Au-delà des rôles, la place des femmes...AU-DELA DES ROLES, LA PLACE DES FEMMES PAR FRANCE PARENT...

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Tous droits réservés © Les Éditions Cap-aux-Diamants inc., 2004 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 4 juin 2020 01:30 Cap-aux-Diamants La revue d'histoire du Québec Au-delà des rôles, la place des femmes France Parent Québec : oeuvre du temps, oeuvre des gens Numéro hors-série, 2004 URI : https://id.erudit.org/iderudit/7618ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Éditions Cap-aux-Diamants inc. ISSN 0829-7983 (imprimé) 1923-0923 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Parent, F. (2004). Au-delà des rôles, la place des femmes. Cap-aux-Diamants, 25–29.

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Document généré le 4 juin 2020 01:30

Cap-aux-DiamantsLa revue d'histoire du Québec

Au-delà des rôles, la place des femmesFrance Parent

Québec : oeuvre du temps, oeuvre des gensNuméro hors-série, 2004

URI : https://id.erudit.org/iderudit/7618ac

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Éditeur(s)Les Éditions Cap-aux-Diamants inc.

ISSN0829-7983 (imprimé)1923-0923 (numérique)

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AU-DELA DES ROLES,

LA PLACE DES FEMMES PAR FRANCE PARENT

JL eu de publications sur l'histoire de la ville de Québec nous renseignent sur ces femmes qui ont contribué de près ou de loin à l'évolu­tion de la capitale : reflet de la place accordée aux femmes dans l'histoire! Il faut lire et re­lire les documents d'archives, les rapports institutionnels, ou encore une monographie ou une histoire de vie afin de décrypter les moindres indices de la présence d'une femme ou de son action auprès de sa communauté. Ce bref portrait des femmes de Québec se veut une ébauche de ce que pourrait être un recueil historique des femmes de la région de Québec.

Les femmes de Québec ont marqué leur épo­que de diverses façons. Qu'elles aient été mè­res de famille, commerçantes, sages-femmes, agricultrices, infirmières, enseignantes ou domestiques, elles ont joué un rôle essentiel dans la vie de tous les jours, tantôt comme pionnières, fondatrices, gestionnaires, tantôt comme collaboratrices, associées, et parfois même comme prête-noms. La diversité de leurs actions et la mult ipl ici té de leurs

champs d'intervention ne fait plus aucun doute. Mais ce sont des événements excep­tionnels, comme les guerres, les épidémies et les crises économiques, qui rendent les fem­mes plus visibles aux yeux de l'Histoire.

Mais connaissons-nous ces femmes de Qué­bec qui ont relevé des défis de toutes sortes et qui ont parfois brisé les frontières des rôles traditionnels?

NOUVELLE-FRANCE : DES ESPACES PUBLICS...

La ville de Québec, nommée Stadaconé par les Amérindiens, tire son origine d'un rêve d'empire des rois de France qui se concrétise, en 1608, autour de Pierre Dugua de Mons et de son l ieutenant Samuel de Champlain, homme, ambitieux il va sans dire, mais aussi visionnaire. En 1610, pour réaliser son rêve personnel, Champlain se marie avec la fille du secrétaire du roi, Hélène Boullé, de près de 30 ans sa cadette, question d'utiliser la dot comme investissement pour ses voyages.

Hélène Boullé, la jeune épouse de Samuel de Champlain, est l'un des personnages principaux des «pageants» organisés dans le cadre des fêtes du Tricentenaire de Québec, en 1908. Photo : Jules-Ernest Livernois. 1908. (Archives nationales du Québec à Québec).

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Les Filles du roi dans la parade des Fêtes de la

Nouvelle-France. Photo : Yves Beauregard, 2003.

Pour oublier un amour impossible, Hélène vient vivre quatre ans dans l'«Abitation» de Champlain, soit entre 1620 et 1624, pendant lesquels elle seconde Marie Rollet auprès des enfants amérindiens , malgré son mal du pays. Lorsqu'elle re tourne en France, elle s'occupe des affaires de son mari. Au décès de celui-ci, en 1635, elle entre en religion sous le nom d'Hélène de Saint-Augustin et fonde les ursulines de Meaux, rêve qu'elle caressait de­puis un certain temps.

COMME COLLABORATRICES...

Monde exclusivement masculin jusqu'à l'arri­vée de la première famille, celle de Louis Hébert et Marie Rollet, en 1617, la Nou­velle-France a un grand besoin de femmes. Celles qui y viennent par tagent le t ravai l quotidien avec les hommes. Marie Rollet collabore étroitement au métier de son mari, apothicaire, dans cette petite société aux pri­ses avec les maladies et les escarmouches iroquoises. Au contact des Autochtones, elle concocte des recettes «de bonne femme», prend soin des enfants amérindiens et leur enseigne le catéchisme. Sa fille, Guillemette épousera Guillaume Couillard, un des pre­miers développeurs de Québec. Celle-ci sera son bras droit dans les différentes transac­tions qu'il entreprendra, mais l'histoire ne re­tiendra que le nom... de l'homme.

Puis viennent les Filles du roi, entre 1663 et 1673, dotées par le roi, d'où leur nom, afin d'épouser les nommes en surnombre dans la colonie. Enrichies de quelques biens nécessai­

res aux travaux, parfois d'argent pour les plus comblées, elles défrichent, labourent et sèment la terre concédée au mari après trois années d'engagement auprès d'un seigneur. Leur travail suit le rythme des grossesses et des naissances accompagnées d'une membre de la famille ou d'une voisine et, en certaines occasions par une sage-femme, telle une Anne Lemaistre, Fille du roi, débarquée en 1663, et une Hélène Desportes veuve de Guillaume Hébert et remariée à Noël Morin. Ce métier de femme se transmettant souvent de mère en fille, cette dernière forme ses filles Françoise Hébert et Louise Morin au métier de sage-femme.

Enrichissant la colonie de nouvelles «âmes» malgré leur anonymat, plusieurs femmes ac­couchent de dix enfants et plus, ce qui leur vaut des primes du roi Louis XIV pour cet ef­fort au peuplement. Toutefois, compte tenu de l'épuisement dû aux accouchements suc­cessifs et aux complications qui s'ensuivent, plusieurs meurent en couches et le tiers des enfants n'atteindront pas l'âge de deux ans

COMME FONDÉES DE POUVOIR...

Les hommes souvent absents pour la traite des fourrures ou pour la pêche dans de loin­taines régions, les femmes remplissent les fonctions des hommes comme fondées de pou­voir. Et elles s'avèrent d'excellentes femmes d'affaires... bien culottées, comme en témoi­gne la vie de Jeanne Badeau, d'Éléonore de Grandmaison et de Marie-Anne Barbel. La première, J eanne Badeau est l'épouse de Pierre Parent, maître boucher et propriétaire d'une carrière de pierre à Beauport. Elle col­labore étroitement au développement des en­treprises familiales et en assume la gestion quotidienne, entre 1670 et 1706. À son décès, elle laisse un héritage enviable à ses quinze enfants vivants. La seconde, Eléonore de Grandmaison, seigneuresse de l'arrière-fief de Beaulieu à l'île d'Orléans, établit ses qua­torze enfants grâce à des jeux d'alliances avec quatre maris et à une gestion de plusieurs concessions. Quant à Marie-Anne Barbel, veuve Fornel, elle fait prospérer les commer­ces de son mari, dont une concession de poste de traite à l'île d'Anticosti, et développe un portefeuille immobilier imposant, entre 1745 et 1760, afin d'établir ses cinq enfants.

COMME FONDATRICES...

Il y a aussi ces femmes qui ont traversé l'At­lantique, en 1639, au péril de leur vie pour venir prêter main-forte aux jésuites dans leur mission d'évangélisation et fonder des insti­tutions d'enseignement pour filles, comme Marie de l 'Incarnation (Marie Guyart), ou

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des hôpitaux pour les colons, comme Marie Guenet et Marie Forestier des augustines de l'Hôtel-Dieu de Québec. Portées par le souffle mystique de la contre-réforme catholique en France, elles ont cette détermination et ce sens des affaires qui font dire au journaliste-historien Louis-Guy Lemieux que «le grand homme de la Nouve l l e -France es t u n e femme», en pensant à Marie de l'Incarnation.

Car, veuve de Claude Martin, Marie Guyart a géré l'entreprise de transport de son beau-frère sur les quais de la Loire, en France, pendant près de dix ans, avant de s'embar­quer pour le Nouveau Monde et venir fonder une communauté religieuse enseignante, les ursulines de Québec. Dans ses efforts pour établir cette institution d'éducation pour filles qui a traversé le temps, Marie est sou­tenue par une autre femme, Marie-Thérèse de Chauvigny, mieux connue sous le nom de M""' de La Peltrie, qui lui apporte une aide fi­nancière, matérielle et morale.

Encore fallait-il de la diplomatie et de la dé­termination à Marie pour s'opposer à l'évê­que de Québec afin de faire adapter les règle­ments de la communauté monastique des ursulines de France au contexte particulier de la colonie, règlements locaux qui seront modifiés et imposés par MBr François de La­val après la mort de celle-ci, en 1672! Dotée d'une vivacité intellectuelle et spirituelle comme le témoigne son imposante correspon­dance (13 000 lettres) et ses ouvrages en lan­gues amérindiennes, dont un catéchisme et un dictionnaire, pour ses «petites sauvagesses», Marie Guyart devrait être considérée comme fondatrice de Québec au même titre que Champlain!

Cette période d'établissement rendue très dif­ficile par la précarité de l'économie et par les nombreuses luttes iroquoises a permis aux femmes d'occuper une place enviable au sein de la société de Québec. Mais après la paix signée avec les Iroquois, en 1701, et surtout après 1720, alors que les institutions sont dé­finitivement établies, une époque de stabilité s'installe. Les femmes de Québec se voient alors moins sollicitées pour remplacer les hommes et sont davantage écartées de la scène publique.

X I X E S I È C L E : DES E S P A C E S P R I V É S !

Avec le XIX1' siècle industriel, les règles des rapports sociaux entre hommes et femmes se resserrent. D'une part, l'univers du travail crée des espaces spécifiques modelant les rô­les selon «la nature» : les hommes à l'usine, les femmes au foyer auprès des enfants. Si l'apport de celles-ci au développement démo­

Marie Guyart, dite de l'Incarnation, fondatrice des ursulines de Québec, gra­vure d'après un portrait d'Enrico Bottoni, peint en 1878. Photo : Louis-Prudent Vallée. (Collection Yves Beauregard).

graphique et éducatif a été largement sol­licité, il n 'es t pas récompensé pa r p lus d'égalité. Les femmes demeurent soumises à l 'autorité légale du mari ou du père, et davantage avec le Code civil de 1866.

D'autre part, la dynamique du capitalisme naissant n'est possible qu'en excluant les protections légales des femmes qui freinent l'accumulation du capital foncier : le douaire ou pension viagère des veuves, le préciput ou «redevance en souvenir d'un mariage bien

Secours opportun, huile sur toile de sœur Marie-de-Saint-Jean-Berchmans (Célina Frechette), 1915. L'œuvre illustre la rencontre de George Manly Muir avec Marie-Josephte Fisbach, en 1849. (Patrimoine Bon-Pasteur).

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UN HOMME PRUDENT < t n m i i t i t i t f M . i m i i t i i i i i i i i i i t i i i t i m i i t i i i u i i n

TASCHEREAU.—Ne t'arrête* donc p u devant le» étalages

Le premier ministre libéral Louis-Alexandre Tasche­

reau est réfractaire à l'idée d'accorder le droit de vote

aux femmes revendiqué par les féministes. (Bibliothè­que nationale du Québec, fonds Albéric Bourgeois).

concordant» et le droit à la propriété . Et paradoxalement , c'est dans la recherche d'une démocratie au Québec que les fem­mes sont rayées de la liste des citoyens, en 1849. Louis-Joseph Papineau, chef du Parti canadien et homme de son temps, et les dé­fenseurs de la nation francophone y contri­buent en prônant le maintien de la tradi­tion. Notons que cette décision fait suite au grand rassemblement féministe à Seneca Falls, en 1848, réclamant le droit de vote aux femmes.

C'est ainsi que les femmes vont jouer un rôle actif dans l'endiguement de divers problèmes sociaux suscités par l'industrialisation et l'ur­banisation. À Québec, anglophones et franco­phones orientent leurs actions pour le mieux-être des démunis, tantôt ensemble (Quebec Compasionate Society), tantôt pour leur com­munauté respective.

Chez les francophones, ce sont les commu­nautés religieuses féminines qui assurent la plus grande partie des aides : Marie Fisbach avec les sœurs du Bon-Pas teur (1856), Marcelle Mallet des sœurs de la Char i té (1849) et les religieuses augustines, pour n'en nommer que quelques-unes. L'omniprésence de l'Église catholique dans la fondation des

institutions hospitalières, éducatives et socia­les laisse aux femmes laïques un espace li­mité à l'entraide et à la dévotion dans des as­sociations religieuses pour la plupart, telles la Société des dames compatissantes de la paroisse Notre-Dame de Québec, la Confrérie de la Sainte-Famille, les Dames de Sainte-Anne.

Dans les milieux anglo-protestants où les communautés religieuses sont absentes, ce sont les laïques qui prennent en charge les secteurs d'activités, tant religieuses et spiri­tuelles, que sociales et humanitaires de leurs communautés. Les femmes fondent et diri­gent associations, institutions et clubs afin de venir en aide aux plus vulnérables, comme les orphelins (Male and Female Orphan Asylum^, les personnes âgées (Ladies' Protes­tant Home, Finlay Home), les femmes en­ceintes et les mères nécessiteuses, les domes­tiques et les immigrants (YWCAJ. Et au fur et à mesure de l'engagement des femmes, les hommes délaissent ces secteurs d'activités caritatives pour se consacrer au développe­ment des vies associatives liées aux domai­nes politique, économique et ludique. Cette réalité accentue par le fait même la division des rôles selon les sexes et rend invisible la contribution des femmes à la vie sociale au XIXe siècle.

XX E SIÈCLE : DES ESPACES À RECONQUÉRIR... OU À CONQUÉRIR

Aussi le confinement dans lequel les femmes sont réduites à la fin du XIXe siècle leur four­nit-il des éléments de subversion. La lutte des femmes pour le droit à l'éducation supé­rieure, puis au droit de vote, s'inscrit dans cette logique de la recherche du respect et de l'égalité.

Dans la région de Québec, les revendications pour le droit à l'éducation supérieure sont menées par une communauté religieuse de femmes bien implantée depuis 1855 : les re­ligieuses de Jésus-Marie. À l'instar de leurs consœurs de la Congrégation de Notre-Dame à Montréal, Adelcie Kirouac (sœur du frère Marie-Victorin), Léa Drolet et Bernadet te Paquin présentent, en 1905, leur requête aux autorités religieuses d'ouvrir un collège pour filles offrant un cours les conduisant au pro­gramme universitaire affilié à l'Université Laval, et par le fait même aux carrières pro­fessionnelles. On peut imaginer la détermi­nation de ces femmes, car la réponse se fait attendre vingt ans. En effet, c'est seulement en 1925, soit dix-sept ans après Montréal, que les religieuses de Québec peuvent offrir ce programme d'études supérieures aux filles de la ville.

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C'est une première brèche dans le monopole du savoir par les hommes car avant cette date, les femmes de Québec vont chercher leur formation ailleurs. Par exemple, Irma Levasseur, première femme pédiatre au Qué­bec, obtient son diplôme de médecine, en 1900, à l'Université Saint-Paul, au Minne­sota, et pratique à New York avant de venir fonder deux hôpitaux au Québec : l'Hôpital Sainte-Justine à Montréal (1908) et l'Hôpital de l'Enfant-Jésus à Québec (1923). Ce n'est que tout récemment qu'on a reconnu son rôle de cofondatrice de cet établissement.

Dans la lu t te pour le droit de vote et les droits des femmes mariées, Thaïs Lacoste-Frémont consacre temps et énergie à faire valoir les qualités des femmes et la place qui leur revient dans la société. Sœur de Marie Lacoste-Gérin-Lajoie, mili tante de la pre­mière heure des droits des femmes à Mon­tréal, de Jus t ine Lacoste-Beaubien, fonda­trice de l'Hôpital Sainte-Justine, et de Berthe Lacoste-Dansereau, première femme «trai­teur» de Montréal, Thaïs donne près de 1 000 conférences sur les droits des femmes et anime de nombreux cercles d'étude de Qué­bec et d'ailleurs pendant sa vie active, de 1930 à 1945. Il va sans dire qu'elle puise ses sujets à même les discussions animées du dimanche autour de la table familiale de sir Alexandre Lacoste et de Marie-Louise Globensky à Montréal. Tous les sujets y pas­sent : culture, économie, politique et surtout droit que le père enseigne à ses enfants, filles et garçons, en les amenant au Palais de jus­tice de Montréal ou au Conseil privé de Lon­dres, où il siège comme juge. De père en fille, la connaissance!

L'évolution de la condition des femmes à Québec suit des rythmes relatifs aux besoins économiques de la société. Si la période d'éta­blissement de la colonie commande une plus large place aux femmes en remplacement des hommes, la seconde plus organisée autour d'institutions les écarte. Le XIXe siècle indus­triel avec sa logique capitaliste provoque un recul marqué dans les droits des femmes qui s'organisent en un mouvement politique, le féminisme, aussi observable à l'échelle du monde occidental. Alors, le progrès de leur re­conquête d'un espace public est possible par un accès à l'éducation supérieure, d'où leur droit de citoyenne à part entière. Puis, la ré­forme éducative des années 1960 leur offre de nouvelles perspectives d'avenir à un point tel qu'aujourd'hui, les femmes sont majoritai­res dans des champs d'activités jusque-là ré­servés aux hommes comme le droit, la méde­cine et le secteur administratif. Le défi actuel est d'obtenir la parité dans les secteurs de la vie politique, le milieu des affaires, les mé­

tiers non traditionnels, les sciences, etc. Sui­vant le chemin tracé par ces pionnières, plu­sieurs femmes ont fait leur marque dans dif­férents domaines, ici et ailleurs, comme Gaby Pleau dans les sports, Germaine Bundock en journalisme Adrienne Choquette en littéra­ture et Renaude Lapointe en politique. Leurs contributions auraient avantage à être con­nues, réalité qu'un si court article ne peut traduire. Une histoire à suivre! •

France Parent est historienne.

Pour en savoir plus : France Parent. Entre le juridique et le social. Le pouvoir des femmes à Québec au XVII siècle, Québec, Groupe de recherche multidisciplinaire féministe, 1991 (Coll. Cahiers de recherche du GREMF, n" 42). Claire Gourdeau, «Établir ses enfants au XVIF siècle : Éléonore de Grandmaison (1619-1692) et sa descendance» dans Jacques Mathieu, Alain Laberge et Louis Michel (dir.), Espaces-temps familiaux au Canada aux XVII et XVIII siècles, Québec, CIEQ/Université Laval, 1995, p. 52 (Coll. Cheminements). Pour un portrait de Marie-Anne Barbel, cette femme d'affaires, voir Liliane Plamondon, «Une femme d'affaires culottée», Cap-aux-Diamants, n° 21 (printemps 1990), p. 55-57. Bettina Bradbury, «Debating Dower : Patriarchy, Capitalism and Widows'Rights in Lower Canada» dans Tamara Myers, Kate Boyer, Mary Anne Poutanen et Steven Watt (dir.), Power, Place and Identity. Historical Studies of Social and Legal regulation in Quebec, Montréal, Montreal History group/Groupe sur l'histoire de Montréal, 1998 (Occasional Papers n" 3), p. 55-78.

Titulaire d'un doctorat en lettres de l'Université de Madrid, Agathe Lacourcière-Lacerte (à gauche) est la première femme à faire carrière comme professeur à l'Université Laval. (Division des archives de l'Université Laval, U509/92/2).

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