve : celle d'uncentre de type nouveau (du parti de type nouveau), nouveau non

    seulement dans son tre, mais dans son processus.

    A la diffrence de nombre d'ouvriers rvolutionnaires, dont c'taitla question, la petite bourgeoisie intellectuelle, dans sa masse,

    rsista se laisser traverser par la question maoste, parce qu'ils'agissait l de reconcentrer ce dont l'absence apparente, au fond,lui agrait : le point de vue de classe proltarien. Pour protgerce qui l'avait catapulte sur le devant de la scne (la dialectiqued'une rvolte de masse tendue et d'une direction proltariennedfaite, d'une idologie vigoureuse et d'une politiqueinexistante), la petite bourgeoisie intellectuelle forgea en toute

    hte les concepts travers quoi les faiblesses organiques de lasituation se changeaient en autant de forces apparentes.

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    Elle dchana dans les nues de la pense pure l'orage du Multiplecontre les prtentions de l'Un. A bas les centres, quels qu'ilssoient ! Vive la dispersion en tant que telle ! L'ontologie revint

    l'cole de Mgare : seul le multiple est affirmatif, l'Un est sonspectre oppressif tout ptri de ressentiment.

    Voyons que la force transitoire du polycentrisme chevels'alimentait aux ralits de la tempte. Attaquer de toutes partsles units de type bourgeois (l'unit syndicale, l'unitnationale, l'unit de la gauche ) tait le vif du mouvement.Mieux vaut l'orage multiple des rvoltes que la tutelle

    unificatrice d'une politique bourgeoise, c'est bien vrai.Mais, en mme temps, on pouvait lire sans mal, sous les prtextesanti-organisationnels, le rejet du point de vue de classe.

    Le thme en tait qu'il fallait additionner les rvoltes (immigrs,femmes, cologistes, soldats, prisonniers, coliers, homosexuels, etc.),dnombrer l'infini les forces sociales ponctuelles, mais combattreobstinment tout ce qui s'apparentait l'unification politique du camp

    du peuple, saisi dans sa flexion antagonique, dans son tre de classevivant. L'organisation, sa prtendue hirarchie castratrice , avaientbon dos : l'Un du multiple rvolt est question de contenu, de politiquedu peuple.

    L'organisation n'est que la forme, la logique de ce contenu. On se

    cachait derrire les maladresses, ici ou l, de la forme pour dnier lecontenu. Derrire la haine du militantisme se camouflait mal la hainede la lutte des classes.

    Sur ce sol friable, on vit bientt que l'Un prenait sa revanche,sous les dehors dsolants du retour en force des politiciensbourgeois de l'Union de la gauche. Au bout du Multiple, il y a le

    Despote rvisionniste, au bout des plaisanteries littraires deDeleuze, le sourire ministriel de Marchais, ou le despotefasciste, la face mdusante de ces gnraux phraseurs dont notrehistoire a le secret. Car, si le peuple n'a pas sa propre politique

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    il fera celle de ses ennemis : l'histoire politique a horreur du

    vide.

    De ce vide, qu' l'occasion ils encensent sous les figures dunihilisme et de l'esthtique du dsespoir, les dirigeantsidologiques de la petite bourgeoisie font toujours commerce,soucieux qu'ils sont avant tout de n'avoir pas choisir et de bnficierdes avantages - considrables - que leur concde la politiquebourgeoise, spcialement le parlementarisme dmocratique , tout ense parant des dpouilles de la rvolte.

    Ce que ces gens abominent, et entendent noyer, selon les cas, dansl'absoluit de l'Un ou la pulvrulence du Multiple, c'est la division endeux, c'est la dialectique.

    Il est cet gard intressant de constater que, dans "Rhizome" [Lerhizome, c'est la tige souterraine des plantes vivaces qui pousse

    des bourgeons au-dehors et met des racines adventives sa partieinfrieure . Pour Deleuze et Guattari, cet tre botanique qui

    prolifre la charnire du floral et des racines est le modled'une multiplicit sans principe unitaire d'engendrement.

    Le rhizome s'oppose la racine pivotante, ou l'arbre cartsientageant ses branches partir de la solidit du tronc. C'est lapomme de terre contre le pissenlit ou le sapin], les singes russdes multiplicits, les chefs de la troupe anti-marxiste, Deleuze etGuattari, s'en prennent ouvertement au principe dialectique central: un

    se divise en deux. Voyons le tour.

    Un devient deux : chaque fois que nous rencontrons cette formule,

    ft-elle nonce stratgiquement par Mao, ft-elle comprise le plus dialectiquement du monde, nous nous trouvons devant la pensela plus classique et la plus rflchie, la plus vieille, la plusfatigue (...). Le livre comme ralit spirituelle, l'Arbre ou laRacine en tant qu'image, ne cesse de dvelopper la loi de l'Un quidevient deux, puis deux qui deviennent quatre. [...] La logique

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    binaire est la ralit spirituelle de l'arbre-racine. [...] Autantdire que cette pense n'a jamais compris la multiplicit : il luifaut une forte unit principale suppose pour arriver deux

    suivant une mthode spirituelle (p. 13-14).

    On ne prendra pas Deleuze et Guattari pour des analphabtes. Ilfaudra donc les tenir pour des escrocs. Avant de donner aux

    lecteurs la directive bouleversante : Soyez la Panthre rose, etque vos amours encore soient comme la gupe et l'orchide, le chatet le babouin (p. 74), ils devraient avertir qu'antrieurement ces mtamorphoses ils les tiennent pour des crtins.

    Seul un crtin peut confondre la formule dialectique marxiste un sedivise en deux avec le gnalogisme pour arbre de famille querecouvre l'nonc deleuzo-guattaresque un devient deux . Car ceque dit la dialectique est l'exact oppos de la forte unit principale qu'on lui impute ainsi, c'est l'essence divise du mouvement commeUn, c'est--dire un principe de double prcarit de l'Un :

    a) L'Un n'a aucune existence en tant qu'entit, il n'y a d'unit que dumouvement, tout est processus.

    b) Le processus lui-mme a pour tre interne la scission.Pour un marxiste, penser l'Un, c'est penser l'unit des contraires,c'est--dire le mouvement comme scission. La pense dialectique estla seule pense de rvolte en ce que, justement, elle branle

    jusque dans sa racine l'omnipotence de l'Un : pour elle, l'essence

    de l'Un, c'est le travail de l'antagonisme qui le constitue, c'est

    le Deux.

    L'arboriculture dialectique de Deleuze-Guattari, tout absorbequ'ils sont opposer la philosophie multiple de la pomme deterre au despotisme vertical de l'arbre, n'est que pniblefalsification. Lnine dj marquait que l'essence de la dialectiquen'est jamais l'unit forte et prsuppose, mais l'unit descontraires, ce qui aussitt relativisait sans retour le concept de

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    l'Un : L'unit (concidence, identit, quivalence) des contraires estconditionnelle, temporaire, transitoire, relative. La lutte entre

    contraires s'excluant mutuellement est absolue, comme sont absolus

    le dveloppement et le mouvement.

    Le problme de la dialectique n'est certes pas celui d'une forceexcessive de l'Un, bien plutt celui de sa faiblesse. Penser tout demme l'unit, ft-ce comme dchirement et travail de ladivision, c'est quoi philosophiquement il faut s'employer contrele manichisme gauchiste, lequel perd le fil de l'unit des

    contraires, et ne voit de salut que dans le doublement de l'Un,doublement qui l'inverse en son contraire, car en dialectique deux

    fois Un ne fait pas Deux, mais derechef Un, le seul Deux qui vaille

    tant l'essence en devenir du Un.

    Un se divise en deux veut toujours dire : Un est gal se-diviser-en-deux , et jamais un devient deux . C'est vrai de

    l'amibe - comme unit vivante se reproduisant - aussi bien que de

    la socit capitaliste, unit d'une lutte mort entre deuxpolitiques antagonistes.

    A quoi bon ds lors, pour Deleuze et Guattari, ces petitesmalversations ?

    C'est qu'ils ont reconnu dans la dialectique leur vritableadversaire.

    La force historique transitoire de Deleuze lui est venue d'tre lechantre du multiple rvolt contre l'Un bourgeois (lequel sontour n'est l'Un que du deux qui le constitue comme rivalit : deuxsuperpuissances, deux bourgeoisies, classique et bureaucratique

    d'Etat). Tant que l'Un bourgeois est la cible antagonique de

    Deleuze, dans le temps de la leve contre les pseudo-centres, laclientle des rvoltes parses peut marcher.

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    Que faire contre l'Un du proltariat, lequel, en tant que scission, estjustement cet Un mobile et prcaire o la rvolte, travers l'lmentd'antagonisme qui la traverse, trouve non seulement son lieu, mais sa

    dimension affirmative ? Deleuze et Guattari n'ont dcouvert que cettepauvre ruse : rduire de force la dialectique l'Un de la mtaphysiqueractionnaire. Ainsi s'imaginentils conserver le monopole del'ontologie des rvoltes.

    Le malheur est que la ruse ne sert rien, vu que l'ontologie enquestion, contournant la dialectique, se btit contre toute pensede l'antagonisme. Et la voil qui valide aujourd'hui avec

    quanimit n'importe quelle figure du faire ou du parler. C'estlogique : vous ne pouvez pas penser et exalter le multiple pur (le

    Rhizome) sans vous djeter dans le conservatisme le plus plat, leplus sr entrinement de tout ce qui est. Vous aurez non seulementla panthre rose, le babouin et l'orchide, mais l'ours blanc, donton sait qu'il doit sa forme allonge son rgime exclusivementictyophage, le chacal pel des oasis ultimes, la teigne et lapanoplie de toutes les herbes puantes qu'on voit aux palissades des

    chantiers qui n'en finissent plus.

    Les grands principes de l'ontologie du multiple sont eux seulsl'illustration de ce conservatisme, de cet aquiescement d'esthte la prolifrante splendeur des ordures.

    Notons d'abord que, de toutes les multiplicits possibles, Deleuzeet Guattari n'en hassent qu'une seule, le deux, figure dtestabledu choix (du choix de classe), support de ce qu'ils rprouvent leplus au monde, la morale, qui implique l'option, la politique,

    puisqu'il n'y en a que deux, la proltarienne et la bourgeoise : C'est pourquoi on ne peut jamais se donner un dualisme ou une

    dichotomie, mme sous la forme rudimentaire du bon et du mauvais(p. 28).

    Toute scission lude, tout choix circonvenu, le Rhizome va sontrain vers l'apologie dbride du n'importe quoi. C'est le premier

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    principe : N'importe quel point d'un rhizome peut tre connect avecn'importe quel autre, et doit l'tre (p. 18). C'est le doit l'tre quiest fameux.

    Comprenez : - en un premier sens, qu'il n'existe que des individus,

    dont il importe qu'ils puissent se toucher les uns les autres sans

    qu'aucune loi, aucune exigence de classe, ne les carte de lajouissance des contacts illimits - thorie des rapports sociaux comme immdiatet du corps ; - en un deuxime sens, l'idologiepolitique fdraliste, seule issue d'une politique du multiple, d'unepolitique anti-dialectique ; que toutes les luttes se contactent, et de

    ce magma galitaire connect, convergent , comme ils disent, decette pomme de terre rhizomatique parlementaire sortira quoi ?

    A froid, nos innocents rpondent : la Fte ! L'histoire parle un autrelangage. On sait, au moins depuis la Commune, que ces

    convergences de luttes dmembres sont l'avant-veille de l'chec,du massacre, et de la restauration de l'Un sous ses espces militairesles plus rpugnantes. Sectateur du Rhizome, souviens-toi du Chili ;

    - en un troisime sens : tout communique avec tout, il n'y a pasd'antagonisme irrductible.

    Il n'y a pas la bourgeoisie d'un ct, le proltariat et le peuplervolutionnaire de l'autre. Voil pourquoi tout est tubercule informe,pseudopodes du multiple. Pour le coup, l'Un prend sa revanche au

    rgime de l'interconnexion universelle.

    En vrit, c'est la dialectique maoste qui pense la faiblesseantagonique de l'Un, parce qu'elle apprhende qu'il y a du non-connectable, que, dans l'unit de leur mouvement conflictuel,chaque terme de la contradiction ne cesse de trancher ce qui le

    connecte l'autre.

    Tel est par exemple le processus du parti de classe : concentrer travers la pratique de l'antagonisme, les moyens de sparerradicalement la politique rvolutionnaire du peuple de toutes les

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    formes de la politique bourgeoise. Deleuze et Guattari ne font que

    catapulter dans l'ontologie le statut qui est le leur : manger tous lesrateliers.

    C'est de l que prend son essor le concept pur de la multiplicit.Examinons plutt : Principe de multiplicit : c'est seulement quandle multiple est effectivement trait comme substantif, multiplicit, qu'iln'a plus aucun rapport avec l'Un comme sujet ou comme objet, comme

    ralit naturelle ou spirituelle, comme image et monde. Lesmultiplicits sont rhizomatiques, et dnoncent les pseudo-multiplicits, arborescentes. Pas d'unit qui serve de pivot dans l'objet,

    ni qui se divise dans le sujet. Pas d'unit ne serait-ce que pour avorterdans l'objet, et pour revenir dans le sujet.

    Une multiplicit n'a ni sujet ni objet, mais seulement desdterminations, des grandeurs, des dimensions qui ne peuvent crotresans qu'elle change de nature (p. 21-22).

    Le seul passage de ces assertions brouilles qui ait quelque sens

    est un parasitage de la dialectique. Dans ces dimensions qui nepeuvent crotre sans qu'elle [la multiplicit] change de nature ,on reconnat bizarrement la loi de conversion du quantitatif enqualitatif.

    Le reste est au rgime de l'incantation : le Multiple n'est en effet unecatgorie pensable que dans son rapport contradictoire l'Un. Toutepense du multiple pur vhicule comme son ombre une pense de l'Unpur, et l'on voit du reste, jusque dans l'usage de la majuscule, cespectre hanter le discours de Deleuze-Guattari, comme ce contre quoi

    il feint de s'difier, mais qu'il conforte du dvoiement unilatral etexalt de son contraire.

    C'est particulirement clair dans la dfinition rcapitulative, oDeleuze-Guattari, sentant qu'ils sont aux piges grecs de l'Un et duMultiple, imaginent qu'ils ont chang de terrain : Le rhizome ne selaisse ramener ni l'Un ni au multiple. Il n'est pas l'Un qui devient

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    deux, ni mme qui deviendrait directement trois, quatre ou cinq, etc. Iln'est pas un multiple qui drive de l'Un, ni auquel l'Un s'ajouterait (n +1). Il n'est pas fait d'units, mais de dimensions. Il constitue des

    multiplicits linaires dimensions, sans sujet ni objet, talables surun plan de consistance, et dont l'Un est toujours soustrait (n - 1) (p.

    61).

    Echec complet ! La soustraction de l'Un ne fait que mtaphoriser lebesoin qu'ont Deleuze-Guattari, dans la construction des

    multiplicits et de l'Un et du Multiple, et de n et de 1 . Latransparence du bilan politique est un exercice d'cole, s'agissant du

    modle soustractif n-1.

    Il s'agit d'en appeler aux rvoltes de masse, moins le facteurd'unit antagonique, moins la traverse qu'elles subissent du pointde vue de classe.

    Il s'agit d'en appeler aux ides de la rvolte, moins la

    systmatisation marxiste.

    Il s'agit d'en appeler aux forces de la rvolution moins le partiproltarien.

    Mais ces multiplicits, n'tant pures que de ce moins , levalident l'extrieur d'elles-mmes comme ce qui perdure, intact,de l'Un qui leur est irrductiblement hostile.

    On l'a vu en mai 68 : s'il y a la rvolte de masse, mais pasl'antagonisme proltarien, il y a l'antagonisme bourgeois (la politiquebourgeoise) victorieux. S'il y a des ides justes, mais pas le marxisme,il y a la remise en selle des rformistes bourgeois du P.S. S'il y a lesforces objectives, mais ni programme ni parti, il y a la revanche

    parlementaire pompidolienne, il y a le retour sur la scne du P.C.F. etdes syndicats.

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    Les multiplicits deleuziennes sont un combin nul, de faiblesse etd'impuissance, du multiple rvolt et de l'Un bourgeois.Penser le multiple hors du deux, hors de la scission, c'est

    pratiquer en extriorit la dictature de l'Un.

    Dire que la grandeur et la vertu des choses c'est d'tre elles-mmes moins (c'est--dire en coexistence externe avec) ce quileur est antagonique, voil finalement le tout de l'affaire. L oil s'agit de rompre, en forgeant l'unit interne de ce qui, dans lemultiple, se divise antagoniquement d'avec l'adversaire, Deleuze-

    Guattari proposent une soustraction, une indiffrence plate. Les

    multiplicits, se soustrayant l'une l'autre comme Un, coexistentpacifiquement. Jouer dans son coin, telle est la maxime des

    multiplicits rhizomatiques.

    Et notez bien qu'au passage Deleuze et Guattari ont virtuellement

    fait une dcouverte fonde. Que nous disentils d'autre, sinon quela division du peuple ne lui est pas inhrente, mais qu'elle estorganise par l'Etat bourgeois, que le caractre d'unit spare de

    cet Etat est le point d'o s'oprent toutes les grandes diffrences, toutesles stratifications, toutes les hirarchies, en sorte qu'en effet c'est parcequ'il est non populaire, soustrait au peuple, que l'Etat comme Un

    entretient le peuple comme multiple, comme partiellement dresscontre lui-mme ?

    Les maostes voient aussitt dans cet aspect des choses la dimensionde classe de l'Etat, l'oeuvre dans ce qui en est le corps historique relet l'enjeu permanent : l'organisation en dictature bourgeoise de toutle peuple. La conclusion ne fait aucun doute : il n'est d'unitreconquise du peuple que dans l'affirmation antagonique de l'autre

    point de vue de classe, le proltarien, et dans la destruction parles masses de l'unit bourgeoise, ayant l'Etat comme centre.

    Pour Deleuze et Guattari, il en va tout autrement. De ce que l'Un

    bourgeois fait la division du peuple, ils concluent l'excellencede la division pense comme indiffrence l'Un, comme non-

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    antagonisme. L'Etat est l'Un de notre faiblesse multiple ?

    Soyons diviss plus encore, affirmons soustractivement notre division,

    et nous serons nous-mmes pleinement. Quel nous-mme ? Celui-lque prescrit l'Un, en vrit. Il faut le dire : c'est l'excellence del'Un bourgeois que Rhizome conclut dans les faits.

    Peut-on rver pareil dsarmement, pareille complaisance au pire ?

    Quiconque renonce l'antagonisme et pense dans l'lment dumultiple affirmatif indiffrent a besoin de s'incliner tt ou tard,sous couvert de culte des Moi, devant les puissances politiques relles,

    devant l'unittatique spare. C'est pourquoi Deleuze et Guattari sontdes idologues prfascistes. Ngation de la morale, culte de l'affirmatifnaturel, rpudiation de l'antagonisme, esthtisme du multiple laissantsubsister hors de lui, comme sa condition politique soustractive et sa

    fascination indlbile, le Un du tyran : on se prpare courberl'chine, on la courbe dj.

    II ne suffira pas Deleuze et Guattari, pour se laver de

    l'accusation de fascisme, d'arguer, pirouette dont on connatl'aune, qu'ils le sont plus encore qu'on ne le croit [ On nous a

    traits de fascistes ; nous ne le serons jamais assez, tant noussommes conscients, nous au moins, que le fascisme n'est pas celui

    des autres seulement. Les groupes et les individus contiennent des

    microfascismes qui ne demandent qu' cristalliser" (p. 28)]