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ATHÉNÉE THÉÂTRE LOUIS-JOUVET THÉÂTRE DU CHÂTELET OPÉRA NATIONAL DE PARIS/BASTILLE Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés

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ATHÉNÉE THÉÂTRE LOUIS-JOUVET

THÉÂTRE DU CHÂTELET

OPÉRA NATIONAL DE PARIS/BASTILLE

Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés

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SALVATORATHÉNÉE THÉÂTRE LOUIS-JOUVET

31 OCTOBRE, 1, 2, 3, 4 NOVEMBRE 2000

TERRIBILE E SPAVENTOSA STORIA DELPRINCIPE DI VENOSA E DELLA BELLAMARIAAction dramatique librement inspirée de l'histoirede Gesualdo di VenosaMusiques de scène de Salvatore Sciarrino d'aprèsCarlo Gesualdo et Domenico ScarlattiEffectif conteur et marionnettes siciliennes ; voix ; quatuor desaxophones, percussionDurée : 90' environCréation : Sienne, 24 juillet 1999,Mimmo Cuticchio, I Pupi Siciliani della Compagnia Figli d'ArteCuticchio, Amii Stewart, Lost Cloud Quartet, Jonathan FaralliCommande de l'Accademia Chigiana de Sienne

Mimmo CuticchioI Pupi Sicilianidella Compagnia Figli d'Arte CuticchioCarola Gay, voixLost Cloud Quartet, saxophonesJonathan Faralli, percussions

Le Conservatoire de Bagnolet organise deux séances detravail en présence du compositeur, les 9 et 21 novembre

Rencontre Gianfranco Vinay/Salvatore SciarrinoLa modernité des anciens/Un siècle de modernité musicale.Centre de Documentation de Musique Contemporaine,16 place de la Fontaine aux Lions. 75019 Paris.Le 21 novembre à 16h30

Le cycle Salvatore Sciarrino est réalisé en coproduction eten collaboration avec l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, leThéâtre du Châtelet, l'Opéra National de Paris, l'OrchestreSymphonique de Bamberg et le Bayerischer RundfunkAvec le concours de la Fondation France TelecomEn association avec la Fondation de FranceManifestation du Programme 2000 en France

sfondationfrance telecom

FONDATIONDEFRANCE

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THÉÂTRE DU CHÂTELET8 NOVEMBRE 2000

LE VOCI SOTTOVETROtranscriptions de Carlo Gesualdo pour instrumentset voix

Gagliarda del Principe di VenosaTu nn'uccidi, o crudele (Livre V)Canzon francese del PrincipeMoro, lasso, al mio duolo (Livre VI)

Effectif voix ; flûte, cor anglais, clarinette, piano, percussion,violon, alto, violoncelleDurée : 15' environCréation : Paris, Festival Agora, 22 juin 1999, Sonia Turchetta(voix), Ensemble RechercheDédié « agli amici di Recherche »

MORTE DI BORROMINIpour orchestre avec récitantEffectif : récitant ; 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 3 bassons,4 cors, 2 trompettes, 4 trombones, percussions, célesta, cordesDurée : 19' environCréation : Milan, 20 octobre 1988, Tino Carraro (récitant),Orchestre du Teatro alla Scala, sous la direction de Riccardo MutiCommande du Teatro alla Scala di Milano. Dédié à Riccardo Muti

IL CLIMA DOPO HARRY PARTCHpour piano et orchestreEffectif : piano ; trois flûtes, flûte en sol, trois hautbois, trois cla-rinettes, clarinette basse, trois bassons, quatre cors, trois trom-pettes, trois trombones, percussions, célesta, cordesDurée : 15' environCommande du Festival d'Automne à Paris et de l'OrchestreSymphonique de BambergDédié « a Joséphine Markovits, allo sguardo che apre i sentieri »

EFEBO CON RADIOpour voix et orchestreTexte de Salvatore SciarrinoEffectif : voix ; 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons,2 cors, 2 trompettes, trombone, percussions, célesta, harpe,cordesDurée : 15' environCréation : Florence, 28 mai 1981, Daisy Lumini (voix), ORTOrchestra Regionale Toscana, sous la direction de Massimo DeBernartCommande de l'ORT (Orchestra Régionale Toscana)

Sonia Turchetta, voixMoni Ovadia, récitantNicolas Hodges, pianoOrchestre Symphonique de BambergJonathan Nott, direction

SCIARRINOATHÉNÉE THÉÂTRE LOUIS-JOUVET

20 NOVEMBRE 2000

LUCI MIE TRADITRICIOpéra en deux actes, (en concert)Livret de Salvatore Sciarrino, d'après II Tradimentoper l'honore de Giacinto Andrea Cicognini (1664),avec une élégie de Claude Le Jeune (1608)Effectif soprano, alto, ténor, baryton ; 2 flûtes, clarinette, 2 bas-sons, 2 trompettes, 2 trombones, 2 saxophones alto, percus-sions, 2 violons, alto, violoncelle, contrebasseDurée : 75' environCréation : Schwetzingen, 19 mai 1998, Sharon Spinetti, KaiWessel, Georg Nigl, Paul Armin Edelmann, Radio-Sinfonieorchester Stuttgart, sous la direction de Pascal RophéCommande du Süddeutscher Rundfunk et des SchwetzingenFestspiele. Dédié « à Marilisa Pollini, qui m'a sauvé la vie »

Annette Stricker (soprano), La MalaspinaKai VVessel (alto), Le VisiteurSimon Jaunin (ténor), Le ServiteurOtto Katzameier (baryton), II MalaspinaEnsemble KlangforunnBeat Furrer, direction

OPÉRA NATIONAL DE PARIS/BASTILLEAMPHITHÉÂTRE, 23 NOVEMBRE 2000

PERSE() E ANDROMEDAOpéra en un acte, (en concert)Livret de Salvatore Sciarrino d'après JulesLaforgueEffectif soprano, alto, baryton, basse ; systèmes informatiquesDurée : 65' environCréation : Stuttgart, 2 janvier 1991, Lani Poulson, Robert Worle,Tobias Scharfenberger, Carsten H. Stabell, Centro di SonologiaComputazionale (CSC) de l'Université de Padoue (Alvise Vidolinet Paolo Zavagna), Salvatore Sciarrino (régie du son)Commande du Staatstheater de Stuttgart. Dédié à Laura Bosio

Aida Caiello (soprano), AndromèdeSonia Turchetta (mezzo-soprano), DragonUlrich Wand (baryton), Persée IAndreas Fischer (basse), Persée IICarmen Maria Carneci, direction

Alvise Vidolin, systèmes informatiques etrégie du sonPaolo Zavagna, systèmes informatiquesCentre de Sonologie informatique, Padoue

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ATHÉNÉE THÉÂTRE LOUIS-JOUVETLUNDI 4 DÉCEMBRE 2000

VAGABONDE BLUpour accordéonDurée : 9' environ. Création : Cologne, 9 février 2000,Teodoro Anzellotti. Commande du Westdeutscher RundfunkDédié à Teodoro Anzellotti

QUATRIÈME SONATE POUR PIANODurée : 11' environ. Création : Gibellina, 22 juillet 1992,Massimiliano DameriniDédié à Massimiliano Damerini

L'ORIZZONTE LUMINOSO DI ATONpour flûteDurée : 10' environ. Création : Sienne, 22 août 1989,Roberto FabbricianiDédié à Roberto Fabbriciani

MURO D'ORIZZONTEEffectif : flûte en sol, cor anglais et clarinette basseDurée : 10' environ. Création : Berlin, 16 mars 1997, EnsembleRechercheCommande de la Berliner Festspiele Musikbiennale, del'Ensemble Recherche et du Ministerium für WissenschaftForschung und Kunst Baden-WürttembergDédié à l'Ensemble Recherche

INFINITO NERO, ESTASI DI UN ATTOpour voix et huit instrumentsLivret de Salvatore Sciarrino d'après MariaMaddalena de' PazziEffectif : voix ; flûte, hautbois, clarinette, violon, alto, violoncelle,percussions, pianoDurée : 30' environ. Création : Witten, 25 avril 1998, SoniaTurchetta (voix), Ensemble RechercheCommande du Kulturforumwitten.Dédié à l'Ensemble Recherche

Teodoro Anzellotti, accordéonOscar Pizza, pianoManuel Zurria, flûteMarianne Pousseur, voixEnsemble Recherche

Toutes les oeuvres de Salvatore Sciarrino

sont éditées par Casa Ricordi, Milan.

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Luigi Nono, pour Allegoria della notte de Salvatore Sciarrino.Programme de concert, Suntory Hall,Tokyo, 28 septembre 1987.Traduction ci-dessous

S. SCIARRINO : IMAGINATION PENSÉES

ÉCOUTES PROPOSITIONS STUPEURS AUDIBLE-

NON-AUDIBLE SPECTRES ACOUSTIQUES MUSI-

CAUX AIGUS TRÈS AIGUS, COMME LES PENSÉES

QUI SONNENT TRÈS AIGUËS - CIVILISATION

SICILIENNE, CROISEMENT D'AUTRES ET

DIFFÉRENTES CULTURES - ARABE - GRECQUE -

PHÉNICIENNE - ASSYRO-BABYLONIENNE -

PUNIQUE - ESPAGNOLE - NORMANDE - SOUABE

GOETHE - HÔLDERLIN - VINCENZO BELLINI

PIRANDELLO - VERGA - LES PYTHAGORICIENS

SCIARRINO : RARE LUCIDITÉ DE SENTIMENTS

DE LIBERTÉ CRÉATRICE D'IMAGES D'INVEN-

TION DE PRATIQUE MUSICALE TRÈS ORIGINALE

TOUJOURS SURPRENANTE DANS SON « HAY QUE

CAMINAR » À TRAVERS LES ÉLÉMENTS FONDA-

MENTAUX : EAU AIR TERRE FEU EN ALCHIMIE

MUSICALE COMBINATOIRE (LEIBNITZ) QUI

FAIT VIVRE LE STUPÉFAIT L'INATTENDU-

ATTENDU LE TOUJOURS - AU-DELÀ -

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AUTOBIOGRAPH I ESSALVATORE SCIARRINO

1992Je suis dans l'embarras quand on me demande unebiographie. Chaque fois, j'ai l'impression que del'autre côté, on attend dieu sait quelle aventure.Comment pressurer le suc d'une vie en quelqueslignes ? Enfant, je ne fus pas enlevé par des pirates,pas plus que je n'ai conquis les parterres du monde

à vrai dire, il ne me serait jamais venu à l'espritde le faire. J'ai cependant fait quelque chose, maisje ne sais si cela est digne d'être raconté : j'ai oppo-sé ma musique à la banalité de mon histoire et dema figure ; et du reste, combien d'artistes sont res-tés à l'écart en se consacrant uniquement à leur tra-vail ! Voulant justement figurer au nombre de ceux-ci, à un certain point de mon existence, j'ai fait del'isolement un choix de méthode, j'ai délaissé lamétropole et préféré l'ombre. Être un autodidacte,ne pas être sorti du Conservatoire, constitue pourmoi un beau mérite. J'ai aussi fait carrière, malgrémoi, et je pourrais fournir une liste de prix, d'exé-cutions et d'interprètes prestigieux, de commandesà venir.Et même si je n'ai entraîné mon art dans aucunecompromission, je serais riche si je n'avais dépen-sé toujours plus que ce que je gagnais. Je n'ai riend'autre à dire. Il ne s'agit pas, je crois, de rechercherou non la modestie : je sais où j'ai échoué et ce quej'ai arraché au néant, et la passion de la musiquecroît en moi. Je pense plutôt que le futur, le destinde la musique, le mien et celui des autres, s'enremet au vent. Si les arbres fleurissent, c'est pourse dissiper au printemps.

PRINTEMPS 2000J'ai de bonnes raisons d'être gêné quand je doisécrire une notice biographique. Tout d'abord, je meméfie de l'argent, du pouvoir, de toutes les formesde reconnaissance. Dès lors, tout ce que je devraisénoncer ici me semble vain. Mais d'ailleurs, nesuis-je pas l'auteur de Vanitas (Vanité)?J'aime la culture classique, et n'ai donc pas beau-coup de certitudes. Mais j'ai pourtant appris unechose : la célébrité et les honneurs, qui enflent noscurs et nos aspirations, perdent toute significa-tion avec le recul des ans. Il n'est pas nécessaired'envisager les siècles à venir, seules quelquesannées suffisent. N'importe laquelle de nos pen-sées devrait être soumise à un examen de ce genrepour échapper aux raisons du quotidien. Ce n'estpas un hasard si je suis l'auteur des Ragioni delleconchiglie (Raisons des coquillages).Il y a longtemps, j'ai essayé d'écrire une sorte deconfession autobiographique, qui n'ait rien d'uneglorification. Bizarrement, mon éditeur l'a prise, ena accepté la publication, et elle a suscité à son tourun certain embarras. C'est un témoignage vérita-blement sincère, mais qui ne traduit qu'une partiede moi, de ma vie. Qu'y manque-t-il ? Mes colères

soudaines. Et aussi un peu de la mélancolie quej'éprouve pour les personnes et les jours, ma sen-sibilité excessive aux fluctuations de la lumière etaux conditions atmosphériques. Ces dernierstemps, je suis obsédé par les marques de la pollu-tion de l'air alors que la peur de la bombe ato-mique a conditionné les rêves de mon enfance.Quoi d'autre encore ? Ce mélange de calme, depatience, d'attention qui me permet, parfois, d'êtreen syntonie avec les animaux.

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Le Festival d'Automne à Paris est une associationsubventionnée par le Ministère de la Culture et dela Communication et la Ville de ParisPrésident, André BénardDirecteur général, Alain CrombecqueRéalisation du cycle Salvatore Sciarrino,Joséphine Markovits

Coordination de la publication, Laurent FeneyrouTraductions de l'italien, Chantal Moiroud, MarilèneRaiola, Peter Szendy, Laurent FeneyrouTraductions de l'allemand, Olivier Mannoni© Festival d'Automne à Paris 2000

France CultureLes Chemins de la musique, du 23 au 27 octobre 2000,de 10h30 à 11h. Salvatore Sciarrino par Franck Mallet

Diffusion le 26 novembre 2000, de 20h30 à 21h30du concert de l'Orchestre Symphonique de Bamberg gFbier..c,dirigé par Jonathan Nott NIulture

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SOMMAIREHOMMAGE À SALVATORE SCIARRINOLuigi Nono page 4

AUTOBIOGRAPHIESSalvatore Sciarrino page 5

LA CONSTRUCTION DE L'ARCHE INVISIBLEGianfranco Vinay pages 6-7

SILENCE DE L'ORACLELaurent Feneyrou pages 8-10

TERRIBILE ET SPAVENTOSA STORIASalvatore Sciarrino page 11

UVRES POUR ORCHESTRESalvatore Sciarrino pages 16-22

LUI MIE TRADITRICISalvatore Sciarrino pages 23-26

PERSE() E ANDROMEDASalvatore Sciarrino, Paolo Petazzi pages 27-31

UVRES SOLISTES, INFINITO NEROGianfranco Vinay,Salvatore Scia rrino pages 32-35

BIOGRAPHIES pages 36-39

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LA CONSTRUCTIONDE L'ARCHE INVISIBLEENTRETIEN AVEC SALVATORE SCIARRINO SURLE THÉÂTRE MUSICAL ET LA DRAMATURGIE

GIANFRANCO VINAY

Que signifie pour vous le terme représentation » ?

Il y a quelqu'un devant nous, qui n'est plus lui-même, mais qui devient quelqu'un d'autre. C'estcela la force du théâtre. Et c'est pourquoi il mesemble si important de réhabiliter la dramaturgie,la représentation. Si un acteur en appelle à sa puis-sance de représentation, il n'a besoin de rien. Noussommes immédiatement transportés ailleurs. Telleest la force dionysiaque du théâtre. Sans elle, lethéâtre ne perd pas seulement sa magie, il n'aaucun sens. Mon discours sur le théâtre naît decette prise de conscience, mais aussi sans doute dela négation de la musique pure face à la puissancede la représentation.Avec Vanitas, j'ai souhaité un théâtre de plus enplus pauvre, autrement dit, construit sur presquerien, ou uniquement sur la puissance suggestive dudrame. C'est un théâtre qui concentre toute sa forcedramatique dans le langage musical, et où l'onaboutit à l'intériorisation du théâtre dans lamusique. C'est aussi la première amorce, encorebalbutiante, d'une expression vocale indépendantede tout modèle préexistant. Lohengrin, « actioninvisible » d'après Jules Laforgue, est née dubesoin d'utiliser le langage d'une façon originale,au-delà des catégories des avant-gardes histo-riques. Les personnages sont des êtres oniriques,monstrueux. Nous ne savons pas si le langage estici l'expression d'une nature animale, humaine, ouen deçà de l'humain. Ces monstruosités participentde façon décisive à l'efficacité théâtrale. Là où lapeur s'immisce commence l'efficacité du sang.Après Lohengrin, j'ai composé Perseo eAndromeda, oeuvre essentiellement chantée,conçue musicalement comme une seule archemusicale avec une conception et des effets drama-turgiques créant l'idée d'une scénographie. Lamusique constitue elle-même le milieu dans lequelces voix sont enveloppées. Une fois de plus l'actionest ici invisible, elle est intériorisée par la musique.Luci mie traditrici exacerbe la notion de tragédie. Ilne s'agit pas d'ébranler le spectateur, mais c'estprécisément en voyant représenter ce qu'il y a demoins rationnel et de plus terrible, l'effusion dusang, que le théâtre retrouve sa fonction édifiante.Dans Perseo e Andromeda comme dans Luci mietraditrici, la musique reproduit des sons que lespersonnages écoutent. Ce transfert constitue unecoupure dramaturgique efficace : sans aucuneconcession, il impose fortement sa vision de la réa-lité. Cette oeuvre est suivie d'Infinito nero, qui ins-taure un théâtre minimal. Ce parcours traduit le

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besoin de construire un langage théâtral, d'endécouvrir les mécanismes, pour pouvoir ensuite lesexploiter pleinement. Tout effort d'invention néces-site une certaine souplesse.À l'époque où je composais Lohengrin, j'avais déjàconçu l'idée d'une nécessité absolue du récit dra-maturgique : sans récit, il ne peut y avoir de tragé-die ou de comédie. Il est évident que ce type derécit ne correspond pas aux critères du roman,mais du théâtre, puisqu'il doit être représenté.Laforgue utilise des mythes anciens, il les ques-tionne, les modernise, les renverse. Donc, non seu-lement il correspond à notre sensibilité, mais ilnous fournit un matériau de premier ordre. L'actioninvisible, en fin de compte, constitue une intériori-sation du théâtre. L'action dans Lohengrin, c'esttout ce qui sort de la bouche. La bouche du per-sonnage est un centre où se concentre et d'où irra-die la réalité. Nous n'avons plus besoin de voir,mais seulement d'écouter.Le livret de Perseo suit la narration de la moralitélégendaire de Laforgue, mais il en modifie la fin, etlui impose certaines coupures. Entre son texte et ceque j'en ai retiré, il existe des différences considé-rables. Il ne s'agit pas d'une simple réécriture : pas-ser d'un récit à un texte de deux pages nécessiteune grande réflexion. Ce qui m'a attiré chezLaforgue, c'est ce travail qui consiste à éclairer dif-féremment un mythe, une certaine narration dra-matique. Mais Laforgue m'a servi seulement d'ins-piration. On pourrait croire que j'ai respecté sonrécit, puisque je n'ai modifié qu'un détail apparem-ment insignifiant. En fait, en changeant la fin, c'esttoute la structure qui s'en trouvait modifiée.L'oeuvre est entièrement projetée vers cette fin. J'aiune vision post-technologique du monde ; je m'at-tache à ses éléments les plus incertains, les plusflous, les plus farouches : le vent, l'eau, la pierre.

Vous avez recours également à des arrêtsbrusques.

Ce procédé est évident dans Perseo, où l'on entendun martèlement de pierres, ou bien des pierres quise cassent en s'entrechoquant et qui nous font tré-bucher, en interrompant le cours du temps et ensoulignant le caractère fictif de la représentation.Ceux qui ne sont pas habitués à une dramaturgieaussi extrême pourraient croire que la discontinui-té est une forme d'interruption. Mais ce n'est pas lecas. En dormant, nous avons souvent consciencede rêver. Non seulement cela n'enlève rien au char-me du rêve, mais cela l'accroît. C'est la mêmechose pour le théâtre. De temps en temps, vousréalisez qu'il s'agit d'une fiction, mais vous n'enêtes pas moins atteint dans votre chair, dans votreâme. La possibilité d'éprouver de petits détache-ments nous permet de nous identifier de plus enplus à la tragédie. Dès lors, ce qui est représenté, cen'est plus la vision du monde propre à la peinture« pompière » de la fin du XIX' siècle, mais à tra-

vers la physiologie et la nudité de ces corps, celledu monde pollué d'aujourd'hui, celle d'un mondepost-technologique, post-atomique.

Comment s'articule le rapport dramaturgique entretexte et musique ?

À mesure que mon expérience s'est approfondie,j'ai eu tendance à séparer de plus en plus le textede la musique. Dans mes dernières compositions,j'ai tenté de rédiger le livret au moins un an avantd'écrire la musique. Ce qui ne m'empêche pas detrouver la plupart des solutions uniquementlorsque je suis confronté à la réalité sonore. Il s'agitparfois de solutions dramaturgiques qui modifientla signification du livret, ou qui renversent sa signi-fication première. Il peut m'arriver d'ajouter sim-plement des virgules, ou bien des termes clefs éla-borés au moment où certains détails m'apparais-saient inefficaces.Dans Infinito nero, le découpage dramaturgiquepropose à l'auditeur et à l'interprète un travail deperception du texte plus que de vocalisation. C'estun peu comme si nous assistions à une très subtilemais constante variation d'un unique objet sonore.En se concentrant sur l'infiniment petit, ou l'infini-ment immobile, nous perdons non seulement lanotion du temps, mais également la notion d'ima-ge. Ce travail de perception est ascétique : il plongel'auditeur et l'interprète dans un monde différentdu monde sonore. C'est un peu comme quand onregarde un mur lézardé. Le mur s'ouvre et la lézar-de devient un abîme où nous perdre. C'est ainsique je suis revenu à l'univers imperceptible desgouttes d'eau, des grincements du bois, des murs,des portes, à tous ces bruits qu'il nous arrive d'en-tendre, mais que nous ne pouvons pas identifier.C'est souvent le cas la nuit. Tout est amplifié, noussommes entourés de bruits qui nous effrayent,parce que nous ne parvenons pas à en comprendrel'origine. La musique commence de cette manière.Nous contemplons longuement un objet sonore quise modifie graduellement. Il s'agit d'une étude surla périodicité, sur la gravitation des éléments per-ceptifs et sur la discontinuité. L'imperceptible aucoeur du silence le plus profond est cette expérien-ce nocturne, ou cette expérience d'éloignement etd'identification, comme je l'avais déjà sans doutetraitée dans Lohengrin, sur un mode féerique. J'aiensuite renoncé à toute dimension féerique, parceque nos contes ne peuvent être que d'une extrêmecruauté. Il est évident que l'aspect pathologique deMaria Maddalena de' Pazzi laisse émerger uneenfance brimée, difficile, donc, un sentiment desouffrance, de lourdeur, d'étouffement.

À la lumière de votre itinéraire dramaturgique,quelles sont les catégories affectives auxquellesvous accordez une importance particulière ?

En général, le monde est perçu à travers les yeux

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d'une femme. Andromède et Persée ne se touchentpas. Donc, tout conflit entre eux est impossible.Persée s'en va, Andromède l'a éconduit, et lui apréféré la solitude. Mais quand, dans Luci mie tra-drici, la rencontre avec le masculin se produit, c'estune catastrophe. La présence masculine serait doncnécessairement coercitive. Éros incarne la coerci-tion. Le mari tue l'amant, le domestique est unespion : c'est comme si nous assistions à un dur-cissement des rôles sociaux. En un certain sens, larencontre avec l'érotique est une rencontre mortel-le. Éros et Thanatos, mais aussi Éros et perte, dis-persion ou sacrifice. Thanatos implique non seule-ment l'épuisement et le couronnement de l'érotis-me, mais aussi une lutte féroce. C'est comme simes dernières oeuvres laissaient exploser desconflits des conflits qui, au début, étaient rete-nus, pressentis comme des menaces obscures.Quand le contact se produit, la catastrophe explose.Perseo e Andromeda est intéressant, parce qu'il estbeaucoup plus troublant de pouvoir saisir cescaractéristiques chez des personnages. Au fond, icile conflit concerne directement l'autorité masculineincarnée par Persée et cette sorte d'étrange substi-tut érotique qu'est le dragon, qui représente peut-être la mère, la maîtresse, le compagnon de jeu,sinon les rescapés de cette ère mythique, où lanature était amie d'Andromède. Toutefois, nousn'assistons pas à un conflit frontal entre les deuxprotagonistes, mais à une sorte de conflit entre desépoques, de superposition instantanée, de court-circuit d'éclipses réciproques. Ou mieux, d'uneforme d'intolérance réciproque de nature atavique.

Qu'est-ce qui compte le plus dans vos oeuvresmusicales ?

C'est de faire en sorte qu'elles soient aussi vivantesque des êtres humains. Je n'ai pas peur de l'inco-hérence, mais d'une certaine faiblesse inhérente àl'ceuvre. L'ceuvre doit être unique. L'idée de perfec-tion est une idée stéréotypée, mécanique. Je luipréfère l'idée d'unicité, parce qu'il s'agit pour moide créer quelque chose qui ne ressemble à riend'autre qu'à soi-même. C'est une forme d'expres-sion de l'identité. Si l'ceuvre n'était pas unique, mavie aurait sans doute été différente. C'est un peucomme si je construisais mon arche de Noé.Chacun construit son arche, et puis la laisse auxautres.

La revue musicale DISSONANCE a publié,dans son numéro 65, en août 2000, un entretien de

Salvatore Sciarrino avec Gianfranco Vinayainsi qu'un article de Grazia Giacco

sur Salvatore Sciarrino.Abonnements, 4 numéros : 180 FF.

Dissonance, c/o ASM : C. R 117CH-1000-Lausanne

Téléphone : 0041 21 601 13 57

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SILENCE DE L'ORACLELAURENT FENEYROU

Salvatore Sciarrino évoque dans son art les fasci-nants croisements de la civilisation sicilienne, loin-tains souvenirs, sur la terre d'Empédocle, des cul-tures grecque, romaine, byzantine, arabe, norman-de, espagnole... Sa musique secrète, empreinte demagie, mais tendue, éminemment dramatique,voile le son dans de subtiles illusions. L'oeuvre illu-mine l'absence, la création d'un univers se donnantsous la forme de la raréfaction, de l'affaiblissementet de la disparition : réduire le plein, l'effacer, créerle rien, la lacune, sont ses exigences. SalvatoreSciarrino est un musicien de la vanité, de ce genreà l'intense charge allégorique, qui, au XVII' siècle,suggérait l'écoulement du temps et la caducité deschoses. Mais la vanité désigne surtout le vide danslequel gravite son oeuvre. Même dans ses nom-breuses transcriptions, l'original, dépecé, estcontraint à une errance, à une existence fantoma-tique, spectrale, faite non de citations, mais d'allu-sions et de « traditions effleurées ).

Si la musique de Salvatore Sciarrino est mimé-tique, elle refuse distractions et frivolités, etdécouvre l'artifice de l'imitation, mesurant sans

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cesse la distance du modèle naturel, et distinguantl'essence de l'apparence, l'intelligible du sensible,l'idée de l'image, l'original de la copie, le modèledu simulacre.Tutti i miraggi delle acque [Tous les mirages deseaux] titre une oeuvre pour choeur mixte (1987).Cet art du simulacre, de la dissimilitude et dudétournement intériorisé, abîmé dans la dissem-blance, implique une distance, que traduit avecacuité le terme de lontananza : All'aure in una Ion-tananza [Aux souffles dans le lointain], pour flûte(1977). Insaisissable et sceptique, SalvatoreSciarrino est un musicien de l'éloignement, dontl'ironie intense est à la fois effleurement et déta-chement le détachement seul traduirait uneimprobable froideur. Aussi l'horizon, ce signale-ment de la distance, figure-t-il dans quelques titres,Muro d'orizzonte ou L'orizzonte luminoso di Aton.Aussi est-il l'obsession des personnages de Perseoe Andromeda. Cette ligne, suspendue au loin,remue peu à peu, tremble et parfois étincelle, sousnotre scrutation.

L'oeuvre accueille ces perceptions furtives à travers

lesquelles le monde s'offre à nous : « Ma concep-tion du son a une origine dans une sorte d'intros-pection phénoménologique et anthropologique. Jesuis ici et maintenant : qu'est-ce que j'entends ?Toutes mes compositions viennent de cette ques-tion. » La nature est un environnement sonore, etla musique, une écologie. Un chant d'oiseau et sonimitation stylisée dans l'instrument existent désor-mais dans le même temps de l'écoute. Alors lamusique est l'unique langage, avec la sculpture, enmesure d'imiter, sinon de reproduire, la réalitéPerseo e Andromeda est ainsi une musique de pier-re, de mer et de vent, où le son blanc est déjà le sonde la mer, est déjà le souffle du vent, où l'onde des-sine la forme même de l'oeuvre, et où les brisantss'offrent comme l'abstraction d'une géométriemusicale.Or, cet environnement sonore écoute aussi le corpsvivant. Même dans une chambre vide, notre respi-ration nous refuse encore le silence : la scène V deLuci mie traditrici donne à entendre l'essoufflementdu Serviteur, et Infinito nero, les pulsations du coeurde sainte Maria Maddalena de' Pazzi. La musiquede Salvatore Sciarrino est intrinsèquement drama-tique : les sons représentent. Un intervalle, un ryth-me, une voix deviennent un paysage de l'âme,l'évocation d'une intériorité, sinon une autre hypo-thèse d'univers. Dans l'infime détail, à l'échellequantique, l'oeuvre est une cosmogonie du son, oùnous faisons l'expérience de l'unité du monde,autrement dit, de la naissance du son en soi.

Voulez-vous que je meure ?Mirez-vous dans le lit.Y a-t-il un miroir ?Plus fidèle que tout verre étamé. »

Dans la dernière scène de Luci mie traditrici, l'ins-tant du meurtre est celui du reflet de l'âme. Cantodegli specchi [Chant des miroirs] titre une oeuvrepour voix et piano (1981). Dans Perseo e

Andromeda, la fille de Cassiopée contemple seslèvres et ses yeux dans une flaque bientôt troubléepar des nuées pluvieuses. Et Persée se scinde endeux voix, tandis que le chant du Dragon sembleredoubler celui d'Andromède. Le miroir est réel,miroir de l'eau endormie. Ses images dénient touteprésence, et son monde est le monde commereprésentation, signant notre finitude. Misère etvanité d'un miroir brûlant la réalité sur sa surfaceplane, reflétant, éphémère, ce qui se refuse à l'exis-tence. Le miroir ne révèle, ni ne manifeste. De biais,ses illusions trompent et séduisent un corps pour-tant promis à la mort et à la putréfaction.Mais le miroir est aussi, dans la dernière scène deLuci mie traditrici, une épreuve de soustraction, deretrait, symbole de contemplation spirituelle.L'union d'un être à sa propre image y symbolisel'intrusion du suprasensible. Ainsi se fait jour l'op-position interne au miroir, la distinction entre unmiroir humain, trompeur et fallacieux, celui de l'ap-parence, et le miroir dans lequel nous nous souve-

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nons de l'âme, de la vertu, de la sagesse et de laperfection : « Déchirez donc l'autre image », chan-te la Duchesse avant de mourir.

Les mailles du temps se dénouent. « La dilatationdu temps spatialise l'écoute : nous sommes dansun lieu non lieu où les sons flottent et passentcomme des souffles dans une atmosphère immobile »,écrit Salvatore Sciarrino sur Un' immagined'Arpocrate [Une image d'Arpocrate], pour piano,choeur et orchestre (1974-1979). En Perseo eAndromeda se ralentit singulièrement le temps,s'allonge et se fige immensément la phrase deJules Laforgue. L'oeuvre de Salvatore Sciarrino suitune tradition métaphysique de la durée, scission del'éternité. Or l'éternité commence avec l'oubli ou,selon les termes de Gabriel Bounoure, les formesse dissipent dans la « fatigue de la mémoire ».Avec nostalgie, certains souvenirs affleurent sur lasurface illusoire des sons : des galets concassés, unposte de radio, dont le voisin modifie la fréquence,les grillons en soirée, le tic-tac d'une pendule, unverre brisé... Autant de choses éphémères et fra-giles que ruine le temps. Suspendue à l'infini, l'at-tente d'Andromède découvre ce que les Grecsnommaient l'aiôn, le temps comme éternité etcomme durée de la vie. « Aujourd'hui, le temps nes'écoule plus comme autrefois : il est devenu dis-continu, relatif, variable. Variable : en nous dépla-çant d'un bout à l'autre du monde, nous compri-mons et dilatons le temps. Relatif : nous pouvonscommuniquer avec les pays les plus distants, où,au même moment, les montres indiquent uneheure différente. Discontinu : nous pouvons arrêterle temps, l'interrompre. Il suffit de prendre unephoto. Après, en la regardant, nous insérons, dansle présent que nous vivons, un rectangle du passé. »Ce rectangle est une fenêtre. Borromini, à l'agonie,atteint à travers elle la lumière, dont la nuit l'avaitprivé, enténébrant son esprit. Entrer, sortir, signifierla césure du temps et de l'espace est l'enjeu deEfebo con radio et d'Infinito nero : « Portes,fenêtres, trous, cellules, pertuis de ciel, cavernes. »

Alors le son s'unit au chant maternel de la Nuit, oùtoute voix isolée trouve refuge, nuit de l'immuable,ensommeillée par l'obscurité : Tre nottumi brillanti[Trois nocturnes brillants] pour alto (1975),Autoritratto nella notte [Autoportrait dans la nuit],pour orchestre (1982), Allegoria della notte[Allégorie de la nuit], concerto pour violon etorchestre (1985)... Et dans Luci mie traditrici, l'audi-teur écoute l'écoulement du temps vers la nuit dumeurtre.« La nuit revient continuellement sur elle-même, la chute interminable des jours lui appar-tient », écrit Salvatore Sciarrino. La nuit est terrede silences et de sons décuplés par l'insomnie.Mais elle désigne aussi le sommeil et le rêve, oùs'effacent toutes les structures de la conscience. Etle rêve annonce à l'homme sa solitude et contrarieson sommeil, désormais vigilant, en l'éveillant à la

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lumière de la mort : Let me die before I wake, pourclarinette (1982).La musique de Sa lvatore Sciarrino évolue dans unezone frontière, saisie d'une appréhension desvastes espaces inhabités, et singulièrement dudésert marin, aux confins du rêve, là où l'être est,mais hésite encore à se donner à l'existence. Cettegéographie s'incarne dans un monde « imaginal »,entre le monde de la terre et le monde de l'âme,dans l'articulation entre l'intelligible et le sensiblemonde de ce que les latins nommaient la caro spi-ritualis [corporéité spirituelle], où se corporalisentles esprits et où se spiritualisent les corps. À l'ima-ge du Prince de Venosa et de la belle Maria, dont lesmarionnettes se refusent aux viscères, au souffle etau sang de la vie.

En 1986, Salvatore Sciarrino écrit trois oeuvres inti-tulées Esplorazione del bianco [Exploration dublanc]. Obsession du blanc, ombre de la mort,transmutation de l'eau en lait. Le blanc atteint unetransparence absolue, où la couleur n'est pas. Il

métamorphose les origines de toute couleur en unepercée dans le vide. Écrire sur le blanc, c'est eneffet, par le signe même, le souiller. Cette passiondu blanc est tout autant passion du noir et de l'obs-cur lntroduzione all'oscuro [Introduction à l'obs-cur], pour douze instruments (1981). Comme lenoir, le blanc n'est pas la couleur du repos, d'uneorigine ou d'une fin apaisée, d'une calme lenteurou d'une quiétude profonde, mais promesse d'unemacule et d'un sang vierge qu'elle désire et quidésormais la blesse. L'enseignement des Neri[Noirs] du peintre et ami Alberto Burri est ici évi-dent : Omaggio a Burri, pour violon, flûte en sol etclarinette basse (1995).De même, au commencement était le silence, avantle signe infime, qui ne le prolonge que pour se sub-stituer à lui. Ce « son-zéro » contient tous lesautres, gardiens du silence d'où ils proviennent etauquel ils retournent : sons silencieux, liant au plusintime de l'autre, écoutant les phénomènes et lamort, établissant une compréhension silencieuse,instantanée et éphémère. Un' immagined'Arpocrate chante, amputée de son premiermembre, cette sentence de Wittgenstein : « Cedont on ne peut parler, il faut s'en taire. » « ...darü-ber muss man schweigen. » Le silence est à l'ima-ge d'une lumière intérieure qui décroît. EtArpocrate était le dieu égyptien muré dans un silencehermétique.« Le silence est la balance de tous les rêves », écritencore Salvatore Sciarrino. Les sons silencieux,aux dynamiques extrêmes et minimales, retirentaux timbres leurs caractéristiques individuelles, etautorisent la nécessité de les transformer, chaqueson vivant alors comme un organisme ou une pré-sence réelle. L'oeuvre de Salvatore Sciarrino accuseainsi les tensions de l'écoute.Morte di Borromini, les assassinats dans Terribile espaventosa storia del Principe di Venosa e della

bella Maria et dans Luci mie traditrici, l'extase danslnfinito nero témoignent des obsessions de l'eau etdu sang, du miroir et de la blancheur laiteuse. Ences noces monstrueuses de l'écriture et de la dérai-son, le langage se dénoue dans le martyre ducorps, la matérialité violente de la chair et du cri, leravissement d'une douleur sourde et continue quisuinte de toute chose jusqu'à s'anéantir elle-même.L'homme, en effet, a soif de carnage.Le meurtre résulte d'un désir quadrangulaire,comme dans Perseo e Andromeda, avec ses deuxPersée : il y faut le Duc, la Duchesse, le Visiteur etl'éconduit, délateur et au-dessus, le code cheva-leresque. Mais ce désir, qui légitime l'écriture enduo dans tout l'acte second de Luci mie traditrici, sescinde. Tour à tour, l'un des personnages est nié : leServiteur ou Don Giulio, congédiés, le Duc ou CarloGesualdo, trompés, la Duchesse et le Visiteur, ouMaria et Fabrizio Carafa, assassinés. De même, leServiteur est invisible, hors vue, dans les trios desscènes II et IV, comme le Visiteur, gisant derrière lesrideaux du lit, dans la scène ultime.Essentiellement triangulaire, ce désir est désir del'Autre, où l'autre est toujours double, miroité, etdonc soustrait, dans la convoitise comme dans lamort, laissant chacun à sa solitude.

Dans Luci mie traditrici, la plus discrète épine de larose nous fascine, car elle promet la blessure quigangrène. Elle entre et sort de la chair, commel'épée sur laquelle ploie Borromini, avant de gésirsur le pavement. « Célébrer la rose et périr d'unepiqûre d'épine. » Figure poétique subversive, sécu-lairement associée à la mort, la rose saigne. Elle enappelle au sang mystique.

« L'âme se changeait en sang... », chante lnfinitonero. Maria Maddalena de' Pazzi retrouve lesaccents de la dévotion au sang, née aux XII' et XIII'siècles, avec La Quête du Graal. « Je vous écrisdans son précieux sang, avec le désir de vous voirgoûter les âmes et de vous en rassasier », écriraCatherine de Sienne au XIV' siècle. Jusque dansl'écriture, le sang mystique est celui s'écoulant desplaies de la Passion. Dans les fragments choisis deMaria Maddalena de' Pazzi, il culmine dans un sen-timent océanique lavant la sainte de ses souilluresreligieuses. L'extrême douleur trace l'amour ravis-sant l'âme. « Il écrit sur moi avec le sang. Tu écrisavec le lait de la Vierge. L'Esprit écrit avec leslarmes. » Le sang résulte de la transformationchristique du lait maternel, et la plaie latérale dudieu de la chrétienté est la voie par laquelle il nousa mis au monde. Le Crucifié nous allaite du sangqui s'en écoule.

La fixité du drame détermine la déraison. SelonSalvatore Sciarrino, l'artiste est le fou, l'insensé,l'homme du désordre, celui dont la profondeurdésigne les tares d'une société, et dont la folie relèved'une sublimation de l'intelligence.

SPECTACLE31 OCTOBRE-14 NOVEMBRE

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TERRIBILE E SPAVENTOSASTORIA DEL PRINCIPEDI VENOSAE DELLA BELLA MARIATERRIBLE ET EFFRAYANTE HISTOIRE DU

PRINCE DE VENOSA ET DE LA BELLE MARIA

Madrigal. Tu m'uccidi, o crudele(Tu me tues, ô cruelle) (d'après Carlo Gesualdo)Version pour voix, quatre saxophones et percussionsde Salvatore Sciarrino

PROLOGUELes marionnettes populaires ouvrent le spectacleÀ l'avant-scène, introduction du conteur

SCÈNE 1 - PALAIS DE GESUALDO

Rideau I (d'après Scarlatti)Version pour quatre saxophones et percussionsde Salvatore Sciarrino

Dans la salon du palais de Gesualdo sont réunisCarlo Gesualdo, Prince de Venosa, et son épouse, laPrincesse Maria d'Avalos, la Princesse Sveva, leCardinal Alfonso Gesualdo, archevêque de Naples,Don Giulio Gesualdo, Garsia de Tolède, FabrizioAdinolfi et des chevaliers italiens et espagnols.Carlo Gesualdo parle de ses nouveaux madrigaux,de la fête qu'il donne dans son palais et qui émer-veille toute la ville de Naples, et aussi du grand balà venir qui réunira d'autres nobles et aristocratesvenus de toute l'Italie. Il invite ses hôtes à participerà une battue prévue le lendemain.

Chasse (d'après Scarlatti)Version pour quatre saxophones et percussionsde Salvatore Sciarrino

SCÈNE 2-UN BOIS AVEC UNE GROTTEGesualdo et des chevaliers chassent un sanglier.

SCÈNE 3-ANTICHAMBREMaria repousse les propositions amoureuses deDon Giulio.

SCÈNE 4 - BO S

Sciarra (Rixe) (Salvatore Sciarrino)pour quatre saxophones et percussions

Une bande de brigands prépare une embuscade.Fabrizio Carafa, venu faire boire son cheval à unesource, livre bataille et remporte la victoire.

SCÈNE 5-SALON DE GESUALDO

Bal et jardin (d'après Gesualdo)Version pour quatre saxophones de Salvatore Sciarrino

Un bal. Entre Fabrizio Carafa qui s'éprend de labelle Maria. Aparté de Don Giulio qui devine leursympathie mutuelle et jure de se venger.

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SCÈNE 6-CHAMBRE DANS UNE MAISONFabrizio, qui s'est installé dans un pavillon de chas-se, espérant atténuer ainsi sa passion pour Maria,reçoit la visite de la princesse.

SCÈNE 7-ENFER

Chanson secrète (Salvatore Sciarrino)pour voix, quatre saxophones et percussionsGrand conseil des diables de l'Enfer : Lucifer,Belzébuth, Nacalon, Macigno, Calcabrino,Fanfaricchio... Ils se félicitent du tort causé àGesualdo, à Maria et à Fabrizio, organisent etcontrefont le dénouement tragique de l'histoire.

SCÈNE 8-CHAMBRE DE GESUALDO

Seul, Gesualdo se tourmente. Il a appris par sononcle la liaison entre Maria et Fabrizio Carafa. Entreson secrétaire et ami, Fabrizio Adinolfi, qui s'effor-ce tout d'abord d'atténuer ses souffrances, maisqui, peu à peu gagné par le maléfice, confirme sessoupçons. Gesualdo envisage de se venger.

Image-obsession (Salvatore Sciarrino)pour quatre saxophones et percussions

SCÈNE 9-ANTICHAMBREMaria dit à sa femme de chambre avoir entendu sif-fler Fabrizio. Laura aide sa maîtresse à se vêtir,avant de commenter les étrangetés de la noblesse.

SCÈNE 10-PETIT MUR AVEC CIEL

Assassins d'amour (Salvatore Sciarrino)pour voix, quatre saxophones et percussions

Fabrizio Carafa s'approche du balcon. Maria appa-raît et lui lance les clés.

SCÈNE 11-DESSOUS D'ESCALIERLes serviteurs et les sbires attendent. L'un d'euxtient une lanterne allumée. Gesualdo arrive. Tousse préparent à surprendre les deux amants.

SCÈNE 12-CHAMBRE DE MARIA

Maria et Fabrizio sont couchés, tendrement enla-cés. Entrent les sbires, armés de hallebardes etd'arquebuses. Gesualdo les suit avec un poignard.Le conteur revient sur l'avant-scène et, tandis quel'action continue sur scène, raconte et conclut l'his-toire du Prince de Venosa et de la belle Maria.

Pour finir (Rideau II) (Salvatore Sciarrino)pour voix, quatre saxophones et percussions

MIMMO CUTICCHIOET LES PUPI SICILIANI

Spectacle codé, âpre, scandé de rixes et demusiques sonores, l'opéra des pupi est le théâtretraditionnel sicilien de marionnettes. Il se caractéri-se par son style figuratif, son organisation scé-nique, son type de récitation au ton mélodrama-tique, ses dialogues grandiloquents et sa structureritualiste. Les sujets dérivent le plus souvent de lalittérature épique, et notamment du cycle carolin-gien même s'il existe aussi des vies de bandits,des vies de saints, des événements historiques etdes trames d'inspiration shakespearienne. Leconnaisseur reconnaît immédiatement les person-nages : les Sarrasins, culottes bouffantes et tur-bans, entrent toujours à droite, les chrétiens àgauche ; les chevaliers portent de luisantesarmures Renaissance ; les sorciers sont vêtuscomme le docteur Faust ; et les dames sortent d'untableau de Van Dyck.Les rôles sont improvisés sur des canevas simi-laires à ceux de la commedia dell'arte. Naïvementcolorés, patinés par le temps, et en vieux boissculptés, les pupi de Palerme mesurent environquatre-vingts centimètres de haut, et sont articulésaux genoux. En plus de la tringle principale, quis'accroche au buste en passant à travers la tête, ilsen ont une pour le mouvement du bras droit por-tant au bout du fil qui, passant par la main fermée,permet de dégainer et de rengainer l'épée.Manipulés depuis les côtés de la scène, les pupi sedétachent sur fond de toiles peintes d'inspirationRenaissance et de peinture baroque.Au cours des années cinquante et soixante, la diffi-cile situation des pupari siciliens nécessitait desaides publiques, et leurs spectacles étaient alorsdestinés non plus aux connaisseurs attentifs et cha-huteurs du Palerme populaire, mais aux touristesétrangers, lesquels ne saisissaient que superficiel-lement les subtiles et secrètes valeurs des mouve-ments scéniques. Le merveilleux se faisait essen-tiellement exotique. Giacomo Cuticchio était alorsl'un des pupari les plus importants et les plusconnus de l'opéra palermitain. Il se lamentait qu'ilne fût plus possible de représenter, comme avant,soirée après soirée, semaine après semaine, épiso-de après épisode, tout le cycle des Paladins deFrance et du roi Carlo Magno un cycle qu'il auraitenregistré ensuite quasi intégralement.Mimnno Cuticchio naît le 30 mars 1948, dans ce sin-gulier milieu de sagesse, d'orgueil artistique et dedifficultés économiques. S'il a toujours aidé sonpère, Giacomo, et s'il a reçu une éducationempreinte du plus grand respect pour la tradition,Mimmo Cuticchio s'est trouvé très vite confronté àune réalité de plus en plus étrangère aux valeurs dela culture populaire. En 1963, il participe au Festivaldes deux mondes de Spolète, et, en 1967, il séjour-

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ne quelques mois à Paris, où il dirige un petitthéâtre de marionnettes dans le quartier latin.En 1970, il s'installe à Rome, où il rencontre AdolfoRendine, directeur de l'Académie Sharoff, qui l'inci-te à poursuivre la tradition des pupi. De retour àPalerme, il éprouve le besoin de trouver un autremaître. Ce sera Peppino Celano, puparo, conteur etcréateur de pupi et de mostriciattoli, ces poupées-souvenirs pour touristes. Peppino Celano meurt le10 octobre 1973. La même année, MimmoCuticchio ouvre à Palerme le Théâtre des pupi desainte Rosalie (sainte patronne de la ville), etobtient la reconnaissance du Ministère du tourismeet du spectacle. En 1977, il fonde l'Association Figlid'Arte Cuticchio, qui produit des spectacles dont ilcontrôle chaque phase, du repoussé des métauxdes armures à la taille du bois pour les corps, de lapeinture des décors et des affiches à la réalisationdes costumes. Pour la première fois, une compa-gnie de pupari instaure une relation avec l'adminis-tration publique. En 1984, en hommage aux cin-quante ans de théâtre de Girolamo Cuticchio, l'as-sociation crée le festival « La machine des rêves »,une réflexion annuelle sur le théâtre de rue et demarionnettes, et sur la narration orale.Rigoureusement fidèle à la tradition, et animé d'unvif sentiment d'invention, l'itinéraire artistique deMimnno Cuticchio naît et se développe dans les pré-ceptes de l'opéra des pupi, avant de s'orienter versleur refondation, selon une autre réalité, où lemarionnettiste démontre que les expériences dupassé peuvent s'exprimer, sans trahison ni mystifi-cation, dans notre présent.

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Tu ME TUES, Ô CRUELLESALVATORE SCIARRINO

Nous avons pris l'habitude de considérer les tragé-dies antiques comme un monde inactuel, étrangerau quotidien. Nous nous détournons de ces tragé-dies, jusqu'à ce que nous entendions parler de per-sonnes bien réelles dont la vie a été bouleverséepar la fureur du sang. Au contact de ces faits, noussommes pris d'un profond malaise (le vide de lafolie), et nous nous retrouvons un instant hors detoute logique humaine..C'est pourquoi il faut récu-pérer le tragique, car il est une loupe nous permet-tant de mieux comprendre le présent.Le destin de Gesualdo, Prince de Venosa, fut deceux-là. Il serait inutile de l'évoquer si nous devionsignorer la musique qu'il a composée et qui l'arendu célèbre. Nous voudrions cependant fairerevivre ici les incroyables événements dont cethomme aimé de nous fut le protagoniste.

Son histoire commence comme un véritable contede fée. C'est celle de l'un des plus illustres princesnapolitains de la fin du XVI' siècle, qui a épousél'une de ses cousines, célèbre pour sa rare beauté,et dont il a eu un fils. Le mariage, longtempscontrarié par le pape, qui refusait de donner sonaccord, est couronné par quelques années d'uneexistence cplendide et heureuse.Mais un jour. Oui, un jour, son épouse le trompe, larelation est vite connue de tous, et les deux amantsdépassent avec insolence toute limite, toute décence.Même s'il le voulait, Gesualdo ne pourrait feindrel'ignorance !Il ne lui reste qu'une solution, le code chevale-resque. Les plus hautes autorités font secrètementpression sur lui pour qu'il s'y conforme. Selonl'usage, le mari devra surprendre les deux amantset les tuer pour rétablir l'équilibre et recouvrer sonhonneur. Alors Gesualdo tue, contre son gré, il tueson épouse.Cet assaut meurtrier est documenté dans les pro-cès-verbaux du jugement. Gesualdo dit partir à lachasse. En réalité, il attend que tombe la nuit et quesa femme accueille son amant dans sa chambre. Lemoment venu, il sort de sa cachette et envoiedevant lui ses domestiques qui ouvrent follement lefeu : est-ce le hasard, de la retenue ou un geste demépris suprême ? Puis, presque dément, il faitdemi-tour et poignarde avec acharnement lescorps. Il revient, et revient encore pour ouvrir lecorps de son épouse du ventre à la gorge.

Le scandale s'est métamorphosé en spectacle san-glant. L'opinion publique se divise. Inévitablement,les plus bruyants prennent le parti des amantséhontés, et non du mari trahi. Les exagérations detoutes sortes fleurissent autour de ce qui s'estpassé. Toutes ne sont pas dénuées de fondement.Deux fois veuve, l'épouse de Gesualdo avait déjà

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consommé deux maris avant celui-ci, pour finirdans les bras d'un noble libertin. Les mauvaiseslangues s'en donnaient à coeur joie. On disait aussique son charme était si grand qu'un moine, de nuit,viola son cadavre exposé dans une église. Il étaitfacile en outre de soutenir que Gesualdo, intellec-tuel raffiné, négligeait son épouse au profit de lamusique, et qu'il avait même tué un enfant né de larelation illégitime.Cette tragédie eut un retentissement séculaire, aupoint d'enflammer l'imagination d'historiens, depoètes, de dramaturges, et désormais la nôtre.Lorsque tout fut terminé, alors que la vie deGesualdo semblait revenue à une normalité prin-cière, sa musique changea, atteignant ce styleunique.Quels textes Gesualdo utilise-t-il dans ses madri-gaux? Il s'agit le plus souvent de vers empruntés àdes auteurs anonymes. Mais quelle preuve-avons-nous que ces vers n'aient pas été écrits parGesualdo lui-même ?En eux s'exaspère sans doute une fiction littérairerépandue, où les contraires se touchent, et oùl'amour tue. Mais il est difficile de ne pas frissonnerà certains mots unis au chant, que celui-ci tourne àl'hallucination ou que les sons deviennent des brû-lures, et les accords, d'inattendues lames de couteau.

Nous confions l'incroyable histoire aux pupi sici-liens, pour qu'ils en révèlent les aspects héroïques,pathétiques ou burlesques, et que le sourire nousrevienne. Nous la confions au cuntu, pour que sastylisation l'anoblisse.

TEXTES CHANTÉS

Tu me tues, ô cruelleTu me tues, ô cruelle,D'amour impie meurtrièreEt tu veux que je me taise et que ma mort je ne crie ?Las, on ne peut taire le dur martyreVécu avant que de mourirOù je vais criant« Hélas, je meurs en aimant ! »

(Carlo Gesualdo, Livre V, xv, anonyme)

Chanson secrèteOh, je veuxMourir en aimantC'est mon ordre !(Salvatore Sciarrino)

Assassins d'amourCruelle homicideD'amour assassinInfâme, tu m'as cocufiéPutain, tu m'as cocufiéJe te tueEt tu ne meurs pas encore ?Tu assassines le corps,Tu assassines l'esprit,Le tien, le mien,Qui à toi se donneCruelle tu me tues.(Salvatore Sciarrino)

Pour finir (Rideau II)Gesualdo da VenosaAujourd'hui a été absoutNous ne savons s'il est en enferSi la musique a suffiPour atteindre le ParadisTout droitPauvres angesQuelle musique étrange !(Salvatore Sciarrino)

CARLO GESUALDONé à Naples vers 1564, Carlo Gesualdo est issu del'une des familles les plus anciennes du royaumedes Deux Siciles. Son père fonda une académiemusicale, et la protection de son oncle, le CardinalCarlo Borromeo, canonisé en 1610, lui fut toute savie d'un grand secours. En 1586, Gesualdo épousasa cousine Maria d'Avalos, qui entretint une liaisonavec Fabrizio Carafa. En 1590, il vengea sondéshonneur et se réfugia dans son château deGesualdo. Son second mariage, avec Eleonorad'Este, fut célébré en 1594, à Ferrare, où s'illus-traient alors Luzzasco Luzzaschi, Le Tasse et leConcerto delle dame. La situation s'aggrava à lamort de leur seul enfant en octobre 1600, le princesombrant peu à peu dans de douloureuses pra-tiques de pénitence. Gesualdo meurt en 1619.

Salvatore Sciarrino transcrit ici un madrigal initiale-ment statique et chromatique, avant les vocalisesconclusives, Tu m'uccidi, o crudele, extrait du LivreV (1611), et qui, devenu essentiellement instrumen-tal, se fragmente dans la Chanson secrète et dansAssassins d'amour. Redécouverte en 1958, laGaillarde, danse ternaire et modérée, apparaît soussa forme originale dans Bal et jardin, avant de seraréfier en un écho du bal. La Gaillarde revient dansImage-obsession, musique d'accompagnement à lafête des diables. Avec la Chanson française, trans-crite dans Le Voci sottovetro, et avec trois ricercari,elle est l'une des très rares uvres instrumentalesdu Prince de Venosa.

DOMEN I CO SCARLATT INé à Naples en 1685, Domenico Scarlatti est orga-niste et compositeur de la chapelle royale de saville natale dès 1701. En 1705, il se rend à Venise,où il est vraisemblablement initié à l'art deFrescobaldi. De 1709 à 1719, il vit à Rome. Il se liealors avec Haendel, auquel l'oppose une joutemusicale légendaire. Maître de chapelle de MarieCasimire de Pologne, puis à la chapelle Giulia auVatican, il compose opéras et cantates. Clavecinisterenommé, il devient en 1714 maître de chapelle del'ambassadeur du Portugal. En 1719, il s'installe àLisbonne, comme maître de chapelle du roi Joâo Vdu Portugal, chargé de l'éducation musicale dufrère du roi, don Antonio, et surtout de sa fille, laPrincesse Maria Barbara, pour laquelle il écrit laplupart de ses cinq cent cinquante-cinq sonates. En1729, la princesse épouse l'infant d'Espagne, lefutur Ferdinand VI. Domenico Scarlatti la suit àMadrid, où il meurt en 1757.

Salvatore Sciarrino transcrit ici deux sonates deDomenico Scarlatti : le Rideau I traduit la vivacitédiabolique de la sonate K. 153, tandis que la Chasses'aventure dans la sonate K. 532, allegro auxrythmes virtuoses.

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MORTE DI BORROMINIMORT DE BORROMINI

SALVATORE SCIARRINO

Je suis ainsi blessé depuis ce matin, depuis environhuit heures et demie, d'une façon que je dirai àVotre Seigneurie, et que me retrouvant ainsi mala-de depuis le jour de la Madeleine, je ne suis plussorti, sauf le samedi et le dimanche, où j'allai à SanGiovanni pour le jubilée, et que considérant monindisposition, je songeai hier soir à faire testamentet à l'écrire de ma propre main. Je commençaialors à l'écrire, et y travaillai depuis une heure envi-ron après mon repas, et travaillai ainsi en écrivantavec le crayon jusqu'à trois heures de la nuit environ.Maître Francesco Massari, un jeune homme qui mesert à la maison et qui est aussi maître maçon àl'atelier de Santo Giovanni de' Fiorentini, dont jesuis architecte, et qui dormait dans l'autre chambrepour me garder, était allé se coucher, s'apercevantque j'étais toujours là à écrire et s'étant aperçuaussi que je n'avais pas éteint la lampe, il m'appe-la en disant : « Messire Chevalier : il vaut mieuxque Votre Seigneurie éteigne la lumière et se repo-se parce qu'il est tard. » Je lui répondis que je nesaurais pas rallumer la lampe lorsque je me seraisréveillé, et il me dit : « Éteignez-la, car je l'allume-rai moi lorsque vous serez réveillé », et je cessaidonc d'écrire ;je rangeai le papier écrit en partie etla pointe de crayon avec laquelle j'écrivais ; j'étei-gnis la lampe et allai reposer.Vers cinq ou six heures environ, m'étant réveillé,j'ai appelé Francesco et je lui ai dit : « Il est tempsde rallumer la lampe », et il m'a répondu : « NonMonsieur. » Et moi, ayant entendu sa réponse, j'enai éprouvé une telle impatience que j'ai commencéà songer à la façon dont je pourrais faire quelquemal à ma propre personne, puisque ce dénomméFrancesco avait refusé d'allumer la lampe, et je suisresté ainsi préoccupé jusqu'à huit heures et demieenviron.Finalement, m'étant souvenu que mon épée était làdans ma chambre à la tête de mon lit, avec accro-chée à elle des cierges bénis, et éprouvant aussi unagacement croissant parce que je n'avais pas delumière, au désespoir j'ai pris ladite épée, puisl'ayant tirée de son fourreau, j'ai fixé sa poignéedans mon lit avec la pointe vers mon flanc, puis jeme suis jeté sur l'épée faisant en sorte qu'elle entrepar la force dans mon corps, et j'ai été transpercéde part en part, et en me jetant sur l'épée, je suistombé avec elle sur le pavement, et je me suis bles-sé, et j'ai commencé à hurler, alors Francesco estaccouru, et il a ouvert la fenêtre alors que le jourétait déjà levé, et il m'a trouvé sur le sol, et lui etd'autres qu'il avait appelé m'ont ôté cette épée duflanc.Puis on m'a remis au lit, et c'est ainsi que s'estdéroulée l'histoire de ma blessure.(Déclaration de Francesco Borromini)

Rome, le 2 aôut 1667.Ces paroles ont été recueillies par le médecin prèsd'un suicidé à l'agonie.C'est Borromini, l'architecte, qui les a dictées.Comment peut-on penser mettre en musique un teldocument ?La condition de l'artiste appelle la solitude.Et une grande force morale pour affronter le quoti-dien, et vivre l'angoisse qui lui est propre.L'angoisse de la nouveauté.Même s'il le souhaite, l'artiste n'est pas voué ausuccès. Le consensus n'est pas la mesure de sagrandeur, mais de la réussite d'une image et dugoût de la société. Chaque artiste véritable sedouble d'un visionnaire, c'est ainsi qu'il est autreon n'est pas artiste pour ses voisins de palier.Borromini fait aujourd'hui l'unanimité, mais toutesa vie durant, et récemment encore, il est restéincompris et méprisé avec une violence sans égaldans l'histoire. L'intransigeance de ses choix, ou, sil'on préfère, l'obsession de sa ligne courbe, n'étaitpas faite pour séduire le destin.Borromini n'avait pas de public et n'en cherchaitpas. Parce que « la foule est mensonge »(Kierkegaard).Timide, il sortait toujours avec le même habit espa-gnol démodé. Tout le monde l'avait remarqué.Un matin, une fenêtre railleuse.Fermée, mais à l'extérieur, elle claque de lumière.Alors même qu'à l'intérieur, on lui refuse la lumière.Le testament qu'il ne peut écrire représente l'obs-tacle suprême à sa volonté. Plus personne nel'écoute.La soif de lumière enténèbre son esprit.Saül. Ajax. Colère, fureur que dire ?Caton. Les guerriers latins.Voilà, une aspiration enfantine à l'héroïsme ramènetous les personnages à un seul geste une hâtemalheureuse l'accomplit.L'illusion d'accomplir, l'accompli.Certaines uvres, pourtant, restèrent inachevées.Borromini aimait tellement Michel-Ange ! Mais sesoeuvres ne portent pas la marque du « non-fini »,elles sont là, confondues, dans une négligencemalade. Il commença à négliger les chantiers. Unetelle faiblesse jette bien des ombres sur ses rêves depierre. Pendant les travaux à San Giovanni, uninconnu fut surpris par les ouvriers tandis qu'ilendommageait les sculptures : Borromini les laissas'acharner sur lui jusqu'à ce qu'il succombe sousleurs coups. Son intransigeance fléchissait. Traitantses oeuvres comme il se sentait traité par le monde,Borromini succombe : le suicide seul pourra triom-pher de cette retenue, se transformer en un appel,témoigner de sa souffrance.Et le document nous mène au spasme, au risque, àcet instant qui menace tout artiste, si grand soit-il.La folie est proche voisine de l'imagination.Un coeur flamboyant, transpercé pour donner l'heure.C'est ainsi qu'il avait conçu l'horloge de la tour desFilippini.

CONCERT DU NOVEMBRE 2000

1617Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés

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Borromini avait-il déjà songé au suicide, l'avait-ilpréparé ?À la même période, à Rome, Poussin représenta lamort de Caton. Si Borromini avait vu ce dessin, il nepouvait cependant pas savoir l'horreur qu'il fixait,et avec quelle précision.Balayant toutes les limites, l'angoisse peut comblerla distance infinie séparant l'idée de l'acte irréver-sible. Une soudaine obscurité, où se perd en vain lademande d'amour, peut-être pathétique, adolescente.On se tue en s'adressant à quelqu'un. Il faut affronterle regard des vieux parents. Souvent, celui qui sesuicide n'a, paradoxalement, aucune envie de mou-rir. Il tire des conclusions désespérées de ce que lavie peut encore lui réserver. L'acte de Borrominiobéit-il à cette « logique » ? Il est difficile d'estimerjusqu'à quel point celui qui s'est tué nourrissait lavolonté de le faire ou l'espoir d'être sauvé.Son geste accompli, il semble qu'on ait ôté le poidsqui affaiblit son art, parfois. Disparu pour toujoursaussi l'habit espagnol.Entré dans la nuit, puis dans les ténèbres de la folie,il recouvre la vue, mais en sachant, en contrepartie,qu'on le voit dans la lumière du matin et dans lapointe acérée de l'épée.Son épée est à double sens : elle entre et elle sort.Ceux qui se suicident n'ont pas accès à la lumière.Ils la cherchent et la refusent en même temps. Leproblème, l'erreur, vient de ce qu'on se soustrait àla lumière. Mais avec le douloureux retour de laconscience, de l'état contraire à l'égarement total,Borromini a connu le savoir : le savoir de la vie etde la mort.Son texte frappe par sa lucidité, et nous permet unecompréhension que les mélancoliques ne trouventpas toujours chez leurs proches.Nous y avons trouvé une sorte de paradigme duprocessus créatif lui-même. Quelque chose quivaut pour tous les artistes, mais qui n'est pas géné-rique ; un sceau de sang n'est pas génériquecomment le reçoit la musique ?Cela reste un document, ni plus ni moins.Il doit être reçu dramatiquement, et ne doit pas êtrereprésenté. Aucune description donc. La musiquene décrit pas. Elle veut analyser les formes de laperception, le sentiment et la folie : le contour del'un délimite toujours la forme blanche de l'autre.Tracer la folie, ce que le mythe autorise à lamusique, et qui lui était propre, se fait ici dans lesillage d'une expérience doublement exceptionnel-le, vécue par un artiste.On a parfois l'impression d'avoir rêvé. La recons-truction de cette trame nous laisse insatisfaits, nousavons du mal à reconnaître l'artiste dans le souve-nir que nous conservons cependant de lui, au pointde douter de son identité.Parfois nous suivons des traces minuscules, ounous avançons à tâtons, mus par une sorte d'élan,de désir de ce qui n'existe pas encore, comme lechasseur suit sa proie.Parfois s'impose au contraire la certitude de ce que

nous devons faire, et de la façon dont nous devonsle faire.Mais que représente donc cette certitude intimelorsque la réalité du rêve enfin atteint nous déroute ?Alors même que nous le réalisons, le rêve deBorromini ne perd rien de sa difficulté ou de seschoix. Au contraire. Une lame trop affilée a blessénotre main. Le surcroît de clarté nous rend plus exi-geants. Comme un mouvement respiratoire à l'in-térieur du son, et parfois on rend explicite le râled'un moribond.Imaginons certains éléments de la réalité sonoreextérieure et intérieure. Le halètement, la voix quidicte, les cloches des heures, le réveil à son propreronflement, tellement concret. Jusqu'au silenceoppressant les oreilles.Les oiseaux chantaient déjà quand il sombra unenouvelle fois dans le sommeil, mêlé à des plagesde conscience dans le son-horizon. Lui aussi seplie, se précipite, dans le son-silence.Instabilité des dimensions. Quelque chose s'étaitcréé sur la ligne étincelante. Mélodies grégoriennes ?Comme si l'on entendait sous les grandes voûtesarticulées les vagues du chant, mais sans les voixqui les ont produites.À la déformation temporelle correspond une ouver-ture de l'espace : volière d'anges, l'impressiond'une « fausse normalité ».La musique représente maintenant l'espace où sedéroule la tragédie : les franges de la nuit, les sonsdécuplés par l'insomnie, jusqu'à lacérer l'esprit, lesphénomènes d'une chambre noire que nous avonstous connue. L'obsession d'un petit refrainimprègne les draps. Elle s'est insinuée. Elle s'en-roule. La follia di Spagna.La perception de la réalité sonore, désormais déta-chée, perd tout sens des proportions, le battementforme des pointes dans le son-silence (l'écho,d'abord, d'un tintement dans le vide), et desmyriades de cloches dans le son pressent, veulenten sortir. Chaque chose, la même chose, noussemble minuscule, et gigantesque l'instant suivant.Les mauvais objets envahissent tout, ils sont deve-nus mondes. Il n'y a plus de différence, il n'y a plusde temps, il n'y a plus de dedans ni de dehors : le

dedans est le dehors.

Bo RROMINI

Architecte, décorateur et dessinateur italien,Francesco Castelli, ou Castello, dit Borromini, naît àBissone en 1599. Tailleur de pierre à Milan, il se renddès 1615 à Rome. Sculpteur d'ornements sur lechantier de la basilique Saint-Pierre, dessinateurdans l'atelier de Maderno, il travaille avec le Berninau palais Barberini. Actif sous les trois papes de laRome baroque, Borromini se voit confier la construc-tion d'édifices religieux. Héritier de Michel-Ange, ilmanifeste une prédilection pour les recherches illu-sionnistes. Il se suicide le 2 août 1667. Sciarrino aanalysé dans Le Figure della musica la coupole deSaint-Yves-de-la-Sapience.

IL CLIMA DOPOHARRY PARTCHLE CLIMAT DEPUIS HARRY PARTCH

SALVATORE SCIARRINO

Pendant des années, le nom de Harry Partch n'aguère franchi le seuil de certaines universités amé-ricaines. La diffusion des oeuvres de ce composi-teur est drastiquement limitée, car, aux instrumentsnobles des grands orchestres symphoniques, il pré-fère ses propres prototypes d'invention et deconstruction. Mais cette raison me semble trop évi-dente pour justifier la totale censure dont Partchfait l'objet.De fait, la figure d'un artiste vagabond ne peut lais-ser indifférent. Devrions-nous l'imaginer commel'une de ces créatures sauvages que nous cher-chons à éviter, quand nous croisons leur chemindans la rue ?Sa musique ne ressemble à rien. Elle est soutenuepar un apparat théorique prépondérant (sur l'into-nation des instruments), entre kitsch et académis-me néogrec. La voix déclamée en position domi-nante nous renvoie aussi aux anciens Grecs. Et l'onne peut ignorer la familiarité de Partch avecl'Orient, typique de la West Coast. En somme, unmélange complexe et détonant.Il en résulte une surdose de bavures micro-tonales,d'autant plus évidentes qu'elles agissent sur desarticulations élémentaires, peut-être folk, peut-êtremémoire ironique de chansons enfantines. ÉcouterHarry Partch n'est pas agréable, il vous colle sou-vent une tristesse inhumaine, intransigeante,comme ce refus qui a soudain dispersé sa vie dansles souterrains nauséabonds.Nous pensons généralement que, pour laisser unetrace dans l'histoire de la musique, il faut avoiratteint une grande notoriété.Mais qui sait si l'effet papillon ne vaut pas aussidans la sphère artistique, autrement dit, si l'influen-ce de présences marginales, transversales,oubliées, n'est pas réellement sous-évaluée, ou dumoins supérieure à ce que l'on croit ? Ce genre d'in-fluence ne serait pas mesurable directement sur lasociété contemporaine, mais plutôt dans une pers-pective temporelle et environnementale hors ducommun et très dilatée.Nous devrions faire l'hypothèse de l'existenced'une météorologie créative. Du reste, Musilévoque une loi de la conservation de l'espritcomme si la culture était soumise aux lois de laphysique et de la chimie.

blématique des thèmes (l'obscurité, la douleur,l'énigme) précède l'esthétique parce qu'elle consti-tue la vie de la pensée.Les formes de mes compositions impliquent aussile concept de nature post-organique, commune àcertains phénomènes apparemment éloignéscomme le body art ou le piercing. J'ai toujours reje-té l'hypocrisie académique de la musique pureavec ses sublimités banales et bon marché. Je pré-fère l'affleurement de notre physiologie dans levide ou parmi les machines de l'ère technologique.Avec la forme à fenêtre, on peut soustraire un pour-centage variable de l'image sonore à la perceptionde celui qui écoute. J'ai réalisé ici un découpage enfenêtres plus grand que d'habitude. Des grumeauxsonores s'écoulent d'en haut, mais leur origine estailleurs, hors des limites du champ. Ils descendentet disparaissent en dessous d'une limite inférieure.Nous avons l'intuition que cette musique bouillon-ne, nous avons cette intuition d'après les zones enmarge de l'image sonore, sans en être les specta-teurs directs. Les perturbations interviennent peut-être au-delà des marges.Le temps aussi a ses marges, avant et après l'image,à gauche et à droite ; elles sont marquées par desévénements-choc nettement délimités.Dans des sortes de fentes rectangulaires, l'imagesonore n'a pas de développement, mais elle estd'autant plus exaltée qu'elle est mutilée. Ces fentesse juxtaposent, créant des liens fugaces qui nousfont douter de l'identité des images, comme sousl'effet de déplacements légers et successifs ducadrage.En d'autres termes, le comportement-clé de laforme se résumerait ainsi : éviter la perspectivefrontale au profit du raccourci. On pourrait se réfé-rer à l'esthétique baroque, bien qu'il n'y ait ici abso-lument rien de baroque. C'est une technique d'ap-paritions-flash qui utilise surtout de la soustraction.Le moins se renverse en plus, et l'expression estcelle du silence.Qu'une musique nouvelle doive procurer un plaisirimmédiat (une jouissance) est une illusion trèsrépandue et sans fondement, dont s'empare lemonde commercial. Il suffit de faire un bref retouren nous-mêmes pour faire taire toute sirène inutile.La réalité est autre. C'est d'abord la douleur quinous donne l'expérience de la vie et du plaisir lui-même. La connaissance, lorsqu'elle est solidifiée,nourrit aussi l'ignorance si elle ne se renouvelle pas.Puisque nous résistons inconsciemment à touteouverture de l'esprit, nous devrions veiller à ne pasrepousser ce qui nous apparaît chaque fois sous laforme de l'inconnu. Celui qui la possède sait com-bien l'imagination est explosive. Elle ne se conten-te pas de ce qui est déjà, mais avance vers ce quisemble seulement possible, voire invraisemblable,à tous les autres.

J'aime la musique tendue à l'extrême. Je memoque des codes de bonne conduite servant àdébusquer le consensus et l'anesthésie.Il faut mettre à nu chacun de nous : le compositeuret le monde. Être ainsi disposé à sa vérité propreest le point de rupture nécessaire à l'artiste. La pro- (Biographie de Harry Partch, page 20)

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LE VOCI SOTTOVETROLES VOIX SOUS VERRE

SALVATORE SCIARRINO

Une de mes dernières oeuvres théâtrales, Luci mietraditrici, s'inspire d'un texte peu connu du XVII'siècle, Il Tradimento per l'honore (La Trahison pourl'honneur) de Cicognini. Dans ce drame, plus d'undemi-siècle après les événements, retentissaitencore la clameur de la sanglante histoire deGesualdo, Prince de Venosa. Il était inévitable que,pendant toute la gestation de l'oeuvre, je me rap-proche de la musique de ce compositeur. Je son-geais même à l'utiliser dans cet opéra que nousavions pris l'habitude de désigner entre amis sousle titre de Gesualdo. Mais j'appris que Schnittkes'était attelé à la composition d'un Gesualdo. Jedécidai alors d'éliminer toutes les références àGesualdo, et de remplacer sa musique par celletout aussi hallucinée de Claude Le Jeune.Ma familiarité avec l'oeuvre de Gesualdo a tout demême porté ses fruits, à différents niveaux : un brefrecueil de transcriptions, Le Voci sottovetro (1998),et Terribile e spaventosa storia del Principe diVenosa e della bella Maria (1999), musique pour lethéâtre de marionnettes siciliennes.À quoi fait allusion le titre Le Voci sottovetro ?Enfermer une voix, l'essence vitale, dans une bou-teille, peut évoquer les Génies enfermés puis jetésà la mer par Salomon. La littérature romanesquemusulmane regorge de légendes de ce genre. Jesonge aussi au goût baroque pour la monstruositéet le spectaculaire, goût qui se mélange, commechacun le sait, avec la science, où l'on exposait lavie arrêtée et disséquée.Une question à propos du madrigal : que reste-t-ildes voix anciennes ? Se sont-elles tout à fait effa-cées ou parviendrons-nous à en saisir un son, siminime soit-il, et qui ne se serait pas encore échap-pé de la bouteille ?Une considération d'ordre général : certainsartistes importants changent le cours de l'histoire,prennent un maximum de risques ils ont surtoutle courage d'être eux-mêmes , et annoncent ceuxdes époques suivantes. Leur groupe se distinguede la grande masse des autres artistes, constituantune sorte de famille, avec relations parentales etaffinités étroites, en dépit des siècles qui les sépa-rent. C'est le cas avec un auteur sophistiqué et raf-finé comme Gesualdo. Il exerce sur l'auditeur culti-vé une singulière attirance, en l'étourdissant par unflot de rapprochements avec des compositeurs plusmodernes. Nous reconnaissons en lui les extrava-gances d'Antonio Vivaldi et de Domenico Scarlatti,Schubert, le dernier Beethoven, le parfum duromantisme finissant ou de la France début desiècle, et l'atmosphère expressionniste.Deux mots sur les originaux et leur adaptation.La Gaillarde du Prince de Venosa fut vraisembla-

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blement écrite pour quatre violes. Du madrigal Tum'uccidi, o crudele (Tu me tues, ô cruelle, Livre V,XV), il ne reste de la présence vocale que des frag-ments vocaux isolés, quelques mots-clés.La Chanson française du Prince était initialementdestinée au luth ou au clavier, mais en changeantde respiration instrumentale, une autre lumièreéclaire sa substance musicale, sa phrase, alternantimitations et fioritures, ses trilles chromatiquesinouïs. Moro, lasso, al mio duolo (Je meurs, hélas,à ma douleur, Livre VI, XVII) est transformé en unepièce lyrique pour voix et instruments.Ces transformations, très libres, et leurs perspec-tives trompeuses peuvent surprendre l'auditeur,mais elles ne sont pas faites pour cela ; elle nais-sent plutôt de la certitude que la musique anciennepeut se métamorphoser et connaître une nouvellevie au contact de l'esprit moderne.

Tu me tues, ô cruelle...Et tu veux que je me taise et que ma mort je ne crie ?Las...Mourir...Où je vais criant...(d'après Carlo Gesualdo, Livre V, anonyme)

IVJe meurs, hélas, à ma douleurEt qui peut me donner la vie,Las, qui me tue et ne veut m'accorder son aide !Oh, sort douloureux,Qui peut la vie me donner, hélas, me donne la mort !

HARRY PARTCHNé en 1901 à Oakland (Californie), fils de mission-naires, Harry Partch est élevé dans l'Arizona.Théoricien, compositeur et créateur d'instruments,il décide de s'écarter de tous les modèles existants.Invitant à un retour aux sources de la musique et àses fonctions rituelles et magiques, il puise sesinfluences dans les berceuses, chez les sorcières,les Indiens, les Orientaux et les Africains, ou dans leBoris Godounov de Moussorgski. Entre 1923 et1928, il développe une échelle à l'intonation ptolé-maïque divisant l'octave en 43 intervalles. Samusique, concrète et corporelle, multiplie polyryth-mies et divisions rationnelles des durées, dans unealliance de la poésie, du son et de la danse.Soutenu par la Carnegie Corporation, les fonda-tions Guggenheim et Fromm ; il enseigne dans lesuniversités du Wisconsin et de l'Illinois, et crée leGate 5 Ensemble. Ayant vécu en marge de la société,il meurt le 3 septembre 1974 à San Diego.

EFEBO CON RADIOÉPHÈBE AVEC RADIO

SALVATORE SCIARRINO

Changer de programme sur une radio à lampe...Dans le titre, celui qui joue est nommé éphèbe ; etce mot archaïque vient rappeler que, avec le temps,les radios ont perdu leurs lampes.Nous supportons mal celui qui change sans cessede chaîne sur sa télévision. Et cela nous demandeun effort que d'imaginer un enfant précoce quiprendrait plaisir à produire des sons électroniques

il suffisait de tourner le bouton de la longueurd'onde.Avec la distance du temps, cette oeuvre paraît bienplus complexe, par-delà sa démarche captivante.Ce n'est certes pas moi qui nierais l'authentiqueveine humoristique qui la traverse, ni le parfumd'une époque, du souvenir d'une époque, si inten-se, si précis. Mais, flottant entre les années quatre-vingt où il a vu le jour et les années cinquante aux-quelles il songe, l'Efebo se détache problématique-ment de tout ce qu'il pouvait faire alors, et qui nelaissait pas de l'inquiéter. Il fut précédé d'une étudeassez systématique sur les chansons 1900, nonseulement musicale et formelle, mais avant touthistorique. Je ne suis pas un musicien barbare : jesuis attiré par les références, les parallélismes, lesascendants cultivés de la musique légère, et nonpar la musique légère en soi, qui a déjà tant deconsommateurs. Je me rendis aussi compte que,n'étant pas connaisseur, j'en avais pourtant absor-bé une telle dose que j'en maîtrisais une quantitéinsoupçonnée. Quand j'étais enfant, il me semblaitque la radio ne transmettait presque que des chan-sons.L'après-guerre a apporté une vague américaine demusiques dansantes longtemps retenues au-delàde l'océan. C'étaient des modèles indépassables,les mêmes qui avaient causé des insomnies auxépigones européens, avec un retard d'une décen-nie. Ils faisaient maintenant leur entrée les pâlesimitations se dissipaient. Une campagne de recon-naissance, donc, à l'intérieur des années cinquante,sorte d'anthropologie badine, faite de mémoire surles programmes que la radio avait alors réellementdiffusés. Elle filtre, cette lentille extraordinairequ'est le souvenir de l'enfance, elle filtre une patineuniforme : peut-être est-ce ce qui a transformé unprojet insolite et intrigant en une compositionmusicale réussie.Les transmissions sont aujourd'hui d'une qualitéincomparable. Nous avons oublié les vieilles ondesmoyennes, si faciles à perturber.Pourtant, suivez-moi.Chaque station est caractérisée par un bruit de fondplus ou moins notable, qui la rend identifiable aumilieu des autres quand elle est syntone, même sielle ne transmet rien. Moi qui compose avec des

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diagrammes, cette fois, je n'ai eu recours à aucunplan sériel, même si, à l'écoute, cela paraît difficileà croire.On peut distinguer à peu près trois niveaux quant àl'intelligibilité des transmissions. Celles qui ne sontpas perturbées, venant des émetteurs voisins ethabituels. Puis, celles qui, malgré la superpositiond'une perturbation, permettent une réception dis-tincte, quoique faible. Enfin, celles dont la déforma-tion est déjà à l'intérieur du signal, indépendam-ment de la perturbation du bruit de fond qui s'ysuperpose.Bien entendu, ces trois types d'intelligibilité corres-pondent à trois types de techniques de compositionet d'instrumentation.Du troisième type, le signal le plus heureux est lasonorité-marmelade des mesures 79-83.Un renversement intéressant : les sons qui, danstoutes mes autres compositions, sont la matièreprécieuse avec laquelle je modèle mon univers,mes sons sont ici humblement réduits à n'êtrequ'une perturbation des transmissions ; ou, le plussouvent, à n'être que le passage grésillant d'unestation à une autre, tel le tissu conjonctif sonore detoute la composition.Langues diverses. Paroles banales.Le jeu, nullement infantile, était de rompre la cohé-rence d'un langage déjà connu pour trouver unenouvelle cohérence de fragments. Et ceux-ci,comme la tête coupée d'Orphée qui chante encore,réclamaient chacun faiblement leur globalité. Lediscours est donné par les différents mouvementsd'un bouton imaginaire.L'association entre diverses intermittences : unereprésentation du hasard. Des associations provo-quées ou inconscientes pour un goutte-à-goutte dutexte. Songez que ceci ne fut pas prémédité,comme c'est l'usage chez nous musiciens, mais belet bien improvisé au fur et à mesure que lamusique venait s'inscrire.Après la prudence des premières pages, l'oeuvre futachevée en moins de quinze jours, directementcopiée au net, et sans fatigue. Le printemps étaitavancé et l'orchestre était là à attendre.Que reste-t-il d'autre à dire ?L'irréalité de l'articulation. Ce qui échappe toujoursà tout le monde : le retour de certaines séquencesde fragments, ainsi que la grande reprise finale,pour ainsi dire embrumée par la résonance de lafeuille d'acier. C'est une stylisation : il s'agit deprendre de la distance vis-à-vis d'un illusionnismequi autrement serait très efficace, et de le rendre àune forme technologiquement plus conforme, celledu montage sonore.

(In L'écoute, Ircam-L'Harmattan, 2000)

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CONCERT DU 20 NOVEMBRE 2000limfflummmm

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LUCI MIE TRADITRICIÔ MES YEUX TROMPEURS

SALVATORE SCIARRINOPROPOS RECUEILLIS PAR GIANFRANCO VINAY

Lors de la création de Luci mie traditrici au festivalde Schwetzingen, le livret était précédé d'un essaicirconstancié sur le drame Il Tradimento per l'ho-nore de Cicognini. Cicognini me fascine, et j'aipensé qu'il fascinerait les autres. Le drame deCicognini est un drame baroque. Ses justificationsphilosophiques ou ses motivations juridiques avantet après le crime sont confuses et difficiles à mettreen scène. Son goût douteux est lié au théâtre del'époque. Le conflit entre les domestiques revêtdéjà les couleurs de la commedia dell'arte, et l'en-trelacement de couches de personnages sert de cri-tique ou de commentaire à l'histoire, et crée uneaction parallèle. J'ai supprimé de mon livret tousces éléments caractéristiques du drame baroque etde la pièce de Cicognini.Dans Luci mie traditrici, il y a très peu de person-nages, et les premiers plans sont définis selon unangle de vue très étroit. En somme, il s'agit de l'ex-plosion d'une tragédie amoureuse, marquée par laviolence et la fatalité, et qui permet d'autant mieuxl'identification qu'elle ne contient aucune référencehistorique. C'est ce qui la rend moderne, car mêmesi nous savons dès le début ce qui doit arriver,l'événement attendu est soumis à une inventiondramaturgique créatrice d'un certain effet de sur-prise. Ainsi, face à la victime qui finit par s'identifieret par se donner totalement à son bourreau, lespectateur ignore s'il s'agit d'un ultime élan vital oud'un véritable abandon amoureux. Comme l'in-trigue, le texte a été élagué. Toutes les symétriesentre les différents personnages sont établies indé-pendamment de l'original, et sans doute sont-ellesdifficilement prévisibles. Ce qui m'a le plus attirédans cette pièce, c'est l'idée d'une oeuvre de duosd'amour, devenant parfois trios, avec un témoincaché.

Luci mie traditrici est une uvre beaucoup plusangoissante que mes autres uvres théâtrales. Lestatisme, le dépouillement, la cruauté réaliste dePerseo e Andromeda constituaient une premièreréponse à la dimension onirique de Lohengrin. Sestrois personnages baignent dans un climat qui, parsa clarté et sa dimension problématique, ne laisseaucune place au rêve. Un récif au milieu de la merrocher, mer, vent et solitude. Dans un cadre si hos-tile, les relations entre les personnages ne peuventêtre qu'exacerbées. En un certain sens, les conflitsont tendance à exploser beaucoup plus facilementque dans un contexte plus flou, plus onirique,comme celui de Lohengrin. À vrai dire, j'auraisvoulu que ces situations théâtrales soient davanta-ge connotées historiquement, non pas pour obtenirdes genres différents, mais pour tenter de constel-

ler scéniquement mon univers théâtral. Je pensaisdonc à une oeuvre aux dimensions historiques.Il Tradimento per l'honore est un témoignage trèsvivant, cinquante ans après les événements, de latragédie de Gesualdo : le destin tragique de ce prin-ce musicien était bien connu, il hantait notre imagi-naire, comme c'est toujours le cas pour des per-sonnages d'une si haute extraction. Ces événe-ments finissent par devenir des mythes populaires,au pire sens du terme, avec toute leur lourdeur etleur ennui. J'ai eu entre les mains la copie d'uneanthologie théâtrale italienne publiée dans lesannées cinquante, parce que Il Tradimento per l'ho-nore est beaucoup plus connu qu'on le croit. Il a

seulement été longtemps ignoré et a donc disparude l'horizon de notre conscience. Mais, il est étran-ge qu'à l'époque de cette mode autour deGesualdo, tant comme musicien que du point devue musicologique et historiographique, cette tra-gédie ait été totalement ignorée, jusqu'au jour oùj'ai souligné le rapport qui lie la tragédie deGesualdo et cette tragédie écrite par un florentin.Il me fallait consulter certains documents relatifs àl'histoire de Gesualdo. Entretemps avait paruPrincipe dei musici, un livre écrit d'une plume aler-te, et qui n'est pas un texte de musicologie. Commetous les livres sur Gesualdo, il crée une certaineconfusion entre les documents et leur interpréta-tion, excepté dans la dernière édition, qui reprendla plupart des actes du procès. Pendant ce temps,on jouait à Vienne une nouvelle oeuvre de Schnittkeintitulée Gesualdo. Après la représentation, je mesuis procuré la partition. Je l'ai lue avec attention.Je n'ai rien trouvé qui pouvait m'empêcher depoursuivre mon projet. Toutefois, je devais changerle titre, puisque j'avais également l'intention del'appeler Gesualdo. Non seulement j'ai changé letitre, mais j'ai supprimé toute allusion explicite àl'histoire de Gesualdo. J'ai remis ce projet à plustard et l'ai repris avec Terribile e spaventosa storiadel Principe di Venosa e della bella Maria. En fait,cette uvre n'a plus grand chose à voir avec monprojet initial, tant sur le plan de la structure drama-tique, de l'écriture théâtrale, que du langage.Quelque chose du projet transparaît dans Le Vocisottovetro et dans Infinito nero. Certaines idéessont passées dans d'autres compositions.

De la tragédie initiale de Cicognini, il reste bien peude chose, tant du point de vue de la structure quede l'intrigue. Le livret fut achevé durant l'été 1996,et mis en musique entre décembre 1997 et mars1998. J'ai composé cette oeuvre à la suite d'un trèsgrave accident de voiture, alors que j'étais dans unétat physique et psychique de totale inhibition.Cette uvre a donc été entièrement écrite sur uncarton rigide, dans mon lit ou sur une table, assisdans un fauteuil roulant, tout cela dans une posi-tion très inconfortable, puisque je devais garder lesjambes levées pour des raisons de circulation.Toutefois, cette position inconfortable ne m'a pas

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gêné. Ce projet me passionnait. Je n'avais aucune-ment envie de me reposer. Une partie de mes jour-nées était consacrée à réaliser ce que j'imaginais lanuit. En quelques mois, j'ai construit une structureaussi complexe que celle de Perseo e Andromeda,qui était unitaire, sans grandes coupures de typeformel. Luci mie traditrici, en revanche, présente uncertain nombre de scènes, d'intermèdes, de symé-tries et d'asymétries intentionnelles.Singulièrement, je tenais à ce que la musique servele texte. La musique est créée par les bruits que lespersonnages entendent dans le cadre de leurdrame. Or, cela constitue une coupure dramatur-gigue qui réclame une très grande rigueur musica-le, bien plus grande que si le discours musical étaitaussi développé que dans Perseo e Andromeda,entre géométrie et lyrisme. Le plus difficile dansPerseo était d'obtenir à travers une seule figuretout le trajet, tout le parcours du développementmusical, tandis qu'ici, tout découle d'un matériauminimal et dispersé, qui, quoi que plus poly-morphe, plus dense, est à peine perceptible, etdonc à la limite du réalisable. Luci mie traditrici estune partition très difficile. Très peu d'ensemblespeuvent l'exécuter avec aisance.

Comme dans toute tragédie, les personnages atten-dent quelque chose qui ne peut pas se produire.Pourtant, bien que rien de ce qui arrive ne puisseêtre évité, tout est fait pour que le spectateur n'aitpas le sentiment d'assister à quelque chose deprévu, et donc d'ennuyeux. Je dirais même que laforce théâtrale naît précisément de la tension qui sedéveloppe dans les limites de cette structure fer-mée. Cette dynamique est intentionnelle, elle ne seproduit pas par hasard, rien ici n'est fortuit. Dans cegenre d'opération, ce qui est le plus difficile à pré-voir, c'est la force ou la réalité de l'expériencevécue par l'auditeur, mais tout ce qui peut être cal-culé doit être calculé avec précision et réalisé dumieux possible. Avec ce genre de projet, on ne peutpas lésiner sur les moyens. La réalisation d'un dia-gramme long, comme celui de Perseo eAndromeda (plus de 30 feuillets), traduit non seule-ment une volonté d'extension de la forme, maisaussi un besoin de contrôle encore plus grand quepour de petites formes. Rien de la tension théâtraleou musicale, qui coïncident étroitement, ne doitêtre perdu. Pas un seul détail. Les personnagessont toujours en couples, et intervient ou entre tou-jours un troisième personnage, invisible. Le servi-teur apparaît comme un espion dans les deux duosd'amour entre la dame et son mari ou son amant. Ildevient l'interlocuteur du maître dans la premièredes scènes intérieures, la dernière scène du pre-mier acte. Toutes les scènes nocturnes se déroule-ront ensuite à l'intérieur.

Ce déplacement de l'extérieur vers l'intérieur estsouligné par un certain nombre d'indices et designes représentatifs assez forts, comme la respira-

tion difficile du serviteur au moment où s'ouvre lacinquième scène. Au début de la scène, nous n'en-tendons aucun dialogue. En réalité, ce qui devaitêtre dit est à peine prononcé. Nous entendons seu-lement l'hésitation et le souffle du serviteur, quiralentit sa respiration par le nez, parce qu'il a courupour avertir son maître et se venger de son amourmalheureux pour sa maîtresse. Il y a d'autresindices, comme une sorte d'étrange sifflotement,tel le chant d'un merle, mais il s'agit d'une zoologietotalement inventée, précisément parce que je suisun observateur attentif de la nature et que je necherche pas à la copier telle quelle. Il est importantd'obtenir une sorte d'immédiateté, comme si nousétions devant la réalité, et en même temps de latransformer, de créer une véritable métamorphosede tout ce qui nous entoure, en tentant de lui don-ner une vie plus intense, laquelle n'est autre que lavie du langage artistique. Et c'est ce qui se produitavec un merle, qui constitue l'une des dernières etdes plus importantes présences instrumentalespendant les duos d'amour dans le jardin. Soudain,nous entendons les bruits comme à travers unefenêtre fermée. Cette trace est d'une grande forcesonore, d'une grande présence musicale, parcetout en étant continu, le phrasé est toujours diffé-rent : il n'y a jamais une phrase égale à une autre.En somme, le rôle de cette sonorité est vraimentessentiel. C'est comme si les objets parlaient, àl'instar des humains.

Ce besoin d'affronter la pureté du monde n'est pastant une forme de cruauté ou de sadisme vis-à-visdes personnages, mais un besoin de créer une ten-sion maximale. J'ai toujours souhaité que mamusique exprime cette tension, même dans monthéâtre, car le contraire serait le pire des échecs. Àla fin, le lien entre les deux protagonistes princi-paux se resserre, il redevient celui du début. Il n'y apas d'autres empêchements, sinon les souvenirs,les fantasmes et quelques menaces qui planent detemps en temps, mais qui sont ignorées par laduchesse, car, outre l'authenticité de leur amour, ilssont soumis à une certaine fatalité, à ce qui ne peutqu'advenir. En un certain sens, la victime regardeavec sérénité la réalité, et le duc s'efforce de nejamais montrer ses blessures intérieures, jusqu'àl'instant fatal où la violence sanguinaire explose.La fin nous conduit à cette découverte en réalitéprévisible, mais seulement inhumainement prévi-sible : la duchesse ne peut qu'aller vers sa propremort, car elle veut pouvoir la regarder dans lesyeux. Cette solution singulière constitue leLiebestod, non pas au sens wagnérien, mais ausens d'un total abandon amoureux. À un momentdonné, quelque chose s'est brisé, quelque chosequ'il faut payer, comme dans toute tragédie. Ainsi,toute action a un poids, son contrepoids et sonaction symétrique, sa folie sans retour.

ACTE I

Scène 1 : Le duc (II Malaspina) montre à la duches-se (La Malaspina) une rose cachée. Elle veut lacueillir et se pique. La vue du sang fait perdreconnaissance au duc.Scène 2 : Le duc et la duchesse se murent dans lesilence de leur éternel amour. Le serviteur, amou-reux de la duchesse, est au désespoir.Scène 3 : Le visiteur et la duchesse se sententlivrés à leur amour adultère.Scène 4 : Le serviteur caché entend le visiteur et laduchesse se donner rendez-vous.Scène 5 : Le serviteur informe aussitôt le duc,lequel ne parvient à le croire, mais décide de le tuer.

ACTE II

Scène 1 : Le duc renouvelle à la duchesse son par-don. Cette nuit, la duchesse l'attendra.Scène 2 : Le duc conseille à la duchesse de broderdes cyprès sur son oreiller, mais continue à luitémoigner son amour.Scène 3 : La duchesse se dit prête à sacrifier sa vie.Le duc lui demande d'apporter sur le lit la preuvede son amour, et allume une torche, comme pouridentifier un mort. Elle doit ouvrir les rideaux du lit,comme elle le faisait jadis avec plaisir ; elle s'yreflétera, lui dit-il. Poignardée, elle s'effondre surson amant assassiné.

IL TRADIMENTO PER L'HONORE (1664)D'après Pia JankeAu cours des années trente, le philosophe ethomme politique italien Benedetto Croce fit uneétrange découverte : dans l'Index librorum prohibi-torum de 1911, l'inventaire officiel des livres inter-dits du Vatican, où l'on recensait tous les textescontraires à la foi et à la doctrine chrétienne, il trou-va une uvre d'un certain Cicognini. Que faisaitdonc dans cette liste de textes dont il fallait proté-ger les âmes croyantes une pièce remontant à plusde deux cent ans, ne traitant d'aucun thème reli-gieux, écrite par un auteur presque totalementoublié et dont les oeuvres n'étaient plus disponiblesque chez certains antiquaires ?ii Tradimento per l'honore, qui évoque le désirsexuel, la coercition et le double adultère, la ruse, laperfidie et le suicide, devait être encore trop cho-quante, tout du moins face à la morale religieuse,pour que l'Église puisse l'oublier si facilement. Elles'efforça donc de proscrire une uvre ressentiecomme répugnante, voire insupportable, à uneépoque où elle passait en revue la tradition littérai-re à l'aune d'une pensée nouvelle et éclairée : cequi avait choqué, c'était l'absence de style et lemauvais goût, l'érotisme cru, la franchise, et sur-tout l'indifférence morale de l'ceuvre de Cicognini.Cette pièce de 1664, sous-titrée opera tragica, adirectement inspiré Luci mie traditrici de SalvatoreSciarrino. Comme de nombreux autres drames deCicognini, elle raconte la puissance fatale de

l'amour, en lequel tout s'abîme. Sa modernité tientau tableau de la vie domestique et aristocratique deson époque, considérée comme une prison dontnul s'échappe jamais, pleine de désirs et de brutali-té, de tromperies et de vengeances sanglantes, deplaisir et de froideur.

GIACINTO ANDREA CICOGNININé en 1606, fils du juriste et dramaturge JacopoCicognini, Giacinto Andrea Cicognini étudia le droità Pise et vécut à Florence. En 1646, il s'installa àVenise. Les motifs de son départ sont obscurs. Ilaurait été victime d'un attentat, suite aux profondesoffenses qu'auraient provoquées ses satires viru-lentes de la société de sa ville natale, notammentdans son poème Scappinate sopra le dame diFiorenza, où les attaques se faisaient personnelles.Jusqu'à sa mort en 1651, Cicognini vécut donc àVenise, où il subit l'influence du dramma per musi-ca naissant. Au XVII' siècle, il était encore célébrécomme le principal dramaturge de son temps. Ausiècle suivant, Carlo Goldoni mentionna dans sesmémoires les comédies de Cicognini parmi ses lec-tures favorites de jeunesse. À l'inverse, Carlo Gozziestima en 1801 que les drames du florentin, jadisadmirés, « étaient à juste titre tombés dans l'oubli ».

CLAUDE LE JEUNEClaude Le Jeune serait né à Valenciennes vers1530. À Paris, il est le protégé de François de laNoue et de Charles de Téligny, dédicataires des DixPseaumes de David. Membre de l'Académie depoésie et de musique fondée en 1570, il échappeaux massacres de la Saint-Barthélemy, et devientmaître de musique de François, duc d'Anjou etfrère du roi Henri III. Il compose pour les fêtes dumariage du duc de Joyeuse avec Marie de Lorraine(1581), entre au service du duc de Bouillon, vicom-te de Turenne, et enseigne la musique à Odet de leNoue et Louise de Nassau, duchesse de Bavière.Hostile à la Ligue, il s'enfuit à La Rochelle. Son amiJacques Mauduit met en lieu sûr ses manuscrits,notamment celui du Dodécacorde (1598). En 1596,sous Henri IV, Le Jeune est nommé compositeurordinaire de la Chambre du roi. Il meurt à Paris en1600, laissant de nombreux airs, chansons, madri-gaux, motets et psaumes, publiés après sa mort parsa soeur. Dans le prologue et les trois intermezzosde Luci mie traditrici, Salvatore Sciarrino citeQu'est devenu ce bel oeil ?, sur les vers élégiaquesdu Tombeau d'une belle et vertueuse dame deGilles Durand. Cette chanson à trois voix, au chro-matisme et à la métrique à l'Antique saisissants demodernité, remonte à 1594 et figure dans le secondlivre des Airs (1608).

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ERT DU 2 3 NOVEMBRE 2000 PERSE() E ANDROMEDAPERSÉE ET ANDROMÈDE

SALVATORE SCIARRINO

Elle a été abandonnée sur un rocher, au milieu de lamer. Elle s'appelle Andromède, elle était princesse.Un monstre devait la dévorer, mais cela n'a pas eulieu, au contraire. Complice, l'attente unit les deux,la belle a fasciné la bête et peut-être la bête a-t-ellefasciné la belle.Nous ne savons pas combien de jours se sont écou-lés, combien d'années. Un soir, ce soir, le hérosPersée arrive en volant et, de ses armes invincibles,taille en pièces le dragon pour libérer Andromède.Une saison enchantée s'achève avec le monstre.Andromède refuse de suivre Persée, d'être saproie, et choisit la solitude. Une tempête en mer estun beau spectacle. Mais être en elle ou l'avoir ennous est chose terrible.Le sujet de l'oeuvre peut sembler anomal, extrême,et ce n'est pas sa seule particularité : à la place de

l'orchestre, pour accompagner les personnages,nous trouvons des ordinateurs. Mais le son qu'ilsgénèrent emprunte une voie non orthodoxe, loindes effets habituels, émaillés, de l'électronique.

Une musique grise et rauque, une musique de pier-re, de mer, de vent, enveloppe donc le spectateurqu'elle projette dans une dimension technologique-ment avancée, et en même temps primordiale.Composé en 1990, à partir des contradictions aveclesquelles l'humanité entre dans le troisième millé-naire, Perseo e Andromeda peut être considérécomme une oeuvre emblématique. La rudesse d'unmythe antique s'unit au quotidien de la vie ; nousretrouvons le sens de la nature à travers la techno-logie ; enfin, une vocalité inventée réacquiert uneimmédiateté d'expression sans se retourner.

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LA SOLITUDE ET L'ATTENTEPAOLO PETAZZI

La solitude d'une femme est au centre de Perseo eAndromeda. Mais les sons et les personnages évo-qués sont ici radicalement différents de ceux desoeuvres antérieures. Le chant revient, tandis que lesinstruments cèdent la place à une musique électro-nique live. Chaque mot ou presque du livret deSciarrino est emprunté à Laforgue, et plus oumoins librement traduit. Certaines idées essen-tielles, comme le caractère capricieux et infantiledu personnage d'Andromède, le renversement dela position du monstre le dragon auquel la jeunefille doit être sacrifiée , sont également emprun-tées à Laforgue. Le dragon est un monstre bonasse ;il s'éprend d'Andromède qu'il retient prisonnière etcajole comme une enfant gâtée pour l'aider à sup-porter l'ennui d'un long séjour monotone sur uneîle perdue ; mais l'assèchement du texte prive l'in-dulgent dragon sciarrinien du caractère débonnairequ'il avait chez Laforgue, et lui donne une dimen-sion plus vague, plus mystérieuse.

Le schéma narratif reprend en partie celui deLaforgue : l'intrusion de Persée, qui tue brutale-ment le dragon, vient briser la tranquille monotonied'une situation bloquée ; mais Andromède, quiavait entrevu un instant avec ce nouveau venu laréponse à son attente, se refuse à suivre un hérossuffisant et décevant. Chez Laforgue, dans unhappy end ironique, la belle, repentie par leslarmes d'un amour sincère, ressuscite le monstre,lequel se transforme en un beau jeune homme.Chez Sciarrino, l'histoire s'interrompt surAndromède pleurant le dragon, sur ses interroga-tions angoissées (« Où sont les bons moments ?J'étais curieuse de »). L'omission décisive la

plus significative de toutes celles que présente lecourt livret opère un renversement radical, et,partant de Laforgue, l'oeuvre aboutit à une condi-tion existentielle, où l'attente reste sans réponse.L'intervention du faux héros se révèle être une plai-santerie cruelle, qui abandonne Andromède à desregrets tardifs, à des questions inutiles, à un destinfait de solitude et d'attente plus désolée encore.Cette situation dramaturgique bloquée et suspen-due, cette solitude sont déjà implicites dans le pay-sage : l'île, la mer, l'horizon illimité. Dans un textesur l'opéra, Sciarrino rappelle que, depuis long-temps déjà, le mythe d'Andromède l'avait attiré parla « condition existentielle dans laquelle tout sepasse : île, mer, prison, espace ». Et le paysage estindissociable de l'invention musicale elle-même,qui, comme dans Lohengrin (1982-1984), ne faitqu'un avec la conception dramaturgique, établis-sant avec elle une parfaite cohérence. Pour la pre-mière fois, Sciarrino utilise dans Perseo eAndromeda des sons de synthèse en temps réel,des sons créés par un ordinateur, mais non enre-

gistrés (« en temps réel », c'est-à-dire des sonsproduits au moment de l'exécution en direct). Danscette partition, aucun autre son n'accompagne lechant d'Andromède, du dragon ou de Persée. Lemaître d'incroyables alchimies sonores s'en remetici uniquement à l'électronique, mais il le fait, avecune absolue cohérence, dans la perspective mêmequi caractérise la phase la plus récente de sa pen-sée musicale, en particulier depuis Vanitas (1981).Au cours de ces dernières années, l'imagination deSciarrino a réduit son champ d'action à des zonestoujours plus circonscrites, en quête d'un assèche-ment radical. On ne peut pas parler de « minima-lisme », parce que le terme est employé depuislongtemps déjà pour des expériences musicalesd'une tout autre nature ; mais aussi parce queSciarrino poursuit une dimension particulière, danslaquelle l'exploration de possibilités inconnuesd'un instrument coïncide parfaitement avec lamanifestation d'une pensée musicale, où l'aspectconcret de la quête du son est inséparable de laconstruction formelle et des suggestions évoca-tives qui en résultent. L'exactitude de l'inventioninstrumentale, toujours différente, mais toujourséloignée des modalités traditionnelles de produc-tion du son, ne fait qu'un avec le projet de cetteoeuvre, ciselée dans une région liminaire entre leson et le silence, entre le son et le bruit, entre le sonet son fantôme.

Dans cette région liminaire, Sciarrino se frotte àl'électronique, en utilisant les moyens de celle-ciavec la même exactitude, la même finesse sophis-tiquée, la même vocation à réinventer le son. Parmiles infinies possibilités offertes par les nouvellestechnologies, Sciarrino opère des choix extrême-ment précis qui refusent résolument tout effet. Lessons de synthèse évoquent le vent et la mer, l'hori-zon sonore de la solitude de la protagoniste, le pay-sage de l'oeuvre. L'absolue précision, la finesse dela stylisation écarte tout risque d'effet naturalisteou descriptif. L'invention du son se dédouble, enquelque sorte, dans l'« imitation », dans l'illusionstylisée du vent et de la mer, elle se plie à différentsdegrés et possibilités d'association et d'évocation,se chargeant ainsi d'ambiguïté et de suggestionsecrète. Souffles et murmures, bandes sonorescontinuellement changeantes dans une mêmehomogénéité substantielle, qui se troublent envagues successives ou agitées parfois par dessecousses et de soudains sursauts, ils sont le ventet la mer, le paysage et l'horizon, mais aussi la voixde solitude, la monotonie de l'attente et le désarroi.Raisons dramaturgiques et musicales tendent àcoïncider avec une cohérence absolue.La définition précise des moindres nuances, duchangement constant du flux sonore, l'instabilitéinquiète d'une situation apparemment toujoursidentique sont le fruit d'une appropriation person-nelle des possibilités offertes par l'électronique.Sciarrino dit avoir obtenu un continuum homogène

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en partant du bruit blanc somme de toutes lesfréquences, de même que le blanc est la somme detoutes les couleurs , et avoir procédé par « syn-thèses soustractives » et non additives. Si « le sonblanc est déjà le bruit de la mer, est déjà le souffle »,il est filtré pour obtenir des hauteurs reconnais-sables, des sons et des bruits, des souffles, qui pré-sentent différents degrés d'intonation. Ces souffles,ces hauteurs et les différents degrés de leur identi-fication, du mélange entre bruit et son, sont minu-tieusement annotés sur la partition.

La partie électronique est indissociable de celle desvoix. La protagoniste, nettement dominante, pré-sente une stylisation nerveuse, hallucinée. Quandelle ne s'attarde pas sur la monotonie bloquée dudemi-ton initial, elle se distingue souvent par desdessins rapides en zig-zag, qui, partant d'un inter-valle très réduit s'élargissent progressivement, ten-dant le plus souvent vers le grave, et donnant l'im-pression de légères figures ornementales, d'uneprogression par bonds rapides, fragmentée névro-tiquement. Sciarrino a parlé, d'une manière sug-gestive, de tentacules dans le vide. Dans d'autrescas, la voix fait glisser précipitamment un grandnombre de syllabes dans l'espace d'un demi-ton,en partant d'une note tenue : cette solution revientaussi très souvent dans les rares interventions dudragon, même si l'on trouve dans son rôle, pour-tant très bref, de fréquents dessins en zig-zag, quis'ouvrent, pour ainsi dire, « en éventail ». Lesrares phrases de Persée sont confiées à deux voix,un baryton et une basse, toujours ensemble. Leurslignes, dont le profil est semblable ou parallèle,présentent aussi, avec des inflexions et desnuances différentes, les dessins en zig-zag ; mais levide qui s'ouvre entre elles produit un effet singu-lier, dont le poids est déterminant dans la défini-tion, très efficace, de la vanité du héros décevant.C'est un vide qui fait songer à l'effet produit dansune musique électronique utilisant le modulateuren anneau qui transforme deux sons en ceuxcorrespondant à la somme et à la différence deleurs fréquences.L'insistance sur ces modes d'écriture vocaleimplique la définition de variantes continues, par-fois très subtiles (par exemple les variantes ryth-miques dans la répétition des deux notes initiales).Leur exécution, précise dans les moindres détails,requiert des interprètes vocaux une virtuositéextraordinaire, mais qui refuse les effets et qui nefait aucune concession au pathétique : l'expressivi-té du chant d'Andromède se situe dans une dimen-sion glacée, implacable, hallucinée, dans la fixitémonotone ou dans le jaillissement névrotique.

LIVRETSALVATORE SCIARRINOD'APRÈS JULES LAFORGUE

Définition de l'îleAu bord de la mer, des enfants jouent. L'un d'euxfait semblant d'être un dragon. Peu à peu la scènese transforme à son tour : rochers en surplomb,arcs et pertuis de roche. On aperçoit des serpentsmonstrueux et des hipogriffes, un autre enfant arri-ve. La lutte se déroule à la tombée de la nuit. Quandtoute chose retourne ensuite à la solitude entre êtreet non-être, qui peut distinguer une plage tranquilledes traces d'une île fantasmagorique ?

(Ébats des quatre vents, l'après-midi, en poussièresqui s'irisent.)

AndromèdeLa mer, toujours la merLa mer borne la vueOh ! qu'un rayon de soleil vienne ici à tomber

La mer, toujours la merAutant mourir tout de suiteFace à l'horizon

La mer, toujours la merLes flots qui renaissent à perte de vue(Elle s'avise que sa plainte fait chorus avec celle duvent. Alors elle appelle :)Monstre !

Le DragonBébé ?

AndromèdeQue fais-tu ?

(Le Dragon se retourne en faisant chatoyer sonéchine sous marine.)

Le DragonJe concasse des galets pour ta fronde. Nous auronsun autre passage d'oiseaux avant le coucher dusoleil

AndromèdeCesse, ce bruit me fait mal. Je ne veux plus les tuer.Qu'ils revoient leurs pays ! Que je m'ennuie...Monstre ?...

Le DragonBébé ?

AndromèdePourquoi ne m'apportes-tu plus de pierreries ?(Le Dragon gratte une poignée de sable qu'il dépo-se sous le nez d'Andromède, toujours à plat-ventre,accoudée. Elle soupire distraitement :)

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Quel ennui...(Le Dragon reprend son trésor et l'envoie au fondde la mer.)Oh ! mes perles roses, mes anémones cristallisées !Oh ! j'en mourrai, j'en mourrai !(Mais elle se calme tout aussitôt, et vient, rampante,s'étaler, selon sa câlinerie familière, sous le mentondu Monstre, dont elle entoure le cou de ses brasblancs.)Si tu pouvais me guérir...Tu dis que tu m'aimesPrends-moi sur ton dos, emmène-moi

Le DragonTu le sais, ici nos destinées

AndromèdeNos destinées

Le DragonUne petite partie en mer ?

AndromèdeJe n'en ai plus envie

Le DragonTiens I Bébé ? Regarde là-haut. Oh ! Veux-tu ta fronde ?(C'était depuis le matin la troisième bande d'oi-seaux migrateurs d'automne.)

Andromède...aller où ils vont(Elle est sur pied d'un saut, et, hurlante, galopedans les rafales dans une région de miroirs. LeDragon se remet à concasser ses galets, elle semire dans une flaque.)

AndromèdeAndromède !Ma bouche ! Qui comprendra jamais ma boucheMes yeux ne répondent pasEt toujours je suis moi(Voici venir des nuées pluvieuses, qui vont troublerson miroir. Andromède dégringole la falaise dansl'averse.)Ah ! qu'il fût un remèdeAu bobo d'AndromèdeHissaô !À son bobo(L'averse est déjà loin.)Hissaô !Puisque nul ne m'vient en aide,Je vais me fiche à l'eau !

Hissaô !(Elle s'étale sur le dos dans le sable, les bras encroix face aux flots déferlants, et se laisse échouerplus loin dans les algues. Une nouvelle napped'averses passe sur l'île, puis la rumeur s'éloigne.Solitude atlantique. Andromède s'assied, et regar-

de l'horizon.)On aurait beau venir me chercher... Ah ! Je garderairancune toute ma vie, je garderai toujours un peurancune(Devant un soir qui tombe :)Adieu jour !

Le DragonPlus qu'à allumer les feux du soir et bénir la lune,avant d'aller se coucher(Voici le héros, sur un Pégase de neige dont lesailes teintes de couchants frémissent. Andromède,suffoquée de palpitations de jeune fille, accourt seblottir sous le Dragon.)

Le DragonAndromède, noble Andromède, c'est Persée.Rassure-toi : il va me tuer et t'emmener

AndromèdeIl ne te tuera pas !

Le DragonIl me tuera

AndromèdeIl ne te tuera pas s'il m'aime

Le DragonIl ne peut t'emmener qu'en me tuant(L'hippogriffe, bien stylé, s'arrête, ploie les genouxau ras des flots. Persée s'incline. Andromède bais-se la tête. Il repart sans un mot. Il monte en amazo-ne, croisant coquettement ses pieds, le creux de sapoitrine est laqué d'une rose, ses bras sont tatouésd'un cur percé d'une flèche, il a un lys peint sur legras des mollets. Il se met à exécuter des moulinetsde son épée adamantine Andromède ne bougepas , puis il fait virer sa monture, en présentant àla jeune captive le flanc. Le jeune chevalier noueses mains en étrier, et dit avec un grasseyementincroyablement affecté:)

PerséeAllez, hop ! À Cythère !(Mais le Dragon vient de plonger entre eux, et sagueule darde une lancette de flammes.L'hippogriffe se cabre. Persée décroche de sa cein-ture la tête de la Gorgone, et attend toujours, lebras tendu. Contraste entre le geste magistral etson échec. La sauvage petite Andromède n'a puretenir un certain sourire ; un certain sourire quePersée surprend ! Furieux, il remet la tête en place,brandit son épée, et, serrant bien le divin bouclierde Minerve, il fond sur le Dragon oh ! tandis quejustement là-bas la pleine lune se lève sur le mira-culeux miroir ! il le cerne par des voltigeséblouissantes, l'accule et lui enfonce si merveilleu-sement son épée au milieu du front, que le pauvres'affaisse et, expirant, n'a que le temps de râler à

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l'intention d'Andromède :)

Le DragonAdieu !(Malgré l'infaillibilité de sa victoire, Persée est tropexcité, et il faut qu'il s'acharne sur le défunt : il lelarde de balafres, lui crève les yeux, le massacre !Jusqu'à ce qu'Andromède l'arrête.)

AndromèdeAssez, assez

PerséeEt maintenant, ma toute belle

AndromèdeVous m'aimez, vous m'aimez vraiment ?

PerséeSi je vous aime ? Mais je vous adore ! Regarde-toi I

(Il lui tend un miroir. Andromède le repousse.)Ah I prenez. Il faudra que nous nous fassions belle !

(Il ôte un de ses colliers, un collier de monnaies d'orsouvenir des noces de sa mère Danae , et veut

le lui passer au cou. Elle le repousse doucement,mais il profite de son geste pour lui prendre à deuxmains la taille. Andromède pousse un cri, le cri desmouettes qui retentit dans la nuit.)

AndromèdeNe me touchez pas !... Tout ceci s'est fait si vite ! Jevous en prie, laissez-moi encore errer, dire un der-nier adieu à mon île, à la mer(Elle se détourne pour étreindre d'un geste l'hori-zon, et le surprend : le héros baillait ! Un élégantbâillement qu'il veut achever en sourire de grenadeouverte.)

Allez-vous-en ! Allez-vous-en ! Vous me faites hor-reur ! J'aime mieux mourir seule, allez-vous-en,vous vous êtes trompé d'île

PerséeAh bien, en voilà des manières !(Il exécute un moulinet de son épée, se remet enselle, et file dans l'enchantement du lever de lune,sans se retourner. Andromède reste là, hébétéedevant l'horizon, tandis que tombe la nuit.)

AndromèdePauvre MonstreQuel héros t'a tué !Et moi je reste dans la nuitOù sont les beaux moments ?J'étais curieuse de

JULES LAFORGUEJules Laforgue naît à Montevideo en 1860. À l'issuede ses études à Tarbes et à Paris, il échoue au bac-calauréat, et se livre à d'humbles travaux de copiepour Charles Ephrussi, directeur de la Gazette desbeaux-arts. Il se lie avec Charles Cros et GustaveKahn, puis avec Georges Seurat et ThéophileYsaye. En 1881, il est nommé lecteur auprès del'impératrice Augusta. À Berlin, il rédige sesComplaintes (1885), où, avec une frivolité feinte etironique, il se propose de « broder des figurescharmantes sur la trame de l'universelle illusion ».Lecteur de Schopenhauer et de Hartmann,empreint de désespoir métaphysique, il écrit lerecueil L'Imitation de Notre-Dame la Lune (1886).Atteint de tuberculose, il s'installe en 1886 à Parisavec une jeune Anglaise, Leah Lee, qu'il épouse.Il meurt en 1887 dans le dénuement le plus com-plet. Posthumes, les Moralités légendaires parais-sent en 1887. Hamlet, Lohengrin, Salomé, Persée etAndromède sont les héros de ces contes, entre unemythologie entachée d'incartades et la fable philo-sophique.Outre Persée et Andromède, Salvatore Sciarrinoa composé d'après Jules Laforgue Lohengrin,« action invisible » pour soliste, instruments etvoix (1982-1984).

PERSÉE ET ANDROMÈDE

Fils de Zeus et de Danaé, ancêtre direct d'Héraclès,Persée dut ramener au roi Polydectès la tête d'uneGorgone. Après avoir affronté les trois Grées, lehéros argien, aidé d'une besace, de sandales ailéeset du casque d'Hadès, que lui avaient remis lesNymphes, et qui rendait invisible quiconque s'encouvrait, trancha la tête de Méduse, seule Gorgonemortelle dont le regard transformait en pierre ceuxqui la regardaient. Sur le chemin du retour, Perséepassa par l'Éthiopie, où il rencontra Andromède,liée à un rocher. La mère d'Andromède, Cassiopée,avait prétendu que sa beauté était supérieure àcelle des Néréides, et expiait ainsi la vengeance desdescendantes d'Océan. Persée promit à Cépéhe, roid'Éthiopie, de délivrer sa fille vouée au sacrifice, s'ilconsentait à la lui donner en mariage, tua lemonstre marin venu dévorer Andromède, et rame-na celle-ci à ses parents. Mais la jeune fille était pro-mise à un oncle, Phinée, qui, mécontent, trama uncomplot. Montrant la tête de la Gorgone auxconspirateurs, Persée les transforma en pierre,avant d'emmener Andromède à Sériphos, à Argoset à Tirynthe, où elle lui donna sept enfants.

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CONCERT DU 4 DÉCEMBRE 2000mi iumm.111111111111111.111M unammimini

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MUSIQUE DE CHAMBREET CHAMBRE MUSICALEGIANFRANCO VINAY

La chambre est le lieu d'élection de la musique deSciarrino. Espace où musical et social sont indisso-lublement liés, et où s'accomplit une cosmogoniesonore. Deux signes inventés par Sciarrino, etpresque toujours présents dans ses partitions, cres-cenda dal nulla et diminuendo al nulla, avec un zéroà la rencontre des deux lignes de la fourche, exi-gent un espace acoustique protégé. Le « rien »doit être perceptible, afin que le geste sonore écla-te dans toute son intensité par rapport au silencequi le précède. Un geste toujours dramatique, étantdonné que la distance entre ce « rien » et le sonest énorme, même si ce dernier est fragile et éva-nescent : un souffle modulé de la flûte en crescen-do et decrescendo, comme une respiration lente etrégulière dans L'orizzonte luminoso di Aton"(L'horizon lumineux d'Aton), la vibration d'unaccord trillé joué par un accordéon stellaire dansVagabonde blu (Bleu vagabond), un agrégat sono-re explosif et tranché dans Muro d'orizzonte (Murd'horizon).La reprise d'un geste, toujours variée et enrichie denouveaux éléments, crée une périodicité dépaysan-te permettant d'entrer progressivement dans ununivers musical ô combien singulier. L'auditeur estcomme absorbé dans un placenta sonore, lequelrespire selon un rythme musical modelé sur lapériodicité des phénomènes naturels. La musiquede Sciarrino respire. La flûte et les bois respirent,l'accordéon respire. Cette respiration crée unesynergie particulière entre musicien, instrument etpublic, une synergie plus proche d'un rituel chama-nique que d'un concert, au sens conventionnel duterme. Le souffle est celui du musicien, celui del'instrument, mais aussi notre propre souffle.Dans quelle chambre jouer et écouter une tellemusique ? Certainement pas dans le lieu destinétraditionnellement à la musique de chambre, lesalon, à moins qu'il soit insonorisé, ou situé dansune rue tranquille, et que la musique soit jouée aucur de la nuit, le moindre bruit extérieur pouvantaltérer la périodicité du souffle. La salle de concert,de théâtre, ou l'église deviennent donc des substi-tuts urbains nécessaires. Mais il faut garder à l'es-prit qu'ils ne sont que les substituts d'un lieu idéal.La « chambre », en tant qu'espace musical etsocial, doit garder le caractère intime du salon et lerecueillement silencieux d'un cloître, stimuler uneécoute en même temps sensuelle et contemplative.Au fur et à mesure que la musique de Sciarrinoavance, elle donne consistance sonore et réalitépoétique à ce lieu utopique ; son placenta sonoreenveloppe les auditeurs devenant « chambre »acoustique et musicale.Le but de la respiration musicale de Sciarrino n'est

pas de nous mettre en transe, mais de nousréveiller à l'écoute de phénomènes sonores subtils,souvent presque impalpables, et de nous faire vivreun « drame de l'écoute ». Drame, au sens philolo-gique d'« action » (drâma): tout le contraire, donc,d'une ataraxie rêveuse. Chaque oeuvre est uneaction dramatique interprétée par des personnagessonores, qui assument des rôles différents selonune stratégie compositionnelle soigneusementagencée, autant dans la courbe macrostructurelleque dans les moindres détails de chaque son.Dans les uvres « pneumatiques », le « drame del'écoute » dérive d'un dialogue entre le soufflegénérateur et les sons générés, dans l'étendued'une gamme très riche en solutions limites. Audébut de L'orizzonte luminoso di Aton, la respira-tion modulée de la flûte est interrompue par l'émis-sion de dyades sonores jaillissant du « rien »(crescendo dal nulla), des souffles modulés seréfractant ainsi dans le miroir renversé des sonssoufflés. Cette confrontation se fait ensuite plusviolente, des arpèges produits par des modulationsde toux dialoguant avec des mélismes soufflés. Lessons soufflés deviennent de plus en plus évanes-cents : ils ne sont désormais que des « ombressonores », selon l'expression placée sur les trémo-los d'harmoniques conclusifs.Dans Vagabonde blu, l'interpolation du souffle del'accordéon, au début de la respiration régulière del'accord trillé, annonce un possible dialogue entrele son soufflé et le souffle. Mais avant qu'il ne seréalise, il faut attendre que la répétition hystériquede l'accord trillé fasse tomber des cascadessonores tout autour. Elles sont interrompues, versla fin de l'épisode, par le souffle de l'accordéon quipartage dorénavant le rôle de protagoniste avecl'accord trillé.Dans Muro d'orizzonte, les cris de la flûte fontentendre dès le début que le drame sera plus vio-lent. Le souffle est ici percutant, et les silences,entre un cri et l'autre, amplifient le sentiment demenace. Les deux instruments à anche, qui renfor-cent au début le caractère percussif de l'émissionsonore, intensifient leur participation à un dialoguede moins en moins discontinu. Des sons multipho-niques longuement tenus magnifient jusqu'à la fincette continuité désormais atteinte, où les trois ins-truments se rejoignent dans l'émission du mêmegeste sonore percussif produit par des coups delangue ppp.La première impression physique et émotionnellesuscitée par la Quatrième Sonate pour piano est levertige produit par le paroxysme et par l'obstina-tion du son percuté. Dans la « chambre » saturéede cette sonate, la réduction drastique de gestespianistiques constamment réitérés génère un dis-cours riche et subtil. La combinaison entre lesaccords percutés dans les registres extrêmes dupiano et les mouvements contraires des petitsgrains de son dans les registres médians, ainsi quele décalage entre les dynamiques de deux orga-

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nismes sonores, créent une modulation fluctuantedes masses sonores, comme si l'auditeur regardaitau stroboscope le roulement de vagues impé-tueuses.

*ATONDans l'Égypte ancienne, une grande ferveur reli-gieuse se manifestait envers l'astre solaire, person-ne divine unique aux noms et aux formes divers.loh et Aton représentaient le soleil dans sa totalitéastrale le nom commun aton désigne à l'originele disque solaire. Contrairement à Rê et à Amon-Rê,« taureau parfait de l'Ennéade et chef de toutes lesdivinités », contrairement à Osiris et à Seth, assas-sin d'Osiris, lesquels avaient pris corps d'homme ets'étaient parés d'attributs individuels pour s'offrir àl'adoration des humains, Aton n'avait ni mythe nistatue. Il était le signe d'une réalité physique immé-diate. Son culte, instauré par le pharaonAménophis IV, devenu Akhnaton, fut l'une desmanifestations de monothéisme dans la hauteAntiquité. L'« horizon d'Aton », ou « horizon dudisque solaire » (akhetaton), est le nom de la capi-tale éphémère qu'Aménophis IV implanta au nordde Thèbes.

INFINITO NEROESTASI DI UN ATTO

NOIR INFINI, EXTASE EN UN ACTE

D'APRÈS SALVATORE SCIARRINO

Les premières esquisses d'Infinito nero, estasi di unatto remontent à l'été 1997. Le livret est basé surdes textes de Maria Maddalena de' Pazzi, une mys-tique du début du XVII' siècle. À la fin des annéesquatre-vingt, j'avais trouvé une édition moderned'un choix de ses écrits, Le Parole dell'estasi. MariaMaddalena de' Pazzi était folle, et avait des visionsmystiques. Elle était issue d'une famille florentineconnue. C'est probablement la raison pour laquelleelle a été canonisée. Son personnage est gênant,presque diabolique. Chez elle, il est difficile de dis-tinguer vraiment Dieu du Diable. Et ses visions sonttoujours angoissantes, elles revêtent un authen-tique caractère pathologique.La manière dont ses textes nous sont parvenus esttout à fait singulière. Maria Maddalena de' Pazzin'écrivait rien. Tout ce qu'elle nous a transmis l'aété oralement. Son histoire est saisissante. Huitnovices l'entouraient, quatre répétaient ce qu'elledisait, parce qu'elle parlait beaucoup trop vite pourêtre suivie, et les quatre autres écrivaient tout ceque les premières répétaient. Les mots jaillissaientd'elle comme d'une mitraillette, puis elle tombaitdans un long silence. Cette bizarrerie, cette éviden-te pathologie, est aussi une forme extrême d'oralité.Il ne s'agit plus de mots en soi, mais d'une cascade,

d'un flux langagier flux » dans le sens d'écou-lement, mais aussi d'influence. L'histoire de MariaMaddalena de' Pazzi, ses dictées en groupe, sesmots et leurs transcriptions ont aussi quelquechose d'éminemment théâtral, et pourraient être lesujet d'un opéra, ou plutôt d'un film ou d'un docu-mentaire.Cette scission entre l'énonciation la plus rapide etle mutisme le plus complet, la transition spontanéevers le silence sont aussi caractéristiques de mamusique. Le silence n'est pas vide, mais naissancedu son, expérience de la vie. Peut-être mon silenceest-il maintenant plus sombre. Je ne me seraisjamais cru capable d'écrire le début de l'ceuvre,avec son rythme de respiration. Sommes-nous àl'écoute de notre propre coeur ? Je refuse touteamplification des instruments, car l'auditeur doitsentir les différences de respiration et les batte-ments de coeur de Maria Maddalena de' Pazzi. Maisest-ce un coeur, un instrument, le bois du piano ?Auparavant, je n'avais peut-être pas utilisé les sonset les bruits aussi consciemment et de manière siprécise, avec une telle sûreté technique. J'atteinsdésormais une réelle profondeur, jusque dans leson du silence.Mes oeuvres les plus récentes sont presque nues.Cette nudité est déterminante à l'écoute. C'est àcette condition que la musique s'empare de nous.Un processus de réduction ou d'ascèse en rapportavec le sujet est à la base de mon travail. Or, l'as-cèse n'est rien d'autre que le silence. Toutes lesformes de langues et d'expériences s'altèrent, per-dent leur normalité, lorsqu'elles sont restreintes, etil suffit d'un seul son pour comprendre ce qu'est leson et ce qu'est le silence.Dès le début, le thème central d'Infinito nero était ledialogue, l'idée de polarité, le noir et le blanc.Initialement, j'avais même envisagé deux solistes.L'espace de la scène doit être divisé, non par desconstructions, mais par la lumière, noire et blanche.Il ne s'agit pas d'une division stable, mais de chan-gements de lumières rapides, inconscients,presque des clins d'oeil. Ces changements sont àl'image de l'ceuvre et de ses discours parallèles. Leplus important, c'est l'idée que la concordance descontradictions soit visible. Infinito nero aurait pus'intituler Infinito bianco. Ce n'est pas un paradoxequand je regarde un long moment le blanc ou lenoir, je vois la même chose.La partition ne contient aucune indication de miseen scène, si ce n'est vers la fin, où il est précisé quel'interprète se tord, comme rongé de l'intérieur.Lors de la composition, une ancienne étude surl'hystérie m'est venue à l'esprit, un document deCharcot de l'époque ante-freudienne, à la fin duXIX' siècle. Charcot y analyse les mouvements des« possédés du Diable », tels qu'ils sont égalementreproduits dans la peinture. Dans une sorte demouvement à terre, les hystériques tendent toutleur corps comme un arc, soutenus uniquement parles pieds et les épaules. Il est singulier que les

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novices aient décrit le même mouvement chezMaria Maddalena de' Pazzi : « Elle s'assoie, et com-mence à se tordre. » Ces mouvements caractéri-sent une possédée du Diable.Dans une deuxième version, le livret reprenaitaussi quelques lignes de Jules Laforgue. Laforguetenant une position « critique », je les ai éliminées.Son texte fait partie de l'environnement de l'ceuvre,mais Maria Maddalena de' Pazzi traduit mieux lasolitude, la douleur et le sentiment de perte. Lerésultat est vraisemblablement plus probant ainsi,sans rupture stylistique. Car demeure cette sépara-tion entre le noir et le blanc, entre Dieu et le Diable,peut-être même entre le silence et la parole. Ouentre la respiration et le silence.

MARIA MADDALENA DE' PAZZIIssue d'une famille de l'aristocratie, MariaMaddalena de' Pazzi naît en 1566 sous le nom deCaterina de' Pazzi dans la Florence des Médicis. En1574, elle entre au couvent en qualité d'écolière.Ses premières visions ou « extases » datent de1578. De 1582 à sa mort en 1607, elle vit au cloîtreS. Maria degli Angeli, où, lors de ses voeux, ellereçoit le nom de Maria Maddalena. Sa vie est tra-versée d'extases périodiques, dont les mots sontretranscrits dans Eccesso d'amore, Colloqui,Revelatione e intelligentie, Renovatione dellaChiesa. En 1602, elle tombe gravement malade. Sesextases cessent. Les dernières années de sa vie sedéroulent dans la souffrance nue (nudo patire). En1626, elle est béatifiée par Urbain VIII, avant d'êtrecanonisée en 1669 par Clément IX.

Mardi 22 mai 2001, 20 heuresCité de la musique

ENSEMBLE INTERCONTEMPORAINDIRECTION, JONATHAN NOTT

Salvatore SciarrinoLOHENGRIN

Action invisible pour soliste, instruments et voixLivret du compositeur d'après Jules Laforgue

Marianne Pousseur, voix/actriceJean-Claude Berutti, mise en espace

Rudy Sabounghi, collaboration artistique

Renseignements 01 4484 4472

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LIVRETSALVATORE SCIARRINO

D'APRÈS MARIA MADDALENA DE'PAZZI

l'âme se changeait en sang, à ne rien entendre quele sang, à ne rien voir que le sang, à ne rien goûterque le sang, à ne rien sentir que le sang, à ne rienpenser d'autre qu'au sang, à ne pouvoir penser àrien d'autre qu'au sang. Et tout ce qu'elle faisait lanoyait et la submergeait dans ce sangs'influer flux influait renfluait et le sang influait ren-fluait flux renfluer renfluerenflue flux renfluaient flux renfluaient en surexal-tantalors le Saint a versé sur ma tête un vase et le sangm'a recouverte tout entière. La Sainte aussi a versé.En se mélangeant au sang, le lait m'a fait une robemagnifique. La face dans l'ombreo, o, o (silence) o, o, o (silence)o, si les plantes pouvaient aimer, elles ne crieraientrien d'autreo, je ne sais (silence)timui timore amoris. Timui timore amoris. Timuitimore amoris (silence)mais dis-le, mais dis-lemors intravit per fenestras. Mais pourquoi tudes figures et des visages, aspiration, inspiration etrespiration en toi (silence)vienssur ton corps des ouvertures inconnues pour nous.Portes, fenêtres, trous, cellules, pertuis de ciel,cavernes. Sans fond ruisselants. Ce sont les plaiesoù je me perdsviens, viensavec la couronne : ses épines, longues, transper-cent le Père éternel dans les cieuxil écrit sur moi avec le sang. Tu écris avec le lait dela Vierge. L'Esprit écrit avec les larmesviensque les nuages ne s'ouvrent pas, mais le ventre vir-ginal (silence) oui maisviens, viens, o, viens viens (silence)hélas, en vivant je meurs (silence) o, o, o (silence)(s'arrêtant, elle s'assied)voilà, je suis à terre (silence) je ne peux descendreplus bas (silence) et ainsi (silence) o sage folie(silence)(en ouvrant les bras elle se détend, immobile. Puiselle commence à bouger : gestes et mouvementsqui semblent la consumer, longtemps)je n'entends pas (silence) le tien est meilleur, oui,oui (silence) hélas (silence) tu es sans fin, mais jevoudrais voir une fin en toi

Traduction de l'italien, Maria-Laura Broso-Bardinet

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BIOGRAPHIES

SALVATORE SCIARRINONé à Palerme en 1947, Salvatore Sciarrino s'intéressedans son enfance aux beaux-arts. Doué d'un talentprécoce, il choisit cependant la musique qu'il étudieen autodidacte, avant de suivre, dès l'âge de douzeans, l'enseignement d'Antonio Titone, puis de TuriBelfiore. En 1962, lors de la Troisième Semaine inter-nationale de musique contemporaine de Palerme, ilest joué pour la première fois. Après ses études clas-siques, il vit à Rome, puis à Milan. Lauréat de nom-breux prix IGNM et Taormina (1971), GuidoMonaco (1972), Cassadô, IGNM et Dallapiccola(1974), Anno discografico (1979, Psacaropoulos(1983), Abbiati (1983), Premio Italia (1984) , il dirigele Teatro Communale de Bologne (1978-1980), etenseigne dans les conservatoires de Milan, Pérouseet Florence. Il vit à Città di Castello (Ombrie). Le cata-logue complet de ses oeuvres, édité par Ricordi en1999, recense 164 uvres instrumentales, vocales,solistes, réalisations et transcriptions, auxquelles ilconvient d'ajouter les livrets d'opéras et de nom-breux écrits, parmi lesquels le livre Le Figure dellamusica, da Beethoven a oggi (1998).

TEODORO ANZELLOTTI, ACCORDÉONNé à Candela, Teodoro Anzellotti étudie à Karlsruheet Trossingen. Lauréat de prix internationaux, ilenseigne l'accordéon et la musique de chambre à laHochschule für Musik und Theater de Berne, et,depuis 1992, aux cours d'été de Darmstadt. Sonrépertoire s'étend de la musique baroque aux créa-tions contemporaines : Luciano Berio (Sequenza XIII),James Dillon, Beat Furrer, Heinz Holliger, MauricioKagel, VVolfgang Rihm et Salvatore Sciarrino.

ALDA CAIELLO, SOPRANOAida Caiello étudie le piano et le chant auConservatoire de Pérouse, avant de faire ses débutsau Festival de Montepulciano et à Umbria Jazz.Interprète de Bach, Pergolèse, Mozart ou Rossini,mais aussi du répertoire contemporain (The RaraRequiem de Bussotti, Quare Tristis et Pensieri Canutide Guarnieri, Don Perlimplin de Maderna, lo, fram-mento dal Prometeo de Nono...), elle chante sous ladirection de Myung-Whun Chung et Frans Brüggen.

JONATHAN FARALLI , PERCUSSIONJonathan Faralli étudie la percussion et la composi-tion au Conservatoire Cherubini de Florence, sous ladirection de Renzo Stefani et Gaetano Giani Luporini,et avec David Lee Searcy et Christoph Caskel.Diplômé du Conservatoire Rossini de Fermo, il seperfectionne à Amsterdam et auprès des Percussionsde Strasbourg. Outre ses nombreux concerts, ensoliste ou en ensemble, il collabore à l'institut TempoReale dirigé par Luciano Berio.

ANDREAS FISCHER, BASSEAndreas Fischer étudie la pédagogie musicale et lechant à Stuttgart et à Vienne, et interprète très vite lerépertoire contemporain. Membre des NeuenVokalsolisten Stuttgart, il se produit en soliste ou en

formation chorale, et participe à de nombreuses créa-tions. Il collabore avec des compositeurs et des chefsd'orchestre, parmi lesquels Luciano Berio, PéterEôtvôs, Helmut Lachenmann, Manfred Schreier,Salvatore Sciarrino et Karlheinz Stockhausen.

CAROLA GAY, VOIXNé en 1981, Carola Gay étudie au ConservatoireGiuseppe Verdi de Milan, avant de se perfectionnerauprès d'Elfride Demetz, Daniele Gay (violon), BrunoCasoni (chant choral) et Silvana Manga. Membre duCoro delle voci bianche du Conservatoire et du Teatroalla Scala de Milan, elle se produit en tournée avec laCompagnie Cuticchio, au Teatro Comunale de Tréviseà l'Accademia Filarmonica de Rome et à

l'Associazione Scarlatti de Naples.

NICOLAS HODGES, PIANOInvité des principaux festivals britanniques(Aldeburgh, Brighton, Cambridge, Cheltenham,Édimbourg, Huddersfield, Oxford), français, italienset autrichiens, Nicolas Hodges interprète Birtwistle,Hopkins (Études en série), Kagel, Nono ouStockhausen, sous la direction de Martyn Brabbins,Tadaako Otaka et André Richard. Dédicataire duTroisième Nocturne de Salvatore Sciarrino, il créerala Sixième Sonate du musicien italien en 2001.

SIMON JAUNIN, BARYTONSimon Jaunin étudie le chant avec Juliette Bise, RenéJacobs, Eric Tappy et Heidi Wôlnerhansen. Lauréatdu Prix Kiefer-Hablitzel en 1998, il est membre del'Opéra de Zürich (1998-2000), puis du Théâtre deLucerne, et se produit sous la direction de EmilioPomarico, Beat Furrer, Jonathan Nott ou MichelCorboz, avec lequel il enregistre Jephté (Carissimi).Des opéras de Bizet, Haydn, Puccini, Purcell, Rossini,Strauss et Stravinsky sont à son répertoire.

OTTO KATZAMEIER, BARYTONNé à Münich, Otto Katzameier étudie la flûte et lechant au Conservatoire Richard Strauss de sa villenatale, auprès de Hans Hotter, et en Bulgarie. Il seconsacre au récital, notamment aux oeuvres deSchubert et Mahler, à l'oratorio et à l'opéra (Berio,Henze, Mozart, Rossini et Sciarrino), et se produitavec Michael Pletnev, Ivo Pogorelich, le DresdnerKreuzchor ou l'Orchestre Philharmonique de Münich.Il est membre du Théâtre de Lucerne depuis 1999.

MONI OVADIA, RÉCITANTNé en 1946 à Plovdiv (Bulgarie), dans une famillejuive, Moni Ovadia étudie la politique à Milan.Fondateur et directeur du Gruppo Folklnternazionale, puis de l'Ensemble Havadla, il colla-bore avec Pier'Alli, Bolek Polivka, Tadeusz Kantor,Giorgio Marini, Franco Parenti et Mara Cantoni.Acteur et musicien dans Dalla Sabbia dal tempo, ilfonde en 1990 le TheaterOrchestra. En 1994, il se lieavec Roberto Andô, avec lequel il crée spectacles etfilms. Il tourne sous la direction de Nanni Moretti etMario Monicelli.

OSCAR PIZZO, PIANOInvité des principaux festivals européens et améri-cains, Oscar Pizzo se produit au Teatro alla Scala deMilan, à Darmstadt, Madrid ou New York, en soliste,

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en duo (avec lrvine Arditti), ou avec l'ensemble AlterEgo, dont il est le fondateur. Il donne masterclasseset séminaires à la Bucknell Université (USA), auConservatoire de La Havane (Cuba) et auConservatoire de Trapani (Italie). Il collabore avecSalvatore Sciarrino et crée Polveri laterali (1997).

MARIANNE POUSSEUR, VOIXMarianne Pousseur étudie le chant et la musique dechambre au Conservatoire de Liège, et chante dans leCollegium vocale et la Chapelle royale de PhilippeHerreweghe. Interprète du Pierrot lunaire, de Cage,Eisler ou Poulenc, elle fonde le Helix Ensemble, par-ticipe à la création de La Grande Formation, et se pro-duit avec les principaux ensembles européens. Elleenseigne au Conservatoire de Bruxelles, puis auConservatoire Royal de Mons.

ANNETTE STRICKER, SOPRANOAnnette Stricker étudie le chant et le piano àHambourg, Francfort, Münich, sous la direction deInge Borkh, et à l'Accadennia internazionale diMantova, où elle se perfectionne dans l'interprétationdu bel canto et des uvres de Rossini. Elle chante àl'opéra et au concert, notamment aux côtés de KatiaRicciarelli, et crée Nacht de Georg Friedrich Hass etLuci mie traditrici de Salvatore Sciarrino. AnnetteStricker est membre du Théâtre de Lucerne.

SONIA TURCHETTA, VOIXNée à Naples, Sonia Turchetta étudie le chant, lepiano et la composition au Conservatoire GiuseppeVerdi de Milan, où elle enseigne maintenant.Chantant en neuf langues, elle se produit notammenten concert et à l'opéra, à la Scala de Milan, à LaFenice de Venise, au Maggio musicale de Florence età l'Ircam. Créatrice de La perfezione di uno spirit()sottile, de Nuvolario et d'Infinito nero, elle enregistreVanitas et Efebo con radio de Salvatore Sciarrino.

ULRICH WAND, BARYTONSoliste du Tôlzer Knabenchor, Ulrich Wand étudie à laMusikhochschule de Karlsruhe et à l'Académie roya-le de musique de Copenhague. Il se produit à Milan,Prague et Würzburg, en Pologne, au Japon et auxUSA. Harlekin (Ariadne auf Naxos), Marcello (LaBohème), Eisenstein (Die Fledermaus), il participe àla création de Sade Teresa de Marius Constant.Membre de l'Opéra de Osnabrück, il chante avec lesNeue Vokalsolisten Stuttgart.

KAI WESSEL, ALTO (CONTRE-TÉNOR)Né à Hambourg en 1964, Kai Wessel étudie à la

Musikhochschule de Lübeck. Élève de la ScholaCantorum Basiliensis de René Jacobs, dont il devientl'assistant, lauréat de nombreux prix internationaux,il chante sous la direction de Christie, Harnoncourt,Herreweghe, Koopman, Kuijken, Leonhard et Savaii,enregistre de nombreux disques, et enseigne à laMusikhoschule de Cologne. En 1998, il participe à lacréation de Luci mie traditrici de Salvatore Sciarrino.

MANUEL ZURRIA, FLÛTENé à Catane en 1962, Manuel Zurria étudie la flûte àRome. Soliste, il participe à des productions de

théâtre musical, et collabore avec Sylvano Bussotti,Aldo Clementi, Franco Donatoni, Luca Francesconi,Stefano Gervasoni, Philip Glass, Henri Pousseur etSalvatore Sciarrino, dont il crée notamment, outredes transcriptions, Omaggio a Burri et Nuvolario(1995), Il cerchio tagliato dei suoni (1997), Studi perl'intonazione del mare et lmmagine fenicia (2000).

ENSEMBLE KLANGFORUMFondé en 1985 à l'initiative de Beat Furrer,Klangforum Wien est un ensemble de vingt-quatresolistes refusant les structures hiérarchiques. Sous ladirection de Cerha, Eôtvôs, Metzmacher, Tamayo,Wyttenbach, Zender ou Cambreling (Premier Chefinvité depuis 1997), il participe à de nombreux work-shops, activités pédagogiques et festivals demusique contemporaine (Europe, Japon, USA), etdonne tous les ans des concerts au WienerKonzerthaus. Interprète des Viennois, de Barraqué,Boulez, Feldman, Lachenmann, Nono, Scelsi ouVarèse, mais aussi de jazz expérimental et de théâtremusical, il enregistre pour le cinéma, la télévision etle disque (Accord, CP0, Wergo, Kairos...).Eva Furrer, Vera Fischer, flûteBernhard Zachhuber, clarinetteLorelei Dowling, Dorothy Mosher, bassonGerald Preinfalk, Peter Rohrsdorfer, saxophoneSasa Dragovic, Zoran Curovic, trompetteAndreas Eberle, Dimitrios Polisoidis, tromboneLukas Schiske, Bjôrn Wilker, percussionsSophie Schafleitner, Gunde Jâch-Micko,Annette Bik, Aileen Dullaghan, violonAndrew Jezek, Dimitrios Polisoidis, altoBenedikt Leitner, violoncelleUli Fussenegger, contrebasse

ENSEMBLE RECHERCHEFondé en 1984, l'Ensemble Recherche est constituéde huit musiciens et reçoit le soutien de la ville deFreiburg et du Land Baden-VVürttemberg. Son réper-toire s'étend des classiques du XXe siècle aux avant-gardes berlinoises des années 1920 et aux créationscontemporaines. Parmi ses enregistrements figurentdes oeuvres de Dallapiccola, Eisler, Feldnnan, Huber,Lachenmann, Nono, Rihm, Spahlinger ouZimmermann, mais aussi des Heirspiele et desmusiques de film. Lauréat du Schneider-Schott-Musikpreis (1995), de la Fondation Siemens (1996) etdu Rheingau-Musikpreis (1997), il est le créateur et ledédicataire d'Infinito nero et de Muro d'orizzonte deSalvatore Sciarrino.Melise Mellinger, violonBarbara Maurer, altoLucas Fels,violoncelleMartin Fahlenbock, flûteJaime Gonzalez, hautboisShizuyo Oka, clarinetteKlaus Steffes-Hollânder, pianoChristian Dierstein, percussion

LOST CLOUD QUARTET, SAXOPHONES(Marco Bontempo, Leonardo Sbaffi, Daniele Berdini,Gianluca Pugnaloni). Lauréats de nombreux prixnationaux et internationaux, les membres du LostCloud Quartet étudient au Conservatoire Rossini de

Pesaro, avant de se produire en Europe et en Algérie,et d'enregistrer pour différentes radios italiennes etespagnoles, et pour RCA et Virgin. Interprète durépertoire contemporain, le Lost Cloud Quartet tra-vaille avec Franco Donatoni, Giacomo Manzoni etSalvatore Sciarrino, qui lui dédie La bocca, i piedi,suono (1997), pour quatre saxophones contraltos etcent saxophones en mouvement.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE BAMBERGEn 1946, des membres de la Deutsche Philharmoniede Prague et des musiciens de Karlsbad et Schlesien,retenus à Bamberg après la Seconde Guerre mondia-le, créent l'Orchestre Symphonique de Bamberg. Cetorchestre, le premier orchestre allemand à revenirdonner des concerts en France, tourne ensuite enEurope, en Amérique, en Asie et en Afrique, sous ladirection de Ivan Fischer, Michael Gielen, EugenJochum, Rudolf Kempe, Joseph Kleiberth, HansKnappertsbusch, Clemens Krauss, lngo Metzmacher,Horst Stein (Chef honoraire) ou Hans Zender. Depuis1993, l'orchestre dispose de la BambergerKonzerthalle, et, depuis janvier 2000, il est dirigé parJonathan Nott.

CARMEN MARIA CARNECI, DIRECTIONNée en Roumanie, Carmen Maria Carneci étudie lacomposition et la direction à Bucarest, puis àFreiburg, avec Klaus Huber et Francis Travis, avant dese perfectionner lors de masterclasses de PierreBoulez (Avignon), Péter Eôtvôs (Szombathely) et KurtMasur (Weimar). Lauréate de prix internationaux, elleest assistante de Michael Gielen à Donaueschingenet Baden Baden. À l'Opéra de Stuttgart, où elle estrégulièrement invitée, elle crée Perseo e Andromedade Salvatore Sciarrino, oeuvre qu'elle reprend ensui-te à Gibellina et au Teatro alla Scala de Milan. Àl'Opéra de Bonn, elle donne aussi Lohengrin, en1993, et son propre Giacometti, en 1996. Professeurinvité de composition à l'Académie de musique deBucarest, elle dirige aux festivals de Dresde, Berlin,Zürich, Bucarest... Depuis 1994, elle dirige l'ensemblePerfectio Initiative Freiburg.

BEAT FURRER, DIRECTIONNé le 6 décembre 1954 à Schaffhausen (Suisse), BeatFurrer est l'élève d'Otmar Suitner, pour la direction,et de Roman Haubenstock-Ramati, pour la composi-tion, à la Wiener Musikhoschule (1979-1983). Il étudiela musicologie et la philosophie, et fonde, en 1985,l'ensemble Klangforum Wien, dont il est directeurmusical. Lauréat de nombreux prix internationaux, etnotamment de la Fondation Siemens (1992), il estnommé professeur de composition à laMusikhochschule de Graz en 1991. La même année,Claudio Abbado dirige au Wiener Musikverein lacréation de Face de la chaleur (1991). Compositeur enrésidence aux Internationalen Luzerner Festwochen(1996), Beat Furrer a écrit deux opéras : Die Blinden,d'après Maeterlinck, et Narcissus. Il dirige notam-ment lors des festivals de Graz, Salzbourg, Venise ouVienne.

JONATHAN NOTT, DIRECTIONNé à Solihull (Grande-Bretagne) en 1962, Jonathan

Noot étudie la flûte, le chant et la direction au CollègeSaint John à Cambridge et au Royal Northern Collegeof Music de Manchester (1984-1986). Assistant auNational Opera Studio de Londres, nomméKapellmeister de l'Opéra de Francfort en 1988, del'Opéra de Wiesbaden en 1992, il devientGeneralmusikdirektor de Wiesbaden (1995-1996), oùil dirige notamment la Tétralogie, puis directeurmusical de l'Opéra et de l'Orchestre Symphonique deLucerne. Invité par les principaux ensembles euro-péens, il participe à des créations de BrianFerneyhough, Michael Jarrell, Helmut Lachenmann,Emmanuel Nunes et Wolfgang Rihm. Chef invité del'Orchestre Philharmonique de Moscou, del'Orchestre Philharmonique de Bergen, del'Orchestre de la Radio de Stockholm, de l'OrchestreSymphonique de la VVDR de Cologne, il dirige depuiscette année l'Orchestre Symphonique de Bamberg etl'Ensemble Intercontemporain.

ALVISE VIDOLIN, RÉGIE DU SONNé à Padoue en 1949, Alvise Vidolin mène des étudesscientifiques et musicales. Il enseigne la musiqueélectronique au Conservatoire Benedetto Marcello deVenise et à la Civica Scuola di Musica de Milan.Fondateur et membre du Centro di SonologiaComputazionale (CSC) de l'université de Padoue, ilcrée l'association AIMI.11 est directeur de la produc-tion musicale de Centro Tempo Reale à Florence(1992-1998), membre du comité scientifique deGATM (Groupe d'analyse et de théorie musicale) etdu comité scientifique des Archives Luigi Nono.Alvise Vidolin a notamment collaboré avecAmbrosini, Battistelli, Berio, Clementi, Donatoni,Guarnieri, Nono et Sciarrino.

À paraître en novembre 2000, Ricordi Milan

Salvatore SciarrinoPERSE() E ANDRO

Festival d'Automne à Paris156, rue de Rivoli, 75001 Paristéléphone. 01 53 45 17 00/télécopie. 01 53 45 17 01site : www.festival-automne.come-mail : [email protected]

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"Il y a tant de voixà vous faire entendre"

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Musique sacrée, opéra, jazz vocal, créations contemporaines... Depuis plus

de 10 ans, notre fondation encourage la formation et les débuts de jeunes

talents. Notre mécénat s'exprime aussi à travers le soutien d'ensembles

vocaux, de productions lyriques, de saisons vocales et de festivals.

C'est pourquoi, nous avons choisi d'accompagner à nouveau le Festival

d'Automne à Paris en nous portant mécène du cycle monographique

en cinq événements du compositeur Salvatore Sciarrino. Aux côtés de ceux

qui font vivre et revivre l'art vocal, nous nous engageons pour que

toujours plus de voix puissent partager leurs talents, leurs émotions.

www.francetelecom.com/fondatton

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