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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Auto-saisine n°45/2020

Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte

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Auto-saisine n°45/2020

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Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte

Conformément à l’article 6 de la loi organique n°128-12 relative à son organisation et à son fonctionnement, le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) s’est autosaisi aux fins de produire un avis sur la transition énergétique.

A cet égard, le Bureau du Conseil a confié à la Commission chargée de l’environnement et du développement durable l›élaboration dudit avis.

Lors d’une session extraordinaire, tenue le 16 juin 2020, l’Assemblée Générale du CESE a adopté à l’unanimité absolue des votants l’avis intitulé « Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte » .

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Liste des abréviations

AMEE : Agence Marocaine pour l’Efficacité Energétique

ANRE : L’Autorité de Nationale de Régulation de l’Electricité

CESE : Conseil économique, Social et Environnemental

CSP : Concentrating Solar Power

DEPP : Direction des Entreprises Publiques et de la Privatisation

EnR : Energies renouvelables

EWEC: Emirates Water and Electricity Company

GME : Gazoduc Maghreb Europe

GN(L) : Gaz naturel liquéfié

GPL : Gaz de pétrole liquéfié

GRD : Gestionnaire du réseau de distribution

GRT : Gestionnaire du réseau de transport

HT : Haute tension

IPP : Independant power producer

IRESEN : Institut de Recherche en Energie Solaire et Energies nouvelles

MASEN : Moroccan Agency for Sustainable Energy

MENA : Middle East and North Africa

MT : Moyenne tension

PDR : Plans de développement régionaux

PDU : Plan de déplacements urbains

PERG : Programme d’électrification rurale global

PFA : Projet de Fin d’Année

PFE : Projet de Fin d’Etudes

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PPA : Power Purchase Agreement

PPP : Partenariats publics privés

PtX : Power To X

PV : Photovoltaïque

SCP : Société Chérifienne des Pétroles

SIE : Société d’Investissement Energétique

THT : Très haute tension

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Synthèse

La vision de Sa Majesté de positionner le Maroc à l’avant-garde de la transition énergétique mondiale, qui a notamment donné lieu en 2009 aux plans solaire et éolien marocains, a placé notre pays sur une trajectoire nouvelle susceptible d’amener des bénéfices économiques sociaux et environnementaux considérables. La COP22 organisée à Marrakech en 2016 a consacré le leadership du Maroc dans ce domaine.

L’expertise acquise par les marocains depuis le lancement de la stratégie de 2009 ainsi que l’évolution technologique qui a connu des ruptures fondamentales au cours des 4 dernières années créent une donne nouvelle. En effet, les coûts des énergies renouvelables sont désormais les plus compétitifs. Les derniers appels d’offres éoliens au Maroc en 2015 ont été adjugés à 0,30 DH/kWh tandis que, dans le domaine du photovoltaïque, le dernier appel d’offre dans la région Moyen-Orient a été attribué à un tarif équivalent à 0,13 DH/kWh dans des conditions similaires à celles de notre pays.

Il s’agit de chiffres qui étaient complètement inenvisageables auparavant, qui amènent un changement profond de paradigme et qui appellent à accélérer la concrétisation de la Vision de Sa Majesté avec une approche d’implémentation rénovée. L’énergie peut ainsi devenir le déclencheur d’une nouvelle émergence verte du Maroc.

Le potentiel énergétique marocain en énergies renouvelables, désormais plus compétitif, est en effet remarquable. Il représente virtuellement une capacité de production équivalente au gaz et au pétrole du Nigéria ou du Venezuela. L’exploitation de ce gisement, permettrait de réduire fortement notre dépendance énergétique, d’améliorer le pouvoir d’achat des citoyens, la compétitivité de nos industries et les comptes publics mais aussi de consolider le positionnement international de notre pays.

Le Maroc peut, en effet, dans un proche avenir, jouer un rôle fondamental pour l’approvisionnement de l’Europe en énergie verte via l’électricité ou l’hydrogène, redessinant ainsi les équilibres géopolitiques de notre région. Les nouveaux engagements européens de neutralité carbone en 2050, formalisés dans le Green New Deal, ouvrent cette opportunité. Une étude allemande a récemment classé le Maroc parmi les 5 meilleurs pays au monde pour le développement d’un tel partenariat énergétique.

Pour toutes les raisons énumérées ci-haut, le CESE s’est autosaisi de cette question de la transition énergétique en septembre 2019. Le Conseil a choisi de le faire de manière prospective pour construire des scenarii à horizon 2030, 2040 et 2050 et explorer ainsi les options stratégiques à adopter dès aujourd’hui.

Pour cela, le Conseil s’est entouré d’experts nationaux du secteur, et a auditionné 63 spécialistes du secteur et parties prenantes dont notamment les départements ministériels et parties prenantes concernées comme MASEN, l’ONEE, l’IRESEN, l’AMEE, l’OCP et la CGEM.

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Le CESE est arrivé à un consensus fort au niveau de ses composantes, représentants des organisations patronales, des syndicats et de la société civile, sur le fait que le Maroc devrait œuvrer à la mise en place d’une stratégie renouvelée pour la transition énergétique au bénéfice de ses citoyens.

Les bénéfices potentiels sont très significatifs. Le Maroc peut passer d’une dépendance énergétique de près de 88% aujourd’hui à 35% en 2040 et moins de 17% en 2050. En parallèle, le coût moyen de l’électricité sur le réseau pourrait baisser de 0,79 DH/kWh aujourd’hui à 0,61 DH/kWh en 2040 et 0,48 DH/kWh en 2050.

Afin d’atteindre ces bénéfices, la modélisation prospective montre la nécessité de se lancer dans une stratégie qui considère la transformation énergétique dans son ensemble au-delà de l’électricité et au-delà des usages classiques. Il convient pour cela de :

■ Consacrer quasi-exclusivement les capacités électriques à venir aux sources renouvelables et au stockage (STEP, batteries et technologies en cours de développement) ;

■ Maximiser la production électrique décentralisée au niveau des foyers, des industries, des communes, des exploitations agricoles, des coopératives, etc. ;

■ Transformer progressivement la mobilité qui représente 40% de la consommation énergétique totale actuelle pour maximiser le recours au transport en commun durable et aux voitures électriques ;

■ Mettre en œuvre une politique coordonnée pour l’efficacité énergétique ;

■ Investir dans le dessalement par les énergies renouvelables dont le coût connait également un trend baissier pour adresser, en partie, la problématique du stress hydrique ;

■ S’arrimer à la révolution hydrogène (Power-to-X) dans laquelle les avantages comparatifs du Maroc sont considérables.

Pour y arriver, le CESE recommande notamment, d’adopter les principes suivants pour la mise en place de cette stratégie renouvelée :

■ La considérer de manière holistique pour tirer profit de toutes les synergies entre les initiatives listées précédemment ;

■ S’accompagner d’une refonte du cadre juridique et de la gouvernance pour s’adapter aux évolutions du secteur et d’une reconfiguration des politiques publiques qui touchent à l’énergie en traitant de manière coordonnée et intégrée, plusieurs politiques connexes, actuellement, pensées et élaborées en silos ;

■ Donner une plus grande place à l’initiative privée à toutes les échelles en s’assurant de la sécurité d’approvisionnement globale ;

■ Reposer sur une adhésion citoyenne élargie avec l’implication des citoyens et des territoires pour créer la mobilisation et lier la transition énergétique aux enjeux du développement local.

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Sur ce dernier point, au niveau national, le CESE recommande de mettre en place une charte de la transition énergétique telle que contenue dans la Lettre Royale adressée aux premières Assises nationales de l’énergie, en mars 2009.

Au niveau continental, le CESE recommande un engagement marocain pour l’électrification de l’Afrique ainsi que la mise en place des infrastructures pour l’échange d’électricité propre avec l’Afrique de l’Ouest, en particulier.

Au niveau international, le Maroc a les atouts pour prendre une place dans la nouvelle économie verte et notamment la filière hydrogène. Ceci peut se concrétiser par la mise en place d’un nouveau partenariat énergétique entre le Maroc et l’Europe incluant les dimensions de transfert technologique, de recherche et développement et de développement industriel.

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Introduction

L’énergie n’est pas un sujet nouveau dans le débat public au Maroc. Elle a fait l’objet de nombreuses réformes avant et après l’indépendance. La quasi-absence de ressources fossiles nationales a toujours obligé notre pays à faire preuve de créativité et d’audace pour adresser une question qui était le plus souvent synonyme de risques d’approvisionnement, de coûts imprévisibles et de déficit permanent de la balance des paiements.

Le Maroc a toujours maintenu une consommation globalement en phase avec son niveau de développement. Le mix énergétique est ainsi dominé par les hydrocarbures (52% en 2019) essentiellement destiné au transport et le charbon (33% en 2019) destiné à la production d’électricité.

La stratégie de 2009, qui est encore le cadre d’action actuel, avait constitué une rupture dans la mesure où elle apportait une ambition de leadership dans le domaine des énergies renouvelables (EnR). La volonté du Maroc, dans le cadre de cette stratégie, est en effet de porter la part des énergies renouvelables dans la puissance installée à 42% en 2020 et à 52% en 2030. Cette stratégie s’appuyait sur :

■ Cinq orientations stratégiques : (i) un mix diversifié et optimisé autour de choix technologiques fiables et compétitifs, (ii) la mobilisation des ressources nationales par la montée en puissance des énergies renouvelables, (iii) l’efficacité énergétique érigée en priorité nationale, (iv) le renforcement de l’intégration régionale, et (v) le développement durable.

■ Quatre objectifs fondamentaux : (i) la généralisation de l’accès à l’énergie à des prix compétitifs, (ii) la sécurité d’approvisionnement et la disponibilité de l’énergie, (iii) la maitrise de la demande, et (iv) la préservation de l’environnement.

Pour le Conseil Economique Social et Environnemental, il est apparu clairement que la stratégie énergétique devait non seulement être revisitée (opération tout à fait naturelle dans le cycle de vie d’une stratégie ou d’une politique publique au bout de 11ans) mais aussi être sous- tendue par une approche rénovée.

La nouvelle stratégie se doit en effet d’inscrire le citoyen au centre de toute son approche en mettant l’accent sur les questions de pouvoir d’achat, d’opportunités économiques et technologiques, de création d’emplois, de réduction des inégalités, de protection de l’environnement, etc. En phase avec l’évolution du cadre d’action mondial, la question énergétique doit donc être plus générale et devenir celle de la transition énergétique au service des objectifs de développement durable.

Cela signifie d’abord que la nouvelle stratégie se doit de dépasser dans sa conception une vision en silos devenue quasiment la norme au Maroc. Le CESE a souvent attiré l’attention sur le manque de cohérence des politiques sectorielles et l’impact néfaste que cela peut avoir sur le développement du pays. Ainsi, compte tenu des évolutions technologiques majeures qu’a connues le secteur énergétique au cours des dernières années, le travail du CESE démontre

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qu’une stratégie pour l’énergie qui n’intégrerait pas notamment la mobilité, l’eau, l’hydrogène, les industries énergivores et les molécules vertes serait destructrice de valeur. Ce nexus indispensable doit être pensé à court, moyen et long terme.

La rénovation de la stratégie signifie enfin de ne plus considérer la consommation d’énergie comme un simple ingrédient de la croissance, mais comme le véritable déclencheur d’une nouvelle émergence verte du Maroc.

Le présent avis a été mené selon une approche participative impliquant l’ensemble des parties prenantes Il s’est également appuyé sur un benchmark approfondi et une modélisation prospective réalisée par une expertise externe1. Il propose les fondamentaux qui devraient soutenir la mise en place d’une nouvelle stratégie sous l’angle de la transition énergétique, c’est-à-dire la mutation responsable des modes de production et de consommation d’énergie ainsi que des externalités socioéconomiques et environnementales de cette mutation. Il apporte enfin des recommandations pour leur mise en œuvre.

Des scenarii ont été réalisés à horizon 2030, 2040 et 2050 pour clarifier les grandes orientations, quantifier les tendances et fournir des bases à de grandes décisions dont certaines sont à opérer dès aujourd’hui.

Le CESE a acquis la conviction que la transition énergétique, qui s’imposera à tous les pays à des horizons plus ou moins proches, est pour le Maroc une bénédiction portée par un gisement énergétique exceptionnel désormais économiquement viable.

1 - Pour la modélisation prospective, le CESE a mandaté le cabinet Capital Partners, constitué d’une équipe d’experts : M. Abdelaziz Houachmi, M. Abderrazak Alami Sounni et M. Badr Boutaleb, respectivement, spécialistes en électricité, en hydrocarbures et en modélisation.

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1 - En accélérant sa transition énergétique, le Maroc peut exploiter, au bénéfice de ses citoyens, un gisement énergétique exceptionnel désormais économiquement viable

1.1 - Le Maroc possède un potentiel d’énergie verte exceptionnel…

1.1.1. Au plan quantitatif : le potentiel est digne de grands pays producteurs

Le Maroc dispose d’un potentiel en énergies éolienne et solaire exceptionnel. Il est estimé à environ 500 TWh/an2 réparti entre l’éolien onshore (350 TWh) avec un taux de charge moyen de 5 000 heures et le solaire photovoltaïque PV (150 TWh) avec un taux de charge conservateur minimal de 2 500 heures. Un même potentiel au moins équivalent est disponible autour de l’éolien offshore.

De ce fait, l’exploitation de notre potentiel, projetterait notre pays parmi les grands pays producteurs énergétiques, devant le Venezuela et juste derrière le Nigéria, avec une production équivalente à 86 MTep annuel, soit environ 1,65 Millions de barils par jour.

Avec des ressources au moins cinq fois supérieures à sa demande énergétique (et pas seulement électrique) et considérant les perspectives des nouvelles sources à venir, le Royaume se prépare à renforcer sa position énergétique et entrevoit de grandes opportunités s’ouvrir à lui. Le Maroc a été identifié, en effet, dans plusieurs études, notamment celle du « World Energy Council et de Frontier Economics »3, comme un des pays dont le potentiel en énergies renouvelables est des plus compétitifs au Monde. Cela tient aussi bien à la taille de son gisement qu’à sa disponibilité.

1.1.2. Au plan qualitatif : la diversité de sources énergétiques offre une grande

disponibilité tout au long de l’année

La répartition géographique des sites aménageables sur le territoire national permet le lissage et le maintien relatif de la disponibilité de l’énergie sur le réseau.

2 - D’après les calculs de la modélisation : Le potentiel pour l’éolien, se situe entre Tiznit et Bir Guendouz, à 351 km au sud de Dakhla soit environ 1 500 km, et sur une bande côtière de 12 à 15 km de large, avec un taux d’occupation entre 20 et 30% selon les puissances et les performances des équipements. Pour le potentiel solaire, des hypothèses très conservatrices ont été fixées à 60 parcs de 1 GWh produisant 2,5 TWh, sur une superficie estimée à 600 km2. Ce potentiel pourrait aller jusqu’à 1 500 TWh au vu des vastes espaces éligibles et disponibles.

3 - Source “INTERNATIONAL ASPECTS OF A POWER-TO-X ROADMAP” étude du World Energy Council et de Frontier Economics

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Source : Masen

Le Maroc est en effet doté de 6 régimes de vents différents et complémentaires : le régime tangérois, le bassin d’Essaouira-Safi, le couloir de Taza, le Moyen Atlas, le bassin de l’Oriental et le bassin saharien. Le taux de disponibilité du vent est très élevé, avec des moyennes minimales de 50% et dépassant 60% dans certains sites. Par ailleurs, le Royaume se démarque par une qualité de vent exceptionnelle avec un vent régulier et d’intensité moyenne supérieure à 12 m/s. A noter qu’avec des éoliennes plus hautes, permettant de capturer un vent plus stable et réduisant le frottement au sol, les taux de disponibilité du vent seront encore meilleurs sur les prochaines années.

Concernant le solaire, le Maroc dispose d’un potentiel de 2 500 à 3 000 heures d’ensoleillement par an, soit en moyenne 8h15mn par jour. L’ensoleillement est réparti sur quasiment tout le territoire national et est encore plus intense sur le versant est de l’Atlas.

Cette excellente disponibilité complémentaire du vent et du solaire est une exception à l’échelle internationale et représente un atout indéniable pour marginaliser l’effet d’intermittence. Cette dernière notion, longtemps considérée comme frein au développement des énergies renouvelables, est de plus en plus rejetée, notamment grâce à la massification des sites en énergies renouvelables. En effet, le recours aux sites solaires et éoliens nombreux et répartis à l’échelle d’un territoire, permettent de lisser la production, d’empêcher les brutales variations et de préserver le système énergétique. En ce sens, les experts parlent désormais davantage de variabilité que d’intermittence des énergies renouvelables. Ceci est d’autant plus vrai que les « smart grids » (réseaux électriques intelligents), les solutions de stockage existantes et les évolutions technologiques à venir sont de nature à renforcer la maîtrise de la production électrique renouvelable.

Ainsi, le potentiel énergétique marocain, au travers de la synergie entre l’éolien et le solaire, pourra se concrétiser par une exploitation maximale des ressources énergétiques renouvelables et par un renforcement important de leur part dans le mix énergétique, tout en garantissant un système énergétique national, fort, résilient et économiquement viable.

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1.1.3. Sur le plan du coût de revient : le kWh PV et éolien au Maroc est parmi les

moins chers au monde

La production d’électricité à partir de l’énergie solaire a connu, à l’échelle internationale, une croissance exponentielle principalement grâce à une baisse des prix des modules photovoltaïques de plus de 80% en moins de dix ans. De même, l’énergie éolienne, encore marginale dix ans auparavant, a connu une progression considérable en raison de la baisse vertigineuse des coûts de revient.

Cette nouvelle donne économique positionne l’énergie solaire et éolienne comme étant, dorénavant, les énergies les plus compétitives au Monde.

Cette tendance mondiale se confirme aussi aujourd’hui dans la région MENA. En Egypte, les derniers prix de vente des projets solaires PV ont atteint les records de $0.02752/kWh pour Kom Ombo (200 MW).4 En Tunisie les prix ont atteint les $0.02534/kWh pour Tataouine PV (200 MW).5 En avril 2020, le record mondial a été décerné à la Société Nationale de l’eau et de l’électricité des Emirats Arabes Unis (EWEC) qui a signé un contrat de 1500 MW à $0.013533/kWh pour la centrale électrique de Al Dhafra à Abu Dhabi.6

Le Maroc s’inscrit pleinement dans cette tendance, à l’instar de ses voisins de la région MENA. Les prix de vente de l’éolien ont été divisés par deux entre 2012 et 2015. Le contrat de vente signé entre Nareva et l’ONEE en 2012 pour la centrale de Tarfaya était de 0.64 Dh/kWh. Le dernier projet de 850 MW signé entre les deux opérateurs en 2015 était de 0.30 Dh/kWh.

Le potentiel exceptionnel marocain, les évolutions technologiques et la chute des prix sont les trois facteurs décisifs qui doivent donc amener le Maroc à prendre une place de leader en matière de transition énergétique.

1.2 - L’exploitation de ce gisement permettrait de positionner le Maroc en leader de la transition énergétique

La valorisation du potentiel marocain menée d’une manière intégrée et inclusive devrait apporter des bénéfices pour le citoyen, l’économie et l’Etat. Le CESE a procédé à une modélisation prospective dans le but de quantifier ces bénéfices. Plusieurs scenarii ont été réalisés pour évaluer les options à adopter :

■ Scénario I « business as usual » ou continuité des politiques publiques actuelles : ce scénario correspond au système énergétique qui sera probablement mis en œuvre, pour les décennies à venir, si les options stratégiques et les composantes de gouvernance, de l’offre et de la demande en énergie actuelles sont maintenues.

Il ne s’agit pas d’un simple scénario tendanciel, car au niveau de l’offre électrique par exemple, l’investissement dans la production thermique, sera de toute façon, gelé au profit de l’éolien et du photovoltaïque (conformément aux prévisions de l’ONEE).

4 - Source : https://www.pv-magazine.com/2018/08/08/update-acwa-offered-lowest-bid-in-egypts-200-mw-tender/

5 - https://www.pv-magazine.com/2019/12/20/winners-and-prices-of-tunisias-500-mw-pv-tender/

6 - https://www.pv-magazine.com/2020/04/28/abu-dhabis-2-gw-tender-draws-world-record-solar-bid-of-0-0135-kwh/

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■ Scénario II « accéléré » : ce scénario qui part du scénario I, étudie les impacts socio-économiques résultant d’une gestion volontaire de la demande en énergie. Il comprend des mesures-clés qui influencent fortement la demande comme l’efficacité énergétique, la décentralisation (production d’énergie par le privé au niveau de la consommation), la réforme progressive de la subvention du GPL, la mobilité propre et électrique ainsi qu’un plus grand recours au dessalement.

■ Scénario III « sur orbite » : ce scénario qui part du scénario II, étudie l’opportunité d’exploiter le gisement d’énergies renouvelables dont dispose le Maroc pour réaliser des projets industriels d’envergure notamment autour de la filière Power-to-X liée à l’hydrogène ainsi que l’export d’électricité et les industries énergivores.

Sur la base de la comparaison des 3 scenarii, il est permis possible d’identifier les bénéfices qui peuvent être tirés de la mise en place progressive d’une transition énergétique ambitieuse.

1.2.1. La dépendance énergétique et la dépendance spécifique aux produits pétroliers pourraient baisser jusqu’ à 17% en 2050

Source : Modélisation du CESE

Le taux de dépendance énergétique de 88% en 2020, intégrant le décentralisé et la biomasse, s’améliorerait dès le scénario I, compte tenu de la tendance déjà en place de renforcement des énergies renouvelables. Il en va de même pour la dépendance spécifique aux produits pétroliers. Cela montre que les choix stratégiques qui ont été faits en 2009, en particulier le développement des énergies renouvelables, continueraient à créer de l’impact sur le long terme.

Les scenarii II et III accentueraient davantage la tendance, le premier en réduisant la consommation de produits pétroliers et le second en poussant plus loin la demande en énergies renouvelables. Cela porterait les indicateurs respectifs à horizon 2050 à 49% et 17% pour le taux de dépendance énergétique et à 34% et 17% pour le taux de dépendance aux produits pétroliers.

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1.2.2. La part de renouvelable pourrait atteindre 96% de la puissance installée du mix électrique à l’horizon 2050

Source : Modélisation du CESE

Le premier constat est que tous les scénarii dépasseraient l’objectif de 52% de la part d’énergie renouvelables dans le mix énergétique en puissance installée fixé à l’horizon 2030.

A l’horizon 2050, la majorité de l’énergie consommée sur le territoire serait produite localement et d’origine renouvelable : 78% dans le cas du 1er scénario, 80% pour le second et 94% pour le plus ambitieux.

1.2.3. La facture énergétique pourrait se réduire de 12% alors que l’énergie consommée serait multipliée par 3

L’augmentation de la part de l’électricité verte dans le mix permettrait de réduire les importations de combustibles. Le graphe ci-dessous illustre les importations nationales de charbon, gaz naturel et produits pétroliers à horizon 2050.

Source : Modélisation du CESE

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Ce graphe montre l’impact potentiel de l’introduction progressive des mesures de gestion de la demande sur l’amélioration potentielle de la facture énergétique. Il est à signaler que l’énergie consommée passerait de 17 Mtep en 2020 à 33 Mtep en 2050 pour le scénario I, à 31 Mtep pour le scénario II et à 50 Mtep pour le scénario III.

Ce bilan pourrait être amélioré davantage dans le scénario III grâce à l’arrivée à terme des « Power Purchase Agreement (PPA )» charbon et gaz et le passage de ces derniers en puissance de secours ainsi que la perspective de produire localement des combustibles synthétiques destinés à l’aviation, au fret et au transport interurbain ce qui réduirait drastiquement la consommation de carburants.

1.2.4. Le déficit de la balance des paiements serait allégé de 74 MMDH en 2050

Le graphique ci-dessous illustre l’impact sur la balance des paiements, calculé comme la somme (i) des importations de combustibles fossiles et (ii) des flux financiers d’actionnaires et de créanciers liés aux augmentations des installations électriques, le tout diminué (iii) des exportations d’électricité et d’hydrogène dans le cas du scénario III. A préciser que le calcul ne tient pas compte de l’amélioration des exportations due aux gains de compétitivité.

Source : Modélisation du CESE

Alors que le scénario I dégraderait progressivement la situation des échanges extérieurs, le scénario II parviendrait à contenir celle-ci dans des limites maîtrisables (0.93% de taux de croissance annuelle moyen « TCAM » en 30 ans).

Quant au scénario III, il améliorerait le bilan de la balance grâce aux exportations d’électricité et d’hydrogène, et cela en dépit des flux financiers liés à l’investissement très capitalistique dans l’augmentation du parc électrique renouvelable. Il convient de noter à cet effet que les exportations ont été chiffrées avec des hypothèses conservatrices qui se limitent aux revenus sur l’électricité et à l’exportation d’hydrogène (cela n’intègre pas les exportations supplémentaires générées par l’amélioration de la compétitivité des autres secteurs productifs).

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1.2.5. Le coût de revient moyen du kWh électrique sur le réseau pourrait baisser

de près de 39%

Le graphe ci-dessous illustre les prix de revient du kWh électrique.

Source : Modélisation du CESE

Dans le scenario II, le prix moyen du kWh qui est de 0,79dhs/kWh aujourd’hui s’améliore de manière très significative de 39%. Cette baisse du coût de production pourrait se traduire par une baisse des coûts pour les usagers.

L’amélioration est certes encore plus forte avec le scenario III mais la réduction ne peut bénéficier aux clients du réseau dans la mesure où il s’agira d’investissements électriques dédiés à 100% aux industries qui seront créées (power-to-X).

1.2.6. La filière énergétique pourrait créer 300 000 emplois permanents

Les graphiques ci-dessous illustrent la création d’emplois temporaires et permanents sur les 3 prochaines décennies dans la filière énergétique.

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Source : Modélisation du CESE

L’emploi est calculé selon 2 axes :

■ Emplois temporaires liés à l’investissement (à gauche) : fabrication in situ et montage. Les emplois ainsi créés cessent à la mise en service des nouvelles installations. Ils dépendent du taux d’intégration des entreprises marocaines dans les projets.

■ Emplois permanents liés au fonctionnement (à droite) : activité continue et opérations. Ces ressources sont permanentes, cumulatives et majoritairement marocaines. Les emplois indirects créés ne sont pas comptabilisés.

L’impact sur l’emploi augmente sur les 3 décennies. IL est naturellement plus important pour les emplois temporaires. Pour les emplois permanents, leur nombre est significativement impacté par l’avancement de la transformation qui traduit le passage entre le scénario II et III (+200%).

Répartis sur l’ensemble du territoire national, ces emplois concerneraient notamment les métiers des installateurs, des intégrateurs, des logisticiens, des process industriels, des auditeurs, des commerciaux, des sociétés de services (ingénierie équipements, systèmes, mécanique, électronique, logiciel, financement, assurance, etc.) et des prestataires dans diverses filières d’exploitation et de maintenance.

1.2.7. L’introduction des EnR réduirait fortement les émissions de gaz à effet de serre de 30 % et les rejets de particules d’environ 50%, améliorant ainsi la santé de la population et renforçant l’atténuation face aux changements

climatiques

Les graphiques ci-dessous décrivent l’évolution des émissions à la suite de l’introduction des EnR dans le mix énergétique :

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Source : Modélisation du CESE

■ Emission de CO2 : les mesures d’amélioration et d’électrification du transport permettraient d’améliorer les niveaux de rejets de CO2 et cela malgré l’augmentation forte de la consommation énergétique. En effet, dans le scénario 3, nous notons le passage de 3,02 t de CO2 par tep à 0,94 en 2050.

Source : Modélisation du CESE

■ SO2 : les mesures déjà mises en place dans les stations à charbon améliorent les ratios dès 2020. Dans le futur, le remplacement progressif du fuel pourrait améliorer davantage ce chiffre.

■ NOX : la relative stabilité des émissions de NOX dans le scénario I viendrait de la compensation de l’augmentation de la consommation de carburants par l’amélioration progressive des normes. Dans le cas des scénarii II et III, l’amélioration des normes s’ajouterait à la réduction de consommation de carburant pour faire chuter les niveaux d’émissions.

■ Particules : leurs émissions baissent significativement grâce au transport amélioré et au passage à des normes de véhicules plus exigeantes créant des ratios d’émission du gasoil moins polluants.

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Tout en tenant compte du concept de sobriété, il est à noter que le scénario III maintiendrait les indicateurs environnementaux à des niveaux identiques à ceux du scénario II, car les nouveaux projets seraient tous couverts par des énergies renouvelables.

1.2.8. La transition énergétique accélérée pourrait ainsi créer de nombreux bénéfices pour les citoyens, les entreprises et les finances publiques

L’accélération de la transition énergétique, caractérisée notamment par une part de plus en plus prépondérante des énergies renouvelables dans le mix, améliore très significativement de nombreux indicateurs. Ce nouveau paradigme énergétique appelle une transformation des politiques publiques pour en maximiser l’impact.

En particulier, la baisse du coût du kWh pose directement la question d’une stratégie de tarification conséquente, qui permettra d’orienter la valeur créée par la baisse des coûts vers les différents bénéficiaires potentiels en fonction de choix politiques pertinents. La valeur créée peut en effet être utilisée au bénéfice :

■ Des citoyens – afin d’améliorer le pouvoir d’achat, en s’assurant de cibler l’impact social ;

■ Des entreprises – afin de renforcer la compétitivité, en s’assurant de pouvoir cibler et mesurer celle-ci ;

■ De l’Etat – afin d’améliorer les finances publiques et de rééquilibrer les finances des établissements publics du secteur (Masen et ONEE).

Plus généralement, une reconfiguration des politiques publiques qui touchent à l’énergie est nécessaire pour traduire l’amélioration des indicateurs macro au niveau des ménages, des entreprises et de l’environnement.

1.3 - Pour tirer bénéfice de la transition énergétique, il est nécessaire de traiter de manière coordonnée et intégrée, plusieurs politiques connexes, actuellement, pensées et élaborées en silos

En dépit de la planification et de la prise en compte initiale des exigences de nombreux secteurs économiques (industrie, habitat, transport, eau. etc.), la mise en œuvre progressive de la stratégie de 2009 a concerné plus particulièrement le volet énergétique. Pourtant, il existe de fortes interconnexions avec plusieurs domaines tels que l’eau, la mobilité, l’industrie et l’économie de manière plus générale.

En effet, il est désormais indispensable de développer une approche transversale et passer d’une logique de politique énergétique à une stratégie de croissance verte.

1.3.1. En maximisant la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique total

Le Maroc devra s’engager sur des objectifs de production d’électricité avec une part majoritaire provenant des énergies renouvelables. Cette part, aujourd’hui à 20%, devrait atteindre 50% d’ici 2030, si toutes les briques exposées ci-après sont mises en œuvre.

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Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte

Ce déploiement massif des énergies renouvelables ne se limite pas nécessairement à la mise en place de grands projets localisés portés par l’Etat ou par des entreprises publiques.

1.3.2. En encourageant le déploiement de la décentralisation de la production soutenue par la digitalisation

La décentralisation et l’autoproduction se sont imposées à l’échelle internationale, avec la chute vertigineuse des prix des installations solaires photovoltaïques.

Les avantages de la décentralisation sont nombreux : optimisation des rendements de production, minimisation des pertes réseau, évitement de construction de nouvelles lignes, sophistication du marché électrique, maîtrise de la variabilité provenant des énergies renouvelables et production de données fiables nécessaires à la planification. Tous ces avantages adressent une finalité commune de résilience et de compétitivité du système énergétique.

La mise en place de ces nouvelles formes de production appelle à une évolution du réseau vers la mise en place des technologies de smartgrids afin de mieux maîtriser l’équilibre du réseau.

1.3.3. En généralisant le recours à l’efficacité énergétique

L’efficacité énergétique, déjà identifiée comme outil important pour la maîtrise énergétique, doit être renforcée par des moyens techniques financiers et humains pour concevoir, déployer et piloter des programmes impactants, au niveau de tous les postes de consommation énergétique.

Ainsi, l’efficacité énergétique, une fois généralisée, impliquera directement l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens et le renforcement de la compétitivité des entreprises, mais aussi de manière indirecte la réduction de la facture énergétique globale en plus des émissions en gaz à effet de serre.

A cet effet, il convient de souligner l’important gisement d’économie d’énergie existant dans différents secteurs comme ceux du bâtiment (construction, équipement et gestion), de l’agriculture et du transport.

1.3.4. En mettant en place une transition vers la mobilité durable et notamment électrique

L’énergie marocaine est aujourd’hui fortement dominée par les hydrocarbures représentant 70% de la consommation énergétique en 2017, dont près de la moitié provient du secteur du transport7.

Cette structuration révèle un potentiel de mutation d’une consommation énergétique carbonée et coûteuse, vers un transport propre, rendue possible aujourd’hui d’une part, grâce aux énergies renouvelables, mais également grâce à la baisse considérable du coût des batteries.

Ainsi, le véhicule électrique, en plus de sa particularité écologique, est en passe de devenir le nouveau transport économique avec des coûts d’utilisation qui sont d’ores et déjà plus compétitifs que les véhicules thermiques, et qui assurent un retour sur investissement au bout de 3 à 4 ans (sans subventions), en tenant compte des coûts d’énergie moins élevés de 80% et des coûts d’entretien moins élevés de 20%.

7 - Audition du Ministère de l’équipement, du transport, de la logistique et de l’eau au CESE le 4 mars 2020

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En outre, la valorisation de l’énergie disponible des batteries, lorsque les véhicules sont à l’arrêt et ne se rechargent pas, est également une réponse majeure à la variabilité. Ainsi, l’introduction progressive mais importante de l’électrification du transport, constitue une force pour notre système énergétique, notamment à travers une programmation et un pilotage optimisé de la recharge de véhicules en combinaison avec celles de la production d’énergie éolienne et solaire. En somme, plus notre pays aura de véhicules électriques, plus il sera capable d’exploiter son gisement d’énergies renouvelables.

L’augmentation du taux de pénétration des véhicules électriques appelle à mieux coordonner la politique énergétique et la politique de transport dans le cadre d’une stratégie globale.

1.3.5. En améliorant les coûts de production du dessalement afin de répondre aux impératifs de sécurité hydrique et alimentaire

La mobilisation de l’eau est intimement dépendante de la disponibilité et la compétitivité de l’énergie, notamment dans les pays arides. Le Maroc étant confronté, depuis plusieurs années, à un stress hydrique important, qui continue à s’aggraver, se trouve fortement menacé et risque de connaitre de grandes difficultés d’approvisionnement dans les années à venir. Face à cette situation préoccupante d’une demande en eau nettement supérieure à la quantité disponible, les pouvoirs publics ont adopté en début d’année 2020, le Programme prioritaire national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020–2027, dans la perspective d’adopter le projet de Plan National Eau 2020-2050, qui constitue une feuille de route pour faire face aux défis futurs dans le domaine de l’eau.

Grâce aux récentes innovations et à la compétitivité des énergies renouvelables, de nouvelles usines de dessalement couplées à l’énergie éolienne offrent de nouvelles perspectives à notre pays. Ces performances technico-économiques entraineraient une baisse du coût de revient de l’eau de 8 Dhs/m3 avec une alimentation par le réseau national, à 5,2 Dhs/m3, avec une installation propre de source renouvelable (selon la modélisation réalisée par le CESE)8.

L’énergie représente 40% du coût total du dessalement. Ce n’est pas le seul composant puisqu’il y a d’autres facteurs de cherté comme les membranes. Ceux-ci pourraient également voir leur prix diminuer dans les prochaines années en tirant profit des évolutions technologiques.

Ces améliorations pourraient ainsi réduire le prix de revient du m3 d’eau dessalée de 2,2% par an. Celui-ci approcherait la barre des 2,5 DH/m3 à l’horizon 2050. Certaines études (Banque Mondiale notamment) suggèrent même que ce prix pourrait être atteint sous certaines conditions de taille bien avant cette échéance. Cette baisse continue du prix de l’eau dessalée permettra progressivement de rendre économiquement viables de nombreuses utilisations contribuant à renforcer la sécurité hydrique et alimentaire.

Enfin, le dessalement d’eau de mer, qui pourrait à terme représenter un des principaux acteurs de la demande, est une activité captive qui contribuerait à réguler la variabilité du réseau en consommant ou en s’effaçant en fonction de l’énergie disponible.

8 - Rapport de la Banque mondiale : the Rôle of desalination in an increasingly Water-Scarce World MARCH 2019L’analyse faite sur 34 installations réalisées entre 2001 et 2017 montre que la part moyenne de l’énergie dans le coût opératoire est de 41% (varia-tion entre 37 et 45%). Cela inclut les coûts indirects. Mais lorsqu’on cible les unités les plus récentes qui ont bénéficié de toutes les innovations et améliorations des performances énergétiques, le coût de production global, incluant la contribution financière du recouvrement du capital (44%), la part de l’énergie se situe aux alentours de 30%.

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1.3.6. En produisant des molécules et des combustibles verts (power to X)

Les filières de production construites autour de l’hydrogène, appelées communément « Power To X » (PtX), ouvrent, grâce au prix du renouvelable, de grandes perspectives.

Le Maroc est placé, selon le World Energy Council Germany, comme un des cinq pays à plus fort potentiel pour la production et l’export de molécules vertes (ammoniac, méthanol, etc.). Il pourrait capter jusqu’à 4 % du marché mondial de l’hydrogène, selon le ministère de l’énergie et des mines, soit près de 3 Milliards de dollars si on considère le marché de 2018.

Assimilé au nouveau pétrole vert, le développement de l’hydrogène nécessite un effort national important et une montée en compétence rapide pour une industrialisation des procédés, couplée d’un rapprochement avec des acteurs de référence internationale.

La montée en charge devrait permettre au Maroc, sur les prochaines années, de fournir de l’hydrogène vert et des molécules vertes à son marché intérieur et également à l’Europe.

Comme pour le dessalement, la filière du Power to X contribuerait à réguler la variabilité du réseau.

L’ensemble des ruptures dans les politiques énergétiques et connexes énumérées dans ce premier chapitre constituent des décisions majeures. L’évaluation des apports et des limites du cadre stratégique actuel lancé en 2009 permettra de mesurer les inflexions qui restent à opérer et de définir les contours pour une nouvelle stratégie de croissance verte.

2 - La stratégie énergétique adoptée en 2009 a permis de consolider de nombreux acquis et doit désormais être revisitée

En soulignant toute la pertinence de la vision de la stratégie de 2009 et la rupture qu’elle a engagée, avec la volonté de porter la part des énergies renouvelables dans la puissance électrique installée à 42% en 2020 puis à 52% en 2030, le CESE note, suite aux auditions avec les différentes parties prenantes, quelques insuffisances en matière d’implémentation de ladite stratégie.

2.1 - La stratégie énergétique de 2009 a permis de dépasser les problèmes d’approvisionnement que le Maroc a pu connaître

2.1.1. Le contexte historique de l’époque était marqué par une forte fragilité technique et financière

En 2008, le Maroc faisait face à de nombreux défis avec un système énergétique marqué par une très forte dépendance de l’extérieur, une prédominance des produits pétroliers et des hydrocarbures en général, une croissance soutenue de la demande, une électrification rurale accrue et enfin une cherté et une forte volatilité des prix. Les risques de délestage, tel que vécu dans les années 90, ont conduit à une augmentation des importations à partir de l’Espagne (17% en 2007). Les finances de l’Etat étaient continuellement soumises à rude épreuve, avec des prix du baril qui dépassaient les 100 USD, une lourde facture énergétique qui continuait à augmenter

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et des subventions qui atteignaient 25 Milliards de Dirhams en 20089. Face à ces défis, et à la suite des orientations royales du discours de Sa Majesté du 30 Juillet 2008, le Royaume a lancé une réflexion en vue d’élaborer une nouvelle stratégie énergétique avec un double objectif, à la fois de résoudre les difficultés d’approvisionnement mais également de réduire la dépendance énergétique, notamment en s’appuyant sur les énergies renouvelables et en ouvrant la voie à la transition énergétique.

2.1.2. La stratégie a permis de sécuriser l’approvisionnement, d’initier la libéralisation du marché de l’électricité et de positionner le Maroc à l’avant-garde de l’agenda climatique

2.1.2.1. Un approvisionnement en hydrocarbures sécurisé

Grâce à un réseau structuré, étendu, initié avant la stratégie énergétique nationale et consolidé depuis lors, le Maroc a réussi à assurer sa sécurité d’approvisionnement en hydrocarbures. La stratégie énergétique nationale a fortement contribué à renforcer l’activité de stockage des hydrocarbures, notamment en capacités portuaires.

2.1.2.2. Une meilleure stabilité de la disponibilité électrique

Un des objectifs majeurs de la stratégie énergétique nationale de 2009 a été de stimuler l’offre et de mieux maîtriser la demande. Ainsi, un plan d’équipement très ambitieux a été élaboré et déployé permettant au Maroc de doubler sa capacité en dix ans, tout en poursuivant son programme d’électrification rurale et en diversifiant son mix énergétique avec une pénétration plus importante des énergies renouvelables. A fin 2018, le Maroc dispose d’une puissance électrique installée de 10 938 MW, dont 34% en énergies renouvelables et d’un taux d’électrification de 99,7%.

Sur le plan de la stabilité, il est à noter qu’au cours des 10 dernières années, aucun incident de délestage n’a été signalé, ce qui traduit la bonne maitrise technique des équipes de l’ONEE.

2.1.2.3. Un renforcement de la production concessionnelle

Le déploiement de la stratégie énergétique nationale a fortement contribué au développement des partenariats publics privés (PPP), érigés depuis en postulat incontournable pour mobiliser des montants d’investissement importants. La production concessionnelle, qu’elle soit d’origine fossile ou renouvelable, représente 84 % du mix électrique10.

Grâce à ces modèles en PPP, les opérateurs privés ont pu se positionner comme producteurs indépendants (independant power producer ou IPP) pour vendre l’électricité à l’ONEE via des contrats type Power Purshase Agreement (PPA).

2.1.2.4. Une réforme du cadre légal et règlementaire qui a bénéficié aux industries énergivores

Depuis l’adoption de la loi 13-09 relative aux énergies renouvelables, un producteur privé d’électricité, exclusivement de source renouvelable, peut vendre son productible à des usagers privés, dans le cadre d’un contrat d’achat d’électricité tripartite (producteur, client, ONEE), desservis par le réseau national en Très Haute Tension (THT), Haute tension (HT), et en Moyenne tension (MT).

9 - Ministère de l’économie et des finances

10 - Données ONEE

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Ce cadre réglementaire a permis à plusieurs entreprises énergivores d’accéder à de nouvelles offres d’électricité à des prix plus avantageux que ceux proposés par l’ONEE et les distributeurs pour une grande partie de leur consommation, tout en maintenant leur accès à la puissance garantie pour leurs besoins en heures de pointe. Les industries bénéficiaires de ce marché sont principalement des sidérurgistes, des cimentiers et des mineurs dont la compétitivité est fortement liée à l’énergie et soucieux de la décarbonisation de leur production.

En outre, la loi 54-14 de l’autoproduction de l’électricité, adoptée en 2015 autorise des personnes morales de droit public ou privé à produire, par leurs propres moyens et pour leur propre consommation, l’énergie électrique (de source renouvelable ou fossile) avec un droit d’accès au réseau électrique national pour les capacités dépassant 300 MW.

2.1.2.5. Le lancement des premiers grands projets dans les énergies renouvelables

A partir de 2016, de grands projets dans les énergies renouvelables voient le jour.

Le Complexe « Noor Ouarzazate », le premier plus grand ensemble multi-technologies à l’échelle internationale avec une capacité installée de 580 MW, réparti en 4 tranches, a été mis en service en 2018. La même année, le projet de Laayoune a été déployé avec une puissance installée de 85 MW.

Deux autres grands projets sont en cours de réalisation : la centrale solaire Noor Midelt I d’une puissance totale de 800 MW, comprenant 605 MW de PV et 190 MW CSP et Noor Tafilalt de 120 MW de PV.

A fin 2019, la puissance installée en énergies renouvelables a atteint 3 701 MW, soit 34% de la puissance totale : 1 220 MW pour l’éolien, 711 MW pour le solaire et 1 770 MW pour l’hydraulique.

2.1.2.6. Le positionnement notable du Maroc dans l’agenda climatique

Le Maroc, très engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique malgré un faible taux d’émissions de CO2 (inférieur à 2,5 T/hbt/an), a fait partie des tout premiers pays au Monde à déposer sa première Contribution Déterminée au niveau National.

L’ambition du Maroc en matière d’atténuation des GES repose, dans une large mesure, sur une importante transformation du secteur de l’énergie. L’engagement du Maroc est de réduire ses émissions de GES de 42 % (17% inconditionnel et 25% conditionnel) par rapport aux émissions projetées à l’horizon 2030 selon un scénario « business as usual ».

La reconnaissance des efforts consentis par le Maroc dans le cadre de l’agenda climatique, s’est concrétisée par l’organisation de la COP22 à Marrakech en 2016. Récemment, le Maroc s’est classé deuxième, juste après la Suède, dans l’indice de performance en matière de changement climatique (CCPI 2019).

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2.2 - Malgré ces avancées enregistrées, l’implémentation de la stratégie a connu des insuffisances et a atteint ses limites

2.2.1. Des choix technologiques chers et un faible taux d’intégration industrielle locale

Le choix de la technologie CSP adoptée pour les centrales solaires de Ouarzazate a été justifié par sa capacité à fournir l’électricité pendant la période de pointe après le coucher du soleil, grâce au stockage dont la durée a progressé de 3 à 7 heures entre la première tranche et les suivantes.

L’analyse comparée met en relief un coût de revient du KWh à 1,62 Dhs pour Noor 1, à 1,38 Dhs pour Noor 2 et 1,42 Dhs pour Noor 3, tandis le KWh est revendu à l’ONEE à 0,85 Dhs.

Au regard des prix du PV et de l’éolien, la technologie CSP s’avère dorénavant, malgré l’avantage du stockage, relativement chère et n’est plus justifiée à l’avenir et ce, d’autant plus que les niveaux d’intégration industrielle locale sont tellement bas, qu’ils ne permettent pas de justifier le surcoût.

2.2.2. Un marché des hydrocarbures dysfonctionnel

En début 2019, le Conseil de la Concurrence s’était penché sur le marché des hydrocarbures et a relevé au travers d’une étude approfondie, des dysfonctionnements structurels :

■ Le marché n’est pas soumis à une autorité de régulation s’assurant de l’accès de chaque acteur aux mêmes conditions concurrentielles ;

■ L’ineffectivité du Conseil de la Concurrence avant 2019, a eu pour effet une absence de contrôle et de sanctions en cas de violations des règles ;

■ L’unique raffineur national (la SAMIR), qui assurait l’approvisionnement du marché et le stockage, et qui garantissait les équilibres concurrentiels, a fermé deux mois avant la libéralisation, alors qu’il assurait 64% de la demande de produits raffinés et une grande capacité de stockage (2 millions de m3). La facture énergétique a ainsi fortement augmenté, le déficit de la balance commerciale s’est largement aggravé et les petites et moyennes structures se sont vues fragilisées au profit des plus grands acteurs ;

■ Un contexte monopolistique en amont et en aval de la chaîne de valeur -importations, stockages, vente aux distributeurs, vente aux consommateurs. Les cinq premiers opérateurs accaparent 70% du marché en 2017 parmi lesquels 3 détiennent 53,4%.

■ Le consommateur et les distributeurs les plus fragiles ne sont pas protégés.

Au sujet de La SAMIR, si une raffinerie était considérée dans les années 70 comme le symbole de l’indépendance énergétique, elle ne peut être appréhendée aujourd’hui que dans le cadre d’une chaine de valeur complète allant de la production de pétrole aux consommateurs. La disposition d’une raffinerie nationale permet, entre autres, de « mitiger » la variabilité des prix du pétrole, capturer les opportunités et atténuer les effets des crises émanant des marchés internationaux.

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Cependant, la question de la relance d’une activité de raffinage du pétrole se pose depuis l’arrêt de production de la SAMIR, notamment au vu de l’augmentation de la facture énergétique et de l’aggravation du déficit de la balance commerciale qui s’en est suivie sans oublier les impacts socio- économiques pour la ville de Mohammedia.

2.2.3. Une faible réalisation des objectifs d’efficacité énergétique

Erigée en priorité dans le cadre de la stratégie énergétique nationale publiée en 2009, l’efficacité énergétique constituait une réponse à la maîtrise de la demande au même titre que le développement des énergies renouvelables, au regard de la maîtrise de l’offre.

La stratégie nationale de l’efficacité énergétique, adoptée en Conseil de Gouvernement en 2017, considère l’efficacité énergétique comme facteur de compétitivité et de progrès social, et décline des objectifs par domaine consommateur (industrie, bâtiment, agriculture, éclairage public et transport). Plus d’une centaine de mesures ont été retenues sur le plan économique, environnemental et social. Les objectifs pour l’économie d’énergie, revus à la baisse par rapport à l’ambition initiale de 2009, sont aujourd’hui de 5% à horizon 2020 (contre 12% initialement) et de 20% à horizon 2030.

Pour accompagner les programmes d’économie d’énergie, la loi 47-09 relative à l’efficacité énergétique avait été publiée en 2011. Elle s’articule autour de l’audit énergétique, l’étude d’impact énergétique, les performances énergétiques dans plusieurs secteurs, la rationalisation de l’énergie des administrations, établissements publics et collectivités territoriales, la création du statut des entreprises de services énergétiques et l’instauration des contrôles techniques des audits par des sociétés agréées. Le Décret N° 2-13-874, publié en 2014, concerne le règlement général de construction. Il fixe les règles de performance énergétique et institue le comité national de l’efficacité énergétique dans le bâtiment. En 2019, a été adopté le Décret N° 2.17.746 relatif à l’audit énergétique obligatoire et aux organismes d’audit.

Cependant, l’opérationnalisation de la stratégie à travers des contrats-programmes proposés à chaque département ministériel consommateur, n’a pas pu aboutir. Aucun contrat-programme n’a été signé, et les entités auditionnées par le CESE n’ont pas pu se prononcer sur le niveau de réalisation des objectifs prévus, ni à l’échelle nationale ni à l’échelle des départements sectoriels.

Ce retard enregistré dans l’implémentation des objectifs de l’efficacité énergétique serait également lié au positionnement de l’AMEE, à son organisation et au manque de ressources humaines et financières nécessaires pour mener à bien cet important chantier.

2.2.4. Un déséquilibre financier des entreprises publiques du secteur

Les dettes de l’ONEE, malgré de légères améliorations, montrent une fragilité structurelle de son « business model ». Outre les difficultés de pertes techniques et non techniques, de crédits TVA, ou d’anciennes créances en souffrance, l’ONEE n’est pas financièrement autonome, et sollicite régulièrement le soutien financier de l’Etat. En effet, en 2017, à la suite d’un contrat-programme 2014-2017 comprenant des révisions tarifaires, un remboursement du crédit de TVA, la réduction de pertes techniques, des appuis financiers sur d’anciennes créances et bien d’autres mesures, la dette de l’ONEE s’élevait à 58 Milliards de dirhams. L’engagement lié à la Caisse Commune de Retraite a atteint 30,8 MMDH à fin 2019, soit une hausse de +6,6% par rapport à la situation à fin 2018.

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Ceci s’explique principalement par des investissements massifs qui ne sont pas rémunérés de façon juste via le business model de ses activités. En effet, la structure de prix de l’électricité (tarifs administrés) n’est pas indexée sur les coûts réels, ce qui rend difficile le pilotage de la structure, qui in fine, vend parfois l’électricité à marge négative.

Feuille de route pour le redressement de l’ONEE

Un programme de redressement prévoit des réajustements tarifaires, des subventions d’investissement et d’exploitation pour le dessalement, le recouvrement des dettes d’assainissement et d’eau, l’appui au recouvrement des créances, la titrisation des actifs et la cession des actifs non nécessaires. En parallèle du contrat-programme avec l’Etat, une feuille de route a été élaborée par la DEPP et comprend : la définition d’un nouveau modèle économique viable, l’amélioration de la gouvernance, le recentrage de l’ONEE sur son cœur d’activité, la séparation des activité production, transport, distribution, la mise en œuvre du transfert des actifs renouvelables vers MASEN, la diversification des sources de financement, l’amélioration de la performance avec la réduction des pertes, la lutte contre les fraudes, la transformation digitale avec les compteurs numériques, l’automatisation des processus de facturation et de recouvrement, le recours à des outils innovants de couverture de risque (salle de marchés) et externalisation de la Caisse Centrale de Retraites.

Concernant MASEN, le déficit est estimé à 800 millions de dirhams par an des centrales Noor I, II, et III. Ce déficit est dû au gap entre les prix d’achat aux IPP et les prix de vente à l’ONEE.

Ce contexte s’explique principalement par des choix technologiques relativement chers sur les premiers projets, un déficit qui ne devrait pas se creuser au vu de la compétitivité gagnée sur les nouveaux projets. Il ne devrait pas non plus se résorber naturellement, à moins de consacrer une partie des gains apportés par les nouveaux projets photovoltaïque et éoliens pour combler les pertes dans le cadre d’un accord spécifique avec l’ONEE.

Par ailleurs, dans le cadre de la reprise des activités renouvelables de l’ONEE, MASEN devra racheter des actifs dont certains ne sont pas encore amortis. Il conviendra alors de revoir le modèle et de le réajuster au regard des transformations opérées dans le secteur.

Ce déséquilibre financier des deux principales entreprises publiques du secteur appelle l’Etat à effectuer les arbitrages nécessaires. Cela permettra d’éviter un impact important sur les finances de l’Etat, un retard dans la transformation du secteur de l’énergie et une perte d’attractivité du secteur énergétique marocain pour les investisseurs privés.

Il convient de signaler que MASEN a précédemment obtenu un prêt structurel de 20 Milliards de dirhams, avec une garantie de l’Etat pour financer les centrales déjà construites.

2.2.5. Un marché électrique encore verrouillé

Le secteur de l’électricité a initié la libéralisation de sa production dès 1994, à travers des partenariats publics privés avec des acteurs internationaux et nationaux.

En dépit de l’ouverture du marché de la production privée, rendu possible grâce à la loi 13-09 relative aux énergies renouvelables, la dynamique de ce marché, marqué par l’attribution de plusieurs autorisations provisoires, s’est rapidement essoufflée. La demande restée limitée aux

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usagers en THT et HT a été saturée. Certains décrets d’application de lois (à l’instar du décret N° 2-15772 relatif à l’accès au réseau électrique national en MT, publié en 2015) sont difficilement applicables et les conditions d’accès au réseau ainsi que sa disponibilité manquent parfois de transparence. De même, la publication du décret pour le raccordement en basse tension d’application de la loi 58-15 modifiant et complétant la loi 13-09, adoptée en 2016 ainsi que le zoning solaire pour les projets de capacité supérieure à 2 MW, restent attendus à ce jour.

La planification en énergies renouvelables n’a pas intégré, en amont, la part à accorder aux capacités de production privées par rapport aux capacités des institutions publiques (MASEN et ONEE). En parallèle, la loi 13-09 a suscité un engouement des opérateurs privés. Certains se sont implantés au Maroc, ont investi des sites, mais ne sont toujours pas autorisés à développer leur centrale de production. Cette opérationnalisation de la Loi 13-09 pose des difficultés relatives à la gouvernance, à une structuration de marché inadaptée et à l’interférence d’acteurs aux intérêts parfois divergents :

■ L’ONEE, acteur de la production et de la commercialisation de l’électricité, intervient dans le processus d’autorisation pour le développement de projets privés en énergies renouvelables. L’autorisation provisoire est sanctionnée par l’avis favorable de l’ONEE et l’autorisation finale conditionnée par la réalisation du contrat de raccordement avec ce dernier.

■ De même, les régies de distribution interviennent dans le processus d’autorisation de projets en énergies renouvelables en Moyenne Tension, tandis que ces projets induisent la baisse de leur chiffre d’affaires (avec un cumul des enveloppes qui doit être compris entre 5% et 10% de l’énergie fournie aux clients raccordés en MT). En effet, si l’impact positif de la gestion des régies sur le service est indéniable, leur business model basé sur une péréquation entre l’eau et l’électricité est dépassé. Il impose en effet de garder un chiffre d’affaire plus important sur la partie électrique.

■ Le développement de projets solaires supérieurs à 2MW peine à démarrer en l’absence de l’arrêté définissant les zones destinées à accueillir les sites pouvant abriter les installations de production d’énergie électrique à partir de source d’énergie solaire. Le développement de tels projets étant tributaire de la localisation et de la qualification des sites pouvant abriter des installations solaires qui devraient être étudié par MASEN conformément à la loi 37.16 modifiant la loi 57.09 portant création de la société « Moroccan Agency for Solar Energy ».

2.2.6. Une gouvernance inadaptée à l’évolution du secteur

La gouvernance du secteur électrique appelle plusieurs observations. En premier lieu, l’absence d’effectivité de l’agence de régulation. En effet, l’ANRE après avoir été créée en 2016, son président nommé en 2018, attend encore la nomination complète de son Conseil pour lancer ses travaux. L’ANRE a pour missions de s’assurer du bon fonctionnement du marché de l’électricité, de réguler l’accès des auto-producteurs au réseau électrique, d’approuver le « grid code », de donner son avis sur les autorisations, de fixer les tarifs d’accès aux réseaux de transport et de distribution, de suivre les coûts, de contrôler le gestionnaire du réseau de transport (GRT) et les gestionnaires des réseaux de distribution (GRD) et enfin de gérer les différends. Actuellement, les tarifs et les modalités d’accès au réseau ne sont pas explicités. En effet, les tarifs, ainsi que leurs modalités de calculs sont décidés au niveau de l’opérateur historique et restent à sa discrétion.

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Cette divergence d’intérêts couplée à l’absence de régulateur sont les principaux obstacles expliquant le blocage de la loi 13-09 depuis une dizaine d’années. Il convient de noter que le projet de loi N° 40-19 modifiant et complétant la loi relative aux énergies renouvelables, en l’état, ne permettra pas de résoudre les différentes problématiques soulevées ci-haut. En effet, ce projet de loi durcit les règles pour les opérateurs privés et nécessite encore de nouveaux décrets qui retarderont davantage l’effectivité de ladite loi sans pour autant prévoir des modalités d’application pour la basse tension.

Par ailleurs, l’efficience du secteur exige de séparer les activités de la chaîne de valeur de l’électricité, à savoir la production, le transport, la distribution et la commercialisation. Les activités de commercialisation et de production sont libéralisées donnant lieu à une compétitivité énergétique qui vise à offrir aux consommateurs l’électricité la moins chère. Les activités de transport et de distribution ont un rôle de service public et doivent offrir aux acteurs de production et de commercialisation les mêmes conditions d’accès et de service. Cette évolution est en cours d’étude par les parties prenantes et nécessitera l’élaboration d’un cadre juridique adapté.

Enfin et malgré l’évolution du contexte énergétique national sur les dix dernières années, la délimitation du périmètre d’activité de certaines entités reste floue, induisant ainsi des risques de chevauchement. C’est le cas de l’AMEE et de la SIE, dont les missions initiales étaient clairement séparées, et qui visent désormais la même finalité d’efficacité énergétique. Par ailleurs, les résultats insatisfaisants en matière d’efficacité énergétique s’expliqueraient par un déficit de ressources humaines, de moyens financiers, mais également de portage institutionnel. Le dernier changement de rattachement de l’AMEE qui relève désormais du Ministère de l’Industrie couplé à une évolution du périmètre d’attribution visant à adresser l’économie verte, pourraient répondre en partie aux obstacles rencontrés.

2.2.7. Le transport, pèse lourd sur la facture énergétique du pays et connaît de nombreuses difficultés

Le secteur du transport est, au Maroc, le plus grand consommateur d’énergie, avec 38% de consommation totale du pays, soit 5 776 ktep. Le secteur, presque complètement dépendant des énergies fossiles, est responsable d’environ 50% de la facture énergétique nationale, soit plus de 40 Milliards Dhs en 2018, et participe à hauteur de 20% au déficit de la balance commerciale.

En termes d’efficacité énergétique, il convient de rappeler qu’aucun contrat-programme n’a été signé entre l’AMEE et le département du transport. Par ailleurs, il faut préciser que la gestion du transport est partagée entre plusieurs départements rendant les réformes vers une mobilité durable compliquée à atteindre :

■ Le Ministère de l’Intérieur pour le transport intra-urbain ;

■ Le département de l’équipement et du transport pour l’interurbain, la logistique, le maritime et le ferroviaire ;

■ Le département du tourisme pour le transport aérien ;

■ Le département de l’énergie pour l’approvisionnement, la distribution et le contrôle de la qualité des produits pétroliers ;

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■ Le Ministère de l’Aménagement du territoire s’agissant de la planification urbaine et des infrastructures.

Plusieurs projets de mobilité propre ont été concrétisés, à titre d’exemple les tramways de Rabat et de Casablanca, la LGV, ainsi que le dédoublement de certaines voies ferroviaires. Cependant, la performance du secteur reste en deçà des objectifs d’une transition énergétique intégrée :

■ Un déficit d’offre de transport en commun de qualité, intermodal et sécurisé, entrainant un usage massif du transport individuel, pesant lourdement sur le pouvoir d’achat ;

■ Un parc de véhicules vieillissant, énergivore et polluant (55% des véhicules de transport pour le compte d’autrui ont un âge supérieur ou égal à 10 ans et 22% ont un âge supérieur à 20 ans11, ayant des effets néfastes sur la qualité de l’air et la santé des citoyens ;

■ Un service de taxis qui n’est pas toujours conforme aux normes de qualité et de sécurité et qui freine le développement d’une mobilité partagée digitalisée et durable qui répond aux attentes des usagers résidents et touristes ;

■ Un aménagement des voiries qui ne prévoit pas d’espace pour la mobilité douce ;

■ Un marché du transport de marchandises et de la logistique inefficients avec une fragmentation d’acteurs et peu de réglementation, ce qui impacte fortement sa compétitivité.

Au total, en l’absence de vision stratégique claire et intégrée et d’une architecture gouvernementale adaptée, toute mesure proposée n’aura pas l’effet escompté.

2.2.8. Des bénéfices limités pour le citoyen

Depuis 2009, les tarifs de l’électricité n’ont pas connu de baisse. Au contraire, en 2014, une révision des tarifs à la hausse a été appliquée et échelonnée sur 4 ans, dans le cadre du contrat-programme Etat / ONEE 2014 – 2017.

De même, la politique d’efficacité énergétique, censée réduire le poids des coûts de l’énergie, n’a pas abouti et par conséquent, n’a pas pu avoir les impacts escomptés sur les citoyens.

Sur les coûts des carburants, la décompensation opérée en 2014 a provoqué une augmentation structurelle des prix. Celle-ci aurait pu avoir un impact plus important si elle n’avait coïncidé avec une baisse des cours mondiaux du pétrole due à l’augmentation de la production du gaz et du pétrole de schiste américain. Il n’est pas exclu qu’un retour à une tendance haussière (certes très peu probable en 2020 compte tenu de la crise de la Covid-19) ne se traduise par une hausse des prix à la pompe susceptible de toucher durement le pouvoir d’achat des citoyens.

De plus, les dysfonctionnements des marchés de carburants (constatée par le Conseil de la concurrence en 2019) n’ont pas permis au citoyen de bénéficier pleinement des phases de creux des cours mondiaux.

Concernant la préservation de l’environnement, la montée en puissance des énergies renouvelables et l’abandon du fuel ont permis de limiter les rejets de pollution atmosphérique au niveau de la production électrique. Néanmoins la pollution dans les villes, notamment à

11 - La Fédération du transport et de la logistique relevant de la CGEM

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cause des rejets dus au transport, pose un problème majeur pour la santé des citoyens et devra être traitée avec célérité et efficacité.

Enfin, malgré la réussite du Programme d’Electrification Rurale Global ( PERG), qui devait être prolongé par un programme de valorisation, l’électrification rurale, n’a pas eu les effets d’entraînement escomptés sur l’amélioration de la qualité de vie et la création de nouvelles activités génératrices de revenus.

Par ailleurs, l’inadéquation entre l’offre électrique et le pouvoir d’achat en milieu rural se traduit par le maintien de l’utilisation, par les ménages les plus vulnérables, du bois-énergie pour le chauffage et la cuisson, contribuant ainsi à l’accélération de la déforestation. Selon les travaux de l’IRES, la quantité de bois-énergie consommée annuellement est de 11,3 millions de tonnes dont 53 % est d’origine forestière. La consommation en bois-énergie des entreprises, notamment des hammams et boulangerie, reste également élevée. La surexploitation de la forêt, pour la filière bois-énergie, est trois fois supérieure à la biocapacité de l’écosystème12.

Compte tenu des bénéfices apportés par la stratégie de 2009, ainsi que des limites évidentes identifiées, il est certain que la pleine exploitation du remarquable gisement énergétique marocain, décrit dans le premier chapitre, passe par l’adoption de nouvelles orientations stratégiques.

3 - Une nouvelle stratégie doit désormais être mise en place avec des options claires, une gouvernance adaptée et un positionnement international renouvelé

L’engagement du Maroc dans les énergies renouvelables dès 2009 a démontré toute sa pertinence. L’opportunité est toujours présente malgré les multiples changements du contexte mondial. Les actifs stratégiques fondamentaux du Maroc, matérialisés dans son potentiel solaire et éolien, peuvent aujourd’hui en générer des bénéfices socio-économiques et environnementaux très importants. L’énergie est dans ce sens considérée comme un bien économique, social et environnemental.

Le Maroc peut en effet devenir à terme un champion mondial dans le domaine énergétique. Grâce à l’exploitation, de manière économiquement viable, socialement juste et écologiquement respectueuse, de son potentiel éolien et solaire, notre pays peut donner du bien-être à ses citoyens (pouvoir d’achat, sortie de la précarité énergétique, emplois, santé), apporter de la compétitivité à ses entreprises, adresser durablement le stress hydrique et se positionner au cœur du partenariat économique euro-africain.

Le paradigme énergétique actuel caractérisé par la dépendance et l’incertitude peut même être complètement inversé. Le Maroc peut assurer ses propres besoins énergétiques et contribuer à couvrir la demande de pays qui n’ont pas le même potentiel, notamment en Europe. L’énergie qui n’a été à aujourd’hui qu’un ingrédient externe de la croissance peut devenir son catalyseur.

12 - Les écosystèmes forestiers face aux changements climatiques : situation et perspectives d’adaptation au Maroc – IRES 2010

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Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte

Ce faisant, le Maroc doit s’assurer de mettre en place les bons mécanismes qui vont permettre de maximiser le potentiel sans créer des effets négatifs collatéraux. La nouvelle stratégie énergétique devra ainsi mettre la justice sociale et la protection de l’environnement au même rang que l’efficacité technique et économique.

Dans le but d’assurer cette bonne convergence entre les bénéfices et les enjeux, le CESE considère ainsi que la nouvelle stratégie énergétique devra :

■ Être socialement juste, équitable et inclusive, responsable sur le plan environnemental et soutenable sur le plan financier. Elle doit en définitive, permettre de bien gérer les impacts, en maitrisant et en minimisant les plus nocifs d’entre eux et en maximisant les plus avantageux pour l’ensemble de la communauté.

■ Être planifiée de manière holistique et s’articuler autour de l’augmentation de la part des EnR dans le mix énergétique, de la maitrise de la demande par la promotion de l’efficacité énergétique et de la production décentralisée, l’émergence et le développement de filières du futur autour du « Power to X », le soutien de l’innovation et de l’appropriation technologique au service de l’intégration industrielle.

■ S’accompagner d’une refonte de la gouvernance pour s’adapter aux évolutions du secteur et d’une reconfiguration des politiques publiques qui touchent à l’énergie en traitant de manière coordonnée et intégrée, plusieurs politiques connexes, actuellement, pensées et élaborées en silos.

■ Reposer sur une adhésion citoyenne élargie avec l’implication des citoyens et des territoires pour lier la transition énergétique aux enjeux du développement local.

3.1 - Compte tenu de son potentiel et des évolutions mondiales, le Maroc devra placer les énergies renouvelables au centre de nouveaux choix stratégiques mieux définis

3.1.1. L’augmentation de la part de l’électricité verte dans le mix énergétique pour baisser les coûts et décarboner

Comme le montre l’exercice de modélisation effectué par le CESE, l’accélération de la transition énergétique crée de nombreux bénéfices pour les citoyens, les entreprises et les finances publiques. Plus la transition est accélérée, plus les impacts sont importants. Par conséquent, le CESE recommande de se rapprocher le plus possible du scénario sur orbite (scénario 3) afin de maximiser ces bénéfices.

Le gisement remarquable en énergies renouvelables constitue une belle opportunité de massification de l’électrification du mix énergétique du Maroc et permettra de :

■ Réduire considérablement le coût du kWh, et in fine améliorer le pouvoir d’achat du citoyen en réduisant sa facture électrique liée au résidentiel, mais également ses coûts de mobilité ;

■ Décarboner l’économie, renforcer la compétitivité industrielle et faire émerger de nouvelles filières créatrices d’emplois durables ;

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■ Réduire significativement la facture énergétique du pays, améliorer sa balance commerciale et soulager sa dépendance énergétique ;

■ Améliorer la qualité de l’air, préserver l’environnement et la santé des citoyens, dans un contexte de dérèglement climatique.

A la lumière de la modélisation qui a été faite par le CESE ainsi que des prévisions relatives au développement de nouvelles infrastructures de production à grande échelle et du track record confirmé du Maroc en matière de développement et de réalisation des projets d’EnR , le CESE recommande de:

■ Réserver la part quasi exclusive des investissements à réaliser à l’avenir aux EnR, notamment l’éolien et le PV, ce qui converge avec la planification actuelle de l’ONEE. Cela est d’autant plus vrai que les marchés financiers sont désormais de moins en moins favorables aux projets thermiques ;

■ Financer le développement et la réalisation de nouveaux projets d’EnR par la dette commerciale dans le respect de la faisabilité économique des projets. La filière de la finance verte offre également des opportunités de financement de ces projets. A ce propos, il est recommandé de disposer d’une taxonomie de finance verte marocaine. Par ailleurs, il faut souligner que le recours à la garantie souveraine pour les financements concessionnels dégrade la notation du risque pays ;

■ Prioriser le développement des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) comme moyen de stockage, en attendant que des solutions alternatives de stockage (batteries, redox, thermique, hydrogène) atteignent la maturité prix prévue par les études internationales (IRENA en particulier).

Par ailleurs, le CESE estime que les investissements déjà réalisés dans les sources thermiques gardent toute leur place à l’avenir dans le mix si l’on considère la logique purement économique. Il s’agira de plus en plus d’installations amorties toujours opérationnelles qui pourront à minima servir de puissance de sécurité face à des variabilités exceptionnelles des sources renouvelables. Si, à l’avenir, un choix politique d’aller vers le 100% renouvelable qui peut être dicté par des événements externes (taxe carbone en particulier), est réalisé alors une mutation sera techniquement possible.

3.1.2. La production décentralisée et la digitalisation

La décentralisation de l’électricité, la digitalisation de la chaîne de valeur, les smartgrids, les activités d’effacement, etc., sont autant de mutations énergétiques qui participent à la 3ème révolution industrielle et qui nous font entrer dans l’ère de l’« Enernet », l’internet de l’énergie. Dans ce contexte, le CESE recommande de :

■ Promouvoir, au départ, le déploiement d’installations solaires d’autoproduction d’électricité dans le résidentiel, l’industrie, le tertiaire ou encore l’agriculture à des fins de réduction de la facture énergétique de l’auto-consommateur ;

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■ Accélérer la décentralisation, via un cadre réglementaire qui permettra d’injecter l’excédent du productible électrique dans le réseau, dans des conditions financières gérées par l’autorité de régulation, susceptibles de créer un marché dynamique de la production décentralisée. La production décentralisée, sera un moyen d’appui social aux populations à faible revenu ;

■ Adapter les réseaux de transport et de distribution d’électricité pour favoriser la circulation d’informations entre les fournisseurs et les consommateurs et ajuster les flux d’électricité en temps réel ;

■ Développer les réseaux intelligents (smart grids), prérequis incontournables pour muter d’un système unidirectionnel à un système bidirectionnel, permettant d’agir sur la demande, d’adapter, en partie, la consommation aux capacités instantanées de production, et d’optimiser les systèmes dits d’effacement de consommation électrique. Les smart grids sont de nature à renforcer la maîtrise du système électrique sur toute la chaîne de valeur du producteur au consommateur final. L’asservissement d’une partie de la consommation (industrielle et domestique) à la production disponible, permet de diminuer les pics de demande et donc de réduire les capacités maximales de production dans une zone géographique donnée. De même, il est parfaitement envisageable de programmer certains équipements (par exemple les véhicules électriques) à recevoir de l’énergie lorsqu’il y’a une surproduction donnée ;

■ Considérer, conformément au principe de sobriété, le risque de surexploitation des nappes phréatiques pour l’usage agricole (effet rebond) et adresser cette problématique en créant les incitations économiques à la sobriété comme l’accès à certains moments de l’année (correspondant aux besoins d’irrigation) à une électricité bon marché qui permet d’éviter de surinvestir en PV ainsi que la possibilité d’injecter le surplus électrique (avec réduction de facture) au lieu de gaspiller l’eau.

3.1.3. L’efficacité énergétique

Pour permettre à l’efficacité énergétique de jouer pleinement son rôle dans la transition énergétique, le CESE propose deux mesures phares en complément de celles citées ci-dessus :

■ Un contrat-programme entre l’AMEE et l’Etat ;

■ La mise en place d’un fonds national d’efficacité énergétique.

Le CESE recommande également de :

■ Placer les critères de l’efficacité énergétique dans les termes de références des marchés publics et d’y prévoir une pondération significative ;

■ Promouvoir l’efficacité énergétique auprès des responsables territoriaux par la mise en place d’un mécanisme de rémunération des économies réalisées ;

■ Examiner par une analyse dédiée, la pertinence de réunir les entités AMEE et SIE, en une structure unique visant une même finalité d’économie d’énergie et de développement de l’économie verte.

Compte tenu de la nouvelle position de l’AMEE sous la tutelle du département de l’industrie, lui permettant d’élargir son périmètre d’actions en intégrant celui de l’économie verte, le CESE recommande de confier à l’AMEE les missions suivantes :

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■ Élaborer des certificats d’économie d’énergie et les déployer à grande échelle, à l’aide d’un fonds dédié et avec le support de la coopération internationale et des banques ;

■ Proposer aux entreprises et aux citoyens souhaitant investir sur de petits projets leur permettant de réaliser des économies d’énergie, l’accès à des lignes de crédit 0% et à des subventions ;

■ Offrir aux entreprises labélisées et opérant dans le secteur de l’économie d’énergie des garanties de financement, pour leur faciliter l’accès aux financements bancaires ;

■ Contribuer à la régulation de l’importation et la commercialisation des produits énergivores au profit de leur équivalent démontrant une bien meilleure performance énergétique ;

■ Mettre en place des normes de performances énergétiques dans le secteur résidentiel, concevoir et mener des programmes pour généraliser les installations solaires pour le chauffage d’eau sanitaire et l’électricité, dans les lotissements existants et dans les nouvelles constructions, tout en s’assurant que ces équipements soient assemblés au Maroc ;

■ Mettre en œuvre la norme ISO 50 001 et le Protocole International de Mesure et Vérification de la Performance (IPMVP) pour la maîtrise de l’énergie par les grandes entreprises consommatrices.

3.1.4. La transformation de la mobilité vers un transport en commun de qualité, massifié, propre, digitalisé et électrique

Au vu des impacts du transport en commun sur le pouvoir d’achat du citoyen, l’attractivité du territoire et la préservation de l’environnement, le CESE estime que ce mode de transport devrait être la priorité sur le plan de la mobilité.

Afin de pousser le déploiement des solutions de transport en commun dans toutes les villes, le CESE recommande de :

■ Conditionner le soutien de l’Etat aux programmes du transport en commun des collectivités par la conformité des termes de références et des Plans de Déplacement Urbain (PDU) à un cahier des charges garantissant un service de qualité, sécurisé, digitalisé et accessible avec un maillage dense, intégrant l’efficacité énergétique des équipements et l’intermodalité ;

■ Entreprendre une réforme du service des grands taxis, afin de lui attribuer un rôle mieux défini dans le paysage du transport collectif ;

■ Mettre en place des mesures coercitives, limitant l’utilisation du véhicule individuel dans certains centres urbains (disponibilité d’espace de parking restreinte, accès limités aux voitures électriques, etc.) ;

■ Faire de la mobilité électrique un objectif stratégique de l’Etat sur lequel il devrait se positionner de manière forte avec des objectifs ambitieux. Ce positionnement et cet engagement sur l’électromobilité (motos, voitures, camionnettes, et bus électriques) devraient être consignés dans une nouvelle politique publique.

Dans le cadre de cette politique, le CESE recommande de :

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■ Electrifier le transport collectif : le parc de taxi, et de VTC, les bus, le transport scolaire et celui des salariés dans le secteur public et privé ;

■ Electrifier le parc de l’administration publique, au regard du devoir d’exemplarité de l’Etat ;

■ Mettre en place une batterie de mesures incitatives permettant de privilégier le véhicule électrique au véhicule thermique (taxe carbone sur les véhicules thermiques et sur les carburants, bonus sur les véhicules électriques et sur les batteries, offres de leasing 0%, assurance réduite, suppression de la TVA sur les véhicules et sur les batteries, ouverture provisoire pour les véhicules électriques d’occasion, etc.)

■ Stimuler l’offre en véhicules électriques ;

■ Déployer l’infrastructure urbaine et interurbaine (bornes électriques, voies vélos, voies bus et véhicules partagés, logiciels plus performants de décongestionnement des villes, etc.) et soutenir les collectivités pour leur mise en place ;

■ Inciter les grandes entreprises à transformer une partie de leur parc vers l’électromobilité ;

■ Impliquer les distributeurs d’électricité dans la mise en place d’offres adaptées pour les particuliers et les entreprises ;

■ Préparer le marché du rétrofit13 des véhicules thermiques vers l’électrique par la mise en place de normes de sécurité adéquate, le renforcement de capacité en ateliers et de contrôle technique.

En complément de la e-mobilité, et dans le cadre de la nouvelle vision énergétique intégrée, nécessaire pour atteindre les résultats d’économie d’énergie escomptés, le CESE recommande d’y intégrer les éléments suivants :

■ Prendre en compte, en amont, la mobilité dans la planification urbaine et l’aménagement du territoire, en considérant le transport à un niveau intercommunal et ne pas le limiter à l’échelle de la commune. Une attention particulière doit être accordée ainsi à l’accessibilité aux bassins d’emplois notamment pour les nouvelles villes satellites (Tamesna, Tamensourt, etc.) et les quartiers périphériques des villes ;

■ Orienter progressivement la mobilité individuelle vers une mobilité partagée (y compris co-voiturage) et vers une mobilité douce. Des objectifs de pénétration de ces modes de mobilité pourraient être définis et suivis, couplée à une politique incitative ;

■ Restructurer le secteur du transport de marchandises dans le sens d’une concentration des acteurs accompagnée d’une politique de renouvellement des flottes et d’une interdiction de circulation en ville pour les véhicules au-dessus d’un seuil d’émission ;

■ Restructurer le service des petits taxis vers une concentration de sociétés professionnelles répondant à des exigences de qualité, de sécurité, de durabilité et donnant à leurs employés un statut et une protection sociale ;

■ Réaliser de projets pilotes de production de biocarburants issus de déchets organiques ou d’hydrogène (biodiesel), notamment pour le transport de marchandise ;

13 - Rétrofit : le remplacement du moteur thermique par une batterie électrique

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■ Préparer les véhicules à recevoir l’hydrogène, notamment dans le cadre d’un développement et d’une maîtrise de cette nouvelle ressource verte, avec des premiers projets pilotes ;

■ Promouvoir et soutenir les entreprises dans le domaine de la mobilité durable (commandes publiques, incitations des grandes entreprises privées à acheter un % de produits/ services autour de la mobilité durable, aides fiscales, etc.)

■ Développer le fret ferroviaire et le cabotage maritime ;

■ Pousser la digitalisation pour réduire et optimiser les déplacements : digitalisation des services administratifs, développement du e-commerce, institutionnalisation du télétravail, généralisation des services digitaux (y compris pour les taxis).

3.1.5. Une réforme de la compensation du butane qui préserve sa dimension redistributive

La compensation du butane coûte, annuellement à l’Etat 11,67 Milliards de dirhams, dont 95% pour les ménages, soit près de 11,1 Milliards de dirhams. Si aucune réforme n’est menée, ce coût pourrait culminer à plus 16 Milliards de dirhams en 2030.

Sous l’angle énergétique, cette compensation du butane est surtout une incitation à consommer cette forme particulière d’énergie au détriment de l’électricité et des équipements solaires. La réforme du système est particulièrement complexe puisqu’elle revêt 3 dimensions :

■ Une dimension énergétique déjà mentionnée ;

■ Une dimension sociale de redistribution qui dépasse le cadre de cet avis ;

■ Une dimension liée aux finances publiques marquée par le poids de la dépense de compensation.

Le CESE recommande donc, si une réforme est décidée, qu’elle puisse adresser la dimension énergétique, sans modifier la dimension redistributive (à caractère social) qui peut être aussi importante pour les classes défavorisées que pour la classe moyenne inférieure.

3.1.6. Le recours au dessalement d’eau de mer, couplé à l’EnR, comme l’une des solutions pour l’eau potable et pour certaines cultures agricoles, en complément d’une gestion optimale de la demande

Grâce à l’évolution technologique et aux coûts compétitifs des EnR, le dessalement devient aujourd’hui une solution viable, en croissance, pour lutter contre les pénuries d’eau.

Ainsi, le CESE recommande de :

■ Systématiser l’intégration des énergies renouvelables comme source d’électricité pour tous les projets de dessalement d’eau de mer ;

■ Utiliser le dessalement pour assurer, en priorité, la fourniture d’eau potable dans les régions côtières, qui subissent un stress hydrique et pour maintenir les activités agricoles pour les communautés fragiles à faible revenu. Ceci permettra de renforcer la résilience de ces

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communautés aux sécheresses récurrentes et d’améliorer leurs capacités d’adaptation au changement climatique ;

■ Adosser le recours au dessalement à des programmes de maîtrise de la demande dans le cadre d’une efficacité hydrique effective (réutilisation des eaux usées et pluviales, optimisation de la chaîne de valeur de l’eau - mobilisation, traitement, stockage -distribution, amélioration de l’efficience des ressources en eau) et de la réduction du risque environnemental ;

■ Considérer dans la comparaison économique entre l’option conventionnelle et le dessalement, le coût complet du mètre cube d’eau du barrage ou de la station de dessalement jusqu’au consommateur.

3.1.7. Le gaz naturel, une clef de compétitivité pour l’industrie

Le Maroc peut profiter d’un contexte favorable de disponibilité et de compétitivité du gaz naturel par rapport au fuel ou au GPL, et permettre une économie substantielle aux industries marocaines. L’enjeu représente environ un million de tonnes/an. Il en résultera un saut important de compétitivité pour les secteurs industriels marocains pour qui l’énergie thermique constitue un facteur de coût de production dominant, à l’instar de l’industrie de la céramique, de la sidérurgie ou du verre.

Sur le plan environnemental, la migration vers un combustible propre comme le Gaz Naturel liquéfié (GNL) permettra de réduire les émissions polluantes notamment les oxydes d’azote mais également les particules en suspension, dans les zones industrielles. Ceci améliorera la qualité de l’air des quartiers résidentiels avoisinants et réduira en conséquence les maladies respiratoires au bénéfice de la santé des populations avoisinantes.

A cet effet, le CESE recommande de :

■ Mettre en place un programme de remplacement du fuel et du GPL en faveur du gaz naturel ;

■ Elaborer un code gazier adapté pour permettre l’introduction du gaz naturel auprès des industries marocaines ;

■ Diversifier les sources d’approvisionnement à travers :

� Le renouvellement du contrat Gazoduc Maghreb Europe (GME) -qui arrive à échéance en 2021- selon deux mécanismes soit depuis l’Algérie pour répondre aux besoins de l’ONEE et approvisionner les industriels marocains, soit depuis l’Espagne par le « reverse flow ». La distribution pourrait se faire moyennant la connexion du GME au pipeline de Sidi Kacem, qui va actuellement jusqu’à Mohammedia/ Casablanca, et qui pourrait être prolongé pour desservir les usines concernées. Cette connexion requiert cependant une évaluation de l’état du pipeline Sidi Kacem- Mohammedia ;

� Les importations auprès des fournisseurs les plus proches et les plus compétitifs, par le biais des acteurs importateurs d’hydrocarbures ;

� Les importations de GNL au niveau d’unités flottantes de stockage, les localisations privilégiées seraient les ports de « Nador West Med », « Kenitra Atlantique » ou Mohammedia » ;

� Le recours à terme au projet de gazoduc Nigeria-Maroc.

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3.1.8. Des ressources énergétiques encore sous explorées et la nécessité de maitriser l’exploitation du bois-énergie

3.1.8.1. La géothermie

Les études menées par l’ONHYM ces dernières années ont permis de préciser que les ressources géothermiques du Maroc sont principalement de basse à moyenne enthalpie. Par suite d’une évaluation des réserves probables, plusieurs zones à potentiel géothermique ont été circonscrites.

Ainsi, au niveau du Maroc nord oriental, la géothermie peut être utilisée dans le domaine agricole (chauffage des serres, cultures de champignons et d’algues, séchage des produits agricoles et irrigation), en aquaculture, en balnéothérapie et chauffage de locaux. Un site, au niveau du Jbel Gourougou, montre une capacité pour la production d’électricité par centrales à cycle binaire et peut également supporter des activités en cascade autour du tourisme et de l’agriculture.

Les bassins côtiers dans les Provinces du Sud correspondent à un vaste champ géothermique, où les premiers travaux ont permis de mettre en évidence cinq zones géothermiques : Bir Gandouz, Dakhla – El Argoub, Boujdour – Lamsid, El Marsa – Laâyoune – Tarfaya et Essemara. Ce potentiel peut être utilisé dans les domaines du chauffage de locaux et/ou de serres, de l’aquaculture et de la balnéothérapie. La zone de Boujdour – Lamsid est la plus intéressante ; elle pourrait, selon les premières évaluations, servir à la production d’électricité via des centrales à cycles binaires.

Les autres régions du Maroc central, le Nord du Moyen Atlas et le sillon Sud-Rifain nécessitent des travaux complémentaires pour se prononcer sur leur réel potentiel.

Pour faire contribuer l’énergie d’origine géothermique au développement local autour de projets d’agriculture, de tourisme ou dans certains cas de production d’électricité, le CESE recommande de :

■ Affiner le potentiel à l’aide de travaux de détail pour passer à des projets pilotes et se prononcer, par la suite, sur leur faisabilité économique ;

■ Finaliser le cadre juridique conformément à la réglementation minière permettant l’exploitation de l’énergie géothermique.

3.1.8.2. La biomasse

La biomasse constitue une des solutions majeures pour augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, décarboner et réduire les coûts principalement dans les industries et l’hôtellerie.

Une étude présentée en février 2019 par le Ministère de l’énergie, a mis en exergue un potentiel en énergie primaire estimé à 11,5 millions de MWh/an, dont 57% issu des résidus de l’agriculture, 26% des déchets et 15% provenant des sous-produits de la foresterie. Les principaux résidus faisant l’objet d’une valorisation énergétique industrielle, tertiaire et artisanale pour les hammams et les potiers, sont le grignon et le noyau d’olive, l’écorce d’argan, et les chutes de bois de scierie.

En effet, l’industrie et l’hôtellerie ont, depuis quelques années, initié la conversion de leurs chaudières vers les chaudières à biomasse alimentées par les grignons d’olive, et réalisent ainsi une économie de 30 à 40% sur le coût de production de la chaleur couplée à une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre.

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Pour développer d’avantage ce potentiel, le CESE recommande de :

■ Mettre en place un cadre juridique pour la production et la distribution de biocarburants ;

■ Encadrer et contrôler l’exploitation de la biomasse traditionnelle bois-énergie dans un contexte de forêts en constante dégradation. Il est recommandé, dans ce cadre, d’intervenir pour réduire la demande en bois énergie, en utilisant le levier de l’efficacité énergétique, et encourager l’accès à d’autres formes d’énergie en améliorant le pouvoir d’achat des ménages les plus vulnérables dans le monde rural par le développement d’activités génératrices de revenus. De nouvelles pistes pour diversifier l’offre énergétique devraient également être examinées, comme le biogaz ou la fabrication de briquettes à base de biomasse agricole et arboricole ;

■ Se positionner sur des objectifs de valorisation de la biomasse à l’échelle nationale et par secteur (industrie, hôtellerie, hammams, etc.)

■ Mener des projets pilotes de valorisation de la biomasse au niveau des collectivités territoriales en séparant la collecte des matières organiques via le tri sélectif en amont et en utilisant les déchets d’abattoir pour produire du biogaz, des biocarburants et éventuellement de l’électricité ;

■ Mener des projets pilotes de transport en commun à base de biogaz issu de la biomasse, notamment en partenariat avec des acteurs internationaux ;

■ Développer la filière de récupération et de valorisation énergétique des huiles alimentaires usagées ;

■ Interdire l’utilisation de terres agricoles dans la production de biocarburants au détriment de l’usage alimentaire.

3.1.9. La préparation, grâce au Power to X (PtoX) de la compétitivité énergétique du futur

L’hydrogène vert ouvre des perspectives prometteuses, avec une demande qui va croître de manière importante sur les prochaines années, en raison de son coût d’approvisionnement à tendance baissière d’une part, et l’urgence face à la nécessité de l’atténuation des émissions des GES et la volonté internationale de prendre des mesures pour décarboner les économies, d’autre part.

En raison de son potentiel, le Maroc doit donc clairement se positionner pour attirer les acteurs de référence internationale et développer des partenariats pour produire et vendre de l’hydrogène vert compétitif.

Par ailleurs, les entreprises marocaines peuvent capitaliser sur le PtoX pour améliorer leur taux d’intégration et créer de nouveaux marchés. C’est le cas de l’industrie marocaine des phosphates qui importe actuellement 2 Millions de tonnes d’ammoniac par an, et qui grâce à la production d’hydrogène vert, va pouvoir produire de l’ammoniac synthétique. A travers ce projet d’envergure, le groupe OCP pourra, à terme, améliorer sa compétitivité et devenir exportateur d’ammoniac synthétique.

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Les autres opportunités concernent la production de méthane renouvelable à base d’hydrogène qui pourrait se substituer au gaz naturel classique, pour être utilisé par nos industries ou être transporté par pipeline vers l’Europe, dans le cas d’une rentabilité économique avérée.

Enfin, la production d’hydrogène peut accompagner la décarbonation du transport à l’instar de ce qui a été initié en Europe, en Amérique et en Asie.

Dans ce contexte, le CESE recommande d’élaborer un programme « Maroc hydrogène vert » incluant le développement de toutes les filières et opportunités pour l’industrie, l’électricité et le transport. Ce programme devra :

■ Concerner toutes les filières : production d’ammoniac synthétique, de méthanol et méthane, de gaz renouvelable, d’hydrogène vert et de capacités de stockage pour l’électricité verte ;

■ Détailler les zones favorables d’implantation notamment pour les filières qui nécessitent des sources potentielles de CO2 par exemple à proximité des cimentiers, notamment pour la production de méthanol et méthane, ou encore à proximité des industries qui consomment de l’hydrogène comme intrant : verrerie, sidérurgie ;

■ Préparer les infrastructures nécessaires (ports, pipeline, etc.) ;

■ Définir les avantages concurrentiels du Maroc et préparer les modalités des PPP pour amorcer les investissements (accessibilité foncière, rapprochement avec opérateurs EnR, etc.)

■ Identifier ou créer une entité qui pilotera et opérationnalisera ce programme. A cet égard, il convient de considérer les projets de parcs thématiques initiés par l’institut de recherche en Energie Solaire et Energies Nouvelles (IRESEN) et qui pourraient constituer un point d’ancrage privilégié pour ce type de projet.

3.2 - La gouvernance du secteur énergétique doit évoluer pour englober toutes les composantes de la transition énergétique et dépasser les obstacles

3.2.1. Les fonctions transverses

Compte tenu de la maturité du Maroc, de son positionnement à l’échelle internationale, de son potentiel en énergie verte et des perspectives économiques qui se profilent, le CESE recommande de :

■ Aborder la gouvernance du secteur énergétique via une nouvelle architecture gouvernementale selon l’angle de la transition énergétique en intégrant toutes ses composantes y compris celles de la mobilité durable, du nexus énergie-eau, ainsi que celui de l’économie verte et circulaire ;

■ Adopter une loi unique pour réglementer toutes les facettes de la transition énergétique et faciliter l’opérationnalisation, le suivi et l’évaluation des politiques y afférentes ;

■ Doter le département qui aura la charge de la transition énergétique de capacités d’action importantes sur le plan stratégique et législatif pour accompagner au mieux la mutation du secteur sans constituer un goulot d’étranglement ;

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■ Aligner la gouvernance des opérateurs sur le concept de la durabilité et le renforcement de la transparence en adoptant une démarche responsable qui s’articule autour du reporting extra-financier. Ce type de reporting constitue un moyen de communication et de suivi des indicateurs sociaux, environnementaux et de gouvernance ; il permet donc de mesurer les impacts des activités sur les différentes parties prenantes et les écosystèmes ;

■ Adapter l’observatoire de l’énergie au nouveau périmètre en lui garantissant l’accès à l’information et les moyens de production scientifique, ce qui lui permettra en permanence d’informer les décideurs et les acteurs du secteur. Ses missions peuvent d’ailleurs être étendues pour intégrer l’impact social de l’énergie et notamment la mesure de la précarité énergétique.

3.2.2. Le secteur de l’électricité

La mise en place d’une gouvernance est la clef pour la réalisation de la transformation souhaitée du secteur électrique qui est amené à occuper une place prépondérante à l’avenir. Le principe de construction de cette nouvelle gouvernance est de permettre :

■ La réalisation des investissements nécessaires pour assurer la transition énergétique en assurant l’approvisionnement aux prix les plus compétitifs ;

■ La transparence complète sur le fonctionnement du marché et sur les business models des acteurs ;

■ La séparation des acteurs et la création pour chacun des incitations qui lui permettront d’agir dans le sens de l’intérêt général et d’éviter ainsi les conflits d’intérêts ;

■ Le développement d’opérateurs privés compétitifs susceptibles d’assurer l’excellence opérationnelle et la conquête de nouveaux marchés.

L’atteinte de ces objectifs suppose la réalisation des principes suivants :

■ La consolidation des acteurs (publics et privés) destinés à assurer le service public de l’énergie dans le cadre d’un marché administré ;

■ La dynamisation du marché ouvert de l’électricité qui permet aux industriels d’optimiser les prix et aux consommateurs de bénéficier de la concurrence et qui permettra avec la sophistication de la demande (avec la mobilité électrique, le dessalement, le power-to-X, etc.) de maximiser l’utilisation des investissements.

En conséquence, le CESE recommande de :

■ Séparer juridiquement les acteurs de l’électricité en fonction de la chaine d’activités : production, transport, distribution et commercialisation ;

■ Engager également une séparation financière (comptabilité analytique) de ces activités pour éviter tout conflit d’intérêt d’une part, et pour permettre de mieux maîtriser les variables coût et performances de chaque maillon de la chaine d’autre part.

Le découpage recommandé par le CESE est le suivant :

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■ Le marché de l’électricité (d’énergie ou de puissance) devra être constitué :

� D’un marché administré avec des tarifs fixés à l’avance ;

� Et d’un marché ouvert dans lequel les prix sont du ressort uniquement du vendeur et de l’acheteur.

■ Les deux marchés partagent le même réseau physique et des échanges entre les entités agissant des ces marchés doivent être possible.

■ Le marché administré doit être le marché majoritaire dans un premier temps pour assurer la sécurité d’approvisionnement. Au fur et à mesure de la sophistication du marché et notamment dans le cadre du scenario III (dit « sur orbite »), le marché ouvert devrait prendre de plus en plus de place pour assurer l’optimisation économique des investissements.

■ L’autorité de régulation de l’énergie (ANRE) fixe les bonnes règles d’accès au réseau (ressource rare) ainsi que les tarifs pour les transactions au sein du marché administré. Elle devra assurer la possibilité de tout type de transaction y compris :

� Les microtransactions au niveau de la basse tension (entre particuliers ou coopératives) ;

� Les procédures d’effacement de la part des grands consommateurs et leur rémunération ;

� Le déclenchement et l’arrêt de la demande en fonction d’une tarification flexible (par exemple : le déclenchement de la charge des batteries de voitures uniquement s’il y a des excédents de production éolienne).

■ Le marché de l’électricité devra être organisé comme une place de marché (à construire) assurant la transparence sur les transactions et permettant de réaliser rapidement les arbitrages économiques pertinents pour optimiser l’utilisation des centrales électriques.

■ La production et le stockage de l’électricité doivent être effectuée par des opérateurs privés selon les modalités suivantes :

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� Marché administré : Contrats de type Power Purchase Agreement (PPA) avec une garantie d’achat par l’Office National de Gestion de la Production du Stockage et du Sourcing issue de la séparation juridique avec l’ONEE. Les contrats PPA pourront concerner la production mais aussi le stockage afin d’assurer une garantie de puissance. Cet office sera le seul à même d’acheter de l’électricité à l’étranger dans un premier temps pour ne pas déséquilibrer le marché national.

� Marché ouvert : Producteurs indépendants ne bénéficiant d’aucune garantie d’achat et pouvant vendre de l’énergie à n’importe quel autre acteur du marché national et, dans un deuxième temps, international.

■ Le rôle de MASEN, opérateur public qui a pour mission le développement de capacités renouvelables, sera de plus en plus important dans la mesure où l’ensemble des scenarii envisagés donnent une place prépondérante à ce type de production.

■ Le transport de l’électricité reste un monopole naturel de l’Office National de Transport d’Electricité (également issu de l’ONEE). Il assure le transport sur les lignes THT et HT ainsi que l’activité de dispatching (équilibre offre demande) et la planification opérationnelle qu’il soumet pour validation au gouvernement. A ce titre, il devra avoir, par la loi, un accès complet à l’ensemble des informations sectorielles nécessaires à la construction des prévisions. Le business model de cet office doit refléter l’objectif qui lui est fixé d’assurer la disponibilité du réseau et l’équité entre les régions. Son business model prévoira donc un timbre de passage avec un tarif unique pour tout kWh qui transite par son réseau quel que soit son point de départ et son point d’arrivée.

■ La distribution de l’électricité devra être assurée par des sociétés régionales sous le contrôle des collectivités locales. Ces sociétés devront bien séparer comptablement l’activité de distribution (qui consiste simplement à convoyer l’électricité) pour laquelle elles seront rémunérées par un timbre de passage (qui peut couvrir les coûts de distribution mais aussi d’autres services apportés par ces sociétés) et l’activité de commercialisation/vente dans laquelle elles généreront leur marge sur la différence entre les coûts de vente et d’achat dans le cadre du marché administré. Elles pourront déléguer une partie de leur activité sur un territoire à une société privée dans le cadre de contrats de gestions comme ceux qui existent (après correction des inefficiences notées en infra).

■ La commercialisation de l’électricité dans le marché ouvert pourra être le fait d’opérateurs privés qui peuvent acheter de l’électricité en gros et la revendre aux clients résidentiels, professionnels ou aux voitures électriques. L’autorité de régulation devra garantir le libre accès de ces sociétés privées aux réseaux de distribution à condition de s’acquitter d’un timbre de passage défini par elle.

■ Afin d’assurer le bon fonctionnement du réseau dont la complexité va aller en augmentant, des flux d’information sur l’électricité produite et consommée en tout point devront être produits et centralisés au niveau d’une structure sous la responsabilité de l’autorité de régulation. Ce réseau intelligent (smart grid) sera construit par le remplacement progressif des compteurs électriques classiques par des compteurs intelligents qui pourront être conçus et fabriqués par des industriels marocains sur la base d’un cahier des charges et de normes d’interopérabilité

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édictées par l’autorité de régulation. L’accès à ces informations (en assurant la protection des données personnelles) permettra en outre de développer dessus des services à valeur ajoutée basés sur les technologies de big data et d’intelligence artificielle.

■ De facto, la séparation des activités de l’ONEE questionne le processus de fusion entre l’ONE et l’ONEP.

Compte tenu des évolutions récentes sur le secteur de l’électricité, le CESE recommande sur le très court terme de :

■ Rendre opérationnel l’Autorité Nationale de Régulation de l’Electricité, de lui donner les moyens de son action, et de procéder à l’élargissement de ses compétences ;

■ Amender la loi 54-05 relative aux contrats de Gestion Déléguée ainsi que la loi 86-12 relative aux contrats de Partenariat Public-Privé, telle qu’elle a été modifiée et complétée, pour encadrer de manière stricte la prorogation de tels contrats et consacrer les principes de « juste rémunération des services », de « marges raisonnables » et « d’équilibre financier des contrats » .

3.2.3. Le secteur des hydrocarbures

Pour remédier aux dysfonctionnements constatés dans le fonctionnement du secteur des hydrocarbures, le CESE recommande de :

■ Réorganiser la chaîne de valeur du secteur et mettre en place une régulation adaptée en élargissant le périmètre de l’ANRE d’une autorité de régulation de l’électricité à une autorité de régulation de l’énergie dans toutes ses composantes ;

■ Découpler les activités d’importation, de stockage, de vente aux distributeurs et de vente au détail et les réguler par des entités juridiques différentes ;

■ Protéger les petits distributeurs et les consommateurs, en régulant les activités d’importation et de stockage afin de garantir aux distributeurs d’hydrocarbures les mêmes conditions de vente ;

■ Considérer le cas particulier de la SAMIR : en rappelant la position du CESE14 quant au silence par rapport aux intentions de l’Etat sur le maintien ou non d’une raffinerie au niveau national et le climat d’attentisme pénalisant que cette situation continue à générer. Dans ce cadre, le CESE recommande de :

� Réaliser une étude d’impact social et économique de l’arrêt de la production de la raffinerie et l’opportunité de disposer ou non d’une raffinerie nationale et adopter une stratégie gouvernementale claire pour la concrétisation de la meilleure option.

3.2.4. Le rôle des territoires et de la société civile dans le cadre d’une démarche participative

Jusqu’à présent, la question de la transition énergétique a été portée essentiellement par l’Etat, dans le cadre des grands projets, sans inclusion des citoyens, de la société civile et des territoires.

14 - Rapport annuel du CESE, 2018, p 41.

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Cependant, pour une transition énergétique réussie, il faudrait mettre les territoires et le citoyen au centre de la décision.

En saisissant le lancement du projet de régionalisation avancée, en tant que modèle de gouvernance territoriale, qui donne aux territoires un rôle central pour l’appropriation des objectifs de la transition énergétique et leur implémentation sur le terrain, le CESE recommande aux territoires de :

■ Investir dans la production électrique pour valoriser localement leur patrimoine naturel en partenariat avec le privé dans le cadre du marché ouvert permis par la libéralisation progressive du secteur ;

■ Inclure le concept de transition énergétique dans l’élaboration des plans de développement régionaux (PDR) *15, et intégrer le citoyen qui constitue in fine le maillon ultime de la chaine de valeur, qu’il soit en entreprise, dans une activité génératrice de revenu ou dans les ménages ;

■ S’appuyer, selon une démarche participative, sur les capacités de sensibilisation et de mobilisation de la société civile en faveur des pratiques responsables ;

■ Tirer profit de la capacité d’une démarche participative lors de l’élaboration des PDR pour préparer, en amont, l’acceptabilité sociale des projets pour en faciliter la confirmation en aval par les études d’impact sur l’environnement ;

■ Mettre en place toutes les conditions nécessaires pour permettre à la société civile de jouer pleinement son rôle comme contributeur dans l’élaboration, le suivi et l’évaluation des programmes, et en lui apportant les appuis nécessaires notamment sur les plans humain et financier et l’accès à des campagnes de sensibilisation selon les meilleurs standards.

3.3 - Le nouveau paradigme énergétique peut jouer un rôle clef dans le positionnement international du Maroc

Le nouvel ancrage du Maroc sur la trajectoire de la croissance verte permettra de renforcer son leadership climatique, qui au-delà des efforts reconnus d’atténuation, apportera des réponses aux nombreux défis de l’adaptation, de manière responsable envers l’environnement et le citoyen.

3.3.1. Renforcement des échanges avec l’Europe et construction de partenariats africains

Le réseau électrique marocain est interconnecté au réseau espagnol et par conséquent au réseau européen par deux lignes sous-marines de capacité 700 MW chacune, sous une tension de 400 kV ; une troisième ligne de même capacité est programmée pour 2024. Une autre liaison avec l’Europe est également programmée pour 2026 via le Portugal, pour une capacité de 1000 MW en 320 kV courant continu. Ces interconnexions favorisent les échanges bidirectionnels entre les deux rives et renforcent la stabilité des paramètres, tension et fréquence, du réseau marocain grâce à la grande inertie du réseau européen.

15 - *La loi organique 111.14 relative aux régions habilite ces dernières dans le cadre de ses compétences propres à «l’élaboration d’une stratégie régionale d’économie de l’énergie et de l’eau » et à «la promotion des initiatives relatives aux énergies renouvelables » article 82. En outre, les domaines des compétences transférées de l’Etat à la région comprennent l’énergie, l’eau et l’environnement (article 94).

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Aujourd’hui, la conjoncture est très favorable pour renforcer de tels échanges avec l’Europe. Plusieurs opportunités sont offertes par :

■ Les objectifs ambitieux du Green New Deal de l’Union Européenne qui visent d’atteindre la neutralité carbone en 2050 ;

■ La décision de l’Union Européenne d’augmenter la part des énergies renouvelables dans son mix électrique à 37% en 2030 ;

■ L’engagement envers l’Afrique en faveur d’un déploiement et d’échanges accrus d’énergie durable et propre.

Dans ce cadre, le CESE recommande de :

■ Consolider les échanges avec l’Europe aussi bien dans le domaine de l’électricité que dans celui du gaz via le GME ;

■ Saisir les opportunités offertes par le Green New Deal de l’Union Européenne et faire jouer deux atouts de notre pays, qui lui procurent un net avantage comparatif ; la spécificité de son potentiel en énergies renouvelables d’une part et sa proximité géographique du continent européen de l’autre ;

■ Cibler, par rapport aux échanges avec l’Europe et en mettant les énergies vertes au cœur des écosystèmes productifs nationaux, la triple performance : l’export d’une énergie verte , le développement et surtout l’extension de l’offre des exportations marocaines agricoles et industrielles et le lancement de nouvelles filières autour de l’hydrogène et des molécules vertes.

Par rapport au partenariat avec l’Afrique :

■ Contribuer à accélérer l’électrification de la région de d’Afrique de l’Ouest, en se basant sur les projets en cours d’étude avec la Mauritanie et le Nigéria ;

■ Utiliser la connexion de Dakhla à ligne 400 kV comme une amorce de l’interconnexion avec la Mauritanie puis avec les pays subsahariens.

3.3.2. Lancement de nouvelles filières énergétiques et de partenariats stratégiques avec l’Europe et l’Asie

3.3.2.1. L’hydrogène

Le programme hydrogène vert, qui sera élaboré par le Maroc en incluant le développement de toutes les filières et opportunités pour l’industrie, l’électricité et le transport, devrait élever la position du Maroc et son image dans le partenariat international.

Pour réussir le positionnement souhaité du Maroc dans cette nouvelle filière, le CESE recommande de :

■ Travailler en partenariat avec l›Union Européenne pour la conception et l’amorçage d’un marché de l’hydrogène propre, impliquant de nouveaux mécanismes de coopération durables aux niveaux politique et économique ;

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■ Se positionner avec l’Europe en tant que leaders mondiaux du marché de l’hydrogène vert, au regard des complémentarités et synergies entre les deux parties dans les domaines de l’expertise et des innovations technologiques d’un côté, et de la compétitivité, des gisements d’énergies renouvelables et des capacités d’industrialisation, de l’autre ;

■ Mettre ce partenariat autour de la filière d’hydrogène vert, au service de la croissance économique, de la création d›emplois et pour un système énergétique durable.

3.3.2.2. Les molécules vertes

Les molécules vertes sont produites à partir de l’électrolyse de l’eau de source renouvelable.

L’ammoniac vert

La production d’ammoniac à partir du gaz naturel ou du charbon représente 175 millions de t/an soit environ 95 Milliards de dollars. Outre son utilisation comme matière première pour obtenir des engrais azotés, l’ammoniac contribue à la production de matières plastiques, de fibres, d’explosifs, d’acide nitrique et d’intermédiaires pour les colorants et les produits pharmaceutiques.

Le CESE recommande de :

■ Saisir la compétitivité marocaine de la filière Power to X pour produire de l’ammoniac vert et participer ainsi à décarboner la production des entreprises nationales ou européennes ;

■ Œuvrer au captage d’une partie de plus en plus importante du marché de l’ammoniac afin d’améliorer la compétitivité de la production marocaine en fertilisants et d’utiliser l’ammoniac vert comme vecteur de transport et de stockage de l’électricité en vue de son exportation.

Le Méthanol vert et les carburants « Fischer-tropsch »

Le marché du méthanol représente près de 98,3 Millions de tonnes annuelle et génère un chiffre d’affaires de 55 milliards de dollars/an, et plus de 90 000 emplois. Le secteur connaît une croissance soutenue de 7% depuis 2015, notamment grâce aux nouvelles applications énergétiques qui représentent désormais 40% de sa consommation.

Le CESE recommande à cet égard de :

■ Se positionner sur la filière du méthanol vert, dont la production mondiale devrait tripler d’ici 2050, en raison de ses multiples utilisations industrielles (principalement utilisé comme matière première des plastiques, des peintures, des textiles) et dans les véhicules électriques.

Gaz synthétique vert ou méthane vert

Outre le volet de l’électricité, de l’hydrogène, de l’ammoniac et du méthanol traités précédemment, le gaz naturel synthétique pourrait également satisfaire la demande au Maroc et en Europe.

Le CESE recommande de :

■ Organiser un écosystème pour une production de gaz synthétique vert en vue d’alimenter le

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

tissu économique national en combustible propre, notamment les secteurs du transport et les industries énergivores ;

■ Planifier la mise en place d’une infrastructure de transport du gaz synthétique vert à l’aide d’un réseau de pipelines pour approvisionner les industriels marocains et assurer l’export vers l’Europe.

Pour le lancement de toutes ces filières de production de molécules vertes autour de l’hydrogène, le CESE recommande de :

■ Privilégier, lors des montages de projets, les PPP et les consortiums qui associent les opérateurs marocains et européens spécialisés dans le secteur de l’électrolyse et des énergies renouvelables. Ces partenariats doivent permettre le transfert de technologies pour renforcer le capital humain national ;

■ Mettre en place un cadre juridique et financier incitatif afin de démultiplier les IDE.

3.3.3. Appropriation technologique et intégration industrielle

Le succès de la transition énergétique, sous ses composantes multiples, ne peut se faire que si elle s’accompagne d’une véritable intégration industrielle territorialisée. D’une manière générale, il faut veiller, lors du développement et de l’exécution des projets industriels, à assurer l’appropriation technologique et permettre l’émergence d’expertise et de contenus locaux (produits et services). Cela peut passer par des clauses systématiques d’intégration industrielle contractualisée, arrimant l’université et les instituts de recherche, les startups et les entreprises nationales à tout projet.

L’intégration industrielle concerne les filières suivantes :

3.3.3.1. Les composants de l’éolien

Une éolienne comprend plusieurs sous-systèmes sophistiqués conçus séparément : un rotor composé de trois pales et d’un moyeu ; une nacelle composée d’un châssis, d’un multiplicateur et d’une génératrice ; et une tour constitué d’un mât, d’un système de commande électrique et d’un transformateur.

Dans un premier temps, la contribution des entreprises locales concernait essentiellement les travaux de génie civil et hors site, le transformateur et le câblage électrique. Avec la mise en service récente de l’usine de pales d’éoliennes de Siemens à TAC-Tanger, le taux d’intégration a fait un saut qualitatif et quantitatif important dans la chaine de valeur du secteur éolien. Par ailleurs, une autre avancée de taille s’est concrétisée avec la réalisation des mats par l’opérateur local DLM, portant le taux d’intégration actuel à 60%. Il reste des éléments importants du système qui peuvent être fabriqués au Maroc : le châssis, le multiplicateur et la génératrice d’électricité pour la nacelle ainsi que la commande électrique de la tour.

Afin de continuer à améliorer le taux d’intégration de la filière éolienne, le CESE recommande de :

■ Encourager les opérateurs marocains du secteur électrique à développer des partenariats avec les entreprises internationales spécialisées afin de réaliser les sous-systèmes qui manquent à

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Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte

la partie électrique du système éolien. Ceci permettra de porter le taux d’intégration à plus de 80%.

3.3.3.2. Les cellules photovoltaïques

Pour augmenter le taux d’intégration de l’industrie photovoltaïque, en accompagnement de l’ouverture de la basse et moyenne tension, le CESE recommande de :

■ Soutenir la montée en puissance de l’industrie nationale naissante, désormais positionnée sur l'intégration des panneaux PV ;

■ Attirer les sociétés spécialisées à s’implanter au Maroc dans le but de fabriquer localement des briques technologiques manquantes (lingots de Silicium, cellules PV, onduleurs) ;

■ Mettre en place un cadre d’investissement incitatif pour encourager les investisseurs locaux et renforcer l’attractivité du Maroc dans ce domaine et démultiplier les IDE ;

■ Développer une production avec une masse critique suffisante à même de servir le marché local et ouvrir de nouveaux marchés pour l’export.

3.3.3.3. Les dispositifs de dessalement

Le dessalement des eaux marines par osmose inverse comporte essentiellement 4 étapes : Le pompage d’alimentation des eaux marines ; le prétraitement physique à base de filtres à sable et filtre à cartouche et le prétraitement physico-chimiques ; le pompage de gavage à haute pression ; et la filtration sur membrane d’osmose inverse.

Dans l’optique d’améliorer le taux d’intégration de cette filière, qui est actuellement de l’ordre de 20 à 30%, le CESE recommande de :

■ Créer les conditions de montage de groupements entre opérateurs internationaux et marocains permettant à ces derniers de monter en compétence et d’accéder aux différentes technologies de la chaine de valeur.

3.3.3.4. La participation à la fabrication des batteries

Les batteries sont utilisées pour le stockage d’énergie, l’automobile, l’électronique et l’outillage industriel, avec une prédominance de l’électromobilité (à raison de 66%).

En 2018, la production mondiale des batteries lithium-ion était de 160 GWh dont 106 GWh pour le secteur automobile. Cette production devrait représenter 500 GWh en 2025 et 1200 GWh en 2030, dont 1 020 GWh pour le secteur automobile. Uniquement sur le véhicule électrique, le marché mondial est estimé à 45 Milliards d’euros en 2027, dont 20 à 30% sera capté par l’Europe.

En tant que 10ème producteur mondial de Cobalt, le Maroc a des atouts non négligeables pour développer la filière de production de batteries. Le Maroc est également producteur de Phosphates, un des éléments essentiels dans le procédé de production des batteries lithium-fer-phosphates.

Pour ce faire, le CESE recommande de :

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■ Se positionner sur la fabrication des batteries en développant le marché des véhicules électriques, une seconde vie pour les batteries et en préparant la filière du recyclage de cobalt et des autres éléments constitutifs ;

■ D’appuyer un projet marocain de Gigafactory, soit une grande usine de quelques dizaines de GWh/an, à l’instar des projets réalisés aux USA et en Chine, etc.

■ Mettre en place les conditions nécessaires pour attirer des acteurs de référence internationale, tout en garantissant une implication effective des acteurs nationaux.

3.3.4. Formation, recherche, développement & innovation

Pour réussir cette transition énergétique et saisir toutes les opportunités qu’elle offre autour de nombreuses thématiques porteuses, le CESE recommande de :

■ Investir davantage dans le capital humain, pour constituer un vivier de compétences métiers et de réseaux de chercheurs et d’ingénieurs engagés dans une dynamique globale, à la fois nationale et régionale ;

■ Placer les filières de formation au plus près des acteurs économiques et notamment des industriels disposant de projets innovants, en intégrant dans la mesure du possible, certains besoins spécifiques dans le cursus ainsi que dans les projets de fin d’année et projet de fin d’études ;

■ Etablir des politiques publiques et des programmes structurants de promotion de l›habitat durable par la mise en place de labels nationaux pour la construction durable, le monitoring intelligent des bâtiments, visant la performance énergétique et l’économie des ressources, de développement et de production locale d›équipements à sobriété énergétique élevée. L›électroménager et divers équipements domestiques (éclairage LED, climatisation, chauffage, etc.) constituent un des gisements possibles d›innovation et de création d›emplois locaux, à investissement modéré tout en étant à fort impact socio-économique ;

■ Prioriser les secteurs qui présentent d›importantes opportunités d›économie d›énergie et d›émission GES, comme l’agriculture et le transport, la valorisation de la biomasse, les micro-grid interconnectés, les réseaux intelligents, la mobilité et le transport logistique durable voire électriques ; quelques autres domaines de la recherche-développement-innovation (RDI) qui consolideront la position du Maroc en tant qu›acteur, leader régional et partenaire privilégié du domaine ;

■ Construire des clusters spécialisés dans des technologies émergentes, comme l›hydrogène, la géothermie, le biométhane, le méthanol, le PV (niveau cellule voire lingot de Si cristallin), le dessalement de l›eau de mer et le recyclage de l›eau, qui devraient rapidement émerger, via une capitalisation sur les savoirs acquis et les expériences réussies, dans le cadre de plateformes fédératrices des acteurs de la recherche et développement (R&D) en énergies nouvelles et en efficacité énergétique, notamment avec le soutien du gouvernement et des opérateurs publics et privés. A cet effet, il convient de promouvoir les initiatives entreprises par la démarche écosystémique du groupe OCP et de ses partenaires, (IRESEN, MASCIR, etc.) ;

■ Mobiliser les capacités d›innovation locale, dans tous les domaines renfermant des gisements

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Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte

d›économie d›énergie, de sobriété énergétique et de mobilisation de ressources nouvelles. A cet effet, des projets stratégiques dédiés à l’hydrogène, aux molécules vertes et aux nouvelles générations d’accumulateurs devraient contribuer à la résolution du problème de variabilité des énergies renouvelables, tout en assurant un saut qualitatif du pays dans les chaines de valeur ;

■ S’assurer que les partenariats publics-privés intègrent les différents clusters métiers dans leurs processus et programmes R&D et contribuent au développement des différents laboratoires, de manière à créer la masse critique et de construire un pool de chercheurs et d’ingénieurs provenant de différents clusters technologiques et permettant d›accroitre la visibilité du pays à l›échelle internationale et d›éviter l›éparpillement des moyens ;

■ Elaborer une politique nationale ambitieuse et des programmes régionaux en vue d’attirer les meilleurs profils au monde ainsi que des entreprises de référence internationale, tout en propulsant les jeunes pousses nationales (startups) et PME -PMI en croissance, susceptibles d›acquérir de nouveaux savoirs ou de développer de nouvelles expertises ;

■ Lancer des projets pilotes de développement de technologies ou de validation économique d’innovations existantes comme par exemple : biocarburants à partir des microalgues, transport par camions électriques sur longues distances (par caténaire), compteurs intelligents actifs, reconversion de centrales thermiques en unités de stockage (power to heat to power), retrofit des capacités de stockage thermique, etc. ;

■ Mettre en place un cadre de partenariat maroco-africain adapté et s’inscrire dans les initiatives de financement réservées à l’Afrique pour capter, catalyser et concrétiser des projets innovants. Pour ce faire, il convient d’étendre la capacité et les outils de financement de la R&D (étude, propriété intellectuelle & industrielle, prototypage, projet pilote, etc.), de l’industrialisation des innovations technologiques (procédés, tests, qualification, certification, etc.) et leur déploiement à l’échelle africaine. De tels mécanismes favoriseront la collaboration scientifique, encourageront la mobilité des chercheurs et des entrepreneurs et renforceront les liens culturels et échanges des savoirs africains. La question de l’énergie associée à la problématique de l›eau qui se pose avec sévérité pour beaucoup de pays africains, et notamment celle du recours quasi-inévitable au dessalement et du traitement des eaux usées, pourrait y être adressée.

3.4 - Vers une Charte Nationale de la Transition Energétique

La transition énergétique est un processus long et complexe. De nouvelles ruptures technologiques vont arriver et contribueront à en façonner encore plus les contours. Les changements politiques mondiaux continueront à influencer positivement ou négativement l’engagement des pays dans la lutte contre le changement climatique. La crise de la Covid-19 aura certainement des conséquences sur ce processus qui ne seront révélées qu’au cours des prochaines années.

Le présent avis du CESE a adopté une démarche prospective pour avoir une meilleure compréhension de ce que pourra être une transition énergétique réussie pour le Maroc. Compte tenu des incertitudes, il est certain que l’exercice n’a pas vocation à prévoir l’avenir. L’enjeu ici est

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de s’assurer de prendre, aujourd’hui, les décisions qui permettront au Maroc d’être, demain, un champion mondial de l’énergie quelles que soient les évolutions futures du secteur.

Le Maroc doit s’assurer en effet de sa capacité à créer les conditions de valorisation de son remarquable potentiel énergétique en maximisant les effets économiques sociaux et environnementaux. La réussite d’un tel projet requiert l’adhésion de tous les acteurs concernés et la couverture de l’ensemble des segments de la chaîne de valeur depuis la planification stratégique jusqu’à la consommation et l’usage de l’énergie. Une telle adhésion, qui doit être citoyenne, nécessite une bonne compréhension de la transition énergétique et de ses enjeux.

Le CESE recommande pour cela de retranscrire les engagements des parties prenantes, Etat, société civile, territoires et secteur privé, conformément à la substance du message de SM le Roi Mohammed VI aux participants des Assises Nationales de l’Energie en mars 2009, au sein d’une Charte Nationale de la Transition Energétique, qui devra être construite à travers une large consultation. Ayant démontré son efficacité dans le passé, ce type de démarche permet d’assurer de la constance dans le déploiement des projets, facilite la coordination des actions et donne à l’ensemble des intervenants la visibilité nécessaire. Il devra être accompagné d’une véritable stratégie de communication et d’éducation.

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Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte

Annexe 1 : La liste des acteurs auditionnés

� Ministère de l’énergie, des mines et de l’environnement

� Ministère de l’équipement, du transport de la logis-tique et de l’eau

� Ministère de l’économie et des finances (DEPF , DEPP)

� Ministère de l’intérieur (DGCL)

� Ministère de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville

� Ministère de l’industrie, du commerce de l’économie verte et numérique

� Autorité Nationale de Régulation de l’Electricité

� AMEE

� SIE

� ONEE

� MASEN

� SNTL

� Casa-transport

� ONCF

� OCP

Départements ministériels et institutions publiques

� Fédération de l’énergie

� GPM (Groupement des Pétroliers du Maroc)

� Fédération du transport et de la logistique

� Fédération des constructeurs automobiles

� CGEM (Commission Nouvelle Economie Climat)

� NAREVA

� Engie Maroc

� EDF Maroc

� Quadran Maroc

� Acwa Power

� Green of Africa

� Groupe Akwa (Afriquia Gaz, SMDC)

� Vivo Energy

� TAQA Morocco

� BYD

� Groupe PSA Middle East

� Redal

� Lydec

Organisations professionnelles & entreprises privées

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

� EMOB

� Careem

� Pickalty

� Pip Pip Yallah

� Pheonix Mobility

Start-ups

� IRESEN

� IFMEREE

� UM6P

� Université Hassan II Casablanca

� UIR

� Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès

� Ecole Nationale Supérieure des Mines de Rabat

Universités, centres de recherche, instituts de formation

� KFW

� BERD

� AFD

� Banque Mondiale

� BAD

� BEI

Institutions internationales & bailleurs de fonds

� Casablanca Finance City Authority

� Bank Al Maghrib

� BMCE Bank of Africa

� CDG Capital

Institutions financières & banques marocaines

� Fondation Mohammed VI pour la protection de l’envi-ronnement

Société civile

� M. Driss Benhima

� M. Younes Maamar

� M. Rachid Yazami

� M. Yahia Zniber

Experts et personnes ressources

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Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte

Annexe 2 : Liste des membres de la commission chargée des affaires de l’environnement et de développement durable

Catégorie des Experts

Ilali Idriss

Lamrani Amina

Mokssit Abdellah

Sasson Albert

Catégorie des Syndicats

Baba Aabane Ahmed

Bensami Khalil

Boujida Mamhamed

Boukhlafa Bouchta

Bouzaachane Ali

Chahbouni Noureddine

Laabaid Abderrahim

Rouchati Mina

Zidouh Brahim

Catégorie des Organisations et Associations Professionnelles

Faher Kamalddine

Bencherki Abdelkrim

Mouttaqi Abdellah

Riad M Hammed

Ziani Moncef

Catégorie des Organisation et Associations œuvrant dans les domaines de l’économie sociale et de l’activité associative

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Alaoui Nouzha

Gaouzi Sidi Mohamed

Ksiri Abderrahim

Benkaddour Mohamed

Sijilmassi Tarik

Catégorie Membres de Droits

Bouayach Amina

Benalilou Mohamed

Yazami Driss

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Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte

Annexe 3: Experts ayant accompagné la commission

Mme. Jrondi Nasma

Mme. Bennani Thanae

M. Guedira Ali

Experts permanents au Conseil

Ourhiati Nadia Traducteurs

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