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UNIVERSIT PARIS 7 - DENIS DIDEROT CINEMA, COMMUNICATION ET INFORMATION|_|_|_|_|_|_|_|_|_|_|N didentification

SCIENCE, TELEVISION ET RATIONALITEAnalyse du discours tlvisuel propos du cerveaupour lobtention du diplme de Docteur de lUniversit Paris 7 Sciences de lInformation et de la Communication Prsente et soutenue publiquement par

THESE

tel-00007469, version 1 - 21 Nov 2004

le 13 dcembre 1999

Igor BABOU

Directrice de la thse : Carmen COMPTE Co-directrice : Suzanne de CHEVEIGNE

JURYSuzanne de CHEVEIGNE, Charge de recherche, CNRS (Laboratoire Communication et Politique UPR 36) Carmen COMPTE, Professeur, Universit de Picardie - Jules Verne Yves JEANNERET, Professeur, Universit de Lille 3 (rapporteur) Baudouin JURDANT, Professeur, Universit Paris 7 - Denis Diderot (prsident du jury) Yves WINKIN, Professeur, Ecole Normale Suprieure de Fontenay/Saint-Cloud (rapporteur) Serge PROULX, Professeur, Universit du Qubec Montral

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REMERCIEMENTSMes remerciements sadressent en premier lieu Carmen Compte et Suzanne de Cheveign. Elles ont su diriger et codiriger cette thse en harmonie, avec rigueur et bienveillance. Les nombreuses discussions que nous avons eues ensemble, leurs conseils, ainsi que leurs lectures critiques, mont t dune aide prcieuse. Enfin, je les remercie tout particulirement du climat de travail dtendu et peu formaliste quelles ont instaur tout au long de ces annes. Je tiens remercier chaleureusement Yves Jeanneret et Yves Winkin pour avoir accept dtre les

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rapporteurs de cette thse : toutes les remarques quils ont pu me faire, diffrentes tapes de cette recherche, ont t fort utiles. Ils mont accord une nergie et un temps prcieux, tant par leurs lectures critiques des premires bauches de ce travail que lors dentretiens qui ont toujours t trs enrichissants. Je remercie trs vivement Baudoin Jurdant davoir accept la prsidence de ce jury. Merci galement Jostein Gripsrud qui apporte son expertise comme membre du jury. Par leurs travaux sur la culture, la vulgarisation et les mdias, ils montrent la voie tous ceux qui cherchent comprendre les processus de communication et de circulation sociale des savoirs. Je remercie de plus le CRECI (Centre de Recherche sur la Communication et lImage de lUniversit Paris VII), anim par Baudoin Jurdant et Michelle Gabay, de mavoir accueilli pour cette recherche. Cette thse doit beaucoup au sminaire du laboratoire CNRS Communication et Politique : je suis trs reconnaissant envers Dominique Wolton ainsi quenvers tous ceux qui viennent y partager leurs rflexions dans une ambiance toujours trs stimulante. Je remercie en particulier Monique Sicard de sa passion communicative pour la rflexion sur les images scientifiques. Grce mes collgues et amis de lcole Normale Suprieure de Fontenay/Saint Cloud, jai pu bnficier dun environnement intellectuel qui a largement contribu lavancement de cette 2

recherche. Je remercie en particulier Jean Mouchon, Frdric Lambert, Thierry Lancien, Franoise Massit-Folla, Marie Gautheron, Franois Niney, Catherine Nyeki, Cathie Dambel, Raymond Ducourant et Christine Develotte. Ma reconnaissance va galement Daniel Jacobi qui a contribu, par ses conseils et ses lectures critiques, lavancement de cette recherche, ainsi qu Serge Proulx pour son soutien amical. Annie Gents ma fait lamiti dun important travail de lecture critique. Je tiens la remercier trs chaleureusement pour ses conseils, pour le temps quelle y a pass, ainsi que pour son humour revigorant qui ma accompagn lors de la rdaction finale. Sa matrise de langlais ma t de plus trs utile pour les traductions.

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Jaimerais remercier tout particulirement lensemble du personnel de lInstitut National de lAudiovisuel qui, de la collecte la mise disposition des missions, mais aussi de lorganisation dateliers mthodologiques ldition de travaux sur la radiotlvision, contribue

remarquablement lgitimer la recherche en communication. Merci surtout Christine BarbierBouvet, de lInathque de France, pour lnergie et lefficacit quelle met organiser et faciliter laccs des chercheurs au patrimoine tlvisuel. Jai eu loccasion de rencontrer plusieurs scientifiques et mdecins spcialistes des neurosciences ou de limagerie mdicale, ainsi que des journalistes intervenant dans le domaine de linformation ou de la vulgarisation scientifique : sans un regard sur leurs pratiques, cette thse naurait pu aboutir, et je leur suis reconnaissant du temps quils mont consacr. Je ne remercierai de mme jamais assez tous les auteurs et techniciens de la tlvision qui, par leur travail, mettent la science en images et en discours : ce sont leurs productions qui ont donn cette thse le riche matriau sur lequel jai pu exercer ma curiosit. Merci enfin tous les amis et parents qui mont encourag, et surtout Christiane : sans son affection rien naurait t possible.

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TABLE DES MATIERESINTRODUCTION1. Prsentation gnrale de la problmatique..................................................... 1 2. Connaissance et communication ....................................................................... 5 3. Sciences et mdias.............................................................................................. 12 4. Problmatique, hypothses et questions ....................................................... 18

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4.1 La question initiale : les logiques sociales et discursives dengendrement du discours tlvisuel propos de science ...................................................... 19 4.2 Premire hypothse : le discours tlvisuel propos de science est le rsultat dune confrontation dacteurs institutionnels.............................................. 21 4.3 Deuxime hypothse : le discours tlvisuel propos de science sinscrit dans la matrice culturelle des discours sur la rationalit .......................................... 22 5. Lobjet construit par cette recherche ............................................................... 25 6. Dlimitation du corpus : le discours tlvisuel propos du cerveau ...... 26 7. Organisation de ce volume............................................................................... 27 7.1 Premire partie : le cadre thorique ........................................................... 27 7.2 Deuxime partie : mthode ......................................................................... 27 7.3 Troisime partie : analyse du discours tlvisuel propos du cerveau et conclusion ....................................................................................................... 28 8. Iconographie........................................................................................................ 29

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PREMIERE PARTIECadre thorique La smiotique pour structurer lanalyse du discours tlvisuel propos de science

CHAPITRE ILA SEMIOTIQUE DE CHARLES S. PEIRCE : DUNE PHILOSOPHIE DE LA CONNAISSANCE AUNE THEORIE DE LA COMMUNICATION

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1. Pourquoi prsenter la smiotique ? ................................................................ 31 2. Les limites la comprhension contemporaine de Peirce.......................... 34 3. Une pense des relations comme philosophie de la connaissance........... 37 4. De la connaissance la pense comme signe ............................................... 40 5. Lancrage phnomnologique .......................................................................... 44 6. Les catgories phanroscopiques .................................................................... 45 7. Le modle triadique du signe .......................................................................... 49 8. Trois relations trichotomiques ......................................................................... 53 9. La hirarchie des catgories et les dix classes de signes ............................. 55 10. Smiotique et communication ....................................................................... 65 11. De la smiotique la thorie des discours sociaux.................................... 67 11.1 Foucault et Vron : des interrogations pistmologiques communes. 69 11.2 Rseaux discursifs....................................................................................... 71 11.3 Le discours comme espace de relations ................................................... 74 11.4 Le point aveugle de la smiotique : pouvoir et idologie ..................... 77 5

11.5 Discours et mthode ................................................................................... 79 11.6 Discours et nonciation.............................................................................. 80 11.7 Actants, lieux et temps de lnonciation.................................................. 85 11.8 Production et reconnaissance.................................................................... 85 12. Prciser lobjet de cette recherche ................................................................. 87

CHAPITRE IIDE LA VULGARISATION AU DISCOURS TELEVISUEL A PROPOS DE SCIENCE : LECTURE DUN CHAMP

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DE RECHERCHES

1. Objectifs, limites et mthode de la lecture critique..................................... 89 2. Les paradigmes qui ont structur la recherche sur la vulgarisation......... 93 2.1 La vulgarisation comme traduction de la science ..................................... 952.1.1 Le troisime homme, acteur dune mdiation culturelle ............................... 95 2.1.2 Un processus de socio-diffusion des savoirs................................................. 100

2.2 La vulgarisation comme trahison de la science....................................... 1032.2.1 La vulgarisation comme langage idologique ........................................... 103 2.2.2 La vulgarisation comme illusion de savoir ................................................ 107 2.2.3 La vulgarisation comme gestion de lopinion : une critique radicale..... 109

2.3 Deux modles qui nen font quun............................................................111 3. Les raisons dabandonner tout fonctionnalisme........................................ 113 3.1 Des approches souvent schmatiques ..................................................... 114 3.2 Les ambiguits de certaines applications du concept de fonction sociale115 3.3 Des limites inhrentes un statut de modle sociologique.................... 117 6

3.4 De la circularit du fonctionnalisme la ncessit dapproches hypothticodductives ..................................................................................................... 120 4. La vulgarisation scientifique comme production culturelle ..................... 124 4.1 Une production culturelle autonome....................................................... 124 4.2 Premire hypothse de recherche : certaines volutions du discours tlvisuel propos de science rsultent dune confrontation de lgitimits institutionnelles ......................................................................................................................... 128 4.3 Une pluralit de dterminations............................................................... 130

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5. Sciences, vulgarisation, et discours sur la connaissance .......................... 132 6. Deuxime hypothse de recherche : la vulgarisation comme interprtant des discours lgitims sur la connaissance ................................................................. 137 7. Les rceptions de la vulgarisation................................................................. 140 8. Proposition dune problmatique ................................................................. 144

DEUXIEME PARTIEMthode Des hypothses de recherche la construction du corpus

CHAPITRE ICONCEPTS GENERAUX ET HYPOTHESES 1. Mthode ou mthodologie ?........................................................................... 151 2. Principes de base de lanalyse des discours tlvisuels ........................... 152

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2.1 Multiplicit et srialit ............................................................................... 152 2.2 Dfinitions ................................................................................................... 1542.2.1 Types et genres de discours .......................................................................... 154 2.2.2 Contrat de communication ........................................................................... 156

2.3 Un corpus centr sur une thmatique : les reprsentations tlvisuelles du cerveau........................................................................................................... 157 2.4 Le faux problme des images numriques : contre lhypothse de la rupture pistmologique ........................................................................................ 158

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2.5 Marques et traces ........................................................................................ 158 3. Mthode mettre en uvre pour tester lhypothse de la confrontation .................................................................................................... 160 3.1 Sous hypothses opratoires ..................................................................... 161 3.2 Des lieux aux espaces de rfrence .......................................................... 164 3.3 Catgories spatiales danalyse du discours tlvisuel : les lieux et leur gestion ........................................................................................................................ 165 3.4 Les espaces de rfrence comme marques.............................................. 168 4. Mthode mettre en uvre pour tester lhypothse de la matrice culturelle............................................................................................................ 170 4.1 La recherche dhomologies structurelles................................................. 170 4.2 Sous hypothses opratoires ..................................................................... 173 4.3 Constitution dun corpus textuel pour lanalyse des reprsentations de la rationalit ...................................................................................................... 1764.3.1 Dictionnaires philosophiques....................................................................... 178

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4.3.2 Dictionnaire tymologique ........................................................................... 179 4.3.3 Encyclopdies et dictionnaires ..................................................................... 179 4.3.4 Ouvrages de philosophie, dpistmologie ou dhistoire des sciences .. 179 4.3.5 Autres ouvrages consults ............................................................................ 180

CHAPITRE IISCIENCE ET RATIONALITE 1. Premires dfinitions ................................................................................. 181

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2. lments pour une tymologie des concepts de raison et de rationalit .......................................................................................................... 189 3. lments pour une dfinition de la rationalit scientifique.................... 197 3.1 Une mthode et une logique ..................................................................... 197 3.2 La rationalit comme dialectique de la logique et de laction.............. 202 3.3 La science comme exercice public de la raison....................................... 206 4. Axiologies de la rationalit............................................................................. 209 4.1 Libre arbitre et domination : le sujet face la rationalit de la fin et des moyens ......................................................................................................................... 211 4.2 Lhomme et lanimal................................................................................... 214 4.3 Lesprit et le corps ....................................................................................... 215 4.4 La raison et lopinion.................................................................................. 218 4.5 La raison et la croyance.............................................................................. 220 4.6 Rductionnisme et holisme : la rationalit comme facteur de dsenchantement du monde ...................................................................................................... 222 9

5. Une grille de lecture du discours tlvisuel sur le cerveau...................... 225

CHAPITRE IIILA REPRESENTATION DU CERVEAU : UN PROCESSUS HISTORIQUE ET SOCIAL 1. Pourquoi avoir choisi la reprsentation du cerveau ? ............................... 229 2. Le cerveau : une illustration des enjeux du regard dans lhistoire des sciences ....................................................................................................... 231 2.1 Le rete mirabilis et lesprit vital ................................................................ 231

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2.2 Les ventricules crbraux, sige de lme : un canon de la reprsentation ........................................................................................................................ 238 3. Reprsentation du cerveau et intrts sociaux............................................ 245 4. La reprsentation du cerveau dans liconographie contemporaine........ 249 5. Les neurosciences ou lambition dune cartographie de lesprit............. 252 6. Une concurrence scientifique et industrielle internationale ................... 253 7. Forme et fonction.............................................................................................. 259

CHAPITRE IVCONSTRUCTION DU CORPUS 1. Les enjeux du recueil des donnes................................................................ 261 1.1 LInathque comme reprsentation du flux tlvisuel.......................... 261 1.2 Les limites dun systme documentaire .................................................. 266 1.3 Des freins institutionnels, mais un outil remarquable .......................... 267 2. Synchronie et diachronie ................................................................................ 270 10

3. Le contexte : vingt ans de programmation scientifique et mdicale ...... 272 3.1 Les magazines scientifiques et mdicaux................................................ 273 3.2 Les documentaires scientifiques et mdicaux ........................................ 274 3.3 Articulation entre diffusion et audience des missions scientifiques et mdicales ......................................................................................................................... 274 4. Critres de choix pour la constitution du corpus ....................................... 279 4.1 Un corpus centr sur la reprsentation du cerveau............................... 280 4.2 Rgime narratif factuel............................................................................... 282

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4.3 Critres de choix la lecture des notices documentaires de lInathque284 4.4 Critres quantitatifs de slection au sein du flux : favoriser lobservation dune paisseur smiotique ............................................................................. 287 5. Analyse quantitative du flux : les journaux tlviss abordant le thme du cerveau ......................................................................................................... 291 6. Analyse quantitative du flux : les magazines abordant le thme du cerveau ............................................................................................................... 293 7. Analyse quantitative du flux : les documentaires abordant le thme du cerveau ............................................................................................................... 296 8. Constitution du corpus.................................................................................... 300

TROISIEME PARTIEAnalyse Le discours tlvisuel propos du cerveau 11

CHAPITRE ILES TRACES DUNE CONFRONTATION 1. Pourquoi dcrire des formations discursives ?........................................... 305 2. Typologie des espaces de rfrence .............................................................. 307 3. Unit de mesure, mode de comptage et limites de lapproche quantitative ....................................................................................................... 310 4. Evolution des espaces de rfrence............................................................... 313

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5. Les formations discursives et leur rpartition dans le corpus................. 323 5.1 Le spectacle du contenu............................................................................. 3245.1.1 Gestion des lieux : des scientifiques matres de leur territoire ................ 325 5.1.2 Gestion de la parole : des mdiateurs en retrait ........................................ 330 5.1.3 Un spectateur construit en retrait ................................................................ 338 5.1.4 La science reprsente en position nettement dominante........................ 339

5.2 Une priode de ruptures............................................................................ 3415.2.1 La performance du mdiateur...................................................................... 343 5.2.1.1 Gestion des lieux : le mdiateur simpose ................................................. 345 5.2.1.2 Gestion de la parole : les journalistes, matres du micro........................... 353 5.2.1.3 Un spectateur construit en symtrie......................................................... 358 5.2.1.4 Le journaliste animateur en position dominante ...................................... 364 5.2.2 La parole profane ........................................................................................... 365 5.2.2.1 Gestion des lieux : lespace commun comme introducteur ....................... 367 5.2.2.2 Gestion de la parole : un mdiateur en retrait, mais cultiv ..................... 368 5.2.2.3 Gestion de la parole : le profane comme sujet exprimental...................... 370

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5.2.2.4 La tlvision lgitime par la parole profane ............................................. 373

5.3 Le discours de lhonnte homme.............................................................. 3745.3.1 Lieux et actants : un litisme profane.......................................................... 376 5.3.2 Le renchantement du quotidien comme stratgie de communication de la connaissance .................................................................................................. 378 5.3.3 Lutilisation de rfrences culturelles.......................................................... 383 5.3.4 Le savoir de lhonnte homme : un discours de lvidence ..................... 384 5.3.5 Une logique de distanciation de la tlvision par rapport la science ...................................................................................................... 389

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5.4 Le discours critique .................................................................................... 3915.4.1 Gestion des lieux : le plateau simpose ....................................................... 394 5.4.2 Gestion de la parole : une dimension critique ........................................... 398 5.4.3 Une dnonciation des risques de la science ............................................... 407

5.5 Le discours dautorfrence mdiatique ................................................. 4105.5.1 Gestion des lieux ............................................................................................ 413 5.5.1.1 Les scientifiques dplacs par la tlvision................................................ 413 5.5.1.2 La camra dans les laboratoires : transparence et absence dintroducteurs ........................................................................................ 419 5.5.2 Gestion de la parole ....................................................................................... 422 5.5.2.1 Les mdiateurs dans le discours : favoriser la parole profane ................... 422 5.5.2.2 Le contexte socio-conomique de la parole profane ................................... 428 5.5.2.3 Les scientifiques dans le discours.............................................................. 430 5.5.3 Les marques de lautorfrence.................................................................... 434 5.5.3.1 Marques ditoriales................................................................................... 435

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5.5.3.2 Marques techniques .................................................................................. 438 5.5.4 Un retour une position dquilibre entre science et tlvision ............. 441

6. Reprsentation graphique des formations discursives et des relations de lgitimation....................................................................................................... 443 7. Donnes conomiques permettant de consolider lhypothse de la confrontation .................................................................................................... 444 8. Faire voluer le modle danalyse................................................................. 448

CHAPITRE IItel-00007469, version 1 - 21 Nov 2004LES TRACES DUNE MATRICE CULTURELLE 1. Homologies structurelles entre conceptions de la rationalit et discours tlvisuel sur le cerveau ................................................................................. 452 2. Reprsentations explicites de la rationalit ................................................ 456 3. Traces du noyau conceptuel de la rationalit.............................................. 464 3.1 Reprsentations de la mthode................................................................. 4643.1.1 Les marques dune reprsentation de la mthode dans les magazines et documentaires sur le cerveau...................................................................... 467 3.1.2 Les marques dune reprsentation de la mthode dans les reportages du JT sur le cerveau ........................................................................................................... 476

3.2 Reprsentations de la logique ................................................................... 4783.2.1 Logique et construction des faits ................................................................. 480 3.2.2 Logique et fonctionnement crbral ............................................................ 483

3.3 Reprsentations du principe dune dialectique entre thorie et 14

empirisme...................................................................................................... 488 3.4 Reprsentations de la dimension collective et publique de la science ............................................................................................................ 4913.4.1 Reprsentation des dispositifs collectifs internes la science ................. 492 3.4.2 Reprsentation des dispositifs de discussion organiss par la tlvision ........................................................................................................ 493 3.4.3 Une absence de reprsentation des controverses ...................................... 495

3.5 Un processus de slection dans un contexte culturel ............................ 496

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4. Traces des axiologies de la rationalit .......................................................... 498 4.1 Libre arbitre et domination ....................................................................... 498 4.2 Lhomme et lanimal................................................................................... 5094.2.1 Le cerveau comme organe distinctif de lespce humaine....................... 510 4.2.2 Le cerveau comme garant dune libert individuelle oppose au dterminisme biologique ...................................................................................................... 515

4.3 Lesprit et le corps ....................................................................................... 5194.3.1 La mtaphore communicationnelle ............................................................. 522 4.3.2 La mtaphore mcaniste ............................................................................... 524 4.3.3 La dimension pistmologique .................................................................... 527

4.4 La raison et lopinion.................................................................................. 528 4.5 La raison et la croyance.............................................................................. 530 4.6 Rductionnisme et holisme ....................................................................... 531 5. Traces ou reflet ? ............................................................................................... 534

CONCLUSION GENERALE15

1. Linterrogation de dpart ................................................................................ 538 2. Des hypothses aux rsultats de la recherche............................................. 541 3. Smiotique et communication ....................................................................... 546 4. Les catgories phanroscopiques comme modle des relations entre langage et socit ............................................................................................. 547 5. Science, mdias et socit ............................................................................... 551 BIBLIOGRAPHIE................................................................................................. 553

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INDEX DES NOMS ............................................................................................. 576 TABLE DES ILLUSTRATIONS ......................................................................... 591 ANNEXE A : GRAPHIQUES ET TABLEAUX 1. Reprsentation du flux tlvisuel en fonction des genres ....................... 593 1.1 Journaux tlviss....................................................................................... 593 1.2 Magazines .................................................................................................... 594 1.3 Documentaires ............................................................................................ 594 2. Chiffres bruts de la diffusion dmissions scientifiques et mdicales.. 595 2.1 Magazines .................................................................................................... 595 2.2 Documentaires ............................................................................................ 596 3. tapes de la recherche documentaire lInathque .................................. 597 3.1 Requtes documentaires (rsultats bruts du 24.10.97) .......................... 597 3.2 Requtes documentaires (rsultats remis en ordre le 15.07.1999) ....... 599 3.3 Thesaurus..................................................................................................... 600 16

3.4 Index ............................................................................................................. 601 4. Analyse du corpus en espaces de rfrence ................................................ 602 5. Productions et co-productions tlvisuelle du CNRS, du CEA et de lINSERM .......................................................................................................... 603 6. Chiffres bruts du calcul des marques de la mthode ................................ 604 6.1 Marques de la mthode dans les documentaires et les magazines sur le cerveau ......................................................................................................................... 604 6.2 Marques de la mthode dans les reportages de JT sur le cerveau....... 604

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ANNEXE B : CONSTITUTION DU CORPUS 1. Journaux tlviss............................................................................................. 606 1.1 Journaux tlviss de lanne 1982........................................................... 606 1.2 Journaux tlviss de lanne 1986........................................................... 606 1.3 Journaux tlviss de lanne 1992........................................................... 607 2. Magazines .......................................................................................................... 609 2.1 Magazines de 1976 1979.......................................................................... 609 2.2 Magazines de lanne 1987 ........................................................................ 609 2.3 Magazines de lanne 1994 ........................................................................ 609 3. Documentaires .................................................................................................. 611 3.1 Documentaires de 1975 1982 .................................................................. 611 3.2 Documentaires de lanne 1987 ................................................................ 612 3.3 Documentaires de lanne 1994 ................................................................ 613

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SIGLES ET ABREVIATIONS ............................................................................ 614

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INTRODUCTION1. Prsentation gnrale de la problmatiqueScience, tlvision et rationalit : ce titre pourrait tre lu soit comme une redondance (science et rationalit), soit comme la ractualisation du vieux problme de la transmission des savoirs par la vulgarisation (science et tlvision). Pourtant, cest un regard bien diffrent sur ces questions que lon voudrait aboutir. Le discours tlvisuel propos de science constitue une production

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culturelle que lon a lhabitude dinterroger spontanment en termes de rapport au savoir. Laissons de ct les problmatiques de lappropriation de ce discours par le public, problmatiques qui sont lgitimes mais qui ne correspondent pas au projet de cette thse. On se concentrera alors sur lautre versant du phnomne, cest--dire sur la production des discours. Lvidence qui semble simposer naturellement consisterait examiner comment les savoirs sont prsents par la tlvision, comment ils sont mis en image. On effectuerait ainsi une analyse des modalits de la reformulation tlvisuelle de ces savoirs partir de lide implicite que les questions qui se posent concernent en priorit les russites, les checs, ou les fonctions de cette opration, voire ses enjeux socio-politiques. Contre cette vidence, lhypothse principale de cette recherche consiste dire que le discours tlvisuel propos de science garde la trace de bien autre chose que de la seule proccupation dune transmission des connaissances. Autrement dit, on va chercher dautres moyens pour expliquer les formes et les volutions de ce discours. Prcisons tout dabord quil ne sagit pas de rcuser la ralit dune proccupation didactique pour les acteurs concerns, quils soient journalistes scientifiques, journalistes dinformation ou ralisateurs. On voudrait cependant montrer que cette proccupation nest pas le seul phnomne marquer le discours, lui donner ses formes, en assurer la dynamique ou la stabilit. Soulignons ensuite quil ne sagit pas non plus dimaginer une quelconque conspiration mdiatique contre le savoir. Il nest pas question, 19

enfin, de revenir des hypothses qui feraient une part trop belle limposition de cadres structurels (conomiques ou idologiques) dpassant dfinitivement les acteurs par leur transcendance. Au-del de la question toujours ambigu du rapport entre les intentions des acteurs et les discours sociaux quils mettent en circulation, cest une logique de recherche plus largement ouverte aux dimensions historiques, sociales et culturelles que cette thse va chercher mettre en place. La question de la mdiation des savoirs par la tlvision sera donc considre comme une question incomplte, en tout cas repenser la lumire de nouvelles hypothses que lon va maintenant prsenter1. Lambition de cette recherche est de montrer que le discours tlvisuel propos de science

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sinscrit et volue dans des logiques sociales et discursives. On proposera tout dabord lhypothse de recherche selon laquelle la comprhension et la description dun tel discours ncessitent la prise en compte de logiques sociales de lgitimation entre les institutions scientifiques et tlvisuelles. Les traces laisses dans le discours par ces logiques sociales seront considres diachroniquement : cest par lanalyse dun corpus illustrant prs de vingt annes de discours tlvisuel que lon se rapprochera de la dimension historique voque plus haut. On essayera ensuite, deuxime hypothse de recherche, de mettre en vidence les liens entre ce discours tlvisuel et certains discours qui, de la philosophie de la connaissance lpistmologie, commentent, lgitiment ou tentent de rguler les pratiques scientifiques : cest lide de rationalit qui sera interroge, analyse et dcrite, non pas comme un en soi ou une vidence redondante la science, mais comme champ conceptuel souvent problmatique et contradictoire, et dterminant des reprsentations sociales. Ces reprsentations de la rationalit dont on dcrira la structure en analysant une srie de discours sur la connaissance, seront considres comme une matrice sociale

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La problmatique de la mdiation des savoir, intgre une rflexion sur la mdiation culturelle, trouve son origine et sa premire formulation explicite en termes de rapports entre science, mdias, culture et socit dans un article crit par Abraham Moles et Jean M. Oulif (MOLES et OULIF.- Le troisime homme, vulgarisation scientifique et radio.- In : Diogne n 58, 1967, p. 29 40). On reviendra en dtail sur cette conception dans le chapitre consacr la vulgarisation.

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suffisamment puissante dans notre culture pour participer lorganisation du discours tlvisuel propos de science, ses diverses formes. Par matrice sociale on entend ici, et avant plus ample examen, un ensemble de reprsentations systmatiquement articules entre elles. La premire hypothse, celle dune confrontation institutionnelle, relve de facteurs socio-politiques contemporains : elle aura la charge dexpliquer les dynamiques qui structurent le discours tlvisuel propos de science et qui imposeront par consquent de le dcrire en termes dvolutions. La deuxime hypothse, celle des reprsentations de la rationalit comme matrice sociale, relve au contraire de la constitution historique dun ensemble de rgles ou de normes culturelles dinterprtation des faits, du monde, bref de ce rel que lon est toujours bien en

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peine de dfinir : elle permettra dexpliquer la permanence dans le discours tlvisuel propos de science dune srie de thmatiques dont les ventuelles volutions nobiront pas forcment la mme chronologie que celles lies la premire hypothse. Les deux mcanismes sociodiscursifs dcrits par ces hypothses constitueront le modle danalyse, modle que lon considrera comme systmique. Si lon se rfre ici la notion de systme, cest dans le sens o ce modle articule le discours aux logiques sociales qui le sous-tendent, et une matrice culturelle qui lenchsse. Cest une conception systmique bien antrieure celle souvent tire des travaux dEdgar Morin (1994) ou de Jean-Louis Le Moigne (1990) que lon fera appel. Il sagira de celle propose par Charles S. Peirce (1978) qui, ds le XIXe sicle, pensait dj la communication en termes de processus, dinteractions, de contexte et de culture. Le cadre gnral de la pense peircienne sera, bien entendu, expos et comment plus loin. Avant de prsenter plus prcisment les questions auxquelles ce travail va tenter de rpondre, il importe de situer clairement ses enjeux et son rapport avec une rflexion plus gnrale sur la connaissance scientifique. On voudrait en effet montrer quon ne peut plus penser aujourdhui une thorie de la connaissance sans larticuler aux modalits de circulation de cette connaissance dans un espace social mdiatis qui ne concerne pas seulement le contexte professionnel des 21

scientifiques. Autrement dit, on va justifier lide selon laquelle les processus de communication, et en particulier ceux qui mettent en jeu les mdias, nont pas tre considrs seulement comme des vhicules permettant de diffuser la connaissance scientifique vers le public : cette conception unidirectionnelle, on substituera un modle selon lequel la communication, par les importants phnomnes de rtroaction, de rgulation ou de lgitimation quelle suscite entre les institutions scientifiques et le public, participe sa manire aux modalits de constitution de la connaissance. Lorsque ce lien entre connaissance et communication aura t rappel, on prsentera plus prcisment les questions et les hypothses de cette recherche qui sinscrivent dans le cadre dune rflexion sur les rapports entre science, tlvision et socit.

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2. Connaissance et communicationLa connaissance scientifique a longtemps t considre par la tradition philosophique comme le rsultat dun processus individuel dont lintgrit ncessitait la plus ferme indpendance vis--vis de lopinion et de lidologie : une sorte de territoire protg de toute incursion du social. Lhistoire des ides apparaissait alors depuis ce point de vue comme une succession de biographies, relies entre elles par des rapports dantcdence, dinspiration ou dignorance rciproques (Vron, 1987, p. 11). Le mouvement des ides pouvait y tre prsent comme une continuit historique, une progression constante et positive au sein dun espace de rationalit. Il nest donc pas tonnant que depuis ce type de point de vue, des productions culturelles comme la vulgarisation ou la mdiatisation des sciences naient pas t constitues en objets dignes dinvestigation. Il faut cependant reconnatre que les approches biographiques ne reprsentent lhistoire des sciences que dans sa dimension acadmique, elle-mme dnonce par lun des plus illustres reprsentants de lhistoire et de la philosophie des sciences, Georges Canguilhem. Celui-ci crivait ainsi (Canguilhem, 1970, p. 17 18) : 22

Lhistoire des sciences cest la prise de conscience explicite, expose comme thorie, du fait que les sciences sont des discours critiques et progressifs pour la dtermination de ce qui, dans lexprience, doit tre tenu pour rel. [] En aucune faon lhistoire des sciences ne peut tre histoire naturelle dun objet culturel. Trop souvent elle est faite comme une histoire naturelle, parce quelle identifie la science avec les savants, et les savants avec leur biographie civile et acadmique, ou bien parce quelle identifie la science avec ses rsultats et les rsultats avec leur nonc pdagogique actuel.

Il nen reste pas moins vrai que Canguilhem (1970, p. 15) rejette les positions externalistes qui cherchent dcrire le mouvement des ides en fonction dvnements extrieurs au procs cognitif, en particulier les intrts conomiques et sociaux, les pratiques techniques ou les idologies politiques et religieuses. Selon lui, on ne peut expliquer les sciences partir dune position quil qualifie de sociologie naturaliste dinstitutions (Canguilhem, 1970, p. 15), voire

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mme de marxisme affaibli ou plutt appauvri ayant cours dans les socits riches , position qui conduit ngliger entirement linterprtation dun discours prtention de vrit . Lhistoire et la philosophie des sciences seraient alors les seules disposer de thories, lobservation sociologique tant relgue une sorte didologie empirique. Selon les approches internalistes, il convient en fait de partir du cognitif pour expliquer la science. Un des arguments de Canguilhem (1970, p. 19) est explicite :Ironiser sur limportance accorde aux concepts est plus ais que de comprendre pourquoi sans eux il nest pas de science. Lhistoire des instruments ou des acadmies nest de lhistoire des sciences que si on les met en rapport dans leurs usages et leurs destinations avec des thories. Descartes a besoin de Ferrier pour tailler des verres doptique, mais cest lui qui fait la thorie des courbures obtenir par la taille.

On conoit aisment que pour ce courant de pense, la vulgarisation, les processus de mise en circulation des savoirs, ou les formes de leur socialisation ne reprsentent quun phnomne mineur sans consquence sur la construction des connaissances et sur ltablissement des faits scientifiques. La sociologie des sciences a contribu repenser ce modle en montrant par des mthodes inspires de lanthropologie que les faits sont construits collectivement2. Comme lcrit Bruno Latour (1989, p. 62),

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Pour un large historique de la sociologie des sciences, voir Dubois (1999).

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Quel que soit le traitement que tel article a fait subir la littrature qui la prcd, si personne ne fait rien de lui, cest comme sil navait jamais exist. Vous pouvez avoir crit un article qui met le point final une rude controverse, si les lecteurs lignorent, il ne deviendra pas un fait ; il ne pourra pas le devenir.

Construits par leur socialisation, les faits doivent aussi leur existence des stratgies dacteurs (la recherche dallis lors des controverses, par exemple) et la disponibilit de technologies et dappareillages susceptibles de les mettre en vidence (Latour, 1989). Avec la sociologie des sciences, on est donc pass de lespace thr des ides pures des zones plus troubles o luttes dinfluences et rseaux, stratgies et techniques, constituent les conditions dmergence de la connaissance. Dans cette sorte de dialogue de sourds qui oppose depuis bien longtemps les externalistes (sociologues des sciences) aux internalistes (philosophes et historiens des sciences),

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certains arguments sont alors tout simplement inverss. Rcapitulant les rgles de mthode de la sociologie des sciences, Latour (1989, p. 426) crit propos des traces crites et autres relevs de donnes qui prsident lactivit scientifique et qui ncessitent la mise en place de rseaux longs, institutionnels ou techniques :Avant dattribuer une qualit particulire lesprit ou la mthode scientifique, nous examinerons dabord les nombreuses faons dont les inscriptions sont regroupes, combines, lies entre elles et renvoyes. Cest seulement si quelque chose reste inexpliqu une fois que nous auront tudi les rseaux longs que nous pourrons commencer parler de facteurs cognitifs.

Autrement dit, le cognitif est mobilis par la sociologie des sciences quand elle a dj tout compris de lactivit quelle analyse, et seulement pour lever les dernires ambiguts. La position est peuttre un peu extrmiste, et si elle a sans doute sa lgitimit en termes de mthode, ce basculement du cognitif la fin de ltude du fonctionnement scientifique nest pas forcment considrer comme un modle de ce fonctionnement. Si la sociologie des sciences montre clairement linscription du cognitif dans le social, elle nen a pas pour autant prouv que celui-ci tait ngligeable. Accepter les propositions de ce courant de pense nimpose donc pas dy adhrer sans recul. En effet, il sagit de perspectives qui, pousses lextrme, peuvent aboutir des points de vue relativistes souvent tout aussi partiaux que la tradition de lanalyse historique des sciences quelles prtendent remettre en cause. 24

Les clairages respectifs de lhistoire et de la sociologie des sciences sont-ils cependant si incompatibles ? Leurs objets sont tout simplement distincts : volution des ides et des thories du ct des internalistes, organisation et enjeux sociaux du ct des externalistes. Les mthodes qui en dcoulent sont donc invitablement en dcalage. On retiendra de la frquentation de ces disciplines que les questions de communication lies la science ont du mal trouver leur place. Pourtant la vulgarisation des sciences, pratique sociale inscrite dans une histoire des ides, constitue un vaste processus de mise en circulation des connaissances scientifiques. Chercher comprendre certains aspects de ce processus demandera alors, mme dans le cas dune recherche en communication, de se situer la lisire des deux champs disciplinaires rencontrs

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prcdemment. Daprs Steven Shapin (1991, p. 37 86), cest dans la seconde moiti du XVIIe sicle que la ncessit dune socialisation des connaissances conduisit la constitution dun public pour la science. Cet auteur explique que les expriences de pneumatique ralises par Robert Boyle ds 1650 furent une tape rvolutionnaire dans lhistoire des sciences. Boyle cherchait en effet un consensus universel tir des faits exprimentaux, mais il fallait pour cela que les faits empiriques soient attests par des tmoins oculaires. Boyle dclara que le tmoignage tait une entreprise collective. Dans la philosophie naturelle comme en droit pnal, la fiabilit dun tmoignage dpendait avant tout de sa multiplicit (Shapin, 1991, p. 47). Pour multiplier les tmoignages, une des mthodes retenues fut alors ce que Shapin appelle le tmoignage virtuel qui faisait appel la publication. Il explique (Shapin, 1991, p. 53) que cecirevenait produire dans lesprit du lecteur une image de la scne exprimentale qui supprime la ncessit du tmoignage direct ou de la reproduction. Grce au tmoignage virtuel, la multiplication des tmoignages tait en principe illimite. Ctait donc la technologie la plus puissante pour constituer des faits.

Ce caractre public et collectif du fonctionnement des premires formes dintitutions scientifiques, avait t explicitement thoris quelques annes auparavant, en 1627, par Francis Bacon dans sa clbre fable La Nouvelle Atlantide . Voici comment Bacon (1983, p. 82 85) dcrivait alors la 25

Maison de Salomon , linstitution scientifique dune contre inconnue dcouverte par hasard par un groupe de voyageurs (cest lun des Pres de la Maison de Salomon qui en explique le fonctionnement) :Nous avons douze collgues qui voyagent ltranger et qui nous rapportent des livres, des chantillons et des exemples dexpriences de toutes les rgions du monde []. Nous en avons trois qui rassemblent les expriences quon peut trouver dans tous les livres []. Nous en avons trois qui rassemblent toutes les expriences touchant aux arts mcaniques, aux sciences librales et aux procds qui ne sont pas constitus en arts. [] Nous en avons trois qui essaient de nouvelles expriences selon ce quils jugent bon deux-mmes []. Nous en avons trois qui arrangent dans des rubriques et des tables les expriences des quatre premiers groupes, afin de mieux clairer sur la faon de tirer de tout cela des commentaires et des axiomes. [] Puis, aprs que notre Socit en son entier sest consulte dans diverses runions consacres lexamen des travaux prcdents et des collections dexpriences quils ont permis de rassembler, trois membres de cette Socit sont chargs de proposer de nouvelles expriences, qui, tant clairantes un niveau plus lev, permettent dentrer plus avant dans les secrets de la nature. [] Enfin, nous faisons des tournes dans les principales villes du royaume. Au cours de ces visites, quand loccasion sen prsente, et quand nous le jugeons bon, nous rendons publique telle ou telle invention utile.

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Depuis lors, le processus de circulation interne des connaissances mais aussi celui de la discussion critique na cess de crotre. En parallle cette communication interne, les institutions scientifiques ont dvelopp des modalits de communication externe. Aujourdhui, lactivit scientifique sinsre dans des logiques industrielles de communication (Fayard, 1988). Celles-ci ont pour consquence de dmultiplier les tmoignages virtuels , diffusant ainsi les faits en dehors de la communaut scientifique, souvent loin de leurs aires gographiques et sociologiques de dpart. Il reste important, bien sr, de distinguer les discours produits au sein des communauts scientifiques de la diffusion de discours propos de la science, ce que lon peut dsigner par commodit et avant plus ample examen par le terme de vulgarisation. Ces deux champs discursifs nont bien sr ni les mmes fonctions, ni les mmes caractristiques, ni le mme mode de production. Il semble cependant vident quils participent chacun leur manire la construction des faits scientifiques. Comme lexplique Yves Jeanneret (1994, p. 205) :

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La vulgarisation joue un rle important dans la dynamique de la recherche scientifique et dans la validation des rsultats de la science. La vulgarisation pse dans les affrontements qui se droulent au sein de la communaut scientifique et joue un rle dans la promotion des entreprises scientifiques. Les occasions dans lesquelles la presse de vulgarisation a t conduite intervenir dans des controverses scientifiques sont innombrables. Les vulgarisateurs franais prennent trs majoritairement le parti de Pouchet contre Pasteur au sein de la controverse sur la gnration spontane ; dailleurs, choisissant de faire une grande confrence publique en 1864, Pasteur montre la conscience quil a du rle que la vulgarisation joue dans le dbat.

Si de telles interactions entre la communication et le fonctionnement de la science nexistaient pas, comment expliquer aujourdhui, par exemple, les investissements importants dinstitutions scientifiques comme lINSERM (Fayard, 1988) dans le secteur de la communication grand public ? Comment expliquer la mobilisation exceptionnelle de lensemble des acteurs de la recherche et des dcideurs politiques autour des enjeux de la communication lors du colloque

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national Recherche et technologie de 1982 ? Daniel Boy (1999, p. 134 137) signale limportance de ce colloque pour une rflexion sur les rapports entre science et communication en rappelant que cest cette occasion que sera dveloppe une politique ambitieuse de promotion de la science, en particulier la cration des centres de culture scientifique et technique, le projet de la Cit des sciences de La Villette, ou encore lutilisation des grands mdias dinformation. Si la communication publique des rsultats de la recherche navait aucun effet en retour sur le fonctionnement de linstitution scientifique, pourquoi les autorits de tutelle continueraient-elles chercher convaincre lopinion du bien fond de ses investissements et de ses choix en matire de technologie ou de science ? Pourquoi, de plus, sinquiteraient-elles autant de lmergence de mouvements anti-science (Ministre de la Recherche et de la Technologie, 1982) ? Les faits scientifiques sont construits et lgitims par des individus qui dpendent du fonctionnement des institutions qui les accueillent et les financent. En plus des modalits de lgitimation des faits internes aux institutions scientifiques, il reste important dexaminer la manire dont ces institutions sont lgitimes socialement. Comme cette lgitimit dpend en partie dinvestissements dans la communication et dune prsence dans lespace public, on ne saurait isoler aujourdhui artificiellement la production intellectuelle dun fait de la circulation sociale des discours qui 27

laccompagne. Autrement dit, apprhender la science en termes de communication externe linstitution, quil sagisse de la communication scientifique publique ou des productions mdiatiques, cest dj analyser des processus de circulation et de lgitimation des connaissances. Dans le contexte que lon vient de poser, la recherche en communication nest donc pas une sorte de parent pauvre de lpistmologie, et, sauf entriner le prjug quune culture d lite exercerait en dfaveur de la culture de masse , les discours mdiatiques propos de sciences constituent un objet dtude absolument indispensable pour qui cherche comprendre les processus de constitution des savoirs.

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3. Sciences et mdiasLe XXe sicle a conduit la diversification des dispositifs de production culturelle qui prennent la science pour objet. Chacun dentre eux, du muse la presse crite de vulgarisation en passant par la tlvision, est susceptible dintervenir son niveau au sein dun vaste processus de formulation, dappropriation et de lgitimation des savoirs par les individus et les socits. Ces acteurs fonctionnent au sein despaces publics entendus comme des structures symboliques qui organisent le partage social de valeurs, denjeux et de reprsentations autour de dispositifs techniques de mdiation (Habermas, 1996 a). Parmi ces dispositifs mdiatiques, la tlvision occupe une place particulire. Cest tout dabord lun de ceux qui visent la plus forte audience (indpendamment de la place faite la science dans la programmation telle ou telle poque. On raisonne ici en termes de potentialits) ; elle est donc susceptible de participer de manire importante cette circulation sociale des faits scientifiques que permet lespace public par la dmultiplication de tmoignages virtuels . Mme lorsquil ne sagit que de tmoignages de seconde main rapports par des journalistes, mme si les expriences des scientifiques ne sont pas forcment montres, la tlvision permet dlargir laire de diffusion des faits ainsi que le nombre des tmoins concerns. Ensuite, le dispositif tlvisuel autorise et fait exister un mode bien particulier de reprsentation du 28

rel : cest peut-tre la dimension indicielle de ce dispositif qui est lorigine du partage de croyance qui runit dimmenses publics autour de lide que limage de tlvision reproduit le rel. Lindice tant pris au sens dfini par Peirce (1978) de signe en rapport de causalit physique directe avec son objet, la camra permet un mode de reproduction du rel cens ntre que mcanique. Elle autorise aussi, au mme titre que la photographie, la coprsence du regard de lobservateur et de lobjet au moment de la prise de vue. Cette indicialit du processus de production des images culmine lors des directs et peut lgitimer, aussi bien en production quen rception, une reprsentation du mdia comme technique objective denregistrement des vnements du monde. Bien quil soit prudent dviter toute infrence propos des effets dun

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mdia avant de les avoir empiriquement vrifis, le concept littraire d illusion rfrentielle permet de rendre compte du registre indiciel de la tlvision en le mettant en perspective avec la culture dans laquelle il sinscrit. Avec Algirdas Julien Greimas (1993, p. 78) on dfinira lillusion rfrentielle commele rsultat dun ensemble de procdures mises en place pour produire leffet de sens ralit, apparaissant comme doublement conditionne par la conception culturellement variable de la ralit et par lidologie raliste assume par les producteurs et les usagers de telle ou telle smiotique.

Au plan de lnonciation et des contrats de lecture qui en dcoulent, les mdiateurs assurent eux aussi une forme de contact entre le monde rfrentiel et les spectateurs par le jeu des regards (Vron, 1983). Les modes dexposition de linformation, avec les dplacements de camras sur le terrain lors des reportages, les interviews sur le vif , lhabitude de signer avec sa gueule 3 , mettent ainsi le journaliste en position de narrateur extrayant le spectateur de la digse et visent authentifier la prsence du mdia sur le terrain de la ralit et du monde. Enfin, comme lcrit Vron (1981, p. 8), les mdias sen tiennent lidologie de la reprsentation dont laxe fondamental reste la sacro-sainte objectivit . La tlvision propose donc une reprsentation de3

Expression journalistique qui signifie terminer un reportage par un commentaire film d' journaliste sur le terrain, un ce dernier servant d' arrire-plan. Techniquement, la position souvent centrale du journaliste et du prsentateur du journal tlvis permet d' oprer un fondu enchan entre leurs deux images lors du retour sur le plateau en fin de reportage.

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son propre fonctionnement smiotique comme directement ancr dans le rel . Cest un peu comme si chacun de ses messages, mme ceux qui mettent en scne un mdiateur, tait lobjet dune mta-communication lgitimant ce rapport privilgi au rel, cette utopie dune prsentation objective du monde qui ferait lconomie dune reprsentation travers une construction et un langage. Cependant, la suite de Christian Metz (1964) et dUmberto Eco (1972), la smiotique a pu aborder les mdias audiovisuels en considrant leurs images comme autant de productions culturelles qui organisent la circulation sociale de langages spcifiques. Carmen Compte (1998 a, p. 241 242) voque ainsi lexistence de rgles dcriture tlvisuelle :

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La volont de linstance de ralisation peut sexprimer grce une combinatoire doutils et de codes appartenant diffrents mdias mais dont lorganisation en fait un systme symbolique spcifique la tlvision. [] la narration emprunte lcriture dramatique de lart thtral, le soin du casting est plus proche de celui du cinma mais le jeu des acteurs est entirement conditionn par la dynamique des angles de prise de vue et un art du montage, cette fois spcifiquement tlvisuels. Les rgles de composition du message sont particulirement apparentes dans des documents courts, souvent monts dans lurgence comme les reportages du journal tlvis. Outre une utilisation prcise de lchelle des plans dans la narration, le ralisateur construit une sorte de dialogisme feint en tayant ses propos par des inserts de plans dinterviews de passants anonymes ou de tmoins. Cest la fois une technique discursive de dmonstration et une faon de seffacer, pour en acqurir davantage de poids, devant lopinion publique dont le ralisateur nest que le mdiateur

En dpit de son indicialit affiche, et quels que soient les usages et les pratiques dont elle est lobjet, la tlvision ne peut donc tre considre comme un dispositif transparent ou mcanique de diffusion du rel. Comme lindique Vron (1981, p. 7),les vnements sociaux ne sont pas des objets qui se trouveraient tout faits quelque part dans la ralit et dont les mdias nous feraient connatre les proprits et les avatars aprs coup avec plus ou moins de fidlit. Ils nexistent que dans la mesure o ces mdias les faonnent. [] Les mdias informatifs sont le lieu o les socits industrielles produisent notre rel.

La smiotique des discours sociaux telle que la dveloppe Vron (1987) partir dune interprtation de la pense peircienne, complte en les dpassant certaines approches trop souvent centres sur le message seul, lexclusion de lanalyse de ses conditions de production ou de reconnaissance. Cest ce cadre thorique dont on exposera plus loin les principes quil sera fait

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appel au cours de cette recherche : on dveloppera en effet lide selon laquelle le discours tlvisuel propos de science garde la trace de certaines conditions socioculturelles de production. Dans le domaine des sciences, la tlvision (avec la presse et les expositions) constitue souvent, en dehors des parcours de formation, le seul lieu de rencontre entre des savoirs et un public de non spcialistes. Diverses enqute, sondages ou Eurobaromtres confirment en effet que les mdias (et particulirement la tlvision) constituent des vecteurs importants diffusion de la culture scientifique et technique du public (Valenduc et Vendramin, 1996, p. 15 19). Plus largement, la vulgarisation scientifique produit des discours et des images qui interviennent dans les interactions sociales des spectateurs et peuvent avoir des consquences sur leurs opinions et leurs actes

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(Moscovici, 1976). Pour autant, peut-on envisager darticuler directement lanalyse des discours tlvisuels propos de science aux enjeux sociaux de lappropriation des savoirs diffuss par la tlvision ? Si une telle articulation entre des discours et leur rception semble importante, on ne devrait cependant pas la poser comme un a priori de lanalyse, et surtout sans engager une tude empirique auprs des spectateurs (ce qui ne sera pas le propos de cette thse) : les approches contemporaines des effets de la tlvision dans le domaine de la science et de ses enjeux permettent de nuancer les points de vue volontiers critiques (voire dterministes) qui avaient longtemps prvalu, en prenant en compte les caractristiques de la rception4 des messages tlvisuels. Comme le montrent toutes les tudes (Boss et Kapferer, 1978 ; Fouquier et Vron, 1985 ; Cheveign, 1997), cest une co-construction du sens que se livrent les spectateurs. Une grande partie des recherches et rflexions concernant la rception des mdias par leurs publics vont dailleurs dans ce sens (Herms 11-12, 1993). Les mcanismes de reconnaissance et de formation de lopinion sont donc loin dtre sous la tutelle dun dterminisme mdiatique.

4

Le terme de rception , bien que consacr par de nombreux crits sur les mdias, renvoie un paradigme de la communication aujourdhui largement dsuet : cest le modle mcaniste issu de la formule de Shannon (Escarpit, 1976). Le terme de reconnaissance utilis par liseo Vron (1985 ; 1987) renvoie aujourdhui une conception smiotique de la rception qui met laccent sur la crativit du destinataire dans linterprtation du message. Malheureusement, ce terme na pas t adopt de faon gnrale.

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Si lon peut aujourdhui saccorder sur lide que la reconnaissance nobit pas un dterminisme aveugle, comment penser le rapport des messages leurs conditions de production ? quelles logiques la production de discours tlvisuels propos de science obit-elle ? En rponse ce type de question, les mdias (indpendamment des thmatiques quils abordent) ont parfois pu tre envisags comme une sorte dmanation sociale spontane, reformulant ainsi les problmatiques de la culture populaire en celles de la culture de masse. Dans le contexte dune critique des industries culturelles, Adorno (cit par Beaud, 1997, p. 32) sopposait alors sur ce point des interprtations faisant lconomie dune rflexion sur les mdias comme acteurs sociaux. Peut-on aujourdhui se contenter dune reprsentation mtaphorique des mdias comme de simples

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reflets de la socit ? Les institutions mdiatiques pouvant tre considres comme des acteurs sociaux, on doit tenter de comprendre de manire dtaille comment et dans quelle mesure leurs systmes de valeurs et leurs identits sinscrivent dans les discours quelles mettent en circulation dans lespace public. Dans le mme temps, accepter de traiter les mdias (et ici la tlvision) comme autant dacteurs sociaux disposant didentits institutionnelles, ninterdit pas de sinterroger sur les normes, rgles ou valeurs sociales qui se manifestent dans leurs discours. Si la tlvision sinsre dans un fonctionnement social ou culturel qui encadre ou structure ses discours, alors lanalyse doit en faire tat.

4. Problmatique, hypothses et questionsLes discours scientifiques sont gnralement considrs comme des discours en rupture avec les reprsentations communes. De plus, les sciences se sont

institutionnalises et leurs acteurs peuvent apparatre comme retranchs dans des lieux inaccessibles au public : nvoque-t-on pas dun ct les experts et leur discours sotrique , et de lautre les profanes et leur sens commun ? Mais dans le mme temps, les sciences, les techniques et leurs applications font partie de notre 32

environnement quotidien. Cest pour cette raison quil est socialement important de comprendre comment fonctionnent les dispositifs qui prtendent remdier la coupure entre experts et profanes . Comprendre ce qui les dtermine, les logiques internes ou externes qui sont luvre, cest nous aider mieux comprendre la fois la science, les mdias, et notre propre rapport ces deux composants de lunivers culturel.

4.1 La

question

initiale :

les

logiques

sociales

et

discursives

dengendrement du discours tlvisuel propos de scienceOn en arrive ici au questionnement central qui motive cette recherche : comment le discours

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tlvisuel propos de science se construit-il ? Quels sont les facteurs structurants de ce type de discours ? volue-t-il, et si oui, comment et pourquoi ? Comme on le voit, ces questions qui ne concernent que le champ de la production des discours tlvisuels appellent des rponses centres sur leurs rgles ou conditions dengendrement. Il sagit de comprendre si ces discours sont seulement le produit dun fonctionnement mdiatique clos sur lui-mme, ou sils sinscrivent dans des logiques sociales et discursives plus larges. Dans le premier cas, on pourrait dcrire le discours tlvisuel propos de science comme obissant uniquement la logique discursive du quatrime pouvoir comme ont pu le proposer Fouquier et Vron (1985). Dans le dernier cas, phnomne culturel plus large et resituer dans une histoire de la vulgarisation, ce discours serait soumis une pluralit de dterminations extrieures. On arriverait l une conception proche de celle propose par Jeanneret (1994,p. 237) propos de la production des textes littraires de vulgarisation :[] lide dune dtermination unique ft-ce en dernire instance me parat difficilement dfendable. La vulgarisation obit toutes les logiques ici voques : pouvoir politique, pouvoir conomique, institution scientifique, entreprises de presses. Cest la raison pour laquelle elle joue, comme on la vu, des rles multiples et quelle se prsente volontiers comme une situation dsoriente. Il ne me semble pas possible didentifier (en fait) le vrai enjeu de la vulgarisation ; il ne me parat pas davantage souhaitable de dterminer (en droit) la vraie fonction quelle devrait jouer. [] La vulgarisation se prsente nous comme une pratique marque par une pluralit de dterminations ; elle ltait dj au milieu du XIXe sicle, on ne voit pas bien pourquoi il en serait autrement dans lavenir.

Dans le cas de la tlvision, de quel ordre pourraient tre ces dterminations extrieures ? 33

Linterrogation propose correspond aux questions que pose la smiotique des discours sociaux propos des messages des mdias. La problmatique des conditions sociales de production des discours est rcurrente au sein de la linguistique, ou du moins dans le champ de lanalyse de discours franaise (Seguin, 1994). Lanalyse des discours de vulgarisation mene par des auteurs comme Jean-Claude Beacco et Sophie Moirand (1995) fait malheureusement souvent limpasse sur les rapports entre conditions de production et messages pour se concentrer sur lanalyse exclusive des textes. Cest une tradition de lanalyse de discours issue de la modlisation des processus smiotiques telle que la pose Peirce (1978) que lon fera alors appel pour poser ce problme. Ce cadre thorique sera prsent ds le prochain chapitre. Cest en suivant de manire

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tout fait dductive les principes de ce cadre thorique que lon peut penser que les logiques de structuration des discours sociaux sont aussi bien sociales que discursives. On n' entend pas opposer ici le social au discursif (les discours tant inscrits dans le fonctionnement social), mais distinguer deux manires de formuler les hypothses charges dexpliquer les rgularits ou les volutions qui caractrisent le discours tlvisuel propos de science. Par logiques sociales, on entendra que certains rapports sociaux sinscrivent dans la structure des discours. Par logiques discursives, on admettra avec Vron (1987, p. 28) que tout discours sinsre dans un rseau discursif : il dispose dun ensemble de discours historiquement antrieurs qui font partie de ses conditions de production, et dun ensemble de discours historiquement postrieurs qui font partie de ses conditions de reconnaissance. Parler de logique discursive revient alors poser une relation dinterprtance entre certains discours en production et certains discours en reconnaissance. On peut maintenant proposer les deux hypothses suivantes.

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4.2 Premire hypothse : le discours tlvisuel propos de science est le rsultat dune confrontation dacteurs institutionnelsCe que ce travail sur la vulgarisation scientifique la tlvision va chercher comprendre tout dabord, cest dans quelle mesure un ordre du discours peut natre dune confrontation dacteurs. Lhypothse propose ici est en effet que les discours sociaux sont lenjeu de luttes de pouvoir ou de lgitimation qui les structurent. propos de vulgarisation tlvisuelle, Vron avance avec Cheveign (1997, p. 13) lide dune forme de ngociation entre institution scientifique et tlvision dont le discours garderait la trace. On suivra ici cette hypothse en tentant den

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expliciter certains mcanismes, et en se plaant dans une perspective diachronique de manire observer des volutions. Si la vulgarisation tlvisuelle est bien une forme discursive dont la structure est observable, on fait ici lhypothse que cet ordre (et ses volutions) renvoie aux rapports entre les acteurs de la science et les acteurs des mdias (et lvolution de ces rapports). Ces rapports seront poss comme une srie de confrontations : confrontations entre culture savante et culture commune, confrontations entre des paroles lgitimes et entre des regards sur le monde, confrontations entre des identits institutionnelles, confrontations enfin entre des volonts, des comptences et des habitudes pour donner voir ce monde et en comprendre quelque chose de vrai.

4.3 Deuxime hypothse : le discours tlvisuel propos de science sinscrit dans la matrice culturelle des discours sur la rationalitSi une logique sociale comme lhypothse de la confrontation est mme dexpliquer certaines volutions du discours, cest sans doute la prsence de reprsentations sociales qui peut le mieux rendre compte de la permanence de thmatiques, cest--dire dune forme de stabilit du discours. En plus de la confrontation

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institutionnelle voque plus haut, la vulgarisation tlvisuelle sera analyse dans ses rapports au cadre culturel plus vaste dtermin par la pense de la rationalit, par ses volutions contemporaines, et ventuellement par ses remises en cause. Ce cadre culturel peut tre apprhend partir des discours sur la connaissance. On verra en effet plus loin quun certain nombre de textes ont contribu au cours de lhistoire des sciences dfinir lide contemporaine de rationalit ainsi que le champ conceptuel dans lequel elle sinscrit (raison, connaissance, scientificit, objectivit). Ces textes, gnralement dorigine philosophique, et les ides quils ont contribu matrialiser et faire circuler, ont un

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caractre lgitimant non seulement pour les pratiques scientifiques mais aussi, plus largement, dans le champ social. Comme lexplique un dictionnaire philosophique (Auroux et Weil, 1991, p. 410)Lmergence de la rationalit (le miracle grec) nest pas ne de rien : la lacisation de la vrit correspond, dans les cits grecques, la naissance du citoyen, cest--dire lavnement dune pratique dmocratique, qui fait du dbat public lessentiel de la vie politique. On comprend alors le triple caractre de la rationalit : 1 Elle est exclusive, cest--dire quelle rejette hors delle le mythe, la religion, en se prsentant comme connaissance authentique. 2 Elle correspond des normes discursives dans le dploiement du savoir. 3 Elle rpond une certaine structure sociale, une certaine insertion du savoir dans la socit.

Les ides vhicules par ces textes (et le dictionnaire que lon vient de citer en fait partie) sont aujourdhui lgitimes : il existe par exemple des formations universitaires lpistmologie, et les critres de scientificit commencent tre inculqus aux lves ds lcole lmentaire. Dans ces conditions, on peut raisonnablement faire lhypothse selon laquelle ces discours lgitims et lgitimants sur la connaissance ont une influence structurante sur le discours tlvisuel propos de science. Prcisons avant tout malentendu quil ne sagit pas de ractiver une quelconque thorie des influences dont les tudes littraires ont 36

eu bien du mal se dgager, et que certains auteurs dcrivent parfois comme floue, voire mythique (Llasera et Le Duff, 1983, p. 29). Lhypothse dune matrice culturelle nimplique pas que les ralisateurs dmissions scientifiques ont lu des traits dpistmologie. Par contre, elle repose sur lide quun certain nombre de reprsentations de la rationalit circulent dans nos socits, transmises entre autre par la scolarisation, et quun des moyens pour avoir accs ces reprsentations est danalyser les discours de lpistmologie. On tudiera alors les formes tlvisuelles de reprsentation de la rationalit

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scientifique en les mettant en rapport avec les caractristiques des discours lgitims sur la connaissance. On se demandera dans quelle mesure ce cadre conceptuel et culturel permet de reprer des homologies structurelles dans le discours tlvisuel propos de science. On fera lhypothse que cet ensemble dfinitionnel historiquement institu constitue une matrice culturelle qui a un effet structurant sur le discours tlvisuel propos de science (ce qui nimplique pas un point de vue structuraliste ou dterministe, dans la mesure o lon reste conscient que les structures peuvent voluer et faire lobjet de rappropriations de la part des acteurs). En suivant cette hypothse, le discours tlvisuel devrait garder certaines traces de cette matrice culturelle. Cette hypothse nest en aucun cas le rsultat dun prsuppos concernant une bonne rationalit scientifique qui sopposerait une mauvaise rationalit de la tlvision. Une analyse des conditions de production du discours tlvisuel propos de science naurait rien gagner reposer sur un tel a priori. Au contraire, on tentera de considrer la rationalit scientifique comme un fait neutre, comme le rsultat conceptualis (et peut-tre en continuelle volution) de centaines dannes de

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spculations, de recherches, de pratiques, de lgitimations et dutopies concernant la capacit de lhomme produire des noncs vrais . Quant la rationalit tlvisuelle, si lon entend par l son mode de fonctionnement (conomique ou social), on vitera dutiliser une telle expression. En effet, comme on le verra plus loin en dtail, le terme rationalit peut avoir au moins deux sens : cest dune part le moyen darriver une fin quelconque, sans considration normative ou thique, mais dautre part, pour les sciences, cest le moyen darriver produire des noncs vrais ou du moins vrifiables sur une portion dlimite du rel . Parler de rationalit tlvisuelle en dsignant

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par cette expression le fonctionnement du mdia ne conduirait qu des contresens ou une mtaphorisation abusive dun concept dj difficile cerner rigoureusement. Le terme de fonctionnement complt par exemple dattributs tels qu conomique nest-il pas plus explicite quune application mtaphorique du concept de rationalit ? Par contre, si lon dsire identifier les procdures par lesquelles la tlvision produit, selon ses propres normes, des noncs vrais sur la portion du rel quelle dlimite, on utilisera lexpression d objectivit tlvisuelle. Ces prcisions terminologiques viteront, esprons-le, dinutiles confusions.

5. Lobjet construit par cette rechercheQuel objet cette recherche tente-t-elle de construire ? Sagit-il vraiment, comme on a pu le laisser supposer jusqu prsent, du discours tlvisuel propos de science ? Aprs avoir expos la problmatique, il devrait tre clair que la rponse est non. Lobjet de cette recherche est un ensemble de relations que le discours tlvisuel entretient dune part avec des logiques sociales, et dautre part avec une matrice culturelle. Plus quun objet, cest la dynamique dun systme que cette thse voudrait apprhender. En 38

consquence, on donnera souvent limpression au lecteur de quitter le terrain des tudes de tlvision (si on entend par l des analyses centres sur les formes ou les contenus du discours) pour puiser dans la sociologie ou dans lpistmologie des rponses certaines questions. Il semble que cet clectisme mthodologique, souvent difficile grer, soit le prix payer pour viter tout rductionnisme analytique. En sciences de la communication, serait-on encore tenu de rendre compte de la complexit des phnomnes tudis en divisant les problmes en parties isoles, suivant le vieux prcepte cartsien ? La pense peircienne, sur ce point encore, fournira sa lgitimit une

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approche qui tend plus vers la modlisation que vers lanalyse (mme si, bien entendu, une modlisation nexclut pas des tapes analytiques).

6. Dlimitation du corpus : le discours tlvisuel propos du cerveauPour se donner les moyens de traiter les hypothses prsentes plus haut, il est ncessaire de dlimiter le champ de ltude en constituant un corpus dmissions de tlvision. Dans la mesure o lon souhaite vrifier tout dabord les traces dune logique sociale dont on souponne quelle volue, il semble logique dopter pour une approche diachronique. On verra plus loin que pour des raisons assez concrtes ce corpus se situera entre 1975 et 1994. Il sagit donc danalyser prs de vingt ans de discours tlvisuel propos de science. La contrainte que lon va se donner pour rduire ce corpus sera de constituer ce dernier autour dune thmatique centrale. Comment choisir cette thmatique ? En postulant que cest la reprsentation du cerveau qui est la thmatique la mieux adapte au traitement de la deuxime hypothse. En effet, on verra plus loin que la

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rationalit peut tre dfinie comme un ensemble de moyens, de rgles opratoires ou de valeurs associes la construction des faits scientifiques. On ne peut cependant pas rellement isoler cette dfinition du contexte dune rflexion sur le sujet pensant qui la toujours accompagne. La rationalit scientifique (au sens pistmologique) cest aussi la raison humaine (au sens psychologique) applique produire des noncs prtention de vrit sur un secteur dlimit du rel. Seule la reprsentation du cerveau semblait apte runir dans un mme corpus ces deux formes indissociables du concept de rationalit.

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7. Organisation de ce volume7.1 Premire partie : le cadre thoriqueLa premire partie sorganise autour de deux axes. Elle souvre tout dabord sur une rflexion sur les fondements philosophiques de la smiotique et sur une prsentation de la thorie de Peirce, son fondateur. On tentera de montrer en quoi cette thorie et les concepts philosophiques qui sy rattachent constituent lun des apports majeurs aux thories de la communication. Ce travail permettra de fixer le cadre conceptuel gnral de cette thse, sans lequel aucune dmarche empirique naurait de sens. Ensuite, une lecture du champ des recherches sur la vulgarisation scientifique sera propose. Elle permettra de prciser langle dattaque de cette thse, et surtout de vrifier si des lments de rponse la question des conditions de production du discours tlvisuel propos de science nont pas dj t avancs.

7.2 Deuxime partie : mthodeLexamen des travaux sur la vulgarisation aura pour prolongement une prsentation de la mthode de recherche. On en indiquera tout dabord les aspects les 40

plus gnraux. Ensuite, une analyse de la structure du concept de rationalit, de ses ambiguts et de ses volutions sera propose. Elle sera conduite sous la forme dune enqute tymologique et pistmologique mene partir de textes normatifs (dictionnaires et encyclopdies) ou scientifiques (pistmologie et histoire des sciences). Dans cette analyse, on cherchera aussi comprendre les rapports entre rationalit scientifique, description et mise en images. Cest sur la base des rsultats de cette analyse de textes que lon recherchera, dans le corpus dmissions qui sera constitu, si lhypothse dune matrice culturelle est vrifiable. Cette interrogation du concept de

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rationalit aura pour prolongement une tude de lhistoire de la reprsentation du cerveau qui en fera merger les enjeux sociaux et montrera quils sont toujours dactualit. Enfin, ce sont les tapes de la constitution du corpus qui seront dtailles. Elles mettront en uvre une analyse quantitative du flux tlvisuel qui permettra de construire lanalyse sur des donnes empiriques assez reprsentatives de la production tlvisuelle5.

7.3 Troisime partie : analyse du discours tlvisuel propos du cerveau et conclusionLanalyse sera mene de manire vrifier les deux hypothses de recherche prsentes en introduction. Dans un premier chapitre, on envisagera lhypothse de la confrontation dacteurs institutionnels. On traitera ensuite dans un deuxime chapitre lhypothse de la rationalit scientifique comme matrice culturelle. Un dernier chapitre constituera la conclusion gnrale de cette recherche. Il fera apparatre les apports et les limites de la dmarche, envisagera les prolongements possibles de ce travail, et tentera den tirer les consquences thoriques.

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On montrera en effet la grande difficult dobtenir des donnes parfaitement reprsentatives du flux.

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8. IconographieLes images ont t dlibrment intgres au texte, et non reportes en annexes comme cest parfois le cas. Leur prsence est abondante, surtout dans la partie correspondant lanalyse du corpus. La plupart du temps, elles reprsentent des squences extraites des missions du corpus et ont t numrises lInathque de France. Elles relvent du droit de citation au mme titre que nimporte quelle citation extraite dun texte. Disposes horizontalement suivant le sens de lecture gauche -> droite, et gnralement accompagnes dun relev de leur bande son, elles ne rendent

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bien sr quimparfaitement compte des squences vido dont elles sont extraites : si le mouvement sen absente, le lecteur aura au moins accs une reprsentation des plans les plus significatifs. Le choix dune impression en noir et blanc, ainsi que celui dun format rduit relve de contraintes techniques : tant donn leur nombre important, ces images transforment limpression de chaque exemplaire de cette thse en une opration au long cours ncessitant de nombreuses heures dattente dans un face face tendu avec limprimante. Loin davoir une fonction simplement illustrative, lambition est quelles sintgrent pleinement la logique argumentative de lensemble de ce travail. Cest pourquoi leur prsence nest pas moins lgitime que celle des citations proposes ou des arguments avancs.

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PREMIERE PARTIECadre thoriqueLa smiotique pour structurer lanalyse du discours tlvisuel propos detel-00007469, version 1 - 21 Nov 2004

science

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CHAPITRE ILA SEMIOTIQUE DE CHARLES S. PEIRCE : DUNE PHILOSOPHIEDE LA CONNAISSANCE A UNE THEORIE DE LA COMMUNICATION

1. Pourquoi prsenter la smiotique ?tel-00007469, version 1 - 21 Nov 2004Un rapport rcent de la 71e section du CNU (CNU 71e section Bilan 1996, p. 16) rappelle que les sciences de linformation et de la communication constituent un champ rsolument interdisciplinaire . Il continue en prcisant que les mthodes mises en uvre par les tudes qui en relvent peuvent tre diverses mais chaque tude doit reposer sur une (des) mthodologie (s) bien identifie (s) . En effet, le domaine tant vari, les entres possibles nombreuses, les concepts de communication ou dinformation prendront un sens extrmement diffrent en fonction des disciplines dorigine ou de lensemble des postulats (quand il ne sagit pas de prsupposs) qui organisent toute activit intellectuelle. Le conseil donn par ce rapport (dfinir ses mthodes) est donc particulirement avis, et il conviendrait mme daller plus loin en dfinissant pralablement et le plus prcisment possible les orientations philosophiques et thoriques qui fondent les recherches inscrites dans cette interdiscipline. Pour utiliser une expression aujourdhui quelque peu passe de mode : avant de parler il convient de dire do lon parle. On fait donc ici notre laffirmation de Karl R. Popper (1978, p. 18) selon laquelle Toute connaissance y compris nos observations est imprgne de thorie . Cette affirmation du caractre minemment dductif de toute connaissance pouvant tre tendue lensemble des activits de recherche, on la supposera valide mme dans le cas de la revue de la littrature qui consiste en une observation 44

raisonne de thories dans le but dlaborer une problmatique. Cest dans cette optique que la revue de la littrature est ici prcde dun chapitre exposant la thorie qui a imprgn lensemble des rflexions et des observations de cette thse. La recherche en communication propose porte certes sur un type particulier de discours (le discours tlvisuel propos de science), mais elle repose aussi sur un point de vue thorique qui organise ses hypothses, savoir le point de vue smiotique. Cest pour cette raison quelle souvre sur une rflexion sur les fondements philosophiques de la smiotique et sur une prsentation de la thorie de Charles S. Peirce, lun de ses

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fondateurs. On tentera de montrer que cette thorie et les concepts philosophiques qui sy rattachent constituent un apport majeur aux thories de la communication. Le travail de Peirce se situant de plus aux frontires de lpistmologie et la smi