Avant Scene Opéra Traviata

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N° 51

AvantScène

OPERAasopera.com

La Traviata La Traviata VerdiVerdi

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En couverture: 

Mari a Call as dans la producti on de Luchino Vi scont i àLa Scala de Mil an en 1955.Houston Rogers /

Coll . A. Tubeuf.

Ci-contre:

Eau-fort e de Louis Icart pour LA D AME AUX   

CAM ÉLI AS , Paris 1935.Coll. Ch. I ssartel.

Être aimé d’une jeune fille chaste, lui révéler le premier cet étrangemystère de l’amour, certes, c’est une grande félicité, mais c’est lachose du monde la plus simple. S’emparer d’un cœur qui n’a pasl’habitude des attaques, c’est entrer dans une ville ouverte et sansgarnison. L’éducation, le sentiment des devoirs et la famille sont de

très fortes sentinelles, mais il n’y a sentinelles si vigilantes que netrompe une fille de seize ans, à qui, par la voix de l’homme qu’elleaime, la nature donne ces premiers conseils d’amour qui sont d’au-tant plus ardents qu’ils paraissent plus purs.

Plus la jeune fille croit au bien, plus elle s’abandonne facilement,sinon à l’amant, du moins à l’amour, car étant sans défiance elleest sans force, et se faire aimer d’elle est un triomphe que touthomme de vingt-cinq ans pourra se donner quand il voudra. Etcela est si vrai que voyez comme on entoure les jeunes filles de sur-

veillance et de remparts! Les couvents n’ont pas de murs assezhauts, les mères de serrures assez fortes, la religion de devoirs assezcontinus pour renfermer tous ces charmants oiseaux dans leurcage, sur laquelle on ne se donne même pas la peine de jeter desfleurs. Aussi comme elles doivent désirer ce monde qu’on leurcache, comme elles doivent croire qu’il est tentant, comme ellesdoivent écouter la première voix qui, à travers les barreaux, vientleur en raconter les secrets, et bénir la main qui lève, la première,un coin du voile mystérieux...

Mais être réellement aimé d’une courtisane, c’est une victoire bienautrement difficile. Chez elles, le corps a usé l’âme, les sens ontbrûlé le cœur, la débauche a cuirassé les sentiments. Les mots qu’onleur dit, elles les savent depuis longtemps, les moyens qu’on em-ploie, elles les connaissent, l’amour même qu’elles inspirent, ellesl’ont vendu. Elles aiment par métier et non par entraînement. Ellessont mieux gardées par leurs calculs qu’une vierge par sa mère etson couvent; aussi ont-elles inventé le mot caprice pour ces amourssans trafic qu’elles se donnent de temps en temps comme repos,

comme excuse, ou comme consolation (…). Puis, quand Dieu per-met l’amour à une courtisane, cet amour qui semble d’abord unpardon devient presque toujours pour elle un châtiment.

Extrait du chapitre XII de la Dame aux camélias (1848)

Être aimé d’une courtisane

par Alexandre Dumas fils

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La Traviata Melodramma en trois actes

Musique de Giuseppe Verdi (1813-1901)Création: Teatro La Fenice, Venise, 6 mars 1853

Personaggi

Violetta Valery, sopranoFlora Bervoix, mezzosoprano

Annina, sopranoAlfredo Germont, tenore

Giorgio Germont, suo padre, baritonoGastone, Visconte de Letorières, tenore

Barone Douphol, baritonoMarchese d’Orbigny, basso

Dottor Grenvil, bassoGiuseppe, servo di Violetta, tenore

Domesticodi Flora, bassoCommissionario, basso

Coro di signori e signore amici di Violetta e Flora,mattadori, piccadori, zingare, servi di Violetta e Flora,

maschere, ecc.

Scena: Parigi e sue vicinanze, nel 1850 circa.Il primo atto succede in agosto, il secondo in gennaio,

il terzo in febbraio.

Personnages

Violetta Valéry, sopranoFlora Bervoix, mezzo-sopranoAnnina, sopranoAlfredo Germont, ténor

Giorgio Germont, son père, barytonGastone, vicomte de Letorières, ténorle Baron Douphol, barytonle Marquis d’Orbigny, bassele Docteur Grenvil, basseGiuseppe, domestique de Violetta, ténorun Domestiquede Flora, basseun Commissionnaire, basse

Chœur d’hommes et de femmes amis de Violetta et Flora,matadors, picadors, gitanes, domestiques de Violetta et Flora,

masques,etc .

Scène: Paris et ses environs, vers 1850.Le premier acte a lieu en août, le deuxième en janvier,le troisième en février.

Bidú Sayão (Violetta) au Metr opoli tan Opera de New York en 1936. Archives du M et.

Livret intégral de Francesco Maria Piave d’après la piècela D ame aux camélias (1852)d’Alexandre Dumas fils, tirée de son roman homonyme (1848)

Nouvelle traduction française d’Olivier Rouvière

©L’Avant-Scène Opéra 2014

Guide d’écoute de Stéphane Goldet

©L’Avant-Scène Opéra 1983, 2014

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ActeI

Un grand salon richement décoré dans la maison de Violetta. Une fête y est

donnée et les invités saluent Violetta qui les accueille, s’empressent autourd’elle. Un habitué du salon, Gastone, lui présente un jeune homme de ses amis,Alfredo Germont, dont il lui révèle qu’il ne pense qu’à elle. La conversation sepoursuit autour de la table où Violetta convie ses hôtes. Pour ouvrir la soirée,Gastone propose un toast, que porte Alfredo – en hommage, bien sûr, à Violettaet à l’amour. Celle-ci répond à son tour par un hymne au plaisir que tousreprennent gaiement.

Alors que les invités se dirigent vers le salon voisin pour danser, Violetta estprise d’un malaise. Alfredo reste avec elle et en profite pour dire son amour avectout le feu de la passion qui l’embrase. Mais Violetta le met en garde contre elle-même, et le congédie en lui donnant une fleur, un camélia, qu’elle enlève de son

corsage, pour qu’il la lui rapporte «quand elle sera fanée». Demain donc.Restée seule, Violetta s’avoue qu’elle est touchée par cet amour qu’Alfredo luioffre et qu’au fond d’elle-même elle reconnaît bien pour l’amour vrai, le seulqui pourrait peut-être lui donner le frémissement du bonheur. Mais elle ne peutpas s’abandonner à ce rêve. Dans ce Paris brillant où elle vit, elle ne peut ques’adonner aux plaisirs, en restant libre d’elle-même. La voix d’Alfredo au dehorslui ouvre encore un instant cette fenêtre sur un autre monde… comme si cedésir-là l’attirait irrésistiblement.

ActeII

Une maison de campagne près de Paris. Alfredo, seul, évoque le bonheur oùil baigne depuis ces trois mois que Violetta a renoncé à son ancienne vie pourlui. Mais voici Annina, la femme de chambre, qui fait découvrir à Alfredo queVioletta, pour couvrir les dépenses de leur vie à la campagne, vend peu à peutous ses biens. Alfredo en est consterné et décide de partir sur-le-champ pourParis afin de remédier à cette situation.

À peine est-il parti qu’arrive Violetta, qui s’amuse de lire une invitation de sonamie Flora à une fête qu’elle donne le soir-même. Mais Violetta a tiré un traitsur cette vie. Un visiteur est alors annoncé. Violetta le fait entrer, il se présente:c’est le père d’Alfredo. La jeune femme est bouleversée, inquiète aussi – et elle

n’a pas tort: Giorgio Germont vient lui demander rien moins que de renoncerà son amant. Pour toujours. Afin de mettre un terme au scandale qui jette l’op-probre sur Alfredo, sur leur famille, et qui empêche la sœur d’Alfredo de semarier avec le jeune homme qu’elle aime. Violetta, déchirée de douleur, essaiede lutter avec les armes fragiles de l’amour contre la pesante logique de l’Ordreet de la Respectabilité. Mais c’est aussi une grande âme, une âme prête au dontotal : elle se résigne à être l’ange consolateur de la belle et pure jeune fille et àse sacrifier par amour, sachant pourtant qu’elle en mourra.

Il ne lui reste plus qu’à écrire deux lettres, une première qui lui fait renouer lefil de son ancienne vie délétère, une seconde à Alfredo. Il arrive justement aumoment même où elle la cachette; elle se trouble alors, mais refuse de la luidonner, ne voulant pour l’instant que lui répéter son amour jusqu’aux larmes etentendre Alfredo lui redire le sien. Puis, prétextant l’arrivée du père d’Alfredo,elle le laisse seul pour ne pas, dit-elle, assister à leur entretien: «Aime-moi,Alfredo, autant que moi je t’aime» lui lance-t-elle en partant, le cœur prêt à serompre. Alfredo reste seul un moment, savourant encore l’illusion de son bon-heur.

©L’Avant-Scène Opéra, Paris6

Repères de la partition

«Dell ’i nvi to t rascorsa ègiàl’ ora »le Chœur, p. 11

«Libiamo ne’ li eti cali ci »Alfredo, Violetta et tous, p. 14

«Un dì, feli ce, eterea »Alfredo, p. 18

«Ah se ciò èver, fuggi temi ...»

Violetta, p. 19

« È strano! È strano! / 

Ah fors’èlui / Sempre li bera »Violetta, p. 21

«Lunge da lei / D e’ mi ei bollenti 

spiriti », Alfredo, p. 24

«Madamigella Valery? »Germont, p. 27

«Pura siccome un angelo »Germont, p. 29

«Non sapete quale affetto / Di te alla 

giovine », Violetta, p. 29

«Conosca [Premiato ] il sagri fizio »Violetta et Germont, p. 35

«Tu m’ami, Al fredo, non èvero? »Violetta, p. 37

Argument par Alain Duault

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On sonne à la porte: c’est une lettre de Violetta pour lui. Alfredo l’ouvre entremblant, comme secoué par un terrible pressentiment, commence à lire, etpousse un cri de désespoir en comprenant. Il se retourne alors, hagard: son père

est là, qui tente de le consoler en évoquant son enfance, mais Alfredo n’écoutemême pas, tout à sa douleur à vif. Soudain, ses yeux tombent sur la lettre deFlora: il sait où retrouver dès ce soir sa maîtresse qui l’a abandonné. Le désir devengeance vient souffler sur son désespoir.

Finale. Une galerie richement meublée dans l’hôtel particulier de Flora. Lesinvités commentent la nouvelle qui a fait le tour de ce petit grand monde:Violetta et Alfredo sont séparés. Mais Gastone et quelques amis, déguisés enmatadors et picadors espagnols, improvisent un petit divertissement dansé. Lafête est brillante… mais soudain, à la stupéfaction générale, Alfredo paraît,apparemment indifférent. Retrouvant ses anciens amis, il s’assied à la table de

 jeu. Arrive alors Violetta, au bras du baron Douphol, qui aperçoit aussitôtAlfredo, son rival. Celui-ci pourtant affecte de ne rien voir et continue à jouer,et à gagner: «Malheureux en amour, heureux au jeu» lance-t-il avec une faussedésinvolture et une vraie amertume, avant de faire des allusions compromet-tantes pour Violetta et pour le baron. Celui-ci lance alors à Alfredo un défi au jeu – et perd. La tension monte.

Alors que tous sont à la salle à manger, Violetta a fait appeler Alfredo pour lemettre en garde contre le baron. Mais lui, durci par la haine, ne veut pas l’écou-ter, la moque avec mépris et finalement ameute tous les invités pour, insultantVioletta face à eux, lui jeter au visage l’argent qu’il a gagné. La malheureuses’évanouit sous l’affront pendant que les invités, atterrés, stigmatisent la

conduite d’Alfredo, dont le père arrivé à ce moment fait entendre le même cour-roux, la même noble indignation. Alfredo est effondré. Deux âmes faites pourl’éclat du bonheur se retrouvent ruinées, lacérées.

ActeIII

La chambre à coucher de Violetta, faiblement éclairée. La malheureuse, d’unevoix épuisée, demande à Annina d’ouvrir les volets pour laisser entrer lalumière. Le docteur Grenvil essaie de plaisanter avec elle en lui parlant de saguérison prochaine. Mais en partant il avoue à Annina que sa maîtresse n’en a

plus que pour quelques heures.Violetta relit alors une lettre de Germont où il lui dit avoir révélé à Alfredo le

sacrifice qu’elle a fait pour lui, et lui annonce que ce dernier va venir la retrouverpour chercher son pardon. Mais Violetta sent en elle les progrès du mal qui laronge. Au dehors, les masques du Carnaval font entendre leurs chants joyeux,comme appartenant à un autre monde. Et soudain le miracle est là: Alfredo quise précipite vers elle, secoué d’émotion et d’amour. Les deux amants se regardentet se touchent et s’embrassent et se parlent et s’enflamment et s’embrassentencore; un instant, ils font comme si l’avenir était à nouveau possible. Violettase lève alors pour sortir avec Alfredo. Mais la cruelle réalité lui rappelle son des-tin qui se hâte. Or elle veut vivre comme elle ne l’a peut-être jamais tant désiré.Le Docteur arrive, avec Germont qui vient implorer de Violetta le pardon, com-prenant quel gâchis il a fait en saccageant ces deux cœurs. Violetta adjure Alfredode ne pas l’oublier, mais d’épouser, si elle se présente, une femme digne de lui.

Et soudain, comme dans un suspens du destin, les spasmes de son mal ces-sent, elle se redresse, elle se reprend à vivre – croit-elle, un instant –, transfigu-rée déjà. Et retombe. Morte. A.D.

©L’Avant-Scène Opéra, Paris   7

Repères de la partition

«Di Provenza, il mar, il suol »

Germont, p. 39

«Noi siamo zingarelle /

D i Madride noi siam mattadori »le Chœur, p. 41

«Ah perchévenni, incauta ! »Violetta, p. 44

«Invitato a qui seguirmi »Violetta, p. 46

«Questa donna conoscete? /

Ogni suo aver tal femmina »Alfredo, p. 48

«Ah sì, che feci ! ... ne sento orrore! »Alfredo, p. 50

«Teneste la promessa ... / Addio del passato », Violetta, p. 53

«Largo al quadrupede »le Chœur, p. 55

«Parigi , o cara [caro ]»Alfredo et Violetta, p. 57

«Gran Dio ! mori r sì giovine / 

Oh mio sospiro e palpit o »Violetta et Alfredo, p. 59

«Prendi : quest’èl’ immagine / Se una pudi ca vergine »

Violetta, p. 61

Argument

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De t ou s les opéra s de Verdi, la Traviat a est sa nsdo ut e un de s plus «po pulaires», en t ou t cas desplus directement accessibles à tous, et des plusuniverselleme nt représent és. À cela concourt un

faisceau de raisons convergentes, à la fois sub-jectives (chacun d ’ent re no us le sait bien, q ui sesen t personne l lement a t t aché à Vio le t t a ) e tob jectives. L’int rig ue d u roma n d e Duma s plong eses racines dans une expérience qui, pour êtreperson nelle, n ’en est pa s moins myt hiq ue. L’his-to i re de l a cour t i sane qu i tombe amoureuse(drame de pureté individuelle dans l ’ impuretégénérale : Salomé n’est pa s lo in… ), aba ndonn erichesse e t ho nne urs pour vivre a vec celui qu ’ellea ime, puis se sacrif ie , à la dem a nde de la fa mille,pou r le «sa lut »du jeune h om me, est véridiq ue à

toutes les époques et sous toutes les lati tudes.Mais le renoncement aux conventions distancia-trices a u profit d e l ’ ici et ma inten an t a ccentue lecoura ge des a uteurs successifs du d rame : Duma s,puis Verd i et Pia ve.

De la pa rt du compo siteur, le choix de la Dame au x camélias ét a it un cho ix ha rdi ma is solide. Lapièce que Dumas avait t irée de son roman étaitla rgemen t a uto biog raphique , et s ’il est vraisem-bla ble q ue la situ a tion p erson nelle de Verdi l’aitrendu sensible au problème traité ici, il est entout état de cause certain que c’est son f lair quil’a a ssuré d e la légitimité – sinon d u succès immé-diat – de son entreprise. La pièce possédait desquali tés de recti tude (honnêteté émotionnelle,simplicité f ormelle) q u’on ret rouve inta ctes da nsle l ivret de Piave, dont l ’ intrigue conserve lessituations fondamentales (opposition individu/sociét é, père /f ils).

Le g ran d pro g rès q ue représente la «trilog ieverdienne»(Rigoletto , le Trouvère , la Traviat a )est de réa liser enf in la coïncidence ent re la véritédramatique et sa représentation musicale: pourla première fois dans son œuvre, Verdi atteintl’éq uilibre en tre d rame et musiq ue – un éq uilibreq ue, d ès lors, il ne cessera d’a ffiner. Pour la p re-mière fo is , l ’ inspira t ion du composi teur n ’es tplus s implement c irconscr i te au pathét iqued’un e situa tion isolée d a ns l’œuvre, ma is investitto u te la v ie d ’un personna ge (Rigo le t t o , Vio-letta) .

L’opé ra a épuré la pièce po ur n’en con server

q ue l’ossa tu re universelleme nt sig nifian te : expo- sit ion , péripét ie , catastrophe . Chaq ue acte a sonunité structurelle et son climat propre. Le pre-mier est surtout remarq ua ble pa r l ’uti lisa tion ori-ginale de l ’organisation de la fête et de l ’air , ledeuxième pa r son style musical entièrement nou-veau (duo Violett a /Germo nt ), le t roisième pa r

son d épouillement . La convent ion est t a ntô t sol-licitée, tantôt rejetée; tantôt pertinente (air deVioletta au premier acte) , tantôt impertinente.Même si la Traviat a es t remarquable par l a

manière dont les numéros séparés – lorsqu’ i lsexistent – émergent puis replong ent da ns le f lotde la musique, l ’opéra n’en demeura pas moinsune œ uvre de t ran sition. L’opé ra ita lien n ’y estpas encore totalement dégraissé (d’où les nom-breuses coupes effectuées ici et là, en représen-ta tion comme en enregistrement ).

À cela s’ajout e le portra it d’une d es figu res defemme les p lus adul tes de tou t l e réper to i relyrique . Il fa ut t out efo is soulig ner q ue la réussitede l ’œuvre ne réside pas tant dans les quali tés

intrinsèques de son héroïne, qui se révèlent aufur et à mesure, q ue da ns la trajecto ire de sa viee t d e se s é m o t i o n s : e n t r é e «d é v o y é e » d a n sl ’opéra , Violetta en sort ma rtyre. Le pivot de to utle drame est la grande scène du deuxième acteentre Viole t ta e t Germont-père , qui s tructurel’opéra en deux volets: l ’ascension de l’héroïnevers son épanouissement de femme, puis sachute, tan dis q u’un doub le mouvement d ’ascen-sion intérieure et de déchéance sociale progres-sive ba laie l’œ uvre ent ière.

I l n ’ en va pas au t rement dans une œuvrema jeure du répertoire lyriq ue conte mpora in, oùune trajecto ire dramatico-musicale ident ique(forme en arche) s’inscrit dans le même doublemouvemen t du rô le-t i t re vers une d échéancesocia le prog ressive contreba la ncée pa r la m êmespecta cula ire a scension intérieure : Lulu , d’Alba nBerg . Dans ce g rand parcours fémin in quel ’opéra dess ine , Viole t ta , sœur d ’ Isolde e t de

Brünnhilde , est san s do ut e l’héroïne verdienn e laplus aboutie, incarnant le mélange idéal entrehumani té e t mythe .

8 Introduction L’Avant-Scène Opéra n° 51

GUIDE D’ÉCOUTE   DE STÉPHANE GOLDET

Acte 1 Exposition

Sommet d’immoralité

PROSTITUÉESommet de la gloire

Acte 2 Péripéties Acte 3 Catastrophe

Sommet

de moralité

ABANDONNÉE

Sommet

de la déchéance

 A S C  E  N

 S  I O  N

AMANTE

C  H  U  T  E  

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PREMIER ACTE: LA COURTISANE

Prélude

«C’est a u commencement une l a rge na ppedormante de mélod ie , un é ther vaporeux qu is’éte nd … ». Ces mot s de Fran z Liszt dé criva nt lespremières mesures de Lohengrin pourraient par-faitement convenir à la Traviat a , tant l’ ana log iede leurs mesures premières est grande. En unea pproche no uvelle d’ouverture da ns l’opéra i ta -lien, le Prélude du premier acte expose tous lesingréd ients du d ram e. Tou t d ’ab ord, les violon sdivisés dessinent, seuls et pp , u n e p o i g n a n t ef igure thématique en Si mineur . Manquant deforces pour poursuivre , e l le semble commes’épuiser d’elle-même (4, puis 3, puis 2 mesures).Ce thème, q u’on retrouve inchang é a u début dutrois ième acte , a fonct ion d ’ inscr ipt ion enexergue de l ’opéra : c’est la f igurat ion musica lede la ma lad ie morte lle de l’héroïne q ue Verdi ins-ta lle au plan primordia l de l ’œuvre.

Exemple 1 

Cette pag e d ’ introduct ion est largement domi-née par les violons (auxquels, de manière géné-rale, sera confiée l ’expression privilégiée dumatér i au thémat ique de l ’ opéra) , e t s a l i gnechu te sans cesse. Après une pause, la tonali té

d’un clair Mi majeur s’installe, tandis que s’épa-nouit, proéminent aux violons, le thème princi-pa l du Prélude . Serein et cha leureux, c’est un d esthèmes attachés à Violetta amoureuse – celui-làmême qu ’e l le chan te ra à son amant en gu ised’ad ieu a u deuxième a cte – , dont on remarq ueraà nouvea u le dessin qui chute .

Exemple 2 

Comme une crampe, un accord de 7èm e dimi-nuée saisit brusquement tout l’orchestre, le cou-pa nt net da ns son envolée. C’est la première bri-sure de l ’opéra. Le thème de Violetta reprendalors , mais on remarque un important change-ment de f onction da ns l’orchestre : aux violonsn’est plus dévolue l ’expression du thème maisce l le d ’un ornement . Une l igne d ’oc tavespiquées et trillées, qui vient comme enserrer lethème de Violetta dans des lianes séductrices. Àla r ad ieuse beauté d ’une Vio le t t a amoureuses’est substituée une m ond a ine. En ces quelq uesminutes d’ouverture, se trouve enclose la desti-née d e l ’héroïne : la mort, une société fr ivole et ,prise da ns cet éta u, une femme q ui a ime.

1 Écr ite en un seul je t jusqu ’ au brindisi, la pre-mière scène de l ’opéra voi t s ’enchaîner lesconversations sans discontinuité ni temps mort.Comme dans la réali té , un f i l conducteur courtd’un g roupe à l’aut re, d’un sujet pe rsonn el à unsujet plus général . Verdi crée ici une sorte de«mé lod ie con versan te », style voca l a ssez ind iffé -rencié d on t, pe nd a nt les six premières répliq ues,personne ne se départi t . Deux éléments théma-tiques forment le couple moteur de la scène. Lepremier, à la dynamique assez entraînante, estcons t i tué par qua t re mesures de ga lop , qu ireviend ront en refra in à plusieurs reprises.

 

 ===============    =l &   ####   ccon espress.p

√Violons

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Violons

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Adagio

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9Acte IL’Avant-Scène Opéra n° 51

COMPOSITION DE L’ORCHESTREÉTENDUE DES VOIX

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lVioletta

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l ======      =lAlfredo &•   h b H_ l ======      =lGermont ?  H

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PiccoloFlûte

2 haut bois2 cla rinet tes

2 ba ssons

4 cors2 trompett es3 trombo nes

Cimbasso

Timb a lesGrosse caisse

Tria ng leTa mb ou rins

Cas tagne t tesHarpe

Quintet t e à cordes

Banda

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Prélude

ACTE I

Un salon, chez Violetta.Au fond, une porte qui condui t dans une autre pièce; on en voi t deux autres sur les côtés et, àgauche, une petite cheminée surmontée d’un miroi r. Au milieu, une table 

richement dressée.

Introduction

(Vi oletta, assise sur un divan, converse avec le Docteur et quelques amis, tandi s que d’autres vont àla rencontre des nouveaux venus, parmi lesquels le Baron et Flora au bras du Marquis.) 

Preludio

ATTO PRIMO

Salotto in casa di Violetta.Nel fondo èla porta che mette ad altra sala; ve ne sono altre due lateral i : a sini stra un caminetto con sopra uno specchio. Nel mezzo èuna tavola riccamente imbandi ta.

Introduzione

(Violetta seduta su un di vano sta di scorrendo col Dottore e con alcuni amici , mentre altr i vanno ad incontrare quell i che sopraggiungono, tra’ qual i i l Barone e Flora al braccio del M archese.) 

10 Acte I

Exemp le 3 

Le second, plus mélodique (opposé au premiercomme le sont souvent les deux thèmes d’uneforme sonate) , n ’entrera en jeu qu’à l ’ arr ivéed’Alfredo.

Le ridea u s’est o uvert sur une fê te q ui con tra stebrutalement avec les derniers murmures du Pré-lude qui viennent de s’éteindre. Ce choc, inten-t ionnel , es t plus qu’un s imple expédient deridea u, et ma rque d ’emblée l’opposition, am ple-ment reprise d’a cte en a cte, entre l ’inébra nlableopt imisme d e la sociét é et les élément s musica ux

plus souples et très nettement différenciés, liésau dram e ind ividue l d e Vio le t t a . On po r te raat tent ion à l ’ incise de Flora e t du marquis quisignalent la connaissance qu’ont les intimes deVioletta de son éta t , permett a nt à celle-ci d’a f f ir-mer une première fois ce qui fera l’objet de laca ba lett e de son air f ina l . C’est le credo , volont a -r is te , forcé , de la cour t isa ne ; exceptionn el le-ment , le t hème d u refrain passe da ns sa voix.

Exemp le 4 

7 Le ref r a in cède , e t l’ o rchest re se dé tend t and isque, par l ’entremise de Gastone, s ’accomplit lerituel de la présenta tion. Gastone est investi durôle – toujours essentiel à l’Opéra – d’entremet-teur; une fonction qu’ i l partage aussi bien avecDespina (Così f an t u t t e ) qu ’ avec Nar rabo th(Salomé ) , Brangäne (Trist an et Isold e ) ou Mar-gret (Wozzeck ). La phra se du té no r comprimario est la première à donner l’ impression d’émergerdu brouhaha sonore , b ien que son rô le n ’ a i ta ucune cara ctér isa t ion musicale propre . Aurythme trépidant du galop s’enchaîne l ’élément

mélodique q ui le complète : une f igure à l’al lureanodine, reflet d’un climat de mondanité indif-férente .

Exemple 5 

On se f a i t des f r a i s , sur un ton de bana l i téconvenue. Quant à Alfredo , i l se t a it . Malgré larela tive minceur d es événement s, une première

ca r a ct é r isa t i o n d u d r a m a t i q u e s’ o p è r e p a r l emusical: ainsi, par exemple, lorsqu’une conver-sa t ion s ’ engage à t ab le en t re Gas tone e t V io-le t ta , le thème mélodiq ue chasse le thèm e ryth-mique e t se ré insta l le entre les protagonis tes ,duct i le , semblant comme vouloir aspirer leséventuelles rugosités de la conversation. Ainsi

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Allegro brillantissimo e molto vivace

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Fl., Ob., Clar.

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### c ÓGastoneq . e l h q . el #( )h   Q . E l HIn Al - fre - do Ger -mont, o si - gno -

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ViolonsQ_. E Q_. El Q_. œ»J__ œ»___. œ»J__

l   Q . # E Q . E l Q . E

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lllll &• ### n q . e l h   Q . E l H Q . E l H   q   Œ   l

- ra, Ecco un al - tro che mol - to v’o-no - ra ;

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 ### c   Violetta

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  .E   .E  l .e ‰   .E

Al pia - ce - re m’affido, ed io so - gli -

 ===============   =l & ###   .E   .Q   >Q_

l.E   .E …>Q   .œ»   .œ» … .E   .E  l q   Œ

-  o Con tal farmaco i ma - li so - pir.

L’Avant-Scène Opéra n° 51

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CHŒUR 1L’heure de l’invitation est bien passée:Vous êtes en retard…

CHŒUR 2Nous jouions chez Flora,Et, avec le jeu, les heures ont filé.

VIOLETTA ( allant les accueil li r) 

Flora, mes amis, illuminez ici d’autres joiesCe qu’il reste de la nuit:Au cœur des verres, plus vive est la fête!

FLORA ET LE MARQUISMais pourrez-vous en profiter?

VIOLETTA Je le veux: Je me fie au plaisir et j’ai pour habitudeD’assoupir mes douleurs par ce remède.

FLORA, LE BARON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ET LE CHŒUROui, on vit doublement au milieu des plaisirs!

GASTON ( entrant en compagnie d’Alfredo) Madame, en la personne d’Alfredo Germont, Je vous présente un autre de vos admirateurs:Et il est peu d’amis à lui comparables…

VIOLETTA ( donnant àAl fredo sa main àbaiser) Mon cher vicomte, merci pour un tel don.(Entre-temps, les domesti ques ont servi le repas.) 

LE MARQUISCe cher Alfredo…

ALFREDOMarquis… ( I ls se serrent la main.) 

GASTON (àAlfredo)  Je te l’avais bien dit:Ici l’amitié a sa part aux réjouissances.

VIOLETTA ( aux domesti ques)  Tout est-il prêt?(Un domesti que fait signe que c’est le cas.) 

1 CORO IDell’invito trascorsa è già l’ora…Voi tardaste.

2 CORO IIGiocammo da Flora,E giocando quell’ore volâr.

3 VIOLETTA ( va loro incontro.) 

Flora, amici, la notte che restaD’altre gioie qui fate brillar…Fra le tazze più viva è la festa…

4 FLORA E MARCHESEE goder voi potrete?

5 VIOLETTALo voglio;Al piacere m’affido, ed io soglioCon tal farmaco i mali sopir.

6 FLORA, BARONE, DOTTORE, MARCHESE E COROSì, la vita s’addoppia al gioir…

7 GASTONE ( entrando con Alfredo) In Alfredo Germont, o signora,Ecco un altro che molto v’onora;Pochi amici a lui simili sono.

8 VIOLETTA ( dàla mano ad Alfredo, che gliela bacia.) Mio Visconte, mercé di tal dono.( I servi frat tanto avranno imbandite le vivande.) 

9 MARCHESECaro Alfredo…

10 ALFREDOMarchese… (Si str ingono la mano.) 

11 GASTONE ( ad Alfredo)  T’ho detto:L’amistà qui s’intreccia al diletto.

12VIOLETTA ( ai servi) Pronto è il tutto?(Un servo accenna di sì.) 

11Acte IL’Avant-Scène Opéra n° 51

«Mio Viscont e, mercédi tal dono. » Mireil le Delunsch ( Violett a) , mise en scène de Peter Mussbach, Fest ival d’Aix-en-Provence 2004. E. Carecchi o.

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http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 13/16412 Acte I

encore, l ’agacement croissant du protecteur deViolett a est soulign é pa r le reto ur du t hème d egalop (Ex.2), dont le trépignement soutenu encrescendo est le reflet de la tension qui monteentre les protagonis tes e t dont Viole t ta , bienma lgré elle, est la cause.

30 En hôtesse consommée – e t en femme lucide –,

elle pro po se une diversion . Tou jours investied ’une fonc t ion dramat ique b ien préc i se , l a«chan son à bo ire »n’est ja ma is q ue pure diver-sion, ni chez Verdi (Macbeth , Ote l lo ) , n i dansl’opéra g erman iq ue, où i l peut m ême pa rfois seréduire à une répliq ue (Salomé , Wozzeck ). Cette«cha nson à b o i re »(br ind is i ) a pour fonc t ionessentielle de mettre en lumière la relation quinaît entre Alfredo et Violetta, que le dispositifmusical astucieuseme nt mis en pla ce con tribue àisoler des a utres pa rticipant s.

42 Le th èm e d u br ind is i es t en deux par t ies

inéga les (6 + 4 mesures) ma is son éq ui libreinterne est solideme nt charpenté et son inspira-tion, à la fois tonique et spont a née. L’appui ini-tial sur l’ intervalle de sixte (ce saut de la domi-nan te au t ro i s ième degré es t une fo rmuleverdienne bien repérée) do nne à la mélodie unecourbe d ynam ique et u n rebond félin – pour peuque l ’ in terprète ne négl ige pas les précieusesindicat ions de la pa rtit ion…

Exemp le 6 

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con grazia, leggerissimoAlfredo

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# œ»   E   lLi - bia - - mo, li - biamo ne’ lie - ti. ================      =l &•

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ca - - li - c i, Che la bel - lezza in - fio - ra ;

L’Avant-Scène Opéra n° 51

«Le mie grazie vi rendo.» Anna Netrebko (Violetta) ,Eddie Wade (Douphol)et Jonas Kaufmann (Al fredo) , mise en scène de Richard Eyre,Covent Garden,Londres 2008. C. Ashmore.

«Beviamo, beviamo, beviam.» Ceci l ia Gasdia (Violet ta) , mise en scène deFranco Zeff i rell i , Opéra Garni er, Pari s 1986.J. Moatti .

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Mes amis, prenez place,C’est au banquet que s’ouvrent les cœurs!

LES AUTRES ET LE CHŒURBien dit! Que les soucis cachésSe dissipent dans l’aimable liqueur!( I ls s’assoient, de telle sorte que Violetta se retrouve placée entre Alfredo et Gaston ; en face se trouve Flora, entre le Marquis et le Baron ; les autres se disposent àleur guise.) 

 TOUSC’est au banquet que s’ouvrent les cœurs!

GASTON ( déclare, après avoi r par lébas àVioletta) Alfredo pense à vous sans cesse.

VIOLETTAVous plaisantez?

GASTONAlors que vous étiez souffrante, tous les jours, avec anxiété,Il venait jusqu’ici prendre de vos nouvelles…

VIOLETTA

Cessez donc. Je ne suis rien pour lui.

GASTON Je n’invente rien!

VIOLETTA (àAlfredo) Est-ce donc vrai? Mais pourquoi? Je ne comprends pas.

ALFREDO (soupirant) Oui, c’est la vérité.

VIOLETTA (àAlfredo)  Je vous en suis reconnaissante.( au Baron) 

Vous, Baron, vous n’en avez pas fait autant…LE BARON

 Je vous connais depuis un an à peine.

VIOLETTAEt lui, seulement depuis quelques minutes!

FLORA ( bas, au Baron) Vous auriez mieux fait de vous taire.

LE BARON ( bas, àFlora) Ce garçon me déplaît…

FLORAPourquoi?

Il m’est au contraire fort sympathique.GASTON (àAlfredo) Et toi, pourquoi n’ouvres-tu pas la bouche?

LE MARQUIS (àVioletta) C’est à Madame de le réveiller…

VIOLETTA ( servant Alf redo)  Je serai Hébé, qui sert à boire…

ALFREDO (galamment) Et, comme elle,

 Je vous veux immortelle.

FLORA, GASTON, LE BARON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ETLE CHŒURAllons, buvons, buvons!

GASTONEh quoi, Baron, n’aurez-vous pas un vers,Un vivat pour cette heure joyeuse?

Miei cari, sedete:È al convito che s’apre ogni cor.

13GLI ALTRI ED IL COROBen diceste… le cure segreteFuga sempre l’amico licor.(Siedono in modo che Violetta resti tra Alfredo e Gastone; di fronte vi saràFlora tra il Marchese ed il Barone; gli altr i siedono a piacere.) 

14TUTTIÈ al convito che s’apre ogni cor.

15GASTONE ( parla piano a Violetta, poi dice:) Sempre Alfredo a voi pensa.

16VIOLETTAScherzate?

17GASTONEEgra foste, e ogni dì con affannoQui volò, di voi chiese…

18VIOLETTA

Cessate.Nulla son io per lui…

19GASTONENon v’inganno…

20VIOLETTA ( ad Alfredo) Vero è dunque? onde è ciò? Nol comprendo.

21 ALFREDO ( sospirando) Sì, egli è ver.

22VIOLETTA ( ad Alfredo) Le mie grazie vi rendo.( al Barone) 

Voi, Barone, non feste altrettanto…23BARONE

Vi conosco da un anno soltanto.

24VIOLETTAEd ei solo da qualche minuto.

25FLORA ( piano al Barone) Meglio fora se aveste taciuto.

26BARONE ( piano a Flora) M’è increscioso quel giovin…

27FLORAPerché?

A me invece simpatico egli è.28GASTONE ( ad Alfredo) 

E tu dunque non apri la bocca?

29MARCHESE ( a Violetta) È a madame che scuoterlo tocca…

30VIOLETTA (mesce ad Al fredo) Sarò l’Ebe che versa…

31 ALFREDO ( con galanteria) E ch’io bramoImmortal come quella.

32FLORA, GASTONE, BARONE, DOTTORE, MARCHESE E COROBeviamo, beviamo, beviam.

33GASTONEO Barone, né un verso, né un viva

 Troverete in quest’ora giuliva?

13Acte IL’Avant-Scène Opéra n° 51

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( Le Baron fai t un signe de dénégation.) (Gaston àAl fredo) Alors, ce sera toi…

VIOLETTA, FLORA, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ET LE CHŒUROui, oui, un toast!

ALFREDOL’inspiration me fuit…

GASTONN’es-tu donc plus poète?

ALFREDO (àVioletta) Cela vous serait-il agréable?

VIOLETTAOui.

ALFREDO ( se levant) Oui? Je l’ai déjà au cœur.

LE MARQUISPrêtons donc l’oreille,Écoutons le chanteur.

VIOLETTA, FLORA, LE BARON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ETLE CHŒUROui, écoutons le chanteur!

ALFREDOBuvons, buvons, dans les joyeux calicesQue fait fleurir la beauté,

( I l Barone accenna di no.) (Gastone ad Alf redo) Dunque a te…

34VIOLETTA, FLORA, DOTTORE, MARCHESE E COROSì, sì, un brindisi.

35ALFREDOL’estro non m’arride…

36GASTONEE non sei tu maestro?

37ALFREDO ( a Violetta) Vi fia grato?

38VIOLETTASì.

39ALFREDO (s’alza.) Sì? l’ho già in cor.

40MARCHESEDunque attenti…Attenti al cantor…

41 VIOLETTA, FLORA, GASTONE, BARONE, DOTTORE E CORO

Sì, attenti al cantor…

42ALFREDOLibiamo, libiamo ne’ lieti calici,Che la bellezza infiora;

14 Acte I

Après la traditionnelle reprise du chœur, lama îtresse d e ma ison enchaîne à son to ur et , sur

le même texte musical qu’Alfredo – et dans lamême to na lité d e Si bém ol ma jeur –, développedes propos sur le même ton, repris et amplifiéspar le chœur (modulation en Mi bémol majeur).L’échan g e q ui suit, ent re le sopra no e t le tén or,sa isi com me à la d érob ée, est sig nifica tif . Tou t d esuite et «a vec grâ ce », Violetta ram ène Alfredoda ns «sa t ona l ité » (Si bém ol majeur) : unetouche musicale qui signale que déjà – tout enrestant dans ses fonctions d’hôtesse – Violetta adét a ché Alfredo du reste d e ses invité s (Mi bémo lmajeur), et pose ainsi, sans en être encore bien

consciente, la base de leur relation à venir . Lecontraste est éloquent entre la relative banali tédes paroles échang ées, et l ’ importa nce de ce q uela musiq ue sugg ère…

L’irrupt ion d e la musiq ue d e d a nse de rrière lascène marque le premier pivot important danscett e exposition. Juste éba uchée a u cours de labrève scène précédente, la relation entre Vio-le t ta e t Alfredo émerge ma intena nt a u premierpla n de l ’opéra. Dan s la pièce de Dum a s, on da n-sa it ici la po lka – q ui fa isa it a lors fureur d a ns lessalons. Verdi compose un thème de valse légère

(silences) , facile ( les ornements) , bril lante(registre aigu): un tapis sonore continu pour ledia log ue q ui s’enga ge . On en notera l’ immuab leinsouciance , synonyme (par-delà les exclama-t ions convenues) de l ’ indi f férence de tous auma la ise d e Violett a.

Exemp le 7 

Ainsi, on ent end se mett re en pla ce un dispo si-tif typique du Verdi intime, où le chœur est le

spectateur impuissant ici – voire ennemi (Rigo- l e t t o ) – du héro s en peine : son opt imisme, sagaieté indif férenciée confèrent à ses interven-tion s et a ux thèm es q ui les accom pa g nen t (Ex. 3,6 et 7), une dimen sion de «coup de f orce »q uicontribue, a cont rar io , à cerner les contours dudra me pe rson nel de ceux qu i en son t exclus.

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Allegro brillanteBanda interna

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L’Avant-Scène Opéra n° 51

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Et que l’heure fugitiveS’enivre de volupté.Buvons au sein des doux émoisQue suscite l’amour

( désignant Vi oletta)  Tandis que ce regardVainqueur s’en va au cœur.Buvons et l’amour, au sein des coupes,Puisera des baisers plus ardents.

FLORA, GASTON, LE BARON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ETLE CHŒURAh!…Buvons, l’amour dans les joyeux calices…

VIOLETTA ( se levant) Entre vous, je saurai partagerMes plus heureux moments:

 Tout est folie, en ce mondeEst folie ce qui n’est plaisir.

 Jouissons: fugace, rapideEst la joie de l’amour;C’est une fleur qui meurt à peine née,Et dont on ne peut plus jouir.

 Jouissons, puisque nous y invitentCes flatteurs et fervents accents!

FLORA, GASTON, LE BARON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ETLE CHŒURAh!… Jouissons, nos verres et nos chantsRendent plus beaux le rire et la nuit,

Et, ici, dans ce paradis,Que les retrouve le jour nouveau!

VIOLETTA (àAlfredo) La vie est dans l’allégresse…

ALFREDO (àVioletta)  Tant que l’on n’aime point encore…

E la fuggevol oraS’inebri a voluttà.Libiam ne’ dolci fremitiChe suscita l’amore,

( indicando Violetta) Poiché quell’occhio al coreOnnipotente va.Libiamo, amore, fra i caliciPiù caldi baci avrà.

43FLORA, GASTONE, BARONE, DOTTORE, MARCHESE E CORO

Ah!… Libiam, amor fra i calici…

44VIOLETTA (s’alza)  Tra voi saprò dividereIl tempo mio giocondo;

 Tutto è follia, follia nel mondoCiò che non è piacer.Godiam, fugace e rapidoÈ il gaudio dell’amore;È un fior che nasce e muore,Né più si può goder.Godiam, c’invita un fervidoAccento lusinghier.

45FLORA, GASTONE, BARONE, DOTTORE, MARCHESE E CORO

Ah!… Godiamo, la tazza, la tazza e il canticoLa notte abbella e il riso,

In questo, in questo paradisoNe scopra il nuovo dì.

46VIOLETTA ( ad Alfredo) La vita è nel tripudio…

47ALFREDO ( a Violetta) Quando non s’ami ancora…

15Acte IL’Avant-Scène Opéra n° 51

«Sì, at tenti al cantor…» Anna Netrebko (Violett a) , mise en scène de Wi l ly Decker, Fest ival de Salzbourg 2005.

Salzbur ger Festspiele.

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VIOLETTA (àAlfredo) Ne parlez pas d’amour à qui l’ignore.

ALFREDO (àVioletta)  Tel est mon destin…

 TOUSAh!… Jouissons, nos verres et nos chantsRendent plus beaux le rire et la nuit,

Et, ici, dans ce paradis,Que les retrouve le jour nouveau!(On entend la musique venue de l’autre pièce.) Qu’est ceci?

VIOLETTANe vous plairait-il pas de danser maintenant?

LES AUTRES ET LE CHŒUROh, quelle aimable idée! Nous acceptons tous!

VIOLETTAAllons-y donc…( I ls se dirigent vers la porte centrale mais Violetta, enva- 

hi e d’une pâleur soudaine, laisse échapper :) Ah!

LES AUTRES ET LE CHŒURQue vous arrive-t-il ?

VIOLETTARien, rien.

LES AUTRES ET LE CHŒURQu’est-ce qui vous retient?

VIOLETTA ( fai sant quelques pas) Allons… (Elle est ànouveau contrai nte de s’asseoir.) Oh Dieu!…

FLORA, GASTON, LE BARON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ETLE CHŒUREncore!

ALFREDOVous souffrez?

FLORA, GASTON, LE BARON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ETLE CHŒURAh, Ciel, qu’est-ce donc?

VIOLETTA Je sens comme un frisson!…Entrez donc… ( désignant l’aut re salon) 

Là… Je vous rejoins sous peu.

FLORA, GASTON, LE BARON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ETLE CHŒURComme vous voudrez.(Tous passent au salon, exceptéAlfredo.) (Vi oletta se lève et va se regarder dans le mi roi r.) 

48VIOLETTA ( ad Alfredo) Nol dite a chi l’ignora.

49ALFREDO ( a Violetta) È il mio destin così…

50TUTTIAh, godiamo, la tazza e il canticoLa notte abbella e il riso,

In questo, in questo paradisoNe scopra il nuovo dì…(S’ode musica dall ’al tra sala.) Che è ciò?

51 VIOLETTANon gradireste ora le danze?

52GLI ALTRI ED IL COROO, il gentil pensier!… Tutti accettiamo.

53VIOLETTAUsciamo dunque…( S’avviano alla porta di mezzo, ma Violetta colta da 

subito pallore dice:) Ohimè!…

54GLI ALTRI ED IL COROChe avete?

55VIOLETTANulla, nulla.

56GLI ALTRI ED IL COROChe mai v’arresta?

57VIOLETTA ( fa qualche passo.) Usciamo… (È nuovamente obbligata a sedere.) Oh Dio!…

58FLORA, GASTONE, BARONE, DOTTORE, MARCHESE E LECOROAncora!

59ALFREDOVoi soffrite?

60FLORA, GASTONE, BARONE, DOTTORE E MARCHESE

Oh Ciel ! ch’è questo?

61 VIOLETTAUn tremito che provo!…Or… là… ( Indica l’altra sala.) 

Passate…Fra poco anch’io sarò.

62FLORA, GASTONE, BARONE, DOTTORE, MARCHESE E CORO

Come bramate.(Tutt i passano nell ’al tra sala meno Alfredo.) (Violetta si alza e va a guardarsi al lo specchio.) 

16 Acte I

Da ns le dia log ue q ui ra pproche Alfredo d e Vio-

le t t a , on prêtera une a t t ent ion par t iculière àde ux répliq ues de Violet t a : son «c’est vra i ! »([73])où se révèle, par la raillerie qu’on sent forcée, lafemme h ab ituée à vivre ma sq uée, et l ’émouvant«un cœur… si… peut-être » ([75]), premièrerépliq ue o ù se fa it jour la «vraie »Violett a .

80 La banda de rrière la scèn e cesse ; un d éclic se

fa it. L’andant ino q ui com men ce ici indiqu e – plusqu’un s imple changement de tempo – un véri-t ab le changement de temps da ns l’opé ra. Glisse-ment de plans: on quitte ici le plan social pourentrer dans la sphère intime. Le temps rapide,ag i té , boui l lonnant , qu i prédomina i t depuisle début de l ’ opéra semble progress ivement

L’Avant-Scène Opéra n° 51

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VIOLETTAOh, quelle pâleur!(En se retournant, elle aperçoit Al fredo.) Vous ici !

ALFREDOVotre malaise est-il passé?

VIOLETTA Je vais mieux.

ALFREDOAh, vous allez vous tuerÀ ce jeu… Vous devezPrendre soin de vous-même.

VIOLETTAMais le saurais-je?

ALFREDO

Ah, si vous étiezMienne, je serais le vigilant gardienDe vos suaves jours.

VIOLETTAQue dites-vous?Qui s’est jamais soucié de moi ?

ALFREDO (ardemment) C’est que personne au mondeNe vous aime…

VIOLETTAPersonne?

ALFREDOMoi excepté.

VIOLETTA (riant) C’est vrai !…

 J’avais oublié un aussi grand amour.

63VIOLETTAOh, qual pallor!(Si volge e s’accorge d’Alfredo.) Voi qui!

64ALFREDOCessata è l’ansia che vi turbò?

65VIOLETTASto meglio.

66ALFREDOAh, in cotal guisaV’ucciderete… aver v’è d’uopo curaDell’esser vostro…

67VIOLETTAE lo potrei ?

68ALFREDO

Oh! se miaFoste, custode io veglierei pe’ vostriSoavi dì.

69VIOLETTAChe dite?Ha forse alcuno cura di me?

70 ALFREDO ( con fuoco) Perché nessuno al mondoV’ama…

71 VIOLETTANessun?

72ALFREDO Tranne sol io.

73VIOLETTA (ridendo) Gli è vero!…Sì grande amor dimenticato avea.

17Acte IL’Avant-Scène Opéra n° 51

«Ah, godiamo...»Elzbieta Szmytka ( Violetta) et Marek Torzewski (Al fredo),mi se en scène de Ursel et Kar l -Ernst H errmann , Théâtre royal de la Monnaie, Br uxel les 1994. Johan Jacobs.

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ALFREDOVous riez!… Y a-t-il un cœur en vous?

VIOLETTAUn cœur? Oui… peut-être… pourquoi posez-vous laquestion?

ALFREDOAh, si tel était le cas… Vous ne vous moqueriez pas

ainsi.VIOLETTAParlez-vous sérieusement?

ALFREDO Je vous l’assure.

VIOLETTAM’aimez-vous depuis longtemps?

ALFREDOOh, oui : depuis un an.Un jour, heureuse, éthérée,Vous êtes, en un éclair, devant moi apparue,

Et moi, depuis ce jour, tremblant,

74ALFREDORidete!… e in voi v’ha un core?

75VIOLETTAUn cor? sì… forse… e che lo richiedete?

76ALFREDOAh, se ciò fosse… non potreste allora

Celiar…77VIOLETTADite davvero?

78ALFREDOIo non v’inganno.

79VIOLETTADa molto è che mi amate?

80ALFREDOAh sì, da un anno.Un dì, felice, eterea,Mi balenaste innante,

E da quel dì tremante

18 Acte I

suspendre son vol. Ce qui va se jouer ici est pres-q u’un cliché d e l’opé ra, résuma ble en un célèbred é b u t : «Là ci da rem la m ano ». Si la situ a t ion d usopran o «to mba nt », à son corps dé f enda nt ,da ns les bras du t énor juste a près sa décla ration,est fréq uent e d a ns les opéra s de Verdi, ce d uo-ciest d’une couleur to ut à fa it personn elle. Dan s lamélod ie du t éno r, très int ériorisée a u dé pa rt (pro-

gressa nt pa r pet its int ervalles conjoints), chaq uephrase est l’expression directe, vivace, de l’étatdu p ersonn ag e. L’évolution d rama tiqu e est fu l-gurante. Dans la première phrase, par exemple,les silences – partie intégrante du chant – pei-gnent à la perfect ion un jeune homme int imidé ,freiné d a ns son élan pa r l’émot ion (la mélodie nes’élève g uère):

Exemp le 8 

Mais cette timidité se résorbe dès la deuxièmephrase (disparition du silence). La mélodie,ga gna n t en conf i ance , mont e jusq u ’ au Mi . Latro is ième phrase s ’épanoui t en un magni f iquechant d ’ amour , auque l Verd i conférera unevaleur thém a tique ém ot ionnelle croissan te d an sl’œ uvre. Alfredo n’a plus ni a nxiét é, ni supplica-tion d an s la voix, ma is la tra nq uille certitud e d ela sincérité de son a ction. En o utre, on n e ma n-quera pas de souligner la parenté de ce thème(via ses trois premières notes) avec le thèmed’a mo ur de Violetta (Ex.2).

Exemp le 9 

Cette aria d’Alfredo consti tue le premier véri-t ab le déplo iement voca l depuis le début del’opé ra. La person na lisat ion mu sica le q ui s’y fa itjour – on est bien loin des arie stéréot ypées desopéra s précéda nt la t r ilog ie – do nne à Traviata sacouleur musicale si unique . Les cordes cont inuentà fournir le même remplissa ge ha rmonique m a is

le «coup »a port é, et Violett a fa it volte-fa ce. Ellequi, jusqu’à présent, n’avait prêté qu’une atten-tion distraite aux propos de son partenaire, sesent to ut à coup d éfa il lir. Pour ga gn er du tem ps,elle commence par se dérober. On n’aurait paspu imag iner un cha n t p lus opposé à ce lu i duténor : à la mélodie legato , dép loyée sur l’ambi tus restreint d’une octave de l’un, répond un chantstaccato , o rné , cons tamment en t recoupé desilences, avec des sauts mélodiques, des accents,des fioritures. On est to utef ois a ux ant ipod es de laconvention rossinienne : le chant colora ture est iciun é lément d e caracté r isa t ion d rama t ique : laf igurat ion d’un être q ui, se senta nt pris a u pièg e,cherche a vec la plus fa rouche é nerg ie à se «rac-crocher »aux éléme nt s sécurisa nt s de l’existenceq u ’ o n l u i d e m a n d e d ’ a b a n d o n n e r. En q u a t r eme sures, la vo ix chute de d eux octa ves.

  ================ 

     =

ll &•b   38

Andantino

Alfredo

x l q   ≈    x

 l E   e ≈    X

 l

 Q E

  l Q ‰  

  l E   E   e

 lUn dì, fe - li - ce, e - te - re - a, Mi ba-le -

 ==========  =l &•b   Q   E   l  q œ«# œ« œ« œ« l  q   ‰     l

- na - ste innan - - te,

 ================     =l &• b 38Alfredo

Q   X . R l Q   X . R lpœ«  œ« e l e.   x e l

Di quel amor, quel amor ch’è pal - pi-to

 ================     =l &• b   Q   X . R l Q   X . R l e.   X œ« £œ« x l q   e lDel - l’u - ni-ver - so, dell’u - ni-verso in-te - ro,

L’Avant-Scène Opéra n° 51

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 J’ai vécu à travers cet amour ignoré.De cet amour, cet amour dont palpiteL’univers, l’univers tout entier,Mystérieux, mystérieux et fier,Croix, croix et délice,Croix et délice au cœur.

VIOLETTAAh si cela est vrai, fuyez-moi…

 Je ne puis vous offrir que mon amitié, Je ne sais pas aimer, ni souffrirUn amour aussi héroïque.

 Je suis franche et honnête:Vous devez chercher quelqu’un d’autre,Vous ne trouverez guère alorsDifficile de m’oublier.

ALFREDOOh, amour mystérieux,Mystérieux et fier,Croix et délice au cœur.

VIOLETTAVous ne trouverez guère alorsDifficile de m’oublier.

GASTON (àla porte du mi li eu) Eh bien? Que diable faites-vous?

VIOLETTANous badinions…

GASTONAh! ah!… Très bien… alors, restez!( I l ressort.) 

VIOLETTA (àAlfredo) 

Donc, plus un mot d’amour… Ce pacte vous convient?ALFREDO

 Je vous obéis… ( faisant mi ne de part ir )  Je m’en vais…

VIOLETTA Tout de bon, vraiment?(Elle prend une fleur sur son sein.) Prenez cette fleur.

ALFREDOPourquoi?

VIOLETTAPour me la rapporter.

ALFREDO (revenant) Quand?

VIOLETTAQuand elle sera fanée.

ALFREDOOh ciel! Demain?…

VIOLETTAEh bien…Demain.

ALFREDO ( s’emparant de la fl eur avec transport) 

Que je suis heureux!VIOLETTAEncore des mots d’amour?

ALFREDOOh, combien, combien je vous aime!Que je suis heureux! ( sur le poin t de part i r) 

Vissi d’ignoto amor.Di quel amor, quel amor ch’è palpitoDell’universo, dell’universo intero,Misterïoso, misterïoso, altero,Croce, croce e delizia,Croce, e delizia, delizia al cor.

81 VIOLETTAAh se ciò è ver, fuggitemi…Solo amistade io v’offro;Amar non so, né soffroUn così eroico amore.Io sono franca, ingenua;Altra cercar dovete;Non arduo trovereteDimenticarmi allor.

82ALFREDOOh amore misterïoso,Misterïoso, altero,Croce e delizia, delizia al cor,

83VIOLETTANon arduo trovereteDimenticarmi allor.

84GASTONE ( sul la porta di mezzo) Ebben? che diavol fate?

85VIOLETTASi folleggiava…

86GASTONEAh! ah!… sta ben… restate!(Rientra.) 

87VIOLETTA ( ad Alfredo) 

Amor dunque non più… Vi garba il patto?88ALFREDO

Io v’obbedisco… ( per andarsene) Parto…

89VIOLETTAA tal giungeste? ( Si toglie un f iore dal seno.) Prendete questo fiore.

90ALFREDOPerché?

91 VIOLETTAPer riportarlo.

92ALFREDO (tornando) Quando?

93VIOLETTAQuando sarà appassito.

94ALFREDOOh ciel ! Domani…

95VIOLETTAEbben…Domani.

96ALFREDO ( prende con trasporto il fi ore.) 

Io son felice!97VIOLETTAD’amarmi dite ancora?

98ALFREDOOh quanto, quanto v’amo!Io son felice! ( per parti re) 

19Acte IL’Avant-Scène Opéra n° 51

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Exemple 10 

82 Violett a se crampo nne à ses voca lises. En vain.Il suff it à son pa rtena ire d e lui souf fler à l’oreille,à n ouvea u, la réalité de ses sent iment s («croce e del iz ia ») po ur q ue, t rès ra pide me nt , elle se

dét end e, sa vocalise s’a ssou plisse (dispa rition dustaccato ) , e t qu’en quelques mesures , e l le seport e à l’unisson de son p a rten a ire. L’end roit estcrucia l: c’est ici q ue Violet ta se don ne. Déjà t outent ière . Dès après l ’unisson, l ’ audi teur seraf r appé par l a vér i t ab le t r ans f igura t ion de savocalise.

Exemple 11 

Nouveau changement d ’ éc l a i r age e t «nousvo ic i brusquement re tombés de ces hauteurs

d a n s l ’ a g i t a t i o n e x u b é r a n t e d u p l a i s i r » n o t eJean-Victor Hocquard – en décr ivant l ’ a tmo-sphère fes toyan te qu i succède au t r io desmasques da ns Don Giovanni . C’est une rupturede plans ana log ue q ui, avec Gastone, ramène lamusiq ue de la banda . Le dialog ue reprend ent reVio le t t a e t Al f redo , tou t d ’ abord comme s i«rien »n e s’éta it pa ssé. Ma is a près le d on sym-bo liq ue d e la f leur, sur le «io son , io son felice »,on e nten d le pouls du t énor b at tre plus vite ( lescordes de l ’orchestre fa isant leur entrée surchaque premier temps): le jeune homme pres-

sent q u’ il sera b ientôt comb lé.

107 Pour clore ce va ste premier volet d e l ’exposi-t ion , vo ic i main tenan t le t ro i s ième re tour duthème en refrain (Ex.3) qui accompagne, dansun climat très proche de celui du Tro uvère , lesfêtards venus prendre congé. Violetta demeureseule. À ce point précis, on s’aperçoit qu’il n’y aeu a ucune pa use d epuis le d ébut de l’action. Leréalisme inhérent à l’œuvre a imposé a u compo-siteur l’ab a ndo n de certa ines conventions, a ussin’y a-t-il eu jusqu’à présent ni véritables récita-

tifs, ni a irs à propreme nt pa rler, ma is une a ctionthéâ trale et m usica le très eff icacement men ée.

C’est a lors q ue com men ce l’un d es airs les plusréussis – et les plus justement célèbres – de toutle répert oire lyriq ue. Ici, en prem ier lieu, se ma ni-feste t out e l ’écla ta nte supériorité de Violetta surson mo dè le litt éra ire. L’origine d e l’air est le brefmonologue de Ma rguerite a u deuxième a cte d ela pièce de Dumas où, dans un g este d ’é tonna ntelucidité, l ’héro ïne dé cida it, a près une b rève hési-ta tion , de suivre la vo ix de l’am our et de s’insta l-

ler a vec Arma nd à la cam pa g ne. «Prise »sa ns lesavoir, celle de Verdi et Piave croit au contrairerefuser de reconna ître son a mour, alors q ue t outson être s ’y est d éjà do nné. On retrouve ici , à tra -vers la description d ’une a tt itud e a ffective plusfine , plus vraisemb lab le (plus «fé minine »?), lat r ace de l a t r a jec to i re c l ass ique de tou tes lesgrandes amoureuses du réper to ire (Fiordi l ig i ,Isolde … ). Sur le plan m usical, en reva nche, to usles comm ent at eurs s’accordent à dire q ue jama isVerdi ne f i t un usage plus per t inent de ladécoupe t r ad i t ionne l le d ’un g rand a i r à l ’ i t a -lienn e : q ue ce soit da ns l’air similaire du Trou- vère («Tacea la not t e placida ») co mp o sé p euavant ou dans les airs postérieurs (dont le plusproche est celui d’Amelia au déb ut d e l ’a cte II duBal masqué ), nulle pa rt on ne t rouvera une t ellea déq ua tion entre vérité musica le d’une fo rme etvérité huma ine d ’une situat ion.

 

 ================      =

lllll &

  b   38   ≈    l l∑   l∑   ≈  Violetta

x œ« £œ«  xœ« £œ«  x l

non ar-duo tro- ve-

 ================      =&• b   38Alfredo

X   l  Q   E   l   b .E   .E   .E   l  Q   e   lOh, a - mo - re mi - ste - ri - o - - so,

 ================      =

lllll &   b   e e   ‰     l  ≈    x œ« £

œ«   x x   £x x l >E   X   ≈  

- re - te Dimen - ticarmi al - lor,

 ================      =&•b   b .E   .X   .X   .X   .X   l  Q   E l

>E_   X   ≈  mi - ste-ri - oso, al - te - - - ro, Cro - ce,

 ================      =

lllll &   b   X   £X   X   l  E   x ≈ x   £X   x l  E X   ≈    # œ« £œ« œ«   l

dimenti - car - mi, dimenti - car - mi al - -

 ================      =&•b   X   £X   X   l  E   X   ≈    X   £X   x l  E   X   ≈ x   £x x l

croce e de - li - zia, croce e de - li - zia, delizia al

 ================      =

lll

l &   b   n œ«   œ«£

œ«   œ«   œ»   £œ»_  œ»l   œ»   œ» £œ» œ» b œ»   £œ»_  œ»

l  E- lor,

 ================      =&• b   e   ‰ ‰     l  b Q . l  E Ecor, de - - - - li - zia,

 ================     =l & b 38Violetta.X £.X .x X ≈ 

 >X_ ≈  l E .   X E   l .X £.X .xX ≈  >X_ ≈  l

Ah se ciò è ver, fug - gi - temi... Solo amista - de io

 ================     =

l & b   Q   X

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brillante

œ»   ®  œ»_ œ»_ .X ® 

 œ» œ» .X ®  œ» œ» l

 .œ»   ®  œ»_ œ»_v’of - fro ; A- mar non so, né sof - -

 ================     =l & b  .X ®  œ» œ» .X ®  œ» œ» l

 .œ»  ®  œ» œ» .X .X .x .x l .œ« .œ« .œ« .œ« .e_  ‰   l--   fro Un co - sì eroico a -mo - re.

L’Avant-Scène Opéra n° 51

«E n’èforza di part i re » Jonas Kaufmann (Al fredo) et Chr isti ne Schäfer

(Violett a) , mise en scène de Chr istoph Marthal er,Opéra Gar nier, Paris 2007.

Roger-Vio ll et/ C. Masson.

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VIOLETTAVous partez?

ALFREDO (Revenant àell e, i l l ui baise la main .)  Je pars.

VIOLETTAAdieu.

ALFREDO

 Je ne demande rien de plus.( de loin) Adieu.

VIOLETTAAdieu.

ALFREDO ( d’encore plus loin) Adieu.

VIOLETTAAdieu.

LES AUTRES ET LE CHŒUR ( revenant du salon voisin, t out échauffés par la danse) L’aurore au ciel s’éveille,

Nous voici contraints de partir:Merci à vous, aimable dame,Pour ces splendides réjouissances.La ville est tout en fête,Le temps des plaisirs revient:Dans le repos restauronsNos forces pour pouvoir encore jouir!

Scène et Air

VIOLETTA ( seule) Comme c’est étrange - étrange!… En mon cœur

Ses mots sont gravés!Un amour véritable ne peut-il que m’apporter malheur?À quoi te résous-tu, ô mon âme troublée?Nul homme encore ne t’a embrasée… Ô, joieQue je n’ai point connue: être aimée tandis que j’aime!Et je pourrais la dédaignerPour les stériles folies de ma vie?

99VIOLETTAPartite?

100ALFREDO ( torna a lei, le bacia la mano.) Parto.

101VIOLETTAAddio.

102ALFREDO

Di più non bramo.(lontano) Addio.

103VIOLETTAAddio.

104ALFREDO ( più lontano) Addio.

105VIOLETTAAddio.

106GLI ALTRI ED IL CORO ( ri tornano tutti dalla sala ri scaldati dalle danze.) Si ridesta in ciel l’aurora,

E n’è forza di partire;Mercè a voi, gentil signora,Di sì splendido gioir,La città di feste è piena,Volge il tempo dei piacer;Nel riposo ancor la lenaSi ritempri per goder, ecc.

Scena ed Aria

107 VIOLETTA (sola) È strano! È strano!… in core

Scolpiti ho quegli accenti !Saria per me sventura un serio amore?Che risolvi, o turbata anima mia?Null’uomo ancora t’accendeva… O gioiaCh’io non conobbi, esser amata amando!…E sdegnarla poss’ioPer l’aride follie del viver mio?

21Acte IL’Avant-Scène Opéra n° 51

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Selon la tradition, l ’aria doi t ê tre introdui tepar un récita t i f drama tique (scena ) puis co nt en irdeu x parties, diffé renciées sur le plan de s tona li-tés comm e d es temp i (la première, lyriq ue, d a nsun tempo mod éré ; la seconde plus bril la nte etplus rapide). Comm e da ns une trag édie grecque,Violetta commence par exposer les données dudi lemme, discrètement ponctuées par l ’or-

chestre. On no tera la première vocalise sur le m ot«g io ia », q ui préfig ure celles, bea ucoup plusdéveloppées, sur «gio i r », et la b elle d evise e ncourbe m élodiq ue d e «v »renversé : «esser am at a amando ».

La première pa rtie de l’air, où Violetta s’ab a n-do nne à ses sent iment s, est un andant ino (un d is-cret écho de la décla ration d’Alfredo ) a u schémato na l simple. La première moitié est en Fa mineur ;l ’ invent ion mélodique y es t aussi s imple quenaturelle.

Exemple 12 

La secon de mo itié, en ma jeur, n’est q ue la reprise tex-

tuelle de la déclaration d’Alfredo «di quell’amo r »(Ex. 9). Le seul a jou t est la d iscrète bro de rie d e lacla rinet te (instrument pa r excellence d e la fém i-nité da ns l’opé ra, à to ute s les épo q ues). Le th èmen’en resp lendi t que davan tage e t donne l ’ im-pression à l ’a uditeur d’émerger de la pénom brevers la cla rté : oui, dé cidé men t Violett a a rejoint

Alfredo. I l fal lai t un certain courage artistique,do ublé d’une gra nde confian ce da ns ses propresidée s musica les, pou r oser le climax d’un a ir da nsdu «dé jà e nt end u »; l’écono mie de m oyen s estexemplaire, l’ef f ica cité de l’émot ion t ot a le 1.

Le récita tif a u cours duq uel Violetta se rétra cte– ou croit se rét racter – permet le pa ssa g e vers lacabalette. On y remarque, à cinq reprises, plus

a udible encore q u’au cours du premier récitat if ,la fo rmule rythmique d es cordes formée d e deuxbrèves e t d ’une long ue q ui prendra trèsrapidement da ns l’opéra une forme précise. Envocal isant sur le mot «g io i r  », la co lora t ureatteint la note la plus haute de sa tessiture (Rébémol) . Derrière ce «jouir»qu’elle se lance àelle-mêm e réson ne un po igna nt d ésespo ir.

Dans la cabale t te , son sur-moi reprendmo men ta ném ent le dessus . L’ idé e ne serai tqu ’habi le s i son un ique propos é ta i t de f a i reparaître comme un véritable coup de théâtre la

situation du lever de rideau du deuxième acteentre Violetta et Alfredo établis ensemble. Maisil s’ag it de b ien plus. Ja ma is, da ns l’opé ra ita lien,vocalises ne furent plus en situ a tion : Violetta estencore une courtisa ne a vant to ut ; sa vie, fr ivole,ag i tée , super f i c ie l le , d ’où tout a t t achementdura ble est p roscrit, est f igurée sur le pla n m usi-cal pa r des ca scad es de no te s trillées, un staccato permanent , des ornements , des ross ignolades .Son conf li t intérieur trouve le ma ximum de dra-mat i sa t ion dans ce g igan tesque déplo iementvocal tous azimuts: on rencontre les deux notes

extrême s de sa t essiture, et les intervent ions d’Al-fred o sous son ba lcon – un «truc »q ue Verdi a ff ec-tionnait dans les années 1850 (le Trouvère , Simon Boccanegra ) – ne pe uvent q ue l’acculer à la réité-ration sans cesse plus crispée, plus désespérée, desa résolution. C’est sur ce flag rant «mensong e »que s’achève l’exposition de la Traviat a .

œ«   œ«   q

 ===============   =l & bbbb 38Violetta>X ≈  pX ≈ x≈  l q

dolciss.E l Q   E l Q .   l .X  .£X .XAh for- s’è lui che l’a - ni - ma So-lin-ga

Andantino

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L’Avant-Scène Opéra n° 51

«Sempre l ibera» 

Angela Gheorghiu(Violetta),mise en scène de Jonathan Mil ler,Opéra Basti l le,Pari s 1997.Roger-Vio ll et/ C. Masson.

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Ah, peut-être est-ce lui que mon âme,Esseulée au sein des tumultes,Prenait tant de plaisir à peindreDe ses secrètes couleurs,Lui qui, modeste et attentif,A franchi mon seuil de malade,Allumant une fièvre nouvelleEt m’éveillant à l’amour!

À cet amour, cet amour dont palpiteL’univers, l’univers tout entier,Mystérieux, mystérieux et fier,Croix, croix et délice,Croix et délice au cœur.(Elle reste songeuse, pui s, se reprenant :) Folies! Folies! Quel est ce vain délire?Moi, pauvre femme, seule,Abandonnée en ceDésert populeuxQu’on appelle Paris,Que puis-je encore espérer? Que dois-je faire? Jouir!

Dans les vertiges de la volupté, de la volupté périr! Jouir! Toujours libre, il me fautM’étourdir de joie en joie,

 Je veux que ma vie s’écoulePar les sentiers du plaisir!Que naisse ou que meure le jour,

 Toujours joyeuse en compagnie,Vers des délices toujours nouveauxMes pensées doivent s’envoler!

ALFREDO ( sous le balcon) 

Amour, cet amour dont palpite…VIOLETTAOh!

ALFREDOL’univers, l’univers tout entier…

VIOLETTAOh, l’amour!

ALFREDOMystérieux, mystérieux et fier,Croix, croix et délice,Croix et délice au cœur!

VIOLETTAFolies! Folies!

 Jouir! Jouir! Toujours libre, il me fautM’étourdir de joie en joie,

 Je veux que ma vie s’écoulePar les sentiers du plaisir!Que naisse ou que meure le jour,

 Toujours joyeuse en compagnie,Vers des délices toujours nouveauxMes pensées doivent s’envoler!

ALFREDO

L’amour dont palpiteL’univers…

VIOLETTAAh!… Ah!… Ah!…Mes pensées doivent s’envoler…(Elle sort côtéjardin.) 

Ah fors’è lui che l’animaSolinga ne’ tumulti,Godea sovente pingereDe’ suoi colori occulti…Lui, che modesto e vigileAll’egre soglie ascese,E nuova febbre acceseDestandomi all’amor!…

A quell’amor, quell’amor ch’è palpitoDell’universo, dell’universo intero,Misterïoso, misterïoso, altero,Croce, croce e delizia,Croce e delizia, delizia al cor.(Resta concentrata ; scuotendosi :) Follie!… Follie!… delirio vano è questo!…Povera donna, sola,Abbandonata in questoPopoloso desertoChe appellano Parigi,Che spero or più? Che far degg’io?… Gioire!…

Di voluttà nei vortici, di voluttà perir!…Gioir!…Sempre libera degg’ioFolleggiar di gioia in gioia,Vo’ che scorra il viver mioPei sentieri del piacer.Nasca il giorno, o il giorno muoia,Sempre lieta ne’ ritrovi,A diletti sempre nuoviDee volare il mio pensier…

108ALFREDO ( sotto al balcone) 

Amor, amor è palpito…109VIOLETTAOh!

110 ALFREDODell’ universo, dell’universo intero,

111 VIOLETTAOh, amore!

112 ALFREDOMisterïoso, misterïoso, altero,Croce, croce e delizia,Croce e delizia, delizia al cor!

113VIOLETTAFollie! Follie! Follie!Gioir! Gioir!…Sempre libera degg’ioFolleggiar di gioia in gioia,Vo’ che scorra il viver mioPei sentieri del piacer.Nasca il giorno, o il giorno muoia,Sempre lieta ne’ ritrovi,A diletti sempre nuoviDee volare il mio pensier…

114 ALFREDO

Amor è palpitoDell’universo…

115VIOLETTAAh!… Ah!… Ah!…Dee volar il mio pensier…(Entra a sin istra.) 

23Acte IL’Avant-Scène Opéra n° 51

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ACTE II

Un salon de plai n-pied, dans une maison de campagne proche de Pari s. Au fond, face aux spectateurs, une che- minée supportant un mi roir et une horloge, ent re deux portes vitrées conduisant au jardi n. Au premier plan, deux autres portes, se faisant face. Des sièges, un guéridon,quelques livres et tout ce qu’ i l faut pour écri re.

Scène et Air

ALFREDO ( parai ssant en costume de chasse) Loin d’elle, je ne prends aucun plaisir!( I l pose son fusil .) 

 Trois mois sont déjà passésDepuis que ma ViolettaA délaissé pour moi luxe, richesses, amoursEt ces fêtes pompeusesAu sein desquelles, comblée d’hommages,

ATTO SECONDO

Casa di campagna presso Parigi. Salotto terreno. N el fondo, in faccia agli spettatori , èun camino, sopra i l quale uno specchio ed un orologio, f ra due porte chiuse da cri s- tall i che mettono ad un giardino. Al primo piano due altre porte, una di fronte all’ altra. Sedie, tavoli ni , qualche li bro,l’occorrente per iscrivere.

Scena e Aria

116ALFREDO ( entra i n costume da caccia) Lunge da lei per me non v’ha diletto!(Depone i l fucile.) Volaron già tre luneDacché la mia ViolettaAgi per me lasciò, dovizie, amoriE le pompose festeOv’agli omaggi avvezza,

24 Acte II

DEUXIÈME ACTE: LA FEMME

116 Étonnant mélang e de convent ion e t d ’o rig ina-lité dans l’écriture de Verdi, le deuxième acte,consacré au développement de l ’a ction (péripé-ties), a pou r épine do rsa le l’ent revue de Violett aet de Germont, qui occupe à elle seule un bontiers de l’acte . Le dé bu t est b â ti sur le mêm e pat- tern q ue le début d e l‘ ac te II de Rigoletto : on ytrouve en effet le même type de musique d’ac-tion en g uise de lever de ridea u, et un même éta td’a gita tion d u tén or q ui entre juste en scène. Laphrase d ’ouverture q ui cont raste radicalementavec le thème de l ’ouverture du premier et dutrois ième actes , es t é loquente , expr imant à lafo i s l ’ é t a t de bonheur in tense où se t rouveAlfredo de puis q u’il vit a vec Violett a , ma is a ussison a nxiété d e ne pa s être à to us mom ent s à sescôté s (pressentiment s?). On retiend ra la d ernièrephrase de son récitatif («Scord o ne’ gu ardi suo i 

tu tt o i l passato »): u ne trè s belle cou rbe en «v »

renversé où l’interprète atteint la note jusque-làla plus aigu ë d e sa te ssiture (La bé mo l).

Pour conven tion nel q u’il est, l ’a ir suiva nt («De’ mie i bo l len t i sp i r i t i  ») n’en a ppe lle p a s moinsq uelq ues réflexion s. Tou t d ’ab ord il est d ’assezcourte durée – preuve sans do ute q ue Verdi éta itconscient de sa no n-nécessité. En o ut re, le climatd’urgence q ui y prédo mine – en infirma nt le sensmême du texte («io vivo quasi in ciel ») – rendta ng ible, déjà , le clima t d e dra me q ui rég nera sur

to ut l ’acte. En eff et , la dra ma tisa tion d u discoursmusical s’opè re sur to us les pla ns : da ns l’étra ng edispositif instrumental qui en organise l’accom-pag nement (do ubles croches en pizzicato ), ainsique dans les contras tes spectacula ires desnua nces du chant .

Exemp le 13 

117 L’action reprend. À la seule mention du nom d eParis – et comme Alfredo semble réaliser pour lapremière fo is de son existen ce q u’il faut de l’a rgentpo ur vivre –, un rythm e fu nèb re de d eux brèves sui-vies d’une longue se met en marche aux cordes,cette fo is sous la f orme e xacte sous la q uelle il réa p-paraîtra à la fin du troisième acte .

L’a ir suivan t d’Alfredo («Oh mio r imo rso ») e st

en fa it la s tre t te (cabaletta ) de son a ir précédent .C’est une comp osition d e pure convent ion, q ui sedé ploie da ns un to n d’h éroïsme milita ire q ui, s’iln’éta it pas dépla cé da ns le contexte du Trouvère (Ma nrico : «Di quel la pira ») est en reva nche com-plètement hors de propos ic i : r ien n ’es t pluscontraire à la Traviat a q ue le fa it de «prend re la

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L’Avant-Scène Opéra n° 51

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Elle voyait chacun de sa beauté esclave.Et, désormais heureuse en ces aimables lieux,Elle oublie tout pour moi… Ici, auprès d’elle,Moi, je me sens renaître,Et, ressuscité par le souffle de l’amour,

 J’oublie parmi ses joies tout le passé.De mon esprit fiévreuxElle a su apaiser

La juvénile ardeurAvec le calme sourire de l’amour.Depuis le jour où elle a dit:«Je veux vivre fidèle à tes côtés»,Oublieux de tout l’univers,

 Je vis comme au ciel emporté!Depuis le jour où elle a dit:«Je veux vivre fidèle à tes côtés», oui, oui,Oublieux de tout l’univers,

 Je vis comme au ciel emporté!(Entre Annina, préoccupée.) Annina, d’où viens-tu donc?

ANNINADe Paris.

ALFREDOQui t’y a envoyée?

ANNINAC’est Madame.

ALFREDOPourquoi?

ANNINAPour vendre chevaux, calèches,Et tout ce qu’elle possède encore…

ALFREDOQu’entends-je?

ANNINACela coûte cher, de vivre retirés ici…

ALFREDOEt tu n’en disais rien?

ANNINAOn m’a imposé le silence.

ALFREDOImposé? Dis-moi, combien faut-il ?

ANNINA

Mille louis.ALFREDOPars, maintenant… J’irai à Paris…Que Madame ne sache rien de cette conversation.

 Je peux encore remédier à tout cela.Va! Va! (Annina sort.) Oh quel remords, quelle infamie!Et moi je vivais dans l’erreur!Mais pour briser cette torpeur coupableEn un éclair, la vérité m’a frappé!Pour quelque temps encore, fais silence,

Ô cri, cri de mon honneur! Je saurai être ton vengeur, Je laverai cet opprobre.Oh quelle honte, quelle infamie!Ah, oui, je laverai cet opprobre.Oh quel remords, quelle infamie!Et moi je vivais dans l’erreur, etc. (I l sort .)

Vedea schiavo ciascun di sua bellezza…Ed or contenta in questi ameni luoghi

 Tutto scorda per me… Qui presso a leiIo rinascer mi sento,E dal soffio d’amor rigeneratoScordo ne’ gaudi suoi tutto il passato.De’ miei bollenti spiritiIl giovanile ardore

Ella temprò col placidoSorriso dell’amor!…Dal dì che disse: vivereIo voglio a te fedel,Dell’universo immemoreIo vivo quasi in ciel.Dal dì che disse: vivereIo voglio a te fedel, sì, sì,Dell’universo immemoreIo vivo quasi in ciel.(Annina entra affannosa.) Annina, donde vieni ?

117 ANNINADa Parigi.

118 ALFREDOChi tel commise?

119 ANNINAFu la mia signora.

120ALFREDOPerché?

121 ANNINAPer alienar cavalli, cocchiE quanto ancor possiede…

122ALFREDOChe mai sento?

123ANNINALo spendio è grande a viver qui solinghi…

124ALFREDOE tacevi?

125ANNINAMi fu il silenzio imposto.

126ALFREDOImposto? Or v’abbisogna?

127ANNINA

Mille luigi.128ALFREDO

Or vanne… Andrò a Parigi…Questo colloquio non sappia la signora.Il tutto valgo a riparare ancora;Va! Va! ( Annina parte.) Oh mio rimorso! O infamia!Io vissi in tal errore!…Ma il turpe sonno a frangereIl ver mi balenò!…Per poco in seno acquetati,

O grido, o grido dell’onore;M’avrai securo vindice;Quest’onta laverò.Oh mio rossor! Oh infamia!Ah, sì, quest’onta laverò,Oh mio rimorso, o infamia!Io vissi in tal errore, ecc. (Esce.) 

25Acte IIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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Scène et Duo

VIOLETTA ( ent rant, divers feui llets àla mai n et s’adressant  àAnnina) Alfredo?

ANNINAIl vient de partir pour Paris.

VIOLETTAQuand revient-il ?

ANNINAAvant la tombée du jour,M’a-t-il chargée de vous dire.

VIOLETTAC’est étrange!

Scena e Duetto

129VIOLETTA ( entra con alcune carte, parlando con Annina.) 

Alfredo?

130ANNINAPer Parigi or or partiva.

131 VIOLETTAE tornerà?

132ANNINAPria che tramonti il giorno…Dirvel m’impose…

133VIOLETTAÈ strano!

26 Acte II

pose ». Verdi en ét a it du reste bien con scient , q ui

écriva it à Pia ve : «J’ai reçu les vers de la cab a lett edu téno r. Ça n’a a ucun sens»(lett re du 16 ja nvier1853); la f idélité à l’esprit verdien – et à sa lett re– encourage la suppression pure et simple decet te caba le t te .

139 La scène entre Viole t ta e t Germont , ce t hommeq u’elle n’a ja ma is vu et q ui fait intrusion chez elle– con stitue le vérita ble d ébu t de l‘a ction. Elle e stle point d e b a scule d e l’opéra ent ier. La scène dePia ve suit de très près la scène é q uiva lente d a ns lapièce de Duma s 2. To ut ef o is, l’univers mo ra l ici estbien celui de Verdi ; le climat dra ma tiq ue est celui

de to ute s les scènes père /fille du th éâ tre verdienoù, d ’Oberto à Aida – en passa nt par Ernani , Luisa Mil ler o u Rigoletto –, le père, a ssuré de sa to ute -puissance, f init toujours par forcer sa f i l le àl ’obéissance et cause invariablement sa perte 3.Germon t (Violett a : «Qual f igl ia m’ abbracciate »)– père symbolique s’il en fut – obt iendra de Vio-letta la ma rqu e suprême d e l’ob éissa nce filia le : lerenoncement à l’être a imé. L’at titud e d e Violett aest ici l’a rchét ype d e cett e «vocat ion a u sacrifice »que mani fes tent toutes les héroïnes de Verdi .Dans la Traviat a , la lo i du père , qu i «s’ avoue

comme le masque pompeux de l ’étroite moralebourgeoise , d ’un souci forcené de respectabi-lité »4, es t doublement hypocr i te , qui masquesous ce prétexte de respectabil i té ce qui a tou-jours é té l ’unique souci de la b ou rgeo isie : laconserva tion d e l ’a rgent . En eff et , d a ns la pièce,c’est pa rce q u’ il avait app ris de la bo uche de sonno ta i re que son f i l s compta i t l éguer tous sesbiens à Marguerite que le père se décidait , ento ute pa nique, à inte rvenir.

À cet univers psychique typiquement verdiencorrespond un univers musical également ver-

d ien par son or ig ina l i té , d ’où toute t r ace deconvent ion a dispa ru. Cet te scène – une d es plusbelles de to ut le t héâ tre de Verdi (et sa ns dout ede l’histoire de l’opéra) – est constituée de plusde vingt minutes d’enchaînements ininterrom-pus de m élodies superbe s. On est a u plus loin d ela rig idité d es fo rmes closes et l’écritu re mu sicale,

où de nouveaux motifs émergent sans cesse du

f lo t musical pour ne plus jamais réapparaî treensui te , préf igure très directement les scènesent re Philippe et le Grand Inq uisiteur (Don Carlo )ou ce l le Ote l lo e t I ago au deux ième ac ted ’Otel lo . Ces trois scènes ont ainsi en communl’ab out issement du travail de la pa rtit ion sur lespersonnages , e t la destruct ion graduel le d ’unê t re pa r un a u t re . Dans la Traviat a , la victimefranchit prog ressivement to utes les éta pes d’unechute désespérée, de la révolte à l ’acceptationfina le ; le «bo urreau », qu a nt à lui, tou t en res-ta nt intra ita ble sur l’objet de sa d ema nde, souli-

gn era pa r son a tt itud e une sympa thie croissa ntepour sa victime. En 1853, il n’existait nulle partda ns le répertoire lyriq ue roma ntiq ue un éq uiva -lent à une t elle réussite.

L’ent revue com men ce da ns la p lus g ran de f roi-deur . Pour expr imer l ’host i l i té de Germontenvers celle q u’il ne con sidère po ur l’ insta nt q uecomme une courtisane, Verdi a recours à l’unedes plus anciennes formulat ions musicales duma l et de l ’ interdit : le diab olu s in m usica . Le t ri-to n Fa -Si est ici cla irem en t m is en é viden ce ent rela vo ix et l’orchestre.

Exemp le 14 

144 Réponda nt a ux insinuat ions de Germont , Vio-le t ta a l ’une de ces très bel les répl iques defemme: «Donn a son io, signo re »5. La dignité q uiémane de cette phrase force le respect et laisseGermont un instant déconcer té . I l v ivai t dans

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L’Avant-Scène Opéra n° 51

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GIUSEPPE ( lui présentant une lettre) Pour vous.

VIOLETTAFort bien. Sous peuVa venir un homme d’affaires: qu’il entre aussitôt.(Annina e Giuseppe sortent.) 

VIOLETTA ( ouvrant la lettre) 

Ah, ah! Flora a dédouvert ma retraiteEt m’invite à danser ce soir!(Elle jette la feui ll e sur le guéri don et s’assoit .) Elle m’attendra en vain.

GIUSEPPEUn monsieur vient d’arriver.

VIOLETTAAh, c’est sans doute celui que j’attends.(Elle fait signe àGiuseppe d’i nt roduire le visiteur.) 

GERMONTMademoiselle Valery?

VIOLETTAC’est moi.

GERMONTVous voyez en moi le père d’Alfredo.

VIOLETTA ( surpr ise, l ’i nvitant àprendre place) Vous?

GERMONT ( s’asseyant) Oui, de cet imprudent, qui court à la ruine,Ensorcelé par vous.

VIOLETTA ( se dressant, blessée) Monsieur, je suis femme et je suis chez moi :

 Trouvez bon que je vous quitte,Plus pour vous que pour moi.( faisant mine de sorti r) 

GERMONT(Quelles manières!)Cependant…

134GIUSEPPE ( le presenta una lettera.) Per voi.

135VIOLETTASta ben… In breveGiungerà un uom d’affari… Entri all’istante.(Annina e Giuseppe partono.) 

136VIOLETTA ( apre la lettera.) 

Ah, ah! Scopriva Flora il mio ritiro!E m’invita a danzar per questa sera!(Getta il fogli o sul tavolino e siede.) Invan m’aspetterà…

137GIUSEPPEÈ qui un signore.

138VIOLETTASarà lui che attendo.(Accenna a Giuseppe d’i ntrodurl o.) 

139GERMONTMadamigella Valery?

140VIOLETTASon io.

141GERMONTD’Alfredo il padre in me vedete.

142VIOLETTA ( sorpresa, l ’i nvi ta a sedersi.) Voi?

143GERMONT ( sedendo) Sì, dell’incauto, che a ruina corre,Ammaliato da voi.

144VIOLETTA ( ri senti ta, alzandosi) Donna son io, signore, ed in mia casa;Ch’io vi lasci assentite,Più per voi che per me.( per uscire) 

145GERMONT(Quai modi !)Pure…

27Acte IIL’Avant-Scène Opéra n° 51

«Donna son io, signore, ed in mia casa» Mara Zampieri (Annina) , Di ana Damrau (Violett a) et elj ko Lu č i ć  (Germont),

mi se en scène de Dmi tr i Tcherniakov, Teatro al la Scala, M i lan 2013. Brescia/ Ami sano©Teatro alla Scala.

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VIOLETTAOn vous a induit en erreur…(Elle se rassoit .) 

GERMONTDe ses biens n’entend-il pas vous faire don?

VIOLETTAIl ne l’a pas osé, jusqu’ici.

 Je refuserais.GERMONT ( jetant les yeux autour de lui ) Et pourtant, tout ce luxe…

VIOLETTA ( lui tendant un document) Cet acteEst ignoré de tous… Qu’il ne le soit pas de vous.

146VIOLETTA Tratto in error voi foste…(Torna a sedere.) 

147GERMONTDe’ suoi beni egli dono vuol farvi…

148VIOLETTANon l’osò finora…

Rifiuterei.149GERMONT ( guardando intorno) Pur tanto lusso…

150VIOLETTA ( gli dàuna carta.) A tuttiÈ mistero quest’atto… A voi nol sia…

28 Acte I

l ’erreur et Violett a a vite f a it de réta blir la vérité :c’est elle q ui entret ient Alfredo et no n l’inverse.Moment an ément , Germont est désarmé. Le réci-

ta ti f se fa it arioso et cet a ssoup lissemen t d u chant(Germont : «Ah , il passat o ») ma rq ue la symp a -thie qui s’ébauche. Mise en confiance, Violettane peut q ue «crier »son a mou r en une de cessuperbes phrases lyriques qui renferment à ellesseules to ut un m ond e d’émo tions. On en rema r-q uera la t ona lité d e Fa m a jeur qui, après les deuxandant in i du premier acte, se signale une foisencore comme la tonal i té de l ’ amour épanouidans la Traviat a .

Exemple 15 

153 Sensible à l’ in tense sincér ité q ui émane d e sonin te r locut r i ce , Germont , n ’ en conservan t pas

moins la tê te f roide, réalise q u’ il doit chang er deta ct ique : ne plus a t ta q uer Viole t ta de f ront maisde b iais, et fa ire a ppel à sa sensibilité . Au mo t d esacrif ice , Vio le t t a , t ouchée , f rémit . Ce q u ’onpeut qua l i f i e r de vér i t ab le chan tage a f fec t i fcommence.

159 Première étape: les banderilles. Germont com-mence son plaidoyer par une aria en La bémolmajeur assez retenue d’expression (leggero , pp ).Lorsqu’il achève, une phrase des violons prend lerela is, porteuse d’une a nxiété q ui croît rapidemen t.

Exemple 16 

Le cœu r de Violet ta ba t d e plus en plus fo rt. Lesrépl iques fusen t , l ’ échange devien t r ap ide ,tendu , t rép idan t (progress ion tona le vers U t

mineur). Soud a in, Violetta comprend et lâche lesmot s «per sempre ! ». De t ou t son ê tre , elle s’a rc-bo ut e et po usse un cri : «jam a is».

166 Vivacissimo , dans une des tonali tés porteusesde t r ag ique dans l ’ h i s to i re de l a mus ique (Utmineur) , en un chant rompu, br isé – où lessilences ont à nouveau autant de poids que lesno te s mêm es – Violetta dit, po ur la première fois,sa fin prochaine. La cellule mélodico-rythmiquede quatre syl labes halè te comme un sanglot àg ran d-peine rete nu. La sob riét é d u style musica l,col lant au texte , en accroî t la vér i té émotion-

nelle : c’est un cœ ur, une vie prêts à se rom pre.

Exemp le 17 

La second e pa rtie de cet écla t («Ah , il sup plizio »,Ut m a jeur) exprime le «plutô t la m ort »si proprea ux héroïnes du t héâ tre musical roma ntiq ue. Lavoix le martèle, tandis que violoncelles, clari-nettes et bassons dessinent une l igne chroma-t ique descenda nte q ui ne f igure r ien de bon.

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GERMONT ( parcourant le document) Ciel ! Que vois-je! Vous voulezVous dépouiller de toutes vos possessions!Ah pourquoi, pourquoi le passé vous accuse-t-il ?

VIOLETTAIl n’existe plus. Depuis que j’aime Alfredo, DieuL’a effacé au prix de mon repentir.

GERMONTNobles sentiments, en vérité!

VIOLETTAOh, combien vos accentsMe sont doux!

GERMONT ( se levant) Et à ces sentiments,

 Je demande un sacrifice.

VIOLETTAAh, non… Taisez-vous!Vous allez sans doute demander une chose terrible…

 Je le pressentais… Je vous attendais… J’étais trop, Trop heureuse!

GERMONTLe père d’AlfredoPlaide en ces lieux pour l’avenir, le bonheurDe ses deux enfants.

VIOLETTADeux enfants?

GERMONTOui.Aussi pure qu’un angeDieu m’a donné une fille;Si Alfredo refuse de rentrerDans le sein de sa famille,Le jeune homme aimant et aiméDont elle devait être l’épouseRécusera cette allianceQui nous rendait heureux.Ah, ne changez point en épinesLes roses de l’amour!À mes prières, que votre cœurNe résiste point, non, non.

VIOLETTA

Ah, je comprends… Je devrai, pour quelque temps,M’éloigner d’Alfredo… Cela me sera douloureuxMais…

GERMONTCe n’est pas là ce que je vous demande…

VIOLETTACiel, que voulez-vous de plus? J’offre beaucoup!

GERMONTPas assez, cependant.

VIOLETTAVous voudriez que je renonce à lui pour toujours?

GERMONTIl le faut.

VIOLETTAAh, non, jamais!... Non, jamais!Ignorez-vous quelle flammeVive, immense, brûle en mon cœur?

151 GERMONT ( scorre le carte.) Ciel ! che discopro! D’ogni vostro avereOr volete spogliarvi?Ah, il passato perché, perché v’accusa?

152VIOLETTAPiù non esiste… Or amo Alfredo, e DioLo cancellò col pentimento mio.

153GERMONTNobili sensi invero!

154VIOLETTAOh, come dolceMi suona il vostro accento!

155GERMONT (alzandosi) Ed a tai sensiun sacrifizio chieggo.

156VIOLETTAAh no… tacete…

 Terribil cosa chiedereste certo…Il previdi… V’attesi… era felice

 Troppo…

157GERMONTD’Alfredo il padreLa sorte, l’avvenir domanda or quiDe’ suoi due figli !…

158VIOLETTADi due figli !

159GERMONTSì.Pura siccome un angeloIddio mi diè una figlia;Se Alfredo nega riedereIn seno alla famiglia,L’amato e amante giovine,Cui sposa andar dovea,Or si rincusa al vincoloChe lieti, lieti ne rendeva.Deh, non mutate in triboliLe rose dell’amor…A’ prieghi miei resistere, no, no,Non voglia il vostro cor, no, no.

160VIOLETTA

Ah! comprendo… dovrò per alcun tempoDa Alfredo allontanarmi… DolorosoFora per me… pur…

161GERMONTNon è ciò che chiedo…

162VIOLETTACielo, che più cercate? offersi assai!

163GERMONTPur non basta.

164VIOLETTAVolete che per sempre a lui rinunzi ?

165GERMONTÈ d’uopo.

166VIOLETTAAh no! Giammai !… no, mai !Non sapete quale affettoVivo, immenso m’arda in petto?

29Acte IIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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167 Deuxième étape: l’estocade. Jusqu’à l ’obten-tion d e ce q u’il est venu chercher, Germo nt restepar f a i tement in f lex ib le , u t i l i s an t même desa rgum ent s spécieux. Non sa ns une certa ine véhé-

mence, on s’inscrira ici en faux contre le senti-ment gé néral des comm enta teurs (Budden , Mila )pour dire que de toutes les f igures de père del ’opéra verdien, celle-ci nous semble la pire.Ce t t e «voix de l a mo ra le » est un e vér it a b lema chine à broyer, sûre de sa lég itimité et de sonimpunité, face à un être qui vit l ’écroulementprogressif de toute son existence. Porté par lerythm e funèbre en crescendo à l’orchestre ,G e r m o n t t r o u ve l ’a r g u m e n t q u i f a i t m o u c h e .Tou chée, Violett a s’eff on dre. Il n’a plus q u’à po r-te r l ’esto cad e . Une to urnure mélod ico-ryth-

mique réitérative, très typique du personnage,vient enfoncer son argumentat ion dans la tê tede son interlocutrice atterrée.

Exemple 18 176 La réf lexion d e do uleur, bouleversan te d ’hu-

ma nité contenue, q ue Violett a se fa it à son sujetn’est p as a utre chose que la version mineure d uthème d’amour d’Alfredo («Di quel amo r »), e telle y at te int la no te la p lus ba sse de sa t essiture

(Si bé mo l g ra ve). Ma is il y a p lus. Cet t e ph ra se estu n e p r é f i g u r a t i o n t r è s n e t t e d ’ u n e a u t r eréflexion d e do uleur q ue Violett a se fera au der-nier acte : «Ad dio del passato ». Les d eu x phra ses

proposant , en une ident ique inf lexion de leurtonalité mineure, des mélodies sœurs. Si on lescompare (Ex. 19 et 33), on observe, au-delà desdifférences de contexte, que les deux lignes setiennent deux mesures à la m ême h a uteur, puischu ten t d ’un demi- ton , puis d ’un ton , en f ind’une q uar te . La lente d ésag régat ion d e la mélo-die y est identiq ue : les thèm es d’a mour de la Tra- viata cont iennent en eux leur propre mort.

Exemp le 19 

178 Troisième étape: le chant du cygne. En termede plas t ique vocale , l ’andant ino cantab i le q uisuit est l ’émanation sans doute la plus parfaite

de la veine expressive propre à la Traviat a . Lamélod ie est pleine, simple, inté riorisée ; elle ne semeut q ue pas à pa s, note à no te , dans un ambi- t us très restreint : une concent rat ion m a xima lede sens et d’émotion, dans un espace minimal.Nulle pa rt jusque -là, da ns l’opé ra ita lien, la d ou-leur n ’avai t é té t ransf igurée en des termes de

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Alfredo (acte I)

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Germont

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L’Avant-Scène Opéra n° 51

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Que je ne compte, parmi les vivants,Ni parents, ni amis,Et qu’Alfredo m’a juréQue je trouverai tout en lui ?Ignorez-vous que ma vieEst rongée par un sombre malEt que déjà j’en aperçois la fin?Que je me sépare d’Alfredo?Ah, ce supplice serait si atroceQue je préférerais mourir, oh oui !

GERMONTGrand est ce sacrifice;Mais écoutez-moi calmement:Vous êtes belle, et jeune…Avec le temps…

VIOLETTAN’en dites pas plus…

 Je vous entends… Mais c’est pour moi impossible… Je ne veux aimer que lui.

GERMONTPeut-être… Mais changeant

Est bien souvent l’homme…VIOLETTA (ébranlée) Grand Dieu!

GERMONTUn jour, lorsque le tempsAura fané vos charmes,L’ennui, promptement, paraîtra.Qu’adviendra-t-il alors? Songez-y.Les plus doux sentimentsNe vous apaiseront plusPuisque ces nœuds, du ciel,

N’auront point été bénis…VIOLETTAC’est vrai ! C’est vrai !

GERMONTAh, que se dissipe doncCe songe séducteur…

Che né amici, né parentiIo non conto tra’ viventi ?E che Alfredo m’ha giuratoChe in lui tutto io troverò?Non sapete che colpitaD’atro morbo è la mia vita?Che già presso il fin ne vedo?Ch’io mi separi da Alfredo!…Ah, il supplizio è sì spietato,Che a morir preferirò, sì…

167GERMONTÈ grave il sagrifizio;Ma pur tranquilla uditemi.Bella voi siete e giovine…Col tempo…

168VIOLETTAAh, più non dite…V’intendo… M’è impossibile…Lui solo amar vogl’io…

169GERMONTSia pure… ma volubile

Sovente è l’uom…170VIOLETTA (colpita) 

Gran Dio !

171 GERMONTUn dì, quando le veneriIl tempo avrà fugate,Fia presto il tedio a sorgere…Che sarà allor? Pensate…Per voi non avran balsamoI più soavi affetti,Poiché dal ciel non furono

 Tai nodi benedetti…172VIOLETTA

È vero! È vero!

173GERMONTAh dunque, dunque sperdasi

 Tal sogno seduttore…

31Acte IIL’Avant-Scène Opéra n° 51

page de gauche : 

«Un dì, quando le veneri » Simone del Savio (Germont) et Patr izia Ciofi ( Violetta) ,mise en scène de David McVicar, Grand Théâtrede Genève 2013.

Archives GTG / Yunus Durukan.

«È grave i l sagri f izio» Ludovic Tézier (Germont ) et Natal ie Dessay(Violet ta) , mi se en scènede Jean-François Sivadier,Fest ival d’Aix-en-Provence 

2011. Pascal Vi ctor.

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VIOLETTAC’est vrai ! C’est vrai !

GERMONTSoyez de ma familleL’ange consolateur…Violetta, pensez-y:Il en est temps encore!C’est Dieu qui dicte, ô mon enfant,De tels mots à un père.VIOLETTA ( pour elle-même, avec une douleur extrême) Ainsi, pour la malheureuse qui a un jour fauté,

 Tout espoir de rachat est éteint!Si Dieu se montre compatissant,L’homme pour elle sera sans pitié, oui, sans pitié!(Elle pleure.) Ah!

174VIOLETTAÈ vero! È ver!

175GERMONTSiate di mia famigliaL’angel consolatore…Violetta, deh, pensateci,Ne siete in tempo ancor…È Dio che ispira, o giovine,

 Tai detti a un genitor.176VIOLETTA ( da sé, con estremo dolore) 

Così alla misera, ch’è un dì caduta,Di più risorgere speranza è muta!…Se pur benefico le indulga Iddio,L’uomo implacabil per lei sarà, sì per lei sarà,(piangendo) Ah!

32 Acte II

simplicité, de retenue, comparables à ceux-ci. Ilfa ut écout er Ma ria Calla s ici, le 28 ma i 1955, sou sla bague t te de G iu l in i ; i l f au t écouter l a vo ixmonter du pianissimo a u cri, écout er la voix int é-rieure d e cett e ém ot ion-là et , si possible, ret enirses la rmes.

Exemple 20 

179 Germont lui-même est ému (phrasé syncopé).Tou t mé pris, tou te m éfia nce ont d éfinitiveme ntcédé . Sera it-il lui aussi victime de va leurs mora lesq u’il véhicule incon sciemm en t, san s a voir eu, jus-qu’à ce jour, à faire face à une situation qui lesremett e en cause ? Car, pour compléter la phrasede Violetta, cet homme implacable trouve pourla prem ière fo is de s accent s émou van ts. Il va jus-q u’à chercher, ma la droitement , à réconfo rter lamalheureuse , e t l a re jo in t en un duo d ’unegrande vér i té émotionnel le . On remarquera , à

trois reprises, la cellule rythmique d’accompa-gn ement des cordes q ui soulign e la gra -vité de l’ instant.

181 Le dia logue suivant commence da ns la ma gni-fique t ona li té de Mi bémo l mineur, pour mod u-ler en Mi majeur lorsque Viole t ta demande àGermont de l ’embrasser. Si toutes les modula-

t ions de Verd i ne son t pa s systéma t iquem entstra té g ique s, celle-ci en est b ien une , q ui illuminele t erme «f ig l ia »et lui confère dans ce contexteun relief particulièrement accusé. Germont – onle remarquera à ses deux exclamations succes-sives et à sa long ue te nue d a ns son reg istre a igu– est définitivement conquis par Violetta.

190 Le trauma tisme se résorbe en un chant so len-nel et funèbre. La battue inexorable des cordesen n oires, pp , pizzicato , est e xa ctement celle q uia ccompa gn era Violetta da ns son a ir de l ’a cte III«Ah gran Dio, morir sì gio vine ». La t en sio n int é-rieure de Violetta est maximale, figurée par le

de ssin rythm ique de sa lig ne vocale . Plusque de pressentiments, on parlera ici de certi-tud e. De fa it , le destin d’un êt re n’est-il pas ava ntto ut le résultat d’un choix intérieur ?

Exemp le 21 

192 Lorsq ue , pour f in i r, Vio le t t a implore q u ’Al-fred o sache a u mo ins un jour la vérité («conosca 

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Allegro moderato

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Cui res- ta un u-ni-co, un u - nico raggiodi be - ne...

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U>E . X l eChe a lei il sa - cri-fi -ca e che morrà, E morrà, e morrà.

L’Avant-Scène Opéra n° 51

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GERMONTSoyez de ma familleL’ange consolateur…Ah, soyez l’ange consolateur.

VIOLETTADites à la jeune fille si belle et pure,Qu’il est une malheureuse victime du sort,À qui ne restait qu’un unique rayon de bonheur...Qu’elle le lui sacrifie, et qu’elle en mourra!Et qu’elle mourra, elle mourra.

GERMONTPleure, pleure, pleure, ô malheureuse,Suprême est, je le vois bien, le sacrifice,Le sacrifice que je te réclame…

 Je ressens déjà tes peines dans mon âme…Courage, et ton noble cœur vaincra!Et ton cœur vaincra!Suprême est, je le vois, etc.

VIOLETTA

Dites à la jeune fille, etc.Ordonnez.

GERMONTDites-lui que vous ne l’aimez pas.

VIOLETTAIl ne le croira pas.

GERMONTPartez…

VIOLETTAIl me suivra.

GERMONTAlors…VIOLETTAEmbrassez-moi comme votre fille! Je trouverai ainsiDu courage.( I ls s’embrassent .) Sous peu, il vous sera rendu.Mais affligé plus qu’on ne saurait dire… À son secoursVous accourrez d’ici.( Lui indi quant le jardin, Violetta se dispose àécri re.) 

GERMONTÀ quoi pensez-vous?

VIOLETTASi vous le saviez, vous vous opposeriez à mes projets…

GERMONTÔ généreuse! Et pour vous, que puis-je faire?

VIOLETTA ( se tournant vers lui)  Je mourrai… Je mourrai… Mais qu’au moinsIl ne maudisse pas ma mémoire,Et qu’il soit au monde quelqu’unPour lui révéler mes tourments.

GERMONTNon, généreuse, vous devez

Vivre et vivre heureuse.Un jour du ciel vous recevrezLe prix de tant de larmes!

VIOLETTAQu’il sache le sacrificeAuquel par amour j’ai souscrit,

177GERMONTSiate di mia famigliaL’angiol consolator,Ah, siate l’angiol consolator.

178VIOLETTADite alla giovine sì bella e pura,Ch’avvi una vittima della sventura,Cui resta un unico raggio di bene…Che a lei il sacrifica e che morrà,E morrà, e morrà.

179GERMONTPiangi, piangi, piangi, o misera,Supremo il veggo, è il sacrifizio,È il sacrifizio ch’ora ti chieggo…Sento nell’anima già le tue pene…Coraggio, e il nobil tuo cor vincerà,Ed il cor vincerà!Ah, supremo, il veggo, ecc.

180VIOLETTA

Dite alla giovine, ecc.Imponete.

181GERMONTNon amarlo ditegli.

182VIOLETTANol crederà.

183GERMONTPartite…

184VIOLETTASeguirammi.

185GERMONTAllor…

186VIOLETTAQual figlia m’abbracciate… forteCosì sarò.(S’abbracciano.) 

 Tra breve ei vi fia reso,Ma afflitto oltre ogni dire… a suo confortoDi colà volerete.( indicandogli il giardino. Violetta va per scri vere.) 

187GERMONTChe pensate?

188VIOLETTASapendol, v’opporreste al pensier mio…

189GERMONTGenerosa!… e per voi che far poss’io ?

190VIOLETTA ( tornando a lui) Morrò!… Morrò!… La mia memoriaNon fia ch’ei maledica,Se le mie pene orribiliVi sia chi almen gli dica.

191 GERMONTNo, generosa, vivere

E lieta voi dovrete…Mercé di queste lagrimeDal ciel un giorno avrete.

192VIOLETTAConosca il sagrifizioCh’io consumai d’amore…

33Acte IIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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Et que, jusqu’au dernier, les soupirsDe mon cœur auront été pour lui.

GERMONTIl sera récompensé,Ce sacrifice de votre amour!D’une tâche si nobleVous serez fière alors, oui, oui !

VIOLETTAQu’il sache le sacrifice, etc.

GERMONTVous serez fière alorsD’une tâche si noble.Il sera récompensé, etc.

VIOLETTAQuelqu’un vient par ici: partez!

Che sarà suo fin l’ultimoSospiro del mio cor.

193GERMONTPremiato il sagrifizioSarà del vostro amore,D’un’ opra così nobileSarete fiera allor, sì, sì, sì.

194VIOLETTAConosca il sagrifizio, ecc.

195GERMONTSarete fiera allorD’un’ opra così nobile,Premiato il sagrifizio, ecc.

196VIOLETTAQui giunge alcun: partite!

34 Acte II

i l sacrifi zio »), sa lign e vo cale n e se d éplo ie plus

au niveau de la tonique Sol mais à celui de latierce infé rieure (Mi). Ce «fu tu r an té rieur »de lamélod ie est un voile tom bé sur Violetta : ce n’estdéjà p lus elle. Sa d ernière phrase, q u’elle ne pe uta chever, n’est q ue d ou leur.

205 Violetta est restée seule. C’est un e scène presq uemuet te, où l’expression d es sent iments est confiéeà l’orchestre. Une première fois, elle prend laplume – sa ns dout e po ur accepter l’ invita tion d eFlora (ou, plus cruel encore, pour reprendrecontac t avec un anc ien pro tec teur ) : à deux

repr ises , les cordes ébauchent une f igure dema rche funè bre . Vient a lors le mo ment leplus pénible : celui de la lett re à Alfredo. Un solode clar inet te , d ’une tr is tesse pénétrante , ena ccomp a gn e l’écriture. On en not era le lancina nta ppe l de sixte initial, les silences, le chroma tismeimplicite.

Exemple 22 

210 La scène q ui suit est brève. C’est q ua siment unmon olog ue, qui porte l ’émo tion am oureuse à laplus haute incandescence tragique. Elle est for-mée par 90 mesures d ’un con t i nuum sonorerapide, tendu, fai t de trouvail les mélodiques etde libres déclam a tion s mêlées. Avan t la d ernièrephrase, les paroles de Violetta ne se constituentjamais en un organisme musical clos mais tour-nent sur elles-mêmes, se répètent, se contredi-sen t , se rongent l i t té r a lement d ’ ango isse , dedésespoir rentré. Cet ét a t est a ussi f lag rant da nsle texte musical:

Exemp le 23 

q ue d a ns les mots même d e Violetta («Tu m ’ami,

tu m ’ami , A l f redo », cf . Rigolet to :« È là, non è vero , è là? »). Violett a to urne fé brileme nt surel le-même, hési te , s ’ arrê te , repar t dans uneautre direct ion, s ’essaie à mentir ( faux repos ,esquisse de sourire figuré par les trilles de vio-lons). L’éclairag e se mod ifie sa ns relâ che et l’or-chestre ombre douloureusement la proférationdu loya l mensong e (Violetta : «… sarò là », a ve cles inf lexions chromatiques descendantes desvioloncelles). To ut ceci n’est n i a ir, ni ca va t ine, n imême aria à proprement parler, mais l’expres-sion vocale la plus adéquate, collée au plus près

du fait psychique, d’une femme qui se noie para mo ur. L’orchestre n’est plus q u’un pa q uet d ener fs à vif , se bo rnant à marq uer par des e f fe tsde dynamique ( longs crescendi , f o r t e /piano ) o ude couleur (trilles de violons, chromatisme desvioloncelles), le crescendo de l ’ ac t ion , l e f auxcalme o u l’irruption d e la pa ssion .

 ===============   =lAllegro

& C  ViolettaE E E l H E E E E l H E E E E l

Ai piedi suoi mi gette - rò... Di - visi Ei

 =========      =l &   H E E E E l Hpiù non ne vor - rà...

 

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Clarinette

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L’Avant-Scène Opéra n° 51

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GERMONTOh, combien mon cœur vous est reconnaissant!

VIOLETTAPartez.Nous ne nous reverrons peut-être plus…( I ls s’étreignent.) 

 TOUS LES DEUX

Soyez heureux/se…VIOLETTAAdieu.( I ls se dirigent vers la porte.) 

GERMONTAdieu. (Germont est sur le pas de la porte.) 

VIOLETTAQu’il sache le sacrificeAuquel par amour j’ai souscrit!(pleurant) Et que jusqu’au dernier…( Les larmes lui coupent la parole).Adieu!

GERMONTOui, oui, adieu!

 TOUS LES DEUXSoyez heureux/se… Adieu!(Germont sort par la porte du jardin.) 

Scène

VIOLETTADonne-moi la force, ô ciel…(Elle s’assied et écri t ; puis elle sonne.) 

ANNINAVous m’avez appelée?

VIOLETTAOui : porte toi-mêmeCette lettre.

ANNINA ( surpri se àla vue de l’adresse) Oh!

VIOLETTASilence. Vas-y tout de suite. (Annina sort.) Et maintenant, écrivons-lui…Que lui dire? Qui m’en donnera le courage?

(Elle écri t pui s cachette le pli .) ALFREDO (entrant) 

Que fais-tu?

VIOLETTA ( dissimulant l a lettre) Rien.

ALFREDO Tu écrivais?

VIOLETTA ( troublée) Oui… Non…

ALFREDOQuel trouble! À qui écrivais-tu?

VIOLETTAÀ toi.

ALFREDODonne-moi ce papier.

VIOLETTANon, pas encore.

197GERMONTOh, grato è il cor mio!

198VIOLETTAPartite.Non ci vedrem più forse…(S’abbracciano.) 

199TUTTI E DUE

Siate felice…200VIOLETTAAddio.(Si al lontanano verso la porta.) 

201 GERMONTAddio. (Germont èsul la porta.) 

202VIOLETTAConosca il sagrifizioChe consumai d’amore…(piangendo) Che sarà suo fin l’ultimo…( I l pianto le tronca la parola.) Addio!

203GERMONTSì, sì. Addio!

204TUTTI E DUEFelice siate… Addio!(Germont esce per l a porta del giardi no.) 

Scena

205VIOLETTADammi tu forza, o cielo…(Siede e scrive; suona i l campanello.) 

206ANNINAMi richiedeste?

207VIOLETTASì; reca tu stessaQuesto foglio…

208ANNINA ( guarda la di rezione: sorpresa.) Oh!

209VIOLETTASilenzio… Va all’istante. (Annina parte.)Ed or si scriva a lui…Che gli dirò? Chi men darà il coraggio?

(Scrive poi suggella.) 210 ALFREDO (entra.) Che fai ?

211 VIOLETTA ( nascondendo la lettera) Nulla.

212ALFREDOScrivevi?

213VIOLETTA (confusa) Sì… no…

214ALFREDOQual turbamento!… A chi scrivevi?

215VIOLETTAA te.

216ALFREDODammi quel foglio.

217VIOLETTANo, per ora.

35Acte IIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 37/16436 Acte II

225 D a n s u n t e l co n t e xt e , le c l imax («Amam i ,A l f r edo , amami »), mêm e s ’ il é ta i t a t t end u,arrive comme par surprise. C’est le thème duPrélude du premier acte – ici un des très rarescas où Verdi emploie la t echniq ue g erman iq ued u r i ta rdando non par la s imple mention duterme, ma is pa r la durée dé do ublée des va leursde no tes . C’est un parang on de la déclara t iond ’ amour , une phrase de feu , un vér i t ab le

org a sme vocal du d ésespoir.

Exemp le 24 

 ================      =l & b Ccon passioneViolettafw l

 >H .   Q l H .   Q l h   Ó   l H Q . E lA - ma - mi, Alfre - do, a - ma - mi

 ================      =l & b  >H .   Q l H .   Q l h   Ó   l

ƒw_l>H_

..   E_l>H ..   E l

quan - t’io t’a - mo... A - ma - mi, Alfre - do

 ================      =l & b   >H ..   E l >H ..   E l >H ..   E ldim.

w   l Hquan - t’io t’a - mo, quan - t’ io t’a - - mo...

Œ

L’Avant-Scène Opéra n° 51

en bas : 

«Dammi quel fogli o» Luciano Pavarott i ( Alf redo)et Renata Scotto (Violetta) ,mi se en scène de Luchi no Vi scont i ,Covent Garden, Londres 1965.D. Souther n.

«Di lagrime avea d’uopo» Il eana Cotrubas (Violetta) et Jaume Aragall (Alf redo),mise en scène d’Otto Schenk,

Opéra de Mun ich, 1985.S. Toepffer.

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Scène et Air

ALFREDOAh, ce cœur ne vit que pour mon amour!( I l s’assoit, ouvre un li vre, pui s regarde l’heure.) Il est tard… Et peut-êtreMon père ne viendra-t-il plus, aujourd’hui.

GIUSEPPE ( entrant en hâte) Madame est partie!Une calèche l’attendait et elle s’éloigneDéjà sur la route de Paris. Et AnninaAvant elle avait aussi disparu.

ALFREDO Je le sais… Calme-toi.

GIUSEPPE(Que veut dire cela?)( Il sort.) 

ALFREDOElle va sans doute hâterLa dispersion de ses biens… Mais AnninaL’en empêchera.(On aperçoit son père qui , au loin , t raverse le jardin.) Il y a quelqu’un dans le jardin…( faisant mine de sorti r) Qui est là?

UN COMMISSIONNAIRE( du pas de la porte) Monsieur Germont?

ALFREDOC’est moi.

LE COMMISSIONNAIREUne dameDans une voiture, pas très loin d’ici,M’a donné pour vous ce billet… ( I l donne une lettre à Alfredo, reçoit une pièce en échange et s’en va.) 

Scena ed Aria

226ALFREDOAh, vive sol quel core all’amor mio!(Siede, apre un li bro — guarda l’ora.) È tardi… ed oggi forsePiù non verrà mio padre.

227GIUSEPPE ( entra frettoloso) La signora è partita…L’attendeva un calesse, e sulla viaGià corre di Parigi… Annina purePrima di lei spariva…

228ALFREDOIl so… ti calma.

229GIUSEPPE(Che vuol dir ciò?)(Parte.) 

230ALFREDOVa forse d’ogni avereAd affrettar la perdita… Ma AnninaLo impedirà.(Si vede il padre attraversar da lontano il giardino.) Qualcuno è nel giardino…( per uscire) Chi è là?

231 UN COMMISSIONARIO ( sull a porta) Il signor Germont?

232ALFREDOSon io.

233IL COMMISSIONARIOUna damaDa un cocchio, per voi, di qua non lunge,Mi diede questo scritto…(Dàuna lettera ad Al fredo, ri ceve una moneta e parte.) 

38 Acte II

226 Le ca lme d ’Al f redo , demeuré seul a près ledépart de Violetta, montre – si besoin était – àq uel point il n’a ni com pris ni sent i ce q ui vient d ese passer! Il croit même maîtriser la situation aupoint d e ne rien d evoir cra indre d u d épa rt préci-pité de Violetta. Mais dès qu’arrive la lettre, unpressent iment s’empa re de lui: c’est ce q ue laisseprésa ge r l’accord de 7èm e sa ns quinte ni t ierce quisaisit les cordes au seul énoncé du nom de Vio-letta . Tout a ccord creux, à cause d e l’ incertitud et o n a le q u ’ il e n g e n d r e , e st u n p h é n o m è n e d edés tab i l i s a t ion , de désagréga t ion du d i scoursmusical . En t an t q ue t el , ce son volonta irementvide est souvent associé à l’expression musicalede la mort 6. Alfredo ne l i t que le début de la

lett re, croit to ut comprendre, «éructe »de d ou-leur e t n ’a que le temps de se re tourner pourto mbe r dan s les bra s de son père.

Dans la pièce, le rideau tombait sur ces entre-faits . Mais parfois les impérati fs de l ’opéra nesont pas ceux du théâtre. Le geste théâtral estdramatiquement bien plus for t , mais Verdi e t

Piave se doivent, eux, de fournir à leur p r imo bar i tono ce qu’ i ls ont f ourni à leur sopra no et àleur ténor : un grand a ir à caba le t te .

235 L’a ir de Germont («Di Pro venza 

») est e n d eu xstrophes identiques, principalement constituéespa r un petit développem ent d e la r ito urnelle desvents q ui lui sert d ’int rodu ction. Le procéd é vienten dro i te l i gne de Donize t t i ( encore que lescordes accomplissant tristement leur devoir fas-sent ég a lement son g er à Bellini). On créditera icile compo siteur d’avoir ag i inte ntionnellement etd’a voir voulu fa ire correspo nd re un style musicalconventionnel, vieil l i , à cette évocation nostal-g ique da ns la bouche d ’un vie il homme… maison comprend parfaitement que ces paroles bla-

fa rdes n’aient pa s gra nd eff et sur Alfredo !

243 La meilleure péda go gie étant la répétit ion, l’ im-per turbab le Germon t recommence. On no te radans sa caba le t te («No, non ud ra i  ») l’e m plo id’un mot if de q ua tre doub les croches, qu’on rap-prochera des mot ifs a na logues présent s dans la

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ALFREDODe Violetta!… Pourquoi suis-je troublé?Sans doute m’invite-t-elle à la rejoindre…

 Je tremble. Ô ciel… Courage!( I l ouvre le bill et.) «Alfredo, quand vous parviendra cette lettre…»( I l pousse un cri .) Ah!… (En se retournant, i l tombe dans les bras de son père.) 

Mon père!GERMONTMon enfant!Oh, combien tu souffres! Oh, sèche tes larmes,Redeviens de ton père l’orgueil et la fierté.(Alfredo, désespéré, se laisse tomber àcôtédu guéridon, la tête entre les mains.) La mer, le sol de Provence,Qui les a bannis de ton cœur?À l’étincelant soleil de l’enfanceQuel destin t’a arraché?Oh, dans le deuil, rappelle-toiQu’y brillait pour toi la joie,Et que là-bas seulement la paixPeut sur toi encore s’épancher.Dieu m’a guidé… Dieu m’a guidé!Ah, tu ne sais pas combien

 Ton vieux père a souffert: Toi parti, la tristesseSon foyer a recouvert.Mais si je te retrouve enfin,Si l’espoir ne m’a point trompé,Si la voix de l’honneur

En toi ne s’est pas éteinte,Si je te retrouve enfin,Si l’espoir ne m’a point trompé,Dieu m’a exaucé, Dieu m’a exaucé!( secouant Al fredo) 

 Tu ne réponds rien à l’affection d’un père?

ALFREDOMille serpents me dévorent le cœur…( repoussant son père) Laissez-moi.

GERMONT Te laisser!…

ALFREDO( résolu) (Oh, vengeance!)

GERMONTPartons sans retard… Hâte-toi…

ALFREDO(Ah, c’est Douphol !)

GERMONTM’entends-tu?

ALFREDONon!

GERMONT

Ainsi, je t’aurais retrouvé en vain?Non, tu n’entendras aucun reproche:Couvrons le passé d’oubli ;L’amour qui m’a guidéSaura tout pardonner.Viens revoir avec moi

234ALFREDODi Violetta!… Perché son io commosso?A raggiungerla forse ella m’invita…Io tremo!… Oh ciel!… Coraggio !…(Apre la lettera.) «Alfredo, al giungervi di questo foglio…»( un grido) Ah!… (Si volge e si trova nelle braccia del padre.) 

Padre mio!235GERMONT

Mio figlio!Oh quanto soffri !… Oh, tergi il pianto,Ritorna di tuo padre orgoglio e vanto.(Al fredo disperato siede presso il tavolino col volto fra le mani.) Di Provenza il mar, il suol,Chi dal cor ti cancellò?Al natio fulgente solQual destino ti furò?Oh rammenta pur nel duolCh’ivi gioia a te brillò,E che pace colà solSu te splendere ancor può,Dio mi guidò… Dio mi guidò!Ah, il tuo vecchio genitor

 Tu non sai quanto soffrì, Te lontano, di squallorIl suo tetto si coprì,Ma se alfin ti trovo ancor,Se in me speme non fallì,Se la voce dell’onor

In te appien non ammutì,Ma se alfin ti trovo ancor,Se in me speme non fallì,Dio m’esaudì, Dio m’esaudì !( scuotendo Alf redo) Né rispondi d’un padre all’affetto?

236ALFREDOMille serpi divoranmi il petto…( respingendo il padre) Mi lasciate…

237GERMONTLasciarti !…

238ALFREDO(risoluto) (Oh, vendetta!)

239GERMONTNon più indugi, partiamo… t’affretta…

240ALFREDO(Ah, fu Douphol!)

241GERMONTM’ascolti tu?

242ALFREDONo!

243GERMONT

Dunque invano trovato t’avrò?No, non udrai rimproveri ;Copriam d’obblio il passato;L’amor che m’ha guidatoSa tutto perdonar.Vieni, i tuoi cari in giubilo

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Les tiens, remplis de liesse:À qui a tant souffertNe refuse pas cette joie,Un père et une sœurHâte-toi de consoler.

ALFREDOMille serpents me dévorent le cœur…

GERMONTM’entends-tu?

ALFREDONon!(Se reprenant, il avise sur le guéri don la lett re de Flora, l a parcourt et s’exclame:) Ah! Elle est à la fête! Courons-yVenger notre offense.( I l s’enfui t précipi tamment, suivi de son père.) 

GERMONTQue dis-tu? Arrête!

Second Finale

Galeri e dans l’hôtel part iculi er de Flora, richement ornée et i lluminée. Une porte au fond et deux sur les côtés. À droite, au premier plan, une table avec tout ce qu’i l faut pour j ouer ; àgauche, une desserte portant des fl eurs et rafraîchi ssements; divers sièges et un di van.Flora, le Marquis, le Docteur et d’autres invi tés entrent par la gauche, conversant entre eux.

FLORA

Une parade masquée égaiera la soirée,Conduite par le petit vicomte… J’ai aussi invité Violetta et Alfredo…

Con me rivedi ancora;A chi penò finora

 Tal gioia non negar.Un padre ed una suora

 T’affretta a consolare.

244ALFREDOMille serpi divoranmi il petto…

245GERMONTM’ascolti tu?

246ALFREDONo.(Scuotendosi, vede sul la tavola la lettera di Flora, la scorre ed esclama :) Ah!… ell’è alla festa… volisiL’offesa a vendicar.(Fugge precipitosamente inseguito dal padre.) 

247GERMONTChe dici? Ah, ferma!

Finale secondo

Galleri a nel palazzo di Flora, r iccamente addobbata e ill u- minata. Una porta nel fondo e due laterali . A destra, più avanti un tavoliere con quanto occorre pel giuoco: a sini s- tra, ri cco tavoli no con fiori e ri nfreschi, varie sedie e un divano.Flora, i l M archese, i l D ottore ed altr i invitati entrano dalla sinistra, discorrendo fra loro.

248FLORA

Avrem lieta di maschere la notte;n’è duce il viscontino…Violetta ed Alfredo anco invitai…

40 Acte II

scène de Violetta : on les ente ndra ici une bon nedizaine de fois. Ce dessin un peu lourd est asso-cié à un trait précis de la psychologie de Ger-mont : sa téna cité .

Exemple 25 

Mais si un certa in cha rme se dé ga g ea it encore del ’ a i r , la cabale t te n ’échappe plus du tout à lam o n o t o n i e d e s o n p r o p o s 7 ( i l es t d ’usage del’omettre). Du reste, elle n’a pas plus d’effet surAlfredo que l ’ a i r précédent e t , complètementhors de lui, il se précipite chez Flora avec l’idée

d’y «confo nd re »sa ma îtresse.

Finale du deuxième acte

248 La scène f inale de l ’ac te , en to ta le rupture desituation avec la scène précédente, est entière-ment placée sous le signe de la fête 8. La fêt e a

to ujours fa sciné Verdi – no n pa s ta nt pou r son cli-mat propre auquel i l demeurait assez étranger,mais à cause des mult iples possibi l i tés decontrastes drama tiques q u’elle permet. L’apo gé ede cette organisation est , sans aucun doute, Un 

Bal masqué où la structure d e la fêt e sous-tendnon plus des scènes isolées mais l’opéra entier.La scène est en de ux volet s d’inég a le durée. Le

premier, le plus bref , est constitué pa r une suitede d ivertisseme nt s (sort e de p et it ba llet à la pa ri-sienne, chanté) ; le second, qui commence avecl’a rrivée d’Alfred o, ma rqu e la reprise de l’a ctionet s ’achève par un large concertato – un de cesgrands ensembles vocaux qui couronnent sou-vent, dans les opéras de Verdi, les plus beauxfinales d’actes médians (Macbeth /a cte II, Simon Boccanegra /a cte I, Don Carlo /a cte III).

255 La fon ct ion des divert issement s (Tzigan es e tto réado rs) est c la i re : il s’ ag it de m éna ger unerespira tion n écessa ire à la p a rtition, et d ’insta llerune solide plag e de ten sion z éro ent re les af fron-tements auxquels nous venons d’assister et ceuxq ui se préparent. On notera a u passa ge, une fo is

 =============   =l ? bb c Œ   ‰ .Germont

πX E.   X E .   X l .œ» .œ» .œ» .œ»   ENo, non udrai rim - pro - ve - ri ;

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LE MARQUISVous ne savez pas la nouvelle?Violetta et Germont se sont séparés.

FLORA ET LE DOCTEUREst-ce possible?

LE MARQUISElle viendra ici en compagnie du Baron.

LE DOCTEUR Je les ai vus hier encore! Ils paraissaient heureux…(On entend des brui ts provenant de la droite.) 

FLORASilence… Entendez-vous?

FLORA, LE MARQUIS ET LE DOCTEUR (allant vers la droite) Voici nos amis!

CHŒUR DES GITANES ( Certaines ti ennent une baguette et d’autres portent un tambourin.) Nous sommes de petites gitanesVenues de très loin:

De chacun dans la main,Nous lisons l’avenir.Lorsque nous consultons les étoilesRien ne nous est obscur, non,Et les événements futursNous pouvons vous prédire.Lorsque nous consultons les étoiles, etc.

PREMIÈRE PARTIE DU CHŒURVoyons! ( consultant la main de Flora) Vous, Madame,Vous avez beaucoup de rivales…

SCEONDE PARTIE DU CHŒUR ( li sant dans la main du Mar- quis) Marquis, vous n’êtes pointUn modèle de fidélité.

FLORA ( au Marquis) Vous continuez à faire le galant?Bien, vous me le paierez!

LE MARQUIS (àFlora) Que diable allez-vous croire?Ces accusations sont fausses!

FLORALe renard a beau changer de pelage,

Il n’en garde pas moins ses vices.Mon cher Marquis, prudenceOu vous vous en repentirez!

LE DOCTEUR ET LE CHŒURAllons, jetons le voileSur les choses du passé:Oui, ce qui est fait est fait,Songez à l’avenir!

FLORA ET LE MARQUISAllons, jetons le voileSur les choses du passé:

Oui, ce qui est fait est fait,Songeons à l’avenir!

LE DOCTEUR ET LE CHŒURAllons, jetons le voileSur les choses du passé:Oui, ce qui est fait est fait,

249MARCHESELa novità ignorate?Violetta e Germont sono disgiunti.

250FLORA E DOTTOREFia vero?

251 MARCHESEElla verrà qui col Barone.

252DOTTORELi vidi ieri ancor!… parean felici.(S’ode un rumore a destra.) 

253FLORASilenzio… Udite?

254FLORA, MARCHESE E DOTTORE ( vanno verso la destra.) Giungono gli amici.

255CORO DI ZINGARELLE ( una parte di queste Zingarell e terràin mano una bacchetta, l’alt ra parte un tamburello.) Noi siamo zingarelleVenute da lontano;

D’ognuno sulla manoLeggiamo l’avvenir.Se consultiam le stelle,Null’avvi a noi d’oscuro, no,E i casi del futuroPossiamo altrui predir.Se consultiam le stelle, ecc.

256PRIMA PARTE DEL COROVediamo! ( osservando la mano di Flora)Voi, signora,Rivali alquante avete…

257SECONDA PARTE DEL CORO ( osservando la mano del Mar- chese) Marchese, voi non sieteModel di fedeltà.

258FLORA ( al M archese) Fate il galante ancora?Ben, vo’ me la paghiate…

259MARCHESE ( a Flora) Che diamin vi pensate?L’accusa è falsità.

260FLORALa volpe lascia il pelo,

Non abbandona il vizio…Marchese mio, giudizio,O vi farò pentir…

261DOTTORE E COROSu via, si stenda un veloSui fatti del passato;Già, quel ch’è stato è stato,Badate all’avvenir.

262FLORA E MARCHESESu via, si stenda un veloSui fatti del passato;

Già, quel ch’è stato è stato,Badate all’avvenir…

263DOTTORE E COROSu via, si stenda un veloSui fatti del passato;Già, quel ch’è stato è stato,

41Acte IIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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Songeons à l’avenir!(Flora et le Marquis se serrent la main.) (Gaston et des hommes déguisés en matadors et picadors espagnols entrent vi vement par la droite.) 

GASTON ET LE CHŒUR DES HOMMESNous sommes des matadors de Madrid,Les héros de l’arène aux taureaux,Venus tantôt jouir du tapageQue l’on fait à Paris en l’honneur du Bœuf gras ;S’il vous plaît, nous vous dirons un conteEt vous saurez quels amants nous sommes!

FLORA, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ET LE CHŒUR DES FEMMESOui, oui, bravo, racontez,Nous l’entendrons avec plaisir.

GASTON ET LE CHŒUR DES HOMMESÉcoutez.Piquillo est un beau gaillard,Un matador de Biscaye,Le bras fort, le regard fier,

C’est le roi des corridas.D’une jeune AndalouseFollement il s’est épris,Mais la belle, un peu rétive,Au jeune homme parle ainsi :Cinq taureaux, en un seul jour,

Badate all’avvenir.(Flora ed i l Marchese si str ingono la mano.) (Gastone ed altri mascherati da Mattadori e Piccadori spagnuoli ent rano vivacemente dalla destra.) 

264GASTONE E CORO DI UOMINIDi Madride noi siam mattadori,Siamo i prodi del circo de’ tori,

 Testé giunti a godere del chiassoChe a Parigi si fa pel Bue grasso;E una storia, se udire vorrete,Quali amanti noi siamo saprete.

265FLORA, DOTTORE, MARCHESE E CORO DI DONNESì, sì, bravi ; narrate, narrate;Con piacere l’udremo.

266GASTONE E CORO DI UOMINIAscoltate.È Piquillo un bel gagliardoBiscaglino mattador:Forte il braccio, fiero il guardo,

Delle giostre egli è signor.D’andalusa giovinettaFollemente innamorò;Ma la bella ritrosettaCosì al giovane parlò:Cinque tori in un sol giorno

42 Acte II

encore, une t rès specta cula ire chute d e l’origina -l i té dans l ’ inspira t ion de Verdi lorsque sonhéroïne n’est plus en scène… La vérité a rtistique

de Violetta est en effet si a bo utie que, même pa rdéf a ut, e lle rejaillit sur l’œ uvre ent ière.

272 L’appa rente désinvolture d’Alfredo à son a rri-vée a tout pour enchanter les participants à lafêt e : son insensibilité ap pa rente les comb le et lesrassure à la fois. Il n’y a donc pas d’esclandre àredout er ; et on se met à jouer.

277 Le déb ut du jeu, ainsi q ue l’arrivée de Violetta ,coïncident a vec l’ irruption d’un thè me d’a ctiona éré, vif, estrem ament e piano , qui f igure à mer-veille l’af fa ireme nt : on ba t les carte s, on d istri-bue , on joue , on passe… ma is l’ emplo i d ’une

tonal i té mineure , du regis tre exceptionnel le-ment gra ve de la clarinett e, ainsi que les acciac- cature sur chaque note dénoncent l ’électricitédans l’air.

Exemple 26 

Cette f igure théma tique – par fa i tement a udiblea lors qu’elle ne s’élève ja ma is a u-de ssus du pia- nissimo – ressemble à un murmure incessant dela fou le , qu i t ap i sse une sor te de con t i nuum son ore d u jeu.

L’élément de cantabi le fo urni à trois reprises etexpr imant la détresse de Viole t ta se s i tue enoppo sition complète a vec la f igure du jeu, dont

il interromp t un insta nt le cours sa ns q u’on pe rdele sentiment de la tension dramatique. Ce sontces deux idées qui construisent à elles seules,comme dans la première scène de l ’opéra , lastructure musicale de cette scène, bâtissant unesorte d e fa ux crescendo q ui correspond à la t en-sion croissante entre Alfredo e t Douphol . Laphrase de Violetta est bouleversante, qui s’élèveet reto mbe en un e plainte désolée : courbe-typede l’expression verdienne d u dé sarroi amo ureux,elle est très proche d’un des thèmes de Leonora(le Trouvère ) et préfigure celui d’Amelia, dans

son a ir à l ’a cte II du Bal masqué .

Exemp le 27 

 ================      =lFa m

& bbbb 68e_

Allegro agitatoClarinette

π  œ«__‰ e_ q_

  ‰  l .œ«_ .œ« .œ«_ .œ« .œ«_ .œ« q_  ‰  l

œ«j__ œ«__‰ e_ œ«__

‰  lG   GGG =========      =l & bbbb

.œ«_ .œ«_ .œ«_ .œ«_ .œ«_ .œ«_ q_  ‰  l

 

 ================      =

llllll &   bbbb 68

 

con espansione

 

Le Trouvère (Tacea la notte)

E   l  Q .   n Q . l  Q . n Q . l  Q.   œ»   b œ»   œ»   l  Q

 

gli ac

 

-cor

 

- di

 

d’un

 

li

 

- ce

 

- - - to

 ================      =

 

Allegro agitato

&   bbbb 68 

La Traviata

Q .   Q . l  Q . n Q . l  Q. Q .

l  Q. b Q E l  Q .   Q . l

 

Ah !

 

per

 

- ché

 

venni, in

 

- cauta !

 

Pietà,

 

gran

 

Violetta

 

Leonora

 ===========    =l &   bbbb   Q .   .E   .E   .e  l  Q .   Q̂ .   l  q 

Dio,

 

pietà

 

gran

 

Dio,

 

di

 

me !

 (Violetta)

L’Avant-Scène Opéra n° 51

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 Je veux te voir terrasser,Et si tu vaincs, à ton retour,Main et cœur te veux donner.Bien, lui dit le matador;En l’arène il s’en est alléEt ses cinq taureaux, vainqueur,Sur le sable il a couchés!

FLORA, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ET LE CHŒUR DES FEMMESBravo, bravo au matador!Il s’est montré bien vaillantEn prouvant de cette façonÀ la belle son amour!

GASTON ET LE CHŒUR DES HOMMESPuis, revenu sous les bravosVers la belle de son cœurIl reçut le prix convoitéEntre les bras de l’amour.

FLORA, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ET LE CHŒUR DES FEMMESPar ces exploits, les matadors

Savent les belles conquérir!GASTON ET LE CHŒUR DES HOMMESMais chez nous les cœurs sont plus doux ;Il nous suffit de badiner.

 TOUSOui, mais d’abord, joyeusement

 Tentons diversement le sort:Ouvrons désormais le champAux joueurs audacieux!Oui, mais d’abord, joyeusement, etc.( Les hommes ôtent leur masque; certains vont se prome- 

ner tandi s que d’autres se mettent àjouer.) (Entre Alf redo.) 

FLORA, GASTON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ET LE CHŒURAlfredo!… Vous!…

ALFREDOOui, mes amis…

FLORAEt Violetta?

ALFREDOQui sait?

FLORA, GASTON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ET LE CHŒUR

Belle désinvolture, bravo! Allons, on peut jouer.(Gaston bat le jeu, Al fredo et d’autres misent.) (Entre Violetta, au bras du baron; Flora va àleur rencontre.) 

FLORAOn espérait ta présence!

VIOLETTA Je n’ai pu résister à ton aimable invitation.

FLORA Je vous sais gré, Baron, de l’avoir aussi acceptée.

LE BARON ( bas àVioletta) Germont est ici! Le voyez-vous?

VIOLETTA (àpart) (Mon Dieu, c’est vrai !) ( bas au Baron) 

 Je vois.

LE BARON (sombrement) À cet Alfredo, n’adressez pas un mot.Pas un mot, pas un mot!

Vo’ vederti ad atterrar;E, se vinci, al tuo ritornoMano e cor ti vo’ donar.Sì, gli disse, il mattadoreAlle giostre mosse il piè;Cinque tori, vincitore,Sull’arena egli stendè…

267FLORA, DOTTORE, MARCHESE E CORO DI DONNEBravo, bravo il mattadore,Ben gagliardo si mostrò,Se alla giovane l’amoreIn tal guisa egli provò!

268GASTONE E CORO DI UOMINIPoi, tra plausi, ritornato,Alla bella del suo cor,Colse il premio desiato

 Tra le braccia dell’amor.

269FLORA, DOTTORE, MARCHESE E CORO DI DONNECon tai prove i mattadori

San le belle conquistar.270GASTONE E CORO DI UOMINI

Ma qui son più miti i cori;A noi basta folleggiar.

271 TUTTISì, allegri, or pria tentiamoDella sorte il vario umor;La palestra dischiudiamoAgli audaci giuocator,Sì, allegri, or pria tentiamo, ecc.(Gli uomini si tolgono la maschera ; chi passeggia e chi si 

accinge a giuocare.) (Entra Al fredo.) 

272FLORA, GASTONE, DOTTORE, MARCHESE E COROAlfredo!… Voi !…

273ALFREDOSì, amici…

274FLORAVioletta?

275ALFREDONon ne so.

276FLORA, GASTONE, DOTTORE, MARCHESE E CORO

Ben disinvolto!… Bravo!… Or via, giuocar si può.(Gastone si pone a tagli are, Alf redo ed alt ri puntano.) (Entra Violetta a braccio del Barone. Flora va loro incontro.) 

277FLORAQui desiata giungi.

278VIOLETTACessi al cortese invito.

279FLORAGrata vi son, Barone, d’averlo pur gradito.

280BARONE ( piano a Violetta) Germont è qui !… il vedete?

281VIOLETTA ( da sé) (Cielo ! gli è vero!) ( piano al Barone)Il vedo.

282BARONE (cupo) Da voi non un sol detto si volga a questo Alfredo…Non un sol detto! non un detto!

43Acte IIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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VIOLETTA (àpart) Ah, imprudente, pourquoi suis-je venue?Pitié, grand Dieu, pitié, Grand Dieu, pitié pour moi!

FLORA ( fai t asseoir Violetta sur le divan, auprès d’ell e, tandi s que le docteur se rapproche et que le Marquis s’at tarde àdiscuter avec le 

Baron ; àla table de jeu, Gaston coupe, Alf redo et quelques autres 

misent, d’autres encore passent.) 

Assieds-toi près de moi. Raconte: quelle est cette[nouveauté?

(Flora et Violetta devisent entre ell es.) 

ALFREDOUn quatre!

GASTON Tu as encore gagné.

ALFREDOMalheureux en amour,Heureux au jeu!( I l mise et gagne.) 

GASTON, LE MARQUIS ET LE CHŒUR DES HOMMESIl gagne toujours!…

ALFREDOOh, ce soir, je vais gagner, et l’argent remporté,

 J’irai en jouir tranquillement, ensuite, à la campagne!

FLORASeul?

283VIOLETTA ( da sé) Ah perché venni, incauta! pietà, gran Dio, pietà,Gran Dio, pietà di me!

284FLORA ( fa sedere Violetta presso di sésul divano ; i l Dot- tore si avvicina ad esse; i l M archese si tratt iene a parte col Barone; Gastone taglia, Alfredo ed altr i puntano, altr i passeggiano.) Meco t’assidi ; narrami: quai novità vegg’io?

(Flora e Violetta parlano fra loro.) 

285ALFREDOUn quattro!

286GASTONEAncora hai vinto.

287ALFREDOSfortuna nell’amoreVale fortuna al giuoco…(Punta e vince.) 

288GASTONE, MARCHESE E CORO DI UOMINIÈ sempre vincitore!…

289ALFREDOOh, vincerò stasera, e l’oro guadagnatoPoscia a goder tra’ campi ritornerò beato.

290FLORASolo?

44 Acte II

Mais i l importe de re lever que laphrase de la Traviat a est d ’une toutau tre nat ure que celle du Trouvère : cen’est pa s l’élément d’un a ir ma is unefigure récurrente qui, isolant très dis-tinctement Violetta dans la foule, luipermet , avec cet te seule phrase , dedo miner tout ce passag e. De plus, unetechnique simple de modification del ’ accompagnement i l lusFtre la pro-gression de l’ ang o isse : un procédétypiquement verdien dans l ’ immédia-tet é de son eff ica cité 9.

323 On marque une pause ; le s par t ici-pa nt s sort ent de la p ièce pou r dîner, lethème du jeu se dé f a i t r ap idement .Viole t ta a décidé d e mett re en ga rdeAl f redo con t re Douphol , don t e l lecraint le pire; son agitation est bros-sée en cinq mesures d ’un tournoie-ment ins trumental par t icul ièrementpérilleux.

L’Avant-Scène Opéra n° 51

«(Frenatevi, o vi l ascio.) » Forbes Robinson (Douphol) et M ari aCal las (Violet ta) , mise en scène de Tyrone Guthr ie, Covent Garden, Londres 1958.R. Wood.

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ALFREDONon, non, avec celle qui y était à mes côtés,Avant de me fuir…

VIOLETTA(Mon Dieu!)

GASTON (montrant Violetta àAlf redo) (Aie pitié d’elle!)

LE BARON (àAlfredo, avec une irr i tat ion mal contenue) Monsieur!…

VIOLETTA ( bas au Baron) (Contenez-vous ou je m’en vais!)

ALFREDO ( désinvol te) Baron, vous me parliez?

LE BARON (ironique) Votre chance est si grande que vous me piquez au jeu.

ALFREDO ( de même) Ah oui? J’accepte le défi.

VIOLETTA (àpart) 

(Que va-t-il se passer? Je me sens mourir!Pitié, grand Dieu, pitié de moi!…)

LE BARON (misant) Cent louis à droite…

ALFREDO (misant) Et cent à la manque…

GASTON (donnant) Un as… un valet…(àAl fredo) 

 Tu gagnes!

LE BARONLe double?ALFREDOD’accord pour le double.

GASTON (donnant) Un quatre… un sept…

LE MARQUIS, LE DOCTEUR ET LE CHŒUREncore!…

ALFREDOÀ moi la victoire!

GASTON, LE MARQUIS, LE DOCTEUR ET LE CHŒUR

Bravo, vraiment!… La chance est toute pour Alfredo!…FLORALe baron va financer la villégiature, à ce que je vois.

ALFREDO ( au Baron) Poursuivez donc!(Entre un domesti que.) 

LE DOMESTIQUELe souper est servi.

FLORAAllons-y.

GASTON, LE MARQUIS, LE DOCTEUR ET LE CHŒUR

Allons-y.FLORAAllons-y.

GASTON, LE MARQUIS, LE DOCTEUR ET LE CHŒURAllons-y. ( I ls sortent tous, tandis qu’Alfredo et l e Baron restent en arrière.) 

291 ALFREDONo… No… con tale che vi fu meco ancor,Poi mi sfuggia…

292VIOLETTA(Mio Dio!)

293GASTONE ( ad Alfredo indicando Violetta) (Pietà di lei !)

294BARONE ( ad Alfredo con mal frenata ira) Signor!…

295VIOLETTA ( piano al Barone) (Frenatevi, o vi lascio.)

296ALFREDO (disinvolto) Barone, m’appellaste?

297BARONE (ironico) Siete in sì gran fortuna, che al giuoco mi tentaste.

298ALFREDO (ironico) Sì? La disfida accetto.

299VIOLETTA ( da sé) 

(Che fia? morir mi sento!…Pietà, gran Dio, pietà, gran Dio, di me!)

300BARONE (punta) Cento luigi a destra…

301 ALFREDO (punta) Ed alla manca cento…

302GASTONE (tagliando) Un asso… un fante…( ad Alfredo)Hai vinto!

303BARONEIl doppio?

304ALFREDOIl doppio sia.

305GASTONE (tagliando) Un quattro… un sette…

306DOTTORE, MARCHESE E COROAncora!…

307ALFREDOPur la vittoria è mia!

308GASTONE, DOTTORE, MARCHESE E CORO

Bravo davver!… La sorte è tutta per Alfredo!…309FLORA

Del villeggiar la spesa farà il baron, già vedo.

310 ALFREDO ( al Barone) Seguite pur!(Entra un servo.) 

311 SERVOLa cena è pronta.

312FLORAAndiamo.

313GASTONE, DOTTORE, MARCHESE E CORO

Andiamo.314FLORA

Andiamo.

315GASTONE, DOTTORE, MARCHESE E COROAndiamo.(Tutt i partono, restando indietro Alfredo ed il Barone.) 

45Acte IIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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VIOLETTA (àpart) (Que va-t-il se passer? Je me sens mourir!Pitié, grand Dieu, pitié de moi!…)

ALFREDO ( au Baron) S’il vous plaît de continuer…

LE BARONNous ne pouvons pas pour l’instant:

La revanche sera pour plus tard.ALFREDOAu jeu que vous voudrez.

LE BARONSuivons nos amis… Plus tard…

ALFREDO Je suis à votre disposition.( I ls s’éloignent.) Allons.

LE BARON (de loin) Allons.

(Vi oletta revenant, agitée; ensuite Al fredo) VIOLETTA

 Je lui ai fait signe de me suivre.Va-t-il venir? Voudra-t-il m’écouter?Il viendra, parce que sa haine atrocePeut sur lui davantage que ma voix…

ALFREDOVous m’avez appelé? Que voulez-vous?

VIOLETTAQuittez ces lieux:Un péril vous y menace…

ALFREDOAh, je comprends… Suffit, suffit!Me croyez-vous si vil ?

316VIOLETTA ( da sé) (Che fia? Morir mi sento!…Pietà, gran Dio, pietà, gran Dio, di me!)

317ALFREDO ( al Barone) Se continuar v’aggrada…

318BARONEPer ora nol possiamo:

Più tardi la rivincita.319ALFREDOAl giuoco che vorrete.

320BARONESeguiam gli amici… Poscia…

321 ALFREDOSarò qual bramerete.(Si allontanano.) Andiam.

322BARONE ( ben lontano) Andiam.

(Violetta ri torna affannata, indi Alfredo.) 323VIOLETTA

Invitato a qui seguirmi,Verrà adesso? Vorrà udirmi?Ei verrà, ché l’odio atrocePuote in lui più di mia voce…

324ALFREDOMi chiamaste? Che bramate?

325VIOLETTAQuesti luoghi abbandonate;Un periglio vi sovrasta…

326ALFREDOAh, comprendo!… Basta, basta…E sì vile mi credete?

46 Acte II

324 Alfredo arrive. La scène qui se joue en tre euxn’est que la tragique inversion de celle du pre-mier acte : à une scène d ’honnêteté e t de pro-gressif a ba ndo n m utuel s ’oppo se ici une scène de

mensong e réciproque . Mensong e de l’ hommeq u’une b lessure to ute fraîche fa it souffr ir, men-song e d ésespéré d’une f emme pa r loya uté vis-à -vis d’une pa role do nnée à un a utre. Le tén or esttou t d ’ abord f ro id , ma is sous le pouvo i r del’émot ion sa pa rtie vocale se tra nsforme rapide-men t. La discussion e st cond uite à vive a llure, lesrépl iq ues fusent , l ’orchestre trépign e e tgrond e, et Violetta ne chan te m ême plus. L’ant a -g on isme se révèle b ien sûr i rréduct ible . Pourévoquer le duel possible, le ténor retrouve lesaccents du Tro uvère («S’ei cadrà pe r m ano m ia »)

ta ndis q ue le passag e du vouvoiement a u tut o ie-ment ne fai t qu’accroître la souffrance de Vio-lett a . À l’ag onie, elle se force au suprême et f a uxa v e u : «l ’ amo ». Comp lète me nt ho rs de lui ,Alfredo n’entend pa s da ns la tr iste l ig ne d e chant– une simple tierce descendante – l’étendue du

mensong e, et cett e «trah ison »par f idélité pro-duit la même insoutenable tension que lorsque,dans le Crépuscul e d es di eu x , Siegfried déguiséen Günt her dérobe l ’ anneau à Brünnhilde .

344 Alf redo perd tou t con t rô le . Un vio len t t u t t i  ma rque l ’entrée da ns le f inale de l ’acte. Bla nc derage, les lèvres serrées, dans un sinistre effortd ’ i ronie , i l s ’ a t taque publ iquement à Viole t ta .Tou t, ici, est d a ns son e xpression voca le : la cris-pation de ses mâchoires (piétinement sur unenot e), la colère à gra nd-peine refrénée (sa ut d esixte, p uis de 7èm e) :

œ«   œ«   q

L’Avant-Scène Opéra n° 51

«Va, sciagurato! » Kathleen Cassel lo ( Violetta) et Robert o Alagna (Al fredo) , mise en scène de Francesca Zambell o,

Chorégies d’Orange 1993.Roger-Vio ll et/ C. Masson.

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VIOLETTAAh non, non, jamais…

ALFREDOAlors, que craignez-vous?

VIOLETTA Je crains tout du Baron…

ALFREDO

Il y a entre nous un différend mortel :S’il tombait de ma main,Ce seul coup vous ôteraitLe protecteur avec l’amant.Cette idée vous terrifie?

VIOLETTAMais si jamais il vous tuait!Voilà le seul malheurQui me serait fatal…

ALFREDOMa mort? Que vous importe?

VIOLETTAAh, partez, et partez à l’instant!

ALFREDO Je partirai, si tu jures devant moiQue partout tu me suivras,

 Tu suivras mes pas…

VIOLETTAAh non, jamais.

ALFREDONon! Jamais!…

VIOLETTA

Va, malheureux! Oublie un nom taché de honte…Va, quitte-moi à l’instant.De te fuir

 J’ai fait le serment sacré.

327VIOLETTAAh non, non, mai…

328ALFREDOMa che temete?

329VIOLETTA Temo sempre del Barone…

330ALFREDO

È fra noi mortal questione…S’ei cadrà per mano mia,Un sol colpo vi torriaColl’amante il protettore…V’atterrisce tal sciagura?

331 VIOLETTAMa s’ei fosse l’uccisore!…Ecco l’unica sventuraCh’io pavento a me fatale.

332ALFREDOLa mia morte!… Che ven cale?

333VIOLETTADeh, partite… e sull’istante.

334ALFREDOPartirò, ma giura innanteChe dovunque seguirai,Seguirai i passi miei…

335VIOLETTAAh no, giammai.

336ALFREDONo!… Giammai !…

337VIOLETTA

Va, sciagurato! Scorda un nome ch’è infamato…Va, mi lascia sul momento…Di fuggirti un giuramentoSacro io feci…

47Acte IIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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ALFREDOÀ qui? Dis-le! Qui pouvait l’exiger?

VIOLETTACelui qui en avait le droit.

ALFREDOEst-ce Douphol ?

VIOLETTA ( avec un suprême effort ) 

Oui.ALFREDOAinsi, tu l’aimes.

VIOLETTAEh bien, je l’aime…

ALFREDO ( courant, plein de fureur, ouvrir la porte) À moi, venez tous!(Tous entrent dans la plus grande confusion.) 

FLORA, GASTON, LE BARON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ETLE CHŒURVous nous avez appelés? Que voulez-vous?

ALFREDO (désignant Violetta qui , atterrée, s’appuie sur le gué- ridon) Connaissez-vous cette femme?

FLORA, GASTON, LE BARON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ETLE CHŒURQui ? Violetta?

ALFREDOSavez-vous ce qu’elle a fait?

VIOLETTA(Ah! Tais-toi.)

FLORA, GASTON, LE BARON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ETLE CHŒURNon.

338ALFREDOA chi? Dillo… Chi potea?

339VIOLETTAA chi dritto pien n’avea.

340ALFREDOFu Douphol?

341VIOLETTA ( con supremo sforzo) 

Sì.342ALFREDO

Dunque l’ami.

343VIOLETTAEbben… l’amo…

344ALFREDO ( corre furente a spalancare la porta.) Or tutti a me.(Tutt i entrano confusamente.) 

345FLORA, GASTONE, BARONE, DOTTORE, MARCHESE E CORO

Ne appellaste? Che volete?

346ALFREDO( additando Violetta che abbattuta si appoggia al tavolino.) Questa donna conoscete?

347FLORA, GASTONE, BARONE, DOTTORE, MARCHESE E CORO

Chi ? Violetta?

348ALFREDOChe facesse non sapete?

349VIOLETTA(Ah! taci.)

350FLORA, GASTONE, BARONE, DOTTORE, MARCHESE E CORO

No.

48 Acte II

Exemple 28 

la tension douloureuse (sixte napolitaine sur lablanche pointée) :

Exemple 29 

Enfin, da ns un geste a ussi théâ tra l que vulga ire,Alfredo , à l ’apog ée de sa colère, jett e son a rgent

à l a f i gure de Vio le t t a , exac tement commeOte l lo je t te Desdemona à te r re («A t e r ra e p iang i ! »). Stu peu r, con sterna tio n, réprob a tio ngénérale .

353 À par t ir de l ’in te rvent ion d e Germont , com-

mence le la rgo concer tat o : l ’ ac t ion se f ige e tl ’élément dramatique se dilue en une superbearch i tec ture mus ica le d ’ ensemble où , néan-moins, chacun des principaux protagonistes estclairement caractérisé par les contours et l’arti-cula tion d e sa l ign e vocale. S’opposant au senti-ment de ho nte et à la confusion d ’Alfredo (textemusical figé) :

Exemp le 30 

 =============   =l &•

cAllegro sostenuto

Alfredo

q e. xq ..   X l Q ..   xq   Œ   lO - gni suo aver tal fem - mina

>

 =============   =l &•   q e.   x q ..   X l >H   qPer a - mor mio sper - de - - a...

 ============   =l &• c   ‰ #Alfredo

.E   .E  .E  .E  .E l b

 sixte napolitaine

H_

.  b Q   lOr te - stimon vi chia - mo,  ================ 

     =

l &•bbb c

Alfredo

‰ .   £X b X b X X X ≈ £ X X X X X ≈  £X X X(Ah sì,che feci...! ne sento orrore ! Ge-lo- sa

 =========      =l &•bbb   X X ≈ n £x X b X l X X

smania, de-luso a - more)

L’Avant-Scène Opéra n° 51

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ALFREDOCette femme, pour l’amour de moi,A dilapidé tout son bien;Et moi, aveugle, perdu, lâche,

 J’ai pu tout accepter.Mais il est temps encore! J’entendsDe cette honte me laver…Et je vous prends tous à témoinQu’ici, ici, je l’ai payée!

GASTON, LE BARON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ET LE CHŒUROh quelle horrible infamie

 Tu viens de commettre! Tu assassines par ces motsUn cœur sensible.(À cet instant paraît Germont père.) MisérableQui insulte les femmes,Va-t-en d’ici,

 Tu nous fais horreur!Va, va, va, va, va, va,

 Tu nous fais horreur, etc.

GERMONT ( avec ardeur et di gni té) Il se rend digne de méprisCelui qui, dans sa fureur, peut offenser une femme:Où est mon fils? Je ne le vois plus.En toi, en toiAlfredo je ne reconnais plus, non, non, etc.

351 ALFREDOOgni suo aver tal femminaPer amor mio sperdea…Io cieco, vile, misero,

 Tutto accettar potea.Ma è tempo ancora!… TergermiDa tanta macchia bramo…Qui testimon vi chiamo,Che qui, che qui pagata io l’ho.(Getta con furente sprezzo una borsa a’ pièdi Violetta, che sviene fra le braccia di Flora.) 

352GASTONE, BARONE, DOTTORE, MARCHESE E COROOh, infamia orribile

 Tu commettesti !Un cor sensibile( In questo momento entra Germont.) Così uccidesti!…Di donne ignobileInsultator,Di qua allontanati,ne desti orror!Va, va, va, va, va, va,Ne desti orror, ecc.

353GERMONT ( con dignitoso fuoco) Di sprezzo degno se stesso rendeChi pur nell’ira la donna offende…Dov’è mio figlio? più non lo vedo:In te, in te,In te più Alfredo trovar no, no, non so, ecc.

49Acte IIL’Avant-Scène Opéra n° 51

«Ogni suo aver tal femmina»Natal ie Dessay (Violetta) et Char les Castr onovo (Al fr edo),mi se en scène de Jean-François Sivadier, Fest ival d’Ai x-en-Provence 2011. Pascal Vi ctor.

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ALFREDO (àpart) (Ah, qu’ai-je fait? Quelle horreur j’éprouve!La fureur jalouse, l’amour trompéDéchirent mon âme… Je perds la raison…Elle ne me pardonnera jamais.

 Je voulais la fuir… Je n’ai pas pu,Et je suis venu ici poussé par colère!Maintenant que j’ai exprimé ma rage,

Malheureux, quel remords je ressens!FLORA, GASTON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ET LE CHŒUR(àVioletta) Oh, quelle douleur! Mais prends courage,Chacun ici prend part à ta peine:

 Tu ne comptes que des amis en ces lieux,Sèche donc les pleurs qui t’inondent.

GERMONT (àpart) (Moi seul parmi eux sais quelle vertuCache en son sein la malheureuse:

 Je sais qu’elle l’aime et lui est fidèle,

Et pourtant, cruel, je dois le taire!)LE BARON (bas àAl fredo) L’odieuse insulte faite à cette femmeNous offense tous, mais cet outrageNe sera pas impuni. Je saurai vous prouverQue je peux briser tant d’orgueil !

ALFREDOQu’ai-je fait?Mon Dieu, mon Dieu, quelle horreur!Elle ne me pardonnera jamais.

VIOLETTA ( reprenant connaissance) 

Alfredo, Alfredo, de ce cœur Tu ne connais pas tout l’amour!

354ALFREDO ( da sé) (Ah sì, che feci!… ne sento orrore!Gelosa smania, deluso amoreMi strazian l’alma… più non ragiono…Da lei perdono più non avrò.Volea fuggirla… Non ho potuto…Dall’ira spinto son qui venuto!…Or che lo sdegno ho disfogato,

Me sciagurato! rimorso n’ho!)355FLORA, GASTONE, DOTTORE, MARCHESE E CORO

( a Violetta) Oh quanto peni ! ma pur fa cor…Qui soffre ognuno del tuo dolor:Fra cari amici qui sei soltanto,Rasciuga il pianto che t’inondò.

356GERMONT ( da sé) (Io sol fra tanti so qual virtudeDi quella misera il sen racchiude…Io so che l’ama, che gli è fedele;

Eppur crudele tacer dovrò!)357BARONE ( piano ad Alfredo) 

A questa donna l’atroce insultoQui tutti offese, ma non inultoFia tanto oltraggio… provar vi voglio,Che il vostro orgoglio fiaccar saprò.

358ALFREDOChe feci !Ohimè! Ohimè, che feci ! ne sento orrore…Da lei perdono più non avrò.

359VIOLETTA (riavendosi) 

Alfredo, Alfredo, di questo coreNon puoi comprendere tutto l’amore…

50 Actes II et III

On remarquera la d igni té du père e t le pa thé-tique a dmirablement ma îtr isé d e Violett a , expri-més to ur à t our pa r deux phrases musica les à l’a l-lure rythmique étrangement similaires. Que dedo uceur, q ue d e ma turité (à 23 ans), q ue d e fo rce

contenue da ns la déclara t ion d e Viole t ta !

Exemple 31 

Cueillant alors querelles et désaccords, douleurset a ng oisses, la musiq ue se déploie en un de cesgra nds ensembles q ui subme rge a cteurs et spec-ta teurs d ’une commune émotion.

TROISIÈME ACTE: LA SAINTE

Comme le t ro i s ième ac te de Tristan , l ’ ac teconclusif de la Traviat a est placé sous le doublesigne de l ’attente et de la mort. Au temps vif –

voire a g ressif – et p a rfois éclat é d es actes précé-dents, se substitue un temps uni et lisse, acteursouter ra in , imper turbable , d ’un t r ag iquedé no uem ent . D’a ction, il n’y en a plus. Tout e vel-léité (arrivées successives du médecin, del’a ma nt , du père) se brise con tre l’ inélucta ble : cen’est plus le temp s du t héâ tre ma is celui du rite ,sur lequel passe «la touche merveilleuse de lagrâ ce ». À cett e pureté éclat an te du tem ps dra-matique correspond une écriture musicale ellea ussi épurée.

Compt a nt pa rmi les plus belles pièces a uth ent i-quement orchestrales de Verdi, le Prélude estentièrement conta miné par le thème d e la m ala-die (Ex. 1), désorma is th ème de mo rt, exposé d a nsla tra g ique t on a lité d ’Ut mineur. Puis, en une res-pira tion oppressée, les violons de scenden t lente-ment un e octave chroma tique, do uloureusement

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Alfre - do, Alfre - do, di questo co - re

L’Avant-Scène Opéra n° 51

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 Tu ignores qu’au prix mêmeDe ton mépris je l’ai prouvé.Mais le temps viendra où tu comprendras,

 Tu admettras combien je t’aimais…

FLORA, GASTON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ET LE CHŒUROh, quelle douleur! Mais prends courage!

ALFREDO

Mon Dieu, qu’ai-je fait? Quelle horreur!LE BARON Je saurai vous prouverQue je peux briser tant d’orgueil !

GERMONT(Je sais qu’elle l’aime et lui est fidèle…)

VIOLETTAQue Dieu alors te préserve des remords.Ah, jusque dans la mort, je t’aimerai,Dieu alors te préserve des remords, etc.

FLORA, GASTON, LE DOCTEUR, LE MARQUIS ET LE CHŒUR

 Tu ne comptes que des amis en ces lieux,Sèche donc les pleurs qui t’inondent.

ALFREDOFureur jalouse, amour trompé!Mon Dieu, qu’ai-je fait? Quelle horreur!La fureur jalouse, l’amour trompéDéchirent mon âme… Je perds la raison, etc.

GERMONT(Et moi, cruel, je dois me taireQuand je sais qu’elle l’aime et lui est fidèle, etc.)(Germont emmène son fi ls avec lui ; le Baron les sui t ; le Docteur et Flora entraînent Violetta dans une autre pièce; les invi tés se di spersent .) 

ACTE III

Prélude

La chambre àcoucher de Violetta. Au fond se trouve le li t,dont les rideaux sont àdemi tirés; la fenêtre est close par des volets intérieurs. Près du lit, un tabouret portant une bouteil le d’eau, un verre de cristal et divers médicaments.

À mi-scène, une coiffeuse, près d’un canapé; plus loin se trouve un autre meuble, supportant une vei ll euse; divers sièges et mobilier. La por te se trouve àgauche; en face,une peti te cheminée où brûle un feu.

Scène et Air

(Vi oletta dort sur le li t ; Anni na, assise auprès du feu, s’est aussi assoupie.) 

VIOLETTA ( s’éveillant) Annina?

ANNINA ( se relevant , confuse) 

Vous désirez?VIOLETTA

 Tu dormais, pauvrette!

ANNINAOui, pardonnez-moi…

 Tu non conosci che fino a prezzoDel tuo disprezzo provato io l’ho.Ma verrà tempo in che il saprai…Com’io t’amassi confesserai…

360FLORA, GASTONE, DOTTORE, MARCHESE E COROQuanto peni ! Fa cor!

361ALFREDO

Ohimè! che feci! ne sento orror!362BARONEProvar vi voglioChe il vostro orgoglio fiaccar saprò.

363GERMONT(Io so che l’ama, che gli è fedele.)

364VIOLETTADio dai rimorsi ti salvi allora,Ah!… Io spenta ancora t’amerò,Dai rimorsi Dio ti salvi allora, ecc.

365FLORA, GASTONE, DOTTORE, MARCHESE E CORO

Fra cari amici sei,Rasciuga il pianto che t’inondò, ecc.

366ALFREDOGelosa smania! deluso amor!Ohimè! che feci! ne sento orrore!Gelosa smania, deluso amore!Mi strazian l’alma… più non ragiono, ecc.

367GERMONT(Eppur crudele tacer dovrò.Io so che l’ama, che gli è fedele, ecc.)(Germont trae seco i l f iglio; i l Barone lo segue. Vi oletta è condotta in altra stanza dal Dottore e da Flora ; gli altr i si disperdono.) 

ATTO TERZO

Preludio

Camera da letto di Violetta. N el fondo èun letto con cor- ti ne mezzo ti rate; una finestra chiusa da imposte interne; presso il letto uno sgabell o sui cui una bott iglia d’acqua,una tazza di cristal lo, di verse medicine. A metàdell a 

scena una toilette, vicino un canapé; più distante un altro mobile su cui arde un lume da notte ; vari e sedie ed alt ri mobil i . La porta èa sinistra ; di fronte v’èun caminetto con fuoco acceso.

Scena ed Aria

Violetta dorme sul letto ; Annina, seduta presso il cami - netto, èpure addormentata.

368VIOLETTA ( svegliandosi) Annina?

369ANNINA ( destandosi confusa) 

Comandate?370VIOLETTA

Dormivi, poveretta!

371 ANNINASì, perdonate…

51Actes II et IIIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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VIOLETTADonne-moi un peu d’eau.(Annina s’exécute.) Regarde: le jour est-il levé?

ANNINAIl est sept heures.

VIOLETTA

Laisse un peu entrer la lumière.ANNINA ( ouvrant les volets et regardant dans la rue) Monsieur de Grenvil…

VIOLETTAOh, le véritable ami!…

 Je veux me lever… Aide-moi.(Elle tente de se lever mai s retombe; puis, soutenue par Anni na, elle se dirige lentement vers le canapé. Le Doc- teur paraît àtemps pour l a soutenir.) Que de bonté! Vous pensez à moi au bon moment!

372VIOLETTADammi d’acqua un sorso.(Anni na eseguisce.) Osserva, è pieno il giorno?

373ANNINASon sett’ore.

374VIOLETTA

Da’ accesso a un po’ di luce.375ANNINA ( apre le imposte e guarda nella via.) Il signor di Grenvil…

376VIOLETTAOh il vero amico!…Alzar mi vo’… m’aita.(Fa per alzarsi, ma ricade; poi, sostenuta da Annina, va lenta verso i l canapè. Il Dottore, i n tempo per sostenerla.) 

Quanta bontà!… pensaste a me per tempo!

52 Acte III

accentuée. Enf in s ’épanoui t miraculeusementune m élod ie nouvelle : c’est un e phra se d’inspi-ration si libre q u’on la dirait écha ppée à q uelquenocturne d e Chopin.

Exemple 32 

Pour toute cadence, cette page se résorbe pro-

gressivement en un trille de violons (tous les ins-trume nt s, puis 4, puis 2), discrètem ent pon ctuéspar les bois soli . Une fo is encore , on aura é téf r appé par les propor t ions e t l e c l imat demus ique de chambre , a ins i que par le f eu t régénéral des nuances qui dominent cette pièce.Du début à la f in , les premiers vio lons ont la

mélodie, tandis que les cordes résiduelles et lesbois (exclusivement utilisés en pupitres solistes)ne fournissent que le plus discret des accompa-gnements . C ’es t l e dénuement ex t rême de saconception q ui rend cette pa ge si émouva nte, siuniverselleme nt do uloureuse.

Les actes précéden ts nous a vaient a mplementfamiliarisés avec les grandes qualités humainesde l ’héroïne : son cha rme et sa g aieté (acte I), sagé nérosité, son d ésintéressement et son ab nég a-

tion (acte II). Si on trouve ces composan tes decaractère à des degrés variables chez toutes leshéroïnes de Verdi, Violetta est toutefois bien laseule à les posséd er to ute s et à ce deg ré-là : Gildane possède pas sa matur i té , Desdemona sonintelligence, Alice Ford sa profondeur, Amelia sacapa cité a moureuse.

Point ultime de la chute matérielle de Violetta,l’a cte III se révèle, en un mo uvement inverse – ma iscombien plus fort – l ’apogée de son ascensionmorale . Pour que ce propos soi t plus écla tantencore, les auteu rs n’ont pa s hésité à fa ire appel

à la religion : un geste q ui peut sembler désueta ujou rd’hui ma is q ui, en 1850 (en pleine p ériod ede prémices de l ’ordre moral) , prenait un toutautre sens.

368 Les premiers dialog ues de l ’a cte sont un nouvelexemple de l’ invent ion musica le propre à la Tra- viata : c’est la première fois qu’aucun orchestrene vient plus soutenir les mots échangés, enten-dus da ns leur nud ité la plus simple. Ce n’est to u-tefois pas un récit at if secco ordinaire: des bribesrésiduelles du Prélude , mo nt a nt ent re les phra ses,viennent comme mourir à la surface sonore du

dra me. Tout , da ns ces dia log ues , concourt a upathétique: l ’att i tude du docteur, la fête qui seprépare au dehors e t , sur le plan musical , cesphrases figées et lisses d’un chant qui n’en peutplus et q u’accompa gn e un orchestre d ésolé.

396 Annina sor t ie , Viole t t a re l it , pour la én ièmefo is, la lett re de Germon t. À l’opéra, le parlé sur la

 

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L’Avant-Scène Opéra n° 51

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LE DOCTEUROui…( I l lui prend le pouls.) Comment vous sentez-vous?

VIOLETTAMon cœur souffre mais j’ai l’âme tranquille.Hier soir, un ministre du culte m’a réconfortée.Ah! La religion est le secours de ceux qui souffrent.

LE DOCTEUREt cette nuit?

VIOLETTA J’ai eu un sommeil paisible.

LE DOCTEURCourage, donc… La convalescenceNe saurait tarder.

VIOLETTAOh! le pieux mensongeAux médecins est permis!

LE DOCTEUR ( lui étreignant la main) Adieu… À plus tard!

VIOLETTANe m’oubliez pas.( Le Docteur s’en va. Annina le raccompagne.) 

ANNINA ( vite et bas) Comment va-t-elle, monsieur?

LE DOCTEURLa phtisie ne lui laisse que quelques heures encore.( Il sort.) 

ANNINA

Prenez donc courage…VIOLETTAC’est un jour de fête, aujourd’hui ?

ANNINA Tout Paris perd la tête: c’est le Carnaval !

VIOLETTAAh, tandis que tout exulte, Dieu saitCombien de malheureux gémissent… Quellesomme ( le désignant) Reste-t-il dans ce chiffonnier?

ANNINA ( ouvrant et comptant) 

Vingt louis.VIOLETTAPortes-en dix toi-même aux pauvres.

ANNINAIl vous en restera alors fort peu…

VIOLETTAOh, cela me sera bien suffisant!…Va aussi chercher mon courrier.

ANNINAMais vous?

VIOLETTA

 Tout ira bien… Presse-toi, si tu peux…(Annina sort ; Vi oletta ti re de son sein une lettre et la li t.) «Vous avez tenu parole. Le duelA eu lieu… Le Baron a été blesséMais il va mieux… AlfredoEst à l’étranger. Je lui ai moi-même

377DOTTORESì…( Le tocca il polso.) Come vi sentite?

378VIOLETTASoffre il mio corpo, ma tranquilla ho l’alma.Mi confortò iersera un pio ministro…Ah! religione è sollievo ai sofferenti.

379DOTTOREE questa notte?

380VIOLETTAEbbi tranquillo il sonno.

381DOTTORECoraggio adunque… la convalescenzaNon è lontana…

382VIOLETTAOh! la bugia pietosaAi medici è concessa!…

383DOTTORE ( le str inge la mano.) Addio… a più tardi!

384VIOLETTANon mi scordate.( I l D ottore parte; Annina lo accompagna.) 

385ANNINA ( presto e piano) Come va, signore?

386DOTTORELa tisi non le accorda che poche ore.(Esce.) 

387ANNINA

Or fate cor…388VIOLETTA

Giorno di festa è questo?

389ANNINA Tutta Parigi impazza… è Carnevale.

390VIOLETTAAh, nel comun tripudio, sallo IddioQuanti infelici soffron!… Quale somma(indicandolo) V’ha in quello stipo?

391 ANNINA ( apre e conta.) 

Venti luigi.392VIOLETTA

Dieci ne reca a’ poveri tu stessa.

393ANNINAPoco rimanvi allora…

394VIOLETTAOh, mi saran bastanti !…Cerca poscia mie lettere.

395ANNINAMa voi?

396VIOLETTA

Null’occorrà… sollecita, se puoi…(Annina esce; Vi oletta trae dal seno una lettera e legge.) «Teneste la promessa… La disfidaEbbe luogo… Il Barone fu ferito,Però migliora… AlfredoÈ in stranio suolo. Il vostro sagrifizio

53Acte IIIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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Révélé votre sacrifice.Il reviendra vous demander pardon.

 Je viendrai moi aussi. Prenez soin de vous. Vousméritez un avenir meilleur.Giorgio Germont.»Il est bien tard!…(El le se lève.) 

 J’attends, j’attends mais ils n’arrivent jamais!(Elle se regarde dans le mi roir.) Oh, comme j’ai changé!

Io stesso gli ho svelato.Egli a voi tornerà pel suo perdono…Io pur verrò… Curatevi… MertateUn avvenir migliore…Giorgio Germont.»È tardi!…(Si alza.) Attendo, attendo, né a me giungon mai!…(Si guarda nello specchio.) Oh come son mutata!

54 Acte III

lecture d ’une le t tre es t un expédient courant .Ma is a u lieu d ’écrire l’usuelle te nue d e cordes enfond sonore, Verdi a l ’ idée de faire revenir lethème de la déclarat ion d ’Alfredo «Di quel amo r »(Ex. 9). Cet te so rte d e f lash b ack en surimp ressionuti l isé comme un vér i table le i tmotiv d ’amourdurant tout l ’ ac te , annihi le tout sent iment de

convent ion pour ne valoriser q ue l ’aut hent icitéde l’ém ot ion. Ma is Violet ta , à l’inverse de Trist a n,ne d élire pa s: elle sent s’écouler son dé lai et croitdésormais vaine son attente. Même si Alfredorevenait, ce serait t rop t a rd ; et à cette pensée,l’accord de 7ème diminuée souligne son écroule-men t int érieur.

On a évoqué la prégnance de l ’auto-sacrif icechez les héroïnes verdiennes. Cette att i tude a,dans la Traviat a , une empreinte musicale déjàrévélée da ns la scène de l ’a cte II entre Violetta etGermont , qui découle directement de cel le del’amour (Ex.19). L’air qui vient («Add io d el pas- sato »), si pro che d u «Così al la m isera », est d ’uneéga le pureté de f a cture et de l ign e : ici s’achèvel ’expression musicale de la thématique amou-reuse d e l’œuvre.

Exemple 33 

Encore chaude de pass ion, l ’écla tante sect ionmajeure de ce chant («Ah , del la traviata ») futcomplètement réécrite en 1854 et réalisée alorssur le même schéma mélodique que la sectionmineure initiale. On remarquera surtout que le

mot même de «t raviata », pron o ncé po ur la seulefo is da ns l’opéra , l’est da ns un cont exte relig ieux,et on ne fera que suggérer le rapport avec unedes scènes les plus inspirées de Wozzeck o ùMarie, dans une situation analogue, lit la Bible(a cte III, sc. 1). On n ot era enf in la discrèt e pe rti-nence de l’accompa gn ement de cette section q ui,

cantonné dans les registres extrêmes des tessi-tures instrumen ta les, la isse plus de de ux octa vesde vide sono re (une ima ge de la vie d e Violett asa ns Alfredo ?).

Exemp le 34 

397 De manière générale , les commenta teurs ontbea ucoup déploré la pla t itude de la b acchana le .Mais il faut se rendre à l ’éviden ce : comm e a uxactes précédents, une irruption de style festivo fou rnit l’ indispensable élément de cont raste sansleq uel le dram e de Violett a perdra it une grand epartie de sa force. La présence d’un chœur del iesse es t l ’ aboutissement du système drama-

tique déjà signalé aux actes précédents et sou-ligne la déchéance sociale progressive de l ’hé-r o ïn e : a p r è s la f ê t e d o n t Vio l e t t a é t a itl’ instiga trice (a cte I), vint celle q ui marq ua sonisolement dans la collectivité. Voici maintenantcel le dont e l le es t to ta lement exclue . Verdiconnote l ’ indif férence générale au destin de la

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L’Avant-Scène Opéra n° 51

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Et pourtant le Docteur m’exhorte sans cesse à l’espoir.Ah, face à un tel mal, toute espérance est vaine!Adieu, beaux songes riants du passé,Les roses de mon visage déjà ont pâli,Et l’amour d’Alfredo, soutien, réconfortDe mon âme lasse, est perdu aussi.Ah, souris au désir de la dévoyée,Pardonne-lui, oh Dieu, daigne l’accueillir!

Ah, tout, tout est fini, Tout est donc fini.(Elle s’assoit.) 

Bacchanale

CHŒUR ( en coulisses) Place au quadrupèdeSeigneur de la fête,De pampres et de fleursLe front couronné!Place au plus docileDe tous les cornus,Que les cors, les fifresLui fassent un salut!Parisiens, ouvrez le passageAu triomphe du Bœuf gras,Ni l’Afrique, ni l’AsieN’en ont de plus beau,Il fait la fiertéDe tous les bouchers!Masques joyeux,Garçons fiévreux,

Applaudissez, Jouez et chantez!Parisiens, ouvrez le passage, etc.Place au quadrupède, etc.

Scène et Duo

ANNINA ( revenant en hâte) ( hésitante) Madame…

VIOLETTA

Que t’arrive-t-il ?ANNINAN’est-ce pas qu’aujourd’hui vous vous sentez mieux?

VIOLETTAOui, pourquoi?

ANNINAVous promettez de rester calme?

VIOLETTAOui. Qu’as-tu à me dire?

ANNINA Je voulais vous prévenir…

Une joie imprévue…VIOLETTAUne joie, as-tu dit?

ANNINA ( opinant du chef) Oui, oh, Madame…

Ma il Dottore a sperar pure m’esorta!…Ah, con tal morbo ogni speranza è morta!Addio del passato bei sogni ridenti,Le rose del volto già sono pallenti ;L’amore d’Alfredo perfino mi manca,Conforto, sostegno, dell’anima stanca…Ah, della traviata sorridi al desio,A lei, deh, perdona, tu accoglila, o Dio!

Ah!… tutto, tutto finì,Or tutto, tutto finì…(Siede.) 

Baccanale

397CORO (interno) Largo al quadrupedeSir della festa,Di fiori e pampiniCinta la testa…Largo al più docileD’ogni cornuto,Di corni e pifferiAbbia il saluto.Parigini, date passoAl trionfo del Bue grasso,L’Asia, né l’AfricaVide il più bello,Vanto ed orgoglioD’ogni macello…Allegre maschere,Pazzi garzoni,

 Tutti plauditeloCon canti e suoni.Parigini, date passo, ecc.Largo al quadrupede, ecc.Largo, largo, largo!

Scena e Duetto

398ANNINA ( torna frettolosa.) (esitando) Signora…

399VIOLETTA

Che t’accade?400ANNINA

Quest’oggi, è vero, vi sentite meglio?

401VIOLETTASì, perché?

402ANNINAD’esser calma promettete?

403VIOLETTASì, che vuoi dirmi?

404ANNINAPrevenir vi volli…

Una gioia improvvisa…405VIOLETTA

Una gioia!… dicesti?

406ANNINA ( afferma col capo.) Sì, o signora…

55Acte IIIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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VIOLETTAAlfredo!… Ah, tu l’as vu!…Il vient, il vient… Hâte-toi…(Paraît Al fredo.) Alfredo?( I ls se jettent dans les bras l’un de l’aut re.) Alfredo, mon amour,Oh, quelle joie!

ALFREDOOh, ma Violetta.Oh, quelle joie!Que je suis coupable… Je sais tout, ma chérie…

VIOLETTA Je sais seulement que tu m’es enfin rendu!

ALFREDODe mon cœur qui s’emballe, apprends combien je t’aime:

 Je ne saurais plus exister sans toi!

407VIOLETTAAlfredo!… Ah, tu il vedesti !…Ei vien, ei vien!… t’affretta…(Comparisce Alfredo.)Alfredo?(Si gettano le braccia al collo.) Amato Alfredo,Oh gioia!

408ALFREDOOh mia Violetta,Oh gioia!Colpevol sono… so tutto, o cara…

409VIOLETTAIo so che alfine reso mi sei !

410 ALFREDODa questo palpito s’io t’ami impara,Senza te esistere più non potrei.

56 Acte III

femme qui meurt par l ’emploi d ’une musiquevolont a ireme nt indifféren ciée. L’irrupt ion d ’An-nina consti tue le pivot essentiel de l ’acte. Sonsouffle coupé – tant par l 'émotion que par lesesca liers montés q ua tre à q ua tre – est i llustré pa rune phrase chroma tique ha le ta nte .

Exemp le 35a 

Dans un même contex te dramat ique , Wagnerillustra it ég a lement a insi la réa lité d e l’arrivée del ’ê tre a t tendu:

Exemp le 35b 

Anecdo t ique , ce para l lè le n ’en es t pas moinsrévélateur d’une identité de moments dans lesdeux œuvres: la résorption de l ’att ente a vant samue en effo rt ultime, s ’arracher à la mort, vivre,puisq ue l’aut re est a rrivé.

407 En un unisson t endu, exal té , les deux aman tsto mbe nt d a ns les bra s l’un de l ’autre et , cha cunreprenant le texte musical de l ’autre, s ’échan-gent promesses radieuses et pardons mutuels:véridiq ue et sponta né, ce duo q ui en est à peineun est bo uleversan t.

416 L’excita tion se calme, l’émotion seule d emeure.À nouveau les moyens musicaux mis en œuvresont d’une simplicité e xtrême : un thè me d e valse,une mélodie procédant par degrés conjoints, un

accompagnement minimal . Viole t ta reprendexactement le même texte que son par tenaire(pa roles et m usiq ue). Il sera son g uide, e lle se lais-sera complètem ent fa ire, ils seront enf in pleine-ment heureux. Osera-t-on dire que ce duo – sia tt end u – des retrouva illes («Parig i o cara ») no ussemble moins émouvant que celui , inf inimentplus origina l, q ui le précède ?

Exemp le 36 

I l est parfois d’usage de rompre, en f in de par-cours, l ’éq uilibre d’un te l duo symét riq ue. Ici, surle mot «to urments »(«de’ corsi aff anni »), Vio -

lett a entreprend d ’ombrer le climat t ranq uille decerti tude q ui prévalait jusq u’alors: un pet it to ur-noiement chromatique accentué, envahissant lafin d u d uo, semb le vouloir signifier la conscienceq u’a Violett a d e la fra g ilité de leurs espoirs com-muns. D’ailleurs, dès l’épisode suivant, le rêvecède, la réalité reprend trag iquemen t ses droits .

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dolcissimo a mezza voce

Alfredo

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La vita u - ni - ti tra - scorre - re - mo...

L’Avant-Scène Opéra n° 51

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VIOLETTAAh, puisque tu me retrouves encore en vie,Sache que la douleur ne peut tuer!

ALFREDOOublie tes tourments, mon adorée:Pardonne-moi, ainsi qu’à mon père.

VIOLETTAQue je te pardonne? C’est moi la coupable:Mais l’amour seul m’a rendue telle.

ALFREDOAucun homme, aucun démon, mon ange,Ne saura jamais plus me séparer de toi.

VIOLETTAAucun homme, aucun démon, mon ange,Ne saura jamais plus me séparer de toi.

ALFREDOOh, ma chérie, nous quitterons Paris,Unis, nous traverserons l’existence…De tes malheurs passés, tu auras récompense,Et ta santé refleurira.

 Tu seras ma lumière et mon souffle, Tout le futur nous sourira.

VIOLETTAOh, mon chéri, nous quitterons Paris,Unis, nous traverserons l’existence…

ALFREDOOui.

VIOLETTADe tes malheurs passés, tu auras récompense,Et ma santé refleurira.

 Tu seras ma lumière et mon souffle, Tout le futur nous sourira.

ALFREDO Tu seras ma lumière et mon souffle.Oh, ma chérie, nous quitterons Paris, etc.

411 VIOLETTAAh s’anco in vita m’hai ritrovata,Credi che uccidere non può il dolor.

412ALFREDOScorda l’affanno, donna adorata,A me perdona e al genitor.

413VIOLETTACh’io ti perdoni? la rea son io:Ma solo amor tal mi rendè.

414ALFREDONull’uomo o demone, angiol mio,Mai più dividermi potrà da te.

415VIOLETTANull’uomo o demone, angiol mio…Mai più dividermi potrà da te.

416ALFREDOParigi, o cara, noi lasceremo,La vita uniti trascorreremo…De’ corsi affanni compenso avrai,La tua salute rifiorirà…Sospiro e luce tu mi sarai,

 Tutto il futuro ne arriderà.

417VIOLETTAParigi, o caro, noi lasceremo,La vita uniti trascorreremo…

418ALFREDOSì.

419VIOLETTADe’ corsi affanni compenso avrai,La mia salute rifiorirà…Sospiro e luce tu mi darai,

 Tutto il futuro ne arriderà.

420ALFREDOSospiro e luce sarai.Parigi, o cara, noi lasceremo, ecc.

57Acte IIIL’Avant-Scène Opéra n° 51

«Ei vien, ei vien !… t ’af fr et ta…»Anna Netr ebko (Violett a) , mi se en scène de Wi l ly Decker,Fest ival de Salzbourg 2005. Salzbur ger Festspi ele.

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VIOLETTADe tes malheurs passés, tu auras récompense,

 Tout l’univers nous sera propice.Ah, assez… À l’église, Alfredo, allons,Allons rendre grâces pour ton retour.(Elle vacill e.) 

ALFREDO Tu deviens toute pâle!…

VIOLETTACe n’est rien, va!Une joie inopinée n’entre jamaisDans un triste cœur sans le bouleverser.(El le se lai sse tomber, épuisée, sur un siège.) 

421 VIOLETTADe’ corsi affani compenso avrai,

 Tutto il creato ne arriderà, ecc.Ah, non più… a un tempio… Alfredo, andiamo,Del tuo ritorno grazie rendiamo…(Vacilla.) 

422ALFREDO Tu impallidisci !…

423VIOLETTAÈ nulla, sai !Gioia improvvisa non entra maiSenza turbarlo in mesto cor…(Si abbandona sfi ni ta sopra una sedia.) 

58 Acte III

Chaque malaise de Violetta (dessin mélodiquesa ns souff le) est a ppuyé pa r une «crampe »d eviolons et de contrebasses, à l’allure rythmiquehélas san s éq uivoq ue.

Exemple 37 

423 Violet ta lut te , se déba t . En un ef for t d ésespéré ,

elle essaie encore de nier, et son trille forcé – etcourag eux («Ora son fo rte ») – rap pe lle u n a ut re«sourire entre les larmes»: même mensonge,même impuissance , même f igure musicale .L’échauff emen t q ui suit est a rrêté da ns son é lanpar une octave creuse des cuivres. Alors, en unephrase d’une impressionnante retenue, Violetta

chante sa f in procha ine. Elle y att eint à nouvea ules no te s les plus prof on de s de sa te ssitures.

Exemp le 38 

Dernière marq ue de ce va-et -vient de la vie et dela mort, d ernier sursau t de Violetta : son déses-poir explose da ns ce q ui ne ta rde pa s à se consti-tuer en caba lett e du précédent d uo. C’est d ésor-mais au tour d ’Al f redo de reprendre le tex te

 ================      =l & cπVioletta

h q .  el b H   q Œ  l h   q . b E l H   h   lMa se tor -nan - do non m’hai sal- va - to,

 ================      =l &   Œ   Q   Q b Q l H q . e l h .. e l be e ŒA niun in ter - ra sal-var - mi è da-to.

 ======      =l & bbbb bƒ œ«_ œ«_ œ«__.

L’Avant-Scène Opéra n° 51

«Gran D io !… Violett a ! » Rolando Vil lazón ( Alf redo)et Chri sti ne Schäfer (Violett a) ,mise en scène de Peter Mussbach,

Staat soper, Berl in 2003. R. Waltz .

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ALFREDO ( la soutenant, épouvanté) Grand Dieu! Violetta!…

VIOLETTAC’est la maladie…

 Juste une faiblesse… À présent, je suis forte, Tu vois? ( se contraignant)  Je souris.

ALFREDO ( anéanti) 

(Oh, cruel destin!)VIOLETTACe n’était rien… Annina, viens m’habiller.

ALFREDOMaintenant? Attends…

VIOLETTA ( se levant) Non!… Je veux sortir.(Anni na présente àVioletta une robe qu’elle tente de pas- ser mais, trahie par sa faiblesse, elle fi ni t par la lai sser tomber en s’exclamant, désespérée:)Grand Dieu! Je ne peux pas!

(Elle retombe sur son siège.) ALFREDO(Ah, ciel, que vois-je?)(àAnnina) Va chercher le docteur.

VIOLETTA (àAnnina) Ah, dis-lui… Dis-lui qu’AlfredoÀ mon amour a été rendu,Dis-lui que je veux vivre encore!(Annina sort.) 

VIOLETTA (àAlfredo) Mais si en revenant, tu ne m’as pas sauvée,Me sauver ne sera accordé à nul autre sur terre.( se levant dans un sursaut) Ah, grand Dieu! mourir si jeune,Moi qui ai tant souffert!Mourir près d’étancherLe long cours de mes pleurs!Ah, l’espérance créduleN’a été qu’un délire:Et en vain de constance

 J’ai donc armé mon cœur!

ALFREDO

Oh toi mon souffle, mon âme,De mon cœur le seul bien!Il me faut donc mêlerMes larmes avec les tiennes.Crois-moi, plus que jamais,

 Je m’arme de constance:Ah, ne ferme pas tout entier

 Ton cœur à l’espérance!

VIOLETTAOh, Alfredo, quelle fin cruelleÀ notre amour est réservée!Ah, grand Dieu! Mourir si jeune, etc.

Mon Alfredo, quelle fin cruelleÀ notre amour est réservée!

ALFREDOAh, ma Violetta, par pitié calme-toi

 Ta douleur me fait mourir, etc.(Vi oletta s’abandonne sur le canapé.) 

424ALFREDO ( spaventato sorreggendola) Gran Dio!… Violetta!…

425VIOLETTAÈ il mio malore!…Fu debolezza… Ora son forte…Vedi ? ( sforzandosi) Sorrido…

426ALFREDO ( desolato) 

(Ahi cruda sorte!)427VIOLETTAFu nulla!… Annina, dammi a vestire.

428ALFREDOAdesso? attendi…

429VIOLETTA (alzandosi) No!… Voglio uscire.(Annina presenta a Violetta una veste ch’ella fa per i ndos- sare, ed impeditane dalla debolezza la getta a terra ed esclama con disperazione:) Gran Dio!… non posso!

(Ricade sul la sedia.) 430ALFREDO(Cielo! che vedo!)( ad Annina) Va pel dottore…

431 VIOLETTA ( ad Annina) Ah! digli… digli che AlfredoÈ ritornato all’amor mio…Digli che vivere ancor vogl’io…(Annina parte.) 

432VIOLETTA ( ad Alfredo) Ma se tornando non m’hai salvato,A niun in terra salvarmi è dato.( sorgendo impetuosa) Ah! gran Dio! morir sì giovine,Io che penato ho tanto!…Morir sì presso a tergereIl mio sì lungo pianto!…Ah, dunque fu delirioLa credula speranza!…Invano di costanzaArmato avrò il mio cor!…

433ALFREDO

Oh mio sospiro e palpito,Diletto del cor mio!…Le mie colle tue lagrimeConfondere degg’io…Ma più che mai, deh, credilo,M’è d’uopo di costanza…Ah, tutto alla speranzaNon chiudere il tuo cor!

434VIOLETTAOh, Alfredo, il crudo termine…Serbato al nostro amor!Ah! gran Dio! morir sì giovine, etc.

Alfredo mio! oh il crudo termineSerbato al nostro amor, ecc.

435ALFREDOAh, Violetta mia, deh, calmati,M’uccide il tuo dolor, ecc.(Vi oletta si abbandona sul canapè.) 

59Acte IIIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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Dernier Finale

GERMONT (paraissant) Ah, Violetta!…

VIOLETTAVous, monsieur!…

ALFREDO

Père!…VIOLETTAVous ne m’avez donc pas oubliée?

GERMONT Je tiens ma promesse. Je suis venue vous embrasser telle une fille,Ô femme généreuse!

VIOLETTAHélas, vous arrivez trop tard!Mais je vous en suis bien reconnaissante, pourtant.(Elle l’ embrasse.) 

Grenvil, vous voyez? J’expire entre les brasDe ceux que j’ai de plus chers au monde…

GERMONTQue dites-vous!( scrutant Violetta) (Oh, ciel !… C’est vrai !)

ALFREDOLa vois-tu, ô mon père?

GERMONTNe me torture pas davantage.

Finale ultimo

436GERMONT (entrando) Ah, Violetta!…

437VIOLETTAVoi, signor!…

438ALFREDO

Mio padre!…439VIOLETTA

Non mi scordaste?

440GERMONTLa promessa adempio…A stringervi qual figlia vengo al seno,O generosa.

441VIOLETTAAhimè! tardi giungeste!…( Lo abbraccia.) Pure, grata ven sono…

Grenvil, vedete? Fra le braccia io spiroDi quanti cari ho al mondo…

442GERMONTChe mai dite!( osservando Violetta)(Oh cielo !… è ver!)

443ALFREDOLa vedi, padre mio?

444GERMONTDi più non lacerarmi,

60 Acte III

musical de sa par tenaire – un texte qui prendda ns sa bo uche un to n d’héroïsme, en contra dic-tion f lagrante avec le sens des paroles: la caba-lette – Verdi deva it bien e n êt re conscient – est iciun parfait non-sens (des coupes plus ou moinsheureuses y sont d u reste t ou jours effectu ées).

436 Dans la p ièce de Dumas , le père d ’Armand– vérita ble f igure de Comma ndeur – ne réappa -raissa it plus a près sa g rand e scène a vec Ma rgue-r i te . Mais l ’opéra romantique a ses tradi t ions ,

sinon ses règles, qui veulent que les héros meu-re n t d e b o u t , d e v a n t t é m o in s 10. Alors, specta-te urs impuissa nt s et dé risoires les principa ux pro-tagonis tes re tournent sur scène pour l ’ul t imeinsta nt de l ’héroïne. Last bu t no t least , Germontrevient d onc fa ire amend e hon orab le. Il a m êmeun écla t de douleur d ’une grande s incér i té e ttrouve pour se maudire des accents «rigole t-t ien s ».

Exemple 39 

445 Déjà Violett a ne l ’écout e plus. Le crépusculesemble tomber sur la scène. À la fois recueillis etmenaçants, les accords d’ost inato rythmique ent u t t i  son t d ’une aus té r i té e t d ’une so lenni téfun èbre (Ré bé mo l ma jeur) sa isissant e. Le souffledramat ique qu i passe a lo r s sur l a mus iqueemporte voix et instruments dans sa rythmiqueimplacable. Cette scansion, d’autant plus véhé-mente qu’e l le es t re tenue ( tr iple p iano ), d’unrythme omniprésent, embrasse le grand récapi-

tulatif de la vie de l’héroïne, symbolisée par ledo n d u po rtrait . Nous somm es parvenus au seuilde la mort .

L’ implaca ble f igure cont inue à scand er spa s-modiquement le largo con certat o f inal , tandisqu’une superbe modulat ion de Ré bémol à Mima jeur écla ire d ’une lumière dé jà irréelle la d er-nière pensée d e Violett a . Sa g éné rosité laisse lestémoins bouleversés; l ’ensemble vocal est typi-q uement verdien ma is son économie si pa rticu-lière (introversion collective du chant, tonalitésbém olisées, orchestre réduit à une f igure uniqu e)

n’appar t ient qu’à la Traviat a .

455 Dan s le reg i st re a igu de s v io lons , l e thèm ed’amour d’Alfredo (Ex.9) revient une dernièrefois, fr issonnant et fragile, diaphane et éthéré.S ’é levan t tou t d ’ abord à pe ine au-dessus dumurmure, il croît avec l’agitation hallucinée de

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L’Avant-Scène Opéra n° 51

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 Trop de remords me rongent l’âme…Chacun de ses mots tombe comme la foudre sur mon front.(Vi oletta ouvre un tiroi r dérobéet en t ire un médai llon.) Oh, vieillard imprudent!Ah, ce n’est que maintenant que je m’aperçois du malque j’ai fait!

VIOLETTAViens plus près… Écoute-moi, Alfredo bien-aimé.(gravement) Prends: voici l’imageDe mes jours passés,Qu’elle sache te rappelerCelle qui t’a tant aimé!

ALFREDONon, cesse, tu ne mourras pas!

 Tu dois vivre, mon amour…Ce n’est pour un tel suppliceQue Dieu ici m’a conduit.

GERMONT

Chère, sublime victimeD’un amour sans espoir,Pardonne-moi le martyreQu’à ton grand cœur j’ai causé!

VIOLETTASi une chaste jeune filleDans la fleur de ses ans

 Te donnait son amour…Épouse-la… Je le veux.Donne-lui ce portraitDis-lui qu’il s’agit du donDe celle qui, au ciel, parmi les anges,Prie pour elle et pour toi.ANNINA ET LE DOCTEUR

 Tant que j’aurai des larmes,Sur toi je pleurerai !

ALFREDOSi rapidement, ah non!,La mort ne peut t’arracher à moi !

GERMONT Tant que j’aurai des larmes,Sur toi je pleurerai !Vole jusqu’aux esprits bienheureux,

Dieu t’appelle, t’appelle jusqu’à lui.VIOLETTADonne-lui ce portrait, etc.

ANNINA, GERMONT ET LE DOCTEURVole jusqu’aux esprits bienheureux, etc.

ALFREDOAh, vis, ou une seule tombeNous recueillera tous deux…

VIOLETTA ( se ranimant) C’est étrange!

LES AUTRESQuoi donc?

VIOLETTA ( parlé) Les spasmes douloureuxOnt pris fin…En moi renaît… renaît

 Troppo rimorso l’alma mi divora…Quasi fulmin m’atterra ogni suo detto…(Violetta apre un ri posti glio e ne toglie un medaglione.) Ah, malcauto vegliardoIl mal ch’io feci ora sol vedo!…

445VIOLETTAPiù a me t’appressa… ascolta, amato Alfredo.(cupo) Prendi : quest’è l’immagineDe’miei passati giorni,A rammentar ti torniColei che sì t’amò.

446ALFREDONo, non morrai, non dirmelo…Dêi viver, amor mio…A strazio sì terribilQui non mi trasse Iddio,

447GERMONT

Cara, sublime vittimaD’un disperato amore,Perdonami lo strazioRecato al tuo bel cor.

448VIOLETTASe una pudica vergine,Degli anni suoi sul fiore,A te donasse il core…Sposa ti sia… lo vò…Le porgi quest’effigie;Dille che dono ell’èDi chi nel ciel fra gli angeliPrega per lei, per te.

449ANNINA E DOTTOREFinché avrà il ciglio lagrimeIo piangerò per te.

450ALFREDOSì presto, ah no, dividertiMorte non può da me.

451 GERMONTFinché avrà il ciglio lagrimeIo piangerò per te.Vola a’ beati spirti,

Iddio ti chiama, ti chiama a sé.452VIOLETTA

Le porgi quest’effigie, ecc.

453ANNINA, GERMONT E DOTTOREVola a’ beati spirti, ecc.

454ALFREDOAh, vivi, o solo un feretroM’accoglierà con te…

455VIOLETTA (rianimata) È strano!

456GLI ALTRIChe?

457VIOLETTA (parlando) CessaronoGli spasimi del dolore…In me… rinasce, rinasce… m’agita

61Acte IIIL’Avant-Scène Opéra n° 51

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Violett a . Idée vertigineuse de densité émot ion-nelle, cet te musiq ue, venue comme de l’Au-de làet le produit d ’un rega rd intérieur, rappelle unaut re moment wagnér ien ana logue : S ieg f r iedmo uran t voit lui a ussi Brünnhilde . En un insta nt ,la voix de Violett a pa rcourt la ma jeure pa rtie d e

sa tessiture (du Mi grave au Si aigu) et la quasi-totalité de ses expressions possibles, du Sprech- gesang initial au cri d’extase terminal. Brusque-ment, en vraie martyre, Violetta tombe morte.Morte de maladie ou morte d ’amour ?

Stépha ne Go ldet

NOTES1. Le second couplet est t rès f réquemment omis.

2 . Toute f o i s, q ue lq ue s é léments om is par P i ave son t peu t -ê t re

ut i les à une mei l leure compréhension de l ’enchaînement desarguments. Primo , dans une scène antérieure, Marguerite révé-

lait à une a mie que pa r respect t ant pour la f a mille que pour les

conventions, elle ne se considérait en aucun cas le droit d’ép ou-

ser Armand, alors que celui-ci le désirait ardemment (la Dame 

au x caméli as , acte II, sc. 3). Secundo , au cours de cette scène

entre Marguerite et Duval-père, i l apparaîtra plus clairement

encore chez Dumas que le père d’Armand ne veut pa s croire que

Marguerite est sérieusement malade.

3 . Uniq ue excep t ion : Simo n Boccanegra .

4. Gilles de Va n : «Pères et f illes», in l’Avant -Scène Opéra : Un Bal 

masqué (n° 32).

5 . À rapprocher d e «Son la t ua sposa, non la t ua schiava »(«Je suis

to n épo use et n on t on e sclave ») d’Émilie à l’act e II d’Otello .6 . Son expression la plus hal lucinante e st sans do ute l ’accompa -

gnement d u Leiermann (Le joueur de viel le ) , dernier l ied du

Voyage d’hiver de Schubert.

7. C’est bien Verdi, pourta nt, q ui insista it , dès 1844, au mom ent de

la compo sition d es Due Foscari , au près de Piave sur le nécessa ire

«distacco di pen sier »(séparat ion de pensée) entre l ’a i r e t la

caba lette. Rien de t el , hélas, ici.

8. Dan s certa ines versions, la scène 2 compt e pour un acte ent ier.

L’idée n’est plus alors qu’elle se déroule le mê me jour q ue la

scène 1 ma is que lque te mps après, comme chez Dumas.

9. Première fois : le chant est do ublé par un haut bois, un basson

solo l ’accompa gn e à l ’octave inférieure et les cordes fo urnissentle remplissag e harmo nique. Deuxième fois: au ha utb ois s’ajout e

la clarinet te , a u ba sson les violo ncelles. Troisième fo is: les pre-

miers violons et les violoncelles s’ajouten t a u ha utbo is et à la cla-

rinette (accroissement progressif du volume).

10. Cf . sur cet t e q uest ion, Phi lippe Dulac , «Chant er la mo rt »in

l’ Avant -Scène Opéra : Tristan et Isol de (n° 34/35).

L’Avant-Scène Opéra n° 51

«Oh gioia !…»Josévan Dam ( Germont ) , N icolas Teste ( le Docteur ) , M ichèle Lagrange (Ann ina) ,Jonas Kaufmann (Al fr edo) et Christ ine Schäfer ( Violett a) , mi se en scène de Chr istoph Mar thal er,

Opéra Garni er, Paris 2007. Roger-Vio ll et/ C. Masson 

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Et se répand une vigueur insolite!Ah, mais je… je recommence à vivre!Ô joie!(Elle retombe sur le canapé.) 

ANNINA, GERMONT ET LE DOCTEUROh ciel! Elle meurt!

ALFREDO

Violetta?ANNINA ET GERMONTAh Dieu, qu’on lui porte secours!

LE DOCTEUR ( après lui avoir pr is le pouls) Elle n’est plus.

ANNINA, ALFREDO ET LE DOCTEUROh, douleur!

FIN DE L’OPERA

 Traduction: Olivier Rouvière©L’Avant-Scène Opéra, Paris 2014

Insolito vigore!…Ah! ma io… ah! ma io ritorno a viver!Oh gioia!…(Ricade sul canapè.) 

458ANNINA, GERMONT E DOTTOREOh cielo!… Muor!…

459ALFREDO

Violetta?460ANNINA E GERMONTOh Dio, soccorrasi !…

461DOTTORE ( dopo averl e toccato i l polso) È spenta!

462ANNINA, ALFREDO EDOTTOREOh mio dolor!…

FINE DELL’OPERA

63Acte IIIL’Avant-Scène Opéra n° 51

«Oh gioia ! » Natali e Dessay (Vi olett a)

et Char les Castronovo (Al fredo) , mise en scène

de Jean-François Sivadier,Fest ival d’Aix-en-Provence 2011.

Pascal Vi ctor.

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http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 65/16464 L’Avant-Scène Opéra

N’ayez crainte, vous ne serez pas le premier: legardien du cimetière de Montmartre vous mon-trera d’un air blasé cette allée à gauche, et dans unchemin de surplomb, la tombe de la Dame auxcamélias. Non pas celle de Marguerite Gautier,l’héroïne d’Alexandre Dumas fils, fantôme roma-nesque qui n’a pour tombeau que la mémoire deshommes, non pas celle de Violetta Valéry queVerdi fit chanter sous tous les cieux, marionnettevibrante, espoir, gloire et défaite de toutes lesgrandes divas, non, la tombe de la vraie «Dame»,l’inspiratrice de Dumas, de Verdi, qui n’est pointMarguerite, qui n’est point Violetta mais – lisez-lelà gravé dans la pierre – Alphonsine, oui, Alphon-sine Plessis. Elle n’aimait pas ce prénom et le chan-

gea pour celui de Marie. Le nom de la Vierge? Sim-plement, celui de sa mère.Avez-vous jamais fait ce pèlerinage sentimental,

ou simplement curieux, dans ce cimetière paisibleet presque tendre, à un jet de pierre des rumeursépicées de la place Clichy? On marche, on rêve, lepassé vous prend à la gorge. Ici Vigny, Berlioz, Gui-try (un amoureux posthume de la belle Marie), et là justement, solennelle et riche, la tombe d’AlexandreDumas fils. Puis à cent mètres de cette sépulturepompeuse, celle, presque anonyme, de notre

Alphonsine. On y voit qu’elle est «née le 15janvier1824, décédée le 5 février 1847, De Profundis ».Quelques fleurs modestes mais fraîches, d’autresen plastique, salies par le temps, de faux camélias,les vrais coûtent cher, mais on en voit parfois…

Qui était au juste cette Marie-Alphonsine Ples-sis, morte de phtisie à vingt-trois ans, mais quiavait eu le bref temps d’éblouir son époque par sabeauté, son aura, son luxe, ses amants… et sescamélias? Qui était donc cette étoile filante que lamaladie éteignit soudain dans la constellation

romantique? Une de ces déesses que le «ToutParis» – c’est-à-dire deux mille personnes – àtoutes époques invente dans ses murmures… Unefemme sculptée par les phantasmes des hommesqui l’ont aimée, louée, méprisée, changée… Unede ces créatures dont la célébrité tient à ce qu’elles

sont plutôt qu’à ce qu’elles font, et dont le souve-nir ne repose que sur l’imagination des hommes.

Gautier, Liszt, Dumas…

Dans cette troupe d’artistes à gilets rouges ou gris,de «Lions» agités ou de grands bourgeois moinsbruyants qui firent, Marie, votre renommée, quidonc transmettra à l’Histoire les quelques témoi-gnages qui prolongeront votre souvenir? Jules Janinet Théophile Gautier étaient de vos «fans». Ils n’ont jamais cessé de vous encenser. Jules Janin se sou-vient de votre visage, «un des plus beaux de la créa-tion parisienne, un de ces teints mats pleins desoleil et d’ombre… le regard ingénu… La démarche

hardie et décente d’une femme du plus grandmonde… son maintien répondait à son langage, sapensée à son sourire». Théophile Gautier, lui,raconta votre agonie atroce et la solitude de votremort, lorsqu’abandonnée de vos amis des jours defête vous n’aviez à vos portes que créanciers.

Le plus grand «bavard» à votre sujet fut FrédérikRomain Vienne. C’était, du moins s’en prévaut-il,un de vos amis d’enfance. Vous lui auriez fait de-cide-là quelques confidences; il en tira des «Véri-tés»1 et, pour protéger la réputation de quelques

contemporains, il brouilla pistes et noms. Mais ilest vrai qu’il s’occupa de votre succession, et s’ilperdit dans un incendie une grande partie de votrecorrespondance, il nous rapporta vos boutades:«le mensonge blanchit les dents», «tout ce qui estbeau me plaît, et tout ce qui me plaît, je le veux»,«on sait que je dépense les yeux fermés tout ce que j’ai, même ma vie, et même tout ce que je n’ai pas,c’est-à-dire l’avenir… ». Malice, esprit, orgueil.Mais il vous arriva d’être plus amère, ou sévère:«Votre conscience oserait-elle affirmer que les

désordres de ma vie ne sont imputables qu’à moiseule? Si la société me condamne, moi je l’accuse– et j’en ai le droit – de n’avoir pas protégé moninconscience.»

Vous ne m’en voudrez pas, Marie, de mention-ner les opinions flatteuses dont Franz Liszt, votre

Une visite à Marie

par Christiane Issartel

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dernier amant, votre dernier amour, vous gratifia.Le grand musicien vieillissant évoqua tendrement

votre souvenir: «c’était bien l’incarnation la plusabsolue de la femme qui ait jamais existé… Elleavait beaucoup de cœur et un entrain tout à faitidéal.»

Puis il y eut, et surtout, Dumas fils, qui écrivit, etécrivit encore. Dumas fils qui vous aima, Marie, fitd’un «péché de jeunesse» le roman best-seller del’époque et une pièce qui fera verser des millionsde larmes. Vous vouliez en faire un ami, il voulaitrester votre amant, il scellera la fin de vos amoursd’une lettre touchante mais académique. Il «ven-

dit» sa passion, vous sanctifia, vous transforma. Ilvous a fait, Marie, avec sa Dame aux camélias , unmausolée définitif. Pour sa propre gloire… pour lavôtre, Marie. Il vous disait «belle à faire croire unathée» et vous tenait pour «l’une des dernièrescourtisanes qui eût du cœur». Il façonna sa Mar-

guerite Gautier à votre image, mais vous, Marie,qui étiez-vous réellement? Qui étiez-vous,

Alphonsine Plessis?

Une enfance

Vous êtes donc née ce 15 janvier 1826 à huitheures du soir à Nonant, dans l’Orne. Votre père,Marin Plessis, était colporteur. Ivrogne, brutal, ilavait séduit ou «envoûté» votre mère, la jolieMarie Deshayes. Est-il vrai qu’on le surnommait«Marin le Sorcier» et qu’il tenta de brûler sa mai-son et dedans votre mère qu’il battait comme

plâtre tous les jours? Mais on sait qu’il est mort,réduit à l’état de vagabond, dans une grange, d’unecrise de deli ri um tremens . Tout au contraire, votremère était d’une douceur, d’une grande beauté etd’une élégance naturelle qu’elle tenait d’une vieillefamille normande. Lorsque la vie avec votre vilain

Marie Duplessis, peint ure d’Édouard Vienot . Coll . part iculière. Photo Ch. Issartel.

À droite : Agénor de Guiche, par Al fred d’O rsay.

Alexandre Dumas fi ls. Sociétédes amis d’A. Dumas.

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papa se révèle impossible et qu’elle décide de quit-ter la Normandie pour Genève où elle mourut peude temps après, elle vous confie, avec votre sœur

Delphine, à l’une de vos tantes, laquelle ne tardeguère à vous rendre à votre père. Marin Plessisn’était pas homme à dorloter une gamine, et lesvieux libertins campagnards paient bien certaincommerce. On fait votre éducation, Alphonsine, etvous avez onze ans! Apprentissage précoce!

Vous avez trois ans de plus lorsque votre «cherpapa» se décide, par on ne sait quel arrangement, àvous confier à des bohémiens qui se rendent àParis. D’autres témoins diront qu’il vous a lui-même accompagnée dans la capitale et confiée à delointains parents qui tenaient un petit commercede fruits et légumes rue des Deux Écus. Quoi qu’ilen soit, vous voilà à Paris, petite sauvageonne malfagotée, mais dans le minois une certaine expé-rience de la séduction tarifée. Peut-être vous dites-vous à ce jour, comme un de vos contemporains:«À nous deux Paris…!» Mais dans huit ans, vousallez mourir, et cela, vous ne le savez pas encore. Tout va pour vous aller fort vite, très vite. Un jourvous direz: «Je ne danse pas trop vite, ce sont les

violons qui sont en retard». Vous montrez déjà unefaim de tout ce qui est la vie. Vous travaillez? Oui,un peu. Une corsetière de la rue de l’Échiquier, unemodiste de la rue Saint-Honoré vous engagent.Vous courez avec vos compagnes les bals cham-pêtres, les guinguettes, et vous arrondissez votrepécule dans le lit de quelque passant. Tout n’est pasrose tous les jours, la misère, le dégoût, la peur desmaladies vénériennes qui sont, à votre temps,cruelles et parfois implacables. Mais il y a aussi la jeunesse et le goût de gagner.

Agénor de Guiche

Vivement vous vous êtes juré que cela ne dureraitpas. Votre premier entregent sera un brave quin-quagénaire restaurateur de la Galerie Montpensierqui vous installe dans votre premier appartementrue de l’Arcade. Mais un soir, à la sortie du Bal duPrado, la providence, la chance est là qui vous attend:Agénor de Guiche, un des plus beaux dandys del’époque – il a cinq ans de plus que vous –, vous offre

un bras à saisir, un grand nom à côtoyer, une fortuneà grignoter. Il est intelligent, sans préjugés, il vousaime, vous l’aimez. Adieu la rue de l’Arcade, et lerestaurateur! Vous avez seize ans et Guiche va deve-nir votre Pygmalion. Un appartement au 28 rue duMont Thabor, un coupé, un maître à danser, un

maître de maintien, les plus belles toilettes. Vousapprenez, avec talent, à lire, à écrire, à jouer dupiano. Guiche vous présente ses amis du Jockey

Club… ils deviendront les vôtres. On se bat pourvous mener au bal, au théâtre, vous entretenir enbijoux, mobilier, robes et camélias… Cette fleur,vous la prenez pour emblème car elle est sans par-fum… et très coûteuse. Symbole de luxe, beauté,volupté.

C’est alors que vous changez de nom. Alphon-sine Plessis devient Marie Duplessis. Vous avez dix-huit ans, et vous quittez la rue du Mont Thaborpour le 22 rue d’Antin. C’est cette année-là quevous rencontrez Édouard de Perrégaux, encore un«Lion» du Jockey Club, vous l’aimerez un temps, ilse ruinera pour vous, vous ferez avec lui de longsvoyages amoureux en Allemagne. Vous a-t-il vrai-ment offert une maison à Bougival? Avez-vous eu,Marie, un enfant de lui ? Romain Vienne le prétend,mais peu y croient.

Votre ascension n’est pas terminée. Un nobleétranger va vous conduire sur les cimes. Le Comte deStackelberg, personnage titré et doté de la cour deRussie vous offre ses… quatre-vingts ans et des rentes

inépuisables. Il vous installe au 11 boulevard de laMadeleine2 et vous assure un train de grande mai-son. Vous devenez une des reines de Paris, de cellesqui font les modes, et n’avez que vingt ans. Vousmontez à cheval, courez chaque soir au théâtre,dînez à la Maison Dorée, dilapidez nonchalam-ment des fortunes dans les salles de jeu. Vousredoublez de caprices, de charmes et d’élégance.Luxe des luxes, vous faites la charité. Votre enfancemisérable vous a rendue compatissante. Votresalon ne désemplit pas, car en fait vous ne quittez

 jamais vraiment vos amants, ils s’y succèdent et s’yrencontrent. C’est ce que n’a jamais compris le petitDumas: il vous voulait à lui tout seul, l’innocent!C’est au sommet de votre gloire que vous le ren-contrez. Il a vingt ans comme vous et porte un nomglorieux. Ce ne sera qu’une passade. Son fabuleuxpapa vous eût plus amusée, mais vos relations avecl’auteur des Trois Mousquetaires se limiteront à unefurtive rencontre dans une loge de théâtre, scellée ilest vrai d’un baiser plus sensuel que chaste… néan-moins sans lendemain.

Malade

Mais chaque médaille a son revers. Cette vie soli-taire des femmes entretenues vous pèse, dit-on.D’autant qu’une ombre plane sur votre tourbillon

66 L’Avant-Scène Opéra

UNE VISITE À   MARIE

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de plaisir et d’ennui à la mode. Vous êtes malade,Marie, et vous le savez. Est-ce pour cela que vouscherchez tant à vous étourdir? Depuis longtempsdéjà on vous connaît cette toux sèche et fébrile. Est-ce cette fièvre, Marie, qui vous fait boire tant dechampagne? Alors vous riez trop fort, vous étouf-

fez et vous crachez du sang. C’est alors que vousreprenez vos airs mélancoliques qui ajoutent àvotre charme. Tout chez vous avive les contrastes:votre beauté et votre morbidité, votre gaîté qui sesait condamnée, votre «métier» que corrige votredistinction naturelle, vos exaltations et vos prostra-tions. Tout chez vous devient excessif, la fascina-tion que vous exercez, votre maigreur qui s’accuse,votre fièvre, vos dépenses, vos silences, votre mys-tère. La vie vous quitte le long de ces filets de sangqui marbrent l’eau de vos cuvettes d’argent. Les

cures, les remèdes d’époque, quinquina ou lichensd’Islande, n’ont aucun pouvoir. Il vous reste deuxcaprices, mais aussi deux bonheurs à vivre. Un anavant votre mort, Édouard de Perrégaux vous aoffert son nom. Étrange mariage que le vôtre: enre-gistré en Angleterre, il ne sera jamais reconnu parles lois françaises, et trois jours après la cérémonie,vous reprendrez réciproquement votre liberté. Dèslors, les couronnes de Comtesse vont fleurir survotre linge, votre argenterie et votre papier à lettre.Vous ne reverrez plus Perrégaux et il vous offrira un

ultime cadeau, une sépulture à perpétuité, ici, en cecimetière d’artistes et de bourgeois. Tandis que vos joues se creusent, que vos yeux se

cernent, Franz Liszt, ultime et prestigieux hom-mage, vous fera rêver d’amour une dernière fois.Mais la solitude reprend ses droits et la maladie

vous étreint. Les hommes quiachètent l’amour n’aiment pas lamaladie, et peu à peu s’éloignent.

L’ennui vous ronge et les dettess’accumulent. Vous buvez dusang aux abattoirs et couchez surdu crin comme on vous le pres-crit, mais vous allez mourir.

Et c’est déjà fini

En janvier 1847, par sursaut,par instinct, vous voulez offrir àcette société ingrate une dernièrevision de l’idole que vous êtesdevenue. Vous vous faitesconduire au Théâtre du Palais-Royal. Glaciale apparition! Votre

silhouette diaphane fait penser à un spectre, drapéde satin blanc et de dentelles, paré des derniersbijoux qui n’ont pas encore pris le chemin duMont-de-Piété. Puis vous rentrez chez vous pour neplus en sortir. Les créanciers carillonnent à votreporte, un dernier caillot de sang vous étouffe, et la

mort vous prend tandis que sous vos fenêtres, bou-levard de la Madeleine, le carnaval bat son plein.Votre mort sera, pour la petite société parisienne,

ce qu’on appelle un «événement». On met vosbiens en vente, votre appartement est envahi par lesfemmes dites «honnêtes»… et les autres. Tout estacheté, vos innombrables robes, vos bijoux, votreprécieux mobilier, jusqu’aux objets les plus ano-dins. Quelques fétichistes s’arracheront vos juponset jusqu’à des mèches de cheveux, dit-on. Quereste-t-il de vous aujourd’hui, Marie Duplessis? Si

ce n’est le souvenir déformé que Marguerite Gau-tier installe dans votre sillage? Presque rien. Épar-pillées, détruites, perdues, vos reliques ne parlentpas. Un éventail ici, un chapelet, un bijou là, uneminiature ailleurs, chus dans quelques ventes auxenchères. Et ce romantique portrait peint par Vie-not. Tout se tait, tout est mystère. Il nous reste desvoix, des visages, multiples incarnations de votrebeau fantôme, ultimes incantations de votre mys-tère. Mais de vous, Marie? Presque rien. Qui étiez-vous vraiment , Marie Duplessis?

1. Frédérik Romain Vienne, La Véritésur la D ame aux camélias ,1887.

2. Aujourd’hui le 15.

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Lithographie d’H . Linton d’après A. de Neuvi ll e, pour LA D AME AUX CAMÉLIAS .Coll. Ch. Issartel.

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La scène se passe sous les lustres d’un fastueuxsalon privé du Rocher de Cancale , ce restaurantrenommé «où l’Europe entière a dîné».

Nous sommes dans les dernières années de laMonarchie de Juillet. Des jeunes hommes dugrand monde, des lions de la société parisienne,ont convié quelques amis à passer une joyeuse soi-rée. Du fait de leur statut, ils sont bien entenduaccompagnés de jeunes femmes éblouissantes de

beauté; mais celles-ci, contrairement à eux, nesont pas des femmes du monde. Quelques annéesplus tard, en 1855, une pièce d’Alexandre Dumasfils baptisera leur milieu le demi -monde ; pourl’heure, on les appelle lorettes , c’est le mot qui sertà désigner les femmes galantes, les courtisanes,celles qui se sentiraient insultées si on les qualifiaitde prostituées mais qui se vendent, comme elles– et plus cher –, au plus offrant.

Surviennent, parmi les derniersarrivés, un duc d’anciennenoblesse en compagnie de cellequ’il a choisie. Elle «avait mis unesimple robe de velours; mais

autour de son cou brillait un col-lier de cent vingt mille francs, desperles à peine distinctibles sur sapeau de camélia blanc. Elle s’étaitfourrée dans ses nattes noires unseul camélia rouge (une mouche!)d’un effet étourdissant, et elles’était amusée à étager onze brace-lets de perles sur chacun de sesbras.» Ses amies l’entourent, etl’une d’elles, mi-jalouse, mi-

 complice, lui demande: «Prête-moi donc tes mitaines?» La belledétache ses bracelets, les pose surune assiette, et les lui offre. «Quelgenre! s’exclame une troisième,faut être duchesse! Vous avezdévalisé la mer pour orner la fille,monsieur le duc?»

Intrigué, le lecteur se poserapeut-être une autre question. Dequi s’agit-il exactement ici? De

Marie Duplessis, qui séduisit unduc dès l’âge de seize ans? DeMarguerite Gautier, que le jeuneDumas fils calqua sur MarieDuplessis qu’il aima passionné-ment, héroïne de la D ame aux 

Petite chronique

des dames galantespar Pierre Enckell

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camélias , roman paru l’année qui suivit celle dudécès de son modèle? D’une indication scénique

provenant de la version théâtrale de ce roman? Ouenfin de la Violetta de Verdi ? – Ni des unes, ni desautres. Cette partie fine se déroule bien dans unroman, mais il a été publié du vivant de MarieDuplessis; la dame au camélia s’y nomme JoséphaMirah; le titre est la Cousine Bette , l’auteur Honoréde Balzac.

Dumas fils n’a rien inventé. Les opérations derecensement effectuées dans l’œuvre balzaciennemontrent l’existence d’une trentaine de cesfemmes qui, comme on dit, «vivent ou ont vécu

professionnellement de leurs charmes». Bien peud’entre elles figureraient toutefois dans lessavantes classifications du docteur Parent-Duchâ-telet qui, en 1836, sépare les prostituées provo-quant publiquement de celles recevant à domi-cile; ou celles qui appartiennent à des maisonsorganisées de celles qui sont libres; ou, selond’autres catégories encore, lesfi ll es en carte des filles en numéro , les panades despierreuses , lesmarcheuses des fi l les àsoldats … Non, les personnes décritesplus haut ne sont pas des filles; elles font partie

des femmes que Parent-Duchâtelet met horsconcours sous les noms de femmes galantes , femmes  àparti es et femmes de spectacle et de théâtre et aux-quelles, admet-il, «on ne peut refuser les ménage-ments que méritent les seules femmes honnêtes».

Restons donc entre honnêtes gens. Évitons aussi

de changer trop longtemps d’univers. Le Rocher de Cancale , le domaine des lions, celui des banquiers

et des ducs, les boulevards, le domicile de MarieDuplessis, celui d’Alexandre Dumas fils, ceux deBalzac dès sa célébrité, les scènes de théâtre etd’opéra où se produisent Marguerite et Violetta,tous ces lieux se trouvent sur la rive droite de laSeine. Passés les ponts, c’est un tout autre mondequi vient à notre rencontre. La rive gauche a moinsd’éclat, elle est désuète, provinciale; le FaubourgSaint-Germain lui-même, vers 1840-1850, est su-ranné. Ce ventre mou de Paris est peuplé d’unefoule de gagne-petit et de bohèmes, ouvriers occa-

sionnels, artisans au petit bonheur, écoliers, étu-diants, nouveaux débarqués, miséreux, ilotes.C’est là que Privat d’Anglemont découvre un Parissurprenant en parcourant des régions insoupçon-nées, la Villa des chiffonniers, le Clos Bruneau, oùse pratiquent des métiers inimaginables commecelui de marchand de croûtes de pain ; c’est là que,peu après, Jules Vallès trouvera à son tour sa gale-rie de réfractaires.

Les polkas de Pomaré

On s’y amuse aussi, selon ses moyens. La jeu-nesse se réunit, les soirs d’été, aux environs del’emplacement actuel du métro Port-Royal, dansles jardins de la Closerie des Lilas. Là se rencon-trent Palmyre et Alexandrine, Clara et Ursule,

Les l ions duJockey-Club… 

page de gauche : 

Le lever d’une peti te dame,par F. Régamy.BnF, Estampes.

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Amélina, Adèle, Maria «celle qu’on nomme Maria-les-yeux-bleus», Victorine, Olympe et cette Hor-tense enfin en l’honneur de qui Privat cite en 1848

ces vers:

«Quand tout sommeille aux alentours,Hortense se tortillant d’aise,Dit qu’elle veut que je lui plaise Toujours! toujours!»

– vers que l’on saura plus tard être de son amiBaudelaire. À la Closerie, ou au bal voisin de laGrande-Chaumière, viennent parfois s’encanaillerles dandys de l’autre rive; mais l’atmosphère aquelque chose de trop exotique pour leur goût. Ilsretraversent le fleuve. Si elles ne les suivent pas, rienne reste de Palmyre, d’Ursule ou d’Amélina que cesnoms imprimés dans une brochure vite disparue.La fréquentation d’autres bals publics peut êtreplus rentable: le Château-Rouge au nord, le Châ-teau des Fleurs à l’ouest, le Ranelagh, le Vauxhall ;et surtout le célèbre Bal Mabille, situé allée desVeuves (aujourd’hui avenue Montaigne) où se tien-nent de «grandes fêtes musicales et dansantes»

tous les mardis, jeudis, samedis, dimanches et joursde fête de la belle saison (entrée gratuite pour lesdames). C’est à Mabille qu’apparaît, un soir demai 1844, une danseuse de polkas endiablées,Angéline-Marie-Élisabeth Sergent, dite élise, diteRosita, et vite connue du tout-Paris dansant sous lenom de la Reine Pomaré (c’était le nom d’une sou-veraine de Tahiti dont les journaux relataient juste-ment les aventures, et que l’on dépeignait commeune pétulante sauvagesse).

La Pomaré parisienne n’avait pas dix-neuf ans,

mais rayonnait d’une telle vitalité – et sans douteaussi d’une telle sexualité – qu’elle fut aussitôtcélèbre. M. Jean Ziegler, qui a patiemment suivi sestraces dans les imprimés et les archives (lire sonGaut ier-Baudelaire, un carréde dames , éd. Nizet),cite, parmi ses admirateurs, le poète Théodore deBanville, le préfet Auguste Romieu, Eugène Sue quis’inspira d’elle dans le Jui f errant ; et Baudelaire lui-même, chez qui 2lise-Pomaré s’installa quelquetemps, dans le merveilleux appartement que lepoète habitait à l’hôtel Pimodan sur l’île Saint-

Louis – celle de Tahiti étant vraiment trop éloignéedes lieux de plaisir parisiens. Il semble bien,d’ailleurs, que Privat d’Anglemont ait détourné,pour des amours personnelles, les vers cités plushaut et que l’auteur destinait à 2lise. «Un ami avecdes hanches»: cette vignette de Baudelaire se référait

aussi, selon Banville, à la polkeuse de Mabille. Deshanches qui peuvent porter un autre nom, à en juger par la chanson de Gustave Nadaud:

«Ô grande Pomaré,À ton nom révéré, Ton peuple transportéS’est incliné devant ta majesté.Ah! cambre-toi, ma superbe sultane,Et sous les plis, que tu sais ramener,Fais ressortir ce vigoureux organeQue la pudeur me défend de nommer»…

À l’automne de 1844, un éditeur entreprenantpublia une petite plaquette à sa louange, Voyage autour de Pomaré, Reine de Mabi lle, Princesse du Rane- lagh, Grande-Duchesse de la Chaumière, par la grâce de la Polka, du Cancan et autres Cachuchas . Le titre estillustré, en guise d’écusson, d’une jarretière accom-pagnée de la devise: «Au-dessus et au-dessous, pasau-delà, honni soit qui mal y pense»; un portraiten pleine page montre la jeune femme chez elle, lesourcil noir, la bouche entrouverte, la poitrine enavant, une main sur la… hanche et l’autre qui tient

un petit cigare. C’était la gloire!Une gloire peu durable. Impliquée l’année sui-vante avec son amant de l’heure, un certain GustaveL…, dans une sordide affaire de détournement defonds, Élise refit surface un temps, puis sombra denouveau; tuberculeuse, elle mourut en avril 1847,rue d’Amsterdam; elle avait vingt et un ans. Onl’enterra dans le même cimetière Montmartre oùavait été conduite deux mois auparavant MarieDuplessis, qui n’avait qu’un an de plus qu’elle etqui souffrait du même mal.

Des mots d’amour

 J’ai trouvé il y a quelques années, chez un mal-heureux libraire installé dans une rue où l’onn’achète pas de livres, un exemplaire du Voyage autour de Pomaré portant au crayon la dédicace sui-vante: «Je suis très honorée que mon bienfaiteurMr G. de L. veuille bien accepter cette petite bro-chure comme souvenir.» Signé: «Moi la Reine»,avec un paraphe fantaisiste. Rien n’est émouvant

dans sa futilité comme ces quelques lignes auxlettres hautes, tracées, on l’imagine, à la suite d’unefolle soirée par une beauté éphémère. En 1857,dans une notice sur l’auteur de la brochure, CharlesMonselet appelle Elise Sergent «une des premièresdames aux camélias d’avant la Révolution de

70 L’Avant-Scène Opéra

PETITE CHRONIQUE DES DAMES GALANTES

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février.» Voilà donc un parallèle de plus entrePomaré et Marie Duplessis; voilà aussi uneappellation individuelle qui devient nom

commun. Monselet n’est d’ailleurs pas le seultémoin de cet emploi générique. Dix ans plustard, un journaliste, Pierre Véron, évoque lesnoms dont «le langage pittoresque» a affubléles femmes légères. «Ce furent d’abord desLorettes . Puis vinrent successivement lesCamé- lias , lesFil les de marbre , lesDemi-Mondaines , lesBiches , les Cocottes . Nous en sommes aujour-d’hui aux Trichines et auxPieuvres .»

Les mots passent aussi vite que celles qu’ilsdésignent. On sait cependant que lorette , créévers 1840, rappelait un quartier qui en comp-tait beaucoup, celui de Notre-Dame-de-Lorette.

«Je suis coquette, Je suis lorette,Reine du jour, reine sans feu ni lieu!»

chantait encore Gustave Nadaud. Camélia ,dans ce contexte-ci, n’a pas besoin d’explica-tion. Les Filles de marbre est le titre d’un drame ayant

connu un grand succès en 1853 au théâtre du Vau-deville; Xavier de Montépin s’inspira du sujet pourécrire un roman plus osé, les Filles de plâtre , où ilprétendait hypocritement entreprendre «une croi-sade contre les courtisanes». Ces infidèles y survé-curent, sous le nom de demi-mondaines d’après lapièce de Dumas fils, comme on l’a vu. Biches etcocottes ne sont que des résurgences spécialisées determes nettement plus anciens.Trichines et pieuvres ,comparaisons tout aussi zoologiques mais plusdésobligeantes, s’inspirent de l’actualité de 1867 :

les para- sites récemment découverts font peur, unmoment, aux Parisiens, et les Travai lleurs de la mer viennent de paraître. On voit que ces dames (Ces Dames , c’est le titre d’un petit volume de 1860,illustré d’une photographie pâlie, où sont décrites,à l’usage de l’amateur, les jeunes Rigolboche,Rosalba, Fioretta, Alice la Provençale, Alida Gam-bilmuche, Finette, Nini Belles-Dents, Juliette l’É-caillère, Rigolette, Eugénie Trompette, Henriette etReine Souris, Pauline l’Arsouille, et vingt autres;l’auteur anonyme, connaisseur goguenard de dix-

neuf ans, est Auguste Vermorel qui sera en 1871rédacteur en chef de l’Ami du peuple et membre de laCommune avant d’être tué pendant la Semaine San-glante) – ces dames, donc, ne sont pas perçues parmessieurs les écrivains et journalistes sous un jourunanimement favorable.

Pour se faire pardonner les frasques de sa jeu-nesse, Dumas fils prétend avoir fait œuvre d’utilitépublique. «En l’an deux mille, diagnostique-t-il, siles choses continuent, la prostitution, par l’héri-tage, par l’habitude, par l’exemple, par l’intérêt, parl’indifférence, et parce qu’elle apportera l’argentavec elle, aura pénétré fatalement dans toutes lesfamilles. Le mal ne sera plus aigu, il sera constitu-

tionnel.» Fatalitas! Est-ce un prophète qui parle,un moraliste? Ou, comme on ne disait pas alors,un phallocrate? L’histoire veut qu’il soit tombéamoureux de sa Dame en l’apercevant au théâtre. Toutes n’ont pas le même effet sur lui. Au momentoù sa pièce est sur le point d’être représentée, le journaliste Villemessant prétend que le jeuneDumas vient d’improviser des vers, à l’Opéra, sur«une actrice en grande toilette, portant un magni-fique bouquet de roses», mais dont le teint n’estpas d’une pureté parfaite:

«C’est un printemps en miniature:Elle a les roses dans la mainEt les boutons sur la figure»

aurait-il dit avec esprit et goujaterie.

L’Avant-Scène Opéra 71

Eau-fort e de Louis Icart pour LA D AME AUX CAMÉLIAS ,Par is 1935. Coll. Ch. I ssartel.

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Beautés de marbre

Il est vrai que les femmes qui misent tout surleurs charmes ont intérêt à en posséder. En 1846,on affiche un spectacle appelé les Tableaux vivants ;ces perspectives aguichent nombre d’amateurs,parmi lesquels Alphonse Karr, dont voici le compterendu. «M. Keller, qui exploite cette nouvelleindustrie, a pour état de montrer nues au public safemme, sa sœur, et quelques jeunes filles placéespar leur famille ou par elles-mêmes sous la protec-tion de cet habile professeur (c’est ainsi qu’il s’ap-pelle lui-même). Ces exhibitions, au dire des jour-naux, sont faites au point de vue de l’art, aubénéfice de l’art, dans l’intérêt de l’art,etc . Les bour-geois sont allés là uniquement pour voir desfemmes nues. Dans les deux hypothèses, on estcomplètement trompé. Dans les représentationspubliques, l’autorité veut que ces dames soientrevêtues de maillots de soie couleur chair, de tellesorte qu’elles montrent en réalité moins de leurpropre chair que n’en étalent au bal les bourgeoisesréservées (…). Au point de vue de l’art, outre que

ces femmes ne sont pas, pour la plupart, rigoureu-sement belles, le maillot déprime et écrase beau-coup de choses»… Moralité: les beautés sculptu-rales n’appartiennent pas au premier saltimbanquevenu. Trois ans avant la Reine Pomaré, deux ans avant

la Dame aux camélias était née Aglaé-JoséphineSavatier qui, elle aussi, préféra modifier son nom etportait celui, plus euphonique, d’Apollonie Saba-tier. Elle avait quelques dons pour l’art lyriquemais, séduite par un comte belge, préféra vivre plus

richement. Fier de sa beauté, son amant l’incita à sefaire sculpter; c’est ainsi que fut exposée au Salonde 1847 uneFemme piquée par un serpent , en marbreblanc: sur un lit de roses, un corps splendide entiè-rement nu, étendu avec un abandon qui suggéraitaux esprits mal tournés d’autres transes que celles del’empoisonnement. «C’est un moulage!» dirent lesmauvaises langues. C’était peut-être vrai. Le nom dusculpteur (Clésinger, qui allait devenir le gendre peucommode de George Sand) figurait au catalogue;celui du modèle circulait dans les milieux informés.

MmeSabatier était devenue célèbre, comme peutl’être une femme que tous les visiteurs du Salon ontvue nue. Elle était cependant d’un niveau supérieur àcelui des dames précédemment évoquées. On ne luidonnait que duMadame , et ses amis la nommaientla Présidente , parce qu’elle présidait le dimanche à

d’excellents repas où se réunissaient ThéophileGautier, Gustave Flaubert, Gérard de Nerval, Bau-delaire (il fut amoureux d’elle et lui envoya plu-

sieurs poèmes qui figurèrent plus tard dans les Fleurs du Mal ), Henry Monnier, Maxime du Camp,et d’autres aussi assidus mais moins connus. Sansoublier les femmes, à commencer par sa proprepetite sœur, Adelina dite Bébé qui fit, elle aussi, lesquatre cents coups et échangeait avec Gautier despropos et des billets obscènes – avant de réussir unbeau mariage à Saint-Honoré d’Eylau et de mourirà El-Biar en 1905, veuve respectable d’un lieute-nant-colonel. C’est encore M. Ziegler qui a recons-titué dans le livre cité plus haut l’existence de Bébé,comme il l’a fait pour Marix, née Joséphine Bloch,modèle d’une quantité de peintres, habituée desbals publics puis logée, elle aussi, à l’hôtel Pimo-dan, fréquentant comme Mme Sabatier les soiréesde haschisch dont Gautier et Baudelaire ont renducompte, et qui, comme Bébé, sut faire une fin en semariant avant qu’il ne fût trop tard. Elle n’alla pasvivre dans une villa algérienne mais dans un châ-teau danois, où la nouvelle baronne von Ahlefeldeut l’occasion de recevoir la visite d’anciens amis,

témoins de sa jeunesse fougueuse.

Dites-moi où, n’en quel pays…

Noble mariage aussi pour Céleste Vénard diteCéleste Mogador, concurrente directe au Bal Ma-bille de la Reine Pomaré et qui devint comtesse deChabrillan; fins de vie bourgeoises encore pour ceslionnes du Second Empire évoquées par le curieuxérudit qui écrivait – qui écrit encore1 – sous le nomd’Auriant: la légère Louise Delabigne, devenue

Mme

Valtesse de la Bigne et résidant dans un richis-sime hôtel particulier boulevard Malesherbes; ouMarie-Anne Detourbay, rinceuse de bouteilles àquinze ans et transformée en madame de Tourbey,maîtresse d’Émile de Girardin, aimée du princeNapoléon, hôtesse de Sainte-Beuve, retransforméeen madame de Loynes et tenant au début du XXe

siècle un salon patriotard qui était une étape obli-gatoire sur le chemin de l’Académie Française; ouencore Gabrielle Elluin qui alla chercher des dia-mants à Rio de Janeiro pour devenir mademoiselle

Elluini, se montrait sur scène «dans une robe degaze transparente, nue comme le discours d’un aca-démicien» (appréciation de Banville, toujours pré-sent quand il s’agissait d’une jolie femme), fré-quenta d’intéressants financiers et dont le dernieracte public, en 1903, fut d’offrir à son église un

72 L’Avant-Scène Opéra

PETITE CHRONIQUE DES DAMES GALANTES

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vitrail représentantNotre-Dame deLourdes…

Il y avait déjà eu, plustôt dans le siècle,d’autres transforma-tions de respectueusesen respectables, AliceOzy, Esther Guimard,Lola Montès… Mourirà vingt ans en crachantses poumons ou vieillirsous ses bijoux, est-celà le sort des courti-sanes? L’Histoire aretenu ces destins parcequ’ils sont tragiquesdans le premier cas, ouparce que la documen-tation est abondantedans le second; ils sontnéanmoins exception-nels. Où sont donc pas-sées toutes les autres?

Alexandrine, Ursule,Amélina, Victorine,Olympe, Hortense,nommées par Privatd’Anglemont, Rosalba,Fioretta, Alice, Finette,Nini, Rigolette, Pau-line, citées par Vermo-rel ? Ces dames dutemps jadis, que leurest-il arrivé, quel

témoin a connu leurdestinée?Il y en a un, qui nous

dit tout. C’est Gavarni, ce prodigieux dessinateurdevant qui est passée l’humanité de son temps.Une série de ses lithographies dessinées vers lemilieu du siècle a pour titre les Lorettes vieillies : cha-cune des trente planches montre un spécimen dif-férent de vieille difforme, boursouflée, aux gencivesédentées, méconnaissable sous des hardes sansnom, avec des mèches grises qui s’échappent du

bonnet. L’une dit en tendant ses mains crochues:«Et de la beauté du diable, voilà tout ce qui mereste… des griffes». L’autre, un balai à la main :«Encore! si j’avais autant de ménages à faire que j’en ai défaits!» Une autre, renfrognée, est saluéepar une voisine insolente: «Mes respects chez vous,

mame veuve Tout-le-monde!» Encore une: «Je disla bonne aventure depuis que je ne sais plus ce quec’est…» Et le déchirant cri du cœur d’une des plusaffreuses de toutes, qui fouille les poubelles d’un

restaurant: «Ah! j’ai bien aimé le homard!… »On peut tirer le rideau; la farce éternelle est jouée.

1. Rappelons que cet article a été écrit en 1982 (NDLR).

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Couverture du recuei l de dessins P ARIS IMPUR ,Paris 1889. BnF, Estampes.

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Le dieu Janus avait deux visages, la Dame auxcamélias, autre divinité au panthéon d’une plusmoderne mythologie, en revendique au moinsquatre. Elle a été, du temps d’un roi bourgeois, unefemme réelle, elle est et restera l’héroïne d’unroman, la protagoniste d’un drame théâtral, laprima donna d’un opéra. Le modèle a inspiré desportraits successifs, en cascade. Dames parentes,dira-t-on, quelque peu sœurs même? Sans aucundoute. Sœurs jumelles? Certainement pas, commeon va le voir. Trois avatars dont chacun a étéimmédiatement célèbre et cela en cinq ans à peine,il n’en a pas fallu davantage pour que la Dame auxcamélias atteigne la dimension mythique. L’œuvrede Dumas fils témoigne de l’importance prise au

XIXe

siècle par le mythe de la courtisane en mêmetemps qu’elle contribue à le créer. D’autres écri-vains cependant, et des plus grands, ont tenu àtraiter ce type de sujet, tant à l’époque romantiqueque par la suite. Un bref coup d’œil donné à deuxromans qui ont aussi une courtisane pour héroïnenous permettra de dégager les éléments quasiimmuables du mythe alors même qu’il évolue aufil du siècle avec les régimes politiques, les sensi-bilités ou les esthétiques.

Marguerite et non plus Marie

Marie Duplessis, la courtisane aimée de Dumasfils, est devenue un an à peine après sa mort (leroman date de 1848) Marguerite Gautier. Souli-gnons d’emblée que quelles que soient les dettes àl’égard du modèle réel1, cette dernière est unauthentique personnage de roman, qu’elle estMarguerite et personne d’autre. «Marie Duplessisn’a pas eu toutes les aventures pathétiques que jeprête à Marguerite Gautier, écrit Dumas fils dans la

préface de son Théâtre complet (1868). Elle n’a pu jouer, à son grand regret, que le premier et ledeuxième acte de la pièce». Cette précision vautbien sûr aussi pour le roman, puisque roman etpièce de théâtre se suivent de très près durant plusde leur première moitié.

Le roman de Dumas fils dessine de Margueriteun portrait des plus fouillés, ne comportant qu’unminimum de zones d’ombre. Portrait physiqued’abord, où abondent les superlatifs de rigueur,mais au-delà du charme ensorcelant, du parfumde volupté qui émane de sa personne et fait d’elleune enchanteresse, on est frappé par certainsdétails comme l’extrême minceur de la phtisiqueou encore une sensualité discrètement affirmée.Sensualité qu’irrite d’ailleurs la phtisie, laquelledonne «ces désirs ardents qui sont presque tou- jours le résultat des affections de poitrine». Mar-guerite de fait brûle sa vie, multipliant sorties,spectacles et soupers, éprouvant la soif de plaisirsde ceux qui savent qu’ils mourront jeunes. Son

existence est celle d’une courtisane de haute volée,ruineuse pour ses protecteurs, aux besoins d’ar-gent considérables. Pour y faire face, un seulamant ne saurait suffire: il en faut plutôt trois ouquatre à la fois, comme nous l’explique PrudenceDuvernoy, «courtier d’affaires» de Marguerite.

Courtisane mais virginale

Une prostituée de grand style, donc. Et pourtantcette femme doit être curieusement complexe,

puisqu’elle n’a en rien le visage de son «emploi».«On voyait qu’elle en était encore à la virginité duvice, remarque Armand. On reconnaissait en ellela vierge qu’un rien avait faite courtisane, et lacourtisane dont un rien eût fait la vierge la plusamoureuse et la plus pure». Ainsi Marguerite semblene devoir sa condition qu’à quelque malheureuxaccident qui aurait pu ne pas se produire. Sa physio-nomie respire d’ailleurs la fierté et l’indépendance,«sentiments qui, blessés, sont capables de faire ceque fait la pudeur».

Marguerite est donc une contradiction vivante.Parfois elle fredonne au piano des chansons liber-tines, boit et parle comme un portefaix, rit d’au-tant plus que ce que l’on dit est plus scandaleux,bref s’encanaille. Et pourtant son visage est émou-vant et noble, où Armand lit non seulement le

Marguerite, Violetta, Esther

et les autres...

par Jean-Michel Brèque

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pathétique propre à l’être jeune qui se saitcondamné à brève échéance, mais aussi l’absenced’illusion sur soi-même et la réalité assez sordidede sa vie. Car cette femme est la lucidité même. «Sicelles qui commencent notre honteux métiersavaient ce que c’est, elles se feraient plutôtfemmes de chambre… On use peu à peu son cœur,son corps, sa beauté. On est méprisé comme un

paria et on s’en va un beau jour crever comme unchien, après avoir perdu les autres et s’être perdusoi-même». Marguerite sait qu’elle n’est qu’unobjet de plaisir, abandonné dès qu’il lasse. Elle estfrustrée de tendresse vraie, et sa solitude morale estprofonde.

Quand l’amour s’en mêle

De là la vertu rafraîchissante de l’amour d’Ar-mand: non pas un amour égoïste ou de vanité,mais un amour réel, oblatif, ou qui du moins seveut tel dans un premier temps. Ainsi se noue uneliaison dont l’ambition n’est rien moins que detranscender les données habituelles des amours

d’une courtisane: Armand exige d’entrée de jeu lafidélité, ce qui est compréhensible mais naïf ;quant à Marguerite, elle est gagnée peu à peu àl’idée d’une vie nouvelle, mais voit s’élever alorsd’immenses obstacles. Ces obstacles sont aussibien de nature psychologique que d’ordre social

Li thographi e de Jordi c pour LA D AME AUX CAMÉLIAS , vers 1900. Coll . Ch. Issartel.

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ou économique, tous ces facteurs étant d’ailleursliés. Marguerite aime sincèrement Armand. Maisque l’amour, fût-il le plus sincère du monde, estdonc difficile pour une courtisane! Comment per-

suader celui qu’on aime que ses élans sont vrais,qu’ils sont autre chose que les simples réflexes qu’ainstallés en vous l’habitude? Comment éviter lesreproches relatifs au passé, ce passé qui vous colleà la peau comme une tunique de Nessus et dont lestraces se dépistent en mille occasions?

Argent, amour etliberté

Ainsi, dès le lendemainde leur liaison, Marguerite«trompe» Armand, qui uninstant songe à rompre. Ellelui expliquera qu’elle a qua-rante mille francs de dettes,qu’elle n’a pas le choix desmoyens, et qu’elle a eu la«délicatesse» (de fait, c’enest bien une) de ne pas luidemander cet argent. Pre-mière manifestation, dumême coup, des problèmesd’ordre économique, les-quels vont peser sur lecouple d’un poids extrê-mement lourd. CarArmand, face à sa maîtresse,est sans fortune: la pensionque lui verse son père et larente provenant de l’héri-

tage maternel s’élèventensemble à huit millefrancs par an, alors queMarguerite en dépense dixfois plus. En remerciant sesamants riches, elle ferait àArmand un sacrifice consi-dérable et cela, peut-être, enpure perte. Son hésitation,au départ, est compréhen-sible.

Mais il y a plus. Margue-rite a pris l’habitude devivre libre, cette libertéayant tout bonnement un

fondement économique: son indépendance finan-cière. Or Armand voudrait exiger comme allant desoi la renonciation de sa maîtresse à sa vie anté-rieure et, partant, sa soumission, conformément àla conception qui est la sienne des rapports del’homme et de la femme. Mais il n’a pas les moyensde sa «politique». Il veut faire de Marguerite sa

chose alors que c’est à elle qu’ils doivent de vivrecomme ils le font.C’est le vieux duc, et non lui, qui a loué la mai-

son de Bougival où il file le parfait amour avec samaîtresse («Ah mon cher, vous n’êtes pas malheu-reux, c’est un milliardaire qui fait votre lit!»). Son

76 L’Avant-Scène Opéra

MARGUERITE, VIOLETTA, ESTHER ET LES AUTRES…

Al exandre Dumas fi ls àl ’époquede LA D AME AUX CAMÉLIAS . D.R.

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comportement a donc un nom, peu flatteur pour ladignité masculine. De là un malaise sourd, accruquand il apprend que Marguerite vend voiture,

cachemire et bijoux pour éponger diverses dettes. I lproteste, veut s’endetter à son tour pour qu’ellerécupère tout cela, ce qui lui vaut cette remarqueadmirablement lucide de sa maîtresse: «En meconservant le luxe au milieu duquel j’ai vécu, tu veux conserver la distance morale qui nous sépare… ; tuveux te ruiner, esclave que tu es d’un préjugé ridi-cule». On voit par là combien l’amant a du mal àdépouiller le bourgeois qu’il est ou, en d’autrestermes, pour paraphraser Corneille, combienl’amour a du mal à faire les égalités quand il ne lesa pas cherchées.

La figure du père

Ici se place la péripétie majeure du roman,comme de touteDame aux camélias  jouée ou chan-tée: l’intervention du père. Averti par le notaire (àqui Armand avait demandé de transférer au nomde Marguerite la rente maternelle), le père s’inter-pose, notons-le en passant, au moment précis où le

patrimoine familial est menacé. Ses argumentssont connus: on méprisera Armand s’il acceptequ’une courtisane vende pour lui ce qu’elle pos-sède; le mariage de sa fille ne pourra se faire si sonfils persiste dans une vie de désordre. La sociétébourgeoise prie donc Marguerite de bien vouloirconsentir à s’effacer. Cette scène apparaît peu vrai-semblable, moins par elle-même (la tentative depression sur la maîtresse) que par son argumenta-tion et plus encore ses résultats: à savoir la soumis-sion sans combat ou presque de Marguerite, et sur-

tout l’absurde méprise d’Armand qui attribue sonbrusque départ à la crainte de la pauvreté. Là est lafaiblesse dramatique desDames aux camélias . Mais,en même temps, cette scène est décisive puisquel’héroïne y devient définitivement elle-même.

L’exigence de Reconnaissance

Roland Barthes, à qui le sujet a inspiré dansMythologies trois pages particulièrement péné-trantes, nous fait remarquer en effet que le mythe

central de l’œuvre n’est pas l’amour, mais la Recon-naissance. Marguerite aime pour se faire recon-naître: déjà elle aspirait à l’amour et au respectd’Armand pour devenir par là même une personne,pour recouvrer une manière de dignité aux yeux dumonde comme aux siens propres. Elle voulait

gagner tout cela par sa sincérité et son désintéresse-ment. La demande du père lui offre l’occasion enun sens providentielle d’être reconnue par unesociété qui d’ordinaire méprise les courtisanes, etc’est pourquoi son sacrifice sera autant joie del’âme que torture affective. «L’estime de ce vieillardloyal que j’allais conquérir, la vôtre que j’étais sûre

d’avoir plus tard… tout cela me relevait à mespropres yeux.» Elle donne rendez-vous sur-le-champ au comte de N… qui réclamait depuis long-temps ses faveurs: « je rayonnai s d’orguei l en son-geant à ce que je rachetais par cette nouvelle faute.»Comportement remarquable en vérité: Marguerite

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Eau-fort e de Vi set pour U NE COURTISANE ROMANTIQUE 

de Johannès Gros, Paris 1929. Coll . Ch. Issartel.

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replonge dans sa vie antérieure avec une sorted’amère volupté, comme si en un sens elle se vou-lait courtisane et si son sacrifice exaltait moins lafemme vertueuse qu’avait pu masquer en elle lacourtisane que la courtisane capable de vertu, capa-ble de capter l’estime des bourgeois sans cesserpour autant d’être courtisane.

Marguerite est donc victime d’une double aliéna-tion: elle est prisonnière de sa condition de courti-sane dans laquelle la confirme l’intervention dupère au moment précis où elle tentait d’y échapper,de même qu’elle est aliénée par les valeurs bour-geoises qu’elle révère sans songer un seul instant àles critiquer. Sa lucidité, quoique grande, ne va pas jusqu’à concevoir une remise en cause de son statutsocial, non plus qu’à refuser un suicide affectif. Onpeut bien sûr le déplorer. Le personnage n’en gardepas moins une grande puissance pathétique, pathé-

tique et non pas tragique («la fatalité qui pèse surelle est sociale, non métaphysique», souligneBarthes). La jeune femme qui vivait à Bougival unevéritable palingénésie, courait dans le jardincomme une enfant innocente et aurait pu dire,comme la Marion Delorme de Hugo, que l’amour

«lui avait refait une virginité», s’étiole et meurtrapidement des blessures conjuguées de l’absence,des insultes d’Armand et de la phtisie. Elle s’éteint

au plus froid de l’hiver mais, moins heureuse quela Mimi de Murger, dans une totale solitude.

La Dame brûle les planches et les cœurs

L’accueil réservé au roman donna à Dumas filsl’idée d’en tirer une version théâtrale. Il l’écrivit dès1849 mais elle ne fut créée qu’en 1852, la censurelui ayant fait quelques misères. Le succès futimmense. C’est cette version théâtrale qui a permisau monde entier de connaître la Dame aux camélias 

et qui a valu des succès inoubliables aux plusfameuses actrices, Sarah Bernhardt, Eleonora Duse,Cécile Sorel, Ida Rubinstein, Ludmilla Pitoëff,Edwige Feuillère.

La transposition n’est pas allée sans modifica-tions sensibles dues pour partie aux bienséancesthéâtrales de l’époque, et plus encore aux critiquesqu’avait soulevées le roman. Les lecteurs bourgeoisavaient froncé le sourcil devant cet hommagerendu à une femme qui se montrait, durant la pre-

mière partie de l’œuvre, libre et dominatrice, autre-ment dit inquiétante. Ils ressentaient aussi quelquemauvaise conscience de l’attitude de M. Duval père,leur porte-parole, responsable de la rechute deMarguerite dans sa vie première et, au bout ducompte, de sa mort.

Marguerite est donc devenue une courtisanemoins «virulente». Son «protecteur», le comte deCivray, étant éliminé dès le IIe acte, elle n’a plusguère pour amant que Varville dont la seule fonc-tion est de donner le change au héros quant aux

sentiments vrais de celle qu’il aime. Elle a parailleurs une amie, Nichette, ancienne lingèrecomme elle, mais restée vertueuse: la persistanced’une telle amitié lui confère une sorte de plus-value morale. Sans être éliminées, les contingenceséconomiques sont fortement atténuées. On restedans le vague quant aux dettes de Marguerite et àson train de vie, et du coup l’infériorité financièred’Armand est moins manifeste, donc moins humi-liante. Mais du même coup aussi, la conscience desoi de Marguerite devient moindre. Cette image

nouvelle de l’héroïne est d’autant mieux acceptéeque son sacrifice et sa mort ont lieu directementsous nos yeux, dans deux scènes très fortementpathétiques. Dans le roman, nous n’apprenions lesacrifice qu’après coup, en lisant avec Armand le journal testamentaire de Marguerite. Ce sacrifice

78 L’Avant-Scène Opéra

MARGUERITE, VIOLETTA, ESTHER ET LES AUTRES…

Li thographi e d’H . Li nt on d’après Alphonsede Neuvil le pour LA D AME AUX CAMÉLIAS .

Sociétédes Amis d’A. Dumas. Coll. Ch. Issartel.

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est placé maintenant au centre du drame, àl’acte III. Il s’est imposé au dramaturge comme la«scène à faire», car l’auditoire devait en attendre de

bouleversantes émotions. L’acte IV confirme l’ab-surde malentendu déjà installé entre les amants:Armand, décidément stupide, y humilie publique-ment son ancienne maîtresse. Quant au dernieracte, il apporte aux différents protagonistes lesapaisements que le roman leur refusait: Margueritene meurt plus seule, mais enveloppée de la ten-dresse de tous, y compris d’Armand, que son père,pris de scrupules, a détrompé; et l’amant est par-donné par celle-là seule qui pouvait l’absoudre, cequi le libère du sentiment de culpabilité qui ne lequittait plus à la fin du roman. Marguerite l’invitemême à épouser une jeune fille de son milieusocial, geste essentiel qui scelle la réconciliation dumonde bourgeois et de son monde à elle.

Traviata, et non courtisane

L’idéalisation de l’héroïne va faire un nouveaupas avec l’opéra de Verdi postérieur d’un an à peineau drame de Dumas fils. Les bienséances étant plus

contraignantes encore sur les scènes lyriques ita-liennes que sur le boulevard parisien, l’action esttransportée au XVIIIe siècle – pur artifice qui seravite abandonné – et, surtout, le statut de Violettadevient des plus flous. Quelle est son originesociale? Nul ne le sait. Nous constatons seulementque c’est une femme qui aime le monde et ses plai-sirs, a des amants, s’adonne à de multiples amoursmais ignore l’amour, dont pourtant elle rêve. Dupoint de vue de la stricte morale, elle est donc unetraviata , une femme «dévoyée», mais rien ne nous

permet d’affirmer qu’elle soit vénale et partantcourtisane. Elle est au contraire des mieux élevées,élégante et digne. Impossible de l’imaginer s’enca-naillant comme Marguerite aux premières pages duroman. On mesure le chemin parcouru et, dumême coup, l’affadissement du personnage dupoint de vue de la vérité sociale. D’autant que lesfacteurs économiques sont eux aussi pratiquementescamotés. Quand Annina informe Alfredo desventes de Violetta, au IIe acte, ce dernier tombe desnues et semble découvrir pour la première fois

l’existence de contingences matérielles. Son affrontdu second tableau de cet acte, chez Flora, n’enparaîtra que plus incongru. Mais de ce fait aussi,Alfredo devient plus pur, se donne plus qu’Armandà l’amour, nous émeut par son désir plus fort d’al-ler au-delà des contraintes.

Ainsi les seuls sentiments maintenant règnent enmaîtres, l’aventure s’est intériorisée et l’héroïne setransfigure, devenant la plus touchante des vic-times alors que ses rêves d’amour pur et sa noblessemorale auraient dû lui valoir un sort meilleur. Lasympathie du public lui est d’autant plus acquiseque sa soumission se veut totale, sans la plus petitevelléité de rébellion. Au contraire: la pécheressereconnaît elle-même son indignité (elle se désignecomme «la misera ch’èun dì caduta ») et trouve juste

son châtiment. C’est bien le signe que le scénariode Dumas fils est dorénavant accepté comme unedonnée intangible, et que la morale bourgeoisepeut s’étaler en toute bonne conscience. Bonneconscience qu’entament tout de même quelquesscrupules chez M. Germont père puisque Piave, lelibrettiste de Verdi, le fait réapparaître lors de la soi-rée chez Flora, au moment où Alfredo lance soninsulte. Présence en soi invraisemblable, mais quipermet au père de mesurer les conséquencesatroces pour Violetta du silence qu’il lui a imposé:

d’où ses remords de conscience qui expliquent salettre du IIIeacte et l’hommage qu’il vient rendre enpersonne à l’héroïne juste avant son agonie (alorsqu’il était absent au dénouement du drame théâ-tral). Ainsi, les compensations sont aussi grandespour Violetta qu’elle pouvait les rêver.

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Eau-fort e de Vi set pour U NE COURTISANE ROMANTIQUE 

de Johannès Gros, Paris 1929. Coll . Ch. Issartel.

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Les vertus spécifiques de l’opéra peuvent donc jouer à plein, d’autant que l’action dramatique aété habilement resserrée par Piave: en faisant l’éco-

nomie du IIe acte du drame, il la limite à quatretableaux seulement et réalise la plus efficace desellipses entre la fin du Ier acte (où Violetta douteencore d’avoir trouvé l’amour) et le deuxième (quis’ouvre sur le chant de l’amour partagé). L’inven-tion mélodique verdienne réussit l’exploit de don-ner consistance presqu’à elle seule à des person-nages devenus, comme on vient de le voir,définitivement conventionnels. En même temps, lasouffrance se fait musique, les déchirements se tra-duisent en accents élégiaques harmonieux et purs.Le spectateur peut s’abandonner à la pure jouis-sance esthétique sans plus s’interroger sur la sincé-rité profonde de M. Germont père ou sur ce qu’au-rait été son attitude s’il avait plu à Violetta deprotester et de se battre.

Une courtisane balzacienne

Le roman de Dumas fils, bien qu’inspiré par uneexpérience vécue, illustre un thème chéri du

romantisme depuis vingt ans déjà, celui de la cour-tisane réhabilitée par l’amour et la mort. De laMarion Delorme de Hugo (1831) auxScènes de la vie de Bohème de Murger (1849) où Mimi et Musettesont plus grisettes, il est vrai, que courtisanes, biendes ouvrages ont été consacrés à cette catégorie defemmes. Le plus important est sans doute Splen- deurs et M isères des courtisanes de Balzac, paru un anavant la D ame aux camélias et qu’il n’est pas sansintérêt de comparer à cette dernière œuvre. Car au-delà de différences flagrantes (volume de trois à

quatre fois plus épais, grouillement de personnagesmultiples, présence du monde de la pègre et de lapolice), on est frappé par de curieuses analogies.On retrouve chez Balzac le triangle traditionnel dela courtisane, de l’amant de cœur et du riche pro-tecteur, tandis qu’un quatrième larron (là le père,ici Vautrin, alias l’abbé Carlos Herrera) tire lesficelles. La personnalité d’Esther Gobseck, l’hé-roïne, offre moins d’unité que celle de Marguerite(c’est une conséquence de la longue gestation duroman, plus de dix ans). Mais elle a le même aspect

enchanteur, le même pouvoir envoûtant, elleincarne comme elle la volupté. Comme elle encore,elle est lucide, a conscience de son abjection,éprouve la nostalgie de la vie respectable et bour-geoise, et surtout conserve intactes d’extraordi-naires possibilités d’attachement et de dévoue-

ment. Elle s’empoisonnera par désespoir de s’êtredonnée au banquier Nucingen, comme Margueritemourra d’avoir dû retourner à ses anciens amants.

Alors qu’Armand Duval nous décevait seulementpar son aveuglement, Lucien de Rubempré, lui,nous dégoûte franchement par la lâcheté avec la-quelle il accepte de prostituer Esther à ses ambi-tions. Il n’est qu’un être veule, en un sens il se pros-titue lui aussi. Quant à Vautrin, qui au fond exercesur Esther une pression analogue à celle deM. Duval sur Marguerite, il obéit à des motivationsassurément différentes: il veut pour Lucien ungrand mariage obtenu à coup d’argent, non paspour la sauvegarde d’un ordre bourgeois dont il n’aque faire, mais parce qu’il désire plus que toutechose au monde la réussite sociale de celui qu’ilaime. Car il est patent qu’il voue à Lucien une pas-sion de nature homosexuelle. Lucien lui est soumiscomme à un père, mais un père qui serait aussi unamant, sinon même un protecteur: certains ontsoutenu que Lucien serait la deuxième courtisanede l’œuvre et de loin la plus méprisable. Le romande Balzac est le roman des passions surhumaines etplus précisément des instincts fondamentaux de

l’être humain, lesquels possèdent en quelque sorteleur moralité propre: l’amour de Vautrin et d’Es-ther pour Lucien les justifie l’un et l’autre et en unsens les absout, leur donne au sein de l’abjectionune étrange beauté.

La mouche d’or et ses ravages

Entre nos deux œuvres du milieu du siècle et lafameuse Nana de Zola (1879), le parcours est jalonné de nouvelles images de courtisanes et de

filles: pensons aux Misérables avec Fantine (1862),à l’Éducation sentimentale avec la «maréchale» Rosa-nette (1869), à Marthe, hi stoire d’une fi lle de J.-K.Huysmans (1876), à la Fil le Eli sa d’Edmond deGoncourt (1877), pour ne citer que les plus mar-quantes. Après la grisette sentimentale et phtisiquede l’époque louis-philipparde, est venue la «biche»ou la «cocotte» de la galanterie impériale, moitiéartiste et moitié fille, demi-mondaine de haut volau luxe prodigieux. Mais surtout le ton a changé: laréalité a pris un aspect cru, non fardé, sous le regard

de romanciers qui se veulent d’abord froidementlucides. Zola déclare avoir voulu arracher les pres-tiges, protester contre «l’enguirlandage du vice»dont se serait rendu coupable Dumas fils. Il netrouve à la courtisane ni esprit ni délicatesse. I l voiten elle un être grossier qui gardera toujours les

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MARGUERITE, VIOLETTA, ESTHER ET LES AUTRES…

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façons apprises dans la rue ou au cabaret. Nana,fille de Gervaise et de Coupeau, doit à ses parentsla tare alcoolique qui a perverti ses sens. C’est une

fille superbe, irrésistible, affolante, mais «par sonsexe seul et sa puissante odeur de femme». Elleruine ses amants en exigeant d’eux des sommesénormes: certains en sont réduits à l’escroquerie ouaux malversations, des faillites se déclarent, lespatrimoines volent en miettes: «elle nettoyait unhomme d’un coup de dent, dévorait tout commeun grand feu, les vols de l’agio, les gains du tra-vail… » Les désastres sont tels qu’on a pu direqu’elle accomplissait un acte de vengeance sociale,se faisait l’instrument des prolétaires revendi-quants. Point de vue à considérer (Nana vengeraitainsi Marguerite Gautier, en prenant comme unerevanche sur la classe qui l’a tuée) mais à nuanceraussi, car pour y adhérer pleinement, il faudraitque Nana fût moins aliénée qu’elle ne l'est: or elleest tout instinct, Zola nous la montre gardantparmi son carnage «son inconscience de bêtesuperbe, ignorante de sa besogne, bonne fille tou- jours». De plus, le monde que pourrit Nana pour-rissait déjà de lui-même, portait en lui le principe

de sa destruction: pour Zola, le Second Empire estun monde d’ordure insolente, de plaisirs crapuleuxfacilités par la dictature, un immense lupanar oùtout est faux éclat. Nana est donc plutôt le révéla-teur, le catalyseur de la pourriture profonde. Parune coïncidence éloquente, elle meurt le jourmême qui marque l’agonie du régime, celui de ladéclaration de guerre à la Prusse.

«Reine des grâces»ou «horrible infection»?

Avec quelques autres, Dumas fils, Balzac et Zolaont donc contribué à dresser le mythe de la courti-sane au XIXe siècle, mythe vivant et mouvantcomme il se doit. La courtisane est toujours un êtreenvoûtant paré des attraits du péché, un être aliénéaussi, et toujours un danger pour l’homme et lasociété, quelles que soient par ailleurs ses vertus ouses misères. Au-delà de la sympathie que tout créa-teur porte à ses personnages, nos trois auteurs s’ac-cordent finalement dans une attitude défavorable

sinon sévère à son égard. Pour Zola, Nana est la«mouche d’or», image ambivalente exprimant à lafois la beauté et le luxe, mais aussi la corruption, lemal qu’elle répand autour d’elle. En dépit des appa-rences, Dumas fils n’est peut-être pas loin de pen-ser de même2. Quant à Balzac, il a toujours pensé

que l’idée de réhabilitation de la fille publique estune chimère; réactionnaire convaincu, il n’avaitque mépris pour «la stupide philanthropie moder-

ne». Lecteurs et spectateurs ne sont nullementtenus de penser de même, et il est sûr que nombred’entre eux se découvriront toujours des trésorsd’indulgence pour les courtisanes romantiques: iln’est que de voir les fleurs fraîches qui continuentaujourd’hui encore, cent trente-cinq ans après samort3, à orner la tombe de Marie Duplessis aucimetière Montmartre.

Notes

1. Le roman doit évidemment beaucoup à l’expérience per-sonnelle vécue par Dumas fils avec Marie. La part stricte-ment autobiographique est néanmoins assez limitée. Sontfidèles à la réalité vécue les événements du prologue (lescirconstances de la mort, l’exhumation, la vente auxenchères) et le récit de la rencontre: elle eut bien lieu au

 Théâtre des Variétés en septembre 1844. Prudence Duver-noy se nommait en fait Clémence Prat, et était voisine deMarie, boulevard de la Madeleine. L’ami anonyme duroman est Eugène Déjazet, fils de la grande actrice VirginieDéjazet. Plus que les protestations d’amour, ce furent bienla compassion pour les crachements de sang et le respectmanifesté qui firent céder Marie à Dumas fils, lequel n’avaitaucune fortune. Tout le reste de la trame du roman est purefiction. Il n’y a pas eu pour le couple de séjour à Bougival,mais sans doute Dumas en a-t-il rêvé lors de ses prome-nades de week-end avec Marie à Saint-Germain-en-Laye. Demême que ses mouvements de jalousie lors des tromperiesou des mensonges de Marie lui ont inspiré le scénario desrapports difficiles d’Armand et de Marguerite aux premierstemps de leur liaison.

2. Dumas fils a sans doute éprouvé pour Marie des sentimentstrès mêlés. Certaines phrases de son roman nous semblent

révélatrices à cet égard, et nous songeons ici à la scène del’exhumation, au début du roman. «Quand la bière s’ou-vrit, dit le narrateur, une odeur infecte s’en exhala». Pour-quoi un tel détail ? Simple souci de réalisme? Il témoigne-rait alors d’un goût fort discutable, vu le contexte. Pourquoiajouter encore: «À l’heure où j’écris ces lignes, le souvenirde cette scène m’apparaît dans son imposante réalité.»Cette réal ité que l’auteur prétend nous imposer, ne serait-cepas que Marguerite, la divine et l’enchanteresse Marguerite,n’est finalement que pourriture? Nous touchons là proba-blement à la vérité profonde de Dumas fils. Sa naissanceillégitime, son enfance de bâtard malheureux, frustrée d’unpère que courtisanes et actrices retenaient loin du foyer,

l’ont conduit à adopter vis-à-vis des femmes une attitudetrès ambiguë. Sa sensualité s’est toujours doublée de miso-gynie (très manifeste dans l’ensemble de son œuvre théâ-trale). Il est certain qu’il est tout aussi présent dans le per-sonnage de M.Duval père que dans celui de son fils, et qu’iltrouve méritée «l’expiation» que doit subir Marguerite.

3. Rappelons que ce texte a été écrit en 1982 (NDLR).

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Parmi les rares chefs-d’œuvre lyriques qui, audépart, ont essuyé un «four» notoire, par suite dela défaillance d’un ou plusieurs interprètes, d’unecabale ou de l’incompréhension du public de lapremière heure devant un style ou un ton nou-veau, la Traviata figure en bonne place aux côtés duBarbier de Sévi lle , de Norma et de Pelléas et Méli- sande . Comment une œuvre aussi réussie, aussiparfaite musicalement et dramatiquement que la Traviata a-t-elle pu manquer son départ? Tâchonsde l’analyser.

En décembre 1851, Giuseppe Verdi vient, avecGiuseppina Strepponi, l’ancienne grande canta-trice devenue la compagne de sa vie, passerquelques mois à Paris. Il y séjourne encore lorsquela D ame aux camélias , la pièce qu’Alexandre Dumasfils vient de tirer de son célèbre roman, est créée le2 février 1852 au théâtre du Vaudeville avec Eugé-nie Doche. Très certainement, Verdi assiste à l’unedes premières représentations de l’ouvrage et res-sent un coup de cœur pour la bouleversantehéroïne de Dumas. C’est avec la pensée de cette

Dame aux camélias que Verdi revient en mars à Bus-seto, son pays natal où il a établi sa résidence. Quelmerveilleux sujet d’inspiration pour sa prochainepartition que le drame d’amour de MargueriteGautier! Il doit justement signer un contrat avecLa Fenice de Venise pour un nouvel opéra etlorsque l’affaire se conclut à Busseto, le 4 mai1852, avec le secrétaire de l’illustre théâtre Gu-glielmo Brenna, Verdi voit son rêve prendre corps.Il s’adresse aussitôt au librettiste Francesco MariaPiave, qui fait lui aussi le voyage de Busseto pour

établir avec le compositeur le plan de l’adaptationde la pièce de Dumas. Piave, dans son livret, ensuit fidèlement l’intrigue, supprimant seulementle deuxième acte qui, dramatiquement, est lemoins important, et resserrant ainsi davantage ledrame qu’avait inspiré à Dumas sa passion fulgu-

rante et éphémère pour Marie Duplessis. L’opéra,qui devait d’abord s’intituler Amore e morte , s’inti-tulera finalement la Traviata (la Dévoyée ).

Dans la fièvre et l’enthousiasme, le compositeurtraduit musicalement les états d’âme et les pulsa-tions de cœur de celle qui va devenir son immor-telle Violetta. Pour interpréter sa fascinantehéroïne, il voudrait «una donna di prima forza ». Ilenvisage tour à tour toutes les grandes cantatricesdont on parle sur le plan international: la Cruvelliserait parfaite, mais elle est pour trois ans sous

contrat avec Londres et Paris; Giuseppina Medoripourrait aussi incarner le rôle, mais elle est retenueà Saint-Pétersbourg. Il y aurait également RosinaPenco qui, d’après Verdi, «est belle, émouvante etse tient bien en scène, qualités optimales pour la Traviata », mais elle chante à Rome. Il pense égale-ment à Angiolina Bosio, à Virginia Boccabadati, àCarolina Alaimo, à Marietta Piccolomini, maistoutes sont engagées ailleurs pour cette saison1852-1853 qui doit voir la création de la Traviata àLa Fenice. Finalement, Verdi, à contrecœur, est

obligé d’accepter, pour créer son héroïne, FannySalvini-Donatelli, cantatrice moins connue que lesautres mais qui a cependant été engagée pour lasaison comme prima donna à La Fenice, à la suitedes succès qu’elle avait obtenus au Regio de Parme.À contrecœur également, Verdi doit s’incliner

La création

malheureusede LATRAVIATA

par Jacques Gheusi

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devant la volonté de la direction de présenter la Traviata comme un drame d’une autre époque,début XVIIIe, alors que le compositeur concevait,

lui, son opéra dans le cadre de son époqueactuelle, beaucoup plus adaptée au style del’œuvre, inspirée d’un drame contemporain.

6mars 1853: fiasco

À côté de la Violetta de Salvini-Donatelli, la dis-tribution de la Traviata est complétée par l’Alfredodu ténor Lodovico Graziani et le Germont dugrand baryton Felice Varesi, qui avait déjà créé lesdeux rôles titulaires de deux autres opéras deVerdi :Macbeth etRigoletto .La Traviata est présentéeà La Fenice le 6 mars 1853. Le lendemain, Verdiécrit à son ami et secrétaire Emanuele Muzio: «La Traviata , hier, fiasco. Est-ce ma faute ou celle deschanteurs? Le temps jugera.»

Le premier acte s’était pourtant bien déroulé etSalvini-Donatelli avait brillamment enlevé songrand air qui lui avait valu une chaleureuse ova-tion à la tombée du rideau. Les choses avaientcommencé à se gâter au début du deuxième acte,

lorsque Lodovico Graziani, dans une méformevocale évidente, avait attaqué son air avec une voixaltérée par la fatigue des répétitions. Varesi, de soncôté, déjà en fin de carrière bien qu’âgé à peine dequarante ans, n’avait pu parvenir à faire ressortirles beautés de son grand duo avec Violetta ni cellesde son air; aussi l’acte s’était-il terminé dans lafroideur d’un public déçu. Le second tableaun’avait pas réussi à effacer les mauvaises impres-sions causées par la carence momentanée de Gra-ziani et par la défaillance des moyens de Varesi.

Enfin, lorsqu’au dernier acte, le médecin avait dit àla fidèle Annina que la pauvre Violetta se mouraitde phtisie, le public n’avait pu s’empêcherd’éprouver une douce hilarité devant l’opulentesanté qu’arborait la Salvini-Donatelli. Cette floris-sante apparence de l’héroïne n’avait pas permis aupublic de se laisser émouvoir par le bouleversantduo final et la mort de Violetta.

Il ne faudrait pas croire cependant que cettecréation de la Traviata se soit soldée par un écheccomplet. Dans les jours qui suivirent la première,

la presse se montra dans l’ensemble favorable à lanouvelle partition de Verdi et la majorité des cri-tiques en reconnut les éclatants mérites. Si unereprésentation dut être annulée par suite de l’in-disposition de Graziani et remplacée par celle duCorsaro qui venait de se jouer depuis peu à La

Fenice, les autres représentations prévues de la Tra- viata furent accueillies beaucoup plus chaleureuse-ment que le premier soir et nous en trouvonsl’écho dans le journal théâtral français l’Entracte qui publiait dans son numéro du 22 mars, soit unpeu plus de deux semaines après la création:

«Nous venons de recevoir d’autres nouvelles quine s’accordent pas avec les premières. La Traviata ,quoique toujours faiblement exécutée, s’est rele-vée complètement après la troisième représenta-tion. La musique tantôt sentimentale, tantôt dra-matique, a été comprise, et tout ce qui avait passéinaperçu aux deux premières a été applaudi àoutrance à la troisième représentation.»

Le triomphe de l’ouvrage ne devait cependantêtre incontestable que lors de la première reprisequi eut lieu, un an plus tard, toujours à Venise,

mais cette fois au Teatro San Benedetto, le 6 mai1854, avec trois interprètes remarquables: lasoprano Maria Spezia, le ténor Francesco Landi etle grand baryton Filippo Coletti qui avait été lecréateur de deux autres opéras de Verdi : Alzira (Gusmano) et I M asnadieri (Francesco Moor).

Lodovico Graziani , créateur du rôle d’Al fredo.Coll . J. Gheusi.

Fanny Salvin i -Donatell i ( 1815-1891) , créatr icedu rôle de Violetta. Coll . J. Gheusi.

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La Traviata a été incontestablement une œuvrede rupture qui, comme toutes les œuvres de cegenre, a surpris et désorienté le public avant de leconquérir, et qui par la suite a fait figure de jalonimportant dans l’évolution de la dramaturgielyrique au XIXe siècle: c’est la première manifes-tation d’une certaine modernité, la première foisque la société se représente sans les travestisse-ments historiques habituels et qu’elle réduit auminimum la distance qui la sépare de son proprereflet. Il est donc nécessaire de comprendre ce qui

a permis l’avènement d’une telle œuvre dans latradition lyrique de l’époque comme dans l’œuvrede son auteur.

Éclectisme

Comme on a coutume d’associer les premièresœuvres de Verdi au fracas des batailles et aux coupsde grosse caisse, la naissance de la Traviata un peuplus de dix ans après le triomphe de Nabucco paraît surprenante et conduit à parler d’un «tour-

nant» dans l’art verdien, d’une conversion au réa-lisme et à l’intimisme qui s’amorcerait avec Luisa Miller en 1849, Stiffelio en 1850, et se manifesteraitpleinement en 1853 dans l’adaptation du dramede Dumas fils. Il faut, s’agissant de Verdi, se garderd’avancer des oppositions aussi tranchées: il suffitde rappeler que deux mois à peine séparent la Tra- viata du Trouvère , représenté à Rome en jan-vier 1853, qui constitue l’apothéose de ce mondechevaleresque et héroïque auquel Violetta tournerésolument le dos; de la même manière, l’année de

la Batai lle de Legnano (1849), œuvre patriotique etguerrière s’il en fut, est aussi celle de Luisa M il ler .

En réalité, la période qui, dans l’œuvre de Verdi,correspond aux traditionnelles «années de bagne»est moins monolithique qu’on le croit et voit despercées vers des genres qui ne doivent rien à

La Traviata

ou la fin de l’idyllepar Gilles de Van

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l’ardeur belliqueuse; si l’on veut déceler les débutsd’un infléchissement de l’art verdien vers uneveine plus intimiste, on peut remonter à l’année1844 où fut créé I due Foscari : ce drame décrit le

long calvaire d’une famille injustement poursuiviepar la haine tenace d’un représentant d’une autregrande famille vénitienne, les Loredano ; or, cen’est pas le choc épique des volontés et des éner-gies rivales qui intéresse Verdi dans cette sombrehistoire (le vengeur Loredano est un rôle desecond plan), mais la description du malheur quis’abat lentement et inexorablement sur les Foscari,sur le fils Jacopo brutalement jeté en prison, surl’épouse de Jacopo qui se débat en vain contre leConseil des Dix et sur l’impuissance du père Fran-

cesco que ses fonctions de doge paralysent, luiinterdisant d’intervenir en faveur de son fils. L’in-trigue assez maigre cède la place à une longue ana-lyse de cette situation pathétique où nous ne trou-vons jamais la fébrilité qui, dans d’autres œuvres,enchaîne les péripéties et les coups de théâtre.

La preuve de cet éclectisme de Verdi est d’ailleursofferte par sa lettre au poète Giuseppe Giusti quilui reprochait, à propos deMacbeth , de délaisser lalittérature de son pays pour s’inspirer de sourcesétrangères et traiter d’un genre (le fantastique) quilui paraissait peu adapté aux circonstances; sansdoute, répond le compositeur, mais est-ce sa fautesi, ne trouvant pas son bien chez les Italiens, il vale chercher ailleurs1? C’était exprimer fort claire-ment que l’art a ses raisons qui ne sont pas tou-

 jours celles de la politique. Il faut d’ailleurs croire

que le désir d’explorer une veine moins véhé-mente et moins guerrière avait en Verdi des racinesprofondes puisqu’en 1856, soit trois ans après la Traviata , il avoua au poète Somma rêver d’un«drame paisible, simple, tendre: une espèce deSomnambule qui ne soit pas une imitation de la Somnambule »2.

Racines objectives, racines subjectives

Il n’est malgré tout pas faux de noter à partir de

Luisa Mil ler un changement, sans doute lié à deuxfaits sur lesquels nous passerons très rapidementcar ils font partie de la préhistoire immédiate dela Traviata : l’échec des révolutions de 1848 et la liai-son du compositeur avec Giuseppina Strepponi ;Verdi, alors à Paris, bondit en Italie lorsqu’ilapprend que les Milanais se sont dressés contre lesAutrichiens, et il assiste la mort dans l’âme à ladéfaite des idéaux patriotiques et révolution-naires; la période 1849-1859 correspond à unrepli sur soi du compositeur, pendant lequel mûrit

son ralliement à la monarchie piémontaise dontvoulait se servir Cavour pour réaliser l’unité ita-lienne, et qui conduira le républicain et mazzinienqu’était Verdi à devenir cavourien et à se détacherde ses convictions juvéniles. C’est également aucours de ces années que sa liaison avec la chanteuse

Giuseppina Str epponi ( 1815-1897) .

Museo Teatrale all a Scala, M il an.

page de gauche: 

Giuseppe Verdi . Li thographi e anonyme.

BnF, Estampes.

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Giuseppina Strepponi devient stable. Les pro-blèmes qu’il rencontra pour faire admettre sa com-pagne (il ne l’épousera qu’en 1859) dans des

milieux mesquins et provinciaux expliquent peut- être qu’il ait abordé les questions de morale fami-liale et conjugale et les rapports entre l’amour et lasociété dans une perspective moins tranchante quecelle qui gouverne ses premières œuvres: de fait,Luisa Mil ler nous montre les catastrophes que peu-vent engendrer l’ambition et l’orgueil de castequand ils entravent un amour sous prétexte que lamariée n’est pas un bon parti ; quant à Stiffelio ,représenté à Trieste en 1850, il aborde rien moinsque le problème de l’adultère et du divorce.

L’opéra semiseria

L’allusion de Verdi à la Somnambule dans la lettrecitée plus haut, indique qu’en cherchant une veineplus intimiste et en abordant des problèmescontemporains dans un cadre plus moderne, iltrouvait sur sa route la tradition italienne de l’opérasemiseri a . Comme son nom l’indique, l’opéra semi- seria est à mi-chemin entre l’opéra bouffe et le

drame romantique; reprenant l’inspiration senti-mentale de certains opéras bouffes du XVIIIe siècle(Paisiello) et marqué par ailleurs par la comédielarmoyante française, ce genre «moyen» représenteun filon mineur mais non négligeable dans la tra-dition lyrique: Rossini lui consacre quatre œuvresdont la célèbrePie voleuse , Bellini s’en inspire pourla Somnambule et pour certains passages des Puri- tains , Donizetti écrit sept œuvres dans ce style dontla plus connue est Linda di Chamounix (qui, soit diten passant, faisait partie, commela Somnambule , du

répertoire de Giuseppina).Ce genre avait un code relativement précis: ilmettait en scène des personnages «moyens», bour-geois ou gens du peuple, dans un cadre modeste etrelativement contemporain (un gros bourg près deParis dans la Pie voleuse , un village suisse dans la Somnambule ) ; il mélangeait des passages pathé-tiques (en général liés au sort d’une innocenteinjustement traquée comme Ninetta, Linda ouMatilde di Shabran) et des scènes qui, sans toujoursêtre comiques, étaient du moins légères. Si l’on

excepte la convention de l’heureux dénouement quiconsacre dans l’opéra semiseria le triomphe de l’in-nocence, par le thème choisi (la mésalliance d’unnoble et d’une paysanne), par le cadre de l’intrigueet sa note pastorale (un paisible village à l’ombre duchâteau d’un seigneur ambitieux et rogue), par le

personnage de l’héroïne (une frêle et vertueuse jeune fille que la perfidie contraint à renier sonamour), Luisa M il ler doit quelque chose à l’opéra

semiseria en même temps qu’elle ouvre la voie à la Traviata .

Paris

Le dernier élément qu’il faut prendre en comptedans la genèse de l’esprit de la Traviata est certaine-ment la rencontre de Verdi avec Paris, qui date de1847 et qui donna lieu par la suite à des séjoursassez longs. Les rapports du musicien avec la Francefurent souvent ambigus, marqués par un incontes-table lien affectif mais aussi par une sorte deméfiance pour la vie parisienne, son clinquant et safrivolité, et l’on trouve dans sa correspondance desexpressions qui rappellent des points précis de la Traviata : quand Verdi écrit qu’il aime Paris parcequ’on ne se soucie pas de lui et «qu’au milieu d’untel vacarme il me semble être dans un désert», onpense aussitôt au «popoloso deserto » de Violetta à lafin de l’acteI ; quand en 1866 Giuseppina souhaitequitter la capitale «où la vie n’est qu’une fièvre vio-

lente, rapide, harassante, qui conduit au tom-beau»3, on pense encore à Violetta. Mais Verdi fitplus que se frotter à la vie parisienne, il explora unecapitale intellectuelle et artistique, il put humer«l’air du temps» et plus précisément pressentir lafin d’un certain romantisme dans les décombres dela révolution de 18484. L’éclectisme de Verdi dansson évolution, l’incidence des événements poli-tiques, l’influence de l’opéra semiseria et la décou-verte de Paris constituent donc des facteurs externesqui accompagnent la genèse de la Traviata ; reste à

en retracer l’histoire interne au fil des œuvres pré-cédentes.

Permanence et intériorisation du sacrifice

En adaptant la Dame aux camélias , Verdi chan-geait de cadre et d’époque mais il ne changeait pasde thème puisqu’il retrouvait dans la pièced’Alexandre Dumas fils un des axes de sa drama-turgie: le sacrifice; de Oberto àAida , le sacrifice parune femme de son amour à une cause quelle

qu’elle soit est un thème majeur qui occupe le plussouvent une place centrale (le deuxième acte dansLuisa Mil ler et dans la Traviata ) ; c’est le plus fort lienqui unisse les œuvres dont le titre est constitué parle nom de l’héroïne (Alzira , Giovanna d’Arco , Luisa Miller , la Traviata etAida ). Si l’amour révèle Violetta

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LA   TRAVIATA OU LA FIN DE L’IDYLLE

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à elle-même en lui prouvant qu’elle n’est pas cettearide courtisane qu’elle croyait être devenue et quesurvit toujours en elle l’âme d’une enfant, c’est

moins à cet amour que Verdi s’attache qu’au renon-cement et à ses conséquences; Violetta expie unefaute dont elle pensait pourtant être lavée et seulela mort la réintègre dans un monde dont sonmétier l’avait exclue; en s’effaçant, elle retrouve uneplace dans ce monde à travers la fonction tutélairequ’elle revendique lorsque, donnant son portrait àAlfredo, elle lui promet de prier au ciel pour lui etpour la «vierge pudique» qu’il épousera.

Ce cycle implacable du sacrifice est présent dansl’œuvre de Verdi dès son premier opéra où Leonoraaccepte de sacrifier son amour à la soif de ven-geance de son père Oberto, mais pour parvenir àlui donner l’intensité et l’émotion qu’il revêt dansla Traviata , il fallait deux conditions que le musi-cien réalisera pendant les années qui séparent sesdébuts de la trilogie populaire: l’affinement de savision du personnage et la découverte de l’intério-rité. Il faut attendreErnani pour que le personnages’arrache à sa pure fonction d’incarnation d’uneattitude morale ou d’un choix religieux ou poli-

tique, et qu’il acquière une physionomie simplemais nette; Ernani, Silva et Don Carlo sont des per-sonnages simples, frustes si l’on veut, mais ferme-ment dessinés et possédant une caractérisationmusicale propre. En revanche, il faut attendre Mac- beth pour que l’intériorité d’un personnage, sonrapport de soi à soi, ses conflits, ses hésitations,trouvent une consistance musicale et soient perçuscomme distincts du théâtre des événements; lescontrastes souvent abrupts que nous trouvons dansMacbeth séparent admirablement le plan de l’ac-

tion et le monde de la nuit de la conscience oùmûrissent les crimes des deux héros; autant lamusique «extérieure» paraît conventionnelle, tapa-geuse et l’est parfois à dessein, autant, dans lesgrandes scènes, Verdi cherche et trouve un style dedialogue plus haché, plus sourd, moins fait demélodies ou même de thèmes que de gestes vocauxet d’impulsions.

Avec Rigoletto , cette scission entre l’intérieur etl’extérieur s’instaure au cœur même du person-nage: déjà pressentie chez Francesco Foscari qui

meurt de ne pouvoir être à la fois doge et père, ellen’est pleinement réalisée que chez Rigoletto dansl’opposition du bouffon courtisan et du père; onsait d’ailleurs que c’est cette dichotomie entre unextérieur grotesque et une âme sublime qui fascinaVerdi. Dans cette perspective, Rigoletto est bel et

bien une Violetta ante li tteram : sans parler des ana-logies profondes qui unissent les deux œuvres (oncommence par une fête où le protagoniste affiche

sa face mondaine et sociale, on continue par unlong duo entre le soprano et le baryton, puis onassiste à une nouvelle et humiliante confrontationdu protagoniste et de la société, etc.), les deux per-sonnages ont plus d’un trait commun: le métier deVioletta, son adhésion forcée au monde du plaisir,c’est comme la bosse de Rigoletto, comme sa dif-formité qui en fait un bouffon ; corrompue superfi-ciellement, Violetta cache tout autant que Rigolettola nostalgie d’une vie simple et pure, mais ellemourra de cette fatale contamination avec la villecomme Rigoletto ne pourra échapper à la malédic-tion de son ambiguïté fondamentale. Dès lors quela scission est dans le personnage, on est sur la voiede cette opposition entre l’individu et la société,entre son écorce sociale et son être intime, quiprend de plus en plus de place dans l’œuvre deVerdi 5 et le laisse seul face à lui-même et à son des-tin. Cette solitude, encore peu sensible chez Rigo-letto parce qu’on ressent davantage sa doubleappartenance à deux mondes antinomiques, éclate

en revanche avec Violetta: il n’est pas indifférentque, contrairement aux habitudes, le finale del’acte I soit constitué par l’air de Violetta; après lastrette de l’introduction, après le départ des invités,pendant le triste et gris petit matin des lendemainsde fête, Violetta perçoit soudain sa solitude commetotale extranéité à un monde auquel elle appartientpourtant; solitude qui resurgira au troisième acteavec le fracas de la bacchanale qui entre par lesfenêtres de la chambre où elle agonise toute seule.

Le déclin du patriarcheEn même temps que croît la finesse des analyses

de Verdi, décroît la cohérence morale du rituel qui,dans sa première dramaturgie, assujettissait l’indi-vidu à un strict respect de certaines normes éthico- sociales: on peut trouver qu’Oberto est odieux lors-qu’il sacrifie sa fille à sa soif de vengeance, lorsqu’ilrefuse un compromis pourtant honorable parceque l’offense veut la réparation du sang, on peut nepas l’excuser, on peut du moins le comprendre tant

est net le contexte féodal où l’intrigue s’inscrit, sigrand est l’extrémisme des attitudes et rigide lecode de l’honneur; on n’aime qu’à moitié les Silva,les Zaccaria, ou les Pagano dont la rigueur est sou-vent criminelle, mais on admire aussi la sombregrandeur de ces «pères» inflexibles; or d’autres

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œuvres vont mettre en scène des pères dépourvusde toute aura héroïque, comme le comte de Walterqui, dans Luisa Mil ler , ne s’oppose au mariage deson fils que pour de basses raisons d’ambition poli-

tique et en recourant aux moyens les plus désho-norants. Dans Stiffelio et bien avant Simon Boccane- gra , Verdi s’en prend à un autre grand dogme de sadramaturgie, la vengeance: Lina s’étant montréesensible aux avances du jeune Raffaele, Stiffelio, sonmari, est tenté de se venger; vivement encouragépar

son beau-père Stankar mais tra-vaillé par sa conscience religieuse(il est pasteur), il finit par propo-

ser à sa femme le divorce avantde pardonner son adultère, sanstoute fois pouvoir empêcherStankar de trucider le pauvre Raf-faele; Stankar fait nettementfigure de personnage archaïque,de vieux militaire réactionnaireabsurdement intransigeant sur lavertu des femmes mariées, ettoute l’attention de Verdi va versStiffelio et la façon dont àl’église, dans une fort belle scènefinale, il évoque la parabole de lafemme adultère pour s’interdirede jeter la première pierre à sonépouse et pour lui offrir son par-don.

L’érosion de l’idéal héroïque,le ternissement de la figure pater-nelle, le doute sur la valeur decertaines attitudes face au monde

moderne, donnent tout leur inté-rêt au personnage de Germont,moins conventionnel qu’on nel’a dit; si figé qu’il soit dans sonrespect des convenances exté-rieures, il révèle parfaitementl’ambiguïté et l’inactualité d’unecertaine morale dont il est peut-être même conscient: il sait qu’ilne peut plus tempêter mais seu-lement sermonner, qu’il ne peut

plus imposer mais qu’il doitpresque quémander; ses critèresde référence achoppent sur lapersonnalité complexe de Vio-letta, son éthique n’a pas de prisesur la dignité morale de la jeunefemme. Il aura gain de cause

mais repartira sans cette fière assurance des pèresde jadis qu’il semblait vouloir manifester lorsqu’ilaborde Violetta, croyant n’avoir affaire qu’à unecocotte vulgaire et intéressée. La mauvaise

conscience s’est insinuée en lui et contribue à créerce malaise diffus auquel il est difficile d’échapperquand on suit attentivement ce grand duo del’acte II. La conception en définitive assez fine dupersonnage montre la conscience qu’avait Verdi dela modernité de son sujet.

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LA   TRAVIATA OU LA FIN DE L’IDYLLE

Portr ai t anonyme de Francesco Mar ia Piave. D.R.

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Évolution et adaptation de l’écriture

Si nombreux que soient les fils qui relient la Tra- viata aux œuvres antérieures de Verdi, il faut néan-moins constater qu’elle représentait un audacieuxpari pour l’époque et injectait une forte dose demodernité dans une tradition habituée aux traves-tissements historiques et géographiques; c’estmoins une affaire d’époque (Stiffelio ne donneguère ce sentiment de modernité) que de thèmes etde style: plus de bourgs, de villages ou de châteaux,mais la grande ville moderne, plus de placesd’armes ou de vastes salles du conseil, mais unsalon bourgeois ou le boudoir d’une maison decampagne; le fameux «or» qui excite la cupiditédevient tout bêtement de l’argent, le peuplecomme expression collective d’une nation ou lesmasses chorales traditionnelles (soldats, courti-sans, brigands) se fondent dans une foule à la foisdifférenciée et anonyme, la cérémonie – mariageou Te Deum – avec son rituel s’estompe devant lescontours moins bien définis de la vie mondaine.

Pour décrire cette réalité nouvelle, Verdi fait

preuve d’une justesse de style d’autant plus frap-pante qu’elle contraste avec le style du livret parfai-tement inadapté à son sujet: efficace sur le plan del’organisation dramatique, Piave ne sait pas adap-ter sa langue au monde qu’il est appelé à évoquer etLuigi Baldacci a justement montré le décalage quiexistait entre la réalité de la Monarchie de Juilletdécrite par Dumas fils et une langue traditionnellequi ne sait pas dire l’heure sans se référer à la coursedu soleil et qui parle non de mois mais de«lunes»6. Verdi a magistralement évité ces discor-

dances. On peut sans doute trouver que certains deses thèmes de fête sont fâcheusement proches deceux que l’on trouve dans ses drames historiques(voir les analogies entre le premier thème de la fêteà l’acte I et un des thèmes de l’ouverture d’Oberto ),mais c’est moins un défaut de réalisme que l’effetd’un jugement moral : il faut attendre un Bal mas- qué pour qu’un certain esprit «parisien», pour quel’art de suggérer d’un même mouvement l’élégance,la désinvolture et le tragique soient pleinementassimilés par le langage verdien; dans la Traviata , le

musicien s’en tient à une vision très négative de lafête – extériorité pure, course stérile et aride vers leplaisir, frénétiquecarpe diem que Piave souligne parde nombreuses références au temps et que Verdisuggère en imposant une pression rythmique qu’ilsait admirablement maintenir. La grammaire du

compositeur joue encore fortement sur lescontrastes et ses thèmes servent fort bien son pro-pos. En revanche, il évite soigneusement les

rythmes ou les formules mélodiques que l’oreillerattache immédiatement à une certaine rhétoriquehéroïque. Le seul personnage à tomber parfoisdans ce langage est Alfredo: sa cabalette dudeuxième acte est déplacée tant comme musiqueque comme langage mais il y a tout lieu de penserqu’elle fut une concession aux habitudes del’époque; quant à son éclat du tableau suivant, avecson typique saut de sixte («Ogni suo aver »), iltémoigne fort bien de l’incompréhension d’Alfredopour la situation réelle. La cabalette de Germontlui-même, qui s’annonce tendue dans les premièresmesures, évolue aussitôt vers la moelleuse fluiditéqui caractérise son andante initial. D’une manièregénérale, les grandes scènes de l’œuvre sont régiespar des constantes musicales qui définissent lecoloris de l’opéra: l’utilisation de formes simples,plus proches de la ballade ou de la chanson que dela coupe traditionnelle de l’air (le premier andante de Violetta et son air final ainsi que l’andante deGermont), la préférence pour les petits intervalles

qui donnent de la fluidité à la ligne mélodique et,quand la phrase prend une certaine ampleur, latendance à procéder par degrés conjoints en évitantles sauts ou les cassures, l’affinement du dialoguemusical qui profite à la fois des acquis de Rigoletto (la conversation sur fond de danses) et de Macbeth (le dialogue rapide et animé), l’exploitation judi-cieuse des moments où la voix se tait pour laisserparler l’orchestre (dont on trouve déjà de beauxexemples dans Luisa M il ler ), l’amorce d’un art du«fondu» qui enchaîne en douceur les thèmes con-

trastants (manifeste dans l’introduction dudeuxième thème de la fête, lorsque Gaston présenteAlfredo à Violetta). Verdi quitte le cothurne et effec-tue avec une grande maîtrise le passage vers un artde la suggestion et de la demi-teinte.

La fin de l’idylle

La relative filiation que l’on peut établir entre la Traviata et l’opéra semiseria pour les thèmes, ledécor, l’époque ou certains procédés musicaux,

accuse en même temps l’irrémédiable distanceséparant l’aventure de Violetta de ce genre, commesi en racontant très simplement l’histoire d’uneinnocence dévoyée tout en lui conférant la dignitéd’une tragédie, Verdi l’avait parachevé et lui avait enmême temps donné le coup de grâce, en montrant

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combien son esthétique et son idéologie apparais-saient dépassées dans la société moderne. Mais ceconstat s’accompagne d’une très forte nostalgie sur

laquelle nous aimerions conclure: l’atmosphère del’opéra semiseria est pastorale ou du moins idyl-lique, les personnages y sont de braves gens queleur conservatisme moral n’empêche pas d’êtrefoncièrement gentils; l’idéologie en est légitimisteet consolatrice, elle nous montre les embûchesdont doivent se jouer l’innocence et la vertu – engénéral les péripéties qui menacent de ternir laréputation d’une chaste jeune fille –, mais ledénouement sanctionne leur triomphe en mêmetemps qu’il consacre un mode de vie provincial ettraditionnel fondé sur le consensus social dans lerespect de hiérarchies justes et compréhensives, etsur l’observance des vertus du travail et de l’honnê-teté. On pleure sur les mésaventures de Linda di Chamounix comme on pleure sur celles de l’hon-nête Renzo et de la douce Lucia dans les Fi ancés deManzoni, qui constituaient un pôle de référencedans l’Italie romantique, mais on sait que la droi-ture et l’innocence finiront par l’emporter. Il est dif-ficile d’apprécier l’incidence de ce rêve «patriarcal»,

mais il est probable qu’elle fut très grande dans lesmentalités italiennes comme dut être dou-loureusement ressenti le démenti que lui infligeaitla Traviata .

Il n’est pas difficile en effet de jeter un pont entreLinda et Violetta: sans doute paysanne pauvrecomme Linda, Violetta est «montée» à Paris, maisalors que Linda parvient à préserver sa vertu et quele simple son d’une vielle dont joue un vagabondsavoyard dans les rues de la capitale lui rappelle lemonde de sa mère et de son village, Violetta se perd

dans le tumulte de Paris rendant son «retour aupays» aussi impossible que passionnément sou-haité. Si Alfredo la séduit, c’est moins à la suite d’unvertige du cœur, d’un coup de foudre comme celuiqui lie Don José à Carmen, que parce qu’il est le seulà voir la jeune fille dans la courtisane, à l’aimer dela seule manière dont elle souhaite être aimée, et ilest donc naturel que le souvenir d’Alfredo fasseresurgir, dans son air, l’image du prince charmant,«ce très doux seigneur de l’avenir» dont elle rêvaitenfant. Le séjour à la campagne d’Alfredo et de Vio-

letta prend dès lors le sens d’un mythique retour auxsources (Alfredo est lui-même un provincial, ne l’ou-blions pas): il n’oppose pas seulement l’intimité dedeux amoureux au futile fracas de la grande villemais efface symboliquement le mauvais rêve qu’avécu Violetta pendant sa parenthèse parisienne;

malheureusement, les taches ne se lavent pas sifacilement et Germont vient le rappeler. Pendant lebref répit que lui laisse son agonie et l’éphémère

 joie de ses retrouvailles avec Alfredo, au troisièmeacte, le seul rêve de Violetta – comme de son amant– est de quitter Paris («Parigi o cara noi lasceremo »),mais il est trop tard. Ainsi, derrière la vie parisiennese dessinent une autre vie, d’autres valeurs, d’autreslieux devenus inaccessibles pour Violetta. Cetteopposition sous- jacente de deux mondes donnetout son poids au personnage de Germont: la cri-tique (Massimo Mila par exemple) est injusteenvers ce personnage jugé falot tout en reconnais-sant la qualité musicale de ses interventions (Verdiconsidérait «Di Provenza » comme le meilleur can- tabile qu’il eût écrit pour baryton). Il n’y a pascontradiction: il est falot dans ses étroites fonc-tions de défenseur de l’ordre bourgeois et il seraitodieux si un certain désarroi, la conscience d’unecertaine impuissance ne le conduisaient à s’enfer-mer dans un plaidoyer nostalgique et passionnépour un certain monde, qui lui donne chaleur ethumanité (cette nostalgie n’échappe d’ailleurs pasà la fine oreille de Julian Budden qui évoque à ce

propos Donizetti et Bellini7

). La grandeur de Verdiest d’avoir décrit avec noblesse et dépouillement latragédie d’un sacrifice tout en préservant la fraî-cheur et la tendresse de ce rêve du cœur qui est jus-qu’au bout celui de Violetta.

Notes

1. F. Abbiati, Giuseppe Verdi , Milan, Ricordi, 1959, tomeI,p. 691.

2. A. Pascolato, Lettere di G. Verdi ad A. Somma , Città di Ca-stello, 1902, p. 78.

3. F. Walker, L’uomo Verdi , Milan, Mursia, 1964, p. 324.4. Cf . sur ce sujet les interventions de A. Nicastro et de

B.Qvamme dans lesActes du 3 e Congrès d’études verdi ennes ,

ISV, Parme, 1974.5. Cf . les observations à ce sujet de K.D. Grawe dans les Actes 

du 3 e Congrès , op. cit .6. L.Baldacci, Libretti d’opera , Florence, Vallecchi, 1974, p.203

et suiv.7. J. Budden, The operas of Verdi , tomeII, Londres, Cassell,

1978, p. 148.

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LA   TRAVIATA OU LA FIN DE L’IDYLLE

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http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 93/16492 L’Avant-Scène Opéra

«Mourir, dites-vous, Seigneur?– Je savais avec ce mot que

 je trouverais l’oreille de votre cœur»Le Souli er de Satin 

Àla fois une Jenny Lind et une Rachel, le rossi-gnol et la tragédienne. C’est la quadrature ducercle, la voix introuvable pour un personnageimpossible. La Traviata a bien porté son nom irre-cevable. Elle a été d’emblée un défi aux bonnesmanières, et au simple bon sens. Pour les bonnesmanières – vocales, musicales –, elles étaient lemoindre souci de Verdi. Il brisait les lois du genredès le milieu de ses années de galère, quand ildemandait pour sa Lady Macbeth, malgré son

brindisi et ses ensembles concertants, immédiate-ment empruntés au dernier Donizetti, une voix

noire, vacillante, virtuose d’ailleurs, et capable dela prouesse supérieure, shakespearienne, de chan-ger ses laideurs en des effets de l’art. Chez Violettaaussi, pour qu’elle en fasse des ors, il faudra de ceplomb vil. Adieu, voix de lumière et de lait, adieu Tebaldis!

Le chant de la vérité

Suivirent quelques héroïnes mieux chantantes,mais qui, à vrai dire, ne s’affrontaient pas à latâche, autrement essentielle aux yeux de Verdiqu’aucune bienséance belcantiste, d’émuler par lechant la vérité de Shakespeare. On n’en demandaitpas tant à l’Elvira d’Ernani , malgré Hugo, on n’en

demandera pas tant à la Medora du Pirate , malgréByron, à l’Amelia desBrigands , malgré Schiller. Onle demandera à Violetta. Elle a beau ne venir quede Dumas fils (mais sous le Dumas fils on trou-vera, on va le voir, du Balzac), elle a le format sha-kespearien, puisqu’elle souffre et meurt non pointen beauté, mais en vérité. Violetta Valéry, Margue-rite Gautier, Marie Duplessis, la Dame aux camé-lias, et ajoutons Esther (et ce n’est pas pour évo-quer Rachel) : la prolifération des identités n’estpas le signe d’une confusion, mais d’une vérité

plus vive qu’aucun des personnages où elle s’in-carne. Sarah, la Duse, Garbo, Callas y trouverontune voix, et un visage. Quand l’écran devintsonore, il révéla en Garbo la plus inattendue, laplus indispensable des voix – un contralto fatal etprenant, la voix de la passion. Quand l’opéra se fitimages, il révéla une Callas en limace de luxe,strassée et sublime – au pied d’un escalier deparade, la Torpille.

Le slang de la Piccolomini

La Piccolomini était de petite mine. Elle n’avaitpas vingt ans quand elle créa Violetta aux Italiensde Paris et à Londres, l’âge des courtisanes dansleur fleur d’avance flétrie, bientôt fauchée. Un jour,la froide et lisse Melba, avec sa voix de petit garçon

L’introuvable voix de Violetta

par André Tubeuf 

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grande dame, se fourvoiera à la Dévoyée, faisantadmettre Violetta jusqu’au Saint des Saints de larespectabilité victorienne, Windsor. Les nostalgi-ques de Londres se rappelleront alors que même

Patti, dans ce rôle, n’avait pas approché Piccolo-mini. Elle combinait, diront-ils, «le génie vocal deLind et la puissance dramatique de Rachel». Ilsn’omettaient pas de citer une vertu de son chant:son merveilleux, son incomparable italien. Faitessentiel en effet, si on se souvient combien Verdiinsistait sur la préséance des mots non pas sur lechant, maisdans le chant même; combien comptedans la Traviata le récitatif dramatisé, instrumenté,expressif, aussi en avance sur le jeune Verdi quecelui d’Idoménée sur le jeune Mozart, alternant unsemi-parlé presque à découvert, où la voix,dépouillée de son chant même, ne met dans lesmots nus («Forse », «Domani », « È tardi ») que l’émo-tion du sens, un sourire, ou des larmes. Quant à lalecture de la lettre, où aucune chanteuse ne suffit,sauf Muzio (comme on regrette que la Duse nenous ait pas laissé de disque!), c’est elle qui donneà la Traviata son moment de mélo, et mieux: sonépisode de mélodrame, comme Fidelio et pour lesmêmes raisons – la voix parlée dans sa nudité et sa

misère, contre les splendeurs du chant, et horsd’atteinte des splendeurs du chant. Seul équivalentitalien d’un Singspiel sentimental et naïvementnoble – tout le contraire de l’opera seria où l’ex-pressif, par essence, s’investit dans le décoratif.

Là fut la bataille d’Hernani de la Traviata . CetteDévoyéedéclasse l’opéra, purement et simplement,en mettant le ton vrai au-dessus du bon ton. AdieuReines et Délirantes, et même leurs rechanges dubuffa , Comtesses et Contadines. La Traviata met enscène rien qu’une femme, fatale aux familles,

fatale à soi-même, une dévoyée, une infréquen-table – moins qu’une femme. À cette créature faitepour le ruisseau et ces lieux de plaisir trop éclairésqui se croient des salons, mais surtout pas pour lascène d’Eugénie Impératrice ou de Victoria Regina,la musique prête des accents, des cris, des soupirs,des spasmes, et parfois même, comble d’inconve-nance, des mots sans musique, tout un natura-lisme clinique de la passion et de la maladie.Comme Carmen tomba d’abord pour avoir osémontrer une ouvrière et un sous-officier à un

public qui venait voir les Saintes du calendrier etles héros de la légende, la Traviata fit scandaled’abord par ses personnages tirés du commun, tri-viaux. Parler de vérisme ou de naturalisme seraitun anachronisme, certes. Pourtant une moitié dupublic remarquait que la Piccolomini – que l’autre

moitié suivait, souffle coupé – périmait d’un seulcoup l’idiome du bel canto et imposait à la place,avec la complicité de Verdi, une espèce de slang ,cris du cœur et mots de tous les jours, spasmes ethoquets, au lieu des grâces attendues. Henry Chor-ley était assez perspicace pour souligner, dès 1862,

que la Traviata sonne le glas d’un genre et d’un bonton: cet esprit, cette légèreté de touche, ces bonnesmanières qui ont fait la gloire des Italiens. Plus defête qui ne soit orgie, plus de mascarade qui ne soitfunèbre – plus de passion qui ne soit cris. Contretoute une tradition d’élégance et de raffinement, leton émotionnel, qui est le premier degré (nonartiste) de toute expression possible – quelquechose comme l’impression aussitôt faite expres-sion –, leslang . Un peu de tenue, que diable! Aveccela, Chorley notait avec la même perspicacité que

Verdi trouve un ton neuf et incontestable quand ilvise à l’effet dramatique. Au fond, la Traviata ne faitqu’achever ce queMacbeth a commencé, la subver-sion des moyens virtuoses du bel canto , avec sesvocalises, sesacuti et même sesacutissimi , mais auxseules fins de l’expression dramatique véhémente.

Sarah Bernhardt dans le rôle de Margueri te Gauti er.D.R.

page de gauche: 

Mari ett a Piccolomini , i nterprète de Violetta au Théâtre des I tal iens àPar is en 1856. Coll . J. Gheusi.

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Les éclats de la voix

La nervosité est la première caractéristique vocalede Violetta, elle étouffe dans sa peau au point defêler son rire, de briser les perles de son proprechant. Aux aveux belcantistes d’Alfredo («Un dì felice eterea »), elle répond par la dissuasion dislo-quée de la quasi-colorature («Ah se ciò èver, fuggi- temi ») : façon de dire que si on ne peut refuser d’en-tendre ce langage, soi-même on ne le parlera pas.Legioir invoqué non pas en vocalises mais en défis,contre la gioia annoncée par un impossible, un

insensé amour sérieux, n’est qu’un vertige vocalisé,qui appelle les vortice où il se noie. Que cette esca-lade agonistique (tout le contraire d’une gammeascendante, on le comprend?) se conclue par un Utou un Mi bémol, qu’importe? L’acuto n’est pas icinote de grâce, mais coup de grâce, dernier mot dudéfi. Tant mieux si au bout de son escalade la chan-teuse craque. Verdi (et Balzac derrière lui) dira: tantmieux. Que la voix se brise, pour que le cœur sebronze. Mais au II, avec quelle facilité elle se sou-mettra à celui qui vient lui demander, autre défi,

l’impossible moral. On attend la lionne? C’est unagneau qu’on entend. Il a suffi que Germont pèreévoque la figure d’une petite fille convenable, «pura siccome un angelo », et Violetta fond – comme fondEsther quand son abbé lui demande si elle a jamaisvu une fille pieuse et modeste au bras de sa mère.

Un fil de voix y suffira, mais transfiguré par cettepuissance de métamorphose si balzacienne – la jalousie de l’innocence. Quand Alfredo reviendra

au III, messager de la mort, mais d’une mort rache-tée, réintégrée, reconnue, alors la femme qui n’apas lutté contre son bourreau luttera contre lanature, et son propre vœu: «Gran Dio, mori r sì gio- vine! ». Révolte. La voix de Violetta éclate enfindans sa vérité vraie, qui est l’énergie du désespoir.

Édifiante dévoyée

Chez Balzac, c’est l’énergie du désespoir qui metdans les frêles mains de Mme de Sérisy de quoisecouer les barreaux de fer de la Conciergerie,quand Lucien meurt. C’est cela que Violetta fait àson âme avec sa voix, ce sévice. Cette suicidaire-néen’attendait qu’un signe. Regardons de plus prèscette étrange sorte de repentie, cette Madeleine quiaspire à être ange et fête Cendres quand Paris fêteCarnaval. Elle ne renaît que pour mourir. La dou-leur ne tue pas, puisqu’elle est vivante. Mais leretour de l’aimé ne guérit pas, puisqu’elle va mou-rir. C’est donc que son salut n’est pas la santé, mais

la régénération. Vériste, Violetta? Pas du tout. Elleest surnaturelle. En lui faisant sur terre son purga-toire (seul purifie le feu du sacrifice, souffranceconsentie, et même aimée), Alfredo lui a valu sonciel. Elle le lui revaudra: lui et la vierge qu’il aurarencontrée («pura siccome un angelo »), elle veillerasur eux du sein des Anges. La dévoyée a une mortédifiante, comme Sainte Thaïs.

«Édifiante»: c’est le mot même de la Supérieuredu couvent où on catéchise Esther pour faire d’elleune fille avouable, recyclée dans la vertu, revoyée.

Lettre d’Esther à l’abbé Carlos Herrera dans Splen- deurs et M isères des Courtisanes : «La Torpille n’existeplus. Je mourrai purifiée. Mon âme deviendra pourlui la rivale de son ange gardien». Se peut-il queVerdi n’ait pas regardé, par-delà Dumas fils, vers cetautre Shakespeare, Balzac, et son Vautrin? Le titredéjà, ce nom abstrait et moralisateur, la Traviata ,répond exactement, bien plus qu’à la Dame aux camélias , titre pittoresque, au titre abstrait et mora-lisateur du roman de Balzac, comme le «popoloso deserto » qu’est Parigi répond aux «dépravations

parisiennes» dénoncées chez Balzac. Le chantagemoralisateur exercé par Germont Père sur Violettane fait que reprendre en l’édulcorant le catéchisme(autrement intéressant que l’illustre catéchisme àRastignac dans le Père Gor iot , car il débouche, lui,sur un baptême) que Vautrin, alias Carlos Herrera,

94 L’Avant-Scène Opéra

L’INTRO UVABLE VO IX DE VIOLETTA

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fait à Esther au début d’un roman dont une des par-ties se sous-titre: «Où mènent les mauvais che-mins» (ces dévoyances , qui font les travoyées ), et oùon cherche si amèrement «les voies de la vertu».

Esther se rêve-t-elle vivante ou morte, ou peut-êtrerenée , quand elle se voit en blanc, couronne surla tête, première communiante, ange déjà? Ô nos-talgie de l’innocence, émulation de la pureté, zèlequi tue! Pour que Germont mette Violetta àgenoux, il lui a suffi d’évoquer une fille pure – cequ’ellene sera plus. «I l passato v’accusa ». Elle a beauprotester: «Non più esiste… Dio lo cancellò col pent i- mento mio » Esther aussi a cru pouvoir dire «avec lesourire de l’enfant, quand il met la main sur unechose enviée: “Je mourrai donc réconciliée avec leciel !”» Il faut croire que le retour à l’innocence,annoncé par la soutane de son sauveteur, lui est plusdésirable que la mort, qui elle-même lui était plusdésirable que la vie! Elle a acheté une Vierge, et la

prie comme elle peut, cousant des chemises, vivantdepommes de terre, inventant la mortification.«Lucien et Dieu emplissent mon cœur», croit-elle

pouvoir oser dire. «Vous l’aimez pour vous et nonpour lui », répond cruellement son sauveteur /bourreau. Plus fort que Germont Père, il ne fait pasvoir à Esther les roses de ses propres joues pâlis-santes un jour – il lui dépeint celles de Lucien qui,aujourd’hui même, par sa faute, se fanent. Quelavenir pour l’époux d’une courtisane, même régé-nérée? Meure Esther, régénérée d’abord, revoyée,

vive Lucien – et il vivra ambassadeur. La Traviata estl’histoire d’un dévoiement, et d’un retournement.Il existe un chemin, il existe un amour permis. Vio-letta défiait le tourbillon des plaisirs. Elle aura faceà elle cet autre défi : la vertu. Ainsi Prouhèze dans le Souli er de Sati n , à qui son mari offre «à la placed’une tentation, une tentation plus grande». Il fautchercher le cœur de bronze qu’il y a dans cette poi-trine que la toux brise, frêle indomptable femme.Pour ne pas mourir dégradée, une voie – la chasteté.«L’amour sans espoir… inspire des dévouements…

que les anges approuvent. L’adorer de loin, donnerson sang goutte à goutte, lui dérober jusqu’à laconnaissance des jalousies atroces qu’il échauffe aucœur, aimer ce qu’il aime… Cet amour… condui-sait dans une autre voie que celle de vos sales volup-tés». «Mourir, dites-vous, Seigneur?», pourrait

répondre la femme torturée et tentée, passée au feudéjà, à qui le faux prêtre propose ce catéchisme

atroce.

Une voix blessée

La Traviata est une tragédie de la disgrâce et de lagrâce, et le «trop tard!» de Phèdre pèse dessus.L’épreuve fait mieux qu’y frapper les faibles. Elle lesrelève, les exalte jusqu’au sacrifice de soi, les mon-trant autrement fortes, généreuses, que celles qu’ondit seulement vertueuses. Deux fois, face à la péche-resse rayonnante, la vertu bourgeoise viendra à rési-

piscence, lui reconnaissant de la tenue («Quai modi ! ») et l’immensité du don («Generosa! »). Il yfaut une voix qui, dans le feu du souffrir, se sublime jusqu’à la spiritualisation. À moins d’une brisabi-lité, fragilité de la texture et fêlure du timbre, pas deVioletta qui vaille. Les Cebotari, les Callas, lesCotrubas, les stigmates sur leurs voix, qu’on leur atant reprochés, ne les disqualifient pas, mais lesqualifient au contraire pour cet héroïsme des cœursbrisés, que les blessures rendent vrais. Sous leslumières des anges transparaissent encore les impa-

tiences nerveuses de la lionne, et les quintes detoux. Il y a de la Mélisande dans cette créature entredeux mondes, de la Kundry aussi. Ce qui la tuera,c’est l’impossible pureté, l’imméritable lumière.Celle-là, elle aurait su suivre Ariane hors de sonsouterrain!

L’Avant-Scène Opéra 95

Jarm il a Novotná, Violetta. Coll. AndréTubeuf.

Maria Cebotari , Vi olett a.

Coll. AndréTubeuf.

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http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 97/16496 L’Avant-Scène Opéra

Le personnage de Violetta de la Traviata est undes plus fascinants de tout le répertoire lyrique.C’est l’exemple même du rôle qu’ambitionnentd’interpréter toutes les cantatrices qui en possè-dent la tessiture. Il est intéressant de rappeler le jugement de Verdi lui-même au sujet de ce rôle:on lui recommandait la cantatrice Gemma Bellin-cioni, pour incarner sa future Desdémone dansOtello , en lui conseillant d’aller l’entendre dans la 

Traviata . Le compositeur s’y refusa en déclarant:«Je ne peux la juger sur la Traviata . Même unemédiocrité peut posséder les qualités requisespour briller dans cet opéra et être épouvantabledans un autre». Pour lui, l’ouvrage ne demandaitque «de la sincérité, du sentiment et une belle pré-sence scénique». Ce jugement est un peu à l’em-porte-pièce; mais il est certain que dans Violetta,

une cantatrice ayant suffisamment de beauté et detempérament peut faire illusion. Beaucoup d’entreelles, depuis plus de 150 ans que l’ouvrage est aurépertoire de tous les grands théâtres lyriques, yont connu des triomphes et quelques-unes ontlaissé un souvenir inoubliable dans la touchantehéroïne de Verdi.

Marietta Piccolomini (1834-1899)

 Trois ans après ses débuts, elle aborde le rôle de

Violetta pour la première de la Traviata au ThéâtreCarignano de Turin en 1855. Elle le chante égale-ment au Her Majesty’s Theatre de Londres le24 mai 1856, avec le ténor Enrico Calzolari(Alfredo) et le baryton Beneventato (Germont), ety obtient un triomphal accueil, qui se renouvellelorsqu’elle le rechante pour la création de l’ou-vrage aux Italiens de Paris, le 6 décembre 1856,aux côtés du grand ténor Mario et du barytonFrancesco Graziani. La critique parisienne salueainsi sa performance: «Quant à Mlle Piccolomini,

c’est une jeune et jolie artiste dont la voix estsonore, vibrante, sympathique. Elle est comé-dienne et autant elle a été joyeuse au 1er acte, autantelle a été, à la fin, mélancolique et touchante. Elleest d’un naturel exquis et sait donner à son chantl’expression de la passion et de la douleur. Elle a,

surtout au troisième acte, impressionné toute lasalle.La Traviata est un grand succès pour le ThéâtreItalien». Ce succès se poursuivra toute la saisonavec La Piccolomini qui ne chantera aux Italiensque ce seul rôle, y laissant le souvenir d’un brillantet fugitif météore. Elle fera également triompher saVioletta au cours d’une grande tournée aux États-Unis en 1858-59, avant de se retirer de la scène, à26 ans seulement, pour épouser le Marquis Gae-tani della Fargia.

Angiolina Bosio (1830-1859)

À la même époque, Angiolina Bosio, jeunesoprano originaire de Turin qu’une carrière inter-nationale avait déjà conduite en Italie, en Espagne,en France, en Angleterre et en Amérique, interprète

en Russie le 1er

novembre 1856, la Traviata au Théâtre Impérial de Saint-Pétersbourg, avec leténor Enrico Calzolari et le baryton Bartolini.D’une beauté fragile, douée d’une voix d’uneadmirable souplesse et d’une étendue exception-nelle, elle fait sensation dans ce rôle où elle saitaussi être bouleversante. Elle le chante égalementà Londres pour la création au Covent Garden, le25 mai 1858, avec le ténor Italo Gardoni et Fran-cesco Graziani. L’année suivante, elle retourne enRussie, où la rigueur du climat a raison de sa santé

précaire. Elle meurt à Saint-Pétersbourg, des suitesd’une pleurésie, le 31mars 1859. Plus de 3000 per-sonnes suivent son enterrement. À sa mort, un cri-tique écrit: «L’opéra la Traviata devient de nouveauincompréhensible maintenant que nous avonsperdu la seule femme qui sait comment interpré-ter le rôle de Violetta avec une grâce et une délica-tesse qui fait apparaître l’amour passionné d’Al-fredo le plus naturel du monde».

Christine Nilsson (1843-1921)

Le 27 octobre 1864, le Théâtre Lyrique de Pariscrée la version française de la Traviata . Le public ydécouvre une ravissante Suédoise de 21 ans,blonde comme les blés, Christine Nilsson. Encoretimide, car elle en est à ses tout débuts, son succès

Quinze Violetta historiques

par Jacques Gheusi

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ne s’affirme pas encore; mais lorsque trois ansplus tard, elle chante la Traviata en italien cette fois(le 8 juin 1867 au Her Majesty’s Theatre), elleobtient un triomphe malgré le souvenir de la Pic-

colomini qui avait été applaudie avec fureur aumême théâtre pour son interprétation passionnéeet impulsive. Christine Nilsson prend, elle, le rôledans son intériorité et en accentue le côté doulou-reux. Sa Violetta semble plus mourir par l’épuise-ment d’un cœur brisé que par la phtisie provoquéepar une vie dissipée. Sa mort, d’une tendressemeurtrie, bouleverse la salle entière. Elle laisse unetelle impression avec sa première Traviata londo-nienne que, quelques années plus tard, après sonretour d’Amérique, lorsqu’elle reprend le rôle àLondres en en accentuant le réalisme dramatique,certains de ceux qui l’avaient encensée regrettentde ne plus reconnaître la Violetta qu’ils avaientaimée.

Adelina Patti (1843-1919)

Cependant, en 1860, à l’Académie of Music deNew York, une petite cantatrice de dix-sept ans faità son tour sensation dans la Traviata : Adelina Patti.

Lorsqu’elle reparaît dans Violetta, le 4 juillet 1861au Covent Garden de Londres, le grand critiqueanglais James Davison est ébloui par «ce quelquechose en elle de si ingénu, de si piquant, de si ori-ginal, de si attractif!». Le même éblouissement dupublic et de la critique se renouvelle lorsqu’elleparaît aux Italiens de Paris, Violetta pres-qu'enfantine, à la voix d’or, entre le ténor Naudinet le baryton Delle Sedie. Tout au long de sonéblouissante carrière, Adelina Patti garde à sonrépertoire cette Traviata dont elle donne une

image si brillante et en même temps si fragile. Ellela fait acclamer notamment en 1865 à Florence,Bologne, Rome et Turin, à Londres régulièrementde1875 à1885, en 1877 à La Fenice de Venise, en1882 à Cincinnati, en 1883 à Philadelphie, le20 janvier 1893 à La Scala devant Verdi ému auxlarmes et enfin de nouveau au Covent Garden, le11 juin 1895, au cours d’une soirée inoubliable,avec pour partenaires le ténor Fernando de Luciaet le baryton Mario Ancona, soirée au cours delaquelle elle arbore, à l’acte III, un corsage

constellé de tous ses diamants sur une éblouis-sante robe blanche: trente-cinq ans après sa pre-mière Traviata , elle fait ce soir-là ses adieux au rôlede Violetta qu’elle n’a jamais mieux chanté et oùelle n’a jamais été plus belle!

Nellie Melba (1861-1931)Une des plus grandes cantatrices du tournant du

siècle, l’Australienne Nellie Melba, inscrit elleaussi le rôle de Violetta à son répertoire dès sesdébuts à La Monnaie de Bruxelles, en 1886, et leconserve au long de sa carrière. Elle y laisse le sou-venir d’un style de chant parfait et d’une éléganceraffinée. Sa première apparition à New York dansle rôle, au Manhattan Opera House (dans desdécors et des costumes de 1848), le 2janvier 1907,

demeure une de ses plus glorieuses soirées et, lelendemain, le critique du Times Richard Aldrichécrit: «Son chant fut un délice du commencementà la fin». Cette perfection vocale de Melba estconfirmée par le grand baryton John Brownlee quifut souvent son partenaire dans le rôle de Ger-

Adeli na Patt i. Coll . J. Gheusi 

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mont. Évoquant Melba chantant le «Dite alla gio- 

vine sì bella e pura », il s’exprime ainsi : «Combien defois je me suis trouvé à ses côtés pendant que nouschantions ce duo, fasciné et sous le charme par lafaçon dont elle interprétait cette phrase avec cetteparfaite diction, cette belle fusion de chaque note,en d’autres mots, ce céleste legato ». En 1910, Ade-lina Patti, alors retirée dans sa demeure anglaise deCraig Y Nos, ne peut résister au plaisir de venirapplaudir Melba au Covent Garden, royale dans

des robes sublimes de chez Worth.

Gemma Bellincioni (1864-1950)

Si Gemma Bellincioni reste avant tout, pour lapostérité, la grande créatrice de Santuzza de Caval- 

leri a Rusti cana de Mascagni (Rome 1890), aux côtésdu vibrant Turiddu incarné par son mari, le grandténor Roberto Stagno, elle laisse cependant le sou-venir d’une des plus bouleversantes Violetta que lascène lyrique ait connue. Elle chante le rôle pour la

première fois au Théâtre Pagliano de Florence en juin 1885; mais c’est surtout pour la reprise de la 

Traviata , en janvier 1892, à l’Argentina de Rome,qu’elle se révèle une interprète inoubliable auprèsde Stagno. Tous deux donnent une telle intensité,une telle passion au drame de Violetta et d’Alfredo,

que le public fanatisé les acclame sans fin. Cinq ans

plus tard, en 1897, Gemma Bellincioni triompheseule dans la Traviata à Saint-Pétersbourg. Ellechante avec plus d’émotion que jamais, le cœurserré; car elle a dû laisser à Gênes Roberto Stagno,très gravement malade. Il mourra en effet quelquessemaines plus tard, au retour de sa femme. Coura-geusement, dominant son chagrin, Gemma Bellin-cioni poursuivra seule sa carrière prestigieuse. En janvier 1900, après une bouleversante Traviata àl’Opéra de Vienne, le vieil Empereur François- Joseph la nomme première cantatrice de la cour,privilège accordé pour la première fois à une Ita-lienne. Non contente d’être la plus émouvante Vio-letta de son époque, Gemma Bellincioni décide, en1902, de jouer cette fois la pièce originaled’Alexandre Dumas fils, et Florence découvre enelle une actrice dans la lignée de Sarah Bernhardtou d’Eleonora Duse. Elle revient à sa Traviata en janvier 1905 à la Fenice de Venise et reprend égale-ment l’ouvrage à travers l’Italie et à l’étranger. En1909, elle abandonne peu à peu le théâtre pour

diriger une école de chant à Berlin.

Geraldine Farrar (1882-1967)

Le 28 février 1908, le Metropolitan effectue unebrillante reprise de la Traviata , coïncidant avec lacélébration de l’anniversaire des 26 ans d’une deses plus attrayantes prime donne , à laquelle l’onconfie à cette occasion le rôle tant convoité de Vio-letta: Geraldine Farrar. Cette ravissante Américaine,originaire du Massachusetts, avait attiré l’attention

des mélomanes dès ses débuts à l’Opéra de Berlinen octobre 1901 dans Marguerite deFaust puis, ennovembre, dans Violetta de la Traviata . Au Met, elleest entourée du grand Caruso et du célèbre barytonRiccardo Stracciari. Aux côtés de ces deux monstressacrés, elle recueille tous les suffrages pour labeauté et pour l’harmonieuse chaleur communica-tive de sa voix.

Claudia Muzio (1882-1936)

Les années qui suivirent l’entre-deux-guerresvirent une floraison de Violetta «di primo cartello »parmi lesquelles sept d’entre elles méritent d’êtreévoquées, à commencer par Claudia Muzio. Celleque l’on appela «la Duse du chant» interprète sapremière Violetta en 1911 au Teatro Mercadante de

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QUINZE VIOLETTA CÉLÈBRES

Nelli e Melba.

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Cerignola; mais elle y trouve sa consécration en1924 à Chicago, puis à San Francisco la mêmeannée. En 1926 et en 1930, Toscanini lui fait chan-ter le rôle à La Scala. Elle le chante également àl’Opéra de Rome en 1928 et enfin, le 1er  jan-vier1934, elle participe à la reprise de la Traviata auMetropolitan Opera de New York aux côtés de TitoSchipa (Alfredo) et de Richard Bonelli (Germont).Le lendemain, leNew York Times écrit: «MmeMuziofut une admirable Violetta. Sa convaincante inter-prétation du rôle fut due en partie à sa délicieuse

souplesse vocale et à sa beauté; mais bien plusencore à la musicalité dont elle dote son person-nage.»

Amelita Galli Curci (1882-1916)

Elle connaît ses premiers triomphes dans la Tra- 

viata à partir de 1916 à l’Opéra de Chicago et fait sesdébuts dans le rôle de Violetta au Metropolitan, le14 novembre 1921, secondée par Beniamino Gigli(Alfredo) et Giuseppe de Luca (Germont). La cri-

tique reconnaît ce soir-là que «la beauté naturellede sa voix fut ce qu’elle a l’habitude d’être, c’est-à-dire une des plus belles qu’il ait été donné aupublic du Met d’entendre et, d’autre part, il n’estpas nécessaire d’ajouter que son interprétation étaitpleine de charme et de tendresse plaintive.»

Lucrezia Bori (1887-1960)Elle fait l’essentiel de sa carrière au Met où elle

chante régulièrement pendant près d’un quart desiècle, de 1912 à 1936, et y participe à deux reprisesnotoires de la Traviata : la première le 30novembre1922 avec Beniamino Gigli et Giuseppe Danise, etla seconde le 16 décembre 1935 avec RichardCrooks et Lawrence Tibbett. Très jolie femme,d’une suprême élégance, elle laisse le souvenird’une Violetta d’une grande sensibilité, à la voix

pure sachant exprimer à merveille la poésie intimeet délicate du personnage.

Gilda Dalla Rizza (1892-1975)

Depuis ses débuts en 1912, elle s’était spécialiséedans le répertoire vériste et avait acquis une renom-mée glorieuse dans les opéras de Puccini, Giordanoet Mascagni. En 1923 cependant, Toscanini décidede lui confier ce rôle de Violetta généralement

dévolu aux cantatrices de bel canto . C’est ainsi queGilda Dalla Rizza paraît pour la première fois dansun emploi nouveau pour elle pour la reprise de la 

Traviata à La Scala, le 28novembre 1923, avec pourpartenaires Aureliano Pertile (Alfredo) et LuigiMontesanto (Germont). Sa Violetta vériste, palpi-

L’Avant-Scène Opéra 99

Géral dine Gar rar.

Claudia Muzio.

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tante et passionnée, apporte une conception nou-velle du personnage et réunit à ce point les suf-frages les plus enthousiastes qu’elle sera encore la

protagoniste des deux reprises suivantes de l’ou-vrage à La Scala, en 1925 et en 1928.

Rosa Ponselle (1897-1981)

Le plus éblouissant soprano des années 20 et 30.Cette Américaine du Connecticut, poussée versl’opéra par Caruso et qui sera la prima donna asso- 

luta du Metropolitan pendant près de vingt ans, yaborde le rôle de Violetta le 16 janvier 1931 avec,auprès d’elle, Giacomo Lauri Volpi (Alfredo) etGiuseppe de Luca (Germont). Pour la critique, soninterprétation est contestée sur le plan du style. Onlui reproche notamment d’ignorer les qualitéslyriques essentielles de son rôle; mais le public estsubjugué par sa fascinante attraction physique, sontempérament fougueux aux accents passionnés,ainsi que par la rareté et la variété de ses intentionsdramatiques si éloignées de la convention.

Vina Bovy (1900-1983)

Elle connaît ses premiers triomphes dans la Tra- 

viata entre1922 et1925 à La Monnaie de Bruxelles,et par la suite à l’Opéra-Comique de Paris où ellereviendra régulièrement presque jusqu’à sa retraite.Elle aborde le rôle de Violetta au Metropolitan le24 décembre 1936 et conquiert d’emblée sonpublic par un abattage exceptionnel dans toutes lesparties brillantes de la partition où sa voix d’unesûreté et d’un éclat affirmés fait merveille. Avec elle,l’héroïne devient une rayonnante créature de luxe

et de plaisir, au port de reine, dont elle rend égale-ment avec force la fin désespérée.

Bidù Sayão (1902-1999)

Si elle débute en 1926 au Teatro Costanzi deRome et fait de radieuses apparitions à La Scala(1930) et à l’Opéra de Paris (1931), la soprano bré-silienne Bidù Sayão accomplit sa carrière principa-lement en Amérique. Elle chante régulièrement auColón de Buenos Aires, à l’Opéra de San Francisco

et au Metropolitan. Sa première Traviata au Met, le4 février 1939, avec Nino Martini (Alfredo) et JohnBronwlee (Germont), est une merveille de goût, demusicalité, de délicatesse exquise dans l’expressiondes sentiments. Sa voix cristalline et légère touchetous les cœurs et sa ravissante présence scénique est

un enchantement pour les yeux. Pendant cinq sai-sons consécutives au Met, Bidù Sayão demeurel’idéale titulaire du rôle.

Maria Callas (1923-1977)

Comment offrir ce bouquet de Violetta sans ymettre la plus géniale de toutes peut-être, la plusrare certainement: Maria Callas. Elle chante le rôlepour la première fois le 14 janvier 1951 à Florence,sous la direction de Tullio Serafin, après avoirhésité plus d’un an à l’aborder, ne jugeant pas savoix assez légère pour en rendre toutes les nuances.D’emblée cependant, son interprétation fascine parson remarquable sens de la vérité dramatique etson respect du style voulu par Verdi. Elle interpré-tera soixante-quatre fois la Traviata , dans dix-septvilles différentes, entre 1951 et 1958. Pendant ceshuit années, au sommet de sa carrière, Maria Callasne cessera d’approfondir son personnage et detendre vers une perfection scénique, technique etémotionnelle qu’elle seule pouvait atteindre parson génie. La Violetta de Mexico en 1952, d’uneinsolente splendeur vocale, déjà très belle mais

encore trop bien en chair pour rendre tout à faitcrédible la consomption qui la mine, se transformepeu à peu pour arriver, le 28 mai 1955 à La Scala, àcette inoubliable et bouleversante créature, mi-courtisane, mi-déesse, élancée, sublime, immaté-rielle dans des robes fin-de-siècle, chefs-d’œuvre degoût imaginés par Lila de Nobili qui signe égale-ment les décors admirables de raffinement qui luiservent d’écrins. Jamais Callas n’a paru plus belle,plus émouvante que dans cette production, dirigéeavec un art suprême par Visconti. Jamais sa voix, à

la fois lumineuse, fragile, brisée, n’a épousé avecautant de vérité les moindres nuances du rôle deVioletta. Elle retrouve encore cet état de grâce lors-qu’elle rechante le chef-d’œuvre de Verdi enmars1958 au San Carlo de Lisbonne, en juin de lamême année au Covent Garden de Londres et,pour ses deux dernières Traviata , dans une mise enscène de Zeffirelli, en octobre1958 à Dallas. Toutesces représentations ont été préservées pour la pos-térité dans des enregistrements pris sur le vif quidemeurent des témoignages à jamais précieux du

génie de Maria Callas mis au service d’une des plustouchantes héroïnes de tout le théâtre lyrique.

100 L’Avant-Scène Opéra

QUINZE VIOLETTA CÉLÈBRES

Écrit en 1983 pour notre première édition de LA TRAVIATA, l’article de Jacques Gheusi n’a pas été modifié depuis. Signalons que la discographieet la vidéographie comparées publiées dans ce volume tiennent comptedes nouvelles interprètes de Violetta. (NDLR)

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Mar ia Callas et Léopold Simoneau, Opéra de Chicago 1954. Archives du Théâtre.

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C’est le 28 mai 1955 que se leva le rideau deLa Scala de Milan sur la première représentation

de la Traviata dirigée par Carlo Maria Giulinidans une mise en scène de Luchino Visconti,des décors et des costumes de Lila de Nobili,avec Maria Callas dans le rôle-titre. Sans doutel’opéra de Verdi n’avait-il jamais connu de réali-sation comparable, avec un tel concours demoyens artistiques, intellectuels et techniques.Quant aux possibilités de s’en rapprocheraujourd’hui, elles semblent, jusqu’à nouvelordre, exclues. En bref, je n’hésiterai pas à dire

que cette Traviata fut sans doute la représenta-tion d’opéra la plus fascinante à laquelle il m’aitété donné d’assister.

Callas

D’abord, Maria Callas. Entre 1951 et 1958, Callas incarna unesoixantaine de fois le personnage de la Dame aux camélias.Contrairement à ce qu’elle pensait elle-même, favorisant Norma et

Lucia, Violetta fut, à mon sens, son plus grand rôle. C’est qued’abord elle y personnifiait, comme aucune cantatrice n’avait cher-ché à le faire avant elle, ce «purement humain» que Verdi opposaitdans la Traviata à la convention du «sublime» qui avait jusqu’alorsdominé au théâtre lyrique. Ensuite, du point de vue vocal, sontimbre, aux couleurs multiples, capable des plus étonnants mimé-tismes, était intrinsèquement celui de Violetta, convenant auxbrillantes agilités du premier acte comme au sombre pathétisme dudernier. Si la vaillance tragique de sa Norma, la légèreté évanescentede sa Lucia, étaient des compositions admirables parce que

convaincantes, le lyrisme dramatique de sa Violetta était vrai. J’ajouterai qu’en 1955, à une époque où l’amaigrissement specta-culaire de Maria Callas avait un peu amoindri l’éclat et l’ampleur desa voix, un travail assidu l’avait homogénéisée (elle avait à sesdébuts trois voix différentes selon qu’elle chantait dans le grave, lemedium ou l’aigu!). Si bien que la cantatrice se trouvait alors au

102 L’Avant-Scène Opéra

LaTRAVIATA du sièclepa r Jacq ues Bourgeo is

La Scala de Milan, 1955

Maria Callas et

Luchino Visconti

lor s des répétit ions

 àLa Scala.

Page de droite : 

«È strano ! È strano ! » 

Toutes ces pages :

Photos Piccagliani / Archives

de La Scala.

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moment de sa carrière où sespossibilités vocales parais-saient le mieux adaptées à

cette créature fragile et boule-versante pour laquelle Verdiécrivit, la dernière fois, enstyle bel canto.

Aux côtés de Callas, EttoreBastianini, le plus grand bary-ton italien de l’après-guerre,dont une mort prématuréeinterrompit la carrière, et Giu-seppe Di Stefano, dans ce quifut peut-être son meilleurrôle, complétaient une distri-bution insurpassable. Ladésertion d’un tel spectaclepar Di Stefano, dès après lapremière, désertion motivéepar des questions de pré-séance, devait sans aucundoute entacher sa carrière auxyeux de la postérité (il futremplacé, dans les vingtreprésentations ultérieureséchelonnées sur deux saisons,par Gianni Raimondi.)

Giulini

Du point de vue musical, il

faut bien sûr parler de ladirection de Carlo Maria Giu-lini. On connaît la destinéeque s’est choisie celui qui

demeure sans conteste possible le plus grand chef italien de théâtredepuis Toscanini, et qui a depuis lors renoncé pratiquement à diri-ger l’opéra, faute d’y trouver les possibilités de travail assidu qu’ilexige: présence continue des chanteurs, disponibilité constante del’orchestre, intégration des répétitions musicales et scéniques, etc ...Ces conditions, le complexe de La Scala de Milan, Luchino Visconti

et Callas la perfectionniste de tous les instants, les lui donneraientcette année-là. Le résultat a sans doute dépassé en perfection tech-nique, en expressivité pure et en émotion tout ce que Verdi auraitosé espérer de son temps.

104 L’Avant-Scène Opéra

La Scala de Milan, 1955

«Un dì, felice, eterea» 

Gianni Raimondi (Alfr edo) .

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Visconti

 J’ai gardé pour la fin la visualisa-tion scénique de l’œuvre, véritablemiracle par la façon dont elle assi-milait la musique. Rappelonsd’abord qu’en 1955, les concep-tions de mise en scène de WielandWagner, qui prétendait dépouillerles ouvrages lyriques de tout pitto-resque descriptif pour les réduire àune sorte de symbolisme essen-

tiel, avaient débordé de Bayreuthpour gagner les opéras d’Italie etde France. Il faut dire que le prixde revient modique de tellesreprésentations, évoquant davan-tage l’oratorio que le théâtre, avaitaidé à leur multiplication. C’estcontre ces tendances que Viscontivoulait réagir avec la munificencedes princes-mécènes de la Renais-

sance. Remettre les opéras dans lecadre de leur époque, tel était leprincipe de son esthétique. Maisqu’on ne s’y trompe pas. Les pro-ductions de Luchino Viscontiétaient bien autre chose que desreconstitutions historiques. Ellesétaient modernes dans la mesureoù elles réalisaient un opéra romantique ou baroque non pascomme ils étaient réalisés au XVIIIe et au XIXe siècles, mais comme

un homme cultivé du milieu du XXe pouvait imaginer qu’ilsl’étaient dans l’idéal, avec le bénéfice de tous les moyens actuels dela machinerie et de l’éclairage, ainsi que la stylisation au seconddegré du jeu des interprètes. Pour la Traviata , Visconti veut s’attacherà montrer la destruction pure et simple d’une femme par desconventions bourgeoises rendant son rachat impossible. Aussiavancera-t-il d’un quart de siècle l’action de la pièce de Dumas, àune époque où les «grandes cocottes» constituent l’apothéose de lafemme-objet-de-luxe. Les robes à «tournures» ont remplacé les cri-nolines et la silhouette élancée de Maria Callas y assumera une élé-

gance suprême. De son propre aveu, Visconti avait cherché à évo-quer à travers elle Sarah Bernhardt et Eleonora Duse qui furent l’uneet l’autre des interprètes illustres de la Dame aux camélias .

Lorsque Giulini enchaîna, avec une maestria unique, au poignantprélude le joyeux Allegro de la fête qui amène le lever de rideau, un

L’Avant-Scène Opéra 105

«Sta ben… In breve giungerà 

un uom d’affari…» 

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extraordinaire et merveilleux décor apparut matérialisant unmonde que je ressentis soudain comme étant le monde véritable,alors que la salle de La Scala et son public immobile devenaientfaux et irréels. Chaque détail du cadre imaginé par Lila de Nobilisemblait extrêmement réaliste parce que participant d’un universqui était, avant tout, la cristallisation d’un climat. En fait, rienn’était réaliste. Le grand lustre était peint, orné de gazes de tulle,mais la lumière en faisait une image vivante. Des potiches chinoisesne comportaient aucune décoration rattachée à l’art oriental, pour-tant on y croyait en tant que chinoiseries véritables. Callas en robede taffetas noir évoluait non pas comme sur une scène d’opéra,mais comme elle aurait évolué chez elle, se distinguant des autresfemmes par cette sorte d’aura qui faisait de Violetta quelqu’un

d’autre.Dans le duo, lorsque Di Stefano lui déclare son amour, elle recu-

lait lentement jusqu’à la rampe, les bras étendus derrière elle et lais-sait finalement tomber le bouquet de camélias qu’elle tenait à lamain: moment de pure beauté théâtrale. Les couleurs étaient noir,or et rouge sombre. Et après le départ des invités, Violetta restaitseule parmi les débris de la fête, dans ce qui ressemblait à un cime-tière déserté. Elle attaquait son grand monologue en enlevant sesbijoux, les épingles de ses cheveux qui se défaisaient pour retombersur ses épaules. Et à la strette finale, «Foll ie, folli e », elle rejetait la tête

en arrière envoyant d’un coup de pied ses souliers au loin. Puis il yavait la voix d’Alfredo montant par la fenêtre: on sentait alorsqu’elle se demandait si la voix était réelle ou si elle l’entendait seu-lement en imagination... Un triomphe indescriptible suivait lachute du rideau après le beau contre-Mi bémol que Callas avaitencore à cette époque!

106 L’Avant-Scène Opéra

«Dite al la giovine…» 

avec Ett ore Basti ani ni

(Germont).

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À l’acte II, le jardin de la maison de campagnefaisait un contraste d’atmosphère, tout en verts eten bleus doux. Violetta portait une robe blanche

ornée de rubans vert pâle que Lila de Nobili avaitcopiée d’après une photo de Sarah Bernhardt. Latransformation de la courtisane s’étourdissant deplaisirs en femme que l’amour a rachetée étaitexprimée de façon bouleversante. Mais c’est lalongue scène avec Germont père qui faisait culmi-ner l’acte. Le moment où elle se rend à ses argu-ments («Dite alla giovine »), le visage incliné vers lesol en un murmure où le chant atteignait un apo-gée de beauté, m’a laissé un souvenir inoubliable.

Et il y avait encore sa pantomime que l’orchestreseul accompagne lorsqu’elle écrit la lettre de rup-ture, puis sa fuite en larmes, quand elle s’arrachedes bras de son amant: «Amami, Al fredo ...» Indes-criptible!

Le finale du deuxième acte, c’est la soirée chez Flora. La fête se passaitdans une sorte de jardin d’hiver plein de plantes luxuriantes. Moins«bon genre» que chez Violetta. Callas était en satin rouge avec un bus-tier brodé de rubis, collier et bracelets assortis. Elle jouait ce tableau, leplus violent de l’opéra, avec une extrême économie de gestes, se figeanten statue lorsqu’Alfredo lui lançait au visage l’argent gagné aux cartes,demeurant prostrée sur le sol où il l’a jetée pour chanter le grand finale.

Au dernier acte, c’est la ruine et la mort dès le lever du rideau, dans unedemeure déjà dévastée par les créanciers. Au fond d’un couloir, on aper-cevait des hommes déménageant le mobilier. Lorsque Callas se levait dulit, son aspect était effrayant. Par l’expression encore davantage que parle maquillage, elle ressemblait à un cadavre vivant. «Addio del passato »était sublime et, en même temps, faisait peur. Un instant, les lumièresdu carnaval venaient éclairer la chambre et les silhouettes d’une foule en

liesse se projetaient sur le mur... Mais Violetta agonise. Le retour d’Al-fredo déchaîne une lutte terrible : la jeune femme veut vivre. Callasessayait maladroitement de s’habiller et ses vêtements ajustés de traversla transformaient en silhouette grotesque et pathétique. Et il y avait lemoment extraordinaire où elle croit que ses forces reviennent: un pas-sageparlando pour lequel elle se dressait, puis tombait soudain commeune masse, morte d’un coup, les yeux grands ouverts qui fixaient lepublic.

Bien peu de l’effet produit se retrouve à la seule audition de cette scène

enregistrée sur le vif lors de la retransmission radio, bien qu’on y dis-tingue le « Ah » d’effroi poussé par un public subjugué et debout... Hélas,le disque ne nous restitue de Callas qu’une partie de son art qui était lavisualisation de la musique, la musicalisation du geste. Quant à l’in-comparable production de Visconti, il va sans dire qu’elle ne pourraitrevivre sans son âme.

L’Avant-Scène Opéra 107

La Scala de Milan, 1955

«Qual fi gli a

m’abbracciate… » 

avec Ettore Basti ani ni

(Germont).

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«Dammi t u for za, o cielo…» 

«Al fr edo, tu m’ami , non èvero ? » 

avec Giuseppe di Stefano (Al fr edo) .

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http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 110/164L’Avant-Scène Opéra 109

«Invi tat o a qui seguir mi…» 

«È tardi !… At tendo, at tendo,néa me giungon mai !… » 

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http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 111/164110 L’Avant-Scène Opéra

«Mon Dieu, déjàhuit heures! Je dois all er me changer : on donne ce soir LA

T RAVIATA au Poli teama, et le “Amami ,Alfredo” de la Belli ncioni est une chose à ne pas rater.» 

G. Tomasi di Lampedusa,La mat inée d’un métayer 

Du passé fabuleux, de Bellincioniet des autres, il ne nous reste plusque de brefs instants «à ne pas ra-ter», effectivement. Aux sources de ladiscographie d’un ouvrage dontl’unité et la cohérence sont les vertuspremières, nous ne trouvons dans cethier mythique que les fragmentsépars d’un portrait éclaté. Nos gra-vures acoustiques, ces épures vocalesprivées de vie théâtrale, de vérité or-chestrale, sont tout ce qui reste d’une

tradition dont cinquante ans aumoins nous sont à jamais inacces-sibles. Rien, bien sûr, de la Salvini-Donatelli, qui s’échoua en mêmetemps que l’opéra à la première, riende Mariella Spezia qui le reprit avecsuccès l’année suivante, rien, hélas,

de Marietta Piccolomini qui fut lapremière à le chanter outre-Manche(la Bosio le créant, elle, à CoventGarden). La Piccolomini avait fait sesdébuts dans Lucrezia Borgia , on latrouvait belle, versatile, on discutaitsa voix…

L’ère des acoustiques…

Adelina Patti, âgée de dix ans à lacréation de l’opéra, nous a laissé unsouvenir, enregistré à la soixantaine,elle qui ouvrit la voie aux soprani leg- geri  mais dont on doit rappelerqu’elle était aussi bien Amina et Vio-letta que Leonora ou Aida! Les voixet les emplois sont tellement com-partimentés aujourd’hui qu’on resteconfondu devant la leçon des débutsdu siècle. Le soprano est alors dra-matique aussi bien que lyrique etd’agilité sans que cela ait besoin

d’être précisé. Seule la décadence duchant fera éclater cette unité. UneMelba, reine incontestée du CoventGarden, nous offre une Violetta quel’acoustique rend lointaine, mais elleétait indifféremment Gilda, Desde-mona, Aida et jusqu’à Brünnhilde!Sa rivale, Selma Kurz (1874), avaitcommencé comme Mignon avantd’aborder Sieglinde et Eva, de chan-ter Lucia, Gilda et Violetta, et detriller comme personne!

Violetta ne peut être en vérité quece soprano assoluto de l’Ottocento : ly-rique au deuxième acte, il lui aurafallu s’affirmer auparavant commeune vocaliste expressive qui devratrouver, au dernier, l’influx du so-prano dramatique. L’école est encorecelle du premier romantisme, lui-même héritier du bel canto . École quiexige une palette infinie de colora-tions, le sens et le goût des portamenti ,l’ampleur du son. Ampleur du son,

les Barrientos, Galli-Curci, Tetrazzini,les Pagliughi, les Carosio ? Les té-moins attestent effectivement le faitque ces émissions hautes, utilisant latotalité des résonateurs de la face,que ces souffles inépuisables, parve-naient à emplir une salle bien mieux

que ne le font certains de nos ly-riques-rien-que-lyriques d’aujour-d’hui. Ce que ne laisse pas toujoursentendre le disque des temps hé-roïques. Toutes ces voix fémininesvieillissent plus mal dans les sillonsde nos repiquages que celles de leurspartenaires masculins. Même lasombre voix d’une Farrar (la pre-mière Suor Angelica, une grande But-terfly), même celle de notre Bellin-cioni qui, après avoir été une Gildade dix-huit ans avec le vieux Tamber-lik, devait bientôt créer Santuzza!Avec les progrès techniques et ledisque électrique, les timbres se ré-chaufferont au soleil du vérisme avecle risque d’en épouser les dérives ex-pressives. Ce vérisme, pourtant,avant de devenir une sorte de mala-die honteuse de la voix, est encoreservi à l’origine par ces fleurons dubel canto auprès desquels nombre de

nos actuelles belcantistes passeraientpour de mauvaises véristes. On écou-tera dans cet esprit une Claudia Mu-zio, dont la lettre du IIIe acte est in-imitable et qui, née en 1889, avaitdébuté dans Gilda avant d’alternerVioletta et Desdemona. On s’attar-dera sur Gilda Dalla Rizza, née en1892 et qui, de Violetta à Suor Ange-lica, ne voyait que continuité. La cirea beau maquiller ces gloires detoutes ses aspérités techniques et la

mode dilater leur style, l’évidence de-meure: Violetta n’est accessiblequ’aux plus grandes qui, hier innom-brables, ne sont plus légion à pré-sent.

Le modèle Olivero…

La grande Magda Olivero aura pré-cédé une certaine Maria Callas sur lechemin d’un retour au grand style,doublé d’une vérité psychologique

proprement moderne, et ce dèsavant-guerre. En 1952, à Vérone, lachanteuse piémontaise remplaceraen Violetta celle qu’à la suite de Mu-zio on allait surnommer la Divine, etreprendra de nouveau Traviata aucôté d’un certain Alfredo Kraus, en

 J ean CabourgDiscographie

Un quart de siècle s’est écoulé depuisque l ’Avant-Scène Opéra proposait sa

première discographie de la Traviata .

Concluant la troisième mise à jour de

ce panorama critique en 2000, j’appe-

lais de mes vœux l’étoile capable de ré-

veiller un enthousiasme mis à mal par

nombre de déceptions. Dans l’inter-

valle, le DVD est venu jouer sa propre

partition. Désormais, l’œil écoute et

induit le jugement de l’auditeur-spec-

tateur. À supposer que ce nouveau

support ait révélé la perle rare espérée

– ce qui est loin d’être avéré –, le

disque audio continue d’être, pour les

amoureux du chant, un fabuleuxme- 

dium . Nous avons donc actualisé notre

travail au rythme des rééditions et

nouveautés les plus récentes puis re-

mis en perspective les choix qui, pour

l’essentiel, demeurent les nôtres.

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1957 à Turin, un an encore avantMaria. Il est navrant de penser querien ou presque ne nous reste de cesreprésentations mémorables, sinoncertaines raretés.

La grande scène de l’acte I a fait

l’objet d’un enregistrement le 7 août1940 avec l’Orchestre Symphoniquede la RAI sous la direction d’Ugo Tan-sini (Cetra). Cet enregistrement,considéré par l’ensemble de la cri-tique internationale comme parfait,est à connaître absolument. Pour Ro-dolfo Celletti, c’était encore un mo-dèle. Usant diaboliquement d’unevoix mince mais portée par un souffleinépuisable, émouvante jusque dansle frémissement de son vibrato rapide

ou l’expansion de son inimitablemessa di voce (y compris sur le contre-Mi bémol), l’artiste prend place entreMuzio et Callas comme la plus vi-brante Violetta, d’une pureté de sonincomparable. Seule (minime) ré-serve: certaines vocalises un peu

bousculées par le tempo quasi toscaninien de la ca-balette.

Le premier tableau del’acte II, en duo avec AldoProtti, a été enregistré enconcert à Amsterdam, le6 mai 1967 (piratage de laradio hollandaise, gravé undemi-ton trop haut), avecl’acte III complet. «Ch’ei 

qui non mi sorprenda… Amami Alfredo» a fait l ’ob- jet d’une gravure Cetra,sous la direction d’ArturoBasile. Vingt-sept ans sépa-rent donc le premierdisque et ce concert duConcertgebouw. Le portraitde Violetta est fragmen-taire, inégal, mais laisse de-viner la grandeur d’Oli-vero. À quand la publica-

tion de l’intégrale de la RAIde Turin du 4 août 1940avec Malipiero, Mascheriniet Valdengo (en Dou-phol !) sous la baguette deVotto?

Les voix masculines…

Au demeurant, si une Violetta dehaut vol suffit à faire vivre cet opéramythique, il n’est pas indifférent de

rappeler que l’histoire du disque re-cèle d’inestimables gravures des rôlesd’Alfredo et de Germont. La légèretéd’un De Lucia, celle de Mac Cormackou de Bonci tendent la main au style jeune école d’un Anselmi, capable dedélaisser lebel canto qu’il servait roya-lement pour être un vrai Turiddu! Cesvoix «dans le masque» s’imposaient àl’orchestre(moins bruyant, il est vrai)mieux que les émissions engorgéesqu’il fallut subir ensuite. L’alliance du

volume et de la subtilité, n’est-ce pasce que requiert aussi l’écriture du ba-ryton Verdi, trop souvent confonduavec le baryton sombré? Battistini, àcinquante-cinq ans, chante sur sontimbre, sans que rien ne pèse, avecune noblesse admirable. Danise n’est

pas irréprochable stylistiquementmais un Danise, un Stracciari (pas aumieux de sa forme), un Amato… unDe Luca… quelle affiche!

Un détour s’impose donc par lepanthéon des voix légendaires, telle-ment instructif au plan de la vocalité.

Les intégrales…

Mais il faut, à l’évidence, attendrel’ère des intégrales pour juger du ta-bleau en son entier, en replacer lesfragments en perspective et juger dela vérité théâtrale et musicale d’uneœuvre jusqu’ici réduite à sa seulecomposante vocale. L’enjeu drama-tique de l’opéra, que notre prome-nade anthologique risquait de nousfaire oublier, est pourtant bien ce quigouverne l’œuvre. Même réduites àleur seule composante auditive, lesintégrales de la Traviata doivent tra-

duire l’expressivité et l’émotion de laparole verdienne. Ébriété du plaisir,Amour rédempteur, Renoncement, Tragique de la passion : d’un acte àl’autre, Violetta doit pouvoir expri-mer ces états successifs, éclairer sonchant des lumières changeantes duprisme. Là se referme le piège tendupar Verdi à ses interprètes. Ni lechant romantique du premierOtto- cento , ni l’expressionnisme vériste nesont ici en situation. Le premier prive

l’œuvre de son impact dramatique, lesecond grossit le trait et travestit lepropos. La vérité est dans un milieu juste, fait d’une part de la maîtrisevocale héritée du bel canto , seule ca-pable de fournir la gamme infiniedes colorations et des nuances musi-cales et donc psychologiques – igno-rées par tant de chefs présomptueuxou de chanteuses limitées –, etd’autre part d’un tempérament dra-matique qui sache s’inscrire dans le

chant au lieu de se superposer à lui.Opposer ici technique vocale et ca-ractérisation n’a pas de sens. Seuleune vocalité transcendante est enmesure de conférer une âme à Vio-letta. Le reste n’est qu’expression-nisme cache-misère et prétexte à fan-

L’Avant-Scène Opéra 111

Magda Ol ivero. D.R.

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tasmes journalistiques. Cocteau ré-cusait la poésie au théâtre et lui pré-férait la poésie de théâtre. Violettan’est pas une comédienne à l’opéra,ce doit être une comédienned’opéra. Beaucoup d’appelées et peud’élues, nous allons le voir, puisque,en définitive, seul le chant de trèshaute école offre les outils d’une en-tière réussite dramatique…

M.Capsir – Molajoli, 1928A.Rosza – Sabajno, 1930

L’un des plus célèbres repiquagesde 78 tours demeure cette version de1928, sous la direction de Molajoli.Les gravures récentes rendent justiceà la qualité purement vocale de l’hé-roïne, dont la brillance de l’aigu s’ac-compagne d’une homogénéité du re-gistre medium  plus satisfaisantequ’on a pu le prétendre. Le styleétonnera, irritera ou laissera sansdoute impavide, mais une techniqueest là, à défaut d’une âme. On ne s’at-tardera pas sur le ténor, encore que lasuite nous réserve bien pire. La sur-

prise vient du grand Galeffi, dont onsait qu’il pouvait, deGioconda au Tro- vatore , alléger considérablement unevoix d’une ampleur impression-nante, mais qui précisément ténoriseici plus qu’il ne faudrait, avec des li-bertés de style que ne tolèrent queceux pour qui l’émission vocale,royale, rachète tout. Nous nesommes encore qu’au stade des «do-cuments», mais quelle heureuseépoque celle qui peut s’offrir un

Grenvil de la stature de Baccaloni !Document encore celui de 1930,réalisé chez Vaia, sous l’autorité deCarlo Sabajno. Il faut en retenir le té-nor Ziliani, pour la couleur dutimbre. Rien cependant qui rappelledans cette édition l’affiche presti-gieuse d’Aida ou d’autres intégralesdu même Sabajno, directeur sans re-lief particulier, dont il existe uneautre intégrale 78 tours avec Bevi-gnani chez EMI.

R.Ponselle – Tibbett, 1935

 J.Novotná – Tibbett, 1941

L’année 1935 est celle de RosaPonselle affrontant l’immense Tib-bett, au meilleur de lui-même dans

une production du Metropolitan. At-tention toutefois à la vitesse de rota-tion, celle-ci variant à toutes les faces.Ainsi le prélude est-il un demi-tontrop haut, y compris dans l’édition«corrigée» par Naxos, tandis que lacabalette«Sempre li bera» , transposéeà la scène, est bien au ton entier infé-

rieur (et non au demi-ton commel’indique Alan Blyth dans le texte deprésentation qui accompagnait l’édi-tion parue chez Pearl). Ceux quiconnaissaient ce document saventqu’il est incomparable. Les autresdoivent y courir. Mais attention auconditionnement moderne del’oreille par digital ou laser. Le son de1935, même après un léger l i f t ing ,demeure flou ! Prendre garde égale-ment au fait que l’immense Vestale

que fut Ponselle, Norma incompa-rable, Leonora d’exception, n’estvraiment elle-même qu’auxdeuxième et troisième actes, une foispassé l’agitato du premier, dont ledésordre expressionniste, le relâchédes récitatifs, l’à-peu-près de la caba-

lette déçoivent. L’acteII,en revanche, après l’airdu médiocre Jagel, estun très grand momentde théâtre, grâce à Tib-bett et Ponselle. Leurduo, fait de grandeur vo-cale maîtrisée, de subti-lité conquise sur l’am-pleur des moyens, estune page d’anthologie.

Panizza, implacablerythmicien, accordenéanmoins tous les ru - bati désirables (et mêmeun peu plus), de sorteque le

«Così al la misera» ,

à la corde, et le cantabile pathétique de«Dite all a giovine», sont rompuspar un farouche«Morrò,morrò» aux accents pré-callassiens, qui permetde prendre l’exacte me-sure de cette voix im-mense, aux Si bémol ful-gurants («Amami Alfredo» ). Enfin, Tibbett

est peut-être le Germontle plus noble et impres-sionnant qui soit, ca-pable d’une voix mixte

appuyée qui lui confère la légèretéd’un Battistini («Di Provenza» )comme de forte imposants mais tou- jours parfaitement arrondis, capableaussi d’excessifs mais étonnantspoints d’orgue sur les Fa aigus! Légè-rement en retrait, après ces instantsprécieux, l'«Addio, del passato» cou-

ronné d’inutiles soupirs, mais le pa-thétique retenu de «Gran D io» et ladernière apparition de Germont ou-vrent sur un finale bouleversant. Lapureté ineffable de «Prendi quest’è l’immagine» , l’innocence de «Se una pudica vergine» rachètent par avancece que la mort de Violetta peut avoird’histrionique. Quelle ardeur en toutcas, quel souffle! Pour les puristesétriqués, quelle leçon!

En 1941, toujours au Met, Tibbett,

déjà sujet aux intempérances qui rui-neront ses dons prématurément, pa-raît très en retrait face à une Novotnáterriblement décevante, désordon-née, portée aux pires expédients ex-pressifs, et à un Jan Peerce privé deséduction.

Discographie

112 L’Avant-Scène Opéra

Rosa Ponsell e.Archives du Metropoli tan, New York.

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M.Caniglia – Gigli, 1939

Si le son de 1935 laisse à désirer,celui de 1939 rend tout jugement surle tandem Caniglia-Gigli hasardeux.Ce que l’on devine conforte l’idéeque l’on pouvait se faire d’une Cani-glia plus portée au pathétique exté-rieur qu’à la rigueur du style, avec ceque d’aucuns appelleront du tempé-rament, d’autres du vérisme. Est-oncertain de pouvoir compter aujour-d’hui sur beaucoup de «tempéra-ments» de cette sorte? Gigli, à qua-rante-neuf ans, est bien sûr juvénile,demi-teintes légendaires et goût im-modéré pour l’onctuosité font de cetAlfredo l’un de ceux qui comptent.Ne serait-ce que par la qualité del’émission et lamorbidezza de la cou-leur… bien voilée par la prise de son.

Les amateurs apprécieront égale-ment le Germont de Basiola, digneélève de Cotogni à la Santa Cecilia deRome, comme Gigli ou Lauri-Volpi !comme Stabile!

Bidú Sayão, 1943Le Met 1943 déçoit, comme celui

de 1941, après les fastes de 1935. Est-ce au live qu’il faut imputer cette dé-ception ou bien le studio aurait-ilflatté les voix de Bidú Sayão ou deKullmann? L’orchestre n’a jamaisparu aussi provincial que sous la ba-guette de caoutchouc de Sodero, niles chœurs aussi désordonnés. LaSayão minaude, multiplie dans leme- 

dium les sons ouverts et vulgaires et lechef ruine toute tentative de phrasé.Kullmann chante faux (son«Brindisi» est à pleurer!). Heureusement, leschoses s’arrangent avec l’arrivée deWarren. Rien de comparable avec lesmoyens et la technique, le souffle sur-tout, de Tibbett, mais un barytonnuancé, près du texte musical et d’uneluminosité qui irradie jusqu’au chantde sa partenaire. Dommage que celle-ci donne dans le genre larmoyant et

manque de carrure (mais non d’aigu)dans les scènes dramatiques de la fin.

L.Albanese – Toscanini, 1946

L’intégrale de 1946 voit l’entrée enscène des grands chefs. Ils ne seront

d’ailleurs ni très nombreux à servir Tra- viata , ni forcément toujours convain-cants, l’œuvre reposant en dernièreanalyse sur le génie de son interprèteprincipale.

 Toscanini, un modèle, pour lemeilleur et pour le pire? On simpli-fierait abusivement en imputant lepire aux chanteurs et le meilleur à lafidélité du chef, censé respecter lalettre et l’esprit de Verdi. On serait éga-lement injuste si on omettait de rap-peler que ces repiquages sont avaresde dynamique des nuances, ce qui ex-plique en partie l’absence quasi totaledepiani à la ligne du chant – si claire-ment exigés par le compositeur –, et laprésence monolithique des voix.

L’impression d’ensemble demeurecelle d’une géniale concision du dis-cours, de l’habituelle précision desattaques, de la «présence» des ac-compagnements mais, en retour,d’une rigidité, d’une absence de ly-risme, pour tout dire, qui font de«Parigi, o cara» , par exemple, un mo-nument d’absurdité. Licia Albanesen’évite ni le cri ni la vulgarité, le té-

nor Peerce, très honnête technique-ment, ne trouve pas dans ces condi-tions le moyen de faire oublier sontimbre, et Robert Merrill, pour sonpremier Germont au disque,exhibe sans vergogne son bronze in-frangible. Du drame, il ne reste plusque la ligne haute tension de la nar-ration orchestrale ainsi que l’impla-cable rigueur des ensembles, mais lecœur romantique a ses raisons que laraison toscaninienne a voulu mécon-

naître. Sur la foi de ces disques etd’une certaine répétition du finale del’acte II, enregistré chez Relief,d’autres viendront qui, au nom dumétronome mais sans le génie, lirontla Traviata au travers de Falstaff . Biensûr, il reste les deux préludes et latension de cette fête chez Flora dontun Muti oubliera qu’elle tient autempo relativement modéré que lechef lui imprime obstinément.

Eleanor Steber, 1949

Au Met, la tradition continue de sebien porter et de reposer sur lesseules étoiles du moment. EleanorSteber est de celles-là, dont la Vio-letta alterne depuis 1944 avec Alba-

nese et Sayão. Le document de 1949permet d’en apprécier les mériteséminents ainsi que ceux du jeune DiStefano pour ses premiers Alfredodans l’illustre théâtre. La relative froi-deur de sa partenaire se marque audébut dans un «Libiamo» et un pre-mier duo guindés, aux petites notesdésordonnées, le ténor affichant untimbre radieux mais une égale rai-deur, tous deux concluant d’ailleurssur une cadence ouvertement fausse.La chanteuse se rétablit heureuse-ment dès sa grande scène. On re-trouve alors le tempérament altier etla longueur de souffle de cette belleartiste, son trille impeccable, avantune cabalette scintillante. Plus queles inflexions siciliennes de Di Ste-fano ou la mâle assurance de Merrill(incertain rythmiquement quand laférule toscaninienne cède la place aulaisser-aller d’Antonicelli), on appré-ciera bientôt le grand style de cettecourtisane soudain touchée par lagrâce, jusque dans son orgueilleuseféminité. La noblesse du personnageimprègne un intense «D it e alla gio- 

vine» , prélude à une suite de renon-cements bouleversants soutenus parune farouche énergie, un medium nourri et d’inflexibles aigus. De lalecture de la lettre – aux accentsdignes d’une Muzio – jusqu’à l’as-somption finale, la noblesse dans ladéréliction fait accéder cette chan-teuse américaine à la plus universelledes grandeurs. Celle, hier, d’une Pon-selle, dont elle évite ici un certain ex-pressionnisme, quand bien même

ses moyens sont intrinsèquementplus modestes.

A.Guerrini, 1950

Rien à dire de cette édition de 1950récemment reportée en CD, si cen’est la bonne tenue vocale d’Infan-tino et celle du baryton Paolo Silveri.

Licia Albanese, 1950

Au côté du même Silveri, au Met,cette année 1950, Licia Albanese negagne pas à être entendue après Elea-nor Steber, nonobstant la présence dusuave Tagliavini. Mais à l’orée de cesannées cinquante, s’ouvre pour lesdiscophiles le règne de Maria Callas.

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Discographie

114 L’Avant-Scène Opéra

La Traviata – versions intégrales

date 1912 1918 1928 1930 1935 1939 1939 1941

direction E. Archaimbaud C. Sabajno C. Molajoli C. Sabajno E. Panizza V. Gui H. Sandberg E. Panizza

orchestre Gaîté-Lyrique La Scala La Scala La Scala Metropolitan Covent Garden Op. Stockholm MetropolitanVioletta  J . Morlet M. Bevignani M. Capsir A. Rosza R. Ponselle M. Caniglia H. Schimberg J . NovotnáAlfredo M. Troselli F. Tumminello L. Cecil A. Ziliani F. J agel B. Gigli J . Bjoerling J . PeerceGermont H. Albers E. Badini C. Galeffi L. Borgonovo L. Tibbett M. Basiola C. Molin L. Tibbett

édition Pathé-Bourg EMI Arkadia VAIA Naxos Eklipse SRO Myto

support lp (français) cd cd-live  cd-live  cd-live  cd (suédois) cd-live 

date 1943 1946 1947 1949 1950 1950 1951 1952

direction C. Sodero A. Toscanini A. Orlov G. Antonicelli A. Erede V. Bellezza O. de Fabritiis U. Berrettoni

orchestre Metropolitan NBC État d’URSS Metropolitan Metropolitan Op. de Rome Bellas Artes Orch. Italiana

Violetta B. Sayão L. Albanese E. Choumskaya E. Steber L. Albanese A. Guerrini M. Callas R. NoliAlfredo C. Kullmann J . Peerce Y. Kozlowsky G. Di Stefano F. Tagliavini L. Infantino C. Valletti G. Campora

Germont L. Warren R. Merrill P. Lisitsyan R. Merrill P. Silveri P. Silveri G. Taddei C. Tagliabueédition Walhall RCA Gala Myto/Naxos Bongiovanni Grammofono Melodram Remington

support cd-live  cd cd (russe) cd-live  cd-live  cd cd-live  lp

date 1952 1952 1953 1953 1954 1954 1955 1956

direction U. Mugnai C. M. Giulini G. Santini C. Ricci F. Molinari-Pradelli T. Serafin C. M. Giulini C. M. Giulini

orchestre Bellas Lettras RAI Milan RAI Turin Op. de Rome Santa Cecilia Naples La Scala La Scala

Violetta M. Callas R. Tebaldi M. Callas F. Schimenti R. Tebaldi R. Tebaldi M. Callas M. CallasAlfredo G. Di Stefano G. Prandelli F. Albanese A. Pola G. Poggi G. Prandelli G. Di Stefano G. RaimondiGermont P. Campolonghi G. Orlandini U. Savarese W. Monachesi A. Protti Carlo Tagliabue E. Bastianini E. Bastianini

édition Rodolphe SRO CETRA Remington Decca GAO EMI Myto

support cd-live  cd-live  cd lp cd cd-live  cd-live  cd-live 

date 1956 1956 1956 1956 1956 1957 1958 1958

direction Altaev P. Monteux A. Questa T. Serafin T. Serafin F. Cleva F. Ghione N. Rescigno

orchestre Radio Moscou Op. de Rome Naples La Scala M.M.F. Metropolitan Lisbonne Covent Garden

Violetta G. Demidova R. Carteri V. Zeani A. Stella R. Tebaldi R. Tebaldi M. Callas M. CallasAlfredo S. Lemechev C. Valletti G. Raimondi G. Di Stefano N. Filacuridi G. Campora A. Kraus C. VallettiGermont P. Lisitsyan L. Warren U. Savarese T. Gobbi U. Savarese L. Warren M. Sereni M. Zanasi

édition Melodiya Myto Bongiovanni Naxos CETRA Melodram EMI Melodram

support lp (russe) cd cd-live  cd cd-live  cd-live  cd-live  cd-live 

date 1959 1960 1960 1960 1963 1963 1963direction T. serafin G. Rivoli N. Annovazzi F. Previtali A. Votto L. Gardelli J . Pritchard

orchestre Op. de Roma Op. de Vienne RSO Hambourg Op. de Rome La Scala Budapest M.M.F.

Violetta V. de Los Angeles E. Todeschi V. Zeani A. Moffo R. Scotto G. Dery J . SutherlandAlfredo C. del Monte A. Vicentini G. Savio R. Tucker G. Raimondi R. Ilosfalvy C. BergonziGermont M. Sereni R. Cesari P. Gorin R. Merrill E. Bastianini L. Palócz R. Merrill

édition EMI Festival Musica et Litera RCA DG Qualiton Decca

support cd lp lp cd cd lp (hongrois) cd

date 1963 1964 1964 1964 1964 1965 1965 1965

direction B. Bartoletti H. von Karajan H. von Karajan N. Rescigno E. Klobucar G. Patanè N. Rescigno M. Rossi

orchestre La Scala La Scala Rio de J aneiro Op. de Vienne Modena Dallas RAI de Rome

Violetta A. Moffo M. Freni A. Moffo L. Gencer A. Moffo M. Freni M. Caballé V. ZeaniAlfredo F. Bonisolli R. Cioni R. Cioni F. Labò G. Zampieri L. Pavarotti F. Bonisolli L. InfantinoGermont G. Bechi M. Sereni M. Sereni P. Cappuccilli E. Bastianini A. D’Orazi M. Zanasi A. Boyer

édition Eurodisc Arkadia Arkadia Bongiovanni Melodram Cime Melodram Live Opera Heaven

support lp cd-live  cd-live  lp-live  cd-live  cd-live  cd-live  cd

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La Traviata – versions intégrales

date 1965 1965 1966 1967 1967 1968 1968 1970

direction G. Patanè C.F. Cillario E. Brizio C. M. Giulini G. Prêtre J. Bobescu L. Maazel R. Bonynge

orchestre Op. Munich Covent Garden San Carlo Covent Garden RCA italienne Bucarest Op. de Berlin MetropolitanVioletta  T. Stratas R. Scotto R. Righetti M. Freni M. Caballé V. Zeani P. Lorengar J . SutherlandAlfredo F. Wunderlich L. Pavarotti V. Luchetti R. Cioni C. Bergonzi I. Buzea G. Aragall L. PavarottiGermont H. Prey P. Glossop A. d’Orazi P. Cappuccilli S. Milnes N. Herlea D. Fischer-Dieskau S. M ilnes

édition Orfeo GPO/Memories Fabbri Frequenz RCA IMP Decca Bella Voce

support cd-live  cd-live  lp cd-live  cd cd cd cd-live 

date 1971 1971 1971 1972 1973 1973 1973 1974

direction A. Ceccato A. Ceccato J. Krips C. F. Cillario L. Gardelli N. Verchi A. Guadagno A. Gatto

orchestre San Carlo Royal Philh. Op. Vienne Covent Garden Berlin Orch. de Tokyo Philadelphia T.C. Bologne

Violetta B. Sills B. Sills I. Cotrubas M. Caballé M. Freni R. Scotto M. Caballé R. KabaivanskaAlfredo A. Kraus N. Gedda N. Gedda N. Gedda F. Bonisolli J . Carreras J . Carreras G. PastineGermont M. Zanari R. Panerai C. MacNeil V. Braun S. Bruscantini S. Bruscantini N. Mitic F. Bordoniédition Melodram EMI Arkadia Foyer Acanta Legato Classics Melodram Eklipse

support cd-live cd   cd-live  cd cd-live  cd-live  cd-live  cd-live 

date 1976 1976 1976 1977 1977 1978 1979 1980

direction N. Santi B. Bartoletti T. Schippers J. Delacote C. Kleiber C. Kleiber C. Franci G. Masini

orchestre Op. de Zurich Trieste M.M.F. Covent Garden État de Bavière Op. de Munich Hambourg Op. de Vienne

Violetta M. Chiara K. Ricciarelli M. Nicolesco S. Sass I. Cotrubas I. Cotrubas K. Ricciarelli E. GruberovaAlfredo G. Raimondi J . Carreras A. Kraus A. Kraus P. Domingo J . Aragall A. Kraus J . CarrerasGermont P. Cappuccilli G. Zancanaro A. Romero R. Bruson S. Milnes R. Bruson V. Sardinero B. Weikl

édition HRE SRO Living Stage LR DG Melodram HRE LR

support lp-live  cd-live  cd-live  lp-live  cd cd-live  lp-live  lp-live 

date 1980 1981 1982 1982 1982 1984 1984 1987

direction C. Mackerras R. Bonynge N. Santi J . Levine R. Muti C. Kleiber J. López-Cobos R. Raichev

orchestre ENO National Philh. Op. de Vienne Metropolitan Philharmonia M.M.F. Deutsche Oper Op. de Sofia

Violetta V. Masterson J . Sutherland E. Gruberova T. Stratas R. Scotto C. Gasdia J . Varady A. Tomowa-SintowAlfredo  J . Brecknock L. Pavarotti J . Carreras P. Domingo A. Kraus P. Dvorsky F. Tagliavini J . AragallGermont C. Du Plessis M. Manuguerra L. Nucci C. McNeil R. Bruson G. Zancanaro L. Nucci A. Rinaldi

édition HMV Decca Cin Cin DG EMI Exclusive Ponto Balkanton

support lp (anglais) cd cd-live  cd-live  cd cd-live  cd-live  lp

date 1988 1989 1990 1992 1992 1993 1993direction R. Paternostro A. Vilumanis A. Rahbari J . Levine C. Rizzi M. Matakiev R. Muti

orchestre  Tokyo Philh. Orch. de Riga Orch de Bratislava Metropolitan London Symph. Teatro Lirico La Scala

Violetta L. Aliberti I. Galante M. Krause C. Studer E. Gruberova C. Andreu T. FabbriciniAlfredo P. Dvorsky I. Peterson Y. Ramiro L. Pavarotti N. Shicoff M. Contreras R. AlagnaGermont R. Bruson S. Izjumovs G. Tichy J . Pons G. Zancanaro T. Potter P. Coni

édition Capriccio Campion Naxos DG Teldec Opera Sony

support cd-live  cd-live  cd cd cd cd-live  cd-live 

date 1993 1994 1994 1996 1998 2000 2005

direction Z. Mehta G. Solti R. Cdensabella W. Gröhs D. Callegari Z. Mehta C. Rizzi

orchestre M.M.F. Covent Garden Teatro Colón Europa Symph. Carlo Felice Sinfonica RAI Philh. VienneVioletta K. Te Kanawa A. Gheorghiu A. Negri C. Gurban M. Devia E. Gvazava A. NetrebkoAlfredo A. Kraus F. Lopardo E. Ayas S. Komov R. Aronica J . Cura R. VillazónGermont D. Hvorostovsky L. Nucci L. Gaeta G. Tichy G. Zancanaro R. Panerai T. Hampson

édition Philips Decca Ornamenti Arte Nova Bongiovanni Philips Decca

support cd cd cd-live  cd cd-live  cd cd

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Maria Callas, de 1951 à 1958

Entre le 14 janvier 1951 (Florence)et le 2novembre 1958 (Dallas), Cal-las n’aura chanté la Traviata quesoixante-trois fois. En sept ans, elleaura imprimé à ce rôle la marqued’un génie qui transcende les catégo-ries habituelles du Chant, du Vrai etdu Beau. Hormis les enregistrementsd'«Ah fors’èlui » du 13 mars 1950(RAI) et du 21 novembre 1957, nousdisposons de sept intégrales commer-cialisées s’échelonnant sur la périodeconsidérée. Avec des nuances quenous préciserons, Callas est Violettadont elle possède à la fois la carrurevocale, en ses trois dimensions – so-prano, dramatique et d’agilité(double pléonasme pour les contem-porains de Verdi) –, à laquelle«s’ajoute» cette présence théâtraledont il faut redire qu’elle naît duchant et non d’un expressionnismeextérieur à la musique. Du chant,donc, et du timbre aussi, avec ses in-égalités, son étrangeté, si parfaite-

ment accordées au profil psycholo-gique de l’héroïne minée par sondestin individuel et social. Ajoutonsqu’à compter du moment où lemythe s’empare de Callas pour enfaire la Divine, celle-ci rejoint (et elleseule à notre époque) la lignée desmonstres sacrés hors de laquelle iln’est point de Violetta digne de lais-ser son nom à la postérité.

On est tenté d’aller parfois plusloin en laissant entendre qu’une cer-

taine dégradation des moyens vo-caux coïncide chez Callas avec l’apo-gée de son génie d’artiste, voire quece dernier procède de cet effritementde la voix comme le papillon de lachrysalide. Nous disposons de nosenregistrements pour mettre ce para-doxe à l’épreuve.

Ceux que cette voix n’a jamais suséduire doivent se précipiter sur lestémoignages mexicains, principale-ment celui de 1952, celui de 1951

(en extraits) valant par un entouragemeilleur (Valletti et Taddei sontexemplaires) mais ne bénéficiant pasd’une baguette aussi électrisante quecelle de Mugnai, l’année suivante. Ledocument de 1952 est des plus vol-caniques, et ce jusqu’au niveau du

souffleur! On le doit d’abord à la di-rection de ce chef étonnant de pu-gnacité, d’élan, de vie. Grand chef?Non, mais ici parfaitement en situa-tion. On le doit ensuite à la formevocale éblouissante d’une Callasalors capable de vocaliser sur deuxoctaves et demie, au grave impres-sionnant, au Mi bémol si glorieuxqu’elle en offre, en plus de celui, tra-ditionnel, de la cabalette, un second

à la fin de l’acte II, sans reprise desouffle – un souffle long, intaris-sable, qui autorise les portamenti lesplus généreux, le phrasé le plusample. Si le brio de l’acteI reste assezextérieur, le duo avec Germont(Campolonghi insuffisant) montre

que l’émotion la plus poignante peutaussi coïncider avec la totale intégritédes moyens, naître de la seule palettedes colorations, servie par un style ir-réprochable. Reconnaissons aussique Di Stefano possède encore, àcette époque, une facilité, un éclatsolaire qui, en dépit de ses carencestechniques et stylistiques (et d’unelenteur initiale à trouver son ré-gime), font mouche.

Grande voix, grande chanteuse,Callas est déjà grande tragédienne etce, dans les moments de pur dé-pouillement comme ce«Dite al la gio- vine» où la perfection du phrasé sertla profondeur du sentiment. Cettemiraculeuse conjonction du Beau et

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Mari a Call as,1951. Locchi.

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du Vrai ne se retrouvera pas aumême degré dans les documents ul-térieurs; surtout pas dans l’enregis-trement studio de l’année suivante.Peut-être est-on injuste avec cesdisques qui révélèrent le style Callaset son incarnation en Violetta bienavant que l’on puisse disposer des pi-rates officieux ou officiels. Le traite-ment drastique infligé par Toscaniniau chant italien de son temps ne suf-fisait pas à combler les vœux de ceuxpour qui Violetta n’était pas plus unêtre désincarné qu’une héroïne vé-riste. Deux femmes venaient à leurrencontre: Magda Olivero dès 1940,et Callas. Aujourd’hui, le disque pa-rallèle nous a révélé Mexico, c’est-à-dire une autre vie, une autre vérité,puis les témoignages de la maturité,d’un sang plus impétueux. Alors cetravail de studio, outre qu’il grossitartificiellement la voix de notre Vio-letta, la prive du naturel qui faisait leprix de son interprétation à la scène.Deux voix masculines de secondordre finissent de gâter notre plaisir.Et pourtant, la Violetta de Maria Cal-

las, l’année du centenaire de la créa-tion… mieux vaudrait alors retrouverle souvenir de la célébration de cetévénement à La Fenice, avec la mêmeCallas à qui l’on reprochait en cettecirconstance d’avoir trop de voix!

La maturité, ce fut Milan 1955 et1956, avec Giulini. On se reporterade préférence à 1955, pour l’équi-libre vocal de la protagoniste, encoreque 1956 offre, dans un son d’ori-gine bien supérieur Gianni Rai-

mondi à la place de l’omniprésent DiStefano. La direction de Giulini neconvainc pas d’emblée ni totale-ment, quoi qu’on en ait dit. Les déca-lages avec le plateau sont nombreux,les tempi souvent alanguis, pas tou- jours réguliers. Au-delà de ces détails,la relative monotonie de l’ensemblesemble être la rançon d’un parti-pris(diamétralement opposé à celui deMuti récemment) d’unité, d’équi-libre, de refus des contrastes artifi-

ciels et du souci de serrer au plus prèsla mise en scène de Visconti, laquellese caractérisait par une lenteur calcu-lée et le poids d’une constante pré-monition de la mort.

Ce cérémonial viscontien s’im-posa si totalement à Callas que le

disque en traduit à la fois trop et pasassez l’emprise. Trop en ce que laspontanéité a fait place à un art su-prêmement élaboré qui perd à êtrecoupé de sa visualisation. On seprend alors à être d’une moindre in-dulgence pour les incertitudes d’unvibrato large, de plus en plus marqué,pour celles de l’intonation des Do ai-gus forte de la cabalette, pour le sou-tien moins continu de«Dite alla gio- vine» . Une attention moins vétilleusemais plus fine révèle en revanche dessubtilités nouvelles, la merveilleusedouceur d'«Oh come dolce mi suona i l vostro cor » (duo avec Germont), ledénuement d'

«È vero, èvero» sous la

phrase de Germont:«Un dì, quando le veneri » . Bouleversant ô combien, éga-lement, cet«Amami Al fredo» qui sou-lève la salle! À l’évidence, Callasentre ce soir-là dans la légende. DiStefano ouvre de plus en plus sessons mais aussi son cœur, et celan’est pas rien. De Bastianini, on ap-préciera la qualité des moyens et larusticité du style.

Et voici que le pirate se fait blan-

chir par EMI, qui nous offre sa ver-sion live de 1958 à Lisbonne. Dessoirées satisfaisantes dans une saisontumultueuse. Après Giulini, Ghionerappelle modestement Mugnai, enplus rigoureux. Les moyens vocaux,eux, ne sont plus les mêmes: à tropvouloir prouver, la chanteuse a abuséde ses résonances de poitrine par uneémission trop ouverte du registregrave, menaçant ainsi la longévité deson souffle. Dans ses grands soirs,

elle saura, c’est vrai, porter au créditde l’interprète le passif de la chan-teuse. À Lisbonne, c’est bien ce qui seproduit. Si le «Brindisi » intéresse peuet le duo suivant guère davantage, sile grand air et sa cabalette bougentterriblement (mais quelle précisiondans les piqués-liés!), le grand art estau rendez-vous de«Dite alla giovine» et durant tout l’acte III. Atout supplé-mentaire, la présence du jeune Al-fredo Kraus qui s’affirmera bientôt

comme le premier des ténors, un peufroid et mécanique ici mais l’aigu enpoupe et la demi-teinte charmeuse(«Io vivo in ciel» ). Décevant Serenipour qui connaît la version qu’il gra-vera avec Victoria de Los Angeles.

Cette année 1958 est enfin et sur-

tout celle des représentations londo-niennes. Une femme à bout deforces, épuisée, soignée entre chaqueacte comme un sportif qui va craqueret retrouvant, à partir de l’acteII, nonseulement la force de vaincre mais lasérénité, un calme qui n’est plus celuide l’inconsciente jeunesse mais celuide la sagesse d’une artiste transcen-dant ses limites. Callas est, ce soir-là,visitée par la grâce. Sublimationd’une Violetta qui peut s’écrier«In me rinasce, m’agita insolito vigor… Ah ! ma io ritorno a viver ! Oh gioia! » («En moirenaît une insolite vigueur quim’anime. Ah! je reviens à la vie! Oh, joie!»), avec les accents les plus vraisqui soient, irrésistibles. Si le premieracte fait trembler par moments, le ly-risme qui s’en dégage doit tout à lacaresse du phrasé, celui de Vallettifaisant alors merveille. Mexico-Londres: les deux infinis d’un talent! Toutefois, soyons francs: faute depouvoir imiter la Callas de 1952,beaucoup ont cru à la possibilité de jouer les Callas 1958, armées de leursseuls défauts vocaux en guise de gé-

nie, ce génie si rare dans les enregistre-ments qui suivirent!

R.Tebaldi, de 1952 à 1957

La petite histoire a retenu l’anec-dotique rivalité Callas-Tebaldi, cris-tallisée autour du rôle de Violetta. Àentendre aujourd’hui les témoigna-ges enregistrés de l’une et de l’autre,on mesure la vacuité d’une telle que-relle. Si Magda Olivero, en 1952,

pouvait, elle, menacer de son éclatcelle qui n’était pas encore la Divine,on est frappé par l’anachronisme dustyle de Tebaldi. Si la soirée de la RAIde cette année, avec Prandelli et Or-landini dirigés par un Giulini éton-namment superficiel chez StandingRoom Only, offre la primeur d’uneVioletta encore très juvénile, ellesouffre d’un son très moyen, quandle studio exaltera la plus belle voixitalienne de l’époque. Pour le reste,

la composition de Tebaldi demeurecontenue dans les stéréotypes del’époque, le meilleur étant dans le ly-risme sentimental de la femme bles-sée, au deuxième acte, le troisièmes’encombrant d’inutiles effets mélo-dramatiques que l’on retrouve dans

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la sélection napolitaine du mois de janvier, avec les excellents Camporaet Taddei. L’enregistrement commer-cial de 1954 et les live de 1954 et

1957 concordent, même si le studiorestitue avec plus de fidélité les har-moniquesde ce timbre unique et si,en revanche, le direct offre un meilleurentourage (avec, respectivement, Pran-delli et Tagliabue, avant Campora etWarren, ce dernier sur le déclin). Lepremier acte accuse la lourdeur de lavocalisation (le «Sempre li bera» esttransposé d’un demi-ton au studio,d’un ton à la scène), certaines stri-dences dans l’aigu, toujours droit,

souvent un peu bas… ce qui ne vautpas mieux dans l’absolu que le vi- brato lent de Callas. C’est dans l’ex-pression d’une pureté d’âme blesséeque le legato et la couleur de cettevoix essentiellement lyrique font mer-veille. Ainsi, le miracle d'«Alfredo, Al - 

fredo, di questo core» au deuxième acteou de l'«Addio, del passato» . Pour cesmoments d’exception, on pardonnebeaucoup.

En 1956, à Florence, le timbre s’estdéjà induré et le personnage, s’il de-meure touchant de spontanéité, n’apas sensiblement gagné en relief.

R.Carteri – Monteux, 1956

On n’aura garde d’oublier l’inso-lite contribution du grand PierreMonteux à cette discographie. Danscette version, on retrouve LeonardWarren, un an avant les représenta-tions new-yorkaises de Tebaldi, etValletti, subtil, face à Rosanna Car-teri, une Violetta de vingt-six prin-temps qu’une sélection nous révèle,deux ans plus tôt déjà, aux prisesavec notre héroïne dans les studiosde la RAI. On évitera le premier acteoù Monteux se perd dans les détailset Carteri dans les vocalises, pour al-ler au cœur du deuxième, mieux vécupar ce soprano lyrique auquel le chef sait communiquer une réelle gran-

deur dans«Morrò, morrò», après unémouvant «Dite all a giovine» . Uneversion d’un équilibre tout français,qui, en ces temps demalcanto, faisaitexception à la vogue de l’histrio-nisme… lequel n’est pas absent de laréalisation Columbia-EMI de lamême année.

A.Stella – Serafin, 1956

La reprise dans l’excellente collec-

tion Testament de cette version ita-lienne ne s’imposait pas. Il est diffi-cile d’accepter aujourd’hui, en dépitde la vitalité musicale de Serafin, uneAntonietta Stella médiocre à touségards et ses bruyants partenaires, DiStefano hier encore valeureux maiscaricaturé par le studio, et Gobbidans le rôle de ses débuts, aux aigustirés, sourds, à la «présence» ap-puyée, encombrante.

Virginia Zeani, 1956

Cette première version Zeani ayantété opportunément éditée en CD parBongiovanni, nous disposons d’unportrait live de cette volcanique Vio-letta, antérieur aux années 60, ce qui

n’est pas indifférent quand on saitque le rôle lui collait à la peau de-puis 1948. À Naples, dans un climat

survolté et en dépit d’un souffleurdéchaîné et de partenaires mé-diocres, la performance de la divalaisse pantois. Précisons que VirginiaZeani est de ces personnalités embar-rassantes pour le critique qui se lais-serait volontiers aller à camper surses certitudes, ses théories, son idéedes rapports entre musique et verbe.Roumaine, élève de Lydia Lipkows-kaya et donc héritière de l’écolerusse, mais également de Pertile et,

du même coup, de la tradition ita-lienne, cette cantatrice assez versatile(son répertoire embrasse le bel canto et le vérisme) s’est fait de Violetta unalter eg o puisqu’elle a chanté le rôleplus de 650 fois et sur toutes les plusgrandes scènes du monde. On par-lera à son propos de vérisme, d’ex-pressionnisme, on épuisera les-ismesmais, en définitive, on s’incli-nera devant une telle flamme. Pas derisque au moins de confondre cette

Violetta avec une quelconque Mi-caëla. Nous pourrions bien être enfait devant le soprano assoluto quenous évoquions en commençant.Dramatique d’agilité au premier acte,pathétique au deuxième, spinto dansles scènes finales. Sidérante Zeani, de

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Virgini a Zeani. D.R.

Renat a Tebaldi . D.R.

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vérité et de maîtrise néo-belcantiste.Si seulement les studios s’en étaientavisés.

On préférera ce document à ceuxde Hambourg et Londres en 1960. ÀCovent Garden, l’artiste, appelée àremplacer au pied levé Joan Suther-land souffrante, trahit une évidentefatigue, sensible dans ses fréquentsécarts d’intonation. La captation dela RAI romaine datée de 1965 de-meure une rareté, celle de studio gra-vée à Bucarest en 1968 est tardive. Ànoter néanmoins ici le timbre royaldu baryton Nicolai Herlea.

V.de Los Angeles – Serafin,1959

Nous retrouvons Serafin attentif àmettre en valeur la personnalité si at-tachante de Victoria de Los Angeles,qui n’a rien, bien évidemment, de ladonna di prima forza dont rêvait Verdi,mais qui ne manque ni de style, nid’élégance, encore moins de finesse.Comme Tebaldi, comme Carteri, elleest au meilleur d’elle-même dans le

duo avec Germont, un Mario Sereniplus convaincant que dans le live de1958 (où la personnalité de Callasl’éclipsait), d’une belle tenue vocale,tout juste gâchée par des «r» roulésde la manière la plus inélégante.Quand le drame bourgeois s’ouvreaux élans tragiques et à la grandeur dumythe, alors la chanteuse au goût par-fait ne parvient pas à sublimer son artet nous offre Dumas plus que Verdi.

Le silence sur del Monte ne doit

pas être pris pour un oubli, celui quenous observons à propos de l’enre-gistrement Rivoli, non plus!

Anna Moffo, 1960

Avant d’évoquer les aléas de laproduction milanaise de Karajan en1964 et le sauvetage de Moffo, rap-pelons qu’en 1960 la ravissanteAnna avait confié aux micros de RCAson incarnation de Violetta. Les mi-

cros ont toujours réussi à la chan-teuse dont le timbre charnel fait mer-veille au premier acte, d’autant quel’agilité n’est pas en défaut et quePrevitali couve son héroïne des yeuxet de la baguette. Ni l’ampleur ni lafibre dramatique ne sont vraiment

présentes mais l’intelligence, une cer-taine rouerie aussi, font que cetteVioletta est constamment piquante àdéfaut de faire croire aux tourmentsde son personnage. Pas follement sé-duisant, le timbre de Tucker, maisbeaucoup peuvent envier sa maîtrise.Avec une voix moins fraîche quecelle de 1946, Merrill compose unGermont plus divers.

L’année 1963 est, elle, à marquerd’une pierre blanche.

Renata Scotto, 1963 et 1965

En 1963, Renata Scotto, dans lerôle de ses débuts (à Milan en 1953,au Teatro Nuovo, à l’âge de dix-neuf ans!), est l’une des rares à pouvoirinscrire son nom en haut de l’affiche,à côté de ceux de Callas (qu’elle avaitbrillamment remplacée à Édimbourgen 1957, dans la Sonnambula ) et deMagda Olivero (à qui elle succédait,la même année, à Turin, précisémentdans la Traviata ). La jeune cantatricetient tout à fait ses promesses: non

qu’elle ait à sa disposition les res-sources vocales et le génie pathétiquede Callas (la voix est légère), maiselle ne donne pas encore le sentimentqu’elle peut y prétendre. Une Scottosans fard, avec contre-Mi bémol, enqui s’équilibrent le délié d’une virtuo-sité de haute école, le lyrisme et les ac-cents dramatiques, à peine compro-mis par une respiration un peu courteet bruyante (mais, après tout, les li-mites physiques de la chanteuse sont

en situation à l’acteIII), et par une ten-dance du hautmedium et de l’aigu à semétalliser dans les forte . À la cohé-rence du chant répond celle du per-sonnage, sans l’ombre d’une tenta-tion expressionniste, à travers une va-riété de coloris que l’originebelcantiste de la Scotto l’autorise àdéployer. Hélas, une Violetta d’ex-ception ne peut à elle seule donnerune âme à une réalisation étriquée,prosaïque, ternie par la direction

d’orchestre scolaire de Votto et la rus-ticité de Raimondi comme de Bastia-nini. Contre-performance d’un ténoraux mérites éminents par ailleurs,mais confirmation du fait qu’en Bas-tianini «la beauté du timbre» tournevite à la monotonie. La Scotto méri-

tait une revanche, qui est venue…trop tard, vingt ans après, avec Muti.Nous verrons grâce à un live de 1973que le moment opportun aurait puêtre saisi à mi-chemin. En attendant,un détour par Covent Garden, un

soir de 1965, où un certain LucianoPavarotti donne la réplique à RenataScotto, s’impose absolument. L’ad-mirable Scotto, hier encore inhibéepar le studio, se jette à corps perdudans l’aventure. Les registres en souf-frent sans doute au premier acte, lesartifices d’expression pallient la rela-tive légèreté des moyens quand vien-nent les deux suivants, mais on nepeut rester insensible à l’énergie dé-ployée par une artiste aussi intègre,

soudain brûlée par la passion duthéâtre. Si l’on veut, de plus, excuserpar avance Pavarotti pour tout le dé-braillé stylistique qu’il réserverabientôt à cet Alfredo qu’il n’a jamaisvraiment senti, c’est assurément làqu’il faut l’entendre, à défaut de

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Renat a Scott o. D.R.

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mettre la main sur le live de Modèneavec Freni, cette même année 1965.Le timbre, la ligne, le chic, la caba-lette, tout y est. Dommage que Glos-sop et Cillario ne soient pas à la hau-teur.

 J.Sutherland, 1963

On connaît le refrain: «la Suther-land n’ayant rien compris du person-nage de Violetta, et Pritchard attelantson char à cette étoile, leur Traviata est à négliger». C’est aller un peu viteet loin en besogne. D’abord parceque Pritchard, trop alangui dans sesaccompagnements «sur mesure» etdonc parfois sans mesure, nemanque par ailleurs ni de concision,ni d’ampleur, et qu’il est servi parune prise de son très flatteuse. En-suite parce que le couple Sutherland-Bergonzi est merveilleusement bienchantant, comme en témoignent,d’entrée de jeu, leur «Brindisi » et leduo «Un dì felice» . Le récitatif «Èstrano» est avare de consonnes maissuivi d’un air parfaitement lié et

d’une cabalette, sage de tempo , d’uneprécision, d’une maîtrise sans égales.Du beau chant plutôt que l’exaspéra-tion d’une volonté d’être, d’un défiau destin? Oui, mais c’est tellementbeau, Mi bémol compris. La sobriétéde Bergonzi confine peut-être à laplacidité mais là encore, quelle leçonde style. J’entends bien que le contre-Ut de la cabalette (comme déjà les Sibémols) est trop couvert et plafonne,mais le délié de l’articulation et la

couleur du timbre imposent cet Al-fredo comme l’un des meilleurs de ladiscographie. Édition intégrale, lapremière, celle-ci offre donc les deuxcabalettes, ce qui lui donne un attraitsupplémentaire; dans celle de Ger-mont, Robert Merrill, égal à lui-même, ne montre évidemment pasle même chic que Bergonzi.

Bien d’autres moments d’excep-tion encore: le «così al la misera» deSutherland, idéalement soutenu, le

cantabile de«Dite all a giovine» (oui,bien sûr, Callas…). L’atonie phoné-tique et psychologique du person-nage se fait plus gênante à partir de«Morrò, morrò» , sans agressive fierté,«Ah perchévenni » manque de frémis-sement. Même remarque pour

«Amami Al fredo» : les La et Si bémolincomparables font presque oublierla question. Toutes les scènes de lafin mettent en lumière le talond’Achille de cette stupéfiante prima donna : Bellini y reparaît à chaqueinstant au détriment de la nouvelleparole dramatique verdienne.

Leyla Gencer, 1964

C’est à Donizetti que nous ramèneLeyla Gencer dans le live de Rio de Ja-neiro dont Bongiovanni a sauvé cequi pouvait l’être, compte tenu del’état du document original. Encorefaut-il vraiment aimer «la fiancée dupirate» pour tendre l’oreille à sesélans pathétiques, noyés dans unebrume parfois salutaire à ses dé-faillances au premier acte: le reste,rajeuni dans les studios et terrible-ment réverbéré, laisse entendre unevocaliste brillante, précise, hâtant lepas devant un ténor qui préfère s’at-tarder, soucieuse d’effet plus que devérité. Cette Violetta d’école tient sonrang vocal, dispense de splendides

aigus (sans Mi bémol pourtant) maisregarde un peu trop vers Donizetti.Au fi l des scènes, toutefois, l’actricese prend au jeu et la générosité so-nore se teint d’une réelle émotion.«Al fredo, di questo cuore» clôt ainsi ledeuxième acte dans l’ineffable d’unchant à la corde porté par un soufflepalpitant. Si l’on excepte le ton artifi-ciel de «Gran Di o» , le dernier actetranscende idéalement un chant detoute beauté, d’une superbe expan-

sion et dont la pureté sert au mieuxles scènes finales. On aura noté, toutau long de cette représentation oùCappuccilli ignore la nuancepiano ,la virile aisance de Flaviano Labò,verdien d’exception injustement ou-blié aujourd’hui et dont la plénituderéchauffe le cœur. Les attraits pure-ment vocaux de cette intégrale méri-tent qu’on la fréquente. Ceux deLeyla Gencer lui confèrent une valeurhistorique.

M.Freni – A.Moffo,1964 à 1967

Si la Violetta de Sutherland regar-dait avec insistance du côté deBel-lini, la mésaventure de la jeune Mi-

rella Freni démontre qu’une Mimì nesaurait s’y mesurer sans risques. La ré-pétition de Karajan du 15 décembre1964 (comme la représentation du 22avec Moffo) confirme qu’entre le chef autrichien et la Traviata le courant n’a jamais vraiment daigné passer (la re-marque vaut d’ailleurs pour tous leschefs de culture allemande et nousnous en souviendrons au momentd’évoquer le cas de Carlos Kleiber).Le fiasco scaligère de Karajan est restédans les annales en raison du fauxpas qu’il devait constituer pour unechanteuse entre toutes promise à unegloire méritée. Soucieux à la foisd’envelopper sa protégée d’uneétoffe orchestrale quasi puccinienne,propre à donner le change sur la frêlecarrure d’une artiste encore hésitante,et d’occuper du même coup le de-vant de la scène, notre Pygmalionnoie le propos dans une constanteredondance. Galvanisant son or-chestre, Toscanini parvenait à impo-ser une égale tension à ses chanteurs,fût-ce au prix de toutes les édulcora-tions vocales. Karajan, lui, épaissit la

couleur du sien au risque d’étoufferle pauvre soprano l irico de son hé-roïne. On sait de quel prix il payacette erreur d’appréciation et com-ment la pauvre Anna Moffo, appeléeà la rescousse mais déjà bien puniede ses imprudences en tous genres –témoin le l ive viennois de la mêmeannée –, fit ce qu’elle put pour sau-ver la mise. Un double documentsomme toute instructif. Bien avant sagravure studio de 1973 en compa-

gnie du terne Gardelli, nous retrou-verons Freni, deux mois après l’infor-tune milanaise, à Modène, sa villenatale, sous la conduite experte dePatané. Lequel ne peut davantagetransfigurer notre Micaëla en Violettade haut vol. Ce soir-là, l’intérêt se fo-calise sur Pavarotti, dans l’éclat de saprime jeunesse vocale. Ce n’est pasRenato Cioni qui peut valoriser lelive de 1967, capté à Covent Garden,lui dont la réplique qu’il donne à la

toujours jeune Mirella ne fait quesouligner la médiocrité de cette soi-rée londonienne. Pas davantage letonitruant Cappuccilli. Ce pourraitêtre Giulini s’il sortait de sa léthargieet nous épargnait les lourdeurs d’unedirection moins concentrée que di-

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luée. Lourdeur de l’orchestre à la-

quelle répond la voix dilatée deFreni, épaisse de trait, courte d’aigu,atone dans le médium. Quant àMoffo, ses prestations de 1963et 1964 dissipent les illusions du stu-dio et nous permettent, hélas, de vé-rifier que la jeune diva a déjà brûléses vaisseaux et son timbre pulpeuxde soprano lyrique prématurémentexposé aux périls de rôles hors de savocalité. Notons qu’à Vienne, ce soir-là Flora Bervoix emprunte les atours

d’une certaine Gundula Janowitz.

T.Stratas – F.Wunderlich,1965

On ne s’attardera pas sur le docu-ment live de 1965 en raison du peude poids vocal de Teresa Stratas dontla ligne de chant se brise en insup-portables hoquets. La technique sansâme est peut-être frustrante mais lemanque de technique ne suffit pas à

vous donner cette âme. Cette Violettaest à ranger parmi les sopranos ly-riques égarés dans un rôle terrifiant!La comédienne disposant, en re-vanche, de trésors de sensibilité etd’expression, mieux vaut se reporterà la vidéo de la mise en scène de Zef-

firelli (1982) dans laquelle la femmeparvient à faire oublier la chanteuse.Fritz Wunderlich est meilleur enlangue italienne que dans la pi-toyable sélection DGG en allemand(1961). Rien à dire d’Hermann Prey.

M.Caballé, de 1965 à 1973

La prestation de Montserrat Ca-ballé à Dallas en 1965, deux ansavant celle confiée aux micros de laRCA, captivera ses admirateurs in-conditionnels sans rien révéler quel’on ne sache déjà de cette cantatricedouée entre toutes mais dont l’adé-quation au personnage de Violettaest sujette à débat. Ni le pétulant Bo-nisolli ni le terne Zanasi ne consti-tuent des must . Rien de décisif nonplus, quant à notre réflexion critique,dans la brumeuse soirée londo-nienne de 1972, dirigée sur mesurepar Cillario. Mieux vaut se reporterau live de 1973 à Philadelphie, Carre-ras offrant à sa compatriote une ré-plique mieux accordée à sa palettesonore que celle de Gedda. La scène

ne modifiera pas sensiblement l’en- jeu du débat. La chanteuse catalane yaccusera simplement davantage sapropension à ruser avec l’obstacle aupremier acte.

Il faut prendre son temps, en re-vanche, avec l’édition RCA de 1967,confiée à la baguette de GeorgesPrêtre. Ce dernier a beau multiplierles incohérences, les foucades, il neparvient pas à nous détourner desbeautés dispensées par Montserrat

Caballé. Quel orchestre bruyantpourtant et désordonné! Dommage,car les deux préludes ou encore lesoutien des voix sont d’un vrai chef de théâtre. Depuis Sutherland I, onn’avait rencontré pareil bonheur vo-cal, d’une nature toutefois totale-ment différente de celui prodigué parla cantatrice australienne, plus agiletechnicienne et maîtresse de la tessi-ture suraiguë, alors que Caballé, li-mitée sur ces deux terrains, ne le cède

à personne sur celui du cantabile etdes piani impalpables. Toutes deuxéchouant au demeurant à faire vivreles mots et les noyant dans le flux vo-cal. D’entrée de jeu, ces limites se tra-duisent par un défaut de netteté del’articulation et de prudents ralentis-

sements du tempo , tandis que le duo«Un dì felice» est idéalement phrasé,Bergonzi offrant encore la parfaite ré-plique d’un Alfredo à peine plus en-clin à traîner les sons qu’en 1963 etprivé d’Ut. À s’extasier sur les ports devoix et les fameux La bémol piano del’aria du I, on oublierait presque de

relever les facilités prises avec lesdoubles croches finales, astucieuse-ment transformées en lents triolets,sans inutile envol vers l’aigu. On ou-blierait aussi de noter la lenteur de lacabalette, défendable en soi mais ré-vélatrice de prudences suspectes.

Pour ses débuts au disque, SherrillMilnes compose un Germont excel-lent dans ses intentions, un rien sco-laire, allégeant une voix plus lyriqueque dramatique, dans le souvenir vi-

siblement obsédant pour lui de Leo-nard Warren («Piangi, piangi » ). Ca-ballé, gommant les consonnes de«Non sapete quale affetto» donne à sasoumission une juste intériorité,avant de poser sur un souffle parfaitle legato de«Dite alla giovine» . Par la

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Mont serrat Cabal lé. D.R.

 àgauche: Anna Moffo. Archivio fotografi coTeatro alla Scala, M ilan.

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finesse de ses colorations, cette Vio-letta émeut davantage que l’étince-lante Sutherland, malgré l’atonie de«Morrò» ou, pis encore, d'«Amami Al- fredo» . Les grands moments sont àchercher à la fin de l’acteII («Alfredo,Al fredo di questo core» ) ou dans lesscènes ultimes, la pureté de la lignesublimant l’émotion que trahit unparlando cette fois éloquent. Pourn’avoir jamais sacrifié le beau son auson vrai, la Caballé risque de laisserlescallassiens inconditionnels insen-sibles. Ce serait dommage: l’art pourl’art n’est pas sans vertus, et dans soncamaïeu d’éclairages successifs ceportrait de Traviata exerce une indé-niable fascination sur l’auditeur.

P.Lorengar – L.Maazel, 1968

Bien fade, en comparaison,l’équipe Maazel-Lorengar. Commeavec Prêtre, mais dans un autre re-gistre, on est frappé par l’incohérencede la conception d’ensemble. Enanalyste, Maazel obtient comme tou- jours transparence des plans sonores

et relief des timbres; son «orchestra-tion» est brillante. Le même souci debril lant lui fait adopter des mouve-ments excessifs (presto du lever de ri-deau, par exemple) ou des gros plansinstrumentaux encombrants (cors ettimbales venant au secours de Loren-gar dans«Amami Al fredo» ), avant detomber dans l’excès de froideurqu’on lui connaît. Tout cela relèveplus du one man show que d’uneconception dramatique et musicale

cohérente. Ajoutons la surchargebien inutile que représentent les am-biances sonores, les cris et chuchote-ments des invités (au premier ta-bleau) ou, pis encore, la toux denotre héroïne, dès ce premiertableau! Face à un Aragall peu duc-tile (quel timbre pourtant, quel gâ-chis…), Pilar Lorengar «bouge» dan-gereusement et alterne, comme Maa-zel, lourdeur de l’expression etagitation superficielle. Les récitatifs

manquent d’ampleur, de classe, lacabalette n’évite pas les duretés del’aigu. Autre cabalette, celle d’Alfredoexige une légèreté dont Aragall ne semontre pas capable (pas de reprise,d’ailleurs).

Le temps fort de l’enregistrement

pourrait être l’arrivée du Germont deFischer-Dieskau. Arrivée quelque peu

redondante mais suivie d’une trèsélégante leçon de chant. Sons pous-sés, tendance au détimbrage certes,mais écoutons l’amorce de«Pura sic- come un angelo» ou celle de «Di Pro- venza» : l’affectation du personnage,certains Fa blancs, sont peu dechoses en regard de la noblesse desnuances, de la palette des colora-tions, du phrasé. Sans doute le plussubtil des Germont avant Manu-guerra. Lui au moins sait lire les un fil 

di voce qu’ignore superbement sa par-tenaire (un «Dite all a giovine» privéde dynamique), qui souffre parailleurs d’un manque demedium bienfâcheux. Insuffisance des moyens, del’école et du sentiment font que cetteVioletta est vite oubliée.

 Joan Sutherland, 1970

Le retour à un belcantisme de hautvol, même s’il n’épuise pas le sujet,

permet alors de mieux cerner les en- jeux de notre opéra. Ce live de 1970,par exemple, vient opportunémentcompléter la première version studiode Dame Joan et témoigner de sonapogée vocal. Pour les six représenta-tions de la Traviata qu’elle donne au

Met à l’automne1970, la Stupendase voit offrir unebrochette de ténorsde primo cartello :Aragall, Bergonzi,Kraus, Domingo etPavarotti auquel lafirme Bella Voce ré-serve ici ses faveurs,en diffusant la soi-rée du 22 octobre. Toussotements en-démiques, cris dusouffleur, orchestreorphéonesque fontécran à une presta-tion alternant lan-gueurs ampouléeset instants de grâce,cadences sca-breuses et trilles os-tentatoires, le toutmarqué d’audacesinhabituelles. Maiscomme souvent,

c’est le bonus qui fait le prix de cettepublication. Bien que les tousseurs

redoublent d’ardeur ce 2 décembreet que le timbre de Kraus flottequelque peu, Sutherland ici se sur-passe. La cabalette du premier actetranscende les limites de sa virtuositédi forza avec un étonnant trille addi-tionnel sur le contre-Ré bémol, despiqués diaboliques à la reprise et unMi bémol plus radieux que jamais.

B.Sills – A.Kraus, 1970B.Sills – N.Gedda, 1971

Un live artisanal capté au San Carlode Naples en 1971 laisse entendreune autre coloratura de haut vol en lapersonne de Beverly Sills. Un publicsurvolté réserve un triomphe auxéchelles mirobolantes de cette vir-tuose stratosphérique. Ni le timbre,ingrat, ni la conception du person-nage, plus souffreteux que pathé-tique, ne nous ont jamais enivré. Da-vantage la ductilité d’un Kraus, asso-

cié au triomphe de sa partenaire.Nous gardons une égale distance de-vant le trio Sills-Gedda-Paneraiconfiné au studio, en 1971 avec lemême chef, lequel ne trouve toujourspas son rythme et lui préfère lapompe ou le flou artistique (Maazel

Discographie

122 L’Avant-Scène Opéra

Joan Sutherl and. H. Rogers.

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au moins était précis). Ajoutons queEMI concurrence ici Decca dans lebruitage du plateau. Sills ne craintcertes pas les périls techniques durôle, surtout au studio. Son abattagetout donizettien trouve cependant salimite dans une certaine neutralité dutimbre et dans le lymphatisme del’expression. Une excellente techni-cienne anonyme, sans l’ébouriffanteperfection de Sutherland ou la cou-leur miraculeuse de Caballé. Si l’onse réfère à Tebaldi, on mesure quandmême l’importance de la leçon deCallas dans le retour à un chantd’école, délivré des pesanteurs duseul beau son. À ce titre, la cabalette«Sempre libera» et son Mi bémol, l’airqui précède (et son splendide Ut)n’ont rien à voir avec le style «annéescinquante». C’est trop peu pour faireune Violetta crédible. On a beau déli-rer sur Gedda, force est de constaterqu’aussitôt abandonnée la voix mixte(excellent début d'«Un dì felice» , bondiminuendo sur le Sol final de l’airdu II), l’émission en force est engor-gée, serrée, et pas seulement sur les La

bémol des coulisses ou de la caba-lette. La frigidité du timbre prived’ailleurs cet Alfredo de son rayonne-ment, si elle favorise l’expression deson trouble. Rolando Panerai peutêtre souverain (Così fan tut te ) ou en-nuyeux. Ici, il est ennuyeux.«È grave il sacrifizio» : plat comme une sole.«Di Provenza» plus subtil. Au total, unebien incertaineTraviata .

I. Cotrubas – N.Gedda –

C. MacNeil, 1971Dans l’enregistrement live de la

même année, on retrouve Gedda, tou- jours insatisfaisant, au côté de la jeune Ileana Cotrubas. Cette der-nière, dont nous reparlerons à l’occa-sion des deux versions Kleiber de1977, offre alors tout l’éclat d’unevoix lyrique et fruitée, timide devantla coloratura , modeste dans ses élansdramatiques, mais musicale et sen-

sible, palliant mieux que d’autres sonmanque d’école par une présenceimmédiate. Cornell MacNeil, dix ansavant son mauvais Germont filmépar Zeffirelli, est à l’époque un chan-teur de bonne technique, sans per-sonnalité bien marquée. À noter en

Flora le nom alors mal connu d’unecertaine Gruberova. Le grand Josef Krips, à la veille de ses soixante-dixans, n’obtient pas de l’Orchestre deVienne un profil vraiment idioma-tique. Si ces disques sont le refletd’une soirée moyenne de l’Opéra deVienne, ceux de la version Acanta de1973 offrent la traduction discopho-nique du film que les téléspectateursont pu voir voici quelques annéessur le petit écran. Mirella Freni en estla vedette.

Mirella Freni, 1973

On a vu que pour avoir impru-demment abordé le rôle de Violetta àl’orée de sa fulgurante carrière, laFreni avait essuyé les huées du publicscaligère. Au zénith de sa gloire, com-ment nous apparaît-elle dans cetteintégrale parfois présentée commel’une des plus avenantes? LambertoGardelli n’est pas Karajan, c’est évi-dent. S’il fait moins de moulinets etde bruit que certains de ses prédéces-seurs, c’est plus par hypotonie que

par réel souci stylistique. À la têted’un orchestre aux sonorités parfoisdouteuses (les bois en particulier), ilse tient dans un juste milieu, s’alan-guit volontiers (le«Non sapete» mar-qué 108 à la noire est ici lentissimo ) etse révèle incapable, comme à l’accou-tumée, d’imposer une quelconqueunité stylistique à ses chanteurs.

Après un «Brindisi » assez bienvenu, Freni phrase très joliment sonair, d’une manière plutôt cursive et

sans portamenti expressifs, avec desubtilspiani , dans la veine d’un excel-lent soprano lyrique. Dès le «Fol lie,follie» la prudence impose un ralen-tissement devant l’obstacle, commedans le«Sempre l ibera» chanté dans leton, sans Mi bémol surajouté. Dansla coulisse, Bonisolli (qui a surprispar sa manière d’appoggiaturer avantle temps dans le«Brindisi » ) exhibe samâle bravoure de Turiddu! Son«De’miei bollent i » lancé à pleins pou-

mons, avec des Fa ouverts sur les «o»,et un«Quasi in ciel»fortissimo (indi-cation de Verdi : dolcissimo ) ne lais-sent aucun doute: cet Alfredo se veutviril et il l’est; Manrico n’est pas loindans la cabalette aux La engorgés,aux doubles croches laborieuses, à

l’Ut conquérant, et sans reprise.Quelle noblesse en revanche chezBruscantini, bien usé pourtant, maisqui dans «Pura siccome un angelo» maîtrise encore cette émission hauteet claire dont beaucoup ont perdu jusqu’au souvenir.«Di Provenza» bé-néficie des mêmes intentions, impar-faitement suivies par un organe fati-gué, que l’on ne pourra juger dans lacabalette puisqu’elle est coupée! Lephrasé de Freni, la pulpe de sontimbre sont parfaitement en situa-tion dans le duo conclu par un«Morrò» plus lyrique que pathétique.Dans sa relative fragilité, l’héroïneparvient à émouvoir, au-delà de labeauté du son, par la justesse des ac-cents:«Alfredo tu m’ami » ou«Amami Alfredo» sont de vrais moments d’ex-ception. La scène de la «Borsa» (si-gnalons au passage le niveau scanda-leusement médiocre des secondsrôles, allemands) offre un Bonisolliplus cavalier que nature, roulant terri-blement les «r» et les épaules, s’auto-risant (avec la complicité du chef) desrubati aberrants («accettar’potea» avec

des La énormes mais en gorge).Quelle belle voix pourtant, virtuelle-ment! La suite ne manque pas de sé-duction mais de grandeur, malgré un«Gran Dio» (précédé d’un Sol magni-fique) lancé avec une belle véhé-mence. Un «soprano lyrique» nepeut espérer faire mieux. Violetta est-elle un «soprano lyrique»? That i s the questi on.

Renata Scotto, 1973

Renata Scotto, dix ans après sa pre-mière intégrale en studio, répond àsa manière, dans l’urgence d’une soi-rée captée à Tokyo. Affaire d’écoleplus que de moyens intrinsèques, detechnique plus que de volume so-nore. Étant bien entendu que par«soprano lyrique» nous désignonsun style de chant post-verdien, beau-coup plus que l’ampleur d’un or-gane. Le volume n’est pas ici seul en

cause mais bien la richesse des colo-ris, l’aptitude à l’agilité, au sfumato ,au legato , la science des ports de voix. Toutes qualités dont la Scotto re-cueille à présent les fruits. Le timbres’étant affermi, la vocalise à pleinevoix libérée, la parole dramatique ac-

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quiert son juste poids d’éloquence etd’émotion. Un orchestre plus ins-piré, un ténor plus concerné queCarreras, une prise de son peaufinée,et nous tenions une version majeuredu chef-d’œuvre verdien.

Raina Kabaivanska, 1974

Le parallèle souvent esquissé entreMagda Olivero et Raina Kabaivanska,sous l’égide du «vérisme noble»,trouve en Violetta sa limite. La chan-teuse italo-bulgare n’a jamais réussi àfaire sien un personnage qui se dé-robe, surtout au premier acte, à sa vo-calité. À Bologne, elle n’évite pas lesécueils que lui tendent les traits et or-nements de«Sempre libera» , entachéde scories véristes, après un récitatif maniéré aux mélismes laborieux,dans un climat expressif plus proched’Adrienne Lecouvreur que de Verdi.Mal entourée, l’artiste parvient en re-vanche, malgré ses inégalités detimbre et les intentions dont elle sur-charge la ligne, à conférer aux épan-chements des deux actes suivants

une densité émotionnelle et unesubtilité musicale rare. L’excès de so-phistication ou la tentation du par- lando sont rachetés par une belle ex-pansion et un pathos à la EleonoraDuse, par lesquels on devine quel’actrice parvient à les transcender àla scène plus sûrement qu’au disque.Kabaivanska irrite parfois mais nelaisse jamais indifférent.

Maria Chiara, 1976

L’enregistrement l ive de 1976,peut-être infidèle aux atouts réelsd’une Violetta souvent fêtée à lascène, apporte un contre-exemple si-gnificatif. Lyrique, versant vérisme,Maria Chiara est ce soir-là une chan-teuse estimable dans son dialogueavec le Germont sans noblesse deCappuccill, mais le premier acte latrouve démunie d’abattage et le troi-sième de grandeur, Gianni Raimondi

n’apparaissant ici que comme un té-nor finissant.

Mariana Nicolesco, 1976

Les Violetta roumaines sont rare-ment à court de tempérament mais

de technique, parfois. Pour avoir sur-exposé son extraversion naturelleMariana Nicolesco a très vite trahi lafaiblesse de son organisation vocaleà mesure que ses moyens se fragili-saient. À Florence, sous la baguettetour à tour trépidante et complai-sante de Schippers, elle cumule mau-vais goût et approximations, pathos etpéchés contre la lettre. Kraus lui-même paraît sous influence et en ra- joute à son tour dans un expression-nisme étranger à sa nature.

S.Sass – A.Kraus – R. Bruson,1977

Il arrive que public et critique,dans un moment d’hypnose, entre-tiennent autour d’une artiste l’illu-sion d’un sentiment de réussite, dansune partie pourtant trop ambitieusepour elle. C’est ce qui est arrivé à Syl-via Sass, à propos de laquelle on n’apas hésité à parler, dans l’euphorieaixoise, de Maria Callas! Une cer-taine étrangeté du timbre, de l’émis-sion, a pu seule favoriser ce quipro-

quo dont la cantatrice allait mettre silongtemps à s’affranchir. Lorsqu’il nereste plus, comme en ce documentlondonien de 1977, que le seul cli-ché sonore, sans le secours duthéâtre, la vérité s’impose d’elle-même: Sass suggère une Violetta,elle n’est pas une Violetta. Callas estbien présente dans certaines inten-tions mais comme un modèle aux at-traits dangereux, attraits auxquels ilest ruineux de céder lorsque l’on pos-

sède les petits moyens que le disquetrahit: à bout de souffle, le phrasé estcourt, très court, les piani constituantautant d’expédients, alors que la vo-calisation, truquée elle aussi, laisseentendre l’effort. Ce qui handicapeau premier acte est rédhibitoire autroisième, en dépit d’un dangereuxgrossissement du medium . Pourcomble de malheur, le preneur deson anonyme est victime alors d’unequinte de toux irrépressible et enva-

hissante auprès de laquelle celle del’infortunée Violetta n’est que légèreirritation. On se consolera en écou-tant Kraus, à présent le plus vrai desAlfredo, dont l’Ut de coulisse au pre-mier acte rend indulgent à la cou-pure de la cabalette, pour laquelle il

convient de se reporter au récitalparu en Espagne sous la marque Ca-rillon, ou aux enregistrements privésdes fabuleuses représentations deFlorence en 1976. Certaines intona-tions douteuses (le début de«Parigi ,o cara» ) laissent à penser que Krausn’est pas ce soir-là dans une formeaussi étonnante. Bruson, lui, est infi-niment plus nuancé, subtil, que cinqans plus tard chez EMI, et son huma-nité transparaît d’autant plus aisé-ment qu’il ne recherche pas ces effetsde sombrage auquel il cédera de plusen plus fréquemment par la suite(comparer l’émouvant «È grave i l sa- 

crifizio» avec l’intonation redondante

de la version Muti). Bruson est ici ungrand Germont, privé de sa cabalette.

I.Cotrubas – C.Kleiber,1977 et 1978

La version de Carlos Kleiber fitbeaucoup de bruit à sa parution. Elleest effectivement très bruyante, DGrestant fidèle à la doctrine de Karajanen matière de dynamique sonore ex-

cessivement contrastée, et Kleiberajoutant sa propre dynamique à cellede la prise de son. Sa conception estbrutale, abrupte, au risque de dessé-cher totalement le propos du pre-mier acte, d’exacerber la rapidité desstrettes ou la lenteur des préludes, engalvanisant un orchestre néanmoinstransparent. Si l’enregistrement tiresa cohérence de la direction impé-rieuse de Kleiber, particulièrementen situation à l’acte de la fête chez

Flora, il dut son succès au charmediscret d’Ileana Cotrubas; sans douteparce que la délicatesse de cettechanteuse vulnérable se voyait souli-gnée par la force péremptoire de l’or-chestre. La puissance et la fragilité, enquelque sorte. La jeunesse aussi d’unsoprano foncièrement lyrique et quis’étourdit au premier acte sans parve-nir toujours à reprendre sa respira-tion (la phtisie n’y est encore pourrien…). On peut être touché par la

simplicité vocale du personnagecomme on peut la juger trop pro-saïque, plus proche de Micaëla ou deMimì que de la demi-mondaine ro-mantique. Ileana Cotrubas ne jouepas les divas mais ne l’est pas assezpour atteindre au grand style. «Ah 

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fors’èlui » est chanté recto tono , le«Follie» est sans ressort, la cabalettefait valoir un aigu facile mais la voca-lise s’attarde (le Mi bémol lui, nes’attarde pas!). Le péché majeur, sen-sible dans le duo avec Germont, c’estqu’au manque de variété de la pa-lette vocale répond immanquable-ment un excès d’effets extérieurs quiressortissent à une esthétique expres-sionniste laquelle, coupée de la furia des monstres sacrés, tombe dans lenaturalisme, avec son cortège de sou-pirs et d’accents pathétiques. Restentles moments de juste lyrisme («Al- fredo, Alfredo» ) à côté d’un «Addio,

del passato» en accéléré, avant une

mort à la Cilea.Domingo est très bien portant,

très en voix, trop, ne trouvant de ré-pit que dans le détimbrage, phrasantamoureusement mais jamais dolcis- simo et confondant lui aussi«Oh mio rimorso» et«Di quella pira» , avec desLa et des Si bémol trop appuyés, uncontre-Ut solide mais pas de reprise.«Pari gi, o cara » est bien sûr à millelieues du chant a fior di labbra . Ces

piques ne diminuent en rien les mé-rites d’un chanteur par ailleurs parfaitmusicien et chaleureux protagoniste.Milnes est plus engagé qu’avec Ca-ballé, ses titres et ses limites sont in-changés. Pour le charme de Cotru-bas… à sa bonne époque et la direc-tion, discutable, mais non sansgrandeur, de Kleiber.

Grand chef de théâtre, il gagnetoutefois à être saisi sur le vif. Le live de 1978 est de ce point de vue très

excitant, d’autant que le son en estflatteur et que Cotrubas y paraît pluslibre, plus expansive et déliée. Klei-ber n’a rien perdu de son urgence unrien comminatoire, mais la tensionqu’il maintient de bout en bout estéquilibrée de manière plus satisfai-sante par la vivacité de son héroïne.L’acte I, auquel Aragall apporte sa ju-vénilité au premier degré, offre ainsil’excellent profil lirico-leggero d’uneartiste au meilleur d’elle-même et

dont les reprises de souffle sontmoins perceptibles qu’au studio. Ceque Freni ne peut nous donner fautede technique de la coloratura et del’émission belcantiste, ce qu’uneStratas, artiste bouleversante, ne peuttraduire faute de technique tout

court, Cotrubas le réussit magnifi-quement ici. La confrontation avecBruson laisse plus partagé, le barytonse contentant de faire du son et leseffusions de sa victime tournantcourt sous la férule de Kleiber. La fêtechez Flora épouse au théâtre unerythmique encore plus implacable.

Observons néanmoins que, prisetrop vite et interrompue à trois re-prises par les ralentis concédés auxexhalaisons de Violetta, elle dérogesuperbement à la lettre verdiennedont Toscanini et Leibowitz sem-blent être les seuls garants! Un acteIII d’une ineffable pureté vient enfinclore une soirée d’exception.

Katia Ricciarelli, 1976 et 1979

Qui a conservé des Traviata pari-siennes de Katia Ricciarelli en 1983un douloureux souvenir peut, pourse rassurer, écouter le l ive de 1976,plutôt que celui, devenu rare, de1979. Le premier acte, pierre detouche de toute interprétation deVioletta, ne va pas sans perceptiblestensions ni aigus scabreux. Le foyerdramatique qu’exigent les grandsélans fait défaut ensuite mais l’artisteest sensible et présente. Un bouillant

Carreras, dans la lignée de Di Ste-fano, un Zancanaro peu concerné si-non par le bronze de son timbre,sous la conduite bienveillante deBartolett: cette soirée à Trieste n’estpas dépourvue d’attraits.

La brillante lauréate du Concours

des Voix nouvelles de la RAI, si sé-duisante dans les opéras verdiens de jeunesse, a-t-elle néanmoins jamaisété une Violetta? Le document de1979 répond définitivement par lanégative. Mollesse désolante de ladiction, divorce constant avec le dia-pason, lourdeur de la vocalise, inéga-

lité du phrasé: la Ricciarelli n’a ja-mais pu franchir sans chuter les li-mites du premier romantismeitalien, même si elle passe son tempsà se persuader du contraire.

 J.Sutherland – L.Pavarotti,1981

De bons esprits suggéreront qu’enperdant de sa vocalità , la Sutherlandde 1981, avec une diction plus sur-

veillée, cerne mieux que naguère sonpersonnage. Les imperceptibles vel-léités en cette direction ne compen-sent pourtant pas l’usure du timbreet du souffle. Pavarotti étant inau-dible, mauvais style et mauvaischant, l’uniquemust de cette version1981 est le Germont de Matteo Ma-nuguerra, idéal dans cet emploi, leseul de nos barytons à respecter la to-talité des nuances de dynamique, àvarier les colorations en consé-

quence. La cabalette «No, non udrai rimproveri » est un modèle. Pour leseul Manuguerra, on doit recom-mander cette version. Si l’on aimeSutherland, s’en tenir à Pritchard,Bonynge partageant ses défautscomme, il est vrai, ses qualités.

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I leana Cotrubas. A. Ki rchbach. Kati a Ricciarell i. M. Szabo.

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R.Scotto – A.Kraus – Muti,1982

En 1963, on parlait de «la versionScotto», en 1982, il est question de«la version Muti », la diva s’effaçantdevant le chef. Primat toscaninien dela musique sur le chant? Oui, mais Toscanini n’est plus là et si la divas’efface, c’est aussi comme unefresque décolorée par les autans… Àl’actif du chef, une volonté de conci-sion, s’accompagnant d’un soucid’ordonner les plans successifs dudiscours musical selon une suite deruptures, grâce à des tempi contrastés,le tout dans un respect affirmé de lalettre (respect passant par la suppres-sion des notes aiguës superféta-toires…). Ce parti-pris, que le tempé-rament méditerranéen de Muti per-met de situer aux antipodes de larigidité de Kleiber, n’a rien de con-damnable en soi, bien au contraire.Encore faudrait-il que les fruits tien-nent la promesse des fleurs. Or,qu’entendons-nous? Un orchestreun peu distant (la prise de son n’est

pas idéale), derrière un trio de chan-teurs fort décevant, mené à la ba-guette. Pour Renata Scotto, c’est troptard. Le medium ne répond plus,l’aigu bouge terriblement, le chant àla corde est hors de portée. Si la tech-nique, toujours souveraine, confèreune belle autorité à la ligne d'«Ah,fors’èlui » (aux Ut très tendus), le«Sempre libera» inquiète davantage.Pour transcender ces faiblesses, ilfaut le génie de Callas (et ce n’est pas

faire injure à Scotto que de direqu’elle ne le possède pas) ou un chef attentif à les gommer. Las, Muti nepense qu’à renchérir sur Toscanini. Etvoici notre pauvre héroïne obligée decaser là où elle peut son «A mor ir mi sento pronta» dans un tempo inconsi-déré. Alfredo apparaîtra peu aprèscomme un soldat de plomb frigide,victime lui aussi de la rigueur, sec etmécanique («Parti rò ma giura innante che dovunque» ). Comme pour com-

penser, il multiplie par ail leurs les ac-cents intempestifs («Qui presso a lui » )ou les afféteries d’un romantisme chi-chiteux (la cabalette). N’est-il pas unpeu tard pour lui aussi dont letimbre montre désormais de curieuxflottements?

Déçu par le chant, on se voit doncprivé de tout élan romantique: àl’abri d’un réalisme bébête (Mila di-rait vériste), la lettre du dernier acteest lue, rien que lue, avant un «Addio,del passato» qui, faute de soutien dusouffle, n’apparaît pas suffisammentlié. La voix est décidément plus bles-sée que le cœur. Le confirme un«Pa- rigi, o cara» déhanché par les accentsde Kraus tandis que la Scotto bénéfi-cie d’un secourable et soudain effetde réverbération. Mais encore et sur-tout le soi-disant lecteur scrupuleuxde la partition rejoint cette fois Tos-canini (lequel, nous l’avons dit, nebénéficiait pas d’une dynamiqued’enregistrement suffisante) dansson complet mépris pour les indica-tions de nuances inscrites sous laligne du chant. Que lit-on sur cettepartition, au début de«Pura siccome un angelo» ?:dolcissimo cantabile et leg- gero , ce que l’évidence du texte exige.Ne peut-on obtenir du somptueuxBruson ce que Bonynge obtenait deManuguerra, ce sfumato sans lequel iln’est pas de baryton verdien digne de

ce nom? Bruson ne fait ici que duson, du très beau son, rien d’autre.Écoutez-le se faire plaisir dans«Sento nell ’anima», noté pianissimo . Écoutezencore la fin de «Di Provenza», oùl’on espère en vain le diminuendo .Non, décidément, il n’y a pas assezde génie ici pour ce que l’on doitsupporter comme carences oucomme trahisons… au nom d’uneprétendue fidélité.

Cecilia Gasdia, 1984Un live de médiocre qualité sonore

capté au Mai Florentin oblige à tendrel’oreille pour tenter de cerner la Vio-letta de Cecilia Gasdia, noyée dansl’orchestre péremptoire de Carlos Klei-ber. De toute manière, le rôle n’a ja-mais été dans les cordes de cette artistede tempérament, mieux armée pourRossini que pour les grands Verdi.L’occasion était belle de recroiser ici

Kleiber sur le vif, on ne jurera pasqu’elle soit vraiment convaincante.

 Julia Varady, 1984

Le label Orfeo aura beaucoup faitpour offrir à la si attachante Julia Va-

rady le legs discographique que lesmajors n’ont pas cru devoir lui consti-tuer. La récente publication de ses ré-citals viennois nous a ainsi permis degoûter l’inimitable palpitation decette voix de velours et de braise, no-tamment dans ses arie verdiennes.Las, cetteTraviata berlinoise jette uneombre sur le tableau. Seule la so-prane justifie pourtant l’auditiond’un ensemble lourdement mené parLópez-Cobos et plombé par un ténorde second plan et un détestableNucci. Le premier acte révèle un né-gligé de la ligne et de l’intonation quene rachètent pas les accents exogèneset vilains de l’interprète.

Aria sans re-

prise, cadence bâclée, cabalette sa-vonnée, aigus scabreux: le public al-lemand semble adorer mais nous nepartageons nullement son enthou-siasme. La suite confirmera la ten-dance à charbonner le trait et à jouerde graves opulents pour forcer sur lerimmel de la Dévoyée . Alors oui, la ri-chesse des harmoniques, l’urgencedes élans, la puissance de «Morrò » oud’«Amami Alfredo! » mais dans une

optique abusivement prévériste.Seuls les inconditionnels de Varadylui pardonneront ses écarts deconduite… vocale.

Lucia Aliberti, 1988

On trouvera assez peu d’attraits aul ive  japonais de 1988, en dépit ducharme féminin de Lucia Aliberti.Chanteuse avant tout physique, en-gagée, de profil belcantiste mais

courte de technique et de voix, la jeune Italienne ne peut faire illusiondans un rôle qui excède à l’évidenceses moyens. Bruson masque l’usuredes siens derrière un monolithismenon dénué de grandeur.

C. Studer – L.Pavarotti, 1992

Il faut bien se rendre, hélas, à l’évi-dence: Violetta Valéry et Cheryl Stu-der ne se sont pas rencontrées.

Confirmation nous est ainsi fourniede ce qu’un premier récital d’opéraitalien avait déjà laissé entendre, à sa-voir que la chanteuse, trop long-temps bercée par la routine desthéâtres allemands d’aujourd’hui,n’a toujours pas assimilé les pré-

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ceptes et la simple justesse de ton durépertoire néo-belcantiste ou ver-dien. Ce n’est certes pas James Levinequi a pu lui inculquer les principesde cette esthétique. Sa seule préoccu-pation est d’aller vite, de faire dansl’urgence, de caracoler devant deschanteurs livrés à eux-mêmes dansles arie , à la tête d’un orchestre sansépaisseur ni palpitation. Ne pouvait-il pas inciter son interprète à respec-ter les valeurs de notes de sesphrases, leur accentuation, la logiquede leurs courbes, leur dynamique?Ne pouvait-on corriger les écartsd’intonation («È strano» et la suite),la lourdeur des piqués qui sont au-tant de gloussements («Ah, se ciò è ver, fuggitemi » ), le laisser-aller des ca-dences, les ports de voix brouillons(«Ah, fors’èlui » ), l’à-peu-près des vo-calises (cabalette «Sempre libera» ) ?Les La aigus de l'«Addio, del passato» ,n’y avait-il pas moyen de les débar-rasser de ces ridicules hoquets où selit la difficulté technique à soutenirla phrase bien plus que le pathétiquede la situation? On enrage devant un

tel gâchis. Allez, après cela, chercherde l’émotion, un personnage, un fris-son! L’artiste sait être sensible sinonspontanée, ses élans manquent deforce, de tranchant, de pertinence.L’Alfredo de Luciano Pavarotti nenous convainc pas plus aujourd’huiqu’en 1981 (avec Sutherland), plusblanc, plus ouvert, plus instable, plusbêlant, fading en bandoulière, tou- jours aussi peu concerné. Les stan-dards du Met qui nous valent une sé-

rie de seconds rôles innommablesimposent le recours à Juan Pons pourendosser l’habit de Germont. Avecses deux ou trois systèmes d’émis-sion, le baryton espagnol, courtd’aigu et d’imagination, distille unennui à la mesure de son atonie. Onne ruse pas avec un tel opéra sans ris-quer le fiasco. Nous y sommes.

E.Gruberova – N.Shicoff,1992

Le premier contact avec cette inté-grale risque d’être trompeur et dis-suasif. Prévenu de la contre-perfor-mance de la chanteuse dans ce rôlepar les live de1980 et1982, où ce so-prano leggero, d’école allemande et

de goût discutable, affadissait sonhéroïne par ses mignardises hors depropos, on aborde ces disques aveccirconspection. L’orchestre soupe aulait de Carlo Rizzi, lentissimo ou hys-térique et bruyant, peu soigné dansses timbres, n’a rien pour inspirer lamansuétude. Et l’on relève dans le«Brindisi » – massacré par Shicoff –les travers bien connus du sopranoslovaque dans le répertoire italien:mollesse du rythme, afféteries etmanque de tenue de la phrase. Songrand air de l’acte I présente lesmêmes scories, trop sophistiqué, sa-crifiant la linéarité de la phrase à deseffets non idiomatiques, alangui plusque de raison jusqu’à faire de la ca-dence un mélisme exotique d’un ef-fet discutable. La cabalette elle-même, où la chanteuse convoquetoutes les ressources d’une techniqueimpeccable et qui culmine sur un Mibémol fulgurant, s’encombre encored’accents toniques qui en contrarientla fluidité. Il faut dire que depuis lelever de rideau, on enrage contre leténor. Shicoff ignore tout de cette vo-

calité. Artiste sensible, romantiqueéchevelé et visionnaire, le ténor amé-ricain transforme Alfredo en hérosvériste engorgé ou blanc selon la si-tuation («Pari gi, o cara» !), brutalisela ligne au mépris des indications dela partition et de la dynamique de cerôle qui ne demandait pas tantd’énergie – mais du style, oui.L’opéra retrouve de la hauteur avecl’entrée en scène de Germont. Dansses grands soirs, Giorgio Zancanaro y

est somptueux. Il l’était à Paris face àla frêle Cecilia Gasdia naguère, il l’estici. Le grand baryton italien – seulauthentique baryton Verdi de sa gé-nération, faut-il le rappeler – a rare-ment soigné autant son chant, sa dy-namique, son texte, ses colorations(avec un soupçon de détimbrage ex-pressif). La beauté intrinsèque dutimbre s’y ajoutant, nous tenons làun des grands Germont de notre dis-cographie. La Gruberova nous appa-

raît, du même coup, sous sonmeilleur profil. Violetta lui inspiresoudain un frémissement, une sensi-bilité, une présence aux mots et auxsentiments que nous ne lui connais-sions pas. «Teneste la promessa» et ses inflexions mélodramatiques

bien tempérées, l’amère nostalgie del'«Addio, del passato» , comme tout àl’heure un bouleversant«Dite alla gio- vine» , palpitent d’une vie nouvelle. Leléger exotisme du ton concourt cettefois au trouble qui émane de cettevoix encore fragile et dont on sentbien que «Gran D io» marque la li-mite de résistance. La sophisticationn’est pas absente des purs instantsqui précèdent l’assomption du per-sonnage mais elle n’altère en rien laqualité de l’émotion. La Zerbinettefestivalière des années soixante-dix,la Lucia incertaine, surprend ici parsa maîtrise d’un style qui s’est long-temps refusé à elle, qu’elle accom-mode toujours à sa propre philolo-gie, mais cette fois avec le charmeque donne aux actrices étrangères lesoupçon d’accent qu’elles ontconservé comme en souvenir.

T.Fabbricini – R.Alagna,Muti 1992

À La Scala de Milan, l’histoire dela Traviata semblait s’être figée dans le

souvenir du miracle Callas-Visconti.Karajan et Freni s’y étaient brisés.Riccardo Muti désire conjurer le sortet relève le gant en s’entourant, luiaussi, de jeunes artistes. La métamor-phose du chef par rapport à sa trèscontestable lecture de 1982 laisse en-trevoir au demeurant l’ombre portéede Giulini. Oubliés la rigueur méca-nique, le corset de fer imposé auxchanteurs. Le romantisme succèdeheureusement au dogmatisme. La cé-

lèbre fête chez Flora, par exemple, estcertes encore attaquée bille en tête, àune allure que n’aurait jamais imagi-née Toscanini, mais on en détendpar trois fois le mouvement pourlaisser l’héroïne aux abois exhaler saplainte, contre la lettre verdienne,contre Leibowitz son gardien etcontre Muti I. L’émotion devrait y ga-gner. La vidéo du spectacle leconfirme. Fragile, inexperte, tou-chante, Tiziana Fabbricini existe, vit

et meurt, et parvient à tenir son pu-blic sous le charme. Les attitudes, labouche, le profil même du visage,autant que le vibrato lent, les effets detyrolienne ou le poids accordé auxmots: autant de réminiscences de laDivine. Mais la chanteuse ne possède

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pas la moitié de la voix de son mo-dèle ni le quart de sa technique et nefait que copier, dangereusement,comme hier une Sylvia Sass. Avecpour seule rançon les écarts de jus-tesse du premier acte, les excès désor-

donnés du deuxième. Paolo Coniétant trop jeune pour assumer lepoids vocal et théâtral de Germont,la vedette revient à Alagna. La hau-teur et l’incisivité d’un timbre alorsexempt des contorsions que lui fe-ront bientôt subir une couverture

mal comprise et nombre d’impru-dences font alors merveille. Pour lui,viril et conquérant, comme pourMuti seconde manière, ces soiréesméritent d’être connues.

K.Te Kanawa – A.Kraus, 1993

Lymphatiquement tendre, Kiri TeKanawa avait, elle aussi, d’une cer-taine manière, mis ses pas dans ceuxde Callas, à travers le souvenir vis-contien réanimé à Londres en 1980.

Sans une once de mimétisme vocal.Ni le timbre, ni la technique, encoremoins le tempérament ne s’y prê-taient. Moins encore treize ans plustard. La musicalité un rien atone decette belle mozartienne ne la dési-

gnait pas naturellement pour ce rôlede courtisane brillante et dépravée,quand bien même elle parviendrait àémouvoir dans les scènes finales parla seule pureté de sa ligne de chant.Le premier acte expose une vocalisa-tion laborieuse, une gênante instabi-

Discographie

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La Traviata - extraits et sélections

date 1937 1940 1944 1950 1950 1950 1952 1954

direction E. Panizza W. Pelletier H. Steinkopf M. Rossi V. Trucco F. Molinari-Pradelli G. Santini N. Sanzogno

Violetta V. Bovy E. Steber M. Cebotari L. Pagliughi L. Albanese C. Ebers R. Tebaldi R. CarteriAlfredo N. Martini A. Tokatyan H. Roswaenge G. Prandelli J . Peerce R. Holm G. Campora N. FilacuridiGermont  J . Ch. Thomas L. Warren H. Schlusnus P. Silveri R. Merrill J . Metternich G. Taddei C. Tagliabue

édition UORC RCA BASF MDP RCA Myto Legato Classico GAO

support lp lp lp (allemand) cd lp cd (allemand) cd-live  cd

date 1954 1954 1957 1958 1958 1960 1961 196x

direction Peluso W. Goehr W. Schüchter R. Cellini H. Schmidt-Isserstedt N. Santi R. Wagner G. Patanè

Violetta Hardy M. Opawsky M. Müszely D. Kirsten M. Stader V. Zeani R. Streich A. RothenbergerAlfredo Schultz L. Larsen R. Schock T. Hayward E. Haefliger W. Mc Alpine E. Kozub A. De RidderGermont Sebaroli H. Driessen J . Metternich C. McNeil H. Winters J . Walters H. Günter W. Anheisser

édition Opera MMS EMI Vaia DGG LR Philips Berlin Classicsupport (allemand) cd (allemand) cd-live  lp(allemand) +extraits de 1966 (allemand) (allemand)

date 1961 1963 1963 1963 1965 1967 (1971 ?) 1967 1967

direction B. Bartoletti L. Gardelli C. Moresco R. Peters J. Matheson F. Vernizzi L. von Matacic D. Effron

Violetta H. Güden G. Déry E. Todeschi S. Melander A. J une M. Olivero R. Scotto M. NiskaAlfredo F. Wunderlich R. Ilosfalvy R. Vinay H. Wilhem J . Wakefield D. Antonioli J . Aragall P. DomingoGermont D. Fischer-Dieskau L. Palocz H.-O. Kloose R. Easton A. Protti

édition DGG Qualiton Melodram Eurodisc Emi Legato Classic GAO Melodram

support (allemand) lp (hongrois) cd-live  (allemand)   live (anglais)   live  cd-live  cd-live 

date 1974 1992 1997

direction J. Pritchard A. von Pitamic J . Acs

Violetta I. Cotrubas B. J asper R. VentoAlfredo  J . Carreras W. Verkerk M. ÁlvarezGermont V. Braun R. Knoll L. Nucci

édition Legato Classic Musique d’or Cascavelle

support cd-live  cd cd-live 

Sélections en français

date   1954 1959 1960 1961 1961

direction P. Dervaux P. Dervaux G. Amati J . Etcheverry G. Prêtre

Violetta M. Morales M. Robin M. Le Bris R. Doria J . Micheau H. Rivière D. MazzolaAlfredo L. Simoneau P. Finel G. Chauvet A. Vanzo M. Cadiou R. GouttebrozeGermont M. Dens R. Bianco R. Massard E. Blanc A. J oncquères P. Gottlieb

édition Philips VSM Vega Vogue Emi Télévision

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lité, que viennent aggraver l’impréci-sion des mots et les pesanteurs del’accent. On ne saurait rester insen-sible, en revanche, au phrasé de«Dite alla giovine» , à la force d’un dé-chirant«Amami Al fredo» ou à la nu-dité de cet«Addio, del passato» voiléde douleur. L’artiste mérite donc res-pect, qui jamais n’attente à l’intégritéd’une musique qu’elle sert avecconviction sinon pertinence. L’usuredes ans se fait particulièrement sentirdans la prestation de Kraus. La tierceaiguë est certes intacte, mais pour lereste, le ténor marque plus qu’il nechante, gâtant même la pureté légen-daire de son style par des accents in-tempestifs. Seule présence juvénile,celle, paradoxale, du baryton, censéreprésenter ici l’âge mûr et le poidsde l’expérience. D’où la tendance du jeune Hvorostovsky à sombrer plusencore qu’à l’ordinaire pour se don-ner une autorité à laquelle nous pré-férons néanmoins les subtils allége-ments dont il sait, à l’occasion, ornersa ligne. L’ensemble souffre parailleurs de la direction bruyante,

lourde et complaisante de Mehta.

A.Gheorghiu – G.Solti, 1994

Sir Georg Solti appartenait à cetteélite de grands chefs qui ont toujoursconsidéré que la vie était trop courtepour perdre son temps à diriger lesopéras de Verdi antérieurs à la der-nière période du musicien. Simon Boccanegra ,Don Carlo ,Aida ,Otello ouFalstaff , évidemment. Le Bal masqué à

la rigueur, et en le violentant. Rigo- letto , comme par erreur et en le mas-sacrant. L’ancien répétiteur de Tosca-nini avait, sur ce point, montré quede son maître il avait hérité l’enthou-siasme sélectif mais pas la pertinencedu style. Qu’il nous ait offert, au soirde sa vie, une Traviata si longtempssnobée, ne pouvait que susciter unvif intérêt. Le prélude de l’acteI dé-roule une étoffe luxueuse sous laligne ténue des violons et joue d’em-

blée la carte d’une plénitude orches-trale bien dans la manière du chef hongrois. Tout au long de la parti-tion, ce souci de donner corps à l’ins-trumentation nous évoquera les ex-périences de Karajan à La Scala dansce même ouvrage. Tel trait d’alti , tel

dessin de basson, une tenue insis-tante du cor, entretiennent cette im-pression. Accents, dynamique, ralen-tis concourent à une densité musicaleinhabituelle. Le live (même trafiqué àla mode du moment et remodelé enstudio) laisse percevoir par ailleursune réelle charge émotive. Ni l’exem-plaire tension dramatique d’un Car-los Kleiber, ni le romantisme latind’un Muti seconde manière, maisune approche de grand seigneur del’orchestre. Un orchestre bientôt vif,nerveux, au rythme du drame, puisapaisé et diaphane au moment del’assomption de Violetta. Quelquesscories cependant, rançon de cemême live : embrouillamini des vio-lons à l’entrée d’Alfredo chez Flora,complaisance pour les pointsd’orgue du baryton («… detti a un geeeeeeni tor ! » ). La vérité théâtralevient corriger la relative froideur dusymphoniste Solti dont il est permisde penser qu’il reste foncièrementétranger à la dialectique verdienne.Pour ce qui est de souffler le chaud,on peut compter sur Angela Gheor-

ghiu. D’une voix corsée, celle-ci brûleardemment ses vaisseaux au premieracte.«È strano» est phrasé en pleinepâte et l’explosion de la cabalette(avec des«Folli e! folli e! » trop hautsd’un demi-ton) révèle un tempéra-ment. Une fougue qui évoqueraitcelle de sa compatriote Zeani si ellese doublait des bases belcantistes deson aînée. Or ici l’à-peu-près destraits et, surtout, le profil véristo-ex-traverti du personnage comme son

émission centrale, dilatée par le stu-dio mais chiche de colorations, sontloin de faire le compte. Certes, lacoulée vocale est belle («Dite al la gio- vine» ) et fait oublier la pauvreté duchant à la corde. Certes, l’explosionde «Morrò! » (accompagnée d’uncoup-de-poing sur la table) ou celled’«Amami Al fredo» exhibent une cou-leur chaleureuse. Cette héroïne phti-sique conserve en fait, de bout enbout, toussotements naturalistes ou

pas, une trop belle santé, une cou-leur trop unie («Addio, del passato» etla suite). Ce chant s’accorde à laconception d’un chef peu soucieuxde retrouver la filiation belcantisted’un ouvrage qu’il tend à ramenerdans le giron de Son Verdi. Du moins

aurait-il pu exiger d’autres partenairesque ceux dont il flanque cette géné-reuse chanteuse. Des seconds rôlesinaudibles (Annina!) et des chœursdezingarelle trémulants. Un Lopardoqui étire ses récitatifs (et sa cabalette,

notée 108!) avant de brailler d’unevoix coincée entre gorge et nez. Et unefois encore, une caricature de barytonVerdi. La dernière en date de nos inté-grales de «studio» n’est pas appelée àfaire date.

Mariella Devia, 1998

Lelive que nous lègue l’infatigableMariella Devia nous permet de re-dire, s’il en était besoin, que l’école

– exemplaire ici – n’a jamais suffi àinsuffler au chant de Violetta le génieexpressif sans lequel celui-ci de-meure vide de sens et d’émotion. Il yfaut en outre une dimension vocaled’exception (outrepassant celle d’unsoprano foncièrement leggero ), etune rare faculté de caractérisation.Une chanteuse aussi accomplie queDevia peut certes réussir un sans-faute vocal, ciseler mieux qued’autres l’écriture musicale dès lors

que celle-ci se souvient de Donizettiou Bellini, mais passer totalement àcôté de la parole verdienne. Ni vé-risme, ni virtuosité désincarnée: Vio-letta est bien l’apanage des seulesvoix absolues, doublées de comé-diennes d’opéra, en ce que leur chant

L’Avant-Scène Opéra 129

Angela Gheorghiu.E. Mahoudeau/OnP.

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– et lui seul – sait conférer aux notesleur palpitation charnelle.

Anna Netrebko, 2005

Pour beaucoup, la seule révélationnotable de ces dernières années.Soit… Réduit à sa simple image so-nore, le spectacle salzbourgeois ex-pose à découvert la furia théâtraled’un couple trépidant, fusionnel,d’une jeunesse ravageuse et d’une to-tale implication. Le chef Carlo Rizziqui sévissait hier au côté de Grube-rova est ici à l’évidence commis à lamise sous pression de l’ensemble.Ac- 

celerandi racoleurs, décalages, pro-

saïsme des accompagnements signentun parti pris d’urgence narrative aupremier degré excluant tout abandonautre que stéréotypé. L’acteI laisse à labelle Anna Netrebko l’occasion de jouer des splendeurs de son volup-tueux medium et de l’insolente jeu-nesse d’un timbre capiteux. Les émoisde la courtisane se teintent d’une rau-cité de Carmencita en phase avec le jeu débridé que lui imposera bientôt

la mise en scène. L’aria est au demeu-rant amputée de sa reprise, sans doute jugée inutile. Dans la cabalette, lachanteuse mange régulièrement deuxnotes par vocalise et sacrifie au nomd’un naturalisme revisité le belcan-tisme à l’effet. Pas de Mi bémol, celava de soi. La passion comme la déré-liction finale, les protestationsd’amour comme les supplications àGermont, seront ensuite traduitesavec ce que l’on devine être une

émouvante sincérité, que l’oreille re-connaît comme une variante mo-derne du vérisme des années 50. Mal-gré ses expédients et ses fragilités, l’ar-tiste peut néanmoins prétendre àincarner une Violetta en phase avec lasensibilité de notre temps. Il en va demême avec son partenaire, le très mé-diatique et disert Rolando Villazón. Àceci près que ce dernier est affligéd’une place vocale des plus sca-breuses. Cet Alfredo hanté par Don

 José appuie ses effets plus sûrementqu’il ne soutient sa ligne de chant sui generis , ouvre son émission à l’excès etplafonne au-dessus du Si. Un caboti-nage innocent reste un cabotinage,mis à toutes les sauces du répertoire etcache-misère d’une technique

avouant de jour en jour sa précarité.Le pire est toutefois dans la contre-performance de Thomas Hampsonsur laquelle nous n’avons pas enviede dauber, tant le baryton y montre

une totale inadéquation au rôle.

Les versions en traduction

Des six répertoriées dans notre re-cension, on retiendra la version ensuédois de 1939, très correctementcaptée par la radio scandinave etdans laquelle le jeune Björling, in loco , affiche une santé vocale rayon-nante, avec un timbre argenté appeléà s’épanouir encore dans les années

ultérieures. Sa Violetta offre le grainserré d’un soprano léger au charmepiquant. Délicieux exotisme.

La version du Bolchoï de 1947 nedoit pas être davantage oubliée, mêmepar ceux que la langue russe pourraitprendre à rebrousse-poil. Très struc-turée par Orlov, chef à rubati mais àla rythmique mordante, la partitionest sans doute bousculée par la mé-trique russe qui lui confère un goûtétrange venu d’ailleurs. On peut ne

pas goûter la saveur acidulée de lagrande voix de Choumskaya, on nepourra ignorer l’étonnant phéno-mène vocal que fut le ténor Ivan Kos-lowsky (né en 1900) dont un AlfredoKraus n’est jamais qu’une pâle dou-blure ou presque! Une fois admis

l’exotisme ébouriffant d’une interpré-tation slavissime, il faut écouter le ré-citatif de«De’miei bollent i » aux demi-teintes inouïes, au quasi parlando inimitable, comme les premières me-sures de l’aria ou la légèreté de la caba-lette, que l’on ne coupait pas en Russieen 1947. Le duo Germont-Violetta estcependant le moment culminant,grâce au baryton Pavel Lisitsyan, leplus proche de notre sensibilité la-tine, voix corsée, souveraine, inspi-rant à sa Violetta des accents émou-vants. On recherchera pour le mêmeLisitsyan, distribué au côté du su-perbe Lemeshev, la version d’Altaev(1956), naguère disponible chez Me-lodiya.

L’intégrale hongroise de 1963 vautsurtout pour le ténor Ilosfalvy, quidevait entamer dans les années quisuivirent une carrière internationale.

Les sélections

Dans la sélection RCA de 1940,Eleonor Steber, neuf ans avant l’inté-grale du Met et à la veille de son en-

trée sur cette scène, confère déjà àVioletta, face à un Warren juvénile,un brillant glacial non dépourvu degrandeur.

Nous avons évoqué ci-avant, à pro-pos de leurs intégrales, les extraitscomplémentaires et souvent instruc-tifs des Albanese, Zeani, Olivero, Te-baldi, Carteri, Cotrubas ou Scotto.Cette dernière mérite au demeurantun détour par le live de Palerme1967, capté dans le souvenir de celui

de Londres 1965, et naguère distri-bué par GAO. La justesse du mot etdu style y transcende les aspéritésd’un aigu rebelle.

Le couple Cebotari-Roswaenge esttrop célèbre pour qu’on y insiste;avec Schlusnus, le plus grand des ver-diens allemands, ils forment un triolégendaire; la réalité rejointd’ailleurs la légende, nonobstant lalangue allemande, plus que gênantedans une telle œuvre. C’est un peu

tardivement que Lina Pagliughi agravé sa Violetta, entourée du ténorPrandelli et de Paolo Silveri ; néan-moins on trouvera ici l’occasion devérifier que cette tradition aujour-d’hui dépassée d’un Verdi confié auxleggeri reposait au moins sur des voix

Discographie

130 L’Avant-Scène Opéra

Anna Netr ebko. C. Ashmore.

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suffisamment rondes et placées pours’épanouir largement. Les versionsallemandes, nombreuses, souffrentpresque toutes de l’incompatibilitéd’humeur entre le chant allemand(et pas seulement la langue) et ceVerdi-là. On évitera Hilde Güden auprofit d’Anneliese Rothenberger, li-mitée dans cet emploi mais grandemusicienne, comme le sont MariaStader et Rita Streich, néanmoinshors de propos l’une comme l’autre.

En 1958, la délicieuse DorothyKirsten a conservé un timbre ingénu,et cette Louise de légende se couledans le rôle de Violetta malgré un ac-cent américain des plus gênants, parla seule grâce de sa versatile fluiditévocale. À noter l’élégance belcantistede MacNeil en Germont.

Pour conclure

Il convient, pour conclure, deconcilier la permanence de nos choixultimes et les inflexions que l’évolu-tion des sensibilités et l’œuvre dutemps écoulé nous invitent à énoncer

aujourd’hui.

Nul doute, par exemple, que MariaCallas demeure parmi nos référencesla plus indéracinable. La Callasde 1952 et 1958, finalement aumoins autant si ce n’est plus que celledu document scaligère de 1955 dontl’entourage et surtout la direction deGiulini ont plutôt mal vieilli. Que lesinstantanés de Magda Olivero sachentconvaincre les spécialistes davantageque le grand public ou les jeunes gé-nérations est tout aussi probable. L’ex-pressionnisme daté d’une Ponselleégalement, bien qu’il nous paraissepéché véniel en ces temps de Regie- theater et de trash . Eleanor Steber pro-longera à sa manière un certain âged’or du Met. Une Virginia Zeaniconjuguant comme personne versati-lité et aplomb technique tend à serapprocher de nos exigences actuellesde vérité dramatique sans aliéner lespréceptes du chant d’école. Aux anti-podes de Callas, l’hédonisme deMontserrat Caballé, hier pointécomme limite, constitue à présent unbaume pour tous ceux que le mauvaischant à la mode agresse chaque jour.

La perfection marmoréenne de Joan

Sutherland dispensera d’égales conso-lations. À mesure que passent les ans,on est de plus en plus frappé par lasynthèse absolument unique opéréepar la Scotto des belles années entrepertinence du dire et infinie malléabi-lité de la ligne, au point que les stri-dences de cette considérable inter-prète soient à négliger comme épi-phénomène. L’histoire rendra parailleurs justice aux qualités rares deRenata Tebaldi, comme elle restitueraà Carlos Kleiber ce que l’on pensaitdevoir aupathos d’Ileana Cotrubas.

Cela dit, qui devait l’être, notrecredo n’a pas varié: Violetta ne semeut que dans les sphères les plushautes de l’opéra. Seul le génie la faitexister, le talent seul la banalise, lamédiocrité la réduit au néant. Beau-coup d’appelées, peu d’élues, surtouten ces temps de disette verdienne.

Je ti ens àremercier pour leur précieux et amical concours, outre MM. M ichel Cadiou,

Georges Farret, Roland M ancin i et Georges Voisin, Mme Elisabetta Soldini 

et M . Sandro Cometta.

L’Avant-Scène Opéra 131

Cette captation sur le vif de La Traviata aura mis trois ans pour arri-ver jusqu’en France, d’ailleurs sans

traduction dans notre langue. Ellepouvait dormir tranquillementdans les cartons. Zubin Mehta nouslivre ici l’une de ces prestations re-dondantes auxquelles il s’aban-donne trop souvent. Ne manquentni ralentis complaisants, ni silences

ostensibles, alternant avec lour-

deurs démonstratives, pathos surli-gné et emportements à la hussarde.Sa Violetta est moins dépourvue

de voix que de goût, de justesse etde technique. Elle aussi en rajoutedans l’expression, les accents ca-nailles de son «Libiamo », le pathosde sa grande scène délayée par lechef, le savonnage d’une cabalettequ’elle n’ose conclure par un Mi bhors de sa portée. Les émois sur-

 joués de la courtisane laissant place

ensuite aux épanchements del’amoureuse blessée, la dévoyéetrouve dans l’imploration l’occa-sion de tempérer ses élans. Sansleur conférer l’égalité de phrasé oula rectitude d’intonation espérées.Un art somme toute encore som-

maire. Sommaire et demi son Al-

fredo hoquetant, avantageux, en-gorgé, ténorisant sans vergogne.Dans ce contexte, le critique se sur-prend lui-même à reconnaîtrequelques qualités au baryton Gava-nelli. Au moins celui-ci économise-t-il ses effets, phrase avec componc-tion, trop mielleux pour cet emploide bourgeois malfaisant, mais ja-mais vulgaire. Sinon au sens d’ordi-naire, de commun, épithète quiconvient à l’ensemble de ce cast , en-

core minoré par ses seconds rôles. J.C.

Mise à jour   janvier 2014

date 2006

direction Zubin Mehta

orchestre Opéra de Bavière

Violetta Anja Harteros

Alfredo Piotr Beczala

Germont Paolo Gavanelli

édition Farao

support CD

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Attention, danger! Avec la Traviata ,l’opéra italien «par excellence», ontouche comme rarement au Mythedans ce qu’il a de plus «grand pu-blic». Ainsi, les nombres, à euxseuls, font rêver: une dizaine defilms muets dès la première décen-nie du cinéma puis, dès les annéescinquante, une profusion télévi-suelle qui ne s’est jamais démentie:plus de cinquante captations etfilms répertoriés dans les Archivesd’IMZ, à Vienne, pour la seule se-conde moitié du XXe siècle et le dé-but du suivant, et trois vrais filmscommerciaux en trois décennies.On ose tous les espoirs alors, onfeuillette, pour se lamenter aussitôt.Le Mythe, le vrai, celui de l’Opéradans sa dimension historique, varester absent. On sait bien qu’encette matière audiovisuelle, si capri-cieusement gérée depuis l’origine,l’un des plus grands ratés du siècle

demeure l’incapacité de son époqueà avoir gardé le souvenir filmé deMaria Callas en ce rôle embléma-tique: ce ne sont pas les quelquesfragments de la Traviata de Lisbonneen 1958, aujourd’hui aisément ac-cessibles mais désespérément troplointains, trop sombres, trop flouset surtout trop courts, qui nousconsoleront jamais d’une absencevertigineuse comme de ce filmvoulu par Visconti qui, malgré les

annonces répétées, ne se fit jamais.Mais enfin, quel que soit son ma-gistral premier rang, Callas ne futpas la seule Violetta du siècle del’image. La captation vidéo sauveral’honneur, tardivement, et d’ailleurshonorablement, en nous propo-sant, dans des conditions initiale-ment souvent bien imparfaites, si-non ses rivales historiques, aumoins sa succession, d’ailleurs dis-cutable. Le nombre s’imposera alors

comme témoin de popularité maisaussi comme marque de nivelle-ment – par le bas, en fait.

Car il faut bien se poser la ques-tion de ce que l’on cherche à voir la Traviata . La diva , certes, mais l’œuvreentière aussi. Si la diva permet – jus-

tifie parfois – toutes les approchesvocales (du pur bel canto tardif auvérisme naissant), ou théâtrales (dela fragilité au tragique, de l’audaceau renoncement), l’œuvre, conven-tionnellement figée quant à sa re-présentation, ne permet guère de li-berté décorative, hors celle du mau-vais goût sans doute, plutôtfréquent dans ce parcours; les som-mets seront toujours atteints avecles scènes chorales et bien entendule divertissement espagnol – exer-cice redoutable s’il en est –, parfoisaussi par ces présences scéniques sipauvres, pour ne pas dire si risibles,que seul le public d’opéra peut en-core parfois accepter, jusqu’au ci-néma. Reste alors à apprécier legoût du produit filmé ou capté, quisur l’écran est plus souvent celui dudécorateur que du metteur enscène… La palme en la matière res-tant à Zeffirelli, qui confond luxe

décoratif et intensité dramatique:que penser de quelqu’un qui, pourconclure sur la mort de l’héroïne,ne sait que filmer le monumentallustre de sa chambre…

La forme visuelle restera donc icilongtemps constante: rares sont lesmetteurs en scène qui auront osé«violenter» le texte et sortir del’image convenue. On se rappelleLavelli, incisif dans son regard sur

la bourgeoisie fin-de-siècle, à Aix,voici trente ans et plus déjà; Grü-ber, et sa pure modernisation ; ouBéjart, plus baroque, ou Zambello àBordeaux! Sans oublier les Herr-mann. Mais ils furent longtemps –

 jusqu’au XXIe siècle en fait – l’ex-ception. Les témoignages filmés se-ront plus rares encore. De fait, siVerdi avait su, avec la trilogie decette époque charnière, concilierenfin vérité dramatique et représen-

tation musicale, bien peu parmi lesimages ici visionnées pourront fairecroire que la transcription visuellede cette réussite majeure et histo-rique a été comprise ou simplementpensée par certains artisans de tantde banalité.

Dumas à l’écranLe cinéma, avec son réalisme in-

cisif, s’y était mis tôt, pourtant, et àprofusion: mais c’est la D ame aux camélias qu’il illustra presque tou-

 jours, et ce dès le film de Viggo Lar-sen en 1907. Après d’autres introu-vables raretés (Gerolamo Lo Savioen 1909, avec Vittoria Lepanto, Cal-mettes et Pouctal en 1911, les troisversions de 1915, avec Mmes Bertiniet Hesperia, et celle signée AlbertCapellini), c’est bien la saveur duMythe qu’on finirait par croiser surles écrans: Rudolf Valentino avec laNazimova en 1927, Yvonne Prin-temps sous le regard d’Abel Ganceen 1934, Greta Garbo enfin, en1936 – voilà Dumas historique-ment bien servi.

Et Verdi aussi

Verdi, lui, n’apparaissait commefond musical que dans la version de1911, et de toute façon sous forme«charcutée». Une fois encore, lesoccasions qui s’offraient ne furentpas saisies, et on continuera à rêverseulement de quelques-unes des lé-gendes du début du siècle qui man-quent à l’appel : après tout, Melbaaurait pu être filmée, sur le tard, etBellincioni aussi. Et il existe biendes films de Farrar et de Ponselle, et

de Sayão… Las, aucune trace deVioletta dans ces incarnations. Etrien de la Traviata dans les cata-logues Vitaphone, Pineschi ou Fon-film italico pour nous consoler.

C’est, comme souvent, avec Car-mine Gallone qu’on trouvera la pre-mière tentative d’adaptation ciné-matographique de l’œuvre, en1940: son «Amami, Al fredo » n’estpas, à proprement parler, un film-opéra, mais un «opéra-parallèle»,

mélangeant une histoire contempo-raine et l’opéra lui-même: Verdi n’yest pas seul, puisque Zandonai estaussi l’auteur de toute une musiqueadditionnelle. Le prix de cet exer-cice, alors? La présence de MariaCebotari, rayonnante de fragilité.

Pierre FlinoisVidéographie

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Quelques années passent et,après la guerre, Gallone s’offre unremake , avec cette fois la narrationde la genèse de l’œuvre, romancée àpartir de la vie de Verdi. Avec l’unedes premières mises en évidence durapport chanteur/ acteur, ou plussimplement du doublage: Nelly Cor-radi, charmante chanteuse d’alors,n’offre ici que son corps à l’écran; sa

 jolie voix (idéale pour une Lucia, uneRosina telles qu’on les entendaitalors) ne pouvant convaincre dansVerdi, c’est Onelia Fineschi qui faitvibrer à sa place les haut-parleurs.

Dernier avatar avant les Traviata modernes, un Verdi de 1953, signéRaffaello Matarazzo : un Verdi ago-nisant, un jour de carnaval, regar-dant sa vie et ses opéras défileravant qu’à la fin la chambre mor-tuaire n’impose son silence défini-tif. Verdi, Violetta: autobiographie?

Les premières captationsImpossible d’accéder à la tren-

taine de réalisations des années 50et 60: tout cela dort dans l’inacces-sible marais des archives télévi-suelles mondiales, sans garantie deconservation, d’ailleurs. On neverra sans doute jamais Lawrence

 Tibbett, le Germont dirigé par Her-bert Graf et diffusé par CBS en1950, ni les Violetta de Rosanna

Carteri, Jeanine Michaud, VirginiaZeani, ni celles de Melitta Muszelyou Pilar Lorengar, affrontées auxGermont père et fils de Fischer-Dieskau ou Tagliavini. Pas plus quela production de Walter Felsenstein,en allemand bien entendu, avecMelitta Muszely et Arturo Sergi. Ou-bliées, en tout cas, les Lucia Evange-lista, Elaine Malbin (filmée deuxfois, en 1950 et 1957, sans avoirlaissé même de renom), Olivia

Bonnelli, Christiane Jacquin, VeraScammon, Mary Costa, Franca Fab-bri, Huguette Rivière… filmées làoù l’on aurait dû conserver la mé-moire d’une Tebaldi, d’une Carteri,d’une Los Angeles…

L’Avant-Scène Opéra 133

Mari a Callas (Violetta) et 

Luchino Visconti lor s des répéti tions de LA T RAVIATA, en 

1955.E. Piccagli ani.

LA T RAVIATA vue par Carmine

Gal lone en 1947.D.R.

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Les films

Le cinéma, lui, s’assurerait aumoins, à entreprendre la Traviata , lesupport du vedettariat. Pas forcé-

ment celui qu’on aurait pu attendre.On a dit le raté Visconti/Callas. Pourelle, les sons et quelques photos suf-fisent à l’imagination recréatrice;pour lui, s’il n’y a rien de Milan,hors les photos, on pourra imaginerce qu’il en eût été grâce à la capta-

tion de sa production londonienne,reprise pour Mirella Freni en 1967,sous la baguette de Carlo MariaGiulini, captation à ce jour, hélas,non commercialisée. Le cinémachoisit donc d’autres noms et s’im-

posa de remettre l’ouvrage sur lemétier par trois fois. 1967, 1973,1983, un film italien, un allemand,un américain : la récurrence est ensoi symptomatique. Avec à chaquefois des moyens importants (sur-tout pour le dernier) qui n’ont

guère été utilisés pour sortir de laconvention de la scène filmée et,comme corollaire, des physiquesqui ont priorité sur les voix. Hiérar-chie incontournable, qui affirmeclairement qu’une image de Tra-

viata «à la Scotto, ou, à la Caballé»est aujourd’hui impossible à faireaccepter au grand public. Moffo,Freni, Stratas, toutes trois vraieschanteuses, mais toutes trois horsdes canons vocaux requis, incarnentpourtant magistralement leur per-

Vidéographie

134 L’Avant-Scène Opéra

LA TRAVIATA - Les films et les captations commercialisées

année 1947 1967 1973 1973 1976

direction G. Morelli G. Patanè L. Gardelli N. Verchi J. Rudel

théâtre  TokyoSan Diego

orchestre Opéra Rome Opéra Rome Deutsche O. Berlin Lirica italiana Filene Centerchœurs Opéra Rome Opéra Rome Deutsche O. Berlin Lirica italiana Wolf Trap Company

mise en scène C. Gallone M. Lanfranchi W. Nagel T. Capobianco

décors M. Monteverde P. Pilowski C. Torns

costumes M. Monteverde A. Verso C. Torns

Violetta N. Corradi/O. Fineschi A. Moffo M. Freni R. Scotto B. Sills

Alfredo G. Mattera F. Bonisolli F. Bonisolli J . Carreras H. Price

Germont M. Polverosi / T. Gobbi G. Bechi S. Bruscantini S. Bruscantini R. Fredericks

Flora F. Marino M. Micheluzzi H. Kovicz A. di Stasio F. Rakusin

Annina G. Lollini G. Schäfer A. Pedrotti E. Petros

Douphol A. La Porta R. J edlicka G. Mazzini R. Orth

Gastone G. Scarlini P. Bindszus F. J acopucci N. Rosenshein

D'Obigny M. Piacenti H. Reeh F. Lombardi K. KiblerGrenvil A. Poli H.-J . Lukat C. Meliciani J . Cheek

édition Grandi filmstorici VAI Tristar VAI VAI

support non commercialisé DVD non commercialisé DVD DVD

année 1982 1987 1987 1987 1993 1993

direction J. Levine C. F. Cillario B. Haitink J. Levine R. Muti C. Rizzi

théâtre Metropolitan Sydney Glyndebourne Metropolitan La Scala La Fenice

orchestre Metropolitan Sydney London Philhar. Metropolitan La Scala La Fenice

chœurs Metropolitan Sydney Glyndebourne Metropolitan La Scala La Fenicemise en scène F. Zeffirelli J . Copley P. Hall C. Graham L. Cavani P.L. Pizzi

décors A. Testa H. Bardon J . Gunter T. Moiseiwitsch D. Ferretti P.L. Pizzi

costumes G. Quaranta M. Stennett J . Gunter T. Moiseiwitsch G. Pescucci P.L. Pizzi

Violetta  T. Stratas J . Carden M. McLaughlin J . Sutherland T. Fabbricini E. Gruberova

Alfredo P. Domingo R. Greager W. MacNeil L. Pavarotti R. Alagna N. Shicoff  

Germont C. MacNeil N. Wilkie B. Ellis L. Nucci P. Coni G. Zancanaro

Flora A. Gall R. Gunn J . Turner N. Curiel M. Pentcheva

Annina P. Cei C. J ohnston E. Hartle H. J ohnsson A. Trevisan A. Trevisan

Douphol A. Monk D. Brennan G. Sandison O. Mori O. Mori

Gastone M. Barbacini C. Dawes D. Hillman E. Cossutta M.-R. Cosotti

D’Obigny R. Christopher R. Eddie C. Thornton-Holmes E. Capuano M. Barrard

Grenvil F. Furlanetto J . Wegner G. Sandison J . Courtney F. Musini R. Schirrerédition DG CEL ArtHaus DG Sony Teldec

support DVD K7 DVD K7/ CDV (acte 3) DVD DVD

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sonnage, sans être jamais des inter-prètes historiques sur le seul planvocal. Saluons d’avance les deuxpremières, qui s’en tirent avec bienplus que les honneurs.

Anna Moffo

Première réalisation en 35 milli-mètres et en couleurs, ce film ita-lien, sans atteindre à des vertigesd’imagination scénique, est l’unedes heureuses surprises de ce pano-

rama: la production stylée de MarioLanfranchi, très classique dans saforme, est aussi du vrai cinéma, in-fluencé par le ton et le décorum desgrandes réalisations «en costumes»de l’époque. Elle a pris de ce fait, en

vieillissant, une allure de classiquedes années soixante, où même leballet est regardable!

Elle bénéficie, avec Anna Moffo,d’une des figures les plus crédiblesparmi les interprètes modernes durôle. Fort belle incontestablement,

et parfaitement à son aise dans l’en-semble de la partition, elle n’est pasla plus intense de toutes lesVioletta: manque la vérité desépanchements que permet la scène,

à la mesure des vertiges du person-nage, et l’ampleur requise – la finsera trop conventionnellement ren-due. Maissa personnalité, son intel-ligence du rôle, sa féminité char-meuse et un rien lointaine ici, unrien ravageuse là, en font plusqu’une chanteuse adéquate, une in-carnation de cinéma qui compenselargement les légères réserves qu’onretrouve dans la discographie.

Face à elle, on découvre un

Franco Bonisolli tout jeune, pas en-core engoncé dans son rôle de ténorcomme avec Freni, six ans plus tard,moins «trompetant» donc, plus at-tachant aussi, et mieux utilisécomme acteur; et surtout le formi-dable patriarche de Gino Bechi, obs-tiné, illuminé comme un pasteurbergmanien, mais si possédé, si in-tense dans sa retenue (et si magni-fique de chant) que la confronta-tion avec Moffo en devient presque

magique de vérité, dans les yeux quibrillent, dans les traits qui se fanent:pareils acteurs chanteurs, c’est si rareque cela se fête! À chercher – c’est,depuis sa parution en DVD, aisé –,bien qu’il s’agisse d’un film – heu-reusement fort bien – synchronisé!

L’Avant-Scène Opéra 135

année 1994 2002 2003 2004 2005 2005

direction G. Solti P. Domingo Y. Sado L. Maazel J . López-Cobos C. Rizzi

théâtre Covent Garden Teatro di Busseto Festival d’Aix La Fenice Teatro Real Salzbourg

orchestre Covent Garden Fond. Toscanini Orch. de Paris Teatro La Fenice Orq. Sinf. Madrid Wiener Philhar.

chœurs Covent Garden Fond. Toscanini Europa Chor Ak. Teatro La Fenice Teatro Real Staatsoper

mise en scène R. Eyre F. Zeffirelli P. Mussbach R. Carsen P. L. Pizzi W. Decker

décors B. Crowley F. Zeffirelli E. Wonder P. Kinmoth P.L. Pizzi W. Gussmann

costumes B. Crowley A. Spiazzi A. Futterer P. Kinmoth P.L. Pizzi W. Gussmann

Violetta A. Gheorghiu S. Bonfadelli M. Delunsch P. Ciofi N. Amsellem A. Netrebko

Alfredo F. Lopardo S. Piper M. Polenzani R. Saccà J . Bros R. Villazón

Germont L. Nucci R. Bruson Z. Lucic D. Hvorostovsky R. Bruson T. Hampson

Flora L.-M. J ones A. Peebo D. Pinti E. Tufano I. Mentxaka H. Schneiderman

Annina G. Knight P. Leveroni G. Kaemmerlen E. Martorana M. Espada D. Pilcher

Douphol R. van Allan E.M. Tizi E. Marabelli A. Porta D. Rubiera P. Gay

Gastone R. Leggate C. Ricci O. Hernandez S. Cordella E. Sánchez S. Cordella

D'Obigny R. Earle A. Snarsky J . Dene V. Priante M. Moncloa H. Wallen

Grenvil M. Beesley G. Sarti J . Sundqvist F. Sacchi L. Muzzi L. Roniédition Decca TDK Bel Air TDK Opus Arte DG

support DVD DVD DVD DVD DVD DVD

année 2005 2006 2007

direction F. Welser-Möst J. Conlon L. Maazel

théâtre Opéra de Zurich LA Opera Teatro alla Scala

orchestre Opéra de Zurich LA Opera Teatro alla Scala

chœurs Opéra de Zurich LA Opera Teatro alla Scala

mise en scène J. Flimm M. Domingo L. Cavani

décors E. Wonder G. Agostinucci D. Ferretti

costumes F. von Gerkan G. Agostinucci G. Pescucci

Violetta E. Mei R. Fleming A. Gheorghiu

Alfredo P. Beczala R. Villazón R. Vargas

Germont  T. Hampson R. Bruson R. Frontali

Flora K. Peetz S. Guzmán N. Petrinsky

Annina I. Friedli A. Alkimova T. Tramonti

Douphol V. Murga P. Kraus A. Paliaga

Gastone M. Christoff D. Montenegro E. Cossutta

D'Obigny R. Mayr L. Poulis P. Terranova

Grenvil G. Scorsin J . Creswell L. Roni

édition ArtHaus Decca TDK  

support DVD DVD DVD

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Mirella Freni

Avant celui de Zeffirelli, ce futaussi Le Film, presque populaire.De la bande-son, Jean Cabourg adit plus haut le caractère discutable.Les images de Wolfgang Nagel sont,à l’inverse du film précédent, ger-maniques de caractère comme dedécoration, sans grandeur – un côtéDDR qui s’offre le luxe, mais unluxe sans commune mesure avec leluxe «zeffirellien» à venir –, et sur-tout d’une banalité théâtraleconsternante (un caractère de dra-matique télé typique de l’époque,avec commentaires ajoutés en voixoff ). Cela sent le studio (le jardin etla villégiature de Violetta sont parti-culièrement désastreux), et après ladélicatesse chaleureuse de la réali-sation italienne, on tombe de haut.Pourtant, ce film-là eut son heurede célébrité en Europe, contraire-ment à la production italienne, res-tée plus confidentielle. Si cela se

regarde toujoursavec intérêt, c’estd’abord parce quela synchronisationest assez réussie(pour les deux pro-tagonistes en toutcas) pour qu’onn’en soit pas gêné.C’est surtout parceque Mirella Frenidomine le proposvisuel par sa na-ture chaleureusemême (ce que neferont ni le côté unpeu bravache deBonisolli, ni lemanque d’expres-sivité de SestoBruscantini, tropoccupé par la sau-vegarde de sesnotes pour animerson visage). Mêmesi elle composeune courtisane

plus proche deMimì que d’unedemi-mondainerayonnante, l’émo-tion lyrique arrive à transcender un

 jeu visiblement trop désincarné parles contraintes du tournage en stu-dio pour se laisser aller aux débor-dements expressifs que la voix oseparfois. Bref, on eût ici aimé un vrail ive  plutôt qu’un corset biencontraignant.

Zeffirelli

Une décennie, plus tard, c’estl’absolu triomphe public que mar-que cette production célèbre entretoutes. On ne s’y arrêtera que pourfaire redonder le propos de la Dis-cographie et y ajouter que, mêmeen fermant les yeux, c’est souventpire que ce que l’on pouvaitcraindre. Certes, James Levine est

parfaitement solide et profession-nel. Certes, Plácido Domingo est le

seul qu’on accepte ici sans réserve.Mais toute l’admiration qu’on porteà Teresa Stratas, si magistralement,si fragilement humaine, ici commepartout ailleurs, n’y fera rien :l’écouter dans ce rôle qui la dépasseest une torture. Alors, ce succès, in-troduction réussie au monde de

l’opéra pour tant «d’innocents» quin’en cherchent que les fastes déco-ratifs sans en saisir le sens vrai n’estpas le moindre des paradoxes depareille entreprise.

Les captations historiques

Si, dans les années 1970 à 1990,elles demeurent toujours aussi nom-breuses, ce qui change fondamenta-lement, c’est que désormais de vraies

vedettes s’y confrontent à un rôlequ’elles ont parfois aussi marqué enscène comme au disque. RenataScotto, Beverly Sills, Sylvia Sassmême, Ileana Cotrubas, Edita Grube-rova y prennent désormais le pas surles Violetta moins marquantes de

Vidéographie

136 L’Avant-Scène Opéra

Mirell a Freni (Violett a) , mise en scène deLuchino Vi sconti , Covent Garden, Londres 1967.

Archives du Covent Garden, Londres.

Teresa Strat as (Violett a) , mi se en scène de Franco Zeff i rell i . BnF, Paris.

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Wilhelmina Fernandez (à Paris en1983, dans la production de Jean-Pierre Ponnelle), de Nelly Miricioiu(par deux fois), d’Elena Mauti-Nun-ziata, de Christine Weidinger, de Lu-cia Aliberti, aux côtés des Alfredo dePeter Dvorsky, Vincenzo La Scola,Luis Lima, ou des Germont de Re-nato Bruson, Louis Quilico, MatteoManuguerra, Juan Pons…

Difficile toutefois de tout trouver,nombre d’entre ces témoins parfoisfanés demeurant le fait de la copieprivée. Mais l’édition commercialene s’y est pas trop trompée: quelleque soit la qualité des productions,c’est la

diva qui fait vendre.

Renata Scotto au Japon

Il en va ainsi pour cette produc-tion italienne de troisième rang, ab-solument insipide, définitivementlaide, exportée et captée quelquepart en tournée au Japon. Malgréune édition commerciale lamen-table – mais la récente réédition enDVD améliore peut-être les choses

–, image baveuse à dominante mar-ron rouge, son aléatoire et souventsaturé, un chef qui vous dérouletout ça au mètre, sans une onced’esprit, cela permet de juger de laprésence scénique de la seule héri-tière «directe» de Callas dans cerôle, Renata Scotto. Année 1973, lephysique de phtisique replète n’estabsolument pas convaincant, et lavoix bouge nettement dans l’aigu(elle savonne, fâchée avec la jus-

tesse); mais l’art du chant belcan-tiste impose son charme bien au-delà de la gaucherie académiqued’une actrice totalement livrée àelle-même, plus attentive à bienchanter et à bien se montrer qu’àémouvoir vraiment. Ainsi, «Èstrano» est d’une vraie introspec-tion, avec des moments de grâcedans les notes filées, dans les cou-leurs encore magiques.

Son Alfredo est un Carreras jeune

et charmant, mais tout autant livréà lui-même: guère d’efforts de styleou de tenue, la nature simplement.Bruscantini est, lui, abominable:voix hachée, vibrato gigantesque,tout dans le nez – à quelques moisde sa prestation filmée, il a tout

perdu. Bref, voilà un témoignage del’art lyrique dans ce qu’il a de plusbassement commercial. Plus irre-gardable qu’inécoutable d’ailleurs.Mais historique quand même.

Beverly Sills aux Amériques

Produit grand public encore, gen-timent commercial, et typiquementaméricain. Nous voici en plein air,au festival de Wolf Trap, où l’on im-porte pour un soir la production del’Opéra de San Diego, colorée au-tant que chargée (façon Lila de No-bili du pauvre) et d’accent bienaméricain (chœur inénarrable).Maître d’œuvre, un Julius Rudeladéquat, un rien lourdaud, plus parla retenue des tempi que par la ma-tière même de son orchestre. L’at-traction, c’est bien sûr Beverly Sills,dents blanches, sourire hollywoo-dien, l’aisance incarnée, malgré unâge que la caméra ne tente pas decacher. Traviata princesse pour unpeuple de cow-boys: on n’est pas siloin de Sissi impératrice, mâtinée

d’Annie du Far West. Il y a desgestes qui ne trompent pas et quinous renvoient toujours quelquepart à Brooklin ou à Broadway,mais avec le glamour que sait s’im-poser l’Amérique. Ce qui rendra le«Sempre li bera» tout simplementanthologique. D’autant que ladame est en grande forme vocale, siépanouie qu’une fois encore, onaura du mal à croire à sa fragilité…Défaut qui fera du duo avec Ger-

mont (bon, sonore, noble) unsimple exercice de style de scène,sans lui enlever pourtant une vraiecharge émotionnelle. Un joli ténorsans vraie puissance, plein de bellesmanières vocales (l’entendait-on aufond de l’arène?), complète ladonne d’une Traviata au filtre amé-ricain.

Cotrubas à New York 

À côté de cela, le Metropolitan,c’est la classe absolue. La productionde Colin Graham affiche un goût dé-coratif parfaitement convenient dansla surcharge et une direction d’ac-teurs totalement adaptée à ses chan-teurs, fringante pour Domingo,

paralysée pour Cornell McNeil, lan-guide pour Cotrubas. C’est elle quiest bien entendu le centre d’intérêtde cette captation, qui expose par-faitement cette fragilité, cette vulné-rabilité qui sait se faner au fil desactes, et que la chanteuse fait si ad-mirablement passer au disque.

Ne regrettons pas la productionmunichoise, où elle partageait la ve-dette avec Carlos Kleiber: elle étaitd’une épaisseur teutone désas-treuse. Mais là, au moins, le chef latranscendait. James Levine secontente de l’accompagner, sansgrand nerf; jamais on ne vibre, nipour elle, ni pour Domingo, et l’onse contente alors de leur personna-lité scénique habituelle, tendre etun peu fade pour elle, plus atta-chante pour lui, surtout lorsqu’ilsort de la convention du ténor brasballants. McNeil est, lui, inexistant,laminé, affreux parfois. Le tout n’endemeure pas moins une approchetraditionnelle très cohérente et élé-gante.

La Traviata en AustralieL’Opéra de Sydney a beau être

l’un des fleurons de l’architecturedu XXe siècle, ses productions sontgénéralement d’un traditionalismeachevé, et sa troupe ne peut se me-surer aux élites du Met. Cette Tra- viata de 1987, créée pour la Stu-penda et captée avec J. Carden, nefaillit pas à la règle, avec son tonmarronnasse généralisé qui masque

des détails décoratifs sans douteprécieux, perruques pesantes, robesempesées, moustaches imposantes,foules banalisées, direction d’ac-teurs totalement «opératique».

Une direction animée et présentede Carlo Felice Cillario, une bonneVioletta, à l’aise en scène, et mêmeémouvante, avec une voix parfaite-ment adéquate, précise, personnali-sée, sinon belle, qui se sort à sonhonneur du premier acte malgré un

aigu un peu asséché; un ténor so-lide, mais sans poésie; un barytonbien trempé, une équipe adéquate,où l’on chante plutôt pincé, toutcela est professionnel, mais ne dé-passe, hélas, pas l’intérêt local.

L’Avant-Scène Opéra 137

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Sutherland, hélas

Un seul acte, le dernier, lors d’ungala trop tardif au Met, c’est ce quinous reste de la Violetta de Joan Su-therland. Hélas, c’est l’une des plusbelles horreurs que la vidéo aitmises à son catalogue: c’est peu dedire que ce document servile des-servira la mémoire de la Stupenda.Et Luciano Pavarotti n’est pas à sonplus inspiré. Cela sent la monda-nité et le public prêt à tout pourvuqu’il ait ses stars. À éviter, par res-pect pour la diva, alors qu’on peutchercher, pour sourire au moins,l’une de ses géniales apparitionsdans la célèbre série Who’s afraid of opera : en compagnie des Muppets,elle se moque gentiment d’elle-même et du genre, avec des qualitésde voix et de présence autrement sé-duisantes. Tout comme dansquelques extraits de différentesémissions de télévision, façon récitalde studio, années 1960-1970, que

 You Tube permet désormais de sa-

vourer sur le Net. Régal musical au-trement garanti.

Glyndebourne en équipe

L’idée de monter la Traviata àGlyndebourne avait surpris en sontemps, et le produit qui reste decette aventure est assez étrange. Il ya d’abord le fait qu’aucun des inter-prètes ne pourrait sans doute tenterl’aventure dans un plus grand thé-

âtre (c’était non l‘actuel, mais le pré-cédent, avec ses 800 places seule-ment). Bernard Haitink, conscientde cela, impose une leçon orches-trale fascinante, tant par sa lenteuret sa délicatesse que par sa densité,qui renvoie parfois au Verdi de Don Carlo , et lui donne un discours nar-ratif extraordinaire. Cela sonne tou-

 jours admirablement, même si par-fois un peu solennel. De toute fa-çon, les interprètes ne pourraient

accepter une battue plus brillantelors des morceaux de bravoure. Pe-ter Hall ne cherche pas non plus àtirer de l’œuvre brillant et superfi-cialité. On le sait toujours plus àson aise à décrire les mœurs bour-geoises que les éclats des dieux ou

des héros d’opéra. Ici, ses person-nages ne sont en rien des géants bri-sés mais des êtres tendres, broyéspar leur petit destin. S’ils souffrenteffectivement, ils ne semblent paspouvoir se laisser aller et exprimerleur déchirure à la mesure qu’on enattend: tout sera retenu, lors mêmeque l’héroïne se découvre dans l’im-passe. Une simple expression pho-tographiée de Callas au jardin deVisconti et toute une scène de MarieMcLaughlin au deuxième acte mon-trent le fossé qui sépare les con-ceptions du personnage, comme sil’Angleterre se refusait encore à l’ex-pression du sentiment. Qui plusest, la chanteuse n’a pas les moyensréels de Violetta, l’aigu est court, leton trop sage, appliqué, le timbrepincé. Le personnage est trop atten-tif, honnête en fait, sans faute, maissans rayonnement vocal ou phy-sique. Comme souvent dans ce cas,c’est l’acte III, par sa simplicité li-néaire, qui est le plus convaincant.Honnête aussi, l’Alfredo de Walter

McNeil, avec un côté Kraus dans letimbre mais pas de splendeuractive; et là aussi, une prudence etune lenteur qui montrent les li-mites d’agilité du chanteur. Avec unGermont bonasse comme rare-ment, voilà une Traviata sous-di-mensionnée mais intelligente etsensible. Et de ce fait, une curiositéattachante.

Muti à La Scala

À La Scala, ce fut alors un événe-ment. Qu’en reste-t-il en vidéo?Une version de chef, bien entendu,à l’opposé absolu de celle de Hai-tink. Avec un Riccardo Muti tou-

 jours très sûr de lui, mais moins pé-remptoire qu’en ses débuts. JeanCabourg là-dessus est parfaitementclair (cf. Discographie). La vidéomontre que, comme souvent avec ladirection de La Scala de l’époque, la

scène n’est pas au même niveau quela fosse. Liliana Cavani semble dé-calquer une mise en scène connue,créant comme un palimpseste de laversion locale qu’on ne peut ou-blier. Mais si cela donne du Vis-conti, c’est façon Canada dry , sans le

goût! C’est laid dans la surcharge etbien platement dirigé. Tiziana Fab-bricini est aussi à la recherche deson fantôme, qu’elle est à centlieues de pouvoir reproduire: sousson catalogue de gestes photogra-phiés, rien de vécu, et vocalement, àquelques engagements près, biendes désastres. Roberto Alagna, ducoup, paraît magnifique (bien quepas toujours rigoureux), mais semontre raide acteur. Un piètre té-moin pour ce temple verdien qu’estLa Scala.

Gruberova à VeniseUn sol violet, des murs tendus de

noir, quelques meubles et costumesverts ou rouge… la production dePier Luigi Pizzi ne sort de laconvention que par ces couleurstranchées et non par une directiond’acteurs intense: c’est aussi mouque la direction de Carlo Rizzi. Surce spectacle de La Fenice, Jean Ca-bourg a exprimé ses réticences mu-

sicales, en réservant ses fleurs à lacantatrice (cf. Discographie). Enfait, Edita Gruberova s’occupe sur-tout de son bel canto démonstratif ;on le sait bien, elle n’est pas une ac-trice étonnante. Au moins joue-t-elle le jeu avec ses moyens. Mais cen’est pas ici qu’on trouvera une pré-sence hallucinée, même si le der-nier acte la montre assez défaitepour convaincre. Neil Shicoff estaussi peu investi qu’il sait parfois

l’être, et campe un Alfredo qui pa-raîtra presque plus chenu que sonpère. D’autant que Giorgio Zanca-naro est le contraire d’un bloc deglace et rayonne de sympathie.

Rien de tout cela n’est hélas ma- jeur, et l’on s’étonne presque queWarner ait mis sur le marché de lavidéo ce produit visuel sans grandrelief. Mais les noms sont tels…

Gheorghiu et Solti

à Covent Garden

Avec Solti, c’est tout l’opposé dela version scaligère. Il faut voir le vi-sage du vieux maître et son sourirelatent, si différent de la rigidité deMuti. On peut trouver à redire à son

Vidéographie

138 L’Avant-Scène Opéra

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Verdi mais il a le charme de saconviction. Sans la prétention decelui de Cavani, le spectacle de Ri-chard Eyre et Bob Crowley a le mé-

rite d’une modernité moins étouf-fante et d’une direction d’acteurs ef-ficace. Sinon, tradition pas morte,on n’aura là non plus rien de vrai-ment neuf. Malgré bien des défautsvocaux, la future vedette Decca im-pose visuellement ce quelque chosequ’elle a et qui vous saisit, vous at-tache, vous retient ; sa réussite estsurtout au deuxième acte, la fin lamontrant trop vivante, pas assez dé-vastée pour qu’on garde la même

impression d’intense présence. Maiscela renvoie ses partenaires au seulrang de faire-valoir : Lopardo setient mieux qu’il ne chante, Nuccin’essaye pas même de cacher ses dé-fauts par une présence illusoire.

Captations récentes

Non publiées, bien d’autres ver-sions ont alimenté les soirées télévi-suelles de leurs couleurs, sans bou-leverser la donne comme le fit la re-transmission l ive de la soirée Soltiau Covent Garden, improvisée parla BBC devant le succès des repré-sentations en cours et sanctionnéepar une audience trois fois supé-rieure à la moyenne. Citons, sanspassion, Deborah Riedel et DavidKuebler, dirigés par Graeme Jenkinset Misjel Vermeiren à Amsterdam;Fionnula McCarthy et FrankO’Brien, sous la tente blanche d’unPromenade Concert irlandais de1994, ou l’incursion de l’œuvre àOrange, la Traviata sur gazon vertsynthétique, avec un Alagna somp-tueux qui l’emporte sur la seule-ment bonne Kathleen Cassello. Ou

encore, à Bordeaux, dans l’écrinmoiré de transparences de Zam-bello – autrement fine qu’à Orange–, une Leontina Vaduva fort bien di-rigée mais nettement dépassée dansle premier acte.

La relève?

Quelques années passent ainsisans qu’on puisse voir se leverl’astre qui justifie l’impératif d’unecaptation. C’est aussi que l’opéra té-lévisé semble s’essouffler, fauted’investisseurs. Il faut attendre leXXIe siècle pour que le mouvements’accélère à nouveau, avec la hautedéfinition : huit nouvelles versionsoffrent désormais le témoignaged’un renouveau autant que d’unchangement, et aussi de la commer-cialisation à tous crins de la vidéod’opéra, quelle que soit la qualitédu produit capté.

L’Avant-Scène Opéra 139

Angela Gheorghi u ( Violett a) et Frank Lopardo (Al fr edo) , mi se en scène de Richard Eyre, Covent Garden, Londres 1994. C. Ashmore 

Edit a Gruberova (Violetta) .Fayer, Vi enne.

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Centenaire oblige:

Gvazava et Cura…

 Janvier 2001, la communautémusicale fête le centenaire de lamort de Verdi : quoi de mieuxqu’une Traviata en mondovision eten prétendu live pour fédérer l ’évé-nement? Live signifie ici tournageen continu pour chaque acte (uneprouesse, c’est sûr), et en lieux natu-rels: on fait, sans les moyens de Zef-firelli, du naturalisme de bon aloi,salons parisiens et jardins ver-saillais… tout est dans le détail, lebon ton, sans excès, avec cette véritéde l’image qui engendre le succèsdes bonnes dramatiques TV d’au-

 jourd’hui. Du vrai travail, mais nidu grand cinéma, ni du grandthéâtre. Les acteurs sont en tout cascrédibles: Eteri Gvazava, dont ce futl’heure de gloire, est mince, sombre,attachante, José Cura est ce qu’il estpar nature, un tombeur séduisant.Mais du côté musical, le bât blesse.

Même si Mehta fait comme toujoursdans l’efficacité, les prestations vo-cales ne sont pas à la hauteur: ellepossède une fort jolie voix, certes,mais pas à la mesure des exigencesde Violetta, qui la dépasse; lui atout, sauf le style et la tenue. Quantà Rolando Panerai, s’il dépasse par-fois l’acceptable dans le déclin, ilfait, par contraste, bonne mesure destyle et de sensibilité absolue,comme le témoin d’une époque dé-

sormais révolue. Un événement té-lévisuel comme on sait si bien lesorganiser et les vendre désormais?Oui. Mais une Traviata ratée, sur-tout, que la Warner – qui a publié labande-son – ne semble pas presséede mettre sur le marché.

… et Stefania Bonfadellià Busseto

Pour le centenaire du composi-

teur, Busseto avait remonté uneAida petit format – taille de la scèneoblige – et en décors quasi origi-nels. L’année suivante, fort d’un réelsuccès, c’est la Traviata qui fut choi-sie, et tout l’intérêt de l’expériencetient dans le minimalisme scénique

imposé par la structure même de cetrès petit théâtre, aux moyens si

éloignés de ceux des grandes scènesinternationales. Franco Zeffirelli,obligé à moins de délire décoratif comme à moins de dépenses, jouel’élégance chargée, et non surchar-gée, mais n’en profite pas vraimentpour animer une direction d’acteursfade. Et la direction musicale dePlácido Domingo, très attentive auchant, bien entendu, se montresouvent plus appuyée qu’inspirée.L’intérêt se porte alors sur l’équipe

vocale, résolument jeune, et quitient sa partie de façon fort hono-rable: bon Alfredo de Scott Piper,un peu monotone, et retour à la tra-dition d’un soprano léger pour laVioletta de Stefania Bonfadelli, quien plus du physique du rôle, a lesens de l’incarnation, et fait unsans-faute musical. Mais sans l’ap-port vital d’un chef et d’un metteuren âmes, leur jeu et leur expressionrestent stéréotypés. Un «D ite a la 

giovine » aussi peu saisissant en ditlong là dessus. Du coup, RenatoBruson, un peu froid, n’en paraîtpas moins un monument de chant,malgré les ans qui ont marqué soninstrument de façon évidente. L’ex-périence, comme à Glyndebourne,

appelle plus la sympathie que l’ad-miration.

Ce qui suit va désormais affichertout autre chose, avec comme pre-mière constante, un renouveau del’approche scénique. Avec Muss-bach, Carsen, Decker, Pizzi même,on sort enfin du réalisme des ve-lours et plantes vertes des salonsXIXe. Et avec Ciofi et Netrebko, degrandes Violetta sont à nouveauprésentes sur scène.

Mussbach à Aix-en-ProvenceAinsi, si l’on choisit de titrer ici

avec le metteur en scène, c’est quec’est lui qui prend la vedette, pourun spectacle radical et très person-nel, hélas avorté dès la premièrepour cause de crise des Intermit-tents, sauvé – et magnifié, qui plusest – par un travail de captation ma-gistral signé Don Kent. Déroutanteassurément, la proposition de Peter

Mussbach: en déplaçant la Traviata du côté de Deep Purple ou de Mul - holland Dr ive , il offre un portrait dela société d’aujourd’hui, dure, gla-ciale, perdue dans les projectionsmouvantes d’une autoroute de lamort, avec pointillisme des bandes

Vidéographie

140 L’Avant-Scène Opéra

Mireil le Delunsch ( Violett a) , mise en scène de Peter Mussbach, Fest ival d’Aix-en-Provence 2005. E. Carecchio.

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blanches et tunnels de béton,comme un voyage au Léthé sous lapluie, pour une Violetta jumelle deMarilyn, poupée blond platine sur-gissant du néant en robe blanc fluo,regardant la mort venir et ressusci-tant un passé impossible, perdu,qui défile devant nos yeux, fanto-matique, hantant. Kent filme etmonte cela avec lui aussi l’œil deDavid Lynch, gros plans, chutes,éclairs visuels, comparses noirs etpresque abstraits dans une imageriemorbide ponctuée de flashes aussidérangeante que le vrai sens del’œuvre. Formidable impact visuel,formidable interrogation sur ce quesignifie la Traviata  aujourd’hui.Qu’importe alors que Mireille De-lunsch – dont la formidable dé-fonce théâtrale laisse pantois – n’aitpas, mais pas du tout, la voix deVioletta, que la distribution soitsans éclat vrai, et seulement bien di-rigée? On est fasciné, car rarementl’objet «vidéo d’opéra» aura eu au-tant de sens et d’identité: un uni-vers autre, et donc une approche

autre et non une simple mise à platd’écran d’un spectacle – même dif-férent lui aussi. Bref, une versionsingulière, fortement recomman-dée, mais pas aux amateurs de bel canto pur.

Ciofi et Carsen à Venise

Lui aussi moderne de vision,mais bien plus traditionnel aufond, le spectacle de Robert Carsen

revêt l’action des habits d’un au- jourd’hui très efficace, sans pour au-tant jouer la carte des arrière-planset autres contenus psychologiquesde tant de ses productions. Bien en-tendu, le regard est cruel, quandVioletta se donne au baron pendantqu’Alfredo chante l’espoir d’un len-demain encore incertain, quandl’amour des amants se déploie surun sol jonché de billets de banque(des dollars à l’effigie de Verdi !) qui

tombaient déjà en pluie au tableauprécédent. Pas d’indulgence, unegrande lucidité même, une Traviata des années sida, dirent certains,mais l’ensemble n’en est pas moinsd’une grande élégance et mêmed’une grande poésie, avec cette

fausse forêt présente à chaque ta-bleau, gigantesque photo envahis-sante au deuxième acte où elle de-vient écrin magique, qui se réduiracomme peau de chagrin à travers lesbâches plastiques des travaux in-achevés d’une vie qui, elle, s’achèvetrop tôt.

Ce qui fait l’évidence du spec-tacle c‘est une vraie direction d’ac-teurs, comme sait la construire Car-sen, et qui sera prise en charge parles acteurs eux-mêmes – cela nes’applique pas au Germont de Dmi-tri Hvorostovsky, aussi placide et in-différent qu’à son habitude –, enparticulier par une Patrizia Ciofi ad-mirable, qui séduit autant par labeauté de sa silhouette longiligneque par ses traits qui se défont peuà peu, depuis les photos glamour que lui rapporte Alfredo jusqu’àson visage ultime de spectre. Car saVioletta n’est pas la joie de l’illu-sion, mais la conscience, la lucidité:dès le début, elle sait! Et l’on re-trouve à nouveau avec elle le niveaud’une Violetta de classe, fragile d’as-

pect autant que sûre de son chant.Certes, l’ambitus est à ses limites,mais la technique supplée, admira-blement. Manque un rien de déchi-rement, d’abandon personnel pourqu’on soit anéanti : le chant demeureleçon, jamais dévastation. Restequ’alentour, c’est moins convaincant:Hvorostosky se contente de chanter,sinon d’exister, et Roberto Saccà,même s’il s’améliore d’acte en acte, n’apas le plus beau timbre qui soit pour

un Alfredo, fort crédible au demeu-rant. Quant à Lorin Maazel, il tra-verse l’œuvre de façon étale et bien-venue, avec son habituel profession-nalisme, sans émotion particulièremais sans lourdeur. Un peu plusd’engagement n’aurait pas nui : Soltisemble, à son aune, un foyer ardentet déchiré. Détail intéressant maisqui demande à l’auditeur une par-faite connaissance de la partition,on joue ici la version originale de

l’œuvre et non la version définitive.

Pizzi à Madrid

Pier Luigi Pizzi revient à la Tra- viata à Madrid en 2005 et joue, cettefois, du luxe de la vision (somp-

tueux double décor chez Violetta,salon et chambre blancs visibles parmoitié, mais aussi nudité d’un litblanc sur un simple fond noir) et dela distanciation temporelle – cos-tumes et uniformes, nous voici à Pa-ris sous l’Occupation, sans que celan’apporte grand-chose de neuf surl’éternité du contenu de l’œuvre.Mais la production fonctionne bienet se laisse regarder. Ce qui fonc-tionne moins bien, c’est la distribu-tion. Norah Amsellem a beau avoirune personnalité et un timbre atta-chants, elle ne peut assurer une do-mination naturelle du rôle: justesserelative, aigus ouverts, le «

Sempre l i- bera » est engagé mais insatisfai-sant… alors que son «Addi o del pas- sato » fait grande impression etémeut véritablement. Dommage,avoir filmé ce qui fut une prise derôle était en fait prématuré. JoséBros est sympathique, lui aussi bientrop limité pour Alfredo. Bruson estde plus en plus l’ombre de ce qu’ilfut, même si sa dignité ne sauraitêtre mise en cause. Jesús López-Co-

bos dirige en alternant vivacité etplacidité. L’ensemble méritait peut-être la retransmission télévisuelle,mais assurément pas la publication,surtout l’année du magistral retourde l’œuvre à Salzbourg.

Netrebko, Villazón et Deckerà Salzbourg

Et ce retour fut une absolue réus-site. La production de Willy Decker

est aussi radicale que celle de Muss-bach dans sa modernité, mais au-trement aisée à accepter: une scènenue, en forme de croissant, un longbanc, un mur circulaire, tousblancs, et une gigantesque horlogenoire pour marquer le temps si né-faste. Dans de superbes éclairagesbleus, Decker expose les acteurscomme jamais, et c’est à eux qu’ildemande tout: ils lui offrent tout,leur jeunesse, leur beauté, leur en-

gagement, leur folie. C’est d’autantplus formidable que la caméra deBrian Large, si souvent placide etpeu inspirée, trouve ici à chasser lesvisages, les carrures, la vie des pro-tagonistes comme rarement; lemontage est vivant, explosif même,

L’Avant-Scène Opéra 141

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le résultat irrésistible, et renvoietant de Traviata de légende vues ouseulement imaginées au passé, défi-nitivement. Car au-delà du conceptde la mise en scène, c’est à une autrefaçon de faire l’opéra qu’on assiste

ici, moderne, directe, sans tout cedécorum si lourdement «authen-tique» mais désuet.

Irrésistible donc, Anna Netrebko,qui nous offre une leçon musicalequasi parfaite – on entend certainesrespirations et de minuscules ef-

forts, mais c’est du direct, et celavaut surtout comme témoin de soninvestissement d’actrice qui sedonne à fond. Actrice moderne etnon diva empesée dans ses habi-tudes, hallucinante de mobilité et

de vérité. Irrésistible encore, Ro-lando Villazón : la voix est petitepour le rôle, mais il s’en sert avectant d’énergie, de projection, depassion, de musicalité, de naturel,et il joue avec tant de candeur, d’in-nocence, de vitalité, qu’on ressent

aussi la même vérité d’incarnation.On ne résiste pas, on adhère, onfond. En face de ces deux forcesvives, Thomas Hampson fait un

peu – le rôle le demande – vieux jeu, sinon vieux théâtre; mais aumoins la vérité de son chant, si peuverdien de nature (sa façon de ha-cher la phrase, surtout), si maniérémême, n’empêche pas son évi-dence. Carlo Rizzi conduit le tout àl’incandescence, parfois de façontriviale, mais toujours efficace.

Inutile alors de s‘interroger sur cequi fit que cette Traviata porta au fir-mament de la renommée mondiale

ce nouveau couple du lyrique: on alà la référence moderne et priori-taire pour l’œuvre en vidéo qui,comme toujours, avec l’apport del’œil, gomme les quelques rares im-perfections que l’enregistrement au-dio laisse percevoir.

Flimm à Zurich

 Toute autre ambiance dans laproduction de Jürgen Flimm à Zu-

rich. Retour au XIXe siècle finissant– façon Lavelli à Aix, mais sans sonacidité d’analyse –, oscillant jus-qu’aux années 30 du suivant. Le faitd’avoir planté des salades au pre-mier plan à l’acte II n’ajoute pasnon plus de vertige à un spectacle

Vidéographie

142 L’Avant-Scène Opéra

LA TRAVIATA - Quelques captations non commercialisées

année 1966 1967 1976 1982 1993

direction L. Maazel C. M. Giulini M. Plasson J. Levine M. Plasson

théâtre Nissei Tokyo Covent Garden Aix-en-Provence Metropolitan Orangeorchestre Deutsche Oper Covent Garden Orch. du Capitole Metropolitan Toulouse

chœur Deutsche Oper Covent Garden Orch. du Capitole Metropolitan Toulouse

mise en scène G. R. Sellner L. Visconti J. Lavelli C. Graham F. Zambello

décors F. Sanjust N. Frasca M. Bignens T. Moiseiwitsch B. Schwengl

costumes F. Sanjust V. Marzot M. Bignens T. Moiseiwitsch

Violetta P. Lorengar M. Freni S. Sass I. Cotrubas K. Cassello

Alfredo F. Tagliavini R. Cioni R. Karczykowski P. Domingo R. Alagna

Germont D. Fischer-Dieskau P. Cappuccilli Y. Mazurok C. MacNeil P. Con

Flora S. Wagner A. Howells E. Phillips A. Bybee C. Keen

Annina G. Mikes E. Bainbridge C. Ciesinsky G. Decker D. Lamprech

Douphol E. Krukowski G. MacPherson J . Trigeau J . Darrenkamp A. Vernhes

Gastone K. E. Mercker J . Lanigan R. Franc D. Talley J .-P. FurlanD’Obigny E. Garrett X. Tamalet J . Robbins J . Robbins

Grenvil D. Kelly F. Furlanetto W. Fleck W. Fleck A. Vernhes

édition NHK BBC INA Metropolitan INA

année 1997 2001 2008

direction M. Benini Z. Mehta P. Carignani

théâtre Orange Bordeaux Gare de Zurich

orchestre Bordeaux RAI Opéra de Zurich

chœur Bordeaux Solisti cantori Opéra de Zurich

mise en scène F. Zambello G. Patroni-Griffi A. Marthaler

décors M. Draghici Ch. Siret

costumes M. Draghici J .B. Corazzari F. von Gerkan

Violetta L. Vaduva E. Gvazava E. Mei

Alfredo A. Portilla J . Cura V. Grigolo

Germont E. Tumagian R. Panerai A. Veccia

Flora  J . Fontana S. Farman K. Peetz

Annina N. Monestier M. Léger L. Chuchrova

Douphol A. Romero N. Rivenq G. Bermudez

Gastone D. J ones A. Gabriel B. Bidzinski

D’Obigny B. Auzimour G. Gatti R. Mayr

Grenvil  J .-P. Bogart V. Sarah-Sierra T. Slawinski

édition RAI ARTE

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moyen, guidé par une vision nostal-gique et sombre, comme déjà mar-quée par sa fin inéluctable: couleursautomnales, bleus foncés, peud’éclat, tout est déjà joué, sans vie.La Violetta d’Eva Mei sera ici la plusrésignée, la plus triste des incarna-tions: sage, absente presque, rete-nue, digne certes, mais si peu vi-vante. À ne surtout pas voir aprèscelle de Netrebko. Et commeHampson campe les caricatures devieillard laid et antipathique, et quePiotr Beczala ne sait pas jouer, celafinit par devenir fort ennuyeux.

La bonne tenue musicale d’en-semble vient surtout de l’excellentefaçon qu’a Franz Welser-Möst d’ani-mer son orchestre et de soutenir leschanteurs d’une pâte émotive réelleet raffinée. Eux restent honorables,mais pas convaincants pour autant:limites évidentes pour elle pendanttout l’acteI – ce sera moins péniblecomme souvent par la suite – sonchant est tenu, élégant, mais l’aiguest parfois arraché. Lui chante de fa-

çon fort stylée, mais monotone etnon investie, et s’avère aussi peuconvaincant comme chanteur quecomme acteur. Hampson sembleplus anti-verdien de style encorequ’à Salzbourg. Rien d’indigne danstout cela, mais on aimerait plus depassion et de conviction.

Renée Fleming à Los Angeles

Le glamour de l’affiche est sans

doute ce qui compte le plus dans laversion de Los Angeles. C’est allé-chant, et d’autant plus décevant. Onn’attendait certes pas grand-chosed’une production inexistante: MartaDomingo ne sort jamais de la tradi-tion la plus routinière et ne sait ani-mer ses personnages d’autre ma-nière que conventionnelle, leur lais-sant la liberté d’être eux-mêmes. Cequi apparaît, dans le cas de RenéeFleming – qu’on sait actrice si peu

viscérale –, désastreux: commentcroire à ses poses, ses mimiques, sesgrimaces, pire, à ses sanglots. Lagloire de la voix demeure, même sielle nage trop librement dans labattue de Conlon, fort adéquate.Villazón reste excellent, mais sur-

 joue, sans le naturel si convaincantqu’il offrait à Salzbourg. On le sentplus en démonstration, moins àl’aise vocalement. Bruson continue,lui, dans la dignité, à exposer unevoix désormais défaite. Rien de pas-sionnant dans tout cela, sinon lapreuve que la commercialisation àtous crins des prestations d’une ve-dette n’est pas une garantie de per-fection, ce qui n’est bien entendupas nouveau.

Gheorghiu à Milan

La dernière version publiée estune reprise, celle de la productionscaligère de Liliana Cavani. Elle de-meure inchangée dans ses choix deréalisme grandiose et de passéismebien traditionnel. Ce qui vaut le re-gard, c’est le retour d’Angela Gheor-ghiu au rôle, quatorze ans aprèsLondres: la diva est toujours aussisculpturale, plus mûre bien en-tendu, plus assurée, moins fragileau fond (on parle de nature, non de

 jeu), mais sa dimension demeureexceptionnelle et incontestable. Le jeu est efficace, parfait d’expressionpour la scène, assez froid tant que lechant ne prend pas feu: c’est dans legrand dramatisme, dans ses explo-sions vocales qu’elle s’exprime lemieux en fait. Son adieu à Alfredo àl’acteII est d’une puissance drama-tique incontestable, alors que le«D ite alla giovine » reste sur ses ré-serves émotionnelles, plus démons-

tratif de ce que peut faire une trèsbonne actrice que comme défoncepersonnelle. Mais le duo chez Floraet le grand ensemble sont assuré-ment volcaniques. Et dans la scènefinale, la fragilité, un rien composéecomme chez Cotrubas, mi-co-quette, mi-mourante, n’en demeurepas moins d’une émotion réelle.Vargas chante vraiment très bien,reste à la surface des choses en ma-tière d’émotion, joue de façon cré-

dible… et n’est décidément pasphotogénique. Frontali est un bonGermont, expressif sinon magni-fique de chant, et la troupe montreque La Scala va plutôt bien. Quantà Lorin Maazel, bien loin de l’hédo-nisme expressif de Muti, il déroule

la partition sans donner l’impres-sion d’y déverser passion et émo-tion autrement qu’avec un réel pro-fessionnalisme et une petite ten-dance à laisser traîner la phrase iciou là. Pour les traditionalistes, voicicependant un excellent repli, et l’in-verse absolu de la version salzbour-geoise – mais sans son irrésistibleénergie. On peut gager qu’ils ne pri-seront guère la version annoncéepour fin septembre 2008 sur Arte,filmée dans la gare de Zurich entretrains et voyageurs, et mise sur lesrails par le trublion Adrian Martha-ler, le vidéaste des fameuses

Visions .

Avec Eva Mei, Vittorio Grigolo etAngelo Veccia et les forces del’Opéra de Zurich sous la baguettede Paolo Carignani. Une prouessequi devra beaucoup, pour exister, àla mise en images de Felix Breisach.Présage à d’autres façons de fairel’opéra demain? On verra…

Un choix, alors? L’étouffant Zeffi-relli est de toute façon gagnant au-

près du grand public ignorant des«vraies valeurs» de l’opéra. Mais laversion de Salzbourg, proche del’idéal, séduira tout amateur, avecles grandes vertus – et les petites im-perfections – du live en plus. Onn’oubliera pas pour autant, et pourdes raisons de vérité théâtrale, Soltiavec Gheorghiu, ni Maazel pourGheorghiu encore, ni Carsen avecCiofi. Et pour des raisons musicaleset cinématographiques tout à la

fois, Moffo avec Bechi. Reste aussique Mussbach est incontournable,mais pour nombre d’amateurs«hors sujet». Et qu’un coup d’œil àScotto, à Sills, et à quelques frag-ments – parfois surprenants – dis-ponibles sur You Tube ne sera géné-ralement pas sans intérêt.

Merci àSandro Cometta, N icole Huré,

Christi an Merl in et Elisabetta Soldini 

pour leur aide précieuse.

L’Avant-Scène Opéra 143

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La Traviata se produit désormaisau DVD : une seule captation audionouvellement commercialisée de-puis 2008 (cf . plus haut), contre septversions vidéo – plus la toute der-nière ouverture de saison de La Scala,dont l’édition commerciale ne sau-rait tarder. On passera sur St. Marga-rethen 2008 et Sydney 2012, musica-lement comme théâtralement in-dignes de la partition de Verdi.

Un témoin historiqueÉdité de façon marginale par la Bel

Canto Society, Milan 1954 est un té-léfilm réalisé par la RAI, et non unecaptation à La Scala. Mais même enstudio, la direction de Sanzogno estsouple et ductile, se laissant vite aspi-rer toutefois dans des rallentando ex-cessifs – pourtant elle retrouve tou-

 jours une ligne interne, une vie palpi-tante qui manque à bien des

captations récentes! Historiciste deton, la réalisation se veut intimiste etau plus proche des acteurs, comme sila caméra se glissait parmi les invitésde Flora. Les gros plans desserventcertes le drame quand ils documen-tent un Alfredo générique et pla-cide… Mais la Carteri ! Aussi belle ac-trice que grande chanteuse, elle nousdonne à vivre une part du mythe deces années 50… Sa Violetta, pulpeuseautant que brillante, idéalement aisée

dans la fioriture mais d’une chair vé-ritable dans lemedium de la voix, sertremarquablement le personnage –outre un physique séducteur et un vi-sage rayonnant qui sait capter la ca-méra et joue un théâtre/cinéma assezmoderne, sans excès, frémissant.Dans leur grand duo, Germont separtage entre une extrême attention àl’écriture musicale et un chant relati-vement monotone. Vivement uneédition digne de ce nom pour ce do-

cument historique!

Sans nécessité

En 2007 à Parme, Karl-Ernst et Ur-sel Herrmann ne parviennent pasà créer un univers véritablement

singulier, même si leur scénographieadéquate et leur direction d’acteursincisive est appréciable; au pupitre,

 Temirkanov tente des tempi excessifsqui virent au banal ou au bastringue;et vocalement, le plateau ne se dé-marque pas.

En 2009 à Liège, la régie criarde deStefano Mazzonis di Pralafera sou-ligne les verdeurs de Violetta, lephrasé scolaire d’Alfredo et le timbreélimé de Germont; une directionbruyante aux

tempi et enchaînement

sans profondeur achève de nous dé-tourner de cette autre captation épi-gone.

Londres, de nouveau

Londres 2009 fait partie des ver-sions que l’on peut conseiller, mêmes’il ne s’agit pas d’une référence ab-solue. La production – classique –de Richard Eyre est superbe à regar-

der et plutôt finement pensée, Pap-pano connaît son métier, et troisgrands artistes sont réunis. Si Fle-ming séduit par le miel de sa voix etle galbe de son chant, elle reste uneactrice extérieure à son personnage:Violetta est ici une star en démons-tration avant tout. Mais vocalement,quel couple de rêve avec le ténorracé et châtié de Calleja, qui renou-velle les canons d’Alfredo! Ajoutezle Germont fort intéressant sinon or-

thodoxe de Hampson – le compteest bon. Reste alors à choisir entrecette captation – pour ses Germontpère et fils –, ou la même produc-tion filmée en 1994, avec une Vio-letta autrement plus investie, cellede Gheorghiu…

Les inclassables

Dessay par Sivadier. Événementdu festival d’Aix-en-Provence 2011,

la première Violetta de Natalie Des-say marque, elle, d’une pierreblanche cette vidéographie. Non quela soprano ait les moyens vocaux del’ample et endurant lyrique néces-saire au rôle vocal. Mais son intelli-gence musicale et son instinct théâ-

tral suppléent à tous ses manques,au point de faire de certaines lacunescriantes (des raucités de registres,des sons blancs) des outils d’expres-sion au service, avant tout, du per-sonnage de Verdi. Charles Castro-novo est un Alfredo élégant et fé-brile, à sa juste mesure; et labaguette de Louis Langrée frémit dela même eau – le DVD améliorant ceque l’acoustique de l’Archevêchépouvait, en direct, laisser en creux.Distante et elliptique, la productionde Sivadier joue du théâtre dans lethéâtre sans que cela fonctionne par-faitement; mais par le biais d’acteursremarquablement lâchés en eux-mêmes, les tableaux du finale secondo et le troisième acte font mouche. Onnous a parfois reproché de citer côteà côte les noms de Callas et de Des-say; on persiste et signe, pour desraisons qui n’ont rien à voir avec lescatégories vocales préétablies: mais

la confusion entre femme et person-nage, voix de chair et chant de fic-tion, agonie phtisique et carrière àépines, sont terriblement proches. Etfont – c’est l’horrible règle des jeuxde l’opéra – partie du plaisir troublequi nous saisit quand cette Violetta,démunie, démaquillée, délavée – etcomme renaissante –, s’avance aubord d’une fosse qui n’a jamais sibien porté son nom.

Damrau par Tcherniakov. La plus

récente captation vidéo est aussi laplus paradoxale. On admire sans ré-serve le chant d’une des très raresinterprètes à réunir aujourd’hui«toutes les voix» requises pour Vio-letta: belcantiste et dramatique, pré-cise et ample, maîtrisant une voixlongue aux graves habités sans lour-deurs, aux aigus brillants sans aci-dité, une palette de nuances raffinéeet une endurance sans faille, Dam-rau scintille au I, flamboie au II,

s’éteint au III, le tout magistrale-ment, et recueille l’ovation de LaScala. Autour d’elle, un Ger-mont/Lucic qui privilégie la subti-lité, mais un Alfredo/Beczala auchant de bout en bout monocorde etforcé. En fosse, hélas, Daniele Gatti

Vidéographie

Mise à jour  janvier 2014 C hantal C azaux

144 L’Avant-Scène Opéra

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alourdit la partition, en dynamiquescomme en tempi , poussif chez Flora,traînant au III, épais de trait et d’in-tentions.

L’autre «événement» de cette ou-verture de saison à La Scala, c’est queStéphane Lissner a confié à Dmitri

 Tcherniakov cette nouvelle produc-

tion de La Traviata (une première de-puis celle de Liliana Cavani en…1990!). À force de l’entendre appe-ler «enfant terrible» ou «petit génie»de la mise en scène, on n’oseraitpresque plus avouer sa déception de-vant le travail du Russe. On sauvera

deux idées fortes: l’épaisseur drama-tique conférée au personnage d’An-nina, mi-amicale mi-maternante, lu-naire et visionnaire, remarquable-ment assumée par la soprano MaraZampieri ; et le dernier échange Al-fredo/Violetta, dessiné en duo dudésamour et menant à un «Gran D io 

mori r si giovine » chargé de colère etd’amertume plus que de désespoir.Mais à part cela, la production en-nuie, déroule des décors et costumesincohérents (les trois robes de Vio-letta: trois palmes de la laideur!),affiche ses partis pris (refus du mo-

nologue: chaque air est adressé à untiers présent sur le plateau et obser-vateur plus ou moins réactif ; refusde l’émotion : chaque situation oùelle pourrait poindre est refoulée du

geste ou de l’intention) sans nous enfaire sentir la nécessité ou la signifi-cation. Et pousse le «génie» du sous-texte (?) aux confins du ridicule, enfaisant d’Alfredo un fétichiste de lapâtisserie… Entre pâte à gâteau ettartelette meringuée, on se pincepour conserver le souvenir du seul

 joyau de la soirée: sa Violetta.

Aix-en-Provence 2011, pour l’al-liance Dessay/Sivadier, et Milan

2013, pour l’éblouissante Damrau,sont ainsi les seules nouvelles pro-positions véritablement dignes des’ajouter aux conclusions de notreconfrère Pierre Flinois: non pourconstituer en soi des références ab-solues de la vidéographie, mais pourenrichir la liste des interprètes ayantmarqué de leur sceau – voix et jeu,voix ou jeu – le rôle de Violetta.

C.C.

L’Avant-Scène Opéra 145

année

direction

théâtreorchestre

chœur

mise en scène

décors

costumes

Violetta

Alfredo

Germont

Flora

Annina

Douphol

Gastone

D’Obigny

Grenvil

édition

année

direction

théâtre

orchestre

chœur

mise en scènedécors

costumes

Violetta

Alfredo

Germont

Flora

Annina

Douphol

Gastone

D’Obigny

Grenvil

édition

1954

Nino Sanzogno

[téléfilm]

Milan, RAI

Milan, RAI

Franco Enriquez

Rosanna Carteri

Nicola Filacuridi

Carlo Tagliabue

Loretta di Lelio

Gilda Capozzi

Enrico Campi

Gino del Signore

Leonardo Monreale

Dario Caselli

Bel Canto Society

VHS

2007

 Yuri Temirkanov

Parme, Teatro Regio

 Teatro Regio

 Teatro Regio

K.-E. & U. Herrmann

K.-E. & U. Herrmann

K.-E. & U. Herrmann

Svetla Vassileva

Massimo Giordano

Vladimir Stoyanov

Daniela Pini

Antonella Trevisan

Armando Gabba

Gianluca Floris

Filippo Polinelli

Roberto Tagliavini

Cmajor/Unitel Classica

DVD

2011

Louis Langrée

Aix-en-Provence, L’Archevêché

London Philharmonic Orch.

Estonian Philh. Chamber Ch.

 Jean-François SivadierAlexandre de Dardel

Virginie Gervaise

Natalie Dessay

Charles Castronovo

Ludovic Tézier

Silvia de La Muela

Adelina Scarabelli

Kostas Smoriginas

Manuel Nunez Camelino

Andrea Mastroni

Maurizio Lo Piccolo

Virgin ClassicsDVD

2012

Brian Castle-Onion

Port de Sydney

Australian Opera

Australian Opera

Francesca ZambelloBrian Thomson

 Tess Schofield

Emma Matthews

Gianluca Terranova

 J onathan Summers

Margaret Plummer

Sarah Sweeting

 J ames Clayton

Martin Buckingham

Christopher Hillier

 J ohn Bolton Wood

Opera AustraliaDVD

2013

Daniele Gatti

Milan, Teatro alla Scala

 Teatro alla Scala

 Teatro alla Scala

Dmitri TcherniakovDmitri Tcherniakov

Elena Zaytseva

Diana Damrau

Piotr Beczala

Zeljko Lucic

Giuseppina Piunti

Mara Zampieri

Roberto Accurso

Antonio Corianò

Andrea Porta

Andrea Mastroni

[télédiffusion Arte][non édité]

2008

Erns Märzendorfer

Festival de St Margarethen

Slovak Philharmonic Orch.

Slovak Philh. Chorus

Robert Herzl

Manfred Waba

Kristiane Kaiser

 J ean-François Borras

Georg Tichy

Magdalena Anna Hofmann

Stefanie Kopinits

Daniel Ohlenschläger

Michael Kurz

Dieter Kwschendt-Michel

Alessandro Teliga

Medici Arts

DVD

17 mars 2009

Paolo Arrivabeni

Liège, Opéra royal de Wallonie

OrW

OrW

Stefano Mazzonis di Pralafera

Edoardo Sanchi

Kaat Tilley

Cinzia Forte

Saimir Pirgu

Giovanni Meoni

 Tineke Van Ingelgem

Federica Carnevale

Chris De Moor

Cristiano Cremonini

Patrick Delcour

Lorenzo Muzzi

Dynamic

DVD

2009

Antonio Pappano

Londres, ROH Cov. Gard.

ROH Cov. Gard.

ROH Cov. Gard.

Richard Eyre

Bob Crowley

Bob Crowley

Renée Fleming

 J oseph Calleja

 Thomas Hampson

Monika-Ebelin Liiv

Sarah Pring

Eddie Wade

Haoyin Xue

Kostas Smoriginas

Richard Wiegold

Opus Arte

DVD

LA TRAVIATA - versions vidéo, mise à jour 2014

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7/25/2019 Avant Scene Opéra Traviata

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L'œuvre à l'affiche

146 L’Avant-Scène Opéra n°51

CRÉATION: 6mars 1853, Teatro La Fenice,Venise.

1854: 6mai, Venise, Teatro di San Benedetto. — 30décembre,Rome, TeatroApollo, sous le titre deVioletta .

1855: 1er février, Madrid. — 4mai,Vienne. — 1eroctobre,Malte. — 25octobre,Barcelone, Teatre del Liceu. — 29octobre,Lisbonne. — 1er décembre,Riode Janeiro.

1856: 24 mai, Londres, Her Majesty’s. — 10 juin, Buenos Aires. — été,Varsovie. — 24septembre, Moscou. — 14octobre,Dublin. — novembre,Mexico. — 3décembre,NewYork . — 6décembre,Paris, Théâtre Italien.

1857: 8juin, Londres, Surrey Theatre. (Angl.) — 10novembre,Hambourg. (All.)— 10novembre,Budapest. (Hongr.) —Santiago. — Montevideo.1858: 21juillet, Graz. — Bucarest.1859: avril, Zagreb. — automne,Bastia. — 29décembre,Milan, Teatro alla

Scala.1860: 10novembre, Berlin, Victoria-Theater. — 13décembre,Berlin, Opéra.

— Amsterdam. — Melbourne. (Angl.)1861: 6mars,Bruxelles. — 26novembre,Lille. (Fr.) — Milwaukee. (All.)1862: 19mars,Rio de Janeiro. (Port.) — juin,Prague. (All.)1863:Zurich. (All.)1864: 27octobre,Paris, Théâtre Lyrique. (Fr.)1865: 20octobre,Bruxelles. (Fr.) —Varsovie. (Pol.)1868: 21février,Stockholm. (Sué.) — avril,Oslo. — 8mai,Saint-Pétersbourg.

(Ru.) — 13juin,Prague. (Tch.)

1869: décembre,LeCaire.1872: 11mai,Lemberg. (Pol.)1875:Tiflis.1876: 21août,Helsinki. (Finn)1877:LaHavane.1878: 14mai,Lisbonne. (Fr.)1879: 5février,Vienne. (All.) — 11mars,Zagreb. (Cro)1883:5novembre, New York , Metropolitan Opera.1886: 4mars, New York . (Angl.) — 12juin,Paris, Opéra-Comique, sous le

titre deVioletta . (Fr.)

1887: 29novembre,Copenhague. (Dan)1888: 3octobre,Oslo. (Norv.)1898:Ljubljana. (Slo.)1903:Bucarest.(Rou.)1910: 10février,Sofia. (Bul.)1913:Riga. (Lett.)1915:Tallin. (Est.)1919: automne, Yokohama.1920: 31décembre,Kaunas. (Lit.)1921:Belgrade. (Ser.)1923: 28juillet, Tel Aviv. (Hebr.)1935: mars,Tripoli.

Recherches: Elisabetta Soldini

On trouvera sur notre site www.asopera.com à la page La Traviataun fichier PDF téléchargeable gratuite-ment, offrant une riche documentation historique sur les grandes productions de l’œuvre à La Fenice deVenise, au Covent Garden, au Sadler’s Wells, au Metropolitan Opera, à La Scala de Milan, à l’Opéra de SanFrancisco, à l’Opéra de Vienne, au Teatro Colón de Buenos Aires, au Théâtre des Italiens, à l’Opéra-Comiqueet à l’Opéra de Paris. Cette documentation de 20 pages n’a pas été réimprimé dans cette édition.

Calendrier des premières représentations de la Traviata 

d’après A. Loewenberg,Annals of Opera 1597-1940 , Londres, 1978.

Sauf précision contraire, signalée entre parenthèses, l’œuvre a été donnée en italien: (All.) allemand, (Angl.) anglais, (Bul.) bulgare, (Cro.) croate,(Dan.) danois, (Est.) estonien, (Finn.) finnois, (Fr.) français, (Hébr.) hébreux, (Hongr.) hongrois, (Lett.) letton, (Lit.) lituanien, (Norv.) norvégien,(Pol.) polonais, (Port.) portugais, (Rou.) roumain, (Ru.) russe, (Ser.) serbe, (Sué.) suédois, (Tch.) tchèque.

date

ville

théâtre

direction

Violetta

Alfredo

Germont

mise en scène

décors

6 mars 1853

Venise

 Teatro La Fenice

Gaetano Mares

Fanny Salvini-Donatelli

Ludovico Graziani

Felice Varesi

Giuseppe Verdi

Giuseppe Bertoja

La création

Af fiche de la créat ion deLA T RAVIATA àLa Feni ce de 

Veni se, en 1853. D.R.

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7/25/2019 Avant Scene Opéra Traviata

http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 148/164L’Avant-Scène Opéra n° 51 147

La Traviata à travers le monde (1982-2014)

date 1982 1983 1983

ville Bonn Gênes New York

théâtre Opéra Teatro Margherita Metropolitan

direction C. Franci R. Bonynge/A. Pizzolo J. Pritchard

Violetta K. Ricciarelli/E. Moldoveanu/A. Maliponte J . Sutherland/S. Taskova K. Te Kanawa/R. Andrade/A. Maliponte

Alfredo N. Antinori/R. Casellato/C. Bini L. Furlan N. Gedda/D. Raffanti/E. Di Giuseppe/D. Rendall

Germont  J . Pons L. Montefusco C. MacNeil/M. Sereni

mise en scène L. Ronconi B. De Tommasi C. Graham/D. Kneuss

déc. & cost. M. Garbuglia R. Del Savio/M. D'Alessandro T. Moiseiwitsch

date 1983 1983 1984 1984 1984

ville Paris Salzbourg Marseille Florence Rome

théâtre Opéra-Comique Landestheater Opéra Teatro Comunale Opéra

direction A. Lombard/C. Schnitzler R. Weikert P.-D. Ponnelle/M. Ducani C. Kleiber P. Maag/S. Sanna

Violetta K. Ricciarelli/N. Miricioiu/A. Esposito E. Moldoveanu C. Weidinger/A. Maliponte C. Gasdia J . Anderson/B. Daniels

Alfredo A. Cupido M. Cortez A. Barasorda/A. Filistad P. Dvorsky A. Cupido

Germont L. Nucci Y. Mazurok M. Manuguerra/J . Rawnsley G. Zancanaro G. Taddei

mise en scène J.-P. Ponnelle/D. Gately K. H. Drobesch C. Issartel F. Zeffirelli P. Samaritani/A. Fassini

déc. & cost. P. Halmen K. Hetzer J .-N. Lavesvre F. Zeffirelli

Peter Dvorsky (Alf redo) , Cecil ia Gasdia ( Violett a) et Giorgio Zancanaro (Germont) ,mi se en scène de Franco Zeff i rell i , Maggio Musicale Fiorent ino, Fl orence 1984. Marchiori.

Page 149: Avant Scene Opéra Traviata

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L'œuvre à l'affiche

148 L’Avant-Scène Opéra n°51

La Traviata à travers le monde (1982-2014)

date 1985 1985 1985 1985 1986 1986 1987

ville Londres Munich Paris Chicago Paris Londres Bruxelles

théâtre Covent Garden Opéra Théâtre du Châtelet Lyric Opera Opéra Covent Garden La Monnaie

direction C. Davis C. Kleiber D. Renzetti B. Bartoletti Z. Mehta/R. Saccani Y. Simonov S. Cambreling

Violetta I. Cotrubas E. Gruberova D. Soviero C. Malfitano C. Gasdia/E. Csavlek L. Aliberti/I. Cotrubas L. CuberliAlfredo N. Shicoff N. Shicoff D. Gulyás F. Araiza G. Aragall/M. Fink A. Davies M. Torzewski

Germont N. Bailey W. Brendel S. Leiferkus P. Elvira L. Miller/G. Zancanaro Y. Mazurok W. Stone

mise en scèneL. Visconti O. Schenk L. Ronconi/U. Tessitore D. Alden F. Zeffirelli L. Visconti/M. Rennison K.-E. Herrmann

déc. & cost. N. Frasca/ J . Rose P.-L. Pizzi F. Zeffirelli N. Frasca/V. Marzot K.-E. Herrmann

V. Marzot

date 1988 1989 1990 1991 1992

ville Londres New York Milan Francfort Toulouse

théâtre Coliseum Metropolitan La Scala Alte Oper Théâtre du Capitole

direction M. Elder C. Kleiber/R. Woitach R. Muti S. Varviso M. Veltri

Violetta H. Field E. Gruberova/K. Huffstodt T. Fabbricini M. Marshall K. Cassello/F. FelipAlfredo A. Davies N. Shicoff R. Alagna D. de Domenico F. Farina/N. Rosenshein

Germont A. Opie W. Brendel P. Coni A. Agache/D. Pittman-J ennings B. Ellis

mise en scène D. Pountney F. Zeffirelli L. Cavani A. Corti J .-C. Auvray

déc. & cost. S. Lazaridis F. Zeffirelli D. Ferretti/G. Pescucci B. Kistner/G. Frey G. Cristini/C. Donato

date

ville

théâtre

direction

Violetta

Alfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

1993

Strasbourg

Opéra du Rhin

Friedrich Haider

Sally Wolf 

 J ean-Bernard Thomas

Igor Morosov

Tobias Richter

Gian Maurizio Fercioni

1993

Paris

 Théâtre du Châtelet

Antonio Pappano

V. Villaroel/G. Devinu

 J .-L. Viala/V. Ombuena

D. Pittman-J ennings/V. Torres

Klaus Michael Grüber

L. Fanti/R. Sabounghi

1993

Bath

 Theatre Royal

Klaus Donath

Nelly Miricioiu

Gordon Wilson

David Barrell

 John Pascoe

D. Myerscough-J ones

1993

New York

Metropolitan

Plácido Domingo

 Tiziana Fabbricini

Neil Rosenshein

 J uan Pons

Franco Zeffirelli

Franco Zeffirelli

1993

Stuttgart

Staatsoper

Philippe Auguin

Carla Basto

Martin Thompson

Wolfgang Schöne

Ruth Berghaus

E. Wonder/

M.-L. Strandt

1993

Rome

Opéra

Paolo Carignani

Lucia Aliberti

 J ean-Luc Viala

Renato Bruson

Henning Brockhaus

 J . Svoboda/

U. Santicchi

Alexandru Agache (Germont ) et Margaret Marshall (Vi oletta) ,mi se en scène d’Axel Cor t i ,Opéra de Francfor t 1991.M. Eggert .

Page 150: Avant Scene Opéra Traviata

7/25/2019 Avant Scene Opéra Traviata

http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 150/164L’Avant-Scène Opéra n° 51 149

1. Jaume Aragall (Alf redo) et Cecil ia Gasdia (Violett a) , mise en scène de Franco Zeff i rell i ,Opéra Garni er, Paris 1986. J. M oatti .

2. Marcell o Giordani (Alf redo) et Jul ia Varady (Vi olet ta) , mise en scène de Günt er Krämer, Opéra de Mun ich 1993. A. Ki rchbach.

3. Tiziana Fabbri cin i (Violetta) etRoberto Alagna (Al fr edo), mi se en scène de Lil iana Cavani, Teatro alla Scala,Mi lan 1990. Lelli & Masotti .

1 - 2

3

date

ville

théâtre

direction

Violetta

Alfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

1993

Newton

 Theatre Afren

Keith Darlington

Fiona O’Neill

Bruce Rankin

Gerard Quinn

Caroline Sharman

Bridget Cairn

1993

Pise

 Teatro Verdi

Claudio Desderi

Patrizia Ciofi

D. Maxwell Anderson

Walter Donati

Micha Van Hoecke

Nicola Benois

1993

Orange

 Théâtre Antique

Michel Plasson

Kathleen Cassello

Roberto Alagna

Paolo Coni

Francesca Zambello

Bruno Schwengl

1993

Munich

Festival

Roberto Abbado

 J ulia Varady

Marcello Giordani

Paolo Gavanelli

Günter Krämer

Andreas Reinhardt

1993

Vérone

Arènes

Gustav Kuhn

Daniela Longhi

Claudio Di Segni

Giancarlo Pasquetto

Luciano Damiani

Luciano Damiani

1993

Liège

Palais des Sports

Anton Guadagno

C. Apollonio/F. Filip

Alejandro Ramirez

Mauro Buda

 J . Karpo/P. Gaultier

M.-C. Van Vuchelen

Page 151: Avant Scene Opéra Traviata

7/25/2019 Avant Scene Opéra Traviata

http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 151/164

L'œuvre à l'affiche

date

ville

théâtre

direction

ViolettaAlfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

1993

Chicago

Lyric Opera

Bruno Bartoletti

 J une AndersonGiuseppe Sabbatini

Dmitri Hvorostovsky

Frank Galati

Desmond Heeley

1993

Amsterdam

De Nederlandse Opera

Graeme Jenkins

Deborah RiedelDavid Kuebler

Luis Girón May

Alfred Kirchner

B. Kleber/J . Herzog

1993

Montréal

Opéra

Raffi Armenian

Susan PattersonMichael Rees Davis

Bruno Pola

Bernard Uzan

B. Uzan/C. Girard

1993

Izmir

Alhambra Theatre

Alexandre Samouil

Aytul BuyuksaracAydin Ustuk

Suhan Arslan

 Yalgin Davran

Erkan Kirtunc

1993

Dallas

Opéra

Antonello Allemandi

Verónica Villaroel J ay Hunter Morris

 Timothy Noble

Nicholas Muni

1994

Naples

 Teatro di San Carlo

Maurizio Arena

Giusy DevinuVincenzo La Scola

Roberto Servile

Alessandro Sequi

G. Crisolini Malatesta

date

ville

théâtre

direction

Violetta

AlfredoGermont

mise en scène

déc. & cost.

1994

Leeds

Opera North

 Jean-Yves Ossonce

Michal Shamir

D. Maxwell AndersonPeter Sidhom

François Rochaix

1994

Bruxelles

 Théâtre de La Monnaie

Antonio Pappano

Elzbieta Szmytka

Marek TorzewskiVictor Ledbetter

U. & K.-E. Herrmann

Karl-Ernst Herrmann

1994

Palerme

Politeama Garibaldi

Angelo Campori

Giusy Devinu

Salvatore FisichellaPaolo Coni

Alessandro Sequi

G. Crisolini Malatesta

1994

La Plata

 Teatro Argentino

Reginaldo Censabella

Adelaida Negri

Eduardo AyasLuis Gaeta

Marga Niec

Carlos Gianni

1994

 Trieste

 Teatro Verdi

Tiziano Severini

A. Pendachanska/E. J enis

F. Piccoli/L. LombardoR. Frontali/M. Buda

Ulisse Santicchi

1994

 Tours

Grand Théâtre

 Jean-Yves Ossonce

Sylvie Valayre

Ramón Alonso

Christiane Issartel

 J ean-Noël Lavesvre

date

ville

théâtre

direction

Violetta

Alfredo

Germontmise en scène

déc. & cost.

1994

Cardiff 

Welsh National Opera

Alain Guingal

Maria Fortuna

Roberto Aronica

David BarrellGöran Järvefelt

Carl Friedrich Oberle

1994

Lyon

Opéra

 John Nelson

 T. Fabbricini/M. Nakamaru

Franco Farina

Victor TorresKlaus Michael Grüber

L. Fanti/R. Sabounghi

1994

Saint-Céré

Château de Castelnau

Marc Ursule

Marie-Paule Dotti

Guy Bélanger

Patrick MeroniOlivier Desbordes

Patrice Gouron

1994

Avignon

Opéra

François-Xavier Bilger

Inva Mula

Marc Laho

Alain VernhesChristiane Issartel

 J ean-Noël Lavesvre

1994

Limoges

Grand-Théâtre

Guy Condette

Felicia Filip

Ernesto Grisales

Sergio De Salas Jack Gervais

1994

Londres

Covent Garden

Georg Solti

Angela Gheorghiu

Frank Lopardo

Leo NucciRichard Eyre

Bob Crowley

La Traviata à travers le monde (1982-2014)

Elzbieta Szmytka (Violetta)

et Victor Ledbetter (Germont) , mise en scène de Karl -Er nst et U rsel H errmann,

Théâtre deLa Monnaie,

Bruxel les 1994.J. Jacobs.

150 L’Avant-Scène Opéra n° 51

date

ville

théâtre

direction

Violetta

Alfredo

Germont

mise en scènedéc. & cost.

1994

Bonn

Opéra

Steven Mercurio

Marisa Vitali

Michael Rees Davis

 Thomas Mohr

 Jürgen Rose J ürgen Rose

1994

Sydney

Australian Opera

Carlo Felice Cillario

Deborah Riedel

 J orge Lopez-Yanez

 J onathan Summers

Elijah MoshinskyPeter J . Hall

1994

Santiago

 Teatro Municipal

Edoardo Müller

D. Gavazzeni Mazzola

Paul Austin Kelly

Leo Nucci

1994

Buenos Aires

Coliseo

Fernando Alvarez

 J udith Rubin

Luis Lima

Matteo Manuguerra

1994

Lisbonne

 Teatro Sao Carlos

Giuliano Carella

 Tiziana Fabbricini

Walter Freccaro

Vicente Sardinero

Celestino da Costa

1994

Dublin

Gaiety Theatre

David Lloyd-J ones

Marie Claire O’Reirdan

 J ohn Fowler

 Yevgeny Demerdiev

C. Issartel/V. Coates J ean-Noël Lavesvre

Page 152: Avant Scene Opéra Traviata

7/25/2019 Avant Scene Opéra Traviata

http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 152/164L’Avant-Scène Opéra n° 51 151

Dmi tr i Hvorostovsky (Germont) et June Anderson ( Violetta) , mise en scène de Frank Gal at i , Lyr ic Opera,Chi cago 1993. D. Rest.

Fiorell a Burato (Violett a) et Mari o Car rara (Al fr edo) , mise en scène deGino Zampier i , Grand Théâtre,

Genève 1995. J. Stresslé.

date

ville

théâtre

directionVioletta

Alfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

1995

Costa Mesa

Opera Pacific

Steven Mercurio T. Fabbricini/C. Gallardo Domas

R. Aronica/V. Grishko

Haijing Fu

Roman Terlecky

Desmond Heeley

1995

Berlin

Komische Oper

 Yakov KreizbergNoëmi Nadelmann

Alexander Fedin

Andrzej Dobber

Harry Kupfer

H. Schavernoch/

R. Heinrich

1995

New York

City Opera

 Yves Abel J anice Hall

Stephen M. Brown

Louis Ottey

Renata Scotto

 Thierry Bosquet

1995

Londres

Covent Garden

George SoltiCarol Vaness

Marcello Giordani

Leo Nucci

R. Eyre/P. Young

Bob Crowley

1995

San Francisco

Opéra

Steven MercurioVerónica Villaroel

Roberto Aronica

Gregory Yurisich

 John Copley

 J ohn Conklin

1995

Madrid

 Teatro de la Zarzuela

Alberto ZeddaFiorella Burato

Alfredo Kraus

Roberto Servile

Nuria Espert

E. Frigerio/

F. Squarciapino

date

ville

théâtre

directionVioletta

Alfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

1995

Cardiff 

Welsh National Opera

Carlo RizziNuccia Focile

Paul Charles Clarke

 J ason Howard

Göran Järvefelt

Carl Friedrich Oberle

1995

Macerata

Arena Sferisterio

Massimo De BernartLuciana Serra

Roberto Aronica

Paolo Coni

Henning Brockhaus

 J . Svoboda/

U. Santicchi

1995

Salzbourg

Festival

Riccardo MutiAndrea Rost

Frank Lopardo

Renato Bruson

Lluis Pasqual

Luciano Damiani

1995

Gênes

 Teatro Carlo Felice

Daniel OrenMariella Devia

Marcelo Alvarez

Paolo Coni

Lluis Pasqual

Luciano Damiani

1995

Moscou

Helikon Opera

Valery KritchkovHelena Kachura

Igor Tarasov

Dmitry Bertman

1995

Genève

Grand Théâtre

Lawrence FosterK. Cassello/F. Burato

C. Hernandez/M. Carrara

G. Yurisich/E. Tumagian

Gino Zampieri

Gino Zampieri

Andrea Rost (Violett a) , mi se en scène de Lluis Pasqual ,

Fest ival de Salzbourg 1995.Salzburger Festspiele/B. Uhlig.

Page 153: Avant Scene Opéra Traviata

7/25/2019 Avant Scene Opéra Traviata

http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 153/164

L'œuvre à l'affiche

152 L’Avant-Scène Opéra n°51

La Traviata à travers le monde (1982-2014)

date

ville

théâtre

directionVioletta

Alfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

1996

Glasgow

Scottish Opera

Richard ArmstrongClaire Rutter

Paul Charles Clarke

René Massis

N. Espert/P. Watson

E. Frigerio/F. Squarciapino

1996

Londres

Covent Garden

C. Rizzi/S. YoungA. Rost/A. Gheorghiu/E. Kelessidi

R. Vargas/R. Alagna/V. La Scola

C. Alvarez/T. Allen/D. Hvorostovsky

R. Eyre/P. Young

Bob Crowley

1996

Stamford

Grand Opera

Laurence GilmoreFrancis Ginsberg

Olafur Bjarnason

Charles R. Stephens

Arwin Brown

Gordon Edelstein

1996

Detroit

Michigan Opera Theatre

Renato RenzettiDaniela Longhi

Vladimir Grishko

Haijing Fu

Harry Silverstein

Desmond Heeley

1996

Pretoria

Gerard Korsten J enny Drivala

Barry Colemann

Bob Borowsky

 Johan Spies

Andrew Botha

1996

Seattle

Opéra

Gerard SchwarzLauren Flenigan

Paul Charles Clarke

Gordon Hawkins

Richard Corley

Desmond Heeley

date

ville

théâtre

directionVioletta

Alfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

1996

Londres

Coliseum

Steven MercurioRosa Mannion

 J ohn Hudson

Christopher Robertson

 Jonathan Miller

B. Culshaw/C. Mitchell

1996

Glyndebourne

 Touring Opera

Ivor Bolton J udith Howarth

Paul Nilon

Robert Hayward

Aidan Lang

Peter Hall

1996

Metz

Opéra-Théâtre

 Jacques LacombeGhyslaine Raphanel

Ilya Levinsky

Gaëtan Laperrière

Bernard Broca

 J ean-Pierre Capeyron

1996

Antibes

Chantier naval

Antonello AllemandiAinhoa Arteta

Markus Haddock

Alain Vernhes

Petrika Ionesco

Petrika Ionesco

1996

New York

Metropolitan

Maurizio BarbaciniAinhoa Arteta

Marcello Giordani

Roberto Frontali

Franco Zeffirelli

Franco Zeffirelli

1996

Lucca

 Teatro del Giglio

Baldo PovicSo-Eun Serenelli

Giorgio Casciarri

Gi-Hong J un

Anna Anni

G. Bertoja/A. Alzabudi

date

ville

théâtre

directionVioletta

Alfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

1997

Washington

Kennedy Center

Karl Sollak Ainhoa Arteta

Greg Fedderly

Christopher Roberston

Marta Domingo

Giovanni Agostinucci

1997

Londres

Coliseum

Noel DaviesSusan Patterson

 J ulian Gavin

Christopher Booth-J ones

 J . Miller/L. Hausman

B. Culshaw/C. Mitchell

1997

Milwaukee

Florentine Opera

 Joseph RescignoMaria Spacagna

Otoniel Gonzaga

Sherrill Milnes

Robert Tannenbaum

Claude Giraud

1997

San Diego

Civic Theatre

Richard BonyngeDeborah Riedel

 J orge Lopez-Yanez

Richard Zeller

Wolfgang Weber

 J ohn Conklin

1997

Lisbonne

 Teatro Sao Carlos

R. Buckley/G. CarellaG. Devinu/V. Grasso

Marco Berti

Alain Vernhes

P. L. Pizzi/M. Pontiggia

1997

Cape Town

Nico Opera House

Renato PalumboMaria Spacagna

Paul Hartfield

Bob Borowsky

Angelo Gobbato

Peter Cazalet

date

ville

théâtre

direction

ViolettaAlfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

1997

Nantes

 Théâtre Graslin

 Jean-Yves Ossonce

Regina NathanLuca Lombardo

 J ason Howard

Françoise Terrone

Pascal Lecoq

1997

Liège

Opéra de Wallonie

Patrick Baton

Svetla VassilievaLuca Lombardo

Roberto Servile

Marta Domingo

Giovanni Agostinucci

1997

Bordeaux

Opéra

Maurizio Benini

Leontina VaduvaAlfredo Portilla

Eduard Tumagian

Francesca Zambello

Marina Draghici

1997

Gênes

 Teatro Carlo Felice

Daniele Callegari

Patrizia CiofiRoberto Iuliano

Giovanni Meoni

Lluis Pasqual

Luciano Damiani

1997

Avenches

Arènes

 Janos Acs

Rosa VentoMarcelo Álvarez

Leo Nucci

Flavio Trevisan

Nicolas Petropoulos

1997

Milan

 Teatro alla Scala

Riccardo Muti

Andrea RostGiuseppe Sabbatini

Roberto Frontali

Liliana Cavani

D. Ferretti/G. Pescucci

date

ville

théâtre

direction

Violetta

AlfredoGermont

mise en scène

déc. & cost.

1997

Zurich

Opéra

Franz Welser-Möst

Eva Mei

Vincenzo La Scola Thomas Hampson

 Jürgen Flimm

E. Wonder/F. von Gerkan

1997

Paris

Opéra Bastille

 James Conlon

Angela Gheorghiu

Ramón VargasAlexandru Agache

 Jonathan Miller

I. McNeil/C. Mitchell

1997

Louisville

Kentucky Opera

Mark Flint

Shelley J ameson

Keith BuhlWilliam McGraw

Bernard Uzan

B. Uzan/C. Girard

1997

Spoleto

 Teatro Caio Melisso

Bruno Aprea

Anna Catarci

Massimo GiordanoEnrico Marrucci

Francesca Esposito

Giorgio Ricchelli

1998

Sarasota

Opéra

Victor DeRenzi

Suzanne Balaes

Paul HartfieldDavid Templeton

Darko Tresnjak 

David P. Gordon

1998

Saint Pétersbourg

 Théâtre Mariinsky

Vladimir Vassiliev

Larissa Rudakova

Mikhail DidikPavil Chernikh

Vladimir Vassiliev

Sergey Barkhin

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7/25/2019 Avant Scene Opéra Traviata

http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 154/164L’Avant-Scène Opéra n° 51 153

1. Rosa Mann ion (Violetta) ,mise en scène de Jonat han Mil ler, Coliseum, Londres 1996. C. Barda.

2. Leontina Vaduva (Violetta) ,mise en scène de Francesca Zambell o, Opéra de Bordeaux 1997. G. Bonnaud.

3. Al exandru Agache (Germont ) et Angela 

Gheorghiu (Violetta) ,mise en scène de Jonat han Mi l ler, Opéra Basti l le,Paris 1997.E. Mahoudeau/OnP.

4. Eva Mei ( Violetta) , mi se en scène de Jürgen Fl imm, Opéra de Zur ich 1997.S. Schwiert z.

1 - 2

3

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2005

Salzbourg

Festival

Carlo Rizzi

Anna Netrebko

Rolando Villazón

 Thomas Hampson

Willy Decker

Wolfgang Gussmann

2004

Venise

 Teatro La Fenice

Lorin Maazel

Patrizia Ciofi

Roberto Saccà

Dmitri Hvorostovski

Robert Carsen

Patrick Kinmoth

2004

Vérone

Arènes

Daniele Callegari

M. Devia /I. Mula

Giuseppe Sabbatini

S. Antonucci/A. Maestri

GrahamVick 

Paul Brown

2004

Aix-en-Provence

Festival

Daniel Harding

M. Delunsch/A. Samuil

R. Villazón/A. Richards

Zeljko Lucic

Peter Mussbach

E. Wonder/

A. Schmidt-Futterer

2003

Berlin

Staatsoper

Daniel Barenboim

Christine SchäferRolando Villazón

 Thomas Hampson

Peter Mussbach

E. Wonder/

A. Schmidt-Futterer

2003

Lausanne

Opéra

Steven Sloane

Alexia Cousin Tracey Welborn

Wojtek Drabowicz

P. Caurier/M. Leiser

C. Fenouillat/A. Cavalca

2003

Saint-Pétersbourg

 Théâtre Mariinski

Valery Gergiev

Anna NetrebkoEvgeny Akimov

Viktor Chernomortsev

Charles Roubaud

B. Arnould/K. Duflot

2002

Venise

 Teatro Malibran

Marcello Viotti

Elena MosucMarcelo Álvarez

Roberto Servile

Giancarlo Sepe

C. De Marino/S. Omachi

2001

Milan

 Teatro degli Arcimboldi

Riccardo Muti

Inva MulaMarcelo Álvarez

Roberto Frontali

Liliana Cavani

D. Ferretti/G. Pascucci

2000

Londres

Covent Garden

Patrick Young

Elena KelessidiGiuseppe Sabbatini

 Thomas Allen

R. Eyre/P. Young

Bob Crowley

2000

Florence

Maggio Musicale

Zubin Mehta

Mariella DeviaMarcelo Álvarez

 J uan Pons

Cristina Comencini

P. Comencini/A. Berardi

2000

Paris

Opéra Bastille

Maurizio Benini

Cristina Gallardo-DomâsRamón Vargas

Roberto Frontali

 Jonathan Miller

I. McNeil/C. Mitchell

1999

Cologne

Opéra

Antonello Allemandi

Victoria LoukianetzRoberto Saccà

Bruno Caproni

Günter Krämer

G. Pilz/F. Bauer

1999

Berlin

Deutsche Oper

 J iri Kout

Cristina Gallardo-DomâsMarcelo Álvarez

Lado Atanelis

Götz Friedrich

F. Ph. Schlössmannn/

K. Bruns

1999

Naples

 Teatro di San Carlo

Alain Guingal

Mariella DeviaRoberto Aronica

Stefano Antonucci

Mauro Avogadro

G. Crisolini Malatesta

1999

Dublin

Gaiety Theatre

 Jérôme Pillement

Regina Nathan J ean-Pierre Furlan

Guido Paevatalu

Stephan Groegler

Véronique Seymat

1999

Orange

 Théâtre antique

Bertrand de Billy

Ruth Ann SwensonMarcelo Álvarez

Eduard Tumagian

Robert Fortune

R. Platé/C. Masson/B. Fatalot

1999

Monte Carlo

Opéra Garnier

Lucas Karytinos

Elena KelessidiReinaldo Macias

Renato Bruson

Pier Luigi Pizzi

Pier Luigi Pizzi

1999

 Turin

 Teatro Regio

B. Campanella/F. Carminati

P. Ciofi/S. BonfadelliG. Sabbatini/F. Piccoli

R. Servile/M. Buda

Alberto Fassini

Pier Luigi Samaritani

1999

Buenos Aires

 Teatro Colón

Guido Guida

 J une AndersonCarlos Ventro

 Yury Verdeniev

Alejandro Chacón

Enrique Bardolini

1999

Los Angeles

Chandler Pavillon

Gabriele Ferro

Carol VanessGreg Fedderly

 J orma Hynninen

Marta Domingo

Giovanni Agostinucci

1998

Paris

Opéra Bastille

 James Conlon

Cristina Gallardo-DomâsMarcelo Álvarez

Leo Nucci

 Jonathan Miller

I. McNeil/C. Mitchell

1998

New York

Metropolitan

 James Levine

Patricia RacetteMarcelo Álvarez

Haijing Fu

Franco Zeffirelli

Raimonda Gaetani

2001

New York

Metropolitan

Maurizio Benini

 J une Anderson

Vinson Cole

 J uan Pons

Franco Zeffirelli

Franco Zeffirelli

2000

Bordeaux

Opéra

Maurizio Benini

Mireille DelunschZvetan Michailov

Ludovic Tézier

Francesca Zambello

Marina Draghici

L'œuvre à l'affiche

154 L’Avant-Scène Opéra n°51

La Traviata à travers le monde (1982-2014)

date

ville

théâtre

direction

ViolettaAlfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

1998

Munich

Bayerische Staatsoper

Zubin Mehta

C. Gallardo-DomâsKeith Ikaia-Purdy

Paolo Gavanelli

Günter Krämer

A. Reinhardt/C. Diappi

1998

Nancy

Opéra

Evelino Pidò

Inessa GalanteLuis Damaso

Victor Torres

 Jean-Claude Berutti

Rudy Sabounghi

1998

Rome

Opéra

 John Fiore

Mariella DeviaRoberto Aronica

Roberto Servile

Alberto Fassini

Pier Luigi Sammaritani

date

ville

théâtre

direction

ViolettaAlfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

date

ville

théâtre

direction

ViolettaAlfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

date

ville

théâtre

direction

ViolettaAlfredo

Germont

mise en scène

déc. & cost.

date

ville

théâtre

direction

Violetta

Alfredo

Germont

mise en scène

déc. cost.

2003

Paris

Opéra Bastille

Nicola Luisott

Patricia Racette

 Tito Beltran

Roberto Frontali

 Jonathan Miller

I. McNeil/C. Mitchell

2003

Orange

Chorégies

Pinchas Steinberg

Inva Mula

Rolando Villazón

Carlo Guelfi

Robert Fortune

R. Platé/J .-P. Capeyron

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7/25/2019 Avant Scene Opéra Traviata

http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 156/164L’Avant-Scène Opéra n° 51 155

Marcelo Álvarez (Al fredo) et Cri sti na Gall ardo-Domâs (Vi oletta) , m ise en scène de Jonathan Mil ler, Opéra Basti l le, Pari s 1998.

E. Mahoudeau/ Opéra Nati onal de Par is.

Acte II : mise en scène de Graham Vi ck, Arènes de Vérone 2004. Coll. Opera / Fondazione Arena di Verona.

Patri zia Ciofi (Violetta) ,mise en scène de Robert Car sen, La Fenice, Veni se 2004. Michele Crosera.

Diane Pil cher ( Anni na) , Anna Netrebko (Violetta) et Rolando Vi l lazón (Al fr edo) , mi se en scène de Wil ly Decker,Fest ival de Salzbourg 2005. Salzburger Festspiele.

Page 157: Avant Scene Opéra Traviata

7/25/2019 Avant Scene Opéra Traviata

http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 157/164

2012

Vienne

 Theater an der Wien

Omer Meir Wellber

Irina Lungu

Saimir PirguGabriele Viviani

Deborah Warner

 J eremy Herbert

2011

Aix-en-Provence

L’Archévêché

Louis Langrée

Natalie Dessay

Charles CastronovoLudovic Tézier

 Jean-François Sivadier

A. de Dardel/V. Gervaise

2009

Festival d’Orange

 Théâtre Antique

Myung-Whun Chung

Patrizia Ciofi

Vittorio GrigoloMarzio Giossi

Frédéric Bélier-Garcia

 J . Gabel/C. Leterrier

2009

Santa Fe

Opera

Frédéric Chaslin

Natalie Dessay

Saimir PirguLaurent Naouri

Laurent Pelly

Chantal Thomas

2009

Londres

Covent Garden

Antonio Pappano

Renée Fleming

 J oseph Calleja Thomas Hampson

Richard Eyre

Bob Crowley

L'œuvre à l'affiche

156 L’Avant-Scène Opéra n°51

date

ville

théâtre

direction

Violetta

Alfredo

Germont

mise en scène

déc. cost.

date

ville

théâtre

direction

Violetta

AlfredoGermont

mise en scène

déc. cost.

2006

Bologne

 Teatro Comunale

Daniele Gatti

Norah Amsellem

 J ames Valenti

Dalibor J enis

Irina Brook 

N. Ginefri/S. Martin-Hyszka

2007

Paris

Palais Garnier

Sylvain Cambreling

Christine Schäfer

 J onas Kaufmann

 J osé van Dam

Christoph Marthaler

A. Viebrock/D. Curio

2005

Londres

Covent Garden

Maurizio Benini

Norah Amsellem

 J oseph Calleja

Gerald Finley

R. Eyre/P. Young

Bob Crowley

2006

Bruxelles

 Théâtre de La Monnaie

Stéphane Denève

Virginia Tola

 J ames Valenti

 J osé van Dam

K.-E. & U. Herrmann

K.-E. Herrmann

2008

Londres

Covent Garden

Maurizio Benini

Anna Netrebko

 J onas Kaufmann

Dmitri Hvorostovski

R. Eyre/P. Young

Bob Crowley

2008

Munich

Bayerische Staatsoper

Massimo Zanetti

Anja Harteros

Ramón VargasAnthony Michaels-Moore

Günter Krämer

A. Reinhardt/C. Diappi

2006

New York

Metropolitan

Marco Armiliato

Angela Gheorghiu

 J onas Kaufmann

Anthony Michaels-Moore

Franco Zeffirelli

Franco Zeffirelli

La Traviata à travers le monde (1982-2014)

date

ville

théâtre

direction

Violetta

Alfredo

Germont

mise en scène

déc. cost.

2013

Milan

La Scala

Daniele Gatti

Diana Damrau

Piotr Beczala

Zeljko Lucic

Dmitri Tcherniakov

D. Tcherniakov/E. Zaytseva

2014 (sous réserve)

Paris

Opéra Bastille

Daniel Oren

Diana Damrau

Francesco Dermuro

Ludovic Tézier

Benoît Jacquot

S. Chauvelot/Ch. Gasc

2013

Genève

Grand Théâtre

Baldo Podic

P. Ciofi / A. Eichenholz

D. J ohansson/L. Capalbo

 T. Christoyannis/S.del Savio

David McVicar

 Tanya McCallin

2013

Avignon

Opéra-Théâtre

Luciano Acocella

Patrizia Ciofi

Ismael J ordi

Marc Barrard

Nadine Duffaut

E. Favre / G. Audier

2013

New York

Metropolitan Opera

 Yannick Nézet-Séguin

Diana Damrau

Salvatore Cordella

Plácido Domingo

Willy Decker

Wolfgang Gussmann

2013

Bruxelles

La Monnaie

AdamFischer

Simona Saturova

Sébastien Guèze

Scott Hendricks

Andrea Breth

M. Zehetgruber/M.Bickel

Piotr Becza a (Al fredo) et D iana Damrau ( Violetta) àla Scala,M il an 2013. Brescia/ Amisano©Teatro alla Scala.

Di ana Damrau ( Violett a) et Placido Domingo (Germont) auMetropoli tan Opéra, New York 2013. Ken Howard.

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http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 158/164L’Avant-Scène Opéra n° 51 157

Char les Castronovo (Al fredo)et Natali e Dessay (Violetta)

au Fest ival d’Ai x-en-Provence 2011.Pascal Victor.

Til l Fechner (Baron Douphol) et Simona Satur ova (Violet ta) , Théâtre de la Monnaie, Br uxel les 2013. Bernd U lhig 

Patri zia Ciofi ( Violetta) et D aniel Johansson (Al fredo) , Grand Théâtre,Genève 2013.Archives GTG/ Yunus Durukan.

RenéFleming (Violett a) au Covent Garden, Londres 2009.Catherine Ashmore.

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http://slidepdf.com/reader/full/avant-scene-opera-traviata 159/164158 L’Avant-Scène Opéra

Pour compléter cette bibliographie, se

reporter aux nos 19, 51, 60, 86, 87-88,126, 151, 200, 218, 237, 244, 249, 261,268 et 273 de L’Avant-Scène Opéra consa-crés à Verdi et à ses opéras.

Depuis son premier numéro paru en1982,Studi verdiani (Istituto nazionaledi studi verdiani, Parme) publie une Bi- bliografia verdiana par les soins de Mar-cello Conati et Cecilia Luzzi, qui tientcompte des parutions à partir de 1977.

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La Traviata [ Melodramma in Three Acts] ,Libretto by/ [ Melodramma in tre atti] , Li- bretto di Francesco Maria Piave , éd. F.DellaSeta, The University of Chicago Press-Ri-cordi, Chicago-Londres-Milan, 1996.

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7/25/2019 Avant Scene Opéra Traviata

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ADAMS Nixon in China (n° 267) mars 2012 25€ADÈS The Tempest (n°222) septembre 2004 22€AUBER La Muette de Portici (n° 265) 112 p. nov. 2011 25€BARTOK Le Château de Barbe-Bleue (n° 149/150) * 27€

(+Ariane et Barbe-Bleue de Dukas) novembre 92

BEETHOVEN Fidelio (n°164) nouvelle éd. mars 1995 *** 20€BELLINI Les Puritains (n°96) (nouv. éd. oct. 2013 ** 25€

Les Capulets et les Montaigus (n°122) Réimp. laser* 22€La Somnambule (n° 178) juillet 97 22€Norma (n° 236)nouvelle édition, janvier 2007 *** 22€

BENJ AMIN Written on Skin (septembre 2013) 27€

BERG Wozzeck (n° 215) nouvelle édition juin 2003 *** 25€Lulu (n°181-182) janvier 1998 25€BERLIOZ La Damnation de Faust (n°22) épuisé,disponible en PDF

Les Troyens (n°128-129) février 1990 25€Benvenuto Cellini (n°142) novembre 1991 épuiséBéatrice et Bénédict (n° 214) mai 2003 20€

BERNSTEIN Candide (n° 234) septembre 2006 22€BIZET Carmen (n°26) mise à jour 2007 25€

Les Pêcheurs des perles (n° 124)oct.1989 Réimp* 25€BOESMANS La Ronde (Reigen) (n°160) (+dossier sur L. Bondy) 18€

Le Conte d’hiver (n°198) octobre 2000 20€BOIELDIEU La Dame blanche (n° 176) avril 1997 20€BOITO Mefistofele (n° 238) mai 2007 22€BORODINE Le Prince Igor (n°168) novembre 1995 20€

BRITTEN Peter Grimes (n°31) Réimpression laser. * 25€Le Songe d’une nuit d’été(n°146) Réimp. laser. * 22€Billy Budd (n°158)mars 1994 22€Le Tour d’écrou +Owen Wingrave (n° 173)9/1996 25€

Albert Herring (n° 248) janvier 2009 25€BUSONI Doktor Faust (n° 193) novembre 1999 20€CAVALLI La Calisto (n° 254) janvier 2010 25€CHABRIER L’Étoile (n° 242) janvier 2008 25€CHARPENTIER G. Louise (n°197) juin 2000 20€CHARPENTIER M.A. Médée (n°68) mis à jour mai 1993 ** 18€CHAYNES J ocaste (n°6 A) 12€CHOSTAKOVITCH Lady Macbeth de Mzensk (n°141) màj 3/ 2011 ** 20€CILEA Adrienne Lecouvreur (n°155) septembre 1993 22€

CIMAROSA Le Mariage secret (n° 175) janvier 1997 18€CONDE La Chouette enrhumée (n° 9 A) 14€DALLAPICCOLA Le Prisonnier +Vol de nuit (n° 212) janvier 2003 20€DEBUSSY Pelléas et Mélisande (n° 266)Nouv. éd.1/2012 *** 25€DELIBES Lakmé (n° 183) mars 1998 18€DONIZETTI L’Elixir d’amour (n°95) mai 1996 épuisé,disponible en PDF

Don Pasquale (n° 108) Réimpression laser. * 22€La Fille du régiment (n° 179) septembre 1997 18€Maria Stuarda (n°225)mars 2005 22€Lucia di Lammermoor (n°233) nouv. éd. 7/2006*** 25€La Favorite (n°271) 114 pages, novembre 2012 27€

DUHAMEL Gambara (n°7 A) 12€DUKAS Ariane et Barbe-Bleue (n°149-150)novembre 92 * 27€

(+Le Château de Barbe-Bleue de Bartok)

DVORAK Rusalka (n° 205) 112 pages, oct. 2001 20€EÖTVÖS Trois Sœurs (n° 204) septembre 2001 20€FALLA, de La vie brève/L’amour sorcier/Les Tréteaux(n°177) 18€GERSHWIN Porgy and Bess (n°103) Réimpression laser. * 25€GIORDANO André Chénier (n° 121) Réimpression laser. * 25€GLUCK Iphigénie en Tauride (n°62) Réimpression laser. * 22€

Orphée (n°192) nouv. éd. septembre 99 *** 22€Alceste (n°256)Nouvelle édition mai 2010 *** 25€

GOUNOD Roméo et J uliette (n°41) mai 1982 * 25€Faust (n° 231) nouv. édition, mars 2006 *** 25€Mireille (n° 251) 110 pages, juillet 2009 25€

HAENDEL Rinaldo (n° 72) Réimpression laser. * 25€ J ules César (n°97) Mise à jour décembre 2010. ** 20€Orlando (n°154) juilllet 1993 18€

HAENDEL Sémélé (n°171) mai 1996 22€Ariodante (n° 201)avril 2001 22€Agrippina (n° 216) septembre 2003 20€Hercules (n°221) juin 2004 22€Belshazzar (n° 245) juillet 2008 25€

Alcina (n°277)nouv. édition, novembre 2013 *** 27€HALEVY La J uive (n°100) juillet 1987 22€HAYDN Orlando Paladino (n°42) septembre 1982 14€HERSANT Le Château des Carpathes (n° 8A) 14€HINDEMITH Mathis le peintre (258) septembre 2010 25€HUMPERDINCK Hänsel et Gretel (n°104)Réimpression laser. * 25€ J ANACEK J enufa (n°102) nouvelle édition mars 2003 ** 20€

Katia Kabanova (n° 114) mise à jour 1/2011 20€L’Affaire Makropoulos(n° 188) janvier 1999 22€De la Maison des morts (n°239) Nouv. éd. 2007 *** 22€La Petite renarde rusée (n° 252) Nouv. éd. 2009*** 25€

KORNGOLD La Ville morte (n° 202) mai 2001 20€LALO Le Roi d'Ys (n°65) juillet 1984 * 22€LANDOWSKI Le Fou +Montségur (n°2 A) 12€LEHAR La Veuve joyeuse (n°45) novembre 1982 18€LEONCAVALLO Paillasse (n°50)mars 1983. Réimpression laser. * 22€LIGETI Le Grand macabre (n°180) novembre 1997 22€LULLY Atys (n°94) mise à jour mars 2011. ** 20€

 Thésée (n° 243) mars 2008 25€MARTINU J uliette ou la Clé des songes (n° 210) sept. 2002 20€MASCAGNI Cavalleria rusticana (n°50)Réimpression laser. * 25€MASSENET Werther (n°61) mis à jour avril 1994 18€

Don Quichotte (n°93) déc. 1986. Réimpression laser. * 22€ Thaïs (n°109) mai 1988.Réimpression laser. * 22€Manon (n°123) mise à jour décembre 2011 ** 20€Esclarmonde +Grisélidis (n°148) sept. 1992 18€Le Cid +Panurge (n°161)sept. 1994 18€

Le Roi de Lahore +Hérodiade (n° 187)nov. 1998 18€Sapho +La Navarraise (n°217)novembre 2003 20€

MESSIAEN Saint François d'Assise (n°223)nouv. ed.oct. 2004 22€MEYERBEER Robert le Diable (n°76) juin 1985. Réimpression laser. * 25€

Les Huguenots (n°134)sept. 1990.Réimpression laser. * 25€MONIUSZKO Le Manoir hanté (n°83) (+Halka de Moniuszko) 14€MONTEVERDI Le Retour d'Ulysse (n°159) mai 1994 18€

L’Orfeo (n° 207) nouv. édition mars 2002 *** 20€Le Couronnement de Poppée (n° 224)déc. 2004*** 25€

MOUSSORGSKI Khovantchina (n°57-58)Réimpression laser. * 27€Boris Godounov (n°191) nouv. édition juillet 99 *** 20€

MOZART L’Enlèvement au Sérail (n°59, m. à jour 6/2003) ** 20€Idoménée (n°89) éd. mise à jour 9/2006 ** 22€Così fan tutte (n°131-132) mai 1995 25€Les Noces de Figaro (n°135-136) mis à j. mars 200725€Lucio Silla (n°139) mai 1991 18€(+dossier sur Lucio Silla de J . Ch. Bach)

Don Giovanni (n°172) juillet 1996 *** 25€La Finta Giardiniera (n°195) mars 2000 20€La Flûte enchantée (n°196)nouv. éd., avril 2000 *** 25€La Clémence de Titus (n°226) nouv. éd. 5/2005 *** 22€Mithridate (n° 263) juillet 2011 *** 25€

* signale les réimpressions numériques. ** signalent les éditions récemment mises à jour.

*** signalent les éditions d’anciens numéros entièrement refaites et mises à jour .

L’Avant-Scène Opéra - titres disponibles ( janvier 2014)

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7/25/2019 Avant Scene Opéra Traviata

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OFFENBACH La Périchole (n° 66) août 1984 18€La Belle Hélène (n° 125)mise à jour 11/2003 20€Orphée aux enfers (n° 185) juillet 1998 20€La Vie parisienne (n° 206) janvier 2002 20€Les Contes d’Hoffmann (n° 235) nov. 2006 *** 22€

OHANA La Célestine (n°3 A) 12€PONCHIELLI La Gioconda (n° 232) mai 2006 22€POULENC Dialogues des Carmélites (n°257) juillet 2010 *** 25€PREY Les Liaisons dangereuses (n°5 A) 12€PROKOFIEV L’Amour des trois oranges (n°133) juillet 1990 24€PROKOFIEV Guerre et Paix (n° 194) janvier 2000 20€

PUCCINI Tosca (n° 11) 144 pages, sept. 2007 ** 20€

PUCCINI La Bohème (n°20) sept. 1994 ** 20€Madame Butterfly (n°56) mise à jour 10/2003 ** 20€Manon Lescaut (n°137) janvier 1991. Réimp. laser. * 27€La Fille du Far West (n°165)mai 1995 22€Le Triptyque (n° 190) juin 1999 20€ Turandot (n° 220) nouvelle éd. mai 2004 *** 22€

PURCELL King Arthur (n°163) janvier 1995 22€Didon et Énée (n° 247) novembre 2008 *** 25€

RAMEAU Les Indes galantes (n°46) décembre 1982 * 25€Platée (n°189) avril 1999 22€Les Boréades (n° 203) juin 2001 20€Castor et Pollux (n°209) juillet 2002 20€Les Paladins (n° 219)mars 2004 22€Hippolyte et Aricie (n° 264),septembre 2011 25€

RAVEL L’Enfant et les sortil. +L’Heure espagnole (n°127) * 25€RIMSKI-KORSAKOV Kitège +Sadko (n°162)novembre 1994 20€

Le Coq d’or (n° 211) novemre 2002 20€ROSSINI Le Barbier de Séville (n°37) nouvelle éd. 6/2005 ** 22€

Le Siège de Corinthe (n°81) novembre 1985 18€La Pie voleuse (n°110) juin 1988 18€Guillaume Tell (n° 118) mars 1989/Réimp. laser. * 25€Le Voyage à Reims/Le Comte Ory (n°140) R.laser. * 27€L'Italienne à Alger (n°157) janvier 1994 18€Le Turc en Italie (n° 169) janvier 1996 18€Sémiramis (n°184) mai 1998 18€La Cenerentola (n°253) novembre 2009 *** 25€La Dame du lac (n°255) mars 2010 25€Otello (n° 278) janvier 2014 27€

SCHOENBERG Moïse et Aaron (n°167) septembre 1995 20€SCHUMANN Genoveva (n° 71) janvier 1985 * 22€

SMETANA La Fiancée vendue (n° 246) septembre 2008 25€STRAUSS J . La Chauve-souris (n°49) nouvelle éd. 11/2000. *** 20€STRAUSS R. Elektra (n° 92) mis à jour février 2009 ** 25€

Le Chevalier à la rose (n°69/70) mis à j. 4/2010 ** 27€Ariane à Naxos (n°77) juillet 1985. Réimp. laser * 25€Intermezzo (n°138) mars 1991 20€(+Lotte Lehmann : Née pour chanter Strauss)La Femme sans ombre (n°147)7/1992.Réimp. laser. * 25€Capriccio (n°152)mars 1993 22€Arabella (n°170) mars 1996 24€La Femme silencieuse (n°199) décembre 2000 22€Salomé (n°240) nouvelle éd. 09/2007. *** 25€

STRAVINSKY Œdipus Rex +Le Rossignol (n° 174) nov. 1996 18€ The Rake’s Progress (n°145)mars 1992.Réimp. laser. * 25€

SZYMANOWSKI Le Roi Roger (n° 250) 112 pages, mai 2009 25€

 TCHAÏKOVSKI Eugène Onéguine (n°43) m. à jour 6/ 2002. ** 20€La Dame de pique (n°119/120) m. à jour 11/2004 ** 22€ THOMAS Hamlet (n° 262),mai 2011 25€

VERDI Simon Boccanegra (n°19)m.à jour disco-vidéo 12/2013** 22€La Traviata (n°51) édition mise à jour en f év. 2014 ** 25€Le Trouvère (n°60) mis à jour sept.2003 ** 20€Nabucco (n°86) mis à jour juin 1994 18€Falstaff (n°87-88) édition mise à j our mars 2001 ** 25€La Force du destin (n°126)décembre 1989 20€+mise à jour disco-vidéographie en sept. 2011

Luisa Miller (n°151) janvier 1993 18€Maestro Verdi, n° spécial (n°200) janv. 2001 20€Otello (n°218)nouvelle éd. janvier 2004 *** 22€Un Bal masqué (n° 237) nouvelle éd. mars 2007*** 22€

Don Carlos (n° 244) nouvelle éd. mai 2008 *** 28€Macbeth (n°249) nouvelle éd. mars 2009 *** 25€Les Vêpres siciliennes (n°261)Nouv. éd. 3/2011*** 25€Aida (n° 268) nouvelle éd. mai 2012 *** 25€Rigoletto (n°273)nouvelle éd. mars 2013 *** 27€

VIVALDI Orlando furioso (n°260) janvier 2011 25€WAGNER Coffret Le RING (4 volumes sous coffret) 80€

L’Or du Rhin (n°227) nouv. édition, juillet 2005 *** 25€La Walkyrie (n°228)nouv. édition, sept 2005 *** 25€Siegfried (n°229)nouv. édition, novembre 2005 *** 25€Le Crépuscule des d.(n°230)nouv. éd., déc. 2005*** 25€Le Vaisseau fantôme (n°30)M ise à j. juillet 2010 ** 20€ Tristan et Isolde (n°34-35)m.à jour 2011 en cours ** 25€Parsifal (n°213) nouv. édition mars 2003 *** 26€

 Tannhäuser (n°63-64) M ise à jour mars 2004. ** 25€Rienzi (n°270) septembre 2012 27€Lohengrin (n° 272) nouvelle édition 1/2013 *** 27€Les Maîtres Chanteurs (n°279)nouv. éd. 3/2014 *** 28€

WEBER Obéron (n°74) avril 1985 épuisé, disponible en PDF

Le Freischütz (n°105/106) janvier 1988. Réimp. laser. * 27€Euryanthe (n°153) mai 1993 18€

WEILL Mahagonny(n°166) juillet 1995 18€ZANDONAI Francesca da Rimini (n°259) 136 pages, nov. 2010 25€ZEMLINSKY Le Nain +Une tragédie florentine (n° 186) 09/98 22€ZIMMERMANN Les Soldats (n°156) décembre 1993 20€

NUMEROS SPÉCIAUX

Opéra et mise en scène : Oliver Py. n° 275, juillet 2013 27€Opéra et mise en scène : Robert Carsen. n° 269, juillet 2012 25€Opéra et mise en scène (sous la dir. de C. Merlin) n° 241nov. 2007 25€Le Festival de Bayreuth, n° 274, mai 2013 27€Hugo à l’Opéra (sous la direction d’Arnaud Laster) n° 208 mai 2002 20€Opéra et Cinéma (avec une filmographie par opéra) n° 98mai 1987 20€

SERIE MODES D’EMPLOI

L’Opéra, mode d’emploi, par Alain Perroux (OME) 20€La Comédie musicale, mode d’emploi, par Alain Perroux (CMME) 30€Wagner, mode d’emploi, par Christian Merlin (WME) 20€Mozart, opéras mode d’emploi, par Pierre Michot (MOME) 26€Richard Strauss, mode d’emploi, par Christian Merlin (SME) 26€

Leoš Janáček, opéras, mode d’emploi, par Marianne Frippiat (LME) 25 €

Verdi, mode d’emploi, par Chantal Cazaux 25€

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Reliurepour 10numéros

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Chez votre libraire ou directement chez l’éditeur : 01 42 33 51 51Vente sur place : L’Avant-Scène Opéra, 15 rue Tiquetonne 75002 Paris

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L’OPÉRA MODE D’EMPLOI

par Alain Perroux

WAGNER MODE D’EMPLOI

par Christian Merlin

MOZART, OPÉRASMODE D’EMPLOIpar Pierre Michot

R. STRAUSSMODE D’EMPLOI

par Christian Merlin

LA COMÉDIE MUSICALEMODE D’EMPLOIpar Alain Perroux

 JANÁČEK ,OPÉRASMODE D’EMPLOI

par Marianne Frippiat

VERDI,MODE D’EMPLOIpar Chantal Cazaux

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L’AVANT-SCÈNE OPÉRAest éditée par

les Éditions Premières Loges

SARL au capital de 34 600 Euros

Rédaction et administration:15, rue Tiquetonne

BP 6244 75062 Paris Cedex 02Tél.: 01 42 33 51 51(33) 1 42 33 51 51

Télécopie: 01 42 33 80 91(33) 1 42 33 80 91

E-mail : [email protected]

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Directeur de la publicationet rédacteur en chef:Michel Pazdro

Rédactrice en chef:Chantal Cazaux

Conseillers de la rédaction: Josée Bégaud, Louis Bilodeau, Jean-Michel Brèque, Jean Cabourg,Hélène Cao, Sandro Cometta,Gérard Condé, Joël-Marie Fauquet,Pierre Flinois, Christian Merlin,Pi Mi h t Al i P

REMERCIEMENTS

La réda ction d e L’Avant -Scène Opéra exprime ses vifs remerciement s

au x Bibliothè q ues, Théâ tres d’o péra et collectionneu rs privés

qui l ’ont gra cieusement a idée à préparer cett e éd ition, et aussi à

Service d e presse d u Festival d ’Aix-en -Proven ce

Julia Weinecker et la Staa tsoper, Berlin

Service de p resse d u Lyric Opera , Chica g oAnne Zenda li et le Grand Théâ tre d e Ge nève

Rita G rudzien et le Covent Ga rden, Lond res

Elena Fuma g a lli et Archivio Foto g raf ico, La Sca la d e Mila n

John Pennino et les Archives du Met ropo lita n, New York

Service d e p resse d u Festival de Salzbo urg

Service de p resse d e l’Opéra de Zurich

Erica Jeal et le mag az ine Opera, Lond res

Olivier Brune l

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