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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

AVERTISSEMENT

Ce texte a été téléchargé depuis le site http://www.leproscenium.comCe texte est protégé par les droits d’auteur.En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits.Cela peut être la SACD pour la France, la SABAM pour la Belgique, la SSA pour la Suisse, la SACD Canada pour le Canada ou d'autres organismes. A vous de voir avec l'auteur et/ou sur la fiche de présentation du texte.Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe.Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues et les droits payés,même a posteriori.Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre,MJC, festival...) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation.Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs.Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes.

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Appelez-moi Bichette !Comédie en trois actesde Vivien LHERAUX

Christelle, une célibataire endurcie qui rêve de fonder une famille, gère la petite épicerie du village.Pierre, un chômeur désespéré et maladroit, est pris en flagrant délit lorsqu'il tente de braquer sa boutique.Christelle lui fait alors un drôle de chantage : il doit choisir entre aller en prison ou se marier avec elle...Une comédie désopilante complètement déjantée !

Durée Environ 1h40.

Pièce modulable :Minimum : 6 comédiens Maximum : 10 comédiens

Christelle : l'épicière. Pierre: le cambrioleur.Claire : la femme d'Olivier. Olivier : le mari de Claire.5 clientes * M. Colombais : un policier à la retraite.

* Les 5 clientes peuvent être jouées au choix par une, deux, trois, quatre ou cinq actrices (ou acteurs déguisés en femmes, ou mixte).

Le décor L'épicerie de Christelle (voir la dernière page).

Contact Vivien LHERAUX [email protected]

Décembre 2015

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

APPELEZ-MOI BICHETTE !

ACTE 1

Une petite épicerie un peu vieillotte.Un comptoir sur lequel sont disposés quelques articles.Derrière le comptoir, des étagères. Sur ces étagères, des articles destinés à la vente (boîtes de conserve et autres produits).Sur un côté, une table et quelques chaises.Au fond,une porte mène à l'appartement privé (l'arrière boutique).Sur la droite, la porte d'entrée. Une sonnette émet un son bizarre dès qu'un client entre dans cette vieille boutique.

La porte s'ouvre et on entend la sonnette au son étrange.Une cliente entre.On entend la voix de Christelle qui est dans l'arrière boutique.

Christelle : J'arrive !

Christelle est une quadragénaire. Elle porte des vêtements très classiques, démodés qui ne la mettent pas du tout en valeur. Sa coiffure et ses lunettes sont également démodées. Elle n'est pas maquillée. Christelle se dirige vers son comptoir en boitant légèrement.

Christelle : Bonsoir Madame Roger, comment allez-vous ?

Madame Roger : Bonsoir Madame Philomène. Elle est arrivée en début d'après-midi ! 3 kilos 200 ! C'est une fille !

Christelle : Oh quelle bonne nouvelle !

Madame Roger : Vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis heureuse ! Vous vous rendez compte que je suis mamie pour la deuxième fois !

Christelle : Félicitations, Madame Roger ! Votre fille n'a pas trop souffert ? Et le bébé se porte bien ?

Madame Roger : Elle a eu la péridurale : elle a eu mal mais pas autant que moi. De mon temps on souffrait le martyr... Il faut dire que la nature ne fait pas toujours bien les choses, la porte de sortie est bien trop étroite, non ?

Christelle : Oui, sans doute... Et le bébé, il se porte bien ?

Madame Roger : Très bien, j'irai le voir dimanche. Oh que je suis contente ! Vous savez, rien n'est plus beau que la naissance d'un petit bébé.

Christelle : Oui, certainement.

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Madame Roger : Vous savez, un bébé donne vraiment un sens à la vie. Ma fille déprimait tout le temps lorsqu'elle était célibataire. Et puis elle a rencontré un homme. Un homme bien, gentil comme tout et ils se sont mariés. Qu'est-ce que j'ai pleuré le jour de leur mariage ! Et elle aussi elle pleurait : des larmes grosses comme mon pouce ! Même mon mari il pleurait, pourtant celui-là pour qu'il montre une émotion, il faut y mettre du sien... On pleurait tous, qu'est-ce qu'on était heureux !

Christelle : Oui, ça devait être un beau jour.

Madame Roger : Oh que oui... (Elle essuie une larme.) Et le jour de la naissance de son premier ! 3 kilos 400, un petit Léo, qu'est-ce qu'il était mignon à la naissance ! Je n'avais jamais vu un bébé aussi beau, à part ma fille quand elle est née, elle était belle, vous ne pouvez pas imaginer...

Christelle : J'imagine, oui.

Madame Roger : Non, vous ne pouvez pas imaginer. En tout cas, ma fille n'a plus jamais fait de dépression depuis qu'elle a fondé une famille. La famille, il n'y a rien de plus beau : un gentil mari et de beaux enfants qui vous donneront du bonheur toute votre vie. (Elle essuie une larme.)

Christelle : J'imagine, oui.

Madame Roger : Oh que je suis maladroite ! Pardon, j'avais oublié que vous n'avez pas de mari et que vous n'avez pas d'enfant. Excusez-moi, je suis maladroite... Je parle, je parle, et je ne fais pas attention.

Christelle : Ce n'est pas grave Madame Roger.

Madame Roger : Je vois le bonheur de ma fille et j'oublie votre malheur.

Christelle : Mais non, Madame Roger, tout va très bien, ne vous inquiétez pas pour moi.

Madame Roger : Quand-même, la vie ne vous a pas épargné avec votre jambe.

Christelle : C'était il y a bien longtemps Madame Roger, j'avais douze ans quand j'ai été percutée par cette voiture.

Madame Roger : Oui, vous étiez sur votre vélo... Quel malheur. Vous croyez que c'est à cause de votre démarche ?

Christelle : Comment ça ? Je ne comprends pas.

Madame Roger : Vous croyez que les hommes ne sont pas attirés vers les femmes qui boitent ?

Christelle : Mais... non, pas du tout.

Madame Roger : Oh vous savez, ils sont souvent pas bien malins ! Ils reluquent les femmes avec la taille fine, les belles robes, le maquillage, la démarche sexy et tout ce qui va avec ! Ils sont pas malin, je vous dis : regardez mon mari ! Ma fille a eu de la chance elle, de tomber sur le bon, il est gentil comme tout.

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Christelle : Oui, elle a de la chance...

Madame Roger : Mais vous savez, je suis sûre que votre tour viendra ! Votre vie ne sera plus aussi pourrie quand vous aurez rencontré votre futur mari.

Christelle : Certainement...

Madame Roger : Bon, je vais vous abandonner. Je n'ai besoin de rien aujourd'hui, je passais juste pour vous donner la bonne nouvelle. Je vais aller le dire à la boulangère avant qu'elle ne ferme. Oh qu'est-ce qu'elle va être contente ! Elle en a trois, elle !

Christelle : Trois quoi ?

Madame Roger : Trois enfants ! Deux, quatre et sept ans, ils sont adorables.

Christelle : Oui, oui, je sais.

Madame Roger : Bon, je vous laisse à votre boutique, Madame Philomène. À bientôt.

Christelle : Au revoir Madame Roger.

La cliente sort.

Christelle : Elle m'a gonflée avec son mioche !

Christelle est assise derrière son comptoir. Énervée, elle range quelques articles.

Christelle : Elle m'a sérieusement gonflée !

Christelle, la tête posée sur sa main, le regard vague, ne bouge plus.

Christelle : (D'un ton triste, elle imite la cliente) Je suis sûre que votre tour viendra...

La porte s'ouvre, on entend la sonnette.Un homme affolé entre, un revolver à la main.Il porte de vieux vêtements usés et son visage est caché par une cagoule foncée.

Pierre : Haut les... bains !

Il ne tend pas son arme vers Christelle.On croit entendre « Haut les mains ! » mais sa voix est couverte par la cagoule.

Christelle : Pardon ? Je n'ai pas bien entendu.

Pierre : Haut les bains !

Christelle : Haut les mains ? C'est ça ? Je ne comprends pas très bien, votre cagoule couvre votre

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

voix.

Pierre : Oui ché cha.

Christelle : Eh bien articulez, ou enlevez votre cagoule.

L'homme maladroitement, renverse quelques articles disposés sur un présentoir.

Pierre : Oh pardon, je n'ai pas fait exprès.

Christelle : Monsieur, vous désirez ?

Pierre : La caiche.

Christelle : La caiche ? Je suis désolée je vous entends très mal.

Pierre : La caiche !

Christelle : Une caisse ? Une caisse de quoi ? Une caisse de champagne ?

Pierre : Le tiroir caiche ! L'archent ! Vite !

Christelle : Mais c'est une arme que vous avez là ?

Pierre : Ah oui ché vrai ! Vite l'archent ! S'il vous plaît !

Pour la première fois, il tend son arme vers Christelle.L'homme titube, il essaie de s'accrocher au comptoir.

Pierre : J'étouffe.

Christelle : Quoi ?

Pierre : Je dis j'étouffe.

Christelle : Enlevez cette cagoule, vous étouffez !

L'homme soulève sa cagoule jusqu'à son front et laisse ainsi découvrir son visage.Il respire un grand coup.

Pierre : Aaaah ! De l'air ! J'étouffe la dessous.

Christelle : Ah, mais c'est le monsieur de la rue des rosiers ! Je ne vous avais pas reconnu avec votre cagoule.

Il remet sa cagoule.

Pierre : Non ce n'est pas moi.

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Christelle : Mais si je vous ai reconnu.

Pierre : Vous faites erreur, je ne suis pas moi ! La caisse vite !

Christelle : C'est un braquage ? Vous voulez mon argent ?

Pierre : Oui ! Vite !

Christelle ouvre son tiroir caisse.

Christelle : Et où voulez-vous que je mette l'argent ? Vous avez un sac avec vous ?

Il soulève sa cagoule jusqu'à son front. Il paraît embêté.

Pierre : Ah, non... j'ai oublié, mince...

Christelle : Ce n'est pas grave, je dois en avoir un quelque part.

Pierre : C'est gentil.

Christelle : Je vous en prie.

L'homme regarde Christelle qui cherche un sac sous le comptoir.

Pierre : Vous en avez trouvé un ? Vous voulez que je vous aide ?

Christelle : Il ne doit pas être loin, je vais le trouver. Ah le voilà !

Elle tend le sac au voleur, qui pose son arme sur le comptoir pour prendre le sac.

Pierre : Merci beaucoup, j'avais oublié d'en prendre un, je suis distrait.

Christelle s'empare de l'arme.

Christelle : Très distrait !

Pierre : Ah non !

Christelle : Haut les mains !

Le voleur lève les bras.

Christelle : Alors, comme ça, vous vouliez cambrioler mon épicerie ? Vous êtes bien le monsieur de la rue des rosiers... c'est comment votre nom déjà ?

Pierre : Pierre, Pierre Loiseau.

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Christelle : Ah, oui c'est ça... Vous avez une pièce d'identité ?

Il cherche dans sa poche.

Pierre : La voilà.

Christelle : Bon, je la garde.

Pierre : Mais non, j'ai besoin de mes papiers !

Elle regarde le revolver de plus près.

Christelle : Votre revolver n'est pas chargé.

Pierre : Ah bon ? Eh bien... j'ai oublié de le charger avant de venir. Ça me fait peur les armes, c'est si dangereux.

Christelle : Vous êtes un drôle de voleur, vous...

Christelle met l'arme dans un tiroir du comptoir.

Pierre : Je n'ai pas l'habitude, c'est la première fois.

Christelle : Je m'en doutais un peu...

Pierre : Écoutez, on oublie tout. Vous gardez votre argent et je vais repartir comme-ci de rien n'était. Il ne s'est rien passé. Je ne veux pas d'ennuis.

Christelle : Vous rigolez ou quoi ? Un voleur entre chez moi, il me menace avec son arme. Il veut me voler mon argent et il ne s'est rien passé ? Je vais appeler la police Monsieur Loiseau ! (Elle lit la carte d'identité) Monsieur Loiseau 34 rue des rosiers !

Pierre : Oh non pas la police ! S'il vous plaît, soyez gentille, laissez moi partir.

Christelle : La police !

Pierre : S'il vous plaît, je vous en prie... J'ai déjà assez d'ennuis comme ça.

Christelle : Il fallait y penser avant Monsieur Loiseau ! Tout le monde a des ennuis ! J'ai des ennuis ! Vous avez des ennuis ! C'est normal, c'est la vie ! Et ce n'est pas une raison pour braquer les commerçants ! Je vous préviens, je vais porter plainte !

Pierre s'assied sur la chaise. Il semble abattu. Il se prend la tête entre les deux mains.

Pierre : J'aurais dû m’entraîner... j'ai voulu la jouer au feeling, j'ai eu tord, j'aurais dû m'entraîner... Je suis fini... fini...

Christelle : Il fallait y penser avant.

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Pierre : Vous savez, j'ai un petit garçon, il a besoin de moi.

Christelle : Pas de chantage affectif s'il vous plaît !

Silence.

Christelle : Vous avez fait un enfant ?

Pierre : J'ai un petit garçon de quatre ans, oui.

Christelle : Il a une mère votre enfant ?

Pierre : Oui, c'est à elle que le juge a confié la garde de mon fils. On est divorcé.

Christelle : Vous êtes donc célibataire ?

Pierre : Oui, depuis deux ans. Mais qu'est-ce que ça change ?

Elle réfléchit.

Christelle : Ça change tout, je vous propose un marché : je ne dirai rien à la police mais en échange vous allez me faire un enfant !

Pierre : Vous faire un enfant ? Là ? Maintenant ?

Christelle : Mais non ! Après notre mariage !

Pierre : Notre mariage ? Mais qu'est-ce que vous racontez ?

Christelle : On va se marier, je vais devenir Madame Loiseau !

Pierre : Madame Loiseau ? Mais ça ne va pas bien vous !

Christelle : Tout va très bien au contraire, on va se marier rapidement et vous me ferez un bébé, un tout petit bébé.

Pierre : Un bébé ? Eh oh ! Qu'est-ce que c'est que ce délire ! Donnez-moi ma carte d'identité, je pars d'ici !

Christelle : Vous ne pouvez pas partir.

Pierre : Comment ça ? Et pourquoi je ne pourrais pas ?

Christelle : Si vous partez j'appelle la police et vous irez en prison.

Pierre : Mais que voulez-vous exactement ?!

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Christelle : Je veux devenir votre femme !

Pierre : Mais pourquoi moi ? Je vous plais tant que ça ? Vous avez eu... le coup de foudre ?

Christelle : Ah ! Ah ! (Elle rit) Vous vous prenez pour Georges Cloonew ? Que ce soit bien clair : vous ne me plaisez pas du tout ! Vous n'êtes pas du tout mon genre !

Pierre : Mais, pourquoi moi alors ?

Christelle : Mon choix se porte sur vous car vous avez une grande qualité.

Pierre : Une grande qualité ? Ma gentillesse ? Tout le monde dit que je suis gentil. Ou alors ce sont mes jambes, il paraît que j'ai de belles jambes.

Il lui montre ses jambes.

Christelle : Non, je vous choisis car vous êtes un mâle reproducteur.

Pierre : Un mâle reproducteur ?

Christelle : Vous avez déjà fait un enfant, vous saurez donc m'en faire un !

Pierre : Mais il n'en n'est pas question !

Christelle : Très bien, comme vous voulez, j'appelle la police.

Elle prend son téléphone.

Pierre : Non, attendez !

Elle pose le téléphone.

Christelle : Bon le marché est conclu, on va se marier !

Pierre : Mais c'est quoi cette histoire de fous ! Je ne vous connais pas ! Je n'ai pas envie de me marier avec une inconnue. Il faut... il faut se connaître un minimum pour se marier ! Il faut avoir des projets, il faut des sentiments, il faut...

Christelle : Rien de tout ça ! J'ai besoin d'un mari car j'en ai marre qu'on se moque de moi depuis des années ! Je suis toujours LA CÉLIBATAIRE : celle qui n'a pas trouvée chaussure à son pied, d'ailleurs, elle m'énerve cette expression... c'est pas une chaussure dont j'ai besoin, c'est un homme ! Un mec ! Pas une godasse ! C'est vrai, quoi ! J'en ai marre d'être celle dont personne ne veut. Celle qui moisit ici entre ses boîtes de conserve et ses paquets de lessive. J'en ai marre d'être la Bridget Jones du village !

Pierre : La Bridget Jones ?

Christelle : Je me comprends ! Le temps passe, j'ai plus de quarante ans, et je ne peux plus

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attendre. Oh, souvent, j'ai rêvée qu'un type bien allait ouvrir cette porte, la sonnerie de la porte m'aurait chantée « c'est lui, c'est lui, il est là », il aurait avancé vers moi, m'aurait demandé une boîte d'allumettes, nos regards se seraient croisés, avec son allumette il aurait alors mis le feu à mon... cœur. C'est une image. En tout cas, je l'ai trop attendu le prince charmant, il n'est pas venu, eh bien qu'il aille se faire voir !

Pierre : Mais, il ne faut pas désespérer, il viendra certainement un jour votre prince charmant...

Christelle : Mais bien sûr ! Tiens c'est comme le loto, on croit qu'on peut avoir le gros lot et que dalle ! Alors on va se marier tous les deux et comme ça je ne serais plus la célibataire dont tout le monde se moque, et vous me ferez un bébé. Car vous savez, un bébé donne vraiment un sens à la vie et la famille, il n'y a rien de plus beau.

Pierre : Mais... et moi ? Vous y pensez ? Vous me proposez un mariage forcé ! On n'est plus au Moyen Âge !

Christelle : Tiens, j'aurais bien aimé être une princesse au Moyen Âge. J'aurais mis dans ma couche un gentil damoiseau et il m'aurait fait une dizaine d'enfants. Tant pis, je n'aurais pas eu ce damoiseau mais j'aurai ce Pierre Loiseau ! (Elle le montre du doigt.)

Pierre : N'importe quoi, vous êtes complètement folle ! Cette idée de mariage, c'est de la folie !

Christelle : La balle est dans votre camp, Monsieur Loiseau : soit vous acceptez de devenir mon mari, soit c'est la prison. Je vous donne dix secondes pour faire le bon choix : Fleury-Mérogis ou le mariage !

Elle prend le téléphone.

Pierre : Dix secondes... la dernière fois que je me suis marié, j'ai réfléchis plus longtemps.

Christelle : Huit secondes.

Pierre : On se connaît à peine...

Christelle : Six.

Pierre : Vous comptez trop vite ! Je n'ai prévenu personne pour ce mariage !

Christelle : Quatre.

Pierre : Et je n'ai rien à me mettre, je suis fauché...

Christelle : Deux.

Pierre : Et le traiteur ? Vous avez pensé au traiteur ?

Christelle : Votre réponse Monsieur Loiseau !

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Pierre : Laissez-moi encore du temps, il faut que je...

Christelle : J'appelle la police !

Pierre : J'accepte ! Oui, j'accepte !

Christelle : Marché conclu ! On est vendredi, dès lundi on dépose notre dossier à la mairie. Ensuite, il y aura la publication des bans et quinze jours après on sera marié !

Pierre : Tout va si vite de nos jours...

La porte s'ouvre, on entend la sonnette au son étrange.Une cliente entre.

Madame Mougeot : Bonjour Madame Philomène.

Christelle : Bonjour Madame Mougeot, comment allez-vous ce soir ?

Madame Mougeot : Ça va, ça va. Et vous ça va ?

Christelle : Oh très bien, je n'avais pas encore osé en parler, mais maintenant je peux le dire : je vais me marier !

Madame Mougeot : Oh ! Eh bien ! En voilà une bonne nouvelle ! Et c'est pour quand ce mariage ?

Christelle : Pour très bientôt, tenez je vous présente mon futur mari.

Pierre gêné, ne dit rien.

Madame Mougeot : Bonjour monsieur et félicitations !

Pierre : Bonjour madame.

Madame Mougeot : Mais... je ne savais pas que vous aviez un fiancé.

Pierre : Moi non plus, je ne savais pas.

Madame Mougeot : Il y a longtemps que vous êtes fiancés ?

Pierre : C'est récent madame, très récent.

Christelle : Oh il exagère, c'est vrai que le temps passe si vite, mais cela fait déjà plusieurs mois. On a réfléchi longuement et c'est décidé : on se lance dans la belle aventure du mariage ! Hein mon chéri on est content ?! Dis-le donc à Madame Mougeot que tu es content !

Pierre : Euh très, très. Je suis très content. (L'expression de son visage exprime le contraire.)

Madame Mougeot : Eh bien c'est une belle nouvelle, je suis bien heureuse pour vous Madame

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Philomène, et bien entendu aussi pour vous monsieur. Quand je vais raconter ça à Madame Firmin... Vous savez, ça va vous changer la vie d'avoir un mari à vos côtés... Bon, auriez-vous du shampoing pour cheveux gras ? C'est pour mon mari.

Christelle : (Elle lui donne le shampoing.) Bien sûr madame Mougeot, voilà. Je le note sur votre compte ?

Madame Mougeot : Oui, s'il vous plaît... Vous ne faites pas les suppositoires pour les hémorroïdes ? C'est pour mon mari.

Christelle : Non, vous en trouverez à la pharmacie à côté, mais faites vite elle va bientôt fermer.

Madame Mougeot : Oh je suis bien contente pour vous ! Et avec un peu de chance vous aurez un bébé l'année prochaine ! Quand je vais raconter ça à Madame Firmin... Au revoir Madame Philomène, au revoir monsieur. Au fait, vous allez changer de nom alors ?

Christelle : Oui, je vais bientôt m'appeler Madame Loiseau.

Madame Mougeot : Madame Loiseau... quand je vais raconter ça à Madame Firmin...

Elle sort de la boutique.

Pierre : Vous aviez besoin de le dire ?! C'est plus fort que vous ?! Vous êtes contente ?!

Christelle : Très contente : Madame Mougeot et Madame Firmin sont des commères exceptionnelles. Demain tout le village sera informé !

Pierre : C'est malin ! Pourquoi je suis venu ici moi ?! J'aurais dû aller braquer la boulangère.

Christelle : Vous savez quoi ? Maintenant qu'on va se marier j'aimerais bien que vous m'appeliez par un petit nom.

Pierre : Un petit nom ?

Christelle : Oui un surnom d'amour ! J'ai toujours rêvé qu'un homme m'appelle « ma Choupinette » ou « mon P'tit coeur », ou mieux encore ! « ma Bichette». Oh oui ! Appelez-moi Bichette!

Pierre : Mais non ! C'est ridicule !

Christelle : Et moi, je vous appellerai « mon Pioupiou » !

Pierre : Ah non ! Il n'en n'est pas question ! Mon Pioupiou... pfff.

Christelle :Vous préférez que je vous appelle « mon Poussin » ? Ou « mon Chaton » ? Et si vous voulez, vous pouvez aussi m'appeler « ma Tigresse » !

Pierre : Ma Tigresse ? C'est vraiment n'importe quoi...

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Christelle : Oh vous n'êtes pas drôle ! Et arrêtez de faire la tête tout le temps.

Pierre : Je ne fais pas la tête, mais ce mariage ne faisait pas partie de mes projets. J'ai d'autres préoccupations en ce moment, je vous l'ai déjà dit : j'ai quelques ennuis.

Christelle : Mais ça va s'arranger !

Pierre : J'ai quelques ennuis car je ne travaille plus.

Christelle : Ah ?

Pierre : Et je suis fauché car je ne touche plus les ASSEDIC.

Christelle : Ah, mince.

Pierre : Je ne les touche plus car j'ai fait une grosse dépression pendant deux ans et j'étais alors incapable de chercher du travail. J'ai donc été radié.

Silence.

Pierre : Ma dépression a commencé quand mon associé m'a quitté. On avait monté un cabinet comptable tous les deux. Comme j'étais déprimé, je n'ai pas réussi à gérer seul l'entreprise et elle a coulée.

Christelle : Ah...

Pierre : Il m'avait quitté pour rejoindre sa maîtresse.

Christelle : Eh bien...

Pierre : Et sa maîtresse était ma femme. Du coup, elle m'a quitté aussi. Comme je suis fauché, le juge a décidé lors du divorce qu'elle aurait la garde de notre enfant. Voilà, j'ai quelques ennuis...

Christelle : Eh bien...

Pierre : Mais à part ça, ça va.

Christelle : Vous avez un logement, au moins ?

Pierre : Oui, mon ex-femme et mon ex-associé ont été sympas, ils m'ont trouvé un logement.

Christelle : Vous n'habitez plus rue des rosiers ?

Pierre : Non, c'est mon ancienne adresse. J'habite dans une cave. Une cave de 8m² avec vue sur un local à poubelles, c'est pas très grand, c'est un peu humide, mais on s'habitue. Il n'est pas très beau mon logement mais comme il n'y a pas d'électricité, je n'ai pas la lumière et ça ne se voit pas trop.

Christelle : Une cave...

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Pierre : La seule chose à laquelle je ne m'habitue pas ce sont les rats.

Christelle : Les rats ?!

Il fait un sourire.

Pierre : Vous m'avez cru, hein ?

Christelle : Ah ! Vous plaisantiez, je me disais aussi, ce n'est pas possible !

Pierre : Il n'y a pas de rats... uniquement quelques souris, mais pas de rats.

Christelle : Bon... Mais qu'est-ce qui vous a pris de vouloir cambrioler ma boutique ?

Pierre : Je sais bien que personne ne m'embauchera jamais, je le sais bien... Mais j'ai besoin d'argent pour monter une petite entreprise. Quand j'arriverai à me verser un salaire, j'irai voir le juge et j'aurai le droit de voir mon fils. Il me l'a dit le juge : « Tant que vous ne serez pas indépendant financièrement, la justice ne pourra pas vous confier la garde de votre enfant. Un père doit pouvoir élever dignement son enfant. La vie de votre fils ne doit pas être mise en danger par votre faute ». Par ma faute...

Christelle : Bon... (Gênée, elle tousse.) Et vous pensiez réellement pouvoir créer une entreprise avec le tiroir caisse de mon épicerie ?

Pierre : Oh non, j'avais prévu de faire plusieurs braquages.

Christelle : J'imagine le tableau...

Pierre : Je sais c'est idiot, mais j'ai besoin de voir mon fils.

Christelle : Bon écoutez, c'est vrai que vous avez perdu votre femme, votre gosse, votre boulot, vous vivez dans un taudis, vous n'avez pas d'avenir mais vous avez de la chance : vous venez de me rencontrer et vous allez m'épouser ! Elle n'est pas belle la vie ?

Pierre : Si c'est formidable.

Soudain, Pierre se fige, il a un bras levé et il ne bouge plus.

Christelle : Qu'est-ce qui vous arrive ?

Pierre : Rien, ça m'arrive quelques fois. Je suis figé, tétanisé.

Christelle : Mais pourquoi êtes-vous tétanisé ? Vous ressemblez à la statue qui est sur la place de l'église.

Pierre : C'est l'émotion. Quand j'ai trop d'émotion, je deviens tout raide. C'est idiot, non ?

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Christelle : Ça vous fait mal ?

Pierre : Non, pas du tout. J'espère juste que je ne vais pas rester comme ça trop longtemps.

Christelle : Vous restez bloqué longtemps d'habitude ?

Pierre : Trois heures douze, c'est mon maximum, je n'ai jamais fait plus.

Christelle : Eh bien... Vous ne voulez pas que je vous pose dans le jardin, pour faire fuir les oiseaux ? On dirait un épouvantail.

Pierre : Ne me faites pas rire, s'il vous plaît, c'est douloureux quand j'ai envie de rire.

Christelle : À chaque fois que vous riez, vous souffrez ?

Pierre : Non uniquement quand je suis figé. Quand j'ai envie de rire, ça me lance dans le dos.

Christelle : Et là ça vous lance ?

Pierre : Non, ça va.

Elle lui fait une grimace ridicule.

Christelle : Et là ?

Pierre : Aïe, oui ça lance.

Elle fait une autre grimace.

Christelle : Et là ?

Pierre : Aïe, Aïe, non arrêtez s'il vous plaît, ce n'est pas drôle.

Christelle : Bon... et je peux vous aider ?

Pierre : Non, il faut attendre, c'est tout.

Christelle : Eh bien... Mais vous n'aviez pas peur que ça vous arrive pendant votre braquage ? Vous auriez eu l'air malin...

Pierre : C'est un risque calculé que j'avais pris.

Christelle : Remarquez pour vous livrer à la police, c'est pratique : le voleur me braque et hop ! il se fige, je l'emballe avec de la ficelle à rôti et j'offre le paquet cadeau aux flics.

Pierre : Aïe, Aïe, arrêtez s'il vous plaît.

Christelle : Bon, vous comptez faire le porte manteau encore longtemps ? Il est tard et je vais

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

fermer la boutique, moi.

Pierre : Ne vous occupez pas de moi, vous pouvez très bien fermer votre commerce, éteindre la lumière et me laisser là. Je finirai bien par me débloquer dans la nuit.

Christelle : Ah non, pas question.

Pierre bouge légèrement le bras.

Pierre : Je commence à bouger.

Christelle : Oui, je vois.

Pierre : Ça risque d'être long.

Christelle : Écoutez, vous n'êtes pas en état de rentrer chez vous, dans votre cave. Je vais vous aidez à aller dans la chambre de mes parents. Dès que vous pourrez, vous enfilerez un pyjama à mon père et vous vous mettrez au lit. Demain sera un autre jour.

Pierre : Mais c'est gênant !

Christelle : Mais non !

Pierre : Mais si ! Je ne vais jamais oser me coucher entre votre mère et votre père... avec son pyjama en plus ! Ils vont être drôlement surpris !

Christelle : Ils ne diront rien.

Pierre : Mais si ! Ils diront forcément quelque chose !

Christelle : Ça ne risque pas, ils ne sont plus là. J'ai perdu mon père, il y a huit ans et ma mère l'année dernière.

Pierre : Ah... désolé.

Christelle : Vous ne pouviez pas savoir. Depuis le décès de maman, la chambre n'a pas changé. J'ai gardé leurs affaires dans l'armoire, que voulez-vous...

Pierre : Désolé...

Christelle : Ça ne fait rien, je vous dis.

Pierre commence à marcher très lentement.

Christelle : Vous allez mieux, on dirait.

Pierre : L'émotion retombe. Merci pour votre hospitalité.

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Christelle : La chambre de mes parents est à droite dans le couloir. Et demain, je vous emmène vous acheter un pyjama, des vêtements corrects et une brosse à dents.

Pierre : Mais pourquoi faire ?

Christelle : Pour vous laver les dents. Vous ne pensez quand-même pas retourner vivre dans votre trou à rats.

Pierre : Il y a juste quelques souris. Et ma cave, c'est du provisoire.

Christelle : Et votre misère ? Et votre solitude ? Provisoire aussi ? Méfiez-vous, de nos jours le provisoire se transforme souvent en perpétuité. Et je ne veux pas que mon futur mari soit mal habillé. Je veux qu'il soit propre et qu'il habite ici avant le mariage. Chacun sa chambre bien entendu. Pierre : Mais...

Christelle : Il n'y a pas de mais ! Et aucun contact physique avant le mariage !

Pierre : Ça ne risque pas.

Pierre sort par la porte qui mène à l'appartement (l'arrière boutique).Christelle est seule dans l'épicerie.

Christelle : (Elle imite Pierre.) Ça ne risque pas... gna gna gna... pfff... Bon, c'est l'heure de fermer la boutique.

Elle se dirige vers la porte du magasin pour la fermer.

Christelle : Eh bien, un cambriolage et une demande en mariage le même jour...

Au même moment la porte s'ouvre. Olivier et Claire entrent.Claire porte des vêtements assez voyants (style glamour).Olivier tient une valise.

Christelle : Ah, vous avez de la chance messieurs dames, j'allais fermer à l'instant.

Olivier : Bonjour Danielle, tu nous reconnais ?

Claire : (Elle lui donne un coup de coude.) C'est Christelle qu'elle s'appelle.

Olivier : Pardon, bonjour Christelle, tu nous reconnais ?

Christelle : Bah... non désolé.

Olivier : Olivier, ton cousin ! Olivier !

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Christelle : Olivier... (silence.) Ah, Oui ! Ça fait tellement longtemps... Jamais je ne t'aurais reconnu. Olivier : Oui, ça fait au moins quinze ans.

Christelle : Oh bien plus que ça... En tout cas c'est une surprise de te voir.

Olivier : Tu connais Claire, ma femme.

Christelle : Non, bonsoir madame.

Olivier : Tu peux l'appeler Claire, on est cousins tout de même !

Christelle : Bien... Vous êtes de passage dans la région ?

Olivier : Oui on part en vacances. On passait pas loin de ton village, alors on s'est dit, tiens, si on faisait un petit détour pour aller voir Danièle.

Christelle : Christelle.

Olivier : Oui, c'est ce que je dis : Christelle. C'est vrai, quoi, c'est tellement dommage de se perdre de vue dans la famille.

Christelle : Oui, c'est sûr.

Olivier : Et il n'en reste plus beaucoup dans la famille.

Christelle : Maman est décédée l'année dernière, il ne reste plus que moi. Et toi bien sûr.

Olivier : Oui, on n'est pas nombreux. J'ai appris pour ta mère, quelle triste nouvelle.

Christelle : Oui, et j'ai remarqué que tu n'étais pas venu à sa sépulture.

Olivier : Je sais, je sais, on a eu un empêchement ce jour-là. Hein c'est vrai Claire ?

Claire : Oh oui, ce n'était pas grave mais on ne pouvait pas venir.

Olivier : C'était la sépulture du père de Claire.

Claire : Mon père ?

Olivier : Oui deux enterrements le même jour ! Tu te rends compte ! On était drôlement embêtés ! Hein Claire ?

Claire : Oh oui ! On n'a pas eu de chance... Surtout que moi j'avais bien envie de venir à l'enterrement de la mère de Christelle. C'est vrai j'aime bien les fêtes comme les baptêmes, les mariages, les enterrements.

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Christelle : Il est mort de quoi votre, euh... ton père ?

(Presque en même temps :)

Claire : Sa jambe.

Olivier : Un infarctus.

Christelle : Pardon ?

Olivier : Euh... un infarctus de la jambe. C'est rare, mais ça arrive. Ça fait énormément souffrir.

Claire : Oui il a souffert le pauvre !

Olivier : D'un seul coup, il a eu la jambe qui s'est mise à gonfler, à gonfler ! Elle est devenue énorme !

Claire : Énorme, oui ! Large comme ça. (Avec ses mains elle montre environ 60 cm.)

Olivier : C'était remplit d'air. Alors, quand il a vu que sa jambe était énorme, il a paniqué et il a appuyé dessus avec ses deux mains, pour l'écraser. (Il mime.) Pour faire échapper l'air, tu comprends ?

Christelle : Euh oui... j'imagine...

Olivier : Et l'air est montée au cœur et paf ! Il a explosé.

Christelle : Son père a explosé ?

Olivier : Non, faut pas exagérer, son cœur à explosé. Juste le cœur. C'est comme si tu écrasais avec tes deux mains une brique de lait ouverte. Paf ! Tout fout le camp ! Le lait est monté au cœur et paf, il y a eu une explosion. Une explosion interne bien entendu.

Christelle : Bien entendu...

Claire : Enfin, le principal c'est qu'il n'a pas souffert.

Christelle : Vous m'avez dit qu'il avait souffert.

Olivier : Oui, c'est vrai il a souffert mais sans aucune douleur.

Claire : Et pas longtemps.

Christelle : Eh bien... Pour ma mère c'était plus classique.

Claire : La jambe ?

Christelle : Non, elle était âgée.

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Claire : Elle est morte à la fin de sa vie ?

Christelle : Oui.

Claire : Ah, c'est mieux quand c'est comme ça.

Olivier : Enfin tout ça pour dire qu'on n'a pas pu venir à l'enterrement de ta mère.

Christelle : Oui, je comprends.

Olivier : Ta maman avant son décès possédait encore le commerce, les deux maisons dans le bourg et les terres autour du cimetière ?

Christelle : Oui et aussi la petite usine de chaussures et l'appartement en ville, pourquoi ?

Olivier : Pour rien... Eh bien, ça dû te faire du tracas toutes ces formalités à son décès : les papiers, le testament, toute cette paperasserie.. Non ?

Claire : Oh là là, oui, c'est toujours compliqué les testaments.

Christelle : Non Claire, le testament était très clair. Il n'y a eu aucun problème lorsque j'ai hérité.

Olivier : Tant mieux alors ! C'est parfait ! (En montrant sa valise :) Dis-nous Christelle, il n'y a pas d’hôtel dans le village ?

Christelle : Ah non, aucun.

Olivier : Mince, je ne peux pas conduire la nuit, j'y vois rien, je risquerais d'attraper un accident.

Claire : Il est myope comme une carpe !

Olivier : Il faudrait qu'on trouve un endroit pour passer la nuit...

Christelle : (Se sentant obligée.) Bah... Vous pouvez passer la nuit ici si vous voulez, vous prendrez la troisième chambre.

Olivier : Oh que c'est sympa ! Tu n'es pas obligée Danielle !

Christelle : Christelle.

Olivier : Il ne faut pas que ça te dérange.

Christelle : Non, non… ça me fait plaisir. (Son visage exprime le contraire.)

La porte qui mène à l'appartement s'ouvre.Pierre apparaît, il porte un pyjama qui n'est pas à sa taille et tient un oreiller.

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Pierre : C'est bon, je ne suis plus raide... j'étais raide comme un bout de bois.

Olivier et Claire sont très surpris.

Christelle : Je vous présente Pierre.

Olivier : Euh, bonsoir.

Claire : Bonsoir, monsieur.

Pierre : Bonsoir. J'étais couché, j'ai entendu du bruit, alors comme je n'étais plus raide, je suis venu voir.

Christelle : Pierre est mon futur mari. Nous allons nous marier prochainement.

Olivier : Ah ben merde alors ! Euh... je veux dire quelle surprise ! Un homme a bien voulu de toi ? Euh... Tu as trouvé un homme ?

Christelle : Et oui, c'est plutôt Pierre qui m'a trouvé. Une rencontre très romantique.

Pierre : Brève, mais très, très romantique...

Claire : Et ce mariage est prévu pour quand ? Dans six mois, dans un an ?

Christelle : Oh non, dans moins d'un mois ce sera fait.

Olivier : Ah ben merde alors ! Euh... tant mieux, tant mieux...

Christelle : Ça n'a pas l'air de vous faire plaisir ?

Claire : Mais si bien-sûr ! On est juste surpris.

Olivier : Voilà, on est surpris. Surpris mais content !

Christelle : Eh bien on vous invite au mariage alors !

La lumière s’éteint.

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

ACTE 2

Il fait jour.

Claire est derrière le comptoir. Elle est ravie.Son mari, Olivier, est avec elle, il boit un café.

Olivier : C'est moche ici, c'est vieux. Elle doit remonter à Vercingétorix son épicerie.

Claire : À qui ?

Olivier : Non, rien. Pouah ! Il est infecte son café. Alors, tu es sûre qu'elle est est partie avec son zoziau ?

Claire : Mais oui, elle est partie avec lui pour lui acheter des vêtements, un pyjama et une brosse à dents. Elle m'a demandé de tenir la caisse de sa boutique en attendant. C'est cool, non ? Qu'est-ce que j'aimerais avoir un commerce moi aussi !

Olivier : Tu l'auras un jour, tu l'auras, crois-moi. Il y a combien dans la caisse ?

Claire : J'en sais rien, moi.

Olivier : Fais voir. (Olivier, ouvre la caisse et regarde son contenu. Il prend quelques billets de banque et les met dans sa poche.) Eh bien, il y aura ça de moins.

Claire : Tu ne devrais pas ! Elle va s'en rendre compte en plus.

Olivier : Penses-tu, c'est une abrutie. D'ailleurs lui aussi c'est un abruti. Ils se sont bien trouvés c'est deux là ! Elle a une tronche pas possible et une jambe de bois et elle trouve un mec ! C'est pas de bol quand même !

Claire : Elle n'a pas de jambe de bois, elle a juste une légère paralysie.

Olivier : C'est pareil ! En tout cas, elle est riche et laide alors que nous nous sommes... non c'est un mauvais exemple. Ce qui est sûr c'est que ce mariage n'arrange pas nos affaires !

Claire : Et pourquoi ce mariage changerait ton projet ?

Olivier : Réfléchis un peu ! Je te rappelle que sa mère était riche, Christelle a touché l'héritage et je suis sa seule famille. Si elle crève, c'est moi qui hérite.

Claire : Bah oui, c'est ce que tu m'avais expliqué, et alors ?

Olivier : Réfléchis pour une fois ! Si elle claque alors qu'elle est mariée, ce sera son abruti de mari qui héritera ! Ça change tout : on aura droit à rien !

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Claire : Rien du tout ?

Olivier : Rien, pas ça. (Il fait le geste en plaçant l'ongle de son pouce sous ses dents.)

Claire : Ah mince. Qu'est-ce que tu veux faire alors ?

Olivier : On n'a pas le choix : il faut la zigouiller avant son mariage ! Et je te rappelle qu'elle se marie dans moins d'un mois !

Claire : Il n'y aura plus de mariage alors ?

Olivier : Par tradition quand la mariée meurt, le mariage est annulé.

Claire : Ah, oui...

Olivier : Je te rappelle, qu'on était venu ici dans le but de chercher une idée pour la supprimer. Et on devait revenir dans quelques mois pour appliquer notre plan. Maintenant c'est trop tard. Il faut agir rapidement.

Claire : Tu veux la tuer quand alors ?

Olivier : Là maintenant ! On va rester ici ce week-end et on butte la cousine !

Claire : Et lui, tu veux le supprimer aussi ?

Olivier : Mais non pas lui, ce n'est pas la peine. Loiseau roucoule de bonheur car il croit qu'il va se marier, eh bien il va vite déchanter le zoziau ! Je vais le débarrasser de sa bonne femme vite fait bien fait !

Claire : Tu as une stratégie ?

Olivier : La stratégie, il n'y en a qu'une : l'emmener au cimetière rapidement !

Claire : Et tu veux la tuer comment ?

Olivier : Tu sais comment il est mort César ?

Claire : Non.

Olivier : Il a reçu des coups de couteau. C'était pas assez discret, tout le monde l'a su, c'est pour ça qu'on en parle encore aujourd'hui. Nous, on va la jouer plus fine, on va l'empoisonner.

Claire : Qui ça ? César ?

Olivier : Non, la cousine. Elle doit bien avoir du désherbant bien toxique, ou de la mort aux rats dans son foutoir.

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Olivier cherche dans les étagères.

Claire : Pourquoi de la mort aux rats ? Tu as vu des rats ici ?

Olivier : C'est un poison violent. On va lui en faire avaler, et comme ça elle va échapper au mariage, crois-moi. J'ai trouvé, elle en a !

Olivier prend deux boites.

Olivier : Elle a du désherbant et de la mort aux rats. On va mélanger les deux ensemble et crois-moi ça va être radical ! Ce serait abuser d'ajouter un peu d'eau de javel ? Et puis non ça risque de nous exploser à la figure. On va lui faire avaler cette mixture, elle nous en dira des nouvelles.

Claire : Elle ne voudra jamais, c'est sûr... jamais elle ne voudra avaler ce truc.

Olivier : Tu vas aller chercher des tasses, on va mettre le poison dans une des tasses et dès qu'ils arrivent on prend un petit café, ensemble. Ce sera son dernier !

Claire : Mais lui ? Il va bien voir que tu as mis du poison !

Olivier : Pas du tout, car c'est là que tu interviens.

Claire : Moi ? Comment ça ?

Olivier : Elle va avaler le poison, elle va s'écrouler, elle va baver comme un chien enragé, elle va avoir des convulsions, elle va gueuler comme un putois. Ça va peut-être même gicler partout, il faudra se méfier. Ouais, il va y avoir du spectacle, crois-moi. Et toi, pendant ce temps, tu récupères toutes les tasses et tu vas les vider et les rincer à la cuisine. Il faudra bien les rincer, surtout. Comme ça, il n'y aura aucune trace. On dira qu'elle a fait un malaise dû à trop de stress avant son mariage. Et voilà !

Claire : Tu t'y connais, ça se voit. Tu as déjà empoisonné quelqu'un ?

Olivier : J'ai déjà empoisonné des chats et des chiens mais jamais un homme. Mais c'est la même chose, le résultat sera identique.

Claire : Moi, je n'aurais jamais su.

Olivier : Je suis débrouillard c'est tout. C'est vrai, j'ai déjà trafiqué des compteurs de bagnoles, j'en ai piqué quelques-unes aussi, j'ai falsifié des fausses factures, j'ai fait des fausses déclarations aux Impôts, je vole régulièrement dans les magasins, alors autant te dire qu'empoisonner une bonne femme ça ne me fait pas peur.

La porte s'ouvre et une cliente entre.

Claire : Bonjour Madame la cliente !

La cliente : Bonjour, elle n'est pas là Madame Philomène ? J'ai appris qu'elle allait se marier !

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Claire : (Très souriante.) Non, je la remplace !

La cliente : Elle a un problème ? Rien de grave j'espère ?

Claire : Non, non. Elle est juste partie faire quelques courses et elle m'a laissé tenir la caisse ! Vous ne pouvez pas savoir comme ça me fait plaisir !

La cliente : Ah, d'accord. C'est bien la première fois que je ne la vois pas derrière son comptoir.

Claire : (En exagérant.) Qui me vaut le bonheur de votre venue, chère cliente ?

La cliente : Hein ?

Claire : Que puis-je pour vous honorer ?

La cliente : Bah... Hein ?

Claire : Euh... chère cliente, comment voulez-vous que je vous serve ou vous vende ?

Olivier : Elle veut savoir ce que vous voulez acheter !

La cliente : Ah, bah fallait le dire. J'ai pas besoin de courbettes, moi ! J'aurais besoin de chaussons.

Claire : Aux pommes ?

La cliente : Non aux pieds.

Claire : Ça se fait ? Ça doit avoir un goût de fromage dites donc.

La cliente : Bah... Vous êtes ben drôlement compliquée vous...

Olivier : Elle veut des savates ! Claire, accélère, les débiles ne vont pas tarder !

Claire : Ah ! Et vous chaussez grand ou petit ou moyen ?

La cliente : Du 38. Je chausse du 38.

Claire : Magnifique, voilà une belle pointure ! Je dirais même une pointure idéale ! Je vais de ce pas voir ce que j'ai !

Claire regarde sous le comptoir.

Claire : J'ai du 34. Ça ira ?

La cliente : Du 34 ? Ah bah non, ça va me faire mal aux pieds, il me faut du 38.

Claire : Ou du 42, il ne me reste que ces deux paires de chaussons.

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La cliente : Ah, bah non il me faut du 38.

Claire : Oh vous savez le 42 chausse petit, il vous ira merveilleusement à merveille chère madame la cliente. Vous serez honorée de sa pointure !

La cliente : Vous êtes ben drôlement bizarre vous... je vous dis qu'il me faut du 38 !

Olivier : Eh oh ! Elle va pas nous gonfler 107 ans avec sa paire de charentaise ! Elle va prendre le 42 et foutre du journal dedans ! Elle paye et elle se casse !

La cliente : Oh ! On ne m'a jamais parlé de cette manière ! Grossier personnage !

Olivier : Elle me casse les pieds avec ses savates ! Elle va se prendre mon 44 fillettes si elle ne dégage pas immédiatement !

La cliente : Ooooh !

Claire : Madame, il y a juste un petit malentendu. Je vous conseille le 34, vous le porterez ainsi dans les plus grandes occasions.

La cliente : Je chausse du 38 ! du 38 ! pas du 42, pas du 34 : du 38 !

Olivier : Mais, la grognasse, elle va l'acheter le 34 ! Elle coupe le bout et ça lui fera des tongs pour la plage !

La cliente : Ooooh ! Je le dirai à Madame Philomène !

La cliente vexée sort de la boutique.

La cliente : Je lui dirai ! Je lui dirai !

Olivier : C'est ça ! Et cafteuse en plus !

Claire : Elle n'était pas très facile cette cliente dis-donc. Je m'efforce à être aimable, je fais des phrases très polies et voilà comment on est remercié.

Olivier : Laisse tomber, c'est une pouffe. Bon, va vite chercher les tasses et la cafetière avant que les deux tarés n'arrivent.

Olivier ouvre la boîte de désherbant et celle de la mort aux rats.

Claire : Il faut combien de tasses ?

Olivier : On est quatre non ?

Claire : Ça fait quatre tasses alors ?

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Olivier : Non douze... Mais oui quatre ! Et grouille-toi avant qu'ils n'arrivent !

Claire va rapidement dans l'arrière boutique en disant :

Claire : Quatre ! Quatre tasses oui !

Olivier renifle le contenu des boites.

Olivier : Ça pue mais avec le café, l'odeur devrait disparaître. Alors ? Ça vient ?!

Claire : Voilà, voilà !

Claire revient avec quatre tasse et une cafetière.

Olivier : Je vais lui faire un cocktail carabiné, crois-moi. Un tord boyaux de première qualité !

Olivier verse les produits dans la tasse. Il jette ensuite les deux boîtes entamées dans la poubelle qui est sous le comptoir.

Olivier : Je viens de lui offrir un aller simple pour le Père-Lachaise à la cousine ! Maintenant, va vider la poubelle.

Claire : Attends ! C'est moi qui sert le café !

Claire ne débarrasse pas la poubelle mais sert le café. Les tasses sont posées sur un plateau.

Olivier : C'est bon, il ne change pas de couleur. Surtout il faut bien avoir l'œil sur cette tasse et la donner à la cousine.

Claire : J'espère qu'il n'est pas trop chaud, ni trop froid, ni trop tiède.

La porte de l'épicerie s'ouvre. Christelle et Pierre entrent.Pierre porte de nouveaux vêtements. Il est bien habillé.

Olivier : Ah c'est vous ? Au fait, Claire a préparé un petit café. On s'était dit qu'on pourrait le boire ensemble, ça vous dit ?

Claire : Et j'ai mis quatre tasses ! Quatre !

Christelle : Oh c'est gentil, mais j'en ai déjà pris un tout à l'heure.

Olivier : Allons ! Pour nous faire plaisir ! Pour boire à la santé des futurs mariés !

Claire : Oui ! Vive les mariés !

Christelle : Bon, si ça vous fait plaisir...

Claire : C'est moi qui l'ai servi ! Pierre ? Une pierre de sucre ?

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Pierre : Non, merci sans sucre s'il vous plaît.

Pierre prend une tasse, la repose, en prend une autre, la repose et en prend une autre.

Olivier : Bah, qu'est-ce que vous faites ?

Pierre : Je ne suis pas très café. Il y en avait un peu trop dans ces tasses. Oh si vous le permettez, celle-ci est moins pleine.

Il repose sa tasse et en prend une autre.

Olivier : Le con ! Il a tout mélangé !

Claire : Faut pas tout mélanger tête de fion !

Pierre : (Surpris et choqué.) Pardon ?

Christelle : Claire ce n'est pas grave, personne n'avait commencé à boire.

Claire : Si c'est grave ! On ne mélange pas ! On ne sait plus où c'est !

Olivier : C'est vrai quoi ! Si tout le monde mélange tout, on ne va jamais y arriver !

Pierre : Je suis vraiment désolé, je ne pensais pas...

Olivier : Claire va vider ces tasses vite ! Lave-les !

Christelle : Mais non ! Ce n'est pas la peine de faire tant de manières !

Olivier : C'est important l'hygiène ! Ça se trouve il y avait plein de microbes sur ses doigts. Claire va vite laver ces tasses !

Pierre : Voici la mienne. Et encore désolé...

Pierre renverse involontairement sa tasse par terre.

Pierre : Oh ! Désolé ! Je suis maladroit ! Excusez-moi.

Claire : Il a tout foutu par terre le saligaud !

Christelle : Claire !

Silence.Tous regardent le sol avec stupéfaction.

Christelle : Ça fume... le sol fume.

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Pierre : Comme c'est curieux, le sol se consume... Je ne savais pas que le café pouvait provoquer une telle réaction chimique.

Silence.

Olivier : C'est qu'il est trop fort une fois de plus ! Claire, combien de fois dois-je te dire qu'il faut faire le café moins fort ?! À chaque fois, elle le fait trop fort ! Tenez regardez-moi, j'en ai bu une tasse il y a dix minutes !

Olivier fait semblant d'avoir des tics nerveux (Clignements des yeux, gestes brusques etc.).

Olivier : Ça énerve un café trop fort ! Ça m'énerve ! Je suis très énervé !

Christelle : J'espère que le sol n'est pas foutu.

Claire : Il faut que je rince tout ça !

Olivier : Va rincer ! Va rincer !

Claire : J'y vais ! Oh là là !

Claire va dans l'arrière boutique en emportant les tasses.La porte de la boutique s'ouvre.Entre un homme de plus de soixante ans. Il porte une casquette et il a un sac de porte-bouteilles qui est vide.

Christelle : Ah, Monsieur Colombais, bonjour.

Monsieur Colombais : Bonjour Madame Philomène, messieurs. Qu'est-ce qui se passe ? Vous avez tous l'air embêtés.

Olivier : Oh non, c'est rien. On vient juste de faire tomber une tasse de café.

Monsieur Colombais : Du café ? Pouah ! Rien ne vaut un petit verre de blanc. Ah oui, il y a une belle tache sur le sol.

Monsieur Colombais, se penche vers le sol, il touche la tache avec son index et ensuite le sent.

Christelle : Je vous les ai mis de côté. Sept bouteilles de blanc comme d'habitude.

Olivier : Hé, juste de quoi tenir la semaine, non ?

Monsieur Colombais : La semaine ? Vous voulez ma mort ? Non c'est ma ration quotidienne.

Christelle : Oui Monsieur Colombais est un bon client... Il est retraité de la police, n'est-ce pas ?

Monsieur Colombais : Quand j'étais lieutenant, je buvais beaucoup moins : deux trois litres par jour, jamais plus. Mais depuis que je suis à la retraite, je m'ennuie, je dirais même que je

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

m'emmerde grave !

Pierre : Ah ? Et ça fait longtemps que vous n'êtes plus dans la police ?

Monsieur Colombais : Oh là ! Des litres et des litres. Et oui ça me manque les enquêtes. J'étais le meilleur pour trouver les voleurs et les criminels.

Olivier : Ah ?

Pierre : Le meilleur ?

Pierre et Olivier semblent troublés.

Monsieur Colombais : Parfaitement, j'avais du flair, énormément de flair ! Un vrai cochon qui fout son groin partout pour trouver les truffes.

Pierre : Les truffes ?

Monsieur Colombais : Oui, les malfrats, les bandits, les tueurs, les escrocs. Mais je ne l'ai pas perdu mon flair, vous savez. S'il y en a à moins de cent mètres, je les renifle, je les débusque, je les choppe.

Olivier : Eh bien...

Claire entre.

Claire : Ça y est elles sont rincées, il n'y a plus de trace.

Monsieur Colombais : Bonjour Madame. Vous avez rincé quelque chose ?

Olivier : Ma femme a lavé les tasses de café.

Monsieur Colombais : Vous avez parlé de traces. Vous cherchez à effacer les traces d'une tentative de meurtre ?

Olivier a une réaction nerveuse.

Olivier : Mais ! Mais pas du tout ! Pas du tout ! Pas du...

Monsieur Colombais : Mais non je déconne !

Christelle : Claire, monsieur est retraité de la police, il était lieutenant auparavant : le lieutenant Colombais.

Claire : Ah ? Vous étiez policier ? Je me suis toujours demandée comment on pouvait choisir ce boulot.

Monsieur Colombais : Oui j'étais lieutenant de police, ça vous étonne ? C'est drôle car hier j'étais

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

dans un bar et un type me demande pourquoi je suis devenu flic, qu'est-ce qui a fait qu'un jour je suis devenu lieutenant ? Et franchement, franchement, j'ai eu du mal à lui répondre. Parce que c'est vrai, il y a un jour ou on fait un choix et toute notre vie change, j'aurais très bien pu choisir de devenir charcutier, pompier ou fleuriste, eh bien non, j'ai choisi d'être flic. Ça s'est joué au collège, pendant l'orientation, j'étais là, le prof nous demandait de noter sur un bout de papier le métier que l'on voulait faire. Et moi, rien, page blanche, que dalle, aucune idée. L'angoisse, l'angoisse comme le jour où vous vous tournez pour voir ce que vous avez fait de votre vie et vous vous dites « ouais, c'est sûr », vous vous sentez abandonné, étrange, un peu idiot même. Un peu comme un marin à qui on aurait volé son bateau et qui ne saurait plus comment faire pour aller pêcher ses harengs. Pourtant le type il a besoin de pêcher ses harengs pour nourrir sa famille. Il regarde la mer et rien, plus de bateau, plus d'espoir, plus rien, le vide, la mer, l'eau, que de la flotte. Ou un peu comme une danseuse qui aurait des cors aux pieds et qui souffre en silence et elle a peur, peur de ne plus jamais danser, de ne plus monter sur scène et pourtant elle aussi, elle a besoin de monter sur scène pour danser, eh bien non, ses cors aux pieds l'empêchent, alors elle se trouve là comme un conne, et elle regrette de ne pas avoir choisi un autre métier comme pompier, ou marin, ou fleuriste, ou même flic. C'est une vraie angoisse existentielle. J'étais dans ce cas là, angoissé, angoissé à ne plus vouloir retourner à l'école, angoissé à ne plus pouvoir aller jouer au foot le dimanche, angoissé quoi... Un peu comme quand vous allez au bar et que le barman vous dis qu'il y a rupture de stock de blanc. Qu'est-ce qu'il vous reste pendant ces moments là ? Qu'est-ce qu'il vous reste pour vous accrocher à la branche de la vie ? Quand je dis branche, c'est l'image, pas la branche de l'arbre, non il faut plutôt imaginer un lien qui vous accroche à la vie. La vraie vie, pas la fausse, pas celle des peureux, pas celle des hypocrites, pas celle des frileux de l'existence. Non, la vraie vie, quoi. Alors c'était clair : c'est ce jour là que j'ai décidé que je serais un flic. Et alors tout s'est arrangé : la danseuse retrouve le marin et ils dansent ensemble sur le bateau avec les harengs, le vin blanc coule à flot et les mouettes les suivent et c'est beau. C'est beau vous comprenez ?

Pierre : Oui on comprend beaucoup mieux maintenant.

Monsieur Colombais : Bon, c'est pas tout ça, mais je vais prendre mes bouteilles, j'en n'ai plus à la maison. Une heure sans pinard et je risque de faire un malaise foudroyant. Faut pas jouer avec la santé.

Christelle : Prenez les monsieur Colombais, elles sont dans le sac porte-bouteilles. Je récupère le vide comme d'habitude.

Il lui donne le sac vide et prend celui avec les sept bouteilles.

Monsieur Colombais : Bonne journée messieurs dames. Il sort.Il entre à nouveau.

Monsieur Colombais : Au fait, j'oubliais...(Imitation du célèbre Lieutenant Columbo.) Vous savez j'ai énormément de flair, énormément...

Il sort pour de bon.

Pierre : Il est un peu spécial, non ?

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Olivier : Christelle, on te laisse. Avec Claire on va faire un petit tour dans le village.

Claire : Pourquoi faire ?

Olivier donne un coup de coude à sa femme.

Claire : Aïe ! Pourquoi tu me tapes ?

Olivier : Que tu es douillette. Viens on va faire un tour.

Claire : Mais pourquoi faire ?

Olivier : Viens je te dis !

Claire : Je viens, je viens ! Ce n'est pas une raison pour me taper. (En ronchonnant et en sortant de la boutique :) C'est vrai quoi, j'aime pas quand tu me frappes, tu me fais mal, pourquoi tu me tapes tout le temps ?

Ils sont sortis.Christelle est seule avec Pierre.

Christelle : Au fait, je voulais vous remercier pour cette nuit.

Pierre : Cette nuit ?

Christelle : Merci de ne JAMAIS avoir gratté à ma porte.

Pierre : Pourquoi aurais-je gratté à votre porte ?

Christelle : Et merci de n'être JAMAIS venu me rejoindre dans ma chambre.

Pierre : Mais... de rien, tout le plaisir était pour moi

Christelle : Vous aimez être désagréable avec moi ? Ça vous fait plaisir ?

Pierre : Mais pas du tout. Je vous rappelle que c'est vous qui me forcez à me marier. Moi, j'en ai aucune envie.

Christelle : (Rêveuse.) Et oui je vais enfin me marier !

Pierre : À un homme qui n'est personne...

Christelle : Personne n'est personne !

Pierre : Mouais... Bon, il faut être raisonnable maintenant, vous voyez bien que ce n'est pas envisageable ce mariage, il n'y a rien entre nous. Il n'y a aucune attirance.

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Christelle : Et alors ? Vous croyez que c'est nécessaire de passer par la séduction, par la drague avant de se marier ? J'ai déjà donné, merci.

Pierre : Vous avez déjà dragué, vous ?

Christelle : Vous avez l'air étonné... Et pourquoi pas, d'ailleurs ? En fait, j'ai adopté la stratégie de la femme qui se fait désirer...

Pierre : Et ça fonctionne ?

Christelle : Il faut sans doute être plus patiente que je ne le suis...

Pierre : Ah ! (Il sourit.) Vous avez échoué...

Christelle : Ça vous fait plaisir hein ?

Pierre : Pas du tout.

Christelle : Je sais, je ne sais pas m'y prendre... Donc maintenant : plus besoin de séduction, je menace et j'épouse !

Pierre : C'est nul, nul...

Christelle : Je m'en fiche ! Vous savez, si vous souhaitez consommer avant le mariage, cela pourrait faciliter les choses...

Pierre : Consommer ?

Christelle : Vous pourriez me rejoindre la nuit prochaine, je vous attendrai, je serai en petite tenue.

Silence.

Pierre : Je ne voudrais pas être mal poli ou irrespectueux mais je n'ai pas envie de vous imaginer autrement qu'habillée.

Christelle : Je ne vous plais pas ? C'est ça ? Comment vous me trouvez ? Dites-le franchement, je veux savoir.

Pierre : Vous avez l'air en bonne santé.

Christelle : Je veux dire physiquement.

Pierre : Oui, en bonne santé.

Christelle : Vous êtes comme tous les hommes : il n'y a que le physique qui compte ! En plus vous êtes insensible ! Vous avez un cœur de pierre, Pierre.

Pierre : Ça n'a rien à voir avec ce que vous...

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Christelle : J'en ai marre ! Personne ne veut me pécho ! Même pas un qui le ferait juste par gentillesse, par humanité, juste pour me faire plaisir ! Pas un !

Pierre : Bah... Vous avez déjà eu une histoire avec un homme au moins ?

Christelle : J'ai faillis connaître le début d'une belle relation, une fois...

Pierre : Oui ?

Christelle : Mais il ne m'a pas vu... il est passé devant moi sans me regarder...

Pierre : Ah oui quand même...

Christelle : Je ne suis pas folle, je vois bien que ne plais pas aux hommes. Je sais bien que je boite ! Qui voudrait d'une estropiée ?

Pierre : Mais non vous ne boitez pas.

Christelle : Mais si je boite, ça se voit quand même ! Ça ne peut pas être pire, à part si j'étais unijambiste... et encore, je demande à voir à l'occasion. Regardez !

Elle fait quelques pas en exagérant sa démarche.

Pierre : Vous exagérez ! De toute façon, vous boitillez, vous clopinez mais vous ne boitez pas. En tout cas, ça ne me choque pas du tout.

Christelle : C'est vrai ? Vous êtes gentil, vous.

Pierre : J'ai dis que ça ne me choque pas, je n'ai pas dit que je vous trouvais sexy !

Christelle : Je sais ! Ce n'est pas la peine d'insister ! Le dernier qui m'a trouvé sexy, il souffrait d'un glaucome sévère.

Pierre : Ah ! (Sourire.) Au moins, vous avez de l'humour.

Christelle : Ça vous plaît ?

Pierre : Bon, vous abandonnez cette histoire de mariage alors ?

Christelle : Pas question ! Je vous ai, je vous garde ! Et au cas, où vous l'auriez oublié, je vous rappelle que vous avez le choix entre le mariage ou la taule !

Pierre : Je sais, je sais... remarquez dans les deux cas on perd sa liberté, non ?

Christelle : Ne faites pas le malin. Et vous ? Pourquoi votre femme vous a quitté ?

Pierre : Je vous l'ai déjà dit, elle avait tendance à s'associer un peu trop souvent avec mon associé.

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Christelle : Oui d'accord, mais pourquoi ?

Pierre : Approchez, je vais vous raconter.

Pierre chuchote à l'oreille de Christelle des phrases inaudibles.

Christelle : (En souriant :)...Ho ! … Ho ! C'est vrai ?

Pierre : (Il sourit.) Oui, et le meilleur, approchez... (Phrases inaudibles.)

Christelle : (En souriant :)... Non ?! Ho !.... Oh là là !... (Surprise et sans sourire :) Ah ? Vous êtes sûr ?

Pierre : (Grave :) Certain.

Christelle : (Grave :) C'est gênant.

Pierre : Par contre... approchez ! ... (Phrases inaudibles en souriant.)

Christelle : (Sourit énormément.) Oh !...Oh ! Eh bien !

Pierre : Le plus drôle c'est quand, approchez... (Phrases inaudibles en souriant.)

Christelle : Là, vous en rajoutez ! Ce n'est pas possible !

Pierre : Mais si je le jure !

Christelle : Oh ! Tout de même...

Pierre : Voilà pourquoi elle m'a quitté.

Christelle : Eh bien ! En voilà une histoire !

Pierre : Oui, mais chut ! (Il se retourne pour être sur que personne n'écoute.) On pourrait nous entendre et je ne veux pas que ce soit répété.

Christelle : Oui, ça craint... (Silence.) Bon, est-ce que je peux vous confier l'épicerie quelques minutes ? J'ai deux trois choses à préparer dans la cuisine.

Pierre : Vous n'avez pas peur que je vous vole la caisse ?

Christelle : Non, je sais bien que vous en êtes incapable.

Pierre : Est-ce que je peux utiliser votre téléphone s'il vous plaît ? J'aimerais donner un coup de fil.

Christelle : Il est sur le comptoir. Vous savez quoi ? Je n'ai jamais vu un voleur aussi bien élevé...

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Christelle entre dans l'arrière boutique.Pierre est seul.Il prend le portable posé sur le comptoir et compose un numéro.

Pierre : Allô Nathan, c'est papa, comment tu vas mon cœur ?... Qu'est-ce que tu fais en ce moment ?...Tu manges ? Déjà ? (Il regarde sa montre.) Qu'est-ce que tu manges, dis-moi ?... Des patates ? C'est bon les patates, tu aimes ?... Ah c'est de la purée... C'est bon ça la purée... oui avec du fromage... Tu aimes le jus, ah oui c'est bon le jus... Et tu fais quoi après manger ?... Ah, tu joues, c'est bien ça. À quoi vas-tu jouer ?... Tu ne sais pas. Au cow-boy ?... Ah pas au cow-boy, c'est pourri. Oui, tu as raison c'est pourri. Dis-moi, ta maman est là ?... Non, non c'est pas la peine, c'est à toi que je veux parler... et l'école se passe bien ? Tu as toujours tes copains ?... Hein ?! À qui tu as dis Papa ?! … Nathan, j'ai entendu tu as dis « Papa, s'il te plaît du pain »... A qui tu as dis « Papa » ?... Nathan, ce n'est pas ton papa... Non, c'est le compagnon de maman. Ton papa c'est moi. C'est moi ton papa, tu comprends ? Nathan ? Tu vas jouer ? … Nathan ! Non attends !... Nathan ?!... Nathan ?... Il est parti...

Pierre regarde tendrement son portable qu'il tient à deux mains.

Pierre : Nathan, mon p'tit bonhomme.

En baissant la tête, il pose doucement le portable sur son cœur.Il se cache les yeux avec sa main gauche et semble pleurer en silence.

Olivier et Claire entrent.

Pierre : (Gêné :) Ah c'est vous ? Je vous laisse, j'ai besoin de... je vous laisse.

Pierre pose le téléphone sur le comptoir et entre dans l'arrière boutique.

Claire : T'as vu, je crois bien qu'il avait les larmes aux yeux. Il avait l'air triste, le pauvre...

Olivier : Un glandu, un débile, une gonzesse.

Claire : La pauvre Christelle, elle va épouser un débile...

Olivier : Ce sont des choses qui arrivent, elle n'est pas la seule...

Claire : Ou ça se trouve il se drogue.

Olivier : En parlant de drogue, j'ai bien joué dans la pharmacie non ?

Claire : Oh oui, tu as demandé des pastilles pour la toux et t'en as profité pour piquer des boîtes de médicament.

Olivier : Ouais, et j'ai ensuite refusé ces pastilles prétextant que j'étais allergique aux médocs et on est sorti de la pharmacie sans rien payer avec les poches pleines : du vrai travail de pro.

Olivier sort quatre boîtes de médicament et regarde le contenu.

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Olivier : Il y a du somnifère, des anxiolytiques, et les deux autres je ne comprends pas ce que c'est. En tout cas ça fera parfaitement l'affaire. Je vais juste garder les comprimés, il ne faut pas s'embarrasser des boîtes. (Olivier prend des comprimés et jette les boîtes dans la poubelle qui est sous le comptoir.) Va vider la poubelle avant qu'ils n'arrivent.

Claire : Tu crois que tu peux la tuer avec ça ? (Claire ne vide pas la poubelle.)

Olivier : Je vais te dire une chose : elle va bientôt être dans le journal, rubrique nécrologie !

Claire : Tant mieux, tant mieux. Nécro... ça a un rapport avec le temps qu'il va faire ?

Olivier : Non aucun, laisse tomber. On est d'accord hein ? On prend un petit apéro, je verse les médicaments dans son verre et je lui offre un voyage en cercueil ! Elle habite à cent mètres du cimetière, eh bien début de semaine prochaine elle habitera à cent mètres de chez elle !

Claire : J'ai rien compris.

Olivier : Laisse tomber.

Claire : Elle voyage où ?

Olivier : Laisse tomber. Par contre tu détourneras son attention quand je verserai les médocs dans son verre, OK ?

Claire : OK, ça j'ai compris.

Olivier : Avec ça, elle va perdre la vie et en même temps elle va perdre son fric .

Claire : Oh la pauvre deux malheurs en même temps.

Olivier : C'est pas un mal crois-moi... Quand on voit sa tronche, je pense même que c'est lui rendre service. Par contre il faudrait quand-même penser à trouver un alibi.

Claire : Elle en vend dans sa boutique, tu crois ?

Olivier : Laisse tomber.

Claire : OK, je laisse tomber.

Olivier : Elle va avaler son verre et après on sera riche, tu te rends compte ?! Je me sens heureux tu peux pas savoir ! Le bonheur c'est simple comme un meurtre bien foutu !

Claire : Et j'aurais mon commerce, rien qu'a moi ?

Olivier : Mais oui ! On appartient à la France d'en bas, eh bien crois-moi, on va monter haut, très haut, très très haut, on va être au sommet du gratte ciel !

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Claire : Oh, non moi j'ai le vertige, je préfère rester en bas.

Christelle entre dans la boutique.

Christelle : Pierre n'est pas là ?

Claire : Non, il est parti par là, (elle montre la porte) il avait besoin de faire pipi, je crois.

Olivier : Dis-nous Christelle, on pourrait peut-être prendre un petit apéro pour fêter ton mariage.

Claire : Un apéro ! Un apéro ! Un apéro ! Un apé...

Olivier : Claire ! T'es lourde parfois...

Claire : OK, je laisse tomber.

Christelle : Pourquoi pas, après tout ? Je vais chercher Pierre.

Christelle est devant la porte de l'arrière boutique, elle appelle Pierre :

Christelle : (Fort :) Pierre ! Mon chéri ! Viens, on va prendre un verre pour fêter notre amour ! Apporte des verres s'il te plaît ! (Elle s'adresse à Olivier et Claire :) Bon, je crois que je dois avoir une bouteille d'apéritif de côté, je crois qu'elle est sous le comptoir.

Christelle cherche sous son comptoir.

Christelle : La voilà, je savais bien qu'elle n'était pas loin.

Olivier : Qu'est-ce que c'est ?

Christelle : C'est fruité, j'en ai déjà bu mais il y a longtemps. C'est frais, c'est tonique, c'est plaisant.

Pierre entre avec quatre verres.

Pierre : J'ai apporté des verres.

Christelle sert la boisson.

Christelle : Voilà, c'est servi.

Claire : (Elle crie.) Oh des oiseaux !

Christelle : Hein ? Où ça ? (Elle lève la tête.)

Claire : Ah, non... j'avais cru en voir. Mais dehors il y a des oiseaux... il sont dans le ciel... sauf quand ils ne volent pas... Il faut bien qu'ils se reposent de temps en temps quand-même... J'aime bien les oiseaux, pas toi ? Les autruches tu aimes ? Et les poules ?

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Christelle : Euh j'sais pas...

Olivier en a profité pour mettre les médicaments dans le verre de Christelle.

Olivier : Bon on s'en fout des zoziaux euh... (Il regarde Pierre Loiseau.) des oiseaux... Allez ! Santé ! Et longue vie aux mariés !

Claire : Oui, aux futurs mariés!

Ils avalent leur verre.

Claire : C'est bon, qu'est-ce que c'est exactement ?

Christelle : Il y a des agrumes.

Claire : C'est pas mauvais du tout, il y a de l'orange aussi, non ?

Pierre : Ce n'est pas à tomber par terre, mais ce n'est pas mauvais.

Olivier : Ouais, bois tout ton verre Christelle, vas-y.

Christelle ne boit pas tout le contenu de son verre.Soudain, son regard se trouble, elle fait un tour sur elle même.

Christelle : Oh ! Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Oh il y a plein de moutons !

Pierre : Des moutons ? Où ça ?

Christelle : Là ! (Elle montre le public.)

Pierre : Mais non il n'y a personne.

Olivier : Finis ton verre Christelle !

Christelle : Si je les vois ! Ils rigolent !

Pierre : Mais non ! Les moutons ne rigolent jamais, voyons !

Christelle : Oh ils sont nombreux ! Il y en a des beaux... et des moches aussi ! Tiens lui là bas, qu'est-ce qu'il est moche ! (En tendant son bras vers le public.) Ça doit être le bélier ! Oh j'aime les petits moutons ! Je veux leur faire des bisous !

Pierre : Mais qu'est-ce qui lui arrive ?!

Christelle : Des bisous ! Des bisous !

Olivier : Mais elle va finir son verre la morue ! La grognasse !

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Pierre : Mais qu'est ce qu'il vous arrive ?

Olivier : Je sais pas ! C'est comme elle : je délire !

Pierre : Mais arrêtez !

Christelle : Ils sont où les petits moutons ? Tant pis ils sont partis. Je veux voir le pape ! On a rendez-vous ! On va se marier ! Je dois me faire belle, donnez-moi un chapeau, un chapeau en peau de chamois, vite ! C'est pour mon mariage !

Pierre : Christelle !

Christelle : Il fait trop froid dehors, j'ai besoin d'une glace à la fraise. Ou à la mayonnaise. Ou un tracteur.

Pierre : Christelle ! Elle pète complètement les plombs !

Christelle : De toute façon on oublie trop souvent de dire que le commerce c'est foutu ! Les clients ne veulent jamais aller à la piscine avec moi pour skier ! Ou faire du vélo ! Mais attention aux voitures quand on fait du vélo ! Elles peuvent vous arracher toutes les jambes ! Moi je m'en fous j'en ai cinq, j'ai du rabe ! Et en plus ça repousse ! Sauf au printemps, évidemment.

Olivier : Finis ton verre ! Finis-le et tu diras moins de conneries !

Pierre : Il doit y avoir quelque chose dans son verre, ce n'est pas possible ! Elle est devenue folle !

Pierre prend le verre de Christelle et bois le contenu.

Claire : Il l'a bu ! Il n'est pas bien lui !

Pierre : Oh ! Je suis distrait ! De toute façon il y a rien dans son verre ? Si ?

Christelle : Moi, j'ai envie de manger des chaussettes au vinaigre ! Il est où le voleur ? Celui qui voulait la caisse de champagne ? Il est où ? Avec les rats dans la cave ? Ils sont partis danser les rats ? Je peux venir ? J'ai un joli tutu.

Olivier : Mais elle va la fermer sa grande gueule !

Pierre : J'ai un scarabée dans la tête qui fait « coucou, coucou », c'est normal ?

Christelle : Moi je vois un caniche qui fait caca, oh c'est caca le caca du caniche !

Claire : Fermez-là ! Ils me font peur ! Olivier fais quelque chose !

Pierre : Ça me tourne la tête, c'est étrange, c'est comme le lait qui tourne mais en moins carré et dans l'autre sens.

Christelle : Moi ça ne me tourne pas, ça me fixe dans les yeux uniquement. On dirait deux balles

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

de ping-pong rouges. Qui veux jouer avec moi ? Vous avez un ballon ? Ou une chaise ?

Claire : Ferme-là ! Ferme-là ! Elle me stresse ! Ta gueuuule ! C'est vrais quoi ! Elle me stresse !

Pierre : Oh ! Il y en a beaucoup trop sur les vélos ! Et ils roulent ! Ils roulent !

Christelle : Qui roule ? Pierre qui roule ?

Pierre : N'amasse pas mousse ?

Claire : Stop ! Arrêtez ! Arrêtez ! J'en peux plus ! J'en peux plus !

Christelle : Ne crie pas ça me fait pousser une salade dans la tête et moi je veux dormir... dodo les petits moutons, dodo les moutons … dodo...

Christelle s'allonge par terre et dors.

Claire : Eh ! Elle est morte !

Olivier : T'en connais beaucoup des morts qui ronflent ?

Pierre : C'est étrange comme sensation. Mais ça va. Ça va bien.

Soudain, il s'écroule au sol et se relève aussi vite.

Pierre : C'est étrange comme sensation. Mais ça va. Ça va bien.

Il s'écroule au sol une deuxième fois et se relève aussi vite.

Pierre : C'est étrange comme sensation. Mais ça va. Ça va bien.

Il s'écroule au sol une troisième fois et se relève aussi vite.

Pierre : C'est étrange comme...

Olivier : C'est pas bientôt fini, oui !

Claire : Oui on se lasse !

Pierre : Déjà ? Le train a déjà décollé ? Il est dans le poulailler ?

Pierre s'écroule au sol et dors.

Olivier : Eh ben merde alors... j'ai mal dosé...

Claire : Ça fait du bien quand ça s'arrête... Ah la vache...

Olivier : C'est du costaud de chez costaud...

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

Monsieur Colombais entre. Monsieur Colombais : Je vais dépérir ! Mourir de soif ! De déshydratation ! De manque d'ivresse ! Il me faut sept litres de plus ! Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi ils dorment par terre ces deux-là ?

Claire : On ne sait pas, hein Olivier ?

Olivier : On prenait l'apéro et ils se sont endormis. Ils étaient crevés, vous savez les jeunes couples...

Monsieur Colombais : Non, comment ça ?

Olivier : Ils n'ont pas bien dormi cette nuit, si vous voyez ce que je veux dire...

Monsieur Colombais : Non... je ne vois pas...

Olivier dodeline de la tête.

Monsieur Colombais : Ah ! Oui ! Évidemment ! Eh bien... ça joue la nuit au papa et à la maman et c'est incapable de tenir le coup dans la journée... Moi aussi si ça continue je ne vais pas tenir le coup...

Claire : Vous étiez trop occupé cette nuit, vous aussi ?

Monsieur Colombais : Non il me manque sept litres ! J'ai acheté mes sept litres pour aujourd'hui mais j'avais oublié qu'on était samedi et l'épicerie sera fermée demain. Il me faut ma ration dominicale : sept litres de plus !

Olivier : Bah servez-vous, vous savez où c'est. Cadeau de la maison.

Monsieur Colombais : Ah non pas question, je tiens à payer. L'ivresse n'a pas la même saveur quand on ne paie pas. Madame Phylomène les notera sur mon compte. Dites-moi, c'est quand même bizarre...

Claire : Vous avez vu quelque chose de bizarre ici ?

Olivier : Rien de bizarre, tout baigne.

Monsieur Colombais : Si, si c'est bizarre... Vous avez pris un café corrosif tout à l'heure et maintenant vous prenez un verre et ces deux là s'écroulent... permettez-moi de trouver ça bizarre.

Claire : C'est vrai que c'est bizarre...

Olivier : Mais non ! Ce n'est pas bizarre ! C'est parfaitement banal ! Le café était trop fort, c'est tout. Et eux ils dorment car ils sont crevés. Et voilà, il n'y a rien de bizarre !

Monsieur Colombais met son index dans le fond du verre de Christelle. Il met son doigt sur sa

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Vivien LHERAUX – Appelez-moi Bichette !

langue et il crie :

Monsieur Colombais : Aouhhhh Cocorico ! Cocorico ! Aouhhh !

Claire : Ça ne va pas monsieur ?

Monsieur Colombais : Quoi ? Pardon ? Hein ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce qu'on disait ?

Olivier : Euh rien... On disait que Christelle et Pierre étaient fatigués. D'ailleurs je vais les réveiller tout de suite. Ça ne se fait pas de roupiller par terre dans une épicerie à la vue de la clientèle. Claire, aide-moi.

Olivier et Claire secouent Christelle et Pierre. Ils leur donnent de petites claques.

Olivier : On se réveille ! Debout ! La fête est finie !

Claire : C'est l'heure ! Le dormage est terminé.

Christelle : Oh ma tête... qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Claire : Rien, Olivier dit que t'as fait trop de pirouettes cette nuit.

Christelle : Oh ma pauvre tête... j'men rappelle plus.

Pierre : Hein ? Il y a le feu dans la cave ?! Oh ma tête... qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Olivier : Allons, ne fais pas semblant ! Sacré Pierre ! Quelle santé ! Promets-nous d'être plus raisonnable la nuit prochaine.

Pierre : Hein ? Quoi ? Quand ? Où ? Comment ?

Olivier : Je vais les aider à aller dans l'arrière boutique, ils ont besoin de se reposer encore un peu.

Monsieur Colombais : Bizarre, très bizarre...

Aidés par Olivier, Christelle et Pierre sortent et vont dans l'arrière boutique.Claire est seule avec Monsieur Colombais.

Monsieur Colombais : Eh bien dites donc, ils tiennent pas la route les tourtereaux. Dites, vous n'avez pas soif vous ? J'ai soif, moi. J'ai toujours soif, moi.

Claire : Moi je ne bois pas assez, c’est ce que me dit mon docteur.

Monsieur Colombais : Moi il me dit le contraire.

Claire : j’ai jamais soif.

Monsieur Colombais : Moi tout le temps. Et surtout l'été.

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Claire : On a soif l'été car il il fait souvent trop chaud l’été.

Monsieur Colombais : Ouais et l’hiver c'est trop froid.

Claire : C’est dommage qu’on n'arrive pas à garder la chaleur de l'été pour l’hiver... Ce serait pratique, on n’aurait plus besoin de chauffage.

Monsieur Colombais : Ouais et pareil pour l’hiver on aurait tout le temps de la glace pour le vin blanc en été.

Claire : C’est bizarre la glace.

Monsieur Colombais: Comment ça ?

Claire : Je sais pas, cette eau toute froide, toute dure.

Monsieur Colombais : C’est vrai que c’est bizarre, je n'y avais jamais pensé... et si on la met dans de l’eau chaude, elle disparaît.

Claire : Et si on met de l’eau chaude sur de la glace elle se transforme aussi en glace ?

Monsieur Colombais : Alors là, ça devient technique, je suppose que c’est une question de température.

Claire : Pourquoi ?

Monsieur Colombais: Si la glace est très très froide et si à l’extérieur ça caille à ne pas mettre un bonhomme dehors, alors c’est possible que l’eau chaude se transforme instantanément en glace.

Claire : Vous êtes un vrai scientifique vous ! Vous êtes doué.

Monsieur Colombais : Je suis observateur, c’était mon métier...

Claire : Vous observez la glace ?

Monsieur Colombais : Pas seulement, pas seulement, mais j’aime bien l’observer à l’état liquide dans le pastis par exemple.

Claire : Vous observez les boissons alcoolisés ?

Monsieur Colombais : Oh que oui ! Je les observe souvent, c’est devenu une passion et quand j’ai terminé de les observer, quand j’ai fait le tour de la question, je les avale.

Claire : Même le glaçon ?

Monsieur Colombais : Non le glaçon, j’attends qu’il soit fondu et hop j’avale.

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Claire : Moi les glaçons je trouve ça trop froid, ça me fait mal aux dents...

Monsieur Colombais : C’est pour ça qu’il faut attendre qu’il soit fondu... et hop ! Faut l’avaler à l’état liquide.

Claire : Pourquoi ça fait mal aux dents la glace ?

Monsieur Colombais : Là aussi, c’est technique, c’est une question de nerfs.

Claire : Comment ça ?

Monsieur Colombais : Quand le froid touche les nerfs des dents, eh bien ça lance. Le problème c’est que la glace c’est vachement froid, donc c’est pire. Ça lance encore plus, ça fait un mal de chien.

Claire : Vous êtes intelligent, vous. Et pourquoi la glace c’est froid ?

Monsieur Colombais : Oh ça c’est aussi une question de température. Je dirais même, une température très froide en dessous de zéro degré.

Claire : Ça fait pas beaucoup...

Monsieur Colombais : C’est pour ça que c’est froid.

Claire : Ça n’existe pas alors, de la glace qui ferait par exemple 20 degrés ?

Monsieur Colombais: Si ça existe, mais on appelle cela de l’eau. De l’H2O pour être précis.

Claire : H2O ?

Monsieur Colombais: Une molécule d’eau et deux d’alcool.

Claire : Vous en savez des choses. Et de la glace à 120 degrés ?

Monsieur Colombais: C’est pareil ça existe mais c’est de la glace en cocotte minute. Dans le temps, les locomotives fonctionnaient comme ça, avec de la glace en vapeur.

Claire : Vous savez tout... Et pourquoi alors, on peut appeler un miroir, une glace ? Hein ? Pourquoi ?

Monsieur Colombais: Parce qu’on se voit dedans comme dans de la glace, comme dans un glaçon.

Claire : On se voit dans un glaçon ?

Monsieur Colombais : Oui on se voit, en tout petit mais on se voit.

Claire : Vous l’avez observé ça aussi ?

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Monsieur Colombais : Oui, et quand on boit beaucoup de glaçons dans le whisky, on se voit en plusieurs exemplaires. C’est de l’observation scientifique.

Claire : Et la glace à la vanille ? C’est pareil ?

Monsieur Colombais : Non c’est différent. C’est un intrus.

Claire : Un intrus ?

Monsieur Colombais : Un intrus, oui.

Claire : Et la glace au chocolat ?

Monsieur Colombais: Là c'est pire : c'est de l'imposture, de l'escroquerie organisée.

Claire : Vous en savez des choses...

Monsieur Colombais : Trop parler, ça me donne soif. Si vous le permettez, je vais me retirer afin d'aller me prendre une biture chez moi.

Monsieur Colombais prend un sac à bouteilles avec ses sept bouteilles.

Claire : Comme vous voulez, mais j'aime bien parler avec vous, vous savez plein de chose. Vous êtes calme et vous n'êtes pas un violent, ça se voit.

Monsieur Colombais : Oui, la violence c'est pas bien.

Claire : Oui ! Pareil ! J'ai toujours pensé que c'était pas bien ! Mon mari il n'est pas comme vous. C'est quelqu'un comme vous que j'aurais dû choisir... Mais c'est trop tard... je vous trouve tellement intelligent et tellement gentil...

Monsieur Colombais ne bouge plus et regarde Claire fixement.

Claire : J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

Monsieur Colombais : Non, non, mais j'ai le cerveau qui vient de planter, il faut que je le reboot.

Claire : Ah ?

Monsieur Colombais : Je voulais vous dire que je vous trouve aussi très intelligente et très gentille... très agréable... Bon, je vous laisse chère Madame... euh... à bientôt ?

Claire : Oui... J'espère... bye bye...

Christelle entre.

Monsieur Colombais : Bye bye...

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Ils se font un petit coucou avec la main.

Christelle : Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, j'ai un mal de tête... C'est à Monsieur Colombais que tu disais au revoir ?

Claire : (Rêveuse.) Hein ? Quoi ?

Christelle : Regarde-moi, Claire... Oh, tu as le regard d'une femme amoureuse toi...

Claire : Mais non ! Ne dis-pas n'importe quoi.

Christelle : Oh ! Tes yeux brillent ! Il te plaît Monsieur Colombais ?

Olivier entre.

Christelle : Je... Je vais prendre de l'aspirine. À tout à l'heure.

Christelle va dans l'arrière boutique.

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ACTE 3

Olivier : Il est parti le flic ? Je ne l'aime pas ce type ! Il commence à mettre son nez là où il ne faut pas...Tu en fais une drôle de tête. Qu'est-ce que tu as ?

Claire : Non, c'est rien, rien du tout... Qu'est ce qu'il fait beau aujourd'hui, les oiseaux chantent, le ciel est magnifique et moi aussi j'ai envie de chanter... Au fait, tu sais que tu couches avec une femme très intelligente ?

Olivier : Mais non je te jure que je ne couche qu'avec toi ! Je ne te trompe pas ! (Silence.) Ah je comprends ! Tu as bu de la mixture !

Claire : Mais non ! De toute façon tu ne comprends rien ! Je vais faire un tour, j'ai besoin de prendre l'air ! Ça pue ici !

Claire sort de la boutique.

Olivier : Qu'est-ce que j'ai dis encore ? Hein ? Qu'est-ce que j'ai dis de mal ?

Pierre entre.

Pierre : Je ne sais pas ce qu'il s'est passé mais j'ai un mal de tête. Vous savez à quoi je pense ?

Olivier : J'aime mieux ne pas le savoir, ça va me foutre également la migraine.

Pierre : Non, mais j'aimerais savoir, vous qui êtes son cousin, vous la connaissez bien Christelle ?

Olivier : Bah, comme un cousin connaît sa cousine, pourquoi ?

Pierre : J'aimerais bien savoir si... attendez... je peux avoir confiance en vous ? Vous n'êtes pas le genre de type à répéter les confidences ?

Olivier : Vous pouvez me faire entièrement confiance : je suis quelqu'un de droit et d'honnête. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'on pourrait me donner le prix Nobel de la paix, mais on l'a déjà donné à des plus malhonnêtes que moi.

Pierre : C'est bien ce qu'il me semblait. Je voulais savoir si c'est une habitude chez votre cousine de forcer les gens.

Olivier : De forcer les gens ? Comment ça ? Ah ! Je crois deviner : vous allez vous marier et vous doutez quelques jours avant le mariage. C'est normal, ça fait ça à tout le monde. Regardez-moi, je suis marié depuis plus de dix ans et je me pose encore la question existentielle : « Qu'est-ce qu'il m'a pris de la choisir ? Pourquoi elle ? » Hein ? Pourquoi ?

Pierre : Oui, c'est une bonne question, pourquoi elle ?

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Olivier : Parce que vous savez, de vous à moi... elle n'est pas comme les autres femmes.

Pierre : Oui c'est sûr, elle est... différente

Olivier : Voilà ! C'est ça !

Pierre : Non, je voulais savoir... comment dire ?... Elle me force.

Olivier : Elle vous force à faire quoi ?

Pierre : J'ai un peu honte de le dire.

Olivier : Non ! Ne me dites pas que... si ?

Pierre : En fait, elle me force à me marier avec elle.

Olivier : Vous voulez dire que vous, de votre côté, vous ne voulez pas vous marier avec ma cousine ?

Pierre : De mon côté, non.

Olivier : Elle veut se marier avec vous, et vous, non ?

Pierre : Exactement, je n'ai aucune envie de faire ma vie avec elle, j'ajoute même que ce serait un sacrifice terrible...

Olivier : Ça change tout, ça !

Pierre : Qu'est-ce que ça change ?

Olivier : Non rien. Mais il y a une chose que je ne comprends pas, pourquoi ne pas lui dire simplement que vous ne voulez pas vous marier avec elle ? Et après : bonne soirée tout le monde et merci d'être venus.

Pierre : Ce n'est pas si simple... Mais vous, est-ce que vous auriez par hasard une idée pour la pousser à renoncer à ce mariage ?

Olivier : Bah... je sais pas moi... Une bonne claque dans le pif et elle vous quittera pour de bon. Il faut taper comme ça. (Olivier lui montre).

Pierre : Non ! Non, je voudrais utiliser une méthode plus subtile.

Olivier : Subtile ? Je ne m'y connais pas trop en subtilité, moi.

Pierre : Vous savez, ça me fait un bien fou de me confier car je n'ai pas l'air comme ça, mais je suis fragile en ce moment. Il m'arrive même parfois d'avoir presque envie de pleurer.

Olivier : Mais c'est normal ! Si on me forçait à me marier avec elle, je chialerais aussi comme une

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madeleine ! Et jusqu'à la Saint Glinglin !

Pierre : Alors, vous n'avez pas d'idée pour m'aider ?

Olivier : Bah, il faudrait la dégoûter du mariage et elle vous foutra la paix.

Pierre : La dégoûter ? … C'est pas bête, mais comment faire ?

Pour obtenir la fin du texte, veuillez me contacter directement :

[email protected]

Rappel :

La diffusion et l'exploitation de ce texte est interdite.Ce texte demeure la propriété inaliénable de son auteur Vivien LHERAUX.Si une troupe souhaite jouer la pièce "APPELEZ-MOI BICHETTE ?" elle doit en demander l'autorisation à l'auteur.

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Décor (suggestion)

Contact : Vivien [email protected]

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Comptoir

Table et chaises

Présentoir

Porte d'entrée de l'épicerie

Porte de l'arrière boutique

Etagères