Autrui (1)

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AUTRUI EST-IL MON SEMBLABLE ? Les notes en italiques sont des indications méthodologiques; Il ne faut en aucun cas les intégrer dans votre analyse .C’est ici un sujet classique de philosophie en terminale, permettant de réaliser un travail à la fois sur les concepts, et sur une problématique qui permet de faire progresser l’interrogation sur la figure d’autrui. Il ne s’agissait donc pas de réaliser une simple description des différences et des ressemblances entre moi et autrui. Le travail philosophique consiste à élaborer une analyse qui met en lumière les difficultés et les enjeux d’une telle situation. Cette dissertation et en grande partie rédigée. Elle tâche de reprendre pratiquement que des éléments que nous avons vus en classe. Donc le but est de vous montrer comment réorganiser vos connaissances par rapport à un problème singulier, qui est posé par le sujet de dissertation. Cela veut donc dire qu’un sujet n’est jamais un thème (autrui) qui doit servir de prétexte pour réciter ce que vous savez, mais un problème original qu’il faut penser pour lui-même. Pourquoi s’interroger sur « autrui est-il mon semblable ? » ? Vous devez vous demander ce qui légitime cette question. Dans mon introduction, j’aurais souligné un paradoxe qui me taraude (car tout penseur est sans cesse taraudé par des questions… Je vous laisse chercher dans le dictionnaire ce que veut dire tarauder) : Les Dix Commandements comportent cette injonction : Aime ton semblable comme tu t’aimes toi-même. Or cette pensée louable est battue en brèche sans cesse par la réalité, où les hommes se massacrent, se méprisent et se détestent. Les faits contredisent donc le droit divin tel qu’il est exposé dans l’Ancien Testament. Est-ce que cela veut dire que définitivement l’autre m’est un étranger ? Qu’est-ce que cela veut dire « être mon semblable » ? Est-ce simplement celui qui me ressemble ? L’idée d’humanité est-elle impossible ? Les 1

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AUTRUI EST-IL MON SEMBLABLE

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AUTRUI EST-IL MON SEMBLABLE?

Les notes en italiques sont des indications mthodologiques; Il ne faut en aucun cas les intgrer dans votre analyse .Cest ici un sujet classique de philosophie en terminale, permettant de raliser un travail la fois sur les concepts, et sur une problmatique qui permet de faire progresser linterrogation sur la figure dautrui. Il ne sagissait donc pas de raliser une simple description des diffrences et des ressemblances entre moi et autrui. Le travail philosophique consiste laborer une analyse qui met en lumire les difficults et les enjeux dune telle situation.Cette dissertation et en grande partie rdige. Elle tche de reprendre pratiquement que des lments que nous avons vus en classe. Donc le but est de vous montrer comment rorganiser vos connaissances par rapport un problme singulier, qui est pos par le sujet de dissertation. Cela veut donc dire quun sujet nest jamais un thme (autrui) qui doit servir de prtexte pour rciter ce que vous savez, mais un problme original quil faut penser pour lui-mme. Pourquoi sinterroger sur autrui est-il mon semblable?? Vous devez vous demander ce qui lgitime cette question. Dans mon introduction, jaurais soulign un paradoxe qui me taraude (car tout penseur est sans cesse taraud par des questions Je vous laisse chercher dans le dictionnaire ce que veut dire tarauder): Les Dix Commandements comportent cette injonction: Aime ton semblable comme tu taimes toi-mme. Or cette pense louable est battue en brche sans cesse par la ralit, o les hommes se massacrent, se mprisent et se dtestent. Les faits contredisent donc le droit divin tel quil est expos dans lAncien Testament. Est-ce que cela veut dire que dfinitivement lautre mest un tranger? Quest-ce que cela veut dire tre mon semblable? Est-ce simplement celui qui me ressemble? Lide dhumanit est-elle impossible? Les faits (guerres, massacres, et autres gnocides) sont-ils lgitimes? Ou le droit (les Dix Commandements ou la Dclaration Universelle des droits de lhomme) peuvent-ils rguler ces faits? En posant ces questions dans lintroduction, je ralise quil y a un problme, et je vais pouvoir organiser mon plan autour de ce problme.

Conceptualisons les diffrents termes du sujet (c'est--dire voyons quel sens nous allons leur donner) Autrui est lautre, celui qui nest pas moi, ltre que je rencontre, qui soppose moi, tout en tant le mme. Il simpose comme sujet face ma libert. Ce nest donc pas lensemble des individus composant lhumanit, ni mme les hommes dune manire gnrale. Il faut penser autrui comme une rencontre.

Ce sujet ne permettait pas, sauf en cas de devoir pauvre, de le construire sur le modle thse/ antithse. Il sagissait de penser mon rapport lautre, mon lien avec autrui. Kant aurait pu parler de la catgorie de la communaut. (Critique de la Raison Pure, analytique transcendantale.) Le semblable pose la lgitimit de la sympathie, de la compassion - ce que nous pouvons appeler la contagion des consciences- de la reconnaissance - sentiment majeur dans la rencontre avec autrui selon Hegel et Sartre- ou du respect - qui est la distance accorde toute personne reconnue comme une fin en soi selon Kant. Le semblable nest pas lidentique, ou lgal. Il ny a en aucun cas confusion entre moi et lautre, ni mme identit.

Cela ncessitait un travail dlucidation du concept, ce quon appelle habituellement la conceptualisation. Ce nest pas uniquement un jeu de dfinition. Il faut poser les enjeux de telles significations, les problmes qui en ressortent. Par ex.: le semblable est un paradoxe, celui de la pluralit au sein dune unit. Autrui et moi nous ne sommes pas un, mais nos caractristiques peuvent se penser au sein dune nature humaine, qui reste une idalit abstraite dans sa comprhension, car cest un terme gnrique, mais concrte dans ma relation autrui -je le comprends parce quil me ressemble.

La simple description tait strile, et doit tre toujours vite, car elle ne permet pas de dterminer de nouveaux concepts, et donc la rflexion de progresser. Une dissertation ne peut pas tre un constat. Ce nest pas un relev distinguant laide de quelques conjectures les arguments pour ou contre. En aucun cas il vous est permis de raliser des inductions (partir de quelques cas particuliers pour dgager des lois gnrales), qui ne sont que de simples spculations le plus souvent bases sur des prjugs. Il vous sera beaucoup plus profitable de prudemment vous interroger laide des rfrences philosophiques.

Mais la base de toute dissertation est la problmatique (Pourquoi se pose-t-on une telle question?) Ici nous pouvons reprendre linterrogation de Husserl, dans les Mditations Cartsiennes: Lautre simpose non seulement comme objet peru dans mon univers perceptif, mais aussi comme un lment indpassable de ma structure culturelle, sociale, et affective. Autrui est celui avec qui je partage. Et pourtant il est lautre, qui ne me reconnat comme sujet libre, mais au contraire me chosfie. Comment saisir le vritable lien que jentretiens avec autrui? Est-ce mon prochain, mon double, ou juste un ternel tranger?

I. LEnfer, cest les autres. (bien entendu il ne faut crire les titres de parties de cette manire. Je ne le fais que pour rendre plus lisible le corrig, et surtout vous montrer que jorganise la dissertation autour dun problme central.) travers cette formulation, Sartre pose toute la figure paradoxale de lautre, non pas comme lennemi, ltranger, mais comme celui qui est sans cesse prsent dans mon existence, mme lorsquil ny a pas une prsence physique dautrui.

1) Autrui, cest lautre, celui qui nest pas moi, et qui en ce sens soppose totalement moi. Il reste lobjet principal nanmoins de mon univers peru; c'est--dire ainsi que lexplique Deleuze dans la prface de Vendredi autrui reprsente une structure qui me permet de construire ma propre identit, de par sa diffrence. Parce quil est autre, autrui est celui qui me distingue et qui me tmoigne de ma propre existence. Et ma solitude nattaque pas que lintelligibilit des choses. Elle mine jusquau fondements mme de leur existence. crivait Robinson, seul sur son le. Mais dans le mme temps il reste celui qui mobjectivise, me prend pour objet de sa propre perception, et dans ce sens il me prive de ma libert de sujet. Cest donc un paradoxe que Sartre a trs bien soulign:Autrui est le mdiateur entre moi et moi-mme mais il reste celui qui me juge, qui me vole ma singularit, et donc qui soppose moi. cause dautrui je dois tre lche, de mauvaise foi, jouer sans cesse un rle, pour me masquer, me prserver de son regard, qui nest pas le mien, et qui ds lors me dvisage. Autrui est celui que je ne suis pas, par lequel je suis, et contre lequel je suis.

2) Dailleurs Hegel, dans La Phnomnologie de lEsprit, a trs bien exprim cela au travers du clbre passage de la dialectique du matre et de lesclave, ou lutte des consciences. Le philosophe matrialiste anglais du 17me sicle, Hobbes, avait analys que les relations les plus naturelles entre les hommes taient conflictuelles, car bases sur trois passions primaires: la mfiance, la rivalit et la fiert. Et ltat de nature de nature, les hommes connaissent une perptuelle guerre de chacun contre chacun (cf. son ouvrage politique majeur, Le Lviathan (le texte se trouve dans votre manuel).). Hegel traduisit cela avec lide de reconnaissance. Lautre ainsi est vcu comme la conscience que je dois nier, le rationnellement ngatif, pour pouvoir massumer dans ma libert. Si je ne suis reconnu par lautre je ne me peux saisir ma propre ralit, et je ne vis que sur le mode sensible. "Pour se faire valoir et tre reconnue comme libre, il faut que la conscience de soi se reprsente pour une autre comme libre de la ralit naturelle prsente. Ce moment nest pas moins ncessaire que celui qui correspond la libert de la conscience de soi en elle-mme." (Propdeutique philosophique) Autrui ne peut en aucun cas tre mon semblable, car je veux me diffrencier pour maffirmer. Lopposition est plus naturelle que laccord. Je ne peux me confondre avec lautre.

3) Cela est dailleurs parfaitement illustr dans la recherche cartsienne de la vrit, qui dboucha sur le cogito. A la fin de la 1re Mditation Mtaphysique, Descartes tombe dans un rel dsespoir, car il ne peut sappuyer sur une seule des certitudes quil possdait auparavant. Il a rejet entre autre lexistence dautrui, mais il prouve la sienne au sein de la libert du doute: [] Il nest en mon pouvoir de parvenir la connaissance daucune vrit, tout le moins il est en ma puissance de suspendre mon jugement. Cette solitude face un Malin Gnie qui peut le tromper entirement est sa seule puissance. Cest parce que Descartes lui se sait tre un individu, diffrent des autres, quil peut douter de leur existence sans douter de la sienne; et cest parce quil sisole des autres quil peut ainsi prouver la ralit de ses connaissances. Ce doute indubitable va lui permettre ensuite, laube de la seconde mditation, de reconnatre la certitude de son existence, par le je pense, je suis. Puis cest grce Lanalogie quil pourra comprendre quautrui existe tout comme lui. Mais je juge que ce sont des hommes, et ainsi je comprends, par la seule puissance de juger qui rside en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux. (2me Mditation Mtaphysique) Husserl prcisera dans cinq confrences prononces la Sorbonne consacre l'uvre de Descartes [les Mditations Cartsiennes (1929)] que cest au travers de lexprience corporelle, celle du toucher de mon propre corps, des sensations de douleur, que je comprends quautrui nest pas simplement un objet, mais un tre qui me ressemble, dont je suis proche, car il ragit comme moi. Mais cette analogie implique que je sois diffrent de manire symtrique dautrui. Pour quil soit mon miroir, pour que je le juge identique, il faut que jprouve son individualit, mon individualit, et donc notre diffrenciation, notre altrit. Cest l la rsolution du premier paradoxe nonc: autrui est diffrent de moi dans la ralit, et dans la construction de mon image, mais il est semblable dans mon jugement qui le comprend au travers de lanalogie. Il sagit de deux dimensions diffrentes, celle de lexistence -je vis sur le mode du pour-soi-, et celle de la connaissance -qui tend naturellement vers la communaut des consciences.

II. Autrui, structure du champ perceptif Deleuze.

Son commentaire de Vendredi ou les Limbes du Pacificique offrait loccasion Gilles Deleuze danalyser le rle de la prsence dautrui. Nous allons pouvoir non pas suivre sa rflexion pas pas, mais nous en inspirer pour comprendre le lien qui nous unit autrui, lorsque nous avons compris -suite la premire partie de la dissertation- que laltrit (caractre de ce qui est autre) est ncessaire pour que je puisse me construire face autrui. Deleuze cherche expliquer le mystre dautrui qui nest ni sujet ni objet part entire lorsque je le perois. Car il est tout dabord un tre que je perois. Jen fais lexprience lorsque je le rencontre. Mais pour dtourner une clbre formule de Kant, si toute ma connaissance dautrui dbute avec lexprience, cela ne prouve pas quelle drive toute de lexprience. Il se peut que quautrui reprsente le monde dans lequel je vis, et ainsi celui qui me ressemble, qui vit comme moi, qui vit ce que je pourrais vivre, et qui dune part massure la ralit de ce que je ressens, dautre part la certitude de ce quil serait possible de ressentir.

Michel Tournier fait crire Robinson une des significations des personnages humains dans un paysage peint: Lorsquun peintre ou un graveur introduit des personnages dans un paysage ou proximit dun monument, ce nest par got de laccessoire. les personnages donnent lchelle et, ce qui importe davantage encore, ils constituent des points de vue possibles qui ajoutent au point de vue rel de lobservateur dindispensables virtualits. (Vendredi ou les limbes p53, d folio.) Quest-ce dire? Simplement quautrui est indispensable car je ne peux me contenter de mon seul point de vue. Il est trop pauvre pour que ma conscience du monde, elle bien plus riche au travers de mes souvenirs et de mon imagination, ne vacille pas, car alors je tomberais dans lincessante angoisse davoir perdu ce que je connaissais.

Nous allons tudier comment sorganise ce lien:

1) Lautre est celui avec qui je maccorde au travers du langage, qui est une rencontre originaire des consciences. C'est--dire que le langage ne correspond pas une harmonie prtablie lorigine du monde par un quelconque dieu; mais le fait que nous puissions tous nous comprendre lintrieur dune communaut implique que notre intelligence et notre perception du monde aient t formes sur le mme schma constructif. Nous ne pensons pas tous de la mme manire -fort heureusement dailleurs, car cela serait assez ennuyeux, mais nous pensons dans le mme monde rempli de sens. Autrui ne plaque pas un mot sur un objet qu il aurait pens auparavant, et quil me transmet comme un code artificiel, tel que le morse. Cela laisserait un langage trs limit. Chaque mot est au contraire porteur dun sens si riche, si subtil, que je ne pourrais le comprendre si je ne vivais pas dans le mme univers quautrui. Ce nest pas avec des reprsentations ou avec une pense que je communique dabord, mais avec un sujet parlant, avec un certain style dtre et avec le monde quil vise. explique Merleau-Ponty dans La Phnomnologie de la perception (p214, d Tel.)

2) Husserl, dans la 5me Mditation Cartsienne, apprhende encore davantage le problme de lexistence dautrui, en nanalysant pas le fait que ce soit un sujet conscient, m par une intentionnalit, par ce mouvement qui converge avec ma propre intentionnalit dans le langage notamment, mais cest aussi un objet qui pose problme dans mon champ perceptif. Car je partage autre chose que des couleurs, des formes et des sons avec autrui. Il est celui qui mentoure culturellement, socialement, affectivement. Leibniz avait construit le concept de monade qui serait une substance simple, caractrise par sa facult percevoir, et on peut dire que chaque monade peroit lunivers sa faon. Nous sommes tous des monades raisonnables qui se comprennent grce une harmonie prtablie par Dieu. (Leibniz explique tout cela dans un ouvrage intitul La monadologie.) Husserl appelle cela Lintersubjectivit. Autrui nest pas un tre qui est identique moi, ou mme qui est gal moi (il ne faut donc pas confondre les catgories du semblable, de lidentique, et de lgalit), mais il est mon alter ego, c'est--dire un autre moi devant le monde. "Le sens dune communaut des hommes () implique une existence de lun pour lautre" prcise Husserl, ce qui veut dire que le monde de lautre me touche, donne du sens mon exprience du monde. On ne peut pas comparer deux consciences, comme le concept didentique pourrait nous y inviter, car deux consciences ne se mesurent pas. Mais le monde de lintersubjectivit, qui est celui de la rencontre, saisit la ralit communautaire entre moi et mon alter ego. Nous ne vivons pas les uns ct des autres, mais les uns avec les autres. Lart dailleurs est l pour nous le dmontrer. Le fait que nous soyons sensibles aux mmes reprsentations esthtiques illustre notre communaut desprit (par ex. la mode montre que je partage une mme sensibilit).

3) Nous pouvons ds lors introduire le concept de sympathie, communion des pathos; la compassion, et les sentiments de respect, damour, qui ne se ralisent que dans le cadre dune communaut, donc lorsque autrui est mon semblable. Il est faux de dire que la piti, par exemple, que Rousseau considrait comme un sentiment moral naturel, soit base sur une simple analogie. Ce nest pas partir dune rflexion, recul raisonnable mais tendu dans le temps, et surtout partie dun gosme conscient (jai piti de lautre, car je mimagine dans la mme situation, et cest cela qui me fait mal.). la piti est davantage une compassion nourrie par la contagion des consciences, qui dborde le solipsisme, la solitude mtaphysique hrite du cogito, pour participer littralement la douleur de lautre. De mme la sympathie est cette capacit reconnatre dans lautre un semblable qui ressent, qui pense, qui smeut tout comme moi. Le respect enfin est cette reconnaissance de lautre non plus comme un oppos moi-mme, de manire symtrique ou non, une image reflte dans mon miroir lorsque je madmire, mais une personne qui possde sa propre finalit et qui existe au mme titre que moi.

III. Autrui, mon prochain; et le concept dhumanit.1) Pose ainsi, lhumanit reste une ralit dont moi et autrui nous ne sommes que les expressions. Effectivement ce concept pose problme sur le plan ontologique. Il ny a que les individus qui sont rels, que je peux rencontrer, que je peux exprimenter, et lhumanit est un Universel, effet du langage. Guillaume dOccam (1285-1347), philosophe scolastique, pensait dailleurs quil ne fallait jamais multiplier les tres sans ncessit. Et donc lide dhumanit, mme si elle est belle, reste inutile. Il est clair que la morale retravaille sous cet angle peut changer radicalement. Mais lanalyse husserlienne de lintersubjectivit montre que moi et mon alter ego, nous pouvons nous penser uniquement partir dun nous suprieur, qui na rien de mtaphysique, comme lharmonie prtablie leibnizienne, ou mme de thologique, comme lide du genre humain cre par Dieu; mais qui est la ralit du monde objectif, c'est--dire celui que je perois, quautrui peroit, et qui forme un champ commun. Lhumanit est cette ralit qui englobe tous les points de vue possibles des consciences qui communiquent, qui se comprennent. Dire que nous sommes les expressions de cette ralit signifie que nous sommes non pas autant dlments dun groupe, mais que nous reprsentons une partie dune communaut de consciences. Je ne peux penser partir de moi, de mon ego seul, de mon individualit, mais partir de ce lien supra individuel.

2) Dans ce sens, lautre devint un vritable alter ego, une figure fraternelle. Je peux le nommer mon prochain. Cest une figure fraternelle envers laquelle je suis engag. Je ne puis tre indiffrent. Cette question dveloppe ainsi une dimension morale, qui dpasse la simple intersubjectivit. Mon alter ego est celui que je dois privilgier dans mon univers peru, et je dois le mettre au-dessus du reste du monde, au dessus de la nature. Cest pour cela, comme le notait dj Malebranche, quil faut prfrer son ami son chien, que le plus mauvais cocher mrite meilleur traitement que son cheval. Lhumanit fait dautrui celui qui est avec moi, avec lequel je partage. Il ne doit servir de moyen pour parvenir mes fins, et il ne doit pas tre nglig comme simple lment au milieu de mes desseins. Le concept de semblable permet donc clairement dintroduire une morale humaniste, qui place la personne au sens kantien du terme (qui comporte sa propre finalit) au centre de mon action : "Agis toujours de telle que tu considres l'humanit aussi en ta personne que celle d'autrui non pas comme un moyen mais comme une fin".

3) Cependant cette comprhension de la dimension morale du semblable nexclut pas un dernier problme: Descartes parvient tout au long de ses Mditations Mtaphysiques oublier la prsence pourtant fort probable dautrui, pour la considrer comme fausse; et il russit reconstruire la conscience de soi, la conscience de Dieu, et la conscience du monde extrieur, avant dadmettre que les"capes et chapeaux" ne couvrent pas raisonnablement des automates, mais bel et bien des hommes. Il na nul besoin dautrui! Laltrit est reprsente par Dieu. Certes il ne sagit pas du semblable, car Descartes avoue ne pas pouvoir connatre Dieu. Mais si Descartes russit sisoler des autres, douter de leur existence, cest quil pensait la sienne dans un rapport Dieu. Pour suivre rigoureusement le cheminement du doute mthodique, il soppose-il y a dailleurs l lide dune volont de reconnaissance- au Malin gnie, qui le trompe infiniment. Et Descartes prouve la ralit de son existence au travers de sa pense. Une pense solitaire, o les autres nont pas besoin dtre prsents, car cest la puissance du Malin Gnie qui lui assure que ce nest pas une illusion; autrement il tomberait dans un doute perptuel, celui des sceptiques. Cest donc la prsence de cet Autre, et dans une certaine forme de communication avec lui, quil prouve la ralit de son tre. Mais en dehors de cette dmarche intellectuelle particulire appele solipsisme, Autrui est ncessaire, car fondement de toute conscience. Il reste celui qui maffirme que jexiste, que je suis.

Husserl en 1929 crivit une confrence dans laquelle il reprenait le projet cartsien des Mditations. Mais il voulut introduire la problmatique dautrui en refusant de fonder l'altrit sur le personnage de Dieu. En effet sa dmarche tait phnomnologique, c'est--dire quelle tudiait le dveloppement de notre conscience dtre comme un phnomne saisi de lextrieur, observ. Descartes lui dveloppait une recherche intrieure.

Husserl ne pouvait observer la non-existence du monde, donc il prfre au doute une simple mise entre parenthse - Epoqu- du monde (poqu voulant dire en grec la suspension du jugement.) Ds lors ni Dieu, ni le Malin Gnie interviennent dans ce qui sera publi sous le titres des Mditation Cartsiennes. Et Autrui joue un rle considrable, tudi durant toute la cinquime mditation. Si vous avez rien faire lors dune soire, lisez-la

Mme lorsquil sagit dune citation trs classique, come celle de Sartre, il faut toujours lexpliquer et lexploiter. Rien de pire quune phrase qui arrive comme un cheveu sur la soupe, prtextant le rle dargument dautorit.

Il est trs important de dvelopper vos connaissances dans votre dissertation. Il ne suffit pas de faire allusion votre cours. Il faut montrer que vous le matrisez.

Je sais que nous navons pas travaill ce livre proprement dit dans le cours. Mais prenez le comme un supplment dinformations.