Avis de l'Observatoire de la Laïcité

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PREMIER MINISTRE Paris, le mardi 12 mai 2015 Objet : avis sur le régime local des cultes en Alsace et en Moselle. 1. Exposé des motifs Le droit local propre à la région Alsace et au département de la Moselle est un régime juridique qui conserve, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle annexés par l’Allemagne en 1871 puis repris à celle-ci en 1918, les dispositions mises en place par les autorités allemandes estimées plus favorables aux habitants ainsi que des dispositions préexistantes qui ont été entre-temps transformées ou supprimées par la législation française. Ce droit local concerne différents secteurs : la législation en matière de remboursement des dépenses de santé, l’aide sociale aux plus démunis, l’organisation de la justice et des tribunaux, les procédures de faillite civile, le livre foncier, le droit de la chasse et le droit des associations, la réglementation professionnelle, les établissements de crédit, l’établissement des jours fériés. Il confère aux communes des pouvoirs plus étendus que dans le reste de la France et touche également le régime des cultes en dérogeant à la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État. Ce régime dérogatoire des cultes est pour l’essentiel constitué du régime concordataire, introduit sous le Consulat par la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802) relative à l’organisation des cultes. Il comprend le traité de concordat signé à Paris le 26 messidor an IX (15 juillet 1801) avec le Saint-Siège, mais aussi les articles organiques du 18 germinal an X. Sous le Premier Empire, deux décrets du 17 mars 1808 étendirent le régime concordataire au culte israélite. Quatre cultes sont donc reconnus par ce régime : le culte catholique, les cultes protestants luthérien (l’Église de la confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine) et réformé (l’Église protestante réformée d’Alsace et de Lorraine), le culte israélite. L’Observatoire de la laïcité a ainsi souhaité se pencher sur lensemble du régime local des cultes dans ces trois départements —regroupés depuis sous le nom générique d’Alsace- Moselle 1 dans le but d’établir un état des lieux le plus objectif et impartial possible, élaboré suite à l’audition des acteurs de terrain et représentants des populations concernées, permettant l’établissement de plusieurs recommandations. 1 Lappellation Alsace-Moselle désigne les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, soit le territoire autrefois couramment appelé Alsace-Lorraine qui avait été intégré à l’Empire allemand peu après la défaite de la France en 1870 et qui était ensuite redevenu français en 1919 à l’issue de la première guerre mondiale. Les départements du Haut -Rhin et du Bas-Rhin appartiennent à l’actuelle région Alsace, tandis que la Moselle fait partie de la région Lorraine. Si l’Alsace- Moselle n’a donc pas d’existence institutionnelle, l’expression est utilisée dans un contexte juridique pour faire référence au droit local instauré dans ces trois départements en 1919 et qui subsiste depuis.

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L’Observatoire de la laïcité a adopté le mardi 12 mai 2015 un avis sur le régime local des cultes en Alsace- Moselle

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  • PREMIER MINISTRE

    Paris, le mardi 12 mai 2015

    Objet : avis sur le rgime local des cultes en Alsace et en Moselle.

    1. Expos des motifs

    Le droit local propre la rgion Alsace et au dpartement de la Moselle est un rgime

    juridique qui conserve, dans les dpartements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle annexs par lAllemagne en 1871 puis repris celle-ci en 1918, les dispositions mises en place par les autorits allemandes estimes plus favorables aux habitants ainsi que des

    dispositions prexistantes qui ont t entre-temps transformes ou supprimes par la

    lgislation franaise.

    Ce droit local concerne diffrents secteurs : la lgislation en matire de remboursement des

    dpenses de sant, laide sociale aux plus dmunis, lorganisation de la justice et des tribunaux, les procdures de faillite civile, le livre foncier, le droit de la chasse et le droit des

    associations, la rglementation professionnelle, les tablissements de crdit, ltablissement des jours fris. Il confre aux communes des pouvoirs plus tendus que dans le reste de la

    France et touche galement le rgime des cultes en drogeant la loi du 9 dcembre 1905 de

    sparation des glises et de ltat.

    Ce rgime drogatoire des cultes est pour lessentiel constitu du rgime concordataire, introduit sous le Consulat par la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802) relative

    lorganisation des cultes. Il comprend le trait de concordat sign Paris le 26 messidor an IX (15 juillet 1801) avec le Saint-Sige, mais aussi les articles organiques du 18 germinal an X.

    Sous le Premier Empire, deux dcrets du 17 mars 1808 tendirent le rgime concordataire au

    culte isralite. Quatre cultes sont donc reconnus par ce rgime : le culte catholique, les cultes

    protestants luthrien (lglise de la confession dAugsbourg dAlsace et de Lorraine) et rform (lglise protestante rforme dAlsace et de Lorraine), le culte isralite.

    LObservatoire de la lacit a ainsi souhait se pencher sur lensemble du rgime local des cultes dans ces trois dpartements regroups depuis sous le nom gnrique dAlsace-Moselle

    1 dans le but dtablir un tat des lieux le plus objectif et impartial possible, labor suite laudition des acteurs de terrain et reprsentants des populations concernes, permettant ltablissement de plusieurs recommandations.

    1 Lappellation Alsace-Moselle dsigne les trois dpartements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, soit le territoire autrefois couramment appel Alsace-Lorraine qui avait t intgr lEmpire allemand peu aprs la dfaite de la France en 1870 et qui tait ensuite redevenu franais en 1919 lissue de la premire guerre mondiale. Les dpartements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin appartiennent lactuelle rgion Alsace, tandis que la Moselle fait partie de la rgion Lorraine. Si lAlsace-Moselle na donc pas dexistence institutionnelle, lexpression est utilise dans un contexte juridique pour faire rfrence au droit local instaur dans ces trois dpartements en 1919 et qui subsiste depuis.

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    2. Rappel du contexte historique et local en Alsace-Moselle

    Lors de laudition de la Commission du droit local dAlsace et de Moselle (CDLAM) devant lObservatoire de la lacit, le 20 janvier 2015, le secrtaire gnral de lInstitut du droit local alsacien-mosellan (IDLAM), M. Eric Sander, a dclar : Produit de lhistoire mouvemente des dpartements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, le droit local alsacien-

    mosellan est un lment structurant de lidentit de ces dpartements . Plusieurs auditions ont rappel le poids de lhistoire pour expliquer le maintien de ce rgime drogatoire2.

    Au XVIme

    sicle, lAlsace et la Lorraine sont des territoires du Saint-Empire romain germanique situs entre la Meuse et le Rhin. Ils sont progressivement annexs par le royaume

    de France entre le XVIme

    et le XVIIIme

    sicle. Ces mmes territoires font ensuite lobjet dun rattachement lEmpire allemand en 1871 aprs la dfaite franaise lors de la guerre franco-allemande de 1870 jusqu la fin de la premire guerre mondiale en 1918, puis lors du Troisime Reich au XX

    me sicle, de fait, de 1940 1945, avant de retrouver la France.

    Le 9 dcembre 1905, le Prsident de la Rpublique, Emile Loubet, promulgue la loi de

    sparation des glises et de ltat3, qui met un terme au rgime concordataire franais. Mais les dispositions introduites par la loi du 9 dcembre 1905 ne peuvent alors sappliquer dans les trois dpartements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, puisquannexs depuis le 2 mars 1871 lEmpire allemand, conformment au trait de Francfort sign le 10 mai 1871. Ce dernier est alors peru par les territoires concerns comme un abandon de la France. Le

    trait prliminaire sign Versailles le 28 fvrier 1871 est examin par lAssemble nationale le 1

    er mars 1871, o le dput du Haut-Rhin, mile Keller dclare : lheure quil est, je

    nai pas la prtention de changer les dispositions trop arrtes dans un grand nombre desprits. Mais jai tenu, avant de quitter cette enceinte, protester, comme Alsacien et comme Franais, contre un trait qui est une injustice, un mensonge et un dshonneur. Et si

    lAssemble devait le ratifier, davance, jen appelle Dieu, vengeur des justes causes ; jen appelle la postrit qui nous jugera les uns et les autres ; jen appelle tous les peuples qui ne veulent pas indfiniment se laisser vendre comme un vil btail ; jen appelle enfin l'pe de tous les gens de cur qui, le plus tt possible, dchireront ce dtestable trait ! . Ce texte est nanmoins adopt par 546 voix pour et seulement 170 voix contre et 23

    abstentions . Suite ce vote, Jules Grosjean, dput du Haut-Rhin, donne lecture de la

    dmission collective des 35 dputs des territoires cds, qui quittent la sance : Les

    reprsentants de lAlsace et de la Lorraine ont dpos, avant toute ngociation de paix, sur le bureau de lAssemble nationale, une dclaration affirmant de la manire la plus formelle, au nom de ces provinces, leur volont et leur droit de rester franaises. Livrs au mpris de toute

    justice et par un odieux abus de la force, la domination de ltranger, nous avons un dernier devoir remplir. Nous dclarons encore une fois nul et non avenu un pacte qui

    dispose de nous sans notre consentement. La revendication de nos droits reste jamais

    ouverte tous et chacun dans la forme et dans la mesure que notre conscience nous dictera.

    Au moment de quitter cette enceinte o notre dignit ne nous permet plus de siger, et malgr

    lamertume de notre douleur, la pense suprme que nous trouvons au fond de nos curs est

    2 Cf. en annexes les auditions du 25 novembre 2014 devant lObservatoire de la lacit de M. Thomas Andrieu, directeur des liberts publiques et des affaires juridiques au ministre de lIntrieur, de M. Francis Messner, du mardi 20 janvier 2015 de M. Armand Jung, prsident de la commission du droit local dAlsace et de Moselle (CDLAM), du jeudi 19 mars 2015 de M. Philippe Richert, prsident de la rgion Alsace. 3 Sur un nombre total de votants de 574, 341 dputs votent pour et 233 votent contre lors du scrutin la Chambre

    des dputs le 3 juillet 1905. Le 6 dcembre au Snat, 181 snateurs la votent sans modifications, contre 102. Le Prsident de

    la Rpublique la promulgue le 9dcembre 1905. La loi est publie au Journal officiel le 11 dcembre et entre en vigueur le 1er janvier 1906.

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    une pense de reconnaissance pour ceux qui, pendant six mois, nont pas cess de nous dfendre, et dinaltrable attachement la patrie dont nous sommes violemment spars. Nous suivrons de nos voeux et nous attendrons avec une confiance entire dans lavenir, que la France rgnre reprenne le cours de sa grande destine. Vos frres dAlsace et de Lorraine, spars en ce moment de la famille commune, conserveront la France, absente de

    leurs foyers, une affection filiale jusquau jour o elle viendra y reprendre sa place. Le soir mme, le dput et maire de Strasbourg, mile Kuss, succombe un malaise cardiaque

    4.

    Durant lannexion par lempire allemand, ces nouveaux territoires ont juridiquement le mme statut que les autres Lnder. Cependant, la plupart des lois franaises restent en vigueur en

    Alsace-Moselle. Progressivement, certaines dispositions lgislatives sont nanmoins

    remplaces par le droit allemand. Si le rgime concordataire des cultes nest pas supprim, il est modifi par ladjonction de textes lgislatifs et dun texte rglementaire allemands, savoir la loi du 15 novembre 1909 relative aux traitements et pensions des ministres du culte

    et de leurs veuves et orphelins, ainsi que lordonnance du 16 mars 1910 et le rglement ministriel du 19 mars 1910, pris pour lapplication de cette loi.

    Le 7 aot 1914, le gnral Joseph Joffre annonce la suite de la libration de Thann que la

    France, aprs la future victoire, tiendra compte des particularits alsaciennes : la France

    vous apporte [] le respect de vos liberts alsaciennes, de vos traditions, de vos convictions, de vos murs. partir de novembre 1918 et jusqu la signature du trait de Versailles, le 28 juin 1919, lAlsace-Moselle est de facto r-annexe par la France, avant de faire de nouveau partie intgrante de la Rpublique franaise, conformment larticle 27 du trait. Les frontires de lensemble des dpartements concerns ne sont alors pas modifies, en raison des particularits locales dont ils jouissent. Les lus et la population dAlsace-Moselle ne souhaitent pas que le rattachement la France suppose la perte de ce quils considrent comme des avantages acquis. En effet, le code civil franais est considr par eux comme

    moins avanc que le code civil de lEmpire allemand. Cet tat desprit conduit la non-acceptation de certaines lois votes en France entre 1871 et 1918. Suite la signature de

    larmistice le 11 novembre 1918, Georges Clemenceau, alors Prsident du Conseil, invite et somme les deux vques dorigine allemande de Metz et de Strasbourg dmissionner, pour les remplacer par deux vques franais. La loi du 17 octobre 1919 confirme le principe du

    maintien des textes antrieurs mais y ajoute le principe de lintroduction expresse du droit gnral. Le 25 dcembre 1919, deux dcrets rintroduisent le code pnal franais tout en

    maintenant plusieurs dispositions du droit local cest--dire celui de lEmpire germanique portant principalement sur le droit de chasse, le droit communal, le droit social et la vie conomique. Enfin, les lois du 1

    er juin 1924 entrinrent les dispositions locales, y

    compris le rgime concordataire. Cependant, le nouveau prsident du Conseil des ministres

    arriv aux responsabilits le 15 juin 1924 suite la victoire du Cartel des gauches5 en mai de

    la mme anne, douard Herriot, propose dans un discours devant la Chambre des dputs,

    dintroduire les lois laques6 de la France de lintrieur en Alsace-Moselle et de rompre les relations diplomatiques avec le Vatican (qui venaient dtre rtablies en 1921 aprs avoir t rompues en 1904). Mais il fait face une considrable rsistance populaire, au risque de

    4 Ses obsques, aux frais de ltat, ont eu lieu le 3 mars 1871 Bordeaux et rassemblent une importante foule, comprenant tous les dputs de lAlsace et de la Lorraine. cette occasion, Lon Gambetta dclare : La force nous spare, mais pour un temps seulement de lAlsace, berceau traditionnel du patriotisme franais. Nos frres de ces contres malheureuses ont fait dignement leur devoir, et, du moins ils lont fait jusquau bout. Eh bien quils se consolent en pensant que la France dsormais ne saurait avoir dautre politique que leur dlivrance. 5 Le Cartel des gauches associe 4 groupes : les radicaux indpendants, les radicaux-socialistes ; les rpublicains-socialistes ;

    la SFIO. 6 La loi du 9 dcembre 1905 mais galement les lois Ferry votes en 1881 et 1882 sous la Troisime Rpublique et alors que

    lAlsace-Moselle tait intgre lEmpire allemand, qui rendent lcole gratuite (1881), linstruction obligatoire et lenseignement public lac (1882).

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    vellits indpendantistes locales et au refus de lopposition sur le premier point et se heurte lopposition du Snat sur le second. Le Conseil dtat dclare alors, dans un avis du 24 janvier 1925 que le rgime concordataire tel quil rsulte de la loi du 18 germinal an X, est toujours en vigueur dans les dpartements du Rhin et de la Moselle . Un service des cultes

    est donc intgr la direction gnrale dAlsace-Lorraine. En 1944, celui-ci est transform en Bureau des cultes de Strasbourg et rattach au ministre de lIntrieur.

    Lors de la seconde guerre mondiale, suite lannexion des dpartements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin au Reich allemand, lAllemagne nazie abolit le rgime concordataire de lAlsace-Moselle en 1941. Les glises deviennent des socits religieuses de droit priv et sont svrement encadres, le culte isralite est interdit.

    Ainsi, le droit local des cultes, compos de textes franais (du Consulat, de lEmpire, de la Restauration, de la II

    me Rpublique) et allemands, na pas cess dtre appliqu en Alsace-

    Moselle, si lon fait abstraction de la coupure, particulirement douloureuse, provoque par la seconde guerre mondiale : lensemble des textes sappliquant aux cultes reconnus, abrog en 1940, a en effet t rtabli par lordonnance du 15 septembre 1944. Par ailleurs, de nouveaux textes ont t dicts qui modifient les dispositions antrieures dans le sens dune simplification, ou bien les compltent : il sagit notamment du dcret du 10 juillet 1948 portant classement hirarchique des grades et emplois, dans lequel figurent les personnels des

    cultes. Le rgime local est donc maintenu en raison de lattachement de la population des dpartements concerns, ce que plusieurs personnes notamment lus auditionnes par lObservatoire de la lacit ont souhait rappeler7.

    3. Le rgime non-cultuel du droit local alsacien-mosellan

    La lgislation locale comprend quatre types de sources :

    Les dispositions dorigine franaise, abroges dans le reste de la France mais maintenues par les autorits allemandes pendant la priode de lannexion : le rgime concordataire notamment (cf. point n4).

    Les dispositions introduites par les autorits allemandes, telles que le code local des professions.

    Les dispositions propres la terre dEmpire dAlsace-Lorraine, adoptes par les organes lgislatifs comptents, comme par exemple le rgime local de la chasse (loi du 7 fvrier

    1881) ou laide sociale (loi du 30 mai 1908 sur le domicile de secours).

    Les dispositions franaises intervenues aprs 1918, mais applicables aux seuls dpartements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, comme la loi du 6 mai 1991

    introduisant dans le Code des assurances des dispositions particulires aux dpartements

    du Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle, la loi du 14 avril 1998 relative au rgime local

    dassurance maladie, ou la loi du 1er aot 2003 modernisant le droit local des associations.

    7 Dans un sondage ralis pour lInstitut du droit local en 2005 et transmis lObservatoire de la lacit par le professeur Francis Messner, 92% des personnes interrogs se disaient favorables la possibilit de suivre un enseignement religieux

    lcole , 90% favorables lentretien des difices du culte par les communes et 92% favorables la rmunration des prtres, pasteurs et rabbins par ltat .

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    LInstitut du droit local alsacien-mosellan, dont le secrtaire gnral a t auditionn par lObservatoire de la lacit8, note que le processus dunification lgislative, dabord intense, puis beaucoup moins systmatique na laiss subsister lheure actuelle que des pices parses dimportance variable et de contenu trs disparate, dans un cadre juridique trs largement domin par le droit gnral applicable lensemble du territoire.

    Outre le rgime des cultes (cf. point n4), les principales matires o subsistent des

    dispositions de droit local sont :

    Le droit local du travail, qui concerne essentiellement, le repos du dimanche et les jours fris

    9, le maintien du salaire dans certains cas dabsence du salari, la clause de non-concurrence et le dlai du pravis.

    La lgislation sociale. La Reichsversicherungsordnung (rglementation impriale des assurances) de 1911 imposait une mutuelle complmentaire obligatoire. Aujourdhui encore, le taux de couverture de la scurit sociale alsacienne-mosellane est de 90%, et

    ainsi bien suprieur au rgime gnral. Ce rgime complmentaire est pay uniquement

    par une cotisation sociale supplmentaire des salaris alsaciens et mosellans. Laide sociale est galement une spcificit, dcoulant de la loi du 30 mai 1908 et qui figure

    dsormais dans le code de laction sociale et des familles larticle L 511-2 qui dispose que : Toute personne dnue de ressources et ge de plus de seize ans doit recevoir de

    la commune dans laquelle elle se trouve un abri, lentretien indispensable, les soins et prescriptions ncessaires en cas de maladie ainsi que des funrailles dcentes. Laide est accorde sans prjudice du droit de rclamer le remboursement des frais la commune

    dans laquelle la personne dnue de ressources a son domicile de secours communal.

    Le droit local de lartisanat, rgi par le code local des professions, selon lequel une activit est artisanale lorsque le travail qui y est ralis lest selon des mthodes non industrielles et quil y a recours de faon prpondrante des salaris professionnellement forms

    10.

    Le droit des associations. La loi du 1er juillet 1901 sur les associations ne sapplique pas aux associations ayant leur sige en Alsace-Moselle qui sont soumises aux articles 21 79

    du code civil local et la loi dEmpire du 19 avril 1908. Ces associations peuvent poursuivre un but lucratif et sauf indications contraires dans ses statuts, ses membres

    peuvent se distribuer les bnfices et se partager le patrimoine.

    La justice. Les comptences des tribunaux ne sont pas exactement les mmes. Ainsi, les tribunaux dinstance ont des comptences plus tendues, alors quil nexiste pas de tribunal de commerce, mais une chambre spciale du tribunal de grande instance. De plus,

    la faillite civile y est reconnue : les particuliers peuvent se voir appliquer la loi

    commerciale sur le redressement et la liquidation judiciaire sils sont en tat dinsolvabilit notoire.

    8 Cf. audition, en annexes, du 25 janvier 2015. 9 En vertu dune ordonnance du 16 aot 1892, les Alsaciens et les Mosellans ont deux jours fris supplmentaires par rapport au reste de la France : le jour de Saint tienne, ft le 26 dcembre, et le Vendredi saint (qui prcde le dimanche de

    Pques). Larticle 105 b du Code professionnel local (loi du 26 juillet 1900) pose le principe de linterdiction du travail salari le dimanche et les jours fris. Certaines drogations sont nanmoins applicables. 10 Le droit gnral qualifie lactivit d artisanale lorsque lentreprise qui lexerce est de petite dimension (10 salaris maximum).

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    Le rgime local de la chasse dcoule quant lui de la loi du 7 fvrier 1881 (codifi dans le code de lenvironnement) qui dispose que lexercice du droit de chasse est retir au propritaire foncier et administr par la commune qui procde tous les 9 ans des

    adjudications, le droit de chasse tant rserv ces adjudicataires. Dautres diffrences plus spcifiques sont applicables ce rgime.

    Le droit communal comporte des spcificits pour les communes dAlsace-Moselle, notamment financire, avec la taxe riverain qui permet de rpercuter sur les riverains

    les frais de premier tablissement des voies. noter galement quun conseiller municipal peut tre dmissionn doffice , par exemple pour dfaut dassiduit ou pour troubles rpts lordre des sances.

    4. Le rgime local des cultes en Alsace-Moselle11

    Larticle 7 de la loi du 1er juin 1924 rappelle que la loi du 9 dcembre 1905 de sparation des glises et de ltat nest pas applicable lAlsace-Moselle : continuent tre appliques telles quelles sont encore en vigueur dans les trois dpartements () 13 la lgislation locale sur les cultes et les congrgations religieuses . Ces dpartements restent donc rgis par la loi

    du 18 Germinal an X (8 avril 1802) comprenant le trait de concordat sign Paris le 26

    messidor an IX (15 juillet 1801) avec le Saint-Sige et les articles organiques des cultes

    catholique et protestants.

    Ne sont donc pas non plus applicables en Alsace-Moselle les dispositions du titre III de la loi

    du 1er

    juillet 1901 relative au contrat dassociation, qui rgissent dans le reste de la France le rgime juridique des congrgations religieuses, lensemble de la loi ntant pas applicable dans ces dpartements et le rgime des congrgations relevant de la lgislation locale, qui

    sapplique donc tant aux congrgations religieuses quau clerg sculier.

    Comme indiqu plus haut, les cultes reconnus sont au nombre de quatre : le culte catholique,

    les deux cultes protestants (lglise protestante rforme dAlsace et de Lorraine et lglise de la confession dAugsbourg dAlsace et de Lorraine) et le culte isralite.

    La dcision du Conseil constitutionnel n2011-157 QPC (question prioritaire de

    constitutionnalit)12

    du 5 aout 2011 a dgag un nouveau principe fondamental reconnu par

    les lois de la Rpublique en matire de dispositions particulires applicables en Alsace-

    Moselle. Ce principe, qui est de valeur supra-lgislative, consacre le fait selon lequel, si elles

    ne sont pas remplaces par les dispositions de droit commun ou harmonises avec elles, les

    dispositions lgislatives et rglementaires particulires aux dpartements du Bas-Rhin, du

    Haut-Rhin et de la Moselle demeurent en vigueur. Le Conseil rappelle galement par cette

    dcision quil ne peut y avoir daggravation de lcart entre les dispositions particulires et celles applicables au reste du territoire. Dans sa dcision ultrieure n2012-297 QPC du 21

    fvrier 2013, le Conseil constitutionnel a jug que le rgime local des cultes en Alsace-

    11 Cf., en annexes, laudition du 25 novembre 2014 devant lObservatoire de la lacit de M. Thomas Andrieu, directeur des liberts publiques et des affaires juridiques au ministre de lIntrieur, ainsi que louvrage Le droit local cultuel dAlsace-Moselle, Analyse, textes et jurisprudence, novembre 2013, ministre de lIntrieur, Direction des liberts publiques et des affaires juridiques, dition Journaux officiels. 12 La question prioritaire de constitutionnalit ( QPC ) est une procdure de contrle de constitutionnalit sur les lois dj

    promulgues (dit contrle de constitutionnalit a posteriori ). Cette question permet, sous certaines conditions, de

    demander au Conseil constitutionnel de vrifier si une disposition lgislative ne serait pas inconstitutionnelle en ce quelle porte atteinte aux droits et liberts garantis par la Constitution .

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    Moselle continuait sappliquer et tait conforme la Constitution. Il a ainsi estim qu en prvoyant que la France est une Rpublique () laque , la Constitution na pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions lgislatives ou rglementaires particulires

    applicables dans plusieurs parties du territoire de la Rpublique lors de lentre en vigueur de la Constitution et relatives lorganisation de certains cultes . Il a notamment relev quil ne ressortait des travaux prparatoires ni de la Constitution de 1946 ni de celle de 1958 que le pouvoir constituant ait entendu remettre en cause les dispositions particulires

    applicables en Alsace-Moselle et dans certains dpartements et certaines collectivits doutre-mer.

    Le fonctionnement des cultes statutaires

    Le rgime drogatoire a des consquences sur les personnels des cultes, sur la proprit des

    biens des cultes ainsi que sur les subventions qui peuvent leur tre accordes.

    Dans les trois dpartements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les quatre cultes

    reconnus sont administrs par des tablissements publics du culte (les fabriques pour

    lglise catholique13, les consistoires 14 et les conseils presbytraux 15 pour les deux glises protestantes, les consistoires dpartementaux pour le culte isralite

    16). Ces

    tablissements publics sont autofinancs, les dpenses tant supportes par les cotisations des

    fidles. Toutefois, les collectivits territoriales sont tenues dassurer le logement des ministres du culte ; de subvenir linsuffisance ventuelle de budget de ltablissement public ; de contribuer au financement des constructions ou de lentretien des lieux de culte

    Par ailleurs, tant rmunrs et, dans certains cas, nomms par ltat, les personnels des cultes dAlsace-Moselle ont un statut particulier.

    1) Le statut des personnels des cultes

    Pour certaines catgories de reprsentants du culte, ltat dispose dun pouvoir de nomination.

    - Ainsi, sont nomms directement par ltat pour le culte catholique : lvque diocsain et lvque coadjuteur, Strasbourg et Metz. Dans la pratique, le choix est laiss la discrtion du Saint-Sige, le titulaire tant nomm par une bulle du pape

    selon le droit canon, et par un dcret du Prsident de la Rpublique, les deux textes

    tant publis simultanment (cf. Convention du 26 messidor an IX, art. 16, et art. org.

    11 et18).

    - Pour les cultes protestants, est nomm le prsident du directoire de lglise de la confession dAugsbourg par le Premier ministre, mme si dans la pratique il suit la proposition du consistoire suprieur (cf. art. org. 41 et 43 et art. 9 et 11 du dcret de

    1852). Les inspecteurs ecclsiastiques sigeant au directoire sont proposs par

    lassemble de linspection et nomms par le ministre de lIntrieur. De plus, un membre lac du directoire est nomm par le ministre de lIntrieur, fonction non rmunre par ltat (art. org. 43).

    - Les aumniers des quatre cultes sont nomms par arrt du ministre de lIntrieur, dans la pratique par le chef du bureau des cultes dAlsace-Moselle sur proposition de

    13 Les fabriques sont rgies par le dcret du 30 dcembre 1809, modifi par lordonnance du 12 janvier 1825 et les dcrets du 8 octobre 1970 et du 18 mars 1992. 14 Crs par les articles organiques des cultes protestants du 18 Germinal an X. 15 Crs par le dcret du 26 mars 1852. 16 Article 19 de lordonnance royale du 25 mai 1844 et dcret du 22 juillet 1872.

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    lautorit religieuse suprieure avec laccord de lautorit militaire (instruction du ministre de la dfense du 23 janvier 2006).

    - Dautres nominations appellent un simple agrment de ltat, tel que, pour le culte catholique, les chanoines, les vicaires gnraux et les curs (articles organiques 19,21,

    35 38).

    - Pour les cultes protestants, les pasteurs de lglise protestante rforme dAlsace et de Lorraine sont nomms par le consistoire de rattachement aprs avis du conseil restreint

    et aprs agrment du ministre de lIntrieur (cf. dcret du 26 mars 1852, art. 5, al. 1er, modifi). Les pasteurs de lglise de la confession dAugsbourg, sont nomms par le conseil restreint aprs agrment par le ministre de lIntrieur.

    - Pour le culte isralite, les grands rabbins sont dsigns par les consistoires dpartementaux aprs agrment du Premier ministre (dcret du 26 aot 1862, art.9, al.

    2 et ordonnance du prsident suprieur du 22 juillet 1872). Les rabbins sont nomms

    par le consistoire dpartemental aprs accord du ministre de lIntrieur (ordonnance du 25 mai 1844, art. 48). Les ministres officiants sont nomms par les consistoires

    dpartementaux. Lagrment par le prfet nest plus requis ds lors que les officiants ne sont plus rmunrs par ltat (ordonnance de 1844, art. 51 et ordonnance locale du 22 juillet 1872).

    Les ministres du culte et les employs des secrtariats nont pas la qualit de fonctionnaire17. Ce sont des agents de droit public mais qui nont donc pas dobligation dobissance hirarchique et de devoir de rserve envers les autorits publiques. Ils peroivent de ltat un traitement accompagn dindemnits dont le principe a t pos par les textes du rgime concordataire. Leur rmunration est fixe selon le mme classement indiciaire que celui des

    agents de la fonction publique. Ainsi, les dirigeants des cultes catholique et protestants et les

    ministres des cultes statutaires (curs, pasteurs et rabbins) peroivent une rmunration

    aligne sur celle des agents de catgorie A. Les desservants voient leurs rmunrations

    alignes sur celles de la catgorie B de la fonction publique alors que les vicaires ont une

    rmunration aligne sur celle des agents de catgorie C. Comme pour tous les agents publics,

    les personnels des cultes avancent lanciennet et reoivent lindemnit de rsidence, le supplment familial de traitement, le cas chant, et lindemnit pour difficult administrative (prime spcifique ces territoires). Les ministres des cultes statutaires ne bnficient pas des

    dispositions propres la fonction publique concernant les rgimes des pensions et lge de dpart la retraite.

    Par ailleurs, les collectivits publiques sont dans lobligation de pourvoir au logement des ministres du culte ou dfaut de leur verser une indemnit compensatrice. Ainsi, sagissant du culte catholique, les communes doivent fournir un presbytre ou, dfaut, un autre

    logement ou une indemnit compensatrice (cf. art. 92-1, dcret du 30 dcembre 1809). Pour le

    culte protestant, prvaut la rgle du droit des ministres du culte disposer dun logement procur par la commune, et, dfaut, dune indemnit de logement. Pour le culte isralite, les communes ont la facult de fournir un logement aux ministres du culte, sans y tre tenues.

    Faute de logement, elles doivent verser une indemnit de logement (cf. ordonnance du 7 aot

    1842).

    17 Cf. Avis du Conseil dtat du 27 aot 1948 sur la situation des fonctionnaires du cadre local au regard de la lgislation de la scurit sociale : Considrant que les ministres du culte en exercice en Alsace et en Lorraine, rgis par la loi du 18

    germinal an X et la loi locale du 15 novembre 1909 et jouissant, aux termes de cette dernire loi, dun statut qui se rfre en gnral aux dispositions du statut local des fonctionnaires dAlsace et de Lorraine, nont pas toutefois la qualit de fonctionnaires au sens de larticle 1er de la loi du 19 octobre 1946 et quen ltat actuel de la lgislation, les dispositions du dcret du 31 dcembre 1946 ne peuvent leur tre applicables.

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    En 1970, il y avait 2400 ministres des cultes statutaires. Fin 2014, en comptabilisant

    galement les employs des secrtariats, le personnel rmunr par ltat slve 1397 personnes. Les dpenses de personnel du culte, prises en charge par ltat, slvent 57,5 millions deuros pour 2015 pour les trois dpartements18.

    2) Le statut des biens et des subventions

    Les lieux de culte, quils appartiennent une commune ou un tablissement public du culte, relvent du domaine public. ce titre, louverture dun nouveau lieu de culte requiert laccord exprs de ladministration. Cette prvalence du rgime de la domanialit publique se vrifie dans la situation des tablissements cultuels et des biens immobiliers et mobiliers y

    affrents, dans le rgime des presbytres ainsi que dans les rgles dentretien des difices cultuels qui incombent ltablissement public (mme si ceux-ci appartiennent aux communes).

    Ltablissement public doit faire face prioritairement ses dpenses de fonctionnement et dinvestissement. En cas de difficults financires, ltablissement doit apporter la municipalit tous les lments utiles pour connatre la situation financire et dcider dy participer. En cas dinsuffisance de ressources de ltablissement public du culte, la commune est tenue dintervenir. Une telle dpense constitue une dpense obligatoire pour la commune, aux termes de larticle L. 2543-3 du code gnral des collectivits territoriales.

    Lorganisation statutaire publique ne sapplique pas aux cultes non statutaires qui peuvent se constituer sous forme dassociations en application des articles 21 72-III du code civil local. Par ailleurs, la loi du 9 dcembre 1905 ne sappliquant pas, les cultes non reconnus bnficient galement de la possibilit, pour une collectivit publique, dintervenir financirement dans la construction ou lentretien dun lieu de culte leur usage, dune part, dans le respect de ses comptences et du principe de spcialit et, dautre part, dans le respect du principe dgalit et de lexistence dun intrt gnral suffisant. Sagissant plus particulirement du financement des lieux de cultes par les communes (garanties demprunt), celui-ci est galement fond sur larticle L. 2541-12 (10) du code gnral des collectivits territoriales disposant que le conseil municipal dlibre sur lallocation de subventions des fins dintrt gnral et de bienfaisance19.

    En matire fiscale, aux fins de supprimer les ingalits de traitement entre les associations

    objet cultuel de droit local et les associations cultuelles rgies par le titre IV de la loi du 9

    dcembre 1905, le lgislateur a ajout, en 1994, larticle 1382-4 du code gnral des impts, une disposition qui exonre de la taxe foncire sur les proprits bties les difices

    affects lexercice du culte qui, dans les dpartements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, appartiennent des associations ayant pour objet exclusif lexercice dun culte non reconnu .

    Le rgime particulier que connat lAlsace-Moselle en matire de financement public des cultes concerne galement les subventions relatives aux difices cultuels. Ltat intervient directement en sa qualit de propritaire ddifices diocsains et indirectement par loctroi davantages fiscaux aux difices cultuels de tous les cultes. Les communes connaissent des subventions obligatoires sagissant des cultes reconnus ; les collectivits territoriales peuvent contribuer, de manire facultative, aux dpenses affrentes aux difices cultuels de tous les

    cultes20, dans le respect du principe dgalit et de lexistence dun intrt gnral suffisant.

    18 Chiffres publics, loi de finances pour 2015. 19 Cf. circulaire du 29 juillet 2011, Ministre de lIntrieur, Bureau central des cultes. 20 Les cultes reconnus et non reconnus.

  • 10

    Lorganisation des cultes statutaires

    Si des points de convergence importants existent entre les quatre cultes reconnus, tels que,

    lexercice dune activit dintrt gnral, un systme de coopration entre les pouvoirs publics et les autorits religieuses, un soutien financier public, le contrle de ladministration, il existe des diffrences dorganisation dues la structure mme des cultes.

    1) Lorganisation du culte catholique

    LAlsace-Moselle compte deux vchs, celui de Strasbourg, rig en archevch par la bulle papale du 1er juin 1988 et celui de Metz.

    La paroisse est la cellule de base du culte catholique mme sil faut distinguer les paroisses curiales, au nombre de 175, des paroisses succursales animes par les desservants, au nombre

    de 1210. Le nombre et la comptence territoriale des succursales sont fixs par le prfet et

    lvque (cf. art. org. 61 et dcret imprial du 11 prairial an XII, 31 mai 1804). La cration dune cure ou dune succursale est soumise laccord du ministre de lIntrieur (art. org. 62). Dans la pratique, il nest cr une nouvelle paroisse que par la suppression dune autre du fait des contraintes budgtaires.

    La baisse du nombre de prtres a conduit les vques procder au dcoupage de leurs

    diocses en communauts de paroisses dans lesquelles plusieurs prtres sont nomms. Le

    culte catholique sorganise autour de lvque et du chapitre cathdral (non dot de la personnalit morale) et autour de la mense piscopale, les menses curiales, les menses

    capitulaires, les sminaires diocsains et les fabriques.

    2) Lorganisation des cultes protestants

    LAlsace-Moselle est compose de deux cultes protestants statutaires, le culte rform et le culte luthrien (lglise protestante rforme dAlsace et de Lorraine, et lglise de la confession dAugsbourg dAlsace et de Lorraine). Le systme appliqu dans lglise protestante rforme dAlsace et de Lorraine rside dans des assembles dmocratiquement lues, alors que lglise de la confession dAugsbourg est plus hirarchique. Ces deux cultes se sont rapprochs le 18 avril 2006 avec la cration de lUnion des glises Protestantes dAlsace et de Lorraine (UEPAL). Les communauts de base des cultes protestants, institues par larticle 1er du dcret du 26 mars 1852, sont les paroisses qui constituent des circonscriptions territoriales au sein desquelles ltat rmunre les pasteurs. On en compte 204 pour lglise de la confession dAugsbourg et 47 pour lglise protestante rforme dAlsace et de Lorraine. Elles sont cres par voie darrt du ministre de lIntrieur, la comptence de la modification de leurs limites territoriales tant dconcentre aux avis des

    conseils municipaux intresss (cf. dcret du 26 mars 1852, art. 1er

    ). Les consistoires sont les

    intermdiaires entre les organismes centraux et les paroisses. Ils sont au nombre de 5 pour

    lglise protestante rforme dAlsace et de Lorraine et au nombre de 33 pour lglise de la confession dAugsbourg. Lorganisation des autorits suprieures diffrent selon les deux cultes protestants. Ainsi, pour lglise de la confession dAugsbourg, il sagit dun directoire dont le Prsident est nomm par le Gouvernement. Ce directoire approuve les actes des

    conseils presbytraux notamment financiers et peut intervenir dans le fonctionnement desdits

    conseils. Concernant lglise protestante rforme dAlsace et de Lorraine, il existe un synode et un conseil synodal, qui dlibrent sur les matires touchant la vie de lglise, selon larticle organique 1-5 et la loi locale du 21 juin 1905 : Le synode connat de toutes les affaires de cette glise, notamment le maintien de la discipline et lapprobation des rglements intrieurs.

  • 11

    3) Lorganisation du culte isralite

    Chaque dpartement est divis en ressorts rabbiniques pourvus de synagogues particulires

    desservies par des rabbins. Ces circonscriptions sont cres avec lautorisation du ministre de lIntrieur aprs avis du consistoire local et des communes intresses (cf. art. L.2541-14-1 du code gnral des collectivits territoriales) ou du prfet (ordonnance royale de 1844, art. 60).

    La dcision de suppression de ces circonscriptions relve de lapprciation de lautorit administrative qui doit veiller ladquation des circonscriptions aux besoins du culte, sur laquelle le juge administratif exerce un contrle restreint.

    Le consistoire dpartemental, qui a la qualit d tablissement public du culte , est compos du grand rabbin et de six membres lacs lus pour huit ans (art. org. 14). Si en pratique la

    nomination relve des membres du consistoire, celle-ci est soumise laccord du Premier ministre sur proposition du ministre de lIntrieur et aprs avis du prfet concern. Ltat rmunre un secrtaire dans chaque consistoire.

    Ces trois points rappellent que le droit local des cultes confre diffrents pouvoirs aux

    autorits de ltat. Nanmoins, plusieurs des reprsentants auditionns pas lObservatoire de la lacit

    21 ont indiqu que cela ne pouvait tre interprt comme une intervention

    significative dans le fonctionnement des quatre cultes reconnus qui compromettrait gravement

    le libre exercice du culte. Notamment, les mesures de dissolution dassembles dlibrantes des tablissements publics du culte, ainsi que celles relatives la discipline des personnels du

    culte, seraient extrmement rares et interviennent sous le contrle du juge administratif. La

    tutelle exerce par les autorits de ltat se limiterait, sagissant des dcisions relatives au personnel, au contrle de la rgularit de ces dcisions au regard des dispositions de forme

    (procdure suivre) ou de fond (conditions remplir) dictes par la lgislation sur les cultes

    ou le droit gnral applicable aux agents publics. Quant aux dcisions relatives aux autorits

    suprieures des cultes (les nominations), elles seraient purement formelles, ltat avalisant les propositions faites par les instances comptentes des cultes.

    Le rgime des cultes dAlsace-Moselle et la socit civile

    1) Le rgime scolaire local

    LAlsace et la Moselle tant allemandes lors de ladoption des lois Ferry de 1881 et 1882, la loi Falloux du 15 mars 1850 (art. 23 et 36), qui prvoit que lenseignement primaire comprend linstruction religieuse, continue sappliquer dans ces dpartements. Larticle 10 A de lordonnance du 10 juillet 1873 du Chancelier dEmpire modifie par lordonnance du 16 novembre 1887 du Reichsstatthalter

    22, selon lequel dans toutes les coles, lenseignement et lducation doivent tendre dvelopper la religion, continue galement dtre appliqu. Dans sa dcision Syndicat national des enseignants du second degr du 6 avril 2001, le

    Conseil dtat a ainsi jug que lobligation dassurer un enseignement religieux dans toutes les coles et les tablissements denseignement du second degr (de ces territoires concerns) constituait une rgle de valeur lgislative. Il a prcis cette occasion que lobligation en cause est celle, pour les pouvoirs publics, dorganiser un enseignement de la religion, pour chacun des quatre cultes reconnus en Alsace-Moselle , et non lobligation pour les lves de suivre cet enseignement. Lobligation dorganiser un enseignement religieux lcole publique a t codifie larticle D. 481-2 du code de lducation selon lequel La dure hebdomadaire de la scolarit des lves dans les coles lmentaires () comprend 21 Cf. en annexes les auditions du 25 novembre 2014 ; du mardi 20 janvier 2015 ; du jeudi 19 mars 2015 ; et du mardi 10

    fvrier 2015. 22 Le Reichsstatthalter tait charg dadministrer lAlsace-Moselle au sein de lEmpire allemand partir de 1879.

  • 12

    obligatoirement une heure denseignement religieux. Une facult de dispense dans le premier degr est prvue larticle D. 481-5 du code de lducation. Dans le second degr, cette facult existe galement mais elle nest pas codifie ; elle est organise par voie de circulaire.

    Lenseignement religieux est enseign raison dune heure de cours par semaine dans le primaire et dans le secondaire

    23. Dans lenseignement primaire, cette heure denseignement

    religieux tant comprise dans la dure hebdomadaire de la scolarit fixe vingt-quatre

    heures sur lensemble du territoire, les lves se voient donc privs dune heure denseignement gnral par rapport aux lves du reste du territoire. Cet enseignement religieux est assur soit par des enseignants volontaires, soit par un ministre du culte ou dans

    la plupart des cas par une personne qualifie propose par lautorit religieuse et rmunre par des indemnits horaires.

    Selon le professeur Francis Messner, auditionn devant lObservatoire de la lacit le 24 novembre 2014

    24, il y aurait pour lacadmie de Strasbourg 843 ministres du culte et

    intervenants de religion, dont 668 pour la religion catholique, 172 pour la religion

    protestante et 3 pour la religion juive 25

    .

    Le taux de participation lenseignement religieux a largement baiss ces dernires annes. M. Jean-Marie Gillig, prsident du cercle Jean Mac du Bas-Rhin rappelle que les chiffres

    actuels font tat de 27,6% de participation cet enseignement pour 72,4% de dispenss pour

    la ville de Strasbourg, et de 36,2% de participation pour 63,8% de dispenss au niveau de la

    communaut urbaine de Strasbourg regroupant 28 communes. Le collectif lacit daccord note une nette augmentation des lves dispenss de lenseignement religieux au collge et au lyce. En 2010, si 63% des lves suivaient lenseignement religieux lcole primaire, ils ntaient plus que 30% au collge et 14% au lyce26.

    Au nom de la libert de conscience, les parents dlves ont en effet la facult de dispenser leurs enfants de cet enseignement. Dans ce cas, cette heure est dans lenseignement primaire remplace par une heure denseignement moral, tandis que, dans lenseignement secondaire, aucun enseignement de substitution nest prvu.

    Il semble de plus en plus courant pour les lyces dinstaurer un cours dveil culturel et religieux qui constitue une modalit particulire de lenseignement caractre confessionnel et qui, ce titre, reste optionnel.

    Pour lensemble du second degr, les effectifs sont en baisse, puisque pour lanne scolaire 2013-2014, seuls 21% des lves ont suivi ces cours, alors quils taient 23,20% pour lanne 2012-2013.

    Les auditions menes par lObservatoire de la lacit ont rvl que la pratique concernant les dispenses tait fluctuante

    27, certains tablissements demandant lors de linscription de

    23 Si larticle D.481-2 du code de lducation prvoit la possibilit, pour le recteur dacadmie, de porter vingt-cinq heures, dont deux heures denseignement religieux, la dure hebdomadaire de la scolarit des lves des trois dernires annes des coles lmentaires dAlsace-Moselle, cette facult nest jamais mise en uvre et est tombe en dsutude. 24 Cf. en annexes laudition du 25 novembre 2014 devant lObservatoire de la lacit de M. Francis Messner. 25 Chiffres confirms par le ministre de lducation nationale, de lEnseignement suprieur et de la Recherche. 26 Cf. auditions en annexes, du mardi 16 dcembre 2014. 27 Auditions (cf. en annexes) de MM. Guy Robillart, Marc Boute, du Cercle Jean Mac du Bas-Rhin ; de M. Michel Seelig du

    Cercle Jean Mac de Moselle, de Mme Franoise Olivier-Utard et de M. douard Brzin, de lUnion rationaliste ; de M. David Gozlan, secrtaire gnral de la fdration nationale de la libre pense ; du mardi 10 fvrier 2015 de MM. Gilles

    Pcout et Jacques-Pierre Goujeon, recteurs des acadmies de Nancy-Metz et de Strasbourg.

  • 13

    simplement formuler son choix par le biais dune fiche et de cases cocher et dautres demandant une dispense rdige et formelle, en plus du choix formul.

    galement, certains parents dlves se sont vu refuser un changement de choix en cours danne. Dautres ont t destinataires de courriers manant de responsables religieux les incitant ne pas dispenser leurs enfants denseignement religieux28.

    Ces auditions ont rvl par ailleurs une diffrence entre les pratiques les plus courantes en

    Alsace et celles en Moselle29

    .

    2) Les universits publiques de thologie

    Les universits publiques de thologie sont prvues par les textes organiques de la loi du 18

    germinal an X. La loi organique de 1919 maintient les deux facults de thologie (catholique

    et protestante) et le dcret du 30 mai 1924 confirme le caractre d tablissement public de ces deux facults. Durant la seconde guerre mondiale, ces facults de thologie sont

    supprimes en 1940 par le IIIme

    Reich et les professeurs et les tudiants se replient

    Clermont-Ferrand. Elles sont aujourdhui intgres au sein de luniversit de Strasbourg.

    La facult de thologie catholique trouve son fondement juridique dans la convention conclue

    entre le Saint-Sige et le gouvernement allemand le 5 novembre 1902, confirme par un

    change de lettres entre le gouvernement franais et le Saint-Sige le 17 novembre 1923.

    Aujourdhui il sagit dun institut rattach luniversit de Strasbourg qui forme des tudiants de la licence au doctorat.

    La facult de thologie protestante est cre en 1538 par le conseil de la ville de Strasbourg,

    leve en 1566 par privilge imprial au rang dune acadmie. Elle disparait sous la Terreur, mais est ractive par le dcret du 30 floral an XI (20 mai 1803) instituant lacadmie des protestants de la confession dAugsbourg. Aujourdhui, elle a pris la forme dun institut rattach luniversit de Strasbourg qui forme des tudiants de la licence au doctorat. Les liens de la facult de thologie protestante de lUniversit de Strasbourg avec lUnion des glises protestantes dAlsace et de Lorraine ne sont plus depuis 2006 rgis par des textes juridiques mais par un systme de courtoisie. La facult de thologie protestante de

    Strasbourg relve du seul droit universitaire.

    Comme le rappelle le professeur Francis Messner30

    , aprs une premire rflexion loccasion de lapplication de la loi Faure du 12 novembre 1968 sur lorientation de lenseignement suprieur, lhypothse de la cration dune facult de thologie musulmane a t de nouveau dactualit au sein de luniversit des sciences humaines de Strasbourg (USHS) dans les annes 1980 puis en 1996, date laquelle le prsident de lUSHS Albert Hamm a demand au professeur tienne Trocm

    31 de rdiger un rapport au sujet du dveloppement des sciences

    des religions lUSHS. Il sagissait lpoque essentiellement de former des savants et thologiens universitaires qui jouiraient, selon M. Trocm, dune grande autorit au sein des communauts et fdrations musulmanes de France. Lide de linstauration dun

    28 Cf. en annexes les auditions du 16 dcembre 2014 de lunion rationaliste, de la fdration nationale de la libre pense, du cercle Jean Mac dAlsace, du cercle Jean Mac de Moselle et du collectif lacit daccord . 29 Cf. en annexes laudition de M. Jean-Marie Gillig, Prsident du Cercle Jean Mac dAlsace, du 16 dcembre 2014, et laudition de MM. Gilles Pcout et Jacques-Pierre Goujeon, recteurs des acadmies de Nancy-Metz et de Strasbourg du mardi 10 fvrier 2015. 30 Cf. en annexes laudition du professeur Francis Messner du 25 novembre 2014 ainsi que son rapport remis au ministre de lIntrieur et la secrtaire dtat lEnseignement suprieur et la Recherche sur la formation des cadres religieux musulmans. 31 Ancien prsident de lUSHS et ancien doyen de la facult de thologie protestante.

  • 14

    dpartement de formation pratique des imams est carte. Etienne Trocm promeut de fait

    lhypothse dune formation non directement confessionnelle. La cration dune formation en islamologie a finalement t porte par lUniversit de Strasbourg qui, suite une habilitation par le ministre de lEnseignement suprieur, compte depuis la rentre 2009 un master dIslamologie 1 et 2 dans son offre de formation. Une licence 3 en islamologie a t galement habilite. Les enseignants du master dispensent des cours dhistoire de lislam, de civilisation arabo-musulmane, de lecture hermneutique des sources, de droit musulman, de

    sciences sociales des religions, dhistoire des religions, de langues, de finance islamique et des enseignements sur les courants de pense dans lIslam. Cette formation est scientifique, universitaire et non confessionnelle. Elle a pour objectif de former des professionnels et des

    acteurs sociaux, culturels, cultuels et conomiques, des cadres intellectuels de lIslam, ainsi que des chercheurs et des enseignants-chercheurs.

    3) Le dlit de blasphme

    Les articles 166 (relatif aux blasphmes, injures ou outrages) et 167 (relatif aux entraves au

    libre exercice du culte) du code pnal allemand du 15 mai 1871 sont repris de-facto dans le

    droit local. Ils punissent le blasphme et lentrave aux cultes.

    Larticle 166, non traduit officiellement en langue franaise, pourrait tre traduit comme suit : Celui qui aura caus un scandale en blasphmant publiquement contre Dieu par des propos

    outrageants, ou aura publiquement outrag un des cultes chrtiens ou une communaut

    religieuse tablie sur le territoire de la Confdration et reconnus comme corporation, ou les

    institutions ou crmonies de ces cultes ou qui, dans une glise ou un autre lieu consacr

    des assembles religieuses, aura commis des actes injurieux et scandaleux, sera puni dun emprisonnement de trois ans au plus. Cet article na pas servi de fondement une condamnation pour blasphme depuis le retour de lAlsace-Moselle au sein de la Rpublique franaise

    32. Il apparait que sa survivance nemporte pas deffet de droit, puisquil ne fait pas

    partie des dispositions ayant t expressment traduites afin dtre introduit dans le droit interne par le dcret du 27 aot 2013 portant publication de la traduction de lois et rglements

    locaux maintenus en vigueur par les lois du 1er juin 1924 dans les dpartements du Bas-Rhin,

    du Haut-Rhin et de la Moselle.

    Larticle 167 a quant lui t traduit en franais par le dcret prcit et dispose que : Celui qui, par voies de fait ou menaces, empche une personne dexercer le culte dune communaut religieuse tablie dans ltat, ou qui, dans une glise ou dans un autre lieu destin des assembles religieuses, empche ou trouble par tapage ou dsordre,

    volontairement, le culte ou certaines crmonies du culte dune communaut religieuse tablie dans ltat, est passible dun emprisonnement de trois ans au plus. Ce dernier incrimine donc le trouble lexercice du culte, comme le fait dj larticle 32 de la loi du 9 dcembre 1905, selon lequel : Seront punis [de la peine damende prvue pour les contraventions de la 5me classe et dun emprisonnement de six deux mois, ou de lune de ces deux peines] ceux qui auront empch, retard ou interrompu les exercices dun culte par des troubles ou dsordres causs dans le local servant ces exercices . Cependant,

    lObservatoire de la lacit souligne ici la diffrence de peine prvue pour des faits similaires par ces deux textes de loi : le trouble lexercice du culte est un dlit en Alsace-Moselle

    32 Cette disposition a trouv application en 1954, lorsque le tribunal correctionnel de Strasbourg a condamn sur le double

    fondement des articles 166 et 167 du code pnal local des perturbateurs dun office religieux la cathdrale de Strasbourg. Mais cette dcision na t que partiellement confirme en appel, seule lincrimination relative au trouble l'exercice d'un culte prvu l'article 167 et non 166 du code pnal local ayant t retenue (Cour dappel de Colmar, 19 novembre 1954, Pferdzer et Sobezac).

  • 15

    passible dune peine demprisonnement, quand il constitue une simple contravention sur le reste du territoire.

    5. La question de la suppression du droit local

    Les dcisions prcites du Conseil constitutionnel du 5 aot 2011 et du 21 fvrier 2013

    rappellent la possibilit de maintenir le rgime drogatoire en vigueur en Alsace-Moselle,

    mais ninterdisent pas au lgislateur de le modifier dans le but dune convergence avec le droit commun, ni mme de le supprimer. Cependant, les auditions menes par lObservatoire de la lacit ont rappel lattachement de la grande majorit des populations concernes aux particularits du droit local, dont le rgime concordataire, pour des raisons autant pratiques,

    quidentitaires, historiques et religieuses. LObservatoire prend en compte les tmoignages concordants sur cet attachement, tout en proposant, ce stade, des volutions dans le sens

    dune application plus large du principe de lacit en Alsace-Moselle (cf. point n7).

    6. La question de lextension du rgime local des cultes

    La jurisprudence et la doctrine concluent que ce rgime est drogatoire et ne peut qutre restreint et non largi. LObservatoire de la lacit rappelle en effet que toute extension dautres cultes serait contraire au principe constitutionnel de lacit, mme si lapplication de ce rgime, plus favorable en Alsace-Moselle pour certains cultes seulement (les cultes

    statutaires), peut tre drogatoire au principe dgalit devant la loi. cet gard, lObservatoire de la lacit rappelle que, lors de laudition du 6 janvier 2015, Abdelhaq Nabaoui, vice-prsident du Conseil Rgional du Culte Musulman (CRCM), a dclar : le

    culte musulman souhaite le maintien de ce rgime. Je le raffirme, nous ne souhaitons pas

    tre utiliss comme prtexte sa suppression .

    7. Recommandations de lObservatoire de la lacit

    Abroger le dlit de blasphme issu du droit local

    LObservatoire de la lacit prconise labrogation de larticle 166, relatif au blasphme, du code pnal allemand du 15 mai 1871 repris dans le droit local

    33.

    Aligner la peine prvue pour un trouble lexercice dun culte sur la loi du 9 dcembre 1905 LObservatoire de la lacit recommande de modifier larticle 167 du code pnal

    allemand du 15 mai 1871 repris dans le droit local, afin que la peine prvue soit celle

    dfinie par les articles 31 et 32 de la loi du 9 dcembre 1905.

    Inverser les modalits du choix pour lenseignement religieux LObservatoire de la lacit rappelle que lobligation dorganiser lenseignement

    religieux pse sur ltat. Elle nest pas une obligation pour les lves de le suivre. Alors quaujourdhui les reprsentants lgaux des lves qui ne veulent pas suivre lenseignement religieux doivent demander une dispense, lObservatoire de la lacit recommande que dsormais llve ou son reprsentant lgal, en dbut danne scolaire,

    33 LObservatoire rappelle que, le 6 janvier 2015, les reprsentants des cultes catholique, protestants, juif et musulman dAlsace-Moselle ont propos lors dune audition commune devant lObservatoire de la lacit dabroger la lgislation locale relative au blasphme.

  • 16

    exprime le choix de suivre lenseignement religieux pour lanne.

    Assurer la possibilit pour tout lve de modifier son choix concernant lenseignement religieux au cours de sa scolarit

    LObservatoire de la lacit recommande la rdaction dune circulaire rectorale prcisant la possibilit pour tout lve de modifier son choix denseignement au cours de sa scolarit sur simple demande de son reprsentant lgal.

    Placer lenseignement religieux en supplment du temps de lenseignement scolaire commun LObservatoire de la lacit recommande une modification de larticle D. 481-2 du code

    de lducation afin de ne pas priver les lves des coles primaires dAlsace-Moselle dune heure denseignement hebdomadaire par rapport aux lves du mme degr denseignement scolariss dans le reste du territoire franais. Il est galement propos de supprimer le second alina de larticle D. 481-2, qui prvoit la possibilit, pour le recteur dacadmie, de porter vingt-cinq heures, dont deux heures denseignement religieux, la dure hebdomadaire de la scolarit des lves des trois dernires annes des coles

    lmentaires dAlsace-Moselle, ds lors que cette facult nest en pratique jamais mise en uvre et est tombe en dsutude.

    Supprimer lobligation de recevoir un complment denseignement moral pour les lves ne suivant pas lenseignement religieux la suite de linstauration de lenseignement moral

    et civique dans les programmes nationaux

    Compte tenu de linstauration, compter de la rentre 2015, de lenseignement moral et civique dans les programmes prvue par la loi dorientation et de programmation pour la refondation de lcole de la Rpublique du 8 juillet 2013, lObservatoire de la lacit recommande la suppression de lobligation faite aux lves de lenseignement primaire ne suivant pas lenseignement religieux de recevoir, aux lieu et place de lenseignement religieux, un complment denseignement moral (article D. 481-6 du code de lducation).

    Raliser un manuel pratique du droit local (non-cultuel et cultuel)

    Constatant une mconnaissance importante de lensemble du droit local, lObservatoire de la lacit est favorable la ralisation dun manuel pratique du droit local, tel que suggr par le groupe de travail du professeur Francis Messner.

    Simplifier les relations administratives entre les pouvoirs publics et les cultes

    LObservatoire de la lacit soutient toute simplification des relations administratives entre les pouvoirs publics et les cultes.

    Simplifier les conditions de gestion des fabriques

    LObservatoire de la lacit recommande de simplifier les conditions de gestion des fabriques , par linstauration dun rglement intrieur qui serait approuv par ladministration.

    Regrouper les cartes de circonscriptions et dconcentrer au niveau des prfets

    LObservatoire de la lacit se dclare favorable ce que, dans un souci de rationalisation, certaines cartes des circonscriptions soient regroupes, et plus

    gnralement que les crations ou suppressions de circonscriptions soient dconcentrs

    au profit des prfets de dpartement, ce qui relve actuellement de la comptence du

    ministre de lIntrieur.

  • 17

    Avis adopt par lObservatoire de la lacit le mardi 12 mai 2015.

    Annexe

    Liste des personnes auditionnes par lObservatoire de la lacit :

    1. Audition, le 25 novembre 2014, de M. le professeur Francis Messner, missionn par linstitut

    du droit local (IDL) en tant que prsident dun groupe de travail sur les cultes et

    lenseignement religieux.

    2. Audition, le 25 novembre 2014, de M. Thomas Andrieux, Directeur des liberts publiques et

    des affaires juridiques au secrtariat gnral du ministre de lIntrieur.

    3. Audition, le 16 dcembre 2014, des associations dAlsace-Moselle suivantes :

    - Lunion rationaliste, reprsente par Mme Franoise Olivier-Utard et M. douard

    Brzin, prsident.

    - La fdration nationale de la libre pense, reprsente par M. David Gozlan,

    secrtaire gnral.

    - Le cercle Jean Mac dAlsace, reprsente par M. Jean-Marie Gillig, M. Marc Boute

    et M. Guy Robillart.

    - Le cercle Jean Mac de Moselle, reprsent par M. Michel Seelig.

    - Le collectif Lacit daccord, reprsent par M. Bernard Anclin et M. Claude Holle.

    4. Audition, le 6 janvier 2015, des reprsentants des principaux cultes dAlsace-Moselle :

    - M. Jean-Pierre Grallet, archevque de Strasbourg et M. Bernard Xibaut, chancelier de

    larchevch.

    - M. Christian Albecker, prsident de lUnion des glises Protestants dAlsace et de

    Lorraine (UEPAL) et M. Christian Krieger, vice-prsident de lUEPAL.

    - M. Ren Gutmann, grand rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin.

    - M. Abdelhaq Nabaoui, vice-prsident du Conseil Rgional du Culte Musulman

    (CRCM).

    5. Audition, le 20 janvier 2015, de M. Armand Jung, prsident de la Commission du droit local

    dAlsace-Moselle (CDLAM).

    6. Audition, le 10 fvrier 2015, des recteurs des acadmies de Strasbourg et de Nancy-Metz :

    - M. Jacques-Pierre Gougeon, Recteur de lacadmie de Strasbourg

    - M. Gilles Pcout, Recteur de l'acadmie de Nancy-Metz

    7. Audition, le 19 mars 2015, de M. Philippe Richert, prsident de la Rgion Alsace.

    Observatoire de la lacit

    Htel de Broglie - 35, rue Saint-Dominique 75007 Paris Tl. : 01 42 75 78 46 Ml : [email protected] Site Internet : www.laicite.gouv.fr