"Avenir dure longtemps (L')", de Louis Althusser

Écrit par Claude KRAIF 14-07-2017 Théâtre des Doms du 6 au 26 juillet 2017 (relâche : 12 & 19)

Adaptation et mise en scène Michel Bernard

Avec Angelo Bison

Sous nos yeux fascinés le texte prend corps. Un corps dans un non lieu, un ailleurs de l’esprit qui se veut responsable. Louis Althusser raconte son histoire. Ses mots sont exacts. Tout est dit dans une langue précise. Il veut tout assumer. Il dit ce qu’il se rappelle, cherchant à mettre de l’ordre dans sa pensée. L’émotion tend à vouloir tout submerger mais il continue. Il veut dire son témoignage d’homme, dans un monde qui refuse désormais à l’écouter. Il a tué sa propre femme qu’il aimait. C’est un fait assumé comme un constat. Il témoigne pour dire sa propre incompréhension de lui-même.

Ainsi donc un des plus grands penseurs du 20ème siècle est confronté à l’impensable et au silence de l’impensable. Sa voix est brisée. Son cœur est brisé. Le seul moyen de pouvoir recoller quelques morceaux d’humanité, c’est avec les mots qu’il peut le faire. Il n’y a pas d’explication, rien à justifier, simplement tout dire de sa raison et de sa folie.

Quelle tragédie et quel miracle, une parole à jamais dévaluée peut-elle retrouver droit de cité ? Cette parole, c’est l’acteur qui l’incarne, magnifiquement. Par son regard qui brûle de feu et de larmes. Par sa voix calme et douce, par ses gestes qui implorent que l’on veuille bien écouter, nous public, simplement écouter.

Ce spectacle est bouleversant de vérité, de franchise. Le comédien incarne la passion d’un homme seul à jamais. Louis Althusser, homme public revendique la responsabilité de ses actes dans le lieu de la compassion plutôt que le non-lieu de l’indifférence.

Théâtre des Doms

L’avenir dure longtemps

Le 16 novembre 1980, Louis Althusser, célèbre philosophe français, étrangle sa femme. Reconnu irresponsable de son acte, il est immédiatement « exfiltré » à l’Asile d’aliénés de Sainte-Anne. Le « cas Althusser » était né : pour tous, médecins, juges, société, une question abyssale : jusqu’à quel degré ce qu’on appelle folie peut-elle excuser l’inexcusable ? Et pour Althusser, qui resta cinq ans à l’hôpital psychiatrique mais s’interrogea jusqu’à sa mort entre hyper-lucidité et mal-être insupportable : comment l’histoire d’une vie peut-elle conduire à cet acte innommable, incompréhensible ? Et comment (sur)vivre ensuite ? Or cette question –de la violence, de notre responsabilité- nous concerne absolument tous et c’est ce que prouve dans un acte théâtral magistral, le metteur en scène belge Michel Bernard. Qui a adapté le livre d’Althusser « L’Avenir dure longtemps ». Une scénographie très sobre y concourt. Ainsi qu’un comédien magnifique. Quasiment immobile quatre-vingt minutes durant, regard fixe dans un visage hyper-mobile, lumineux ou sombre, Angelo Bison nous fascine. On n’oubliera plus cet interprète bouleversant ni l’abîme Althusser.

Danièle CARRAZ

L’Avenir dure longtemps. Du 6 au 26 juillet à 10h30, relâches 12 et 19 juillet. Au Théâtre des Doms, 1bis rue des Escaliers Sainte-Anne, Avignon. Tarifs : 5/7/9/13/18,50€. Infos et réservations au 04 90 14 07 99. Info@lesdoms.eu et www.lesdoms.eu.

paru dans laprovence.com

07/07/17

http://www.lapetiterevue.fr/infos-4/j4wymvvd18/Chroniques-d%E2%80%99Avignon-%C2%AB-L%E2%80%99avenir-dure-longtemps-%C2%BB