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1 MARS-AVRIL 2010 dimension LE JOURNAL DE LA COOPéRATION BELGE dimension BIMESTRIEL MARS-AVRIL 2010 N°2 P308613 BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X RECONSTRUIRE UN éTAT FRAGILISé Reportages, récits et états des lieux en : Afghanistan, Haïti, Liban, Palestine, Niger, RD Congo, Burundi FICHE THéMATIQUE En quête d'un état idéal

Transcript of av rl P308613 b ReconstRuiRe un état fRagilisé · Les indicateurs des objectifs du Millénaire y...

1 mars-avril 2010 dimension

Le journaL de La coopération beLge

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bimestriel mars-avril 2010 n°2

P308613 bureau de déPôt bruxelles x

ReconstRuiRe un état fRagilisé Reportages, récits et états des lieux en : Afghanistan, Haïti, Liban, Palestine, Niger, RD Congo, Burundi

fiche thématique En quête d'un état idéal

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Dossier : Etats fragiles, populations en danger…

Reportage : Réfugiés de père en fils

Le journal de la coopération belge

Et aussi...

"La structure étatique idéale n'a pas encore été trouvée. Ce n'est que répétition des mêmes processus d'essais-erreurs, de recherches, de changements, d'améliorations..."

Périodique bimestriel de la Direction Générale de la Coopération au Développement (DGCD)

Rédaction : DGCD – Direction Programmes de SensibilisationRue des Petits Carmes 15 | B-1000 Bruxelles

Tél : 0032 (0)2 501.48.81 – Fax: 0032 (0)2 501.45.44E-mail : [email protected]

www.diplomatie.be | www.dgcd.beSecrétariat de rédaction : Elise Pirsoul,

Jean-Michel Corhay, Chris SimoensCréation et production : www.propaganda.be

Les articles publiés ne représentent pas nécessairement le point de vue officiel de la DGCD ou du gouvernement belge. La reproduction des articles est autorisée pour autant

que la source soit mentionnée et qu’une copie de la publication soit envoyée à la rédaction.

Dimension 3 paraît 5 fois par an tous les 2 mois sauf en été.Abonnement : Gratuit en Belgique et à l’étranger

Imprimé sur papier blanchi sans chlore.

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fiche thématique :L’éternelle quête d’Utopia

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Dossier : Ces maux auxquels doit faire face le Niger

Etats fragiles, populations en danger… 04

Réfugiés de père en fils 08

Un hôpital militaire devenu humanitaire 10

Donner un avenir aux pays en conflit 11

Ces maux auxquels doit faire face le Niger… 12

Fiche thématique : L’éternelle quête d’Utopia 15

Le cercle des parents 19

Seuls ceux qui connaissent leur droits peuvent les revendiquer 20

Un 9e objectif du Millénaire pour l’Afghanistan 22

Témoignages sur un pays déchiré 23

Les administrations locales sont aux commandes au Bénin 24

"Le respect envers la Croix-Rouge facilite notre travail" 25

Les abeilles protègent la forêt 26

Le rôle des femmes dans la sécurité alimentaire reste sous-estimé 28

La microjustice 29

Petite Dimension 30

Fleuve Congo 32

18 candidats se présentaient à l’élection présidentielle d’octobre 2009, en Afghanistan.

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Dossier :Seuls ceux qui connaissent leur droits…

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LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE

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BIMESTRIEL MARS-AVRIL 2010 °2

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RECONSTRUIRE UN ÉTAT FRAGILISÉ Reportages, récits et états des lieux en : Afghanistan, Haïti, Liban, Palestine, Niger, RD Congo, Burundi

FICHE THÉMATIQUE En quête d'un État idéal

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La fatalité existe-t-elle ?

une conférence internationale des donateurs vient dernièrement de rassembler près de 10 milliards de dollars pour la reconstruction de Haïti, dont la capitale et sa région ont été dévastés suite au séisme de janvier dernier. La belgique participera à cet effort à concurrence de 20 millions d’euros sur 3 ans. trois mois après la catastrophe, alors que plus de 220.000 victimes ont été retirées des décombres, 1,3 million d’Haïtiens sont toujours sans abris et 3 millions sont déplacés. avec 40% de ses infrastructures détruites, le pays est plongé dans le chaos. Mais peut-on se contenter de parler de fatalité ?

pourquoi les structures gouvernementales haïtiennes n’ont-elles pas étés en mesure d’apporter les secours les plus élémentaires ? comme des abris, de la nourriture, des installations sanitaires ? Si les catastrophes naturelles sont inévitables, une structure organisée et des services efficients peuvent mieux y répondre. Voici une quinzaine d’années, un autre séisme (d’une magnitude comparable de 7,3) secouait brutalement la ville japonaise de Kobe. Mais, à l’époque, le bilan n’avait pas dépassé les 7.000 morts. et quelques jours plus tard, l’organisation des interventions de secours était totalement sous contrôle. La différence ?

nombre de raisons expliquent qu’un etat ne puisse répondre aux besoins essentiels de ses citoyens. parmi elles, les conflits sont les causes les plus fréquentes ; comme en afghanistan, où les guerres se succèdent, détruisant en même temps toutes cohésion sociale. Les indicateurs des objectifs du Millénaire y sont désormais au plus bas (page 22). au proche-orient, le conflit israélo-palestinien, qui persiste depuis plus de 60 ans, a contraint des millions de palestiniens à un exil précaire (pages 8, 10, 19), et propage l’instabilité jusque dans les pays avoisinants. ou encore, dans ces pays où l’etat souffre d’une reconnaissance légitime et où la guerre civile et les putschs aggravent encore la situation d’une population déjà menacée de famine, comme au niger tout dernièrement (page 12).

dramatique paradoxe, ces pays fragilisés sont souvent ceux qui ont le plus besoin d’aide, mais où il sera le plus difficile de la mettre en œuvre efficacement. ainsi, pour aider l’éducation en afghanistan, il faut en reconstruire toute la filière. en afrique centrale, des périodes de troubles et d’anarchie politique, longues de parfois plus d’une décennie, ont également ruiné toutes les structures publiques (page 20). Y mener le moindre projet de coopération dans les régions plus reculées implique de construire des routes, des écoles, d’y importer des matériaux… des efforts considérables et prolongés pour un résultat peu éclatant, avec de surcroît le risque de les voir anéantis lors d’une nouvelle période de troubles. de quoi décourager les bailleurs, à moins d’une approche particulière. c’est ainsi que, ces dernières années, les pays de l’ocde ont développé et précisé la notion d’"Etat fragile".

Mais il ne s’agit pas de donner des leçons (de morale politique), ni d’imposer un modèle (occidental). cela consiste avant tout en une approche spécifique, développée par les bailleurs pour permettre une aide plus efficace. Le concept, d’ailleurs, est en perpétuel débat. comment sommes-nous parvenus à élaborer un modèle d’etat moderne, démocratique ? Quelles sont ses bases ? est-ce là le seul modèle valable ? Qu’est-ce qu’un "Etat idéal" ? telles sont les questions – dont les réponses sont en constante évolution –, soulevées dans la fiche thématique accompagnant ce numéro.

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Réfugiés fuyant la zone de conflit dans la région de Goma - Nord-Kivu 2009.

Les événements récents en Haïti et au Niger rappellent à quel point la thématique de la "fragilité" de certains Etats est d’actualité : la situation peut rapidement y devenir explosive et se transformer en catastrophe humanitaire de grande ampleur. La planification d’un projet de développement exige la prise en compte de nombreux facteurs qui s’interpénètrent souvent. or, dans les situations de fragilité, tout devient infiniment plus complexe et les risques sont décuplés. C’est donc pour s’assurer de l’efficacité maximale de ses actions de développement que la communauté internationale prône une approche particulière pour les "Etats fragiles". Loin de les stigmatiser, il est question de mieux les aider.

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qu’est-ce qu’un "Etat fragile" ?La réponse à cette question ne fait pas l’unanimité parmi les bailleurs et encore moins parmi les etats concernés, qui sou-haiteraient éviter cette qualification consi-dérée comme dénigrante (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’union européenne préfère utiliser le vocable de "pays en situa-tion fragile" à celui d’"Etat fragile").

Le comité d’aide au développement (cad) de l’ocde définit l’etat fragile comme suit : Un État est fragile lorsque le gouver-nement et les instances étatiques n’ont pas les moyens et/ou la volonté politique d’assurer la sécurité et la protection des citoyens, de gérer efficacement les affaires publiques et de lutter contre la pauvreté au sein de la population.1 Il propose en 2008 : L’incapacité d’un état à rencontrer les atten-tes de sa population ou à gérer l’évolution de ces attentes et des capacités disponibles, par des processus politiques.2

ces nouvelles approches à propos de la "fragilité" réinstallent l’etat comme acteur incontournable. c’est la puissance étatique qui dispose de la légitimité à lever l’impôt, de la capacité à faciliter le développement économique, etc. c’est à l’etat qu’il revient de fournir les services fondamentaux (sécu-rité, justice, santé, éducation) à la popula-tion. avec la difficulté supplémentaire que l’on attend plus de l’etat aujourd’hui que dans le passé, lors de la formation des etats nations européens.

comme l’etat redevient l’acteur principal, la communauté internationale approfondit et développe ses approches du renforcement de l’etat (ou State building). on met en évi-dence qu’il s’agit d’un processus endogène, non linéaire, et multidimensionnel. L’appui à ce dernier devra s’envisager sur le long terme et nécessiter, pour les acteurs inter-nationaux, une meilleure connaissance du contexte local, des relations entre les struc-tures formelles et informelles, des méca-nismes de légitimité, et des relations entre etat et société. Le but de cet appui inter-national est de permettre la mise en place d’etats suffisamment robustes (résilients)

pour surmonter les crises, de soutenir et de formaliser les structures de gouvernance locales, de pérenniser les acquis, afin de pouvoir in fine lutter contre la pauvreté.

de nombreux acteurs ont établi leur propre liste d’etats fragiles (la banque Mondiale, des universités anglaises, canadiennes,…), mais aucune ne fait l’unanimité car il est impossible à ce jour de trouver un consen-sus parmi les bailleurs. deux éléments au moins expliquent ce foisonnement de listes. premièrement, les divergences entre les différentes logiques soutenant la concep-tion d’une liste (Quel est le but poursuivi

Sécheresse extrême et famine en Somalie.

etats fRagiles, populations en DangeR…

états fragiles

avec six partenaires en situations de fra-gilité, et pas des moindres, la belgique a un rôle important à jouer. cela nécessite de repenser nos politiques et nos méca-nismes de mise en œuvre de l’aide, afin

de prendre en compte les particularités de ces etats : solides analyses contextuel-les, approche pangouvernementale, etc. comme ce numéro de Dimension 3 le pré-sente, nous avons commencé à adapter

nos pratiques à la réalité des etats fra-giles, cependant du chemin reste à faire pour relever les défis qui nous y atten-dent.

pour la Belgique

1 www.oecd.org/document/9/0,3343,fr_2649_33693550_39254537_1_1_1_1,00.html 2 ocde/cad, Concepts et dilemmes pour le renforcement de l’Etat dans les situations de fragilité, De la fragilité à la résilience, paris, ocde, 2008, p. 19.

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State building en RD CongoLa nouvelle constitution de la rd congo consacre le principe de la décentralisa-tion dans la gestion du pays, jusque-là un état unitaire, en déterminant même la clef de répartition des recettes à carac-tère national. des 11 provinces actuel-les, la rd congo devra passer à 26, au mois de mai 2010. Mais la connaissance des réalités au congo est devenue fort déficiente, surtout celles vécues sur le terrain dans les provinces.

Soutenu par la coopération belge, le Musée royal de l’afrique centrale (Mrac) à tervuren mène des études monographiques sur l’état réel de cha-cune des 26 provinces ainsi instituées. elles contiendront des données d’ordre administratif, politique, social, économi-que (y inclus les ressources naturelles et les infrastructures),… souvent objet des controverses. Les travaux identifieront le profil spécifique de chaque province pour les comparer quant à leurs atouts

et faiblesses du point de vue du déve-loppement. cette recherche conduira à s’interroger sur la cohérence interne des unités décentralisées ainsi que sur la construction d’un état congolais plus performant. bref, le résultat deviendra un outil important dans les mains des acteurs qui contribuent au développe-ment de la rd congo.

Jean omasombo

états fragiles

en l’établissant ?). deuxièmement, il y a autant de formes de fragilité que de pays en situations de fragilité. nous évoluons dans des contextes très spécifiques : le cas de la rd congo n’est pas celui d’Haïti.

néanmoins, nous pouvons retrouver des récurrences au niveau des causes de cette fragilité, causes auxquelles il faut tenter d’apporter remède : une situation de conflit, un contexte environnemental particulier (sécheresses ou inondations récurrentes, comme en ethiopie ou au bangladesh), l’in-sécurité, la pauvreté, la présence ou l’ab-sence de ressources naturelles, les faibles-ses institutionnelles et/ou capacitaires de l’etat, la faiblesse de la gouvernance, le manque de légitimité des élites, etc. ces différentes causes interagissent d’une

manière qui est propre à chaque pays et cela se traduit par une grande hétérogé-néité des situations, de la rd congo à Haïti, en passant par l’afghanistan.

Sur la liste du cad (ocde) qui compte 43 "Etats fragiles", se retrouvent six de nos pays partenaires (la rd congo, le burundi, les territoires palestiniens, l’ouganda, le rwanda et le niger). par ailleurs, d’autres listes similaires reprennent également la bolivie et le Mali.

pourquoi développer une approche particulière pour ces etats ?de par leur situation particulière, ces etats qui font face à des défis considérables, avec des capacités souvent très réduites, for-

cent les acteurs internationaux à s’interro-ger sur l’impact de leurs actions d’aide au développement.

en effet, selon les chiffres utilisés par le cad pour ses rapportages, les etats fragiles ne parviendront pas à atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (oMd) en 2015. ces pays qui représentent 1/6 de la population mondiale, regroupent 1/3 des personnes vivant avec moins d’un dollar par jour, et la moitié de la mortalité infantile mondiale. 35 pays considérés comme fra-giles en 1979 le sont toujours aujourd’hui. alors que leurs besoins sont criants, ces pays ont connu dans les années nonante une forte diminution de l’aide au développe-ment, en raison de la complexité inhérente à toute intervention de l’extérieur, tant au niveau politique que pratique. certains sont même devenus des "orphelins de l’aide", comme la république centrafricaine.

pourquoi tenir de tels débats sur des concepts qui peuvent paraître abstraits ? Le but est que les acteurs internationaux par-tagent les mêmes conceptions afin de tra-vailler avec plus de cohérence sur le terrain.

dans le cadre des réflexions sur l’efficacité de l’aide (cf. la Déclaration de Paris), les bailleurs ont pris conscience de la nécessité d’adapter leurs politiques et les modalités de l’aide au développement afin d’atteindre plus efficacement les populations de ces pays en état de fragilité. pour répondre à ces défis, et afin d’adopter une approche proac-tive des problèmes (agir sur les etats "fragi-les" pour qu’ils ne deviennent pas des etats

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Le conflit israélo-palestinien persiste depuis plus de 60 ans, laissant deux communautés dans un état de constante insécurité.

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Sécurité et développement "Pas de Développement sans Sécurité et pas de Sécurité sans Développement"

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La sécurité fait non seulement partie des besoins de base de chaque individu, mais surtout elle constitue un pré requis à toute forme développement durable; alors même que le développement constitue une condition au maintien de la sécurité.

La création d’un climat sécuritaire, dans son acception la plus large, est indispen-sable pour assurer le recul de la pauvreté, la protection des droits humains élé-mentaires et la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. La notion de sécurité ne renvoie plus seule-ment à la stabilité de l’etat et au fonction-nement des institutions politiques, elle comprend avant tout le bien-être de cha-que individu, créant ainsi un environne-ment favorable à la reprise/création d’ac-tivités économiques. a terme, la création d’une classe moyenne, avec le concours d’investisseurs étrangers, doit contri-buer à une répartition plus équitable des richesses.

dans une situation post-conflit, le relève-ment et la stabilisation d’un etat passent nécessairement par la Réforme de son

Secteur de la Sécurité (rSS) et par la réduc-tion du nombre de personnes armées (ayant souvent crû exagérément pendant le conflit et ayant profité de l’économie parallèle générée par celui-ci). L’objectif de la rSS vise donc à rétablir la confiance de la population en l’etat comme four-nisseur de sécurité et de justice, confor-mément aux aspirations de celle-ci. cette réforme vise non seulement les "acteurs classiques" de la sécurité (tels que armée, police, justice,…), mais également les "thè-mes transversaux" (tels que contrôle par-lementaire, rôle de la société civile et des média, etc.). il s’agit donc d’une réforme délicate, holistique et globale, qui s’inscrit dans la durée et dans le respect de la sou-veraineté nationale du partenaire.

un double débat est actuellement engagé au niveau international : d’une part, le

lien entre sécurité et développement, d’autre part, l’intégration de la rSS dans les actions diplomatiques. ceci implique la création de mécanismes de concerta-tion spécifiques entre acteurs parfois peu habitués ou enclins à partager une vision commune.

Même si certaines dispositions ont déjà été prises, il n’en demeure pas moins que beaucoup reste à faire pour parvenir à une approche véritablement en "3 D’s" (diplomatie, défense et développement), pour inclure la prévention des conflits dans les actions de coopération, et pour définir la sécurité comme un objectif diplomatique.

Lt-Col Junior de Fabribeckers,Détaché au SPF Affaires Etrangères - Coopération au Développement

"faillis", comme la Somalie), les bailleurs ont, depuis le début des années 2000, réévalué leurs politiques. La banque Mondiale, les etats-unis et la grande-bretagne sont en pointe dans la réflexion sur cette question (chacun ayant par ailleurs sa logique pro-pre). ces trois courants principaux se sont cristallisés au cad. en 2007, les Ministres

de la coopération au développement du cad ont ainsi adoptés les Principes pour l’engagement international dans les Etats fragiles et les situations précaires. au nom-bre de 10, ils sont sensés encadrer les poli-tiques d’action des acteurs du développe-ment agissant dans les etats fragiles.

egalement en 2007, l’union européenne a lancé un processus visant à coordonner les politiques des etats membres. ce processus doit aboutir à la mise sur pied d’un plan d’ac-tion de l’ue pour les situations de fragilité.

Xavier Rouha

Troubles au Kivu - 2009.

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liban, camp de nahr el-Barednous sommes à quelques kilomètres de tripoli. Le paysage serait magnifique s’il n’était entaché des ruines d’une scène de violence inouïe. d’un côté la mer, de l’autre les pics blancs des montagnes, à nos pieds, les gravats des immeubles et quelques pans de murs criblés de balles. Le camp de nahr el-bared qui abritait auparavant environ 30.000 réfugiés palestiniens fut le théâtre d’affrontements violents lorsqu’en mai 2007 les forces libanaises l’attaquèrent à la suite de la provocation d'un groupe armé qui s'était abrité dans le camp . un combat qui dura 3 mois et demi, laissant 27.000 personnes, déjà dans une situation difficile, sans abris. "Ces familles sont dans une détresse absolue, ils sont entièrement à la charge de l’UNRWA.", explique Salvatore Lombardo, directeur de l’unrWa au Liban.

La plupart des réfugiés ont été déplacés dans d’autres camps, les autres ont trouvé refuge chez des parents ou ont du louer de petits garages pour abriter leur famille. un nouveau coup dur pour ces réfugiés dans un pays qui ne les reconnaît pas comme les siens et dont la population leur est souvent hostile. ibrahim est professeur à l’école du camp. Ses parents sont arrivés à nahr el-bared comme tant d’autres en 1948, il est né ici et n’a jamais connu que les camps de réfugiés. "Après la destruction de mon immeuble, j’ai été déplacé dans le camp voi-sin de Beddawi, je viens tous les jours en bus pour enseigner." comme la plupart de ceux qui ont un travail, il est employé par l’unrWa qui gère notamment l’éducation des réfugiés dans les camps. L’organisation emploie en effet des travailleurs locaux, pour le reste, le taux de chômage est de 40 à 50 %, "ce qui est peu par rapport aux

autres camps. Nahr el-Bared était avant sa destruction celui qui avait la deuxième meilleure situation économique." Situé à côté de l'autoroute, près de la frontière syrienne , nahr el-bared était un important centre commercial profitant des échanges économiques entre les deux pays.

Réfugiés deux fois, cherchent appartementc’est pour mettre un terme au déplace-ment de ces milliers de réfugiés que l’un-rWa reconstruit le camp d’origine. "Pour les familles du camp dispersées, la détresse est totale. L’UNRWA doit pourvoir à tous leurs services, les frais sont multipliés." nahr el-bared n’est que l’un des quatre camps qui ont été détruits au Liban durant les années de conflit, "mais c’est le seul que nous som-mes en train de reconstruire", explique Salvatore en désignant un terrain vague

REPoRTAgE

Moyen-orient

Au Liban, en Jordanie, en Syrie, à gaza et en Cisjordanie sont réfugiés 4,7 millions de Palestiniens, dont 1, 4 millions vivent dans des camps1. Avec un espace de vie établi trois générations auparavant qui n’a pas suivi la courbe démographique, un taux de chômage affolant, une insécurité quasi-permanente, la vie dans les camps offre peu de perspectives d’avenir. Pour ces sans terres, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) est la principale assistance. Reportage sur les vestiges d’un camp au Liban, en cours de reconstruction.

Réfugiés De pèRe en fils

Du camp de réfugiés de Nahr el-Bared au Liban, théatre d'affrontements violents en 2007, il ne reste que des ruines.

1 chiffres unrWa, juin 2009

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l’unRWa lance un appel à l’aide

Moyen-orient

qui contraste avec les murs effondrés d’à côté. "Vous voyez, ici, avant c’étaient des immeubles en ruines. Il a fallu tout démi-ner, détruire, déblayer. Le sol était truffé de mines. Le processus est long car chaque étape doit être validée par le Conseil des Ministres libanais. Et comme si cela ne suffi-sait pas on a retrouvé des vestiges archéo-logiques qui ont stoppé temporairement les travaux." Heureusement, un compromis fut trouvé en soulevant le sol de 5 cm pour ne pas abîmer les vestiges.

construire, mais pas n’importe comment : "Le but est de permettre aux familles dépla-cées de retrouver un logement et une communauté de voisinage similaire à ceux qu’elles ont quitté." pour ce faire, un recen-sement minutieux des logements a été effectué par un groupe de volontaires de la communauté-même qui se sont mobilisés dès le débuts des combats. La construction a commencé fin mai 2009 et sera effec-tuée au fur et à mesure du support finan-cier reçu.

en attendant, et afin de favoriser un envi-ronnement viable, l’unrWa coordonne une assistance à ceux qui retournent peu a peu aux alentours du vieux camp détruit. en sus du projet de reconstruction, l’agence coor-donne des aides humanitaires (logements provisoires et gratuits, assistance sociale, médicale, alimentaire, et scolaire). elle offre également des aides économiques (une subvention de l'union européenne) pour rétablir les petits commerces ou entre-prises dans le camp. réactiver l'économie des quartiers palestiniens autour du vieux camp est primordial, car ces zones souf-frent d'un manque de circulation économi-que en partie parce que le Liban considère toujours cet endroit comme une zone mili-taire. comme dans un ghetto, l'accès y est fortement contrôlé par l'armée qui a insti-tué un système de permis pour tout rési-dent et visiteur.

une question de stabilité pour tout le moyen-orienta travers la bande de gaza, la cisjordanie, le Liban, la Syrie et la jordanie, sont ainsi dispersés 58 camps de réfugiés. L’unrWa gère les besoins de base comme l’éduca-tion (684 écoles pour toute la région), la

Réfugiés De pèRe en fils

Le conflit israélo-arabe de 1948 a entraîné le départ des premiers réfugiés palesti-niens. consécutive à cet exil, la Résolution 303 des nations unies créait, en 1949, l’agence des nations unies pour les réfu-giés palestiniens dans le Moyen-orient. L’agence n’aurait du avoir qu’une mission temporaire. Mais, six décennies plus tard, les quelques 750.000 réfugiés du début

de son mandat n’ont toujours pas quitté les camps et se sont multipliés. La démo-graphie et l’arrivée de nouveaux "exilés" porte le nombre de réfugiés actuels à 4,7 millions dans le Moyen-orient.

La situation générale des palestiniens, et en particulier celle des réfugiés, s’est largement détériorée depuis la seconde intifada, le blocus de gaza et l’offensive israélienne de 2008 dans la bande de gaza. aujourd’hui, 80 % de la population de la bande de gaza est dépendante de l’aide humanitaire. La montée générale des prix alimentaires, du carburant, des "loyers" dans les pays hôtes ; la diminu-tion de certaines donations suite à la crise financière; la difficulté d’acheminer de l’aide matérielle vers la bande de gaza, ont multiplié les besoins de l’agence. L’unrWa accuse cette année un déficit prévisionnel de 140 millions de dollars sur son budget régulier. La belgique a contri-bué à raison de 6.250.000 euros en 2009 et prévoit 6.750.000 euro pour 2010.

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santé (134 cliniques), l’aide alimentaire et les services sociaux de base, l’infrastruc-ture, la formation professionnelle de base… L’agence offre un près de 29.000 emplois locaux et elle veille et plaide pour le respect des droits humains des réfugiés.

cet état d’assistance obligatoire qui perdure depuis 60 ans génère frustrations, hosti-lité et violence chez les réfugiés, les autres palestiniens et les populations environnan-tes. La question des réfugiés palestiniens est un problème pour la stabilité de toute la région. en attendant une autre solution, le travail de l’unrWa aux côtés des réfugiés est essentiel.

Elise Pirsoul

online

www.unrwa.org

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Des casques bleus belges au sud-liban"La présence des casques bleus a permis de séparer les belligérants. C’est la pre-mière fois en 40 ans que la population du Sud Liban connaît 3 ans et demi de sta-bilité", explique le lieutenant-colonel de brabander, commandant du beLubatt, le contingent dont font partie les cas-ques bleus belges au Liban. "La population recommence à investir dans la construc-tion, ce qui est bon signe."

Les principaux objets de la guerre entre israël et le Liban sont les 250 à 400.000 palestiniens réfugiés1 au Liban depuis 1948 et la milice Hezbollah. au cours de l’été 2006, une guerre de 6 semaines entre le Hezbollah et israël a fait rage. Le conseil de sécurité des nations unies a alors décidé de renforcer la force intéri-maire de l’onu au Liban (FinuL), qui existe depuis la première invasion par israël en 1978, voyait passer ses effectifs de 3.000 à 12.500 hommes. Les belges participent à cette mission depuis 2006.

"Pas de développement sans sécurité…Les tâches de ce groupe de 360 militaires belges ont été réparties sur plusieurs activi-tés : un hôpital près du village de tibnine, le génie, le déminage et la protection de la force. a mesure de la stabilité retrouvée, les forces

militaires sont appelées à étre réduites."On a d’abord effectué le déminage huma-nitaire à Tibnine pour sécuriser les champs et les maisons." Le déminage, un domaine dans lequel la belgique a une expertise avérée et dont l’impact est visible. "Quand la région est déminée, les gens retrouvent l’esprit de reconstruction. Ils retournent aux champs." Lorsqu’une zone est com-plètement sécurisée, le déminage huma-nitaire est laissé aux ong et les militaires se replient dans les zones plus dangereu-ses. ils délimitent actuellement un passage dans les champs de mine sur la "Blue line", la ligne en deça de laquelle israël s’est retiré en 2.000. Le déminage est contrôlé par l’onu qui transférera, à terme, sa connaissance vers les Libanais.

Quant à l’hôpital militaire, il a du être déman-telé. Mais il offrait de nombreux services à la population. c’est ainsi que la coopération a pris le relais de la défense en proposant de remettre en état de marche un ancien hôpi-tal civil. "120.000 civils vont pouvoir profiter de l’hôpital", explique le gestionnaire du pro-jet à la ctb. "Les patients paieront 5% des soins, le reste sera pris en charge par l’Etat libanais." Les travaux de réhabilitation ont commencé en novembre 2008 et devraient se terminer en août 2010. ils sont supervi-sés au jour le jour par le génie beLubatt, en attendant un agent ctb au Liban. une fois le bâtiment réhabilité, la belgique fournira

les équipements médicaux, pour un total général de 3 millions d’euros.

…Ni de sécurité sans développement""Il faut d’abord assurer la paix pour per-mettre à tout le monde de s’asseoir à une table pour discuter", ajoute le comman-dant. L’objectif des nations unies est en effet, après la stabilisation, de permettre un processus diplomatique entre israël, le Liban et la Syrie. L’aide belge au Liban a véritablement démarré en 2006 (hormis unrWa, voir article p. 8) et s’inscrit dans cette optique comme le souligne le Ministre de la coopération : "La dimension régionale des projets qui sont soutenus ici est impor-tante. Il existe une réticence, compréhen-sible, qui consiste à ne pas mélanger mili-taire et humanitaire mais je suis convaincu que le développement est un enjeu politi-que majeur, une clé pour favoriser la paix et la sécurité."

c’est aussi l’avis de la casque bleu : "On vit avec la population, il est important d'avoir de bons contacts. Grâce à la remise en état de l’hôpital, la population est favorable à l’action des Belges. Les projets de dévelop-pement facilitent la sécurité des militaires."

Elise Pirsoul

Moyen-orient

En Afghanistan comme au Liban, le développement est lourdement conditionné par l’insécurité. Dans ces deux pays, on voit apparaître des synergies entre Défense et Coopération belge. Ainsi, dans le Sud du Liban, les casques bleus belges déminent les terrains des champs de batailles israélo-libanais et s’apprêtent à transférer une partie de la tâche aux oNg. Pendant ce temps, la CTB réhabilite un hôpital qui pourra combler le vide de l’ancien hôpital militaire belge qui rendait de nombreux services à la population...

1 différentes estimations existent.

un hôpital militaire devenu humanitaire

Le camp Scorpion des casques bleus belges à Tibnine.© D

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Consolidation de la paix

par où faut-il commencer ?

d’abord, il faut tout inventorier. Qui est prêt à faire quelque chose ? Quel type de paix souhaite-t-on : une paix durable, armée, ou fragile ? Quels sont les besoins au niveau de la politique, de la sécurité, de l’économie, de la justice…? La reconstruc-tion est en effet indispensable. L’éducation joue dans ce contexte un rôle important, notamment pour la formation de nouveaux dirigeants. Les coûts de tous les besoins doivent être calculés. un point que l’on oublie souvent. de plus, il est particulière-ment important d’associer toutes les par-ties prenantes. pas seulement la société civile et les groupements politiques, mais également les pays voisins.

quelle importance revêt la démocratisation ?

je suis opposé au modèle néoconserva-teur qui veut imposer une démocratie libé-rale de l’extérieur. c’est en partie de l’es-croquerie. Le passage vers une démocratie réussie exige plus que de simples élections. un pays sortant d’un conflit a, en premier lieu, besoin de stabilité. c’est possible si le pouvoir est "légitime", donc reconnu par le peuple. et la légitimité d’un pouvoir dépend tout autant de la bonne gouvernance que du degré de démocratisation. dans une situation de post-conflit, cela n’a d’ailleurs pas beaucoup d’importance que l’état se montre quelque peu autoritaire. pourvu qu’il réponde aux besoins essentiels de la population : sécurité, alimentation, soins

de santé, écoles, etc. prenons par exemple la corée du Sud. dans les années 70, le pays avait un régime autoritaire, mais également une politique économique progressiste. L’accent était mis sur l’éducation, la recher-che et la gestion. La demande de démo-cratisation ne vint que plus tard. Quand la belgique est-elle vraiment devenue démo-cratique ? a peine dans les années 60, après la décolonisation !

une démocratie libérale promeut égale-ment le marché libre et le dégraissage de l’état. Mais on ne peut pas imposer cela sans nuances aux états fragiles. dans un premier temps, il y a un besoin de protec-tionnisme. dans ce contexte, l’état joue un grand rôle. il doit décider où il faut investir et veiller progressivement à une ouverture au marché libre. aurions-nous oublié que les pays prospères de l’ouest et de l’est sont eux aussi passés par là ?

comment aborder la sécurité ?

La sécurité est d'un intérêt vital. un pays dangereux attire les mafiosi et constitue un terreau favorable à la corruption. dans ce contexte, les nations unies ou les orga-nisations régionales ont un rôle impor-tant à jouer en tant qu’instances neutres. ainsi, le congo a besoin d’une solide force militaire des nations unies, qui impose la paix, modernise l’armée et renforce la police. au fur et à mesure que les insti-tutions nationales se montrent capables d’assurer l’ordre et la paix, les troupes étrangères peuvent se retirer.

quid des blessures provoquées par un conflit ?

il faut guérir les blessures. c’est possi-ble en combinant la justice, les compen-sations, la reconnaissance de la dette, le pardon, l’assurance que cela ne se pro-duira plus, etc. Mais parfois, on regarde trop vers le passé. ainsi, le soutien massif aux gacaca – les tribunaux populaires – au rwanda a été exagéré. chaque village avait sa gacaca. un pays sortant d’un conflit a surtout besoin d’espoir et d’avenir. pensez à l’europe après la Seconde guerre mon-diale. on parlait d’un Plan Marshall, il y a eu l'Initiative Fulbright (ndlr : un programme d’échanges d’étudiants entre les etats unis et l’europe afin d’améliorer la com-préhension entre les peuples). ces mesu-res étaient porteuses d’espoir.

un monde sans conflits est-il possible ?

Les conflits sont inévitables dans les rela-tions humaines. Mais nous pouvons contri-buer à ce que les conflits soient réglés sans recours à la violence. dans ce contexte, l’ue joue un rôle d’exemple. nous vivons actuellement dans une région sûre, pros-père et libre. non pas parce que nous som-mes devenus meilleurs, mais parce que nous avons créé les circonstances nous permettant d’aborder les conflits avec plus d’efficacité.

Chris Simoens

Comment garantir la paix dans un pays déchiré par les conflits ? Dimension 3 a rencontré le professeur Luc Reychler (K.U. Leuven), spécialiste en matière de consolidation de la paix.

Donner un avenir aux pays en conflit

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pauvreté et démographie élevée1

62 % des nigériens sont pauvres et 34% sont extrêmement pauvres. plus de la moi-tié des ménages ont un revenu moyen infé-rieur à 53 euros par personne et par an. L’intensité de cette pauvreté est détermi-née par une série de facteurs tels que le lieu de résidence (9 sur 10 pauvres vivent en milieu rural), le niveau d’instruction (74,9% d’analphabètes), la taille des ménages (plus de 6 personnes), le secteur d’activité (essentiellement agricole), et le genre (3 sur 4 des pauvres sont des femmes).

La pauvreté extrême d’une population essentiellement rurale, tributaire d’un envi-ronnement sahélien difficile, aggravée par un taux de croissance démographique élevé, constitue la principale faiblesse et le plus grand défi pour le développement écono-mique et social du niger. cette croissance démographique, de plus de 3% par an, et un taux de croissance économique moyen inférieur à ce taux, débouche sur l’appau-vrissement général de la population.

Dégradation climatique et insécurité alimentaire2 a l'instar des autres pays sahéliens, le niger connaît une anomalie climatique prononcée depuis plusieurs décennies. Les problèmes environnementaux s’imposent aux habi-tants avec sévérité du fait des sécheres-ses récurrentes, de la désertification, de la démographie élevée, et de la crise écono-mique persistante.

dès lors, tandis que les équilibres des éco-systèmes sont sérieusement perturbés, les ressources naturelles disponibles s'amenui-sent au fil du temps. Les principales consé-quences en sont la baisse de fertilité des sols, la réduction du capital productif, la diminution des revenus en milieu rural, l'ac-croissement de l'insécurité alimentaire, et l'exacerbation des conflits entre les exploi-tants des ressources.

Les 2/3 de la surface totale du niger sont désertiques et seulement 11% des terres sont aptes à l’agriculture. avec 270.000 ha de terres irrigables, dont seulement 85.700

sont exploitées, la production agricole nigérienne reste faible, et elle est même décroissante sur le long terme. en effet, l’extension des superficies cultivées n’a pas entraîné un renversement de la tendance du déséquilibre vivrier, en raison de la forte croissance démographique et de la fai-blesse des investissements de modernisa-tion dans le secteur agricole. La production agricole restant structurellement inférieure à la demande nationale, le niger est donc amené à importer des denrées alimen-taires, son principal partenaire en matière d’approvisionnement étant le nigéria voi-sin.

en 2004-2005, un déficit de production au nord nigéria, la sécheresse, et les inva-sions de criquets, ont entraîné une grave crise alimentaire3. en 2010, le même fléau menace une fois de plus. un ralentisse-ment des pluies au moment des semis a engendré des poches de sécheresse dans plusieurs régions. cette faible pluviométrie à un moment crucial, assortie des dégâts provoqués par des insectes nuisibles, a eu

ces maux auxquels Doit faiRe face le nigeR…Niger

Récemment à la une de l’actualité suite au coup d’Etat militaire qu’il vient de connaître, le Niger, ce pays sahélien d’Afrique de l’ouest, territoire immense et enclavé, adossé au Nigéria, est l’un des pays les plus pauvres au monde. Affecté par des sécheresses récurrentes, il doit en outre faire face, depuis son indépendance en 1960, à l’instabilité politique et aux conflits internes. Considéré comme un "Etat fragile", le Niger dispose cependant d’atouts intéressants, telles les richesses minières, un potentiel pastoral non négligeable, et une surface de terres irrigable encore peu exploitée.

1 Stratégie de développement accéléré et de réduction de la pauvreté (Sdrp) 2008-2012 ; profil de sécurité alimentaire du niger par le ciLSS et cSao, avril 2008.2 idem 1 + centre régional agrHYMet, bulletin spécial sur la situation agro-pastorale, août 2009.3 cette question de la sécurité alimentaire reste un sujet difficile, voire tabou au niger, où elle a été à l’origine du premier coup d’etat militaire, en 1974, renversant le régime du président diori.

Pauvreté d'une population essentiellement rurale, et particulièrement des femmes.

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ces maux auxquels Doit faiRe face le nigeR…Niger

comme conséquence un ralentissement de la croissance du mil. dans le secteur pasto-ral d’autre part (qui représente 13% du pib national, et implique 87% de la population rurale), le niger a enregistré un déficit four-rager sans précédent, qui risque de com-promettre l’existence même du secteur.

en effet, le caractère sous-régional du problème complique encore davantage l’approvisionnement fourrager, et compro-met les possibilités de transhumance. une enquête gouvernementale, qui a rendu ses conclusions fin janvier, a finalement reconnu l’urgence de la situation. pas moins de 2,7 millions de personnes, soit 20 % de la population, seraient en effet menacées cette année.

instabilité politique et déni de démocratieindépendant depuis 1960, le niger a connu sur le plan politique une succession de périodes calmes et agitées. tout d’abord gouverné durant 14 ans par un régime civil à parti unique (l’ère Hamani diori), les régimes militaires se succèdent jusqu’à fin 1999. Sous la pression internationale, le major daouda Mallam Wanké rend alors le pouvoir aux civils, permettant ainsi les deux mandats présidentiels successifs de Mamadou tandja.

L’ère tandja sera marquée par des efforts de redressement économique et finan-cier soutenus par les bailleurs de fonds, et par une approche stratégique plus for-malisée débouchant sur l’adoption en 2002 de la Stratégie de Réduction de la Pauvreté (Srp) et, en 2007, de la Stratégie de Développement accéléré et de Réduction de la Pauvreté (Sdrp).

avec la réussite des élections locales, législatives et présidentielles de 2004, le niger a écrit une page décisive de son his-toire démocratique. pour la première fois depuis le début du processus démocratique enclenché en 1990, une législature a été remplacée par une autre, confirmant la sta-bilité politique du pays. en témoigne ainsi la création en 2004 du Conseil National de Dialogue Politique, cadre permanent de prévention et de règlement des conflits politiques, qui regroupe tous les partis poli-tiques et le gouvernement ainsi que les autorités morales. des tensions socio-poli-tiques ont cependant été observées (grè-ves et manifestations contre la vie chère, contre la faiblesse des salaires, à caractère politique,…) et, depuis 2007, la démocratie a été fragilisée par des affaires de corrup-tions et la reprise de la rébellion touarègue dans le nord, sous-tendue par des trafics de drogue, d’armes et de personnes.

L’approche des élections présidentielles et la volonté du président tandja de se main-tenir au pouvoir (alors que la constitution limite à deux le nombre de mandats pré-sidentiels), vont déboucher en mai 2009 sur une crise institutionnelle marquée par la dissolution de l’assemblée nationale, >

A l'instar des autres pays sahéliens, le Niger connaît une anomalie climatique prononcée.

Les problèmes environnementaux s'imposent aux habitants avec sévérité du fait des sécheresses récurrentes.

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> puis de la cour constitutionnelle, et par l’adoption d’une nouvelle constitution pré-voyant la prolongation du mandat du prési-dent pour 3 ans. ce "coup d’Etat institution-nel" va susciter la réprobation de l’ensemble des partis politiques, de la société civile et des bailleurs de fonds du niger, et va finale-ment déboucher sur le coup d’etat militaire perpétré le 18 février 2010.

avec ce dernier putsch et la destitution du président tandja, l’armée voudrait passer pour le garant du changement démocrati-que. Mais, si elle tire une certaine légitimité de la confrontation avec la rébellion touarè-gue, elle est mal perçue par la communauté internationale qui appelle tous les acteurs concernés à s’engager dans un processus démocratique en vue de rétablir un "ordre constitutionnel" dans le pays.

la rébellion des touaregsdepuis 1990, une minorité est entrée en rébellion, les touaregs, en butte à la dis-crimination et à la répression de la part des autorités. ils réclament leur reconnaissance et une représentation dans la structure fédérale, qui lui permettrait de toucher une partie de la manne de l’extraction minière du niger. Les régions les plus riches en ura-nium et en charbon se trouvent en effet dans les zones de peuplement touareg.

Sous l’égide de la France et de l’algérie, un traité de paix a pu être signé en 1995, qui aura été suivi par une longue trêve. Mais celle-ci a été rompue en 2007 et, depuis lors, la rébellion a repris dans le nord du pays,

Population : 13,5 millions

Superficie : 1.267.000 km2

Capitale : niamey

Structure étatique : république

PNB / habitant : 155 dollars

Classement iDH PNUD : 182ème sur 182

Religion : islam 95 %, animisme 4 %, christianisme 1 %.

Taux de prévalence du SiDA : 0,67 %

Source: Indicateurs africains du développement

conduite par le Mouvement des Nigériens pour la justice (Mnj). celui-ci reproche au gouvernement le non-respect des accords de 1995, qui concernaient notamment la réinsertion des ex-rebelles, ainsi que l’em-bauche des touaregs dans les compagnies minières. depuis lors, les enlèvements de cadres, de diplomates et de touristes se sont multipliés, revendiqués par les rebelles touaregs, ou encore attribués à Al Qaeda au Maghreb, présent dans la région.

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Le haut commandement du MNJ (2008).

l’uranium, une ressource précieuseSi le niger reste l’un des pays les plus pau-vres d’afrique, son sous-sol recèle par contre un minerai très recherché : l’ura-nium, dont les prix se sont envolés ces der-nières années. troisième producteur mon-dial de ce combustible (après le canada et l’australie), le niger en a extrait 3.242 tonnes en 2009. en termes de réserves, il arrive en huitième position, avec 5 % des gisements mondiaux. jusqu’en 2007, l’im-portant groupe nucléaire français Areva a pu y bénéficier du monopole de l’extraction, mais les autorités de niamey ont cherché à sortir de cette relation de dépendance et, depuis lors, celles-ci ont octroyé des licen-ces d’exploration à une centaine d’autres compagnies étrangères.

Le Mnj, devenu l’un des principaux grou-pes rebelles, réclame la redistribution de ces richesses, qui échappent aux popu-lations locales. Mais la reprise de la lutte armée a eu pour principal résultat jusqu’à présent une nouvelle militarisation du pays, qui s’accompagne d’une ferme répression à l’encontre des sympathisants réels, ou sup-posés, de la rébellion.

Florence Deschuytener Jean-Michel Corhay

Pont sur le fleuve Niger, à l'approche de Niamey.

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chasseuRs-cueilleuRsLes premiers hommes pratiquaient la chasse et la cueillette. nomades, ils vivaient en petits groupes dont le nombre était volontairement limité entre 25 et 50 membres. il s'agissait de peser le moins possible sur leur environnement naturel qui leur apportait leur nourriture (plantes et animaux sauvages).

on suppose que ces petits groupes sont relativement égalitai-res: la différence de rang est quasi inexistante. Les plus âgés exercent une autorité discrète, les décisions sont prises de pré-férence au sein du groupe. ce type de communauté se retrouve encore aujourd'hui chez les amérindiens et les aborigènes aus-traliens.

sociétés tRiBalesL'agriculture est venue modifier cette situation. il y a quelque 12.000 ans, l'homme apprend à cultiver des plantes sauvages et

à élever des animaux. cette abondance de nourriture permet une croissance démographique. d'autre part, les travaux agricoles ne requièrent pas la participation de tous. La diversité des tâches s'est ainsi imposée (aux agriculteurs viennent s’ajouter des arti-sans, une classe dirigeante, …), tout comme une différence de sta-tut. La communauté perd donc son caractère égalitaire. L'homme ne doit plus se déplacer pour rechercher sa nourriture, il s'installe alors dans des villages.

ces sociétés originelles s'articulent principalement autour des liens de parenté. elles sont organisées et vivent en tribus. différentes familles (élargies) appartiennent à un groupe plus important (vil-lage ou clan), différents villages forment une tribu ou un groupe ethnique. chaque groupe possède son propre chef. il y a des chefs de famille, des chefs de village et des chefs de tribu. certaines sociétés – comme les igbos au nigéria – sont fortement décentra-lisées : chaque village y est indépendant.

Le journaL de La coopération beLge

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l'éteRnelle quête D'UtoPia

FiCHE THéMATiqUE

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Le désir de créer une société idéale est apparu avec la naissance de l'humanité. Passons en revue les évolutions qui ont mené aux formes actuelles de nos états. Analysons les difficultés rencontrées. La structure étatique idéale n'a pas encore été trouvée. Ce n'est que répétition des mêmes processus d'essais-erreurs, de recherches, de changements, d'améliorations.

Le conseil des anciens – présidé par le chef- est un organe d’administration important dans la société traditionnelle en Afrique.©

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Les sociétés organisées sur le mode tribal sont souvent considé-rées en occident comme des sociétés primitives. rien n'est moins vrai. Leur organisation est parfaitement adaptée à leur environ-nement. elles ne sont pas prisonnières d'un territoire et les diffé-rences sociales y sont minimes. Leur système juridique est astu-cieux : chaque conflit est réglé à un niveau approprié de la famille, du village, de la tribu. Le conseil des anciens est un organe clef dont le chef peut être destitué de sa fonction s'il ne satisfait pas. c'est la communauté qui entretient les routes et les autres infras-tructures communes. on peut donc dire que de manière générale les communautés tribales assurent très bien leur ordre intérieur, la solidarité familiale garantit à leurs membres une existence digne. ces communautés étaient les plus répandues en afrique à l'ère précoloniale.

civilisationsLes excédents économiques – dus par exemple à la production agricole élevée et à l'expansion du commerce – ont mené à la naissance des civilisations. elles se caractérisent par une struc-ture politique complexe composée de diverses institutions – un etat à part entière – et par un pouvoir centralisé fort, dont un roi est souvent le dépositaire. ce dernier s'emploie la plupart du temps à accroître sa sphère d'influence, son royaume s'élargit par l'absorption de plusieurs groupes ethniques. Ses sujets peu-vent acquérir davantage de richesses, l'écart entre les classes se creuse. Les civilisations possèdent également leurs propres cultures sur le plan des valeurs, des usages, des expressions artistiques.

parmi ces civilisations, on retrouve l'ancienne egypte, le ghana, le Mali, l'ethiopie, les Sumériens, les incas et l'empire romain. confucius (500 av. jc) aura quant à lui inspiré l'empire chinois, dans sa conception d’une société "idéale". ce n'est pas tant la loi, sinon le sens moral qui est le garant de l'ordre dans la société. Les rituels et des valeurs comme le res-pect des anciens et des supérieurs en constituent les fondements.

féoDalisme et aBsolutismeLe féodalisme européen du haut moyen-âge est issu des socié-tés tribales germaniques. La hiérarchie des niveaux sociaux y est également présente : les seigneurs sont supérieurs aux vassaux. Le roi ou l'empereur est le plus puissant des seigneurs, tandis que le serf se trouve au bas de l’échelle. ce système repose essentiellement sur l'exploitation.

Le système féodal laisse aux vassaux une certaine indépendance par rapport au roi. a partir des 15e et 16e siècles cependant, les rois s’approprient progressivement tout le pouvoir. Les autres classes (bourgeoisie, noblesse, clergé) n'ont quasiment plus voix au chapitre. Le parfait exemple de cet absolutisme est Louis XiV, le roi Soleil (1638-1715).

les Révolutions Des 17e et 18e sièclesLe 17e siècle voit se répandre un courant de pensée qui s'op-pose à cet absolutisme. Les penseurs de l'époque s'inspirent du modèle grec de gestion du pouvoir par le Demos (peuple), développé à athènes aux 4e et 5e siècles avant jc. chaque habi-tant de la cité était membre de l'Ecclesia (sorte de conseil municipal) qui se réunissait au moins 40 fois par an. c'est là que se prenaient les grandes décisions. il y avait également un autre conseil, composé de 500 membres, et un comité de 50 membres. L'aspect négatif était que seuls les habitants de sexe masculin âgés de plus de 20 ans pouvaient faire partie de l'Ecclesia. esclaves - la majorité de la population -, femmes, et étrangers, en étaient exclus.

Le penseur Locke (1637-1704) a mis en avant l'existence de droits "naturels" que l'homme reçoit de dieu : le droit à la paix, à la liberté et à la propriété. il prônait l'idée d'un gouvernement élu par le peu-ple et qui protège ses droits.

Les idées de Locke ont influencé la Révolution anglaise de 1688. celle-ci a réduit considérable-ment le pouvoir du roi, qui s'est

vu adjoindre un parlement en tant que nouvel organe politi-que. Les membres du parlement étaient de véritables "repré-sentants du peuple", choisis par le peuple. Le Bill of Rights est le premier texte qui définit des droits octroyés aux citoyens, parmi lesquels la liberté d'expression.

Montesquieu (1689-1775) soute-nait que toute personne déten-trice d'un quelconque pouvoir aura tendance à en abuser. Selon lui, il convient donc de répartir ce pou-voir sur trois instances : l'exécutif, le législatif et le judiciaire. La règle essentielle étant que chaque pou-voir soit contrôlé et limité par les deux autres.

La Révolution américaine (1763-1787), qui a permis aux etats-unis de se détacher de l'angleterre,

a résolument opté pour cette "séparation des pouvoirs". Les etats-unis sont devenus une république avec un président aux rênes du pouvoir exécutif. Le pouvoir législatif est entre les mains du parlement. L'accent est mis sur la liberté et l'égalité des citoyens. La constitution américaine est la première consti-tution du genre.

La Révolution française (1789-1792) a mis fin de manière radi-cale à l'absolutisme incarné par la personne du roi Louis XVi. il a été remplacé par la république française, dotée d'un parle-

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ment élu détenteur du pouvoir législatif. La transposition dans la pratique de l’ambitieuse Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne fut pas évidente. Finalement, en 1799, napoléon prend le pouvoir. Son avènement ne fut pas entièrement syno-nyme de retour en arrière. Son organisation du pouvoir judi-ciaire, des communes et des provinces est encore en applica-tion aujourd'hui.

l'etat moDeRne De type occiDentalLes différentes révolutions ont ouvert la voie de l'etat moderne. il comporte cinq caractéristiques de base :

• L'Etatdisposed'unpouvoir central, indépendant.• Lesinstitutionsdel'Etatsontpubliques, elles prennent et

appliquent des décisions qui concernent l'ensemble de la communauté. Les groupes privés comme les organisations syndicales, les familles et les entreprises poursuivent leurs objectifs personnels.

• Lepouvoirdel'Etatestlégitime (légal). Ses décisions lient tous les membres de la communauté et servent l'intérêt général.

• L'Etatestuninstrumentdesuprématie. il peut imposer ses décisions et dispose d'outils pour ce faire : police et tribu-naux ("le monopole de la violence légitime"). Les contreve-nants aux lois sont sanctionnés.

• L'Etatestliéàunterritoire, et est reconnu en principe en tant que tel par la communauté internationale.

L'etat démocratique moderne repose sur une constitution qui en fixe l'organisation et la relation entre dirigeants et dirigés. Sa caractéristique principale est la séparation des pouvoirs exécu-tif, législatif et judiciaire. Les élections sont essentielles. elles permettent au peuple d'exprimer un jugement sur ses dirigeants et, le cas échéant, de les désavouer.

Les tâches principales de l'etat sont de maintenir l'ordre inté-rieur et de garantir une existence digne à ses citoyens. dans la société complexe d’aujourd’hui, l'etat possède de nombreu-ses compétences: la levée d'impôts afin de financer les services publics, l'enseignement, les transports, l'économie, l'énergie, etc. il entretient des relations avec l'étranger et possède une armée destinée à protéger le pays. Les ministres (et secrétaires d'etat) exercent ces diverses compétences. pour exécuter leur politique, ils s'appuient sur un corps administratif, les ministè-res.

afRiqueLors de la conférence de berlin en 1885, les puissances euro-péennes se sont partagé le continent africain. Le roi Léopold ii a reçu le congo pour la belgique. Les frontières en ont été fixées arbitrairement. de ce fait, plusieurs groupes ethniques diffé-rents se sont retrouvés sur un même territoire "national".

La vague d'indépendances des années 50 et 60 a débuté assez soudainement en afrique, obligeant les colonisateurs à quit-ter leurs colonies de manière tout aussi abrupte. Le manque de temps ne leur a pas permis d'opérer le transfert de leurs institu-tions étatiques à la nouvelle nation. elles appartenaient en effet aux colonisateurs et non à la colonie qui fonctionnait souvent sur un mode tribal. d'autre part, l'économie de ces colonies se limitait à un seul ou à quelques produits d'exportation, dont le bénéfice ne profitait guère au pays.

Les pays nouvellement indépendants partaient donc sur des bases plutôt fragiles. Leurs dirigeants ont toutefois maintenu les frontières de leur territoire telles que les colons les avaient fixées, en préférant néanmoins conserver un pouvoir centralisé fondé sur un parti unique et ce, en raison de la diversité des groupes ethniques présents. ils ont su faire usage du tout nou-veau sentiment national né de la lutte anticolonialiste qui avait rassemblé toutes les forces du pays. cela a parfois donné

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"La Liberté guidant le peuple". Célèbre tableau d’Eugène Delacroix qui représente la Révolution française.

Lors de la conférence de Berlin en 1885, les puissances européennes se sont partagé le continent africain.

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lieu à des expériences socialis-tes assez originales, comme ce fut le cas en tanzanie avec le président nyerere.

de nombreux dirigeants ont conso-lidé leur pouvoir. ils ont conquis leur population en leur prodiguant des services comme l'enseignement ou les soins de santé. Leur souci prin-cipal restait néanmoins l'ancrage de

leur propre hégémonie. La fin de la guerre froide et le man-que d'intérêt au niveau international dans les années 90 ont entraîné une forte réduction des moyens. plus guère de place pour les services aux citoyens. cette situation a finalement entraîné un processus de démocratisation appuyé par la tenue d'élections libres. a l'instar de l'europe, l'afrique n'effectue pas ce passage vers une véritable démocratie du jour au lendemain, cela demande du temps. certains pays sont confrontés à des groupes qui refusent de reconnaître le pouvoir central (Soudan, nigéria, niger, …). beaucoup sont considérés comme des "Etats fragiles".

etats fRagilesLa signification de l'expression "Etat fragile" ne fait pas l'unani-mité. elle fait référence aux pays qui rencontrent des difficultés à réaliser les tâches spécifiques d'un état, comme le maintien de l'ordre intérieur et la répartition équitable des richesses. La par-ticipation de la population à la vie politique est trop faible, tout comme le contrôle sur le pouvoir exécutif. La gestion du budget de l'état est également problématique.

ce concept revêt une grande importance en matière de coopé-ration au développement. La particularité des "Etats en situation

fragile" est la grande pauvreté de leur population et un niveau d’aide extérieure souvent très limité. il n'existe en effet aucune garantie que l'aide fournie arrive effectivement à bon port.

il n'empêche, ces pays ont besoin d'être soutenus. Six pays par-tenaires de la belgique sont en situation de fragilité, selon l’or-ganisation de coopération et de développement economiques : la rd congo, le burundi, le rwanda, les territoires palestiniens, l'ouganda et le niger. dans un souci d'accroître l'efficacité de son aide, la belgique décide avec le pays partenaire de promou-voir la bonne gouvernance. tous deux s'engagent à faire preuve de transparence et à rendre des comptes afin de lutter contre la corruption. La belgique collabore avec les institutions du pays et

fournit des formations et des conseils. cette action s'accompa-gne du renforcement des structures démocratiques (parlement, société civile, …), d’une attention portée au respect des droits de l'homme et de la promotion de la liberté de la presse.

conclusionSi le modèle démocratique est celui qui est le plus appliqué actuel-lement, il ne constitue pas pour autant un aboutissement ultime. on assiste de fait à un élargissement de l'influence des organisa-tions internationales et supranationales comme les nations unies et l'union européenne. conjointement, une tendance se dessine vers davantage de compétences pour des entités locales. Le choix se portera-t-il sur un état réduit qui privilégie les initiatives pri-vées ou sur un état aux vastes compétences où les richesses sont réparties au mieux ? La quête d’Utopia1 se poursuit.

Chris Simoens

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1 Utopia : ouvrage de thomas More (1516), qui décrit une société idéale.

en belgique, qui est une

monarchie constitution-

nelle, le pouvoir légis-

latif est exercé par le

parlement (la chambre et

le Sénat) et le roi. outre le

pouvoir d’édicter des lois,

ils peuvent également ins-

taurer des commissions d'enquête et contrôler le pouvoir exé-

cutif. Le pouvoir exécutif appartient au gouvernement consti-

tué de ministres et de secrétaires d'état, et au roi. ils exécutent

les lois et définissent la politique du pays. Le pouvoir judiciaire

est exercé par les cours et les tribunaux qui se prononcent en

matière de litiges et contrôlent la légalité des actes du pouvoir

exécutif. La monarchie est en grande partie protocolaire.

l'etat belge

Depuis les années 90, des élections sont organisées dans beaucoup de pays africains.

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Fiche thématique du Journal de la coopération belge.Périodique bimestriel de la Direction Générale

de la Coopération au Développement (DGCD)

Rédaction : DGCD – Direction Programmes de Sensibilisation

Rue des Petits Carmes 15 | B-1000 Bruxelles

Tél : 0032 (0)2 501.48.81 – Fax: 0032 (0)2 501.45.44

E-mail : [email protected]

www.diplomatie.be | www.dgcd.be

19 mars-avril 2010 dimension

Moyen-orient

le cercle des parents

DoSSiER

"Nous avons tous perdu un parent dans le conflit", soupire aaron, "Moi j’ai perdu mon fils Noam, en 99, en mission de déminage pour l’armée israélienne au Liban. C’étaient ses derniers jours de service militaire. Pour nous, parents, ce fut la fin du monde." dans cet hôtel anonyme de tel aviv, l’émotion est encore palpable 10 ans après l’événement. "On nous a appris peu après qu’il portait sur son uniforme un badge sur lequel était inscrit "Laisser le Liban en paix" 1. C’était un appel à la paix alors qu’il accomplissait sa dernière mission, un symbole de la futilité de la guerre. Peu après, nous avons joint "The Parents Circle".

aaron est membre de "The Parents Circle", une communauté d’israéliens et de palestiniens qui ont perdu un membre proche de leur famille durant le conflit. ils promeuvent ensemble un processus de réconciliation via le dialogue et la compré-hension mutuelle. L’association est créée en 95 à la suite de l’assassinat d’un jeune soldat israélien dont le père était membre influent d’un parti religieux traditionnelle-ment opposé aux accords d’oslo, convaincu que seule la force pouvait mettre un terme à la terreur. contre toute attente, ce père déclara que la mort d’autres enfants, israéliens ou palestiniens, ne lui rendrait pas son fils et qu’il fallait stopper ces guerres insensées. ce message nouveau,

et inattendu, fut relayé par les médias. L’appel est rapidement entendu et rejoint par plus de 20 familles. après l’assassinat de d’Yitzhak rabin qui porte un coup vio-lent aux accords d’oslo, le groupe décide de prôner activement le dialogue et la réconciliation. ils entrent en contact avec les premières familles à gaza et commen-cent à les rencontrer. "Le groupe comprit vite qu’il avait en main un outil important qui pouvait montrer à la population qu’il était possible de se réconcilier."

"Depuis cinq ans, nous avons recréé une structure complètement égalitaire : il y a deux managers et deux bureaux : 1 israé-lien, 1 palestinien. On se rencontre une fois par semaine. L’idée est de montrer que nous pouvons parler le même langage de paix. Nous pensons que le problème vient du manque de dialogue : aucun des côtés ne connait l’autre communauté et les visions sont déformées. La guerre est plus facile à accepter lorsqu’on connait mal l’adversaire. C’est ainsi que les gens ne soutiennent plus le processus de paix."

"C’est pour cette raison que nous allons, main dans la main, Palestiniens et Israéliens, raconter notre histoire dans les écoles israéliennes" : un projet du "Parents Circle" qui reçoit le soutien financier du service de diplomatie préventive des affaires étran-

gères belges. "Après les témoignages, nous avons une discussion avec les élèves. Pour beaucoup d’entre eux, c’est une décou-verte. Ils vivent dans une tour d’argent et n’ont aucune conscience de ce qui se passe de l’autre côté. Ils se rendent compte que chaque partie raconte les mêmes histoi-res avec un point de vue différent. 1948, par exemple, marque la bonne nouvelle de l’indépendance pour les juifs, mais est une "catastrophe" (Naqba) pour les autres." Le groupe précise ne pas vouloir accepter d’argent de l’etat israélien afin de ne pas être instrumentalisé ou accusé de parti pris, mais il compte nombre de bailleurs internationaux. "Nous avons fait une série télévisée qui met en scène les deux com-munautés. Un beau succès. Nous avons créé une ligne téléphonique "allo shalom, allo salaam" qui permettait de mettre en connexion Israéliens et Palestiniens. Plus d’un million d’appels ont été passés. Nous planchons maintenant sur un projet de mise en contact via les nouveaux modes de communication."

Elise Pirsoul

online

www.theparentscircle.com

Alors que le conflit israélo-palestinien continue à faire des victimes, le fossé entre les deux communautés se creuse toujours plus, amenuisant les chances de réconciliation. Mais, pour ceux qui ont perdu un enfant dans le conflit, la douleur est la même, au-delà de l’appartenance communautaire. "The Parents Circle" propose de rétablir un dialogue, apprendre à se connaître pour laisser une chance à la réconciliation.

1 "Let Lebanon in peace", slogan du groupe "Four mothers" en 1993.

Dessin extrait de l'exposition et du calendrier "Cartooning in Conflict", organisé par l'association israélo-palestinienne "The Parents Circle".

20 dimension mars-avril 2010

DoSSiER

Consolidation de la paix au Burundi et en RD Congo

Quoi de plus normal pour un fonctionnaire qui finance des projets dans le Sud que de pouvoir y effectuer un réel suivi de "ses" dossiers. et pourtant, cela ne va pas de soi. en effet, de telles missions demandent un important investissement en temps et en énergie de la part des gestionnaires de dos-siers eux-mêmes et des partenaires locaux. Les attachés de la Consolidation de la paix, bart colman et robert olbrechts, ont finale-ment fait ce qu'ils souhaitaient depuis long-temps : se rendre au burundi et dans l'est du congo pour visiter les projets financés par leur service.

médiation dans le cadre de conflits territoriauxLa première mission de suivi de leur travail s'est avérée très fructueuse. "Nous som-mes revenus d'un voyage très enrichissant", nous assure bart. "Les guerres ont provo-qué de grandes vagues de migration dans cette région. Ces dernières années, de nom-breux réfugiés sont revenus, mais leur réin-tégration dans la communauté ne s'est pas faite sans mal. Leurs terres ont pour la plu-part été saisies par des familles voisines. Le problème est qu’une fois de retour, ils les revendiquent. Les projets destinés à pré-venir de tels litiges, par exemple à l'aide de médiation et d'assistance juridique, méri-tent notre soutien."

L'un de ces projets est l’icLa (Information, Counseling and Legal Assistance) du conseil norvégien pour les réfugiés, une ong jouis-sant d'une grande autorité dans ce domaine. L'objectif du projet icLa est de promouvoir l'intégration des personnes déplacées en jouant entre autres le rôle de médiateur

dans les conflits territoriaux. Le conseil des réfugiés organise des "centres d'écoute" où les deux parties peuvent prendre la parole et reçoivent une assistance. "Nous avons assisté à une séance d'écoute au cours de laquelle les deux familles en conflit ont, avec le soutien de conseillers indépendants, jus-tifié leur droit territorial", nous raconte Bart. "Vraiment très instructif. Il s’agit de mettre un forum à la disposition des personnes qui leur permette de régler un litige de manière pacifique."

la liberté d'expressionL’indépendance et l’objectivité des médias sont d’une importance considérable dans la promotion d'une information des citoyens

de qualité et d'une société civile solide. cependant, au burundi, cela ne va pas tou-jours de soi. "C'est la raison pour laquelle nous apportons notre soutien aux radios et aux rédactions de journaux", affirme bart. "Nous avons visité le IWACU, un journal indépendant au cœur de Bujumbura. Celui-ci

défend une information objective et porte une grande attention aux élections de 2010. Le financement de ce journal vise à soutenir les médias indépendants et les processus de démocratisation. Et je suis content d'avoir pu constater que la rédaction de IWACU, dont le personnel représente presque tous les groupes ethniques, est composée de jour-nalistes enthousiastes et professionnels."

toutefois, le journal manque de moyens financiers propres et est trop dépendant de l'aide financière belge. L'iWacu s'ef-force d'acquérir une plus grande autonomie financière, mais cela ne se fait pas du jour au lendemain. La rédaction ne manque pas de rendre compte de manière critique mais

seuls ceux qui connaissent leuRs DRoits peuvent les RevenDiqueR

Au sein du SPF Affaires étrangères, le service Consolidation de la paix se consacre à la prévention des conflits, à la diplomatie préventive et aux droits de l’homme. La consolidation de la paix présente de nombreuses facettes différentes qui touchent de près à la coopération au développement, comme la médiation de conflit, le processus de démocratisation et la liberté des médias. "Et pourtant nous faisons quelque chose de totalement différent..."

"Il s’agit de mettre un forum à la disposition des personnes qui leur permette de régler

un litige de manière pacifique."

Les femmes pygmées dans l'est du Congo apprennent à tendre le cordeau sur leur champ de maïs et de haricots. Le programme semencier fait partie du projet de l'Union pour l'émancipation de la femme autochtone.

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21 mars-avril 2010 dimension

Consolidation de la paix au Burundi et en RD Congo

seuls ceux qui connaissent leuRs DRoits peuvent les RevenDiqueR

objective de l’actualité politique du pays. or, un financement explicitement belge pourrait fragiliser ces efforts.

Discrimination des pygméesdans l'est du congo, le groupe des attachés a visité un projet destiné aux communau-tés autochtones. L’Union pour l’Emancipa-tion de la Femme Autochtone (ueFa) s'est attelée à l'intégration des pygmées dans la société congolaise et à leur participation dans le processus de démocratisation, avec une attention particulière pour les fem-mes. Les pygmées sont souvent victimes de préjugés et de discrimination et, à l'ins-tar de nombreuses femmes dans l'est du congo, les femmes pygmées sont trop sou-vent victimes de violences sexuelles. cette

union les aide en leur permettant de se faire entendre et de devenir plus autono-mes. "Nous avons fait la connaissance d'une jeune femme victime de maltraitance de la part de sa belle-famille", raconte robert, visiblement touché. "Lorsque nous avons abordé son cas avec le chef de la police, il est apparu que certains membres du corps de la police étaient eux-mêmes complices de cette exploitation. C’est une situation extrêmement frustrante."

afin de protéger les droits de ces peu-ples, et plus spécifiquement ceux des fem-mes autochtones, une assistance juridique et sociale leur est proposée. S'y ajoutent des actions de sensibilisation, telles que

les émissions radiophoniques, les campa-gnes de bandes dessinées et posters et les activités agricoles. "Les Pygmées doivent connaître leurs droits, ce qui est rarement le cas", déclare robert. "Seuls ceux qui connaissent leurs droits peuvent les reven-diquer. Or, un droit que l'on ne peut faire valoir, cela n'existe pas. Celui qui souhaite venir en aide aux Pygmées doit donc s’assu-rer du respect de leurs droits."

expertise en matière de consolidation durable de la paixon ne peut omettre de parler du 'Life & Peace Institute' (Lpi), dirigé par le juriste belge pieter Van Holder. L'ambassade de belgique à Kinshasa avait proposé de finan-cer cette organisation remarquable, qui recourt à la recherche-action participative ciblée sur la transformation des conflits. À l’aide de cette approche, le Lpi analyse les conflits dans l'est du congo et apporte son soutien à la paix par la conciliation, la négo-ciation et le renforcement des capacités.

au fil des années, cette organisation sué-doise s’est développée en une cellule de réflexion qui publie régulièrement des étu-des de référence. Lpi a sélectionné sept partenaires locaux avec lesquels elle coo-père, sur la base de leur compétence et de leur complémentarité réciproque. ensemble, ils bâtissent un socle durable d’expertise locale relative aux dimensions structurelles et culturelles des conflits. Le réseau de ter-rain ainsi créé offre une certaine garantie que le savoir faire accumulé par Lpi conti-nuera de se développer même après son départ éventuel de la région. "Cet insti-tut nous a laissé une impression tout sim-plement positive", ajoute robert. "Celui-ci contribue réellement à la consolidation de la paix dans la région tellement agitée de l'est du Congo."

Des frontières floues entre coopération au développement et consolidation de la paixdans la plupart des cas, les projets visi-tés sont liés à la résolution de conflits, à la démocratisation, à la liberté des médias, aux réfugiés ou aux droits des peuples autochto-

nes. un rapprochement avec la coopération au développement semble inévitable. "Il arrive que la frontière entre la coopération au développement et la consolidation de la paix ne soit pas évidente", explique robert. "Au Burundi, nous avons visité un projet qui promeut la réintégration des réfugiés en leur permettant de suivre un enseignement. Les activités subsidiées étaient exclusivement limitées à l'enseignement des techniques de construction, à savoir la construction et la rénovation d'écoles, de maisons pour les enseignants, de dortoirs, de réservoirs

d’eau, de latrines, etc. Seul un écolier sur six est un réfugié de retour au pays. Même si les travaux prévus à l’origine ont bel et bien été réalisés, on est en droit de s'interroger sur leur dimension de consolidation de la paix. En fait, il s'agit plutôt de coopération au développement."

La différence entre la consolidation de la paix et la coopération au développement n'est pas toujours évidente, cela a d'ailleurs été constaté à plusieurs reprises sur le ter-rain. "Certains partenaires pensent que nous sommes une composante de la Coopération belge au développement, quod non. Ce qui se traduit par l’inscription 'avec le soutien de la coopération belge au développement' sur un panneau d'information… Ce n'est certes pas si grave pour le partenaire local, mais un peu dommage pour nous... Visiblement, nous avons encore beaucoup de travail RP en perspective !", ajoute robert en souriant.

Thomas Hiergens

"Séance d'écoute" à Magara, à Bujumbura rural, avec à gauche les médiateurs. "L'approche et l'expertise du Conseil norvégien pour les réfugiés en matière de résolution de conflits liés aux propriétés foncières sont remarquables", déclare Bart Colman.

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Robert Olbrechts (à gauche) et Bart Colman ne se privent pas de la photo obligée avec les enfants.

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22 dimension mars-avril 2010

un 9e objectif du millénaire pour l’afghanistan

En 2010, nous faisons le bilan de 10 années d’objectifs du Millénaire. Ce n’est pas le cas en Afghanistan. En proie aux conflits, le pays n’a souscrit aux objectifs qu’en 2004. L’Afghanistan enregistre-t-il des avancées ?

ce n’est qu’en 2004 que l’afghanistan a intégré les objectifs du Millénaire (oMd) dans sa stratégie de développement. etant donné sa situation extrêmement fragile, il n’est pas possible que le pays puisse rat-traper le reste du monde. L’afghanistan a prolongé l’horizon 2015 jusqu’en 2020 et a décidé de se fixer un 9e oMd relatif à la sécurité. Le développement durable est en effet impossible sans sécurité. Les oMd afghans comprennent par ailleurs des "cibles" supplémentaires, notamment en faveur de l’égalité des sexes.

avancées1

L’afghanistan enregistre de nettes avan-cées pour les oMd concernant la santé : réduire la mortalité infantile (oMd 4) et limiter la propagation de maladies telles que le paludisme et la tuberculose (oMd 6). en outre, la santé maternelle s’est amélio-rée (oMd 5), mais le taux élevé de fécon-dité reste un problème pour atteindre l’objectif. L’accès à l’eau (oMd 7) n’a connu qu’une amélioration modérée. pour les enfants en âge scolaire, on constate une augmentation du nombre d’inscriptions dans l’enseignement de base (oMd 2) – surtout chez les filles – mais nombreux sont les enfants qui quittent l’école pré-maturément.

des avancées faibles, voire même des régressions, ont été constatées pour trois objectifs du Millénaire. c’est le cas pour l’éradication de l’extrême pauvreté (oMd 1) et la promotion de l’égalité hommes/fem-mes (oMd 3). Les donateurs font en outre trop peu d’efforts en vue d'accroître l'effi-cacité de l'aide à l’afghanistan (oMd8). La coopération belge fournit son aide essen-tiellement via des institutions internatio-nales (voir tableau). La corruption accrue ne figure pas dans le rapport d'avance-ment afghan – mais elle apparaît claire-ment dans d’autres rapports.

Afghanistan

DoSSiER

objectif 9 cibles à l’horizon 2020

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Cible 20 : réforme et professionnalisation de l’armée nationale afghane pour 2010.

Cible 21 : réduction de l’utilisation abusive d’armes ainsi que de la proportion d’armes détenues illégalement pour 2010.

Cible 22 : réforme, restructuration et professionnalisation de la police nationale afghane pour 2010.

Cible 23 : destruction de toutes les mines antipersonnel posées pour 2013. destruction de tous les autres explosifs pour 2015.

Cible 24 : destruction de tous les stocks de mines antipersonnel pour 2007. destruction de tous les autres stocks d’explosifs abandonnés ou indésirables pour 2020.

Cible 25 : réduction de la contribution de l’opium au pib total (légal et illégal) à moins de 5 % en 2015, et à moins de 1 % en 2020.

aide de la coopération belge au développement à l’afghanistan en 2009

institution montant en euros objectif

Banque mondiale 2 millions reconstruction

Programme alimentaire mondial (PAM)

2 millions aide alimentaire

UNICEf 2 millions enseignement et genre

Programme de développement des Nations unies (PNUD)

1 million élections

fondation Aga Khan environ 900.000 agriculture et développement rural

1 OMD National Progress Report 2008, Afghanistan

omD 9pour son 9e oMd – la promotion de la sécu-rité – l’afghanistan s’est fixé des cibles spécifiques (voir encadré). Mais, du fait de la guerre, le pays reste très instable et l’in-sécurité a même augmenté dans certaines provinces. on a toutefois enregistré certai-nes avancées; par exemple, dans la forma-tion du personnel de l’armée et de la police au niveau local. Le pays progresse raison-nablement dans l’évacuation des restes explosifs de guerre. du fait de l’énorme présence d’explosifs et de mines terres-tres non explosés, l’afghanistan connaît, après le cambodge, le pourcentage de handicapés le plus élevé au monde. La lutte contre l’économie (illégale) de l’opium a enregistré moins de succès. Le trafic de

drogue et la corruption sont aujourd’hui les deux principales sources de revenus en afghanistan. aux termes d’un rapport récent de l’office des nations unies contre la drogue et le crime (onudc), la somme des deux correspond à la moitié du revenu national brut légal.

Alain Baetens

online

afghanistan national development Strategy

(andS): www.ands.gov.af

23 mars-avril 2010 dimension

Afghanistan

naïm (41) manager en logistique

"Le problème de mon pays natal, c’est qu’il n’y a presque pas d’infrastruc-ture. or la société dans son ensemble – aller à l’école, faire du business… - en dépend. L’infrastructure moderne n’existe que dans les grandes villes comme Kaboul ; elle ne s’est absolu-ment pas développée à la campagne. La majorité de la population reste anal-phabète. Hôpitaux, transports en com-mun, tout y fonctionne tant bien que mal. Les services publics sont minés par la corruption. La justice non plus ne fonctionne pas. par chance, une nou-velle stratégie militaire a été élaborée afin de rendre l’afghanistan à nouveau gouvernable: l’opération Moshtarak. Les afghans en ont assez du chaos et de la violence. chaque famille afghane a perdu quelqu’un dans la guerre. Moi, je vois l’avenir de mon pays sous un jour favorable. Le président Karzaï a déjà construit beaucoup de nouvelles écoles et de nouveaux hôpitaux."

Trois Afghans témoignent sur la vie dans un "Etat fragile". Après une fuite mouvementée, ils ont trouvé refuge dans notre pays.

témoignages sur un pays déchiré

abdullah (nom d'emprunt) ancien officier de l’armée afghane

"en afghanistan, l’état ne fonctionne pas. pas d’impôts, pas d’équipements, pas de règles. La police, il faut la payer pour tout et n’importe quoi. c’est nor-mal quand on a un salaire de misère. en europe, il y a une bonne démocra-tie, mais pas en afghanistan. il y a envi-ron 120 partis. chacun crée son propre parti parce qu’il vise le traitement qui accompagne le siège. Les parlementai-res ne travaillent pas pour le peuple. Quelques-uns sont des pakistanais, et prennent uniquement la défense du pakistan. il y a aussi beaucoup de mollahs (religieux islamiques). en fait, la plupart des dirigeants (bourgmes-tres…) sont des mollahs. ils ne sont pas compétents. ils n’ont même pas fréquenté l’école primaire, seulement l’école coranique. Même dans un hôpi-tal, vous pouvez rencontrer un mollah à la place d’un médecin. Les 28 Ministres eux-mêmes ne sont intéressés que par l’argent. une telle démocratie ne fonc-tionne pas. ce qu’il faut, c’est que tous les chefs de tous les groupes se réunis-sent et parlent ensemble. d’autre part, il faut davantage de coopération au développement, pour soutenir l’agri-culture, les écoles et les hôpitaux."

matiem (25) étudiant en sociologie

"depuis le régime des talibans, l’afgha-nistan a connu un certain nombre de changements. aujourd'hui, nous avons plusieurs canaux tV, la liberté d'expres-sion existe et les filles peuvent aller à l’université. Mais cela ne suffit pas. Le gouvernement Karzaï n’aide que son propre groupe ethnique, les pathans. Les autres minorités comme les Hazaras et les tadjiks sont toujours opprimées. Le gouvernement Karzaï est corrompu et composé de seigneurs de guerre de l’époque soviétique. Les organisations des droits de l’homme tentent de résou-dre ce problème, mais sans succès pour l’instant. je ne crois pas à ce gouverne-ment, mais plutôt aux jeunes. ce sont eux l’avenir de l’afghanistan. je ne peux pas dire de moi-même que je suis athée, mais je crois à la liberté. La plupart des jeunes de ma génération y croient. on ne pourra résoudre le problème de l’afghanistan qu’en invitant les talibans et le gouvernement autour de la table de négociation et en apportant une solution au débat sur le pachtounistan."

au fil des siècles, l’afghanistan fut une région vivement convoitée par les gran-des puissances. au cours du 19e siè-cle, la grande-bretagne et la russie tsariste tentent de conquérir le pays. après les guerres anglo-afghanes, une frontière est tracée en 1893 à travers

le territoire pathan, entre le pakistan et l’afghanistan. ce territoire, appelé le pachtounistan, est toujours la source de conflits entre les deux pays. L’afghanistan est un amalgame de groupes ethniques, le reflet d’un passé mouvementé, essen-tiellement peuplé de pathans (42%), de

tadjiks (27%), d’Hazaras (descendants des Mongols, 9%) et d’ouzbeks (9%).déchiré par les conflits, l’afghanistan reçoit en 2004 son premier président élu : Hamid Karzai. Mais les talibans – un mouvement de guérilla islamique – poursuivent la conquête du pays.

une histoire mouvementée

Francine Carron et Chris Simoens

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24 dimension mars-avril 2010

Dans cet espace de stockage, les femmes peuvent, contre compensation, déposer une partie de leurs récoltes. Durant la saison sèche, elles peuvent revendre cette nourriture avec un bénéfice ou encore elles peuvent la consommer.

SéCURiTé ALiMENTAiRE

Ex-Fonds belge de survie

en principe, le département du borgou au bénin est en mesure d’assurer sa propre production alimentaire. pendant la saison sèche, 280.000 habitants connaissent tou-tefois la disette alimentaire. Le FbS s’ef-force de remédier à la situation avec le programme adecoi, exécuté par le Fonds d’équipement des Nations Unies (Fenu).

Le Fenu soutient les administrations loca-les (municipalités, départements) dans la mise en route d’une économie locale qui épaulera surtout les pauvres. cette action ne peut être efficace que si les communes disposent de suffisamment de savoir-faire - un défi lors du lancement d’adecoi en 2003. Les premières élections communales y ont eu lieu en 2002 et 2003.

formationsadecoi a organisé des formations à cet effet : gestion des travaux publics, com-munication des communes, genre et déve-loppement, etc. du transfert de savoir-faire a été réalisé dans les domaines suivants : comment payer le personnel, examiner le potentiel économique local, vérifier la qua-lité des les services communaux,un pro-gramme informatique permettant un suivi aisé des budgets à l’appui. grâce aux dif-férentes formations, les habitants sont en mesure d’améliorer la sécurité alimentaire.

fonds de développementen outre, adecoi alimente un fonds de développement local. celui-ci a permis aux communes de sélectionner et de soutenir les initiatives qu’elles estimaient oppor-tunes, telles que la construction de salles

de classe, de maternités et de puits. Les infrastructures marchandes ont également reçu beaucoup d’attention. ainsi, le marché de bembereké a été équipé d’une bouche-rie, de boutiques et de poubelles. un mar-ché aux bestiaux a été aménagé à Sikki ; l’an dernier, outre les poulets et les chèvres, 983 unités de gros bétail y ont été vendues. par ailleurs, 13 bas-fonds ont été préparés pour l’agriculture avec les puits nécessaires. pendant la saison sèche, les gens peuvent y cultiver des légumes et du maïs.

de nombreuses initiatives sont destinées aux femmes. a guessebani, une associa-tion de femmes gère une unité de trans-formation des aliments. un moteur diesel peut y être raccordé, au choix, à un moulin à maïs, une décortiqueuse de riz, un mou-lin pour noix de karité ou à un générateur électrique. cette "plateforme multifonction-nelle" permet d’alléger considérablement la charge de travail des femmes. désormais, elles peuvent traiter des quantités plus importantes ou consacrer du temps à d’autres activités.

WarrantageLe plus innovateur a été un système de war-rantage pour les femmes. Souvent, les pay-sans du borgou produisent suffisamment de nourriture, mais vendent la totalité de leur production immédiatement après la récolte pour faire face à des dépenses urgentes (frais de scolarité, soins de santé). Les ache-teurs savent que les gens manquent d’argent et en tirent facilement un prix avantageux. ainsi les agriculteurs manquent d’argent et de nourriture pendant la saison sèche.

Le programme ADECoi (Appui au Développement Communal et aux Initiatives locales) appuie les administrations locales comme levier du changement au Benin. Avec le soutien de l’ex-fonds belge de Survie (FBS), ADECoi intervient dans des domaines très variés.

Le warrantage, un système de mise en gage, offre une solution. Moyennant rémunéra-tion, les gens peuvent déposer une part de leur récolte dans un magasin. La rémunéra-tion leur permet de payer leurs frais urgents. pendant la période de pénurie alimentaire où les prix sont plus élevés, ils peuvent alors vendre leur production avec bénéfice ou en utiliser une partie pour eux-mêmes. Le sys-tème fonctionne, même s’il faut faire atten-tion aux abus tels que la spéculation et au (faible) risque de baisse des prix.

solidaritépour éviter que les plus faibles soient lais-sés à l’écart, les groupes de femmes paient une contribution de solidarité grâce à laquelle on peut aider un membre dans le besoin. Le principe est : apprendre de ceux qui réussissent, tirer les enseignements des échecs.

adecoi est un bel exemple de l’approche multidimensionnelle du FbS. pourtant, il y a des lacunes. il manque, par exemple, l'ap-port des organisations paysannes, et les services communaux ne s’intéressent pas suffisamment à la réduction de la pauvreté et à la sécurité alimentaire. Le programme suivant accordera une attention particu-lière à ces questions.

Chris Simoens

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www.uncdf.orgwww.dgcd.be

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les administrations locales sont aux commandes au Bénin

25 mars-avril 2010 dimension

Croix-Rouge

"Le respect envers la Croix-Rouge facilite notre travail"

PARTENAiRE

qui : Mieke Van Poucke, collaboratrice de la Croix-Rouge au Sri Lanka. quoi : mission en Haïti avec l'unité d'intervention d'urgence du Benelux. pourquoi : distribution d’articles de secours aux plus vulnérables.

tout d'abord, l’effroi !dans la nuit du mercredi 13 janvier 2010, un message d'une agence de presse sri-lan-kaise me réveille. Un violent tremblement de terre a frappé Haïti. Ma première pensée va à ce peuple une nouvelle fois éprouvé.

une heure plus tard, un nouveau message, de la part du coordinateur des secours d'ur-gence de la rode Kruis Vlaanderen. Si je peux partir immédiatement pour Haïti ? je réveille mon mari et je contacte mon chef. tous les deux sont surpris mais ne s'y oppo-sent pas. ils savent bien qu'ils peuvent dif-ficilement me retenir.

un ticket comme sésame avec les autres membres de l’unité d'inter-vention d'urgence du benelux, j’évalue tout d’abord la situation à port-au-prince. notre équipe distribue des articles de secours tels que des bâches en plastique, des couvertu-res, des trousses de produits d'hygiène et des ustensiles de cuisine. nous les distri-buons depuis le camion. ainsi, si la situation tourne mal, nous pouvons rapidement fer-mer les portes et partir.

Seuls ceux qui possèdent un ticket ont droit à un kit d'articles d'urgence. ce ticket est donné par les volontaires de la croix-rouge qui recherchent les personnes les plus vul-nérables. La priorité est accordée aux fem-mes, aux personnes âgées et aux person-nes handicapées. nous devons l'expliquer à

chaque fois, mais les gens sont compréhen-sifs et restent calmes.

et pourtant, chaque distribution engendre des tensions car les gens ont l'habitude que les articles restants soient distribués aux personnes présentes. nous par contre, nous ne le faisons pas. dès que tous ceux qui détiennent un ticket ont reçu leurs arti-cles, nous fermons rapidement les portes du camion et partons avant que les gens ne l'envahissent. grâce au respect à l'égard de la croix-rouge haïtienne, qui jouit d’une bonne image, nous pouvons travailler sans escorte armée.

3 toilettes pour 200 personnesLorsque nos tâches journalières sont accomplies, nous nous retirons dans le camp de base. je partage une tente avec Laurence, une Luxembourgeoise, juste à côté de la tente réfectoire de la croix-rouge espagnole. nos collègues espagnols ne mangent qu’à 23 heures, ce qui nous empêche de dormir tôt. Les premières uni-tés américaines survolent le camp à 4 heu-res du matin. nos nuits sont donc particu-lièrement courtes !

de plus, le camp ne dispose que de trois toi-lettes pour environ deux cents travailleurs humanitaires. un collaborateur, sorti un jour des toilettes avec un dossier d'aide d'ur-gence de la croix-rouge internationale sous le bras, eut droit à des regards furieux.

travail au pas de course et moments d’écoutedurant la journée, nous courons dans la chaleur et la poussière de port-au-prince. toutefois, nous nous arrêtons également pour écouter les histoires que nous racon-tent les habitants. notre chauffeur nous montre les ruines de la maison où ses deux filles sont mortes, ensevelies. Madame Ferna, la coordinatrice des volontaires de la croix-rouge haïtienne s’effondre en lar-mes lorsque son frère lui annonce que son fils de vingt ans n'a pas survécu à ses bles-sures.

ces témoignages rendent le travail par-ticulièrement lourd. Lorsque l’équipe de relève arrive, nous avons donné le maxi-mum. épuisés et d’une voix rauque, nous leur expliquons notre manière de faire. ensemble avec d'autres partenaires de la croix-rouge nous avons alors déjà aidé 32.000 familles. une équipe solide reprend notre travail, ce qui nous permet de quitter Haïti en toute confiance.

après trois semaines intenses, nous pou-vons enfin nous reposer. par contre, nos col-lègues de la croix-rouge haïtienne ne peu-vent pas en dire autant. ils vont poursuivre leur travail pendant des semaines encore. Malgré le fait qu’ils ne soient pas rémuné-rés, ils aident leurs concitoyens avec beau-coup d'énergie. chapeau pour leur courage et leur bon cœur. Bon courage, les amis !

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26 dimension mars-avril 2010

Biodiversité

Salum Seif est responsable de l’apiculture à Kibondo, un district de l’ouest de la tanzanie. À l'université de gand, il a suivi la formation "Beekeeping for Poverty Alleviation" qui s'inscrit dans les formations itp du VLir-uoS1. il nous reçoit dans son bureau de l'administration du district. Kibondo n'a pas d'électricité ; le bâtiment a ses propres générateurs. La seule voie pour atteindre ce district pauvre, ce sont des pistes poussiéreuses de latérite. beaucoup de gens ont du mal à joindre les deux bouts. L’apiculture peut-elle les y aider ?

parc naturelc’est dans le voisinage de Kibondo que se trouve le vaste parc naturel de Muoyowosi-Kigosi : 12.000 km² ! nous devons parcou-rir une bonne trentaine de km de route cahoteuse avant d'apercevoir les premiè-res ruches. cette distance, les apiculteurs doivent la franchir à pied, avec armes et bagages, ou à vélo. "Ici, il y a beaucoup d'abeilles et les arbres donnent du nectar en abondance", nous dit Seif. "On trouve aussi facilement de l'eau. Pendant la récolte, les apiculteurs campent pendant un mois dans de simples huttes. Chacun possède en

moyenne 100 ruches, la récolte prend pas mal de temps."

Haut perchées dans les arbres, nous distin-guons les longues ruches cylindriques, fai-tes de troncs d'arbres évidés. pour éviter l’abattage des arbres, les apiculteurs pas-sent graduellement à un modèle de ruche, fait de rubans de bambou tressés. Variante africaine de la ruche moderne à cadres amovibles, la ruche "à barres supérieures" est encore rare. pour la plupart, elle repré-sente encore un important investissement, et exige plus de connaissances, entre autres sur le cycle de vie des abeilles.

la récoltedes 100 ruches vides qu’installent les api-culteurs, 70 sont colonisées spontanément par les abeilles mellifères. après 4 mois envi-ron, le long panier se remplit entièrement de rayons de cire. "Lors de la récolte, les api-culteurs enlèvent tous les rayons", raconte Seif. "Autrefois, ils utilisaient des branches enflammées pour chasser les abeilles. Ça ris-quait de provoquer des incendies de forêt, et la fumée changeait le parfum du miel. Grâce au projet, ils utilisent maintenant des

REPoRTAgE

S’il est nécessaire de protéger la biodiversité, une réserve naturelle occupe des terres qui pourraient être exploitées pour l'agriculture. De quoi les populations avoisinantes vont elles vivre ? il y a les abeilles, dont on peut récolter le miel et la cire. Voici un projet de la coopération belge en Tanzanie dans lequel les abeilles jouent un rôle majeur.

enfumoirs fabriqués dans le village même. Et leurs vêtements de protection sont cou-sus par les tailleurs du village. C'est la philo-sophie du projet : fabriquer autant que pos-sible sur place, pour ne pas dépendre des importations."

la nature à l’état pur"Plus pur et plus naturel que ce miel, ça n’existe pas", fait remarquer Seif. par ailleurs, c’est un vrai miel "sauvage" : on ne donne pas de sucre aux abeilles comme on le fait en europe pour leur permettre de passer l'hiver. et les abeilles ne connais-sent pas de maladies. Leur seul ennemi est l'homme : la réserve est trop grande pour y empêcher complètement le braconnage, et l’on imagine la déception d’un apiculteur qui retrouve son panier vide et fracassé sur le sol.

le traitementaprès la récolte, la transformation. avant, on vendait du miel non transformé, et il faut bien l’avouer, pas très appétissant... Le projet a formé pour cette raison des "transformateurs" spécialisés, parmi les-quelles des femmes qui ne sont pas api-cultrices. Les moyens sont très simples.

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1 International Training Programmes de la coopération universitaire flamande au développement.

Le miel produit par les abeilles donne à la réserve naturelle une précieuse valeur économique pour les habitants.

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27 mars-avril 2010 dimension

L’apicultrice Gladys Fanuel montre comment se protéger pendant la récolte de miel.

Biodiversité

les aBeilles pRotègent la foRêt

on verse d'abord le mélange de cire et de miel qu’on vient de récolter dans un grand récipient au fond percé des trous de 1 cm. Le miel s’écoule et passe ensuite dans un filtre à mailles fines. Maintenant, le miel est pur, prêt à être mis en pots et étiquetés. "Avant, on utilisait des vieilles bouteilles de Coca", explique Seif. "Ces pots en plastique sont le seul produit que nous devons impor-ter d'un autre district",

rien ne se perd ! Les résidus de cire du second filtrage sont pressés une fois de plus au moyen d’une presse métallique. Les déchets de cire compressés sont ensuite lavés à l'eau. Les transformateurs utilisent la cire pure pour faire des bougies et des crèmes pour la peau. L'eau de lavage, qui contient encore quelques résidus de miel, est mise à fermenter pour faire de l’hydro-mel.

Davantage de revenusen tanzanie comme en belgique, on est sou-vent apiculteur de père en fils. toutefois, on voit de plus en plus de "nouveaux venus", notamment des femmes, qui ont com-pris que l'apiculture pouvait améliorer leur niveau de vie. des techniques de filtrage simples font une grande différence. "Pour un seau de miel brut non filtré, l’apiculteur touche 20.000 shillings tanzaniens", expli-que Seif. "Après filtrage, il lui reste 13 litres de miel pur naturel, et à côté de cela, 1 kilo de cire d'abeille. L'un dans l'autre, ça lui rap-porte largement 55.000 shillings. C'est pres-que le triple."

ce revenu supplémentaire permet entre autres aux apiculteurs de se payer des

médicaments. certains remplacent leur toit de chaume par de la tôle ondulée. La vie de gladys Funuel, une apicultrice, a bien changé grâce aux abeilles. "Maintenant, nous avons assez d'argent pour envoyer les enfants à l'école. Nous avons aussi bâti une maison et investi dans la ferme", dit-elle. "Je le conseillerais à toutes les femmes parce que tu peux tout à fait combiner l’api-culture avec les autres tâches."

tout est dans la formationSi le projet n’offre aucun don, sous forme d'argent ou d'équipement, il dispense les meilleures techniques de production, et explique aux familles comment se procu-rer l'équipement. Le projet enseigne encore comment adapter leur produit au mar-ché, et comment devenir de petits entre-preneurs. Les apiculteurs reçoivent ainsi des conseils sur la façon de s'organiser en sociétés d'épargne et de crédit, afin de ren-forcer leur assise financière. ils participent aussi à des foires commerciales pour faire connaître les produits apicoles au-delà du district. La production sur place des équi-pements stimule l'économie villageoise et diminue les prix d'achat.

Le projet n’impose pas plus les métho-des occidentales. La plupart des apicul-teurs continuent à utiliser les paniers tra-ditionnels. Seif espère pourtant que peu à peu, davantage d'apiculteurs passeront à la ruche à barres supérieures. a l’heure

actuelle, la réserve - avec 2 récoltes par an – produit 90 tonnes de miel pour 1.400 apiculteurs ; des ruches modernes permet-traient de produire beaucoup plus. Le pro-jet complet, dans les trois districts, touche 7.000 familles d’apiculteurs (30 à 35.000 personnes).

De vrais trésorsLes abeilles sont une arme utile dans la lutte contre la pauvreté. élever des abeilles exige en effet peu d'investissements, et on peut, au fur et à mesure que les béné-fices augmentent, en étendre progressive-ment la population. en outre, cette pratique n’occupe aucune terre de valeur, tout en valorisant les réserves naturelles pour les populations riveraines. par leur action de pollinisation, les abeilles sont aussi indis-pensables à la préservation de la biodiver-sité. bref, celles-ci combinent parfaitement lutte contre la pauvreté et protection de la nature. "Nyuki ni Hazina" – "Les abeilles sont de véritables trésors" - résume parfai-tement ce que les tanzaniens pensent de leurs petites bienfaitrices.

Chris SimoensEvelyne Cleynenjunior assistante tanzanie

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www.btcctb.org > projets > tanzanie

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Les abeilles prennent spontanément leurs quartiers dans les ruches placées haut dans les arbres.

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28 dimension mars-avril 2010

ALiMENTATioN

Femmes

La crise des matières premières, la crise financière, ou la crise environnementale, ont eu des impacts très sévères sur la sécurité alimentaire dans le monde. Selon la Fao, "En 2009, le nombre de personnes ayant faim dans le monde a augmenté jusqu’à 1,02 mil-liard, le chiffre le plus élevé depuis 1970". et, depuis l’année dernière, plus de 100 millions de personnes s’y sont encore ajoutées. a côté de certaines régions d’asie, l’afrique vit un gigantesque problème de malnutrition. Le plus grand paradoxe est que 70% de ceux qui ont faim vivent en zones rurales. et les plus touchés sont les femmes et les enfants.

pourtant, aujourd’hui, l’importance du rôle des femmes dans la sécurité alimentaire des familles semble être acquise pour tout le monde. de par leur rôle dans l’agriculture, ce sont elles qui sont responsables des cultures vivrières - soit des produits que l’on retrouve chaque jour sur la table -, ou encore de la collecte ou de la production des plantes médicinales. ce sont les femmes également qui préparent les repas. cependant, notam-ment en afrique, elles ne jouissent générale-ment que de droits moindres par rapport aux hommes. comme, par exemple, l’accès et le contrôle de la terre (ou la sécurité de gar-der cette terre), l’accès aux moyens finan-ciers, aux moyens de productions, etc. ainsi au niger, les terres cultivables se faisant de plus en plus rares, les hommes invoquent

tous les prétextes, surtout religieux, pour ne pas prêter les lopins aux femmes. elles sont dès lors acculées à chercher des terres lointaines, ce qui accroît leurs charges, et parfois les place dans des situations de ris-ques (violences, infraction par manque d’in-formation lorsqu’elles tombent sur des aires de pâturages). Cette violation des droits des femmes, constitue une des principales cau-ses d’insécurité alimentaire que connaissent la majorité des ménages ruraux.1

de plus, au sein des ménages, les femmes n’accèdent pas souvent à une alimentation de même qualité nutritionnelle que celle des hommes. Soit la nourriture n’est pas distribuée équitablement dans la famille (la viande est prioritairement destinée aux hommes), soit certains tabous alimentaires limitent l’accès des femmes à certains ali-ments - notamment en période de gros-sesse, par exemple, où elles ne peuvent consommer du soja (risque de poids exagéré de l’enfant), alors que celui-ci est riche en protéines nécessaires à la maman2.

Les crises ont influencé les pratiques de consommation et ont provoqué l’adoption par les femmes de nouvelles stratégies pour répondre aux besoins de leur ménage. Les priorités face aux dépenses changent - ainsi des dépenses liées à la santé, la scolarité, etc., passent au second plan. La qualité de la

diète et les habitudes alimentaires se trans-forment, le nombre des repas diminue, cer-tains sont rapidement pris dans la rue, ce qui provoque une déstructuration des familles. au Sénégal, face à cette situation, les rôles sociaux et économiques des femmes chan-gent, elles développent de nouvelles straté-gies pour alimenter leur famille. Que ce soit à travers l’adoption de pratiques d’écono-mie solidaire, comme la transformation de produits, le développement d’une restaura-tion populaire ou encore, le développement de liens entre la ville et la campagne. ces pratiques d’économie solidaire ont permis un certain empowerment chez les femmes. celles-ci ont ainsi pris conscience du pouvoir qu'elles peuvent acquérir sur leur propre vie (à un niveau individuel) et sur la société (à travers l’action collective). ce qui a entrainé différentes mutations, aussi bien au niveau de la cellule familiale que des rôles sociaux, et des changements politiques3.

cependant, s’il existe un accord pour recon-naître l’importance des femmes dans la sécurité alimentaire, il y a peu de change-ments sur le terrain. Les recherches agrico-les ne se penchent pas assez sur les besoins spécifiques des femmes, et les politiques agricoles prennent trop peu en considéra-tion l’importance de l’agriculture vivrière, de l’accès et du contrôle des ressources natu-relles et économiques par les femmes4.

Sophie CharlierCommission Femmes et développement (CFD).

La plupart des études citées ici proviennent du séminaire organisé par la cFd les 15 et 16 décembre 2009 sur "l’Accès et le contrôle des ressources par les femmes. Un défi pour la sécurité alimentaire".

le rôle des femmes dans la sécurité alimentaire reste sous-estimé

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1 propos développé par catherine belemsigri, lors du séminaire de la cFd du 15/12/09.2 recherche réalisée en rd congo par Françoise Kat (ong adiF).3 résultats de deux recherches-actions menées au Sénégal et coordonnées par Fatou ndoye de enda graf. La deuxième recherche s’est effectuée en coordination avec le Monde selon les femmes (Sophie charlier et Virginie datler -étudiante ucL) .4 avec l’appui des partenaires du Sud, la Commission femmes et développement propose une série de recommandations écrites pour les autorités locales, les institutions coutumières, religieu-ses, ainsi que la société civile du Sud.

29 mars-avril 2010 dimension

Aide juridique

la micRojusticeUne aide juridique durable pour les pauvres

iNNoVATioN

C'est un phénomène connu dans la coopération au développement : des habitants des pays en développement s'efforcent – avec ou sans l'aide d'une oNg – d'améliorer leur existence mais ne cessent de se heurter à des barrières juridiques ou organisationnelles. L'initiative Microjustice leur offre une base pour faire valoir leurs droits juridiques.

"Tout être humain doit être en mesure de faire valoir ses droits juridiques" : c’est en cela que consiste, selon carolien Kernkamp, l'objet de l'initiative Microjustice. juriste spécialisée dans les droits humains et coor-dinatrice de programme pour Microjustice, elle fait passer le message d'une justice pour tous au nom de cette initiative. elle a récemment organisé une réunion en vue d'accroître la notoriété de Microjustice. "Les ONG fournissent déjà beaucoup d’ef-forts en matière d'aide juridique au déve-loppement, mais cette aide n'atteint sou-vent pas les personnes qui en ont le plus besoin. Microjustice peut apporter une valeur ajoutée à cet égard."

un problème d'envergure mondialeL'Initiative Microjustice (Mji) a été lancée en 2007 par l'université de tilburg (pays-bas) et l'organisation juridique International Legal Alliance. Selon Mji, l'accès au droit est un problème d'envergure mondiale. aussi cette initiative soutient-elle le déve-loppement de solutions abordables, prati-ques et juridiques aux problèmes les plus fréquemment rencontrés. elle s’adresse essentiellement aux "pauvres", à ceux qui sont "à la base de la pyramide". et ils sont nombreux : d'après les estimations, quel-que 4 milliards de personnes n'ont pas un accès suffisant au système juridique.

le petit frère juridique du micro-crédit "La microjustice présente des similitudes avec le micro-crédit", explique carolien Kernkamp. "Tous deux partent de la conviction qu'un soutien temporaire peut produire un effet durable. Le micro-crédit et la microjustice visent le même groupe cible et sont en étroite corrélation : un micro-crédit sera d'autant plus efficace que l'entreprise à laquelle l'emprunt est destiné ne rencontre pas d'obstacles juri-diques. La microjustice est – tout comme le micro-crédit sur le plan financier – un complément à l'aide au développement juridique existante, qui reste souvent

Un service de consultation juridique au Burundi.

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30 dimension mars-avril 2010

iNNoVATioN

La Belgique accorde une attention croissante au suivi et à l’évaluation des organisations multilatérales (oM) de développement qu’elle finance. C’est pourquoi elle a décidé d’adhé-rer au MoPAN le 16 février 2010.

créé en 2002, le Multilateral Organisation Performance Assessment Network (Mopan) est un réseau de 16 pays qui a mis au point un instrument d’évaluation du niveau d’effi-cacité des organisations multilatérales (oM). cet outil examine leur mode de gestion, de fonctionnement et d’élaboration de leur stratégie ainsi que leur propension à colla-

borer entre elles et avec les etats bailleurs. La coopération multilatérale représente chaque année près de 40 % des dépen-ses de la coopération belge. il importe donc de pouvoir justifier au mieux com-ment sont utilisées ces sommes consé-quentes au vu des résultats obtenus. en plus de verser une contribution annuelle (80.000 euros), la belgique prendra part concrètement à la réalisa-tion de ces évaluations.

L’objectif général de cette démarche est d’améliorer l’expertise belge en matière d’évaluation et d’acquérir une meilleure

perception du fonctionnement des oM évaluées, ce qui permettra un dialogue plus constructif entre notre pays et ces oM.

en 2010, les 4 oM évaluées par le Mopan sont le Fida (Fonds international pour le développement agricole), le Fnuap (Fonds des nations unies pour la population), l’oMS (organisation Mondiale de la Santé) et la banque asiatique de développement.

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www.mopanonline.be

tributaire des parties et des fonds exter-nes. Elle a pour but de veiller à garantir l'autosuffisance juridique des personnes concernées à l'issue du projet, et à met-tre en place une structure d'aide juridique durable au niveau local."

Regroupement des dossiers "La microjustice concerne souvent des situations basiques qui provoquent néan-moins de grands problèmes. Ne pas possé-der de documents d'identité, par exemple, signifie ne pas avoir la possibilité d'emprun-ter de l'argent, de louer une terre, d'hériter de biens ou d'accéder aux soins de santé publique. Un projet de microjustice com-mence par un inventaire des besoins juridi-ques, établi en concertation avec la popu-lation locale : Quels sont les principaux problèmes que rencontrent ces personnes ? Ces problèmes ont-ils déjà été abordés ? Des améliorations sont-elles envisagea-bles ? Nous élaborons ensuite des solu-tions appropriées à la situation concrète. Souvent aussi nous collaborons à cet effet avec des ONG. Pour assurer que la micro-justice reste abordable, nous travaillons via internet, avec des assistants juridiques qualifiés – moins chers que des juristes - et avons recours à des procédures standard. Chaque fois que cela s'avère nécessaire, les dossiers similaires sont regroupés et

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Aide juridique

soumis à une instance formelle comme un ensemble. Cela peut mener à une adapta-tion du système juridique, mais ce n'est pas là notre premier objectif."

prise en compte des relations Mji tire les leçons du passé, comme l'expli-que Kernkamp : "De bonnes initiatives ont parfois malgré tout des effets secondaires indésirables. En prêtant un peu plus d'at-tention aux relations et aux intérêts sous-jacents, nous pouvons prévenir ou limiter ces effets. Je pense par exemple au forage de puits dans le cadre des Objectifs du Millénaire. Nous avons constaté que parfois il n'a pas été suffisamment tenu compte du fait que les hommes et les femmes mènent une vie très séparée dans certaines cultu-res. L'accès à l'eau de ces femmes ne s’est dès lors pas amélioré, en dépit du nouveau puits. Parfois aussi, les conséquences de la création d'une facilité – en l'occurrence, un puits – dont dépend un grand nom-bre de personnes, n'ont pas été suffisam-ment étudiées. Comment prévenir l'émer-gence d'une espèce de mafia de l'eau et veiller à un règlement d'accès équitable ? La mise en place d'un bon règlement, éta-bli de commun accord avec la communauté concernée, aura en outre pour effet d'ac-croître le rendement d'un tel puits."

Devenir superflu L'initiative Microjustice commence lente-ment à se faire une place. "La réunion sur la microjustice qui a réuni des participants du secteur juridique, des ONG, du monde acadé-mique et du gouvernement, a démontré qu'il existe un réel besoin de nouveaux concepts de ce type", conclut Kernkamp. "Nous avons entretemps acquis des expériences positives, entre autres dans les Balkans, en Bolivie et au Pérou, et avons également lancé des pro-jets de microjustice dans d'autres pays. Notre objectif est de faire de la microjustice une prestation de services payante, en vue de la rendre autosuffisante. L'avenir nous dira si cet objectif est réalisable. Une alternative serait que le gouvernement nous subventionne en partie, comme cela se fait aux Pays-Bas pour les moins favorisés. Nous examinons aujourd'hui avec plusieurs partenaires, dont oxfam novib, comment intégrer la micro-justice dans les projets en cours. Au vu des manifestations d'intérêt que nous recevons du terrain, nous nous attendons à pouvoir mettre en place de nombreux nouveaux pro-jets en 2010. En fin de compte, notre ambi-tion est de nous rendre nous-mêmes super-flus, car cela signifiera qu'un nombre toujours croissant de personnes peuvent résoudre elles-mêmes leurs problèmes juridiques."

Afran groenewoud

PETiTE DiMENSioN

adhésion de la Belgique au mopan

31 mars-avril 2010 dimension

PETiTE DiMENSioN

des chercheurs de l'université de gand – sous la direction du professeur remon du département de pharmacologie – ont mis au point une forme de quinine adaptée aux enfants. La quinine normale a un goût extrêmement amer. c'est pourquoi il était difficile d'administrer aux enfants ce médicament contre la malaria. jusqu'à présent du moins.

La quinine dépourvue de goût vient à leur secours. elle s'ad-ministre sous forme de sirop ou de comprimés. Le dosage est aisément adaptable à l'âge de l'enfant. L'université de gand distribuera gratuitement le médicament aux enfants africains.

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www.ugent.be

quinine sans goût pour les enfants africains

athena, le chaînon manquant dans la mésofinance

L'accès au financement demeure l'un des problèmes majeurs auquel sont confrontées les petites et moyennes entreprises (pMe) du Sud. Les petits entrepreneurs ne trouvent pas toujours les ressources de financement adéquates, et ne peuvent par conséquent pas investir comme ils le souhaitent. ce manque d'investissements peut freiner la croissance, voire même compromettre la survie de l'entreprise.

Les pMe à la recherche d’un méso-crédit – en d’autres termes un crédit moyen compris entre 50.000 et 300.000 euros – ne répondent pas aux conditions des facilités de crédit existantes. Leur besoin de financement excède les montants accordés par les institutions de microfinance, dont les échéances très courtes, en général inférieures à 18 mois, ne sont d’ailleurs pas adaptées

à de tels financements. inversement, les banques commerciales n'octroient pas de méso-crédits aux pMe locales. il est donc véri-tablement question d'un "segment intermédiaire absent" : l’octroi de crédits destinés à de petites entreprises qui ne peuvent s'adresser ni aux institutions de microcrédit ni aux banques commerciales.

une solution exceptionnelle est maintenant en vue ; elle a pour nom ATHENA. La Société belge d'investissement pour les pays en développement (bio) et le Centre pour le Développement de l’Entreprise (cde) ont uni leurs efforts pour mettre au point la facilité atHena, qui bénéficie du soutien de la coopération belge au développement. bio et le cde misent sur leur com-plémentarité au service d’un objectif commun : faciliter l’accès des pMe à la mésofinance dans le Sud. atHena combine leur expertise respective : le CDE dispose d'un grand réseau de bureaux locaux dans le Sud, tandis que Bio est à même d'octroyer les crédits appropriés. une complémentarité par-faite pour offrir des méso-crédits aux entrepreneurs locaux. bio s’est engagée à réserver une somme de 3 millions d'euros pour les méso-crédits, ainsi que 300.000 euros supplémentaires au titre de l’assistance technique. L’accompagnement et le suivi des entreprises du Sud seront quant à eux assurés par les implanta-tions locales du cde.

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www.cde.int www.bio-invest.be

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Service Public Fédéral

Fleuve Congo

Souvenirs congolais à travers 50 ans d’indépendance.indépendance !

4.700 km de nature et de culture en effervescenceLe Musée royal de l'afrique centrale à tervueren met, une fois de plus, les petits plats dans les grands avec une exposition d’envergure: fleuve Congo. Le puissant congo est le fleuve des superlatifs. il est la véritable artère de l’afrique centrale, d’une richesse extraordinaire sur le plan de la biodiversité et de la culture.

L’exposition interactive est agencée comme un voyage sur le fleuve, de la source à l’embouchure, en passant par la forêt équatoriale. au fil du fleuve, le visi-teur peut se pencher sur la biodiversité unique qu’il abrite, les mythes et les civi-lisations qu’il a forgés, les richesses qu’il achemine ou encore les défis qu’il repré-

sente pour le développement durable. Venez tenter l’aventure !

Du 27 avril 2010 au 9 janvier 2011

30 juin 1960 : le Congo proclame son indépendance.

cinquante ans après ce moment d’histoire, le Musée royal de l'afrique centrale orga-nise une exposition sur la mémoire congo-laise de ces années-là. des témoins congo-lais, les acteurs principaux, y ont la parole. des femmes et des hommes qui ont vécu la période des mouvements d’indépen-dance, entamée dans les années 50.

Venez découvrir les ressorts de cette période, dont l’influence perdure encore.

Du 11 juin 2010 au 9 janvier 2011

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pour les deux expositions : www.congo2010.be

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