Auto organisation spatiale : les réactions...

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Desphénomènes

d’autoorganisation

auxtaches

desanimaux

Desréactionsoscillantes

auxstructures

deTuring

Chimieet

Biologie

TPE

Comme nous pouvons le constater sur la photo de droite, deux animaux possédant un patrimoine génétique identique, un clone, obtenusnaturellement (vrais jumeaux) ou artificiellement, n’ont pas la même robe. Il est donc exclu que l’organisation des motifs sur la peau de ces animaux

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soit entièrement régulée par des gènes. Ceci n’est pas étonnant, car la multitude d’information nécessaire à l’édification (et au fonctionnement) d’unêtre aussi complexe ne peut être entièrement codé sur une molécule d’ADN. Comment s’élaborent donc ces motifs ? Le but de cet exposé est deprésenter les phénomènes d’auto organisation pour arriver à une description des processus chimiques rendant compte de cette partie de lamorphogenèse.

Auto organisation temporelle : les réactions oscillantes

I] Qu'appelle-t-on une réaction oscillante ?

II] Présentation de la réaction Belousov-Zhabotinsky

III] Aspect expérimental

IV] Aspect théorique

1) Le mécanisme de la réaction BZ : le mécanisme FKN

2) Mécanisme cinétique

V] Le chaos chimique

VI] Conclusion

Auto organisation spatiale : les ondes chimiques

VII] Présentation des ondes chimiques

VIII] Observation expérimentale de ces ondes

IX] Justification théorique

X] Conclusion

Auto organisation spatiale : les structures de Turing

XI] Le modèle

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XII] Les observations expérimentales de structures de Turing

1) Le réacteur utilisé est d’un genre nouveau : c’est un réacteur ouvert

2) Les différents types de structure de Turing observables

XIII] Conclusion

Application au vivant

Conclusion

Auto organisation temporelle : les réactions oscillantes

I] Qu'appelle-t-on une réaction oscillante ?

Le bilan d'une réaction chimique telle que nous l'observons à l'échelle macroscopique représente la somme d'un grand nombre de réactionsélémentaires à l'échelle microscopique. Celles-ci mettent en jeu des intermédiaires qui sont successivement crées puis détruits. Dans la plupart desréactions chimiques, les concentrations dépendent du temps de façon monotone. Une réaction oscillante est une réaction au cours de laquelle lesconcentrations de certains composés augmentent, puis diminuent alternativement pendant une certaine durée, entre deux limites. La réaction peuts'accompagner d'une modification périodique de certaines propriétés du mélange comme la couleur, mais aussi l'absorbance. Certains systèmesprésentent une périodicité temporelle remarquablement stable et se comportent comme de véritables horloges chimiques. Les réactions oscillantes lesplus célèbres sont sans aucun doute les réactions de Bray-Liebhafsky (décomposition de H2O2 en H2O en présence d'ions iodate IO3

-, découvertes à

Berkeley en 1921) et de Belousov-Zhabotinsky (BZ), mais déjà au XIXième siècle différents scientifiques ont pu observer ces curieux aspects de lanature :

En 1828, Fechner observe le changement périodique de l'aspect du fer plongé dans l'acide nitrique concentré: le métal est terne, puis brillant,puis terne de nouveau et ainsi de suite... (Note sur la manière d'agir de l'acide nitrique sur le fer-1833).Schönbeim en 1836 décrit ce phénomène ainsi: Ein so sonderbares Phänomen, wie das in Rede stehende, verdient gewifs alle Beachtung derChemiker.(Un phénomène aussi étrange que celui-ci mérite assurément toute l'attention du chimiste)

En 1834, Munck Af Rosenschöld constate que le phosphore émet des éclairs lumineux par intermittence avec une certaine régularité. En1874, Joubert montre que ce phénomène est dû à l'oxydation du phosphore par l'oxygène de l'air mais ne poursuit pas l'étude plus loin.

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Pour notre étude des réactions oscillantes nous allons prendre comme exemple la réaction BZ car cette réaction a fait l'objet de très nombreux travauxdepuis les cinquante dernières années et son mécanisme est aujourd'hui parfaitement maîtrisé.

II] Présentation de la réaction Belousov-Zhabotinsky

Cette réaction oscillante a été découverte en 1950 dans un laboratoire de l'armée Rouge par le biochimiste Russe Boris Pavlovich Belousov. Cedernier s'intéressait au cycle de Krebs ([1] p 31) (c'est le cycle respiratoire, comment le dioxygène respiré est transformé en molécules d’ATP(Adénosine-TriPhosphate), c'est à dire en énergie utilisable par nos cellules) En réalité cette réaction a été observée pendant le titrage d'une solutiond'acide citrique. Le réactif titrant était une solution d'ions bromate acidifiée, les ions Ce4+ servant de catalyseur. Le bilan de la réaction est uneoxydoréduction (transfert d'électrons) au cours de laquelle l'acide citrique est oxydé en CO2 , et les ions bromates BrO3

- sont réduits en ions bromure

Br-. Belousov utilisait un indicateur coloré redox pour détecter le point équivalent. Alors qu’il s’attendait à observer un virage de l’indicateur aupassage de l’équivalence, il constata que la solution changeait périodiquement de couleur avec une grande régularité. Après avoir vérifié que lephénomène était reproductible, il entreprit une étude des oscillations, et tenta de faire publier son travail en 1951. Cependant son article fut refusé partous les comités de lecture des grandes revues, hostiles à l'idée d'oscillations chimiques, car contraires, leur semblait-ils, aux principes de lathermodynamique. Avant d'abandonner ses recherches il publia une note dans un journal méconnu Sbornik Referatov po Radiaconi Medecine.

En 1961, Anatol Zhabotinsky, étudiant en biophysique à l’université de Moscou, consacra sa thèse à une étude approfondie de laréaction de Belousov. Il replaça l’acide citrique par l’acide Malonique (CH2(COOH)2), et obtint un système dans lequel l’amplitude des oscillationsétait encore plus grande que dans le système original. Le bilan s’écrit :

3 CH2(COOH)2 + 4 BrO 3- -> 4 Br- + 9CO2 + 6H2O

Ses résultats ne trouvèrent pas d’écho en Europe et aux Etats-Unis, compte tenu de la Guerre Froide. Pendant de nombreuses années, la réaction deBelousov-Zhabotinsky resta une curiosité de laboratoire.

III] Aspect expérimental

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Le protocole que nous avons suivi est celui donné par [2] légèrement modifié pour s’adapter à nos propres ressources. Les réactifs etleurs concentrations sont :

Acide Sulfurique : 6 mol.L-1, 25 mL●

Bromate de potassium KBrO3 : 0,5 mol.L-1, 16mL●

Acide Malonique CH2(COOH)2 : 1 mol.L-1, 30 mL●

Sulfate de Cérium Ce2(SO4)3 : 0.012 mol.L-1, 16,65 mL●

Ferroïne Fe(C12H8N4) SO4 : 0.025 mol.L-1 , quelques gouttes●

Ces divers produits sont placés dans unbêcher de 100 mL, l’acide malonique endernier, sur un agitateur magnétique.Les oscillations se déclenchent au boutde quelques secondes. On travaille soushotte aspirante.

On observe, après quelques secondes, ledémarrage des oscillations qui se

traduisent par un passage de la couleur de la solution du rouge au bleu. La durée entre deux états de couleur identique est compris entre 30 et 40secondes. Le gaz qui se dégage est CO2, comme nous le montre le test à l’eau de chaux : en présence de ce gaz, elle se trouble.

IV] Aspect théorique

1) Le mécanisme de la réaction BZ : le mécanisme FKN

Le mécanisme complet de la réaction BZ a été établi par R. M. Noyes, R. J. Field E. Körös [3]. Ce mécanisme, nommé FKN desinitiales de ses auteurs, comporte 18 réactions comportant 21 espèces chimiques différentes. Nous, nous allons nous intéresser au mécanismesimplifié donné par les mêmes auteurs, l’Oregonator, en référence à l’université d’Oregon où ils travaillaient alors.

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Les différentes étapes de ce mécanisme sont :

Production auto catalytique de HBrO2

La réaction qui combine les deux précédentes est :

Cette réaction est auto catalytique. Le composé HBrO2 catalyse sa propre formation. La vitesse de la réaction est alors proportionnelle à laconcentration en HBrO2.La théorie montre que la présence d'une telle boucle de rétroaction est nécessaire à l'apparition des oscillations.

Consommation de HBrO2

Oxydation des composés organiques

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Chacune de ces réactions « élémentaires » se déroulent lorsque les réactifs nécessaires sont présents.

2) Mécanisme cinétique

Nous l’avons vu, une réaction oscillante est une réaction dans laquelle les concentrations des différents réactifs sont des fonctions du temps. Ainsil’étude de la cinétique non linéaire de la réaction permet de, d’une part, vérifier la validité du modèle ci-dessus, et d’autre part de prédire ladynamique de la réaction, comme la période des oscillations et la durée du phénomène, (si on travaille en réacteur fermé).

Les équations cinétiques donnant la concentration des réactifs en fonction du temps sont des équations différentielles (Une équation différentielle estune équation dont l'inconnue est une fonction) non linéaires. Il s’agit là de mathématiques pures dont le niveau est trop élevé pour cet exposé, nousnous contenterons d’exposer les équations et de renvoyer les personnes intéressées à [4]. Le système est :

Où [X] correspond à la concentration en HBrO2, [Y] celle en ions bromure et [Z] celle en ions cérium (IV). Les différents k sont des constantes et fest un paramètre ajustable arbitrairement entre 0,5 et 2,4.

Une résolution exacte de ces équations est difficilement envisageable si l’on veut analyser la dynamique sur des durées de plusieurs milliers desecondes, mais il est possible de les traiter numériquement par ordinateur, afin de modéliser la réaction. Nous avons eu accès à deux logicielsdifférents : grâce au concours de Peter Ruoff (Hanover) et de Arun Mehra (Toronto), à qui nous adressons nos plus sincères remerciements, nousavons pu simuler informatiquement le comportement de notre réaction à l’aide d’un programme fortran, et nous avons aussi pu faire effectuer lamodélisation au Chemical kinetics Simulator, d’IBM Reserach. Mais ces programmes nécessitent en entrée les concentrations des ions bromate,bromure, d’acide malonique, d’acide bromique et de la forme oxydée des ions cérium. Or nous n’avons pas mis tous ces réactifs dans le bécher, etleur présence (hormis celle de l’acide bromique) est indispensable. Nous avons donc été amenés à considérer une phase de « préparation » pendantlaquelle il n’y aurait pas d’oscillations mais différentes réactions spontanées et linéaires qui permettraient de former les réactifs nécessaires pour le

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démarrage de la réaction BZ.

En effet les réactifs présents sont, sachant que l’équation de dissolution dans l’eau du sulfate de cérium est : Ce2(SO4)3 2Ce3+ + 3 SO42-

BrO3- CH2(COOH)2 Ce3+ Ferroïne, eau et H+ (milieu acide)

8 10-3 mol 3.10-2 mol 3.996 10-4 mol Quantité suffisante

Or les ions BrO3- et Ce3+ sont respectivement oxydants et réducteurs des couples BrO3

- / Br2 et Ce4+ / Ce3+. On peut donc supposer que lorsque lesdeux réactifs sont mis en présence au début de l’expérience une réaction d’oxydoréduction (transfert d’électron(s) entre oxydant d’un couple etréducteur de l’autre) a lieu. L’équation de cette réaction est :

10 Ce3+ + 2 BrO3- + 12 H+ 10 Ce4+ + Br2 + 6 H2O

Le tableau d’avancement est :

10 Ce3+ + 2 BrO3 - + 12 H+ 10 Ce4+ + Br2 + 6 H2O

Avancement nCe3+ nBrO3- nH+ nCe4+ nBr2 nH2O

0 3.996 10-4 8 10-3 - 0 0 -X 3.996 10-4 -10 x 8 10-3 – 2 x - 10 x x -

3.996 10-5 0 7.92 10-3 - 3.996 10-4 3.996 10-5 -

Nous avons maintenant, d’une part les ions cérium (IV) nécessaire à la réaction, et d’autre part du dibrome liquide (le dibrome est liquide entre -7 et53 °C). Or le dibrome est l’oxydant du couple Br2 / Br- tandis que la solution contient aussi un réducteur : l’acide malonique, du couple CO2,HCOOH / CH2(COOH)2. Une nouvelle réaction d’oxydoréduction aura donc certainement lieu entre ces deux réactifs, permettant d’obtenir les ionsbromure. L’équation de cette réaction est :

CH2(COOH)2 + 3 Br2 + 2 H2O 6 Br- + 2 CO2 + HCOOH + 6 H+

Le tableau d’avancement est :

CH2(COOH)2 + 3 Br2 + 2 H2O 6 Br- + 2 CO2 + HCOOH + 6 H+

Avancement nCH2(COOH)2 nBr2 nH2O nBr- nCO2 nHCOOH nH+

0 3 10-2 3.996 10-5 - 0 0 0 -x 3 10-2 - x 3.996 10-5 -3 x - 6 x 2 x x -

1.332 10-5 2.999 10-2 0 - 7.992 10-5 2.664 10-5 1.332 10-5 -

Ainsi nous avons maintenant des ions Br- et Ce4+ dans le bécher. La présence d’acide bromique n’étant pas nécessaire au démarrage des oscillations,nous avons là un milieu réactionnel prêt pour une auto organisation temporelle. Sachant que le volume de la solution est de 89 mL, voici le tableau

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récapitulatif des concentrations des différents réactifs intervenant dans le mécanisme FKN :

A = [BrO3-] B = CCH2(COOH)2 X = CHBrO2 Y = [Br-] Z [Ce4+]

8.899 10-2 mol.L-1 0.337 mol.L-1 0 mol.L-1 8.979 10-4 mol.L-1 4.489 10-3 mol.L-1

La modélisation par le logiciel Chemical Kinetics donne la courbe suivante, représentant l’évolution des concentrations X, Y et Z en fonction dutemps pendant 160 secondes :

Nous observons donc des oscillations périodiques des concentrations X, Y, et Z. On peut déterminer la période de ces oscillations par lecturegraphique (ou à partir du fichier contenant toutes les valeurs numériques, ce qui sera plus précis) : on trouve une période de 34,7 secondes environ.On remarque que cette période est parfaitement cohérente avec nos observations expérimentales, ce qui nous conduit à tenir notre hypothèse au sujetd’une phase initiale comme juste. Le raisonnement que nous avons mené est du même type, dans une moindre mesure bien sûr, que celui desinventeurs du mécanisme FKN : il faut faire des suppositions, puis les vérifier expérimentalement. Notons toutefois que de nos jours des méthodesbasées sur la diffraction des rayons X permettent de suivre les molécules une à une, ce qui permet d’établir des mécanismes relativement plusfacilement.

V) Le chaos chimique

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Même si nous opérons ici une légère digression, il nous parait important d’aborder la notion de chaos chimique. Comme nous avons pu le constater laréaction BZ est parfaitement déterministe : les équations régissant son évolution sont connues. Et pourtant on a constaté que la répétition d’uneexpérience comme une réaction oscillante, avec le même protocole expérimental, conduisait à des observations différentes. Ceci s’explique par lavariation infime des concentrations des réactifs due à l’incertitude des dosages, et par l’extrême sensibilité aux conditions initiales [5]. Ainsi lecomportement de la réaction est imprédictible, bien que décrit par des lois déterministes. On a donné le nom de chaos déterministe à l'ensemble desphénomènes présentant cette particularité. Ce chaos chimique explique les écarts parfois observés entre les expériences et les modélisations.

L’exemple le plus connu de ce genre de phénomène est celui découvert par Edward Lorentz en 1963. Ce brillant météorologue étudiait un modèleatmosphérique sur ordinateur, et un jour, ayant interrompu et imprimé ses résultats numériques, voulut recommencer le calcul à partir d’un instant ten introduisant les valeurs lues dans la machine. Son désarroi fut grand lorsqu’il constata que les nouveaux résultats n’avaient plus rien à voir avecceux du calcul précédent. Il ne tarda pas à se rendre compte que les valeurs imprimées avaient été arrondies au millième près, et que ce décalageinfime avait irrémédiablement modifié l’évolution ultérieure du système. Celui-ci, bien que parfaitement déterministe, n’était pas prévisible en raisonde la sensibilité aux conditions initiales. Plus tard, un portrait de phase fut tracé, il ressemblait à l’aile d’un papillon. Selon Lorentz, un battementd’aile d’un papillon suffisait à déclencher une tempête de l’autre coté de la planète …

VI] Conclusion

L’exemple de la réaction de Belousov-Zhabotinsky nous a permis de nous familiariser avec le concept d’auto organisation : un systèmeoriginellement homogène peut devenir, en raison d’une réaction chimique, hétérogène dans le temps. Nous allons garder notre fil directeur, l’autoorganisation des systèmes chimiques, et nous pencher maintenant, sur le cas de l’auto organisation spatiale.

Auto organisation spatiale : les ondes chimiques

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VI] Présentation des ondes chimiques

Lorsqu'une solution est globalement au repos dans un environnement de température uniforme, les phénomènes de convection (transport de la matièredes régions les plus chaudes vers les régions les plus froides pour égaliser la température) peuvent être négligés. Dans ces conditions, le transport dematière au sein de la solution n'est assuré que par la diffusion. On désigne ainsi un transport de matière particulier qui s'effectue sous l'influence d'ungradient de concentration. Le sens du transfert spontané est celui des zones de concentrations élevées vers les zones de concentrations plus faibles(phénomène de l’osmose très important en biologie). Quand elle intervient seule, la diffusion a donc pour effet d'égaliser peu à peu la concentrationde l'espèce qui diffuse aux différents points de la solution. La situation peut être complètement différente en présence d'une réaction chimiqueprésentant des étapes auto catalytiques comme la réaction BZ. Le couplage entre réaction chimique et diffusion peut en effet donner lieu à desphénomènes d'organisation dans l'espace. Dans cette partie nous nous intéresserons aux seuls phénomènes impliquant une propagation de fronts deconcentration, laissant pour la partie suivante les phénomènes possédant un caractère stationnaire. On parle alors d'ondes chimiques. Celles-ci ontdéjà été observées expérimentalement (et fortuitement … le facteur chance, comme nous l’avons vu et le verrons encore à plusieurs reprises, joue eneffet dans ce type de recherche une place prépondérante.), mais elles restèrent un mystère pour leurs inventeurs :

En 1896, Raphaël Liesegang en déposant une goutte de nitrate d'argent sur du dichromate de potassium dans la gélatine découvre que laprécipitation se produit sous formes d'anneaux concentriques appelés depuis anneaux de Liesegang.

En 1906, Luther en tentant de modéliser la propagation de l'influx nerveux au moyen d'une réaction dans un tube voit se développer des ondeschimiques.

En 1964, Anatol Zhabotinsky, Alex Zaïlin et V. Vavilin tentaient ensemble d’obtenir des ondes chimiques avec la solution réactive de Belousov dansune boite de pétri, suite à l’observation quelques mois auparavant d’ondes dans un tube. Les premiers essais furent décevants, aucune onden’apparaissait … jusqu’à ce qu’un étudiant négligent qui participait aux expériences renverse une partie de la solution sur la paillasse et l’oublie làquelques minutes. Lorsqu’il revint, sa surprise fut grande : il constata que des cercles concentriques bleus étaient apparus dans le liquide rouge. Cesondes, émises périodiquement depuis un centre, se propageaient ensuite symétriquement dans le milieu, générant ces cercles aujourd’hui connus sousle nom de structures cibles, pouvant être obtenus dans les boites de pétri, considérés comme des milieux bidimensionnels.

VII] Observation expérimentale de ces ondes

La manipulation est la suivante : les réactifs de la solution BZ sont mélangés puis agités, comme nous l’avons fait précédemment. Pourobserver correctement les ondes chimiques, Anatol Zhabotinsky versa lentement la solution obtenue dans une boite de Pétri - de façon à former unecouche d’environ 1mm d’épaisseur - où elle fut laissée au repos (cela permet d’obtenir des ondes bidimensionnelles, plus faciles à étudier que les

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ondes tridimensionnelles du tube). Au bout de quelques minutes les premières ondeschimiques - nos structures cibles - apparaissent au fond de la boite. On observel’apparition de centres colorés en bleu autour desquels se propagent des ondescirculaires alternativement colorées en rouge et bleu. Ces ondes se détruisent sur lesparois de la boite. En rompant un des fronts d’onde, on peut faire naître des spirales quis’enroulent autour du centre initiateur. Mais ce curieux phénomène disparaît au boutd’un certain temps. Sur la page précédente, se trouve à gauche une photographie de ceque nous pouvons observer avec le ce protocole, tandis qu’à droite se trouve lecroisement d'ondes chimiques. Dans cette variante de la réaction BZ, l'acide maloniqueest remplacé par une cyclohexanedione (CHD). Le système est alors : CHD/BrO3

-/Ce4+/H+.

VIII] Justification théorique

Les formes observées au fond de la boite de Pétri sont dues à un déséquilibre de concentration des différentes espèces en solution induitespar des phénomènes de diffusion relativement lents. La différence entre les motifs obtenus est causée par l'isotropie de la diffusion. En effet, commela diffusion peut se faire dans toutes les directions de la même manière, on obtient des formes générées aléatoirement. Seuls les systèmes chimiquesdont les réactions possèdent des mécanismes cinétiques présentant des boucles de rétroaction peuvent donner naissance à des phénomènes d'autoorganisation temporelle ou spatiale à condition qu'il soit assez loin de l'état d'équilibre. Le cas le plus simple de rétroaction est l’auto catalyse, c’est àdire l’activation d’une réaction par l’un des produits qu’elle forme, et c’est le cas de la réaction de Belousov-Zhabotinsky.

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Quelle que soit la réaction étudiée, les lois de la thermodynamique prévalent et aucunevariation spatiale ou temporelle des concentrations n’est possible en solution une fois que l’étatd’équilibre est atteint. Le phénomène durera donc tant que le système n’aura pas atteint l’état d’équilibre(qu’il recherche naturellement). Les deux graphes de gauche schématisent le déroulement de touteréaction oscillante. De plus, l’observation de structures chimiques spatio-temporelles est uneconséquence directe de la non linéarité de l'équation de diffusion. Or près de l'équilibre on peutconsidérer que la diffusion suit une loi linéaire avec une bonne approximation, les phénomènes nonlinéaires étant négligeables : on ne peut donc observer la formation de motifs chimiques près del'équilibre. C'est pourquoi, pour observer des oscillations ou des motifs et ainsi entretenir ces ondes, ilfaut se placer loin de l'équilibre. Pour cela, il nous suffit d'apporter de manière constante des réactifs etd'évacuer les produits, si l’on veut faire durer indéfiniment la réaction (dans le cas contraire nousn’observerons qu’une transition du système vers l’équilibre, d’une durée de quelques minutesseulement).

Dans la boîte de pétri, les ions Ce4+ sont crées puis détruits périodiquement, comme si laréaction se déroulait dans un bécher. Cependant, au lieu de rester « sur place », ces ions (comme tous lesautres réactifs et produits, mais on parle de l’ions cérium, car c’est celui-ci qui est visible) se déplacent

par diffusion dans la solution dans le plan de la boîte. C’est ce déplacement qui produit des ondes, la distance entre deux cercles concentriquescorrespondant à la distance parcourue par les ondes entre deux pics d’oscillations.

Les ondes chimiques que l’on observe au fond de la boite de Pétri peuvent avoir la forme de cercles concentriques, comme nous l’avons vu,mais aussi de spirales : si l’on rompt un front de propagation (avec une pipette par exemple), on observe que l’onde commence à s’enrouler autour deson extrémité libre et qu’une spirale apparaît. Les scientifiques s’aperçurent finalement que cette prolifération de spirales était due à des effetsconvectifs.

IX] Conclusion

Ainsi, comme nous l’avons vu à travers l’exemple de la réaction BZ en couche mince dans une boîte de pétri, le couplage entre réactionet diffusion permet l’émergence d’une organisation, spatiale cette fois-ci, et spontanée : ce type d’auto organisation est constitué de structures cibles,elles mêmes composées d’ondes chimiques. Après avoir étudié une réaction oscillante et un aspect de l’auto organisation spatiale, nous allonspoursuivre dans cette voie et nous pencher sur les structures de Turing.

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Auto organisation spatiale : les structures de Turing

Alan Turing (1912-1954) était un célèbre mathématicien anglais, connu pour avoir déchiffré le code secret des armées du IIIème Reich. On lui doit

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également le concept de machine intelligente capable de prodiges en calcul, que nous appelons aujourd’hui ordinateurs… Turing était fasciné par lecerveau humain, qu’il considérait comme un merveilleux calculateur, et il se consacra, à partir de 1951, à montrer en quel sens on peut concevoircausalement l’émergence d’une forme auto organisée à partir d’un substrat sans forme et la raison de la progressive indépendance de cette forme parrapport à son substrat : en bref, il recherche la cause de l’auto organisation d’un organisme. C’est pour clarifier cette question éminemment complexequ’il met au point un modèle qu’il appelle de « réaction diffusion », exposé dans son fameux mémoire, The chemical basis of morphogenesis (1952).

XI] Le modèle

Il s'agit d'un modèle de réaction chimique dont le point central constitue l'apparition de brisures de symétrie. Le modèle prend deux formes, selon quel'on considère un système divisé en cellules ou continu. Le modèle de Turing n'est donc pas soumis à d'autres processus comme des réactions dans lesgènes appartenant à d'autres cellules : l'apparition du motif est déterminée uniquement par les solutions d'équations différentielles et la forme de larégion où les réactions chimiques ont lieu. La fonction solution, en se stabilisant dans une forme donnée, permet de prévoir l'évolution temporelle dusystème que l'équation décrit. Il y a des cas où la fonction, bien que stable globalement, devient instable localement : certaines solutions de lafonction entraînent des bifurcations. La bifurcation apparaît donc comme le point de naissance de la forme. C'est cette idée que Turing va appliquerdans son modèle : en partant d'un état symétrique de la matière, on parvient à un état non symétrique. Turing ne prend en compte que les réactionschimiques et laisse de côté d'autres facteurs (électriques ou autres) ; il reconnaît d'entrée de jeu que son modèle opère une simplification extrême etqu'il ne s'agit que d'une ébauche par rapport à ce qui se produit réellement, parce qu'il n'y a pas de solutions générales aux équations qu'il propose.

On doit insister sur la grande simplicité du modèle qui n'a pas besoin de faire intervenir une machinerie génétique complexe : les structures de Turingsont d’origine purement chimique. Il n'y a pas besoin, d'autre part, d'évoquer un principe vitaliste irrationnel pour justifier l'apparition de la forme : unmotif peut apparaître à partir d'un système d'équations différentielles très simples.

Leur formation requiert deux conditions strictes :

les mécanismes cinétiques de la réaction doivent mettre en jeu simultanément un processus activateur (par exemple une auto catalyse) etun processus inhibiteur qui s’oppose à la production d’activateur.

il doit exister des différences appropriées entre les coefficients de diffusion de certaines espèces: dans un système à deux variables,l'inhibiteur doit diffuser plus vite que l'activateur (Dh >> Da).

Les étapes de la « réaction-diffusion » :

Le modèle comporte six étapes. Turing pose au départ deux substances idéales, X et Y, qu'il baptise "morphogène" et qui n'ont aucune existenceavérée. Il décrit ensuite le processus de réaction diffusion lui-même.

1ère étape : X joue le rôle d'un activateur et Y le rôle d'un inhibiteur : les deux substances sont l'une par rapport à l'autre dans un état stable.

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2ème étape : apparition d'une perturbation aléatoire (dont les causes peuvent être multiples: mouvement brownien, changement de température,présence d'autres réactions chimiques) qui provoque une production supplémentaire dans l'un des morphogènes (a).

3ème étape : réaction en retour de l'autre morphogène qui enclenche à son tour une productionsupplémentaire en vue de conserver la stabilité. Apparaît donc un pic de production local qui maintientla stabilité (b).

4ème étape : Diffusion à travers de tout le système des deux morphogènes dont les vitesses de diffusionsont différentes (c). Apparition de fluctuations sous forme d'ondes qui expriment la périodicité de laconcentration d'un morphogène. La diffusion dans tout le système finit par engendrer une instabilitéglobale. D'autres pics d'activateur peuvent émerger à distance suffisamment grande, où faiblit l'influencede l'inhibiteur. (d)

5ème étape : Différents types de stabilisation sont possibles :

- à court terme : existence de phases transitoires dans la propagation des ondes. Dans ces phasestransitoires, l'instabilité du système se transforme en répartition périodique de concentration des

morphogènes. Les ondes sont le plus souvent stationnaires : il y a apparition de motifs, appelés depuis « structures de Turing », à travers le système(e). Ils se caractérisent par une longueur d'onde intrinsèque: celle-ci dépend uniquement des constantes cinétiques de la réaction et des coefficients dediffusion des espèces (Et non des dimensions géométriques du système).

- à long terme : l'absence de combustible pour nourrir le cycle de réaction-diffusion va finir par provoquer un état amorphe du système, si cesystème est fermé.

6ème étape : fixation du motif. Turing n'étudie pas cette dernière étape ; il indique seulement qu'il suppose l'existence d'un mécanisme qui "gèle" lemotif.

Les structures stationnaires obtenues résultent d’un bilan équilibré (d’un « équilibre dynamique ») entre vitesse de transformation chimique et vitessede diffusion des réactifs. Quand on cesse de fournir des réactifs, la réaction s’épuise, le caractère homogénéisant de la diffusion reprend ses droits etles structures s’effacent. Comme les êtres vivants, les structures de Turing meurent quand on cesse de les alimenter. Ces structures sont dites« dissipatives », car leur existence est liée à la consommation (dissipation) de matière ou d’énergie.

XII] Les observations expérimentales de structures de Turing

En 1989, Vincent Castets, à Bordeaux, en étudiant la réaction CIMA (Chlorite Iodure alcalin acide MAlonique) observait dans le réacteur gel desfronts stationnaires. Il manquait encore une caractéristique essentielle pour pouvoir observer les structures prévues par Turing : la brisure de symétrie.Les fronts constituent des plans parallèles aux faces alimentées où les concentrations sont devenues homogènes. Or ils doivent devenir spontanémentinhomogènes pour constituer une structure de Turing. A cause de la présence persistante d'une bulle dans le réacteur gel, De Kepper décida de l'agiter

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vivement et à sa très grande surprise, il vit apparaître pour la première fois les fameuses structures qui possédaient une projection cristallinehexagonale. Trente sept ans après leur prédiction théorique, on était enfin parvenu à les créer en laboratoire.

1) Le réacteur utilisé est d’un genre nouveau : c’est un réacteur ouvert

Le réacteur spatial ouvert assure un approvisionnement permanent en réactifs sans créer de mouvement convectifs (le seul mode de transport est ladiffusion moléculaire). Ainsi, il permet d’observer des structures beaucoup plus longtemps que dans un réacteur fermé (tant que l’apport dure).

Il est constitué d'un bloc d'hydrogel (polyacrylamide, agarose, etc ...) en contact par deux de ses faces opposées avec les réactifs judicieusementrépartis dans deux réservoirs A et B (figure 1a). Le réservoir A contient l’iodure de potassium et les acides maloniques et sulfuriques, tandis que dansle réservoir B se trouvent le chlorite de sodium en solution basique ainsi que l’iodure de potassium. De plus, le gel est recouvert d’amidon de façon àpouvoir visualiser les variations de concentration en iodure.

Les solutions dans les réservoirs sont constamment renouvelées à l'aide depompes et homogénéisées par agitation vigoureuse: on assure ainsi desconditions constantes aux bornes du système. Les réactifs diffusent dans legel à partir des faces en contact avec les réservoirs, ils s'y rencontrent etréagissent. Pendant la réaction, il se forme un complexe (réversible) entrel’iodure et l’amidon, qui est retenu par les mailles du gel. Sa vitesse dediffusion est donc considérablement réduite, ce qui permet d’avoir ladifférence des vitesses nécessaire à l’apparition des structures. Les gradientsde concentrations qui s'établissent entre les faces d'alimentation confinent lesstructures spatiales dans une strate d'épaisseur � comprise entre ces faces, làoù sont réunies les concentrations adéquates des différents réactifs.L'hydrogel préserve le milieu réactionnel de tout mouvement convectif. Il neparticipe pas à la réaction chimique.

Les réacteurs utilisés ont deux géométries différentes: dans le réacteur àruban de gel, figure 1b, on observe l'étendue entre les deux bordsd'alimentation; dans le réacteur à disque de gel, figure 1c, l'observation sefait à travers les faces d'alimentation. Les directions d'observation dans leréacteur ruban et dans le réacteur disque sont orthogonales.

Notons qu’il existe également des réacteurs monoface : le bloc d’hydrogelest en contact par une seule des ses faces avec un réservoir contenantl’intégralité des réactifs. Selon le phénomène étudié, l’un ou l’autre de ces

deux types de réacteurs est le plus approprié.

2) Les différents types de structure de Turing observables

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De nombreux genres de motifs peuvent apparaître dans le réacteur, selon les concentrations des réactifs. Les deux structures les plus fréquemmentrencontrées sont :

Structures à projection hexagonale de taches

Bandes

De très originales dynamiques de croissance du mode de Turingpeuvent être observées quand le domaine structuré de Turing estétroitement encadré par deux domaines d'états stationnairesuniformes différents. Quand, partant de l'un de ces étatsuniformes et que, par un brusque changement de valeur des

paramètres de contrôle, le système est amené dans le domaine de Turing, la structure de Turing se développe soit par division de taches, soit pardédoublement de doigts. Ces observations sont réalisées dans le réacteur disque.

Croissance par division de taches :

Une tache claire apparaît, s'étend puis se divise en deux. Chaque nouvelle tache procède de même. Il se forme ainsi un amas de taches qui croît pardivision des taches à la périphérie de l'amas, alternativement dans les directions radiale et azimutale. La structure ainsi constituée se réorganiseprogressivement pour former un réseau hexagonal de taches.

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Croissance par dédoublement de doigts: fleurs chimiques :

Une tache claire apparaît et commence à s'étendre. Quand le disque atteint un diamètre critique, des ondulations se forment à sa périphérie. Cesondulations se développent en doigts dont l'extrémité gonfle puis se scinde pour former deux nouveaux doigts. Le processus se répète, constituant unmotif en fleur qui envahit tout l'espace puis se réarrange progressivement pour former finalement une structure de Turing en bandes.

XIII] Conclusion

Les structures de Turing sont donc, au vu des expériences et des résultats qui précèdent, bel et bien une réalité, contrairement à ce quepensaient les détracteurs du génial mathématicien. Mais revenons au but d’Alan Turing : son modèle devait représenter la morphogenèse. Intéressonsnous donc à présent à l’application au vivant de ces phénomènes d’auto organisation.

Application au vivant : les taches des animaux

Le bronzage, les rayures des zèbres ou les taches sur les girafes sont des phénomènes liés à la présence dans lescellules d'une molécule appelée mélanine.

Le fait qu'une cellule produise ou non de la mélanine dépend de l'activation de ses mélanocytes, qui sont desorganites répartis uniformément dans le derme. On pense que cette activation est due à la présence aux premiersstades de la morphogenèse de médiateurs chimiques (que l'on ne sait encore identifier) qui diffusent dans les tissus.

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Or, la

comparaison entre les structures de Turing observéesexpérimentalement (cf photos ci-dessus) et les motifs des poissons

zèbres ou de nombreux autres animaux laisse imaginer qu'un système de réaction-diffusion puisse mener à l'apparition de structures sur le derme, enterme de concentrations en médiateurs, ce qui différencie alors les cellules : la répartition de cellules productrices ou non de mélanine ressemble alorsà des structures de Turing, ainsi que les taches observées sur les animaux une fois adultes. L’hypothèse la plus privilégiée est que la réaction diffusionait lieu au stade embryonnaire, et donc que les structures soient déformées au cours de la croissance.

La ressemblance entre les motifs que l'on trouve sur la peau des animaux et les solutions deséquations de réaction diffusion est flagrante. A titre d'exemple, voici une solution des équations deréaction diffusion, où des rayures apparaissent spontanément, et une photo de zèbres en Afrique :

Pourtant une comparaison si naïve ne prouve rien : deux mécanismes différents peuvent aboutir aumême résultat. Comme le disait René Thom, "prédire n'est pas expliquer".

Les arguments plus solides qui poussent à croire que les taches sur les animaux sont bien desstructures de Turing sont les suivants :

La diffusion des constituants biochimiques dans les tissus est effectivement variable suivant leur nature, sur un ordre de grandeur 100, comme●

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le requièrent les structures de Turing.

Les taches observées répondent aux influences des conditions aux limites de la même manière que les équations de réaction diffusion : ainsi,les animaux tachetés comme le léopard ont parfois la queue rayée (conditions aux limites périodiques), mais jamais un animal rayé n'aura laqueue tachetée. Ci-contre, les simulations de J.D. Murray sur les queues de léopard modélisées par des sections coniques.

L'âge de l'embryon auquel les taches apparaissent est essentiel pourl'aspect du motif final. Ainsi, entre deux espèces de zèbres, celle où lesrayures apparaissent le plus tard dans l'embryogenèse les ont plus serrées: lors de la diffusion des médiateurs sur le dos de l'animal, plus l'embryonest grand, plus il y aura de rayures (ce qui revient à agrandir le domained'intégration pour les équations de réaction diffusion). Cela vient de lapériode spatiale propre qu'ont les solutions des équations de Turing.

De cette manière, à l’heure actuelle, il semble presque acquis que lemécanisme conduisant à la formation des motifs sur le derme de certainsanimaux soit un mécanisme chimique de réaction diffusion.

Conclusion

Pour répondre à notre problématique, qui était la formation des motifs sur la peau des animaux, il nous parait important de retenir deuxchoses : tout d’abord que ces motifs, dus à l’activation ou non des mélanocytes, se forment lors du stade embryonnaire avant d’être fixés. Ensuite,que la formation de ces motifs se fait de façon purement chimique : il y a en effet un système de réaction diffusion, qui conduit à la création destructures de Turing, et l’activation des mélanocytes se fait selon la concentration en médiateur. Si cette théorie de la morphogenèse se voitconfirmée, par la découverte de ces fameux médiateurs par exemple, il n’y aura pas de raison que son application se limite aux motifs des animaux,car de nombreux autres aspects de la morphogenèse peuvent y avoir recours. C’est le cas par exemple de l’organisation de la dentition des alligators :si l'on numérote les dents en partant du devant de la mâchoire, on observe que les dents poussent dans l'ordre bien précis 1,3,5,7,9... puis 2,4,6,8,10...soit une première série, puis une seconde entre les précédentes. Ceci s'accorderait avec l'hypothèse de Turing. Toute la difficulté consiste enl’identification, comme nous l’avons dit, des responsables de la différenciation cellulaire. Ce problème reste donc ouvert …

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Bibliographie

[1] Mécanique 1, Richard Feynman, Interéditions●

[2] Rythmes et formes en Chimie, Coll. Que sais je ? , PUF●

[3] R. J. Field, E. Köros et R.M. Noyes, J. Amer. Chem. Soc. 1972, 94, 8649-8664●

[4] S. Bachelard, Recherche expérimentale sur la turbulence chimique, thèse de docteur ingénieur, 1981, Bordeaux●

[5] F. Argoul, A. Arnéodo et P. Richetti, Phys. Lett A, 1987, 120, 269●

Taches, rayures et labyrinthes, P. De Kepper et al., La recherche n° 305, Janvier 1998, p. 84-89●

La cohérence de l’œuvre de Turing, Jean Lassègue disponible sur [6]●

Pour La Science, mai 1997●

Sources Internet

http://www.di.ens.fr/~granboul/enseignement/formes/reactionsoscillantes/belousov.html●

www.faidherbe.org/site/cours/dupuis/jouport.htm●

http://ulpmultimedia.u-strasbg.fr/biochimie/didac15/dico/couredox.htm●

http://www.ux.his.no/~ruoff/●

http://www.ens-lyon.fr/DSM/magistere/projets_biblio/2001/rbelmont/structures.html●

[6] http://www.ltm.ens.fr/chercheurs/lassegue/exposes/syntheseturing.html●

http://www.crpp.u-bordeaux.fr/ (images de structures de Turing et réacteur)●

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